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VIII. John Rawls, Une théorie politique de la justice http://www.lyber-eclat.net/lyber/cometti/8rawls.

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JEAN-PIERRE COMETTI SOMMAIRE


LE PHILOSOPHE ET LA POULE DE KIRCHER

VIII
John Rawls
Une théorie politique
de la justice

La philosophie américaine des dernières décennies a donné 1. A Theory of Justice


un nouvel essor à la réflexion morale et politique. Comme [TJ], publié en 1971,
on s'accorde assez généralement à le reconnaître, Une traduit en français en
1987 par Colette Audard
1
théorie de la Justice de John Rawls en est l'un des (Le Seuil), sous le titre
Théorie de la justice. La
événements marquants. Quoique pour des raisons relatives Théorie de la justice est
au contexte, aux traditions ou à d'invincibles inerties, un une théorie de la justice,
sentiment comparable ne se soit pas clairement imposé en parce qu'elle est une
théorie politique et non
France, aux Etats-Unis l'importance de ce livre a été tenue pas philosophique, et
2 qu'elle ne se
pour décisive . Certes, l'inspiration de Rawls a donné lieu à recommande pas du
des commentaires et à des appréciations de tendances point de vue universel
diverses; on a vu dans Une théorie de la justice une version que pourrait lui offrir un
fondement
du transcendantalisme kantien, parfois un produit typique métaphysique ou
de la philosophie analytique et de ses méthodes. En même transcendantal. Depuis,
Rawls a publié Political
temps, les commentaires plus politiques n'ont pas été sans Liberalism (cité PL) qui
produire des réactions d'hostilité dont la critique des réunit un ensemble
libertariens et celle des communautariens peuvent être d'articles des quinze
dernières années
3
tenues pour exemplaires . Mais la parution du livre de Rawls (Columbia University
Press, 1993; trad. franç.,
et les échos qu'il a suscités n'appartiennent pas moins à un PUF, 1995). Le lecteur y
vaste courant qui a porté la question de la justice au-devant trouvera notamment une
de la scène philosophique, non sans projeter une lumière discussion de Rawls
avec ses critiques.
nouvelle sur les rapports de la théorie politique et de la Comme l'écrit Bernard
philosophie. Williams: «Sous plus
d'un aspect, ce livre est
un commentaire du
premier, mais les
concessions et les
Débats d'hier et d'aujourd'hui développements précis
qu'il contient offrent
avant tout une nouvelle
conception de la position
de Rawls» (B. Williams,
Sous plus d'un aspect, la tradition philosophique «A Fair State», London
américaine est étroitement liée à une catégorie de Review of Books, 13
May 1993, 7).
préoccupations qui épouse une idée originale de l'Amérique
et de la démocratie, et qui a trouvé depuis Jefferson, 2. En un sens, un grand
nombre de courants
Emerson, Royce, James et Dewey, une expression tout à fait représentatifs de la
nette chez un grand nombre d'auteurs. La conviction qui tradition philosophique
française ont été animés
tend à faire de l'Amérique une «expérience», selon une idée par une inspiration
commune à Jefferson et à Dewey, en constitue une morale. Bien sûr cette
composante significative dont la tradition pragmatiste de inspiration n'est pas de
même nature que les
James et de Dewey offre une bonne illustration. Le lecteur préoccupations qui
4 s'expriment dans les
du Pragmatisme ou de La volonté de croire constatera travaux des philosophes
peut-être avec étonnement que les discussions relatives à la anglais ou américains. Il
connaissance ou à la «théorie pragmatiste du vrai» sont est clair que les travaux
de John Rawls, Bernard
expressément situées sur un plan qui n'est pas Williams ou Thomas
fondamentalement ou exclusivement épistémologique. Pour Nagel, pour s'en tenir à
ces seuls exemples, ne
James, le vrai appartient en effet à la catégorie du bien; il

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5 sont pas de la même


est «un bien d'une certaine sorte» , conformément à une veine que la philosophie
idée qui, sous des formes différentes, s'exprime également morale d'un Jean
Nabert, ou plus près de
dans l'œuvre de Dewey et dans son souci de voir la nous d'un Emmanuel
philosophie répondre aux exigences de la vie individuelle et Lévinas. Mais les uns
collective dans le monde moderne; pour lui comme pour n'effacent pas les autres
et un «renouveau de la
James, les racines de la philosophie étaient de nature philosophie morale»,
éthique et les seules fins susceptibles de lui être assignées auquel certains aspirent
6 aujourd'hui ne serait
l'étaient également . probablement pas à lui
seul de nature à
A qui se tourne ainsi rétrospectivement vers les épisodes surmonter les clivages
dont la philosophie
de l'histoire intellectuelle américaine du siècle qui s'achève, française est
une autre chose paraîtra étonnante: comment une tradition précisément partie
prenante depuis
aussi vivante que la tradition pragmatiste a-t-elle pu en effet longtemps.
cesser brutalement d'exercer son influence après la seconde
3. Rawls y fait allusion,
guerre mondiale? Et comment expliquer que cela se soit en s'expliquant sur ses
traduit par une éclipse des préoccupations directement intentions, dans la
éthiques et politiques dans la philosophie qui vit alors le jour «Préface de l'édition
française», p. 9-15. Voir,
7
aux Etats-Unis ? à ce sujet, l'intéressant
numéro de L'Age de la
science : «Ethique et
Les philosophes de l'époque de James et de Dewey, sans philosophie politique»,
forcément jouer un rôle public, comme ce fut le cas pour ce Odile Jacob, 1988. Les
principales critiques
dernier, tendaient à aborder les problèmes dans un esprit au
adressées à Rawls
regard duquel «la philosophie redevient elle-même proviennent d'une part
lorsqu'elle cesse d'être un moyen, pour les philosophes, de des «libertariens», issus
de la pensée libérale
8
s'intéresser à leurs problèmes personnels ». Certains, classique, et des
comme Sidney Hook, furent influencés par le marxisme et «communautariens» qui
plaident pour la
s'engagèrent à ce titre dans le débat politique et prééminence d'une
idéologique. A partir des années cinquante, en revanche, le conception commune du
bien, opposée à l'idée
tournant qui s'est opéré a largement occulté les orientations d'une justice libérale et
les plus typiques qui avaient été majoritairement celles d'un pluraliste, incohérente et
abstraite. Le livre de
grand nombre d'intellectuels américains jusqu'alors.
Robert Nozick: Anarchy,
State and Utopia, de
Les circonstances qui ont accompagné ce tournant ont été 1974 (New York, Basic
sans nul doute diverses et complexes. Le résultat le plus Books) tente d'offrir une
alternative
immédiatement visible en a été une transformation assez «libertarienne» à la
radicale des priorités de la réflexion philosophique, ainsi théorie de Rawls; du
côté des
qu'une image différente de la position de l'intellectuel au «communautariens», les
sein de la culture. A cet égard, l'influence de l'empirisme contributions les plus
logique a été passablement déterminante: l'un de ses effets significatives sont celles
de Michael Sandel:
fut de renforcer le rôle central de la théorie de la Liberalism and the
connaissance en philosophie et d'installer le philosophe dans Limits of Justice
(Cambridge Univ. Press,
la position d'un professionnel, au sens technique et 1982), Michael Walzer:
scientifique du terme, en lui faisant abandonner la position «Philosophy and
qui fut la sienne à l'époque où l'influence de Dewey était la Democracy» (in Political
Theory, 9, 379-99),
9
plus forte . On connaît dans ses grandes lignes cet épisode Alasdair MacIntyre, After
Virtue, Duckworth,
de la philosophie américaine; on ne peut toutefois en ignorer London, 1986, et
les répercussions sur les conditions dans lesquelles la Charles Taylor:
discussion éthique et politique s'est ensuite développée. «Atomism» (in
Philosophical Papers, 2,
Comme l'écrit aujourd'hui Putnam, par exemple: «Le point Cambridge Univ. Press,
de vue qui veut qu'il n'y ait pas de réponse évidente à la 1985).
question de savoir si les choses sont bonnes ou mauvaises, 4. Ces deux ouvrages
pire ou meilleures, et ainsi de suite, est devenu un fait ont été traduits en
10 français (le premier était
institutionnel .» A leur manière, en situant les questions préfacé par Bergson),
éthiques hors des strictes frontières de la rationalité, les respectivement en 1911
et 1916 chez
positivistes logiques ont certainement contribué à la Flammarion, mais ils ont
propagation de l'un des principaux effets que Max Weber aujourd'hui disparu de la
circulation, à un moment
associait à la rationalisation des sociétés modernes. où de l'autre côté de
l'Atlantique ils sont
Cette dernière remarque évoquera sans doute les l'objet d'un nouvel

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préoccupations dont nous avons amplement fait état intérêt. Voir Hilary
Putnam, Realism with a
jusqu'ici. Les convictions qui tendent à soustraire les valeurs Human Face (Harvard
à toute appréciation strictement rationnelle – la distinction Univ. Press, 1990; trad.
franç., C. Tiercelin, Le
des «valeurs» et des «faits» y joue un rôle crucial – Seuil, 1993), et les deux
participent de l'attitude que décrit le même Putnam lorsqu'il études consacrées à
suggère qu'«aujourd'hui, nous avons un peu trop tendance à James dans cet
ouvrage.
être réalistes en physique et subjectivistes en éthique, et
11 5. Pragmatism et The
que ces tendances sont liées .» Will to Believe, in «The
Works of William
Mais les brèves réflexions qui précèdent ne sauraient James», éd. par F. H.
Burkhardt, F. Bowers et
évidemment suffire à expliquer l'intérêt variable que les I.K. Skrupkelis,
questions de philosophie morale et politique ont suscité au Cambridge, Harvard
cours de la période concernée, et encore moins, Univ. Press, 1975-1988

probablement, les conditions à la faveur desquelles elles se 6. J. Dewey,


sont de nouveau imposées sous un jour sensiblement Reconstruction in
Philosophy, in «The
différent. Sur le seul plan intellectuel, les difficultés internes Middle Works»
auxquelles l'empirisme logique s'est heurté depuis Quine (1899-1924), éd. Par
12 J.A. Boydston,
constituent assurément un épisode majeur . En revanche, Carbondale, Southern
la relative ignorance des évolutions qui se sont produites Illinois Univ. Press, vol.
12;, 1982.
depuis lors explique sans doute que, vus d'Europe, certains
débats ou certaines idées aient été parfois considérés avec 7. L'expression
«philosophie
indifférence par rapport aux évolutions qui nous sont plus américaine», pour
familières. On peut avoir de bonnes raisons de penser que commode qu'elle soit,
recouvre en fait une
l'accueil assez timide que semble avoir réservé à Une théorie variété d'écoles de
de la justice le public philosophique français n'a pas sa seule pensée dont nous
source dans un particularisme dont on connaît par ailleurs n'avons pas toujours
idée. Sans doute
les caprices, mais aussi dans la fausse impression de faudrait-il aussi faire la
familiarité que les thèses de Rawls sont susceptibles part aux travaux que la
tradition analytique a
d'éveiller chez un lecteur européen. Si toutefois Une théorie engendrés dans ce
de la Justice peut légitimement être considéré comme la domaine. Je songe
moins ici à une
contribution la plus importante des vingt dernières années
philosophie «nationale»
en philosophie morale et politique, ce n'est évidemment pas constituée d'un seul bloc
en cela que ce livre a donné un nouveau vernis à l'héritage – et qui n'existe pas –
qu'au courant
des Lumières. Bien au contraire, le libéralisme politique, tel représenté par
que Rawls le définit aujourd'hui, se situe dans une tout autre l'empirisme logique et à
ce qui le différencie, à
dimension que le «projet des Lumières». Le problème
cet égard, du
majeur y est celui de comprendre «que puisse exister à pragmatisme issu de
travers le temps une société juste et stable de citoyens Dewey. Le fait marquant
est celui d'une
libres et égaux, profondément divisés par des doctrines «professionnalisation»
religieuses, philosophiques et morales raisonnables quoique de la réflexion
philosophique, sa
incompatibles» (PL, Introduction, xviii). technicité croissante, et
les démarcations qui en
Mais le débat ouvert par Rawls dans son premier livre soustraient à la fois les
concernait prioritairement l'un des courants dominants de la préoccupations et les
démarches à quelque
philosophie morale et politique américaine: l'utilitarisme. considération éthique.
Pour cette raison et pour plusieurs d'autres, son œuvre peut
8. J. Dewey,
difficilement être appréciée indépendamment des moments Reconstruction, op. cit.
ou des secousses qui ont modifié le paysage philosophique
9. Dewey plaidait pour
américain, voire de la relativisation des distinctions ou des une banalisation de la
principes que l'empirisme logique avait contribué à forger. philosophie; le lieu
naturel du philosophe et
Plus d'un débat, parmi ceux qui divisent aujourd'hui le de la philosophie lui
champ de la réflexion philosophique sur la signification et paraissait se situer dans
l'«objectivité» de nos croyances, de nos choix et de nos l'espace public, son rôle
étant à ses yeux celui
standards culturels en dépend étroitement. A première vue, d'une clarification des
les questions abordées par Une théorie de la justice ne questions qui s'y posent
à des degrés divers. Les
recoupent certes que d'assez loin ces interrogations. Elles ne positivistes logiques,
leur en sont pas moins liées, et c'est à ce titre qu'elles pour leur part, ont élevé
placent sous un jour nouveau les rapports de la politique à la philosophie au rang
d'une expertise de type
la philosophie. scientifique, en la
détournant ainsi d'un

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nombre important de
problèmes, et en
contribuant à creuser un
fossé entre les
Rawls et ses critiques questions qui relèvent
de la compétence du
philosophe et celles qui
lui sont tenues pour
naturellement
Une théorie de la justice paraît renouer avec la tradition étrangères.
contractualiste de Locke et de Rousseau: «Mon but, écrivait
10. H. Putnam, Raison,
Rawls, est de présenter une conception de la justice qui vérité et histoire, trad.
généralise et porte à un plus haut niveau d'abstraction la franç., A. Gerschenfeld,
Paris, Minuit, 1984, p.
théorie bien connue du contrat social telle qu'on la trouve, 145.
entre autres, chez Locke, Rousseau et Kant» [TJ, p. 37]. Par
11. Ibid., p. 161.
là, Rawls se séparait de l'utilitarisme défini, d'après la
formulation qu'en a donné Sidwicg, dans les termes 12. Sans entrer dans le
détail ici, rappelons que
suivants: «L'idée principale en est qu'une société est bien les travaux de Quine,
ordonnée, et par là même juste, quand ses institutions depuis «Les deux
majeures sont organisées de manière à réaliser la plus dogmes de l'empirisme»
(trad. franç., dans P.
grande somme totale de satisfaction pour l'ensemble des Jacob, De Vienne à
individus qui en font partie» [TJ, p.49]. Le roman de William Cambridge, Gallimard,
1980) et Le mot et la
Styron Le choix de Sophie en offre un bon exemple: chose (trad. franç., J.
«L'officier nazi ordonne à Sophie de choisir lequel de ses Dopp et P. Gochet,
deux enfants ira dans la chambre à gaz, l'autre étant Flammarion, 1977), sont
à l'origine d'une
épargné. Si elle refuse de choisir, les deux périront (...) évolution qui a
L'éthique utilitariste voudrait que Sophie se soumette au notamment relativisé les
démarcations
marché imposé par l'officier nazi, et, donc, sacrifie l'un de traditionnellement
13 établies entre nos
ses enfants: du moins l'autre vivra .» Comme le suggère
différents types
Jean-Pierre Dupuy, l'utilitarisme est de nature à légitimer d'énoncés ou nos
une violation des droits de l'homme dès l'instant où cette diverses croyances.
violation peut servir l'accomplissement du bien commun. Au 13. Cet exemple est
contraire, la théorie de la justice de Rawls est, selon Dupuy, celui que prend J.-P.
Dupuy dans «La théorie
une théorie anti-sacrificielle, il s'agit d'une théorie qui, au de la justice: une
lieu de subordonner la justice au bien, subordonne le bien à machine
anti-sacrificielle», in
la justice. Elle s'apparente, à ce titre, aux doctrines
Critique, 505-506, 1989.
déontologiques et s'oppose aux doctrines téléologiques. [Cf.
14. C. Taylor, The
TJ, p. 50 sq.]
Malaise of Modernity,
op. cit., p. 10.
Dans leurs grandes lignes, les positions de Rawls sont
15. Michael Sandel,
connues. On suppose – rappelons-le toutefois – que les
Liberalism and the
principes de justice susceptibles de former une société bien Limits of Justice,
ordonnée sont établis par ses membres, de telle manière Cambridge, Cambridge
Univ. Press, 1982.
que leur choix ne soit pas influencé par la condition
contingente de chacun. Cette théorie est celle de la position 16. J.P. Dupuy, op. cit.,
p. 132.
originelle et du voile d'ignorance. L'équité des conditions de
la délibération se communique aux principes qui en sont 17. Rawls, «Justice as
Fairness: Political not
issus. C'est la justice comme équité, source du principe de Metaphysical»,
différence, selon lequel l'Etat le plus juste est celui qui rend Philosophy and Publics
Affairs, 14, 1985.
maximale la position du plus défavorisé. Les principes qui Egalement, dans PL, I, §
leur sont liés ont soulevé de nombreuses objections que 2: «The Idea of a
nous ne pouvons explorer ici, mais il est permis de les Political Conception of
Justice» et §§ suiv.
regrouper en deux catégories. Un premier groupe
d'oppositions et d'objections concerne les résultats de Rawls 18. Voir R. Rorty, «The
Priority of Democracy to
et la question de savoir, par exemple, si la théorie de la Philosophy», in
justice comme équité atteint ses objectifs: contient-elle Objectivity, Relativism
and Truth, Cambridge,
toutes les garanties qu'elle prétend offrir en faveur d'une Cambridge Univ. Press,
conception déontologique contre les aléas de l'utilitarisme? 1991, p. 175 sq.; trad.
Un second groupe d'attaques se situe sur un terrain plus franç., PUF, 1994. Rorty
cite Jefferson: «Que je
directement philosophique et politique; il s'agit de celles que dise qu'il y a vingt dieux
les «communautariens», en particulier, ont opposé à Une ou qu'il n'y en a aucun,
cela ne porte aucun
théorie de la justice. préjudice à mon voisin»

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Sous ce dernier rapport, la théorie de Rawls peut paraître


se rendre solidaire d'une position philosophique qui se
définit par la place qu'elle accorde au sujet. Rawls, dans un
passage souvent cité, écrit: «Nous ne devrions pas essayer
de donner forme à notre vie en considérant d'abord le bien,
défini de façon indépendante. Ce ne sont pas nos fins qui
manifestent en premier lieu notre nature, mais les principes
que nous accepterions comme leur base: ce sont eux qui
commandent les conditions dans lesquelles ces fins doivent
prendre forme et être poursuivies. Car le moi est premier
par rapport aux fins qu'il défend ; même une fin dominante
doit être choisie parmi de nombreuses possibilités» [TJ, p.
601].

La place que Rawls attribue ici au moi semble être la


source de deux types de reproches: un reproche
philosophique au regard duquel Une théorie de la justice
procède d'une visée anhistoriciste et d'une métaphysique du
sujet; un reproche politique, qui y voit l'expression d'une
idéologie responsable des maux et des malaises propres aux
sociétés modernes. Michael Sandel, Alasdair MacIntyre et
Charles Taylor ont donné à ces critiques une expression
incisive. Pour les Communautariens, nos sociétés souffrent
d'un malaise que le déclin des dernières décennies n'a fait
qu'accroître, et qui se traduit à ses yeux dans le danger
d'une forme moderne de despotisme «soft» défini de la
manière suivante: «Il ne s'agira pas d'une tyrannie fondée
sur la terreur et l'oppression, comme dans les temps
anciens. Le gouvernement sera de nature douce et
paternaliste. Il pourra même conserver des formes
démocratiques, avec des élections à intervalles réguliers.
Mais en fait, tout se déroulera selon les règles d'un
"immense pouvoir tutélaire" sur lequel les gens n'auront
qu'un faible contrôle. La seule défense qui se puisse
imaginer, selon Tocqueville, consiste en une culture politique (cf. «Notes on the State
of Virginia», Query XVII,
vigoureuse au sein de laquelle la participation est valorisée, in The Writings of T.
à différents niveaux de gouvernement et dans des Jefferson, ed. par A.A.
Lipscomb et A.E.
associations volontaires. Mais l'atomisme de l'individu replié Bergh).
sur lui-même s'oppose à cela. A partir du moment où la
19. Ibid.
participation a décliné, et que les associations latérales qui
en constituaient le moyen ont disparu, le citoyen individuel 20. H. Putnam, Raison,
vérité et histoire, op. cit.
se retrouve seul face à l'énorme machine bureaucratique et
il ressent alors son impuissance. Il s'agit d'un processus qui 21. «Solidarité ou
objectivité?» in J.
prive de plus en plus le citoyen de motivation, et c'est ainsi Rajchman et C. West,
14 Post-Analytical
que s'accomplit le cercle vicieux du despotisme "soft" .»
Philosophy, 1985, trad.
franç. A. Lyotard-May:
Taylor établit un diagnostic sombre que lui inspire l'état de La pensée américaine
fragmentation de nos sociétés. «Une société fragmentée, contemporaine, Paris,
PUF, 1991; retraduit
écrit-il encore, est une société dont les membres éprouvent dans Objectivisme,
de plus en plus de difficultés à s'identifier à leur société relativisme et vérité, op.
cit. .
politique comme communauté.» Mais revenons à Rawls.
Philosophiquement parlant, l'artifice de la position originelle 22 Contingence, ironie
et solidarité, trad. franç.,
et du voile d'ignorance installait la justice d'une «société
P.-E. Dauzat,
bien ordonnée» sur un fondement paraissant ignorer «Théories», Armand
l'appartenance des «partenaires» à une communauté et à Colin, 1993.

une histoire. La philosophie de Rawls, en ce sens, se 23 T. Nagel, The view


rattache à une philosophie de la personne «abstraite», au from Nowhere, Oxford,
Oxford Univ. press,
sens hégélien, et elle entérine par là le développement de la 1986; trad. franç., S.
fragmentation – et par conséquent du despotisme «soft» – Kronlundf, L'Eclat, 1993.

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que redoutent les auteurs comme Charles Taylor.


Philosophiquement et politiquement, les critiques des
communautariens en révèlent la nature, tout en paraissant
justifier l'accusation d'ultra-libéralisme dont Rawls a été
souvent l'objet.

En fait, comme le montre également le livre de Michael


15
Sandel , deux choses entrent principalement en jeu dans la
critique de Rawls: premièrement, Sandel et Taylor sont
persuadés qu'une théorie du moi, apte à en intégrer le
caractère essentiellement historique et intersubjectif, est
nécessaire à la modernité; corrélativement, ils sont
également convaincus que le type d'individu produit par nos
sociétés est indésirable – et peut-être aussi, comme le
suggère Rorty, qu'une société qui ne forme plus une
communauté morale, comme c'est le cas pour les sociétés
désenchantées, est condamnée à périr.

Il n'est guère permis de s'arrêter ici sur chacun de ces


trois points, mais ce que ces accusations font apparaître,
c'est que les communautariens ne semblent établir aucune
séparation entre la question des institutions – dont ils
entreprennent la critique – et celle des fondements ou des
justifications philosophiques qu'elles se donnent ou
réclament. Pour eux, tout se passe apparemment comme si
les questions politiques étaient des questions philosophiques
; ainsi, le concept du moi humain qu'ils associent aux
institutions démocratiques des sociétés «fragmentées»
condamne ces sociétés, comme il condamne à leurs yeux
Une théorie de la justice de Rawls, seule une théorie
différente du moi – une théorie «communautarienne», au
moins à titre de condition nécessaire – étant présumée
s'accorder avec la possibilité de sauver nos sociétés du
déclin auquel elles sont destinées.

Une théorie «politique» de la justice

Il se peut, qu'une société comme celle qu'ils appellent de


leurs vœux soit de nature à susciter une autre conception du
moi, mais en faisant jouer à une notion théorique un rôle
politique, les philosophes communautariens attribuent à la
philosophie un ancrage et un droit de regard privilégiés dans
le champ politique, et au philosophe comme tel une
compétence particulière à ce sujet. Or si on le considère
sous ce rapport, le point de vue des communautariens
permet d'entrevoir les liens qui associent la position de
Rawls – en particulier sous l'angle de ses enjeux – à la
question plus générale des valeurs et des choix individuels
ou collectifs. En posant la question d'une éthique
philosophiquement fondée – le «fondement» que conçoivent
les communautariens pouvant ne pas être de même nature
que celui qu'ils croient déceler chez Rawls dans la «priorité
du moi humain» –, la critique des communautariens accorde
implicitement une priorité de principe à la philosophie. Et si
la question se pose bien de savoir dans quelle mesure la
position qu'ils attribuent à Rawls est bien la sienne, il est
également permis de se demander jusqu'à quel point

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l'originalité de ce qu'il propose ne consiste précisément pas


à faire l'économie d'un fondement à proprement parler.

Cette dernière question exige que l'on se tourne


rapidement vers les compléments que Rawls a cru devoir
apporter à Une théorie de la justice. Pour l'essentiel, Rawls a
tenu à souligner que sa théorie n'était pas une théorie
philosophique mais une théorie politique. Est-ce sous l'effet
des critiques des communautariens que Rawls a été amené
à modifier sa position ou à la clarifier ? Jean-Pierre Dupuy
fait observer que «lorsque les sociétaires, dans la position
originelle, font abstraction de leur attachement à une
certaine conception du bien, c'est uniquement en tant que
citoyens désireux de concevoir les principes politiques
communs qui vont régir leurs rapports avec les autres, ces
autres dont ils savent que la conception de la vie bonne est
«incommensurable» à la leur. La neutralité de la position
originelle par rapport à toute idée particulière du bien
n'empêche pas qu'en tant qu'hommes, ils refusent le type
de détachement par rapport aux inclinations qui les
16
constituent, que requiert l'autonomie kantienne ».

Avec Une théorie de la justice, comme Rawls y a insisté


par la suite, nous avons affaire à une théorie politique, et
non pas à une théorie philosophique. La théorie rawlsienne
impliquait que soient distingués l'homme et le citoyen.
«L'essentiel, souligne Rawls, consiste en ce qu'aucune
conception morale générale, lorsqu'on la considère dans sa
dimension politique pratique, ne peut servir de fondement à
une conception publique de la justice dans une société
17
démocratique moderne .» Par là, Rawls neutralise une
partie des critiques que lui avaient adressé les
communautariens. De plus, comme il le souligne dans
l'Introduction de Political Liberalism, «Le dualisme qui
existe, dans le libéralisme politique, entre le point de vue de
la conception politique et les nombreux points de vue des
doctrines morales générales n'est pas un dualisme qui a sa
source dans la philosophie. Bien au contraire, il a sa source
dans la nature particulière de la culture politique
démocratique en tant qu'elle est marquée par un pluralisme
raisonnable» (PL, p. xxi). Bref, les clarifications apportées
par Rawls signifient qu'une théorie praticable, contrairement
à ce que pensent les communautariens, ne peut en appeler
à une anthropologie philosophique, à une théorie du moi ou
à quelque fondement philosophique que ce soit. Mieux,
conformément à ce qu'elles suggèrent, dans une théorie
conséquente, le point de vue moral et le point de vue
politique doivent être soigneusement distingués. Comme
Richard Rorty s'est efforcé de le montrer dans «La priorité
de la démocratie sur la philosophie», la position de Rawls est
proche parente de l'attitude primitivement défendue par
Jefferson: à la tolérance théologique de Jefferson correspond
18
la tolérance philosophique de Rawls .

Comme l'écrit Rorty, «nombreux sont ceux qui, comme


moi, on d'abord vu dans Une théorie de la justice ... un
prolongement du désir des Lumières de fonder nos
institutions morales sur une conception de la nature
humaine (et plus précisément comme une entreprise

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néo-kantienne destinée à les fonder sur la notion de


"rationalité"). Mais les écrits de Rawls qui ont suivi Une
théorie de la justice nous ont permis de réaliser que nous
avions mal interprété ce livre, et que nous en avions
surestimé les éléments kantiens, tandis que nous en
sous-estimions les éléments hégéliens et deweyiens. Ces
derniers écrits permettent de mettre plus explicitement en
lumière que le livre lui-même la doctrine métaphilosophique
selon laquelle, pour Rawls, "ce qui justifie une conception de
la justice, ce n'est pas qu'elle est vraie pour un ordre qui
nous précéderait et nous serait donné, mais le fait qu'elle
s'accorde avec la compréhension la plus profonde que nous
avons de nous-mêmes et de nos aspirations, et avec notre
conscience que, compte tenu de ce que sont notre histoire
et les traditions qui font partie de notre vie publique, il s'agit
19
pour nous de la doctrine la plus raisonnable" ».

Jean-Pierre Dupuy a sans doute raison de souligner que la


position de Rawls restaure la division dans laquelle Rousseau
lui-même, sans parler de Marx, voyait la principale source
d'aliénation de la société bourgeoise. Les communautariens
ne disent évidemment pas autre chose. Peut-être
considérera-t-on aussi que cela ne règle pas la question du
moi. Mais en fait le débat s'est maintenant déplacé. Il
concerne désormais la question de savoir si la théorie de la
justice et des institutions d'une société juste réclament un
fondement philosophique. Sur ce dernier point, la conception
rawlsienne rejoint en fait singulièrement les idées qui furent
autrefois défendues par Dewey, et aujourd'hui, quoique avec
quelques nuances, par Richard Rorty et Hilary Putnam.

Universalisme ou ethnocentrisme

Pour résumer l'essentiel des réflexions précédentes, on


pourrait dire que dans le champ de réflexion qui est le sien,
Une Théorie de la justice apporte l'exemple d'une théorie qui
a abandonné le point du vue de Dieu. Ou encore que la
théorie considérée procède d'une vision «ethnocentriste»
apparemment inévitable. Comme le suggère Bernard
Williams, si Rawls pense en effet que le libéralisme politique
offre une solution susceptible de valoir pour toutes les
sociétés modernes, néanmoins, la théorie de la justice
comme équité «ne fournit plus une théorie universelle de la
justice» («A Fair state», op. cit.)

Certes, les questions qui sont liées à ce genre de constat


ne datent pas d'aujourd'hui; elles se concentrent toutefois
dans une évolution philosophique au terme de laquelle on
tend à juger impossible et inopportune toute évasion hors
de notre langage et de nos croyances. Les difficultés que
cette idée entraîne sont évidentes; elles se manifestent
clairement dans le cas où l'on a affaire à des valeurs
concurrentes, que ce soit sur un plan interculturel ou
intraculturel. Par exemple, pour songer aux cas de figures
20
examinés par Putnam , comment faut-il se comporter face
à un nazi convaincu? Comment faut-il envisager le genre de

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situation propre à une société multiculturelle, si l'on songe


d'une part à ce que le citoyen laïcisé peut aisément accepter
parce que cela correspond à ses croyances – par exemple la
distinction établie par Rawls entre l'homme et le citoyen – et
d'autre part à ce qu'un autre citoyen, parce qu'il ne partage
pas les mêmes évidences, est condamné à supporter avec
difficulté? Comment un Etat tel que le décrit Rawls peut-il
intégrer les variantes les plus fanatiques du
fondamentalisme religieux?

Dans un article déjà ancien, Richard Rorty distinguait le


21
point de vue de la solidarité et celui de l'objectivité .
Aujourd'hui, dans une perspective qui s'accorde avec ce que
suggèrent les distinctions établies par Rawls en faveur d'une
théorie politique, Rorty a complété ses propres vues au
moyen d'une distinction qui fait valoir les exigences
respectives de la solidarité et celles de la création
22
individuelle de soi . Dans le contexte américain, l'attitude
adoptée par Rorty se heurte à une opposition de type
réaliste qu'illustrent par exemple les thèses défendues par
Thomas Nagel. Dans son livre Le point de vue de nulle part,
Nagel écrit: «L'objectivité est le problème central de
l'éthique. Pas seulement dans la théorie, mais dans la vie.
Le problème consiste à décider de quelle manière l'idée
d'objectivité peut être appliquée à des questions pratiques,
questions qui concernent ce que l'on doit faire ou vouloir.
Jusqu'à quel point, on peut parvenir à les traiter d'un point
de vue qui soit détaché de nous-même et du monde. La
possibilité de l'éthique et de nombreux problèmes qui en
font partie peut être interprétée dans les termes de l'effet de
23
l'objectivité sur la volonté .»

Pour Nagel, cette possibilité peut être atteinte grâce au


genre de perspective qu'autorise un point de vue de nulle
part dont Putnam et Rorty, de leur côté, contestent
l'opportunité. Ce problème ne diffère qu'en apparence de
celui qui oppose Rawls et ses adversaires communautariens,
ou de celui qui distingue désormais la théorie politique du
point des vue des conceptions générales: dans les deux cas,
la question posée est celle de savoir si une conception
morale ou une théorie politique peuvent se concevoir
indépendamment de tout point de vue «philosophique»,
c'est-à-dire indépendamment du droit de regard que
s'arroge le Philosophe et des brevets qu'il décerne au nom
d'une position qui lui permet d'accéder à un «fondement» ou
à un point de vue privilégié dont la vérité ou l'universalité
échappent à la contingence de nos croyances et de nos
pratiques. Comme le suggère l'exemple de la notion du moi
à l'œuvre dans Une théorie de la justice, et comme le font
valoir les communautariens, il se peut très bien que le point
de vue de l'intersubjectivité soit préférable à celui d'un
concept insulaire du moi. Mais il n'existe aucun «modèle» du
moi auquel toute «théorie du moi» devrait s'égaler pour être
réputée valide. Il n'en va pas différemment pour les
questions qui divisent les partisans d'un réalisme moral et
leurs adversaires. Nous n'avons aucune raison de douter
qu'une attitude qui vise à étendre au-delà de nous-mêmes
et de nos particularismes notre sens de l'«humain» est
préférable à toute attitude restrictive à cet égard. Mais cela

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ne signifie pas que nous ayons besoin, pour justifier ce point


de vue, de nous arracher à tout point de vue, ni même,
dans l'optique d'une justification de ce genre, d'en faire un
point de vue politique dont la valeur serait celle d'un souci
partagé pour un bien commun.

Dans le paysage philosophique que ces rapides remarques


permettent d'entrevoir, on peut en fait discerner deux lignes
de crête. Sur la première se situent ceux qui, parmi les
philosophes ou les théoriciens de l'histoire et de la société,
ont toujours été engagés dans une quête de l'«objectivité».
Parmi eux, ceux qui se sont nourris de la lecture de Hegel se
sont assez souvent débarrassés de la téléologie hégélienne,
mais ils en ont souvent retenu la conviction d'un lien
essentiel de la philosophie et avec l'histoire et la politique.
Sur l'autre, on peut apercevoir des penseurs comme Peirce,
par exemple (le «premier» Peirce, en tout cas), William
James, John Dewey, Nelson Goodman, John Rawls ou
Richard Rorty. A l'inverse des précédents, ceux-ci fondent
plutôt leurs espoirs dans la «solidarité», tout en renonçant à
se hisser au-dessus de nos langages et de nos croyances. Si
la contingence qu'ils leur reconnaissent n'entame nullement
leurs espoirs, c'est parce que les solutions que nous devons
apporter à nos problèmes ne se situent pas derrière nous ou
au-dessus de nous, mais devant nous. En ce sens, la
reconnaissance de la contingence prive certainement la
philosophie de la priorité qu'elle tend à s'accorder sur nos
choix moraux ou politiques, mais elle leur apporte en retour
la signification d'une expérience toujours ouverte à des
enrichissements et à des améliorations qui dépendent à la
fois des aléas de l'histoire, de nos capacités d'action ou
d'intelligence et de nos facultés d'imagination. Le libéralisme
politique et le pluralisme qu'il suppose, sur le plan éthique,
philosophique ou religieux, ne peut évidemment pas en être
dissocié.

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