Você está na página 1de 124
Jean Pierre Van Rossem We ROH Pout les désabusés et les sans espoir Jean Pierre VAN ROSSEM ! Qui a tué André Cools? Esquisse des meeurs politiques en Belgique Qui a te André Cook? Jean Pierre Van Rossem, © 1993 Jean Picrre Van Rossem. © Editions Himalaya ISBN 2-8035-0285.2 1D 1993/302/2 Photo couverture: © Belga LOEMPIA Photo devriee: by courtesy of Panorma-De Post aiteur Responsable: Jean Pierre Van Rossem 1993 Liassassinat du 18 juillet 1991 De vagues indices Le 18 juillet 1991, 4 7h 25 du matin, André Cools (64) est abattu de dewx coups de revolver sur le parking de la rési- dence liégeoise “la Collin’, au 215 de avenue del Observa~ toire a Cointe (Lidge). Les deux balles ~I'une & travers le cou et le larynx, Pautre & travers loreille gauche et la téte, 'attei~ gnent au moment of il veut prendre le volant de son Audi 90, Son amie Marie-Héléne Joiret n'a pas le temps de réagir. Avant d’avoir pris conscience de ce qui se passe, une troisié= me balle lui transperce les deux poumons. Elle a A peine pu entrevoir le coupable, d'autres sources affirment d’ailleurs qu'elle ne Pa pas vu du tout, On lemméne dans un état criti- que 4 la clinique Espérance de Montegnée, oi elle se débat des semaines durant contre la mort. Finalement, elle sutvit & Pattentat. ‘Au total, le parquet découvre 5 cartouches de calibre 765. Une quatriéme balle s'est logée dans un poteau d’éclairage, une cinguiéme dans les buissons. On affirme d'abord que les balles proviennent d'un EN. 765. Lenquéte balistique que pratique entre autres L'illustre bane d'essai de Lidge, prouve par la suite que Parme avec laquelle Cools a été abattu doit Gtre soit un Armi italien, soit encore un pistolet automatique Scorpion. Lune comme Pautre, deux armes qui sortent du commun Cing témoins & peine, tous résidents de “La Colline’, ont assisté a Tattentat. Le coupable est un homme mince aux cheveux foneés, agé de quarante & quarante-cing ans, vétu de Jjeans et chaussé de bottes de cow-boy: C'est tout ce qu'ls sa- ‘vent. Mises & part les balles et les cartouches, le parquet ne retrouve qu'un briquet, éventuellement abandonné pat le coupable, Un des voisins a pourtant vu, tout de suite aprés Vattentat, un homme avec un casque rouge prendre la fuite sur une mobylette rouge. Le parquet découvre qu'il s'agit d'une BMW K 75S. Le 8 octobre 1991, une enquéte-surprise 7 est rondement menée dans tout le pays: tous les détenteurs dune mobylette de ce type sont sortis de leur lit aux aurores par la gendarmerie et interrogés sur leurs agissements du matin du 18 juillet, Cette enqueéte n’offre pas le moindre ré- sultat. Une photo-robot dit coupable est assembléc avec grande difficuleé. Certaines sources affirment que les indications de amie de Cools, Mhistorienne Marie-Héléne Joiret, y appor- tent une aide précicuse. D'autres sources le démentent. En tout cas, la photo-robot n'est jamais publige et demeure trés rudimentaire. Les raisons pour lesquelles la photo-robot n'a jamais été publige demeurent un mystére. Un tueur a gages? Le tribunal de Ligge se trouve confronté 3 une énigme. Le caractére brutal de P'attentat enflamme f'imagination. Ceci n'est pas la facon habituelle d’éliminer des personnes incom- modantes. Ceci n'est pas la manigre dont on aurait, 6 mois plus tard, diminé par exemple le génant témoin Jules Ver- binnen (PS) (quelques jours avant le procés des parcométres de Vex-maire Eduard Close), Ceci n’est pas un accident auto, & propos duquel, si un rapport technique détaillé de auto accidentée a bien été établi, on omet par ailleurs et comme par hasard lautopsie de laceidenté Iui-méme = un oubli qui fera décider aux enquéteurs qu'il ne s'agit cn effet que d'un simple accident. Hypothése, d’ailleurs, 4 laquelle personne ne souscrit dans les milieux du PS liggeois. Ul sagit, le 18 juillet 1991, d'une exécution publique, ni plus ni moins, comparable 4 'assassinat de Vingénieur FN Juan Mendez (imputé aux milieux d’extréme-droite) ou de celui de 'ingénicur et fabricant d’armes canadien Gerald Vineent Bull (imputé aux services secrets israélicns, le Mossad) comparable, enfin, aux sortes d’attentats qui sont monnaie courante dans les milicux de la mafia. Le Professeur Lode van Outrive, criminologue de Lou- vain, observe que V'auteur du crime a agi consciencieuse~ ‘ment et judicieusement et qu'il a choisi un itinéraire de fuite 8 pour ne pas étre vu. Il défend hypothése que 'attentat ne peut qu’'étre lceuvre d'un tucur 3 gages: ‘L’attentat sur Cools pourrait bien avoir un rapport avec le trafic d’armes et les fa brigues d’armes de EIN. André Cools et d’autres politiciens doivent avoir été parfaitement au courant du trafic d’armes, des commandes et des payements’. (Het Laatste Nieuws, 26 aoiit 1991). Une voiture carbonisée ing heures avant 'assassinat de Cools, a deux heures du matin dans la nuit du mercredi au jeudi, une voiture prend feu dans la rue de Etat 8 Houtain-Saint-Simeon: c'est la com teuse Citrogn BX d'un autre coolsien, Lambert Verjus. Ce- lui-ci avait é pendant plusicurs mois le chef de cabinet d’André Cools, quand ce dernier était encore Ministre des ‘Travaux Publics et des Administrations dépendantes de Ap provisionnement des Eaux pour la Wallonie. Aprés qu’Alain Van der Biest ait pris la reléve du parrain de Flémalle au poste de ministre régional le ler mai 1991, Verjus se joint au cabinet. Ily restera un certain temps en qualité de chef de ca~ binet, puis — quelques mois avant l'attentat sur Cools entre dans de nouvelles fonctions 4 Bruxelles. Van der Biest lu méme demeure ministre régional jusqu’au 8 janvier 1992, jour oft Guy Mathot se voit attribué son portefeuille dans le nouveau gouvernement régional. Verjus est également, pen dant tout ce temps, président du PS liégeois. La voiture carbonisée est en fait la voiture de service du ca~ binet Van der Biest. Une premiére expertise, encore condui- te le jour de lattentat, établit la cause de lincendie: un court circuit dans la batterie. Le parquet déclare dans un commu- nigué de presse qu'il n'existe aucun rapport entre l’incendie de la voiture de Verjus et l'attentat sur Cools. Lon précise encore le soir méme (18 juillet 1991) que 'on peut affirmer avec 99% de certitude que V'incident est purement accidentel Peut-étre dans l'intention dapaiser lopinion publique et d'étouffer dans V'ceuf les rumeurs qui veulent que le meurtre d’André Cools soit un raglement de comptes politico-tco- 9 nomique? La presse, en tout cas, ne souscrit pas a la thése du court-circuit. Elle soupconne au contraire que incendie avait pour fins d'effacer définitivement la mémoire téléphonique de a voiture. Car Verjus était 'homme le plus proche de Cools pendantles demiers mois, surtout aprés que le maitre se fide senti trahi par ses deux précédents dauphins, Mathot et Van der Biest homme, aussi, qui se chargeait de tout le tra~ vail tléphonique pour étayer la caisse du PS liggeois. Quelques jours plus tard, une seconde expertise 2 lieu. Celle-ci réfute les résultats de la premiare, celle des 99% de certitude, Le 30 juillet 1991, il est soudainement question de la présence d’explosifs dans la voiture de Verjus. Le juge dinstruction, Véronique Ancia, qui conduit 'enquéte sur le meurtre de Cools, demande aux services de déminage de TArmée d’établir un rapport complémentairc. Lorsque la presse harcéle le parquet de questions au sujet du rapport en- tre les deux attentats, la Justice de Ligge proclame l'embar- go. Un certain nombre de personnalités politiques émettent 2 ce sujet quelques critiques: l'on eraint que I'enguéte suive le méme chemin que celui de la Bande de Nivelles. Des visages composés Le samedi 20 juillet, le Ministre d’Etat et ancien Vice-Pre~ mier ~ Cools avait en effet été vice-premier, du 27 janvier 1969 au 26 janvier 1973, des deux gouvernements de Gaston Eyskens ~ est porté en terre dans son Flémalle. Il en était le aire sans interruption depuis 1965. Sa mort a éveillé un im- mense intérét, et il ne faut pas moins de 7 voitures pour acheminer tous les bouquets de fleurs, Parmi ceux-ci, Yon peut voir des couronnes mortuaires du couple royal, de Wile ly Claes, Guy Come, Frank Vandenbroecke, des firmes Tu bemeuse, Cockerill Sambre, Sabena Air Meuse, ete. Méme ceux qui, dans les jours précédant sa mort, étaient en intense désaccord avec le maitre de Flémalle, envoient soudaine~ ‘ment des couronnes bardées de crépe de deuil violet, ornées des mots ‘A mon ami de toujours’ en lettres d'or. Car méme Ja mort ne met pas fin aux simagrées politiques. 10 Peu aprés midi, 'urne avec les cendres, parée de l'écharpe de maire, du ruban bleu des francs-macons et d’un bouquet dorchidées blanches, passe devant la mairie. C'est ici que les personnalités politiques rendent leur dernier hommage. Le Général Dassy, envoyé du Roi, vient saluer la dépouille mortelle en tout dernier. Le cortdge se remet alors en marche en direction de la Maison du Peuple ois le président de la fedé- ration liégeoise du PS, Lambert Verjus, entre autres, enfile dans son oraison fanébre les plus belles perles en matiére de Jicux communs et de poncifs larmoyants, Aprés qu’aient été jouées une marche funébre et, en sour dine, PInternationale, le lent cortege s’ébranle pour la dernid~ re fois, cette fois dans la direction du cimetigre de Trixhes, oft les cendres seront répandues sur le vert gazon. Entre les haies de spectateurs qui se pressent sur les cdtés de la route se tiennent, moins hypocrites que les autres sans doute, deux de ses plus anciens adversaires au sein du PS: Jean-Maurice Dehousse et José Happart. Liege, ville d’étranges coincidences En matiére d’attentats politiques, la Belgique est loin de pouvoir se targuer d'une riche tradition. Liége est pour ainsi dire la scule ville oft cette pratique s'est manifestée un peu plus qu’ailleurs. Le 18 aodt 1950, le parlementaire commu- niste Julicn Lahaut est abattu sur le pas de sa porte. Le meur- tre n’est jamais élucidé, mais il est sans le moindre doute lié aTincident qui avait troublé la cérémonie officielle qui avait cu liew la semaine précédant lattentat. A cette occasion, La- haut avait proclamé & haute voie ‘Vive la république!’, au moment of Baudouin I, jeune monarque frais émoulu, pré- tait serment 3 la constitution. D’aprés l’éminent histotien Theo Luyckx, ce sont les Léopoldistes qui sont les grands suspects de ce crime, (Luyckx en Platel, 1985, p. 451). Le 6 décembre 1986, le Palais de Justice de Liége est victi~ me d'un attentat a la bombe auquel suecombe un jeune étu- diant de 20 ans. Bien que l'attentat ait été organisé des semai- nes 4 Favance et qu'un louche photographe soit méme pré~ u sent pour loceasion afin de tout fixer sur la plaque sensible, seul Pavocat Jean-Michel Systermans est considéré coupable et condamné 4 la peine de mort par la Cour d’Assises en 1991. Le hasard veut que Systermans fit lavocat d'un certain nombre de marchands d’armes dont Vopinion était qu'il en ,, savait un tantinet trop sur le réle que jouait V'aéroport de Bierset dans le trafic d'armes belgo-israélien avec, par exem- ple, l'Afrique du Sud. Lorsque Systermans, mi-1992, prend contact avec le parlementaire libertin Jean Pierre van Ros- sem et veut avoir avec lui en prison un entretien confidentiel au sujet du role de Bierset, le Ministre de la Justice, Meichior Wathelet (PSC) en refuuse l'autorisation avec obstination ‘Quelque temps avant la mort d’André Cools, le mari de sa fille Christine et beau-fils, fat victime d'un accident de voi- ture qui ne fut jamais totalement élucidé. Christine Cools déclare bien plus tard, début février 1993, étre convaincue que son mari n’a pas recu les soins appropriés 4 Phopital (Le Soir Mlustré, 17 février 1993, p. 17). ‘Aprés les explosifs dans la voiture du président du PS lig geois Verjus et le meurtre de Cools (tous deux le 18 juillet 1991), Lidge est le théatre d’encore plusieurs attentats politi- ques. En janvier 1992, Péchevin hiégeois Jules Verbinnen perd la vie dans un accident de voiture. Accident qui parait ‘moins banal lorsque l'on tient compte du fait que Verbinnen Gtait prét faire des déclarations dans le procés des parcome- tres qui menace le coolsien démissionnaire, le maire et an cien ministre Eduard Close. Et le 8 mars 1993, la virtualité d'un attentat sur la personne de 'ancien ministre Van der Biest est mise en doute par Guy Polspoel ~ et d’autres — et incident porté avec beaucoup de bonne volonté au compte du tantiéme chapitre de la longue ‘saoulographie’ de l'ancien dauphin de Cools. Le premier grand chapitre en fut écrit en Suéde en 1990, quand Van der Biest — alors Ministre des Pen- sions ~ représenta les couleurs de notre pays dans un état d’ébriété prononcée. Ce qui lui codtaillico presto son porte- feuiille 12 Un tribunal corrompu par la politique Toutes ces étranges coincidences ont au moins ceci de com mun, que les réponses que formule le Parquet de Ligge pa- raissent systématiquement simplistes. Et ainsi, on a Tim- pression (peut-étre bien fausse) que la justice liggeoise elle~ méme s'active a camoufler certaines pistes. Bien souvent ~3 exception de Lahaut et Systermans ~ ce sont des coolsiens sur lesquels s'acharne cet étrange hasard: le beauefils de Cools, André Cools lui-méme et Jules Verbinnen doivent leur mort & cette mauvaise étoile. Verjus s’en tire avec une auto briilée ct Van der Biest avec une fracture du crane et des troubles de la mémoire et de la parole. Entre-temps, le 24 juillet 1992, une autre voiture prend flamme, celle d'un anti- coolsien notoire, le ministre du PS Jean-Maurice Dehousse. II parait s’agir pourtant ici de simple vandalisme. La crédibilité du tribunal liégeois n’augmente pas quand il resort que ce sont souvent des coolsiens ~ dont la nomina- tion est donc bien souvent due a Cools ~ qui sont mainte- nant impliqués dans 'enguéte. Armand Spirlet et Léon Giet, respectivement avocat et procureur-général, sont de purs produits de Cools. Le fils de Giet est secrétaire particulier du cabinet du ministre Laurette Onkelinckx qui, aprés la mort du maitre de Flémalle, se profile de plus en plus comme le chef des coolsiens (De Standaard, 18-19 juillet 1992), Ray- mond Brose, commissaire en chef, qui doit assister due PSC Véronique Ancia dans V'enquéte sur le meurtre de Cools et sur d’éventuels délits de corruption active, est éga~ Iement un coolsien vrai et pur. Par ailleurs, le hasard veut que le Procureur du Roi, Ann Bourguignont, soit 'épouse de l'ancien président du PRL et constituant Antoine Du- guesne. Sans vouloir exagérer limportance de 'indépendance ou de l'appartenance politiques de ceux qui tiennent en mains la conduite de I'enquéte sur le meurtre de Cools, illest tout de méme frappant de constater que les trois partis politiques traditionnels (le PS avee Giet, Spirlet et Brose; le PRL avec Bourguignont et le PSC avec Ancia) sont explicitement re~ 3 présentés sur le terrain, Personne, i Lidge, ne voudra discon- venir que ceci ne peut étre favorable & lenguéte et que les dif- férents partis en présence dans l'enquéte ont plutot cu cen dance dans le passé 4 se méfier les uns des autres qu’a travail- ler main dans la main, Des fuites De plus, il est frappant de constater que, depuis l'été de 1992, Tenquéte préliminaire soi-disant secréte est criblée de faites, De mémoire @homme, peu d’enguétes judiciaires ont pu étre aussi bien suivies pas & pas par autant de journa- listes, de politiciens de haute gamme et de dirigeants du complexe militaro-industriel que enquéte Cools. Méme les copies des PV circulent gaiement dans les mitieux privilé gigs. C'est ce que dit aussi 'actuel chef du groupe parlemen- taire du PS 3 la Chambre, Claude Eerdekens: ‘Je suis fort étonné que toutes ces indiserétions ne soient mises en lumig- Fe que maintenant, au moment oii le dossier est sous la garde de la commission parlementaire, Je suis persuadé que les sept députés ont la bouche cousue, mais manifestement, bien d'autres ont eu la possibilité de compulser le dossier’ (Het Laatste Nieuws, 13 juillet 1992. (On trouvera en effet aucun député~a moins que ce ne soit Jan Decorte = trop peu déluré pour, si tel était son désir, feuilleter vers la mi-juin 1992 les pages des retentissantes dé- clarations qu’Alain Van der Biest fit 4 Véronique Ancia le 21 novembre 1991. Dans ces demniéres, le controversé dépuré de Grice-Hollogne parle d'une réunion dans un restaurant Tig geois. A celle-ci assistaient, 3 part lui, André Cools, Paul Bolland (le coolsien qui s'est haussé jusqu'au poste de gou verneur provincial), Lambert Verjus (le président du PS lié .gecis) et Jean-Claude Phlypo (le coolsien qui dirige mainte- nant une société de transport). La rencontre était prévue pour régler la succession de Cools en tant que ministre ré- gional wallon, succession qui devait avoir lieu le Ler mai et pout laquelle Van der Biest était le seul candidat. Dans cette déclaration, ancien ministre national et (en 4 1990 du moins) futur ministre régional Van der Biest expli- gue au juge d'instruction Ancia que Cools posait comme condition que son successeur continuat 3 remblaycr la caisse du parti liggeois grice aux dossiers concernant les travaux d’assainissement des eaux (lire CGEaux et CGEur). I dit en core comment lui, Van der Biest, avait déclaré au désespoir de Phlypo et au soulagement de Verjus ne plus vouloir conti- nuer ce gente de financement électoral. Van der Biest (lin Verjus) trouvait la partie trop risquée. En effet, des rumeurs de plus en plus tenaces circulaient au sujet du plan qu’avait Ja 3e SRC (Section de Recherche Criminelle) de la BSR bruxelloise d'appréhender Benoit de Bonvoisin, "homme qui en accord avec Cools avait amené CGEaux et CGEut 3 Lidge. Verjus et Van der Biest se virent d’ailleurs bientdt donner raison, puisque quelques jours plus tard, le 26 avril, te baron noir au penchant pour les roses en bouton (dist Phi- lippe Brewaeys), fut offectivement arrété. Test trés clair que ~ quoi que puisse prétendre Eerdekens une déclaration politique aussi importante, qui demeure ignorée’ pendant huit mois et commence brusquement 3 circuler en juillet 92 dans les couloirs de la Chambre ~ au moment précis ott le dossier Cools atteint la Commission Parlementaire des Poursuites ~ ne pouvait transpirer que si tun des membres de la Commission en avait Iui-méme orga~ nisé la ite. Dans ce contexte, De Standaard suggéra délica~ tement que le Liégeois Jean Gol, en particulier, aurait bien pu avoir quelque intérét A ce que la chose s’ébruite, mais ceci parait vraiment peu plausible. ancien ministre de a Justice avait, s'il Tavait désiré, d'autres moyens 2 sa disposition pour compulser certains passages du dossicr. Une chose est claire: aucun journaliste, aucun parlemen- taire n’a pu obtenir des informations d’Ancia. Les fuites, qui apres juillet 1992 sont devenues monnaie courante, avaient nettement une autre origine. De plus, elles ne farent pour ainsi dire jamais ménagées sans arrigre-pensées. 5 Attentat sans tueur a gages: trois pistes, trois impasses Lettre anonyme et carriére éclair Le lendemain du meurtre, le tribunal de Lidge regoit une let~ tre anonyme qui désigne Richard Taxquet comme l'auteur du crime, Taxquer, ancien agent de police et officier de la PJ., pilier d’estaminet invétéré de Grace-Hollogne, attertit en 1988 sur la recommandation de I’échevin et secrétaire du PS liggeois Maurice Demolin dans le cabinet du ministre, 3 cette époque, national Alain Van der Biest. Engagé en fonc~ tion de chauffeur, sa tiche la plus importante consistait & sor~ tir son ministre éméché du caniveau, le remorquer avec ef- fort et le ramener sain et sauf au 9 de la rue Jean-Jaurés, au domicile personnel du ministre compagnon de la dive bou- teille, Ou du moins, c'est ce que racontent maintenant les coolsiens & propos du brillant romancier ~ d'aprés Jean- Maurice Dehousse le seul auteur francophone contemporain dimportance — dont on disait autrefois qu'il était Vhéritier révé du maitre de Flémalle. Le fait est que Taxquet dut s'acquitter consciencieusement de sa tiche, puisqu'll regut rapidement une promotion. A sa place fist maintenant engagé comme chauffeur Pino (Guisep- pe) Di Mauro, un ami de Taxquet. Quant & Taxquet Iui- méme, il grimpa les échclons & pas de géant jusqu’au poste de secrétaire privé du ministre. Bref, il fit une carrigre si im- pressionnante au Ministére des Pensions que le marchand darmes liggeois Georges Cywie patronna lui-méme Tax- quet auprés du Lions Club de Bierset. Le jour du meurtre encore, Taxquet demande a son minis- tre si celui-ci veut lui procurer un alibi, chose & laquelle Van der Biest consent sans réfléchir. C'est pourquoi il déclare au tribunal que lui, Van der Biest, parlait avec Taxquet au télé phone ce matin-l a sept heures et demie. Pour Véronique Ancia, qui méne Venquéte, cette déclaration est suffisam- ‘ment bona fide pour ne plus continuer sur cette piste. Elle a 16 bien d'autres chats a fouetter. Lon verra plus tard dans quel- les difficultés Van der Biest s'est mis en procurant cct alibi en béton a son secrétaire. Premiére impasse: le meurtre passionnel Ce nest que vers 9h du matin que I'gpouse d’André, Théré- se Cools, apprend le déces de son mari, Par les journalistes, encore bien, Parce que personne, att Parquet de Litge, n'a cu la délicatesse de prévenir cette femme d'un certain age, qui mine une vie retirge. Une autre femme, bien plus igée enco- re, chevrotante et toute ridéc, la mére d’André Cools, n'a as &té avertie non phis. Avec quels mots lui aurait-on crié cotte nouvelle a loreille? C'est pour elle assurément que Jac ques Brel écrivit la plus belle de ses chansons: Les viewx, Et pour tous les autres vieillards. Pour ceux qui ne comptent plus depuis beau temps, méme lorsqu’ils perdent un enfant. Parce qu’ils sont trop vieux pour encore éprouver du cha grin. Trop purifiés par le feu de la douleur. Parce qu'elle a perdu son mari en 1942, tué & coups de hache dans le dos dans le camp de concentration de Mathausen. Puis vint le tour du mari de sa petite fille. Et maintenant, celui qui faisait sa fierté, son fils, son André. Ce morveux avec son franc parler. Et personne n'est Ii pour la réconforter. Personne pour lui expliquer. Personne pour lui demander: ‘Ga va, merc?” A Flémalle, le 18 juillet 1991, deux vieilles femmes sont en terrées vivantes. Oubliées par un appareil judiciaire glacial, implacable et de temps 2 autre kafkaien. Qui ne se sert enco- re que de la langue de bois du discours juridique. Pour qui la langue de amour est aussi inconnuc que Gerard Reve. Crest qu’André Cools, n’est-ce pas, vivait depuis tant d’années déja avec son amie plus jeune de 30 ans. Avec Ma- ric-Héléne Joiret. De sorte que tout le monde, rue du Palais, avait oublié depuis bonne lurette qu'il existait pendant rout ce temps encore une authentique madame Cools. Done ce matin-la, le Parquet se met uniquement 3 la recherche des enfants, Celle de Marcel Cools, qui s’avére introuvable (par- 0 ce qu'il est parti passer ses vacances en famille au camping de Saint-Nazaire-le-Désert) ct celle de Christine Cools, qui de- meure tout aussi introuvable (parce qu’elle séjou ping d’Argeles). 11 est dailleurs dgja prés de dix heures du soir quand tous deux arrivent, affolés, a Flémalle. tl pleut. A grosses gouttes tiédes. Quelqu’un dans la ruc dit: ‘Le roi vient demain’, [ls V'attendront jusqu’a cing heures du soir, le souverain. De simples ouvriers, aux visages tirés. Tout ce temps dans le crachin. Treize minutes plus tard, if disparait & nouveau, leur souverain. A brides abattues. Vers son Palais de Laken, Oi bient6t les politiciens, qui en sont 3 la troisi@- me phase de la réforme de I'Etat, s'empresseront de saper les fondements de son tréne. Tout de suite apres Pattentat, les voisins découvrent Joiret en sang 4 cété de Audi 90 du maitre. Lui, il est mort, on ne peut plus rien faire pour lui, Hl git sur le macadam, la télé- commande de Vouverture des portes 3 la main. Elle est cons~ ciente. On la soigne d'abord trois quarts d'heure dans une ambulance arrivée sur les chapeaux de roue avant de Pem- mener. Elle dit aux ambulanciers n'avoir jamais vu Pauteur du crime auparavant, qu’il ne portait pas de masque, ct qu'immeédiatement apres les coups de feu, il avait esealadé le bas-cété du parking ct de la disparu par avenue de 'Obser vatoire. Joiret est archéologue en fonction au Ministére de la Com- munauté Francaise. Elle y est responsable des acquisitions du musée et chiteau La Chataigneraie 4 Flémalle. Elle est aussi membre du PS au conscil municipal du méme Flémal- Ie, Elle y est officiellement inscrite, mais habite de facto de~ puis 1986 au huitiéme étage de la Résidence de la Colline & Cointe. Elle confiera plus tard 2 Serge Dumont, journaliste de lhebdomadaire de gauche L'Instant, que la relation qu’elle entretenait avec Cools relevait plus duu domaine profession- nnel que de Vamoureux. Brigvement, l'idée d'un meurtre passionnel effleure le Par quet. Parce que tout 4 coup, on trouve bien bizarre que la veuve ne soit pas venue saluer la dépouille mortelle le ven- dredi, endemain du meurtre, Par quoi elle devient brutale- ment partie du discours juridique. Une langue dans laquelle 18 Je prénom de tout un chacun s'épelle ‘suspect™. Mais la voila qui réapparait le samedi, Aux funérailles. Tete haute aux cotés de ses enfants. Les enquéteurs se rendent vite compte que V'hypothése d'un meurtre passionnel ne tient pas de- bout. Toute la cité ardente sait depuis des années qu’André Cools n'est pas un modele de fidélité conjugale. Son épouse stest résignée & ce triste sort. Ainsi, elle a essayé, le matin da meurtre encore, d'intervenir auprés des journalistes pour quills ne proclament pas 3 tous vents la relation de son mari avec sa maitresse, de tant d’années plus jeune. Comment tel- Te femme aurait-clle pu ordonner l'élimination de son mari — son orgueil et sa fierté, en dépit de tout? La piste fut aussi promptement enterrée, Rayée du discours juridique. Par tune main qui, Fespace d’un moment, parait n’étre pas de gla~ ce, parait s'humaniser. L'entidre durée d’une nanoseconde. Deuxiéme impasse: linfirmier désaxé Une déclaration faite le lendemain du meurtre par le mem- bre du parlement européen Ernest Glinne, de longue date compagnon de route de Cools, a du sonner comme un pré sage de mauvaisc augurre aux oreilles de Véronique Ancia: ‘Je suis persiadé qu'il a été abattu pour des raisons d’ordre éc nomico-financier. Le scandale des parcométres de Ligge n'est peut-étre gue la partie visible de V'iceberg.” (Het Laatste Niewws, 20-21 juillet 1991). Que Dieu I’en préserve. Des rai- sons financiéres et économiques? Cela veut dire qu'elle aura d'ici peu a déméler 'écheveau embrouillé de tous les hol~ dings qu’a fondés Cools 3 la fin de sa vie. En vieux rena diste converti a une sorte de socialisme de gestion, jamais bicn loin de T'affairisme, Cools était en effet & la fin de sa vie a la téte d'un empire rouge. Avec un capital de plus de 10 mil- liards de francs. Pendant un court laps de temps, on a encore l'espoir de ne pas avoir 4 chercher dans cette direction, que tout s’expli- quera bien plas simplement. Parce qu'il y a un témoignage. Et les enquéteurs s'y cramponnent. Comme des noyés 4 un fétu de paille. Quelqu’un a vu un drdle de bonhomme faite 9 de lauto-stop 48 h 10 du matin, Au quai Banning. C’est & au moins une demicheure de marche du liew de Pattentat. Lhomme portait un ensemble en jeans et des bottes de cow- boy, avait les cheveux bruns, paraissait avoir environ 45 ans. Une description qui s'accorde parfaitement a celle de Pau- teur du crime, Qui plus est, 'homme avait lair fatigué et hypernerveux. Debut avait, la tension est A conper au coutcau. La com- mission d'enquéte Cools a pu découvrir lidentité du mysté- riewx auto-stoppeur ct l'amener énergiquement ruc du Pa- fais. Grande est la déception de tous lorsqu't s'avére que Vauto-stoppeur n’a rien 4 se reprocher. On Ie remet cn liber~ té immédiatement aprés interrogation. I peut retourner faire de Pauto-stop. Fatigué ct nerveux. Mais le jour qui suit le meurtre, les enquéteurs décdlent encore une autre piste. Encore une qui n'a rien & voir avec le socialisme gestionnaire. On pense en effet 2 un banal regle- ‘ment de comptes personnel. AV Hépital du Bois de Abbaye de Sc~ raing, un infirmier en chef, un certain J.C., a écé suspendir temporairement de ses fonctions quinze jours avant V'atten- tat meurtrier, Une infirmitre s'était en effet plainte d’étre e gulitrement importunée par lui pendant les heures de servi- ce. J.C. avait alors di répondre de ses actions devant le co- mité de gestion de la clinique. Dans celui-ci, aux edtés d'un certain nombre de médecins, siégeaient aussi Guy Mathot et André Cools. L'infirmier en chef s‘était fait accompagner pour la circonstance d’un avocat qui réfutait point par point Jes accusations de linfirmiare. Mais Cools avait balayé avec bratalité et emportement tous ces arguments, sur quoi le co~ mité avait décidé de relever temporairement I'infirmier en chef de ses fonctions. Ceci avait tant déchainé la colére de J.C. qu'il avait hurlé 4 Cools qu'il aurait sa peau. La description de assassin ne colle pas du tout avec celle de Vinfiemier. C’est pourquoi le substitut du procureur Fran- cis Dessaert décide de cesser les poursuites engagées contre lui, Le 25 juillet, le Parquet recoit pourtant un coup de tél phone alarmé du détective privé Claude Mecsen. Celui-ci déclare au procureur que, peu de temps avant le meurtre de Cools, Pinfirmicr en chef avait engagé lui et deux collegues 20 pour constituer des dossiers compromettants contre dine fluents politiciens liégeois. Le méme jour, les enquéteurs recoivent une lettre anony- me affirmant que J.C. a caché un revolver chez un ami juste aprés V'attentat. Le 27 juillet, non seulement cet ami est iden tifié, mais l'on retrouve aussi un FN. 765 dont le numéro de série a soigncusement été limé. Llenquéte balistique du céle- bre banc d'essai de Lidge n’étant & ce moment-li pas encore terminée, les enquéteurs s'imaginent toujours que Cools a été abattu avec tn FN. 7.65. Cela rend la piste soudainement tres séricuse. Mais le 28 juillet, le parquet recoit les experti- ses balistiques de I'Ecole Militaire Royale, entre autres. Cette enuéte prouve sans aucun doute possible que les bal- Jes meurtri’res ne peuvent absolument pas provenir de Parme trouvée. Sur quoi, on remet ami, qui d’ailleurs ne répond pas non plus au profil du meurtrier, on liberté. Une nouvelle impasse, donc. Troisigme impasse: réglement de comptes personnel dans le scandale des parcométres Véronique Ancia n’abandonne pourtant pas directement Vhypothése que Cools ait été victime d'un banal réglement de comptes personnel, sans intervention d'un tueur a ga- ges. Cools n'aurait-il pas négligé la nomination d’un cool- sien d'une fidélité a route épreuve, et celui-ci ne se serait-il alors pas vengé? Aurait-il si profondément offensé un de ses adversaires politiques ~ un art auguel Cools s‘entendait bien mieux encore que Lodewijck Van Deyssel ct Julien Wever~ bergh réunis ~ que celui-ci, au désespoir, lui aurait présenté la note? Ancia ne veut écarter aucune de ces possibilités. Elle sait que Cools se sentait menacé depuis au moins 1974, Si- hon, pourquoi avoir alors acheté un revolver et demandé pour lui en 1978 un permis de port d’arme? A ce sujet, le compagnon de lutte syndicale de Cools, Georges Debunne, jadis a la téte de "ABVV, déclare ce qui suit aprés le meurtre: ‘J'ai bien conn Cools. En 1974, nous avons tous deux recut au méme moment des lettres de mena~ 21 ce. Il s'est immédiatement procuré un revolver ct me trou- vait inresponsable de ne pas en faire autant, Cools était un dréle de bonhomme, Il avait le godt du risque et prenait contact avec des personages doutcux pour arriver au fond de certaines sombres affaires. Je ne crois qu'il at été corrom- pu. Tl enguétait sur les dossiers et est peut-étre pour cela qu'il a été abattu, Je me souviens qu’en 1974 ~ nous étions 3 Népoque en plein dans V'affaire Ibramco ~ il avait averti le premier Leburton que le téléphone de celui-ci était placé sur Ecoute ct que des microphones étaient dissimulés dans son cabinet. Leburton ne Ia pas cru, mais il s'est avéré plus tard que Cools avait raison.’ (De Morgen, 25 juillet 1992) Que l'on n’en doute pas: Cools s'est risqué 4 des liaisons financidres équivoques. Le pacte diabolique qu’il avait con tracté avec le baron noir était une liaison de ce genre. Tous deux avaient ceci de commun qu'ils haissaient la Société Gé- nérale. Celle-ci avait systématiquement désinvesti dans la ré- gion de Lidge (par exemple & FN Herstal), ce qui avait pro- voqué un énorme chémage. En vieux renardiste, Cools ne pouvait supporter parcille situation, C'est pourquoi il s’était détourné du socialisme orthodoxe qu'il avait appris des syn~ dicats de mineurs, pour le remplacer par un socialisme pragmatique comme celui que pratiquait Ie syndicat des mé- tallos. Cools Iui-méme, peu avant sa mort, résumait ainsi la si- tuation dans une interview dans le journal De Standaard. Le socialisme des mincurs était beaucoup plus orthodox que celui des ouvriers métallos, qui leur avaient succédé. Les an- nées daprés-guetre avaient été marquées par le grand déclin des bassins houillers, qui avait ramené la misére dans la po- pulation des corons, Les sidérurgistes navaient pas conn cette misére, puisque la récession de V'industrie houillére fut couplée a la croissance de Vindustrie sidérurgique. Les métal- los ne firent jamais, a l'encontre des mincurs, partie du sous- prolétariat de Marx. Leur socialisme était plus souple, plus sensible aux compromis. Et ces compromis, Cools les fai= sait, 3 a fin de sa vie, de plus en plus allagrement. Le socia- lisme gestionnaire en était un exemple édifiant. Le bruxellois Philippe Mourcaux, partisan fidéle de Cools, voit les choses 22 clairement quand il affirme: ‘Cools est le produit de ortho doxie des mincurs wallons et de la soif de contestation des méuallos’, (De Standard, 19 juillet 1991), Mais le pacte diabolique entre Cools et Bonvoisin attira une foule d’ennuis au PS liégeois. La venue de la multinatio- nale francaise, la Compagnie Générale des Eaux (CGEaux) et de sa filiale la Compagnie Générale d'Europe (CGEur) marqua le début des scandales politiques de Liege. En effet, depuis 1990, le juge d'instruction Van Espen conduisait & Bruxelles une enquéte au sujet des fraudes fiscales de Bon voisin. Celle-ci 'amena 3 découvrir que la baron noir s‘était fait payer 8 millions de ‘prestations’ par le biais de Ta société d’édition CIDEP (Compagnic Internationale d’Edition et de Promotion), qui publie entre autres le magazine d'extréme- droite Burope Magazine. Etant donné qu'il était parfaitement impossible qu'il s‘agisse de ‘prestations’ pour Cidep, les en guéteurs n’eurent que peu de mal 3 comprendre que largent avait en fait 68 versé 3 Cidep par CGEur. La question fut alors de savoir de quel genre de prestations il s'agissait au juste Le 26 avril 1990, Benoit de Bonvoisin, en route vers Paris, se voit coincé par 5 véhicules de la gendarmerie et ronde- ment embarqué. Peu de temps aprés, Van Espen décide de perquisitionner les locaux de CGEur. Ces locaux avaient été achetés pour une bouchée de pain 3 la ville de Liege en 1987 Le médiateur, cette fois encore, était Benoit de Bonvoisin, gui s'était méme chargé de la livraison du mobilier du somp- tucux hétel de maitre du Mont Saint-Martin, Bien que Cools ne soit en aucune fagon ravi de la fagon dont Bruxelles furdte dans les affaires duu baron noir, il ne peut empécher que la 3éme SRC de la BSR Bruxelloise organise des perqui- sitions le 13 mai 1990 aussi bien dans les locaux de la CGEur que chez deux de ses gestionnaires, Georges Goldine (PRL) et ancien colonel Jean Dubois (le fidéle valet du maitre de Flémalle). Cette dernigre perquisition est fatale au PS lié- geois. Quand Dubois veut aller aux toilettes, un porte-docu- ments & la main, ce précieux objet lui est arraché des mains, A Tintérieur, les enquéteurs trouvent deux carnets pleins & ras bord d'inestimables annotations. Dans I'un de ees carnets 23 se trouve le compte-rendu mot par mot dune conversation téléphonique entre Goldine (de CGEur) et Jules Verbinnen (chef de cabinet du maire, Close). De cette conversation res~ sort que le million de franes de pots-de-vin promis ne sera pas délivré au PS liégeois tant que le maire Eduard Close naura pas donné le feu vert pour l'achat des parcometres de la ville de Liege. Lorsque Benoit de Bonvoisin est remis en liberté le 13 juin 1990, le mal est déja fait. Cools n'a pas pu obtenir du juge dinstruction liégeois Anne Freson qu'elle ne tichne pas compte des résultats de Penguéte bruxelloise. Ainsi, clle dé couvre 4 son tour que le baron noir avait ouvert une ligne de crédit de 1,000,000 francs au profit du PS de Ligge chez I'im- primeur liggeois André Scaillet. Dans les carnets réquisition— nés, Dubois avait indiqué sur Vordre de Cools quels étaient ceux qui pouvaient en profiter: Guy Cudell (le maire de Saint-Josse) et Léon Defosset (maire d’Etterbeek) chacun pour 300,000 FB et le coolsien braxellois et vice-premier Philippe Moureaux pour 400,000 FB. Qui plus est, lenquéte démontra que le PS liégeois ne fit pas seul & profiter de la livraison des parcométres et autres (3 millions comptant plus 5 millions de participation aux im- primeés électoraux des coolsiens). A l'installation des guérites dautobus et des panneaux de publicité (c.a. par Ventreprise JC Decaux Belgium dans laquelle CGEaux participe pour 15%), les sieurs Close et Verbinnen purent encore profiter de toutes sortes de luxtieuses croisiéres-cadeaux, par exem= ple aux Hes Maurice (prix: 1,109,000 FB), aux Seychelles (prix: 479,000 FB), en Sardaigne (prix 482,000 FB), ct autres broutilles (le tout pour 3,000,000 FB). Au total, prés de 11 millions de francs de magouilles refirent surface, Le 28 no- vembre 1990, le bourgmestre Close jette I'éponge. test clair comme de l'eau: de roche que sa campagne électorale de 1988 a 6t6 financée par les entreprises Jean-Claude Decaux. Afin de couper court au scandale, il démissionne de son poste de maire, donnant pour raison officielle qu'il veut se retirer dans sa maison de campagne de Herve et ne plus habiter & Lidge. C'est le prix que doivent donc payer les coolsiens pour le pacte avec le diable, 24 A Torigine, Ancia n'est pas disposée 8 établir un lien entre le scandale des parcométres liégcois et le meurtre de Cools. Un des enguéteurs déclare méme littéralement: ‘Nous ne voyons pas pourquoi quelqu’un dans le cadre du dossier au- rait voulu se venger sur Cools’. Mais bientdt, une certaine presse lui remet en mémoire une ancienne déclaration du ba~ ron de Bonvoisin, faite 4 un journaliste du quotidien francais Libération le 15 juin 1990. Le baron noir proclamait dans cet article avoir été la victime d'une conspiration. Ce complot aurait été mis en ocuvre sur mandat des concurrents de la CGEaux. Ceux-ci auraient 4 leur tour soudoyé la Sécurité Nationale et certains politiciens belges. De cette théorie du complot, ill en est un, en tour cas, qui s‘en sort en piteux état: Jean Dubois ~ ‘I'empoisonneur de Cools’ comme aiment lappeler ses adversaires Dehousse et Happart. C'est lui qui répondait pour le compte de la SWGS (Société Wallonne de Gestion et de Stationnement) de la ges~ tion des parcométres liégeois. Fin 1987, Raymond Yans por tait dja plainte au nom d’Ecolo-Liége contre la SWGS qu'il accusait de traficoter les licences des parcométres. Les Verts liggeois attendaient a 'époque de Cools qu'il intervienne en tant que ministre chargé de la tutelle. Cools refusa net. Une certaine hypothése veut que c'est par cette plainte gue le tribunal de Bruxelles se soit mis & enguéter sur la liai- son entre CGEaux, de Bonvoisin et le PS liggeois. Bien que cette vision soit fondamentalement erronée, le tribunal lié- _geois ne voulait soudainement plus écarter la possibilité que certains fanatiques d’extréme-droite aient eu soif de ven- sgeance, C'est que ces fanatiques partaient du fait que les en rmuis qu'avaient cus la Cidep, Burope Magazine ainsi que Bon- voisin étaicnt entigrement 4 imputer 4 Fempoisonneur de Cools, Dubois. Ancia commence & trouver cette théorie du complot tres plausible quand elle lit dans Le Soir Phistoire d'une dame ha- bitant Elsene qui affirme que son fils avait eu vent d’un at- tentat contre un politicien liégeois que préparait un groupe d'extréme-droite inconnu. Interrogée par Ancia, la femme confirme que, quelques jours avant le meurtre d’André Cools, elle avait déja tout rapporté 3 un policier d’Elsene. La 25 femme croit se souvenir que son fils parlait d’Eduard Close, mais elle n‘exclut pas la possibilité qu'il ait pu étre question d’André Cools. Immédiatement aprés le meurtre, son fils ait enfiai& létranger, probablement en France. La piste débouche rapidement sur un cul-de-sac ds que le parquet de Lidge interroge le fumeux fi tement gu’il s'agit d’un malentendu et que toute histoire ne repose sur rien, Sil avait été question de représailles quel congues, elles auraient été dirigées contre Close ou Dubois, Jamais contre Cools. Finalement, le tribunal décide qu'il n'y 1 pas de lien direct entre le scandale des parcometres ct I'at~ tentat du 18 juillet 1991, Con fait remarquer que ceux qui au- raient payé les pots-de-vin dans le scandale ~ la CGEur via Cidep, Jean-Claude Decaux et Oscar Rauwers ~ s’en tirent en fait 4 bon compte et que ce sont finalement les coolsiens Maurice Demolin, Jules Verbinnen et Eduard Close qui de- vront, de pair avec le baron de Bonvoisin et Georges Gold ne, payer les pots cassés. Il est effectivement difficile de voir ce que un d'entre eux aurait ew 3 gagner d'un attentat sur Gools. De plus, Cools avait protégé son maire jusqu’au der- nior moment et aucune forme de déloyauté ne pouvait lui étre reprochée dans cette affaire Au bout du rouleau Un mois peine aprés le meurtre, toutes les pistes touchant 3 une revanche personnelte sont épuisées. Le tribunal doit se ren dre 3 Mévidence, cest-Aedire qu'il s'agit dun assassinat pure- ‘ment politique, un attentat qui~ comme Pont soutenu depuis le premier jour Lode van Outrive et Emest Glinne— est en rela~ tion étroite avec les dessous politico-financiers du PS liégeois. Ce nest que maintenant qu’Ancia attache de importance 4 une Jourde menace qu’avait proférée Cools pew avant sa mort: ce n’écait pas par des inconnus qu'il avait été roulé, et iln’hésite~ rait pas 3 laver le linge sale en public. Quel linge sale? Ine res- tait 4 Ancia qu’a le deviner. Parce que dans le Palermo-sur Meuse liggeois, régne dorénavant ome, “cette conspiration dusilence’, comme la nommerait plus tard Marcel Cools. 26 Cing impasses en matiére de tueur a gages Premiere impasse: Cools et les inepties du A.D. Aotit 1991. Venquéte sur le meurtre du parrain de Litge An- dré Cools parait avoir abouti sur une voie de garage. Main tenant qu'il semble de jour en jour plus évident qu'il s'agit d'un réglement de comptes politique pour lequel les intéres- sés ont cu recoutrs aux services d'un tueur & gages, les hy- pothéses vont bon train. La voie est ouverte aux spécula- tions es plus folles, les plus ignobles d'abord, Dans ce do- maine, le quotidien hollandais Algemeen Dagblad fait vrai- ment sauter Ja banque le 24 a0at 1991. Le journal prétend sa~ voir qu’André Cools était en possession de certains docue ments secrets qu'il conservait dans un coffre en. banque suisse. Des relations d'affaires auraicnt exigé qu'il leur resti~ tue ees documents, Lorsqu'il avait refusé de s'exécuter, ces personnes auraient engagé un tueur a gages. Le reporter était également en mesure d’affirmer que Cools conservait dans ce méme coffre, en sus des documents, 200 millions de francs douillettement 4 l'abri du fise belge - on acceptera sans probléme que le narratcur était présent dans la salle des cofties quand Cools comptait ses millions clandestins — ct que le tucur & gages se cachait en France, & Marscille, Le simple fait que le parquet de Ligge ne fit aucun effort pour contredire cette anerie suffit 8 toute une série de jour naux belges pour la colporter sans réfléchir plus loin. Lhhypothése selon laquelle Cools aurait possédé une gran- de fortune personnelle 3 I'étranger est contredite par les dé- clarations de la succession. Celle-ci comportait & peine 10.3 aillions de francs. Aucun compte bancaire personnel ne fut trouvé a létranger. Larticle 4 scandale du A.D. est en fait bbasé sur un ramassis de divers éléments desquels une version sensationnelle a été concoctée. Le coffre en Suisse est stricte~ ‘ment basé sur Ie fait que Cools, en tant que président de la SMAP (Société Mutuclle des Administrations Publiques), un organisme public spécialisé dans toutes sortes d’assuran- 7 ces, avait pris part au mois de mai 1991 3 un congrés interna- tional d'assureurs européens. Un journaliste de cet autre ta~ bloide & scandale, le Sun anglais, avait alors vu Cools entrer dans une banque pour y changer de Vargent. Ce qui fat im- médiatement bon pour un coffre de 200 millions, Le tucur a gages de Marseille, lui, fut repéché de histoire de Vhabitante d’Fxelles dont le fils ‘était ‘enfui’ vers le sud de Ja France le jour aprés Massassinat. Quant aux document se~ crets, ils étaient empruntés 2 une hypothése du Britannique Chris Cowley, qui soutenait gue Cools avait connaissance d'une série de commandes pour le fameux Supercanon que Tingénieur canadien Gerald Bull auraie liveé a Ilrak. Deuxiéme impasse: Cools et le supercanon Ce Gerald Bull avait été abattu 4.7 h 30 du soir, le 22 mars 1990 4 Ucele. Bien que dans ce dossier le parquet n’ait pas fait le moindre progrés, on présume communément que Bull a été tué par les services secrets israéliens, donc par le Mossad, donc. En tant que fabricant du Supercanon, qui avait été livré a Vennemi juré d'Israél, Sadam Hussein, Bull était considéré comme une menace pour la sécurité du peu- ple israélien. Dans son livre Guns, lies and spies, Pingénicur anglais Cowley (qui lui-méme a pris part au projet Babylon, done au Supercanon) est frappé par une série de remarquables si- militudes entre lassassinat de Bull et celui de Cools. Dans Jes deux cas, on a affaire A une exécution super-profession- nelle. Dans les deux cas, cing balles ont été tirées. Dans les deux cas, on a fait usage d'un 7.65. Dans les deux cas, Yon a tiré une balle 3 travers la téte et une 3 travers la nuque. Dans les deux cas, le parquet a immeédiatement fait savoir qu'il se~ rait trés difficile de retrouver lauteur du crime. Tout ceci est indubitablement vrai et constitue une hypothésc trés valable. La od le raisonnement de Cowley fait fausse route, c'est qu'un éventuel attentat sur la personne de Cools ne pouvait absolu- ment pas étre lié au Supercanon, Ou phate: si le Mossad fai- sait éliminer Cools, c’était stirement pour d'autres raisons. 28 La théorie de Cowley est basée sur le fait que le 17 novem- bre 1988, l'usine de munitions la plus importante de Belgi- que. PRB (Poudreries Réunies de Belgique), conclut un con- trat avec les représentants irakiens pour la livraison de 200 tonnes de poudre destinées au Supercanon. Les premigres vraisons eurent liew au printemps 1989. A ces fins furent ut lisés ~ d'aprés Cowley ~ des avions C-130 de larmée belge. Crest Jean-Louis Jourdain du SRC (Space Research Corpora- tion), Ia firme qui construisit le Supercanon pour le compte des Irakiens, qui aurait transigé avec le ministre de la Défen- se Guy Coéme l'emploi des avions C-130 de Parmée belge pour le transport. Etant donné embargo en vigueur depuis le début de la guerre entre MIrak et PIran, il fut décidé que la poudre serait envoyée en Jordanie. Elle serait de 18 achemi- née vers I'Irak par camions, Rik Coolsaet, chef de cebinet adjoint de la Défense lors~ gue Coéme était encore ministre, a confirmé par la suite que 200 tonnes de poudre avaient bel et bien été expédiées par avion en Jordanic. Que l'on ait utilisé 4 ces fins des avions de Varmée belge ne lui parait en rien anormal, car les compa- gnies commerciales d’aviation comme la Sobelair ne sont pas friandes de ce genre de cargo. Coolsaet reconnait d’ail- leurs que la FN et Mecar font fréquemment appel aux servi- ces de Tarmée de T'air, contre payement bien entendu (Hume, 7 janvier 1993) La version des faits que donne Cowley différe pourtant beaucoup de celle de Coolsact. Ainsi, Cowley affirme que pour chaque livraison de poudre en Jordanie, un petit extra de 25,000 $ US payable en barres d'or était entendu. Ce petit cadeaut aurait été prévu soit pour Coéme soit pour le PS, Coolsact, au contraire, déclare que tout ceci n'est qu'une fa- ble. De plus, il précise que la Défense ne savait pas que les li- vraisons de poudre étaient destinécs 3 I'lrak. I signale que les cargaisons étaient munies de certificats d’end-user, sur le- quel était mentionné en bonne et due forme la Jordanie. Sila poudre a été par la suite acheminge en Irak par Ia Jordanic, est que les Jordaniens n’avaient pas respecté les certificats Cowley maintient pourtant que des pots-de-vin ont bel et bien été convenus. Il lui parait concevable de déduire qu'An- 2» dré Cools ait eu vent de la chose lors d’un entretien que Cools et Bull ont eu en février ou mars 1988 au Bar Neptune a Favenue Louise 4 Bruxelles. Cools était accompagné d'une Jeune femme (probablement Marie-Héléne Joiret). Cowley fat personellement témoin de cette rencontre. Sa thése sou tient qu’André Cools était 3 la hauteur des pots-de-vin que Coéme et le PS devaient recevoir ct que, ne voyant rien ve~ nir, il avait menacé de rendre publique toute P'affaire. Sur quoi, on aurait fait intervenir le Mossad pour éliminer Cooks Bien que cette piste n’ait jamais été sérieusement suivie par Ancia, la chance que Cowley ait vu juste paratt infini- ment petite. Car tout compte fait, il ne sait pas grand-chose 3 part que Cools ct Bull se sont rencontrés. La rencontre en question remonte 3 plus de huit mois avant la signature du contrat PRB. Cowley ne peut done avoir la certitude que Cools était au courant de ce contrat. De phis, son raisonne ment manque de logique lorsquil voit Te travail du Mossad dans cette hypothése. Admettons que Cools ait été au cou- rant, admettons que Cools ait rendu Paffaire publique, com- ment ¢cla aurait-il pu porter ombrage aux intérats isracliens? ‘Cest I'frak et la Jordanie qui se seraient mal sortis de cette af- faire, pas Israél, ni Cools. ly a dailleurs un indice capital pour penser que Cools ne savait rien des livraisons de poudre & la Jordanie, Car si elles avaient dit servir 3 renfloucr les caisses du parti, Cools n’au- rait jamais approuvé que les frets démarrent de Paérodrome de Melsbroek, il aurait toujours insisté pour qu’ils partent de Bierset. U'2érodrome de Bierset — 'enfant chéri de Cools ~ est en effet mondialement connu comme le plus accommo- dant d'Europe pour contourner tous les embargos possibles et imaginables. Ici, si besoin en est, on se fiche pas mal de ces Ficheux certificats de end-user. La seule chose qui compte Bierset, c'est que les cargaisons soient nanties d'un docu- ment SQA/TS qui atteste de la juste nature du fret. Ce n'est pas un secret que Fhomme d’atfaires liégeois Léon-Francois Deferm, toujours trés proche du PS liégeois par le biais de son pote et compagnon d’armes Guy Mathot, faisait régulit- rement appel pour ses envois aux services du colonel G, 30 Mathar de la Commission Interforces en Assurance de la Qualité des Forces Armées, dont le side est établi dans le Quartier Eli= sabeth 3 Evere, Bref, pour une expédition & partir de Bier set, Vobtention d'une attestation de ce genre pour la livrai son parfaitement légale de poudre n’aurait jamais posé de problémes. Puisque Cowley lui-méme dit que Bierset n'a pas &té utilisé pour les ivraisons de poudre des PRB, on peut conclure en toute logique que Cools était en tout point igno~ rant de 'affaire. Donc, on aboutic ici aussi sur un cul-de-sac. ‘Troisiéme impasse: Cools et la mafia des déchets tox ques 1 faudra attendre jusqu’a la mi-décembre 1991, donc cing mois entiers aprés le meurtre de Cools, avant que ne se réve- lent encore quelques nouvelles conerétes. On chuchote que la commission d’enqueéte liggeoisc est sur une piste toute frat che. Et en effet, depuis début décembre, le juge d'instruc- tion liégeois, madame Reynders, a ouvert une enguéte sur des déchets toxiques qui auraient &é déposés derriére le chateau on ruines de Val-Saint-Lambert 2 Seraing. Les tra~ vaux de décharge auraient été menés par un certain Pol Thi rion, Le 13 décembre, madame Reynders fait prendre des échantillons du sol dertitre le chateau, De ceux-ci ressort que le coefficient en métaux lourds, plomb et mercure, est considérablement plus élevé que la normale. On soupgonne done que des barils contenant des déchets toxiques ont é&é cenfouis dans le sol. Etant donné que les travaux de démoli: tion datent de mai 1988, le conseil communal se demande sur qui retombe la responsabilité de Vaffaire: sur l'ancien maire Guy Mathot ou sur son successeur, Gaston Onke- linckx? Mathot nie avec véhémence qu'il ait jamais éé question de déverser des produits toxiques pendant les travaux de dé- molition, Mais un témoin confirme a 'équipe d’investiga- tion de madame Reynders qu’il a vu de ses propres yeux un camion plein de tonneaux déverser son chargement sur le terrain. Lentreprencur des travaux de démolition, Pol Thi- 31 rion, fait immédiatement savoir que ceci n’a jamais eu lic cen sa présence ct qu'il ne préte aucune crédibilité 3 cette his- toire, A partir de Ii, imagination ne connait plus de bornes. Toutes sortes de témoins signalent que non moins de cing personnes ayant participé aux travaux de démolition sont décédées dans des circonstances suspectes. Dans l'un des cas, tun contremaitre a méme tout bonnement été assassing, A partic de janvier 1992, le tribunal cherche un lien entre les possibles barils de déchets toxiques ct le meurtre de Cools Lon avance maintenant que Cools était évidemment as cou- rant des déchargements clandestins de déchets toxiques, que Mathot avait fermé les yeux contre rémunération et que lorsque Cools avait menacé de laver le Tinge sale en public, Mathot avait eu tout intérét & faire disparaitre le maitre de Flémalle. est clair que la réputation peu savoureuse de Mathot ne laisse pas indifférents les enquéteurs. Ainsi ils découvrent que Robert Bosman, un sous-entrepreneur qui avait jadis cu la décharge a son compte, a perdu la vie dans des circonstan- ces jamais éclaircies. [homme avait souftert d'une crise car diaque. Amené 3 I’hépital, il y fut vietime une semaine plus tard d'un second arrét cardiaque auquel il finit par succom- ber. La famille du défiant déclare au tribunal de Litge que Yon avait saboté l'appareil respiratoire de Ph6pital dans le- quel Bosman avait été admis, Mais Thirion, qui se sent visé, récuse cette hypothése comme étant de la fabulation pure. Ensuite, il s'avére qu'un contremaitre de Bosman, un cer tain Sylvain Macs, a été la victime d’un meurtre non élucidé Son corps avait en effet été retrouvé dans le coffre d’une voi- ture, {I avait été frappé de trois balles dans la téee et deux dans le corps. La chance que ce meurtre ait un lien avec la dé charge clandestine des barils de déchets toxiques est pour tant minime, Non sculement le contremaitre entretenait des contacts étroits avec la bande de Marcel Habran, mais enco- re il était connu pour faire réguliérement appel 3 des travail- leurs au. noir pour son propre compte. Un réglement de comptes dans le milieu des négriers fut pour ces raisons considéré comme nettement plus plausible. 32 Les défenseurs de la théorie des barils de déchets toxiques = qui, ailleurs, ne furent jamais retrouvés, méme pas quand le paquet fit effectuer une seconde série d’excavations Je 25 janvier 1992 ~ signalent encore le décés suspect d’un certain Christian Lambert, ami du contremaitre assassing, gui perdit peu de temps aprés la vie dans un accident de voi~ ture, Ils rappellent que Lambert, un chauffeur chevronné, avait pas perdu le contréle de sa voiture dans un tournant mais inexplicablement sur une partic toute droite de la rou- te, Il fut tué sur le coup. Sa veuve, Monique Waller, a cepen- dant une explication pour ce phénoméne. Son mati soutftrait parfois de virulentes migraines qui le rendaient avcugle de douleur. Il avait probablement été atteint d'une de ses crises cet cela lui avait fait quitter Ia route. La veuve fait d’ailleurs remarquer que l'accident s'était bel ct bien produit dans un virage et que la conductrice d'une voiture roulant derriére navait rien remarqué d'anormal. A partir de Ii, Phistoire s‘enlise dans le pur commérage. Les partisans de la théorie des tonneaux toxiques vont jusqu’a insinuer que Waller avait tune relation avec Thirion et que c'est pour cette raison que 1h veuve déballait cette histoire de migraine. Un Thition fa- rieux (non sans motif) nia ces ragots de A a Z. Quand les enguétcurs ne prétent pas immédiatement foi aux tonneaux toxiques, les journalistes de la presse a scanda~ Je wallonne marquent la relance avec Phistoire d'un certain Elie Bernard, présumé poussé d'un dock anversois. Ce Ber= nard était 3 '’époque un fonctionnaire municipal responsable des travaux de démolition de Val-Saint-Lambert. Venquéte prouve néanmoins que 'homme s’était simplement suicidé, peu apris que sa femme décedait du cancer. La police avait 3 Tépoque trouvé une lettre d’adieu certifige de sa main. ‘Mais les partisans de la théorie des déchets toxiques ~ qui manifestement portent aussi peu Mathor dans leur ceeur que leur ancien patron Thition ~ ne se le tiennent pas pour dit. Aussi ils rappellent aux enquéteurs comment Pon avait un jour trouvé sur le terrain de démolition le corps sans vie d'un contremaitre de Thition, Christian Gerard. Venquéte démontra pourtant que la mort était due 4 une faute profes- sionnelle du contremaitre. Il avait, 3 un moment donné, dé- 33 boité un ansformatcur d'une aile abandonnée de M'usine, sans avoir auparavant déconnecté le courant. Ce faisant, il avait regu 15,000 volt 3 travers le corps, ce qui n'est pas spé- cialement conseillé par I'académie de médecine. Jusqu’ici, tout cela est digne d’un roman de Georges Sime- non ou d’Agatha Christie. Pourtant, 3 la grande surprise des enquéteurs et d’Ancia, le 22 janvier 1992, un des témoins af= firme savoir qui Thirion a payé comme tueur a gages. Les enquéteurs montrent au témoin une série de portraits-robots en lui demandant de désigner le coupable. Quelle n'est pas leur stupéfaction quand 'homme indique effectivement le portrait-robot de auteur de crime! Pourtant, tout cela s'avére n'étre aprés coup qu'un feu de paille, Lorsque le tribunal questionne le prétendu coupable, non seulement celui-ci dispose d’un alibi irréprochable, mais encore il ressort d'une ribambelle d'autres données qu'il n'a absolument pu commettre le crime, Avec cela, la piste de la mafia des déchets toxiques en tant que responsable du meur~ tre de Cools est définitivement abandonnée, Au grand soula~ gement de Mathot qui avait été une fois de plus arbitraire~ ment cloué au pilori Quatriéme impasse: Cools et lélectricité Fin janvier 1992, le silence régne 4 nouveau sur la ville de Lidge. Les observateurs pensent pouvoir en conclure que Venguéte pigtine. En fait, il n'en est rien, C’est ainsi que fon peut remarquer que le commissaire en chef Raymond Brose est déja présent a la livraison a 'armée belge du tout premier hélicoptére Agusta 3 Gossclies le 13 janvier 1992, Cela prou- ve que la ccllule-Cools prend au moins depuis janvier 1992 la piste Agusta au sétieux. Nous y reviendrons plus tard. En outre, dans ce début d'année 1992, deux autres pistes virtucl- les sont suivies dans le plus grand secret. Elles ont toutes les deux rapport avec des projets de travaux publics qu’André Cools avait mis en route lorsqui'l était encore ministre de la région wallonne. Début 1988, le ministre régional Cools prévoit en effet 34 installation dans le quartier Valfil 4 Seraing, Ia ville dont ‘Mathot est maire, d'une nouvelle centrale électrique du type ‘eurbine-gaz-vapeur’ ainsi que le remplacement de certaines conduites d’électricité, Rien que pour la centrale, 9 milliards de francs sont nécessaires, pour le reste entre 20. 25 mi liards de francs. C'est & ces fins qu’est fondéc la SPE (Société de Production d'Electricité). Son capital est souserit par la ville de Seraing, en fait préfinancée par la SLF (Société Lig geoise de Financement). Ce holding est 2 ce moment con- tr6lé pour 11.5% par la SMAP (dont André Cools présidera plus tard le conseil d’administration) et pour 60% par le Cré- dit Communal Belge. Le directeur-général de la SLF est le coolsien Léon Lewalle (qui d’ailleurs occupe une fonetion du méme genre i la SMAP). Le méme Lewalle devient plus tard aussi directeur délégué du holding financier Neos, gu’André Cools avait dans le temps fondé en contrepoids & cet autre holding ~ Meusinvest — lorsque celui-ci était encore solidement entre fes mains du PSC. En outre, Lewalle est encore président du NRB (Network Research Belgium NV), une firme d'informatique qui entretient d’étroits liens de travail avec la SMAP et ' Université de Lidge. Les gestionnaires de la SPE sont André Cools et... Guy Mathot. Ceci suffit au tribunal de Liége pour examiner quel est le réle joué par le sénatcur de Seraing dans tout le projet d’electricité, En fait, il faudra attendre jusqu’en décembre 1990 avant que ne soit conclu un accord concret pour l'instal= lation de la centrale électrique de Valfil. Le partenaire public dans ces travaux sera en fin de compte ~ comment aurait-i pu en étre autrement? ~ la SPE. Cools n’est a cette époque plus ministre régional et Alain Van der Biest lui a succédé. Pendant un certain temps, le parquet liggeois se demande si Mathot n’aurait pas réussi & empocher quelques commis- sions derriére le dos de Cools dans cette affaire. Done, Yon ne considérait pas impossible d’envisager que Cools ait un beau jour appris que son ancien dauphin, Mathot, lui avait dissimulé de tels pots-de-vin. Pent-&tre, pensait-on rue du Palais, était-ce précisément cela que Cools avait en téte, lors~ quill avait constaté qu’un de ses amis avait dupé et menacé de rendre publique toute 'affaire. Parce qu'une chose est 35

Você também pode gostar