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LE SYSTEME
ADMINISTRATIF
FRANCAIS
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IEP de Bordeaux, 3° année, 2006-2007
M. Pierre SADRAN
Sommaire :
Introduction générale.
On présentera trois points : dans un premier temps, on parlera de l’approche qui sera
privilégiée. Puis on parlera du cadre analytique sur lequel on s’appuiera dans cette étude. Enfin, on
évoquera un certain nombre de racine historique du système administratif français, et ses
changements.
Le phénomène administratif se trouve bien sur dans tout ce qui relève de la sphère de
l’Etat et de ses collectivités territoriales, mais tout autant dans des formes purement privée, et
surtout on le trouve dans des zones intermédiaires entre le public et le privé, dans des
organisations dont le statut est fluctuant ou pose problème.
Par exemple, lorsque l’on fait des enquêtes sur la bureaucratie vont citer comme prototype de
bureaucratie la sécurité sociale. Or justement les caisses de sécurité sociale sont pour l’essentiel de
statut privé, il n’y a que tout a fait au sommet de l’édifice des formes réellement publiques. C’est une
organisation dont le statut est mal défini, mal perçue.
Cela veut dire que les contours du système administratif français sont moins évident que l’on
pourrait le penser à priori : ou commence-t-elle et ou s’arrête telle ? Sphères publique et privée
s’interpénètre. Les questions de délimitation nous retiendraient trop longtemps pour y entrer.
une sorte d’îlot séparé du reste de la société. C’est une relation d’interactions, d’échanges avec la
société, avec le monde sociale, avec le monde politique. C’est dans ces échanges que
l’administration prend sa véritable dimension, son véritable intérêt. C’est dans son fonctionnement et
dans les relations qu’elle entretient avec les autres fragments sociaux que l’étude prend tout son sens.
Compréhensive aussi au sens wébérien : il faut réintégrer dans l’étude de l’administration
les différents sens que les acteurs donnent à leurs actions. Il faut prendre en compte les
représentations et les croyances des individus et des groupes qui participent au fonctionnement des
administrations publiques. L’administration publique, dans cette approche compréhensive relève
de toutes les disciplines des sciences humaines et sociales : elle n’est pas un objet réservé au
juriste spécialiste de droit administratif : toutes les disciplines des sciences sociales peuvent tirer du
sens…
L’histoire de l’administration est importante pour saisir un certain nombre de choses qui se
passe aujourd’hui, c’est un élément d’éclairage important pour comprendre le fonctionnement
contemporain de l’administration. Surtout en France, ou l’Etat et l’administration sont enracinés de
manière profonde dans l’histoire du pays. L’Etat s’est autonomisé précocement en France. Cette
explication intervient pour une très large partie dans l’explication de l’administration contemporaine.
La géographie apporte aussi beaucoup d’éléments de compréhensions. Elle met à jour les relations
entre l’administration centrale et le territoire. C’est par exemple la problématique de la
décentralisation et de l’implantation des services ici ou là.
L’architecture de l’administration parle aussi de ce qu’est l’administration : les palais de
justice ou préfecture du siècle dernier exprime très visiblement l’inspiration classique, la puissance
publique, la distance entre l’administré et l’autorité publique. Au contraire, les bâtiments plus récents,
à base de verre, de baies vitrées cherchent à dire la modification de la relation entre les autorités
publiques et leurs usagers.
Le droit administratif insiste beaucoup sur l’aspect contentieux des questions de droit
administratif. Le contentieux, c’est l’intervention du juge dans l’élaboration des normes juridiques.
C’est une grande différence entre droit administratif et droit civil. Là encore, les choses ont beaucoup
changé mais en droit civil, il existe une référence doctrinale forte : le Code Civil, voulu, conçu à
l’époque napoléonienne et qui exprime une norme dans les relations entre personnes privées. C’est un
schéma cognitif, une matrice conceptuelle d’où l’on peut tirer des orientations générales pur la
compréhension des problèmes de droit civil.
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Il n’existe, malgré les apparence, rien de comparable dans le droit administratif : le Code
Administratif rassemble seulement des textes applicables à l’administration : ce n’est pas une
architecture cohérente comme le code civil. Mais les principes généraux du droit administratif ne
figure pas dans ce code administratif. Ils découlent en fait surtout des décisions des juridictions
administratives, du juge administratif et en particulier du Conseil d’Etat, juge administratif
suprême.
Ceci s’explique naturellement par les conditions historiques : au départ, la révolution française
s’est faite contre les parlements des anciens régimes, contre les juridictions ; l’un des soucis des
nouveaux législateurs a été de soustraire les administrations de l’influence des juridictions. Elles
peuvent seulement être remise en cause par le chef de l’Etat et le conseil d’Etat. Ce n’est que petit à
petit que le Conseil d’Etat acquière son autonomie relative et fini par s’imposer comme la
juridiction spécialisée des administrations.
Cela explique que le droit administratif soit largement jurisprudentiel et donc difficile à
connaître que le droit civil ; il est plus savant car il repose sur les interprétations des juges,
souvent assez obscures.
Cela explique à la fois l’importance prises par le droit administratif, et en même temps son
cloisonnement. Il nous donne une vision particulière, mais partielle de l’administratif, et donc,
faussée, biaisée car il est seulement une interprétation de faits ou de questions qui ont donné lieu
à des litiges, à des procès. On voit ainsi surtout l’administration lorsqu’elle ne marche pas, lorsqu’elle
est en conflit. Il y a des pans entiers de l’administration qui sont laissé de côté. Le droit
administratif s’est enfermé dans sa logique interne et a négligé des aspects importants de la
relation existant entre les administrations et les citoyens.
Un exemple : en droit administratif, on disserte à longueur de pages sur les cas d’ouverture à
recours pour excès de pouvoir, simple à introduire mais nécessitant sur un certain nombre de
conditions. Il faut avoir ce que l’on appelle un intérêt pour agir. Il faut aussi invoquer une bonne raison
de demander l’annulation de tel ou tel acte de l’administration (ce peut être par exemple comme un
détournement de pouvoir)
En même temps, le droit administratif a aussi délaissé des questions plus prosaïques,
comme celle du temps de délai administratif, alors que ce temps est considérable : trois ans en
moyenne. Toute la dimension concrète de l’administration est laissée de côté. Le droit administratif
reste en tout état de cause une discipline normative : il part de la règle, en général il s’attache surtout à
décrire cette règle, dans le meilleur des cas il va prolonger sa réflexion en faisant le constat de l’écart
qui peut se produire entre la règle et son application mais en tout état de cause, il reste dans cette
logique déductible qui s’intéresse essentiellement à la norme. Or, l’administration doit aussi être
étudier sous l’angle des sciences sociales qui ne s’attachent pas essentiellement à la norme mais
qui s’attache à la réalité des systèmes d’interactions et qui cherchent à en proposer un cadre
interprétatif, qui cherche à comprendre les raisons pour lesquelles le système fonctionne comme
il le fait.
En effet lorsqu’on étudie le phénomène sous l’angle du droit, on part nécessairement du
principe qui le régit et on considère que les écarts par rapport à ce principe sont des anomalies
sanctionnables. Lorsque l’on considère sous l’angle des sciences sociales le même phénomène de
phénomène normal ou anormal, on cherche à expliquer les raisons qui ont conduit à le faire émerger.
C’est un autre regard que l’on porte sur le même phénomène. C’est celui de la science
administrative conçue comme la branche des sciences sociales qui s’intéresse à l’étude de
l’administration. Il s’agit en réalité d’essayer de comprendre le fonctionnement de
l’administration.
On peut évidemment, c’est l’optique du droit administratif, dire que quand on dépasse le
droit, il doit y avoir sanction. On peut aussi tenter d’expliquer le comportement déviant de tel
ordonnateur ; on se demande à quelle rationalité cela peut-il répondre ?
Il est important de dire que l’étude compréhensive de l’administration publique consiste à
chercher, à faire suffisamment varier les points de vue analytiques sur le fonctionnement de
l’administration publique pour la saisir aussi complètement que possible. Dans cette approche, on
en peut pas faire abstraction des relations juridiques du droit administratif elle car elles sont elles-
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mêmes le résultat logique d’un processus et car elle est une variable à prendre en considération car en
tant que contrainte ou ressource, elle explique des actions et des actes, mais l’on ne se cantonne pas à
celles-ci : la sociologie des agents, la science politique, avec les relations de pouvoir entre les
administrations, ainsi que l’histoire ou la géographie. C’est en faisant varier les points de vue que
l’on arrivera à une vision globale du système administratif français.
A. Le droit public
Le droit public qui reste un élément tout à fait fondamental car beaucoup de ses notions
conditionnent à la fois le fonctionnement du système administratif et la perception que les
acteurs concernés ont de ce fonctionnement.
C’est l’exemple, en droit public, du principe de légalité, c'est-à-dire du principe de soumission
des actions publiques à la règle de droit. Ce principe de légalité est une condition importante du
fonctionnement normal de l’administration ; de deux façons, ce principe signifie qu’il y a une
hiérarchie des règles de droit bien établie à laquelle correspond une hiérarchie des agents. L’arrêté
doit être conforme à un décret qui doit être conforme à la loi, qui doit être conforme à la
constitution qui doit être conforme aux traités internationaux. Une autorité administrative n’est
pas libre d’exercer ses compétences. L’autorité administrative est obligée d’agir. Dans certains cas,
l’administration est obligée de prendre des décisions.
Cela conditionne le fonctionnement réel de l’administration mais en même temps, il
conditionne la perception que l’on a de l’administration car il se traduit inévitablement par cette
impression répandue, courante, que partagent la totalité des citoyens que l’administration est
empêtrée dans des routines, des réglementations, un carcan, qu’elle est incapable d’interpréter avec
discernement, avec souplesse.
Cela se traduit aussi par l’idée que l’usager à des droits, et qu’il peut les revendiquer. Le
droit public pèse donc sur le système administratif.
Mais les catégories de droit public sont faiblement opératoires pour analyser le
fonctionnement réel de l’administration. Ces catégories du droit public ont pour beaucoup
d’entre elles été construite à une époque où l’administration était moins complexe. Ces catégories
ont perdu beaucoup de leur caractère explicatif aujourd’hui. L’administration classique s’est par
exemple construite sur la distinction entre la sphère publique et la sphère privée.
L’école du service public (menée par Léon DUGIT, doyen de la faculté de droit de Bordeaux
dans les années 1920) a élaborée une théorie de l’administration : le droit administratif est le droit
des services publics qui relève des tribunaux administratifs ; mais il apparaît, surtout après la
seconde guerre mondiale, des services publics très proches des services privés, comme les services
publics industriels : ce sont des services publics soumis au droit privée. Cela revient à dissocier le droit
public et le service public. En 1945, la Régie Renault a continué à être une usine commerciale après sa
nationalisation. Il existe même des services publics de droit privé prise en charge par des personnes
privées, comme les fédérations de sports. Cette catégorie du service public qui était une référence
dans l’optique de l’école de Bordeaux a perdu son utilité aujourd’hui.
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Mais en même temps, dans les conflits sociaux, le service public continue de signifier quelque
chose ! Le service public est dans la dépendance des autorités publiques.
Le droit public doit être connu, car ses catégories d’analyses sont souvent déterminantes,
même si certaines sont aujourd’hui des coquilles vides.
La sociologie des organisations est une discipline relativement nouvelle, puisqu’elle a pris
son essor aux USA au cours du XX ème siècle. Elle repose sur la prise de conscience de
l’importance des grandes organisations dans le monde moderne. Ces grandes organisations
existent depuis très longtemps, comme par exemple, l’église catholique est une grande organisation.
La compagnie des Indes est aussi une grande organisation. Mais dans le monde contemporain, les
grandes organisations (que ce soient des entreprises, des ONG, des organisations du secteur
public) sont omniprésentes et sont devenues des actrices essentielles qui encadrent et
conditionnent en grande partie la vie des individus. C’est pour cela que la sociologie s’est
intéressée à l’étude de ces organisations.
La sociologie des organisations, en dehors de toute a priori normatif, se base sur le principe
de l’appréhension en tant que telles des organisations. On gomme en première analyse tout ce
qui singularise l’organisation dans d’autres approches et en particulier tout ce qui singularise les
organisations dans le sens commun : la perception courante des organisations que l’on a, la
perception spontanée, qui met l’accent sur la finalité assigné à chaque organisation et elle tend alors à
distinguer fortement ces organisations par les finalités différentes qui sont les leurs. On dira de cette
façon qu’une entreprise cherche à dégager des profits, de la rentabilité, qu’un syndicat cherche à
défendre des intérêts professionnels, une ONG cherche à promouvoir des valeurs, un église cherche à
promouvoir une foi, un parti politique une idéologie….
Et nous avons beaucoup de mal à apercevoir que si cette finalité est importante, elle
camoufle une autre vérité : le fait qu’au niveau des structures et du fonctionnement de ces
organisations, il peut exister des traits communs ; on peut d’une certaine manière ramener chacune
de ces organisations à la prise en compte de variable, telle que la taille de l’organisation, ou que le
caractère ouvert ou clos sur l’environnement de l’organisation, ou encore le niveau de circulation des
informations. Lorsque l’on pose la question sous cet angle là alors, pour prendre un exemple
limite, on peut comparer de façon pertinente l’église catholique et le CCCP ! Ce sont en effet
deux organisations internationales relativement closes sur elles-mêmes.
Les structures des organisations montrent en fait une part importante de la réalité
sociale. MICHELS, dans son livre sur les partis politiques, qu’il consacre à la social-démocratie
allemande, découvre la « loi d’airain » de l’oligarchie et met ainsi le doigt sur une réalité
importante mais occultée : par delà l’idéologie officielle du parti, qui se veut être le parti le plus
démocratique et progressif son fonctionnement interne révèle le contrôle très pesant de
l’oligarchie dirigeante, comme cela se passe dans les autres partis. Même le SPD obéit à des lois
d’organisations.
Il y aura par la suite de très nombreuses études sur le milieu associatif, qui montreront le
même décalage. Le fonctionnement réel des organisations apporte des informations sur les
organisations. Il est important de ramener l’organisation, de tenir compte de ce qu’elle est. Bien
entendu, il ne faut pas s’arrêter à cela. Selon la sociologie des organisations, un organisation est
« une organisation vient à l’existence quand des procédures explicites sont établis pour coordonner les
activités d’une groupe en vue d’atteindre des objectifs déterminés » (Peter BLAU) Cette définition fait
cependant l’impasse sur des dimensions très importantes, qu’il faudra réintroduire, comme les
idéologies de ces organisations. Voici une autres définition, celle de Alain DARBEL et Dominique
SCHNAPPER : « une organisation peut être regardée comme le lieu géométrique d’actions ou
d’interactions d’actions qui explicitement ou implicitement, librement ou non, partage une
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certaine communauté d’objectifs ou d’intérêt. » Cette dimension est incomplète mais sert à
construire certains des éléments du troisième champ conceptuel du phénomène bureaucratique.
C. Le phénomène bureaucratique
Le terme de bureaucratie est d’utilisation courante. C’est l’un des concepts centraux des
sciences sociales. En même temps, ce terme est très chargé émotionnellement, il est rarement
neutre dans les utilisations qui en sont faite : la bureaucratisation est très souvent dénoncée comme
une dérive, une manifestation plus ou moins négative ou pathologique. Ce concept est donc très
investi, ou surinvesti par des approches différentes et il faut le décortiquer pour voir ce qui est
utilisable dans l’analyse de la fonction publique.
le premier trait caractéristique décrit par WEBER est le principe des compétences des autorités ;
cela signifie qu’il y a dans les systèmes bureaucratiques un corps de règle fixes, préétablies qui
détermine les attributions des agents du système à l’avance et qui prévoit les conséquences de
cette répartition des compétences. WEBER oppose en fait cette organisation à des systèmes
antérieurs comme le système féodal dans lequel il n’y a pas relations fixes et préétablies mais des
relations interpersonnelles. Tout repose en fait sur le bon plaisir du prince. Dans le modèle
bureaucratique, le système de règles ne dépend pas de l’individu mais des règles. Dernier point, la
bureaucratie est indépendante du statut juridique de l’organisation. Second trait de l’organisation
bureaucratique, le principe de hiérarchie. Troisièmement, la rationalité de la gestion est le but de
toute bureaucratie, d’où la primauté du document écrit, des archives. D’où dans l’organisation
bureaucratique, la nécessité d’avoir un nombre important d’employés pour gérer tout ces documents
nécessaires à la recherche de la rationalité gestionnaire. Quatrième trait, la spécialisation des tâches,
qui va en s’accentuant. Cela suppose l’acquisition d’une formation professionnelle poussée.
Ensuite, la bureaucratie repose sur l’importance attribuée à travail administratif, qui devient
une activité principale pour la majorité des agents. Enfin, le fonctionnement d’une organisation
bureaucratique obéit à des règles générales stables qui peuvent être apprises ; il y a l’idée d’un
apprentissage technique spécialisée.
Toute cette réflexion conduit WEBER à dire que le modèle, le type idéal de la bureaucratie
conduit à conclure à sa supériorité technique sur les autres organisations. La bureaucratie
s’impose parce qu’elle est plus efficace que les autres modes d’organisation : « la raison décisive du
développement de l’organisation bureaucratique est sa supériorité purement technique sur tout
autres formes d’organisation. Un mécanique bureaucratique pleinement développé est
exactement dans le même rapport avec les autres types d’organisation qu’une machine avec des
moyens non mécanique de production. » Le bureaucrate a juste à faire son métier, à suivre un
protocole alors que l’artisan réinvente continuellement son métier…puis pratique. L’apport que
représente la mise au point du type idéal de la bureaucratie est fondateur. Cela sert de socle à toute la
littérature qui a suivi sur la bureaucratie.
Les successeurs de WEBER vont approfondir les analyses wébériennes, mais surtout
remettrent en cause ses conclusions sur la rationalité bureaucratique ; le premier et sans doute le
plus virulent, Robert MERTON, sociologue américain. Ce dernier insiste sur l’irrationalité
bureaucratique et sur les dysfonctionnements du système bureaucratique, en systématisant un
certain nombre d’analyses. Pour MERTON, qui est donc le père de la théorie des dysfonctions (ou
effets contre intuitifs), les décisions qui sont prises dans une perspective rationnelle vont entraîner
à la fois des conséquences recherchées et prévues, mais aussi des conséquences imprévues qui
elles, vont à l’encontre des buts poursuivis. Il explique ce processus de la façon suivante : dans
l’organisation bureaucratique, on exige des agents de cette organisation une discipline et un
comportement standardisé, justement car c’est le meilleur moyen, le plus rationnel, le plus efficace
pour réaliser les objectifs poursuivis. Cette discipline entraîne dans la réalité un phénomène de
déplacement des buts, de dérive ritualiste car l’adhésion à la règle, le respect scrupuleux de la
règle, qui à l’origine n’est qu’un moyen de réaliser les objectifs poursuivis devient rapidement
une fin en soi. Il résulte de cela une grande rigidité, chaque agent étant attaché à ses règles préétablis,
qui rend de plus en plus difficile l’adaptation de l’organisation en cas de nécessité et qui développe à
la fois une sorte d’incapacité des agents à faire preuve si nécessaire d’inventivité et une coupure de
fait, un fossé, entre ses agents et les publics avec lequel ils sont en relation. D’où en définitive, une
inefficacité dans la poursuite des buts officiels de l’organisation. Ce que MERTON apporte, par
rapport à WEBER, est l’environnement, le contexte dans lequel s’inscrit l’organisation. Le
problème de l’organisation bureaucratique est qu’elle ne peut pas réagir à l’environnement. En découle
quatre propositions…
• On crée ainsi une dévotion à l’égard de la règle qui bientôt n’est plus conçue
comme un moyen mais comme la véritable fin du comportement des
agents.
• C’est tout d’abord l’importance des règles impersonnelles. C’est le premier des éléments
constitutifs du modèle bureaucratique dégagé par WEBER. CROZIER confirme cette
analyse, mais allant au-delà, il rappelle l’importance accrue de cette caractéristique dans
l’administration française par rapport à d’autres administrations. En France, cela est
très contraignant. Il donne quelques exemples, comme la place considérable donné au
principe du concours pour recruter les employés de la fonction publique en France. Cela
concerne la majorité des fonctionnaires. Ces concours dissocient deux moments de la
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décision qui dans beaucoup d’autres systèmes sont au contraire rassemblés : il y a une
séparation étanche entre l’autorité qui a le pouvoir de nomination et l’autorité qui
évalue l’aptitude du candidat à devenir fonctionnaire ; le jury est indépendant de
l’autorité de nomination et est souverain dans son évaluation. Autre exemple, la très grande
prégnance du système d’avancement à l’ancienneté. Certes, tous les avancements ne se
font pas à l’ancienneté : il y a l’avancement d’échelon et l’avancement de grade.
L’avancement de grade se fait au choix, et l’avancement d’échelon (au sein de chaque
grade) se fait à l’ancienneté, hors cas de faute professionnelle. Le chef de service n’a en
l’occurrence aucune prise sur la promotion de ses collaborateurs. On remarquera donc que la
compétence juridique n’est pas nécessairement du pouvoir… L’importance de ces règles
impersonnelles est justement destiné à évacuer des relations de face à face dans le
système bureaucratique : c’est un univers très réglé, dans lequel il n’y a plus de
relation de pouvoir.
• Le dernier trait sur lequel insiste CROZIER est la résurgence des phénomènes de pouvoir,
ou plutôt le développement de phénomène de pouvoir parallèle autour des zones
d’incertitudes qui subsistent. On se reportera au cours Sociologie Générale de seconde
année pour un approfondissement de cette notion.
CROZIER tire de cela des conclusions sur l’administration française. Pour lui, elle
n’arrive pas à se corriger en fonction de ses erreurs. Il prolonge et complète cette analyse :
quand une dysfonction survient et se met à menacer la survie de l’administration, alors
seulement le changement s’imposera de lui-même. La bureaucratie est un système trop rigide pour
s’adapter sans crise aux transformations que le changement accéléré de leur environnement rend de
plus en plus nécessaire. Il faut attendre une grave contradiction entre la société et l’administration pour
produire le soubresaut nécessaire au changement. Ce modèle a été validé empiriquement par la révolte
estudiantine de mai 1968.
L’analyse de Crozier fut reprise par PEYREFITTE dans Le mal français ou par PARKINSON
dans 1=2 : les règles d’or de Mr Parkinson.
Cela acquiert une part de plus en plus importante dans l’étude du système administratif.
Les politiques publiques font la jonction entre la science politique, qui cherche à savoir à qui est
dévolu un pouvoir, et l’étude des mutations de pouvoir, les mutations de l’Etat. On va s’intéresser
à la question : comment s’effectue la régulation et le pilotages des rapports sociaux.
A côté de l’étude de ce que l’on appelle politics, c’est l’apparition de l’étude des policies, qui
permettent de repérer les différents registres sur lesquels s’ordonnent les actions. Cette étude
présente l’intérêt de mettre l’accent sur le continuum qui existe entre la politique et
l’administration. On va évidemment se poser la question de la mise en œuvre des politiques, celle
des solutions proposées par les décideurs, et enfin la question de l’évaluation de ces actions. C’est la
question de l’implication des administrations dans les politiques publiques, qui ne sont en aucun cas de
la seule responsabilité des titulaires officiels du pouvoir, c’est-à-dire des politiques. Quelque soit la
grille d’analyse privilégiée, l’importance prise par la technostructure et donc notamment par
l’administration apparemment inévitablement.
L’action publique est aujourd’hui mise en œuvre par une multiplicité d’acteurs qui
concurrent, parfois de façon asymétrique, à sa réalisation. Cette étude est nécessaire pour
comprendre que l’administration n’est pas uniquement le bras séculier du pouvoir, un exécutant,
mais qu’elle participe à l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique. L’appareillage
théorique de l’analyse des politiques publiques fournit des outils d’analyse supplémentaires. Cela
permet de rendre compte du fonctionnement concret de l’administration.
C’est par exemple la notion de rationalité limitée permet de comprendre que dans de
nombreuse situation, plutôt que de rechercher la solution optimale, les acteurs vont s’arrêter à
la première solution acceptable. Les décideurs n’ont généralement pas un choix complet dans la
gamme des solutions théoriquement possibles. On retrouvera au gré des questions examinées dans ce
cours.
L’administration doit être étudiée en tenant compte de son environnement car elle est
sensible aux variation de celui-ci : ainsi il y a une corrélation entre l’administration et le marché de
l’emploi : en période de croissance, le secteur privé offre des salaires élevés qui attirent en priorité les
demandeurs d’emploi et la fonction publique a du mal à assumer son recrutement (il y a moins de
candidats, la sélectivité diminue...) Inversement en temps de crise, l’administration constitue une
valeur refuge vers laquelle se tournent les demandeurs d’emploi.
Néanmoins, tout système administratif a une autonomie relative. Elle existe bien dans le
cas français et est même assez importante car la culture étatique est ancrée depuis longtemps
dans l’esprit des français car l’Etat-nation est historiquement ancien. Il a secrété tout un ensemble
de règles spécifiques (le droit administratif) fondant le particularisme de l’administration. Il y a ainsi
en France une véritable idéologie du service public. L’Etat-nation influence ainsi directement le
système administratif : par exemple, l’attachement à l’égalité inspire largement la jurisprudence
et les procédures administratives (ainsi, en cas de passation de marché public, de nombreuses règles
visent à mettre en oeuvre une concurrence égalitaire pour éviter le choix discrétionnaire d’une
autorité).
Enfin, le système administratif est aussi modelé par des nécessités organisationnelles :
plus l’administration est en harmonie avec la société dans laquelle elle fonctionne et plus elle
répond aux attentes de cette société. De plus, il y a une coïncidence entre le fonctionnement de
l’administration publique et celui de la société globale : ainsi, dans une société privilégiant la
méritocratie, l’administration va distribuer ses fonctions selon les mérites de chacun,
indépendamment de son statut social.
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Le système se construit au fil des siècles et est donc en relation étroite avec la société dans
laquelle il s’est inséré. Il y a une nécessité de considérer l’administration comme un sous-système
de la société globale, qui se trouve dans une relation d’échange et de correspondance avec son
environnement, c’est-à-dire les autres sous-systèmes de la société.
Quel que soit son particularisme, le système administratif français n’est pas imperméable,
mais au contraire dans une relation de porosité ; c’est l’exemple des interactions directes qui se
nouent entre l’administration publique et l’économie. On peut voir régulièrement que les deux
systèmes sont directement connectés et que les variations que l’on enregistre sur le terrain se
répercutent directement sur l’autre.
Les Trente glorieuses ont vu des salaires élevés du secteur privé, progressant régulièrement,
avait tendance à attirer la très grande majorité des demandeurs d’emplois qui se plaçaient facilement
sur le marché du travail. La fonction publique elle, avait du mal à trouver des candidats ayant des
qualifications suffisantes. La sélectivité des concours à l’entrée de la fonction publique avait tendance
à disparaître ou du moins à s’atténuer grandement, les jurys gardant la possibilité de ne prendre
personne ! Néanmoins, dans cette logique, il y avait d’assez nombreux concours de la catégorie A où il
se présentait moins de candidat qu’il n’y avait de postes. Dans ce contexte, pour essayer d’attirer
des candidats, l’administration avait eu recours à un certain nombre d’incitations, comme les
bourses de service public, spécialement destinées à attirer des candidats. Beaucoup d’étudiants
ont fait financer leurs études comme cela.
Les recrutements de fonctionnaires ne conservent une certaine importance que dans les
zones en dépression, économiquement attardées, alors que les zones florissantes connaissent de
très grands manques. On va avoir un effet très net de régions sur administrées et de régions sous-
administrées.
Le système s’est cependant inversé après le choc pétrolier de 1973. La sélectivité va
devenir très forte mais d’une certaine manière, la surqualification des candidats va aboutir à des
procédures presque analogues à un tirage au sort. Dans ce contexte là aussi, il y a aussi des effets
de vases communicants : il y a un phénomène de surqualification qui va se répercuter sur la
promotion sociale de l’administration : il va y avoir des effets d’éviction en chaîne et le moulinet
de promotion sociale des concours internes de l’administration va perdre de sa réalité.
De manière plus générale, ces relations sont ambivalentes. Il y a une certaine interdépendance
entre l’administration et la société. L’autonomie du système administratif existe presque toujours.
L’administration comme tout milieu professionnel caractérisé tend à se caractériser en micro
société, en univers plus ou moins clos, particulier et distinct du corps social. Dans le cas français,
c’est assez marqué parce que les règles du droit administratif sont précisément là pour souligner
la différence entre l’administration et les autres groupes sociaux. Les fonctionnaires sont d’ailleurs
perçus comme un groupe social homogène. Le sentiment de servir l’Etat, d’être au service de
l’intérêt général, comme étant distinct et supérieur de la somme des intérêts particuliers et
même des compromis qui pourraient s’instituer entre ces intérêts particuliers. Toutes les règles
du droit administratif marquent ce particularisme. C’est l’existence d’un ordre juridictionnel
particulier (le Conseil d’Etat) par exemple. L’administration a en France une autonomie bien marquée.
Néanmoins il existe des cas où cette autonomie est encore plus marquée. C’est le cas
d’anciens pays colonisés dans lesquels on a imposé un système administratif qui n’a pourtant
rien à voir avec la société. Il y a là une grande autonomisation de l’administration, renforcée par
la corruption dans ces cas là.
L’autonomisation de l’administration existe à des degrés très divers, mais à peu près
toujours. Mais elle est toujours dans des états d’interdépendance avec la société. Elle ressent
toujours une sorte d’imprégnation des normes, des valeurs dominantes au sein de la société dans
laquelle elle fonctionne.
C’est à la fois l’influence de ce que l’on peut appeler un modèle culturel et l’influence
d’un modèle organisationnel. La notion de culture est une notion délicate à manipuler. Elle a
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notamment cet inconvénient de ne pas être très clairement reliée à des concepts très établis.
Faut-il par exemple parler d’une culture germanique ou d’une culture française ? On s’aperçoit
qu’il y a, malgré tout, une grande diversité. Même s’il y a des traits communs importants à l’Europe
centrale et de l’est, avec l’explosion de la société de marché, mais ce n’est pas pour cela que l’on peut
réellement parler de culture car la Pologne et l’Allemagne de l’est ne sont pas les mêmes pays.
Au sens sociologique du terme, on a dans des ensembles nationaux des cultures nationales qui
correspondent non pas à une certaines distinction de l’esprit, mais plutôt à l’ensemble des savoirs, des
signes, des symboles, des croyances et des normes qui sont transmis à l’ensemble du groupe par le
processus d’éducation tout en étant modifié par un processus d’innovation. C’est seulement dans les
sociétés isolées et repliées que les cultures sont intemporelles, du fait de l’absence de rapport avec
l’extérieur. Les processus d’innovation pénètrent plus ou moins chaque groupe culturel et l’en
imprègne. Cela dit, il est dangereux de tomber dans le piège des stéréotypes nationaux, qui
relèvent d’un sens commun sociologiquement faux.
Tout système administratif va être inspiré de certains des traits caractéristiques de la culture
nationale. En France, la culture nationale est marquée par la notion d’égalité, forgée au moment
de la Révolution de 1789 en particulier. Il y a une idéologie égalitariste dans la société française,
qui est prégnante, très forte, qui inspire par exemple la question de la carte scolaire. L’égalité
formelle est garantie par l’administration formelle. Cela est à relié à toutes ces règles et
procédures qui ont pour but d’évacuer le choix discrétionnaire dans le fonctionnement de
l’administration. C’est également à cela qu’il faut relier la très forte présence de l’Etat comme garant
de l’égalité, de l’équité entre les groupes qui caractérise beaucoup de nos politiques publiques. Cela
explique que l’on ait du mal à transposer un système imprégné par les valeurs d’une société dans une
société différente. Plus l’organisation bureaucratique est en harmonie avec la société dans
laquelle elle fonctionne et plus elle a de chance de fonctionner de manière harmonieuse. On va
donc constater le plus souvent qu’il existe des mécanismes, des procédures, permettant d’assurer
une certaine coïncidence entre le mode de fonctionnement de l’administration publique et le
mode de fonctionnement de la société globale. L’administration française est assez caractéristique
de cette coïncidence puisqu’elle est dominée par un système méritocratique qui correspond étroitement
à l’une des bases de fonctionnement de la société globale. La méritocratie, c’est le gouvernement par
une élite, mais par une élite sélectionnée par des critères estimés justes. La Déclaration des Droits de
l’Homme et du Citoyen représente bien cela. Ce n’est pas une déclaration égalitariste mais plutôt une
déclaration qui dit : « à chacun selon ses mérites ».
Ces relations là existent dans tous les cas, elles sont ambivalentes et expliquent à la fois
les difficultés qu’il y a à faire changer les administrations mais aussi que ces administrations
évoluent tout de même.
Ce qui ressort en France, c’est la force de cette ambivalence. Il est difficile de changer les
fondamentaux de l’administration française, mais elle se pose la question de ses mutations, dans
un environnement instable.
Dans le cas français, l’Etat s’est constitué très tôt avec son appareil administratif, sans doute
avant que l’idée de nation ne soit véritablement établie. C’est au XIème siècle que cela commence.
Dans L’Ancien régime et la révolution, TOCQUEVILLE établit la continuité de la France
administrative, la continuité de la construction de la France historique au-delà des changements
de régime. Il y a un bouleversement complet sur le plan politique. Mais sous ce changement,
l’administration reste également semblable à elle-même et l’administration qui était celle du
pouvoir royale, se perpétue, éventuellement sous des formes différentes, mais avec des
caractéristiques similaires. Les préfets, inventés par le pouvoir napoléonien, ne sont que les
successeurs des intendants de justice et de police de l’Ancien régime.
L’administration est tôt fixée dans ses structures : le fonctionnaire est une catégorie qui
s’oppose à l’officier public et au commissaire qui achetaient leurs charges dans le premier cas et
étaient choisi discrétionnairement dans le second par le roi. Le fonctionnaire au sens moderne du
mot, qui exerce un métier et non pas une commission, est présent en France dès la première
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L’administration est à la fois très solidement campées sur ses acquis. Mais elle est aussi
obligée d’incorporer du changement de manière plus ou moins volontaire. Reste cependant que
la question du changement est aujourd’hui posée de façon plus cruciale à l’administration
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française qu’elle ne l’a été dans le passé, parce que justement, l’accélération de la construction
européenne et de la mondialisation fait que le système administratif français est de plus en plus
exposé à la pression d’un environnement qui change rapidement. Elle est aujourd’hui largement
confrontée à la concurrence. Bien sûr, elle n’est pas confrontée à la concurrence comme une
entreprise, mais elle est obligée de se comparer aux autres systèmes administratifs, ne serait-ce que
dans le cadre de la construction européenne. Elle est donc bien obligée d’intégrer une logique
d’évaluation et de résultat. C’est une remise en question : elle n’a plus le paravent d’une
légitimité incontestée et donc, cette administration subit du coup une certaine crise de confiance
et une certaine crise d’identité. Elle est un peu ébranlée sur ses bases et elle est confrontée à une
nécessité de réforme qui s’accélère.
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Elle est considérée comme une des caractéristiques les plus fortes de l’administration française
et qui est en réalité susceptible de deux conceptions qui se conjuguent :
Comment est elle organisée ? Dans la première section on donnera les traits caractéristiques de
son organisation ; on verra aussi les aménagements en termes de déconcentration ou décentralisation,
qui ont reçu récemment un important correctif.
On va les envisager à travers les éléments forts de l’appareil de l’Etat que sont 1) les
superstructures puis 2) les ministères, et enfin 3) le fonctionnement d’un ministère type.
L’administration centrale a un poids très considérable en France et dans tous les pays en raison
de la complexité des problèmes à gérer. On retrouve dans tous les pays la structure ministérielle
verticale qui gère toutes les affaires concernant un secteur donné. La centralisation s’exprime en
France par le fait que l’organisation ministérielle est très étendue : beaucoup de pays n’ont pas de
ministère de la culture, ils laissent ce sujet aux collectivités locales ou à la société. On a des
particularités qui découlent de la nature aussi un peu particulière de notre régime politique. Par
exemple le dualisme de l’exécutif avec le partage du pouvoir fait qu’il y a un type d’organisation
très propre à la France où le partage est administrativement inégal. Au niveau des grands pays
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avancés, l’essentiel du particularisme français tient sans doute au poids plus fort en France
qu’ailleurs de cet appareil ministériel intégré, hiérarchisé, et au nombre de responsabilités qu’il
traite.
Dans beaucoup d’autres pays les administrations centrales ministérielles sont beaucoup
plus légères et un nombre plus important de responsabilités sont confiées à des agences, comme
en Suède, indépendantes de la hiérarchie des ministères.
Se situant au dessus des ministères, il existe des autorités et organes qui interviennent
dans le fonctionnement de l’administration publique à des titres et degrés divers. On peut les
regroupes en trois sous ensembles :
On commence par eux car contrairement à ce qui existe dans le registre politique (où la
présidence est dominante), sur le plan administratif, la primauté est du côté de Matignon et du
Premier ministre : sur le plan historique et sur le plan de l’importance matérielle.
Le Premier ministre est tout d’abord l’héritier d’une tradition qui était parlementaire sous
les III et IVème Républiques, quand le président avait surtout un pouvoir de représentation.
ème
Donc le Premier ministre sous la Vème République arrive déjà avec un appareil administratif
important. Il n’a cependant pas toujours été le chef d’une administration important en tant que
telle : ce n’est que tardivement que des services administratifs de Matignon sont apparus : au
début de la IIIème République, alors que l’incertitude plane sur le type de régime, le Premier
ministre n’apparaît pas comme une autorité s’imposant d’emblée dans l’appareil
gouvernemental.
On parle toujours des gouvernements en nommant celui qui dirige les ministères, mais au
début le Premier ministre n’a pas de service propre, mais est toujours titulaire d’un ministère
particulier. Exemple : WALDECK ROUSSEAU ministre des Affaires Etrangères et Premier ministre,
COMBES, Ministre de l’Intérieur et Premier ministre….
Donc il gouverne en s’appuyant sur les services de ce ministère particulier pour
coordonner l’action de l’ensemble de l’équipe. Avec la montée en charge dans responsabilités
gouvernementales qui aboutit à une extension du nombre de ministère, on ressent vite la nécessité
de former autour du Président du conseil une équipe. Les ministres ne sont pas toujours
disciplinés, et le président du conseil a besoin de collaborateurs pour impulser ses fonctions : on
commence par des collaborateurs de cabinet, dont on augmente le nombre, et puis à un moment donné
on franchit le pas en créant une véritable administration : en 1934. On prend en fait deux décisions :
Un Premier ministre ne pourrait pas gouverner sans son cabinet (50 personnes environ).
Il est organisé un peu comme une doublure du gouvernement, et assiste le Premier ministre dans
la prise de décision.
Le directeur est un genre de Premier ministre bis, qui se montre peu mais a une importance
décisive. Sous sa responsabilité on trouve toute une hiérarchie de conseillers techniques, ou
spéciaux. Le ministre en nomme autant qu’il veut et répartit comme il veut les responsabilités.
Le cabinet a une fonction de coordination générale, et a pour tache d’aider le Premier ministre à
prendre des décisions sur les orientations de la politique, et aussi il a une fonction d’arbitrage :
le Premier ministre tranche des conflits de point de vue entre les ministres et a donc besoin qu’on lui
prépare les décisions. On peut quand même dire qu’il existe deux grandes modalités
d’organisation qui constituent les deux points opposés d’un continuum, qui reflètent deux types
de gouvernements : il y a des Premiers ministres plus interventionnistes que d’autres (comme
par exemple : DE VILLEPIN, CHABAN-DELMAS), incarnant des orientations politiques. La
relation avec le président est plus ou moins marquée par un assujettissement : RAFFARIN
n’avait aucune autonomie. Dans d’autres cas les Premiers ministres cherchent à s’émanciper,
naturellement en période de cohabitation, ou alors quand ce n’est pas la confiance totale : comme par
exemple ROCARD avec MITTERAND ou CHABAN-DELMAS avec POMPIDOU.
La marge de manœuvre du Premier ministre est alors difficile à définir : il ne peut pas
aller trop loin car on peut le congédier, comme par exemple CHABAN-DELMAS. Du coup
ROCARD se sachant sous la surveillance de MITTERAND, a été plus prudent. Il découle de
cette configuration deux modèles principaux :
• Ou bien le Premier ministre considère son rôle comme étant plus de la coordination, et la
répartition des responsabilités dans le cabinet est différente : chaque personne a
plusieurs dossiers à gérer. En pratique cela dépend de la conjoncture et de l’état des relations
entre le Premier ministre et le Président : la situation la plus difficile est celle de ROCARD :
certains ministres lui ont été imposés, ministres qui ne reconnaissent que l’autorité du
président.
Il a été crée en 1934. C’est un service très peu connu, dont on ne parle presque jamais,
très discret mais essentiel. Il assure au plus haut niveau la continuité de l’Etat et une fonction de
coordination administrative décisive pour que la prise de décision puisse fonctionner.
Contrairement au cabinet, il a une responsabilité surtout administrative : il n’est pas là
pour faire de la politique. Les conflits pour le pouvoir reviennent au cabinet. Mais les enjeux des
politiques publiques qui peuvent avoir des enjeux sur les jeux politiques, sont pris en charge par
le secrétariat. Le Secrétariat Général du Gouvernement a quatre fonctions essentielles :
l’ordre du jour, et sur un guéridon à côté de la grande table assistent au conseil et font le
relevé des propositions.
• Préparation du travail du Premier ministre sur un plan technique, en lui fournissant les
expertises et études nécessaires. Conséquences techniques et juridiques des idées du
gouvernement.
Le Secrétariat Général du Gouvernement a donc des fonctions importantes, car au-delà des
changements d’équipe il assure la continuité.
On est nommé au Secrétariat Général du Gouvernement en tant que fonctionnaire et
donc on survit à un changement de gouvernement. C’est important aussi en cas d’alternance,
comme en 1981 quand la gauche arrive au pouvoir ; le gouvernement précédent de Barre s’en
va en vidant tous les tiroirs de Matignon : or il y a des décisions à prendre. C’est le SGG qui a
assuré la continuité de l’Etat. Le Secrétariat Général du Gouvernement a permis aux ministres qui ne
connaissaient pas l’expérience gouvernementale de découvrir le ministère. Cela explique que le poste
de secrétaire général du gouvernement soit toujours un conseiller d’Etat, parce que le contenu
juridique de la fonction est décisif. C’est une tradition et non une obligation. Les titulaires ont été
peu nombreux depuis 1945 : seulement huit. Donc la durée de fonction dépasse largement la durée
des gouvernements ; un seul cas dans lequel le Premier ministre a changé le Secrétaire Général
du Gouvernement : en 1986 par CHIRAC : J. FOURNIER a été changé pour un Secrétaire
Général « de droite ».
Ils sont placés sous sa tutelle parfois par l’intermédiaire d’un ministre particulier. Ces
organismes sont de statut et d’importance différentes. Certains ont une grande importance
technique ou stratégique car interviennent sur le plan ministériel et sont les bras opérationnels
de la fonction de coordination du Premier ministre.
Cela a été pendant longtemps le cas du Commissariat Général du Plan. Sa tâche : essayer de
rendre cohérentes les politiques publiques entre elles. Rattaché au Premier ministre soit par
l’intermédiaire d’un ministre chargé du plan, ou bien directement sous l’autorité directe du
Premier ministre.
Pareil pour la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Chaque
administration organise ses concours de recrutement des fonctionnaires : par exemple l’organisation
du calendrier (pour que rien ne se recoupe) relève de cette administration.
Et puis il y a des organismes rattachés au Premier ministre un peu par hasard. C’est parfois
parce que deux ministres se le disputaient. Par exemple : le haut conseil de l’équitation. Il y a donc
une grande diversité et plusieurs milliers de personnes dans ces services.
L’entourage du Président n’est en fait qu’un Cabinet élargi (jusqu’à 50 collaborateurs) Ainsi, le
président français ne dispose pas d’une véritable administration, à la différence par exemple du
président américain.
Cet entourage personnel se limitait à quelques collaborateurs (une douzaine tout au plus) sous
les IIIème et IVème Républiques en raison même du rôle restreint du président. Sous la Vème
République, la fonction présidentielle prend une importance considérable, sans que cela se
traduise par une augmentation proportionnelles des moyens administratifs (même si ceux ci
augmentent sensiblement) : on reste donc dans le cadre d’un Etat major qui compte selon les
périodes entre 30 et 50 collaborateurs officiels (il existe également à l’Elysée des collaborateurs
officieux dont la présence n’apparaît pas, mais qui peuvent être très influent. Cela permet en
outre au Président de « recaser » ses proches) L’entourage présidentiel est en fait réparti au sein de 3
sous-ensembles :
Tous ces collaborateurs font passer au président des notes le plus concises possibles, transitant
par le secrétaire général de l’Elysée, pour l’informer au plus près des questions importantes.
Mais, à coté des cette structure normative, on trouve aussi des conseillers spéciaux (ex :
J.ATTALI avec MITTERAND) disposant d’un accès direct auprès du président, et d’autres
conseillers informels dont l’influence est sans rapports avec leur place dans la hiérarchie (cf. cabinet
noir de POMPIDOU avec Pierre JUILLET et Marie-France GARAUT)
Une variable est cependant fondamentale pour expliquer l’influence réelle de cet
entourage : c’est celle de la cohabitation :
a. Le Conseil d’Etat
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Elle est dans une situation semblable dans le secteur financier. Elle a aussi une fonction de
conseil et d’audit ou de contrôle de gestion (comme le montre le rapport public annuel de la cour
des comptes qui dénonce des irrégularités graves, des gabegies financières de la part de
l’administration et qui est chaque année un événement, même s’il a en fait peu d’effet du fait de
l’inertie de l’administration)
1) La différenciation ministérielle.
Elle s’observe sur le long terme : Avant la révolution, 6 ministres correspondaient aux
grandes fonctions régaliennes (justice, finance, intérieur, guerre, marine et colonies, affaires
étrangères) Aujourd’hui, les gouvernements ont entre 25 et 50 membres.
Si on ne tient compte parmi eux que des ministres, ils s’élèvent en moyenne au dessus de 20
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par gouvernements (entre 15 et 20 sous la IVème République) Cette tendance à long terme s’explique
par le fait qu’on crée souvent des structures supplémentaires alors qu’on en supprime rarement,
sauf exceptions :
•Parfois, on regroupe dans des grands ministères des départements autrefois séparés
(comme avec le ministère de la défense)
Mais ces « destructions » sont rares, alors qu’au contraire les créations sont plus nombreuses,
non pour obéir à des caprices. Ces créations peuvent être justifiées par :
•L’essor d’une nouvelle technique (création du ministère des Postes dès le XIXème
siècle)
•La demande de groupes sociaux qui veulent avoir un interlocuteur privilégié : c’est alors
la satisfaction des petits commerçants lorsque on crée un ministère du commerce séparé
du ministère de l’industrie. Mais ce n’est plus ici une création dictée par l’intérêt général.
Les gouvernements actuels ont une hiérarchie formelle compliquée Pour l’essentiel, cela
renvoie à une hiérarchie honorifique, même si il y a une certaine coïncidence entre cette hiérarchie
formelle et la hiérarchie des pouvoirs.
Le grand clivage se situe en fait entre ministres et secrétaires d’Etat : les premiers siègent
de plein droit au Conseil des ministres et disposent de pouvoirs propres, les seconds sont au Conseil
des ministres seulement s’ils y sont appelés par l’ordre du jour et n’ont que des pouvoirs délégués par
le ministre auquel ils sont rattachés. Sous les ordres du Premier ministre, on retrouve en fait :
•des ministres d’Etats : c’est la catégorie la plus ancienne. Sous les IIIème et IVème
Républiques ils n’exerçaient qu’une fonction de représentation de tel ou tel parti :
ils siégeaient en Conseil des ministres mais n’avaient pas de secteur à gérer. Ils n’ont
acquis des attributions matérielles que progressivement. Aujourd’hui, ils ont une
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•des ministres délégués : ils tiennent leurs attributions d’une délégation du ministre
auquel ils sont rattachés (c’est l’exemple de MOSCOVICI, le ministre des affaires
européennes est rattaché à VEDRINE)
•des secrétaires d’Etat qui ne siègent au conseil des ministres que si l’ordre du jour
les concerne et qui n’ont pas non plus de pouvoirs propres (ils les tiennent du ministre
auquel ils sont rattachés). Sous Valérie Giscard d’Estaing est apparue une catégorie
hybride : les secrétaires d’Etat autonomes qui avaient des pouvoirs propre mais ne
siégeaient pas de plein droit au conseil des ministres. Aujourd’hui, la situation des
secrétaires d’Etat est ainsi très diverse : parfois on trouve des secrétaires d’Etat
rattachés au Premier ministre lui même et non à un ministre particulier. De plus, les
rapports entre secrétaire d’Etat et ministre sont organisés différemment : leurs pouvoirs
sont plus ou moins délégués. Parfois, on a même des sous secrétaire d’Etat
On note donc une grande complexité et une forte instabilité, mais derrière cela, il existe
une hiérarchie réelle entre les grands ministères (Justice, éducation nationale...) et d’autres plus
petits (culture, anciens combattants...). Entre les deux on trouve des ministères d’importance moyenne
(agriculture...). A coté de cette hiérarchie, le ministère de l’économie et des finances est à part.
Il est organisé différemment selon les gouvernements (on distingue par exemple parfois
ministre du budget et ministre de l’économie...). C’est pourquoi on emploie souvent le terme
« Bercy » pour le désigner. La position prééminente de ce ministère tient à plusieurs facteurs :
Traditionnellement en France, les ministères chargés de gérer les finances publiques l’ont
emporté en importance politique sur les ministères à vocation économique. Cela peut être l’effet des
crises monétaires tendant à donner le pas aux financiers gérant le court terme sur les planificateurs.
Certains services qui dans d’autres pays sont directement attachés au chef du
gouvernement sont en France rattachés au ministère de l’économie et des finances. C’est le cas
en particulier de la Direction du budget qui a pour fonction de préparer, présenter, surveiller
l’exécution du budget. Pour cela, elle collecte et épluche les demandes émanant des « ministères
dépensiers ». Ce dernier terme a une connotation péjorative du terme car ils sont souvent suspectés de
majorer leurs dépenses et de défendre des intérêts particuliers, alors que la Direction du budget
incarne dans les conférences budgétaires l’intérêt général. La Direction du budget intervient
également dans l’exécution de la loi de finance par le biais des contrôleurs financiers qui doivent
donner leur visa pour tout nouveau crédit, ce qui constitue une sorte de droit de veto.
Un second service important est la Direction du Trésor dont la force provient de plusieurs
sources : elle recrute l’élite administrative (c’est-à-dire les meilleurs élèves de l’ENA), elle a une
position stratégique (la Direction du Trésor a ainsi été l’un des « centres doctrinaux »
permettant d’assurer le succès des politiques de désinflation compétitive : elle est donc
largement responsable de la pensée unique bien ancrée dans les économies contemporaines), elle
est le centre de l’économie internationale en France (elle prépare les grandes conférences économiques
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telles que le G8, les réunions du FMI, du Club de Paris...) et elle s’intéresse également à la politique
monétaire, au financement des entreprises publiques, au secteur des assurances...Les itinéraires des
directeurs du Trésor témoignent de son importance (comme M.CAMDESSUS, qui a été directeur
du Trésor, gouverneur de la Banque de France et est maintenant président du FMI)
Prenant appui sur toutes ces ressources, le ministère des finances a une attitude de défense
de ses sphères d’influence. A plusieurs reprises, sa prééminence a été contestée par ceux qui
estimaient qu’il avait une vision trop comptable des choses et qui prônaient une vision économique
plus prospective, à plus long terme. Mais chaque fois qu’elle a été menacée, la position du ministère
des finances s’est trouvée confortée par des stratégies habiles de sa part.
D’un coté, il serait souhaitable de ne pas avoir trop de départements ministériels car :
Mais, de l’autre coté, il faut avoir suffisamment de ministères pour faire face à toutes les
tâches et besoins dont la croissance est réelle (par exemple, le niveau européen exige un
dédoublement fonctionnel de chaque ministre qui doit être présent à Paris et à Bruxelles. On
pourrait envisager que chaque ministre soit doté d’un secrétaire d’Etat, d’un adjoint pour le
représenter à Bruxelles.
Des solutions existent pour résoudre cette contradiction : Par exemple, Léon BLUM avait
proposé en 1936 dans « la réforme gouvernementale » de rompre avec la traditionnelle égalité des
ministres en distinguant des « ministres chefs de groupe » avec lesquels le Premier ministre discuterait
en permanence, et des « ministres ordinaires ». Ainsi, en 1956 Guy MOLLET avait une structure
restreinte : quelques « super ministres » flanqués de secrétaires d’Etat. Si l’expérience n’a pas
donné grande satisfaction, la tendance reste tout de même à des équipes plus restreintes.
Second problème que nous ne ferons qu’effleurer : celui de l’adaptation des structures aux
fonctions gouvernementales. C’est un problème du découpage des frontières entre les différents
ministères. Il faut trouver la définition des titulaires de charge la plus rationnelle possible ;
plutôt que de reproduire une structure ministérielle définie par les traditions, qui font qu’il y a
toujours un certain nombre de ministères, éventuellement ajustés, on peut avoir une approche
rationnelle : on se demande alors quelles sont les principales tâches de l’Etat, pour déduire une
structure ministérielle décalquée de cette analyse des tâches de l’Etat.
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La structure traditionnelle des ministères revient à mélanger des choses qui ne sont pas
homogènes. Par exemple en France, on admet qu’il y a la prise en charge par l’Etat d’une
fonction éducation. Cette fonction n’est pas à elle seule prise en charge par un ministère, celui de
l’Education Nationale, qui lui-même s’occupe aussi d’autres activités, ne serait-ce que parce que
dans ce ministère auquel de très nombreux enseignants sont rattachés, il faut faire de la gestion
administrative courante. Inversement, la fonction éducation est aussi prise en charge par
d’autres ministères : chaque ministère a ses écoles, ses stages de formation…C’est l’exemple de
l’ENA ou des IRA, rattachés au Premier ministre, l’INRA est rattaché à l’Agriculture, Saint-Cyr
dépend de la Défense, on pourrait ainsi multiplier les exemples.
On peut dire la même chose de la fonction défense. La Défense a aussi une fonction de
production des armements par exemple. Il est au final difficile de savoir si l’on est au mieux de
l’efficacité dans les ministères. Plusieurs tentatives doctrinales ont été faites, mais on n’arrive pas
vraiment à savoir.
Dans les années 1960, on a mis en place le budget fonctionnel de l’Etat, qui a prise une
nouvelle importante avec la LOLF, qui s’efforce de définir le rôle de l’Etat au travers d’un
certain nombre de programmes d’actions qui ont justement pour idée de permettre une
meilleure évaluation de l’efficacité de la dépense publique en jugeant de la manière dont un
programme a été rempli.
La LOLF avait deux intentions : la première tient plutôt de la gestion rationnelle de la
dépense publique : il fallait sortir de la logique des services votés. Le budget de l’Etat est en fait
une autorisation de dépenser pour le gouvernement. Lorsque le gouvernement se prononce sur la loi de
finance, il ne se prononçait en fait, avant la LOLF, que sur une portion mineure des crédits
disponibles, car 90% des crédits n’étaient pas débattus et été pré affecté car il était d’usage de
reconduire la dotation budgétaire des ministères. La LOLF consistait d’abord à renverser ce processus
là. C’est un dispositif qui consiste à dire qu’il faut mettre en place des programmes d’évaluation qui
conditionneront les dotations.
La seconde logique est que ce programme transcende, traverse l’organisation ministérielle
classique. Aussi bien pour l’ancienne pratique du budget fonctionnel que aujourd’hui. On
découpe en fait en huit grands pôles le rôle de l’Etat. Le problème est que cette analyse reste
encore insuffisante car pas totalement rationnelle. Il reste des titres « fourre-tout », comme le
montre certains chapitrages du budget. Ce n’est jamais complètement satisfaisant.
Mais surtout, cela ne s’est pas traduit, pour des raisons politiques, dans une
réorganisation gouvernementale. Il y a des résistances corporatives, surtout dans les anciens
ministères et surtout, on n’a pas vraiment le temps d’essayer des formules novatrices lorsque l’on
se trouve dans l’urgence gouvernementale. Il y a une rupture entre le temps politique de la
décision dans la formation gouvernementale et le temps technico-administratif de la répartition
des tâches.
Un ministère, c’est d’abord un ministre, et il faut se souvenir que c’est quelqu’un qui a
plusieurs rôles, plusieurs facettes, plusieurs tâches. Il est en même temps un homme politique,
même si parfois ils n’ont pas eu de carrière politique, comme DE VILLEPIN ou BRETON
aujourd’hui. Mais le ministre est aussi le supérieur hiérarchique d’une administration, qui aura
pour tâche de défendre des intérêts corporatifs ou sectoriels, qui va les défendre au
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gouvernement. Un bon ministre est celui qui va arracher un certain nombre d’avantage pour le secteur
qu’il représente. Il faut donc se battre contre le ministre des finances, mais aussi contre ses
collègues pour l’obtention de fonds !
Le ministre est donc extrêmement occupé et a besoin de collaborateurs directs qui vont lui
permettre d’assurer au sein de son ministère l’animation nécessaire et maintenir l’unité de direction
qui ne va jamais de soi au sein d’un ministère d’une certaine importance.
On différenciera le cabinet ministériel, le secrétariat général du ministère et l’inspection.
- Le cabinet ministériel
Les cabinets ministériels français sont beaucoup plus importants que dans les autres
pays, en taille et en rôle, avec des fonctions à la fois administratives et politiques. Les cabinets
sont fait de collaborateurs personnels du ministre qui en principe, sont des personnes qui
arrivent avec le ministre (et qui sont donc choisis individuellement) et partent avec lui. Cela dit,
les autorités supérieures peuvent imposer des membres dans les cabinets comme l’a fait MITTERAND
en 1981 avec les ministères communistes. Des raisons plus personnelles peuvent jouer aussi. Dans le
cas d’un ministre « nouveau », qui n’a pas de réseau, les autres ministres le conseillent. Les
cabinets ministériels regroupent les collaborateurs politiques du ministre, même si dès la IVème
République, ce sont des personnes issues de l’administration qui vont s’imposer, car elles sont à la fois
dans l’administration et en dehors de l’administration, car elles sont des agents publics.
Les membres des cabinets ministériels sont limités en nombre par un certain nombre de
textes : un ministre doit avoir au maximum dix collaborateurs, et sept pour un ministre délégué.
CHIRAC avait fait campagne en 1995 sur cela. Cela dit, cela n’est jamais respecté et en
moyenne, les cabinets comportent toujours plus de membres que ce qui est prévu par la loi ! On
se fait prêter des collaborateurs par les administrations si besoin est !
Cela s’explique par plusieurs raisons : l’une est que les tâches s’alourdissent, l’autre est le
caractère ostentatoire du nombre de collaborateurs. Enfin, il est rassurant d’avoir un technicien
par grand dossier. Les cabinets ont un triple rôle : celui de conception ; c’est l’état-major, qui est là
pour aider le ministre à définir les grandes orientations politiques de son orientation ministérielle. Bien
évidemment, il faut ensuite mettre ces idées en œuvre, et tout ce travail de conception des dossiers est
fait par les membres du cabinet. Second grand rôle, la fonction de coordination que les membres
du cabinet vont assumer, cette coordination est double, entre le ministère et les autres ministères
et entre le ministère et l’extérieur, avec les parlementaires, les administrations, etc. Enfin, le
cabinet a une fonction politique, en gérant l’agenda du ministre. Au final, il va prendre en charge
les multiples tâches inhérentes à la vie de ministre.
La structure type est la suivante : il y a tout d’abord un directeur de cabinet, qui dirige et
coordonne l’activité des conseillers techniques et des chargés de mission entre lesquels sont
répartis les dossiers. Remarquons qu’il peut y avoir des chargés de mission « auprès du ministre »,
qui ne dépendent pas du directeur du cabinet. Vient ensuite le chef de cabinet, qui tient un rôle plus
politique, et qui gère la personne du ministre, ses déplacements, ses discours, ses réponses et les
relations avec la presse. Cette structure des cabinets ministériels comprend en moyenne une vingtaine
de personnes.
Cette structure a toujours été très critiquée en France, d’abord parce qu’on l’a accusé de
faire écran entre le ministre et les services et effectivement, beaucoup de tâches prises en charge
par le cabinet pourrait l’être par les services, sous la responsabilité des directeurs généraux des
services. Cette critique est récurrente.
De plus, cette structure des cabinets ministériels favorise certaines ambitions car il est un
tremplin, un accélérateur de carrière dont tire bénéfice ceux qui ont la chance de servir un
ministre influent ou ayant des ressources politiques importantes : c’est la pratique des testaments
ministériels qui a été interdite mais qui subsiste inévitablement car on sait bien quelle est la durée de
vie probable d’un ministère et d’un ministre, et les nominations se font maintenant avant le départ du
ministre.
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Cette institution est beaucoup moins connue, et a suivie une évolution en dent de scie…
Ils sont aujourd’hui rétablis dans tous les ministères. Le secrétaire général du ministère coordonne
les services administratifs du ministère. Il y a cependant plusieurs variantes en pratique. Ce qui
correspond vraiment à l’appellation, c’est quand le secrétaire général coordonne l’ensemble des
services du ministère. Cette fonction a été ensuite supprimée dans la plupart des cas parce qu’au
fond, il y avait une sorte de redondance avec le directeur de cabinet. Seul celui du ministère des
Affaires Etrangères a demeuré dans le temps. Il existe aujourd’hui deux cas de figures : le
secrétaire général peut regrouper un bloc de service identifié, et est alors une sorte de sous-
secrétaire d’Etat. Dans le ministère de la Défense, il y a le cas particulier du secrétaire général
pour l’administration, et un autre avec le délégué général pour l’armement (DGA).
- L’inspection générale.
Ce second cercle reprend des éléments du premier puisqu’on y retrouve par exemple les
directeurs d’administration centrale. Les directeurs d’administration centrale se distinguent des
directeurs généraux car ils disposent de services déconcentrés (sauf exception lorsqu’on a voulu
donner une importance particulière à une direction en la nommant direction générale alors qu’elle
n’avait pas de services territoriaux).
Ils sont au total entre 350 et 400 et comptent parmi les plus hauts fonctionnaires de l’Etat.
Ils sont nommés par décret en Conseil des ministres et occupent des emplois à la discrétion du
gouvernement, dont ils peuvent à tout moment être déchargés. Ils sont en effet nommés « intuitu
personae » le plus souvent pour un emploi fonctionnel (en général, un directeur d’administration
centrale reste 3-4ans en poste)
A coté d’eux on trouve des chefs de service ayant des fonctions équivalentes mais dont les
services ne sont pas suffisamment importants pour être nommé directeurs d’administration
centrale.
administratif.
Ces services de l’administration centrale se prolongent et se complètent sur le plan
territorial par des services déconcentrés nombreux et divers à propos desquelles on peut tracer
quelques tendances générales : depuis les années 1960 ils sont progressivement regroupés sous
l’égide d’un seul directeur (départemental ou régional, ou les deux)
Ce mouvement a commencé dès 1964 avec les DDASS puis avec les services de l’agriculture
et surtout les DDE qui sont les services déconcentrés les plus puissants. On a réaffirmé des
procédures de coordination en plaçant les services déconcentrés sous l’autorité du préfet pour
lutter contre la tendance au cloisonnement administratif (qui voulait que les services déconcentrés
entrent en relation direct et exclusive avec leur ministère) qui gênait la coordination des politiques
locales (comme par exemple la politique de la ville fait affaire à des savoir-faire de différents
ministères : intérieur, culture, affaires sociales, équipement...)
Ainsi, en 1964 il a été posé en règle que les courriers entre administration centrale et
services déconcentrés devaient nécessairement passer par la préfecture. De plus, toute réunion ou
comité interministériel dans le département devait être présidée par le préfet. En outre, celui-ci reçoit
un pouvoir hiérarchique sur les chefs de services (c’est l’exemple du pouvoir de notation) Enfin, les
délégations de pouvoir consenties par les ministres dans le cadre de mesures de déconcentration
territoriale devaient d’abord passer par le préfet qui peut soit garder ces compétences, soit les déléguer
à son tour.
Néanmoins, les compétences du préfet ne sont pas absolues : il ne dispose pas des moyens
administratifs suffisant pour exercer l’ensemble de ces prérogatives. Il est obligé de faire
attention à la tentation des ministères à agir verticalement sans passer par lui (avec par exemple
le circuit du courrier officiel est souvent court-circuité grâce aux nouveaux moyens de
communication, comme le Fax...)
Au sein des directions, on voit apparaître de véritables cabinets administratifs auprès des
directeurs d’administration centrale qui viennent encore compliquer l’organigramme. Ce
mouvement est une réaction des directeurs d’administration centrale eux même face à la montée
en puissance des Cabinets ministériels : ceux-ci, petit à petit, une fois les réformes prévues par le
ministre achevées ou annulées ont tendance à s’immiscer dans les fonctions de gestion quotidienne
des directions centrales.
Le ministère des affaires étrangères a longtemps été découpé en trois grandes directions. Mais
cela empêchait d’avoir une vision harmonieuse dans les relations bilatérales. De plus, s’ajoute à cela le
problème de la construction européenne. Depuis, 15 ans, on a tenté de résoudre le problème.
Aujourd’hui, sous l’égide du secrétaire général, on a des directions par secteurs de compétence
auxquelles s’ajoutent des directions par secteurs géographiques.
Le ministère de l’agriculture a connu dans les années 1960 un profond bouleversement
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Certaines réformes visant une rationalité dans l’organisation sont affectées par le poids des
considérations politiques. Par exemple, dans les années 1970, le ministre de l’éducation nationale (Mr
GUICHARD) veut moderniser l’organisation de son ministère. Il confie cette tâche à un cabinet de
consultant qui propose une distinction entre des directions d’objectifs et des directions de moyens avec
des réunions entre les directeurs pour homogénéiser le tout. Mais cette réforme est immédiatement
remise en cause et le ministre va revenir à l’organisation traditionnelle.
A. Principe et procédure.
Le travail sous l’angle des politiques publiques, est essentiellement marqué par la
recherche de la cohérence et par la notion d’arbitrage. Il s’agit d’organiser l’inter ministérialité,
c’est-à-dire de faire travailler ensemble et de manière coordonnée des ministres ayant des objectifs
différents :
ROCARD en 1988 avait élaboré une directive dans laquelle il incitait les membres du
gouvernements à remettre à son cabinet et au secrétariat général du gouvernement avant toute
réunion interministérielle un dossier contenant les objectifs fixés avec leurs conséquences
chiffrées et les éventuels points de désaccords avec les autres ministres.
JOSPIN en 1997 a affiché les mêmes intentions en vue d’assurer une harmonie
gouvernementale en invitant les ministres à trancher entre eux leurs divergences sur des
questions de moindre importance
L’inter ministérialité repose d’abord sur les possibilités de communication directe entre
les membres de l’équipe gouvernementale et donc sur une série d’échanges informels, de
concertations, entre les ministres ou les directeurs de cabinet : c’est le téléphone
interministérielle, avec des numéros simplifiés. Chacun des ministres peut avoir accès aux autres
membres de l’équipe. Les accès directs sont en nombre limité mais cet accès existe. Il y a aussi
accès à un autre réseau, le Régis, qui permet d’avoir le contact immédiat avec les représentants
en province : préfets, recteurs et directeurs de service déconcentrés.
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A côté de ces relations quotidiennes plus ou moins denses, il existe comme modalité toute
une série de réunion interministérielle qui font la vie quotidienne des gouvernements. Ce sont ces
réunions qui constituent la réalité ; elles sont plus ou moins nombreuses et ont tendance à augmenter
en nombre sous l’effet de la complexité croissante des décisions, et elles sont de plusieurs natures.
D’abord, elles se différencient en fonction de leur statut, définie par la qualité des personnes qui
y participent. C’est ainsi qu’on distingue les conseils interministériels, auxquels participe le Premier
ministre et parfois le Président, ou leurs représentants et les comités interministériels qui ne
réunissent que des ministres. Les simples réunions interministérielles sont des réunions sans
présence de ministres.
Surtout, on peut distinguer entre les réunions ou conseils qui ont un caractère plus ou moins
permanent, ou en tout cas récurrent, et les autres. Un certain nombre de ces réunions sont prévues
par des textes qui organisent selon des rythmes variables la tenue de ces instances, par exemple
le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire se réunit
régulièrement, tandis que d’autres réunions ont un caractère plus ponctuel et sont provoqués en
temps de besoin et réunissent les personnes concernées en fonction de la nature du texte. Ces réunions
aboutissent à une concertation, à un accord, qui est le plus souvent difficile à obtenir, chacun
défendant son point de vue, il y a débat et ce débat ne se conclut pas toujours, loin sans faut, par un
compromis accepté par tous. Dès lors, l’essentiel du processus de décision est constitué par l’arbitrage
du premier ministre.
Ces arbitrages sont consignés dans un document bleu (on parle de « décision bleuie » ou
de « bleu ») définitif, sauf si un ministre essaie de faire appel de cet arbitrage auprès du
Président de la République. Ces arbitrages sont l’expression du travail gouvernemental et un temps
de plus en plus important est consacré aux réunions interministérielles (elles sont entre 1000 et 1500
par an) Elles expriment le souci de Matignon d’affirmer son autorité sur la marche
gouvernementale (et ce particulièrement en période de cohabitation)
a. La primauté de l’exécutif.
Dans les réunions interministérielles préparant les grandes décisions, on trouve toujours
des représentants du Premier ministre (car c’est à lui qu’est rattache le secrétariat général du
comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne : le SGCI)
ainsi que des conseillers spéciaux du Président chargés de préparés les grandes conférences
diplomatiques.
Le Parlement est par contre dans une position marginalisée car les délégations parlementaires
ont seulement pour objet d’informer les assemblées des textes émanant des institutions
communautaires (une circulaire de 1994 imposant au gouvernement d’informer l’assemblée nationale
avant de se prononcer sur un texte communautaire) Malgré cela, l’essentiel se passe au niveau de
l’exécutif, ce qui se marque par un renforcement de la procédure de l’arbitrage du Premier
ministre.
Le gouvernement se force à adopter une position unique sur les grandes questions
européennes. C’est en 1948 qu’a été créé le SGCI pour harmoniser les positions entre ministre
des affaires étrangères et ministre de l’économie concernant la répartition de l’aide
MARSHALL.
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Les ministres se sont aussi adaptés à la construction européenne en mettant en place des
cellules de coordination qui sont chargées de produire les arbitrages interministériels entre les
différents services.
Néanmoins, ce sont le ministres des affaires étrangères et le ministre pour les affaires
européennes qui ont le plus vocation à intervenir dans les questions européennes. Le premier a
opéré en 1993 une réorganisation interne pour intégrer la dimension européenne dans son
fonctionnement en créant deux postes de secrétaires généraux adjoints dont l’un est plus
particulièrement chargé des questions européennes.
Il dispose en outre de la coopération du second qui est en principe placé sous son autorité (sauf
deux exceptions avec DUMAS puis CRESSON à la tête du ministère des affaires européennes,
rattachés directement à MITTERAND)
L’essentiel de ce dispositif a ainsi pour tâche principale d’obtenir une position unique à
transmettre à la représentation permanente à Bruxelles.
1) Le pouvoir réglementaire.
C’est le pouvoir réservé à certaines autorités autres que parlementaires de prendre des
décisions exécutoires à caractère générales et impersonnelles. Cela constitue un pouvoir normatif
puisqu’il s’agit de l’édiction d’une règle de droit. Il se distingue des décisions individuelles qui
sont souvent des mesures d’application des normes. Etant créateur de droit, le pouvoir
réglementaire est donc très important, c’est pourquoi il est à ce titre réservé à certaines autorités. Il
convient à ce sujet de distinguer si il s’agit d’un pouvoir réglementaire général ou spécialisé :
•selon l’article 13 de la Constitution le président signe les décrets pris en conseil des
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ministres. Il peut aussi, pendant une période d’application de l’article 16 prendre des
mesures à caractère réglementaire.
Ainsi, les ministres n’ont qu’un pouvoir réglementaire limité qui s’exerce dans deux
hypothèses seulement : lorsqu’un texte prévoit cette compétence pour un domaine particulier et
même en l’absence de texte chaque ministre dispose d’un pouvoir réglementaire pour
l’organisation interne de son ministère (C.E.1936 « JAMART »)
Néanmoins, dans la pratique, le pouvoir réglementaire des ministres est étendu : tout
d’abord parce que les textes lui attribuant un pouvoir réglementaire ont été édictés en nombre,
ensuite parce que c’est souvent le ministre ou ses services qui préparent et instruisent des textes
qui sont de la compétence formelle du président ou du Premier ministre.
Enfin du fait de la pratique des circulaires précisant la façon dont il faut entendre la
nouvelle disposition réglementaire et qui ont pris une valeur quasi-réglementaire car les services
ont pris l’habitude d’attendre la circulaire pour appliquer le texte lui même.
2) Le pouvoir d’instruction.
a. Les circulaires.
Les plus importantes sont publiées au J.O, d’autres simplement au bulletin officiel, mais
la plupart ne sont pas du tout publiées. Juridiquement, la circulaire n’a pas forcément à être
connue par l’administré car elle ne créé pas de droit.
Mais, en réalité, il est parfois nécessaire d’y remonter pour comprendre les choses. De
plus il faut en fait distinguer les circulaires interprétatives qui ne créent pas de droit, des
circulaires réglementaires qui créent du droit et qui sont donc susceptibles d’être attaquées
devant le tribunal administratif (ainsi les ministres n’échappent pas aux recours en qualifiant
abusivement un règlement de circulaire)
b. Les directives.
C’est une notion intermédiaire entre règlement et circulaire. Elles sont utilisées lors de
l’application d’un pouvoir discrétionnaire pour donner des orientations concrètes.
3) Le pouvoir de correction.
a. Le pouvoir de substitution.
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Dans ce cas, le supérieur constate que le subordonné n’a pas agit et il prend la
compétence à son compte
b. Le pouvoir de réformation.
Dans ce cas, le supérieur demande au subordonné de refaire un acte qui a été mal fait ; là
encore, on peut subdiviser à nouveau : la réformation peut être soit la demande d’annulation de
l’acte, soit la réfection de l’acte en question.
des affaires célèbres et dérangeantes, comme par exemple l’affaire PAPON, c’est-à-dire
l’appréciation des responsabilités d’un secrétaire général adjoint de la préfecture de la Gironde,
lors des déportations de juifs vers les camps nazis. PAPON n’était qu’un adjoint, il n’avait pas la
haute main sur l’ensemble de la chaîne de décision et le procès a porté sur le degré
d’affranchissement qu’il aurait du adopter à l’égard de Vichy. Mais, d’une part, il y avait cette
notion de subordination et d’autre part la question de savoir jusqu’à quel point un fonctionnaire
peut-il faire du zèle dans l’exécution de services sur lequel il ne se prononçait pas. Cela est très
révélateur de la difficulté de juger la part de responsabilité de chacun dans l’administration française.
III. La déconcentration.
Cette distinction est relative, elle n’a pas toujours existé. D’ailleurs le problème est identifié
depuis de second empire, soit le milieu du XIXème siècle, mais on ne parlait que de décentralisation, en
confondant les deux termes ou en en employant l’un pour l’autre.
Le premier texte officiel parlant de cela est un décret signé en mars 1852 par Louis-Napoléon
BONAPARTE, qui énonce l’idée principale en matière de déconcentration dans l’exposé des
motifs: on administre mieux de près que de loin…parle de décentralisation. « Depuis la chute de
l’empire, des abus et des exagérations de tout genre ont dénaturé le principe de notre
administration publique[…]on n’administre bien que de près[...]Il faut donc décentraliser l’action
administrative » Aujourd’hui et ce depuis un éminent juriste membre du Conseil d’Etat, Léon
AUCOC a inventé ce terme en 1965, terme qui va devenir tout à fait consacré pour désigner des
transferts de compétence des autorités centrales de l’Etat vers les agents locaux de la même
autorité étatique. On fait descendre la compétence le long de la même chaîne hiérarchique et on ne
transfère pas cette compétence à une autre personne publique de l’Etat alors que la décentralisation
consiste en un transfert de l’Etat central et centralisé à des autorités locales élues représentant
des personnes publiques distinctes.
Si AUCOC et un certain nombre de libéraux était pour cette différenciation, c’est pour
distinguer les simples déconcentrations, qui ne portent pas atteinte au poids du pouvoir central,
des décentralisations qui affaiblissent ce pouvoir central.
motive une décision de conserver ces compétences au niveau national, central. Jusque là, c’était
en fait l’inverse. Au final, même si un assez grand nombre de compétences, dont les plus importantes,
demeure au niveau du centre, ce qui est logique.
Si on fait le bilan de toutes ces mesures de ces politiques de déconcentration, on a
vraiment le sentiment qu’il faut sans cesse remettre ce travail sur le métier : les objectifs ne sont
jamais atteint ; le rééquilibrage des responsabilités reste toujours à réaliser. Il y a là une sorte de
petit mystère.
On trouve malgré tout des réponses. Il y a des explications et des raisons qui sont concrètes,
techniques. Si l’on prend l’exemple du décret de 1970, on s’est aperçu dans la mise en œuvre que
l’objectif poursuivi se heurtait à toute une série d’obstacles contre lesquels il était difficile de lutter.
Les enveloppes reçus par les préfets par exemple, n’étaient pas vraiment globalisées mais dont
les dotations restaient, dans le cadre de la logique budgétaire et conformément au droit, définis
par chapitres ministériels. Par ailleurs, de multiples dispositifs expliquaient la remontée d’une
certaine forme de remontée de décisions. Surtout, le climat hiérarchique, son contexte fait que
chaque fois qu’une mesure risque d’avoir une incidence politique, la responsabilité du ministre
fait qu’il a une capacité réelle d’évocation du dossier, qui aboutit à l’assujettissement de
l’autorité déconcentrée. C’est le ministre qui s’empare du dossier. Les administrations centrales
n’étant pas de plus très en faveur de la déconcentration, il est traditionnel qu’il y ait une grande
méfiance à l’égard de la déconcentration. Les agents s’accommodent de la couverture de
responsabilité que leur offre la centralisation….tout comme les organisations syndicales. Les déboires
de Claude ALLEGRE l’ont montré.
• Les décrets de 1970 sous Chaban Delmas déconcentrent les crédits d’investissement de l’Etat
Ses deux décrets ont lieu en novembre et décembre 1970.
o les crédits de catégorie 2-3-4 concernent les crédits au pouvoir de décision. Ils sont
d’intérêt régional, départemental ou local : ce sont les préfets de département ou
de région qui sont compétents pour utiliser les enveloppes financières qui leur
sont distribuées. Les préfets de régions ont les crédits de la catégorie 2 et les
préfets de départements ont les crédits de la catégorie 3 et 4. Tous ses crédits
étaient gérés depuis en haut : désormais les préfets reçoivent des enveloppes de
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crédit. Leur tâche est de décider comment les utiliser. C’est une politique d’une
certaine ampleur car les investissements ont des effets d’entraînement sur
l’économie.
Sur le plan symbolique, elle introduit l’appellation de « services déconcentrés de l’Etat » (au
lieu de services extérieurs : comme si l’administration centrale serait dedans et les services
extérieurs dehors. Cela traduit le mépris pour les services non centraux). Cette nouvelle
appellation enlève la coupure originelle. Surtout, elle renverse le principe de la concentration des
responsabilités et pose la règle : « la déconcentration est la règle générale de répartition des
attributions et des moyens entre les différents échelons des administrations civiles de l’Etat »
(article 1er du décret). Ce décret introduit un nouveau principe de subsidiarité : les
administrations sont en principe cantonnées dans des attributions limitativement énumérées. Le
reste appartient en principe aux échelons déconcentrés. Le principe est la répartition des
attributions en faveur des services déconcentrés et par dérogation certaines compétences restent au
niveau central.
Néanmoins, les compétences des administrations centrales restent importantes :
l’organisation générale des services de l’Etat, détermination des objectifs des services
déconcentrés, définition des politiques nationales. Le texte de 1992 reconnaît que des
compétences importantes restent au niveau central. A ce titre, reste au niveau central :
Les administrations centrales n’y sont pas très favorables : elles n’aiment pas se faire
dessaisir de leurs compétences. Ce sentiment est d’autant plus fort que les administrations centrales
se sentent laminées par l’européanisation et par la décentralisation. Elles sont donc peu
enthousiastes pour être affaiblies à l’intérieur même du système administratif. Elles tentent donc
de freiner le mouvement.
De plus, les services déconcentrés sont eux même peu demandeurs car il y a un certain
confort à s’abriter derrière la centralisation. Et en même temps, on peut se valoriser en prenant de
la distance avec la politique de Paris quand c’est possible.
Ensuite, il y a très peu de demandes de la part des partenaires sociaux car les négociations
collectives centralisées leur donnent plus de poids. Les organisations professionnelles et syndicales
sont farouchement opposées à la déconcentration car ils sont puissamment organisés au niveau
national.
Enfin, les citoyens, les usagers, administrés ne sont pas non plus très demandeurs : c’est
très technique. Le recours à l’administration centrale apparaît comme une certaine culture. Pour
CROZIER : les français ne sont pas prêts à supporter le montant d’autorité nécessaire pour assurer
une action collective. Les français préfèrent que la décision soit lointaine, anonyme et centralisée.
C’est une technique utilisée selon les cas comme substitut ou complément à la
décentralisation et d’autre part, elle se présente comme un instrument de modernisation de l’Etat.
D’où une certaine confusion sur le terme de déconcentration :
Lorsque on entend déconcentration au sens propre, ces mesures restent exposées à des
phénomènes de remontée des dossiers importants au niveau central par le pouvoir d’instruction. Pour
lutter contre cela, il faut entrer dans une logique de décentralisation fonctionnelle de l’Etat.
D’autre part, cette logique verticale entre en conflit avec le 2 nd sens donné à la
déconcentration, qui consiste à réinventer des formes de régulation de l’action publique sur le
territoire : il s’agit de mieux traiter la gestion de questions horizontales mettant en cause plusieurs
ministères, ce qui nécessite une collaboration avec les collectivités territoriales. On a ainsi essayé de
mettre en place des pôles de compétences, mais cette démarche d’inter-ministérialité se heurte cette
fois aux résistances des ministères qui se refusent à la fusion de services déconcentrés au niveau
territorial.
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La problématique est ici la même : il s’agit de mieux organiser l’action publique et les réseaux
de l’administration sur l’ensemble du territoire. Il n’y a en effet aucune raison pour que les
administrations publiques, y compris les administrations centrales, soient toutes concentrées à Paris :
en effet, ce qui définit une administration centrale, c’est sa zone de compétence nationale, et non son
implantation géographique.
De plus, il est évident que l’excessive concentration des administrations publiques dans la
capitale induit des inconvénients tant au niveau des services que des personnes.
La DATAR (crée en 1963) mène une politique volontariste d’aménagement du territoire
pour mieux répartir les services nationaux.
C’est pour lutter contre cette tendance à la concentration administrative, caractéristique de la
France, que depuis 30-40 ans, des programmes de délocalisation des administrations centrales sont
menées par le CIADT (comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire) et
relancées périodiquement (cf. CRESSON avec l’ENA). Mais ces mesures rencontrent des
difficultés, le plus souvent dues aux caractéristiques même des décisions qui sont souvent
autoritaires, arbitraires, inattendues et parfois même maladroites :
La décision est souvent décrétée sans concertation par le CIADT car pour les experts, la
concertation entraînerait l’échec (du fait par exemple de l’opposition du personnel qui
n’envisage pas de déménager)
Dans ce type de politique, la maladresse vient s’ajouter aux problèmes déjà énoncés : dans
le cas de l’ENS, ou de l’ENM, il n’y a aucune raison, si ce n’est symbolique, pour qu’elles soient
situées à Paris. Mais pour l’ENA, c’est une aberration que de vouloir la transférer à Strasbourg.
En effet, elle a vocation à former les hauts fonctionnaires de l’administration centrale. Or Paris offre
justement la proximité avec ces administrations centrales. Cette délocalisation est d’autant plus
irrationnelle que BALLADUR a maintenu la localisation à Paris. CRESSON avait voulu y
donner une dimension symbolique, mais elle a agit brutalement car le conseil d’administration
de l’école n’a même pas été consulté. Ces politiques mal menées jettent le discrédit sur les
délocalisations administratives qui sont pourtant la plupart du temps rationnelles.
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Elle est souvent marquée par des considérations partisanes Les choix ne sont pas innocents
sur le plan politique. Le gouvernement a fait plaisir à ses ministres et à ses soutiens politiques. Pour
l’ENM : à Bordeaux quand MICHELET est Garde des Sceaux à la demande de CHABAN-DELMAS.
Ainsi, au total : résistances et maladresses ont entraînées des délocalisations mal vécues.
A. Le préfet de département.
• attributions juridiques
• attributions administratives
• pouvoir de police
• rôle de conduite des politiques publiques surtout économiques.
Attributions administratives, il dirige les services de l’Etat dans le département. Les services
administratifs de l’Etat lui sont soumis : logique de spécialisation et de cloisonnement dans le but de
« marquer » son territoire. En tant que représentant de l’Etat, il a toujours la mainmise sur les
services administratifs. Il y a une technicité croissante après la deuxième guerre mondiale qui s’est
traduit par une automatisation des différents services qui avaient ignoré la préfecture. Le préfet
ignorait ce qui se passait : il y avait donc un problème de coordination de ces différents
administrations. A partir des années 60, on a voulu reconstituer le pouvoir de coordination du
préfet sur ses services. En 1964, on a voulu généraliser : on redonne au préfet les moyens de sa
prééminence. Les ministres avaient tendance à donner des délégations au préfet, qui pouvait soit
l’exercer, soit sub-déléguer aux directeurs départementaux. Il doit être informé de toute l’activité des
services départementaux de l’Etat. En 1964, il y a aussi l’obligation de faire transiter tout le
courrier par la préfecture, laquelle est donc tenue au courant. Toutes les réunions administratives
sont en principe présidées par le préfet, mais il peut déléguer cette présidence. Le préfet a un
pouvoir de notation et d’appréciation sur les chefs de service, mais il y a des services qui pour des
raisons particulières échappent au pouvoir de direction du préfet. Par exemple : la justice y échappe
en vertu de la règle de séparation des pouvoirs. De plus, il y a nécessité de conserver une autonomie
pour telle ou telle activité : par exemple, l’action éducative appartient aux recteurs d’académie. Idem
pour les établissements statistiques.
Il y a un problème dans la mise en œuvre. Le préfet n’a pas les moyens d’exercer un
contrôle effectif sur l’ensemble de la machine administrative. Le pouvoir de coordination s’exerce
bien au sommet, mais si on descend dans l’action administrative quotidienne, en vertu de leur
spécificité technique, beaucoup de services ne sont pas réellement contrôlés. La préfecture n’a pas
les moyens d’exercer un contrôle approfondi.
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Il a des pouvoirs de police : le préfet est une autorité de police. On définit la police comme
une activité de réglementation et de sanctions, afin d’assurer le respect de la réglementation. Il faut
distinguer police administrative et judiciaire, même si cette distinction est simple en théorie et
délicate en pratique. La police administrative aurait une portée préventive : prévenir les troubles
alors que la police judiciaire aurait une portée répressive : réprimer les infractions. Exemple de
l’agent de police (qui surveille le trafic : administratif, et sanctionne une infraction au code de la route:
judiciaire). Le préfet a longtemps été une autorité marginale de police judiciaire. Aujourd’hui, il a
un pouvoir important de police administrative : il est investi de deux grandes catégories de
compétences :
La police administrative générale : il est responsable du maintient de l’ordre dans le
département, soit en prenant des mesures au niveau de l’ensemble, soit en cas de carence des
autorités municipales se substituer au maire. Il est difficile en pratique de démêler les choses. Depuis
le régime de Vichy, les forces de police ont été étatisées : elles représentent un personnel de l’Etat
sous l’autorité du préfet et du maire. Elle est socialement plus assujettie à l’Etat qu’à l’autorité
municipale.
Les polices spéciales sont des polices qui s’attachent à la réglementation de certaines
activités particulières : exemple, polices de la chasse ou de la pêche, ou police des établissements
industriels, et c’est le préfet qui aura en charge ces pouvoirs spéciaux.
C’est la police administrative qui pendant longtemps jusqu’en 1997 avait un pouvoir de police
judiciaire… C’était choquant pour la séparation des pouvoirs.
Pendant longtemps, le préfet avait le droit de rechercher et de constater les crimes et délits
relatifs à la sûreté de l’Etat. Il avait le droit de faire des perquisitions, des arrestations, sous
réserve d’en aviser le procureur de la République, dans les 48 heures, en lui transférant les dossiers de
la personne considérée. Le préfet ne dispose plus de ce pouvoir qu’en cas d’urgence. C’est une
attribution contradictoire avec les principes de la séparation des pouvoirs. Pouvoir attentatoire à
la séparation des pouvoirs.
• Point de vue plus pessimiste : les préfectures n’ont pas les moyens de contrôler en
profondeur les municipalités. Soit par les moyens soit pour ne pas entrer e conflit avec un
élu important.
Le nombre d’actes déférés est très variable d’un tribunal à l’autre. Statistiquement, on devrait
avoir des contingents de déférés électoraux comparables d’un département à l’autre, mais tout
dépend du mode de relations qu’établissent le préfet et les municipalités.
• Sous préfectures :
• Préfecture
C. Le préfet de région.
1) Historique.
C’est sous Vichy en 1941 qu’est créé le préfet de région pour des raisons de police dans un
contexte politique marqué par l’occupation. C’est pour cette raison qu’on donne au préfet des
pouvoirs de police et en matière économique (Vichy étant une économie administrée).
En 1945, ils sont remplacés par des commissaires de la république pour un rôle
analogue : maintenir l’ordre.
De Gaulle ayant peur du PC et d’une prise de pouvoir insurrectionnelle, il les fait supprimer
en 1946 pour les préfets de région.
En 1947, le contexte de la guerre froide avec le rejet des communistes mettant fin au
tripartisme (PC, MRP, SFIO) et le climat de grève insurrectionnelle fait apparaître les préfets IGAME
(importants généraux de l’administration en mission extraordinaire).
Le 14 mars 1964, un deuxième décret crée les préfets de région. En faite, on crée les
préfets du département chef lieu de la région. On reprend le découpage administratif des
circonscriptions d’action régionale, cad la projection du territoriale du plan de développement
économique et social. On n’a pas créé la région en tenant compte des identités culturelles et
historiques mais en regroupant les départements existants (sauf l’Alsace). Par exemple Nantes n’est
pas en Bretagne, la région Centre est artificielle et l’Aquitaine a une géographie mais n’est pas
historique.
Le préfet de région est principalement mis en place pour développer les politiques
économiques dans un cadre mieux adapté que celui du département (ses attributions sont
économiques : planifications et réalisation des investissements publics de l’Etat)
En 64, on donne au préfet de région des compétences économiques. On réunit des chargés de
mission, des cadres administratifs d’Etat à temps plein ou partiel pour conseiller le préfet. Il a à sa
tête un sous-préfet qui constitue le principal collaborateur du préfet de région. De 64 à 72, dans les
débuts de l’institution de la région, il s’appuie sur une instance, la CODER (commission du
développement économique régional). C’est une instance consultative où se trouvaient associés des
élus politiques, et des personnalités qualifiées, des socioprofessionnels. C’est une instance qui
regroupe des personnes ayant des points de vue différents, des origines sociales différentes qui
s’interrogent sur le développement économique de leur région.
Conclusion :
Jusqu’en 1982, le Préfet était l’initiateur de nombreuses politiques mais il a subi une perte
de prestige. Même s’il devait composer avec les élus locaux, il conservait une capacité de résistance.
Mais depuis cette date, l’initiative politique revient aux Président des conseils généraux et
régionaux, ainsi qu’aux maires des grandes villes. Le préfet doit partager avec les élus. Néanmoins, il
est le seul à être indépendant des rivalités de personne et d’institution. Il garde un rôle
considérable. Il reste une institution centrale de la République.
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Chapitre 2 :
La fragmentation du système administratif français
L’administration est constituée d’organismes, d’institutions diverses qui se distinguent de
l’institution centrale par des missions particulières ou par des caractéristiques organisationnelles.
Au cours des années on assiste à :
Ces structures multiples, souvent méconnues, plus ou moins centrifuges finissent par
constituer une sorte de nébuleuse dont les contours sont difficiles à évaluer. La fragmentation met
ainsi en cause la vision classique d’une administration monolithique, intégrée.
Il faut renoncer à l’idée selon laquelle l’administration serait un ensemble figé, immuable,
uniforme. L’administration n’est pas un bloc constitué de services stéréotypés. C’est l’image diffusée
par les médias.
C’est un ensemble diversifié s’adaptant à son environnement, mais cela ne signifie pas
que cette d’adaptation soit toujours réussie. Il n’y a pas d’immobilisme. Les structures
administratives sont d’une grande diversité et il est difficile d’en rendre compte avec précisions, tant
elles sont éclatées et différenciées, et au final peu connues.
A coté des structures classiques, on a vu se multiplier des organismes qui ont des statuts
variés, imprécis, et dont le particularisme est plus ou moins fort. Ils peuvent être rangés dans les
grandes catégories juridiques disponibles. Il faut en fait distinguer :
• Ceux qui ont une personnalité juridique, morale distincte de celle de l’Etat
• Et ceux qui n’en ont pas de personnalité juridique.
Certains organismes ont ainsi une personnalité juridique distincte de celle de l’Etat. Ils
engagent donc leur propre responsabilité en cas de litige et cette responsabilité sera le cas échéant
prise en charge sur les ressources spécifiques des organismes en question. Ils sont dotés d’une
autonomie de gestion : même si leurs ressources principales proviennent de l’Etat, la manière dont
elles sont gérées dépend de leur gestion propre.
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Il s’agit des collectivités publiques territoriales. Ce sont les départements, les régions. Elles
constituent un groupe distinct de l’Etat identifié à un territoire.
L’Etat n’est pas fait que de ministères : d’un côté il y a la masse de ministères dirigés
directement par l’Etat, et de l’autre les E.P.
Définition :
Un E.P est un service public qu’on a individualisé en le dotant de la personnalité publique
et d’une autonomie financière, ainsi que d’un organe de gestion indépendant. Un E.P dispose d’un
budget propre, d’un patrimoine qui lui est affecté et d’instances de gestion pour le diriger.
Création :
Cette formule en droit français existe depuis le XIX° siècle et avait pour objectif d’attirer les
libéralités c’est-à-dire des dons ou des legs de la part de personnes privées pour l’intérêt général.
Lorsque un donateur veut soutenir l’action d’une activité particulière, il ne veut pas que son lègue soit
perdu dans le système général de l’Etat.
• Mais aussi par le biais de réglementations particulières. On adapte, on déroge aux règles
générales de fonctionnements (qui sont contraignantes comme celle de la comptabilité
publique : obsession du contrôle avec des règles très lourdes. Les règles deviennent même un
handicap pour remplir efficacement les missions confiées à un service) aux conditions du
moment ou du lieu. Pour être efficace, il faut plus de souplesse.
Ces raisons expliquent pourquoi on crée beaucoup d’E.P et pourquoi il existe une formidable
diversité d’organismes concrets.
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Notion fourre-tout :
La formule des E.P a ainsi connu de multiples consécrations, à tel point qu’elle est devenue
une formule « fourre-tout » regroupant dans un même ensemble des organismes aux statuts variés. Le
CE dénombre ainsi plusieurs milliers d’EP nationaux et locaux parmi lesquels on trouve de tout.
Le monde des E.P est aujourd’hui une sorte de fourre-tout :
• On trouve à la fois des institutions très prestigieuses (le collège de France), des instituions
avec un grand nombre d’effectifs, des institutions avec des ressources importantes (caisse
des dépôts), ou bien des institutions à faible budget et sans aucune notoriété (les collèges
locaux, les lycées)
• Des EP stricto sensu, très spécialisés, techniques, ayant des vocations très particulières
• Mais aussi des EP territoriaux comme les syndicats de commune, les communautés
urbaines... qui sont plus proches des collectivités locales : ces EPCI (EP de coopération
intercommunale) sont donc en quelques sortes des intermédiaires entre EP et collectivités
locales.
On trouve aussi des organismes qui ont des types d’activités différentes :
Si le droit a une fonctionnalité, c’est le pouvoir de renseigner sur les catégories qu’il énonce
les règles applicables. Avec la catégorie E.P on est en présence d’une énigme juridique. Cette
catégorie a gagné en extension mais a perdu en densité juridique. On n’a de moins en moins
d’information sur ce que désigne un E.P.
Critères de classification :
Pour connaître la manière dont les E.P se sont autonomisés, il faut distinguer les E.P
d’origine fondative (EPF) et ceux d’origine corporative (EPC), mais il s’agit là d’une distinction de
principe. Les E.P se distinguent en fonction des raisons initiales de leur création.
o les E.P d’origine fondative : ce sont des organismes que l’Etat décide de créer
pour des raisons essentiellement techniques (ex : l’ONF dont la gestion est
confiée à des ingénieurs, techniciens...). L’autonomie laissée par l’Etat sera alors
calculée au plus juste selon les nécessités. On entrouvre beaucoup dans le domaine
financier. Cela correspond à la recherche d’efficacité dans la gestion.
Ex : on crée la caisse des dépôts pour gérer et recueillir les biens des personnes qui
disparaissent sans héritiers.
o les E.P d’origine corporative : à la base existe déjà un groupe humain, une
communauté, ou l’équivalent à laquelle on a voulu lui donner une personnalité
juridique pour promouvoir ses intérêts particuliers. En érigeant l’activité de cette
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• Critère juridique :
Il y a donc beaucoup de différences entre les EP, mais le principal clivage au sein de cette
catégorie est celle du régime juridique qui est différent selon qu’il s’agisse :
o d’EPA (EP administratifs)
o d’EPIC (EP industriels et commerciaux).
Cette distinction s’applique a tout les services publiques. Cette distinction est fondamentale
mais trop générale pour en tirer des conséquences précises et fiables.
o Pour les EPA c’est le droit administratif qui s’applique : les agents sont des
fonctionnaires et les litiges sont confiés au juge administratif. Contrat administratif si
passe contrat.
o Pour les EPIC, c’est le droit privé qui s’applique : les agents sont des salariés de droit
privé et les litiges sont confiés au juge judiciaire. Lorsqu’ils passent des contrats, ce
sont des contrats de droit privé (Tribunal civil, des prud’homme).
Mais cette grande division n’est pas suffisante pour savoir toujours en détail quel est le droit
applicable. Pour cela il faut se référer dans chaque cas au texte particulier régissant l’activité de
chaque EP. Ex : EPA
Les universités : se sont des EP à caractère scientifique, culturel, technologique et
professionnel. Elles n’ont pas de vocation industrielle mais administrative.
On observe une différence entre les universités et les EPA qui ont un contrôleur financier pèse
sur leur autonomie. Il n’y a pas de contrôle financier a priori. Il n’intervient qu’a posteriori.
L’université n’est responsable de ses actes qu’a posteriori. Les universités ont plus d’autonomie
que d’autres EPA.
Certains EPIC ont des agents comptables qui sont soumis aux grandes règles de comptabilité
publiques, d’autres à des agents privés et donc sont beaucoup plus autonomes.
• Exploitation publique : Quand on a émancipé la Poste et France Télécom dans les années 1990 de
leur statut d’administration centrale, ce n’étaient pas des personnalités morales. On souhaitait leur
donner un statut particulier. Se sont des sortes d’entreprise et on a voulu les émanciper en statu
autonome. On commence à les ériger en personne morale de droit public sous tutelle du ministère
des BTP, mais soumis au droit privé. Soucis du personnel de garder leur statut de fonctionnaire.
Le personnel avait le choix entre rester fonctionnaire ou entrer dans les règles privées. La loi les
appelle exploitations publiques. La confusion dans les termes est délibérée. Cela complique les
choses.
• des agences : cette notion connaît un succès important car elle a une connotation moderne (ANPE,
l’ANVAR, agence française du médicament, de l’environnement...). Cette dénomination est en
fait un pavillon de complaisance car elle ne désigne pas une catégorie juridique : ces agences
sont en fait des EPA ou des EPIC, voire même parfois des associations.
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Raisons :
Associations :
• L’intérêt est d’individualiser les contrats. On vend un savoir faire particulier : la meilleure
solution est de créer des associations professionnelles pour le développement de la recherche
en marge du système universitaire. C’est une manière d’éviter les contraintes liées aux
normes publiques.
Résumé :
• Qui provoque une confusion dans la perception des frontières des différentes catégories de
l’administration.
Société de droit
EPIC
commercial
Droit privé
B2 : les sociétés : pas de mission SP. Entreprise publique appartenant à l’Etat. 82-83 : nationalisations.
Cette catégorie a moins d’importance depuis les privatisations.
X : Régie industrielle et commerciale ne possédant pas la personnalité morale
Y : Services public hospitalier pris en charge par des cliniques privées
SPA : soumis au droit public
SPIC : soumis au droit privé
Concession : c’est le plus souvent les SPIC mais les SPA peuvent l’être.
Les agences : c’est un système qui est peu développé en France, comparé à l’étranger
• en Suède notamment où la tradition administrative veut que l’administration
centrale soit d’une importance réduite et où de nombreuses tâches sont confiées à
des agences : sorte d’EP.
• En Grande-Bretagne, ces agences sont des executive agencies qui ont été crées
comme modalité de désengagement et de réforme de l’Etat dans le cadre de la
politique « next step » (prochain pas) de Thatcher. Compétences détachées des
ministres pour insuffler dans le public une idéologie d’efficacité du secteur privé.
C’est la philosophie qui fonde ces agences.
• En France, ces agences ont plutôt été crées de façon conjoncturelle sans idéologie
précise pour faire face à des besoins.
o En 1962, une agence a été crée pour gérer le rapatriement des biens
d’Algérie.
• Ce sont des organismes chargés d’un pôle sectoriel qui se traduit par la gestion de
certains moyens ou la gestion d’un domaine précis de spécialité.
Mais au-delà de ces éléments communs, les agences ont de nature très diverse dans leur
organisation et leur rôle. Certaine sont de véritables EP et d’autres de simples désengorgements de
l’Etat. Certaines de ces agences jouent un rôle de régulation analogue aux agences américaines.
D’autre en sont fortement éloignés. Le terme agence est utilisé couramment mais n’a pas pour autant
de véritable portée juridique.
Le terme vient d’un article d’Edgar PISANY qui a distingué administration de gestion et
administration de mission. On distingue deux grandes catégories :
1) L’administration de mission.
Elle s’oppose aux bureaucraties classiques. Elle apparaît après la Seconde Guerre Mondiale.
La notion repose sur l’idée selon laquelle lorsque l’administration a à affronter un problème
nouveau pour lequel elle n’est pas préparée, il peut être plus efficace, rationnel et réaliste de créer
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une structure spécifique (une structure ad hoc) plutôt que de faire subir aux structures existantes un
effort d’adaptation. L’administration de mission a donc des caractères particuliers :
• c’est un organisme léger, à faible effectif, où le niveau de qualification est très élevé. Le poids
relatif de l’encadrement/ des agents de catégorie supérieure est important.
• il fonctionne sur un mode plus collégial que hiérarchique. Il y a plus d’agents de conception
que d’exécution. (Dans la bureaucratie classique, il y a une hiérarchie entre les agents supérieurs
et les agents d’exécution)
• on y fait prévaloir l’objectif sur le respect scrupuleux de la règle: elle a été créée pour résoudre le
problème de la règle.
Elle est provisoire : elle est faite pour disparaître dès la mission accomplie. Il s’agit du type
idéal : dans la pratique, il existe des situations intermédiaires et des dérives. Mais souvent les
administrations tendent à se perpétuer, quitte à être absorbées par l’administration (ex : commissariat
au plan).
Exemples :
• La DATAR créée dans les années 60 (63). C’est pour résoudre le problème de l’excessive
concentration des activités à Paris. En 1963, elle est dotée de moyens d’actions importants et
confiée à Olivier Guichard qui en tant que délégué à l’aménagement du territoire apparaît
comme un vrai ministre. Elle dispose de lignes de crédits qu’elle utilise de façon autonome. La
DATAR apparaît ainsi à la fin des années 60 comme le prototype de l’administration de
mission : c’est même une « administration de commando ». Elle exerce par exemple des
missions d’aménagement du littoral pour restructurer le tissu économique des régions.
• Le Commissariat général au plan : administration de mission crée sous l’égide de Jean Monnet
pour organiser la planification. Aujourd’hui, le CGP existe toujours. Il est devenu un service
d’étude du gouvernement. Son rôle initial a pratiquement disparu.
Elles ont été crées dans les années 70 et ont depuis tendance à se multiplier. Elles servent soit :
• A répondre à un besoin mal assuré par l’administration classique (c’est à dire lutter contre la
« mal administration »)
Dans tous les cas, il s’agit de trouver le moyen d’assurer la pleine indépendance de
l’institution chargée de la question, sans pour autant l’élever au rang de juridiction : ce sont en
effet bel et bien des administrations, mais elles ne sont soumises à aucun pouvoir hiérarchique,
mais n’ont pas la personnalité morale. Les AAI ont l’indépendance d’une juridiction tout en étant un
organisme administratif. Elles agissent dans l’intérêt général. Elles se présentent sous formes variées
au pouvoir variable.
• dans leur pouvoir qui peut être soit consultatif, soit véritablement réglementaire.
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Ces AAI se voient confier des secteurs ne pouvant pas être attribués aux administrations
classiques dans un souci d’impartialité, comme le CSA pendant la campagne présidentielle.Une
autre AAI :
• La commission nationale informatique et liberté. C’est pour rendre l’application du texte plus
effective.
Exemple d’une loi de 1977 sur l’architecture et l’environnement qui met à la disposition
des usagers un organisme de conseil : le CAUE (conseil d’architecture, urbanisme et environnement).
Cet organisme clair et rationnel a en fait mis 5 ans à voir le jour sur le terrain car une lutte
d’influence s’est déroulée entre architectes du ministère de la culture et urbanistes des ponts
rattachés au ministère de l’équipement, car chacun voulait s’assurer la prépondérance dans le nouvel
organisme.
Exemple du statut de l’IEP, réforme de 84 sur l’université. Problème, les IEP doivent-ils ou
non avoir la personnalité morale ? Ils réclament le statut d’établissement public autonome. Ceci a
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été arbitré par le premier ministre. Une fois le principe adopté, le direction de la comptabilité du
ministère des finances a imposé un contrôle des finances, ce qui est inacceptable car c’était perdre
beaucoup d’autonomie de gestion : l’autonomie gagnée vis-à-vis du ministère de l’éducation
nationale étant reprise par le ministère des finances. Les directeurs ont menacé de démissionner.
Lutte d’influence entre les services est préjudiciable à l’usager et à l’efficacité du service.
Ces types de conflits sont très nombreux entre les grands ministères et organismes
composant le paysage administratif. Mais il le sont également au sein de chaque organisation et
chaque ministère : il y a en effet une propension de certains services à s’autonomiser par rapport à
leur hiérarchie formelle. Phénomène de cloisonnement entre les services. Les services ont tendance à
se replier sur eux mêmes et à se considérer comme une entité autonome et non comme une partie
d’un ensemble plus vaste. Ce qui se traduit par une absence de communication avec les autres services
du ministère
Exemple : il est faux de dire que le ministère des finances est parfaitement intégré et dirigé
par le ministre des finances. Il y a en fait une trentaine de services différents dont certains ont une
tendance à se diriger sous le mode de l’autonomie. Par exemple, les douanes se présentent non
comme un service, mais plutôt comme une administration autonome rattachée au ministère des
finances : elle a ses propres centres de formation, ses propres filières et elle a plus de relations avec ses
homologues européens qu’avec les autres services du ministère. Elle est en crise avec la construction
européenne.
L’identité des services est variables mais elle est souvent très affirmée. Par exemple les
tensions qui existent au sein de la sécurité interne entre la Gendarmerie (corps militaire) et la
Police (corps civil) traduisent l’opposition entre corps militaire et civils. D’où la nécessité de
trouver des procédure pour faciliter la coopération : par exemple, le gouvernement actuel essaie de
faire des groupement interrégionaux.
extérieur à la société : il est immergé par la société. La notion d’appareil administratif perd de sa
consistance en sociologie.
Gouver-
nement
Délègue ses
Adminis- pouvoirs
tration
Peuple
Chapitre 3 :
La décentralisation
Si en matière économique le gouvernement est contraint par des flux qui les dépassent
(mondialisation, Europe), dans le domaine territorial, il a le champ libre.
La période révolutionnaire a marqué la France d’une empreint centralisatrice. En 1790, on
essaye de mettre en place un modèle d’organisation territorial simplifiée (cf. complexité, fouillis de la
carte administrative de l’Ancien Régime). . C’est pour enraciner la Révolution et simplifier la carte
administrative que les gouvernements de l’époque mettent en place les départements, de façon très
volontariste et artificielle.
Mais c’est sur les bases de l’Ancien Régime que va s’établir cette carte (les paroisses servent
au découpage des communes), ce modèle jacobin.
Pour l’essentiel, c’est la commune et le département qui sont importants et qui sont régis
principalement, pendant le 19 et le 20ème siècle, par deux grandes lois qui seront le socle de leur
organisation :
Ces lois fixent les grands principes d’administration de ces collectivités. Elles confèrent à
chacune d’elles le droit de délibérer sur l’intérêt communal ou départemental.
Est confié à des Assemblées élues, le soin de régler les affaires de la commune ou du
département.
On confie le pouvoir exécutif de la commune à un maire nommé par le pouvoir central. A
partir de 1872, le maire est élu et non plus nommé. Et jusqu’en 1982, le pouvoir exécutif du
département est confié au préfet. Ces deux lois seront modifiées à plusieurs reprises, mais resteront
le socle principal de l’administration en France jusqu’en 1982
Le modèle d’administration territoriale qui résulte de ces données se caractèrise par des grands
traits:
• L’uniformité statutaire.
1) L’uniformité statutaire.
On peut observer de nombreux contraste quant à l’hétérogénéité des statuts entre les
différents pays.
• Encore plus frappant est le cas des communes : on connaît la disparité du nombre d’habitants
entre la plus petite commune française et la plus grosse et pourtant, elles sont toutes organisées
sur le même mode de fonctionnement, id est une assemblée qui délibère et une autorité
exécutive, le maire, élu par le Conseil.
L’unique paramètre adaptatif est celui du nombre de conseillers municipaux. Or cette
situation ne va pas de soi. En dehors du facteur démographique, les communes sont dans des
situations très diverses notamment d’un point de vue économique (riches, pauvres, ces
dernières comptant sur les subventions, tandis que les communes riches disposent de ressources
plus importantes, liées par exemple à l’exploitation de forêts).
• Dans les villes les plus petites, l’essentiel du pouvoir n’est pas attribué au assemblées.
Pouvoir du maire faible.
• Le système du city manager, c’est-à-dire d’un conseil et d’un maire. Les maires doivent
composer avec un manager qui est recruté par le conseil et qui dispose d’un pouvoir de gestion.
Le maire a une fonction symbolique.
La FRANCE a donc un système uniforme mais la règle connaît quelques exceptions : les
aménagements restant très marginaux.
L’un d’entre eux vise depuis 1982 certaines des grandes villes (Paris, Lyon, Marseille).
Ainsi, la loi PLM du 31 décembre 1982 n’est pas sans arrière-pensée électorale et politique.
Puisqu’elle consiste à doter les arrondissements de conseils d’arrondissements. Le résultat est par
exemple à Paris, de diviser le pouvoir puisque le maire cohabite avec 20 maires d’arrondissement.
On met dans les apttes du maire de Paris (Chirac) des maires d’arrondissement. Les mairies
d’arrondissement ont souvent un pouvoir réduit ce qui fait que l’aménagement est minimal : elle
gère par exemple les jardins d’enfant. On est donc encore loin des municipalités de quartier.
Une autre forme d’aménagement concerne les DOM qui font l’objet d’une organisation
particulière qui tient compte d’un fort particularisme dû à l’éloignement, à leur passé colonial, aux
clivages sociaux. Il confie aux DOM (Guadeloupe, Réunion, Martinique et Guyane) une
départementalisation adaptée qui consiste principalement en la majoration du rôle et des pouvoirs
reconnus aux autorités locales. Les Conseils généraux ont ainsi des pouvoirs fiscaux importants et
peuvent par exemple décider d’une taxe sur l’entrée des produits dans leur territoire. Concernant les
préfets des DOM, qui ont remplacé les gouverneurs des colonies d’antan, ils disposent d’un pouvoir
important pour maintenir le respect de l’Etat. Son pouvoir peut être comparé à celui d’un quasi
chef d’Etat. Il exerce aussi un rôle important en matière de diplomatie.
Concernant les TOM, on se trouve dans une situation d’extrême hétérogénéité : la
Nouvelle-Calédonie ne disposant pas de richesses importantes tout comme Wallis-et-Futuna dans la
dépendance économique est totale. Ils peuvent demander l’adaptation d’une législation applicable
aux conditions locales.
Enfin, seule véritable dérogation importante à l’uniformité concerne le statut de Paris : il
s’agit d’une ville marquée par son histoire particulière (notamment Etienne MARCEL, la
Commune, la Révolution), elle est source de méfiance pour le pouvoir central. Au début du 20ème
siècle, il y a eu une restructuration des relations urbaines : les populations potentiellement
dangereuses furent reléguées dans les banlieues, c’est-à-dire dans Paris extra-muros. C’est pour cette
raison que Paris est une ville que l’on qualifie plutôt de droite, à l’exception faite des « bobos ».
Jusqu’en 1975, Paris a été une commune sans maire et un département sans Conseil général. Elle
est donc à la fois commune et département, en fonction des domaines.
Le département, le conseil général n’a pas d’assemblée. Le pouvoir exécutif est répartit entre
le préfet de Paris et le préfet de police. En 1975, sous VGE, par la loi du 31 décembre, on ramène
Paris vers le droit commun en instituant le maire de Paris. Il s’agit d’un élément principal qui
représente la commune, il dispose d’un budget considérable, gère 40 000 fonctionnaires. Les deux
préfets demeurent. Paris conserve sa double nature de département et de commune. Paris réunit donc
un maire, un préfet de département et un préfet de police.
La France est découpée en 36 000 communes, c’est-à-dire autant que les 11 autres Etats de
l’Union Européenne. Mais une très large majorité est faite de toutes petites unités territoriales. La
France compte 32 000 communes de moins de 2 000 habitants et 60 % des communes ont moins
de 500 habitants ou encore 80 % ont moins de 1 000 habitants.
A cela s’ajoute la centaine de départements, les 22 régions etc.… Il y a quatre niveaux
d’administrations territoriales, un morcellement administratif avec les communes, les
intercommunalités, les départements et les régions. Il y a un émiettement unique au monde avec aussi
une très grande dispersion des communes. Cette caractéristique ne fait que s’accentuer avec le temps,
ceci pour trois raisons.
Le phénomène de regroupement dans les agglomérations se poursuit, et les migrations internes
contribuent à désertifier certaines communes et à augmenter l’importance démographique des aires
urbaines. Il y a cependant des retours vers le milieu rural, ou plutôt vers le rurbain, mais il faudra voir
l’évolution. En dynamique, la dispersion communale s’accroît avec ce dépeuplement. Le phénomène
est bien connu : les petites communes perdent de leurs habitants contrairement aux grandes villes
qui attirent. C’est ici le facteur travail qui joue. Le phénomène est d’autant plus frappant qu’on a
toujours échoué à résoudre ce problème de l’émiettement communal.
La moyenne de population par communes est 5 fois plus faible que la moyenne européenne.
La France a autant de commune que le total des autres pays de l’Union Européenne, et ce, même avec
les nouveaux entrants. Cette permanence dans le temps s’explique par les réformes de regroupement
partout ailleurs qu’en France. Pour cette raison, nous sommes toujours en tête du peloton du nombre
de ville.
Le troisième facteur qui souligne cette dispersion communale, c’est précisément que la France
a échoué à réformer cela, à fusionner. Devant cette dispersion communale, véritable handicap pour la
gestion des territoires devant la faiblesse des ressources. Certaines communes peuvent même
n’avoir aucun habitant. Pour autant celles-ci ne disparaissent pas.
Le principe des fusions est posé par une loi de 1890, qui ne prévoyait la fusion que sur la
base du volontariat. On peut seulement remarquer l’absorption de certaines communes par d’autre en
fonction de circonstances particulières et exceptionnelles.
Les tentatives de fusion ont donc été reprises de façon plus systématique, plus pensée,
plus réfléchie. Une loi a été votée en juillet 1971, aboutissement de plusieurs tentatives, qui a
préconisé la fusion des communes mais en essayant de surmonter les réticences que l’on pouvait
attendre de la part des élus municipaux. On a d’abord pris des mesures procédurales en demandant
aux préfets de faire procéder à des études indépendantes sur les modifications de la carte communales
que l’on pouvait envisager dans le département. Muni de cette expertise, le préfet disposait de
plusieurs possibilités qui montrent le caractère incitatif du processus. En cas d’accord des
conseils municipaux, le préfet procède à une fusion par arrêté. En cas de refus, la loi donne la
possibilité de faire appel de cette position devant le Conseil Général en misant sur la distance que les
membres du Conseil Général ont par rapport aux conseillers municipaux. En cas d’accord pour la
fusion, le préfet pouvait décider la fusion par arrêté. Mais, au vu des collusions et solidarités entre
les personnels politiques, on a rajouté à ce dispositif la possibilité pour le préfet d’organiser des
référendums intercommunaux. Pour faciliter cela, les communes pouvaient disposer d’un statut de
commune associée, ou encore du maintien d’une annexe de la mairie, et enfin des subventions
alléchantes…
Au final, et surtout par le gouvernement avait annoncé aux préfets qu’ils seraient noté
sur le nombre de fusions…Ceci fut quand même un échec : un millier de fusion (pour 36000
communes) sur les trois années qui ont suivi. De plus, pas mal de divorces ont eu lieu, et surtout,
les fusions n’ont concernés qu’un tout petit nombre de toutes petites communes en milieu
rural…Depuis, cet objectif a été abandonné avec cet énorme paradoxe qui veut que dans le pays
supposé le plus centralisé de France, à une époque où il y avait une majorité politique stable et ayant
les moyens de gouverner, on n’est pas arrivé à faire ce que tous nos voisins ont fait !
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Le centralisme français est très fortement marqué par des mécanismes institutionnels que l’on
ne retrouve pas ailleurs, avec le fameux dédoublement fonctionnel des préfets qui en faisant des
représentants de l’Etat, des fonctionnaires, et aussi l’exécutif local, qui assurait la gestion du
patrimoine du département.
On avait une tutelle a priori extrêmement puissante exercée sur le corps électoral puisque
pour les principaux actes juridiques émis par les collectivités locales, il fallait recueillir
l’approbation préalable du préfet. Les collectivités locales ne sont en fait pas considérées comme
politiquement majeures ! Le budget ne pouvait pas être utilisé en dehors du contrôle exercé par les
représentants de l’Etat, supposés avoir la compétence et être neutres ! Le maire était corseté par
l’administration d’Etat, qui le mettait sous sa dépendance. Pour faire une salle des fêtes dans sa
commune, un maire doit en général faire voter une délibération par son conseil municipal. Il
devait ensuite obtenir une subvention instruite par les services de l’Etat compétent. Dans la
pratique, les communautés locales étaient en plus ligotées par le fait que ce soit ces services qui
réalisent le projet ! C’est bel et bien quelque chose de caractéristique du système français.
Mais cette dépendance est ambiguë car le génie de notre système politique a été d’inventer un
système d’apprivoisement de ce centralisme exacerbé qui a fini par inverser le rapport réel des
forces, ou du moins à l’infléchir. Ce mécanisme, qui nous est très spécifique, est celui du cumul
des mandats, et en particulier la possession simultanée par un même élu d’un mandat local et
d’un mandat national, mécanisme qui autorise la présence d’une même personne à deux, voire
davantage avant 1985 et surtout 2000, postes électifs. Cela permettait de relier toutes les échelles du
système de décision autour de personnes incontournables car présentes à tous les niveaux du
mécanisme de décision. Ce mécanisme est d’ailleurs à l’origine de la longévité de nos élus, car un
cumulant a une notoriété, un capital politique qui lui assure une réélection beaucoup plus facile.
Statistiquement, un cumulant a deux fois plus de chance d’être élu. Ces notables, présents tant au
pouvoir central qu’au pouvoir local, accroissent leur influence par la constitution de réseaux, une
certaine réputation d’invincibilité politique et de ce fait, pouvait affirmer une certaine prééminence sur
des représentants non élus du pouvoir central, comme les préfets, qui eux sont par définition beaucoup
moins ancrés dans les territoires. Ils ont à faire avec les leaders politiques les plus influant de leur
territoire.
La France a inventé de manière empirique un véritable système de pouvoir fait pour rendre
acceptable son excès de centralisme. Pierre GREMION parle de « pouvoir périphérique ». Le
pouvoir est essentiellement périphérique, il appartient pour l’essentiel à cette catégorie de
représentant politique qui fait l’interface obligée entre la périphérie et le centre ; ces
intermédiaires indispensables renforcent des positions qui corrigent très sensiblement les excès
du centralisme : Jean-Pierre WORMS avait dès 1966 très bien cerné cela.
Il y a une véritable connivence entre les uns et les autres qui pouvait s’établir dans une
solidarité implicite contre Paris, contre le pouvoir central, et pour asseoir sa légitimité. Le préfet était
alors une pièce maîtresse pour les notables locaux, mais pour le préfet, les notables étaient nécessaires
pour être accepté.
On trouve ici l’explication de l’échec des fusions, car les préfets n’ont pas utilisé les
pouvoirs que la loi leur donnait. Pour quelques uns d’entre eux, ils ont saisis les conseils
municipaux…ont essuyé un refus et ont laissé tomber. En fait, entre deux maux, ils ont choisi le
moindre : où bien ils mécontentaient le ministre de l’Intérieur, ou bien se mettre à dos les notables
locaux… Ils ont préféré la première solution, et le temps leur a donné raison !
Bien sur, le modèle républicain s’est différencié, complexifié, avec les modifications et
réformes successives.
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B. La différenciation du modèle.
Ce modèle initial, fondé sur la commune et le département, ne pouvait pas rester totalement
immuable dans la mesure où un certain nombre d’équilibre de l’économie ou de la société française
allait être modifié et pour certain assez profondément. Sur l’espace de 20 ou 30 ans, la répartition
de la population va complètement changer en même temps que les réorganisations de l’économie
vont bouleverser beaucoup de territoire. En 1940, la moitié de la population française est rurale,
mais en 196, il n’en reste que 20%. De telles mutations ne peuvent pas être totalement prises en
compte par le système politico administratif. Dans les années 1970, le volontarisme rationalisateur
de l’Etat va vouloir compléter le modèle républicain classique. L’idée générale est de remédier à
l’éparpillement des moyens et des compétences et de maîtriser les phénomènes spontanés, dictés
par l’économie, de croissance des grandes agglomérations. Cela va principalement se traduire par
deux correctifs : l’intercommunalité, et la régionalisation fonctionnelle.
1) L’intercommunalité.
Elle va très rapidement apparaître comme une nécessité, puisque l’on est marqué par cet
émiettement communal : il faut bien faire avec la dispersion, donc on va l’aménager. Ce sera à la
fois pour essayer de mettre ensemble des petites communes qui, isolées, ne peuvent rien envisager de
cohérent, et aussi pour aménager l’action publique dans les grandes agglomérations de manière
pertinente et non plus fractionné (c’est l’exemple de la problématique des transports en commun
urbain)
En 1958, seuls les SIVU (Syndicat Intercommunaux à Vocation Unique) existait, pour les
inductions d’eau ou l’électricité par exemple. Mais cette intercommunalité avait deux
caractéristiques très restrictives, puisqu’il n’y avait qu’un seul objet, et aussi parce qu’il se basait sur le
volontariat, et l’égalité de tous les participants. Ce dispositif est toujours existant, il reposait sur des
contributions purement volontaire de la part des communes, ce qui rendait les discussions délicates…
Dès les débuts de la Vème République, on a lancé une politique incitative en matière
d’intercommunalité pour pousser à la coopération et au regroupement intercommunal, même si
cela s’est longtemps caractérisé par les insuffisances et le peu de succès de ces formules
d’intercommunalités, jusqu’à la loi CHEVENEMENT de 1999, processus imparfait mais viable.
Il y a une permanence dans la sophistication des projets proposés par le pouvoir central pour mettre en
place l’intercommunalité.
Le 1er janvier 1959, les SIVOM et les Districts urbains sont crées. Ce serait une sorte de
constante, et il y a donc au fond deux outils nouveaux dont l’un est plutôt rural, et l’autre plutôt
urbain. Cela introduit pour la première fois un principe de majorité dans la mise en place de
l’intercommunalité, même si cette majorité reste qualifiée et repose sur une formule curieuse.
Un SIVOM ou un District se met en place soit lorsque la moitié des communes représentant les
deux tiers de la population, soit lorsque les deux tiers des communes représentant la moitié de la
population sont d’accord…Sur la base d’un périmètre arrêté par le préfet. Lorsqu’une majorité
qualifié est acquise, un processus d’intercommunalité peut être imposé aux réticent sur un territoire
donné.
Contrairement aux SIVU, ces SIVOM et ces Districts couvrent un champ de compétence plus
ouvert, qui n’est pas précisément abordé (sauf la lutte contre l’incendie pour les Districts) Cette
coopération destinée principalement aux petites communes ne va pas abolir la dispersion communale.
On prend conscience de l’urgence qu’il y a à essayer d’améliorer les conditions de gestion des très
grandes agglomérations, notamment dans les métropoles d’équilibre qui grandissent à vue d’œil et
sont mal gérés à cause du morcellement des villes avoisinantes.
En 1966, les Communautés Urbaines sont crées pour les grandes agglomérations, de plus
de 50 000 habitants. La loi sur la création des CU du 31 décembre 1966 est très significative du
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Il a fallu attendre 1999 et la loi CHEVENEMENT pour que l’on trouve effectivement un
dispositif qui semble se stabiliser à peu près bien avec l’introduction d’une nouvelle catégorie,
celle des CA. Cette loi a, entre autre, supprimé les formules qui ne marchaient pas, c’est-à-dire
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les CV et les Districts. Elle conserve les CC et créé les CA, tout en refondant la formule des CU,
à partir de 500 000 habitants agglomérés. Cette loi tire les enseignements du passé en corrigeant les
dispositifs qui n’avaient pas eu de succès. La mutualisation de la taxe professionnelle est conservée, et
les CA ont reçu un accueil plutôt favorable. Aujourd’hui l’intercommunalité connaît une véritable
extension quantitative puisque la population regroupée dans un établissement public
intercommunal à fiscalité propre est de l’ordre de 40 millions d’habitants, soit une proportion très
forte, et cette ouverture très large par l’intercommunalité provient indiscutablement du succès des
CA qui sont aujourd’hui plus de 160 sur le territoire pour plus de 20 millions d’habitants ; les
CC concernent 1600 communes pour 13 millions d’habitants et les CU concernent 14 zones
urbaines pour 6 millions d’habitants. Ces instances ne sont pas fondées sur des contributions de
chaque participants mais d’une fiscalité propre votée : ce sont des établissements publics à fiscalité
propre.
Cependant, si la formule marche, comme le montre le niveau quantitatif, il reste des zones
réticentes à l’intercommunalité, comme l’Ile-de-France. En fait, l’agglomération parisienne n’a
pas été véritablement réformée, devant la spécificité de la centralité parisienne. La Bretagne est
totalement couverte par l’intercommunalité, alors que le Sud-ouest ne l’est que moyennement. Les
causes de ces divergences sont historiques, sociales. De plus, il faut s’intéresser à l’intensité, à la
réalité de la coopération intercommunale et là, les situations sont différentes pour des raisons qui
tiennent moins au texte qu’au contexte économique et social. Il y a dans la variété beaucoup de
variétés. En tout état de cause, l’intercommunalité actuelle ne résout qu’une partie du problème posé
puisqu’elle répond aux questions que pose l’action publique, la gestion des politiques territoriales que
lorsqu’elle est une intercommunalité de projet, qui confie au niveau communautaire de vrais politiques
publiques. Dans de nombreux cas, on est d’avantage en présence d’une sorte de fédération où
chacun s’efforce de récupérer beaucoup de son argent. L’intercommunalité est souvent
conflictuelle, avec l’obligation de rentabilité.
A cette intercommunalité classique, il faut ajouter la prise en charge de la question des
agglomérations nouvelles, ou plus exactement de l’extension indéfinie des grandes
agglomérations. Le phénomène des grandes agglomérations. Cette question a été identifiée en
Angleterre plus tôt qu’en France : il faut encadrer une organisation qui se fait spontanément en
tâche d’huile : il fallait casser la logique de banlieues dortoirs. L’idée a été d’établir des contre-
feux, en suscitant la création artificielle, à une distance adaptée de Paris de nouveaux centres urbaines
ayant toutes les fonctions de la ville. Le problème naturellement, c’est que le territoire existant est
quadrillé en communes, et l’implantation des villes nouvelles vient bouleverser les identités
communales et les périmètres de ces communes. Plusieurs modalités ont été offertes aux conseils
municipaux déjà existant pour déterminer la structure de gestion : soit il y a fusion, soit il y a
intégration dans une CA, soit un Syndicat d’Agglomération Nouvelle, ce qui fut la formule la plus
utilisée. Si en terme d’équipement, cela a plutôt bien fonctionné, le niveau d’emploi est
probablement moins une réussite…
2) La régionalisation fonctionnelle.
En 1969, DE GAULLE lance un référendum sur une réforme du Sénat dans l’optique de la
régionalisation. Ce fût l’échec que l’on sait. La régionalisation a été reprise en portée sur l’agenda
politique et créée à travers une loi du 5 juillet 1972 qui crée les établissements publics régionaux.
Cette loi confère donc à la région un statut mineur par rapport aux collectivités territoriales, un
statut d’établissement public qui confine la région dans un rôle spécialisé et qui n’a vocation à
intervenir qu’en matière de développement économique. Elle ne dispose que de crédit
d’investissement ; autrement dit, la région est une sorte d’administration de mission qui ne peut
que financer des opérations d’équipement ou lancer des études sur le développement
économique mais qui ne peut pas payer des fonctionnaires. Ses ressources fiscales sont très
limitées, dans le cadre d’un plafond. Seulement l’établissement public régional, comme tout
établissement public territorial, est d’une nature hybride qui fait que cette loi de 1972 installe
une assemblée politique, le conseil régional qui va voter le budget et qui va délibérer sur les
politiques de l’établissement public. Dans la mesure où une assemblée représentative politique est
mise en place, la région vient à l’existence politique, même si de très nombreux verrous sont en place
pour l’empêcher de déborder son rôle. Le statut de 1972 est un statut très contraint : le préfet de
région a un contrôle très important sur l’assemblée. Le mode de scrutin pour l’élection des
conseillers régionaux n’est pas adapté à la région qui souffre d’un problème de représentativité
(pas d’élection directe : suffrage indirect)
Une des conséquences négatives en est l’élection de président de CR anti-régionalistes (qui
ne sont élus que parce qu’ils sont les chefs de file de leur parti dans la région) Par exemple,
Raymond MARCELLIN va se retrouver à la tête du conseil régional de Bretagne alors qu’il est
anti régionaliste.
Les CESR purement consultatives, sont aussi créés à la place des CODER. Dans le Nord-Pas-
de-Calais et le PACA par contre, des leaders politiques, régionalistes convaincus, vont trouver le
moyen d’approfondir la régionalisation. C’est le cas de Pierre MAUROY et de Gaston
DEFERRE. S’ils n’ont pas le pouvoir exécutif, ils ont l’assisse politique et l’influence pour le
faire. Même s’ils ne peuvent pas embaucher de personnels, ils demandent des « études » ad hoc
de manière à payer des collaborateurs en ce qui concerne MAUROY, et fournissent des
« subventions » en ce qui concerne DEFERRE. Avec ces services, le pouvoir de négociation à
l’égard du préfet est considérablement augmenté. Autrement dit, le préfet de région, titulaire de la
concurrence exécutive, était fortement contesté par le président du Conseil régional…
Cette politique de décentralisation n’est pas complètement initiale, sans antécédent, dans le
sens où elle est conditionnée par ce qui précède, et les caractéristiques qui sont les siennes sont
marquées par un certain nombre d’ambiguïtés.
1) Le cycle DEFERRE.
Quand on met la politique de décentralisation en place en 1982 elle prend une allure de rupture
marquée avec la tradition française de centralisation marquée par une audace du pouvoir central,
marquant son innovation par l’introduction dans le titre du ministre de l’intérieur : ministre de
l’intérieur et de la décentralisation ; de façon symbolique c’est un des dirigeants les + énergiques et
expérimentés de l’action publique qui mène la décentralisation, Gaston DEFERRE (maire de
Marseille, grand leader politique local). Le fait de lui confier cette politique « fanion » est important.
En dépit de son énergie, on voit que son approche est très pragmatique, s’efforçant de mettre
dans le jeu les principaux élus locaux en évitant de les prendre à rebrousse poil et de leur imposer des
réformes qui mettraient trop fortement en cause les équilibres acquis.
On a aussi renoncé à revoir les positions respectives des différents territoires, et par
exemple donner un pouvoir hiérarchique (réglementaire) aux régions. On aurait beaucoup changé
la dynamique de la politique de décentralisation : on a encore renoncé à cette idée, car le principe de
non tutelle d’une entité sur une autre est mise en avant.
Autre exemple de renoncement de choix décisifs : ce qui est fait en matière de fonction
publique territoriale : elle est crée à partir d’une loi de 1984 est une nécessité si on veut que les
collectivités territoriales dotées de compétences nouvelles puissent les mettre ne œuvre. Il y avait
jusque là des agents, mais pas de fonction publique unifiée permettant de faire carrière ne passant
d’une collectivité à une autre : les agents étaient attachés à la collectivité qui les employait. Le système
de fonction publique territorial est voulu aussi proche que possible par les fonctionnaires du système
de fonction publique de l’Etat, porteur de garanties statutaires très importantes.
On n’impose pas pour autant aux élus locaux qui viennent de se voir reconnaître l’autonomie
dans leur les mécanismes les plus contraignants du système de la fonction publique ; d’où compromis
assez complexes qui ménagent l’essentiel qu pouvoir de décision des élus locaux dans le choix de
collaborateurs. On a mis en place à la fois un système donnant des satisfactions aux syndicats mais
dans les recrutements, au lieu de mettre en place des concours qui dessaisissent les décideurs du choix
des collaborateurs, les concours donnent lieu à une liste d’aptitude puis les personnels viennent
piocher ceux qu’ils veulent : exemple : le concours d’attaché. On fait fonctionner un jury qui établit
une liste de reçus ayant valeur pendant 4 ans et donnant droit à être apte à être nommé dans la fonction
publique territoriale, mais on est nommé sans respecter l’ordre du concours, et au bout des 4 ans, on
peut faire un concours même si tous ne sont pas embauchés.
La logique de la réforme aboutit à donner aux élus locaux pour la 1 ère fois un droit de
réquisition sur les comptables : il y a dans le droit financier français, un grand principe de séparation
de l’ordonnateur et du comptable : un principe de bonne gestion de l’argent public. ce principe repose
sur la bonne conscience personnelle du comptable. Donc le contrôle des comptables est sourcilleux,
pointilleux. Jusqu’en 82 les ordonnateurs locaux n’ont pas la faculté de réquisitionner les comptables :
le comptable risque de bloquer la réalisation d’une dépense alors même que la loi a été respectée : le
droit de réquisition permet de dire à l’ordonnateur au comptable qu’il ordonne de faire quelque chose
en dépit de ses réticences. La responsabilité est transférée du comptable vers l’ordonnateur : quand
Deferre met en place en 82 ce droit de réquisition sur les comptables, il renonce à imposer le transfert
de la responsabilité sur les ordonnateurs.
Donc on voit bien que la recherche de l’accord des personnes élues périphériques a été
systématique.
Une des idées directrices de la politique de décentralisation a été d’aller suffisamment vite sur des
points cruciaux stratégiques pour empêcher tout retour en arrière et créer une situation irréversible : en
homme expérimenté, Deferre a su qu’il devait engager rapidement des mesures décisives, car sur
la légitimité de l’élection on peut engager des réformes qui ensuite deviennent impossible avec
l’usure du pouvoir. Il a très rapidement payé par les concessions qu’il a faites : en 81 il y a un
changement de politique mais aussi de personnes. En 81 tout le monde pense que le directeur général
des collectivités locales (gaulliste) va être changé, comme tous les emplois à la discrétion du
gouvernement. Deferre nomme une commission de décentralisation chargée de faire des
préconisations en matière de réformes ; très vite cette commission est dissoute, tandis que le directeur
gaulliste reste en place et conduit l’essentiel du 1er train des réformes : ceci s’est fait par pragmatisme :
ce service avait déjà des mesures prêtes à être mises en œuvre : pour aller vite Deferre choisit de
garder cette équipe.
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Il commence par ce qui est le + facile à réaliser et laisse de côté les questions les plus
difficiles. La loi du 2 mars 82, à laquelle on donne le titre solennel de « droits et libertés des
communes, départements, régions » pose des principes et prend des décisions essentielles, mais
qui ne font pas de problème.
3 décisions :
- abolition des tutelles pesant sur les collectivités territoriales.
- transférer le pouvoir exécutif au président élu des assemblées en dessaisissant le préfet de son
pouvoir fonctionnel.
- ériger la région en collectivité territoriale de même rang que la commune ou le département.
• interdisent tout retour en arrière. Quand on abolit les tutelles, on ne peut pas les
reconstituer : les décisions sont irréversibles ; ces positions permettent d’interdire le
retour en arrière, et en même temps ce sont des décisions qui ne résolvent qu’une toute
petite partie du problème. On a donc progressé dans la difficulté dans le temps.
1983 : on procède à ce qui est plus lourd à réaliser, mais la conséquence des principes de
82 : le transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales : c’est techniquement
lourd mais pas politiquement difficile.
1984 : on met sur agenda la question de la fonction publique territoriale : plus difficile de
résoudre la contradiction entre la demande de garantie en provenance des syndicats et du personnel, et
la demande d’autonomie ne provenance des élus locaux.
A partir de là, l‘ardeur s’essouffle, et des aspects essentiels sont mis de côté :
• La dimension financière : il aurait fallu une réforme fiscale dotant les collectivités territoriales
de ressources propres : or cette réformes est ajournée, a difficulté étant considérable. On ne
traite donc le problème que sous l’angle des dotations compensatoires versées par l’Etat aux
collectivités et on ne dote pas les collectivités d’une autonomie financière. L’Etat a les
ressources les plus productives, et en 1917 a abandonné aux collectivités (au moment de l’impôt
sur le revenu) les 4 vieilles impositions : impôt sur le foncier, la taxe d’habitation, la taxe
professionnelle, la taxe des habitants. Or ces impositions sont peu productives et ne suffisent pas
à donner des ressources suffisantes aux collectivités pour les responsabilités qui leur sont
transférées. En plus il y a une vice caché : quand l’Etat transfère une compétence, il évalue la
charge financière au moment du transfert, mais n’anticipe pas sur ce que deviendra la charge.
Donc le transfert est très souvent insuffisant : exemple : les collectivités locales ont reçu la
responsabilité des transports scolaires : avant la réglementation permettait de prévoir pour les
collégiens la possibilité d’installer 3 enfants sur 2 sièges : lors du transfert on voit que cette
possibilité était imparfaite et donc on réglemente pour installer n élève par siège de travail donc
la charge financière est augmentée.
La décentralisation reste incomplète du fait de la méthode mise en place mais a été la condition
d’aboutissement de principes acquis aujourd’hui.
Dans la lignée du pragmatisme qui la caractérise, la politique de décentralisation n’a pas été
l’occasion de réfléchir sur une base rationnelle à la vocation respective de chaque niveau
d’administration territoriale. Dans les répartitions des compétences il n’y a pas de projet global et
cohérent. D’abord parce que à aucun moment il n’a été question de faire une réforme complète, de tout
remettre à plat. On n’a pas réfléchi à qui devrait faire quoi. On a procédé en disant : que va ton
pouvoir arraché à l’Etat pour les décentraliser ?
En outre, bien qu’attribuant à chaque collectivité une compétence générale, la loi se garde bien de
dire ce que sont les affaires de la commune, du département et de la région. C’est de façon
ponctuelle et sur un mode énumératif que l’on procède. Telle compétence est dévolue à telle
collectivité mais on n’essaye pas de trouver des compétences par nature communale…..
Ces compétences sont transgressées par un partage plus ou moins généralisé plutôt que par
une répartition claire. On le voit clairement en matière éducative : chaque élément de la
centralisation est réparti entre les différents niveaux : les communes se voient confirmées dans leur
compétence en matière de construction d’écoles primaires, le département construit les collèges te la
région construit les lycées, et l’Etat garde la construction des facs. Mais quand on voit ce dispositif, on
voit aussi que la réalité est un concours des compétences, dans la mesure où l’Etat reste responsable du
contenu de l’action éducative, mais qu’aussi l’Etat reste le seul compétent pour affecter les personnels
enseignants et jusqu’à peu les personnels administratifs. Il est clair que la création des établissements
ne peut être faite sans la concertation : un département ne peut pas construire de collège avant d’être
sur que l’Etat le dotera en personnel administratif.
Exemple les ports : maritimes sont de la responsabilité des départements et les ports fluviaux sont
de la compétence des régions ; sur toutes les voies d’eaux il y a un concours de compétence pour
assurer la police maritime.
La décentralisation est par ailleurs limitée dans son objet qui se restreint en pratique au cercle
de l’Etat au sens le + traditionnel du terme. Elle a en effet laissé de côté la plupart des grandes
institutions techniques et financières comme les grands établissements publics ou entreprises
publiques, qui sous l’effet de la pression des syndicats conjuguée à celle de leurs cadres dirigeants,
sont restés essentiellement centralisés. Des acteurs essentiels des politiques publiques sont restés à
l’écart de la décentralisation, ce qui pèse sur la portée de l’opération.
2) L’acte RAFFARIN.
Une des grandes orientations du gouvernement Raffarin. On peut s’interroger sur les raisons
de la relance vigoureuse de la politique de décentralisation, dans la mesure où elle ne répondait pas à
une attente de la population, ni d’urgence financière pour la réaliser.
Elle a sans doute était relancée pour que le 1er ministre puisse relégitimer le politique et pour
relancer ou engager une politique symbolique de réforme de l’Etat.
Les raisons :
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Cette relance de la décentralisation est tout d’abord une manière de relancer la politique
après le séisme électoral de 2002. Le gouvernement a vu dans la relance de la décentralisation une
manière de réaffirmer le rôle du politique.
En même temps il s’agissait pour Raffarin de porter le débat sur son terrain de
prédilection, dans la mesure où il avait besoin de s’affirmer personnellement face à Juppé et
Sarkozy. De + la thématique de la décentralisation permet de faire jouer la rhétorique de la proximité
conçue comme traitement palliatif au discrédit de la politique. Il a été un grand communicateur de la
proximité.
Chacun peut avoir un espoir d’amélioration de l’action publique à travers la décentralisation :
elle est à la fois l’expression d’un volontarisme et d’un consensus durable sur les objectifs
poursuivis (consensuelle). Les oppositions n’ont que des bénéfices à attendre de cette politique de
décentralisation, puisqu’elle se traduit par un dessaisissements du pouvoir central.
Cet acte II doit être caractérisé par rapport à l’acte investissement et de ce point de vue, on
peut penser qu’il s’inscrit dans les pas de l’acte 1, s’en différencie assez peu même si il a voulu s’en
présenter différemment.
• Le choix de la voix constitutionnelle alors que l’acte 1 se fait par la voie législative et
n’implique pas de réforme de constitution. L’acte 2 est assis sur une procédure de
concertation. Ce choix n’était pas techniquement nécessaire ni politiquement incontestable :
en effet on peut décentraliser par la voir législative, et de plus si on modifie la constitution
pour chaque réforme importante, on risque de fragiliser à la fois la constitution et la réforme.
Pourquoi l’a ton fait ? Pour une raison de communication d’abord : il s’agit de mettre e, scène
par la voie constitutionnelle une réforme que l’on veut accréditer. Dans ce contexte de
surproduction normative, une loi ordinaire n’a presque pas de visibilité, surtout si elle est
technique et qu’elle a vocation au consensus. La deuxième raison : la voie constitutionnelle est
le moyen de soustraire la suite des opérations (mise en œuvre) à la censure éventuelle du
conseil constitutionnel et conseil d’Etat qui en France sont centralisateurs. Par la même
occasion on a constitutionnalisé les régions (qui ne l’étaient pas jusque là) comme le sont les
départements et les communes ; mais surtout on inscrit le fait que l’organisation de la
république est décentralisée, ce qui ne fait rien avancer du tout au niveau du dispositif réel. On
constate ce qui existe déjà. La différence c’est que le conseil constitutionnel auront à prendre
en compte cette affirmation quand ils rechercheront le point de balance : au niveau des
collectivités d’outre mer, on reconnaît la possibilité de diversification statutaire et
institutionnelle.
a. La subsidiarité
Apparaît comme une norme implicite de l’action publique aujourd’hui dans l’union
européenne et la décentralisation, dans un esprit qui s’apparente à la proximité. RAFFARIN : « les
responsabilités n’ont pas à descendre, elles montent. » c’est donc un principe de proximité. Mais
cette affirmation ne correspond pas à la réalité de la mise en place du dispositif, mais plutôt un
vœu pieu qu’on trouvait déjà dans la charte de la décentralisation de 92. Les compétences se
situent dans les collectivités et elles montent.
Dans la réalité les choses sont inversées : dans la loi de 2004 on continue à détacher telle ou
telle compétence de l’administration centrale pour les confier à tel ou tel niveau d’administration
territoriale. On peut constater l’ampleur des controverses autour de la décentralisation de la
gestion de certains personnels, dont ceux de l’éducation nationale aux régions qui n’en voulaient
pas en raison de la charge financière considérable.
b. L’expérimentation
Consiste à tester dans une collectivité volontaire le transfert de telle ou telle compétence afin
d’évaluer les conséquences réelles de ce transfert. Exemple : en région Alsace on a testé la possibilité
de gestion directe par les régions des fonds structurels européens. Cette notion n’est pas totalement
nouvelle mais a priori intéressante car elle montre qu’on procède avec pragmatisme, qu’on s’efforce
d’évaluer au plus près mes conséquences d’un dispositif. Elle permettait d’envisager une
décentralisation à géométrie variable : l’innovation a un peu déçu dans la mesure où le droit
français ne permet pas d’introduire des variations de compétences d’une région à l’autre et que
la réforme n’autorisait pas à le faire. Donc au terme de l’expérimentation la réforme est soit
généralisée soit rejetée.
• Ce dispositif introduit pour la 1ère fois dans le droit français un référendum local de valeur
décisionnelle. Il n’existait jusque là que des consultations locales (charte 92), reprises dans la
loi PASQUA de 95, qu’on appelait parfois référendums mais à tort car elles n’avaient qu’une
portée consultative. L’innovation consiste à introduire un référendum à portée décisionnelle,
dont le résultat s’imposera aux élus. Mais la portée est limitée par les conditions de mise en
œuvre des référendums. Déjà il n’est pas assorti d’initiative populaire : seuls les élus pourront
décider de mettre en place un tel référendum. Avant il y avait une possibilité d’initiative
populaire pour les consultations non obligatoires. Donc là les élus prennent toutes les
précautions : ils sont surs du résultat de la consultation avant de faire un référendum.
Des conditions de quorum élevées (50%) sont exigées pour que le référendum soit
obligatoire. Enfin il ne peut être engagé que sur les domaines de compétences de la
collectivité concernée.
• Le droit de pétition consiste pour la population à demander qu’une question soit inscrite à
l’ordre du jour des assemblées représentatives pour être discutée et aboutir à une décision.
C’est un droit démocratique élémentaire qui a historiquement été un des 1ers droits de
l’homme. Il permet à une fraction de l’électorat d’exiger des élus qu’ils se prononcent sur
telle ou telle question. L’innovation est là aussi limitée pour deux raisons. 1) après le
débat au sénat un amendement a changé un mot décisif : d’obtenir a été changé par
demander (l’inscription à l’ordre du jour du sujet qu’ils ont préparé) : on n’a donc pas
changé grand-chose puisque déjà avant on pouvait demander l’inscription à l’ordre du
jour d’une question. 2) la loi d’application n’a pas encore été votée : il faut voir les
conditions de la pétition : il faut une certaine quantité de personnes, et les sénateurs ne se
sont pas mis d’accord, donc le droit de pétition n’existe toujours pas.
Donc on est resté au niveau de l’effet d’annonce. On reste sur le modèle représentatif
teinté à la marge d’une petite dose de principe participatif. En réalité ces éléments ne font que
marginalement progresser la décentralisation sur l’axe choisi. Donc l’acte 2 est plutôt dans la
continuité que dans la rupture avec la réforme DEFERE : logique distributive qui ménage tous
les niveaux avec le renoncement à la hiérarchisation entre les collectivités. On reste aussi en
présence de l’évitement des choix et des conflits qui conduit à entériner l’empilage institutionnel de
notre organisation territoriale. L’acte 2 ne s’est pas emparé du niveau de l’intercommunalité : il est
caractéristique des timidités du processus de réforme qu’on ait fait l’impasse sur ce niveau.
On repousse la question au nom d’un alibi qui consiste à dire qu’il faut attendre que le
territoire soit totalement recouvert par l’intercommunalité avant de changer le statut, comme par
exemple l’élection au SUD des représentants de l’intercommunalité.
On peut dire que le déficit démocratique s’accroît sensiblement du fait des progrès de
l’intercommunalité pour trois raisons :
• On accroît le hiatus entre les territoires de l’action publique (de plus en plus les territoires
intercommunaux) et de la représentation (communaux). C’est très grave car en terme
d’imputabilité de plus en plus de décisions publiques ne sont pas soumises au SUD.
L’élection du président de l’intercommunalité est une 4è élection (deux tours pour le
conseil municipal, un tour pour le maire) qui n’est pas tranchée par l’électeur, qui n’a ni
conscience ni prise sur la communauté urbaine. Parfois le président de l’intercommunalité
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IEP de Bordeaux, 3° année, 2006-2007
est mathématiquement contre le résultat des urnes ; en plus les décisions prises échappent
aussi complètement électeurs, et ne sont pas sanctionnables par l’électeur.
• Elle joue contre la mise en place de la parité en politique : les lois sur la parité ont corrigé
au niveau municipal la parité dans les conseils municipaux (47% de femmes, 10% de
femmes maires seulement). Mais au niveau de l’intercommunalité, il n’y a plus que 23%
de femmes. On voit bien le processus qui consiste pour la plupart des élus à se décaler au
niveau de l’intercommunalité : on voit des maires se dessaisir de leur mandat municipal au
profit d’une femme mais devenir président d’intercommunalité (MAUROY à Lille et
FRECHE à Montpellier).
• Les éléments de démocratie participative sont plus difficiles à mettre en place au niveau
intercommunal que communal. Ils sont déjà timides au niveau municipal.
Ces effets sont très difficiles à évaluer ; il faudrait faire de la « retroviction ». On peut
souligner trois dimensions principales : la régénération des notables ; la diffusion du modèle
managérial et enfin la persistance d’un certain déficit démocratique.
mandats, spécificités française s’il en est une. Cela permet dans notre système de contrebalancer la
centralisation excessive de notre système politique. C’est un mode d’ajustement de notre système
politique à notre système administratif. De plus, le cumul des mandats est l’un des éléments
permettant de vivre de la politique, de professionnaliser l’activité politique. Le cumul des
mandats permet premièrement de cumuler les indemnités de fonctions, mais surtout, cumuler
des avantages en nature, qui sont beaucoup plus importants. Mais surtout, le cumul des mandats
a le grand avantage d’offrir à ceux qui en dispose une sorte de prime à la réélection car il accroît
la notoriété politique des élus de manière sensible, c’est-à-dire leur capital politique. Le cumul est
une modalité pratique permettant la professionnalisation politique, ce qui explique que tout parti tolère
le cumul des mandats…tout en le condamnant.
La logique de la décentralisation aurait sans doute voulu que le cumul des mandats soit
drastiquement encadré, d’autant qu’il est très mal perçu par l’opinion publique. En fait, on croit
que c’est un goût immodéré du pouvoir qui pousse au cumul, alors que c’est plutôt une
fonctionnalité au cumul des mandats : il est plus facile d’être réélu quand on cumule ! Une loi de
1985 a limité en principe à deux les mandats cumulables en mettant de côté un certain nombre
de fonctions ou de mandats (comme être maire d’une ville de moins de 20 000 habitants ou les
fonctions exécutives intercommunales) En 2000, on a abaissé le seuil des mandats qui n’étaient
pas pris en compte et on a posé des restrictions supplémentaires, mais toujours sans toucher la
possibilité de cumuler un mandat local et un mandat national, ou la possibilité de concourir à
une élection puis de se délester ! Ainsi, la décentralisation ne règle pas le problème de cumul des
mandats…et tend même à l’aggraver par la mise en place de lieutenants, de prête-noms. Au final, 80
% des sénateurs et même 90 % des députés ont un autre mandat : le cumul des mandats n’a
jamais été aussi fort.
Il y a un véritable pari à faire sur la capacité des élus à gérer de façon efficace les intérêts de
leur localité.
Si on leur confère des compétences et des moyens supplémentaires, on parie sur leur
responsabilité au sens gestionnaire. L’administration territoriale a en effet perçu les dividendes
du modèle managérial qui s’est diffusé avec la décentralisation qui est le résultat d’un processus
d’apprentissage des élus locaux.
Controverses :
Tout un courant jacobin (qui ne se retrouve pas dans un unique courant politique) accusait la
décentralisation d’être porteuse de dérives, de corruption de l’Etat républicain. Les scandales qui ont
suivi devaient accréditer ces craintes et remettre en cause la décentralisation. Dans les années 1990
deux grandes villes se sont retrouvées en situation de cessation de paiement du fait des
escroqueries de leurs maires : Angoulême (BOUCHERON, PS) et Nice (J.MEDECIN, droite).Il
a fallu changer d’équipe municipale et rétablir les finances.
L’abolition de la tutelle ne signifie pas l’abolition de tous contrôle. Il existe le déféré
préfectoral, corollaire du contrôle de légalité (le Préfet peut saisir le tribunal administratif,
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plusieurs milliers d’actes étant transmis annuellement au Préfet). Les déférés électoraux
représentent entre 0,26 pour mille et 0, 59 des actes. 20 à 40 % des procédures sont
interrompues en cours d’instance. Au final seules quelques centaines d’actes sont annulés. La
décentralisation n’a pas été synonyme de corruption.
Certes, tout ne transparaît pas dans les statistiques puisque un certain nombre d’actes illégaux
sont modifiés avant que la procédure soit lancée. Le comportement des élus s’est modifié vers un
souci de bonne gestion évident.
Par exemple, lors de l’attribution d’un permis de construire, c’est le Préfet qui arbitrait
entre la proposition du Maire et celle de la direction de l’équipement, la plupart du temps en
faveur du Maire. Le Maire jouait de cette facilité. Mais aujourd’hui, lorsque le Maire délivre un
permis de construire il ne doit pas faire n’importe quoi (c'est-à-dire porter atteinte à l’intérêt de
l’urbanisme communal), un tiers pouvant attaquer cette décision. Le maire prend le risque refuser un
permis pour l’intérêt de l’urbanisme de la commune.
C’est la solution la plus optimale qui est recherchée. Recherche pragmatique d’une solution
optimale.
Elle est différente des attentes de la politique de décentralisation. Mais en réalité, il n’y a pas
plus de clarté dans les décisions. Il y a deux manifestations de ce phénomène.
restrictives que cette modalité de démocratie directe n’est en réalité qu’un instrument
supplémentaire à la disposition des élus. Cette consultation n’a qu’une valeur consultative, et
n’est réservée qu’aux électeurs et non pas à toute la population locale. De plus elle reste à
l’initiative des élus.
En 95, une loi s’ajoute à celle de 92. Apparaît l’initiative populaire (le droit d’initiative
populaire), et la possibilité de consultation donnée aux établissements publics
intercommunaux est étendue. Mais la consultation locale n’a que valeur d’avis, les élus
conservant la maîtrise de l’opération. En pratique, très peu de consultations ont été faites
(une centaine), de nombreuses consultations n’ont pas intéressé les citoyens (abstention
forte), et celles-ci sont instrumentalisées par les élus pour se faire confirmer
démocratiquement une décision. C’est pour cela qu’on ne peut pas dire que la décentralisation
soit allée dans le sens de la démocratie participative (c’est différent au Brésil, à Porto Alegre, où
l’expérience du budget participant à une partie du budget sert à prendre des décisions qui
viennent de la population en vertu d’une consultation locale. En terme de démocratie
représentative, l’implication du citoyen est paradoxalement venue affaiblir le projet et les
espoirs placés dans la décentralisation. L’expression de cette déception est la forte
abstention constatée lors des consultations locales. Les collectivités territoriales ont donc de
plus en plus de pouvoirs, le maire devient un personnage central de la commune, mais la
participation aux élections locales n’a jamais été aussi faible depuis 1980. Cependant, toutes
les élections locales ne se ressemblent pas, les scrutins et les enjeux sont différents ceci
expliquant les variations du niveau d’abstention. De pus, celle-ci est très différente selon le
type de circonscription. On observe un paradoxe entre abstention et enjeux de l’élection.
Par exemple, la participation aux municipales n’a cessé de diminuer alors que dans le
même temps les enjeux sont de plus en plus importants. En ce qui concerne les cantonales, les
mouvements de l’abstention sont plus erratiques. L’abstention constatée lors des régionales a
augmenté de 20 points en 20 ans. Mais ce phénomène varie en fonction du calendrier électoral
(proximité des législatives…).
Bilan :
Question des effectifs de la fonction publique posée en permanence dans les préoccupations
gouvernementales. Il y a 45 millions de fonctionnaires en France.
Statut général : la fonction publique de l’Etat, des collectivités territoriales et hospitalières qui
représentent environ 24% de la pop active. Ils sont à la fois placés dans les statuts et des rôles c’est-à-
dire un ensemble de comportements et d’attentes de comportements.
Statut = ensemble des comportements qu’une personne peut attendre à l’égard des autres et à
l’égard d’elle-même.
Le rôle est l’inverse. Ces statuts et rôles sont nombreux et renvoient tous à la question de la
spécificité de la fonction publique qui se pose pour 2 raisons.
Le système français de fonction publique est construit sur la notion de « carrière » ; il y a
dans les mondes 2 modèles apparents :
• Modèle de l’emploi
• Modèle de la carrière
En réalité : les organisations syndicales et pouvoirs publics négocient. Des problèmes se posent
aujourd’hui de façon récurrente : problème de la productivité, de l’efficacité de la fonction publique.
Que faut-il faire du statut général des fonctionnaires ?
A. Caractéristiques qui précisent le statut général des fonctionnaires : des offices au statut.
Sous l’Ancien Régime, la fonction pub est exercée par le biais de catégories de personnels,
conditions :
• Les Officier publics, ce sont les plus anciens serviteurs de l’Etat, ils sont titulaires d’un office
c’est-à-dire un fonctionnaire public pourvu par le roi (les nomme) rémunéré par gages modestes
du roi et complétés par redevances pour services rendus. Ils deviennent progressivement titulaires
de leur charge. Sous Louis XI, inamovibilité acquise. Le pouvoir royal va introduire la vénalité
des ressources. Très vite, on en viendra à l’hérédité des offices que le pouvoir royal se borne à
assortir de versements d’une taxe. Moyen d’avoir des ressources financières : la polette (taxe). Les
officiers publics sont des privilégiés, c’est contre ça que les révisions de 1789 se feront :
attribution au mérite plutôt qu’à l’hérédité. Le Système des officiers échappe à l’influence du roi,
il les double par des commissaires. Ils sont investis par le roi par une lettre de commission qui
suppose que le roi les choisisse librement. La commission est en principe provisoire, le roi peut les
révoquer librement. La plupart des hautes fonctions publiques seront attribuées à des
commissaires, grands serviteurs de l’Etat soumis au pouvoir hiérarchique du monarque. « Les
grands commis de l’Etat », ces officiers et commissaires constituent l’aristocratie de la fonction
publiques.
• Les Commis de ministère et des Ingénieurs sont une catégorie intermédiaire qui prend de plus
en plus d’importance. Ils sont nommés et révoqués par un chef de service et reçoivent des
traitements. Ils sont inscrit dans une hiérarchie et font carrière.
Au milieu du XVIII° siècle, pension de retraite. Ce système se rapproche de la fonction publique
contemporaine. Avec la révision, affirmation d’une bureaucratie, c’est-à-dire travaillant de
façon abstraite pour l’Etat et non pour une personne.
Sous l’Ancien Régime, bureau sous forme de maison, travail au domicile et domestication du
personnel, avec des avantages pour leurs agents.
Avec la Révolution, des règles générales et impersonnelles sont imposées : les agents ne sont
pas les serviteurs d’un homme mais de la nation. Le Trésor public prend en charge la rémunération
des agents, le clientélisme existe mais progression vers une administration objectivée. On
approche de la bureaucratie au sens wébérien.
Au XIXème siècle, développement des garanties statutaires amendant la conception
napoléonienne (hiérarchisée et autoritaire).
L’empire donne à certains corps un statut : corps des officiers étrangers. Premières avancées
notable avec le statut des militaires sous la monarchie de Juillet (1834).
D’autres éléments viennent s’y ajouter à cette évolution statutaire :
o Exemple : en 1853 le régime général des retraites est très novateur par rapport au
privé.
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Sous le régime de Vichy, premier statut général des fonctionnaires élaboré en codifiant
l’espèce de « statut jurisprudentiel » que le Conseil d’Etat avait élaboré. En même temps que ce
statut donnait certaines garanties, il limitait les droits collectifs des agents (pas de droit syndical ni
droit de grève) et réserve de la fonction publique aux fonctionnaires non juifs sur un idéal raciste.
A la libération, ce statut sera abrogé comme l’ensemble des lois de Vichy. Mais notion de statut
général acquise parce que la principale organisation, la CGT, se rallie au statut pour des raisons
tenant au contexte politique. Un nouveau rapport de confiance existe entre syndicalistes et
gouvernants du fait qu’avec le tripartisme de l’époque entre MRP et SFIO et PC le statut général prend
une signification différente.
Trois idées du statut général :
• Le statut général c’est d’abord l’expression de l’autonomie du droit par rapport au droit du
travail car différences par rapport au conventions collectives et au droit du travail général.
Jusqu’en 46, ne voulaient pas en raison de solidarité avec la classe ouvrière.
• Statut est décrété et pas négocié en opposition avec la technique des contrats.
• Permet d’accepter le statut général, un corps de garanties données aux fonctionnaires à l’égard
de la puissance publique susceptible de mettre fin à l’arbitraire, contre l’autorité hiérarchique.
Le statut devient une référence incontournable à laquelle on ne peut plus toucher.
B. Edifice statutaire.
C’est une idée quelque peu bizarre que de vouloir donner un statut identique à un
ensemble aussi vaste et différencié que celui de la fonction publique.
Ce statut concerne un nombre mal défini et considérable de corps qui recouvrent une grande
diversité de métiers (médecins, ingénieurs, infirmières) : il existe entre 1 000 et 1 600 corps
différents. Certains sont en voie d’extinction, d’autres en pleine expansion. Cette uniformisation
des statuts est d’autant plus criante depuis la création du ministère de la fonction publique en 1981
confié au ministre communiste Anicet LE PORS: de 1983 à 1986 se construit un statut général. En
1982 on énonce les trois fonctions publiques :
• Etat
• fonction publique territoriale,
• fonction publique hospitalière.
• Celle du 13 juillet 1983 (titre 1 du statut) qui comporte des dispositions communes pour les trois
fonctions publiques (1 loi pour chacune).
• Celle du 11 janvier 1984 qui touche à la fonction publique d’Etat (titre 2).
• Celle du 26 janvier 1984 sur la fonction publique territoriale (titre 3).
• Enfin, celle du 9 janvier 1986 (titre 4) sur le statut de la fonction publique hospitalière.
• Les magistrats par exemple, les personnels des Assemblées parlementaires n’y sont pas assujettis.
Ils ont leurs propres statuts.
Aussi, même pour les corps qui sont assujettis à ce statut général, il existe des modalités
d’application différentes, qui tiennent aux nécessités d’adaptation relatives à telle ou telle
profession. Le statut général est alors complété par des règles particulières.
On retient deux cas de figures :
• Lorsqu’il s’agit d’un corps ordinaire de la fonction publique, on ne fait qu’ajouter certaines
précisions.
• En revanche lorsqu’il s’agit d’un corps particulier, on établit une dérogation. Ainsi, les
fonctionnaires ont le droit de grève. Mais certains corps en sont privés en compensation
d’avantages matériels (exemple : la Police).
Le statut procède à une opération générale de classification des agents. On distingue ainsi
4 catégories de fonctionnaires. Un certain nombre de corps est aussi organisé en grades et échelons.
Cette classification se fonde essentiellement sur le niveau de recrutement.
• Les agents de catégorie A ont du présenté un diplôme de l’enseignement supérieur pour passer
le concours.
• Pour la catégorie B, c’est le Bac qui est exigé.
• Pour la catégorie C c’est le brevet.
A cette classification correspond une grille de traitement, pour situer les corps les uns par
rapport aux autres. Le statut comporte aussi des organisations de carrières : un principe essentiel est
celui de la séparation du grade et de l’emploi, le grade étant un titre qui confère à son bénéficiaire la
vocation à occuper un emploi qui lui est réservé. Le grade appartient donc au fonctionnaire tandis
que l’emploi appartient à l’administration. Un grade peut ainsi être conservé même si l’emploi est
supprimé. Cela implique qu’un fonctionnaire doive nécessairement être reclassé. Il n’y pas non
plus de relation entre le grade et l’emploi occupé.
C’est cette distinction qui va fonder la fonction publique territoriale. Jusqu’en 1984, si
l’emploi était supprimé, il y avait licenciement. La fonction publique territoriale était donc peu
attractive comparée à celle de l’Etat. Avec l’obligation de reclassement, on tend à l’égalisation des
statuts.
L’objectif de professionnalisation s’est aussi perçu à travers la généralisation du concours
comme mode de recrutement, c'est-à-dire par la sélection des plus aptes. C’est l’efficacité de la
fonction publique qui est recherchée à travers cet objectif, en même temps qu’un souci d’équité.
Le concours est la clé de voûte du système méritocratique.
La professionnalisation prévoit des règles en matière d’avancement (ancienneté pour
l’échelon et inscription au tableau d’avancement soumis à l’avis d’une commission administrative
paritaire).
Exemple : les maîtres de conférence ; on distingue 3 grades différents (première, deuxième ou
troisième classe). La titularisation n’intervient qu’après un ou deux ans de test.
La notation des fonctionnaires incombe aux chefs de services : il y a une note chiffrée et une
appréciation littéraire qui servent à la l’examen des promotions des agents.
Il existe des dispositions relatives aux règles disciplinaires pour les fonctionnaires qui
manquent à leurs obligations.
Cet objectif de professionnalisation fait face à certains problèmes. Par exemple, le principe
du recrutement par concours qui assure l’égalité entre les candidats se fait au prix d’une
validation de la culture scolaire et académique qui n’est pas toujours un test véritable pour
certaines aptitudes (travail en équipe, conscience professionnelle).
Concernant la procédure de notation, la pression syndicale donne une prime excessive à
l’ancienneté et ne permet pas d’évaluation fiable du travail fourni et des compétences individuelles
(progression d’un demi point chaque année). De plus, le fonctionnaire peut faire appel de sa note. Les
licenciements sont quasiment inexistants.
Interdiction de faire figurer dans son statut la mention de ses obligations politiques. Cette
liberté a été consacrée par le CE dans un arrêt BOREL du 28 mai 1958 qui réaffirme l’égalité
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d’accès à la fonction publique. Cet arrêt annule la décision du ministère de la fonction publique de
refuser à un candidat de passer le concours de l’ENM au motif qu’il était communiste. C’est une
présomption de discrimination puisque le ministère n’avait pas dévoilé le motif. Mais à la tribune de
l’Assemblée Nationale, le secrétaire d’Etat avait affirmé qu’il n’y avait pas de place pour les
communistes au sein de l’Etat.
Liberté de professer l’ opinion que l’on veut dans son fort interne.
• La liberté d’expression.
Exprimer ses opinions à la portée du public. Cela doit se concilier avec les obligations du
fonctionnaire en matière de prosélytisme qui rompt le principe de laïcité de la fonction publique
plus une obligation/devoir de réserve qui n’est pas définie par un texte, qui est donc à géométrie
variable, en fonction de la nature du service dans lequel exerce le fonctionnaire (le devoir de réserve
est plus important lorsqu’on est militaire ou policier que lorsqu’on est enseignant), et en fonction de la
place qu’occupe le fonctionnaire dans la hiérarchie (un haut fonctionnaire incarne l’Etat). Selon les
paramètres donc, la liberté d’expression peut être tempérée (à l’étranger le devoir de réserve est
accru).
Exemple : en 1961, un candidat à l’ENA s’est vu refusé l’autorisation à concourir. On est en
pleine guerre d’Algérie et le candidat s’était exprimé en Tunisie contre la position gouvernementale. Il
n’a pu se présenter que l’année d’après et a été reçu.
Dans les faits, la violation du devoir de réserve n’est que peu l’objet de sanctions
disciplinaires. Il y a eu cassure générationnelle dans certains corps, des oppositions entre anciennes
(conservateurs) et nouvelles générations.
La discrétion professionnelle concerne un dossier ou un fait appartenant au service. Un
fonctionnaire ne doit en aucun cas faire connaître un fait appartenant au service, auquel cas il
serait passible d’une sanction disciplinaire.
• Les droits relatifs à la citoyenneté du fonctionnaire sont la liberté syndicale et le droit de grève.
C’est le statut général établit en 1946 qui apporte nombre d’avancées en ce domaine. Ces
droits existent pour les salariés du privé depuis une loi de 1884, mais cette loi ne s’appliquait pas à
la fonction publique : la plupart des juristes considéraient qu’il y avait antinomie entre syndicalisme et
fonction publique. Le doyen Haurioux se refuse à imaginer une lutte des classes à propos de la
fonction publique par exemple. La jurisprudence des années 1920 va augurer de la réforme de
1946. A cette époque les fonctionnaires s’organisaient sur le tas, se réunissaient en Assemblées et
adoptent ainsi un comportement proche de celui des syndicats. Au milieu des années 1920
commencent à être tolérés des syndicalismes de fait. Mais il faut attendre 1946 pour que le droit
syndical soit reconnu à la fonction publique.
Cette évolution va entraîner la reconnaissance du droit de grève. Jusqu’en 1946, faire grève
constituait une faute grave pour un fonctionnaire, passible de sanctions lourdes (c’est un crime contre
la patrie en décembre 1945). C’est pour cette raison que le droit de grève ne figure pas en tant que tel
dans le statut de 1946. On n’en parle pas, seul le préambule de la Constitution rappelant, dans une
formule générale, que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglemente ». Mais
comme le Préambule a valeur constitutionnelle, cela sous entend que les fonctionnaires peuvent
aussi en bénéficier, puisque la loi de 1946 reste muette. Les dispositions législatives qui iront en ce
sens ne seront pas prises avant 1963 et une loi générale qui réglemente l’exercice du droit de grève
dans la fonction publique (qui prévoit un préavis de cinq jours pour faire grève).
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Cette loi fait suite à une jurisprudence décisive du CE : arrêt Dehaene du 7 juillet 1950 qui
énonce deux points essentiels
o D’abord la disposition du Préambule s’applique à la fonction publique : le droit de
grève devient donc licite.
o Puis, puisque les lois annoncées par le Préambule ne sont pas intervenues, il appartient
au gouvernement, par son pouvoir réglementaire, de fixer lui-même, sous le contrôle du
juge, la nature et l’étendue des limitations devant être apportées à ce droit, en vue
d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public.
Le CE précisera que la grève ne peut être déclenchée pour des motifs politiques
mais professionnels. Le gouvernement peut limiter l’exercice de ce droit en obligeant
certaines personnes à rester à leur poste. L’Etat peut tirer les conséquences financières
de la grève (retenue sur traitement notamment).
L’obligation de préavis instaurée en 1963 consiste à : informer le gouvernement (afin
qu’il prenne des mesures pour limiter les impacts négatifs liés à la grève), et laisser place à
la négociation pour empêcher la grève. En 1968, les syndicats se sont abstenus de tout
préavis.
Le droit de grève est devenu une arme de négociation, une démonstration de force
avant les négociations.
Se pose de façon récurrente le problème du service minimum, et la question des
conséquences pécuniaires de la grève.
• Puis un comité technique paritaire (CTP) avec des représentants du personnel désignés par les
organisations syndicales les plus représentatives. Les CTP sont compétents pour les problèmes
liés à l’organisation des services.
• Reste le Conseil supérieur de la fonction publique, doté d’une compétence d’ordre générale.
Il joue le rôle d’une instance d’appel à l’égard des CAP et CTP. Dans tous les cas ces
instances paritaires n’ont qu’un pouvoir d’avis à l’autorité compétente pour la prise de
décision. La présence et l’importance des syndicats dans ces instance a fait de la gestion de
l‘administration une co-gestion, garante des droits des fonctionnaires : la fonction publique n’est
plus assujettie à l’administration publique. Attachement des syndicats et des fonctionnaires à se
statut.
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C’est une question récurrente, qu’il s’agisse de diminuer les effectifs, ou de la mauvaise
qualité du service publique, ou qu’il s’agisse d’évoquer une réduction des coûts.
C’est un débat noyé sous des discours contradictoires, des chiffres mal exploités…
La question est complexe : on sait déjà qu’il existe trois fonctions publiques. Est-ce que
l’on tient compte des effectifs militaires ou pas ? Des agents non titulaires ? Des auxiliaires ? Des
agents mis à dispositions d’entreprises publiques comme La Poste, EDF ?…
Entre 3 et 6 millions d’agents selon que l’on prend la définition stricte ou large du statut.
La difficulté à décompter le nombre de fonctionnaire tient essentiellement à la distinction entre
effectifs réels et effectifs budgétaires. Le nombre d’emplois budgétaires ne reflète pas la réalité. En
effet, certains de ces postes peuvent ne pas être remplis. Il arrive aussi que sur un même emploi
budgétaire correspondent plusieurs emplois réels, plusieurs personnes publiques. Par exemple, il
est fréquent que les jeunes doctorants recrutés en ATER ne représentent qu’un demi poste.
2) On ne peut pas comparer la fonction publique française avec celles des autres pays.
Une autre raison qui explique la difficulté de la question des effectifs de la fonction publique
tient à ce que le problème soit souvent abordé de façon comparative. Une comparaison des
effectifs français par rapport à d’autres pays est difficile : il y aurait en France plus de
fonctionnaires à budget équivalent. Or, on ne parle pas des mêmes catégories.
Cependant, on peut donner trois constatations indiscutables :
• La France fait partie des pays qui comptent, proportionnellement, le plus de fonctionnaires.
Elle rejoint la Suède, le Danemark et la Belgique dans le peloton de tête, en opposition avec des
pays comme le RU, l’Italie, la Belgique, l’Irlande, l’Espagne et le Portugal.
• Parmi le peloton de tête, la France n’est pas championne dans ce domaine : pour 100 000
habitants, la France compte 8 fonctionnaires, tandis que le Danemark compte environ 17
fonctionnaires (7 pour la Belgique)
La GB compte environ 5 fonctionnaires pour 100 000 habitants, 6 pour le Portugal, l’Irlande
et l’Italie. La France est donc plus proches de ces pays.
En terme d’évolution, la France, comme l’Allemagne et l’Italie, se situe dans une position
médiane, c'est-à-dire entre les pays qui ont connu une forte croissance des effectifs ces dix dernières
années (Belgique et Espagne) et les pays qui ont vu leurs effectifs stagner (Pays Bas).
Une comparaison ne peut être effectuée qu’en termes globaux or on ne peut pas mener de
politique globale à propos de la fonction publique. C’est là tout le problème du redéploiement des
effectifs aux conditions changeantes de l’action publique. Il y a eu ces dernières années une
diminution des effectifs en France (notamment au ministère de la Défense et au ministère des
affaires étrangères). Dans d’autres domaines en revanche on observe une augmentation constante
comme au ministère de l’Education nationale.
C’est pourquoi une appréhension globale n’est pas satisfaisante, pas réaliste.
Sur le long terme on observe cependant une relative stabilité des effectifs de la fonction
publique. Les politiques de réduction des effectifs relèvent plus des effets d’annonces, de discours que
de réalités. S’il est un facteur en revanche qui permette la diminution des effectifs c’est le facteur
démographique (départ à la retraite). Il est en effet plus facile de ne pas renouveler un poste que
d’en supprimer un. Le problème qui va se poser tient au caractère aléatoire des départs en
retraites, qui nécessite des politiques de redéploiement et de renouvellement, même si statistiquement
on pourrait s’en passer.
Il existe aussi dans la fonction publique une volonté très affirmée de promotion sociale par
les deuxièmes concours. Seulement ces deuxièmes concours offre aussi une seconde chance pour
faire carrière dans l’administration. Les diplômés sont donc mis au même rang que les non
diplômés. Ces concours sont ainsi plus favorables aux catégories les plus modestes. Mais ce rôle est
tempéré par ce qu’on appelle le vase communiquant. Il existe ainsi des faux candidats internes,
c'est-à-dire des personnes qui se présentent au titre de l’ancienneté mais qui ont un diplôme qui leur
permettent de se présenter au concours externe. Aussi, la mauvaise santé du marché du travail, a eu
pour conséquence d’accroître le nombre de candidats au concours. La sélectivité des concours s’est
donc accentuée, et certains diplômés ont repoussé leur intégration au niveau souhaité, et ont
cherché à bénéficier des cinq années d’ancienneté pour atteindre ce niveau par le concours interne.
C’est ce qu’on appelle un effet de repoussoir, qui se fait au détriment des non diplômés.
Le reclassement pour insuffisance pro est lui aussi tombé en désuétude en pratique. Il en
va de même pour la notation, qui est un système lourd et complexe et repose sur la production
chaque année par les chefs de service d’une note chiffrée et d’une appréciation littéraire sur la
manière de servir du fonctionnaire. Dans la pratique cette notation qui devrait conditionner le
déroulement de la carrière, a presque perdu toute sa portée. La notation chiffrée est le plus souvent
contrainte de respecter un barème soigneusement établi affectant une fourchette de note minimale et
max pour un grade et une ancienneté donnés.
D’une année sur l’autre la note du fonctionnaire doit être augmentée d’un quart de
point : si on veut l’augmenter plus il faut un rapport spécial justifiant cette mesure dérogatoire.
Si on refuse d’augmenter la note ou si on veut rétrograder c’est encore plus dur. En principe la
notation chiffrée est assortie d’une évaluation littéraire qui introduit les nuances que le chef de
service veut donner sur le fonctionnaire.
1) L’élite administrative.
On ne peut pas définir l’élite administrative par le passage dans une grande école.
Les élites administratives renvoient surtout aux grands corps de l’Etat, même si ceux-ci ne
résument pas à eux seuls toute l’élite administrative.
Celle-ci peut être appréhendée indirectement par une batterie d’indicateurs amenant à mieux
discerner les contours de cette élite :
• Juridiquement, seuls se détachent certains cercles d’agents qui sont dans une position
particulière :
o Soit qu’ils sont titulaires d’un emploi à la discrétion du gouvernement (ex : directeur
d’administration centrale, préfet, recteurs... : au total quelques centaines),
o Soit qu’ils sont nommés d’une manière particulière (ex : par décret du président de la
république). Au total, cela forme une catégorie assez vaste, voire trop vaste pour
pouvoir parler d’élite.
• Par rapport aux rémunérations : l’élite administrative serait alors celle qui reçoit les
rémunérations les plus élevées, c’est à dire celles qui concernent les « échelons lettres » (de A
à G). Mais dès lors, à quel niveau placer la barre ? De plus, on ne tient pas compte des évolutions
de carrière. On pourrait aussi prendre en compte la possibilité pour un agent public de
participer à la prise de décision politique. Le fonctionnaire prépare et exécute les décisions.
GAILLARD Brice Page 88 sur 89
IEP de Bordeaux, 3° année, 2006-2007
• Malgré ces difficultés dans la détermination de l’élite administrative, certaines catégories bien
identifiées de fonctionnaires sont caractérisées par une certaine polyvalence : à un moment
donnée de leur carrière, ils ont de fortes chances d’exercer des fonctions très différentes de
celles pour lesquelles ils avaient été recrutés à l’origine (soit parce qu’ils sont nommés dans
certains emplois à la discrétion du gouvernement, soit parce qu’ils sont investis de fonctions
d’expertise en marge de leur fonction traditionnelles, soit enfin parce qu’ils sont mis en
détachement). Ces individus sont le plus souvent membres des grands corps de l’Etat. On ne
s’intéressera donc qu’à ces grands corps.
C’est une catégorie imprécise mais très utile car on peut sans hésitations citer beaucoup de
ces grands corps :
• Le conseil d’Etat, l’inspection générale des finances, la cour des comptes (dont les membres sont
en général choisis parmi les 1ers classés de l’ENA), le corps d’ingénieur des Mines, des Ponts et
chaussées (dont les membres sont choisis en priorité parmi les meilleurs polytechniciens),
peuvent sans hésiter être qualifiés de grands corps.
• D’autres corps peuvent aussi prétendre à ce label : ingénieurs de l’armement, du génie rural, des
télécommunications, le corps diplomatique, préfectoral...
Si les frontières sont relativement imprécises, il existe des caractéristiques communes à tous
les grands corps :
Ils sont souvent investies de mission d’inspection et de contrôle et leur création correspond
en général à la mise en place de l’Etat moderne (le CE est créé par la loi Pluviôse an 8). Leurs
caractéristiques sont ainsi figées depuis longtemps.
Les membres du CE sont moins de 300, les membres de la cour des comptes sont 360, les
inspecteurs des finances sont 200...
Cette faiblesse de l’effectif cohabite pourtant avec l’importance des missions qui leur sont confiées
(cf. explosion du contentieux, mais l’effectif du CE reste stable). En effet, le caractère élitiste vient
de la difficulté d’accès. Le CE a par exemple refusé que l’on touche à ses effectifs : a préféré
l’institution d’une autre juridiction, la Cour administrative d’appel.
Ces corps sont des réseaux fournissant des ressources au bénéfice de leurs membres, afin
de défendre les avantages acquis au sein et en dehors de l’administration. Beaucoup d’études
montrent ainsi que l’appartenance à un grand corps est un élément primordial pour accéder à certaines
fonctions. Se développent donc des stratégies pour conserver les positions privilégiées, y compris
celles qui sont laissées à la discrétion du gouvernement.
Ces corps jouissent d’une indépendance statutaire (les carrières se jouent à l’ancienneté). Ils
échappent à l’emprise du pouvoir politique. Ils ont leurs propres instances corporatives. Cela permet
de défendre leur position, leurs emplois de débouchés. Très fort sentiment identitaire qui joue le rôle
de transmission des emplois de débouchés. Stratégie consciente ou inconsciente de défense du corps.
Les élites sont l’objet de l’attention des médias quand il n’y a pas d’événement majeur. A la
séduction pour ces élites confidentielles, fascinantes, s’opposent de vives critiques sur l’élitisme,
l’arrogance, pouvoir d’influence…
Mai 68 : serment des élèves de l’ENA de jurer de ne plus adopter la pratique : mieux classer=grands
corps. Ceux qui ont respecté le serment s’en mordent les doigts
.
Des fonctions particulières : il s’agit :
• de fonctions officielles, ordinaires : c’est leur vocation 1ère. Celle d’assurer avec autorité et
indépendance des taches de contrôle ou d’expertise permettant à l’Etat de renforcer sa
légitimité, de rationaliser son fonctionnement et d’étendre son emprise sur les corps sociaux.
Ex : ingénieurs des ponts et chaussées.
• de fonctions informelles, officieuses mais importantes : ils constituent un vivier dans lequel on
vient puiser des élites dirigeantes. Cette fonction de vivier ne s’arrête d’ailleurs pas aux
frontières de l’administration mais s’étend à la société civile via le « pantouflage ». On critique
souvent la faiblesse de la communication entre secteur privé et public, mais en fait cette
communication est donc assurée au sommet par la solidarité corporative.
• des fonctions d’innovations car on confie souvent aux grands corps la prise en charge des
changements nécessaires dans une organisation bureaucratique : ils sont en effet
suffisamment indépendants vis à vis du pouvoir politique pour que leur parole ne soit pas
suspectée de partialité, et en même temps font tout de même partie intégrante de
l’administration publique et en connaissent donc les problèmes.
Cette fonction est pourtant souvent mise en cause par des critiques fondées sur l’excès de
distance que les grands corps entretiennent vis à vis de la société et sur leur apparente
arrogance. C’est pourquoi, on fait aussi appel à la sphère privée pour assurer ce type de
fonction.