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Albert Failler

La tradition manuscrite de l'Histoire de Georges Pachymère


(livres I-VI)
In: Revue des études byzantines, tome 37, 1979. pp. 123-220.

Résumé
REB 37 1979 France p. 123-220
A. Failler, La tradition manuscrite de l'Histoire de Georges Pachymère (livres I-VI). — Composée vers 1300, l'Histoire de Georges
Pachymère est conservée par trois manuscrits indépendants (Monac. gr. 442, Barberin. gr. 198-199, Barberin. gr. 203-204), qui
datent du troisième quart du 14e siècle. L'auteur étudie seulement la tradition manuscrite et l'établissement du texte de la
première partie de cette œuvre, c'est-à-dire des livres I-VI, dans lesquels est relatée l'histoire du règne de Michel VIII Paléologue
(1258-1282). Dans le chapitre I, il expose l'état des trois manuscrits-sources et en établit la date. Dans le chapitre II sont étudiés
les rapports entre ces copies ; c'est le chapitre principal de l'article, car les conclusions finales commandent l'établissement du
texte ; elles se résument en deux points : le Monac. gr. 442 et le Barberin. gr. 198 ont un modèle commun, moins fidèle à
l'archétype que le Barberin. gr. 203 ; le Barberin. gr. 198 est une copie critique, où le modèle est modifié et corrigé. Les chapitres
suivants traitent de problèmes moins essentiels pour l'établissement du texte : la paraphrase de l'Histoire, les 10 copies des
manuscrits-sources, l'édition de l'Histoire.

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Failler Albert. La tradition manuscrite de l'Histoire de Georges Pachymère (livres I-VI). In: Revue des études byzantines, tome
37, 1979. pp. 123-220.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1979_num_37_1_2095
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE
DE GEORGES PACHYMÈRE (LIVRES I-VI)

Albert FAILLER

La tradition manuscrite de l'Histoire de Georges Pachymère fut établie


par V. Laurent il y a exactement 50 ans ; au terme de ses recherches, il
a démontré de manière irréfutable qu'il subsiste seulement trois manuscrits
indépendants de cette œuvre et que toutes les autres copies se rattachent
directement ou indirectement à l'un de ces manuscrits-sources, de même
qu'il a fixé les principales caractéristiques d'une paraphrase de l'Histoire,
qui contient une version plus simple et plus succincte du même texte1.
Néanmoins son exposé peut être aujourd'hui complété et précisé sur de
nombreux points, grâce aux études parues dans l'intervalle et aux apports
que procurent immanquablement l'établissement et l'analyse du texte. Le
travail de V. Laurent se plaçait en effet en amont de l'édition qu'il com
mençait à préparer, et l'auteur aurait pu intituler son exposé, avec une
discrète allusion au philosophe et dans une langue plus recherchée, « Prol
égomènes à toute édition future de l'Histoire de Georges Pachymère ». Le
présent article se situe au contraire en aval de l'édition, qui est désormais
établie dans son ensemble. Il présente les résultats plus détaillés de ce

1. V. Laurent, Les manuscrits de l'Histoire Byzantine de Georges Pachymère, Byz.


5, 1929-1930, p. 129-205 ; « L'Histoire Byzantine» de Georges Pachymère. Un nouveau
témoin : « l'Athen. Gennad. 40», Byz. 6, 1931, p. 355-364; Deux nouveaux manuscrits
de F« Histoire Byzantine» de Georges Pachymère, Byz. 11, 1936, ρ 43-57. Dans la suite,
ces articles seront cités sans leur titre.
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travail, qui trouveraient difficilement place dans l'introduction de la nouvelle


édition à cause de la longueur de l'exposé.
Cet article porte uniquement sur les 6 premiers livres de l'Histoire,
même si des allusions sont faites épisodiquement aux 7 suivants. On s'est
assuré évidemment que cette deuxième partie de l'Histoire ne contredit
en rien les résultats établis pour la première partie ; la tradition manuscrite
de l'une et l'autre partie présente d'ailleurs un parallélisme plus étroit
que ne le soupçonnait V. Laurent2. Pourquoi dès lors les traiter séparé
ment? Pour deux raisons, dont chacune suffirait à justifier cette manière
de procéder : d'une part, il s'agit bien de deux unités, caractérisées par
des différences importantes dans la transmission et l'état du texte3, bien
que l'Histoire elle-même constitue un tout dans sa composition et que
l'attribution d'un titre différent à chacune des deux parties de la part du
premier éditeur soit dénuée de tout fondement ; d'autre part, je n'ai pas
établi dans le détail le texte des 7 derniers livres, et l'examen ne saurait
être dès lors aussi approfondi pour cette seconde partie, car bien des points
n'apparaissent qu'au terme d'une analyse précise.
On se gardera de reprendre les résultats auxquels avait abouti V. Laurent
et qui ne prêtent généralement à aucune contestation. D'emblée sont
admises l'indépendance mutuelle des trois manuscrits-sources et la filiation
des dix autres manuscrits par rapport aux trois premières copies : V. Laurent
a parfaitement établi le premier point en relevant les omissions qu'on
enregistre dans chacun des manuscrits et qui excluent la copie de chacun
des trois manuscrits sur l'un des deux autres4, de même qu'il a montré
la provenance des dix apographes5. Il s'agira donc ici de fournir des info
rmations complémentaires.
L'exposé se déroule selon le plan suivant :
I. L'état des manuscrits-sources. Ce chapitre porte surtout sur la compos
ition des cahiers, qui permet en particulier d'expliquer les lacunes
constatées dans le texte de certains manuscrits, et sur les filigranes,

2. V. Laurent (Byz. 5, 1929-1930, p. 194 et 196) trace en effet un stemma différent


pour chacune des deux parties de l'Histoire.
3. La transmission des livres VII-XIII pose en effet des problèmes différents et présente
souvent des difficultés plus graves dans l'établissement du texte ; c'est le cas en particulier
pour le livre XIII (voir A. Faiixer, Un incendie à Constantinople en 1305, REB 36, 1978,
p. 153-170).
4. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 193-194.
5. Idem, Byz. 5, 1929-1930, p. 175-192; Byz. 6, 1931, p. 360-363; Byz. 11, 1936, p.
46-51 et 54-57.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 125

dont l'examen contribue à fixer plus précisément la date des co


pies.
II. Les rapports entre les manuscrits-sources. Là se situe le point le plus
important de l'article, puisque les résultats obtenus commandent le
choix des leçons, là où les trois manuscrits-sources présentent des
divergences. Dans un premier temps sont examinées les variantes,
d'ordre grammatical pour la plupart, qui distinguent le Barberinianus
graecus 198 des deux autres manuscrits et qui constituent en général
des lectiones faciliores. Plus essentielles pour le sens de certains passages
sont les divergences, examinées dans un deuxième temps, entre le
Barberinianus graecus 203 d'une part, le Monacensis graecus 442 et le
Barberinianus graecus 198 d'autre part; dans ces cas, la nouvelle
édition différera souvent de celle de P. Poussines, qui, tout en affirmant
à juste titre préférer le texte du premier manuscrit, suit souvent les
leçons du dernier.
III. La paraphrase de VHistoire. Bien qu'elle soit exclue de l'apparat
critique de la nouvelle édition, cette version n'est pas sans intérêt;
en quelques cas, elle apporte des précisions utiles ou traduit avec clarté
des expressions apparemment ambiguës ; malheureusement, elle n'est
d'aucun secours pour la compréhension des passages les plus obscurs,
qu'elle a omis délibérément ou simplifiés abusivement.
IV. Les apographes des manuscrits-sources. Les notes complémentaires sur
les 10 apographes, classés en trois familles selon leur provenance,
concernent surtout, comme dans le chapitre I, la composition des
cahiers, les filigranes et la datation. Les résultats de cet examen per
mettent de dresser le stemma général de la tradition manuscrite de
l'Histoire de Georges Pachymère.
V. L'édition de VHistoire. Ce chapitre constitue un commentaire dé
taillé de l'Histoire pour les cas où la tradition manuscrite présent
e des problèmes particuliers et où la première édition demande
à être amendée.

I. L'ÉTAT DES MANUSCRITS-SOURCES

A la description des manuscrits-sources qu'a laissée V. Laurent, il est


utile d'ajouter certains éléments, d'ordre codicologique pour la plupart.
On essaiera aussi, dans la mesure du possible, de dater avec plus de précision
chacune des copies.
126 A. FAILLER

1. Le Monacensis graecus 442 (= A)6


Ce manuscrit a été décrit successivement par A. Heisenberg7 et V.
Laurent8, qui fournissent également les éléments connus de son histoire.
Il est dû à plusieurs copistes, dont il est difficile de répartir la tâche à l'inté
rieur du manuscrit9. Assez abîmé, celui-ci mesure 280 χ 190 mm et com
prend 356 folios. Il contient les 13 livres de l'Histoire, alors que dans les
deux autres manuscrits-sources les 6 premiers livres sont séparés des
7 derniers. On considérera ici seulement la première partie (f. 1-175), qui
contient le texte de la première partie de l'Histoire.
L'examen des cahiers permet d'expliquer les lacunes et les nombreux
accidents du texte fourni par ce manuscrit. En son état actuel, celui-ci
présente un ensemble de 23 quaternions pour cette première partie de
l'ouvrage. La marque originale des cahiers n'apparaît pas clairement ; on
distingue en fait quatre séries de signatures :
— la première série, dont les chiffres semblent avoir été rognés dans la
plupart des cas et remonter au copiste du texte, apparaît très rarement :
ιδ' (début du cahier 4, f. 22), κδ' (début et fin du cahier 14, f. 99 et
106), κε' (fin du cahier 15, f. 114), κς' (début et fin du cahier 16, f. 115
et 120), κη' (début du cahier 18, f. 129) et peut-être V (fin du cahier 20,
f. 151). Cette numération suppose la perte de 10 quaternions au début du
manuscrit, et on ne voit pas de quoi ceux-ci auraient pu être constitués10.

6. Je reprends les sigles assignés aux différents manuscrits par V. Laurent, mais je
les utiliserai seulement pour les manuscrits dont les leçons figureront dans l'apparat
critique de la nouvelle édition, soit ABC a b et V (voir le stemma, p. 197). On se gardera
de confondre les sigles employés ici pour désigner les manuscrits avec ceux qu'utilise
P. Poussines dans ses notes. Β (Barberin. gr. 198-199) est appelé par lui Allatianus et
désigné par le sigle A, C {Barberin. gr. 203-204) est appelé par lui Barberinus et désigné
par le sigle Β ; quant à V {Vatican, gr. 1775), L. Allacci le qualifie de codex Lollianus,
tandis que P. Poussines l'appelle Vaticanus et le désigne également par le sigle V. L'édition
de P. Poussines a été réimprimée trois fois (voir ci-dessous, p. 202) ; dans la suite de cet
article, je citerai seulement les éditions de P. Poussines et I. Bekker, qui figureront dans
l'apparat critique des variantes sous les abréviations Poss. et Bekk. Sauf exceptions dû
ment signalées, le texte établi par P. Poussines sera cité dans l'édition de Bonn.
7. A. Heisenberg, Aus der Geschichte und Literatur der Palaiologenzeit, Munich 1920,
p. 3-13.
8. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 143-149.
9. Les deux auteurs cités ne s'entendent pas en effet sur l'identification des mains
qui ont transcrit l'Histoire (A. Heisenberg, op. cit., p. 9-10; V. Laurent, art. cit., p.
145-147), et il est inutile d'ajouter une troisième liste, qui risquerait fort d'être tout aussi
contestable.
10. La signature originale des cahiers apparaît, de manière régulière cette fois, dans la
deuxième partie du manuscrit à partir du folio 192, où commence aussi le travail d'un autre
copiste (texte de l'édition de Bonn, II, p. 555) et sur lequel on lit le chiffre 33. Si l'on suit
LA TRADITION MANUSCRITE DE L 'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 1 27

— la deuxième série de signatures commence avec le début du texte :


folios 8-78, marqués α'-ι' (cahiers 2 à 1 1 en réalité).
— la troisième série peut s'observer sur les folios 15-106, marqués δ'-ιε'
(cahiers 3-14 en réalité) et suppose la perte d'un quaternion au début
du manuscrit. Cette série, ainsi que la précédente, est postérieure à la
copie elle-même.
— la quatrième série date de la Renaissance : elle embrasse l'ensemble
du manuscrit; les folios 1-175 portent les chiffres α'-κε' : cahiers 1-23
en réalité; l'erreur provient d'un dédoublement des cahiers 3 et 5.
L'auteur de ces indications n'a pas toujours déterminé de manière
exacte l'endroit où commence et finit le cahier.
Seule donc la première série de signatures mérite examen et remonte à
l'original. Quoi qu'il en soit de ces diverses numérations, la constitution
des cahiers peut être déterminée aisément, malgré les lacunes qui affectent
le manuscrit dans son état présent. 7 cahiers ont subi des accidents, dus à
la copie elle-même ou survenus par la suite. Voici le schéma des cahiers
irréguliers ou défectueux :
cahier 1 1 2 3 4 5 * 6 7
cahier 2 8 9 10 11 12 13 14
cahier 3 15 16 17 18 19 20 21
cahier 7 46 47 48 49 50 51 <2 *
1 \

cahier 9 ·* 61 62 63 64 65 66 67
cahier 11 76 77 78 79 80 81 82 (51)
cahier 12 83 84 86 85 88 87 89 90
cahier 20 145 146 147 148 149 150 151
Dans le cahier 1 (f. 1-7), le folio 5a disparu devait contenir la fin du
pinax des titres de chapitres des 6 premiers livres, qui manque actuellement
dans le manuscrit (livre V, chapitre 18, à la fin du livre VI). Le folio 6 est
resté blanc au recto, tandis que le verso porte le portrait de Georges Pachy-
mère. Sur le folio 7, on trouve au recto une liste des oflikia de l'Eglise de
Constantinople11, et au verso le portrait de Théodore II Laskaris.

la numération de la première partie, qui suppose la perte de 10 quaternions au début du


manuscrit, on devrait trouver ici le cahier 36. La continuité n'existe donc pas non plus
entre ces deux numérations. Ce problème sera exposé plus complètement dans l'étude de la
tradition manuscrite de la deuxième partie de l'Histoire.
11. Cette liste a été étudiée et éditée par J. Darrouzès, Recherches sur les offikia de
l'Eglise byzantine, Paris 1970, p. 202-203 et 548-549.
128 A. PAILLER

Le texte de l'Histoire commence au folio 7a (marqué xxi) : il s'agit


d'un folio rapporté, copié à la Renaissance et destiné à remplacer le premier
folio du texte (Bonn, I, p. ΙΙ1-^9), qui avait disparu ou qui était fort
abîmé12. Le folio primitif constituait donc le premier folio du cahier 2
(f. 7a-14).
Dans le cahier 3 (f. 15-21), le folio 15a a disparu, mais assez tardivement,
puisque le texte correspondant (Bonn, I, p. 301-3219) est conservé dans les
copies dérivant de ce manuscrit.
Dans le cahier 7 (f. 46-52), le folio 45a a dû disparaître, car le texte
manquant (Bonn, I, p. 113U-1169) correspond approximativement au
contenu d'un folio de copie. Ce folio a disparu plus tôt, car aucun des
apographes n'en conserve le texte. On peut supposer aussi que le copiste
de A a sauté un folio de son original, qui aurait eu dans ce cas une conte
nance à peu près équivalente par folio. En effet ou bien il manque un folio
52a resté blanc (car il n'y a pas de lacune dans le texte à cet endroit, et on
trouve le même cas dans le cahier 9 pour un hypothétique folio 60a), ou
bien le cahier original ne possédait que 6 folios (comme c'est le cas pour
le cahier 16 : f. 115-120). Ce cahier présente une autre anomalie : on y a
intercalé un folio, numéroté 51, qui provient en réalité du cahier 11 (f.
76-82), dont il constituait à l'origine le dernier folio (Bonn, I, p. 2265-
22916) ; l'erreur est sans doute due au fait que ce folio s'était détaché de
sa moitié, le folio 76. Cette interversion est cependant assez tardive, car les
apographes conservent le texte correspondant à sa place.
Dans le cahier 9 (f. 61-67), le folio 60a est inexistant ; s'il a existé, il ne
portait pas de texte, car il n'y a pas de lacune.
Le cahier 12 (f. 83-90) présente une interversion des deux feuilles cen
trales ; l'ordre des folios doit être ainsi rétabli : 86 85 88 87. Cette inte
rversion est également ancienne, car les copies présentent toutes la même
anomalie. Plus tard, un lecteur a noté l'erreur dans la disposition de ces
feuilles et porté la correction en marge, mais M. Crusius en 1578 et D.
Hoeschel en 1612 copièrent encore le texte suivant cet ordre erroné, sans
s'apercevoir que le texte ainsi présenté est d'une totale incohérence13.
Dans le cahier 20 (f. 145-151) enfin, le folio 148 est le seul qui subsiste
de la feuille centrale, mais il n'y a pas de lacune dans le texte.
En résumé, la somme des irrégularités qui affectent le manuscrit est donc

12. On verra plus bas que cette copie est faite sur le Scorialensis graecus Ω Ι 10,
apographe du Marcianus graecus 404 (ci-dessous, p. 182).
13. Voir ci-dessous, p. 187 et 199-200.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 129

assez élevée. Ajoutons que ce manuscrit contient, à côté de la liste des


offikia ecclésiastiques déjà signalée, une autre pièce adventice, qui se
rattache à cette première partie de l'Histoire, bien qu'elle soit insérée à la
fin de la deuxième partie (f. 353-354) : le prostagma émis en 1272 par
Michel VIII Paléologue en faveur d'Andronic II Paléologue à l'occasion
de son couronnement14. Cette copie fut insérée assez tôt dans le manuscrit
à cette place, car certaines copies de A reproduisent aussi ce texte ; copié
par une autre main et sur un papier différent, ce document est extérieur à
l'Histoire. On remarquera encore que les portraits sont tracés sur le cahier
même de la copie, aussi bien ceux du cahier 1 (f. 6T et Τ : Georges Pachy-
mère et Théodore II Laskaris) que ceux du cahier 23 (f. 174 et 175V :
Michel VIII Paléologue et Andronic II Paléologue)15.

Résumons et classons les lacunes de A, afin de les repérer clairement


et de les utiliser pour l'analyse et la datation des apographes de ce manusc
rit :
1. chute du folio 5a (pinax de V 18 à VI 24) ; la même lacune existe dans
toutes les copies.
2. chute du folio 7a (Bonn, I, p. ΙΙ1-^9); le texte a été recopié à la
Renaissance sur un apographe de A. Il ne fait défaut dans aucune copie.
3. chute du folio 15a (p. 301-3219); la disparition de ce folio dut inter
venir au 15e siècle, car une partie des copies ont conservé le passage.
4. chute du folio 45a (p. lB^-llo9); la perte est ancienne, car aucune
copie ne conserve ce texte.

14. Dölger, Regesten2, n° 1994. Le texte fut d'abord édité par A. Papadopoulos-
Kérameus (Σημείωσις περί τοϋ Ίεροσολυμιτικοΰ κωδικός τοϋ Χρονικού Παχυμέρη,
Δελτίον της ιστορικής και εθνολογικής εταιρίας της 'Ελλάδος 3, 1889, ρ. 533-535)
d'après le Hierosolymitanus graecus Timiou Staurou 4 et avec les lacunes de son modèle.
Une meilleure édition est fournie par A. Heisenberg, op. cit., p. 37-41. P. Poussines,
qui ne consulta ni A ni aucun de ses apographes, n'eut pas connaissance de ce texte.
15. Les 4 portraits sont reproduits également par certains des apographes de A. Edités
pour la première fois par H. Wolf dans l'Histoire byzantine de Nicéphore Grégoras
(Nicephori Gregor ae Romanae hoc est Byzantinae historiae Libri XI, Bâle 1562), ils le
furent à différentes reprises par la suite et dernièrement dans l'ouvrage de I. Spatha-
rakis (The Portrait in Byzantine Illuminated Manuscripts, Leyde 1976) ; l'illustration du
Monacensis graecus 442 est longuement décrite (p. 165-172), et une reproduction en
noir et blanc est donnée de ces 4 portraits, tels qu'ils apparaissent successivement dans
ce manuscrit, dans le Tubingensis graecus Mb 13 et dans l'édition citée de H. Wolf
(figures nos 106-110. llla-b et 112a-b, 113a-b et 114a-b). On trouvera de plus une repro
duction du portrait de Georges Pachymère, en couleurs, dans l'édition du Quadrivium
due à P. Tannery (Cité du Vatican 1940, dépliant avant la page de titre).
130 A. FAILLER

5. déplacement du folio 82a, devenu folio 51 (p. 2265-22916); il dut se


produire tardivement, car tous les apographes présentent ce passage
dans son contexte.
6. interversion des folios 85-88 (p. 2368-2509) ; ce désordre, qui touche
et rend inintelligible un long passage de l'Histoire, dut intervenir tôt,
car il affecte toutes les copies.
Quant aux filigranes du manuscrit, ils ont été relevés par A. Heisenberg,
mais son enumeration et sa description ne semblent pas toujours exactes.
Sur les folios 1-175, on relève les filigranes suivants :
1 et 2. 2 cercles superposés ou 1 cercle, traversés et surmontés d'une
croix latine (cahiers 8, 10 en partie, 11-13, 14 en partie, 15-16, 18 en
partie) ; ces motifs sont clairement identifiables (Briquet 3168 et 2941 :
1361 et 1357)16.
3. pot (cahiers 2-7, 9, 10 en partie, 14 en partie, 17, 18 en partie, 19-23);
on ne peut accepter l'identification proposée par A. Heisenberg (Briquet
12464 : 1322), car ce motif, sans être identifiable avec certitude, semble
s'inscrire dans une série postérieure (Briquet 12468-12472 : 1331-1352).
Si l'on se fie aux deux filigranes identifiés avec certitude, on est amené à
placer la copie de ce manuscrit aux alentours de 1360 ou, de manière
moins précise, dans le troisième quart du 14e siècle. Les motifs relevés
dans la deuxième partie du manuscrit, qui fera l'objet d'un examen ulté
rieur, appuient cette conclusion. Quant aux feuilles postérieures, dont la
plupart constituent des pages de garde, mais dont l'une (f. 7a) contient le
début de l'Histoire, elles portent le filigrane du chapeau à deux glands,
un motif qui apparaît au début du 16e siècle (Briquet 3401 et suivants).
La copie de ce folio date effectivement de la Renaissance.
Cette datation semble corroborée aussi par la note marginale du folio
101 v, qui présente Marie-Marthe Paléologue, sœur de Michel VIII Paléo-
logue et épouse du grand domestique Nicéphore Tarchaneiôtès, comme
l'arrière-grand-mère de « notre puissant et saint maître et basileus kyr Jean
Cantacuzène»17. Comme cette note, bien qu'écrite par une autre main,
semble bien contemporaine du manuscrit lui-même, on en a déduit que le

16. Pour l'indication des filigranes, on utilisera les ouvrages suivants : C. M. Briquet,
Les filigranes2, Leipzig 1923 ; V. Mo§in et S. TRALJié, Filigranes des XIIIe et XIVe siècles,
Zagreb 1957 ; N. P. Lichaöev, Paleografiëeskoe znaéenie bumaznych vodjanych znakov,
Saint-Pétersbourg 1899. Le numéro du filigrane est suivi de la date à laquelle celui-ci
est signalé par ces auteurs.
17. Inconnue de P. Poussines, qui n'eut pas accès à A et à ses apographes, cette note
marginale a été éditée par A. Heisenberg {op. cit., p. 11) et reproduite dans son « ortho
graphe fantaisiste» par V. Laurent (fiyz. 5, 1929-1930, p. 148).
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 131

Monacensis graecus 442 fut copié sous le règne de Jean Cantacuzène18, qui
régna officiellement à Constantinople du 2 février 1347 au 10 décembre
1354 et mourut en 1383. Mais l'argument est-il si péremptoire? Il est
certes permis d'affirmer que la copie ne peut être antérieure au règne de
cet empereur, mais pour le reste il faut procéder avec circonspection;
d'une part, cette note marginale peut être une copie aussi bien qu'un
original; d'autre part, il convient de se rappeler que Jean Cantacuzène,
une fois devenu le moine Joasaph le 10 décembre 135419, n'en continua pas
moins à détenir le titre impérial et à utiliser lui-même son ancienne titulature
jusqu'à sa mort en 1383, comme le prouvent divers textes, les uns de carac
tèretout à fait officiel20. En conséquence, cette note marginale ne permet
pas de dater le manuscrit de manière aussi précise qu'on l'a voulu, mais
son contenu concorde bien avec la datation proposée précédemment.

2. Barberinianus graecus 198 (= B)


Ce manuscrit contient les 6 premiers livres de l'Histoire. Il comprend
248 pages, mesure 285x210 mm et est l'œuvre d'un seul copiste, qui a
également transcrit les 7 derniers livres dans le Barberinianus graecus 19921.
A ce titre ces deux manuscrits présentent la copie la plus uniforme de
l'ensemble de l'œuvre ; cependant chacune des deux parties constitue une
unité séparée sur le plan de la transmission du texte.
Le manuscrit est mutilé du début, car le texte commence au milieu du
chapitre 11 du livre I (Bonn, I, p. 299). Il manque donc, si l'on se réfère
au contenu moyen d'une page d'écriture, une douzaine de pages de texte,
soit 6 folios. Comme la séparation des cahiers est claire, il est possible de
reconstituer la succession des quaternions. La première signature apparaît
à la page 8 (fin de cahier) : β'. Ce deuxième cahier est donc réduit à 4 folios ;
à l'origine il devait contenir 4 autres folios de texte. Mais le début de

18. A. Heisenberg, op. cit., p. 11 ; V. Laurent, art. cit., p. 148-149.


19. Voir A. Failler, Nouvelle note sur la chronologie du règne de Jean Cantacuzène,
REB 34, 1976, p. 120-121.
20. Dans une lettre à l'évêque de Karpasia, écrite vers 1371, Jean Cantacuzène,
17 ans après son abdication, se prévaut encore de sa titulature impériale : 'Ιωάννης
έν Χριστφ τφ Θεφ πιστός βασιλεύς καΐ αυτοκράτωρ 'Ρωμαίων ό Καντακουζηνός, ό
δια τοϋ θείου καΐ μοναχικού σχήματος μετονομασθείς Ίωάσαφ μοναχός (J. DARROUZES,
Lettre inédite de Jean Cantacuzène relative à la controverse latine, REB 17, 1959,
p. 2136). On trouve d'autres exemples dans le Parisinus graecus 1242, qui contient des
œuvres théologiques du moine-empereur et qui fut écrit en 1370-1375 (voir en particulier
les folios lv et 72). Cf. D. M. Nicol, The Byzantine Family of Kantakouzenos (Canta-
cuzenus), ca. 1100-1460, Dumbarton Oaks 1968, p. 88-90.
21. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 150-155.
132 A. PAILLER

l'Histoire se trouvait sur le cahier 1, vraisemblablement au folio 7, car il


manque 6 folios de texte en l'état actuel. Les 6 premiers folios du cahier 1
devaient contenir le pinax des chapitres des 6 premiers livres de l'Histoire.
Une telle reconstruction est en effet confirmée par le Parisinus graecus 1723,
qui est une copie de ce manuscrit et qui présente cette disposition des
matières22.
Alors que la première signature apparaît à la page 8, les suivantes se
présentent de manière irrégulière au début ou à la fin des cahiers : à peu
près inexistantes sur les cahiers 3-9, elles apparaissent de manière presque
continue sur les cahiers 10-17. Malgré ces lacunes, on distingue aisément la
séparation des cahiers, car le copiste, non content de les signer, a mis en
appel à la fin de chaque cahier le premier ou les premiers mots du suivant.
Ces cahiers constituent des quaternions réguliers; on relève seulement
quelques anomalies. Le dernier folio du cahier 9 (p. 119-120) a disparu :
par les soins de L. Allacci, il a été remplacé par un feuillet où est transcrit
le texte manquant (Bonn, I, p. 24516-2498), copié sur le Barberinianus
graecus 203. Le début du cahier 14 est passablement abîmé; le premier
folio (p. 201-202) n'était pas en place au moment où L. Allacci examina
le manuscrit, car on trouve au bas de la page 200 la mention suivante :
deest una pagina. Mais le folio fut retrouvé et remis en place ; il dut être
renforcé sur les bords extérieurs, y compris sur la surface d'écriture, et le
texte fut ensuite complété sur le papier de renfort. De la même manière, il
faut supposer que le dernier folio du dernier cahier (cahier 17 : p. 233-248)
n'était pas en place, car un copiste de la Renaissance a recopié le texte
correspondant (Bonn, I, p. 52719-5328) sur le Barberinianus graecus 203
et paginé les deux nouveaux folios comme suite de la page 246 ; lorsque
les pages 247 et 248 de l'original ont été retrouvées et remises à leur place,
la copie de la Renaissance a cependant été conservée et paginée 247b et 249.
Il subsiste d'autres traces de déplacement de plusieurs folios. On trouve
en effet les indications suivantes, datant de la Renaissance, sur les bords
droits inférieurs des rectos :
P· 1 am p. 7 a vi
3 a iv 201 a vii
5 aν 105 a viii
Ceci montre qu'on a supposé la chute des folios 1 et 2 au début du cahier 2
(en fait, ce sont les folios 1-4 qui manquent, comme on l'a vu) et inséré

22. Voir ci-dessous, p. 189.


LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 133

comme folios 7 et 8 de ce cahier deux feuillets déplacés (en fait, il s'agit du


premier folio du cahier 14 et du premier folio du cahier 9, dont le dernier
folio, qui y correspondait, a d'ailleurs disparu). La même main a numéroté
de manière identique les folios du cahier 3 (p. 9-24 : b i à b viii), de même
que les 4 premiers folios du cahier 6 (p. 41-47 : e i à e iiii). Divers folios
étaient donc déplacés, abîmés et séparés du folio correspondant dans
le cahier ; cette numération est destinée à la remise en ordre du man
uscrit.
Le copiste de la Renaissance a également suppléé le début de l'Histoire
grâce au Barberinianns graecus 203, en y intercalant les variantes du
Vaticanus graecus 1775, c'est-à-dire de la paraphrase de l'Histoire ; sans
doute ces variantes se trouvaient-elles déjà reportées sur le premier manusc
rit : elles étaient destinées à suppléer les lacunes ou à résoudre les difficultés
de lecture que celui-ci présente en son début. Sur ces feuillets de la Renais
sanceon trouve d'abord le relevé des titres de chapitres des 6 premiers
livres (f. i-iii)23, puis le texte manquant (Bonn, I, p. ll1^9 : p. α'-ιβ').
En résumé, voici les lacunes que présente ce manuscrit dans son état
actuel :
1. chute des 12 premiers folios (cahier 1 et première moitié du cahier 2),
qui contenaient le pinax des chapitres et le début de l'Histoire (Bonn,
I, p. ll1^9).
2. chute du dernier folio du cahier 9 (p. 119-120), correspondant au texte
de Bonn, I, p. 24516-2498.
Le Parisinus graecus 1723, copie de B, est complet par contre et permet de
suppléer les passages manquants.
Le copiste de B utilise pour tout le texte un même papier, qui porte
un seul filigrane : le pot. Cependant il s'avère difficile d'identifier ce motif,
dont le manuscrit présente d'ailleurs plusieurs variantes; on peut hésiter
entre divers modèles : Mosin 6860 (1348), 6878 (1360-1370), 6880 (1370-
1380) ou encore 6881 (1372)24. La même incertitude grève la datation de

23. Ces titres ne sont d'ailleurs pas ceux du pinax, mais les titres insérés dans le texte
lui-même; sur la double série des titres de chapitres, voir ci-dessous, p. 205-207.
24. Il est d'ailleurs difficile au lecteur «commun» de manipuler suffisamment un
manuscrit dans une bibliothèque pour s'assurer avec précision des caractéristiques d'un
filigrane, sous peine d'attirer l'attention des gardiens du trésor manuscrit. Aussi ai-je
demandé à Mgr Paul Canart de vérifier ou de corriger mon identification des filigranes
pour les Barberiniani graeci 198-199 et 203-204. Je le remercie de l'avoir fait avec soin
et précision. Pour le Barberinianus graecus 198, il indique comme probable la présence
du filigrane suivant : MoSin 6860 (1348).
134 A. FAILLER

la copie. Comme la deuxième partie de l'Histoire {ßarberinianus graecus 199)


est due à la même main et semble bien avoir été transcrite à la suite25, on
est tenté d'en appeler aux filigranes de ce deuxième manuscrit, qui se
laissent identifier avec plus de certitude et sont signalés ailleurs entre 1357
et 136726. La copie doit être située de toute façon vers le milieu du 14e siècle,
et de préférence dans le troisième quart de ce siècle.

3. Barberinianus graecus 203 (= C)

Ce troisième manuscrit-source est le seul à contenir le texte intégral des


6 premiers livres de l'Histoire, mais il ne possède pas le pinax des chapitres
qui a été relevé dans A et dans la copie de B27. De plus, les folios 1-3 sont
détériorés : un insecte y a fait un trou qui va se rapetissant28. A cause des
lacunes ainsi créées, L. Allacci a fait suppléer le texte manquant et colla-
tionné pour cela le début de l'Histoire avec la paraphrase du Vaticanus
graecus 1775 ; P. Poussines ne semble pas avoir bien discerné la provenance
de ces variantes et a introduit ainsi dans le texte quelques incises de V
qui n'appartiennent pas au texte original.
En son état actuel, le manuscrit comprend 134 folios et mesure
290 χ 203 mm. Les cahiers ont conservé leur signature originale ; on dis
tingue 18 quaternions, dont certains présentent des anomalies. Le cahier 1
est réduit à 2 folios (actuels folios 1 et 2), qui présentent le début de l'His
toire. On peut supposer que les 6 folios perdus contenaient le pinax des
chapitres des 6 premiers livres; on obtient ainsi exactement le partage
supposé du cahier 1 perdu de B. Les cahiers 2-17 sont rigoureusement
réguliers : folios 3-129 ; on attendrait que le dernier folio portât le numéro
130 : 2 + (16x8) = 130. L'erreur vient du fait que le chiffre 89 a été
inscrit deux fois à la fin du cahier 12 (pour 89 et 90). Quant au dernier
cahier (cahier 18), il présente actuellement le schéma suivant : 130 131
132 | 133 ·& 134. Le texte du livre VI se termine au verso du folio 132.

25. S'ils ont pu être réunis à un moment de leur histoire, comme le laisse supposer
une signature plus tardive des cahiers du Barberinianus graecus 199, les deux manuscrits
avaient au départ une numération distincte des cahiers, malgré le fait qu'ils soient réunis
dans le Parisinus graecus 1723, qui en est la copie, et contrairement à ce qu'a cru observer
V. Laurent {art. cit., p. 153).
26. Ce point sera examiné dans l'étude de la tradition manuscrite de cette partie
de l'Histoire.
27. Sur ce manuscrit, voir V. Laurent, art. cit., p. 155-161.
28. Pour suppléer les lacunes des chapitres 5 et 6 du livre I, P. Poussines (Bonn, I,
p. x) demanda copie du Parisinus graecus 1723 à Ph. Labbe.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRB DE GEORGES PACHYMÈRE 135

Les folios 133 et 134 sont blancs, et un folio 133a a été arraché. Pour
clore le volume, on trouve des feuilles de garde (f. 135-139), qu'on peut
dater de la Renaissance et qui portent le filigrane de l'agneau pascal inséré
dans un cercle (Briquet 50 : 1535).
On distingue dans ce manuscrit 4 filigranes, distribués assez régulièr
ement par cahiers :
1. cloche (cahiers 1-4) ; les diverses variantes de ce motif que présente C
se classent dans la série suivante : Mosin 2845-2856 (1351-1369).
2. trois monts (cahiers 5-13); le manuscrit en présente divers modèles,
qu'on peut ranger dans la série suivante : Mosin 6225-6228 (1350-1370).
3. 2 cercles concentriques traversés et surmontés d'une croix latine à
trait double (cahiers 13 et 16 en partie) ; il s'agit probablement des
filigranes suivants : Mosm 2176 (1360) et 2177 (1371).
4. fruit : poire accompagnée de deux feuilles (cahiers 14-18); l'un de ces
filigranes semble pouvoir être identifié : Mo§in 4401 (1362)29.
L'examen des filigranes de C fournit des indications concordantes malgré
leur relative imprécision; en résumé, les filigranes relevés sont signalés
entre 1350 et 1371. Comme les deux précédents, ce manuscrit fut donc
copié dans le troisième quart du 14e siècle. Mais il est possible de préciser
davantage dans le cas présent, grâce à une note marginale du folio 74, qui
relate, en la datant (4 juillet 1360), la prise d'Héraclée du Pont par les
Turcs30. Ce texte est transcrit par le copiste de C; il fournit donc un
terminus a quo de la copie et semble se référer à un événement récent.
Ainsi ce manuscrit peut être daté des années 60 du 14e siècle.
Voilà comment se présentent actuellement les manuscrits-sources.
Chacune des trois traditions est conservée presque intégralement, grâce aux
apographes à l'occasion, pour la première partie de l'Histoire. C, le manusc
rit le plus soigné, est seul à posséder intégralement le texte des 6 premiers
livres ; Β présente deux lacunes importantes, mais toutes deux sont suppléées
par sa copie; seul A contient une lacune (Bonn, I, p. 113n-1169) que ses
apographes ne permettent pas de suppléer : c'est donc aussi le seul passage
des 6 premiers livres de l'Histoire où la tradition manuscrite est réduite
à deux témoins. D'autre part, comme il est impossible d'assigner une date
précise à chaque copie ou de fixer l'antériorité de l'une par rapport à
l'autre, on se contentera d'une évaluation plus générale : les trois manuscrits

29. Mgr Paul Canart indique comme probable la présence d'une autre variante de
ce filigrane : Mo§in 4381 (1362).
30. P. Poussines ne fait pas mention de cette note marginale, qui fut éditée par
V. Laurent (art. cit., p. 157).
136 A. FAILLER

datent du troisième quart du 14e siècle31. Mais ils sont proches aussi sur
d'autres plans : au moment d'étudier la tradition manuscrite de la deuxième
partie de l'Histoire, on verra qu'une même main a copié C et des passages
de A32 ; par ailleurs, A et Β dérivent d'un prototype commun, plus éloigné
que C de l'original.

II. Les rapports entre les manuscrits-sources

V. Laurent a montré que les trois manuscrits-sources sont indépendants


entre eux, en analysant les omissions respectives des copies33 ; cependant
les trois textes restent proches, et les divergences ne sont pas extrêmement
importantes. Aussi s'avère-t-il parfois difficile de reconstituer l'archétype à
partir des versions conservées, tant les indices paraissent à l'occasion
ténus. A travers l'analyse des variantes, on peut néanmoins remonter à
l'original dans la plupart des cas. Dans un premier temps on examinera
les particularités de Β par rapport au groupe AC, dans un deuxième temps
les divergences entre C et le groupe AB. Combiné avec les données fournies
par le chapitre précédent sur la constitution et la datation de chacun des
trois manuscrits, cet examen permettra de dessiner le stemma de la tradition
manuscrite au niveau des trois manuscrits-sources. Les principaux pro
blèmes textuels de l'Histoire seront ainsi exposés, en même temps que les
procédés employés par P. Poussines pour l'établissement de son texte.
Cela constituera une pierre d'attente pour la nouvelle édition, qui pourra
s'y référer abondamment ; c'est la raison pour laquelle l'exposé sera plus
long que ne le nécessiterait une simple démonstration.

1. AC et Β
Un examen purement matériel des leçons différentes que présentent les
manuscrits-sources, avant toute évaluation des variantes et avant l'établi
ssement du texte définitif, montre que Β contient un très grand nombre
de leçons particulières face à l'accord du groupe AC; celles-ci affectent

31. P. Poussines (Bonn, I, p. x) considérait C comme le manuscrit le plus ancien de


l'Histoire, et à la limite contemporain de Pachymère lui-même. Se fondant de son côté
sur la note relative à Marie-Marthe Paléologue, arrière-grand-mère de l'empereur Jean
Cantacuzène, A. Heisenberg (op. cit., p. 11 et 13), suivi par V. Laurent (art. cit., p. 149),
regardait A comme la copie la plus ancienne.
32. V. Laurent (art. cit., p. 147) a noté la ressemblance des deux écr itures, mais il
s'est refusé à les attribuer à un même copiste.
33. Ibidem, p. 193-194.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 137

parfois le sens du texte, mais ne constituent le plus souvent que des parti
cularités morphologiques ou syntaxiques. Au premier abord, Β semblerait
présenter des leçons plus correctes34 ; P. Poussines a été sensible à ce fait,
qui Ta amené à s'inspirer souvent de Β dans les cas litigieux, bien qu'à
diverses reprises il déclare accorder sa préférence à C35. Mais une obser
vation plus attentive oblige, en de nombreux endroits, à préférer la leçon
du groupe AC à celle de B, qui présente d'innombrables lectiones faciliores.
On ne relèvera qu'un certain nombre d'exemples, en choisissant ceux qui
paraissent les plus significatifs.
— p. 8912 Νικηφόρω — συμπράττων κάκεΐνος — AC Νικηφόρω συμπράτ-
τοντι κάκείνω Β edd.
La construction de AC semble de prime abord incorrecte, avec cette incise
sans verbe personnel ; c'est la raison pour laquelle Β aura corrigé. Mais
on peut également sous-entendre la copule.
— p. 948 τίνι έρωτηματικώς ante φ add. Β mg. C
Β fait une erreur manifeste en insérant dans le corps du texte une note
marginale, citée en place par C et omise par A. La note est en effet utile,
car l'emploi de ce pronom comme interrogatif est relativement rare. Cet
exemple laisse planer un doute sur la compréhension que Β possède de son
texte. On trouve un cas similaire plus bas (p. 3476), où la note est cependant
insérée de manière correcte dans le texte.
— p. 9712-14 Θάτερον δέ των αδελφών Κωνσταντϊνον έτι είχεν (, έτι
έχοντα Β edd.) εν ίδιώταις, κατά καιρόν τιμδίν αυτόν (αυτός edd.) καίσαρα
προθυμούμενος, συνήρμοττε δέ και αύτφ προς γάμον τήν του Βρανά παΐδα
L'intention de corriger semble évidente, mais la nouvelle phrase de Β est
incorrecte. Tout d'abord, au lieu de έχοντα, il faudrait έχων ou δντα;
de plus, le δέ de la suite serait à supprimer dans la nouvelle construction.
L'éditeur a corrigé αυτόν en αυτός, sans doute après avoir constaté que
cet accusatif, dans la phrase de B, fait double emploi avec le complément
direct déjà exprimé au début de la proposition.
— p. 10412~13 Υγρών ούσών (δντων Β edd.) έτι των γεγραμμένων
Là encore B semble présenter la meilleure leçon. Mais la comparaison avec
un autre passage de l'Histoire modifie cette première impression et invite
à préférer finalement la leçon plus complexe de AC ; voici ce texte (Bonn,
II, p. 908~9) : υγρών ούσών και έτι τών σων συλλαβών. Tout se passe

34. Ces particularités sont sans doute le fait du copiste de B, car rien n'oblige apparem
mentà intercaler une copie supplémentaire entre γ et I,"
B(voir le stemma, ci-dessous p. 197).
35. Voir l'introduction de P. Poussines (Bonn, p. x) et ses notes (p. 627, 645).
138 A. FAILLIR

donc comme si le même substantif se trouvait ici omis par erreur ou sous-
entendu tout simplement. L'auteur de la paraphrase, qui a une constante
propension à suppléer les mots sous-entendus, insère ici le substantif
υποθέσεων, mais ce terme ne saurait convenir.
— p. 1081"4 Τιμφ τε τοις άξίοις εκείνον ό βασιλεύς, σύν έκείνω δέ και
πολλούς άλλους μεγίσταις δωρούμενος ταΐς άξίαις. Τδν μέν οδν Ίωάννην
δεσπότην εγκαθιστά AC ιΟ μέν οδν βασιλεύς εκείνον σύν έκείνω δέ και
πολλούς άλλους μεγίσταις δωρούμενος ταΐς άξίαις, τον μέν οδν Ίωάννην
δεσπότην εγκαθιστά: Β edd.
Le copiste de B reconstruit la phrase pour la lier à la suivante, qui marque
en fait le début non seulement d'une nouvelle phrase, mais d'un nouveau
chapitre. La phrase de Β devient d'ailleurs proprement incorrecte (en
particulier par la répétition de μέν οδν dans une même proposition) et
perd aussi tout sens dans le contexte. Il semble que la correction soit due
à l'emploi de τε... δέ, que Β réprouve ici comme ailleurs (par exemple,
p. 91 2~3), surtout que, fait aggravant, les deux particules lient dans ce
cas une principale à une participiale.
— p. 11913~14 δια του κατά την Έλενόπολιν της θαλάσσης πορθμού AC
edd. δια τήν Έλενόπολιν του της θαλάσσης πορθμού Β
Se rendant de Nicée vers Sèlybria, où Michel VIII s'apprête à lancer une
attaque contre Galata en l'année 1260, le patriarche Nicéphore emprunte
d'abord la route qui conduit de cette ville à Hélénopolis et continue sa
route vers le nord en traversant « le bras de mer qui touche à Hélénopolis »36.
Telle qu'elle est remodelée par B, la phrase perd tout sens et toute correc
tion: le copiste se méprend sur les rapports entre les trois substantifs et
change le régime de la préposition.
— p. 1317~9 ύπώπτευεν όσημέραι μη... ουκ άνυστά οι τα εις αρχής κράτος
εντεύθεν γένοιτο AC ύπώπτευεν δσημέραι μή... ου καλώς έχειν τό εις
αρχής κράτος εντεύθεν γένοιτο οι Β edd.
Voici la traduction du passage : « Izz-ed-din redoutait chaque jour que...
par suite l'exercice du pouvoir ne lui fût plus possible. » On devine ce
qui a pu rebuter B, mais la transformation qu'il opère, par suite d'une
mauvaise analyse du texte, est pour le moins maladroite.
— p. 14012"13 τω δέ καίσαρι τους στρατιώτας δια νυκτός έφελκόμενον
έτοίμως είσβάλλειν AC Bekk. ... έφελκομένω... Β Poss.

36. La traversée du golfe d'Astakos (golfe de Nicomédie) se faisait habituellement à


l'endroit le plus étroit du bras de mer, c'est-à-dire à la hauteur d'Hélénopolis (aujourd'hui
Hersek). C'était la route normale de Nicée vers Constantinople ; cf. W. M. Ramsay,
The Historical Geography of Asia Minor, Londres 1890, p. 187-188.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 139

Β fait l'accord du participe avec le datif qui précède, mais c'est ignorer la
construction de la phrase, assez complexe il est vrai. Voici la traduction du
passage, le verbe de la ligne 8 devant être sous-entendu ici : « II reviendrait
au césar, en entraînant ses soldats à la faveur de la nuit, de faire irruption
avec promptitude. » Le participe à l'accusatif se rapporte au sujet non expri
méde l'infinitif et non au complément du verbe de la principale (le césar),
selon un procédé utilisé très fréquemment par l'historien. On pourrait sans
doute ne voir ici qu'une banale faute de copie, touchant la désinence, si la
multitude des exemples similaires n'invitait à y déceler une intention déli
bérée ; si certains de ces exemples peuvent être imputés à la distraction du
copiste, on ne peut cependant considérer ces modifications comme purement
fortuites dans leur ensemble à cause de leur nombre. Voici quelques exemples
caractéristiques.
p. 2918 ώς δή οί και προστεταγμένον (-ος Β) ήν
ρ. 448~9 πολλής (-οις Β) μέν πιστοΐς οδσι της... φροντίδος
p. 5417 της κατ' εκείνον (εκείνων Β) ορμής
p. 1305"6 δια γραμμάτων εν άπορρήτοις βασιλικών (-οις Β)
ρ. 1307 εν αυτομόλων (-ω Β) σχήματι
p. 1476 τεθορυβημένοι μελισσών τρόπον καπνιζομένων (-ζόμενοι Β)
p. 1539""10 Οΐδατε, λέγων προς τους παρόντας, άνδρες (παρόντας άνδρας Β )
ρ. 221 8 τάς (τους Β) αυτών γεωργουντας
p. 22718"19 του αληθώς (-ους Β) φρουρίου
p. 2407 τα τών βασιλείων χρημάτων (χρήματα Β)
ρ. 27220 την του βοηθεΐν (-θοΰντος Β) όρμήν
p. 28019 Ιργον έκείνω (εκείνο Β) ασχολίας πάσης
p. 30621 ποσί προηγουμένως (-οις Β) του πατριάρχου
ρ. 371 18~19 τής προσθήκης... προκειμένης (-οις Β) τοις άδελφοϊς
p. 39816 τον (την Β) δέ ώς κωλύμην
ρ. 471 3 προς το έπιπολάζον άνασυρομένην (-όμενον Β)
p. 5145 οί δέ μή δυνάμενον (-οι Β) κινηθήναι τόν σοβαρον
p. 52917"18 τω Νογα τα (τω Β) κατ' άξίωσιν έκτελέσαντι
ρ. 5322 τό έπ' αύτω (αύτδ Β) σημεΐον
ρ. 5325~6 Τα (του Β) Παχωμίου
— p. 19216 ώς άρχα δείξοι άνδρα AC ώς αρχή δείξει άνδρα Β edd.
Β supprime la forme archaïque que l'auteur a voulu sans doute donner à
ce proverbe, qu'on attribue généralement à Théophraste ou à Solon37.

37. Ε. L. a Leutsch-F. G. Schneidewin, Paroemiographi graeci, I, Göttingen 1839,


p. 212 n<> 94; II, Göttingen 1851, p. 101 n° 80, p. 310 n° 1, p. 725 n° 32.
140 A. FAILLER

— p. 2273 λέων ήν μετά ξίφους ό πατριάρχης AC λέων ήν μετά ξίφους.


Ό δέ πατριάρχης Β edd.
Chargé par l'empereur de se saisir de Jean Bekkos et de Théodore Xiphi-
linos, qui ont cherché refuge à Sainte-Sophie (été 1264), le sébastokratôr
Constantin Tornikios se heurte au patriarche Arsène. Le passage cité se
traduit ainsi : « Mais le patriarche, accourant aussitôt, était un lion avec
son épée. » Sous la plume de l'historien, cette expression ne qualifie pas un
homme effectivement armé, mais elle indique la force et la fermeté38 ;
l'éloge ne s'adresse donc pas à Tornikios, mais au patriarche Arsène. La
nouvelle construction de la phrase oblige par ailleurs Β à ajouter la particule
δέ, mais il aurait dû alors étendre sa correction à la suite du texte : le premier
και qui suit (p. 2274) devait disparaître dans la nouvelle version ; Β a corrigé
trop ou pas assez. Cet exemple montre également que les corrections de Β
sont souvent à courte vue et par suite facilement décelables. P. Poussines a
suivi ici la leçon de B.
— p. 268 10~12 Πλην και δύο τάττονται των ιεραρχών άπελθόντας τα
παρά της συνόδου πραχθέντα σημήναι τω καταδίκω AC Πλην και δύο
τάττονται παρά των ιεραρχών ίεράρχαι απελθόντες τα... Β edd.
La première forme est trop caractéristique du style de l'historien pour qu'on
l'exclue au profit de la seconde, plus banale. Le participe à l'accusatif a
pu surprendre le copiste, qui a reconstruit la phrase sur un modèle plus
classique. Mais en fait l'historien emploie fréquemment ces accusatifs qui
se rapportent au sujet non exprimé de l'infinitif, même lorsque ce sujet
s'identifie à celui du verbe personnel qui précède. La recherche de la conci
sionet l'usage des brachylogies sont constants dans l'Histoire de Pachymère.
— p. 27910"11 ώς και αυτός του καλού τώμισυ ΐσχειν AC ώς καΐ αυτός
του καλοΰ μετέχειν (-ει Poss. -οι Bekk.) ώς άριστα Β edd.
Là encore B donne à la phrase un tour banal ; de plus, il déforme gravement
le sens. Il est question de Germain d'Andrinople, élu patriarche en 1265 :
selon Pachymère, celui-ci n'était pas personnellement un savant, mais,
admirateur et bienfaiteur des gens de lettres, il participait par là à la moitié
de la beauté; selon B, au contraire, il y participe parfaitement*9'. Dans cette
proposition consécutive, B a cependant conservé au nominatif un attribut

38. E. L. a Leutsch-F. G. Schneidewin, op. cit., I, p. 429 n° 64; II, p. 184 n° 54.
39. La leçon AC concorde bien avec ce que l'on sait par ailleurs de la culture du
patriarche Germain; il y fait lui-même allusion dans son exhortation à l'Eglise au
lendemain de son élection, un texte qui fut composé par Manuel Holobôlos. Il s'étonne
que les métropolites aient porté leur choix sur lui (M. Treu, Manuelis Holoboli orationes,
I, Postdam 1906) et se qualifie ainsi : άφυής... έγώ γεωργός καΐ μή πλούσιον διασπείρειν
Ιχων σπόρον τόν λογικόν (ρ. 11β'17).
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 141

du sujet de l'infinitif, alors qu'ailleurs il lui arrive de corriger aussi ce tour.


Après avoir donné la préférence à B, P. Poussines a converti le verbe à
l'indicatif; à sa suite, I. Bekker a poussé un degré plus loin le souci de la
correction classique et mis le verbe à l'optatif.
— p. 28619~20 Πέμπτην μέν τότε και είκοστήν ήγεν (είχεν Β edd.) δ
ανθεστηρίων
Ici encore la correction semble faite délibérément. En fait il faut conserver
le verbe fourni par AC, comme y invite un passage parallèle de l'Histoire
(IX, 15 : Bonn, II, p. 2335"6), où les trois témoins présentent la même leçon :
Πρώτην μέν οδν ήγε μαιμακτηριών.
— p. 30619"21 'Αποθεμένος οδν την επί της κεφαλής καλύπτραν, άκα-
λύφω τη κεφαλή προσπίπτει Θεω AC edd. 'Αποθεμένος οδν τήν καλύπτραν
εκ κεφαλής, άκαλύπτω ταύτη προσπίπτει Θεω Β
Β entend apparemment alléger le texte original, mais il le dénature par là.
Il supprime en particulier la symétrie et l'allitération, consciemment vou
lues ou inconsciemment obtenues par l'auteur.
— p. 3354~6 Και οι μέν σφαγέντες πεσόντες εις θάλασσαν (άπεπνίγοντο
add. edd.) ίχθύσι μάλλον ή άλόχοις και τέκνοις ήσαν φίλτατοι AC edd.
Και οί μέν σφαγέντες πεσόντες εις θάλασσαν άπεπνύγοντο Β
Β omet le dernier membre de phrase et se voit obligé de compléter la propos
ition pour la rendre grammaticalement correcte. Mais on peut se demander
aussi dans ce cas précis si Β porte l'entière responsabilité de cette modification
ou s'il disposait d'un modèle déjà défaillant, dont il s'efforce de combler
les lacunes. Cet exemple illustre aussi la manière dont P. Poussines établit
son texte : il choisit la leçon AC, mais il insère dans le texte le verbe de B,
sans s'apercevoir que la phrase devient alors incorrecte : il faudrait en
effet une particule de liaison pour unir les deux propositions indépendantes.
— p. 344 3~5 "Ομως δέ γε και άκων ό Κωνσταντίνος ύπέμενε και έσπένδετο,
ει και ή δοθείσα οί ού τοσούτον βοηθός έκείνω 6σον τη 'Ρωμαιδι (έπέμπετο
add. Β edd.)
Il est clair que ce verbe, retenu également par l'éditeur, n'est pas seulement
superflu, mais doit absolument être éliminé. Devant l'absence de verbe
à un mode personnel, B a cru devoir compléter.
— p. 3571"5 Έπ' ούκ ολίγον γουν του σεισμού κρατήσαντος, ως μηδέν
έστός έγκαταλειφθήναι, άλλα παν τό εντός καταπεσεΐν και τους ανθρώπους
συγκαταχώσαι, παρά μόνην αυτήν τήν άκρόπολιν — εκείνη γαρ και άντέσχε
και ούχ ύπήκουε τφ σεισμω — , ημέρας (δέ add. edd.) φανείσης συντρέχουσιν
ευθύς οί περίοικοι AC edd. ... έγκαταλειφθήναι, μόνη ή ακρόπολις άντέσχε και
ούχ ύπήκουε τω σεισμω* ημέρας δέ φανείσης συντρέχουσιν οι περίοικοι Β
142 A. FAILLER

La coupure et la simplification opérées par Β sont patentes; la nouvelle


construction implique l'addition d'une particule de liaison dans la deuxième
partie de la phrase, qui devient alors une indépendante liée à l'incise. Quant à
l'éditeur, il retient le texte de AC, mais y intercale à tort la particule de
liaison tirée de B. On observe que le texte de P. Poussines, qui procède ici
d'une mauvaise analyse logique de la phrase, est constitué trop souvent de
l'addition de tous les mots des deux traditions, même lorsque les leçons
s'excluent l'une l'autre à l'évidence (voir aussi l'exemple cité plus haut :
p. 3354"6).
— p. 3772-4 Εισάγει... παρεγράφετο... παρεκρούετο AC edd. Εισάγει...
παραγράφεται... παρακρούεται Β
On trouve un peu plus bas un exemplaire similaire :
p. 3942~6 τετέλεστο... άγει AC τετέλεσται... άγει Β edd.
Β semble refuser la rupture et le changement de temps ; on remarque que
P. Poussines utilise sans grande méthode ses deux manuscrits, préférant
tantôt C tantôt B, sans raison particulière.
— p. 3822 περί τη γνώμη όρρωδήσας του πατριάρχου AC παρά (περί
Bekk.) τήν γνώμην... Β edd.
Il s'agit dans le contexte de Job Iasitès, qui n'était pas sûr de la détermina
tion du patriarche Joseph à résister à l'empereur dans les tractations pré
cédant l'Union de Lyon ; Pachymère écrit que Iasitès « craignait pour la
volonté du patriarche ». La leçon de B, retenue par P. Poussines, est abso
lument exclue. I. Bekker a vu la difficulté, mais son sens philologique ou
son intelligence du texte est pris en défaut : sous peine de lui donner un
autre sens, on ne peut construire cette préposition avec l'accusatif, mais
seulement avec le génitif ou le datif.
— p. 39313 ώς εκείνον λέγειν AC edd. ώς εκείνος έ'λεγεν Β
Comme dans des cas similaires, B a corrigé une forme pourtant fréquente
dans l'Histoire.
— p. 39610 σύν δέ νεφέεσσι κάλυψε γαΐαν όμοΰ και πόντον : κάλυψε post
πόντον transp. Β edd.
Β présente de nombreuses transpositions par rapport à AC. Ailleurs la
preuve de son erreur ne peut être établie pour chaque cas, et le choix final
est dicté par les conclusions générales qu'on aura tirées sur la valeur res
pective de chaque manuscrit. Mais ici il est possible de prendre B en fl
agrant délit de transposition, car il s'agit d'une citation ; les vers d'HoMÈRE
{Odyssée, V, vers 293-294 ; IX, vers 68-69) sont transmis avec l'ordre exact
des mots par AC. P. Poussines, qui ne fait aucune annotation sur ce passage
et ne donne donc pas la référence de ces vers, transcrit ici encore le mauvais
texte.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 143

— p. 43615"16 Ταΰτα βουλευσαμένων, ό βασιλεύς και την άπό του πα


τριάρχου βουλήν πέμψας έν άπορρήτοις έζήτει AC Ταΰθ' ό βασιλεύς
βουλευσάμενος καΐ τήν... Β edd.
La proposition participiale au génitif absolu, sans sujet exprimé, est un
tour fréquent chez l'historien. Ce membre de phrase résume le chapitre
précédent, où l'on montre l'empereur délibérant avec ses conseillers; il
peut se traduire ainsi : « Après qu'on en eut ainsi délibéré... »
— p. 44315 ούχ ώς τις αν εΐποις (εϊποι Β edd.) φιλόγυνις...
Β fournit une forme plus simple, mais celle-ci est incorrecte dans le contexte.
Voici la traduction du passage : « Néanmoins il accepta de l'épouser dans
un dessein très pervers et profond, non, pourrait-on dire, comme un quel
conque amoureux des femmes... » On trouve ailleurs une correction sem
blable de Β :
p. 1781"2 πειθήνιον ες δπου θέλοις δρμαν...
— ρ. 4457 Μέντοι γε και AC Δια τοΰτο Β edd.
On peut supposer que Β aura corrigé cette particule, parce qu'elle apparaît
rarement ainsi en début de phrase ; cependant, devant un cas absolument
semblable, Β ne corrige pas (p. 48213).
— p. 49012"13 Όποτε γαρ τδ της γνώμης δουλουται (δηλοΰται Β edd.)
άνθρώποις οδσι, πλασθεΐσιν αύτεξουσίοις
La leçon AC est sûre, et on s'étonne que l'éditeur ait choisi celle de B.
L'opposition exprimée dans la phrase est on ne peut plus claire : « Lors-
qu'en effet on asservit le jugement des hommes, créés libres... »
— p. 51017 και αύτίκα τους λογισμούς ταράσσει τφ βασιλεΐ AC edd.
καΐ αύτίκα ταράσσεται βασιλεύς Β
A la version simplifiée de B, il faut préférer la leçon de AC. Le sujet de
la proposition précédente gouverne aussi ce verbe : « Cette rumeur trouble
aussitôt les pensées de l'empereur.»
On pourrait multiplier ces exemples : l'examen de l'apparat de la nouvelle
édition permettra d'enrichir le tableau ; mais ils suffisent pour montrer les
procédés employés par le copiste de B et discréditer, en règle générale, les
leçons propres à ce manuscrit. Remarquons que le passage des formules
concises, complexes ou recherchées de AC aux tours plus corrects en appa
rence et en tout cas plus simples de B peut s'expliquer aisément, tandis qu'on
ne voit comment aboutir aux leçons de AC à partir de celles de B. On verra
plus bas quelle est l'étendue des transformations que B ou son modèle
fait subir au prototype40. En résumé, on peut affirmer que l'ensemble des

40. Ci-dessous, p. 211-212.


144 A. FAILLER

variantes exposées ci-dessus oblige à conclure que la tradition AC est plus


fidèle que la tradition B; peut-être dans les exemples donnés certaines
transformations sont-elles dues à de simples négligences ou distractions,
et l'on se tromperait alors en y voyant une volonté délibérée de corriger
l'original, mais le faisceau concordant de ces modifications fournit néan
moins une preuve d'ensemble irréfutable au détriment de B. En conséquence,
on préférera par principe les leçons de AC à celles de B, et les cas contes
tables seront résolus dans ce sens. Cette conclusion est d'ailleurs corro
borée par l'apparat critique des livres VII-XIII de l'Histoire, où B, tout en
conservant certaines de ses caractéristiques, se rapproche progressivement
de AC. L'explication semble claire : petit à petit, B renonce à corriger le
texte qu'il reproduit, rejoignant ainsi la tradition AC et par le même coup
l'archétype.
B fournit donc généralement une mauvaise copie critique et une révision
contestable du texte. A ce titre cependant, certaines de ses leçons seront
retenues, lorsqu'il apparaîtra clairement que les manuscrits AC, plus fidèles
à l'archétype, transcrivent un modèle défectueux.

2. AB et C

Un deuxième clivage apparaît dans les manuscrits de l'Histoire : A et B


possèdent de nombreuses leçons communes, qui les différencient de C. Si les
divergences entre AC et B sont, comme on l'a vu, d'ordre grammatical ou
littéraire, les désaccords entre AB et C, bien moins fréquents, revêtent
cependant une plus grande importance, car ils concernent le sens du texte
à l'occasion, l'identité des personnages ou la localisation des événements
parfois. En l'absence de données extérieures qui arbitreraient entre les
deux leçons, il est quelquefois difficile de trancher en connaissance de cause
en faveur de l'une ou de l'autre des deux traditions.
La différence ressort d'une simple collation des manuscrits. Quelques
exemples suffiront à montrer l'existence de cette double tradition, abstrac
tion faite dans un premier temps de la valeur des leçons fournies ou rete
nues par l'éditeur. On choisira les variantes les plus significatives, qu'une
faute élémentaire de copie ne suffirait pas à expliquer. Tout d'abord, les
deux traditions comportent une série d'omissions particulières à chacune
d'elles. Les omissions de C sont évidemment moins significatives, puisque
ce manuscrit représente seul la deuxième tradition. On exclura les omissions
qui portent simplement ?ur un mot ou un court membre de phrase, pour ne
relever que les omissions plus importantes. On remarquera que les omissions
de C sont partout explicables par le phénomène de l'homoiotéleuton, tandis
LA TRADI1ION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 145

que celles de AB posent d'autres problèmes; il est d'ailleurs probable,


comme on le verra plus bas, que certains des passages omis par AB aient
été absents de l'archétype41. Voici quelques omissions caractéristiques.
p. 141 14 λεγομένοις] και 6 'Αλέξιος — άποκρουόμενος [και ό om. C
p. 1682"3 και πρότερον — δστερον δέ om. AB
p. 16820 μή παθεΐν τα χείριστα om. AB
p. 1927"8 έτολμήθη] κατ' αυτήν — έγεννήθη om. AB
p. 1992"3 ύπερχόμενοι] τοις μηνύμασι — ύπισχνούμενοι om. C
ρ. 28612"13 μέν — εκ [μέν om. AB
p. 28717"18 κινουμένοις] και ταχέσι — παρηρτημένοις om. AB
p. 3012-8 Οι δέ — άντικρυς om. AB42
p. 3249"10 σύν τφ ναυτικφ om. AB
p. 33110"11 άρχοι — ών [άρχειν om. C
ρ. 33711"12 ενθεμένος] μελαμβαφέσι -r χρώμενος om. C
p. 33910"11 Τούτο καΐ προς — έλεγε [τούτο και προς om. C
p. 34310"11 γενόμενοι] εκεΐσε — μετασκευασάμενοι om. C
p. 37412 άλλ' — έπιπολαίως om. AB
p. 399s-4 απόβασης] ή ς χάριν — προβάσης om. C
ρ. 4257"8 επί — προελθοΰσαν om. AB
ρ. 51115~17 των παπύρων] ένα — των παπύρων om. C
ρ. 5291"4 δτε — ύποδηλούσης om. AB43
On trouve le même parallélisme entre AB d'une part et C d'autre part
dans les transpositions de mots. Là encore, l'ordre différent des mots est
surtout dû à B, et AC sont généralement concordants face à B. Dans la
première partie de l'Histoire, on ne trouve guère qu'une quinzaine de trans
positions, où C se distingue de AB, ce qui témoigne de la proximité des
deux textes. On citera quelques exemples qui portent sur un texte relativ
ement long, et non sur un simple mot déplacé.
p. 3017~18 εΐδησιν και ό φέρων έχων aB και εϊδησιν έχων ο φέρων C
ρ. 6718 et 684~5 Και πως και άμηγέπη δια ταΰτα post διώκει ταύτα
(ρ. 684) AB post διομολογούν (ρ. 6718) C
ρ. 15716 της πόλεως τοις έχθροις AB τοις έχθροΐς της πόλεως C
ρ. 21 519 ό άνήρ ταΐς άληθείαις AB ταϊς άληθείαις δ άνήρ C

41. Voir ci-dessous, p. 170.


42. Il est possible que ce passage soit postérieur, et on peut en effet le supprimer,
sans nuire à la correction grammaticale et à la structure du récit.
43. On peut mettre en doute également l'authenticité de ce passage. Voir ci-dessous,
p. 170.

10
146 A. FAILLER

p. 36412"17 και χοίρων — φυλάττειν post άπαν (1. 17) AB post άντι-
παρέξουσιν (1. 12) C
p. 39921"22 μείζον το σχίσμα AB τό σχίσμα μείζον C
II existe aussi des différences entre les deux groupes dans l'emploi des
prépositions (prépositions simples ou en composition dans les substantifs
et les verbes). Certaines confusions sont fréquentes dans les copies et ne sont
donc pas probantes (άπ'-έπ'} άπό-έπί). Mais on observe également une
confusion entre κατά et μετά ; celle-ci s'explique plus difficilement au pre
mier abord, mais du point de vue paléographique, si l'on admet que la
préposition était abrégée dans le modèle commun, la méprise se conçoit
aisément : le tau est écrit au-dessus du kappa ou du mu, dont le tracé se
rapproche, tandis que les voyelles n'apparaissent plus. Voici quelques exemp
les.
p. 2022 καταστήσομεν Ab μεταστ- C
p. 1655 μετ' AB κατ5 C
p. 2157 μετακλαιόμενος AB κατακλ- C
p. 4333 μετήνεγκε AB κατ- C
Le relevé des mots qui sont réellement différents d'une tradition à l'autre
présente un plus grand intérêt; on exclura évidemment les variantes qui
ne concernent que les désinences ou les terminaisons. Le choix entre les
deux leçons est parfois difficile, du moment que les deux mots conviennent
parfaitement, et ne peut être effectué qu'en fonction de critères plus géné
raux, dictés par la préférence donnée à l'une des traditions. Pour le moment,
on se contentera de citer simplement les leçons divergentes, pour marquer
l'existence des deux traditions,
p. Il10 άλλοθεν Ab άνωθεν C
p. 6222 ύπηρέται AB δεσπόται C
p. 1366 δακτυλίου AB δακτυλιδιού C
p. 14717 παρειλήφαμεν AB παρειλήφει τις C
p. 161 15 σαλπίσιν AB έλπίσιν C
p. 17519 θύοντες AB έχοντες C
p. 30410 οι καθ' ήμας AB άλλοι δή C
p. 31616 άνήρ AB άνθρωπος C
p. 33011 ομοίως AB ή μοίρα C
p. 3381 εκείνου AB του 'Ιωσήφ C
p. 3405 άστατον AB ευσταθές C
p. 3697 προκείμενον AB κινούμενον C
p. 41412 λοιπούς AB πολλούς C
p. 421 19 φροντίδος AB μερίμνης C
p. 425 18 προσελώντα AB προσερέτην C
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 147

p. 4364 πρόσθεν AB πατρόθεν C


p. 5108 πετάσματι AB σκεπάσματι C
p. 5246 πολλω AB πλφ C
On trouve de même deux séries de noms propres, dont l'orthographe est
différente.
p. 28818 γαγιλιμήν AB γαγιλολιμήν C
p. 34918 τρίνοβον AB τέρνοβον C44
p. 3516 κονδουμνήν AB κουδουμηνήν C
p. 4301 σφεντισθλάβω AB όσφεντισθλάβίι) C
p. 499 ί τορνίκη AB τορνικίω C45
On observe donc une différence caractérisée entre les deux traditions AB
et C. Mais le problème se pose de savoir quelles relations elles entretiennent
avec l'original, afin qu'on puisse déterminer laquelle est la plus proche de
l'archétype. Faisons à présent un détour par la tradition manuscrite des
livres VII-XIII, où les problèmes se posent différemment et plus clairement
sur certains points. Si la séparation des deux traditions diminue notablement
dans le texte de la deuxième partie de l'Histoire, elle ressort par contre
plus clairement sur un autre point. Par suite du mauvais état de l'archétype
commun sans doute, des lacunes apparaissent : une dizaine à peine en C,
un très grand nombre en A et B, ces deux manuscrits présentant alors des
lacunes identiques. On en déduit que A et B, qui n'entretiennent pas de
relation de copie à modèle, dérivent d'un même manuscrit abîmé et lacu
naire. Comme d'autre part C présente des lacunes moindres, qui alors
existent également en A et B, il faut admettre que C ou son modèle transcrit
l'archétype avant la source commune de A et B. Ce schéma, sûrement
établi pour les livres VII-XIII46, peut-il être étendu aux livres I-VI ? Il
semble bien que oui. Il existe en effet dans la première partie de l'Histoire
quelques traces du mauvais état de l'archétype tel que l'ont reproduit A
et B, alors que C ne présente qu'une lacune pour cette partie. Soulignons
à ce propos que les indices les plus matériels sont les plus sûrs, car il est plus
délicat de vouloir expliquer ou imaginer pourquoi un copiste introduit dans
son texte des changements ou des altérations. A partir d'ici, on ne se cont
entera pas de signaler sans plus les leçons divergentes de AB et C, comme
on vient de le faire pour des cas où souvent les deux leçons ont une même
valeur, mais on essaiera aussi de porter une appréciation, de même qu'on
citera la leçon reçue par l'éditeur.

44. Voir ci-dessous, p. 156.


45. Voir ci-dessous, p. 160.
46. Voir V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 195-196.
148 A. FAILLER

Voici les^lacunes que présentent les manuscrits47.


— p. 1884 εκ του Μορέου edd. : εκ της πόλεως AB Μορέου in lac. om. C
C'est le seul passage où l'édition porte un mot que ne fournit aucun manusc
rit ; cependant le texte ne fait pas problème. Traitant du renforcement de la
défense de Constantinople après la prise de la capitale en 1261, l'historien
cite les Laconiens, « venus plus tard de Morée ». La leçon de AB est de
toute manière exclue. La lacune laissée par C (f. 45, 2e ligne) a été justement
suppléée par P. Poussines, qui écrit sur le manuscrit dans le vide laissé par
le copiste : μορέου εις πόλιν, alors que la collation de L. Allacci porte
la leçon de AB : της πόλεως. Mais P. Poussines, avec raison semble-t-il,
ne retient que la première partie dans l'édition (Μορέου), tandis que la
deuxième partie peut lui avoir été inspirée par AB ou encore par V, qui a
une autre leçon (f. 89*), juste elle aussi quant au sens : Λάκωσι πλειστοις
ΰστερον εις πόλιν άφιγμένοις. P. Poussines s'inspire pour sa correction
d'un autre passage de l'Histoire (Bonn, I, p. 30916"19)48 : άλλοι τε πλείστοι
έκ των Λακώνων..., ους Ϊυ. τε Μορέου και των δυτικών μερών... εις Κων-
σταντινούπολιν μετώκιζεν ό κρατών. On peut supposer que l'archétype
était lacunaire et que C le transcrit avec précision, tandis que A et Β ou
leur modèle commun ont fait une erreur de sens en voulant suppléer la
lacune.
— p. 25215 άνή[....] Α άνήνυτα BC
p. 33520 κατ[ ]στολισθείς Α καταστολισθείς Β καταίτυγι στολισθείς C
ρ. 37616 ένο[....] A om. Β ένοδίων C
p. 4149 πηδα[...] A in lac. om. Β πηδάλια C
L'indice aurait sans doute paru insignifiant, si l'on n'observait pas dans la
deuxième partie de l'Histoire les phénomènes signalés plus haut, et cela
dans des proportions bien plus importantes et dans des conditions abso
lument indubitables. On voit clairement que les lacunes de A et de Β
correspondent à des défauts de leur modèle commun. On observe également
que A et Β traitent de manière différente ces lacunes. Comme d'habitude,
B, copie critique, comme on l'a signalé, corrige le texte ; dans le premier
cas, il supplée la fin du mot tronqué, dont la suite peut effectivement être
facilement rétablie; dans d'autres cas, il supprime simplement le vide
laissé par son modèle. Plus fidèle à son modèle comme à l'accoutumée,
A le reproduit au contraire tel quel. De ces quatre passages, un seul présente

47. Il est question ici des lacunes qui touchent un ou plusieurs mots seulement, non
des lacunes qui proviennent de la chute de folios entiers (voir ci-dessus, p. 129-130 et
133) et qui ne revêtent aucune signification pour le présent propos.
48. Voir aussi la note de P. Poussines : Bonn, I, p. 645-646.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 149

un réel problème pour l'établissement du texte; à l'examen, C paraît


mériter d'être retenu. L'historien emploie un mot rare (καταίτυγι), qui
n'est guère attesté que chez Homère49; il s'agirait d'un casque de cuir
sans cimier ni panache, d'un simple bonnet, sans qu'on puisse préciser
exactement la forme de la coiffure. Voici la traduction qu'on peut donner
de ce passage, si l'on adopte la leçon de C : le despote Jean Paléologue,
après sa défaite devant Jean le Bâtard à Néopatras, « se revêtit pour le
reste d'effets communs et pour coiffure d'un bonnet de laine » ; cette
coiffure de circonstance ne s'identifie pas à celle qu'il adopta par la suite
(p. 33710"11 : «un bonnet ordinaire tissé de fils d'or»). Ajoutons enfin
que la leçon abrégée de Β présente la difficulté d'offrir un verbe qui n'est
pas employé ailleurs dans l'Histoire et qui n'est attesté nulle part.
On observe aussi dans ces cas un phénomène curieux de récurrence.
Si l'on s'en tient à C, dont l'écriture est régulière et dont les folios sont
uniformes, voici les folios où apparaissent ces passages lacunaires dans
l'une ou l'autre copie : folios 45, 59, 79V, 89, 98. Si l'on exclut la première
lacune, dont le caractère particulier est renforcé par le fait qu'elle n'apparaît
qu'en C, on observe que les quatre autres s'inscrivent dans une série
régulière, se situant à intervalles constants de 10 (ou multiple de 10)
folios50.
Ces observations conduisent naturellement à la conclusion suivante : C
présente la leçon la plus fidèle à l'archétype et la plus proche de l'original.
C'est dans cette perspective qu'on examinera à présent les passages où les
divergences entre AB et C touchent des points essentiels et présentent des
problèmes sérieux pour l'établissement du texte. Voici ces passages.
— p. 11313"14 τους περί τδν Ηράκλειας Νικήταν Β edd. τους περί
τόν Νικομήδειας Ίωάννην C
ρ. 11412 οι άμφΐ τόν Νικήταν Β edd. οί άμφί τόν Νικομήδειας C
Le texte n'est pas conservé par A et ses apographes 51, mais on peut supposer
qu'ici comme ailleurs A donnait la même leçon que B, car ces deux manusc
rits ne présentent nulle part ailleurs de différence dans les noms propres.
Tel est le modèle des divergences entre les deux traditions exprimées par
AB et C. Il est question dans ce passage de la délégation envoyée par le

49. Homère, Iliade, X, vers 258. Le mot n'est attesté qu'au nominatif, dans le passage
cité. P. Mazon (Homère, L'Iliade, II, Paris 1947, p. 93) traduit ce substantif par « pot ».
50. La régularité est encore plus rigoureuse que ne le laisse voir la suite des chiffres ;
en effet le dernier folio cité (f. 98) devrait en fait porter le chiffre 99, car le manuscrit
est mal folioté à un endroit (f. 89 et 89a) ; voir ci-dessus, p. 134.
51. Cet accident de transmission est cité sous le numéro 4 ci-dessus, p. 129.
150 A. FAILLER

synode en 1260 auprès d'Arsène au monastère de Saint-Diomède52, pour


interroger le patriarche sur ses intentions : Arsène a en effet quitté le
patriarcat, tout en se gardant de donner sa démission, pour marquer
son opposition à l'empereur. Cette délégation est conduite par Nicétas
d'Héraclée selon B, par Jean de Nicomédie selon C. Elle se rend effectiv
ement auprès du patriarche ; Arsène accepte alors de démissionner ; l'acte
est rédigé sous la dictée du métropolite d'Héraclée, et les deux témoins
s'accordent cette fois sur le personnage (p. 1154), mais ils ne l'identifient
pas à cet endroit du récit de manière précise, se contentant de donner le
titre du métropolite. En résumé, Β cite un seul personnage, qu'il appelle
successivement : Nicétas d'Héraclée, Nicétas, le métropolite d'Héraclée;
C nomme deux personnages, sous les appellations suivantes : Jean de
Nicomédie, le métropolite de Nicomédie, le métropolite d'Héraclée. Jean
de Nicomédie est connu par ailleurs et attesté de 1232 à 127853. De même
le siège d'Héraclée était bien occupé à cette époque par Nicétas : il signe
le 1er janvier 1261 un acte patriarcal et synodal en faveur de la métropole de
Trébizonde54.
Le chef de la délégation semble bien avoir été Jean de Nicomédie, comme
l'indique C, qui conserve habituellement la meilleure tradition du texte,
plutôt que Nicétas d'Héraclée. Un autre argument appuie cette conclusion ;
Jean de Nicomédie a été désigné, parce que le monastère de Saint-Diomède,
où s'est retiré le patriarche, se trouve sur son territoire : « Finalement ils
dépêchent Jean de Nicomédie et sa suite auprès du patriarche, car celui-ci
se trouvait résider alors au monastère de Saint-Diomède» (p. 11313~15)55.
Bien que le monastère ne puisse être situé avec précision, on peut le localiser

52. Sur ce monastère, voir R. Janin, Les églises et les monastères des grands centres
byzantins, Paris 1975, p. 89.
53. Sur Jean de Nicomédie, voir E. Trapp, Die Metropoliten von Nikaia und Niko-
media in der Palaiologenzeit, OCP 35, 1969, p. 189-190; dans cet article, Jean de Nico
médie est présenté comme titulaire de 1256 à 1278, mais le Jean de Nicomédie signataire
d'un acte patriarcal et synodal d'août 1232 est sans doute le même personnage ; cf. MM,
III, p. 65; Laurent, Regestes, n° 1261.
54. Nicétas d'Héraclée signe l'acte patriarcal et synodal du 1er janvier 1261 en faveur
de la métropole de Trébizonde. Dans la liste des signataires, il vient en deuxième place,
tandis que Jean de Nicomédie vient en cinquième position ; voir L. Petit, Acte synodal
du patriarche Nicéphore II sur les privilèges du métropolitain de Trébizonde (1er janvier
1260), IRAIK 8, 1903, p. 16945; Laurent, Regestes, n° 1351. Sur les titulaires de la
métropole d'Héraclée, voir Κ. Ε. Kourilas, Βιογραφικός κατάλογος μητροπολιτών
Ηράκλειας, Θρακικά 28, 1958, ρ. 46-47.
55. Cette variante supprime la difficulté que présente la leçon de l'édition de P. Pous-
sines et dispense de faire toute hypothèse supplémentaire sur des liens éventuels entre
le monastère de Saint-Diomède et le diocèse d'Héraclée (R. Janin, op. cit., p. 89).
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 151

néanmoins en Bithynie, et sans doute non loin du monastère de Paschasios,


qui se trouvait sur le Drakôn près du golfe de Nicomédie et où Arsène
se rendit d'abord après son départ de Nicée56. De toute manière, il est
exclu que le monastère se soit trouvé sur le diocèse d'Héraclée, avant la
reprise de la capitale en 1261. On ne voit pas dès lors quel lien il est possible
d'établir entre ce monastère et le métropolite qui dirige la délégation.
Il faut conclure que Jean de Nicomédie dirigeait la délégation, dont
Nicétas d'Héraclée faisait également partie57. Pourquoi Β — ou plutôt
le modèle commun de AB — a-t-il corrigé le texte? L'explication est
simple : comme Pachymère place à la tête des délégués Jean de Nicomédie
et fait ensuite dicter par le métropolite d'Héraclée la lettre de démission
d'Arsène, B, ne comprenant pas cette dualité, la résout au profit du second
personnage. Il obéirait à un souci de concordisme et fournirait ainsi une
fois de plus une lectio facilior. Il convient d'ajouter que le correcteur, en
donnant le nom du métropolite d'Héraclée, se montre bien informé.
Remarquons, pour finir, que les arguments avancés par P. Poussines
pour justifier la leçon de Β sont réduits à néant par l'analyse de la tradition
manuscrite de l'Histoire. Pour départager en la circonstance les manuscrits
Β et C, l'éditeur fait appel à l'arbitrage de V : suffragio Vaticani lis
dirempta est58. Mais, comme on le verra plus loin, V ne peut arbitrer le
débat, car il appartient à la même tradition que B.
— p. 1251"2 xbv Ίατρόπουλον Δημήτριον καΐ λογοθέτην τότε των αγελών
AB ... των οίκειακών C edd.
La notation se rapporte à l'expédition de Michel VIII contre Galata en
juillet 1260. Suivant le schéma probable de la tradition manuscrite, exposée
plus haut, on supposera que C fournit la version originale, mais on ne
peut dire pour autant si l'allégation de C est juste ou fausse, car les données
extérieures ne permettent pas d'en décider. On sait que Dèmètrios Iatro-
poulos fut bien logothète des biens privés : il est signalé dans cette dignité
en 1275 et en 128259. En 1259, Hagiothéodôritès, le logothète des troupeaux,

56. Pachymère : Bonn, I, p. 11215 ; sur ce monastère, voir R. Janin, op. cit., p. 118.
57. Il est d'ailleurs naturel que la délégation soit composée de plusieurs métropolites.
On peut citer, à titre d'exemple, la délégation qui fut envoyée en 1353, dans des circons
tances strictement identiques, au patriarche Calliste, pour l'amener à démissionner :
voir A. Failler, La déposition du patriarche Calliste Ier (1353), REB 31, 1973, p. 39252.
De même, les sommations à comparaître adressées à un évêque mis en accusation
devaient lui être portées par deux de ses pairs, conformément au canon 74 des Apôtres
(G. A. RhallèS-M. Potlès, Σύνταγμα των θείων και Ιερών κανόνων, II, Athènes 1852,
ρ. 942).
58. Bonn, Ι, ρ. 638.
59. R. GuiLLAND, Les logothètes, REB 29, 1971, p. 100.
152 A. FAILLER

est promu logothète des biens privés60 ; on ne s'attendrait donc pas à lui
trouver un successeur dans cette fonction dès l'année suivante, mais on ne
peut pas non plus l'exclure absolument, car il n'existe pas de mention
d'Hagiothéodôritès postérieure à l'année 1259. Seules d'autres sources
permettraient d'arriver à une conclusion certaine. On se contentera de
suivre C, comme l'a fait l'éditeur, qui ne mentionne d'ailleurs pas l'existence
de la double leçon.
— p. 12610"11 'Εφέσου τδν 'Ισαάκ... εκ της κατά την δύσιν του Ξηρο-
ποτάμου μονής ABC (C in mg.) Σμύρνης τον 'Ισαάκ... εκ της κατά τήν
δύσιν του Μεσοποτάμου μονής C Σμύρνης τον 'Ισαάκ... εκ τής κατά τήν
δύσιν Ξηροποτάμου μονής edd.
On peut tout d'abord exclure la leçon adoptée par l'éditeur, qui opère un
panachage entre les leçons de AB et de C, sans apporter aucune justification
à ce choix dans ses notes61. Remarquons aussi que, au vu de la tradition
manuscrite, C acquiert un préjugé favorable et que la localisation «en
Occident» convient excellemment à un monastère épirote et moins bien
à un monastère de l'Athos.
Il s'agit dans ce passage de la nomination d'un moine à l'épiscopat :
promotion d'Isaac d'Ephèse, moine de Xèropotamou, selon les manuscrits
AB et la correction marginale de C, qui est due au copiste lui-même;
promotion d'Isaac de Smyrne, moine de Mésopotamon, d'après le texte
du manuscrit C. Ce passage éclaire d'une manière nouvelle la tradition
manuscrite : l'archétype commun devait se présenter comme C, avec la
correction marginale ; celle-ci passe ensuite dans le texte, comme dans les
manuscrits A et B. L'antériorité du texte de C apparaît ainsi clairement,
mais reste le problème de la correction : qui en est l'auteur, l'historien
lui-même ou un lecteur, et quand fut-elle insérée ? En effet l'autorité et la
valeur de la nouvelle leçon dépendent de la réponse à ces questions. On
essaiera de proposer une solution après avoir examiné les principales
divergences entre les deux traditions.
La promotion en question se situe sans doute au début de l'année 1261,
peu avant la mort du patriarche Nicéphore62. Le siège de Smyrne pouvait
être effectivement vacant, car le titulaire attesté l'année précédente, Kalo-

60. Pachymère : Bonn, I, p. 5315, 1092122 ; R. Guilland, art. cit., p. 74, 100.
61. L'éditeur n'a pas vu que les deux leçons présentent deux personnages différents,
originaires de deux monastères distincts ; sa version est retenue par V. Laurent, Regestes,
n° 1352.
62. Pour les dates du patriarcat de Nicéphore II, voir V. Laurent, La chronologie
des patriarches de Constantinople au xme siècle (1208-1309), REB 27, 1969, p. 140-142.
Voir aussi ci-dessous, p. 174.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 153

phéros, avait démissionné, par solidarité avec le patriarche Arsène63.


Le métropolite Isaac de Smyme s'identifie peut-être bien à Isaac Méso-
potamitès, connu comme possesseur de deux manuscrits64. Mais on peut
se demander si, nommé par Nicéphore mourant, il a été vraiment
ordonné et a jamais occupé son siège, car Arsène devait revenir au
patriarcat peu de mois plus tard. On n'a d'ailleurs pas de données précises
sur les titulaires éventuels de ce siège entre 1260 (Kalophéros) et 1271
(année où fut nommé Jean Phôkas)65. Quant au siège d'Ephèse, il pouvait
être également vacant depuis la nomination de Nicéphore, l'ancien titulaire,
au patriarcat en 1260. On ne connaît pas non plus la date de la promotion
ou de la consécration d'Isaac d'Ephèse66 ; il est attesté avec certitude de
1278 à 1283 et connu comme adversaire déterminé de la politique unioniste
de Jean Bekkos67.
Tels sont les éléments qu'on peut rassembler sur les deux sièges. D'une
manière générale, on peut créditer C d'une plus grande fidélité à l'original,
et le processus de l'introduction des nouvelles leçons dans la tradition AB
renforce cette conviction. Il est possible qu'un lecteur ait introduit, à la
place d'un métropolite sans renom qui n'a peut-être jamais occupé son
siège, un personnage dont la notoriété, due à son combat pour l'orthodoxie,
a permis de conserver le souvenir dans les décennies suivantes. L'homo
nymie des deux métropolites a pu jouer aussi un rôle68. Comme le correcteur
semble bien informé, il est probable qu'Isaac d'Ephèse ait été effectivement
originaire du monastère de Xèropotamou et ait été promu vers cette date.
— p. 12720 Ευλογία:...] προεχούση κατά γένος AB καλώς έχούση του
ήθους C edd.

63. Pachymère: Bonn, I, p. 118810.


64. A. M. Bandini, Catalogus codicum graecorum Bibliothecae Laurentianae, II, Flo
rence 1768, p. 517; N. A. BÉÈS, Κώδιξ Μεσοποταμίτου, BNJ 21, 1971-1976, p. 7-52
(supplément à la fin du volume).
65. Voir Hélène Ahrweiler, L'histoire et la géographie de la région de Smyme entre
les deux occupations turques (1081-1317), particulièrement au xme siècle, TM 1, 1965,
p. 105-106.
66. Son sceau a été conservé : V. Laurent, Corpus des sceaux, V/l, Paris 1963, p.
183-184 n° 262.
67. Pachymère : Bonn, I, p. 451-452, 459, 479-480, 483. Si cette correction de AB
est due à un lecteur bien informé, comme le laisse croire une correction précédente (voir
ci-dessus, p. 150 et note 54), il faut en déduire qu'Isaac d'Ephèse était en place bien
avant 1278, et déjà aux environs de 1260; il serait alors à identifier avec le métropolite
d'Ephèse mentionné en 1274 (Mansi, XXIV, 74s).
68. Il est d'ailleurs curieux de voir un lecteur de l'édition de P. Poussines, qui y trouve
mention d'Isaac de Smyrne, originaire de Xèropotamou, se demander s'il ne s'agit pas
en fait d'Isaac d'Ephèse ('Εκκλησιαστική αλήθεια 32, 1912, p. 155-156).
154 A. FAILLER

Les deux leçons s'insèrent bien dans le contexte ; la première, qui présente
Eulogie comme l'aînée de Michel VIII69, fournit une donnée plus précise
que la seconde, mais le choix ne peut se faire qu'en vertu de critères plus
généraux issus de la tradition manuscrite de l'Histoire.
— p. 1922 των] περί τον Έξώτροχον [εξυπηρετουμένων om. AB edd.
Omis par AB et l'éditeur, ce passage de C livre le nom du chef des bourreaux
qui furent chargés d'aveugler le jeune Jean IV Laskaris. Le patronyme est
répandu dès le 12e siècle, mais on ne connaît pas d'autre mention d'un
Exôtrochos sous le règne de Michel VIII Paléologue70.
— p. 1929 φέροντες] εκ Χηλής om. AB edd.
L'éditeur a également omis ce passage, dont l'authenticité ne peut cependant
faire de doute. Michel VIII fit donc enfermer le jeune Jean IV Laskaris
dans une forteresse sur la mer Noire71. Pachymère signale qu'en 1259,
après son couronnement, Michel VIII plaça Jean IV sous bonne garde à
Magnésie72, mais il ne dit pas où résida le jeune basileus par la suite,
précisant néanmoins qu'il n'entra pas avec Michel VIII dans Constant
inopleen août 1261 73. On ignore donc à quelle date il fut envoyé à Chèlè.
L'historien mentionne et décrit plus loin cette forteresse, où le patriarche
Joseph fut exilé après l'Union de Lyon74.
— p. 19210 et 30712 των Νικητιάτων AB της Δακιβύζης C τών Νικη-
τιάτων της Δακφύζης edd.
ρ. 19815 τών Νικητιάτων AB edd. της Δακφύζης C
II faut y ajouter une quatrième mention, qui se trouve dans la deuxième
partie de l'Histoire (Bonn, II, p. 10317) : τών Νικητιάτων scr. et της
Δακκιβύζης (-είζης A) suprascr. AC τών Νικητιάτων της Δακκιβύζης
(Δακιβ- edd.) Β edd. Il s'agit de la forteresse où fut enfermé Jean IV
Laskaris, une fois aveuglé par ordre de Michel VIII Paléologue (25 décembre
1261).

69. A. Th. Papadopulos, Versuch einer Genealogie der Palaiologen (1259-1453),


Speyer 1938, p. 18-19 n° 29.
70. Un familier d'Andronic II, décédé en 1329, portait ce nom (Cantacuzène : Bonn,
III, index s.v.), et un officier impérial de ce nom est signalé en 1352 (Darrouzès, Regestes,
n° 2337).
71. En dépit des controverses passées, la localisation de cette forteresse ne peut être
mise en doute : Chèlè se trouvait à une trentaine de kilomètres à l'ouest de l'embouchure
du Sangarios ; cf. W. M. Ramsay, The Historical Geography of Asia Minor, Londres
1890, p. 191.
72. Pachymère : Bonn, I, p. 9817 ; Grégoras : Bonn, I, p. 8015.
73. Pachymère : Bonn, I, p. 16710.
74. Ibidem, p. 4191, 4752.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 155

II faut tout d'abord éliminer la leçon adoptée par P. Poussines et inspirée


par le manuscrit B, qui accole les deux noms dans le quatrième passage cité.
Après avoir remarqué que Pachymère semble confondre Nikètiata et
Dakibyzè, que distinguent au contraire Georges Acropolite et Jean Canta-
cuzène75, l'éditeur émet une étrange hypothèse : les deux forteresses
portaient peut-être toutes deux le nom de Nikètiaton, et l'une était distinguée
par l'adjonction du second nom Dakibyzè ; cela justifierait le pluriel Nikèt
iata, là où les deux historiens précédemment cités emploient le singulier
Nikètiaton76. Si l'on comprend bien, P. Poussines retient que Jean IV
était enfermé dans l'un des forts appelés Nikètiata, celui de Dakibyzè.
Il arrive ainsi à expliquer et à supprimer les divergences apparentes entre
AB et C.
L'examen de la tradition manuscrite impose de tout autres conclusions.
Dans le dernier passage cité, les leçons des trois témoins concordent : on
peut déduire que l'archétype portait le mot Nikètiata, avec Dakibyzè écrit
au-dessus de la ligne ; là seulement Β a accolé les deux noms, et l'éditeur
a étendu cette forme à deux autres passages, oubliant, semble-t-il, par
distraction, d'en uniformiser l'usage et de l'étendre au troisième passage,
où il adopte la leçon des manuscrits AB. Le copiste de l'archétype ou un
lecteur postérieur a voulu corriger Nikètiata en Dakibyzè, car le mot écrit
au-dessus de la ligne doit être entendu non comme une addition, mais bien
comme une correction. On est tenté d'y voir une correction postérieure,
car C, le plus fidèle des témoins, écrit ailleurs Dakibyzè, avec une
orthographe plus correcte, alors qu'on trouve ici Dakkibeizè (A) et
Dakkibyzè (BC).
La solution la plus simple est de retenir dans les trois premiers cas la
leçon Dakibyzè de C, le modèle de AB ayant corrigé d'après la suite du

75. Acropolite : A. Heisenberg, p. 59510; Cantacuzène : Bonn, I, p. 36022"23.


On trouvera l'ensemble des références aux chroniqueurs byzantins dans l'article Dakibyzè
de la RE 4b, 1901, col. 2017 (Ruge). Dakibyzè est identifiée à l'actuelle Gebze, au nord-
ouest du golfe de Nicomédie ; cf. W. M. Ramsay, op. cit., p. 184. Le passage d 'Acro
polite laisse supposer que les deux forteresses se trouvaient près de la côte et que Nikè
tiaton était situé au nord-ouest de Dakibyzè.
76. Bonn, I, p. 646. Il est vrai que L. Allacci avait mis son successeur sur la mauvaise
voie : pour le premier passage cité (Bonn, I, p. 19210), il adopta la leçon de AB, et pour
le dernier (II, p. 10317) celle de B, que retient également P. Poussines, malgré l'apparence
suspecte de la construction : προσβάλλει τη (sic) των Νικητιάτων, της Δακκιβύζης
φρουρίω ; pour les passages édités par L. Allacci, voir son ouvrage : Georgii Acropoli-
tae magni logothetae Historia, Ioelis Chronographia compendiaria et loannis Canani
Narratio de Bello CP., Paris 1651, p. 264. L'hypothèse de P. Poussines sur les deux
Nikètiata est acceptée, sans l'ombre d'une hésitation, par W. M. Ramsay, op. cit., p.
184.
156 A. FAILLER

texte ou d'après la réalité, si l'on admettait que l'historien se fût trompé.


L'emplacement des deux forteresses est trop mal connu pour qu'on puisse
en tirer argument; la seule indication donnée par Pachymère, selon qui
la forteresse se trouvait « près de la mer », peut en effet s'appliquer à l'une
comme à l'autre.
Mais comment concilier dès lors les trois premiers passages avec le
quatrième? Jean IV a pu être transféré dans l'intervalle de Dakibyzè à
Nikètiata. Lorsque Michel VIII est absous, le 2 février 1267, de l'excom
munication qu'il avait précisément encourue pour avoir fait aveugler le
jeune prince, celui-ci réside encore à Dakibyzè77 ; mais lorsqu'Andronic II
lui rend visite en 1285, il se trouve à Nikètiata78. Se souvenant d'avoir lu
Dakibyzè auparavant, un copiste ou un lecteur a pu corriger Nikètiata
en Dakibyzè dans le quatrième passage, comme en sens inverse ce Nikètiata
du livre VII a pu provoquer la correction de Dakibyzè en Nikètiata dans
la tradition AB. En l'absence de tout témoignage extérieur sur le lieu de
détention de Jean IV, on se gardera de toute affirmation péremptoire.
Mais la conclusion la plus naturelle est la suivante : l'archétype portait
Dakibyzè dans les trois premiers passages, Nikètiata dans le quatrième,
avec le mot Dakibyzè porté plus tard en surcharge.
— p. 34918 Tpivoßov AB Τέρνοβον C edd.
mêmes formes p. 4306, 4405, 4664
p. 43612 Πρινοβιώτας Α Τρινοβιώτας Β Τερνοβίτας C edd.
mêmes formes p. 44617
p. 4478 Πρινόβου Α Τρινόβου Β Τερνόβου C edd.
p. 4665 Τρινοβιώταις (-ας A) AB Τερνοβίταις C edd.
Toutes ces formes existent. On retiendra la leçon de C, pour les raisons
déjà maintes fois exprimées. On remarque que dans la deuxième partie de
l'Histoire, où ce nom apparaît d'ailleurs plus rarement (Bonn, II, p. 2657,
2662, 44718), les trois témoins s'accordent sur la leçon de C, alors que le
modèle de AB ne fournit jamais cette leçon dans la première partie. Ce
fait est important pour l'établissement du texte : sans doute l'archétype
portait-il la leçon de C, que le modèle de AB a modifiée dans la seule
première partie de l'œuvre. Il faut ajouter en effet que, si Pachymère varie
à souhait les formes des noms et des verbes et en fait un procédé de style
et de composition, les noms propres par contre, autant qu'on peut le vérifier,
présentent une forme invariable et constante.

77. Pachymère : Bonn, I, p. 30712.


78. Idem : Bonn, Π, p. 103".
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 157

— p. 4211"2 μείζω φορτίδα στρογγυλή ν των βαρυφορτηγουσών AB edd.


μακράς ναυς κατά τίνα ληστρικήν πεΐραν ταχυναυτουντες C
p. 42111""15 τοις εκείθεν έφοδίοις την φορταγωγοΰσαν (post corr. B)
ένσκευασάμενοι ναΰν, ούκ ολίγον μέρος του φόρτου και τήν στυπτηρίαν
εϊχον AB τα πολλά έπί χρόνον πειρατεύοντες διετέλουν ύστερον και
φορταγωγοΰσαν ληισάμενοι ναυν, ούκ ολίγον μέρος του φόρτου καΐ στυπτηρ
ίαν έχουσαν, εν ταύτη τα πάντα νηισάμενοι (ένσκευασάμενοι Poss.
νηησάμενοι Bekk.) κατ* άσφάλειαν θαρρούντως (-ουντες edd.) κατέπλεον C
edd.
A cause de la longueur du texte concerné et de la différence de logique
qu'implique chacune des deux versions, c'est la variante la plus importante
de la première partie de l'Histoire ; s'il en était encore besoin, elle donnerait
une nouvelle clef des divergences entre les deux traditions. Les deux versions
AB et C sont inconciliables. Présentons d'abord le contexte (livre V, 30).
Après avoir signalé que, grâce aux faveurs de Michel VIII Paléologue, les
Génois contrôlaient le commerce maritime dans les environs de Constant
inople79, aux dépens de l'empire byzantin lui-même, Pachymère nous
informe des privilèges qu'avait obtenus de l'empereur un noble génois,
appelé Manuel, qui exploitait les mines d'alun de Phocée, près de Smyrne80 :
l'empereur lui accorda le monopole de l'exploitation de l'alun, si bien qu'on
suspendit les droits de ceux qui extrayaient le même métal au sud de la
mer Noire. Mais certains Génois n'acceptèrent pas cette mesure et créèrent
vers 1275 un grave incident, dont on se contentera de relever les éléments
sur lesquels AB et C présentent des versions différentes. Selon C, les Génois
qui contestaient le monopole de leur compatriote construisent des bateaux
longs81, pénètrent en mer Noire, se livrent à la piraterie, pour laquelle
ce genre de navire convenait, puis ils capturent un cargo chargé d'alun, y
transbordent le produit de leur piraterie et naviguent vers le Bosphore.
La leçon de AB élimine plusieurs éléments (bateaux longs, piraterie, capture
d'un cargo) : les Génois jaloux de Manuel construisent eux-mêmes un

79. Ces avantages furent acquis par la ville de Gênes à la veille de la reprise de Const
antinople par les Grecs, et les privilèges furent scellés par le traité de Nymphaion
(13 mars 1261) ; cf. Dölger, Regesten2, n° 1890.
80. Pachymère (Bonn, I, p. 420e) cite un seul personnage : Manuel, fils de Zacharie ;
en fait, le monopole de l'exploitation de l'alun à Phocée fut concédé aux deux frères
Zaccaria, Benedetto, l'aîné, et Manuele; cf. R. Lopez, Genova marinara nel duecento.
Benedetto Zaccaria, ammiraglio e mercante, Messine-Milan [1933], spécialement p. 12-13.
81. Plus rapides que les «bateaux ronds» ou cargos, les «bateaux longs» servaient
pour la guerre ou la piraterie; sur la terminologie, voir Hélène Ahrweiler, Byzance
et la mer, Paris 1966, p. 414-415.
158 A. FAILLER

cargo ou bateau rond, plus grand que tous les autres, pénètrent en mer
Noire et chargent dans leur cargo des produits de la région, de l'alun en
particulier, et naviguent vers le Bosphore.
Il faut admettre que le texte de C ne donne pas entière satisfaction, car
certains points restent obscurs : identité du propriétaire du cargo capturé,
sort final du cargo confisqué par les Grecs et remisé au Néôrion, ainsi que
des bateaux longs sur lesquels les Génois ont pénétré en mer Noire. Malgré
cela, il faut voir en C le texte original. A cause des omissions qu'on vient
de relever, un copiste s'est efforcé de rendre le passage plus clair en suppri
mant certains éléments. La correction commence à la ligne 1 : le cargo
capturé, dont le texte n'indique ni le propriétaire ni la provenance, devient
la propriété des Génois opposés à Manuel, et la mention des bateaux longs
disparaît. Poursuivant sa reconstruction du texte, le modèle de AB ne
signale plus la piraterie exercée par les Génois : ceux-ci ne s'emploient
pas à écumer les mers, mais ils chargent dans leur navire des produits du
lieu, de l'alun en particulier ; il s'agirait alors de l'alun extrait au sud de
la mer Noire, en infraction aux règlements, puisque ces mines furent
fermées au moment où Manuel acquit le monopole du commerce de l'alun
au profit des mines de Phocée; une contradiction subsiste cependant : la
nouvelle version retient que les Génois, poussés par le vent du sud, jettent
l'ancre dans les ports septentrionaux de la mer Noire (p. 421 10~11), alors
que les mines d'alun se trouvent au sud du Pont-Euxin, près de Kolôneia.
Après cela, les Génois descendent vers Constantinople, sans avoir capturé
de cargo, puisqu'ils naviguent sur le leur. Si l'on conçoit parfaitement
le passage de la version C à la tradition AB, d'un texte complexe et
parfois obscur à un récit plus court et plus clair, on ne peut par contre
comprendre la transformation inverse. Malgré un ton elliptique par en
droits, le texte de C peut d'ailleurs s'expliquer : le cargo capturé appart
enait probablement à la flotte de Manuel, transportait de l'alun extrait
à Phocée, et non au sud de la mer Noire, et naviguait vers les ports de
la mer Noire.
Quant à l'éditeur, il n'a pas perçu que chacune des deux versions implique
une logique différente et contradictoire du récit. Pour le premier passage,
il adopte la leçon de AB, pour le second le texte de C. On obtient ainsi
un troisième récit : les Génois opposés à Manuel construisent eux-mêmes
un gros cargo (AB), s'adonnent à la piraterie et arraisonnent un second
cargo, qui transporte de l'alun et dans lequel ils transbordent les produits
de leur piraterie (C). P. Poussines introduit dans le deuxième passage un
participe tiré de la version AB (« ayant équipé ») ; le texte devient alors
proprement inintelligible, car le régime de ce verbe ne peut être les marchait-
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 159

dises, mais le navire. I. Bekker a eu raison de rétablir le participe de C


(νηησάμενοι) ; il n'a pas consulté pour autant les manuscrits, mais s'est
inspiré de la curieuse note du premier éditeur82 : Voce m ένσκευασάμενοι
ex margine in contextu intuli, expuncto νηϊσάμενοι, verbo nihili. Là encore
P. Poussines interprète mal ces notes marginales, qui n'ont rien à voir
avec le manuscrit, mais sont simplement les variantes de B, portées sur C
par les soins de L. Allacci.
L'incident est également rapporté par Nicéphore Grégoras83, qui
rapproche deux péripéties similaires (meurtre d'un Grec par un Génois,
expédition de piraterie des Génois) comme son prédécesseur, mais dans
l'ordre inverse. Le récit est plus court et plus superficiel, et l'historien
semble s'inspirer d'une autre source; cependant son texte concorde avec
celui de C en ce qui concerne les éléments du récit qui diffèrent en AB et C.
Le texte de Nicéphore Grégoras présente ainsi les points controversés :
les Génois pénètrent en mer Noire avec deux trières84, s'adonnent à la
piraterie, chargent leurs prises sur un grand navire85, sans que soient
précisées la nature de ce bateau et la manière dont ils l'acquièrent, et
descendent vers Constantinople. Dans sa brièveté, ce témoignage extérieur
appuie donc la version de C au détriment de la tradition AB. Il ne semble
pas qu'on ait clairement perçu la contradiction qui existe entre le récit de
Nicéphore Grégoras et la relation de Georges Pachymère telle qu'elle
était transmise dans l'édition de P. Poussines86.
— p. 44720 σύν υίφ Όσφεντισθλάβω om. AB
Contenu dans le seul manuscrit C, ce passage fait indubitablement partie
du texte original et concorde avec la suite du récit (livre VII, 27).
— p. 4778 του του Μαρώνειας Κωνσταντίνου AB του Μαρώνειας Νικήτα
C edd.
C'est ici que l'erreur de AB est la plus incontestable : il s'agit bien sûr
de Nicétas, neveu du métropolite de Marôneia87 ; mais C, suivi à tort
par l'éditeur sur ce point, omet de redoubler l'article au génitif.

82. Bonn, I, p. 679.


83. Grégoras : Bonn, I, p. 13414-13622.
84. Telle est la leçon de l'édition de Bonn (p. 13415); mais, d'après la traduction
de J. L. Van Dieten (Nikephoros Grégoras, Rhomäische Geschichte. Historia Rho-
maïke, Stuttgart 1973, p. 132), le texte doit être amendé, puisqu'il en donne la traduction
suivante : einige aus ihrem Volk rüsteten zwei oder drei Trieren aus.
85. Bonn, I, p. 1357 : εις μεγίστην έμβιβάζουσιν όλκάδα.
86. Voir, à titre d'exemple, R. Lopez, op. cit., p. 35.
87. Connu pour ses écrits juridiques et théologiques, Nicétas de Marôneia fut métrop
olite de Thessalonique au 12e siècle.
160 A. PAILLER

— p. 4991 τφ καΐ Τορνίκη Α και τφ Τορνίκη Β τφ καΐ Τορνικίω C


και τφ γαμβρφ Τορνικίου edd.
Ailleurs, s 'agissant de la famille des Tornikioi ou du sébastokratôr Const
antin Tornikios, la forme est constante dans les trois manuscrits ; de plus,
pour le cas présent, le pinax des chapitres (transmis par le seul manuscrit b
pour ce passage88) porte également la leçon Tornikios. La version et la
graphie de C sont aussi corroborées par un second passage (Bonn, II,
p. 271 13~14) : 6 εκείνου υποστράτηγος Κοτανίτζης ό και Τορνίκιος. Dans
ce passage, les trois témoins s'accordent sur la graphie Tornikios, mais B,
suivi par l'éditeur, introduit la même transposition et distingue ainsi une
fois de plus Tornikios de Kotanitzès. Quant à faire de Kotanitzès le
gambros de Tornikios, c'est une pure invention de P. Poussines, qui ne
s'en explique d'ailleurs pas dans ses notes.
L'interversion opérée par B seul et retenue par l'éditeur dans les deux
passages cités a pour résultat de dédoubler le personnage89 et d'altérer
le sens de la phrase. Voici la traduction du premier passage cité : « Kotan
itzès, qui était aussi un Tornikios, considérant le danger suspendu sur
sa tête... » Si l'on suit au contraire la version B, on obtient un autre sens :
« Kotanitzès, considérant le danger suspendu sur la tête de Tornikios... »
On a trop souvent relevé plus haut ces procédés simplificateurs de B face
à des formules apparemment complexes, mais strictement correctes, pour
qu'il soit nécessaire d'y insister à nouveau.
— p. 49910 μαθόντες έγνώκειμεν AB έσαΰθις έροΰμεν C edd.
La divergence ne porte guère à conséquence. Il semble que le modèle de
AB ait encore ici corrigé l'archétype, qui est suivi par C. Quelle raison
a pu l'y pousser ? On peut conjecturer que le modèle de AB, ne rencontrant
pas la suite des aventures de Kotanitzès qui est annoncée ici, mais qui
se trouve beaucoup plus loin dans la deuxième partie de l'Histoire (livres
VII, 24-25 ; IX, 30-31 ; X, 3-4, 8 ; XIII, 24), a conclu à une erreur de
l'original et l'a modifié en conséquence.
En résumé, certaines des leçons de AB sont assurément fausses, alors que
nulle part il n'est possible d'affirmer avec certitude que C se trompe. On
résoudra en conséquence les cas contestables, en se fiant de préférence
au texte de C. Néanmoins, si les variantes de AB ne sont pas dues à Georges
Pachymère lui-même dans leur ensemble, elles émanent d'un lecteur bien
informé et ne sont donc pas dénuées d'intérêt.

88. Voir ci-dessous, p. 205-206.


89. Il faut rectifier en conséquence la notice consacrée à ce personnage par Gudrun
Schmalzbauer, Die Tornikioi in der Palaiologenzeit, JÖBG 18, 1969, p. 13.
la tradition manuscrite de l'histoire de georges pachymère 161

3. Les manuscrits-sources et l'archétype


Tels sont les apparentements entre les manuscrits-sources : d'un côté
le groupe AC opposé à B, qui présente dans ces cas des variantes moins
bonnes et des lectiones fadliores ; d'un autre côté le groupe AB opposé
à C, qui présente un texte meilleur et plus proche de l'original. Le troisième
apparentement possible, BC, est inexistant ; lorsque A s'éloigne des leçons
communes de Β et C, ses leçons sont à peu près constamment aberrantes ;
lorsque par exception il fournit une bonne leçon, l'erreur commune de Β
et de C doit remonter à l'archétype.
Comme C est plus proche de l'original, il faut supposer d'une part
que le modèle commun de AB n'est pas l'archétype lui-même, mais une
copie, qui est responsable des divergences et présente un texte corrompu
par endroits; cette copie qui est la source de AB fournit un texte plus
corrompu que C. Mais comme C n'est pas antérieur aux manuscrits A
et B, il convient de placer d'autre part une copie intermédiaire entre
l'archétype et C, copie antérieure au modèle commun de AB, puisqu'elle
accède à un archétype en meilleur état. A partir de là, on peut établir le
stemma au niveau des manuscrits-sources90. Il va sans dire que cette
reconstitution enregistre les étapes nécessaires de la transmission du texte,
mais reste hypothétique et n'exclut pas un schéma plus complexe et un
nombre supérieur de copies intermédiaires entre l'archétype et les trois
manuscrits-sources.
C conserve, semble-t-il, les traces de la copie intermédiaire entre lui-
même et l'archétype. Parmi les nombreuses notes marginales qu'il contient,
ce manuscrit en livre une qui présente de l'intérêt à beaucoup d'égards ;
mais on la considérera ici sur le seul plan de la chronologie. Voici le contenu
de cette note (f. 52*), éditée par P. Poussines91 : un lecteur de l'Histoire
note qu'il a été témoin de la comète de 1264 et il marque son désaccord
avec la description qu'en donne l'historien. Sa note est antérieure à 1360
(date approximative de la copie C), car à cette époque cet homme aurait
dépassé de loin les cent ans. Elle est sans doute étrangère à l'archétype
d'autre part, car on ne la trouve pas dans A, qui reproduit habituellement
les mêmes notes marginales que C, tandis que B les omet presque conti
nuellement. Cette note marginale proviendrait donc de la copie interméd
iaire qui sépare C de l'archétype.
On peut relever aussi quelques-unes des caractéristiques du modèle

90. Voir ci-dessous, p. 197.


91. Bonn, I, p. 648.

U
162 A. FAILLER

commun de AB. On a déjà pu conjecturer plus haut l'état dans lequel il


se trouvait à cause des lacunes rencontrées par lui dans l'archétype92.
D'autres passages en témoignent : lorsque A et Β présentent des leçons
différentes, mais également erronées, c'est que les deux copistes ont résolu
à leur manière les difficultés et les lacunes de leur modèle commun. Voici
quelques exemples.
p. 1288 μελωδία C : μέλω δια Α μέλει δια Β edd.
p. 1608 εκ C edd. : έπί Α άπδ Β
ρ. 2146 ήδει C edd. : ήδη A ante corr. B
ρ. 2269 και τον πατριάρχην λυπήσειν C : και πλέον δύναιτο λυπήσειν Α
ει καΐ πλέον δύναιτο λυπήσειν Β ει και τον πατριάρχην πλέον δύναιτο
λυπήσειν edd.
ρ. 2641 τας σφών εκκλησίας C : σφών εκκλησιών Α σφών εκκλησίας Β
Poss. σφάς εκκλησιών Bekk.
ρ. 47714 ταΐς επί ταΐς γραφαΐς όρμαΐς C : ταΐς γραφαΐς όρμαΐς Α ταϊς
γραφαΐς ορμών Β edd.
ρ. 5209 δοκεΐν C edd. : δείκειν A om. Β93
Ce tableau est éloquent par lui-même. Il semble que A transcrive fidèl
ement le modèle, tandis que B, copie plus critique, corrige le texte, comme
le montre chacun de ces exemples. On commentera seulement le quatrième
passage. La leçon de P. Poussines, fidèlement reprise par I. Bekker, doit
être rejetée : c'est un amalgame inintelligible de Β et de C, qui montre
bien comment l'éditeur établit son texte; trouvant en marge de Β les
variantes de C et en marge de C celles de B, il met les deux leçons bout à
bout, sans s'apercevoir qu'elles s'excluent mutuellement et qu'il s'agit là
d'une collation des deux manuscrits, opérée peu d'années plus tôt par
L. Allacci et ses collaborateurs. La phrase est assez complexe ; seule la
version C est intelligible une fois de plus. Voici la traduction du passage :
« Or, comme l'empereur ne pouvait se venger du patriarche, il imagina
un moyen plus astucieux pour châtier son contempteur et chagriner le
patriarche ou pour paraître capable de se venger encore davantage.»
A doit livrer la leçon du modèle de AB, qui portait πλέον δύναιτο (qui
se trouve en réalité à la ligne suivante à sa place et que ce modèle présentait

92. Ci-dessus, p. 148.


93. Cet exemple doit être rapproché des autres passages lacunaires signalés plus
haut (p. 148-149) ; au lieu de présenter une lacune, le modèle de AB aurait fourni ici
un mot inexistant, que A copie et que Β omet. Remarquons que cet accident de trans
cription s'inscrit dans la série reconstituée plus haut : ce passage est copié en C sur le folio
129.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMERE 163

une première fois en cet endroit et une deuxième fois une ligne plus bas,
à sa place cette fois) au lieu de τδν πατριάρχην. Le copiste plus attentif
et plus critique de Β donne à la phrase un tour grammaticalement correct,
mais celle-ci devient incompréhensible.
D'après le schéma esquissé, A n'apporte pas d'éléments nouveaux par
rapport à BC94, où Β représente déjà cette tradition ; son témoignage est
néanmoins utile, car il représente la première tradition de l'Histoire mieux
que B, dont on a marqué les déficiences et les lacunes. A plus forte raison,
Β ne devrait rien apporter de nouveau par rapport à AC, car la première
tradition est déjà représentée par A dans ce groupe. Le seul apport pourrait
être à l'occasion une correction ponctuelle. Cependant il ne semble pas
qu'il en soit exactement ainsi ; Β présente en effet, en une quinzaine de
cas, des mots ou des membres de phrase qu'on ne trouve ni en A ni en C.
A moins de raisons particulières, ces ajouts doivent être exclus du texte :
on a effectivement cité plus haut deux cas où les mots insérés par Β ne
peuvent être retenus95. Voici un autre exemple où le mot introduit par Β
peut être supprimé aisément :
p. 5299 του βασιλέως μεταλλάξαντος] τδν βίον add. B
L'addition n'est pas indispensable; si l'on se réfère aux autres emplois
que fait l'historien de ce verbe dans le même sens, on le trouve général
ement seul et ainsi attesté par les trois témoins (p. 30211"12, 34217, 3951),
parfois suivi d'un complément d'objet (p. 3522, 52812 : μεταλλάττειν τό
βιουν et τδ ζην). Cependant, en certains cas, des passages transmis par Β
seul sont indispensables au texte, bien que l'omission simultanée de la
part de A et de C ne laisse pas d'étonner ; il est vrai qu'il s'agit ici tt là
d'un phénomène d'homoiotéleuton :
p. 18215"16 μή Ιχειν] οοτε γαρ — άντέχειν [οΰτε om. AC
p. 22619"21 πράττειν,] και ούτω — πράττειν om. AC
On a vu ailleurs que C est coutumier de ce genre d'omissions96. Dans
un troisième cas, l'omission d'un court passage par A et par C semble
avoir la même cause (homoioarkton) :
p. 39211 έν] ίερομονάχοις καΐ άλλως [ίερωμένοις om. AC

94. Α. Heisenberg (op. cit., p. 13) pensait en effet que le manuscrit A, qu'il consi
dérait comme le plus ancien et le meilleur, permettait de corriger les erreurs de l'édition
de P. Poussines. En fait il suffit de lire et de collationner correctement les manuscrits
Β et C pour amender le texte de l'édition. Il est vrai néanmoins que le témoignage de
A est important pour l'établissement de la tradition manuscrite et la recherche de
l'archétype.
95. Ci-dessus, p. 141 (Bonn, I, p. 335e, 3445).
96. Ci-dessus, p. 145.
164 A. FAILLER

Ces exemples ne remettent pas en cause le stemma esquissé plus haut,


que tant d'arguments appuient par ailleurs.

III. La paraphrase de l'Histoire

L'Histoire de Georges Pachymère existe dans une seconde version, dont


les deux caractéristiques principales sont la simplification du style et
l'abrègement du texte. Cette mouture, dans laquelle P. Poussines voyait un
compendium1, a été qualifiée de paraphrase par V. Laurent; cette dernière
appellation, entrée dans l'usage, sera retenue. Il faut néanmoins remarquer
que ce texte constitue sans doute plus qu'un simple compendium, mais
moins qu'une paraphrase véritable : il reprend l'original sur un mode plus
simple, sans y introduire des commentaires ou des développements nou
veaux, mais en l'abrégeant au contraire. L'ajout de quelques courtes
incises, qui ne peuvent constituer un commentaire, tant leur banalité est
manifeste, ne doit pas donner le change : ce sont généralement des phrases
ou des expressions insignifiantes, qui viennent naturellement au bout d'une
plume qui s'abandonne à la facilité des lieux communs. En résumé, plutôt
que d'un compendium ou d'une paraphrase, il s'agit d'une version sim
plifiée et abrégée de l'Histoire.
La paraphrase diffère essentiellement de l'Histoire originale dans la
forme, même si elle en reprend des pans entiers, en y introduisant simple
mentdes modifications morphologiques ou stylistiques ; aussi est-il imposs
ible, et d'ailleurs inutile, de la faire figurer dans l'apparat critique de la
nouvelle édition. Cependant on ne peut la négliger complètement, car d'une
part elle projette épisodiquement quelques lumières sur l'original et d'autre
part l'usage abusif qu'en a fait P. Poussines lui a conféré une place, fût-elle
imméritée, dans l'histoire de l'édition de l'ouvrage. Avant de relever les
caractéristiques essentielles de la paraphrase et d'évaluer sa fidélité à
l'original, il convient de décrire les manuscrits qui l'ont conservée, de les
dater et de les situer au mieux dans le stemma de la tradition manuscrite.

1. Les manuscrits
Deux manuscrits conservent intégralement le texte de la paraphrase ; un
troisième en fournit le commencement, dans une version meilleure et plus

1. Non tam apographum historiae Pachymeris quam compendium, écrit P. Poussines


(Bonn, I, p. x).
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÉRE 165

ancienne. Le meilleur manuscrit complet de la paraphrase qui soit aujour


d'huiconnu est le Vaticanus graecus 1775 (= V), déjà utilisé par P. Pous-
sines, qui entendait par là compléter le texte de Β et de C. Il a été décrit
par V. Laurent2 et par P. Canart3. Il mesure 275 χ 205 mm ; les feuillets
sont ainsi numérotés : p. 1-63, puis folios 64-311 ; il est dû à deux copistes,
qui ont transcrit respectivement les feuillets numérotés 1-143 et 144-311.
Les cahiers sont régulièrement signés, à leur début seulement (angle inférieur
droit) par le premier copiste, au début et à la fin (en bas au milieu) par
le deuxième copiste. La première partie de la paraphrase est transcrite
sous les chiffres 1-1 85V, dans les 20 premiers cahiers : cahiers 1-4, dont les
feuillets sont paginés (p. 1-63, avec le chiffre 41 répété par erreur) ; cahiers
5-19, qui sont foliotés régulièrement (f. 64-183); cahier 20, qui contient,
au folio 185V, la fin du livre VI de la paraphrase et le début du livre VII.
Le texte de la première partie est complet, mais on ne trouve pas au début
du manuscrit le pinax des chapitres signalé dans les manuscrits A et b.
Le papier du manuscrit porte entre autres les filigranes suivants4 : for
geron (Briquet 7558 : 1564-1566), écu coupé (peut-être Briquet 1883-1884 :
1529-1591), cinq croissants (Briquet 5380 : 1562-1565). L'examen des fil
igranes fournit une date approximative pour la copie : deuxième moitié du
16* siècle. Mais on peut dater plus précisément le manuscrit, car son histoire
est connue. Il fut copié au monastère Saint- Jean de Patmos pour le compte
du cardinal Lollino de Belluno; c'est la raison pour laquelle L. Allacci
le désigne sous le nom de codex Loîlianus. G. Mercati a étudié dans le détail
le fonds des manuscrits légués à la Bibliothèque Vaticane par le cardinal
Lollino5. Selon lui, ces copies, qui proviennent de Patmos, furent exécutées
dans les années 80 du 16e siècle ; telle est donc la date où fut copié le Vati
canus graecus 1775, dont le modèle figure sous le n° 47 dans le catalogue des
manuscrits de Patmos dressé vers 1580 et porte le titre suivant6 : Συγγραφ
ικού ίστορίαι Γεωργίου τινός Κωνσταντινοπολίτου μέν το γένος, άνατρα-
φέντος δε εν Νικαία* ιστορούνται δέ αϊ πράξεις των Παλαιολόγων
βασιλέων άχρι 'Ιωάννου του Παλαιολόγου. G. Mercati a également identifié
les deux mains qui le transcrivirent; P. Canart rejette l'attribution de la
première moitié du manuscrit (p. 1 à f. 143) au copiste désigné par G.

2. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 196-203.


3. P. Canart, Codices Vaticani graeci. Codices 1745-1962, Cité du Vatican 1970,
p. 110-111.
4. Ibidem, p. 110.
5. G. Mercati, Per la storia dei manoscritti greci di Genova, di varie badie basiliane
d'italia e di Patmo, Cité du Vatican 1935, p. 117-148 et surtout p. 143-145.
6. Ibidem, p. 131.
166 A. PAILLER

Mercati sous le sigle A, mais tous deux s'accordent à attribuer la copie


de la deuxième moitié (f. 144-311) à Nikètas Mindrinos Pankallos7. L'ori
ginal de la Bibliothèque de Patmos sur lequel fut copié V semble perdu.
L'étude de G. Mercati permet simplement d'affirmer que la paraphrase
est antérieure à 1581-1582, date à laquelle elle se trouve citée dans le cata
logue de Patmos.
On trouve le même texte dans Y Alexandrinus graecus 998, qui est très
proche du manuscrit précédent. C'est le seul manuscrit de l'Histoire de
Pachymère dont n'ait pas parlé V. Laurent dans ses articles, mais il l'a
connu et il possédait en photographie quelques feuillets du début, du
milieu et de la fin de cette copie. Le manuscrit mesure 285x208 mm et
contient 302 folios ; la paraphrase de la première partie de l'Histoire est
copiée sur les folios 1-164. Non daté, le manuscrit remonte à la fin du
16e ou au début du 17e siècle. Il est très proche de V, dont il semble être
une copie directe ; de toute façon, il ne peut être le modèle de V, car il
omet des passages que transcrit V et qui font réellement partie du texte,
puisqu'on les trouve dans les manuscrits-sources ; en conséquence, il ne
peut s'agir non plus du Patmensis perdu, modèle de V. De manière générale,
c'est une copie beaucoup plus négligée que V et bien inférieure en qualité.
On examinera plus bas quelques exemples de ces défauts, ainsi que les
raisons qui permettent d'y voir une copie de V.
Un troisième manuscrit transmet une toute petite partie de la para
phrase : c'est YUrbinatensis graecus 110, f. 1-2. Au début de ce manuscrit,
on trouve un cahier de 4 feuillets, qui est sans lien apparent avec le reste
du volume. Les deux premiers feuillets sont restés blancs et ne sont pas
numérotés; le troisième (f. l'"*) porte les titres de chapitres du premier
livre : il ne s'agit pas de la série des titres du pinax, dont l'existence a été
signalée dans les manuscrits A et b, mais de la série des titres de chapitres
insérés dans le texte par les trois manuscrits-sources9 ; le quatrième feuillet
(f. 2r~v) contient le chapitre 1 et une partie du chapitre 2 du livre I (corre
spondant au texte original de l'édition de Bonn, I, p. 11M411). Dans le
catalogue des Urbinatenses graed, ce manuscrit est daté de la fin du 14 e
ou du début du 15e siècle10. V. Laurent avait émis l'hypothèse que la

7. G. Mercati, op. cit., p. 143; P. Canart, op. cit., p. 110.


8. Th. D. Moschonas, Κατάλογοι της πατριαρχικής βιβλιοθήκης. Ι. Χειρόγραφα,
Alexandrie 1945, p. 95-96.
9. Sur l'existence de cette double série de titres, voir ci-dessous, p. 205-208.
10. C. Stornajolo, Codices Urbinates graeci Bibliothecae Vaticanae, Rome 1895,
p. 169.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 167

copie était due à la plume d'Isidore de Kiev (1385-1463)11, et G. Mercati


a confirmé cette attribution, en précisant que le manuscrit appartient à la
première période d'activité du métropolite12. Il faut donc dater ce manuscrit
des premières décennies du 15e siècle. Sur les premiers feuillets, restés
blancs, on distingue bien le filigrane : lettre R surmontée d'une croix
latine, dont un modèle proche ou peut-être même identique est fourni par
Lichaßev (n° 355 : 1414). Ces feuillets ne sont pas non plus un résidu du
Patmensis deperditus, car l'auteur du catalogue des manuscrits de Patmos
ne connaissait pas l'identité exacte de l'historien, un certain Georges selon
lui13, alors que VUrbinatensis graecus 110 donne avec précision le nom
de l'auteur : Πίναξ του παρόντος βιβλίου δ συνετέθη παρά του Παχυμέρους
Γεωργίου δικαιοφύλακος καΐ πρωτεκδίκου της αγίας του Θεοΰ μεγάλης
εκκλησίας. On peut supposer que l'auteur du catalogue aurait pré
cieusement relevé ce nom dans sa description. Il faut conclure que V,
qui ne possède pas la même disposition des matières, ne dérive pas dire
ctement du présent manuscrit.
Néanmoins les trois manuscrits mentionnés livrent un même texte,
quels que soient les intermédiaires qu'il faille interposer entre eux. Un
bref apparat, pour le court passage conservé par les trois copies (para
phrase du texte original suivant : Bonn, I, p. ΙΙ1-^11), suffira à montrer
leur filiation, ainsi que la dégradation progressive du texte14,
p. Il5 και2 AbCUV om. ν
p. 118-122 ώσπερ πολλάκις συμβαίνει τω βουλομένω γράφειν, άμα τφ
άκοΰσαι καΐ (και om. ν) γράφεσθαι άξιοΰντι, μή τό πιστον της οράσεως
έχοντι (-α Vv) UVv
ρ. 129 ώστε AbCUV ώσπερ ν
p. 1211 ψυχή AbCUV ψυχής ν

11. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 198.


12. G. Mercati, op. cit., p. 144 n. 1. Dans un précédent ouvrage, G. Mercati
(Scritti d'Isidoro il cardinale ruteno e codici a lui appartenuti ehe si conservano nella
Biblioteca Apostolica Vaticana, Rome 1926, p. 94) avait attribué à Isidore de Kiev la
copie des folios 3-13 de ce manuscrit, sans remarquer que les deux premiers étaient
de la même main. L'écriture de ces deux folios est effectivement semblable en tous points
à celle du Vaticanus graecus 914, qui fut copié par Isidore et dont un spécimen est repro
duitdans l'ouvrage cité (planche I. 2).
13. Voir ci-dessus, p. 165.
14. Dans l'apparat qui suit, la leçon de la version originale de l'Histoire sera aussi
donnée, lorsqu'elle est reprise littéralement par la paraphrase. Ici comme dans la suite
de ce chapitre III, la référence se rapporte à l'original édité, que celui-ci soit retransmis
textuellement ou transformé par la paraphrase. En plus des sigles déjà utilisés (AbCV),
on emploiera dans ce bref apparat les sigles U pour VUrbinatensis graecus 110 et ν pour
VAlexandrinus graecus 99.
168 A. FAILLER

p. 1216 ξυμβαν AbC συμβάν U συμβάν Vv


διασυρείη AbC διασυροίη U διασυρείκει, Vv
p. 1218 ρήτορι U ρητόρω Vv
p. 1219 έαν AbCU εάν V έαν ν
ύπούσης AbCU ειπούσης Vv
p. 1220 κρεΐττον AbC κάλλιον UV μάλλον ν
ρ. 1222 ή AbCU om. Vv
p. 1310"11 έπεισφρήσαντος AbCU έπεισφρύσαντος Vv
p. 1311 ύπονοεΐν U ύποπνοεΐν Vv
p. 1410 συμβάντα AbCU συμβάν Vv
Dans sa brièveté, cet apparat est éloquent. On constate que U a souvent
des leçons meilleures que V; il faut donc se garder d'accorder un trop
grand crédit à V, le seul à fournir l'ensemble de la paraphrase à côté de v,
qui lui est directement apparenté et dont les défauts sont plus graves;
encore n'a-t-on pas relevé dans ce troisième manuscrit les multiples erreurs
qui portent simplement sur des variantes orthographiques.
Il existe aussi un résumé très bref de la paraphrase, conservé dans YUrbi-
natensis graecus 8015. Au début de ce manuscrit disparate, quatre feuillets,
qui mesurent 287 χ 202 mm, forment un cahier isolé et contiennent un
résumé de la paraphrase pour le livre I en entier et le livre II en partie
(chapitres 1-5). Chaque chapitre de la paraphrase est réduit à quelques
lignes d'écriture. On ne peut déterminer si le résumé a jamais existé à
l'état complet, mais la présente copie ne semble pas être mutilée, car elle
occupe seulement trois folios, et le quatrième feuillet du cahier est resté
blanc. Ce résumé a été exécuté à partir du texte de la paraphrase, et non
de l'original; il se rattache directement à Y Urbinatensis graecus 110, dont
il reproduit exactement le titre déjà mentionné16, bien que ce titre ne
convienne plus ici, car le pinax des titres annoncé n'a pas été recopié dans
Y Urbinatensis graecus 80. Par ailleurs, les deux manuscrits sont à peu près
contemporains et datent des premières décennies du 15e siècle. Le second
manuscrit porte en filigrane une couronne, dont le tracé semble se rapprocher
des modèles suivants : Briquet 4615-4616 (1393-1405) ou Lichacev 365
(1421). Les autres parties de ce manuscrit appartiennent également à cette
époque17.

15. C. Stornajolo, op. cit., p. 111; V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 203.


16. Ci-dessus, p. 167. D'un manuscrit à l'autre, on observe une seule petite variante :
le copiste du résumé écrit Παχυμέρη au lieu de Παχυμέρους.
17. U Urbinatensis graecus 80 contient en particulier la copie de quelques actes de
la chancellerie patriarcale ; cf. J. Darrouzès, Le registre synodal du patriarcat byzantin
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 169

II s'agit à présent de déterminer sur quel manuscrit de l'Histoire l'auteur


de la paraphrase a composé la nouvelle version. Il n'est pas toujours aisé
de repérer cette source, parce que les passages qui auraient été décisifs
pour cette comparaison sont souvent omis par V ou apparaissent dans une
version tellement différente qu'il s'avère impossible d'y retrouver l'un ou
l'autre des manuscrits-sources ; de plus ceux-ci n'ont pas des divergences
tellement fondamentales que la séparation des deux traditions (AB et C)
apparaisse de prime abord. On retrouve néanmoins dans la paraphrase
des traces incontestables de la tradition AB. C'est ainsi que V s'accorde
avec elle dans les passages où elle diverge le plus nettement de C18 : Nicétas
d'Héraclée, et non Jean de Nicomédie (p. 11313"14); Isaac d'Ephèse
originaire de Xèropotamou, et non Isaac de Smyrne originaire de Méso-
potamon (p. 12610"11); Nikètiata, et non Dakibyzè (p. 19210 etc.). De
même V omet, à l'exemple de AB, certains noms propres fournis par le
seul manuscrit C : Exôtrochos (p. 1922), Chèlè (p. 1929), Osphentisthlabos
(p. 44720). V suit constamment la graphie des noms propres de AB : par
exemple Trinobon, et non Ternobon (p. 349 18 etc.). Citons, pour finir, le pas
sage qui concerne l'expédition en mer Noire des Génois opposés à Manuele
Zaccaria et où V suit manifestement la leçon de AB (p. 421 1~2·11"15) :
Μετά παμμεγεθεστάτης νηός έξέπλεον... Έμπορευσάμενοι γουν τα εικότα
και τό πλεΐον του φόρτου της νηός την στύψιν έπεσκευάσαντο19.
De manière plus précise, la paraphrase se rapproche incontestablement
de B, dont elle fournit certaines leçons spécifiques ; cette correspondance
ne peut être purement fortuite. Voici quelques exemples qui sont tirés
surtout des débuts de l'Histoire et où V reprend des leçons de B, dont la
plupart sont manifestement erronées.
p. 1517 ούκ ες μακρόν AC : ούκ ες μικρόν b ουχί μικρόν V
p. 241 Καντακουζηνών AC : Καντακουζηνού bV
ρ. 362 Τείχω AC : Τέγχφ BV
ρ. 51 1 υπονοεί AC : ύπονοεΐτο BV
ρ. 58* θόρυβον AC : πόλεμον BV
p. 607 υπό ante τήν add. BV
ρ. 672 ποικίλως ante μετεχειρίζετο add. BV
p. 68 10 κατά τα άνω Σκαμάνδρου AC : κατά Σκάμανδρον BV

au XIVe siècle, Paris 1971, p. 18-21. J'ai édité une autre pièce contenue dans ce manuscrit
(f. 200) : A. Failler, Une donation des époux Sanianoi au monastère des Hodègoi,
REB 34, 1976, p. 111-117.
18. Voir ci-dessus, p. 149-160.
19. Voir ci-dessus, p. 157-159.
170 A. FAILLER

p. 69 17 πρόσθεσις AC : πρόθεσις BV
p. 907~8 τήν άπο γένους transp. BV
p. 93 17 τα κατά βουλήν ante πραχθησόμενα add. BV
p. 9920 τοις άμφί τον σουλταν AC : τω σουλταν BV
p. 1055 αρχαίων AC : άρχέων BV
p. 1072"7 και Πελαγονίαν — Στερίδολα post Τρίκκη transp. BV
p. 11913~14 δια του κατά τήν Έλενόπολιν της θαλάσσης πορθμού AC :
δια τήν Έλενόπολιν του της θαλάσσης πορθμού BV20
p. 1513 γρήγορσιν AC : έγρήγορσιν BV
ρ. 1608 εκ C : επί Α άπδ BV
p. 1783 ψωμιζόμενον AC : άποψωμιζόμενον BV
p. 18215"16 οΟτε — άντέχειν add. BV
p. 23912'13"16 ευθύς... αύτίκα... πράξαντας AC : αύτίκα... ευθύς... πρά-
ξοντας BV
p. 29520 ίκανώς ante έροΰμεν add. BV.
V se rattache incontestablement à Β par certaines de ses leçons. Cependant
il ne provient pas directement de B, car il contient des passages omis par
ce dernier. On pourrait penser qu'il dérive d'une copie en amont de B, une
copie qui aurait conservé les bonnes leçons de l'archétype perdus par son
apographe, puisque V livre souvent les mêmes bonnes leçons que A, là
où B est erroné. Mais V conserve aussi quelques bonnes leçons étrangères
à la tradition AB, rejoignant ainsi la deuxième tradition C. Voici quelques
exemples.
p. 14813 της πόλεως add. CV
p. 1682"3 καΐ πρότερον — ύστερον δέ add. CV
p. 269 18 μετεγγραφής AB μεταγραφής CV
p. 3234 πόντον AB τόπον CV
p. 49910 μαθόντες έγνώκειμεν AB έσαΰθις έροΰμεν CV
p. 5291"4 δτε — ύποδηλούσης add. CV
Une seule hypothèse peut dès lors être envisagée : l'auteur de la para
phrase utilise simultanément B et C, qui suffisent de fait à expliquer int
égralement le texte de V.
Il faut observer enfin qu'on ignore la date exacte de composition de la
paraphrase et qu'en conséquence on ne peut savoir si elle est antérieure ou
postérieure aux copies B et C. Tout se passe comme si V dérivait des deux
manuscrits dont le contenu est conservé par B et C, qu'il s'agisse des deux
exemplaires existants, de leurs antigraphes ou de leurs apographes. De

20. Voir ci-dessus, p. 138.


LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 171

toute façon, la paraphrase date au plus tard du début du 15e siècle ; elle
ne peut donc avoir été exécutée sur aucun des apographes conservés des
manuscrits-sources, car ces copies, comme on le verra plus bas, sont toutes
plus tardives. L'examen de la tradition manuscrite de la deuxième partie
de l'Histoire permettra peut-être de déterminer ou à tout le moins d'éclairer
ce point21.

2. Le texte

La paraphrase abrège considérablement l'original de l'Histoire. Pour la


première partie de l'ouvrage, elle représente assez précisément les trois
quarts de l'original; c'est donc plus qu'un résumé. Plutôt que sur les
faits ou les personnages, l'abrègement porte sur les discours, les descrip
tionsde batailles, naufrages ou séismes, les réflexions et les dialogues
intérieurs, dans lesquels l'historien déploie à souhait son art du raisonne
ment et développe un tissu d'hypothèses complexes. Ce n'est pas non plus
une paraphrase au sens strict : le texte n'est pas commenté, refondu ou
amplifié, mais recopié avec un certain nombre de modifications ponctuelles
et selon des stéréotypes déterminés. On peut donner une liste à peu près
exhaustive des procédés qu'emploie l'auteur de la paraphrase pour composer
une version plus simple de l'Histoire :
— transformation des longues périodes, fréquentes dans l'original, en
phrases plus courtes et plus simples
— remplacement du discours indirect par le discours direct
— reconstruction des phrases dont des incises interrompent le cours
— omission des particules ou des pronoms rares et archaïsants
— remplacement fréquent des pronoms par leur antécédent
— déplacement, de manière exceptionnelle, de certains passages à l'inté
rieur d'un même chapitre, la séparation entre chapitres, telle qu'elle
figure dans l'original, restant toujours sauve
— traduction des mots rares et savants en termes plus communs22.
Ce dernier procédé est le plus communément utilisé. De ces modifications,

21. Dans le stemma (p. 197), le caractère hypothétique de la provenance de V est


marqué par l'emploi des pointillés.
22. Une telle enumeration reste nécessairement abstraite, tant qu'on n'a pas analysé
un passage donné de la paraphrase, pour y déceler les procédés de refonte du texte original.
Le parallélisme relatif et les divergences entre les deux textes apparaissent de manière
plus frappante, lorsqu'on met ceux-ci en regard (voir A. Failler, Un incendie à Const
antinople en 1305, REB 36, 1978, p. 156-159) et qu'on effectue un relevé systématique
des modifications imposées à l'original (ibidem, p. 162-163).
172 A. FAILLER

qui affectent principalement les verbes et les substantifs, on peut donner


une série d'exemples ; on remarque, en certains cas, une différence sensible
de sens entre les deux termes, dont le premier est celui de l'original, le
second celui de la paraphrase : άμάρα-πηγή, άντιβολεΐν-παρακαλεΖν,
άποκαραδοκεΐν-άπελπίζειν, άρχεΐον-παλάτιον, άρρεπώς-άδόλως, δαιταλευ-
τής-μάγειρος (!), δάμαρ-γυνή, διαχώρημα-κόπριον, ό δοκών-ό πρώτος,
έκτομίας-εύνουχος, έλλησποντίας-άπαρκτίας, έναιωρεΐσθαι-άποκρεμάν-
νυσθαι, έπιμωκασθαι-ύβρίζειν, έπιτετραμμένος-κεφαλατικεύων, έφεστρίς-
σέλλα, ίερεΐον-πρόβατον, καταδημαγωγεΐν-μαλάσσειν, κατορρωδεΐν-
φοβεΐσθαι, κενήριον-τάφος, κορύσσεσθαι-κινεΐσθαι, κυμαίνειν-ταράττεσθαι,
λέχος-κοίτη, μηνίειν-όργίζεσθαι, μόρσιμον-μέλλον, σύναρσις- βοήθεια,
συνείρειν-συμπλέκειν, σφαΐρα-κύβος.
Soucieux de clarté, l'auteur de la paraphrase explicite certains mots
ou courts passages, à bon escient généralement. Il supplée souvent les
mots sous-entendus dans l'original, tels que γη, ημέρα, ορμή, μέρος,
πράγμα, χειρ, χώρα23. Il remplace couramment les pronoms par leur
antécédent ou ajoute en incise cet antécédent (celle-ci, c'est-à-dire Anna :
p. 1839) ; lorsqu'un dignitaire est désigné par sa seule fonction, V ajoute
souvent Je nom du personnage (le prôtostratôr Philanthrop ènos : p. 33615).
Dans l'original, Nicolas de Cotrone est dit bilingue (p. 3609) ; V précise
en indiquant que l'évêque connaissait la langue grecque et la langue
« italienne ». Ailleurs V rappelle en quelques mots des faits antérieurs,
rapportés plus haut dans l'original et non repris à cet endroit, ou donne
quelques précisions que l'original fournit plus loin. Ainsi, relatant la
défaite finale de Lachanas (p. 44615), V précise que celui-ci s'enfuit auprès
de Nogaï, ce que l'original ne rapporte que plus loin (p. 46621). A propos
de Mélétios (p. 4895) et de Kotanitzès (p. 4996), V indique qu'ils se retirèrent
respectivement au monastère de Saint-Lazare et à celui de la Péribleptos,
détails qu'on ne trouve dans l'original que beaucoup plus bas (II, p. 178"9
et 6616). De même à la fin du livre VI (p. 53118), V ajoute que le corps de
Michel VIII Paleologue fut transporté de Ta Pachômiou au monastère du
Saint-Sauveur à Sèlybria, ce qu'on ne lit dans l'original qu'à la fin du
livre VII (II, p. 10714"15). Ces exemples montrent clairement que l'auteur
de la paraphrase n'est pas esclave de son texte au point de le suivre pas à
pas, mais qu'il en a une connaissance d'ensemble.

23. Mais, ce faisant, il se trompe parfois : ainsi a-t-il ajouté υποθέσεων là où il faut
probablement sous-entendre συλλαβών (voir ci-dessus, p. 138 : texte de Bonn, I, p.
1041213). Il lui arrive ailleurs d'insérer θυγάτηρ là où, d'après le sens, on doit sous-
entendre σύζυγος (voir ci-dessous, p. 176 : Bonn, I, p. 10823-1092).
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 173

Ces anticipations sur le cours du récit sont plus instructives somme


toute que l'ajout de quelques traits banals, dont l'auteur parsème la para
phrase. Ainsi il ajoute parfois à son texte des exclamations : oh ! (p. 61 5),
ô ciel et terre ! (p. 2689, 333 5), ô justice divine ! (p. 1932) ; s'agissant de
dissolution de serments (p. 34211, 441 2), V ajoute une métaphore, employée
ailleurs par Pachymère (p. 959, 1849) : «comme toile d'araignée». La
citation du proverbe « le commencement est la moitié du tout»24 (p. 19 13)
est suivie dans la paraphrase d'une réflexion générale : « qu'il s'agisse
d'art, de vertu ou de toute autre chose». Ces additions ne présentent
guère d'intérêt ; mais il en va différemment de quelques cas, extrêmement
rares il est vrai, où l'auteur de la paraphrase ajoute des notations qui
dépassent la pensée de l'historien. Le premier exemple est le moins signi
ficatif; lorsque les envoyés du pape vont visiter les antiunionistes empri
sonnés, Manuel Rhaoul invective Isaac d'Ephèse en lui reprochant de
vivre dans ses aises, alors que lui, il est persécuté (p. 45918"19); V fait
tenir au dignitaire civil des propos bien plus acerbes : αντί του μάχεσθαι
υπέρ του αληθούς, προδούς τήν άλήθειαν χάριν της έαυτοΰ γαστρός, ζη έν
άνέσει. Mais plus précisément il porte un jugement personnel plus sévère
que l'historien sur deux personnages : le patriarche Jean Bekkos et l'empe
reur Michel VIII Paléologue. Là où l'original rapporte simplement que
Bekkos n'avait rien à reprocher aux Latins sinon l'addition au symbole
(p. 4959), il ajoute que le patriarche se démena en faveur des Latins comme
jamais personne. De même il se montre plus dur que Pachymère envers
l'empereur; alors que l'historien se limite à faire de discrètes allusions
au parjure de Michel VIII, qui détrôna et fit aveugler Jean IV Laskaris
(par exemple p. 491 10), l'auteur de la paraphrase souligne, continuellement
et explicitement, l'illégalité de la prise de pouvoir. En guise d'oraison
funèbre, il porte sur l'empereur mort un jugement sans appel (p. 531 15)25 :
Διό και βρκους τους δνομα Θεού φέροντας εις ουδέν έλογίζετο, καΐ άδικίαν
και φόνους και τιμωρίας ώς κώνωπος πραξιν ήγεΐτο.
A part les derniers exemples cités, où elle va au delà de son modèle,
la paraphrase n'apporte pas, dans cette première partie de l'Histoire, de
renseignements nouveaux. Cependant elle aide parfois à comprendre

24. Pour le premier de ces proverbes, voir E. L. a Leutsch, Paroemiographi graeci,


II, Göttingen 1851, p. 465 n° 15 ; pour le second, voir E. L. a Leutsch-F. G. Schnei-
dewin, Paroemiographi graeci, I, Göttingen 1839, p. 213 n° 97; E. L. a Leutsch, op.
cit., II, p. 13 n° 83.
25. P. Poussines (p. 686-688) avait déjà relevé ce passage, ainsi que V. Laurent
(Byz. 5, 1929-1930, p. 200).
174 A. FAILLER

l'original ; dans quelques cas, la consultation de V permet d'éviter des


erreurs dans l'interprétation de l'Histoire. Voici des exemples.
— p. 1213"4 Θνήσκουσι γάρ εγγύς των δέκα εννέα μηνών άνδρες... ABC
edd. Θνήσκουσι γαρ των εκκλησιαστικών αρχόντων εγγύς τών δέκα
εντός τών εννέα μηνών V
Voici la traduction : « En l'espace de neuf mois, près de dix archontes
ecclésiastiques meurent. » H. Wolf avait bien compris le passage26 : Prope
decem ecclesiastici principes nouem mensibus mortui ; mais P. Poussines
fait une grave erreur : Mortui quippe sunt spatio fere novemdecim mensium
viri... Il est évident que ce dernier texte n'a pas grand sens : parler de
près de 19 mois est surprenant! On remarque d'ailleurs que les trois
manuscrits-sources mettent bien un signe de ponctuation pour séparer les
deux chiffres. A la suite de la mauvaise traduction de l'éditeur, ce passage
a été négligé ; dans son article sur la chronologie des patriarches, V. Laurent
ne le mentionne pas27 ; il semble pourtant que ce texte autorise à fixer à
9 mois la durée du patriarcat de Nicéphore II, qui, selon Acropolite28,
ne resta pas une année entière à la tête de l'Eglise.
— p. 17317 ή τών ήμερων κυρία ABC edd. ή ταχθείσα ημέρα V
Le sens de l'adjectif est bien rendu par V, dont le texte appuie à l'évidence
les conclusions de R.-J. Loenertz sur la signification de cette expression29
et dispense de toute démonstration ultérieure. Il n'y a donc pas trace
dans ce passage du mot dominica, que P. Poussines insère dans sa traduction.
— p. 2063 έξ ήρος ες άρκτοΰρον ABC edd. εξ έαρος μέχρι φθινοπώρου V
La flotte partit pour le Péloponnèse au printemps et y resta jusqu'à
l'automne (littéralement : jusqu'à l'apparition de l'Arktouros, c'est-à-dire
la mi-septembre). P. Poussines traduit littéralement (a vere ad Arcturum)
cette formule, inspirée probablement de Sophocle30, et il en a sans doute
perçu le sens exact. Un autre sens apparaît dans la traduction française
de L. Cousin31 : « La flotte partit au printemps et fit voile vers le Nord. »
La méprise est d'autant plus flagrante qu'un navire, partant de Constan-

26. H. Wolf, Nicephori Gregorae Romanae hoc est Byzantinae historiae Libri XI,
Bâle 1562, p. 260. Sur les passages de Pachymère rapportés dans cet ouvrage, voir ci-
dessous, p. 198.
27. V. Laurent, La chronologie des patriarches de Constantinople au xrae s. (1208-
1309), REB 27, 1969, p. 140-142.
28. Acropolite : A. Heisenberg, p. 1804"5.
29. R.-J. Loenertz, La chronique brève de 1352, OCP 29, 1963, p. 342 n. 2 et 343 n. 2.
30. Sophocle, Oedipe-Roi, vers 1137.
31. L. Cousin, Histoire de Constantinople depuis le règne de VAncien Justin jusqu'à
la fin de l'Empire, VI, 1, Paris 1685, p. 122.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMERE 175

tinople et voguant vers le nord, n'arriverait pas aisément au Péloponnèse.


— p. 43617 προς τδν Μυτζήν AB edd. προς τον Μυτζοΰ C προς τόν
του Μυτζου υίόν V
Dans le contexte, il est question de mettre sur le trône de Bulgarie Jean,
le fils de Mytzès, et non Mytzès lui-même. Quelle que soit sa source, V
présente un texte juste, tandis que P. Poussines, après avoir adopté la
leçon de AB, traduit tout naturellement : in Mytzam.
L'auteur de la paraphrase ne se contente pas de recopier un texte en
modifiant quelques mots au passage, mais il le transforme avec intell
igence. Il lui arrive ainsi d'introduire avec à-propos des termes étrangers
à l'original de l'Histoire : les Latinoi deviennent par endroits des Phrangoi,
les Keltoi des Alamanoi. Au terme de ce développement, on peut se
demander s'il ne serait pas souhaitable d'éditer cette paraphrase, non pas
tant d'ailleurs pour aider à la compréhension de l'Histoire, mais à cause
de l'intérêt littéraire du texte : la confrontation des deux versions, que
sépare un siècle environ, ne manquerait pas d'apporter des enseignements
sur le plan sémantique et grammatical et d'illustrer la coexistence de deux
styles bien caractérisés, si ce n'est de deux niveaux de la langue.
Mais, d'un autre côté, la paraphrase souffre de graves imperfections.
Parmi les innombrables erreurs qu'elle contient, une bonne part est sans
doute imputable à V plutôt qu'à son archétype : on a observé plus haut
que ce manuscrit livre un texte déjà très corrompu par rapport à un modèle
dont il ne subsiste malheureusement qu'un court fragment. On peut relever
tout d'abord quelques bévues qui ne touchent qu'un mot isolé :
p. 552 άριμάνιον : άρμένιον
p. 26616 νοτάριον : νεότερον
p. 3821 Ίασίτης : 6 ασιάτης
p. 41 120 καΐ ό μέγας κονοσταυλος ό (και ό V) Καβαλλάριος Μιχαήλ
p. 42310 Άλυάτην : άλυώττι
p. 46111 Urbain, que Pachymère présente par erreur comme pape en
1279, devient dans V le copiste d'une lettre de l'épiscopat de Constant
inopleà Rome.
Plus graves sont les nombreuses erreurs dans l'interprétation de l'original,
car elles affectent cette fois des passages entiers ; elles sont certainement
imputables à l'auteur de la paraphrase, et non plus à un simple copiste.
P. Poussines en avait déjà relevé un certain nombre32, et V. Laurent en a

32. Bonn, I, p. 641-642, 674-675. D démontrait par le fait même que Pachymère ne
pouvait être considéré comme l'auteur de la paraphrase, alors que L. Allacci (PG 143,
413-414) lui avait attribué les deux versions de l'Histoire.
176 A. FAILLER

mentionné d'autres33. On se contentera de citer quelques-unes de ces


méprises, parmi celles qui paraissent les plus significatives, en remarquant
qu'elles concernent généralement des passages effectivement obscurs de
l'Histoire. En plusieurs de ces cas, rebuté par les difficultés du texte original,
P. Poussines a d'ailleurs traduit la paraphrase au lieu de celui-ci34.
— p. 2011"20 Après avoir décrit les difficultés que rencontrait l'armée
byzantine en Orient face aux Turcs, Pachymère relate qu'une partie de
cette armée fut envoyée en Occident contre les dytikoi, c'est-à-dire les
Epirotes, au dam de l'Orient, qui cédait progressivement devant les incur
sions turques. Mais les troupes qui combattaient en Epire n'obtenaient
elles non plus aucun résultat définitif, car les habitants du lieu passaient
tantôt du côté du despote d'Epire, tantôt du côté de l'empereur byzantin.
La paraphrase, au contraire, applique cette instabilité aux habitants des
frontières orientales, qui se tournent tantôt du côté des Perses, tantôt
du côté des Romains. Sans le signaler dans ses notes, P. Poussines traduit
le texte de V.
— p. 10823-1091~2 Jean Rhaoul est marié à Theodora Kantakouzènè,
veuve du protovestiaire Georges Mouzalôn et nièce de Michel VIII, et
Alexis Philès à Marie Kantakouzènè, sœur de Theodora. Selon V, Jean
Rhaoul reçoit la première fille de Mouzalôn et Alexis Philès la seconde35.
— p. 12819-1291-2 « Sur le conseil de ses sœurs, dit-on, et surtout d'Eulo-
gie — car Marthe se montrait généralement plus conciliante —, Michel VIII
choisit de réduire Jean IV Laskaris à la vie privée. » V fournit un autre
texte, dont voici la traduction : c'est au conseil de Marthe, dit-on, que
Jean IV dut d'être réduit à la vie privée et de déposer les insignes impériaux
par ordre du souverain. Quant à P. Poussines, d'une part il comprend mal
l'incise du texte original et d'autre part il insère dans sa traduction la
finale de V, simple addition de la paraphrase : dicitur etiam harum sug-
gestione inductus, maxime autem Eulogiae (in hanc enim teneriori fere
videbatur propendere affectu), redigere in ordinem et insignibus imperil
exuere Ioannem statuisse.
— p. 1531"2 En apprenant la prise de la Ville en 1261, Michel VIII exalta
le césar Alexis Stratègopoulos, auteur de cet exploit imprévu, et non le
messager qui apporta la nouvelle à l'empereur, comme le dit la paraphrase.
— p. 44012"16 Lorsqu'Anne, la fille de Michel VIII, fut mariée à Michel,

33. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 199-200.


34. P. Poussines en fait parfois l'aveu (p. 642, 650), mais il procède souvent ainsi
sans le signaler.
35. Voir ci-dessus, p. 172 n. 23.
LA TRADI1ION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMERE 177

le fils du despote Michel d'Epire, l'Eglise émit un tomos pour autoriser


ce mariage, car l'empêchement canonique du sixième degré d'affinité s'y
opposait36. « En effet, dit l'original, Anne, la femme du despote Nicéphore,
était la cousine d'Anne, la fille de l'empereur, tandis que Nicéphore et
Michel étaient réellement frères. » V change le texte, par souci de clarif
ication sans doute : « Michel était le frère de Jean et de Nicéphore, les fils
de feu Michel le despote, et Nicéphore était marié à la fille de Marthe, de
sorte que les deux frères se trouvaient mariés à deux cousines. » Les liens
de parenté sont rendus correctement dans la paraphrase ; on y trouve de
plus mention du fils aîné de Michel II d'Epire, Jean Angélos, qui fut envoyé
en otage à Constantinople en 1261 et qui mourut en 1280, après avoir été
aveuglé sur ordre de Michel VIII37. Mais une fois de plus, il y a confusion
entre les deux sœurs de l'empereur : la femme de Nicéphore d'Epire était
la fille d'Eulogie, non de Marthe38.
— p. 4572-4 Pour délibérer de la conduite à tenir envers une ambassade
papale en 1279, l'empereur convoque les évêques et tout le clergé, en
interdisant aux laïcs d'être présents. La paraphrase donne à ce conseil
une tout autre composition : l'empereur convoque tous les évêques et les
sénateurs les plus éminents.
Telles sont les caractéristiques de la paraphrase de l'Histoire. Il ressort
clairement qu'on ne peut y voir une version composée par l'auteur lui-
même, car les erreurs sont trop manifestes et les déformations de l'original
trop graves pour être imputées à l'historien. A la paraphrase on peut
comparer la version brève de l'Histoire de Georges Acropolite ; à ce résumé
sont attribués dans la tradition manuscrite deux titres révélateurs : Ποίημα
χρονικον ημιτελές, Χρονικον ώς εν συνόψει39. Le parallélisme entre les
deux œuvres reste néanmoins limité. D'un côté, la nouvelle version de
l'Histoire de Georges Acropolite représente à peine plus du tiers de l'original,
tandis que de l'autre le nouveau texte atteint les trois quarts de la source40.
De plus, les transformations sont plus profondes dans la paraphrase de
Pachymère, qui simplifie et modifie autant qu'elle raccourcit, alors que
l'œuvre d 'Acropolite, au style plus simple, est abrégée plutôt que trans-

36. V. Laurent, Regestes, n° 1441.


37. Pachymère : Bonn, I, p. 10714-1β, 4854-487», 49318-4942.
38. Sur Anna Palaiologina, fille d'Eulogie et de Jean Cantacuzène, voir A. Th. Papa-
dopulos, Versuch einer Genealogie der Palaiologen (1259-1453), Speyer 1938, p. 19 n° 30.
39. A. Heisenberg, Georgii Acropolitae opera, I, Leipzig 1903, p. 193. La version
brève fut publiée la première, en 1614, par Th. Dousas ; en 1651, L. Allacci édita les
deux versions.
40. Voir ci-dessus, p. 171.

13
178 A. FAILLER

formée, surtout dans sa première partie. Aussi I. Bekker put-il faire figurer
la version brève en apparat dans l'édition de Bonn41 ; observons que le
procédé pouvait se concevoir pour la première moitié du texte, sans que
l'apparat en fût surchargé, mais qu'il ne convenait plus du tout pour la
seconde moitié. Remarquons encore que la tradition manuscrite de l'His
toire de Pachymère n'attribue pas à la paraphrase un titre différent ou
indépendant de celui de l'original.

IV. Les apographes des manuscrits-sources

Les développements qui précèdent exposent l'étape essentielle dans la


transmission de l'Histoire de Georges Pachymère. Les trois manuscrits-
sources suffiraient pour l'établissement du texte de la première partie de
l'œuvre, n'étaient certaines lacunes que les copies permettent parfois de
combler. On utilisera pour cela les deux apographes les plus anciens de
A et de B, soit le Marcianus graecus 404 (= a) et le Parisinus graecus 1123
(= b); aussi ces deux manuscrits seront-ils étudiés avec plus de soin que
les autres. L'examen de ces derniers sera plus sommaire : il est destiné
à compléter les analyses de V. Laurent, qui a parfaitement établi la filiation
de ces copies, bien qu'il n'eût pas toujours la possibilité de consulter les
volumes. On se contentera d'ajouter quelques précisions complémentaires
et d'apporter de nouvelles preuves pour confirmer certaines assertions qui
n'avaient à ses yeux qu'une grande probabilité, sans être absolument
apodictiques. On suivra généralement le même plan que dans le chapitre I
de cet article : composition des cahiers, filigranes, datation.

1. La famille du Monacensis graecus 442 (A)


La plus grande partie des copies secondaires de l'Histoire proviennent
directement ou indirectement de A. Elles sont faciles à identifier grâce à
une présentation similaire des matières, grâce aux lacunes et interversions
communes, grâce à l'addition de deux pièces adventices (liste des offikia
de la Grande Eglise au début, prostagma de Michel VIII en faveur de son
fils Andronic II à la fin). Parmi ces copies, trois dérivent directement de A.
En conclusion sera présenté l'apparat critique d'un court passage de
l'Histoire, afin qu'apparaissent clairement la distribution et la filiation
des 6 apographes.

41. I. Bekker, Georgii Acropolitae Annales, Bonn 1836.


LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 179

a. Marcianus graecus 404 (= a)


Le Marcianus graecus 404 [899] compte 213 folios, mesure 287 χ 210 mm
et présente exactement le même contenu que son modèle, à l'exception
du prostagma de Michel VIII en faveur d'Andronic II42. Au début du
volume, on trouve 7 folios non numérotés : 4 folios blancs, 2 folios qui
portent au recto les portraits de Georges Pachymère et de Théodore II
Laskaris, 1 folio blanc. Les 4 premiers folios forment un cahier et appar
tiennent au manuscrit original, car le papier est identique de part et d'autre ;
les deux portraits, qui sont plutôt des esquisses, sont dessinés sur un papier
différent, sur deux demi-feuilles ; l'examen du papier et du filigrane permet
de retrouver les deux demi-feuilles correspondantes aux folios 100 et 101
(portraits de Michel VIII et d'Andronic II). Non inclus dans l'actuelle
numérotation des folios, le dernier folio blanc de ce début de volume
constitue en fait le premier folio d'un quaternion, qui contient le pinax
des chapitres (f. 1-3), mutilé de la fin comme son modèle, et la liste des
offikia de la Grande Eglise (f. 3v-4). Les 3 derniers folios (f. 5-7) de ce
quaternion sont restés blancs.
La numérotation originale des cahiers commence avec le début du texte
de l'Histoire. Le folio 8, resté blanc, porte seulement la signature du cahier
(a' ), et le texte commence sur le deuxième folio de ce cahier (f. 9). Les
cahiers sont soigneusement signés au début et à la fin (au centre du folio
en bas) ; de plus on lit au haut du premier folio de chaque cahier la mention
suivante : Ίησοΰ ήγοΰ μοι ; cette invocation se lit une première fois
au-dessus du début du texte (f. 9) et apparaît, de manière plus ou moins
claire, au début de chaque cahier. La première partie de l'Histoire est
transcrite sur 12 quaternions parfaitement numérotés : 7 + (8 χ 12) = 103
folios. Ces cahiers sont régulièrement constitués, à l'exception du cahier 12,
dans lequel sont insérées les deux demi-feuilles qui portent les portraits
des deux premiers Paléologues. Ce cahier 12 contient la fin du livre VI
de l'Histoire (f. 96-99), les deux portraits mentionnés (f. 100 et 101, dont
le verso est blanc) et le début du livre VII (f. 102-103).
On relève dans ce manuscrit les filigranes suivants : ciseaux, avec divers
tracés (cf. Briquet 3661, 3663, 3668, 3670 : 1438-1472), coutelas (Briquet
5157 : 1456-1459), enclume inscrite dans un cercle (très proche de Briquet
5959 : 1462-1472), trois monts surmontés d'un trait ou d'une croix latine,
lettre Ρ surmontée d'une croix latine. La copie du manuscrit doit se situer
vers le milieu du 15e siècle. Ce volume figure dans le catalogue des manus-

42. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 165-167 et 180-183.


180 A. FAILLER

crits légués par le cardinal Bessarion à Venise et daté de 1469 ; tel est donc
également le terminus ante quern de la copie du Marcianus. Le texte est
transcrit par une seule main ; la qualité de la copie et le soin de la trans
cription font du manuscrit un ouvrage supérieur à son modèle. Relevons
simplement un défaut constant : le foisonnement des erreurs de spiration
et d'accentuation. La copie comporte certains des accidents signalés dans
le manuscrit de Munich (accidents 1, 4 et 6)43.
Le Marcianus est copié directement sur A. Aux arguments proposés
par V. Laurent pour établir cette dépendance, on peut ajouter certains
indices. Face à un passage du texte (Bonn, I, p. 469~14), où le copiste laisse
quelques blancs, on lit en marge : ενταύθα σαθρον το πρωτότυπον ; cette
lacune correspond à une tache sur le folio 22 de A (premier folio du cahier 4),
où les fins de lignes sont illisibles. A plusieurs reprises, des passages sont
omis dans le texte, puis suppléés en marge par le copiste lui-même : chacun
de ces passages correspond exactement à une ligne de texte du manuscrit A
(Bonn, I, p. 3124"5 = A, f. 107 1. 15; p. 33520"21 = A, f. 113V 1. 25;
p. 35615"16 = A, f. 119V 1. 3). S'il y avait eu une copie intermédiaire, on
peut supposer que le copiste aurait réintégré ces passages dans le corps
du texte, comme ce fut le cas dans la copie qui dérive de a.
Dans la nouvelle édition, ce manuscrit sera utilisé à deux reprises. Dans
le premier cas, il représentera la famille A pour le début du texte de l'His
toire (Bonn, I, p. 11M39) : l'actuel folio 7a de A (accident 2), qui remplace
le premier folio original du cahier 2, est une copie faite au milieu du
16e siècle sur le Scorialensis graecus Ω Ι 10, copie du Marcianus**. Dans
le second cas, a figurera dans l'apparat critique pour un passage des
chapitres 11-12 du livre I (Bonn, I, p. 301-3219) : le folio 15a de A (acci
dent 3) disparut peu après la copie du Marcianus, car le copiste du Hiero-
solymitanus graecus Timiou Staurou 4, qui transcrivait A au 15e siècle
également, ne lisait plus ce passage dans son modèle.

b. Scorialensis graecus Ω Ι 10
Le Scorialensis graecus Ω Ι 10 [511] comprend 316 folios et mesure
360x250 mm45. Le texte de la première partie de l'Histoire occupe
161 folios. Les signatures des cahiers ont disparu presque partout ou sont

43. Pour la liste des accidents de la copie A auxquels il est fait constamment allusion
dans l'étude de ses apographes, voir ci-dessus, p. 129-130.
44. Voir ci-dessous, p. 182.
45. V. Laurent, art. cit., p. 168-170 et 184-188; G. de Andres, Catalogo de los
codices griegos de la Real Biblioteca de El Escortai, III, Madrid 1967, p. 130-131.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L 'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 181

difficilement lisibles. Cependant quelques repères permettent de reconst


ituerl'ensemble des cahiers : ainsi sur les folios 17 et 24 la signature apparaît
clairement, en début et en fin de cahier (γ' ). De plus le dernier verso de
chaque cahier porte en appel le premier mot du cahier suivant, écrit à la
verticale. La première partie de l'Histoire occupe 20 quaternions complets
(20 χ 8 = 160 folios) et se termine sur le premier folio du cahier 21 (f. 161) ;
un folio blanc (f. 161a) sépare la première de la seconde partie de l'Histoire,
dont le texte commence sur le folio 162.
On relève un seul filigrane dans le manuscrit : chapeau avec contr
emarque B. Le tracé de l'un et de l'autre est différent selon les cahiers.
Comme l'a noté G. de Andres, ce filigrane est proche du modèle suivant :
Briquet 3471 (1519-1538). On ne peut en tirer de conclusion précise pour
la datation du manuscrit. Celui-ci dérive incontestablement du Marcianus
graecus 404; aux arguments proposés par V. Laurent, on ajoutera deux
indices : comme son modèle, il porte, en marge du passage lacunaire
signalé dans a (Bonn, I, p. 469~14), la mention suivante pour signaler la
corruption du texte : ενταύθα σαθρον το πρωτότυπον. De même, le copiste
inscrit au-dessus du titre de l'ouvrage (f. 1*) une invocation inspirée du
modèle : Ίησου ήγου του έμου πονήματος ; à la fin de la liste des offikia
de la Grande Eglise, il la répète sous sa forme simple : Ίησοΰ ήγοΰ μοι.
On peut reconstituer par ailleurs l'histoire de ce manuscrit, que fit
copier Diego Hurtado de Mendoza, ambassadeur de Charles-Quint à
Venise de 1527 à 1547 ; c'est pendant cette période que fut vraisemblable
ment copié le Scorialensis, et plus précisément vers la fin de ce séjour46.
L'analyse des trois écritures qu'on trouve dans le volume apporte en effet
des éclaircissements inattendus. Une première main a transcrit l'ensemble
de l'œuvre, à l'exception de très brefs passages ; les deux copistes se sont
relayés, car les coupures se produisent en cours de page, sans qu'inter
vienneaucun accident de transmission. Un troisième copiste a transcrit
plus tard un passage du livre XIII (f. 315-316 = Bonn, II, p. 56112-5649
et 59112-59316), qui manque dans le Marcianus, le modèle du Scorialensis ;
transcrit à partir de A, dont la fin est lacunaire (actuels folios 355-356v),
le texte fut revu, par le premier copiste du Scorialensis semble-t-il, et
l'omission d'une ligne de A réparée (A, f. 356V 1. 22 = Bonn, II, p. 5939"10).
On en conclut d'une part que les trois copistes sont contemporains et
d'autre part que les trois manuscrits se trouvèrent un moment réunis dans
les mêmes mains. Le manuscrit dut être exécuté à Venise, où le Marcianus

46. Ch. Graux, Essai sur les origines du fonds grec de VEscurial, Paris 1880, p. 103
suiv., 171-172.
182 A. FAILLER

était parvenu un siècle plus tôt, et copié vers 1545, au moment où Antoine
Eparque fit venir d'Orient l'actuel Monacensis graecus 44247 et permit
ainsi la rencontre des trois manuscrits. Il existe un autre indice de la réunion
du Monacensis et du Scorialensis : le copiste qui a transcrit les feuillets
finals du Scorialensis à partir du Monacensis a également écrit l'actuel
folio 7a de A (accident 2), à partir du Scorialensis, et non du Marcianus,
car il reproduit toutes les particularités de ce manuscrit; de plus, il lui
arrive de sauter une ligne de son modèle, avant de remarquer son erreur
et de barrer les mots écrits par anticipation.
Il exista à PEscorial deux autres copies de l'Histoire de Pachymère;
elles disparurent dans l'incendie de 1671 et dataient d'avant 160048. On
n'en connaît rien, sinon le titre fourni par un catalogue : Georgii Pachy-
merae historiae Romanae libri duodecim, fine caret. Ce titre correspond
parfaitement à l'intitulé du folio 1 du Scorialensis: Γεωργίου του Παχυμέ-
ρου 'Ρωμαϊκής ιστορίας βιβλία δώδεκα, ατελής ; mais ce titre, apposé plus
tard, n'est pas authentique : comme tous les manuscrits de cette branche,
l'œuvre est qualifiée de Chronikon (f. 1*). Cet indice ne suffit donc pas
pour fonder la parenté des trois copies; on peut néanmoins présumer
qu'il s'agissait là de copies de l'actuel Scorialensis.

c. Hierosolymitanus graecus Timiou Staurou 4

Ce manuscrit a été décrit par A. Papadopoulos-Kérameus49, dont


V. Laurent a repris les conclusions et corrigé certaines affirmations50. Il
compte 321 folios et mesure 363x255 mm. Les 6 premiers livres occupent
les folios 1-163, et la deuxième partie de l'Histoire commence sur le folio 164.
En fait, plusieurs folios sont tombés entre les deux parties, car le livre VI
est mutilé de la fin : le passage manquant (Bonn, I, p. 530u-5328) repré
sente approximativement un folio de copie ; cette perte n'apparaît pas dans
la foliotation actuelle du manuscrit; elle est relativement tardive, car ce
texte est transcrit dans une copie du Hierosolymitanus. Le volume présente

47. Ch. Graux, op. cit., p. 416. Le manuscrit apparaît sous la désignation suivante :
Θεργίου τοϋ Παχυμερή ιστορικού συγγραφέως βιβλία ιγ'.
48. G. de Andres, Catalogo de los codices griegos desaparecidos de la Real Biblioteca
de El Escortai, El Escorial 1968, nos 1 (cote A.I.6) et 497 (cote LUI. 12).
49. A. Papadopoulos-Kérameus, Σημείωσις περί τοϋ Ίεροσολυμιτικοΰ κωδικός
τοϋ Χρονικοΰ Παχυμέρη, Δελτίον της ιστορικής και εθνολογικής εταιρίας τής Ελλάδος
3, 1889, ρ. 529-535 ; Idem, ' Ιεροσόλυμα ική Βιβλιοθήκη, III, Petrograd 1897, ρ. 23-24.
50. V. Laurent, art. cit., p. 167-168 et 183-184. J'ai étudié ce manuscrit sur un micro
filmfourni par la Bibliothèque du Congrès de Washington.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 183

exactement la même disposition des matières et les mêmes pièces adventices


que A, à l'exception des portraits. On peut discerner sur le microfilm la
composition et la numération des cahiers, au moins pour le début du
manuscrit (f. 1-111 : cahiers 1-14), grâce à deux indices : le dernier verso
de chaque cahier porte en appel, pour cette partie, les premiers mots du
recto suivant ; d'autre part, on distingue la signature au début du cahier 8
(η' ) sur le folio 56. La numérotation des folios a été faite avec négligence :
le chiffre 7 a été omis, tandis que deux feuillets successifs portent les chiffres
8 et 127. Le premier cahier contient seulement 7 folios (f. 1-6 et 8). Ainsi
la première partie de l'Histoire est transcrite sur 20 cahiers complets :
8 + (19 χ 8) - 2 = 158 folios. Le cahier 21, qui contient la fin du livre VI
(f. 159-163), est mutilé ; entre la première et la deuxième partie de l'Histoire,
il manque sans doute 3 folios, dont 2 devaient être blancs51 ; la deuxième
partie commencerait dans ce cas au début du cahier 22 (f. 164). Il faudrait
consulter directement le manuscrit pour le vérifier, car il n'apparaît aucune
trace de signature pour la deuxième partie de l'Histoire.
C'est une copie de A, indépendante du Marcianus graecus 404, car elle
conserve certains passages omis par ce dernier. Elle omet parfois des
passages de son modèle qui correspondent précisément à une ligne d'écriture
(Bonn, I, p. 366 = A, f. 17V 1. 4). La tache signalée plus haut sur le folio 22
de A et rendant illisibles les fins de lignes s'est agrandie entre la copie du
Marcianus et celle du Hierosolymitanus. Il apparaît en effet que le second
manuscrit est postérieur au premier ; un accident supplémentaire est apparu
entre temps dans A : la chute du folio 15a (accident 3), qui vient s'ajouter
aux trois accidents signalés en A au moment de sa copie par le Marcianus52.
Cependant les deux manuscrits ont été en contact; en effet ce passage
(Bonn, I, p. 301-3219), qui manquait dans le Hierosolymitanus, a été suppléé
plus tard en marge d'après le texte du Marcianus, car on y rencontre les
mêmes nombreuses erreurs dans l'accentuation et la spiration; la même
main a suppléé la liste des offikia de la Grande Eglise. De plus, les vides
dus à la tache du folio 22 de A ont été partiellement comblés d'après la
copie du Marcianus. On observe dans ce manuscrit et ses copies une autre
particularité, qui les distingue du Marcianus et du Scorialensis sa copie :
dans A, il manque un passage (Bonn, I, p. 657"8), pour lequel le copiste
a laissé un blanc ; le Marcianus et sa copie ne signalent pas cette omission,

51. A. Papadopoulos-Kérameus {art. cit., p. 529) signale effectivement la chute de


trois feuillets entre les folios 163 et 164.
52. Un autre argument est fourni par l'état différent des titres de chapitres insérés
dans le texte ; voir ci-dessous, p. 207.
184 A. FAILLER

tandis que le Hierosolymitanus et ses copies reproduisent le blanc de


l'original.
Comme le Marcîanus et le Hierosolymitanus ont été en contact et que
le premier fut légué à Venise par le cardinal Bessarion, en 1469, la copie
doit être située vers le milieu du 15e siècle, peu après celle du Marcîanus.

d. Matritensis graecus 4752

Elégamment écrit et conservé en parfait état, le Matritensis graecus 4752


(anciennement coté 0 22) comprend 231 folios et mesure 348x248 mm53.
Le texte de la première partie de l'Histoire occupe 1 14 folios, et la deuxième
partie commence sur le folio suivant, sans autre séparation. Les cahiers
ne sont pas signés, mais il est facile de les distinguer. Le cahier 1 présente
une forme spéciale; en voici le schéma :

1 2 3 :la 3b 3c 3d ι\ i> 6 7 8 9 1 11 12
1 1 1

1
4 folios, restés blancs (f. 3a-b-c-d), sont insérés dans le cahier original
et semblent appartenir à la même période. Le copiste a transcrit sur les
3 premiers folios la liste des titres de chapitres, incomplète comme dans
toutes les copies dérivant de A ; il omet la liste des offikia de la Grande
Eglise. Peut-être a-t-il inséré ces folios blancs en vue d'une transcription
ultérieure soit de la fin du pinax des chapitres, soit de la liste des offikia.
Le texte de l'Histoire commence sur le folio 4. Les 10 cahiers suivants
sont réguliers et contiennent chacun 10 folios : 12 + (10xl0) = 112 folios.
Le texte de la première partie de l'Histoire se termine sur le cahier 12
(f. 113-114) ; le texte du livre VI, dont la fin manque actuellement dans le
modèle, est complet ; la chute des feuillets du Hierosolymitanus est donc
postérieure à cette copie.
Un examen élémentaire des filigranes ne permet pas de bien distinguer
le tracé de ceux-ci : seule la contremarque Β apparaît clairement. Quant
aux folios intercalés dans le cahier 1 (f. 3a-b-c-d), ils portent un filigrane
facile à discerner : flèches entrelacées, dont les deux pointes sont séparées
par une étoile, avec la lettre M en contremarque (Briquet 6301 : 1542-
1548). Comme ce papier semble contemporain du reste du manuscrit,

53. V. Laurent, Byz. 11, 1936, p. 44-53.


LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 185

on peut placet cette copie vers le milieu du 16e siècle. Le manuscrit


appartint à Francisco de Mendoza y Bobadilla (1508-1566), cardinal de
Burgos, et se trouvait dans sa collection à sa mort54. Il l'acquit, mais
ne le fit sans doute pas copier personnellement. 1566 constitue donc un
terminus ante quern de la copie du Matritensis 4752.
Le manuscrit dérive directement du Hierosolymitanus, dont il reproduit
les principales caractéristiques : il contient le prostagma de Michel VIII
en faveur d'Andronic II, alors que le Marcianus et le Scorialensis omettent
de transcrire cet acte ; le copiste laisse un blanc pour la lacune de A déjà
citée (Bonn, I, p. 657~8) et reprend les nombreuses notes marginales qui
ne se rencontrent que dans le Hierosolymitanus.

e. Matritensis graecus 4818

Le Matritensis graecus 4818 (anciennement coté 0 95) ne présente qu'une


copie fragmentaire de l'Histoire de Pachymère55. Il contient 171 folios et
mesure 198 χ 140 mm. L'écriture est plutôt négligée, et la copie très défec
tueuse ; de plus, les cahiers ont été mal assemblés. En voici le contenu et
l'ordre réel :
1. cahier 1 (f. 1-8). Texte introductif du copiste, accompagné d'une
traduction latine.
lemma: 'Αντώνιος ό Καλοσυνας ιατρός φυσικός
incipit : Οι πλείστοι των βασιλέων
2. cahiers 2-4 et 12 (f. 9-34 et 123-130). Epitome de Dion de Nicée par
Jean Xiphilinos56, précédé au folio 9 d'une liste des empereurs ment
ionnés dans ce livre et accompagné d'une traduction espagnole.
incipit : Κληρουμένων δή των υπάτων
desinit : κατά δε τον καιρόν τούτον Πτο[λεμαΐος
3. cahiers 5-11 et 13-18 (f. 35-122 et 131-171). Fragment de l'Histoire de
Pachymère, mutilé du début et accompagné d'une traduction latine
pour les 2 premiers cahiers. Il faut ranger dans l'ordre suivant les
cahiers, dont un certain nombre semble d'ailleurs avoir disparu :
— cahier 6 (f. 46-61) = Bonn, I, p. 1314-2017. Un précédent cahier

54. Ch. Graux, op. cit., p. 425 n° 177 ; sur le personnage, voir ibidem, p. 43 suiv.
55. V. Laurent, Byz. 11, 1936, p. 53-57.
56. Le copiste transcrit seulement le début de cet Epitomé, c'est-à-dire l'abrégé des
chapitres 36-39 de l'original (Jean Xiphilinos, Epitomé de Dion Cassius : U. Ph. Bots-
sevain, Cassii Dionis Cocceiani Historiarum Romanarum quae supersunt, III, Berlin
1901, p. 479M854, n08 1-12).
186 A. FAILLER

portait le début de l'Histoire : le folio 46r porte en effet la traduction


latine du texte de la page précédente (p. 1219-1313).
— cahier 5 (f. 35-45) = p. 206-2411. On observe qu'une partie du texte
(p. 206-17) a été copié deux fois (f. 35 et 61).
— cahier 7 (f. 62-74) = p. 4115-537.
— cahier 8 (f. 75-82) = p. 538-603.
— cahier 9 (f. 83-97) = p. 603-7012.
— cahier 10 (f. 98-110) = p. 7012-799.
— cahier 11 (f. 111-122) = p. 10910-1207. Si le copiste a transcrit son
texte sans interruption, il faut supposer la perte de 3 cahiers entre les
cahiers 10 et 11.
— cahier 13 (f. 131-138) = p. 1252O-1317. Entre les cahiers 11 et 13
apparaît une nouvelle lacune, qui représente approximativement un
cahier de texte. Quant au cahier 12, il doit être placé après le cahier 4.
— cahier 14 (f. 139-145) = p. 13110-136n.
— cahier 15 (f. 146-152) = p. 1311O-13621. Ce cahier reprend la copie au
même endroit que le précédent et contient quelques lignes de plus.
— cahier 16 (f. 153-159) = p. 13621-14117.
— cahier 17 (f. 160-167) = p. 14117-1483.
— cahier 18 (f. 168-171) = p. 1483-15013. Ce dernier cahier de 4 folios
est complet ; très abîmé et portant des taches d'humidité, il est illisible
par endroits.
Ce manuscrit, qui contient presque les deux premiers livres de l'Histoire,
ne présente guère d'intérêt. Il dérive du Matritensis graecus Al 52, sur
lequel apparaissent d'ailleurs les marques de séparation des folios tels
qu'ils se présentent dans la copie. Certaines omissions correspondent
exactement à une ligne de texte du modèle (f. 25 v, ligne 5 omise dans la
copie) ; il arrive souvent au copiste de transcrire deux fois la même ligne
(f. 25V, lignes 18, 19, 21, et f. 26, ligne 23 : f. 113V et 117V de la copie), ou
même quatre fois (f. 26, ligne 19 : f. 117 de la copie). Le manuscrit peut
être daté avec une relative précision : le copiste, Antoine Kalosynas, exerça
la médecine à Tolède et Madrid dans le dernier quart du 17e siècle (1570-
1600) et occupa ses loisirs à transcrire des manuscrits grecs. Parmi les
manuscrits qu'il a laissés, ceux qui sont datés se situent entre 1573 et
157857 ; on peut en déduire avec une grande probabilité que le présent
volume date de la même époque.

57. Ch. Graux, op. cit., p. 342-343 et passim.


LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 187

f. Tubingensis graecus Mb 13

Ce manuscrit, qui mesure 310x205 mm, contient trois ouvrages, dont


le premier est l'Histoire de Pachymère58 ; celle-ci occupe les pages 1-518 ;
le texte de la première partie se termine à la page 246. Au début du volume
se trouvent plusieurs feuillets foliotés, qui contiennent entre autres le pinax
des chapitres, les portraits de Pachymère et de Théodore II Laskaris, la
liste des offikia de la Grande Eglise. La copie est due à Martin Crusius,
qui a pris la peine de noter la date à laquelle il a terminé la transcription
de chaque livre : 20 mai 1578 pour le livre I, 24 août 1578 pour le livre
XIII. C'est la copie la plus fidèle de A, dont Martin Crusius a retenu tous
les éléments, y compris les quatre portraits, qu'il fit dessiner par Ch. Pfister
et qu'il recolla ensuite sur son manuscrit. Si l'on en croit certaines de ses
notes marginales, le copiste croyait détenir un autographe de Pachymère.
Malgré la fidélité et la correction de la copie, ce volume ne présente pas
grand intérêt, puisque l'original est conservé en l'état où le trouva le
copiste ; il en est de même des notes qu'il y ajouta et qui, selon V. Laurent,
«côtoient le radotage philologique». Il semble que Martin Crusius ait
voulu éditer l'Histoire de Pachymère; il chercha vainement à retrouver
un passage perdu (texte de l'édition de Bonn, I, p. 301-3219 : chute du
folio 15a de A = accident 3)59, sans d'ailleurs soupçonner les autres
accidents et lacunes de son modèle.

Ainsi se présentent les 6 copies qui dérivent de A. Sans doute les argu
ments exposés plus haut suffisent-ils amplement à fonder la filiation de
ces manuscrits, mais le tableau des variantes pour un court passage de
l'Histoire aura l'avantage de le démontrer de manière plus analytique.
On observera les particularités suivantes : la fidélité des copies aux leçons
de A là où celui-ci diffère de Β et de C; la formation de deux groupes
de copies : aS (c'est-à-dire Marcianus graecus 404 et Scorialensis graecus
Ω I 10) et HMN (c'est-à-dire Hierosolymitanus graecus Timiou Staurou 4,
Matritenses graeci Al SI et 4818); l'exactitude de la transcription de Τ
{Tubingensis graecus Mb 13), qui corrige même parfois les déficiences de
son modèle. Dans cet apparat sont relevées toutes les variantes contenues

58. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 173-174 et 190; Idem, Byz. 11, 1936, p. 47;
B. A. Mystakides, Παχυμέρης Γεώργιος πρωτέκδικος καΐ δικαιοφύλαξ καΐ Μ. Κρού-
σιος, Έναίσιμα inl xfj τριακοστή πέμπτη επετηρίδι της επιστημονικής δράσεως τοϋ
μακαριωτάτον Χρυσοστόμου Παπαδοπούλου αρχιεπισκόπου 'Αθηνών καΐ πάσης
'Ελλάδος, Athènes 1931, ρ. 214-232.
59. Β. Α. Mystakides, art. cit., p. 226 et 231.
188 A. FAILLER

dans les manuscrits pour ce passage, exception faite cependant des erreurs
de N, lorsqu'elles sont sans signification pour la tradition manuscrite : elles
sont trop nombreuses pour être notées,
p. 109 1. 11 έγραφε : έγραψε A (ante corr. ?) eiusque sequaces
12 δυτικό ΐς : διτικοΐς a S
13 του1 om. MN
κεχηρωμένη : κεχει- ΗΜΝ
15 επί τούτω τω άξιώματι transp. A eiusque sequaces
16 Φιλανθρωπηνον : Φιλανθρωπινον Μ Φιλαθρωπινον Ν
17 πρωτοσεβαστον : πρωτοσέβαστον Μ προτοσέβαστον Ν
19 εϊναι iter. MN
21 Άγιοθεοδωρίτην : Άγιοθεωδορίτην aS
23 πρωτασηκρήτις : πρωτοσηκρήτις S πρωτασικρήτις Μ Ν
ρ. 110 1. 1 Φιλανθρωπηνών : -ινών ΜΝ
9 τοις : παρ' A eiusque sequaces
12 προσκειμένων : -otç A eiusque sequaces ΗΜΝ seclusis
18 γην της πόλεως transp. MN
19 εις om. MN
20 βλάπτοιντο : βάπτοιντο scr. et λ suprascr. a δάπτοιντο S
μίσους : μέσους aS
22 εκείθεν om. MN
βλάπτεσθαι : βλέπτεσθαι a S
p. 111 1. 8 Σηλυβρίαν : Συληβρίαν ΗΜΝ
13 έξαπάτηται : -ο A eiusque sequaces
17 τι om. aS
18 ώς2 om. MN
19 άνύτοι : άνύττοι ΜΝ
τη εκκλησία : της εκκλησίας ΗΜΝ
ρ. 112 1. 1 Και : κέ aS
2 πορείαν : πορίαν A eiusque sequaces Τ secluso
3 Πασχασίου : Πασχαστίου A eiusque sequaces
4 ύπερανωκισμένη : υπεράνω σκισμένη (σκυσμένη S σκιασμένη
ΜΝ) A eiusque sequaces
9 μή που : καί μου A eiusque sequaces
11 δίκαιον : δίκαιος ΗΜΝ
11-12 πατριαρχείου : -χίου ΗΜΝΤ
13 προσαναφέροντα : -ι aS
εϊη καί μόνος transp. A eiusque sequaces
17 δε : δ' A eiusque sequaces aS seclusis
LA 1RADITI0N MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 189

2. La famille du Barberinianus graecus 198 (B)


De ce manuscrit provient directement une seule copie, qui constitue à
son tour le modèle de deux nouvelles transcriptions. Elle revêt une impor
tanceparticulière pour la deuxième partie de l'Histoire, dont elle conserve
seule certains passages, par suite des lacunes aussi bien de son modèle
que de A, de C et de leurs apographes. Dans ces cas, il est d'ailleurs difficile,
voire impossible, d'accéder avec certitude à l'archétype, car, comme on
l'a vu plus haut, le copiste de Β ne transcrit pas fidèlement son modèle,
soit qu'il omette des passages, parfois longs, soit qu'il corrige le texte.
Mais le problème ne se pose pas pour la première partie de l'Histoire.
Deux des copies qui dérivent de Β sont complètes, tandis que la troisième
ne présente qu'un fragment de l'Histoire.

a. Parisinus graecus 1723 (= b)


Ce manuscrit contient les Histoires de Georges Pachymère et de Nicéphore
Grégoras; il mesure 287x204 mm et comprend 471 folios60. L'Histoire
de Pachymère occupe les folios l-309v, et la première partie finit au folio
146V. Les quaternions sont réguliers; on distingue parfois la signature
originale au début (haut du folio, à l'angle extérieur : f. 65, 105) ou à la
fin des cahiers (bas du folio, à l'angle intérieur : f . 16, 40, 72, 80, 88, 96,
112, 128); chaque feuillet a été signé ultérieurement, au coin droit de
chaque recto, grâce à une lettre latine suivie des chiffres 1 à 8 pour chaque
folio du quaternion. La première partie de l'Histoire est transcrite sur
19 cahiers : 19x8 = 152 folios. Les folios 147-152 sont restés blancs, et
la deuxième partie commence au début du cahier 20 (f. 153). L'importance
du manuscrit pour l'établissement du texte découle surtout du fait qu'il
est le seul à conserver aujourd'hui certains passages du livre XIII. Pour
la première partie, il représentera la famille B dans l'apparat critique pour
les passages que son modèle a perdus par la suite :
1 . le pinax des chapitres des livres I-VI ; comme C ne contient plus ce pinax,
que A et ses apographes en ont perdu la fin (livre V, ch. 18-30, et livre VI),
le Parisinus graecus 1723 est le seul manuscrit à fournir cette partie des ti
tres, car les deux copies qui en proviennent omettent de transcrire le pinax.
2. le début de l'Histoire (Bonn, I, p. ll1^9), qui manque également
dans B, mutilé de ses feuillets initiaux.
3. un passage du livre III (Bonn, I, p. 24516-2498), que B ne possède plus,
à la suite de la chute du dernier folio du cahier 9 (p. 119-120).

60. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 161-165 et 176-180.


190 A. FAILLER

Le manuscrit est l'œuvre de deux copistes. Le premier a transcrit les


folios 1-141V 1. 4 et 313-471, soit l'Histoire de Pachymère du début au
livre VI, ch. 32 (Bonn, I, p. 50833), et l'Histoire de Grégoras en son entier.
Le second a exécuté le reste de l'Histoire de Pachymère, soit de la fin
du livre VI au livre XIII inclus. Ce dernier a daté sa copie : année 6951,
c'est-à-dire 1442-1443 (f. 309*). Le problème de la datation se pose alors
dans les termes suivants : le premier copiste est antérieur au second, mais
y a-t-il un écart de temps important entre les deux copies ou celles-ci sont-
elles contemporaines ? En l'absence d'autres indices, l'analyse de l'écriture
ou du papier permettrait seule de résoudre le problème. Comme l'écart
entre les deux copies ne peut de toute manière excéder quelques dizaines
d'années, l'écriture peut difficilement présenter un critère sérieux pour la
datation. Restent donc les caractéristiques du papier, et en paiticulier les
filigranes. On trouve les motifs suivants ainsi distribués :
1. balance à plateaux triangulaires : cahiers 1-5, 6 en partie, 12-13, 15-16,
40-58, 59 en partie (f. 465, 466, 471)
2. chien : cahiers 6 en partie, 7-11, 59 en partie (f. 467, 470)
3. basilic : cahiers 14 en partie, 28-32
4. enclume : cahiers 14 en partie, 17-18, 19 en partie, 20-24, 25 en partie,
59 en partie (f. 468, 469)
5. trois monts : cahiers 19 en partie, 25 en partie, 26-27
6. couronne : cahiers 33-39.
Le premier copiste a transcrit les cahiers 1-18 (jusqu'au folio 141V 1. 4) et
40-59, le second les cahiers 18 (à partir du folio 14Γ 1. 5) -39. Certains
papiers, marqués du basilic ou de l'enclume en filigrane, sont utilisés
concurremment par les deux copistes ; on en conclut que les deux copies
sont à peu près contemporaines. J'ai pu identifier avec certitude un seul
de ces filigranes : le chien (Briquet 3611 : 1440-1444). Or le papier qui
porte ce filigrane est précisément utilisé par le premier copiste, et la date
qu'on attribue à l'utilisation de ce papier concorde rigoureusement avec
celle que donne à sa transcription le deuxième copiste (1440-1444 et 1442-
1443). On peut donc présumer que les deux copies sont de la même date
et que le volume, bien que dû à deux copistes différents, constitue sur le
plan chronologique une unité parfaite.
Telle n'était pas la conclusion de V. Laurent. Se fondant sur une notice
chronologique du folio 466, qui rapporte deux événements de l'année 1399
et présente Manuel II (1391-1425) comme empereur régnant61, il en inférait

61. V. Laurent, art. cit., p. 164.


LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 191

que le premier copiste du Parisinus, auteur de cette note, vivait sous ce


règne et transcrivait le manuscrit entre 1399 et 1425, et qu'en conséquence
un écart important séparait la transcription des deux parties du volume.
En fait, de telles conclusions n'excluent pas l'équivoque : le copiste peut
aussi bien avoir reproduit le texte que l'avoir composé en personne62.
Cet argument ne peut donc à lui seul autoriser une conclusion définitive.
Dans le cas présent intervient un autre élément ; selon V. Laurent, la partie
du Parisinus graecus 1723 qui contient les 11 premiers livres de l'Histoire
de Gregoras est une copie du Coislin. 137, qui contient la même partie
de cette œuvre et dans lequel on lit la même note. V. Laurent datait ce
manuscrit de 1422, une date qui ne s'applique en fait qu'à une partie de
ce manuscrit disparate ; se fiant lui aussi aux données chronologiques
de la même notice, le descripteur du fonds Coislin pense que la transcrip
tion de l'Histoire de Gregoras est antérieure à 1422 et datable des premières
années du 15e siècle63. Quoi qu'il en soit, après une comparaison sommaire
entre les deux manuscrits et pour des raisons qu'il est inutile d'exposer
ici, je conclus que le Coislin. 137 n'a pas été copié sur le Parisinus graecus
1723, en ce qui concerne les 11 premiers livres de l'Histoire de Gregoras,
alors que l'inverse est possible. Je ne sais à quelles conclusions aboutit
de son côté l'éditeur de l'Histoire de Gregoras. En résumé, la comparaison
de ces deux manuscrits ne fournit aucun argument décisif pour la datation
du Parisinus graecus 1723. En conséquence, on retiendra que les deux
copistes de ce manuscrit sont à peu près contemporains et que celui-ci
date en son entier des années 40 du 15e siècle64.
La provenance du manuscrit ne peut faire de doute, car Β présente des
particularités assez marquées pour qu'on distingue immédiatement les
copies de cette famille ; de plus, V. Laurent a clairement montré que le
Parisinus est une copie directe de B. La copie est très soignée; les titres
de chapitres ont été remis en place au cours du texte, alors que le modèle
en présentait seulement le pinax en début de volume ; ce travail n'est pas
d'ailleurs sans défauts, car un certain nombre de titres ont été omis (par
exemple les chapitres 10-18 du livre III), et la numération est parfois
erronée. Dans les marges du manuscrit, on lit les remarques du modèle
(équivalents romains des mois athéniens et notations appelant l'attention

62. Le problème est identique à celui que pose la note transcrite dans A; voir ci-
dessus, p. 130-131.
63. R. Devreesse, Le fonds Coislin, Paris 1945, p. 129.
64. Le colophon daté de 1399 serait donc bien antérieur au manuscrit, tandis que
les deux dernières notes chronologiques (1443 et 1446) du folio 466 seraient contemp
oraines de la copie.
192 A. FAILLER

du lecteur : σημείωσαι, ώραΐον etc.), auxquelles s'ajoutent une centaine


de gloses, destinées à expliquer les mots difficiles du texte ; écrits par le
copiste lui-même, ces synonymes sont habituellement justes et aident
parfois à interpréter le texte. En voici les premiers, à titre d'exemples :
έξαγώνια-εξω του αγώνος, θριγκούς-τά περιφράγματα του οίκου, κεκρυ-
φάλφ-σουδαρίω, μυωπιζομένων-τυπτόντων, έπιρρύδην-άθρόως, άγηλατεϊν-
τα άγη άπελαύνειν.
Le manuscrit était connu de P. Poussines, qui en fit transcrire une partie
par son confrère Ph. Labbe en vue de son édition65, mais qui ne l'utilisa
malheureusement pas pour suppléer les parties manquantes de la deuxième
section de l'Histoire. Il fut également lu par D. Petau66, Ch. Ducange67
et J. Boivin, qui, dans son édition de l'Histoire de Grégoras, en reproduisit
un passage du livre XIII, chapitre 3668 : comme Β présentait une lacune
à cet endroit, P. Poussines édita en effet la version de V.
b. Atheniensis graecus Gennadeiou 40
Ce manuscrit de 1005 pages, qui mesure 207 χ 165 mm, contient avant
tout l'Histoire de Skylitzès; s'y ajoutent un court passage de l'Histoire
de Nicéphore Grégoras (p. 129-134 = Bonn, I, p. 29510-2973) et le début
de l'Histoire de Georges Pachymère (p. 17-128 = Bonn, I, p. 11 M232)69.
Ce manuscrit conserve donc le livre I en entier et les chapitres 1-20 du
livre II de cette dernière œuvre. Les pages 1-16 ont disparu; le texte de
Pachymère occupe 7 quaternions : 16 + (16 χ 7) = 128 pages. Le cahier 7
fut d'abord paginé 81-96 (= cahier 5), et la suite du manuscrit numérotée
en conséquence; plus tard, cette pagination fut corrigée à partir de ce
cahier et jusqu'à la fin du volume.
La provenance et la date approximative de la copie peuvent être établies
grâce à une indication précise : in BR nu. 521 (p. 17), c'est-à-dire in Biblio-
theca régis n° 521. L' Atheniensis est donc copié sur le Parisinus graecus
1723, qui porta en effet successivement les cotes suivantes : 3465 (cote
attribuée vers 156070, mais jamais inscrite sur le manuscrit), LXXI 521,
557, 2558, 1723. La première cote inscrite sur le manuscrit, en chiffres

65. Bonn, I, p. x-xi.


66. Voir ci-dessous, p. 199.
67. Voir A. Failler, Un incendie à Constantinople en 1305, REB 36, 1978, p. 167 n. 30.
68. J. Boivin, Nicephori Gregorae Byzantina Historia, Paris 1702, p. 760 = Bonn,
II, p. 1205.
69. V. Laurent, Byz. 6, 1931, p. 355-364.
70. H. Omont, Anciens inventaires et catalogues de la Bibliothèque Nationale, Paris
1908, p. 430.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 193

romains et en chiffres arabes, est due à Nicolas Rigault; bibliothécaire


de 1615 à 1645, celui-ci rédigea le catalogue des manuscrits de la biblio
thèque royale en 162271. Le Parisinus reçut la cote 557, lorsque Pierre
Dupuy, successeur de Nicolas Rigault, effectua un nouveau classement
des volumes ; son catalogue est daté de l'année de son entrée en fonction :
1645. Il s'ensuit que YAtheniensis fut copié sur le Parisinus durant la période
où Nicolas Rigault était en charge de la bibliothèque royale. La même
date doit être attribuée à l'ensemble de YAtheniensis ; au début de la copie
de l'Histoire de Skylitzès (p. 145), on lit en effet une mention identique :
Est in BR nu. 73. C'est la cote attribuée par Nicolas Rigault à l'actuel
Parisinus graecus 1721, modèle de YAtheniensis pour la transcription de
l'Histoire de Skylitzès; l'indication est simplement moins précise sur le
plan chronologique, car ce manuscrit conserva son numéro d'ordre dans
le nouveau catalogue de Pierre Dupuy72.

c. Coisliniani 138-140
Les Coisliniani 138-143, qui mesurent 308 χ 203 mm, contiennent la
copie manuscrite la plus tardive de l'Histoire de Georges Pachymère73.
La première partie de l'œuvre est transcrite sur les Coisliniani 138 (272 f.,
livres I-III), 139 (308 f., livres IV-V) et 140 (f. 1-173, Uvre VI), dans lequel
est également copié le livre VIL Alors que le Coislinianus 138 est transcrit
par plusieurs copistes, les cinq autres volumes portent tous la même
écriture, celle du copiste Honorât74.
Il semble que ces manuscrits soient une préparation pour l'édition.
Ainsi se présentent du moins les premiers feuillets du premier volume;
dans tous ces manuscrits, le verso était réservé à la traduction latine, mais
il est resté presque intégralement blanc, car celle-ci n'a été faite que pour
le début de l'ouvrage, soit les chapitres 1-15 du livre I (f. 2V-37V). Les
premiers feuillets contiennent d'abondantes notes, dont l'intérêt et la
précision sont contestables ; elles s'arrêtent dès le folio 20 et se rapportent
aux dix premiers chapitres du livre I. Pour le reste de ce premier volume,
on ne trouve plus que quelques maigres notes marginales, dont une partie

71. Ibidem, II, Paris 1909, p. 63.


72. Il faut corriger en conséquence la date attribuée à ce manuscrit (2e moitié du
16e siècle) par I. Thurn, loannis Skylitzae Synopsis Historiarum, Berlin-New York
1973, p. xxm.
73. B. de Montfaucon, Bibliotheca Coisliniana, olim Segueriana, Paris 1715, p.
209-210; V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 174-175 et 190-192; R. Devreesse, Le fonds
Coislin, Paris 1945, p. 129-130.
74. R. Devreesse, op. cit., p. rx.

13
194 A. FAILLER

est tirée du Parisinus graecus 1723, tandis que les autres émanent du copiste.
Les longues notes des premiers feuillets ont la particularité d'être transcrites
en deux langues : latin en regard de la traduction, grec en regard du texte
original. L'auteur de ces notes est un parfait bilingue, qui rédige simul
tanément son commentaire en grec et en latin, et un homme familier du
monde grec, comme le montre par exemple la remarque suivante : Muzalon
est cognomen ; Gregoras 1. 3 cap. 7. Superest etiam nunc familia cogno-
minis ut audiui in Chio insula (f. 15*). On peut voir en lui le rhéteur
Athanase, que H. Omont désigne comme l'un des copistes de ce premier
volume75. A partir du folio 21, les notes au texte grec se présentent habi
tuellement sous une même forme et n'ont pas la concision des gloses
empruntées au modèle b. En voici deux exemples :
— p. 6221 φοβούμενη : κρεΐττον οΐμαι εί άρσενικώς γραφείη φοβούμενος
(f. 62)
— p. 6911 άμάρρας codices : ίσως αμάρας κρεϊττον γράφεσθαι καΐ
σημαίνει τον όχετόν (f. 70).
Si la deuxième remarque est fondée, bien qu'il reste encore à corriger
l'esprit, la première note est par contre erronée et montre que le copiste
ne saisit pas bien le sens du texte et corrige de manière superficielle. Quant
aux cinq volumes copiés par Honorât, ils ne portent aucune annotation.
La traduction latine des 15 premiers chapitres de l'ouvrage contiaste
avec celle de P. Poussines par sa clarté et sa simplicité. Bien qu'elle ne
soit pas toujours fidèle à l'original, elle témoigne d'une bonne intelligence
du texte ; ainsi le traducteur rend correctement le passage compliqué de
l'Histoire dans lequel Pachymère montre comment les troupes orientales
s'enlisèrent en Epire (Bonn, I, p. 2011"20)76. Mais la traduction contient
également de graves erreurs, dont voici deux exemples :
— p. 1410-12 « H nous faut omettre cela, ainsi que les événements de
cette époque, comme étant hors d'atteinte et d'ailleurs étranger au but
qu'on se propose. » Mal compris par P. Poussines, ce passage est également
mal interprété dans le Coisiinianus : Quae itaque circa tempora illa fuerunt
gesta nobis praetermittenda sunt non quidem quasi inutilia, sed a nostro
proposito institutoque aliéna (f. 4*).
— p. 3521"22 « Cette même année inclinait vers l'automne, lorsque le
souverain cesse de vivre, laissant quatre enfants...» Parfaitement traduit
par P. Poussines, ce passage revêt dans le Coisiinianus un sens tout différent

75. V. Laurent, art. cit., p. 175.


76. Voir ci-dessus, p. 176.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 195

et inconcevable dans le contexte : Per id temporis cum annus ad autumnum


vergeret, fato fungitur imperator, quatuor liberis defunctis... (f. 30*)·
Les Coisliniani dérivent du Parisinus graecus 1723. La localisation des
deux manuscrits le suggère : le copiste Honorât, qui transcrivit la plus
grande partie de l'Histoire, était au service du chancelier Pierre Séguier et
ne pouvait avoir aisément accès à une autre copie de l'ouvrage. D'autres
arguments viennent appuyer cette constatation ; les Coisliniani conservent
le texte de la tradition B, mais reproduisent certaines particularités de b.
Ainsi le motif des trois π, qui résume le destin de Michel VIII Paléologue
(Bonn, I, p. 5322"7) et qui est dessiné sur tous les manuscrits, est accomp
agné, seulement dans ces copies (b, f. 146V ; Coislin. 140, f. 173), de la
légende suivante : το σημ,εΐον δπερ άνωθεν λέγει ό συγγραφεύς. Le Coisli-
nianus 138 reproduit certaines gloses marginales qu'on lit pour la première
fois en b. Les Coisliniani reprennent également les titres des livres, la
numération et les titres de chapitres, que b a intercalés dans le texte à
partir du pinax de B77. On y retrouve d'ailleurs les mêmes omissions et
les mêmes erreurs.
L'étude de la constitution du fonds Coislin fournit la date approximative
de la copie : la collection fut réunie par le chancelier Pierre Séguier entre
1640 et 167278 ; lorsque celui-ci mourut à cette date, les Coisliniani 138-143
figuraient dans les documents de sa succession. La copie doit donc être
placée vers le milieu du 17e siècle.

3. La famille du Barberinianus graecus 203 (Q


Le troisième manuscrit-source de l'Histoire, qui est la meilleure copie,
n'a laissé qu'un seul apographe : le Vaticanus graecus 1490, qui mesure
324 χ 225 mm79. Lorsque V. Laurent l'a examiné, ce manuscrit avait ses
cahiers en désordre; ceux-ci furent remis à leur place par C. Giannelli,
le descripteur de cette série de Vaîicani graeci. Copie tardive, ce manuscrit
présente un seul intérêt : il permet de reconstituer partiellement quelques
passages de l'original qui ne se lisent plus en C par suite d'un trou qui
affecte les folios 1-3.
Le manuscrit fut copié au Collège grec de Rome ; il est dû à plusieurs
mains, parmi lesquelles G. Mercati a identifié celle de Jean-Matthieu

77. Voir ci-dessous, p. 206.


78. Sur l'histoire de la collection de Pierre Séguier, voir R. Devreesse, op. cit., p. i-xvi.
79. V. Laurent, art. cit., p. 170-172 et 188-190; C. Giannelli, Bybliothecae Apos-
tolicae Vaticanae codices manu scripti recensiti. Codices Vaticani graeci. Codices 1485-
1683, Cité du Vatican 1950, p. 8-10.
196 A. FAILLER

Karyophyllès (1565/1566-1635)80. Π fut copié probablement au début du


17e siècle, vers 1610-1620.
Telle apparaît la tradition manuscrite de l'Histoire de Georges Pachy-
mère81 : le stemma qui suit l'expose de manière plus claire. Tous les apo-
graphes présentent sans doute un certain intérêt pour la transmission du
texte, d'autant plus qu'il a été possible de les dater de manière assez
précise ; mais pour l'établissement du texte, seuls deux apographes seront
utilisés, qui conservent des passages perdus par le modèle : le Marcianus
graecus 404 pour la famille A (Bonn, I, p. 301-3219) et le Parisinus graecus
1723 pour la famille Β (pinax inédit des chapitres; Bonn, I, p. ll1^9
et 24516-2498) ; pour deux passages seulement, on ne peut reconstituer le
texte des trois familles de manuscrits : le pinax des chapitres pour A en
partie et C en entier, un passage du texte (Bonn, I, p. 113η-1169) pour A.
La question se posera d'ailleurs de manière assez différente pour la deuxième
partie de l'Histoire. Pour cette première partie de l'ouvrage, on utilisera
aussi de façon épisodique les gloses marginales du Parisinus graecus Π23,
ainsi qu'à un moindre degré les commentaires du Coislinianus 138, pour
l'interprétation du texte.

V. L'édition de l'Histoire

On peut s'étonner que l'Histoire de Pachymère n'ait été éditée que dans
la seconde moitié du 17e siècle, alors que la plupart des ouvrages des grands

80. G. Mercati, Per la storia dei manoscritti greci di Genova, di varie badie basiliane
d'Italia e di Patmo, Cité du Vatican 1935, p. 148. Sur ce copiste, voir E. Legrand,
Bibliographie hellénique ou description raisonnée des ouvrages publiés par des Grecs au
dix-septième siècle, III, Paris 1895, p. 196-203 ; V, Paris 1903, p. 226-227.
81. Maria Elisabetta Colonna (G H storici bizantini dal IV al XV secolo. I. Storici
profani, Naples [1956], p. 94) signale un dernier manuscrit : Ox. Bod. d'Orv. X I. 2, 2.
Il s'agit simplement de la copie d'un bref passage de l'édition de P. Poussines, si l'on
en croit le catalogue de Th. Gaisford (Codices manuscripti et impressi cum notis manu-
scriptis, olim d'Orvilliani, qui in bibliotheca Bodleiana apud Oxonienses adservantur.
Oxford 1806, p. 8) : De insula Άναμοπύλη, p. I e G. Pachymero et Nicephoro Gregora.
Lat. e versione P. Possini. A ma connaissance, ce toponyme n'est d'ailleurs pas cité
par Nicéphore Grégoras dans son Histoire; Pachymère le mentionne (Anémopylai,
dans l'île d'Eubée?) à propos de Licario (Bonn, I, p. 41021), qui remit ses possessions
à Michel VIII Paléologue. La mention de ce fragment est omise dans le catalogue posté
rieur de F. Madan (A Summary Catalogue of Western Manuscripts in the Bodleian
Library at Oxford. IV. Collections received during the First Half of the 19th Century\
Oxford 1897, p. 45-46) : 16912, manuscrit d'Orville 34 (= Auct. X I. 2, 2), 17M8e s.
Miscellaneous papers...
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 197

οI
δ
198 A. FAILLER

écrivains byzantins furent publiés au 16e siècle ou au début du 17e. Ainsi,


pour se limiter aux principaux ouvrages historiques du 13e et du 14e siècle,
l'Histoire de Nicétas Chôniatès parut en 1557, celle de Nicéphore Grégoras
en 1562, celle de Georges Acropolite en 1614 et celle de Jean Cantacuzène,
déjà connue par une traduction latine publiée en 1603, parut en 1645.
Les difficultés du texte ont pu rebuter un éditeur éventuel, ainsi que l'état
lacunaire de la plupart des manuscrits. Il y eut bien des tentatives, mais
toutes échouèrent, jusqu'à ce que P. Poussines menât à bien l'entreprise
en 1666. Dans son édition de l'Histoire romaine de Grégoras, H. Wolf
portait un jugement sévère sur l'ouvrage de Pachymère, qu'il consulta
dans le manuscrit A : Qui si integer esset, écrit-il, nee tot in locis laboraret
propter mediocrem styli elegantiam, quam tarnen barbara uocabula saepe
quasi polluunt, et grauitatem sententiarum, conversione non indignus
uideretur1. L'éditeur de Nicéphore Grégoras, dont la langue est pourtant
réputée difficile à juste titre, renâclait devant le texte de Pachymère et, se
fondant sur les critères linguistiques de l'âge classique, méconnaissait les
qualités de son style. Dans son édition, il inséra un compendium de l'ouvrage
de l'historien : d'après le manuscrit A, il traduit en latin le pinax des
chapitres pour la partie transcrite dans ce volume (livre I au livre V, ch. 17),
ajoutant à l'occasion certains passages brefs, qu'il jugeait importants;
comme le pinax s'arrête à cet endroit, il y supplée en donnant un condensé
du contenu des livres VI-XIII2. Au début de son volume, H. Wolf inséra
également les quatre portraits qu'on trouve dans A et certains de ses
apographes.
Quinze ans plus tard (1578), M. Crusius semble s'être proposé de publier
l'Histoire de Pachymère : la transcription de A sur le Tubingensis graecus
Mb 13 en témoigne, et l'abondante annotation que conserve ce manuscrit
apparaît comme une esquisse d'édition ; il copia entièrement le manuscrit A,
en l'espace de 4 mois, et chercha en vain, des années durant, à combler
les lacunes que présentait son modèle, sans s'être aperçu d'ailleurs que A
était bien plus défectueux qu'il ne le soupçonnait3. A la même époque,
A. Kalosynas eut peut-être la même intention, lorsqu'il recopia sur l'actuel
Matritensis graecus 4818 une partie de l'Histoire de Pachymère, à partir
du Matritensis graecus 4752*. On ne sait jusqu'où il mena son travail ;

1. H. Wolf, Nicephori Gregor ae Romanae hoc est Byzantinae historiae Libri XI,
Bâle 1562, p. 258.
2. Ibidem, p. 258-270.
3. Voir ci-dessus, p. 187.
4. Voir ci-dessus, p. 185-186.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 199

toujours est-il que l'on conserve seulement une copie fragmentaire de


l'Histoire (livre I et livre II, ch. 1-29), très médiocre d'ailleurs, et que la
traduction latine s'arrête au chapitre 8 du livre I.
En 1616, D. Petau inséra dans son édition du Breviarium de Nicéphore
quelques inédits, parmi lesquels se trouve un long passage de l'Histoire
de Pachymère (livre V, ch. 8-30), édité à partir du Parisinus graecus 1723
(ancien Regius 2558)5. Il semble qu'il ait mal interprété ce qu'écrivait
l'éditeur de l'Histoire romaine de Grégoras, qui, trouvant une lacune
dans le pinax des chapitres à partir du livre V, chapitre 17, reproduisit
certains passages du texte, qui lui semblaient résumer le contenu du reste
de l'ouvrage. On se serait attendu que D. Petau complétât la traduction
de ce pinax, que le Parisinus reproduit intégralement pour les livres I-VI ;
au lieu de quoi, il édite le texte même du livre V, après avoir écrit en guise
d'avertissement : Georgii Pachymerii fragmenta quaedam historica nondum
édita, quae in Augustano Codice Ms. déesse Vvolfius admonuerat in
Synopsi lib. V. En fait, le manuscrit A, qui se trouvait alors à Augsbourg,
ne présente pas de lacune en cet endroit pour le texte de l'Histoire, mais
simplement pour le pinax des chapitres. D'autre part, D. Petau intervertit
de sa propre autorité l'ordre des chapitres : on lit d'abord les chapitres
1 1-30 du livre V (tractations qui précédèrent l'Union de Lyon et événements
qui s'ensuivirent), puis les chapitres 8-10 (entreprises de Charles d'Anjou
contre Constantinople et ambassade de Michel VIII au roi de France).
Rien ne justifie cette interversion dans le Parisinus graecus 1723 qu'utilise
l'éditeur. A l'exception des chapitres 1-7, tout le livre V se trouve ainsi
édité dans cet ouvrage.
Rien n'est resté, semble-t-il, du texte établi par D. Hoeschel et traduit
par M. Bernegger dans la deuxième décennie du 17e siècle, si ce n'est...
la pagination de la copie disparue. Dans les marges du Monacensis graecus
442, on lit une série de chiffres qui se présente comme une pagination
d'ouvrage (p. 1 à 310 pour la première partie de l'Histoire, p. 310 à 654
pour la seconde), mais qui ne correspond à aucun manuscrit connu de
l'Histoire. On la retrouve dans les marges du Parisinus graecus 1723 ; les
références y sont plus clairsemées et moins régulières, mais on peut vérifier
néanmoins le parallélisme des deux paginations. Un indice fournit ici la
source de cette pagination ; à trois reprises, on trouve, avec l'indication
de la page, la mention suivante : Ms. Germanicum (f. 39, 47 et 62*). Le
lecteur du Parisinus compare son texte avec un autre manuscrit ; lorsque

5. D. Petau, S. Nicephori Patriarchae Constantinopolitani Breviarium historicum, de


rebus gestis ab obitu Mauricii ad Constantinum usque Copronymum, Paris 1616, p. 315-398.
200 A. PAILLER

les leçons divergent, il inscrit un astérisque dans le texte à l'endroit incriminé,


reproduit en marge cet astérisque et indique la page correspondante du
Germanicus. Un rapide contrôle permet de vérifier que ces astérisques
se trouvent précisément aux endroits où les leçons de b et de A divergent,
qu'il s'agisse des nombreuses omissions ou variantes de b, qui ont leur
origine en B, ou des accidents de A. Ainsi là où A passe, à cause de l'inte
rversion d'un folio (folio 82a devenu folio 51 = A, accident 5), du livre II,
ch. 24, au livre III, ch. 24, le lecteur signale en marge cet accident avec
6 astérisques, suivis de la mention suivante : Ms. Germanicum pag. 81.
Seul est indiqué l'endroit du récit où se produisent les divergences entre
les deux textes, mais la leçon du Germanicus n'est jamais reproduite. Il est
cependant aisé d'identifier ce manuscriptum Germanicum: il s'agit de la
copie qu'exécuta en 1612 D. Hoeschel6, à partir de A, qui se trouvait
toujours à Augsbourg. Chargé de traduire en latin l'Histoire de Pachymère,
M. Bernegger, professeur à Strasbourg, se mit à l'ouvrage vers 16227. Au
début de 1624, il envoya à Paris le manuscrit de D. Hoeschel, afin de le
faire collationner avec le Parisinus graecus 17238 ; c'est donc à cette date
que fut portée sur ce dernier manuscrit la pagination du Germanicus. Mais
bientôt M. Bernegger apprit qu'un professeur du roi, Jean Tarin (1586-
1666), se réservait l'édition de l'Histoire de Pachymère. Malade et dépité,
il fit brûler sa traduction ; une fois guéri, il se remit à l'ouvrage en 16289 ;
il mourait en 1640, sans que l'Histoire eût été éditée. On ignore ce qu'il
advint du Germanicus qui était en sa possession, ainsi que de la nouvelle
traduction et des notes du professeur de Strasbourg.
Transcrits vers le milieu du 17e siècle, les Coisliniani 138-143 semblent
être aussi une amorce d'édition10, quoiqu'il restât encore beaucoup à faire,
la traduction et l'annotation s 'interrompant dès le premier livre. Vers la

6. Cette date est indiquée dans la correspondance de M. Bernegger : Ch. A. Heumann,


Poecile sive epistolae miscellaneae ad literatissimos aevi nostri viros, II, Halle 1726, p. 222
et 240. Cf. V. Laurent, Byz. 5, 1929-1930, p. 132-135.
7. Ch. A. Heumann, op. cit., p. 241.
8. Ibidem, p. 222-223.
9. Ibidem, p. 240-242.
10. Voir ci-dessus, p. 193-195. Remarquons que l'Histoire de Jean Cantacuzène, parue
en 1645, fut publiée d'après un manuscrit du chancelier Pierre Séguier (Graece nunc
primum prodeunt ex codice MS. Bibliothecae Viri Illustrissimi Pétri Seguierii Franciae
Cancellarii, lit-on sur la page de titre) et que le présent ouvrage pouvait avoir la même
destination. Mais le Coislinianus 144, qui servit de modèle à l'édition, est bien supérieur
au Parisinus graecus 1723, modèle des Coisliniani 138-143 ; ce manuscrit doit dater proba
blement du troisième quart du 14e siècle, donc du vivant de l'empereur historien, et
non du 15e siècle, comme l'indique R. Devreesse {Le fonds Coislin, Paris 1945, p. 130),
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 201

même époque, L. Allacci réunit trois manuscrits de l'Histoire : B, C et V ;


il fit collationner Β et C l'un avec l'autre et combler les lacunes que présen
taient ces deux manuscrits, en recourant à V à l'occasion : il est par là
responsable de l'insertion de certains passages de la paraphrase dans le
texte original de l'Histoire, telle que l'opéra plus tard P. Poussines. Après
les tentatives d'édition à partir de A et de b, L. Allacci était le premier
à détenir deux copies susceptibles de fournir un texte parfait, du moins
pour la première partie de l'Histoire. Malgré ces travaux, il ne semble
pas avoir projeté d'éditer lui-même l'ouvrage, qu'il étudia attentivement
et utilisa largement dans son commentaire à l'édition de l'Histoire de
Georges Acropolite. Il publia l'œuvre du grand logothète en 1651, cita
dans ses notes de longs extraits des 3 premiers livres de l'Histoire de Pachy
mèreet dressa une excellente première biographie de l'historien dans sa
Diatriba de Georgiis et eorum scriptis, insérée à la fin de l'ouvrage11. Il
revint à P. Poussines, qui arriva à Rome en 1659, de recueillir les résultats
de ces travaux et d'éditer l'Histoire de Pachymère, dont le premier volume
(livres I-VI) parut en 1666 et le second (livres VII-XIII) en 1669. L. Allacci,
qui mourut précisément en 1669, connut cette édition12.
Une fois l'œuvre publiée, on continua à consulter le Parisinus graecus
1723, qui conservait certains passages inédits du livre XIII. Ce fut le cas
pour Ch. Ducange et J. Boivin, qui préparaient une nouvelle édition de
l'Histoire romaine de Grégoras. Dans cette édition, parue en 1702, on
lit les notes posthumes de Ch. Ducange et celles de J. Boivin, qui cite
un passage inédit de Pachymère (livre XIII, ch. 36) dans son commenta
ire13.
L'édition de P. Poussines fut réimprimée en 1729 dans le Corpus de
Venise (tome XIII) ; le texte fut revu par un helléniste dont le nom est
mentionné à la dernière page de l'ouvrage : corrigente D. Georgio Patussa
Atheniensi, Flanginiani Seminarii magistro et rectore. Un siècle plus tard
(1835), I. Bekker révisa le texte pour le Corpus de Bonn : il corrigea les
coquilles de l'édition princeps et apporta diverses modifications, mais il

11. L. Allacci, Georgii Acropolitae magni logothetae Historia, Ioelis Chronographia


compendiaria et Ioannis Canani Narratio de Bello CP. Accessit Diatriba de Georgiorum
scriptis, Paris 1651, p. 364-374. Le dernier texte sera cité par la suite d'après la PG (143,
col. 407-422).
12. L'exemplaire conservé à la Bibliothèque de l'Institut français d'Etudes byzantines
appartint à L. Allacci ; il porte, sur la page de titre, la mention suivante : Ex bibliotheca
Allatii.
13. J. BorviN, Nicephori Gregorae Byzantine Historia, Paris 1702, p. 760 = Bonn,
IL p. 1205.
202 A. FAILLER

ne consulta aucun manuscrit. La Patrologie grecque de J. P. Migne (tomes


143-144, 1865) reprit le texte de l'édition de Bonn. Au sens strict, il existe
donc une seule édition de l'Histoire de Georges Pachymère, qui fut réim
primée à trois reprises (Venise 1729, Bonn 1835, Paris 1865). Elle fut
établie d'après les manuscrits B, C et V; l'éditeur eut raison de donner
la préférence à C, dont on a exposé plus haut la qualité et la fidélité à
l'archétype, mais cette assertion liminaire ne l'empêcha pas de retenir
souvent, à tort, les leçons de B. Les données de A, dont P. Poussines
connaissait l'existence et qu'il ne consulta cependant pas, projettent une
lumière nouvelle sur la transmission du texte. Grâce à ses convergences
avec B d'une part et avec C d'autre part, il acquiert le rôle d'arbitre que
P. Poussines réserva à la paraphrase.
Une fois fixés les critères qui mesurent la valeur de chacun des manuscrits,
il devient possible de résoudre quelques problèmes généraux de trans
mission du texte. Ensuite seront mentionnées les déficiences principales
de chacun des trois manuscrits-sources, et relevées les notes tardives qui
encombrent les marges de ceux-ci, sans rien ajouter d'utile pour l'intell
igencede la transmission de l'œuvre ou pour l'interprétation du texte.
Grâce à cet élagage, il sera possible de présenter dans la nouvelle édition
un apparat bref et concis, où apparaîtront seulement les notes marginales
importantes et significatives. L'exposé suivra l'ordre suivant :
1. Titre général de l'ouvrage et titre des livres
2. Pinax des chapitres et titres de chapitres intercalés dans le texte
3. Caractéristiques textuelles des manuscrits-sources et évaluation de
l'édition princeps.

1. Titre général de l'ouvrage et titre des livres

Le titre général de l'ouvrage fait problème. Distinguons tout d'abord deux


séries de titres : titre du pinax des chapitres et titre du texte. Le meilleur
manuscrit, C, ne possède plus le premier titre, car il omet le pinax ; celui-
ci devait figurer sur les 6 folios initiaux du cahier 1, qui sont perdus.
A porte le titre suivant, que reproduisent unanimement ses apographes :
Χρονικον Γεωργίου Παχυμέρη του πρωτεκδίκου και δικαιοφύλακος.
Quant à B, mutilé du début, il ne donne pas le titre de l'ouvrage dans son
état actuel ; mais b, sa copie, fournit un titre au début du pinax et le répète
au début du texte (f. 1 et 5") : Γεωργίου του Παχυμέρη 'Ρωμαϊκής
Ιστορίας λόγος πρώτος. Ce titre est précédé dans les deux cas d'un premier
titre, écrit par une autre main dans la marge supérieure du manuscrit :
Του σοφωτατου πρωτεκδίκου της άγιωτάτης του Θεού μεγάλης εκκλησίας
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 203

καΐ δικαιοφύλακος του ευαγούς βασιλικού κλήρου διακόνου κυρ Γεωργίου


του Παχυμέρη 'Ρωμαϊκής ιστορίας λόγος α'. Dans le titre long, Pachy-
mère porte sa titulature habituelle, telle que la communique la tradition
manuscrite d'autres œuvres de l'historien et telle que la présente la légende
de son portrait dans A (f. 6*) et deux de ses apographes (Marcianus graecus
404 et Tubingensis graecus Mb 13); malgré ces éléments positifs, ce titre
n'est pas original et ne figurait sans doute pas dans le modèle. Quant au
titre court, il est lui aussi suspect : il est probable en effet que, ici comme
ailleurs, A est plus fidèle au modèle commun de AB, et donc à l'archétype.
D'autre part, il n'est pas certain que b copie fidèlement son modèle Β en
ce cas précis ; le Parisinus graecus 1723 présente dans un même volume
deux œuvres (Histoires de Georges Pachymère et de Nicéphore Grégoras),
auxquelles le copiste attribue le même titre d'Histoire romaine14 ; celui-ci
semble être le titre original de l'œuvre de Grégoras, si du moins l'on en
croit l'édition existante. Il faut dès lors se demander s'il n'y eut pas conta
mination entre les titres des deux œuvres. Quant à V, il omet également
le pinax et ne porte pas trace de ce titre général. UUrbinatensis graecus
110, qui contient un fragment de la paraphrase, ne conserve pas non plus
le titre de l'ouvrage. De ces données on ne peut tirer de conclusion claire ;
conformément au schéma de la transmission du texte, on retiendra dans
la nouvelle édition la leçon de A15. Il n'est pas certain d'ailleurs que le
pinax des chapitres, qu'on peut attribuer à Pachymère lui-même, comme
on le verra plus bas, ait porté un titre général ; il est plus normal de trouver
celui-ci au début du texte.
Au début du texte, on ne rencontre apparemment pas de titre général
de l'ouvrage, mais simplement le titre des livres, à partir duquel il est
peut-être possible de reconstituer ce titre général. Plus caractéristique que
les deux titres relevés plus haut, plus original et par conséquent plus digne
de créance est le titre qu'on lit, de manière à peu près constante, en tête de
chacun des 13 livres de l'Histoire : Συγγραφικών ιστοριών πρώτη, δευτέρα

14. C'est d'ailleurs un titre commun pour un ouvrage d'Histoire byzantine; ainsi
un copiste tardif a tout naturellement donné ce titre à l'Histoire de Pachymère, alors
que le manuscrit qu'il consultait appartient à la famille A et est intitulé Chronikon.
Voir ci-dessus, p. 182.
15. Le Vaticanus graecus 163, qui date du 13e siècle et sur lequel est transcrite l'Histoire
d'Acropolite, attribue également le titre de Chronikon à l'ouvrage de Pachymère (f. 269).
Mais la valeur de cette note marginale est fonction de la date de la secunda manus qui
l'a transcrite; cf. A. Heisenberg, Georgii Acropolitae opera, I, Leipzig 1903, p. vi;
I. Mercati et P. Franchi de' Cavalieri, Bybliothecae Apostolicae Vaticanae codices
manu scripti recensiti. Codices Vaîicani graeci. I. Codices 1-329, Rome 1923, p. 187.
204 A. PAILLER

etc. Le titre réel de l'ouvrage serait donc : ΣυγγραφικαΙ ίστορίαι16. L'édi


tionfera apparaître les diverses variantes que présentent les copies (omission
éventuelle de l'adjectif ou interversion des deux termes), mais l'accord
des trois manuscrits-sources et de la paraphrase sur ce titre est incont
estable. Que l'Histoire forme un ensemble continu de 13 livres ne peut
non plus faire de doute. La séparation opérée par P. Poussines dans son
édition (livres I-VI pour le règne de Michel VIII, puis à nouveau livres I-VII
pour le règne d'Andronic II) n'a aucun fondement dans la tradition manusc
ritede l'Histoire ; elle semble avoir été inspirée à l'éditeur par la deuxième
partie du manuscrit C (Barberin. gr. 204), où on lit au début du pinax des
chapitres de la deuxième partie de l'Histoire : Κεφάλαια του πρώτου λόγου
του δευτέρου βιβλίου ; au début du texte, on trouve un intitulé similaire :
Βιβλίον δεύτερον. 'Ιστορία συγγραφεΐσα παρά του Παχυμ,έρους της βασι
λείας 'Ανδρόνικου του Παλαιολόγου του γέροντος εν βιβλίοις επτά. Λόγος
πρώτος. Mais il faut remarquer que le Barberinianus graecus 204 est un
manuscrit composite, qui ne mérite pas la même confiance que le 203 ;
avec des variantes, ce titre est repris dans cette copie pour les livres VIII-XI,
puis l'on retrouve le titre habituel sur le reste du manuscrit, qui est transcrit
par le copiste du 203. Cet intitulé ne peut donc prévaloir contre l'accord
général des manuscrits. Remarquons encore que ce titre est tardif, puisque
le copiste donne à l'empereur le nom d'Andronic V Ancien pour le distinguer
d'Andronic III, et ne peut remonter à l'auteur lui-même.
De toute manière, il faut exclure le titre adopté par P. Poussines et
repris par I. Bekker ; les termes συγγραφικαί ίστορίαι n'apparaissent nulle
part dans l'édition, bien que les manuscrits les présentent assez réguli
èrement au début des livres. Pour les remplacer dans la première partie de
l'Histoire, l'éditeur insère un titre qu'il a forgé lui-même et qui semble
provenir à nouveau de la leçon du Barberinianus graecus 204 pour les
livres VU-XI : Γεωργίου του Παχυμέρη Μιχαήλ Παλαιολόγος.
Quelle signification faut-il donner au titre ? L'alliance des deux termes
est, semble-t-il, inconnue par ailleurs, et l'historien ne fait, au long de
l'ouvrage, nulle allusion au titre, qui reste en quelque sorte extérieur au
texte et qui pourrait aussi bien avoir été appliqué par lui à une œuvre

16. Tel est le titre qu'attribue à la paraphrase de l'Histoire le catalogue des Patmenses ;
cf. G. Mercati, Per la storia dei manoscritti greci di Geneva, di varie badie basiliane
d'Italia e di Patmo, Cité du Vatican 1935, p. 131. Quant au titre que porte l'Histoire
de Pachymère dans le catalogue d'Antoine Eparque, il est inspiré de la même formule ;
voir ci-dessus, p. 182 n. 47. L. Allacci (PC? 143, 413-414) adopte une formule similaire,
mais sous une forme que n'autorise pas la tradition manuscrite : Ιστορίας συγγραφικής
λόγοι ιγ'.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 205

déjà achevée. L'adjectif peut se rapporter soit à l'écrivain soit à l'œuvre.


Dans le premier cas, Pachymère voudrait souligner que son ouvrage est
une Histoire d'auteur : d'une part, il raconte seulement les événements
de son temps et s'informe au préalable auprès des témoins, afin de contrôler
les détails des faits et de vérifier ses propres impressions17 ; d'autre part,
comme il l'écrit à maintes reprises18, il a été lui-même témoin et acteur en
diverses circonstances. Si séduisante que soit l'hypothèse, c'est sans doute
chercher trop loin. L'adjectif se rapporte plus probablement à l'ouvrage ;
dans ce cas, à moins que l'expression ne soit purement pléonastique,
l'adjectif ou le substantif doit avoir une signification large, sans connotation
du sens précis d'histoire. Ou le substantif signifie histoire, et alors l'adjectif
prend le sens de composé, rédigé, mis par écrit ; ou l'adjectif revêt le sens
précis d'historique19, et alors le substantif équivaut simplement à récit
ou relation. Quoi qu'il en soit, Exposés historiques ou Relations historiques
semblent rendre compte de la facture de l'expression, et Histoire paraît
en traduire le contenu de manière plus simple. Il faut d'ailleurs replacer
ce titre à l'intérieur de la terminologie conventionnelle qui est utilisée par
les historiens byzantins dans l'intitulé de leur œuvre. A partir d'un vocabul
aire restreint, une certaine variété est obtenue grâce à un agencement
différent des éléments. On ptut rappeler ici le titre de l'Histoire de Georges
Acropolite : Χρονική συγγραφή, dont le souvenir n'est peut-être pas
absent de l'esprit de son successeur20.

2. PlNAX DES CHAPITRES ET TITRES DE CHAPITRES INSÉRÉS DANS LE TEXTE


Les manuscrits présentent une double série de titres pour les chapitres.
La première série constitue le pinax, qui est placé en tête de l'ouvrage
et qui donne une vue d'ensemble de la matière traitée ; les seconds titres,
au contraire, sont insérés en marge du texte, à mesure que le récit se déroule.
En son état complet, le pinax n'est conservé que dans b : il existait donc
en B, qui constitue le modèle de b et qui est mutilé du début. A la suite
de la chute du folio 5a de A (accident 1), ce manuscrit et ses apographes

17. Bonn, I, p. 11M217, 1410-12 etc.


18. Ibidem, p. 3312'14 etc.
19. Un auteur contemporain emploie l'adjectif dans ce sens, dans un contexte abso
lument clair : λόγος... συγγραφικός καΐ γεωγραφικός (Georges de Chypre : PG 142,
339BH-12) Cependant le premier terme de l'alternative reste plus probable; ainsi l'a
compris l'auteur du catalogue d'Antoine Eparque, qui appelle Pachymère Ιστορικές
συγγραφεύς ; voir ci-dessus, p. 182 n. 47.
20. Ajoutons quelques titres similaires : συγγραφή χρονογραφίας, ιστορία χρονική,
χρονική διήγησις.
206 A. FAILLER

interrompent le pinax au livre V, chapitre 17. En C, il n'y a plus trace


de ce pinax, qui était vraisemblablement transcrit sur les 6 folios initiaux
du manuscrit. Généralement les titres du pinax sont plus développés que
les titres insérés dans le texte ; le procédé se justifie aisément : pour qui
suit le cours du récit, un titre bref suffit, d'autant plus qu'à la fin de chaque
chapitre est habituellement esquissée la transition au suivant. L'Histoire
de Pachymère se présente en effet comme un récit continu, aux éléments
liés et entremêlés, et non comme une juxtaposition de chapitres indépen
dants.Dans ce pinax préliminaire, les livres sont désignés comme des
λόγοι, non comme des συγγραφικαί ιστορίαι, ni comme des βίβλοι, car
cette dernière terminologie est une invention de l'éditeur. Comme P. Pous-
sines a établi son édition d'après Β et C, où le pinax n'existe pas, celui-ci
est resté inédit. Sans doute les titres sont-ils présentés dans l'édition sous
forme de pinax, mais cette série de titres doit en fait prendre place dans
le texte. L'éditeur a rassemblé au début de chaque livre les titres de chapitres
correspondants, tandis que I. Bekker a regroupé en début de volume
les titres de chapitres des livres I-VI. L'édition de Venise suit la même
disposition que l'édition princeps, qui est également reprise dans la Patro-
logie grecque. La première édition de l'Histoire ne laissait donc pas supposer
l'existence d'une double série de titres, dont les plus courts sont seuls
édités, qui doivent être transcrits uniquement à leur place respective dans
le texte.
Les titres intercalés dans le texte sont conservés dans leur version la
meilleure et la plus complète par le manuscrit C, d'après lequel les a
édités P. Poussines; cette liste présente une seule lacune, comme on le
verra plus bas. En B, les titres de chapitres, comme d'ailleurs les titres
de livres, sont omis ; seule apparaît une section des numéros de chapitres :
du livre I, ch. 12, au livre IV, ch. 3 ; à partir de la Renaissance, certaines
lacunes ont été comblées : titres des livres et numération des chapitres,
mais les titres de chapitres n'ont jamais été insérés. Le copiste du Parisinus
graecus 1723 a suppléé au mieux les lacunes de son modèle : les titres de
livres sont généralement incomplets (Ιστοριών τρίτη etc.) ; la numération
des chapitres est transcrite seulement jusqu'au livre IV, ch. 3, comme
en Β ; les titres de chapitres sont empruntés à la version longue du pinax.
Les Coisliniani 138-140 se présentent à leur tour comme une copie fidèle
de b, mais le copiste a complété la numération des chapitres à partir du
livre IV, ch. 4, non sans commettre de fréquentes méprises.
Le problème est plus complexe dans le manuscrit A et ses apographes ;
en A, un des titres de livre, omis dans l'original, a été maladroitement
suppléé d'après le pinax : κεφάλαια του τρίτου λόγου ; la numération des
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 207

chapitres a été transcrite de manière «régulière et complétée par la suite ;


quant aux titres de chapitres, une partie seulement est due au copiste du
manuscrit et s'identifie aux titres courts de C : livre I, ch. 1, au livre II,
ch. 15. On trouve ensuite trois séries de titres, dues à des mains différentes :
livre II, ch. 16-23 (écrits dans la marge latérale); livre II, ch. 24, au livre IV,
ch. 22 (écrits dans la marge inférieure et supérieure); livre IV, ch. 23-32
(écrits dans la marge latérale). Tous ces titres (livre II, ch. 16, au livre IV,
ch. 32) sont empruntés au pinax et font partie de la version longue21 ;
pour les livres V-VI, on ne trouve plus de titres de chapitres. Les titres
postérieurs à la copie du manuscrit ont été transcrits en deux temps : une
première série (livre II, ch. 16, au livre IV, ch. 22) est antérieure à la copie
de A sur le Marcianus graecus 404, qui les reproduit ; une deuxième série
(livre IV, ch. 23-32) est contemporaine de la copie de A sur le Hierosoly-
mitanus graecus Timiou Staurou 4 ou même postérieure à cette copie : non
seulement ils sont transcrits sur ces deux manuscrits, mais ils sont dus à
une même main; c'est un nouvel indice de l'antériorité du Marcianus
par rapport au Hierosolymitanus. Sur le manuscrit de Jérusalem ont été
également reportés les derniers titres du pinax de A (livre V, ch. 1-17),
ainsi que sur le Matritensis graecus 4752, sa copie.
La numération des chapitres du livre I fait aussi problème dans le manusc
rit A ; elle ne commence qu'au chapitre 7, numéroté 1. Cette erreur n'est
d'ailleurs pas sans fondement : comme l'écrit l'auteur lui-même (Bonn, I,
p. 202 1~2 3), les 6 premiers chapitres constituent une introduction à l'Histoire,
qui ne commence réellement qu'au chapitre 7 (p. 21 *). Cependant il s'agit
bien d'une erreur de numération, car le copiste a multiplié les chapitres
par la suite, afin d'arriver au total de 32, qu'indiquent effectivement C
et le pinax des chapitres. Cela crée une certaine confusion et une inadé
quation constante entre les numéros de chapitres et leurs titres.
P. Poussines a relevé correctement les titres de C, à deux exceptions près.
Le titre du chapitre 2 du livre I n'existe que dans le pinax (fourni par A et
b), dans le texte de A, dans le pinax et le texte de Γ Urbinatensis graecus 1 10.
Mais l'éditeur n'a connu aucun de ces manuscrits ; mis dans l'obligation
de forger lui-même un titre, il a su traduire habilement le contenu du
chapitre. Voici d'une part le titre original, conservé dans les manuscrits
mentionnés, et d'autre part la leçon de l'éditeur : Παραίτησις του μή τα

21. Dans un article cité plus haut (p. 187 n. 58), B. A. Mystakidfs (p. 218-219, 223)
a relevé quelques-uns de ces titres de la version longue, soulignant qu'ils sont plus clairs
que les titres édités; il ne pouvait évidemment soupçonner qu'il s'agit de deux séries
de titres, authentiques l'une et l'autre.
208 A. PAILLER

πρότερα ή κατά τόν συγγραφέα λέγειν, Δια τί τα των πρότερον βασιλευ-


σάντων ένθάδε ου μνημονεύεται. Quant au titre du chapitre 1 du livre I,
il est également omis par Β et par C, mais l'éditeur l'a trouvé dans V.
Dans un autre cas, il a complété un titre ; le chapitre 18 du livre III relate
la situation dans la région de l'Haimos vers 1262, mais l'auteur rapporte
au début du chapitre les ambassades que Michel VIII envoyait à Rome dans
le même temps. Jugeant le titre du chapitre incomplet, l'éditeur y a ajouté
cette mention : Πρεσβεΐαι προς πάπαν καΐ ['Όπως ό βασιλεύς τα περί τόν
Αίμον διατεθείκει αυτός έπιτάττων τοις στρατηγοΐς των δυνάμεων οίκοι
καθήμενος.
Il faut mentionner à ce propos un dernier point. Il semble que la sépa
ration entre les chapitres n'ait pas été clairement indiquée dans l'archétype,
car les manuscrits divergent souvent. Le numéro du chapitre et son titre
devaient figurer dans la marge, approximativement en face du début du
chapitre, sans que la coupure fût signalée. En fait, seul le manuscrit C
indique la place de ces coupures, mais certaines erreurs y sont patentes.
Observons, pour finir, que les deux séries de titres portent les marques
de l'authenticité et doivent être attribuées à l'auteur.

3. Caractéristiques textuelles des manuscrits-sources et évaluation de


l'édition princeps
Dans cet alinéa seront d'abord relevées les notes marginales tardives des
manuscrits-sources, qui ne figureront pas dans l'apparat critique de la
nouvelle édition; ensuite seront exposées les principales caractéristiques
et déficiences textuelles des trois copies; enfin seront résumées les parti
cularités de l'édition princeps et de sa réimpression dans le Corpus de Bonn.
Dans le manuscrit A, la première partie de l'Histoire se présente en
excellent état, malgré un mélange d'écritures ; seuls les titres de chapitres
sont transcrits de manière incomplète. On retiendra dans l'apparat critique
de la nouvelle édition d'une part les notes marginales qui sont dues à la
main du copiste et dont le plus grand nombre est constitué par la transla
tion des mois athéniens en mois romains, d'autre part les notes signalées
plus haut et à peu près contemporaines de la copie (f. 97V, 101 v et 102 v)22.
On lit dans le manuscrit des notes marginales plus tardives, mais en petit
nombre par rapport aux deux autres manuscrits-sources. On trouve d'abord
une série d'indications qui ont pour but de mettre le lecteur en garde

22. Voir ci-dessus, p. 130; cf. A. Heisenberg, Aus der Geschichte und Literatur der
Palaiologenzeit, Munich 1920, p. 11.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 209

contre les interversions ou les chutes de folios (f. 15V : accident 3 ; f. 50 v,


51r-\ 52r, 82V, 83r : accident 5 ; f. 85r"v, 86f"\ 87r"v, 88Γ"\ 89r : accident
6)23 : les notes libellées en latin sont récentes, mais celles qui sont rédigées
en grec remontent sans doute au 17e siècle ; elles n'existaient pas encore
lorsque M. Crusius en 1578 et D. Hoeschel en 1612 transcrivirent le
manuscrit, respectivement sur le Tubingensis graecus Mb 13 et sur le Germa-
nicus, car les deux savants ne rectifient pas l'ordre actuel des folios. Une
deuxième série de notes, écrites sur les folios 120-127 (livre V, ch. 8-16 =
Bonn, I, p. 359-383), émane d'un lecteur spécialement intéressé par les
tractations qui précédèrent l'Union de Lyon. Voici ces notes qui, le plus
souvent, reprennent littéralement des passages du texte.
f. 120 (Bonn, I, p. 35913"14) : δρα δτι πατήρ πνευματικός ό πάπας καΐ
των αρχιερέων πρώτιστος.
f. 120ν (ρ. 3608"9) : επίσκοπος δίγλωσσων ό Κροτώνης.
f. 121 (ρ. 36211-12) : Χαρχηδον ήν Τούνισιν λέγουσιν.
f. 122 (p. 36612"13) : ή των εκκλησιών Ινωσις καΐ του παλαιού σκανδάλου
άναίρεσις.
f. 122ν (ρ. 3678) : λευκούς Άγαρινούς τους Γραικούς άπεκάλουν. Φευ του
μίσους, φευ της έκατέρων άγνοιας και ματαιότητος.
f. 123V (ρ. 3723-4) : δρα παραπληκτίζειν αμφότερους εις Θεοΰ μυστήρια
παρακύπτοντας.
f. 125 (ρ. 3766) : άφελοΰς άνδρδς άπόκρισις καΐ ασύνετου ή δοξοσόφου
καΐ τί το είρηνεύειν μή είδότος μήτε μην τόν Χρίστου νόμον κοινωνικόν
δντα μαθόντος.
f. 125ν (ρ. 3796~7) : το άπδ κοιλίας φωνεΐν ασθενές και μάταιον.
f. 127 (ρ. 38314"15) : Μάξιμος έν τη προς Τουφΐνον.
Au haut du folio 160v (lignes 1-2 = Bonn, I, p. 4924"6), M. Crusius a écrit
son nom, puis recopié en marge, de manière incorrecte d'ailleurs, un
passage dont la lecture est rendue malaisée par une tache d'humidité.
Signalons encore qu'un lecteur a corrigé un mot sur le folio 61 et rappelons
que le début du texte (f. xxir~v, accident 2 = Bonn, I, p. ΙΙ1-^9) a été
transcrit au milieu du 16e siècle à partir du Scorialensis graecus Ω Ι 1024
et que les chiffres inscrits en marge correspondent à la pagination du
Germanicus25 . Pour la première partie de l'Histoire, Je manuscrit A présente
un texte assez fidèle ; exceptionnellement, il est le seul à posséder la leçon

23. Il est inutile de relever toutes ces notes; à titre d'exemple, voici la première
(f. 50v) : ζήτει μετά Sv φύλλον τουτί τό σημεΐον —Κ
24. Voir ci-dessus, p. 182.
25. Voir ci-dessus, p. 199-200.

14
210 A. FAILLER

correcte : dans ces cas, l'archétype devait être erroné. Mais il a perdu
certains passages du texte ; il fourmille d'erreurs orthographiques, procède
parfois à des interversions, ajoute des mots à l'occasion et en omet bien
davantage.
Ecrit d'une seule venue et de manière soignée, le manuscrit Β a été
défiguré par la multitude des notes qui remplissent ses marges et se glissent
jusque dans les interlignes du texte. Seules les notes originales, qui sont
très rares, seront retenues dans l'apparat de la nouvelle édition. Quant aux
additions plus tardives, il convient d'en faire un classement et de les citer
dans l'ordre chronologique. Une première main a inscrit à la fin des livres
le titre du livre suivant, omis par l'original : συγγραφικών ιστοριών δευτέρα
(p. 36)26 etc. De la même époque datent une série de synonymes placés
dans le texte au-dessus de certains mots rares ou recherchés ; on les trouve
de manière fréquente au début du texte (p. 1-14 du manuscrit : livre I,
ch. 11-14 = Bonn, I, p. 29-53)27, puis de manière erratiquejusqu'àlapage
38 (livre II, ch. 2 = p. 94). Voici un simple échantillon de ces synonymes,
dont l'orthographe défectueuse et le caractère populaire montrent l'insigni
fiance: εξαλμένοι-πιδόντες, μόρσιμον-βέβεον, έπιρρύδην-φανερά, τους έντος
και τους έκτός-τούς μέσα και τους εξω, άπόντος-μακρά, άρτίως-προς
όλήγον. De la même époque encore datent quelques notes marginales
(p. 59, 192, 216 : ή φυγή του σουλτάνου, μάιος, μάρτιος) ou corrections
de passages délavés (p. 18, 217, 218). La plupart des notes marginales
postérieures sont dues à L. Allacci ou à ses collaborateurs ; le premier
a relevé en marge, de son écriture fine et élégante, certains noms de person
nages et de fonctions ou des mots-clefs du récit ; en voici un échantillon :
Βέκκος, Ιωσήφ ό Γαλήσιος, 'Ιγνάτιος 'Ρόδιος, Ηράκλειας, Βλεμίδης,
πάπας, χαρτοφύλαξ, πρόθεσις, ενωσις, οικονομία, προσθήκη, τόμος,
μνημόσυνον, γάμος, φάκελλοι, πάπυρος, εθος. Mais l'annotation margi
naleest constituée principalement par les leçons de C reportées sur Β
et écrites par diverses mains, dont toutes n'ont pas la discrétion et la
finesse de celle du maître ; elle est abondante surtout à la fin de certains
livres (livres IV et VI), où de longs passages, omis dans l'original, sont
recopiés à partir de C. De même L. Allacci a fait compléter le manusc
rit, en recourant à C ; voici les passages et les feuillets rapportés :
— f. i-iii : relevé des titres de chapitres intercalés dans le texte, à partir

26. Ces additions sont tardives ; le copiste du Parisinus graecus 1723, à qui Β sert
de modèle, a dû inventer ses propres titres.
27. On peut supposer que les folios perdus du début étaient également parsemés de
synonymes de ce genre.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 21 1

de C, et groupés sous forme de pinax; la transcription est due à


L. Allacci en personne28.
— p. α'-ιβ' : copie du texte de C qui manquait en B, par suite de la perte
des folios initiaux (Bonn, I, p. ll1^9); exécutée sur le manuscrit C
après qu'on eut porté sur ce dernier quelques additions de V, la copie
incorpore ces ajouts étrangers au texte original. P. Poussines a fait
imprimer ce texte pour le début de l'Histoire et repris quelques erreurs
de lecture inexplicables de ce copiste29.
— p. 119-120 : copie, à partir de C, d'un passage (Bonn, I, p. 24516-2498)
perdu par suite de la chute du dernier folio du cahier 9.
— p. 201-202 : le bord extérieur du folio a été renforcé, et les fins de
lignes disparues ont été recopiées par L. Allacci.
— p. 247b-249 (Bonn, I, p. 52719-5328) ; bien que conservé par le manuscrit
en son état actuel, ce passage fut recopié : le dernier folio ne devait
donc pas être en place, lorsque L. Allacci examina le manuscrit.
On discerne aussi, à deux reprises, la main de P. Poussines. A la page a',
sous le titre général précédant le début du texte, il a suppléé le titre manquant
du chapitre 1 du livre I : Πρόλογος συγγραφέως και συγγραφής. Ce passage
fut en effet copié sur C, qui omet le titre. Aussi P. Poussines a-t-il inventé
un titre de son cru dans un premier temps, avant de trouver dans V le
titre authentique, qui figure dans l'édition. En second lieu, au-dessus du
mot ύπνούντων (p. 70), il a inscrit, comme en C, πνεύματος, qu'il a d'ailleurs
retenu (Bonn, I, p. 15014) et justifié (p. 642-643) dans son édition. I. Bekker
l'a suivi, tout en mettant le mot entre crochets et en signalant dans l'apparat
sa préférence pour la leçon du manuscrit, que rien n'autorise en effet à
écarter, malgré la concision de la formule (« pendant qu'on dort »). Plus
tard ont été inscrits en marge au crayon les numéros des chapitres, qui
n'étaient plus apparents ou qui n'avaient jamais été relevés par le copiste
du manuscrit (κεφ. α' etc.), de même qu'a été indiquée la coupure entre
les chapitres.
Il est plus important de relever les caractéristiques du texte de Β et de
confronter ainsi les leçons de ce manuscrit avec celles de l'archétype, tel
qu'il est possible de le reconstituer grâce à la convergence de A et de C.
Plus haut ont été mentionnées un nombre impressionnant de lectiones
faciliores30 . On remarque d'autre part que Β contient nombre d'additions

28. Je dois à Mgr Paul Canart, que je remercie pour cette indication, d'avoir pu
identifier l'écriture de L. Allacci.
29. Voir ci-dessous, p. 216.
30. Voir ci-dessus, p. 136-144.
212 A. FAILLER

(articles et particules de liaison surtout), dont certaines paraissent justifiées,


omet des passages parfois importants et fait preuve de purisme; à ce
propos, il est frappant de constater qu'en certains cas I. Bekker, jugeant
audacieuses ou incorrectes des leçons empruntées à C par P. Poussines,
les corrige et retrouve ainsi les tours plus classiques de B. Le copiste de Β
intervertit souvent l'ordre des mots dans la phrase, même lorsqu'il s'agit
de citations31. Il généralise l'accord du verbe au singulier, lorsque le sujet
est un pluriel neutre, tandis que A et C distribuent également l'emploi
du singulier et du pluriel. Sans doute obéit-il à un souci d'uniformisation,
qui semble général chez lui; on observe d'ailleurs que le phénomène
s'estompe graduellement au fil de l'Histoire, pour devenir à peine percept
ible dans la deuxième partie. Une des particularités stylistiques de Pachy-
mère est, au contraire, la recherche de la diversité, dans la morphologie
et dans la syntaxe, comme le montre l'emploi parallèle des doubles
consonnes σσ/ττ (θάλασσα, ήσσαν, προστάσσειν) ou de deux formes
verbales différentes (ίστάναι-ίσταν, δεικνύναι-δεικνύειν et verbes compos
és correspondants). Le copiste de Β utilise pour certains mots des for
mes fixes (χρήσθαι, δυσικός, έβουλόμην, έδυνήθη, έρρέθη, άνύειν), alors
que A et C les emploient de concert avec d'autres (χρασθαι, δυτικός,
ήβουλόμην, ήδυνήθη, έρρήθη, άνύτειν). Β omet souvent 1 'augment, en parti
culier dans les verbes suivants : εύξαίνειν, άνοιγνύναι, έπονομάζειν, εύτρεπί-
ζειν, εύστοχεΐν, εύθύνειν. Il répugne à adopter certaines formes syntaxiques,
refuse l'emploi du subjonctif après la conjonction ει et corrige souvent
le temps ou le mode des verbes ; voici les phénomènes observés avec une
certaine fréquence :
— optatif oblique transformé en subjonctif dans une subordonnée intro
duite par ήν, αν ou καν.
— optatif oblique transformé en indicatif dans une subordonnée introduite
par εί ou δτι.
— subjonctif transformé en optatif dans une subordonnée introduite par εί.
— indicatif transformé en optatif dans une subordonnée introduite par εί.
Exceptionnellement, au lieu de changer le mode du verbe dans la subor
donnée, Β transforme la conjonction de subordination : ήν en ει ou vice-
versa. Conformément au stemma de la tradition manuscrite, ces variantes
doivent être écartées chaque fois qu'elles se heurtent aux leçons conver
gentes de A et de C.
Parallèlement à B, C a été surchargé de notes marginales ; d'autre part,

31. Voir ci-dessus, p. 142.


LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 213

les passages omis par Β ont été soulignés. Seules les notes contemporaines
de la copie, dont certaines ont été mentionnées plus haut, figureront dans
l'apparat critique de la nouvelle édition. Quant aux notes plus tardives,
elles seront citées ici, par ordre chronologique. Celles qui sont antérieures
aux collations de L. Allacci sont dues à plusieurs mains et peuvent être
classées en deux catégories. La première est constituée de remarques
parfois longues, qui ont un caractère rhétorique ou moralisant :
f. 4V (Bonn, I, p. 26 10) : τό Δυρράχιον οι Λατίνοι Τουράτζον καλουσι νυν.
f. 6 (ρ. 328) : δθεν και δπως γίνεται το λογίζεσθαι.
f. 6 (ρ. 3313) : περί έαυτοΰ λέγει δτι ηβών ήν ήτοι εν ηλικία ήν και έβλεπε
τους τα τοιαύτα πάσχοντας.
f. 6ν (ρ. 347) : ου κατά άλήθειαν ένταυθά φησιν ό συγγραφεύς το ή
εξουσία κρεΐσσον δικαίου, άλλ* ώς άν τις εΐποι εκ περιπαθείας κινούμενος,
ώς άν εί Ιλεγεν καλόν μέν ή δικαιοσύνη, άλλ* επειδή ή εξουσία πλεΐον δοκεΐ
κάν άδικη δύνασθαι, κρεΐσσον και αύτη εκείνης εϊναι δοκεΐ ή τό κρεΐσσον
αντί του δυνατώτερον έκληπτέον.
f. 7ν (ρ. 376) : δντως βασιλικόν ιδίωμα το φιλόδωρον.
f. 7ν (ρ. 384) : τα των ηγεμόνων και μεγιστάνων σφάλματα έκτομίου
πάθει ό συγγραφεύς προσείκασεν ώσπερ γαρ ή άφαίρεσις των μορίων
μέγα δύναται εις άνατροπήν και καθαίρεσιν της δλης φύσεως δύναται του
ανθρώπου καΐ τοσούτον ώστε ποιεί αυτόν μήτε τα των ανδρών δύνασθαι
ποιεΐν μήτε τα των γυναικών, δπερ άναίρεσις της φύσεως έστιν άντικρυς,
ούτω και των ηγεμόνων τα σφάλματα τήν δλην ήγεμονίαν δύνανται άνατρέ-
πειν και διαφθείρειν και εις τό μή δν άποκαθισταν τα δέ κατορθώματα
τούτων τη του κέντρου προς τήν περιφέρειαν άσφαλεία* ώσπερ γαρ αμετακί
νητου καΐ εν τω αύτώ τόπω μένοντος του κέντρου, ασφαλώς έξεστι ποιήσαι
τήν περιφέρειαν, μήτ' έσωθεν μήτ' έξωθεν ρέπουσαν, μήτε διακεκομένην
τε και άνώμαλον, άλλ' ϊσην και όμαλήν έαυτη πάντοθεν, οδτω και τα
κατορθώματα τών αρχόντων μεγίστην άσφαλειαν και ειρήνην τη ηγεμονία
παρέχεται.
f. 16ν (ρ. 71 19) : περί έαυτοΰ τό ό γράφων λέγει ό συγγραφεύς.
f. 36V (p. 1508) : φυσιολογία του συγγραφέως πώς γίνεται εκ τών εξαίφνης
και άπό ΰπνου άκουομένων Ικπληξις.
f. 38 (f. 15516) : καλώς και λίαν στοχαστικώς τα πράγματα κρίνεις,
ώ βασιλεΰ* κατά γαρ τήν κρίσιν τήν σήν ταυτηνί, σου τήν άμαρτίαν περί
τόν αληθή της βασιλείας κληρονόμον έργασαμένου, ου τω σώ προσώπω
τήν τιμωριαν έπήγαγεν ό πάντα όρων του Θεού οφθαλμός, άλλα τοις εκ
σου μετά σέ βασιλεύσασι* τών γάρ φρικτών εκείνων δρκων τών παρα-
βαθέντων ή δίκη τας εκδικήσεις απαραιτήτους γινώσκουσα τήν τών έκγόνων
σου βασιλείαν σε τιμωρούμενος έταπείνωσεν και νυν μέχρις ονόματος τοις
214 A. FAILLER

έκ σου το βασίλειον υποχείριους γαρ έ'θνεσιν άλογίστοις και βαρβάροις


τους μέγα φρονοΰντας και τα αλλότρια ίδιοποιουμένους έποίησεν και ή
μεγάλη των 'Ρωμαίων αρχή δια τας σας παρασπονδήσεις εις το μηδέν
έλθεϊν έκινδύνευσεν.
Il est clair que ces notes ne présentent pas grand intérêt, à l'exception
de la dernière, qui impute l'anéantissement de Byzance au parjure de
Michel VIII32. On trouve ensuite un ensemble de notes plus brèves et
plus insignifiantes, qui émanent de différents lecteurs et qui sont anté
rieures aux collations de L. Allacci ; il s'agit soit de corrections, soit de
relevé de noms propres, soit d'annonce des sujets traités (επί τίνι αιτία
έΌος ήν μονομαχεΐν, εϊς κοίρανος έστω, ό Παλαιολόγος άνηγόρευται
μετά του νέου βασιλέως etc.), soit de remarques personnelles (μοναχοί άεί
κακών αίτιοι etc.). Chronologiquement se place ensuite la transcription
en marge de C des variantes de Β par L. Allacci et ses collaborateurs;
pour le début du texte, où Β présente une lacune (Bonn, I, p. 1 1 1-299),
la collation a été faite avec V. On discerne enfin la main de P. Poussines
en divers endroits du manuscrit, plus souvent qu'en Β : l'éditeur a établi
son texte à partir de C. Relevons ces passages, car les corrections ou les
additions de P. Poussines commandent l'établissement de son texte et sa
traduction.
f. 23y (Bonn, I, p. 9914) : l'éditeur transcrit en marge de C un mot mal
écrit dans le texte.
f. 25V (p. 10517"20) : P. Poussines relève en marge un passage qui est
tiré de la paraphrase et qui correspond d'ailleurs au texte de l'original,
n'était une légère omission de V (p. 105 19 : ό — εαυτόν) ; il rature ensuite
ce texte. On ne voit pas quelle était sa première intention,
f. 34V (p. 1402) : l'éditeur transcrit en marge un passage tiré de la para
phrase, après l'avoir légèrement modifié, et entend l'insérer dans le texte
selon le schéma suivant : όμοΰ γαρ οδτος αυτός ό Κουτριτζάκης [εδ
είδώς των τόπων συνήει. Il explique en note (p. 642) le sens qu'il entend
donner au texte, en combinant les versions de BC et de V. Bien qu'il
n'introduise pas le passage dans le texte édité, il prend en compte dans la
traduction l'addition proposée (quae inserere contextui non ausi tarnen
interpretando expressimus)33.

32. La remarque du lecteur est faite à propos du discours de Michel VIII à l'annonce
de la reprise de la capitale en 1261.
33. En fait, comme il apparaîtra dans la traduction de la nouvelle édition, il est inutile
d'introduire ici ce passage, car il n'y a pas changement de sujet d'une phrase à l'autre ;
l'adjonction d'un nouveau sujet est due à une mauvaise interprétation du passage dans
la paraphrase.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 215

f. 36V (p. 15014) : au-dessus du mot ύπνούντων (génitif absolu, sans sujet
exprimé), l'éditeur inscrit, comme sur B34, le substantif πνεύματος, que
fournit seulement la paraphrase.
f. 45 (p. 1884) : l'éditeur comble une lacune du manuscrit : μορέου εις
πόλιν35.
f. 45 v (p. 191 17) : l'éditeur souligne le mot διοικήσεσι dans le texte et
corrige en marge la désinence : -κουσι. La première forme, certainement
erronée, semble être celle de l'archétype, puisqu'elle est fournie par A et
par C, tandis que Β présente la seconde forme, sans doute après correction
de son modèle; V conserve une troisième leçon, correcte elle aussi :
διοικήσασι.
f. 49V (p. 20913) : dans la marge supérieure, l'éditeur complète, à tort, un
titre de chapitre36.
Comme en B, un lecteur a inscrit plus tard au crayon la coupure entre
les chapitres et les numéros de chapitres, lorsque ceux-ci étaient effacés.
Le manuscrit C est le plus proche de l'archétype et servira de modèle à
la nouvelle édition. Le copiste n'affiche pas d'exigences critiques et semble
suivre docilement son modèle ; les erreurs, qui sont nombreuses, sont par
conséquent superficielles et généralement faciles à déceler. Relevons-en
quelques-unes, parmi les plus apparentes et les significatives. Beaucoup
portent sur la confusion entre consonnes simples et doubles : προσαγγέλων,
προσέττατε, συνάλαγμα, δυττικών, ήνυττεν etc. ; en certains cas, ces
erreurs sont apparemment imputables à l'archétype, car A et C les comm
ettent de concert. Une autre particularité de C est l'omission fréquente
d'une lettre dans un mot : τοοκλημα, εύγερσίας, καλύπραν etc.
Les observations faites au long de l'article sur l'édition de P. Poussines
en donnent les caractéristiques essentielles et en indiquent les déficiences
les plus graves. Son édition est fondée sur B et C, mais, en l'absence
d'arbitre entre les deux manuscrits, il a donné la préférence au hasard
tantôt à B, tantôt à C37. Le stemma établi plus haut fournit un critère
plus rigoureux ; ainsi, pour prendre un exemple qui engage seulement la
graphie d'un mot, dans les cas où B a uniformisé cette graphie (δυσικός,
χρήσθαι), l'accord entre A et C exige que soit retenue leur leçon commune,

34. Voir ci-dessus, p. 211.


35. Voir ci-dessus, p. 148.
36. Voir ci-dessus, p. 208.
37. L'étude des manuscrits et le stemma qui en dérive montrent qu'il est également
vain d'en appeler à V, comme l'a fait P. Poussines (ci-dessus, p. 151), pour arbitrer entre
B et C.
216 A. FAILLER

alors que l'éditeur a adopté indifféremment la leçon de Β ou de C.


Les erreurs d'accentuation ou de spiration, dont un grand nombre est
de caractère purement typographique, sont innombrables dans l'édition de
P. Poussines, surtout au début du texte, comme il le confessait lui-même
dans une note à son ouvrage38. Les omissions, extrêmement fréquentes,
rendent certains passages incompréhensibles. D'autre part, certains défauts
de l'édition sont imputables aux travaux de L. Allacci ; ainsi sont géné
ralement retenues sans raison les leçons de L. Allacci pour les passages
qu'édita ce dernier dans son commentaire à l'Histoire de Georges Acro-
polite39. De plus, P. Poussines ne semble pas avoir perçu ls caractère des
nombreuses variantes ou additions qu'il lisait dans la marge de ses manusc
ritset qui provenaient de la collation antérieure de Β et C. Il a ainsi
mélangé deux versions, dont chacune a sa logique propre ; on l'a exposé
plus haut pour deux passages significatifs : nomination d'un évêque par le
patriarche Nicéphore mourant, expédition de pirates génois en mer Noire40.
De même il a parfois mis bout à bout deux leçons qui s'excluent mutuelle
ment ; voici deux exemples, dont le second est le plus surprenant :
p. 14811"12 παρ* εκείνων ώς είδότων τάχα όπόθ* AC παρ* έκείνοις ώς
είδόσι τάχα ύπό του Β παρ' εκείνων ώς είδότων ώς είδόσι τάχα οπόθεν edd.
ρ. 30410 οι καθ' ήμας AB άλλοι δή C άλλοι δή οι καθ* ημάς edd.
Pour le début de l'Histoire, où Β présentait une lacune, P. Poussines, au
lieu de s'en remettre à l'excellent texte de C, reproduit la mauvaise copie
faite à partir de C au temps de L. Allacci et insérée dans B. De là viennent
deux leçons étranges : σωθείς et έσωροΰντο pour δοθείς et έδωροΰτο (Bonn,
I, p. Il4 et 16 11). Il ne s'agit pas de simples coquilles, car l'éditeur justifie,
de manière surprenante, la première leçon (p. 624). I. Bekker reprend
les deux leçons, bien que la seconde soit un barbarisme pur et simple.
Remarquons encore que ce passage ne figure pas dans la traduction de
l'éditeur, qui traduit ici la paraphrase au lieu du texte original.
Sur les exemplaires de l'édition originale de l'Histoire, dans le tableau
chronologique, on lit une correction due à P. Poussines lui-même41 ;

38. Edition princeps, Rome 1666, p. 543-544.


39. L. Allacci, op. cit., p. 230-282. Ainsi dans le chapitre 10 du livre III, qui relate
l'aveuglement de Jean IV Laskaris, L. Allacci, comme P. Poussines plus tard, omet
la mention de la forteresse de Chèlè et du bourreau Exôtrochos, de même qu'il fait de
Nikètiata et de Dakibyzè une seule et même forteresse (ibidem, p. 264). Voir ci-dessus,
p. 154-156 et note 76.
40. Texte de l'édition de Bonn, I, p. 12610'11 et 4211"15 ; voir ci-dessus, p. 152-153
et 157-159.
41. Sur tous les exemplaires de l'édition princeps que j'ai consultés, cette correction
est portée par la main de P. Poussines (édition princeps, p. 537-538).
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'fflSTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 217

c'était d'ailleurs une simple erreur d'impression, car la chronologie des


événements concernés est bien établie par l'auteur dans les pages précé
dentes. L'exemplaire personnel de P. Poussines est conservé dans la biblio
thèque du Gennadeion à Athènes42. L'éditeur n'a porté aucune correction
sur le texte imprimé, mais il a ajouté 15 notes marginales, qui sont reprises
pour l'essentiel dans le tome II de l'ouvrage. On se contentera de relever
ici l'une d'entre elles, car elle concerne un passage assez difficile et elle
n'est reproduite que très partiellement dans le tome II. Après avoir rétracté
sa traduction, l'éditeur y revient dans un deuxième temps : Non jam recordor
quid secutus ruborem in vultu flagrantem τδ ευφυές υπέρ το προσήκον
interpretatus sim. Sed sero sentio me in hoc errasse ; et eius meae culpae
profitendae ac revocandae in editione tomi II Deo dante occasionem
captabo. Τό ευφυές υπέρ τό προσήκον est ingenium in Imperatore supra
eius vitae ac majestatis captum et usum redundans, quale noster in Theodoro
celebravit cap. seq. βαθύ τε και συνετόν προς δτι πράξοι και λέξοι et paulo
inferius ibidem pluribus exequitur praestantem ejus intelligendi vim disse-
rendi, scribendi, ex tempore perorandi facultatem in eo mirabiliter extantem
memorans. Quare refingenda est hujus loci interpretatio in hunc modum :
Quam et causant fuisse reor cur is supra modum saper et : haud sese videlicet
intra moderationis terminos continente ardore principis illius membri, sed
mentem interdum ipsam perturbante crebra evaporatione noxiarum fuliginum
in cerebrum, ubi ratiocinandi officina est. Quod quemad. etc. — Re tamen
attentius inspecta iudico defendi aliquatenus posse προτέραν φροντίδα
adversus δευτέρας. Eo quod etsi vulgaris et magis obvia notio του ευφυής
sit ingeniosus alia tamen secundariâ pinguem et formosum sonat. Hesychius
inter ευφυούς synonyma ώραϊον formosum ponit. Est Pachymeres vulgo
notarum significationum osor captator arcanarum : unde sit verisimile
τό ευφυές hic ώραϊον esse voluisse, praesertim cum id suus ei Hesychius
monstraret. Formae autem partem in vultu quis neget ruborem esse ? et
quid aliud ad formam pertinens εκ ζέσεως φυσικής εγκαρδίου quam rubor
in vultu flagrans possit existere? Ingenii mentio et sapientiae modum
excedentis mentio a me facta in censura mei ad loci sententiam non quadrat.
Unde jam decerno nihil mutare. In quo proposito me confirmât Eustathius
annotans ad illum vers. Iliad, β. εϊδος τε μέγεθος τε φύην τ' άγχιστα etc.
φύην δεξιότητα εϊναι σωματικήν εις ταυτον ήκουσαν τφ κάλλει. Et mox εκ
τοιαύτης φύης πρόσωπον λέγεσθαι ευφυές και μηρούς ευφυείς. Vide et quae
ad Iliad, δ Pag. 456 Ed. Rom. adnotat circa μηρούς ευφυείς ubi refert

42. Acquis assez récemment et coté BL 1203q, l'ouvrage a transité par les maisons
jésuites de Toulouse et de Lyon.
218 A. FAILLER

πρόσωπον ευφυές memoratum Euripidi. Denique ευφυές saepe ad speciem


non ad ingenium referri inde patet quod tamquam proprium tribuitur
πτελέη ulmo arbori sensu cassae ut docet idem Eustathius quem vide
pag. 456 et 1235 Ed. Rom. Si fiat editio 2 aut occasionem in 2 Tom. nan-
ciscar, addam glossario verbum ευφυής hanc ejus notionem declarans43.
De fait, P. Poussines a raison de revenir à sa première interprétation.
L'adjectif incriminé est appliqué à Théodore II Laskaris, qui, bien que
gravement atteint, avait un air extraordinaire de bonne santé. Le passage
peut se traduire ainsi : « De là lui venait, à mon avis, cette mine belle à
l'excès. » P. Poussines y inclut à tort l'idée de « rougeur du visage » : si
cette notion est effectivement présente dans le contexte, on ne peut cependant
l'inclure dans l'adjectif cité ; aussi le texte de P. Poussines est-il une para
phrase plutôt qu'une traduction littérale.
Quant à l'édition de Bonn, due à I. Bekker, elle est une simple reprise de
l'édition princeps. De nombreuses coquilles de l'original y sont reproduites ;
elles démontrent que I. Bekker a remis à l'imprimeur un exemplaire de la
première édition, sur lequel il avait reporté au préalable ses corrections,
sans avoir consulté lui-même aucun manuscrit. A l'appui de cette affirma
tion, voici la liste des coquilles qu'on trouve dans l'une et l'autre édition :
p. 11216 νομισθη : νομιμισθη
p. 1625 προσηνέγκατο : προσυνέγκατο (titre)
p. 19115 γ' : κ'
p. 21 515 μετακαλεσάμενος : μεταλεσάμενος
p. 2434 σεβαστοκράτορος : σεβαστοράτορος
p. 3309 καταλαμβάνοντας : καλαμβάνοντας
ρ. 349 19 μεγαλοπρεπώς : μεγαλοπεπώς
p. 3671 τάχ : ταχ
ρ. 4388 συχνάκις : συγχνάκις
ρ. 4892 κακών : κακών
Certaines corrections montrent avec quelle hâte, doublée d'inattention, a
procédé I. Bekker :
p. 9211 έγκαθιστάν : έγκαθησταν Poss. έγκαθησταν Bekk.
p. 2199 άλλοις : άλλοις Poss. άλλοις Bekk.
Beaucoup d'autres erreurs sont passées d'une édition dans l'autre; on
en a déjà relevé quelques-unes au cours de l'article. Voici un échantillon

43. Edition princeps, p. 17. L'adjectif en question se lit dans l'édition de Bonn à
la ligne 3 de la page 32. Une partie de la note est reprise dans le tome II (Bonn, II,
p. 681-683). La longue note de P. Poussines est reproduite ici sans corrections, telle
qu'elle se présente dans l'exemplaire de l'éditeur.
LA TRADITION MANUSCRITE DE L'HISTOIRE DE GEORGES PACHYMÈRE 219

plus abondant de ces méprises, qui concernent en particulier les esprits


et les accents : θυγατέρι, ΐεται, στρατιωτίδος, φιλαλήθης, έπιτιθεΐσθαι,
προσετίμουν, προσεπετιθέναι, χαμαεΰναι, Λάζος, ταχύτητι, χιλίασι, άμαις,
Ιπαξιον, σύναμα, ύποδοκάς, άλατο.
On doit donc aborder avec circonspection les rééditions que le grand
helléniste a préparées dans les mêmes conditions que celle-ci. Avec moins
d'ambition, le réviseur de l'Histoire de Pachymère pour le Corpus de
Venise a été plus attentif et présente en fin de compte une meilleure
édition44. Il convient néanmoins de souligner que I. Bekker a su améliorer
l'édition de P. Poussines sur de nombreux points, tout en appliquant avec
trop de rigueur les canons de la langue classique. Dans l'édition de
l'Histoire de Georges Acropolite, son compatriote A. Heisenberg a exce
llemment jugé sa méthode, et le propos s'applique parfaitement à l'édition de
l'Histoire de Georges Pachymère : Nonnullos locos emendando sanavit,
plures mediae graecitatis et dicendi generis Acropolitae proprii neglegens
mutando corrupit45.

Ainsi se présente la tradition manuscrite de l'Histoire de Georges


Pachymère. Outre la difficulté de la langue de l'auteur, les lacunes des
manuscrits ont retardé la première édition de l'ouvrage. Il m'a semblé
utile d'analyser et de distinguer, dans le dernier chapitre, les éléments
successifs qui se sont ajoutés à la copie originale des manuscrits-sources ;
il sera ainsi possible d'en omettre la mention dans la nouvelle édition et
de présenter un apparat bref et concis : malgré leur apparence d'érudition,
les longs apparats critiques sont trop souvent le signe d'une analyse
inachevée de la transmission du texte, de la filiation des copies ou de l'état
des manuscrits. J'ai essayé de compenser le caractère haché et analytique
de l'article par des renvois fréquents, afin de rassembler les données complé
mentaires d'un même sujet. L'index des manuscrits, qui clôt cet exposé,
palliera de la même façon la dispersion des éléments qui se rapportent à
chacune des copies.

44. Ainsi, sur les 12 coquilles mentionnées, que I. Bekker reproduit à partir de
l'édition princeps, 9 sont corrigées dans l'édition de Venise.
45. A. Heisenberg, Georgii Acropolitae opera, I, Leipzig 1903, p. rv.
220 A. PAILLER

Index des manuscrits (voir le stemma, p. 197)

AlexandrieAlexandr. gr. 99 : 166-168


Athènes Athen, gr. Gennadeiou 40 : 192-193
Escorial Scorial. gr. Ω I 10 : 128 η. 12, 180-182, 183, 185, 187-188, 209
Jérusalem Hierosolymit. gr. Timiou Staurou 4 : 129 n. 14, 180, 182-184, 185, 187-188, 207
Madrid Matrit. gr. 4752 : 184-185, 186, 187-188, 198, 207
Matrit. gr. 4818 : 185-186, 187-188, 198
Munich Monac. gr. 442 (= A)
1. description et datation 126-131
2. divergences avec Β et avec C 136-160
3. source commune de AB 161-163
4. apographes 178-188
5. projets d'éditions 198-202
6. titres de l'ouvrage, des livres et des chapitres 202-208
7. marginalia et caractéristiques textuelles 208-210
Oxford Bodleian, gr. 16912 : 196 n. 81
Paris Coislin. 137 : 191
Coislin. 138-143 : 193-195, 196, 200, 206
Coislin. 144 : 200 n. 10
Paris, gr. 1242 : 131 n. 20
Paris, gr. 1721 : 193
Paris, gr. 1723 (= b) : 126 n. 6, 132, 133, 134 n. 25 et 28, 160, 165, 166, 167-
168, 178, 189-192, 192-193, 194-195, 196, 199-201, 202-203, 205-206, 210
n. 26
Tubingen Tübingens, gr. Mb 13 : 129 n. 15, 187-188, 198, 203, 209
Vatican Barberin. gr. 198 (= B)
1. description et datation 131-134
2. divergences avec AC et avec C 136-160
3. source commune de AB 161-163
4. source de V 169-170
5. apographes 189-195
6. modèle de l'édition princeps 201-202
7. titres de l'ouvrage, des livres et des chapitres 202-208
8. marginalia et caractéristiques textuelles 210-212
Barberin. gr. 199 : 126 n. 6, 131, 133 n. 24, 134 avec n. 25
Barberin. gr. 203 (= Q
1. description et datation 134-135
2. divergences avec Β et avec AB 136-160
3. source de C 161
4. source de V 169-170
5. apographe 195-196
6. modèle de l'édition princeps 201-202
7. titres de l'ouvrage, des livres et des chapitres 202-208
8. marginalia et caractéristiques textuelles 212-215
Barberin. gr. 204 : 126 n. 6, 133 n. 24, 204
Urbinat. gr. 80 : 168
Urbinat. gr. 110 : 166-168, 203, 207
Vatican, gr. 163 : 203 n. 15
Vatican, gr. 914 : 167 n. 12
Vatican, gr. 1490 : 195-196
Vatican, gr. 1775 (= V) : 126 n. 6, 133, 134, 138, 148, 151, 164-178, 201-
203, 211, 214, 215
Venise Marcian. gr. 404 (= a) : 126 n. 6, 128 n. 12, 178-180, 181, 182, 183, 184,
185, 187-188, 196, 203, 207
Manuscrits perdus 1. Germanicus : 199-200, 209
2. Patmensis : 165-166, 167, 204 n. 16
3. Scorial. gr. AI 6 [1] : 182 n. 48
4. Scorial. gr. I III 12 [49η : 182 n. 48

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