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FEUX DE FORÊT

comme je l’ai dit, demandèrent au gouvernement de supprimer


la « taxe de feu », déclarant que, dorénavant, ils prendraient à
leurs charges tous les frais de la lutte contre les incendies. Ils
n’ignoraient pas qu’en 1912 le gouvernement vint en aide aux
concessionnaires qui désiraient se grouper en association de
protection. Ces concessionnaires demandèrent l’aide du gouver-
nement. Celui-ci décida de leur accorder un premier subside de
15 500 $, qui leur fut encore subséquemment alloué, chaque
année. En outre, les frais de cette lutte contre l’incendie sont par-
tagés également entre les associations de concessionnaires et le
gouvernement, quand le feu a pris naissance à l’intérieur de ces
concessions. Cependant, le gouvernement défraye toutes les
dépenses de même nature, quand le feu prend naissance en
dehors des dites concessions. En 1922, à part le subside de
15 500 $ dont je viens de parler, le gouvernement a remboursé
172 000 $ aux associations pour frais de lutte contre les incen-
dies. Chaque année, il en a plus coûté au gouvernement pour
combattre les feux de forêt qu’à tous les concessionnaires réunis.

À mon avis, cette question de protection contre les incen-


dies en est une qui ne peut être résolue que par la coopération
de tous. C’est ce que nous avons constaté dans les endroits où le
gouvernement s’occupe maintenant de la surveillance et de la
protection des forêts. Prenons, comme exemple, la région de
l’Abitibi. Nous avons là 14 000 colons qui s’emploient active-
ment à défricher leurs terres. Ceci me rappelle qu’un correspon-
dant de La Gazette s’est grandement trompé, lorsqu’il a dit, après
un récent voyage dans cette région, que les colons là-bas brû-
laient sans surveillance. En effet, nous avons là plus de 300
gardes-feu et assistants, qui l’an dernier ont émis 7 000 permis,
et, cette année, ils font la même chose, avec autant de succès239.

Il faut comprendre que, depuis 1905, les libéraux avaient par-


ticipé à la création d’un réseau de protection axé sur les forêts
concédées. Dorénavant, des mesures devaient aussi être prises sur
l’ensemble des Terres de la Couronne, ce qu’avait fait resurgir la
crise de l’été 1923.

Cette lacune fut aussitôt corrigée par la réorganisation du


Service de la protection de même que par un investissement mas-
sif dans les infrastructures et dans l’équipement. En fait, la
période de l’Entre-deux-guerres fut celle de la construction d’un
réseau panquébécois de protection. Henri Kieffer, à la tête de ce
service, supervisa les travaux entrepris tant par l’industrie que par
l’État. Dès 1924, 1 368 gardes-feu supplémentaires avaient été
recrutés, faisant passer l’effectif à 3 385 hommes pour l’ensemble
de la province, toutes organisations confondues. 15 ans plus tard,
on en comptait 4 218. Le budget d’opération fut augmenté de
500 % pour atteindre la parité avec l’industrie privée.

La création d’un indice d’inflammabilité

Une fois munis de l’équipement et des combattants


nécessaires, les dirigeants des organismes de protection
cherchèrent des moyens de faciliter les prises de décision. Compte
tenu de l’importance capitale des conditions atmosphériques

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L’ H I S T O I R E D’UNE GUERRE

Afin de compléter le modèle Wright, les météorologistes de


Duchesnay et de Valcartier développèrent, à partir de l’original,
des indices d’inflammabilité adaptés aux caractéristiques des
peuplements forestiers québécois. Bellefeuille acheva, dès 1935,
des expériences sur des peuplements amalgamés de sapin et
d’épinette, de merisier et d’érable ainsi que sur des bûchers de
sapin et d’épinette. Il se donna trois ou quatre années pour établir
une échelle d’inflammabilité adaptée à chaque type de peuplement245.

À cette époque, une échelle graduée de 0 à 300 servait d’indice


de prévision. Selon l’étude de Wright, le risque d’incendie était
peu élevé avant 278 et augmentait, à partir de 282, vers une situation
extrêmement dangereuse, ce que Bellefeuille avait aussi constaté :

[…] nous constatons, d’une part, que sur les 383 incendies
enregistrés pendant le temps que fonctionnèrent nos stations, il
y en eut 349, soit 91 p. cent du total, qui surgirent alors que l’in-
dice oscillait entre les degrés 278 et 300 et, d’autre part, que 318
éclatèrent, soit 83 p. cent du total, une fois que l’indice oscilla
entre les degrés 282 et 300. La différence n’est donc que de 31
incendies, soit 8 p. cent du total, entre l’indice minimum 278 et
l’indice maximum 282. Une aussi faible proportion ne peut
aucunement prendre au dépourvu notre organisation sur le ter-
rain, laquelle dispose en tous lieux utiles de puissants moyens de
défense246.

L’année suivante, Bellefeuille et son équipe de Duchesnay


avaient réussi à créer un indice pour la majorité des peuple-
ments :

Mais aujourd’hui, pour déterminer l’indice d’inflammabi-


lité, nos observateurs ont en main non plus un jeu simple, mais
des jeux de table très ingénieusement combinés, faciles à inter-
préter, qui indiquent avec une précision d’autant plus grande le
degré du danger d’incendie que compte y est tenu du dévelop-
pement de la ramée, dans ses différentes phases, à partir du prin-
temps jusqu’à l’automne et que chaque type de peuplement y est
traité séparément, eu égard à sa sensibilité propre vis-à-vis des
différents phénomènes atmosphériques. Ainsi avions-nous dans
tous nos districts, pour la gouverne de nos équipes de sur-
veillance, pendant la saison 1939, un indice d’inflammabilité qui
correspondait à l’indice de base du jour, mais qui s’appliquait
aussi, individuellement, aux peuplements que voici : de pin
blanc, de pin rouge, de pin gris, de pin rouge et blanc mélangés,
de pin rouge et blanc et gris mélangés, de feuillus et de résineux
mêlés, de sapin et d’épinette dans les zones exploitées, de bois
non écorcé en forêt, de bois écorcé en forêt, de chêne jeune en
montagne, etc. Et tout ceci, compte tenu à la fois d’une localité à
dessèchement rapide et d’une localité à dessèchement lent, pour
plusieurs types de peuplements247.

Pour simplifier l’utilisation du modèle, l’échelle graduée de


0 à 300 avait été remplacée l’année précédente par une nouvelle
gradation allant de 0 à 16. Afin d’informer la population des
risques de feu, l’équipe du bureau de météorologie construisit au
cours de l’hiver 1939 une trentaine d’« indice-o-mètres »,

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L’ H I S T O I R E D’UNE GUERRE

au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse, confiées à Peter


Paul par le Service canadien des forêts, suscitèrent l’intérêt des
autres provinces, dont le Québec. Cette méthode, fruit de 25 ans
d’analyse du système Wright et de plusieurs autres systèmes, fut à
l’origine du nouvel indice forêt-météo250.

Au Québec, l’ingénieur forestier Luc Pouliot fut chargé d’im-


planter ce système, en 1967, par l’Institut de recherche sur les feux
de forêt du Canada. Il installa son bureau dans un local attenant
au Service météorologique de l’aéroport de Dorval. Dans son pre-
mier rapport annuel, Pouliot décrivait le fonctionnement de ce
nouveau système :

[…] les centres de concentration et de diffusion, qui étaient


généralement les bureaux des associations de protection et des
principaux districts forestiers, transmettaient au Service de pré-
vision quotidiennement, par télétype, les observations de midi
heure solaire recueillies à leurs stations météorologiques. Les
météorologues de Dorval fournissaient la prévision du temps
pour les différentes régions. Ainsi, avec ces informations, le
Service de prévision pouvait préparer et distribuer deux fois par
jour aux organismes de protection la prévision des indices du
danger de feu dans les 65 zones de la province. Vers
4 heures p.m., vingt bureaux centraux recevaient par télétype la
prévision du temps pour une période de 24 heures ainsi que la
prévision des indices du lendemain pour les zones de leur terri-
toire. Vers 8 heures a.m., ces mêmes bureaux recevaient la prévi-
sion du temps pour la journée, c’est-à-dire pour une période de
12 heures, et la prévision des indices du jour. De plus, un aperçu
des conditions météorologiques pour les prochaines 72 heures
était émis vers 11 heures a.m251.

La création de ce nouvel indice, beaucoup plus performant,


entraîna la dissolution du bureau de météorologie de Duchesnay.

Vers l’attaque initiale

Comparativement à la destruction massive des forêts par le


feu qui eut lieu au cours des années 1921 à 1923, la période de
l’Entre-deux-guerres fut relativement calme en ce qui concerne
les feux de forêt. Si on ne tient pas compte de l’année 1932, qui fut
exceptionnelle avec ses 400 000 hectares brûlés, il se consuma en
moyenne seulement 36 000 hectares par année entre 1924 et 1940,
situation particulièrement réjouissante pour les autorités de la
protection, qui crurent avoir endigué le problème. Cependant, en
plein cœur de la Seconde Guerre mondiale, alors que la demande
de matière ligneuse était à la hausse, les feux se déchaînèrent dans
la forêt québécoise. Au cours de l’été 1941, 643 543 hectares de
forêt s’envolèrent en fumée. La catastrophe rappela à tous l’im-
portance d’être aux aguets. Kieffer écrivit : « Cet insuccès est peut-
être dû aussi, dans une certaine mesure, à cette impression de
sécurité, résultat logique de la réussite des années précédentes.
Pour qu’une organisation de protection demeure efficace, il faut
qu’elle soit constamment améliorée, car elle ne peut rester
stationnaire252. »

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FEUX DE FORÊT

Afin d’éviter la répétition d’un tel événement, l’ensemble des


intervenants de la protection des forêts se réunirent, les 21 et
22 octobre 1941, à la station forestière de Duchesnay, pour trou-
ver des solutions et pour moderniser le réseau253. Après deux
jours de consultations, les délégués conclurent rapidement qu’il
fallait s’attaquer à l’entraînement, à la discipline, à la rémunéra-
tion du personnel et rendre la force de frappe plus efficace en
intervenant plus rapidement entre le moment de la découverte
des incendies et le début de la lutte.

Dans un premier temps, pour répondre aux lacunes en


matière de formation, le Service de la protection, en collaboration
avec le ministère du Bien-être social et de la Jeunesse, créa, en
1947, une école des gardes-feu à la station forestière de
Duchesnay, en vertu d’une
entente fédérale-provin-
ciale relative aux écoles Georges-Henri Bernier, fondateur
de l’École de protection des
professionnelles254. Sa forêts, (voir vignette du haut).
direction et son organisa- W
tion furent confiées à
Georges-Henri Bernier,
chef adjoint du Service de
la protection et professeur
de protection des forêts à
la Faculté d’arpentage et
de génie forestier de
l’Université Laval. Dans
son rapport annuel pour
l’année 1946-1947, Kieffer
décrivait l’objectif de cette école :

Cette école a pour but de former des techniciens en protec-


tion des forêts, destinés à remplir les fonctions d’inspecteurs ou
d’instructeurs pour le compte des diverses organisations de pro-
tection des forêts en cette province. On a réalisé depuis quelques École de protection des forêts
années des progrès immenses dans le domaine de la protection de Duchesnay. Cours théo-
des forêts et on a développé de nouvelles méthodes dont la mise rique sur le système de pro-
en pratique s’avère de plus en plus efficace. Mais, le soin d’appli- tection.
quer ces méthodes et de tirer profit de ces progrès ne peut être T
laissé à un personnel sans formation technique appropriée. C’est
donc pour assurer aux organisations de protec-
tion un personnel bien qualifié et entraîné que la
fondation d’une école de protection s’imposait
dans cette province255.

À l’origine, une vingtaine de candidats


seulement étaient admis annuellement. La
plupart des élèves étaient soit des étudiants à
l’École des gardes forestiers de Duchesnay, soit
des ouvriers de compagnies forestières ou des
gardes-feu des organismes de protection. La
formation durait initialement huit semaines,
comprenait 160 heures théoriques et 140

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L’ H I S T O I R E D’UNE GUERRE

heures de travaux pratiques. Les cours théoriques portaient plus


spécialement sur le système de protection des forêts au Québec, la
pyrologie forestière, la prévention et la découverte des incendies,
la législation, l’organisation, le combat contre les feux, la météo-
rologie et l’entomologie. Les heures consacrées aux travaux pra-
tiques, de leur côté, étaient occupées à ériger des tours de bois et
d’acier, à installer et à faire fonctionner des lignes téléphoniques
et des postes de radio, à employer et à entretenir de l’outillage, à
brûler des abatis, à combattre des feux, à préparer des plans d’or-
ganisation et à rédiger des rapports. La même année, Bernier
publia un premier manuel de protection256. Ainsi, l’école et le
manuel venaient pour la première fois uniformiser les méthodes
de protection sur le territoire québécois. Les étudiants diplômés
retournaient dans leurs organismes respectifs appliquer et ensei-
gner les connaissances acquises à Duchesnay.

En 1958, des centres d’entraînement furent aussi établis,


comme compléments à l’École de protection des forêts. Le pre-
mier fut construit à Chicoutimi pour le personnel des différentes
organisations de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. L’année
suivante, des centres semblables furent établis en Abitibi-
Témiscamingue et dans la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie.
De plus, les associations de concessionnaires organisèrent, chaque
printemps, des sessions d’entraînement pour leur personnel
affecté à la protection des forêts. Par exemple, la St. Maurice Forest
Protective Association recruta, en 1949, un jeune diplômé de
l’école de Duchesnay, Henri Proulx, à titre de publiciste et
d’instructeur pour l’organisation. Au cours des années 1960,
l’association fit construire un centre de formation au lac
Sacacomi, à l’instar de la Laurentian Forest Protective Association,
qui fit construire, en 1967, un centre similaire à Baie-Comeau.

En plus de ces améliorations sur le plan de la formation, le


combat contre les incendies connut au cours des années 1950 une
véritable révolution avec l’introduction graduelle d’équipes de
combattants spécialisés et surtout avec l’utilisation de plus en plus
courante de l’avion, tant pour le transport du matériel et des
combattants que pour l’arrosage aérien.

En effet, l’autre problème décelé par les congressistes de


Duchesnay en 1941 était le délai trop long entre la découverte des
incendies et la première attaque257. Les combattants, générale-
ment des patrouilleurs occupés en forêt, devaient d’abord être
informés, ce qui demandait un certain délai, avant de se rendre à
l’emplacement du feu par des moyens de locomotion souvent
rudimentaires. Une fois les combattants arrivés sur place, le feu
avait souvent pris des proportions gigantesques, rendant difficile,
voire impossible, son extinction. Pour remédier à la situation, les
congressistes proposèrent la formation d’équipes volantes de quatre
ou cinq combattants qualifiés, entraînés et surtout disponibles

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En guise de solution, Bernier proposa de créer dix unités administra-


tives régionales de protection et un organisme provincial de coor-
dination. Cette organisation devait regrouper les différents inter-
venants de l’exploitation forestière à l’intérieur de limites définies
par la géographie du terrain, les commodités de transport, l’accès
possible à un réseau efficace de communication et les risques
d’incendies liés à des causes naturelles comme humaines270.

Un bureau de direction devait gérer l’ensemble des unités


régionales et veiller, entre autres choses, à l’équité du budget et à
l’orientation des dépenses. La prévention, la détection des feux et
l’organisation seraient payées par les membres de l’organisme,
proportionnellement à la taille de leur terrain, alors que les frais
d’extinction des feux seraient partagés également entre le gouver-
nement et les membres. De plus, les utilisateurs de la forêt sus-
ceptibles d’accroître le danger d’incendie devaient aussi assumer
une partie des coûts de protection. Bernier concluait :

En groupant sous une même autorité tout le personnel


d’une même région, on réussira à appliquer de façon plus uni-
forme les directives propres à assurer une meilleure protection
dans les domaines de la prévention, du repérage et de la sup-
pression des incendies. L’établissement de standards de protec-
tion en relation avec l’intensité des risques et des dangers d’in-
cendie permettra d’assurer au sein d’une unité régionale une
meilleure répartition de l’outillage et de l’équipement de lutte.

Il est à prévoir qu’on pourrait ainsi réaliser des économies


importantes dans l’achat du matériel et de l’équipement. Le
volume des achats pourrait être centralisé non seulement au
niveau de l’unité régionale mais également au niveau de toutes
les unités réunies; comme autre conséquence, il serait possible
d’obtenir plus d’uniformité dans les divers éléments du matériel
et de l’équipement.

Nous croyons de plus que le coût unitaire de la protection


pourrait être abaissé dans bien des cas. Il faut admettre qu’avec
le système actuel, bien des tâches sont exécutées en double271.

La résistance qu’opposa l’industrie au projet retarda sa mise


en application et le décès prématuré de Bernier, en 1969, mit un
terme à l’aventure. Toutefois, la restructuration était inévitable.
Pour obtenir le consensus de l’industrie, le gouvernement recruta
l’un des siens, le gérant de la Laurentian Forest Protective
Association, Maurice Vézina. Nommé sous-ministre associé aux
Forêts, il devint également directeur d’une nouvelle structure
administrative : la Direction générale de la conservation. Cette
unité gouvernementale avait la mission de dépasser la simple
logique de l’élimination du feu pour donner un nouvel élan à la
restauration et à l’amélioration de la forêt de même que l’obliga-
tion de réformer en profondeur le système de protection272.

Le 8 avril 1970, après qu’un consensus des principaux parte-


naires de l’industrie forestière eut été obtenu, un décret fut adopté
pour pouvoir procéder à la répartition progressive des

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associations de protection, des districts gouvernementaux et des


propriétaires de forêts privées de 800 hectares et plus à l’intérieur
d’organisations similaires à celle qu’avait proposée Bernier. En
avril 1972, les 39 organismes de protection du Québec furent
remplacés par sept sociétés de conservation régionales chargées
de protéger l’ensemble des forêts de la province, tant en matière
de feux et d’entomologie que de pathologie. Ces sociétés furent
placées sous la supervision de la Direction générale de la conser-
vation du ministère des Terres et Forêts. De plus, le gouvernement
du Québec prit en charge, par l’entremise de sa cotisation comme
membre des sociétés de conservation, la protection des petites
propriétés forestières de 800 hectares et moins, réglant ainsi un
problème récurrent dans l’histoire de la protection.

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