Analyse Des Media (Kaciaf)

Nicolas Kacia - Analyse des mdias - 2013
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Analyser les mdias pour de uturs proessionnels de la communication suppose au
pralable de clariier ce terme. Ln eet, les mdias sont rgulierement enisags comme un
tout homogene qui disposerait dùne olont et dùne capacit dàction et qui serait dote en soi
dùn pouoir. La tendance a riier ou a personniier lòbjet mdias rsulte en partie de la
polysmie du mot. Malgr sa racine latine, le terme de mdias est assez rcent dans la langue
ranaise : lèxpression mass media apparait dans les annes 1950 et le terme mdias nèst
utilis seul que depuis les annes 190. Mais ce terme est ambialent car il dsigne deux choses en
mme temps : des instruments techniques et des acteurs. Ces deux dinitions du mot mdias
me permettront de prsenter les problmatiques de ce cours et dìndiquer lìntrt dàpprhender
les actiits mdiatiques dans une perspectie sociologique et historique.

'@JKDL; /8 +@? BCAD<? JLBB@ AD?ML?DKDI? K@JN;DOG@?
P/8 2CID;DKDL; @K ACJ=D;<D?L;?
La notion de mdias dsigne premierement "#$%&$'("$ *$& +$,-%."./0$& 123
"#0%+$3'4*0203$ *$&56$""$& *$& 0%*070*6&8 *0&1$3&4& *2%& "#$&12,$ .6 *2%& "$ +$'1&8 &.%+
BD? @; Q@=<KDL; @K6LG @HML?C? R A@? ILQB@? ?>BSL=DOG@? TK@HK@?U DB<V@? @K ?L;?W8 Les
mdias, ce sont donc des outils qui permettent de communiquer a distance, sans que les
personnes soient en situation de coprsence . Par consquent, au sens large, les mdias
recourent de tres nombreux instruments de communication qui se dclinent en :
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! ovtit. ae roavctiov ,imprimerie, dispositi dènregistrement sonore, camra et salle de
montage, ordinateur, etc.,,
! rectevr. ae aiffv.iov ,rseau postal, rseau tlphonique, ondes hertziennes, cables,
satellites, rseaux numriques comme Internet,
! et .vort. ae recetiov ,journal papier, aiches, tlision, tlphone, radio, ordinateur,
tablette numrique, etc.,.
Le sociologue britannique John B. 1hompson ,1be Meaia ava Moaervit,, identiie trois attributs
techniques des mdias :
- Dàbord, on là u, ils rduisent ,de aon plus ou moins prononces, les distances
spatio-temporelles. Les contenus ou ormes symboliques peuent circuler
indpendamment de leurs producteurs , elles sont ainsi dtaches de leur contexte de
production.
- Lnsuite, les mdias permettent une ixation des ormes symboliques . Celles-ci sont
enregistres sur des supports qui leur donne une certaine durabilit ,ce nèst
cependant pas le cas pour les conersations tlphoniques ou pour les missions de
radio en direct qui ne seraient pas enregistrs,.
- Lnin, les mdias permettent la production de multiples copies des ormes
symboliques . Cette capacit de reproduction soulee des enjeux passionnants :
question du cot des contenus mdiatiques, question de la proprit intellectuelle, etc.

Dans son manuel Meaia. et .ociete, lrancis Balle identiie trois amilles de mdias : ,1, des
mdias autonomes cèst-a-dire des supports sur lesquels sont inscrits des messages et qui ne
requierent de raccordement a aucun rseau particulier ,lires, journaux, CD, DVD, jeux ido,
etc., , ,2, des mdia de diusion centralise ,radio cr dans les annes 1890, tlision depuis les
annes 1930, serices inormatiques a distance depuis les annes 190, , ,3, des mdias de
communication qui permettent lìnteractiit directe entre les dirents protagonistes de
l`change de message ,tlphone, minitel, messageries web et dispositis du web 2.0,.
Dans cette typologie, Internet peut apparaitre comme un mdia total , au sens ou
lànthropologue Marcel Mauss parlait de ait social total pour indiquer le caractere
pluridimensionnel des aits sociaux ,ils comportent toujours des dimensions conomiques,
culturelles, religieuses, symboliques, juridiques et ne peuent ainsi jamais tre rduits a un seul de
ces aspects,.
- Dùne part, il agrege les potentialits techniques des autres supports mdiatiques
,crit, audio et ido,, participant a un processus de conergence numrique des
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dispositis de production, de diusion et de rception : les ormes symboliques
sont dsormais pralablement conerties en langage inormatique binaire ,0,1, pour
tre changes. Cela conere un pouoir potentiel considrable aux institutions
susceptibles de controler les ecteurs de diusion numrique ,ournisseurs dàcces a
Internet, agrgateurs de contenus, etc.,.
- Dàutre part, Internet rend possible des ormes de communication et des usages
mdiatiques extrmement diersiis : il relie tous les indiidus connects sans quìl y
ait ritablement de centre . Il permet tout a la ois de communiquer en ace-a-ace,
dèntretenir des discussions collecties, de endre et de consommer, de ,se, diertir,
dìnormer et d`tre inorm, de coordonner làction collectie, de promouoir des
points de ue alternatis en contournant partiellement les iltres des acteurs qui
controlent les principaux mdias autonomes ou de diusion ,grands groupes de
presse, entreprises audioisuelles, maisons d`dition, etc.,. Autrement dit, la
conjonction dÌnternet, des outils inormatiques personnels et de la tlphonie mobile
a ceci de rolutionnaire quìl permet tbeoriqvevevt a chacun de produire des messages,
dènregistrer des images ou des sons, de les reproduire de aon ininie et de les aire
circuler a une aste chelle.
Prcision bien que cette possibilit oerte par Internet demeure thorique. De nombreux
acteurs doient tre ajouts pour quùn indiidu tavbaa parienne a toucher une aste audience.
Cela inite alors a ne pas seulement tudier les aspects techniques des mdias. Il aut surtout se
proccuper de leur dimension conomique, politique, culturelle, bre sociale. Ce sont ici les v.age.
des outils mdiatiques qui mìntressent. Il aut donc considrer que les mdias, en tant
quìnstruments, orent des potentialits aux acteurs, rendent possibles certaines actions et
certaines relations, contribuent a certains phnomenes sociaux. mais en aucun cas, il n`y a de
ncessit ou de dtermination. Une premiere leon quìl aut garder en tte, cèst dàcuer toute
ide de dterminisme technologique. On y reiendra dans le premier chapitre.

P48 +@? BCAD<? JLBB@ D;?KQGB@;K? A@ MGS=DJDKC
A traers cette premiere dinition, les mdias apparaissent comme des instruments de
publicit, cèst-a-dire quìls orent une ri.ibitite ou une vbticite aux acteurs reprsents dans les
messages mdiatiques. Ils permettent de mettre en relation des institutions ,politiques,
conomiques, culturelles, administraties, associaties, etc., et leurs reprsentants aec une
audience plus ou moins tendue. Il sàgit donc de ecteurs de propagande ou de communication
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des acteurs sociaux, les deux mots ayant ici le mme sens de diusion dùn discours isant a aire
adhrer un auditoire donn. Or, a mesure des olutions technologiques, la orme des messages
et le contour des auditoires sèst singulierement transorm. listoriquement, les mdias ont
permis dàtteindre des publics de plus en plus nombreux, et de plus en plus cibl . Depuis la in
du XIX
e
siecle et le deloppement dùne presse populaire , ils permettent notamment
dàtteindre la quasi-totalit des citoyens.
Les mdias se prsentent donc comme lùne des arenes essentielles de lèspace public
contemporain ou plutot des espaces publics contemporains ,c. cours de 1horie de la
communication ,. Pour nàborder que le seul cas de la politique, ils ont des incidences
considrables sur la nature des relations entre le peuple et les acteurs politiques, cèst-a-dire les
acteurs qui participent directement a la conqute du pouoir, a lèxercice du pouoir et a la
sureillance du pouoir. Ln eet, pour chacune de ces dimensions, les mdias orent des
ressources aux groupes ou aux indiidus en concurrence. Par exemple, les gouernants peuent
utiliser les mdias pour aire connaitre les lois, prescrire les comportements, mobiliser la
population, dnoncer les ennemis de la nation, bre tout ce quòn appelle aujourd`hui la
communication publique et quòn appelait autreois la propagande d`Ltat . Les mdias
peuent aussi serir leurs intrts personnels, en les montrant sous un jour aorable ou en
relayant leurs promesses lectorales, bre en participant a leur communication politique .
Mais les mdias constituent aussi des contraintes pour les gouernants puisque ces
derniers sont placs sous le regard - et donc sous la sureillance - de publics plus ou moins
tendus : grace aux mdias, lòpinion publique peut prendre connaissance des scandales qui les
concernent, de l`chec de certaines politiques publiques. Les mdias peuent rendre compte des
propositions et des critiques des opposants, des mobilisations qui ustigent certains choix
gouernementaux, etc. Il aut donc considrer les mdias a la ois comme des atouts et comme
des menaces pour le crdit, la lgitimit, la popularit des protagonistes des luttes politiques et
idologiques. Il sàgit bien dìnstruments constitutis de la ie politique moderne, dans la mesure
ou la comptition politique prend des ormes ajustes aux technologies mdiatiques disponibles :
en eet, elle ne se droule pas de la mme maniere lorsque les hommes politiques disposent
seulement de la presse crite et des aiches, lorsquìls peuent communiquer aux lecteurs ria la
radio ou la tlision ou lorsquìls peuent cibler leurs publics ria Internet. Sans mdias, point
dòpinion publique appele a sureiller les gouernants. Sans mdias, points d`lections
ritablement concurrentielles. Sans mdias, point de dmocratie dans des territoires de astes
energures comme les Ltats modernes.
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On peut dàilleurs oprer le mme raisonnement pour tous les acteurs en concurrence
dans les milieux conomiques, sociaux ou culturels, des lors que ces derniers ont un besoin de
vbticite ,au sens de ri.ibitite aupres de publics disperss, pour satisaire leurs objectis : amliorer
ses rsultats commerciaux dans le cas des entreprises, montrer sa orce et bnicier du soutien de
lòpinion publique dans le cas de mouements sociaux, accroitre sa notorit dans le cas de
producteurs culturels, etc. Par consquent, de tres nombreux acteurs ,y compris des anonymes en
qute de notorit, cherchent a accder a làrene mdiatique et a bnicier dùne mdiatisation
aorable. Malgr làctuelle prousion des mdias, la concurrence pour le temps de cereau
disponible ,Patrick Le Lay, ancien dirigeant de 1l1, des audiences est particulierement
prononce.

9:; <$& &+32+4/0$& *#2,,=& > "2 70&0(0"0+4 '4*02+056$
Ainsi, puisque les mdias constituent des ressources ou des contraintes pour un tres grand
nombre dàcteurs, le controle des discours mdiatiques constitue un enjeu majeur pour eux. Cette
question du controle doit tre pens dans deux dimensions puisquìl sàgit a la ois dàccder aux
mdias pour y promouoir ses actiits aupres de lòpinion et de se protger des intrusions des
mdias ,stratgies de rtention, oire de censure,. De mme, la question de làcces aux mdias
doit tre pense de aon relationnelle : lènjeu pour beaucoup dàcteurs est a la ois de s`y
exprimer L1 de sàssurer que ses adersaires ne soient pas mieux traits que soi-mme.
On y reiendra, mais il sàgit dùn enjeu ondamental sur un plan dmocratique puisque la
question de la capacit des direntes orces politiques et sociales dàccder aux mdias et de s`y
exprimer rejoint directement la question de la libert dèxpression. Il ne suit pas de la postuler.
Lncore aut-il quèlle soit eectie et que làcces aux mdias ne soit pas rser quà une petite
raction de lèspace social.

Selon leurs positions et leurs marges de manoure, ces acteurs peuent mobiliser
direntes stratgies pour accder a làrene mdiatique ou restreindre làcces de ses adersaires :
, .L;LML=D?@Q LG JL;KQX=@Q =@ B<QJNC BCAD<KDOG@8 Les gouernants et leurs allis
peuent sàppuyer sur la lgislation et sur les administrations ,police, justice, pour
encadrer plus ou moins troitement lèspace mdiatique. On obsere direntes
ariantes dans l`histoire : le monopole pur et simple ,dans les rgimes autocratiques,,
la censure et làutorisation de publication, la dinition plus ou moins restrictie des
dlits de presse, la iscalit ou les aides a la presse pour peser sur les inances des
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entreprises de presse, làttribution des ondes, la rglementation des groupes de presse,
etc. Mme dans les rgimes dmocratiques ou le pluralisme est garanti, les
gouernants proitent de leur position institutionnelle pour tenter de domestiquer
les mdias et sàssurer de leur bieneillance. Mais cette premiere stratgie peut
galement tre utilise par des opposants a traers la iolence exerce contre les
mdias ,assassinat de journalistes, piratage dòndes radiophoniques, prise de controle
des chaines de tlision a la suite dùn coup d`Ltat, etc.,. Cette stratgie concerne
aussi des groupes industriels suisamment puissants pour sàpproprier des entreprises
mdiatiques et tenter dàmoindrir la concurrence ,c. groupe Mediaset de Silio
Berlusconi en Italie,.
, 0QLAGDQ@ ?@? MQLMQ@? ?GMMLQK? BCAD<KDOG@?. Dans l`histoire, de tres nombreuses
entreprises mdiatiques ont t plus ou moins directement controles par les
organisations politiques, conomiques et sociales : tracts et aiches, journaux de
partis, presse dòpinion ou presse dèntreprise, rseaux audioisuels ,par exemple, les
chaines de tl lezbollah au Liban,, sites sur Internet, etc. Dans le cas des mdias
militants ,Dominique Cardon et labien Granjon parlent de Meaiactiri.ve ,, ils
peuent serir a la ois de tribune pour mobiliser l`lectorat, dèspace de dbat a
lìntrieur du parti ou dìnstrument de coordination de làctiit militante. Dans les
dmocraties occidentales, ces mdias ont plutot eu tendance a sàaiblir tout au long
du XX
e
siecle ou a orir un contenu moins politis pour surire. Internet semble
permettre un renoueau des mdias militants. Mais si le cot dèntre sur le web est
aible, la tres orte concurrence entre sites limite la capacit dàtteindre le grand
public . Cèst une mme stratgie que mettent en oure de nombreuses entreprises
commerciale ou culturelle : produire leurs propres supports promotionnels pour
accder directement aux publics iss.
, *JN@K@Q A@? @?M<J@? MGS=DJDK<DQ@?8 Pour accder aux supports mdiatiques les plus
populaires , les organisations politiques, les groupes dìntrts ou les entreprises
pries peuent tre amens a acheter de lèspace ou du temps dàntenne pour y
insrer des annonces promotionnelles. La multiplication des spots tliss explique
en partie la spectaculaire enole du cot des campagnes lectorales aux Ltats-Unis
,depuis 198 notamment,. Ln lrance, la publicit politique est strictement
rglemente pour garantir une certaine quit entre candidats et iter que seuls les
plus ortuns ne puissent mener campagne ,loi du 15 janier 1990,.
, ?$&$3 &63 "2 13.*6,+0.% *$ "#0%@.3'2+0.%; Les socits dmocratiques

contemporaines sont marques par une relatie autonomie des acteurs mdiatiques a
l`gard des acteurs politiques ou conomiques. Les contenus mdiatiques sont ainsi
mis en orme selon les normes des proessionnels des mdias et notamment des
journalistes. Cèst en particulier le cas de làctualit mise en scene en onction des
normes journalistiques. Làcces a la parole publique dpend alors souent de la
capacit des acteurs a satisaire les attentes des rdactions : les contenus doient tre a
la ois attractis pour leurs publics et peu coteux a produire. Un tel controle de
làrene mdiatique par une catgorie spciique dàcteurs ,les journalistes, explique le
deloppement des relations presse dans de nombreux secteurs. Les partis
politiques ou les entreprises sont ainsi contraints de sàppuyer sur les conseils de
proessionnels de la communication, pour adopter des stratgies juges adquates
pour aire làctualit et s`y prsenter sous un jour aorable.

'@JKDL; 48 +@? BCAD<? JLBB@ <JK@GQ? ?MCJD<=D?C?

Ln utilisant le terme de mdias , on dsigne aussi souent =@? @;KQ@MQD?@?
'4*02+056$& $+8 1"6& /4%432"$'$%+8 "#$%&$'("$ *$& 2,+$63& ?MCJD<=D?C? OGD M<QKDJDM@;K R =<
MQLAGJKDL;U R =< ADIIG?DL; @K R =< JDQJG=<KDL; A@? JL;K@;G? BCAD<KDOG@?8 Aujourd`hui, parler
des mdias , cela renoie aux socits audioisuelles, aux groupes de presse, aux dirigeants et
salaris de ces entreprises ,notamment les journalistes,, oire a certains membres des secteurs de
la communication ou de lÌnternet. On parle de mdias car ce sont des mdiateurs dans lèspace
public, autrement dit des gestionnaires de la relation entre gouernants et gouerns, entre
annonceurs et consommateurs, entre artistes et publics, etc. Ils serent ainsi a trier, mettre en
orme et coordonner des lux mdiatiques dont ils sont lgalement responsables.

P/8 !; MQLJ@??G? A@ MQLI@??DL;;<=D?<KDL;
Or, contrairement a certaines lectures sommaires, les acteurs mdiatiques ne orment pas
un groupe totalement homogene. Il est diicile de parler des mdias comme sìls ormaient
une institution centralise, hirarchise et dote dùne olont commune : il y a de ortes
diergences entre une radio associatie locale et une chaine de tlision prie nationale, entre
Arte et ravce ootbatt, entre 1tv et \ahoo.com. Malgr tout, on obsere un processus sculaire
8

dàutonomisation et de proessionnalisation de ce secteur, dans la plupart des Ltats de la planete.
Dans une perspectie de long terme, on constate que les acteurs mdiatiques sont
tendanciellement plus autonomes aujourd`hui quàutreois a l`gard des autres uniers sociaux et
notamment a l`gard de lùniers politique.
- Cette dynamique se caractrise tout dàbord par une =DSCQ<=D?<KDL; A@? B<QJNC?
BCAD<KDOG@? ?GQ G; M=<; CJL;LBDOG@ TD= A@YD@;K M=G? JL;JGQQ@;KD@=W @K ML=DKDOG@ TD=
@?K MQLKCVC A@? D;K@Q7$%+0.%& 26+.30+203$& *$ "#$A4,6+0@B. Ln lrance, depuis la loi de
1881, et si lòn excepte les circonstances particulieres des deux guerres mondiales, la
presse crite est rgie par une lgislation librale qui la protege des interentions tatiques.
Il aut ensuite attendre un siecle pour que les mdias audioisuels soient a leur tour
soustraits au controle gouernemental. La in du monopole public sur la radio et la
tlision ,loi de 1982, sàccompagne de leur ouerture aux capitaux pris, dùn
renorcement de la concurrence dans ces secteurs et de la cration dùne instance charge
de eiller au respect du pluralisme politique : depuis 1989, cèst le CSA qui doit sàssurer
dùne certaine quit dans la distribution des temps de parole a la radio et a la tlision.
- Le concept dàutonomisation renoie ensuite a un processus de Z ACML=DKD?<KDL; [ A@?
JL;K@;G? BCAD<KDOG@?. Depuis la in du XIX
e
siecle, les entreprises mdiatiques
sàerent de moins en moins gouernes par des enjeux idologiques ou partisans. La
lente disparition des journaux de partis et le dclin plus gnral de la presse dòpinion
constitue un premier indicateur de cette moindre ailiation aux acteurs politiques. Un
deuxieme indice rside dans la dissociation croissante des carrieres politiques et
journalistiques. 1out au long du XX
e
siecle, le journalisme sèst proessionnalis, a traers
lòbtention dùn statut spciique ,1935,, l`tablissement dùne carte de presse ,1936,, la
dinition dùne dontologie et dùn saoir-aire spciique, la multiplication des lieux de
ormation, etc. Dans la quasi-totalit des mdias, les journalistes chargs du suii des
questions politiques, sociales et socitales ne sont plus recruts en onction de leurs
prrences partisanes mais en onction de leurs maitrises des normes proessionnelles.
Par consquent, lèspace mdiatique peut tre analys en partie comme un champ
autonome, domin par certains acteurs et par certaines normes dàctiit. Il y a des principes
dàluation de la qualit traail relatiement partages par les principales entreprises mdiatiques,
aussi bien en matiere dìnormation ,regles journalistiques, que de graphisme, de techniques
dìmprimerie, dènregistrement ou de mise en scene. Par consquent, pour comprendre les
contenus mdiatiques, il aut sìntresser a ces acteurs, a leurs identits, a leurs routines
proessionnelles, a leurs pratiques, etc. Les acteurs sociaux doient tenir compte de ces
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caractristiques sìls eulent que leurs messages soient relays par les grands mdias et non
seulement par leurs propres supports de communication. On pourra cependant se demander si
on nàssiste pas depuis quelques annes a un mouement inerse de dproessionnalisation du
secteur des mdias, ou du moins a un bousculement des rontieres institues entre journalisme et
communication ,les journalistes deenant moins des mdiateurs indpendants que des
proessionnels de la mise en orme et de làgrgation de contenus,. Si làutonomisation des
mdias a t rendue possible par leur constitution en secteur conomique spciique, on peut se
demander si lèmprise des logiques commerciales et industrielles actuellement obsere nèntraine
pas une remise en cause de cette autonomie.

P48 2@? @;\@GH CJL;LBDOG@?
Il aut donc aussi sìntresser aux enjeux conomiques des entreprises mdiatiques. Or les
questions conomiques sont loin de constituer une noueaut. De nombreux intellectuels
expliquent que les mdias seraient aujourd`hui perertis par làrgent et quìls ne joueraient plus un
role dmocratique tant ils recherchent la acilit, le sensationnalisme et le proit a court terme. Il
aut pourtant rappeler que la presse accueille des publicits commerciales depuis son origine au
XVII
e
siecle. De la mme maniere, des le XVII
e
siecle, les imprimeurs des journaux ormulent
explicitement comme objecti la perspectie de dgager des proits et sèorcent, pour cela,
dàttirer un plus grand nombre de lecteurs ou de mettre en oure des dispositis dìmpression qui
rduit les cots de abrication. Il ne sàgit idemment pas de dire que les entreprises mdiatiques
ont toutes eu pour seul et unique objecti de maximiser leur proit. Certaines, oui : cèst le cas
aujourd`hui de 1l1 par exemple. Mais certaines, non. Les entreprises publiques nònt pas un but
commercial , des journaux comme e Cavara evcbaive ou comme !"#$%&'()* ne cherchent pas
aant tout a aire gagner le maximum dàrgent a leurs propritaires. Ce que je eux souligner, cèst
que, malgr la pluralit des objectis des dirigeants de mdias, les contraintes inancieres sont
toujours prsentes. Nìmporte quelle entreprise mdiatique se doit d`tre rentable, d`quilibrer ses
comptes sous peine de disparaitre. Sìntresser aux logiques conomiques suppose de
distinguer dirents nieaux :
" Logiques industrielles : ce premier nieau concerne la dinition des modeles
conomiques . Comment inancer la production mdiatique Les mdias ont pour
caractristique de sìnscrire dans un march a deux ersants ou double march. Il y a en eet
deux catgories de clients : les audiences dùn cot, les annonceurs de làutre. Chaque mdia
se positionne entre deux poles : la gratuit dùn cot ,seuls les annonceurs inancent la
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production mdiatique,, làbsence de publicit de làutre ,les reenus manent seulement des
publics, c. e Cavara evcbaive,. Par ailleurs, les recettes peuent plutot rsulter dàbonnements
ou dùn paiement a lùnit.
" Logiques commerciales : ce deuxieme nieau questionne toutes les stratgies mises en oure
pour conqurir et idliser le public, dans un contexte plus ou moins concurrentiel. Parmi ces
stratgies commerciales, on peut citer la logique du scoop, la recherche du spectaculaire, etc.
" Logiques organisationnelles : ce nieau interroge les cots de production, autrement dit
lòrganisation des rdactions, la rationalisation de la production. Par exemple, pour courir un
conlit international, aut-il enoyer un correspondant ,ce qui cote cher, ou uniquement
rendre compte des dpches dàgence des images achetes aux banques dìmages
internationales De la mme maniere, aut-il mieux inancer soi-mme des oures culturelles
originales ou bien acheter des productions plus anciennes mais moins onreuses
" Logiques capitalistiques : ce dernier nieau se demande a qui appartiennent les mdias, selon
quel statut juridique et quels sont les intrts de ces propritaires a inestir lìndustrie
mdiatique.

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3N<MDKQ@ /
<$& '4+2'.31-.&$& *$ "#6%07$3& '4*02+056$

Pour dmarrer ce cours, il aut dans un premier temps reenir sur la structure de lùniers
mdiatique et ses rcentes transormations. On ne peut en eet analyser la pratique des acteurs et
comprendre la abrique de lìnormation, sans sàrrter au pralable sur leur enironnement, le
contexte dans lequel ils agissent, les contraintes ace auxquelles ils se trouent conronts. Cela
suppose par consquent de se plonger dans un premier temps sur la progressie structuration de
lùniers mdiatique ,sections 1, 2 et 3,, aant de sìntresser aux logiques conomiques des
industries mdiatiques ,section 4,.

'@JKDL; /8 C%$ 13$&&$ &.6& "#$'130&$ *$ "#D+2+ EFGHH$,]#]@ ?D^J=@W
P/8 <$& ,.%*0+0.%& *#4'$3/$%,$ *$ "2 13$&&$ 4,30+$ $% I32%,$
Il est diicile de ournir une date prcise qui marquerait la naissance de la presse crite et
plus gnralement la naissance des mdias. Chaque socit dispose de ses propres instruments de
communication et toute socit a mis en place une inrastructure pour aire circuler les nouelles.
Lìnormation est, de ce point de ue, un besoin uniersel.
Nanmoins, par conention, on peut essayer de ixer un point de dpart a l`histoire de la
presse, en utilisant 3 criteres : une parution priodique , une ocalisation sur làctualit , une
diusion qui ne se limite pas aux seules lites. Aec ses trois criteres, l`histoire dbute au dbut
du XVII
e
siecle. Premieres gazettes dans direntes illes marchandes dÌtalie, dÀllemagne ou
des Proinces Unies ~ cits relatiement libres et cosmopolites ,denses rseaux d`changes,.
Gazettes sur 2 ou 4 pages au ormat dùn lire ~ succession de nouelles issues de toute
l`Lurope. Ln ait, cèst un recueil de lettres organises sur un critere gographique. Chaque lettre
lire les inormations ou les rumeurs sur ce qui sèst pass dans la rgion dòu proient la lettre.
MAIS ces gazettes ~ pas une cration e vibito. Pas du jour au lendemain, quelquùn sèst
dit : tiens, si je crais un journal. Non : lòlution sèst aite par petites touches. Les gazettes,
cèst une tape dans l`histoire des techniques de communication. 3 conditions qui ont rendu
possible la cration de ces imprims et plus tard des gazettes :
12

" La naissance de lìmprimerie. Dja techniques dìmpression en Chine. MAIS inention en
Lurope ers 1440 par Gutenberg ,1399-1468,, orere tabli a Strasbourg puis Mayence.
Pourquoi Gutenberg incit a cette inention Parce que contexte dèssor culturel en Lurope
et surtout en Allemagne. Deloppement des illes, des uniersits, des grandes abbayes :
besoin de lecture donc ncessit de produire plus rapidement ,notamment bibles et lires
techniques,.
" La mise en place des premieres routes postales en Lurope a partir des annes 1450 dans
l`Lmpire des labsbourg, dans les 1480s. en lrance : contexte de construction de l`Ltat, de
centralisation politique et administratie. Au dpart, Poste royale uniquement pour courrier
des souerains mais de plus en plus dpches des particuliers ,car source de reenu,. Donc
inormation peut circuler rgulierement.
" 1out au long du XVIe siecle, proonde transormation sociale. A la ois un besoin croissant
dìnormation dans le public : curiosit de plus en plus marque pour les nements
extrieurs ,donc une demande dìnormation,. Mais aussi de plus en plus dàcteurs qui ont
besoin de diuser des inormations ,donc une ore dìnormations, ~ besoin de publicit
,commerants, reprsentants des nouelles religions, acteurs engags dans batailles
politiques,.
Demande - Ore ~ march ! DONC contexte aorable qui incite les imprimeurs a rendre les
occasionnels plus rguliers : le reenu des occasionnels et des priodiques leur permet de inancer
les ourages plus coteux. Dòu lìnention des gazettes qui sont une compilation des lettres
enoyes de toute l`Lurope.
Ln lrance, le pouoir politique est tres igilant en matiere dìmprims ,contexte de guerre
de religions,. Donc ers 1600, rlexe ~ interdire tout priodique. Quelques gazettes circulent
mais ce nèst quùne traduction en lranais des gazettes allemandes. Sau quà un moment, le
pouoir a le sentiment quùn priodique peut tre utile politiquement. Donc non plus interdire,
mais controler. Lt cèst cette ambition qui explique la ondation de la premiere gazette ranaise
en mai 1631 : a Caette dirige par le mdecin 1hophraste Renaudot. Il obtient un priilege
perptuel ~ monopole sur lìnormation politique. Protection contre la concurrence ,le seul
autoris, - obligation de se soumettre a la censure royale. Pourquoi Renaudot obtient-il ce
priilege Parce que Renaudot est l`homme de main du cardinal de Richelieu, premier des
ministres de Louis XIII. Contexte ~ guerre de 1rente Ans entre les principales puissances
europennes. Dans lèntourage du roi, ortes rialits pour saoir dans quel camp la lrance doit
se placer. Richelieu oppos a la mere du Roi. DONC a ce moment, Richelieu a besoin dùn
support pour diuser ses objectis politiques et pour inluencer la oix publique . Cèst donc
13

lui qui est a lòrigine de la cration de la Caette et il charge Renaudot de sèn occuper. DONC des
son origine, la presse est sous la tutelle du pouoir monarchique. Contenu ~ succession de
dpches reues de l`tranger, nouelles de làrme de Roi, nouelles de la Cour et des
crmonies royales. Gazette dans une logique de clbration de la gloire royale. Contexte
dàbsolutisme : peu de nouelles du Royaume, peu dìnormations nationales qui pourraient tre
utilises contre le Roi.
Notion de journalisme de transmission ,typologie de Jean Charron et Jean de Bonille
qui ise a articuler caractristique du discours journalistique aec les conditions sociales,
conomiques, politiques de production, : imprimeur comme relais entre des sources et des
lecteurs. Ln lòccurrence, relayer la parole des autorits ,pas dàutonomie du rdacteur,. Pas
dìnterention propre dùn proessionnel du journalisme qui serait pleinement responsable de ce
quìl publie.
Mais pas seulement objecti politique. Renaudot est galement un entrepreneur qui
souhaite aire ortune. Il y a donc une dimension commerciale idente ! Mais le public demeure
restreint. Ln 163, la diusion est de 1200 exemplaires par numro. Diusion qui reste modeste
~ 800 en 150, 12 000 en 180. Pourquoi aible diusion Parce que public potentiel limit.
1res ort analphabtisme ,mme de nombreuses rgions ou on ne parle pas le lranais, ,
enclaement des territoires ,donc plusieurs jours pour obtenir des inormations, , surtout taris
dàbonnement tres les ,notamment a cause des taris postaux - a cause des cots dìmpression
: papier, technique rudimentaire donc beaucoup de main dòure,. Lnin, si cot le, cèst
parce que seule recette ~ reenus des abonns. Pas dànnonces ou de publicits ! Non pas parce
que a nèxiste pas mais parce que impossible de mler inormations royales et petites annonces.
Dàutres journaux ont tre crs sous lÀncien Rgime, mais en aible nombre et eux
aussi sous priilege. Il aut donc attendre la Rolution pour qu`merge un ritable march de la
presse crite en lrance.

P48 2@? \LGQ;<GH <G ?@QYDJ@ A@? =GKK@? ML=DKDOG@?
Je ne reiens pas sur les circonstances qui ont permis lòuerture du march de la presse
sous la Rolution. Libert de ait en raison de lèondrement de la monarchie qui deient libert
de droit.
- Sur le plan conomique, les anciens priileges et breets dìmprimerie sont abolis lors de la
Nuit du 4 aot . La presse deient un commerce comme les autres : chacun peut deenir
14

imprimeur et la concurrence est rgule par les lois du march et non plus par les principes
corporatistes.
- Sur le plan politique, la libert dèxpression est rige en droit naturel dans la Dclaration des
Droits de l`lomme et du Citoyen du 26 aot 189. Làrticle XI stipule ainsi que La libre
communication des penses et des opinions est un des droits les plus prcieux de l`homme. 1out
citoyen peut donc parler, crire, imprimer librement, sau a rpondre de làbus de cette libert
dans les cas prus par la loi. Cette derniere nuance ~ indtermination qui laisse au lgislateur la
possibilit de dinir les opinions socialement acceptables.
Mais maintien de cet enironnement pluraliste jusquà l`t 192. DONC entre 189 et
192 : spectaculaire transormation du paysage journalistique. 1ransormation quantitatie : 132
journaux dìnormation gnrale sont onds a Paris en 189 ,la plupart ont une ie phmere,.
DONC singuliere expansion de làudience totale de la presse. Ln janier 191, plus de 100 000
exemplaires quittaient Paris chaque jour. On ne retrouera pas ces chires aant 1836. La
multiplication du nombre de journaux ne renoie donc pas seulement a la mutation du cadre
rglementaire. Llle tmoigne galement dùn intrt croissant du public pour làctualit
parisienne, dans ce contexte dèerescence et dìncertitude. Squence ou le peuple joue un
ritable role politique DONC il est concern ! Inestir la presse ~ intressant politiquement
,ncessit de communiquer aec le peuple, et conomiquement ,commerce rentable,. Lnin,
loraison de journaux car techniques de abrication encore rustique, artisanale DONC pas besoin
de lourds inestissements de dpart !
1ransormations qualitaties. Contenu des journaux qui changent, changement du role
des journalistes. 2 noueauts : ]ovrvati.ve ae covterevav. Quotidiens exclusiement ddis a la
reproduction des dbats parlementaires ,~ principe de publicit,. Certains aec commentaires L1
dàutres comme e Movitevr vvirer.et se cantonnent a une restitution stnographique. Lnjeu
commercial ~ pouoir sàdresser a tout le monde, impartialit ,par exemple, dbats sous orme
de dialogue dans Movitevr uniersel ~ succes et lui permet de durer malgr changements de
majorit,. Mais aussi enjeu ciique ~ La presse se met ici au serice de la communication entre
dputs et lecteurs . Notion de journalisme dìntermdiaire ou de journalisme dènregistrement.
Idal ~ sèxclure de la surace du compte-rendu ,comme un greier, , aire comme si le lecteur
tait prsent dans le public ,pas dìnterention journalistique,. 1radition journalistique qui se
perptuera jusque dans les annes 190. Comptes-rendus integrent lènsemble des gazettes
rolutionnaires. Ne pas parler des sances de lÀssemble aurait t peru comme un acte de
lese-majest .
15

,-$.'&/(0%1 2"-3('(-' : priodiques onds pour permettre a leur auteur de prendre part aux
luttes politiques. Journaux comme tribunes ! Chaque club, chaque parti, chaque personnalit
dispose rapidement dùn organe pour participer aux dbats dìdes, dnoncer ses adersaires, etc.
Parmi ces tres nombreuses euilles, citons e Pere Dvcbe.ve d`lbert ,190-94, ou !"4%( 2$ 31$3/1
de Marat ,189-92,. De la mme maniere, nombre de quotidiens et d`hebdomadaires proinciaux
deiennent un instrument ,..., de regroupement local ou rgional des courants politiques . La
presse nà donc pas seulement couert les nements rolutionnaires , elle est partie
intgrante de la Rolution. Dans la typologie de Charron et de Bonille, journalisme
dòpinion ,XIXe, : le gazetier, deenu diteur, met son journal au serice de luttes politiques.
linancement par les lecteurs et le mcnat politique : pas de relles iss commerciales . Journal
comme accompagnement sur le terrain de lòpinion des luttes parlementaires.
Mais des 192, cette parenthese pluraliste se reerme. Lt 192 : chute de la monarchie,
DONC rpression contre journaux monarchistes : condamnation a mort de tout traail au retour
de la monarchie. Progressiement spectre des journaux autoriss de plus en plus limits a mesure
que le pouoir est de plus en plus concentr. Argument permanent des autorits pendant pres
dùn siecle ~ rgime menac par un ennemi intrieur ou extrieur DONC ncessit de controler
la presse pour garantir la surie du rgime. DONC ide quìl y a des enjeux plus importants que la
libert de la presse. Journaux sont donc diiss en deux catgories : ceux qui constituent un
instrument de gouernement ,outil de propagande, et ceux qui sont une menace pour les
gouernants. DONC jusquèn 180, tres ort controle des pouoirs publics, sau quelques
priodes : 194-96 , 1830-35 , 1848. Rgimes tres dirents DONC lgislation plus ou moins
contraignante. MAIS points communs ~ brider la presse dòpposition et restreindre les opinions
exprimables. Degr de libert de la presse troitement li aux olutions politiques du pays.
DONC statut de la presse comme enjeu idologique et comme enjeu de pouoir. Lntre 189
et 1881 : 42 lois, dcrets ou ordonnances ,une toutes les deux ans,. Impossible de aire un
recensement exhausti. MAIS constat ~ croyance tres orte dans le pouoir des imprims,
dans leur capacit a inluencer le peuple. Soit un pouoir bnique : presse permet
transparence, empche la tyrannie, permet l`mancipation des masses, l`ducation des citoyens,
etc. Soit pouoir naste : presse peut dstabiliser lòrdre politique et social. 1rois ressources
dans les mains du pouoir : ,1, +@? Z <QB@? ADQ@JK@? [ surtout utilises en priode autoritaire :
appui sur la police et la justice. ,2, +@? Z <QB@? D;ADQ@JK@? [. Lnjeu ~ gner les journaux sur le
plan inancier par des taxes. Soit ils disparaissent, soit ils augmentent leurs taris donc ils limitent
leur lectorat. ,3, +@? Z D;JDK<KDL;? [. Les gouernants disposent de direntes ressources
incitaties, isant non pas a contraindre la presse mais a la domestiquer. Objecti ~ aider les
16

journaux qui soutiennent le gouernement. DONC octroi de subentions occultes, achat massi
dàbonnements, principe dèxclusiit sur certaines inormations ou attribution du march des
annonces lgales aux journaux proches du rgime est une pratique partage par lènsemble des
gouernants.
Donc apres les premieres annes de la Rolution, deloppement de la presse brid par
ces obstacles politiques. Imprimeurs pas incits a inestir dans cration de journaux : trop risqus
Lecteurs peu incits a lire la presse ,censure donc peu crdible, ! DONC tres net ralentissement
du tirage des la in des annes 190. Pour autant, a chaque priode de libralisation, nouelle
explosion du nombre de titres. Journaux comme instruments majeurs des batailles pour le
pouoir, des lors que les protagonistes ont besoin dàllis dans leur lutte. Surtout, lien entre
extension du droit de surage et types de journaux. Annes 1830, Monarchie de Juillet : domin
par la bourgeoisie librale, le noueau rgime est initialement plus souple a l`gard de la presse.
DONC nombreuses audaces : souci de toucher un public large ~ classes mergentes lis au
deloppement des illes, y compris celles qui demeurent exclues des luttes lectorales. Pour cela,
noueaux registres : caricatures ,a Caricatvre, e Cbarirari,, appels aux paroles du peuple, rcits
de mobilisations collecties, etc. Par exemple : courrier des lecteurs dans l`hebdomadaire e ov
ev. ,cr en 1832, ~ crer tribune pour les proltaires. Idem : deloppement presse ministe ~
a evve tibre ,1832, dont principe ~ nìnsrer que des articles de emmes. Presse de plus en plus
conue comme un instrument d`ducation politique ou de moralisation des masses populaires.
C. deloppement des journaux lis aux premiers mouements socialistes. Role ~ participer a la
diusion dùne conscience de classe et a la structuration du parti ourier. Phnomene qui touche
lènsemble des mouements politiques. Rdacteurs politiques ~ publicistes chargs de
dendre les intrts de la classe au nom de laquelle ils parlent et chargs dànalyser la politique du
point de ue de la classe quìls reprsentent. Idem en proince : a mesure que la ie politique
proinciale sìntensiie, sous lèet de l`largissement du surage et du deloppement dènjeux
locaux ,priode de modernisation ~ construction des oies de chemin de er, des routes, etc.,,
làcquisition dùn priodique deient une ressource de plus en plus prise par les notables pour
entrer en politique et atteindre un public qui ne se restreint plus aux cercles de lèntre-soi. La
politique accede alors au illage par lìntermdiaire, entre autre, des journaux et des nouelles
ormes de sociabilits lies a leur lecture. Mdias comme instruments de politisation L1 comme
instruments de nationalisation !

1

'@JKDL; 48 <#J/$ *#.3 *$ "#0%@.3'2+0.% TAG BD=D@G AG ]#]@ ?D^J=@
<GH <;;C@? /_`5W

P/8 +< ;<D??<;J@ A@? Z BCAD<? A@ B<??@ [
A. Des conditions aorables
A partir des annes 1830, aux Ltats-Unis et dans les pays d`Lurope occidentale, le march
de la presse crite connait de spectaculaires transormations qui peuent tre rsumes par les
notions dìvav.triati.atiov de la production, de va..ificatiov du lectorat, de rofe..iovvati.atiov des
mtiers du journalisme. Ces direntes dynamiques sàuto-entretiennent : tandis que la baisse des
cots de abrication et làugmentation des recettes publicitaires rendent possible l`largissement
de làudience, lèxpansion du public potentiel encourage les entrepreneurs de presse a accroitre
leurs inestissements et a inenter de nouelles ormules rdactionnelles ,dòu arrie de
noueaux inestisseurs, notamment banquiers et hommes dàaires qui ont conceoir
lìnormation aant tout comme une marchandise suppose rpondre a la curiosit des
lecteurs,.
Lectiement, en lrance, cèst a partir des annes 1830 que la publicit ait massiement
son entre dans la presse, rendant possibles une nette baisse du prix de ente des journaux ,le
tout dans un contexte dàssouplissement politique,. Cèst galement dans les annes 1830
quàpparaissent les premieres agences de presse modernes et notamment làgence de Charles-
Louis laas ,183-1858, qui a rapidement monopoliser ce march. laas est le premier a
mettre en place un rseau de correspondants a l`tranger. Cette innoation lui ore un aantage
concurrentiel qui lui permet de rapidement diersiier sa clientele. Des 1840, il sàdresse a la ois
aux quotidiens parisiens, a la presse ministrielle de proince, aux banquiers et inestisseurs,
aux ministres, prets et sous-prets. Lìntrt des autorits pour les serices de laas lui
garantit làppui de lènsemble des rgimes. Des 1845, il est notamment autoris a emprunter les
lignes tlgraphiques ,alors que monopole public jusquèn 184,. DONC comme il est le seul a
pouoir contourner le monopole d`Ltat sur le tlgraphe lectrique, il peut acclrer la liraison
des nouelles et ainsi progressiement liminer ses concurrents. laas comme lùne des
principales agences mondiales jusquèn 1940 ~ puissance a la ois sur les nouelles et sur les
annonces. Dans les annes 1850, partage du monde entre 4 agences : laas, Reuters, \ol et
Associated Press ,domination de lÒccident sur la production de lìnormation,. Cèst enin au
milieu du XIX
e
siecle que se deloppent des priodiques spcialiss au regard de leur thmatique
,par exemple, les journaux conomiques ou inanciers, ou de la composition sociale du public
18

,deloppement de la presse minine ou enantine : a Moae ond en 1829,. Lìntrt de ces
reues est de suggrer la tension, toujours prsente, entre deux modeles de deloppement
commercial. Le premier suppose de toucher un public aste et htrogene ,modele qui
caractrisera les petits journaux populaires et par extension aujourd`hui 1l1 ou R1L,. Le
second suppose au contraire de toucher un public plus restreint mais homogene, une cible
donc dinie en amont par des caractristiques sociobiologiques et ses prrences culturelles ,ce
qui caractrisera les magazines, les chaines spcialiss ou les sites thmatiques sur le web,.

Si les journaux se deloppent au milieu du XIX
e
siecle, cèst parce que la croissance du
march est rendu possible par 3 conditions aorables. ,1, !"('2$0).(&/(0&)(-' 21 /"(%3.100(-' 210
;ovrvav : Ln un siecle, lìmpression passe de 300 exemplaires par heure en 1800 a 0 000 en
1900. ,2, !"&%*/(-.&)(-' 21 /& 2(0).(5$)(-' 210 6-$.'&$7 grace a làugmentation considrable du nombre
d`tablissements postaux et grace au chemin de er ,qui se deloppe dans les annes 1840,, la
modernisation des inrastructures routieres, et grace làutorisation pour les bibliotheques de gare
de la socit lachette d`y endre des journaux ,1853,. ,3, !"17)ev.iov av tectorat otevtiet a trarer. ta
08-/&.(0&)(-'9 /& 3-/()(0&)(-' 1) /"$.5&'(0&)(-'. Ln 1833, la Loi Guizot rorganise lènseignement primaire
,53 dànalphabetes en 1832, 2 en 1869, 1 en 1880, 4 en 1914, : cette olution
concerne non seulement la capacit de lecture mais elle contribue galement a renorcer le
sentiment dàppartenance nationale, sentiment qui sàccroit galement a traers la succession de
conlits au cours du II
nd
Lmpire. Parallelement, les progres de lùrbanisation ,de 15 dùrbains
en 1815 a 35 en 1881 et 44 en 1914, et le dsenclaement des campagnes renorcent a la
ois les conditions dàcces aux journaux et lìntrt pour làctualit nationale.

B. Les petits journaux et leurs critiques
MAIS le ritable essor de la presse a lieu, en lrance, a la in du siecle, a partir des annes
1860 aec la cration du Petit ]ovrvat en rier 1863 par Millaud. Cette dsignation renoie a son
ormat, inrieur a celui de la presse dòpinion, appele grande presse . Des le mois dòctobre
1863, e Petit ]ovrvat tire a plus de 83 000 exemplaires dans le pays, ce qui en ait le premier
quotidien. Ln 1865, son tirage est suprieur a lènsemble des autres titres de la presse parisienne
,aec 259 000 exemplaires,. e Petit ]ovrvat tire a un million dèxemplaires en 1900. Si ce succes
est tout dàbord rendu possible par la sensible amlioration des conditions de ie de l`lite
ouriere, il tient surtout aux stratgies industrielles mises en oure par les dirigeants du journal :
- un bas prix ,rendu possible grace aux conomies d`chelle - c. section 4,.
19

- la mise en place dùn rseau de ente de proximit : les crieurs et les bibliotheques de gare
amliorent la diusion au numro et permettent aux lecteurs de ne pas aoir a sàbonner. Ln
outre, cèst un journal du soir qui touche le public a la sortie des ateliers et des usines ,
- la standardisation du produit pour atteindre et idliser les classes populaires. Appui sur des
inormations susceptibles de drer un aste public : les aits diers abords a la maniere des
euilletons littraires, mlant rcit et ton moralisateur , les romans-euilletons ,inents en 1836, ,
la couerture de certains nements en proince ,pour ne pas se restreindre a Paris, , une
inormation bree, souent pratique, lire du point de ue des intrts du public , etc.
Ce succes commercial gnere des proits considrables et suscite un certain nombre
dìmitations ,e Petit Pari.iev, e Mativ, e ]ovrvat qui tous aoisineront ou dpasseront le million
dèxemplaires au tournant du siecle,. Nombreuses innoations : jeux-concours, cration de
l`nement ,par exemple, le 1our de lrance automobile cr par e Mativ et couert en
exclusiit,. Plus tard, notamment apres la Premiere Guerre Mondiale, les journaux accueilleront
de plus en plus de photographies et se distingueront par les scoops, la alorisation des edettes
du spectacle et le jeu des manchettes ,~ titres de Une,. Modele delopp par Pari.oir ,cr en
1923 et dirig par Pierre Lazare en 1930 - tirage de 1,8 million dèxemplaires en 1939,.
Par ailleurs, ces journaux se oulaient apolitiques sans pour autant tre dsengags .
Ils se sont notamment delopps a traers des campagnes supposes rpondre aux
proccupations des masses : des campagnes de dnonciation contre lìnscurit, la criminalit,
la dense de la patrie contre les ennemis de lìntrieur ,Alred Dreyus, ou de lèxtrieur ,les
Allemands,, etc. Le rapport au public se troue donc reners. Il ne sàgit plus de le ormer , de
le mobiliser, de prendre appui sur une idologie ou de soutenir a tout prix un camp ou une
personnalit. Au contraire, ces journaux prtendent reprsenter le grand public, la majorit
silencieuse ,celle qui ne sèxprime pas par la iolence ou le bruit des maniestations, donc de
parler en son nom pour exiger des gouernants des reendications concretes. Lènjeu est alors de
crer une ritable complicit aec le lecteur ,montrer que le journal prend en compte ses
attentes et lui donne la parole, a traers notamment les reportages ou les plbiscites , anctre
des sondages dòpinion,. De la mme maniere, les quotidiens multiplient leurs reporters prsents
au Parlement ain, non plus seulement de reproduire la sance, mais de recueillir les chos , les
bruits de couloirs, etc.
La presse populaire suscite, des sa cration, de iolentes remises en cause contre ce qui est
qualii de journalisme a la Barnum . Ces critiques sont intressantes a tudier car elles ont
inalement peu oluer depuis la in du XIX
e
siecle. 1rois principales accusations sont ormules,
selon des schmas idologiques apparemment tres dirents :
20

- Critique conseratrice ,ormule notamment dans les milieux catholiques, : en mettant làccent
sur le crime, le sport ou les chos mondains, les journaux populaires sont accuss de dpraation
et dìmmoralit. De mme, son apolitisme serait en ralit une orme dàmoralit puisque la
neutralit apparente sàpparenterait a un rejet de aleurs et notamment des aleurs catholiques
- Critique misrabiliste : les journaux populaires constitueraient des instruments de domination
aux mains des classes dominantes. Accusation de dpolitisation : journal comme opium du
peuple . Ln distrayant les masses, les mdias populaires passeraient sous silence les rapports de
classes, ils naturaliseraient lòrganisation hirarchique de la socit. Neutralit comme soutien aux
dominants. Cette critique a par exemple t ractualise par Pierre Bourdieu lorsquìl crit que le
ait diers ait diersion ,cèst-a-dire lìnsistance sur lànecdote permet de ne pas souleer -
oire de masquer - les rais problemes,.
- Critique litiste : les journaux populaires nielleraient la culture, en ne alorisant plus les
ritables oures , en suggrant que la qualit dùn produit culturel se dterminerait aant tout
par le erdict populaire ,et non par le erdict dùn public clair,.

C. Une industrie au serice des intrts dominants
Dans un traail sociohistorique ,1be vrevtiov of ]ovrvati.v,, lànglais Jean Chalaby montre
que les conditions d`mergence des mdias de masse ,les journaux populaires britanniques qui
apparaissent dans la deuxieme moiti du XIXe siecle, les ont rendus structurellement aorables
aux intrts des catgories sociales dominantes. Ln eet, les transormations sociales,
technologiques, politiques ont permis une extension considrable des lecteurs de la presse crite.
Cette croissance du march a accru la comptition entre diteurs de presse et amen ces derniers
a accroitre leurs inestissements pour rationaliser la production ,utiliser des presses modernes
qui rduisent le cot marginal de chaque exemplaire, et amliorer lòre rdactionnelle ,proposer
un contenu plus attracti, densiier les rdactions,. Cette dynamique capitaliste a bouleers un
uniers jusquìci domin par la presse politique, a destination des lites ou de la classe ouriere.
On assiste alors a un processus de concentration : seules les entreprises disposant dùn capital
important et diersiiant leur contenu ont alors pu surire dans cet uniers concurrentiel. Deux
consquences ondamentales sont apparues. Dùne part, le march de la presse est principalement
accapar par des inestisseurs peu disposs a remettre en cause lòrdre conomique ou a
promouoir une critique radicale des institutions : les dtenteurs des journaux appartiennent aux
lites et entretiennent des relations troites aec les autorits politiques et administraties. Dàutre
part, pour accroitre et idliser le lectorat, ces journaux populaires ,les uturs tablods, ont
dpolitis leur contenu :
21

, Un contenu triial . 1out dàbord, la couerture de la politique dcline et sìnscrit surtout
dans une recherche du spectaculaire, du sensationnel, de lànecdote, etc. Le traitement de
làctualit politique est de plus en plus personnalis, par consquent dconnect des enjeux
sociaux ou des conlits de classes.
, Un contenu apparemment impartial. Lnsuite, les journaux ne reendiquent plus leur dense de
telle ou telle raction de lèspace social ou de lèspace politique : ils peuent soutenir le
gouernement ou lòpposition, mais de aon plus pragmatique, au nom de la dense de
certaines aleurs , sans remettre en cause leur indpendance. Ln reanche, ils s`rigent en
porte-parole du peuple, en se aisant le denseur de reendications supposes partages par
lènsemble des acteurs sociaux : la dense de la nation contre les trangers de lìntrieur et de
lèxtrieur ,chauinisme,, la dense des bons traailleurs contre les proiteurs, la dense des
braes gens contre les criminels, bre autant de thmatiques rassembleuses qui donnent a
croire quìl existerait des intrts communs a lènsemble des britanniques et non des intrts
antagonistes selon la position dans lèspace social.
Un contenu objecti . Lnin, la nouelle presse reendique un traitement honnte oire
objecti de làctualit, a traers de nouelles stratgies discursies. Les prises de position
idologiques seraient alors dissimules derriere cette objectiit dans la description du rel : les
journalistes ont comme sìl existait des aits bruts que lòn pourrait restituer sans partis pris, ni
inluence du regard port aux aits. Or le rel auquel accedent les journalistes, cèst aant tout
celui que leur donne a oir les institutions. Par exemple, les aits diers sont principalement
rdigs a partir des comptes-rendus lirs par les institutions policieres ou judiciaires, bre a
traers leurs points de ue et leurs oprations de ormatage des aits. On y reiendra dans la
deuxieme partie.

P48 +< MQLI@??D.%%2"0&2+0.% *$ "#2,+070+4 K.63;<=D?KDOG@
A. Une lgislation librale
Il aut attendre les lections lgislaties de 186 et 18 pour que la III
e
Rpublique
naissante soit dirige par des Rpublicains acquis aux aleurs librales. Ln 188, une commission
est alors charge d`laborer une nouelle lgislation sur la presse. La loi promulgue en juillet
1881 a la quasi-unanimit supprime les 42 lois, dcrets et ordonnances adopts depuis 189.
Dsormais, les dlits de presse ne releent plus du droit commun mais dùn droit spcial plus
protecteur. Le principe le plus innoant est que la presse ne dpend plus du pouoir excuti ,et
notamment de làdministration policiere, mais du pouoir judiciaire ,la rpression ne peut aoir
22

lieu quèn aal, a la suite dùn proces,. La presse est donc libre, sans contraintes inancieres.
Seules deux conditions sont ixes :
- aire une dclaration pralable au procureur de la Rpublique ,
- obligation de diuser un droit de rponse en cas de mise en cause ,
Quelques crimes et dlits sont dinis de maniere prcise et restrictie : la proocation
au crime si elle est directe et suiie dèet , la publication de ausses nouelles aite de mauaise
oi ou troublant lòrdre public , làppel a la dsobissance militaire , la diamation des corps
constitus, du Prsident de la Rpublique et des ches d`Ltat tranger. Les poursuites ne peuent
tre engages que par la Justice ou par les personnes directement mises en cause. Les proces ont
lieu en cour dàssises en cas de trouble a lòrdre public, en correctionnel en cas de diamation.
Cette loi librale sera largement exploite par les oppositions dèxtrme gauche ou
dèxtrme droite ,presse royaliste,, car elle ne sanctuarise par le rgime. Ainsi, làppel a la
dsobissance aux lois ne constitue pas un dlit. Lèet de cette loi est immdiat : en 1885, 1540
journaux sont diuss a Paris et 2840 en proince, toutes publications conondues.
La loi de 1881 ne sera pas remise en cause aant 1914, si lòn excepte les deux lois dites
sclrates qui ont suite aux attentats anarchistes des annes 1890 : prcision de la notion de
proocation au crime par oie de presse , interdiction des articles qui ont un but de
propagande anarchiste .
Mais cette loi comprend deux absences. Dùne part, il n`y a pas dèncadrement
conomique des journaux et du march de la presse. Le principe de libralisme conomique est
consacr au mme titre que le libralisme politique : la rgulation du march de la presse relee
dsormais strictement du jeu de lòre et de la demande. Cette loi ne sìnterroge donc pas sur les
eets perers dùn libralisme pur ,risque de concentration des journaux et de disparition des
publications engages,. Mais elle a pour aantage de limiter les incertitudes des inestisseurs.
Dàutre part, il n`y a pas de rlexion sur le statut des journalistes. La presse est toujours enisage
comme un outil de communication ,et notamment de communication politique, plus que comme
une actiit spcialise remplissant une mission dìntrt gnral ,tre les animateurs de lèspace
public par exemple,. Aussi les journalistes ne bnicient-ils dàucune protection a l`gard de leur
direction ,pas de clause morale en cas dòlution de lòrientation politique du journal,.

B. Un processus de proessionnalisation
Or, a mesure du deloppement des entreprises de presse, de leur croissance, de leur
industrialisation, de leur bureaucratisation, de leur orientation ers des inalits directement
marchandes, le journalisme deient un mtier a part entiere, ond sur le salariat et làcquisition
23

progressie des traits propres a une proession tablie. Dàbord, les eectis journalistiques
augmentent considrablement. A Paris, il n`y aait pas plus de 500 journalistes proessionnels
en 1860. Ln 1910, les .vvvaire. ae ta re..e recensent 3350 journalistes parisiens et 2600 de
proince. Un quotidien disposait rarement de plus dùne ingtaine de rdacteurs dans les annes
1880. Ln 1910, on compte a lìnerse 150 journalistes au Mativ, accompagns de 550 employs et
de 200 ouriers. Ce gonlement des quipes sàccompagne dùne hirarchisation accrue dans les
rdactions, qui aait dja t entame au dbut du XIX
e
siecle aec la cration du secrtaire de
rdaction et du rdacteur en che ,initialement l. La diision du traail erticale se renorce, a
traers la sparation entre les articliers ,chroniqueurs, ditorialistes aec signature comme
indicateur de prestige,, les rdacteurs ,chargs de mettre en orme les dpches dàgence, et les
reporters ,prsents sur le terrain,. Mais la diision du traail se deloppe galement au nieau
horizontal : dirents serices sont crs pour rationaliser lìnormation ,politique, social,
spcialistes de làgriculture ou de l`quipement,, ce qui se traduit par la naissance dàssociation
spcialises ,Association de la presse parlementaire, Association des journalistes sociaux, etc.,.
Ces associations participent dùn mouement dòrganisation du mtier, a des ins explicitement
corporatistes de protection des membres. La premiere dèntre elle est lÀssociation de la presse
rpublicaine dpartementale, onctionnant autour de caisses de secours mutuel.
Supposs crire pour le plus grand nombre, certains journalistes reendiquent de plus en
plus explicitement la singularit de leurs saoir-aire rdactionnels. A ces comptences distincties
sàjoute l`bauche dùne dontologie propre a ces inormateurs . Ainsi, des cours de
journalisme se deloppent a Paris puis a Lille. Cre apres làaire Dreyus, l`cole de
journalisme de Paris a pour projet de moraliser la proession ,mais toujours dans une
perspectie de combat politique - idem pour l`LSJ Lille cr au dbut des annes 1920 pour
amliorer la qualit rdactionnelle de la presse catholique,.
Lìdentit journalistique se construit a partir de mythes collectis dont le plus prsent est
celui du reporter , tmoin actuel des ralits du monde, enquteur et narrateur, plus que
doctrinaire ou idologue ,mme si ses enqutes - par exemple sur le monde ourier - peuent
aoir une ocation de transormation sociale : souci de donner a oir , rendre isible le
cach,. Le grand reportage ne se deloppe que plus tardiement, sous la plume des
correspondants de guerre . Cèst au cours de la guerre russo-japonaise de 1904-1906 que le
procd se gnralise a traers lènoi dùne demi-douzaine de journalistes parisiens pour suire
ce conlit. Bre, pour mieux se dmarquer de ses oisins ,politique et littrature,, les journalistes
dinissent leur proessionnalisme sur la rit des aits quìl expose.
24

La construction de la proession en lrance sòpere donc selon des modalits assez
direntes de celles obserables aux Ltats-Unis. Aux Ltats-Unis, il y a une relation directe entre
marchandisation de la presse et proessionnalisation du journalisme. Les entrepreneurs de la
presse populaire amricaine qui apparait dans les annes 1830 ,la Pevv, Pre.. comme êr Yor/
vv, se dinissent explicitement comme des marchands de nouelles qui commandent a leurs
salaris de collecter des aits, ia notamment la tourne aupres des institutions pouroyeurs
dìnormations ,commissariat, mairie.,. Ltre journaliste, cèst alors connaitre un terrain,
constituer un carnet dàdresses, tre capable de conduire un entretien ,lìnteriew par exemple est
inente dans les annes 1860 : elle ne sìmposera en lrance que plusieurs dcennies plus tard,.
Cèst galement aux Ltats-Unis que sìnentent des pratiques d`criture propres au mtier et
onde autour de la notion dòbjectiit qui doit sparer inormation et commentaire. Cèst par
exemple le cas de la regle des 5 \ ,who what where when why ,. Mais il ne aut pas
perdre de ue les ortes ariations en matiere de style journalistique entre des journaux a
destination des lites qui se spcialiseront dans la sobrit de la restitution actuelle ,qvatit, aer
qui constituera par exemple un modele pour e Movae, et des journaux populaires qui
construiront leurs rcits de làctualit sur des tournures beaucoup plus narraties. Ln ralit, les
spciicits de la proession journalistique aux Ltats-Unis ont tre rellement dinies dans les
annes 1890-1920 ,c. Delli Caprini et \illiams, Schudson,. Le journalisme a suii la oie dàutres
nouelles proessions qui ont lutt pour dinir leur role a lìntrieur des larges structures
entrepreneuriales qui ont merg a cette poque. Lmergence du capitalisme moderne qui a altr
la position de l`criain. Journalisme qui deient une carriere. Problemes pour les thoriciens
dmocrates de ces annes-la : centralisation de la proprit des journaux, dbuts de la radio,
nationalisation de la publicit ~ rduction du nombre et de la diersit des oix mdiatiques L1
extension de lìmpact des oix restantes. Donc conditions qui ont iol les notions dùn march
des ides ,notion ondamentale pour la pense librale dmocratique et pour le rgime
mdiatique existant,. Lssor de la possibilit ,surtout que deloppement des sciences du march,
dùne manipulation du public de masse. DONC journalistes se sont dendus en utilisant la
mme stratgie que les autres proessions mergentes : tablir une ligne claire entre ce que ont
les praticiens ,rassembler des inormations objecties et reporter, et ce que les autres non-
proessionnels peuent crire. Rponse a cette mise en cause de la notion de rit et de ralit ~
procdures spciiques pour guide la pratique au jour le jour des proessionnels. Ces pratiques
dpendent du pouoir institutionnalis dùne expertise proessionnelle, plus que dùn dbat
ouert et dùne rlexion indiiduelle.
25

Cf. \alter Lippman ,1889-194, : journaliste, publiciste. Auteur du Pvbtic favtve et dont
les rlexions ont ourni le caneas intellectuel qui a permis de lgitimer làctiit journalistique.
Conception que la presse ne peut ournir la rit ,dirence aec le modele ranais, CAR la
rit et les nouelles ne sont pas la mme chose. La onction des nouelles est de signaler les
nements ,alors que la onction de la rit est de aire merger les aits cachs,. Conier a des
lites proessionnelles le soin de rpondre aux questions ondamentales du pays ,lites composes
d`hommes politiques, de hauts onctionnaires, de journalistes,. Journalistes doient serir
dìntermdiaires entre la complexit de la politique et lìntrt et lìntelligence limits du public.
Journalistes doient dcider ce qui est politiquement signiicati et ce qui est important de saoir
pour le public. Les mdias doient seulement ournir un miroir sur le monde politique ,ce qui
suppose a la ois une autonomie distante mais une relation troite,. Modele qui suppose une
stricte et idente distinction entre le journaliste et le politicien, lèxpert et le citoyen, le ait et la
iction, lòbjectiit et la subjectiit, la nouelle et le diertissement. Modele du gate/eeer qui a
dàilleurs dominer les tudes sur les mdias de masse a partir des annes 1950 : question ~
journalistes honorent-ils eicacement ce role Surtout dans un contexte ou mergence de mdias
lectroniques plus centraliss et nationaliss ,donc ou risque de manipulation plus ort,. Donc
dans les annes 1950s, thorie de la responsabilit sociale pour contrer les intrts pris,
commerciaux.
Cèst donc bien la thorisation du journalisme dìnormation que Charron et de Bonille
dinissent comme la orme spciique de journalisme dùne socit urbanise dans laquelle la
production industrielle constitue la principale source dàccumulation du capital ,socit
industrielle,. Vie urbaine, traail industriel, participation a la ie politique, eicacit accrue du
systeme scolaire DONC public cible des journaux correspond pratiquement a toute la population
adulte. Donc adapter le contenu aux gots du plus grand nombre : cette stratgie nèst
compatible quàec des capacits de production industrielle aussi bien chez l`diteur que chez
lànnonceur. Ltre au serice du public comme objecti partag a la ois par les journalistes ,car
cela dinit la raison d`tre de leur proession, et par leurs directions ,car cèst la garantie de la
russite commerciale,.

Ln lrance, la situation est dirente en raison notamment de l`chec des journaux qui
ont cherch a importer des Ltats-Unis un journalisme brut , purement actuel, quasi
tlgraphique dans le rcit des aits ,c. les dbuts du Mativ,. La construction dùne proession
suppose l`diication de rontieres entre les proessionnels et les amateurs . Lèxistence de
ces rontieres est publiquement justii par le role social que les proessionnels seraient
26

supposs jouer : ici, il sàgit bien de se dinir comme des mdiateurs indispensables a la
dmocratie, par leur capacit a inormer le peuple sans tre de simples porte-parole des acteurs
politiques. La proessionnalisation sèst donc construit contre làncrage politique de la presse.
Mais lènjeu tait aussi de protger les proessionnels contre une dpendance trop marque a
l`gard de leurs employeurs et notamment des puissances dàrgent . Ainsi, les scandales a
rptition dtriorent lìmage de la presse dans lòpinion et, paradoxalement, aorisent les
ambitions de rorme du mtier de journaliste. Ltayes par direntes aaires , cette critique
des relations entre la presse et làrgent amene de nombreux journalistes a reendiquer une
moralisation de leurs pratiques, une amlioration des conditions de traail, ainsi que
lòbtention dùn statut plus protecteur ace aux dries mercantiles. Cèst en particulier apres la
Premiere Guerre Mondiale ,marque par le bourrage de mou , que ces reendications ont se
aire plus marques. Le 10 mars 1918, le Syndicat des journalistes est ond pour aire ace a la
diminution des rmunrations. Dendant les intrts matriels de la proession, cette
organisation obtient plusieurs aances sociales ,repos hebdomadaire en 1925, Caisse gnrale
des retraites en 192, Caisse de chomage en 1932., ainsi quùn abattement iscal pour rais de
reprsentation.
Mais ces aances sociales doient pouoir se justiier au nom des singularits thiques
,ou ciiques ou dontologiques, de la proession : il sàgit bien de durcir la sparation entre les
rais proessionnels et les inormateurs amateurs ,ceux qui incarnent les dries
propagandistes ou mercantiles,. Ainsi, le Syndicat labore en 1919 une Charte des deoirs
proessionnels des journalistes . Puis, en mars 1935, la loi sur le statut des journalistes dinit le
journaliste proessionnel moins par ses comptences propres que par sa situation
socioconomique : Le journaliste proessionnel est celui qui a pour occupation principale,
rguliere et rtribue lèxercice de sa proession ,..., et qui en tire le principal de ses ressources.
Une clause de conscience est cre pour diminuer la subordination du salari a l`gard de
lèmployeur et ainsi reconnaitre le role spciique des journalistes dans la ie dmocratique. La loi
sàccompagne, en 1936, dùne Commission de la carte dìdentit des journalistes ,CCIJP, dont la
onction est dàttribuer la carte de presse. Si certains syndicalistes lui imputent une onction de
moralisation du mtier, elle ne joue pas un role de Conseil de lÒrdre. A la dirence des
mdecins ou des aocats, le mtier demeure donc ouert dans son recrutement et les rontieres
entre direntes ormes dìnterention dans lèspace public restent poreuses.

2

P78 +@ ACY@=LMM@B@;K A@? BCAD<? <GADLYD?G@=?
A. Lntre intrts pris et raison d`Ltat
L`mergence de la radiodiusion rsulte dùne somme dìnnoations techniques, depuis la
dcouerte des ondes radios par lertz dans les annes 1886-88 jusquàux premieres
transmissions de tlgraphie sans il par Marconi en 1895. Aant 1921, la radio en lrance se
limite essentiellement a des usages militaires ou maritimes. Place sous la tutelle du ministere des
Postes, la 1Sl relee du monopole d`Ltat. Les partisans du monopole sàppuient sur la
lgislation restrictie en matiere de tlgraphie. La loi de 1851 prcise : .vcvve tigve tetegrabiqve
ve evt tre etabtie ov evto,ee a ta trav.vi..iov ae. corre.ovaavce. qve ar te govrervevevt et arec .ov
avtori.atiov. Par consquent, les postes d`mission et de rception radiolectriques sont soumis a
làutorisation du ministere des Postes.
Or, au sortir de la guerre, làmlioration des conditions d`mission et de rception des
ondes radiophoniques rend possible la cration de stations destines au grand public . Les
abricants de matriel radiolectrique entreoient aussitot les perspecties de proits que peuent
orir les usages ciils dùn tel mdia. Ainsi, en noembre 1921, la Socit ranaise de
radiophonie ,SlR - socit prie, iliale de la Compagnie gnrale de 1Sl, transmet un concert
dùne Lglise ers un hotel parisien. Cet nement suscite la raction de làdministration des
Postes qui sìnsurge contre cette atteinte au monopole d`Ltat : la SlR nòbtient pas le droit de
ritrer son exprience. Il aut attendre làpparition de la premiere station publique ,la station de
l`Lcole suprieure des P11 qui deient Radio 1our Liel et inaugure un journal parl en 1925,
pour que la SlR obtient làutorisation de crer sa propre station : Raaiota.
Cette hsitation relete les rapports de orces entre oprateurs publics et pris, ainsi que
làbsence de consensus au sein des autorits, partages entre monopolistes et libraux . Ln
noembre 1923, un dcret-loi maintient cette ambigut juridique : la rception est libre ,il aut
seulement dclarer son appareil dans un bureau de poste et sàcquitter dùne redeance modique,,
l`mission reste soumise au monopole d`Ltat, làdministration ayant touteois la possibilit
dàccorder des autorisations aux entreprises pries ,en change dùne orte redeance destine a
amliorer l`quipement public,, tout en conserant un droit de regard sur leurs programmes. Si
l`Ltat tolere donc les stations pries, on obsere en reanche une dynamique de centralisation
croissance de la tutelle gouernementale sur les stations publiques. Les crispations politiques se
justiient par làudience croissante des radios : en 1939, aec 4,9 millions de rcepteurs, l`coute
collectie touche un lranais sur deux. Sous Vichy et sous les rgions sous administration
allemande, la radio relee du monopole d`Ltat a partir de 1941.
28

Quant a la tlision, la premiere exprience de retransmission dìmages tlises a lieu
en 1925 en Londres. Ln lrance, cèst en 1931 que se droule la premiere dmonstration
publique. Le ministere des P11 inance ces expriences mais les gouernants n`y consacrent pas
un budget suisant pour permettre un rel deloppement de ce mdia. Il aut donc attendre
1935 pour quàit lieu la premiere mission publique de tlision, une mission musicale. Des
entrepreneurs pris sìntressent a ce mdia et proposent mme la cration dùne chaine prie,
qui ne erra pas le jour ,ils oient dans la tlision un dbouch potentiel pour la production
cinmatographique,. A la eille de la guerre, on compte alors tout au plus 300 rcepteurs. Ln
septembre, la tlision cessera dàilleurs d`mettre , elle ne renaitra quèn 1943.

B. Librer les mdias des puissances dàrgent
Malgr le retour a lòrdre rpublicain, lòrdonnance du 3 mars 1945 prennise le
monopole d`Ltat sur la Radio Diusion ranaise ,RDl, qui est alors enisag comme serice
public Pourquoi les autorits de la lrance libre maintiennent un monopole mis en place sous
Vichy Pour le comprendre, il aut reenir sur làtmosphere intellectuelle de l`poque.
Ln eet, des les annes 1930, de la droite a la gauche du spectre partisan, un grand
nombre d`hommes politiques et de journalistes appellent a une nouelle rgulation du march
mdiatique. Lènjeu est de contrecarrer les eets perers de la soumission aux seules logiques
commerciales, que ces eets soient qualiis de dpolitisation a gauche ou de dclin des aleurs a
droite. L`Ltat nèst plus seulement enisag dans sa dimension coercitie , au contraire, son
action doit permettre aux mdias de jouer un role de serice public qui serirait la
rgnration morale du pays ,pour Vichy, ou la renaissance du dbat dmocratique ,pour la
Rsistance,. Ainsi, parallelement a leur animation des journaux clandestins, les instances de la
Rsistance laborent dirents projets quant au statut et aux missions de la presse dans la lrance
libre, ain de pallier aux lacunes de la loi de 1881. Ces acteurs sàccordent en particulier autour de
quelques principes : sanctionner durement les entreprises et les journalistes qui ont collabor ,
aranchir la presse de làrgent pour en aire un instrument de culture, de progres social, de
rnoation idologique , permettre a l`Ltat dèncadrer le march mdiatique pour garantir un
ritable pluralisme et prenir toute immixtion des milieux inanciers. Au-dela de ce socle
commun, les perspecties diergent entre partisans dùne presse strictement subordonne aux
orces politiques ictorieuses, et denseurs dùne rgulation corporatie du journalisme. Pour
ces derniers, les entreprises de presse doient releer de la responsabilit proessionnelle des
rdacteurs, l`Ltat interenant aant tout pour garantir làutonomie des journaux a l`gard des
puissances inancieres.
29

Au cours des annes 1944-46, le march de la presse crite connait donc une proonde
rorganisation. Dùne part, on assiste a une large substitution des titres, les journaux
collaborationnistes tant oiciellement remplacs par les organes de la Rsistance. Ce
renouellement sàccompagne dùn processus d` puration partielle du personnel
journalistique. Dàutre part, les instances de la lrance libre laborent une nouelle lgislation, en
sìnspirant directement des recommandations prcdemment cites. De mai a septembre 1944,
dirences ordonnances sont promulgues notamment pour dinir le cadre juridique des
entreprises de presse. Lòrdonnance du 26 aot 1944 ixe ainsi plusieurs conditions supposes
garantir lìndpendance des entreprises de presse. 1out dàbord, elle exige la transparence dans la
direction et le capital du journal ,lùsage du prte-nom est proscrit, les titres dàction doient tre
nominatis, etc.,. Lnsuite elle sèorce de limiter toute orme de concentration conomique : il
deient impossible lgalement de possder plus dùn quotidien ou de procder a une
concentration erticale ,sur le modele d`lachette dont les actiits allaient du papier a la
distribution,. De mme, le directeur dùn quotidien de plus de 10 000 exemplaires ,ou dùn
hebdomadaire de plus de 50 000, ne peut exercer une onction industrielle et commerciale qui
ournirait lèssentiel de ses reenus. Ces regles seront touteois ingalement respectes puis
amendes, ce qui permettra a Robert lersant de construire un puissant groupe de presse
L`laboration de ce noueau cadre rglementaire ise a mettre en pratique les idaux et les
principes ormuls par la Rsistance. Mais elle est galement le produit des rapports de orces
politiques. Les partis, les groupes rsistants et leurs supports de presse respectis rialisent pour
orienter la lgislation dans un sens aorable et bnicier des ressources que centralise l`Ltat :
làutorisation de publication, la rpartition du papier et de lèncre, la ixation du tirage lgal pour
chaque titre, làttribution des imprimeries rquisitionnes, les aides inancieres, les rseaux de
distribution. Ainsi, les autorits ne se contentent pas de redinir le cadre juridique des entreprises
de presse. Llles sèorcent galement de rglementer lènsemble des structures de lèspace
mdiatique, notamment en suscitant la constitution d`tablissements pris a but non lucrati.
Pour rompre aec le monopole pri de laas, lÀgence lrance Presse ,AlP, est cre le 30 aot
1944 en tant quèntreprise publique dont le directeur est nomm en Conseil en ministres ,depuis
195, il est dsign par un Conseil dàdministration ou siegent trois reprsentants de l`Ltat,.
Quant a la distribution, elle est rglemente par la loi Bichet qui donne naissance a trois
compagnies de distribution pour les journaux rgionaux, ainsi quàux Nouelles Messageries de la
Presse Parisienne ,NMPP,, SARL dont le capital est dtenu a 49 par lachette et a 51 par
cinq coopraties d`diteurs. Ce texte exclut le but lucrati de la distribution et garantit un
principe dìmpartialit, de pluralisme et d`galit entre tous les titres.
30

Cependant, ce retour du politique se heurte a de nombreuses contradictions. Dùne
part, malgr lèmbellie de lìmmdiat apres-guerre, la presse quotidienne nationale entame une
longue squence de dclin qui touche principalement les titres les plus militants. Les eorts isant
a protger lùniers journalistiques des logiques capitalistes nèmpchent alors pas la
reconstitution de groupes de presse et la rmergence dìmpratis proprement commerciaux.
Dàutre part, le monopole d`Ltat sur la radio et sur une tlision en plein essor perd
progressiement de sa lgitimit, a mesure que sàccroit le controle politique des gouernants sur
ces mdias audioisuels.

C. Le monopole public et ses contradictions
Outre les ambitions dja mentionnes dèmpcher le retour des puissances dàrgent
dans le capital mdiatique, le maintien du monopole se justiie parce que l`Ltat est u comme la
seule puissance capable de reconstruire les rseaux de communication et de rpandre ce rseau
sur tous les territoires, mmes les moins peupls et les moins rentables. Lòctroi aux stations de
radio dùne mission de serice public sòbsere dans lìmportance des programmes culturels et
ducatis ainsi que dans lìnterdiction de toute publicit commerciale. Malgr dìndniables
obstacles au pluralisme ,communistes et gaullistes sont rgulierement absents des ondes,, cette
tatisation ne se traduit touteois pas par une mise sous tutelle politique, du ait du caractere
parlementaire du rgime et de làbsence de majorits stables. Ln outre, ce monopole public est
galement relatiis par làutorisation d`mettre accorde a des stations dites priphriques car
leurs antennes sont situes en dehors du territoire ranais : R1L ,ex-Radio Luxembourg, cre
en 1931,, Radio Monte-Carlo ,1942, et Lurope 1 ,1952,.
Lnin, sous la IV
e
Rpublique, la tlision ne constitue pas encore un enjeu politique de
premier ordre. Les gouernants se la reprsentent en onction des mdias de l`poque : le cinma
et surtout la radio. Pour eux, la tlision entre dans le mme cadre que la radio. Par consquent,
radio et tlision appartiennent a la mme structure publique, la R1l ,Radio 1lision ranaise
qui deiendra OR1l en 1964,. 1949 est une anne importante pour la tlision. Dùne part, une
loi cre une redeance sur les postes de tlision. Dàutre part, cèst la naissance du premier
journal tlis. Il dure un quart d`heures et initialement, il est construit sur le modele des
actualits cinmatographiques ,la oix o commente des images,. Cèst en 1954 que les
prsentateurs apparaissent a l`cran. Jusquàux annes 1960, les J1 rendent surtout compte des
nements quìls peuent ilmer : nements sportis, crmonies protocolaires, rituels
rpublicains, allocutions publiques des dirigeants, etc. Le commentaire se contente alors le plus
souent de dcrire les images. On parle alors dùne tlision crmonielle . Il aut noter que
31

les journalistes sont titulaires de la carte de la presse et leur statut mentionne le deoir dùne
inormation impartiale. Cèst a partir de 1953 que les autorits ont rellement prendre
conscience de lìmportance de la tlision. On assiste aux premieres tapes de la mdiatisation
tlisuelle du politique : le premier entretien tlis dùn prsident du Conseil a lieu en juillet
1953. De mme, lors de la campagne pour les lgislaties de 1956, on assiste a la premiere
rglementation sur lèxpression des partis a la tlision : chaque parti dispose de cinq minutes.
Malgr la miance des parlementaires a l`gard des usages gouernementaux des mdias
audioisuels, le controle politique de lìnormation tlise se renorce doucement, notamment
au sujet de la couerture de la guerre dÀlgrie.
Cèst a partir de la in des annes 1950 que la tlision a deenir un ritable mdia de
masse . La consommation de tliseurs connait alors une tres orte croissante. Ln 1953, seuls
60 000 mnages disposent dùn poste. Ln 1960, 1,3 million ,soit seulement 13 des mnages,.
Ln 193, cèst 11 millions ,soit 80 des mnages - le cap des 90 atteint en 1980,. On assiste
alors a un cercle ertueux : comme les rcepteurs augmentent, les reenus de la redeance
augmentent, donc lòre de programmes sàmliore ce qui aorise une augmentation du public.
Une deuxieme chaine apparait alors en 1964 et cèst elle qui, la premiere, passera a la couleur en
196. Cette expansion continue de làudience tlise renorce la croyance dans la puissance
de ce mdia sur lòpinion. Ainsi, la tutelle gouernementale sur la tlision a se renorcer tres
nettement a partir de làrrie au pouoir du gnral de Gaulle et notamment apres 1963. Dja,
cette tutelle sèxplique par le caractere prsidentialiste du rgime. La chaine de dcision est
dsormais beaucoup plus centralise. Lnsuite, ce controle politique de la tlision sèxplique par
les conceptions du gnral de Gaulle en matiere dàutorit et de communication. De Gaulle a tres
tot thoris la question de la propagande militaire et de la psychologie des oules. Pendant la
guerre, il a expriment lìmportance des mdias audioisuels et notamment de la radio ,le
Gnral Micro ,. De plus, de Gaulle est persuad dàoir la presse crite contre lui. Pour de
Gaulle, la lgitimit du che rside dans son contact direct aec le peuple. Par lìntermdiaire des
mdias audioisuels, il peut communiquer directement aec la Nation et entretenir son statut de
leader charismatique sans subir le iltre des journalistes ou du Parlement. Ainsi, il doit
interenir a la tlision mais maitriser ses interentions. Cèst lui qui doit dcider du contenu de
ces dclarations , cèst lui qui doit dcider de la rquence de ses passages a la tlision, pour
conserer une part de distance et de mystere. Dàilleurs, des 1958, de Gaulle s`tait entour dùn
publicitaire, dùn comdien et dùn prsentateur pour amliorer la qualit de ses interentions.
Quant au controle politique des inormations et des magazines, il est ralis par lìntermdiaire du
Ministere de lÌnormation et il sòpere par les consignes, la censure ou la commande d`missions.
32

On retroue la toute làmbigut dùne tlision d`Ltat. Dùn cot, cèst un serice
public dont les missions sont prues dans la loi : inormer, duquer, distraire. . riori, lènjeu
est de satisaire le grand public dans son ensemble, dans sa diersit, mais sans enjeux
commerciaux : la tlision est alors au serice de la lrance, de lìntrt gnral. De làutre,
làppartenance a l`Ltat place les chaines de tlision sous la tutelle du pouoir politique : la
tlision est alors au serice des gouernants ,cèst dàilleurs jug lgitime pour certains : si je
suis lu, je reprsente la lrance, donc je peux exercer mon autorit sur la tlision,. Nanmoins,
la lrance reste un Ltat de droit. Dùne part, certaines missions comme Civq cotovve. a ta vve ou
Zoov pariennent a acqurir une certaine libert de ton. Dàutre part, la loi de 1962 dispose que
tous les candidats a l`lection prsidentielle de 1965 bnicient de la part de l`Ltat des mmes
acilits en ue de l`lection prsidentielle. La tlision ore donc une isibilit nouelle aux
acteurs politiques , elle renorce un processus de personniication du jeu politique ,mais elle ne le
cre pas : la personnalisation tient surtout au role central de l`lection prsidentielle,. Surtout, a
partir de 1965, la tlision a occuper une place de plus en plus importante dans les stratgies de
campagne. Cela a contribuer au deloppement du marketing politique , a lùtilisation
croissante des sondages et a la alorisation de lìmage personnelle des hommes politiques ,on
pourrait oir la les dbuts de la eoiti.atiov de la ie politique,.

'@JKDL; 78 <2 &632(.%*2%,$ *$ "#.@@3$ '4*02+056$
Depuis la in des annes 190, lùniers mdiatique sèst proondment transorm. On
peut qualiier cette dynamique dèntre dans lère de l`hyperconcurrence . On assiste, depuis
trente ans, a une croissance spectaculaire de lòre qui engendre un renouellement des pratiques
de consommation mdiatique. 1res ortement sollicites, les audiences sàerent plus olatiles,
moins ideles quàutreois. Les entreprises mdiatiques se lirent une redoutable lutte pour
accaparer làttention du public, ce qui les encourage a innoer sur un plan des techniques de
production, des modes dòrganisation du traail et des normes de abrication des contenus.

P/8 +< =DSCQ<=D?<KDL; A$ "#26*0.70&6$"
Le secteur de làudioisuel a connu dìntenses transormations depuis les annes 190.
Pour les comprendre, il importe de direncier trois nieaux dànalyse :
- Le premier nieau concerne sur la nature du march tlisuel, entre un systeme de monopole,
un systeme concurrentiel drgul et un systeme concurrentiel rgul ,autrement dit, la puissance
33

publique accorde des autorisations pour pntrer ce march et controle le respect des conditions
ixes pour se oir attribuer un canal de diusion,.
- Les chaines de tlision se distinguent ensuite selon lòrigine de leur capital, public ou pri.
Lt, parmi les chaines publiques, on peut opposer les chaines selon leur degr dàutonomie a
l`gard des titulaires du pouoir politique ,dùne dpendance directe a une indpendance garantie
par un statut de serice public, a lìmage de la BBC britannique,.
- Llles se direncient enin en onction de leurs modes de inancement : les ressources peuent
ainsi proenir de l`Ltat ,ia la redeance,, des annonceurs ou du public lui-mme ,ia un
abonnement ou, aujourd`hui, un paiement a la demande ,.

*8 <#4(26,-$ *#6% &L&+='$ ,.%,633$%+0$" EMNOP,`/W8
Lànne 1968 est marque par deux nements qui ont durablement transormer le
systeme tlisuel ranais : la crise de mai et lìntroduction de la publicit en octobre. Ces
deux nements ont contribuer a reiner le controle gouernemental sur la tlision et a
introduire des logiques dàudience, cèst-a-dire des logiques commerciales.
- Dùn cot, les programmes dìnormations sont particulierement critiqus pour
leur couerture tres partiale et tres dsquilibre. Les critiques sont ormules par les opposants
au gaullisme mais elles sont galement de plus en plus ies chez les journalistes et techniciens de
lÒR1l. Ln mai 1968, lènjeu pour les salaris de lÒR1l, cèst de dendre leur honneur
proessionnel , autrement dit tre plus autonome du pouoir politique, tre des journalistes
comme les autres , cèst-a-dire des journalistes honntes et impartiaux. Les gristes ont aloir
que leur patron, cèst le public ,qui paie une redeance, et que leur boulot, cèst de satisaire les
attentes du public.
- Dùn autre cot, lìntroduction de la publicit a lÒR1l en octobre 1968 engendre
une nouelle conception du proessionnalisme pour les acteurs de làudioisuel public. Au-dela
de leurs missions pdagogiques, il leur aut dsormais sduire le public, dont on a mesurer
làudience ain dàttirer les annonceurs.
1out au long des annes 190, les exigences de libralisation de làudioisuel articulent ces
ersants politiques ,libraliser pour chapper a lèmprise de lèxcuti, et conomiques ,libraliser
pour mieux ajuster lòre de programmes aux attentes des tlspectateurs et permettre
lèxpansion conomique du secteur,. La principale rorme date de 194, peu apres la ictoire de
Valry Giscard d`Lstaing. Le monopole public est maintenu mais lÒR1l est diis en sept
socits autonomes : 3 chaines de tlision, Radio lrance et 3 socits de production et de
serices techniques ,comme lÌNA,. La libralisation parait idente : il n`y a plus une structure
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unique directement sous le controle de lèxcuti. Mais lèet de cette rorme est surtout
conomique. Ln eet, les tablissements sont chacun dots dùne autonomie de gestion. Dùne
part, la possibilit de priatiser piece par piece est dsormais ouerte. Dàutre part, les chaines
sont dsormais clairement en concurrence. Quel est lènjeu de cette concurrence La conqute
des ressources publicitaires. Or pour conqurir les recettes publicitaires, il aut maximiser son
audience. Par consquent, l`clatement de lÒR1l renorce les logiques dàudience, a traers
notamment la cration de la onction de rogravvevr, ce qui soumet la production des oures aux
logiques de commande des chaines.

a8 +< =DSCQ<=D?<KDL; AG B<QJNC T/_`/,_bW
1out au long des annes 190, la radio constitue aussi une source de conlits important.
De plus en plus de personnalits contestent le monopole d`Ltat et reendiquent le droit d`mettre
leur propre radio. Ce sont les radios libres qui occupent illgalement la bande lM et subissent
le brouillage des ondes. Ce mouement est tiraill entre deux tendances : ceux pour qui les radios
doient se proessionnaliser et tre inanc par la publicit et ceux pour qui les radios libres
doient conserer un statut associati. Lòuerture du march radiophonique sèst opre ae facto,
au lendemain de l`lection de lranois Mitterrand. Des juin 1981, la bande lM de Paris est
occupe par 38 nouelles stations au caractere politique, interacti ou musical. Cèst lànarchie qui
praut. lace a l`chec de làutorgulation, les noueaux gouernants maintiennent le brouillage
des ondes.
Les rormes lgislaties ou rglementaires des annes 1980 sont nombreuses et je
nàurais pas le temps de toutes les dcrire. Je ais juste màrrter sur les trois tapes qui
reconigurent radicalement le march de làudioisuel.
- Dàbord la loi de juillet 1982 met in au monopole public de programmation a la radio et a la
tlision. Les ondes hertziennes restent dans le domaine public, mais leur utilisation peut tre
conie a des entreprises pries. 1outeois, si le gouernement accepte la naissance de chaines
pries, il ne souhaite pas pour autant que libralisation rime aec anarchie comme en Italie : les
gouernants ranais conserent ainsi une orte marge de manoure dans làttribution des
rquences et dans la rgulation du march. La loi cre une instance de rgulation, charge
notamment de nommer les responsables des socits audioisuelles publiques. Apres plusieurs
modiications, cette autorit administratie deiendra Conseil suprieur de làudioisuel en 1988.
Mais la lACA ne dispose pas dùne autorit suisante pour jouer pleinement son role de
rgulation : de nombreuses stations comme NRJ outrepassent lìnterdiction de publicit. Ln juin
35

1984, une nouelle loi ait entrer les radios dans lìndustrie culturelle de masse, en autorisant la
publicit marchande sur la bande lM.
- Il aut galement attendre 1984 pour oir lèntre de capitaux pris dans lùniers tlisuel
ranais. On assiste ainsi a la naissance de la chaine a page Canal - ,dont certains des capitaux
sont publics, ia le groupe laas,, dirige par Andr Rousselet, ancien directeur de cabinet de
lranois Mitterrand. Le cahier des charges est peu contraignant. Canal - est autorise a diuser
des ilms un an apres leur sortie ,contre 3 ans pour les autres chaines,, en contrepartie dùn
inancement de la production cinmatographique. Puis le gouernement autorise la cration
dùne cinquieme chaine gnraliste, entierement prie. Mieux : il participe a la constitution de
làctionnariat de la uture chaine, la Cinq. Lènjeu est politique mais il est aussi industriel : pour
pouoir inancer le lancement des premiers satellites de retransmission ranais et aire ace a la
concurrence internationale dans ce domaine, le gouernement doit sàllier a de grands groupes
pris. Le 1
er
mars 1986, une sixieme chaine ait son apparition : elle sera rapidement attribue au
groupe Mtropole 1V ,dtenue principalement par La Lyonnaise des Laux, qui lance M6. Cette
libralisation oure la oie a làrrie des capitaines dìndustries dans le systeme des mdias
ranais ,Gnrale des Laux qui deiendra Viendi, Lyonnaise des Laux, Matra, etc.,.
- Lnin, la troisieme tape, cèst la priatisation de la principale chaine du pays, 1l1, annonce
en 1986. Làutorit de rgulation accorde 50 du capital a làctionnaire principal, le groupe
Bouygues, contre 40 aux petits actionnaires et 10 au personnel.

38 <2 &632(.%*2%,$ *$ "#.@@3$ +4"470&6$""$ E*$160& MNNQB
La libralisation du march tlisuel entre dans une nouelle phase depuis les annes 1990.
Les apparitions successies du cable, du satellite, de lÌnternet et de la 1N1 multiplient lòre de
programmes, au point que celle-ci soit quasiment ininie. Ces noueaux rseaux ont t en partie
inancs par l`Ltat, notamment pour la 1N1 et une partie des lignes ADSL, ain d`tre accessibles
sur tout le territoire. Mais la noueaut, cèst que certains rseaux de diusion appartiennent
dsormais exclusiement a des oprateurs pris. Ainsi, en 1996, Canal - lance CanalSat et met
en oure une stratgie consistant a controler a la ois les tuyaux et le contenu, cèst-a-dire la
distribution et les programmes, a traers làchat des droits de retransmission sportie et le
inancement de la production cinmatographique. Quant aux oprateurs Internet ,SlR,
Bouygues, lree,, ils incluent dsormais dans leur ore ADSL un acces a des centaines de chaines.
Cette explosion de lòre se traduit notamment par un processus dìnternationalisation. Dùne
part, on assiste a l`chelle mondiale a une concentration des capitaux autour de quelques
entreprises transnationales : CNN, Al Jazeera, lox-Murdoch, etc. Dàutre part, le satellite permet
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aujourd`hui aux tlspectateurs dàccder aux programmes du monde entier : cela permet
notamment aux migrants de conserer des liens aec leurs pays dòrigine. Mais la principale
transormation sur le plan de la consommation mdiatique reste le deloppement de la
1lision numrique terrestre, dont les rquences ont t attribues par le CSA en 2002.
Aujourd`hui, on sìnterroge sur la spciicit mme de la tlision en tant que mdia a part
entiere. Les rontieres entre inormatique, tlision et tlphone sont de plus en plus loues : on
peut reoir certains programmes de tlision sur son ordinateur ou son tlphone portable ,sur
le site des chaines ou ia des sites pirates de .treavivg, en direct ou sous orme de catcb v 11,,
tandis que certains sites web proposent dsormais leurs propres ores tlisuelles. lace a la
nette dsaection des jeunes pour la tlision classique ,16 h par semaine en 2008 pour les
15-24 ans, contre 2 h chez les 65 ans et plus,, il est enisageable que nous assistions a terme a un
net dclin de la tlision gnraliste au proit de programmes plus indiidualiss .
Cette explosion de lòre tlisuelle bouleerse l`conomie du secteur. Llle engendre
notamment une dilution de làudience, donc la dilution des reenus publicitaires, donc la in de la
suprmatie des grandes chaines gnralistes. Les anciennes chaines gnralistes sont les
principales ictimes de ces changements : en janier 2013, elles ne conquierent plus que 62,8
de parts de march contre 6, en 2008 et 91 en 2002. Le dclin est particulierement
marqu pour 1l1. Disposant de plus de 40 de parts dàudience jusquèn 1993, la chaine a
connu un tiolement progressi de sa position hgmonique. Mais la chute sàcclere dans la
seconde moiti des annes 2000 : de 30, en 200, la part de march de la chaine tombe a 23,6
en janier 2013.

P48 +@? BGK<KDL;? A@ =< MQ@??@ CJQDK@
*8 +@ ACY@=LMM@B@;K A@? B<V<cD;@?
Depuis le dbut des annes 1980, le march de la presse crite ranaise connait une
spectaculaire multiplication du nombre de titres : on compte 4559 journaux en 2009, contre 203
en 1985. Cette augmentation traduit surtout une dispersion de lòre rdactionnelle et un
branlement des anciennes hirarchies. Car làugmentation concerne aant tout la presse
spcialise grand public, autrement dit la presse magazine ,de 54 a 1960 titres en 25 ans,.
Le dynamisme des magazines grand public tient notamment a la orte croissance de la
presse de loisirs, de sports et de radio-tlision ,mme si cette derniere subit aujourd`hui de plein
ouet la concurrence gratuite dÌnternet,. Les lranais igurent ainsi parmi les plus gros lecteurs
de magazines en Lurope. Dsormais, lùn des modeles organisationnels dominants est celui mis
3

en oure dans de tres nombreux titres de la presse magazine : une spcialisation thmatique qui
peut engendrer une conusion rquente entre annonceurs et sources dìnormation ,
lèxternalisation des contenus aupres de pigistes dont le statut prcaire amoindrit les capacits a
rsister aux pressions des sources.

a8 +@ ACJ=D; A@? OGLKDAD@;?
Le dynamisme de la presse magazine tranche aec le dclin croissant des presses
quotidiennes, nationales ,depuis le dbut des annes 190, et rgionales ,surtout depuis le dbut
des annes 2000,. Le dclin des quotidiens a surtout touch les titres engags ,mme si le
processus est ici sculaire,, ainsi que les titres populaires ,dclin de ravceoir jusquà sa
disparition en 2011, recentrage progressi du Pari.iev,. Mais depuis les annes 1980, les diicults
concernent galement les quotidiens dè.tabti.bvevt. La crise de la presse quotidienne nationale en
lrance est donc antrieure a làpparition dÌnternet et des gratuits. Llle rsulte dòbstacles
structurels : cots dìmpression et de distribution particulierement les, aible attractiit pour
les annonceurs ,8,8 de lènsemble des inestissements publicitaires en 196, 55,6 en 1988,
31, en 2010,, aiblesse de la diusion en dehors de Paris, aiblesse des abonnements,
importance des inendus.

Graphique : 1irage des quotidiens depuis 1945

Lùne des particularits de la PQN ranaise est donc de aire reposer une part importante
de leurs recettes sur les entes, et notamment sur les entes au numro. La aible part des
abonnements suppose de deoir attirer le lectorat dans les kiosques, et notamment dans les
kiosques d`le-de-lrance ,eniron 60 des achats des quotidiens nationaux se ont sur cette
zone,. Dans un contexte de moindre idlit des lecteurs a leurs quotidiens et, malgr lùtilisation
38

croissante des vartbove. et autres tablettes numriques, la pression commerciale de la ente au
numro sèxerce donc chaque jour. Or la ente au numro est aussi la moins rentable, compte
tenu des cots du systeme de distribution. Les NMPP, deenues Presstalis en 2010, gerent 5
du traic de la presse nationale. Llles accusent un dicit chronique dèxploitation : 30 millions
d'euros de perte en 2009 et 15 millions en 2010. La transormation des NMPP en Presstalis en
2010 sèst traduite par une proonde restructuration. Mais cette rorme est incertaine : Lagardere
,qui chapeaute la socit lachette propritaire de 49 du capital des NMPP, a reendu ses parts
pour un euro symbolique en juillet 2011. Dsormais le capital de la socit appartient a deux
coopraties : lùne runissant les magazines ,5 ,, làutre les quotidiens ,25 ,.
Pour pallier les diicults chroniques de la presse dìnormation gnrale, les journaux
bnicient dùne pluralit dàides publiques. Certaines, dites indirectes, reposent sur dirents
dgreements iscaux : taux rduit de 1VA, exonration de la taxe proessionnelle, aide au
transport postal de la presse, abattement iscal de 30 pour les dtenteurs de la carte de presse.
Cette derniere mesure reient a conier indirectement a l`Ltat le paiement dùne partie des
charges salariales. De plus, direntes aides directes ont t successiement ajoutes : subention
de l`Ltat a la SNCl pour compenser le tari rduit quèlle consent aux socits de messagerie de
presse , onds dàide aux quotidiens nationaux a aibles ressources publicitaires ou aux quotidiens
rgionaux paures en petites annonces , etc. Les abonnements de l`Ltat a lÀlP ou encore les
rcentes aides ers les rseaux des diuseurs ,isant a une realorisation de la rmunration des
kiosquiers, participent galement de ce soutien public au march journalistique. Ln 2008, eniron
288 millions dèuros ont t erss au titre des aides directes, auxquels sàjoutent 159 millions
dàides indirectes, 501 millions a destination la Poste et 16 millions de soutien a la diusion en
zone rurale ,soit 1,124 milliards,. Lènsemble de ces subentions reprsentent, en moyenne, pres
de 12 du chire dàaires total de la presse crite. 1outeois, par leur caractere non slecti, ces
aides produisent certains eets perers. Ln soutenant a la ois des entreprises rentables et des
journaux conomiquement ragiles, elles contribuent a creuser les carts entre titres.

38 <#211230+0.% *#6%$ 13$&&$ /32+60+$
Sìl existe, des les annes 1960, une presse gratuite de petites annonces, cèst au printemps
2002 que sont lancs en lrance les premiers quotidiens gratuits dìnormations gnrales. Les
gratuits reposent sur une logique de distribution : ils doient toucher un public-cible susceptible
d`tre un argument de ente pour les annonceurs. Ils choisissent leurs lecteurs : ils ne làttendent
pas ! 1rois constats ont justii leur apparition :
39

- puisque la presse payante attire essentiellement les plus de 35 ans, laborons un journal
pour un public de jeunes urbains ,
- puisque la distribution en kiosque est un rein, organisons notre propre rseau de
distribution dans les lieux a orte rquentation ,
- puisque le prix est un obstacle, inanons lènsemble du quotidien par la publicit et
rduisons au maximum les cots de abrication : impression sur les rotaties des
quotidiens a des cots moins importants, rdactions rduites au minimum, etc.
Le produit est ensuite construit a partir dènqutes marketing des pratiques de lecture : le
journal doit pouoir tre lu en 20 minutes ,temps moyen consacr a la lecture dùn journal, par
un public en attente dàrticles courts, des brees, des schmas, des illustrations qui donnent une
impression de diersit et permettent le icorage, une mobilit et une circulation du regard pour
dterminer les articles a lire |Ltude 20 vivvte.|. Il aut priilgier les attentes des publics ,et
notamment ceux qui uient la presse quotidienne payante,. Cèst a partir de tels ondements que
Metro est lanc en 2002, suii par 20 Mivvte.. La lrance rejoint un mouement mondial que
symbolise le groupe sudois Metro ,130 ditions dans 22 pays, et 1 millions de lecteurs,. Plutot
que de subir cette nouelle concurrence, certaines entreprises mdiatiques choisissent dìnestir
elles-mmes dans ces supports gratuits, renorant par la le processus de concentration des
mdias. Le capital de 20 Mivvte. est ainsi dtenu a parts gales par le norgien Schibsted et le
groupe Ove.travce. Le capital de Metro ravce appartient a 34 a 1l1.
Ln 2010, aec un tirage moyen de 2,6 millions dèxemplaires par jour, les gratuits
reprsentent 26 du tirage total de la presse quotidienne en lrance. Depuis 200, 20 vivvte. est
dàilleurs le quotidien national le plus lu.

28 !; MQLJ@??G? A@ JL;J@;KQ<KDL;
La concentration capitalistique de lèspace mdiatique nèst pas neue. Cèst ace a ce
danger pour le pluralisme que les autorits de la lrance libre aaient dit direntes
ordonnances en 1944. Mais des le dbut des annes 1950, de noueaux groupes de presse ont su
se reconstituer, passant outre souent la lgislation en igueur ,groupe lersant ou Amaury
notamment,.
On obsere touteois une nouelle phase de concentration au dbut des annes 1980, a
traers la mise en place de groupes pluri-mdias au caractere de plus en plus transnational. Llle
concerne alors le secteur de la presse magazine et spcialise, aec la prise de controle de
lachette par le groupe Matra ,dirig par Jean-Luc Lagardere, acti dans làronautique,
làutomobile et la dense, qui, a l`poque, possede dja des quotidiens ,e. Derviere. ôvrette.
40

a".t.ace, et des parts dans Lurope 1. lachette deient le premier groupe rellement multimdia, a
traers ses actiits dans le lire, la radio, la production audioisuelle ,La Cinq, et la distribution
des journaux. La concentration du secteur de la presse magazine renoie galement a son
internationalisation. Par exemple, iliale du groupe allemand Bertelsmann, Prisma est onde en
198. Il dite une ersion ranaise de Ceo puis lance a v"ivtere..e, Priva, evve .ctvette, 1ete
oi.ir. et 1oici.
Suiant le chemin trac par Matra, lèntreprise Bouygues ,spcialise dans le batiment et les
traaux publics, inestit a son tour lùniers des mdias ia làcquisition de 1l1 en 198 et la
cration de LCI ,1994,, Bouygues 1lcom ,1996, et 1PS ,1996,. Puis ce processus sàcclere au
cours des annes 1990 et 2000 : dsormais le capital dùn tres grand nombre dèntreprises
mdiatiques appartient a des groupes initialement spcialiss dans les secteurs du B1P
,Bouygues,, du luxe ,Arnault, Pinault,, de làrmement et de làronautique ,Dassault, Lagardere,,
du transport, de la logistique et de l`nergie ,Bollor,, de la banque et de la inance ,Rothschild,
Crdit Mutuel, Crdit Agricole,, de la tlphonie ,Orange, Bouygues,.
On peut raisonnablement mettre en question cette concentration de lèspace mdiatique
ranais. Ainsi, dans la PQR, on ne compte presque plus aucun quotidien rgional qui ne soit
rattach a lùn des sept groupes : LBRA Crdit Mutuel, Ouest-lrance, Media Sud Lurope, Grand
Centre, lersant Media, Rossel et Amaury De mme, tandis que les principaux groupes trangers
inestissent presque exclusiement dans lùniers mdiatique ,Murdoch, Bertelsmann, Springer,
etc.,, un grand nombre de propritaires de mdias ranais sont, de pres ou de loin, lis a des
commandes publiques ,B1P, armement, ou bien a des secteurs dans lesquels l`Ltat consere un
role de rgulateur ,tlphonie,. lace a des responsables politiques soucieux de bnicier dùne
mdiatisation aorable, làcquisition de mdias apparait bien comme une ressource isant a peser
sur certaines dcisions des pouoirs publics. Mais si ces groupes inestissent dans les mdias,
notamment audioisuels, ce nèst pas seulement pour satisaire leurs intrts industriels. Ils en
escomptent galement des proits et, pour cela, cherchent a redinir les contours de la rgulation
tatique. Pour accroitre leurs bnices, les entreprises mettent en place des stratgies de tobb,ivg
acti sur des sujets tels que làttribution des rquences sur les noueaux supports ,1N1,, le
inancement de làudioisuel public et lèncadrement du olume de publicit a la tlision, les
autorisations de usion ,Canal - et 1PS en septembre 2006,, la rision des lois anti-
concentration de 1986 ,limitant a 49 la part des groupes pris dans une chaine de tlision,.
Cette interdpendance entre entreprises mdiatiques et pouoirs publics nèst idemment pas
propre a la lrance. Mais elle est exacerbe en raison dùne centralisation tatique qui restreint la
direnciation entre les lites politiques, industrielles, administraties et mdiatiques.
41

P78 R#6%$ "./056$ *$ "#.@@3$ 7$3& 6%$ "./056$ *$ "2 *$'2%*$
La libralisation des marchs audioisuels et lìntensiication de la concurrence entre
mdias a mcaniquement renorc le poids des impratis commerciaux sur la programmation.
Ln eet, le march est dsormais domin par des entreprises pries dont la principale ocation
est de dgager des proits. Cela dessine le passage progressi dùne logique de lòre ers une
logique de la demande. Une logique de lòre, cèst un systeme ou la programmation est
relatiement indpendante des attentes des consommateurs : ces derniers sàdaptent a ce qui leur
est propos. Une logique de la demande, cèst un systeme ou le consommateur ait lui-mme son
march parmi lòre disponible : la programmation doit donc sàdapter aux gots des cibles
potentielles. Jean Charron et Jean de Bonille oquent l`mergence dùn noueau paradigme
journalistique au cours des annes 1980 en Occident : le journalisme de communication .
Làttention du public deenant une denre de plus en plus rare, le discours journalistique est
dornaant construit par les journalistes de maniere a retenir làttention, non plus du plus grand
nombre, mais dùn public plus ou moins circonscrit et dini dont on sonde les prrences et que
les journalistes cherchent a idliser en tablissant aec lui des liens de proximit et de
connience.

*8 <$ 1.0*& ,3.0&&2%+ *$& 0%*0,2+$63& *#26*0$%,$
Lìnention des indicateurs dàudience renoie a la ncessit de endre des impacts
publicitaires, statistiquement comptabiliss sous orme de parts dàudience ,la proportion de
consommateurs par rapport a la population totale, ou en parts de march ,la proportion de
consommateurs par rapport a lènsemble des consommateurs dùn mdia donn,. Làudience
nèst pas un indicateur des gots du public, mais un indice de la rencontre entre un produit
mdiatique et ses consommateurs.
Ln tant quòprateur de march, la mesure des audiences est rgulierement lòbjet de
conlits entre les dirents acteurs des mdias. Ces arontements sòbserent dans le maintien de
deux indicateurs pour la presse crite : la diusion et làudience. Depuis les annes 1920, la
diusion est controle par lÒice de justiication de la diusion ,OJD, qui ournit pour chaque
titre de presse le nombre dèxemplaires diuss, cèst-a-dire reettevevt pris en main par au moins
un lecteur dans un lieu donn ,kiosque, aroport, etc.,. Les tudes dàudience donnent en
reanche une estimation du nombre de lecteurs totaux dùn titre et reposent sur du dclarati. Ln
eet, si la mesure de la diusion est utile pour alimenter les kiosques et grer les masses de
42

papier, lìnstrument nèst pas assez prcis pour les annonceurs. Ln 195, mdias, publicitaires et
annonceurs mettent alors en place le CLSP ,Centre d`tude des supports de publicit, pour
cerner le proil des lecteurs a partir de sondages. Lìndicateur dàudience utilis est la LDP
,lecture derniere priode,, cèst-a-dire le nombre moyen de lecteurs dùn titre depuis sa derniere
parution. A partir de 1985, la presse quotidienne cherche a imposer un nouel indicateur pour
pallier les eets de la crise : la LNM ,lecture dùn numro moyen,. Làudience est cette ois
calcule a partir dùne moyenne dèxemplaires lus au cours de jours prcdant lènqute. Plus
souple, cet indicateur attribue aux quotidiens une audience plus lee. Il deient alors lòutil
priilgi des diteurs, tandis que la LDP est largement utilise par les annonceurs et les
publicitaires. Depuis 200, les dirents supports de presse crite payants et gratuits, quotidiens
ou magazines, dcident de runir leurs instruments au sein dùne nouelle structure paritaire -
Audipresse.
Mdiamtrie a t cre en 1985 pour clariier la mesure des audiences tlises.
Jusquàlors, celles-ci taient organises au sein du Centre d`tudes des opinions ,CLO, rattach au
serice du Premier ministre en 194,. Partiellement priatis en 1984, le CLO deient
Mdiamtrie. Ln 198, la cration de nouelles chaines et la priatisation de 1l1 transorment la
donne publicitaire. Les publicitaires obtiennent une ouerture du capital de Mdiamtrie ,les
entreprises publiques y conserent touteois 40 des parts,. Au cours des annes 1990 et 2000,
la multiplication des chaines sur le cable, le satellite puis la 1N1 entraine de constantes
modiications des techniques de mesure. Ln matiere de tlision, la mthodologie principale
repose sur les panels de tlspectateurs chargs dìndiquer en temps rel leur consommation
tlisuelle. Grace a ces outils, làudience mesure ne sera plus seulement làudience globale mais
une audience dcoupe en cibles. Pour les chaines pries, lènjeu nèst pas seulement dàttirer et
de idliser le plus grand public possible ,comme a l`poque des chaines publiques,, mais de plaire
a des segments de la population qui intressent principalement les publicitaires : la ameuse
mnagere de moins de 50 ans , les CSP - dots dùn ort pouoir dàchat, etc.
Quant a làudience dÌnternet, elle est mesure par une pluralit dèntreprises en
concurrence. Deux mthodologies sàrontent : une mesure dite v.er cevtric qui analyse les
comportements dùn panel dìnternautes qui acceptent dìnstaller un logiciel espion sur leur
ordinateur ,mesure principalement eectue par Mdiamtrie a partir dùn panel dèniron
25 000 internautes,. Cela permet notamment de distinguer les squences dàctiit et dìnactiit
,et ne pas prsumer donc que lìnternaute obsere un site alors quìl a quitt son PC,. Il y a
ensuite la mesure dite .ite cevtric qui sìntresse a la rquentation des sites ,nombre de pages ues,
nombre de isiteurs ou de isiteurs uniques, temps moyen par isite, etc.,. Internet ore aux
43

annonceurs la possibilit de cibler de plus en plus prcisment lìdentit des internautes et leurs
attentes ,a traers les mots cls sur les moteurs de recherche, lìdentiication des cookies, les gots
dinis sur lacebook, etc.,. Ce mdia permet dàluer non pas seulement le nombre de
personnes ayant isionn une publicit mais ceux qui y sont intresss au point de cliquer sur le
lien : la mesure de lìmpact publicitaire ,en termes quantitati et qualitati, connait donc une
singuliere amlioration.

a8 S%+3$ '2A0'0&2+0.% *$ "#26*0$%,$ $+ *4'2&&0@0,2+DL;
;1) :&7(%(01. /"&$2(1'81
Pour les chaines hertziennes gnralistes ou les radios de la bande lM, les recettes
proiennent quasi-exclusiement de la publicit. Or le olume des recettes publicitaires dpend
de làudience mesure pour chaque programme. Par consquent, la pertinence des programmes
est alue uniquement en onction de leur perormance commerciale. Des 198, et malgr les
obligations ixes par l`Ltat lors de la concession de 1l1 au groupe Bouygues, son patron
dclarait quìl se pliera simplement au jeu de lòre et de la demande : Nous sommes pris
|.|. Il y a des choses que nous ne souhaitons pas aire, par exemple du culturel, du politique et
des missions ducaties. Je suis condamn a aire de làudience .
La programmation obit donc a une logique de court terme : le succes doit tre immdiat,
sinon l`mission saute. Lòbjecti est surtout de minimiser la prise de risque. Les contenus sont
donc de plus en plus standardiss, de plus en plus ormats autour de concepts qui ont dja
ait leurs preues dans dàutres pays : jeux tliss, missions de arit, euilletons amricains,
etc. Sau exceptionnellement en premiere partie de soire ,prime time,, les programmes
correspondent daantage a du prt-a-porter quà du sur-mesure comme a l`poque de
lÒR1l ou beaucoup d`missions ou dòures de iction taient produits par lòrganisme lui-
mme. Lìmportance des ictions amricaines tient galement a leur cot : il sàgit a la ois de
spectacles a gros budgets mais qui sont amortis sur de tres nombreux pays donc moins chers a
làchat. Cèst la lùn des paradoxes de la concurrence : elle peut stimuler la recherche de
lòriginalit pour se dmarquer mais elle entraine surtout lùniormisation. Ln contrepartie, la
concurrence entraine une augmentation considrable du cot des programmes les plus
populaires. Les droits de retransmission sportis connaissent notamment une telle croissance des
budgets. Il en a de mme pour le salaire des principaux prsentateurs et animateurs qui sont
ritablement stariis et sont chaque anne changs lors dùn mercato assez proche que
celui que connait le ootball.
44

Les logiques commerciales touchent idemment aussi les programmes dìnormation
ainsi que les missions politiques ou culturelles. Dàbord, pour conqurir une aste audience, les
rdactions doient aicher ostensiblement leur impartialit, leur neutralit, notamment en
priode lectorale : elles ne peuent courir le risque d`tre accuse de serir un camp, mme si les
liens troits entre les dirigeants de 1l1 et ceux de la droite parlementaire rendent les choses un
peu plus complexes. Lnsuite, les programmes dìnormation, de culture ou de politique
sèorcent d`tre plus rythms, plus mouants, plus spectaculaires. On alorise par exemple
lùrgence, le sensationnel et lìmmdiatet dans la couerture de làctualit ,la dbauche de
moyens lors de la premiere guerre du Gole est une bonne illustration de ce phnomene,. Les
rontieres entre inormation et diertissement tendent a sèstomper ,modele de la no-
tlision , a traers la gnralisation des talk shows , genre tlisuel hybride qui article le
srieux et le ludique et mlange hommes politiques et artistes. Lnin, les annes 1990 sont
marques par la gnralisation des impratis de proximit . Pour mieux aicher leur
complicit a l`gard de leurs publics, les journaux tliss tendent a priilgier, a lìmage de la
presse rgionale, des nouelles supposes concerner le quotidien des spectateurs. Le journal de 13
heures de 1l1 est exemplaire dùn tel traitement de làctualit ou làctualit institutionnelle a
completement disparu, au proit des nouelles qui rpondent aux proccupations des gens
ordinaires .

;2) |ve a,vaviqve ae aeva..ificatiov
Mais on obsere galement le deloppement parallele dùne dynamique de
dmassiication . Il y a en eet une diersiication des modeles conomiques. Quatre modeles
sont dsormais en concurrence : le inancement par la redeance ou par des subentions
d`Ltat ,lrance 1lision, , le inancement par la publicit ,1l1, , le inancement par
làbonnement a lòre dùne chaine ,gnraliste dans le cas de Canal - ou spcialise dans le cas
des chaines thmatiques, , le inancement en a, er rier, cèst-a-dire que le paiement porte sur le
programme lui-mme.
Cette diersiication engendre une transormation du role social de la tlision. Jusquàux
annes 1980, la tlision tait un mdia a ocation gnraliste : les chaines aaient pour objecti
de sàdresser au plus grand nombre possible. Les programmes deaient donc tre relatiement
diersiis et ils taient conus pour leur caractere rassembleur. Les chaines du cable et du satellite
isent au contraire a toucher des cibles plus restreintes, dinies selon leurs gots ou leurs
caractristiques sociobiologiques ,a lìmage des magazines spcialiss, : emmes, enants, seniors,
cadres sup, parisiens branchs , amateurs de sport, de cinma, de sries, de ilms X, etc. Lnin,
45

le a, er rier, la 1iaeo ov Devava ou les serices dlinariss ,catcb v 11, constituent
làboutissement de ce modele de spcialisation puisque, dsormais, cèst le tlspectateur lui-
mme qui choisit son programme et son heure de diusion ,ce que permettait dja le
magntoscope,. Pour certains sociologues comme Dominique \olton ,toge av grava vbtic,, cette
entre dans lère du A1A\AD ,.v, 1ive, av, rbere, av, aerice, est dommageable. Celui-ci
dendait en eet le modele de tlision gnraliste qui crait un espace public commun, qui
rassemblait toutes les classes sociales, toutes les gnrations sur tout le territoire. La tlision
gnraliste permettait de dinir des thmatiques de discussion et de dbats communs. A
lìnerse, le ciblage des publics a de pair aec lìndiidualisme et la sgrgation de nos
socits : il n`y a alors plus de rrents culturels partags. La tlision ne peut plus jouer de role
en matiere dòuerture aux autres et de saoir, puisque chacun se dirige ers ce qui lìntresse
dja : cèst un mme phnomene que lòn peut constater sur Internet.

P78 +< QCYL=GKDL; ;GBCQDOG@
*8 <2 %20&&2%,$ $+ "$ *47$".11$'$%+ *#H%+$3%$+
Lnin la troisieme dynamique nèst autre que lèxpansion dÌnternet et des serices de
tlphonie mobile depuis le milieu des annes 1990.
Internet est l`hriter dùn programme mis en oure en 1969 autour du dpartement de la
Dense amricain et dùn certain nombre dÙniersit : Arpanet. Cèst au cours des annes 190
que le nom dÌnternet apparait pour dsigner le rseau inormatique reposant sur deux protocoles
de communication : le langage 1CP ,1ransmission Control Protocol qui permet a deux terminaux
inormatiques de communiquer, et le protocole IP ,Internet Protocol qui gere làcheminement
des messages depuis l`metteur jusquàu destinataire,. Lntrs dans le domaine public ,ils sont
ouerts et gratuits,, ces protocoles se gnralisent au cours des annes 1980 a traers trois
serices initialement destins aux chercheurs :
- La messagerie lectronique
- Les groupes de discussion
- Le transert ou tlchargement de ichiers ,P2P,
Malgr son deloppement, Internet est demeur dcentralis : aucun organisme nà le pouoir
de aire la loi sur le Net. Cela nèmpche pas lèxistence dìnstances de rgulation destines a grer
lòlution de làrchitecture technique du rseau ou lòlution de son enironnement juridique.
Parmi ces instances, on peut citer lÌnternet Society ,ISOC,, association internationale de
coopration onde en 1992, dont chacun peut deenir membre et qui est notamment charge de
46

la alidation des normes techniques, ainsi que lÌCANN ,association caliornienne qui mane de
lÌSOC, charge de grer les noms de domaines.
Ln tant que tel, Internet nèxiste pas : cèst une dration de rseaux disparates ,le rseau
des rseaux,. Or parmi ces rseaux, il y a le \eb ou le \orld \ide \eb ,toile dàraigne
mondiale, qui apparait en 1989 grace a lìnention de l`hypertexte ,langage l1ML, qui permet
dàccder a un document se trouant sur nìmporte quel endroit du rseau ,ia le pointage de la
souris sur un mot ou une icone,. Le \eb est donc le 4
e
serice de lÌnternet qui ne se deloppe
quàu cours des annes 1990 lorsquàpparaissent les naigateurs qui permettent la circulation sur
la toile. Le premier naigateur grand public est Netscape mis en place en 1994, suii
d`Lxplorer en 1995.
Apres un temps d`hsitation, les rdactions ranaises inestissent Internet en 1995. Les
journaux, puis les radios et les tlisions, ont un calcul similaire a celui appliqu plus tard aux
quotidiens gratuits : lènjeu est dòrir une inormation sans rais sur des portails inancs par la
publicit, ain de idliser de noueaux lecteurs. De 1995 a 2001, une grande partie des rdactions
a traers le monde jouent cette carte. L`clatement de la bulle Internet en 2001 donne alors un
srieux coup dàrrt a la êtecovovie. Cèst donc au cours des annes 2000, grace notamment au
deloppement de lÀDSL et a làpparition des Smartphones ,tlphonie mobile 3G, que les
mdias en ligne ont connaitre un extraordinaire deloppement. On obsere dsormais une
concurrence entre des sites adosss a des mdias traditionnels ,lemonde, lequipe, t1, etc., et
des entreprises exclusiement prsentes sur le web ,vre ta,er comme rue89, arretsurimages, etc.,.
Le \eb ne sèst pas substitu aux autres mdias mais pese tres ortement sur leur position et
leurs principes de traail. Cèst surtout depuis le milieu des annes 2000 que la place occupe par
les supports numriques dans les pratiques mdiatiques des lranais aecte l`conomie des autres
mdias, en captant le temps de cereau disponible et les reenus publicitaires qui y sont
associs.

a8 3L;Y@QV@;J@ ;GBCQDOG@ @K JL;J@;KQ<KDL; D;AG?KQD@==@
Depuis les annes 1990, les mdias sont entrs dans lère des rseaux numriques. La
principale incidence de cette conergence numrique, cèst une remise en cause des rontieres
traditionnelles :
- Dàbord, en tant que mdia total ou mta-mdia , Internet remet en cause les
rontieres entre amilles de mdias ,crit, audio, ido,. Il n`y a dsormais plus de liens
physiques entre un contenu et un support donn ,un texte par exemple n`tait
4

communicable quàec le journal papier qui le comprenait , la radio ne pouait tre
coute que sur un appareil spciiquement dolue a làudition des ondes radios,.
- Lnsuite, Internet remet en cause lòpposition canonique entre producteurs et
consommateurs dìnormation. Dsormais, chacun peut potentiellement s`riger en
mdiateur et accder a une plus ou moins aste audience. Plus gnralement, Internet a
rendu possible la conergence entre deux types de communication autreois spare : la
communication adresse ,de personne a personne, et la communication centralise ,dùn
metteur ers un nombre indini de rcepteurs,.
- Lnin, la rolution numrique a engendr une conusion entre inormation et
communication, a traers la usion des secteurs des tlcommunications, de
lìnormatique et des mdias dans lùniers industriel des 1IC ,technologies de
lìnormation et de la communication,.
Ce secteur peut dsormais tre apprhend comme un cosysteme a quatre couches jusquìci
spars.
! La premiere comprend la production d`lments de rseaux et de terminaux :
quipementiers ,Alcatel, Cisco,, abricants de tlphone ou de smartphones
,Nokia, Apple, Samsung,, abricants de PC ou de logiciels ,Microsot,.
! La deuxieme regroupe les oprateurs de tlphonie, de cable ou de tlision
par satellite ainsi que les ournisseurs dàcces a Internet ,Orange, lree, SlR,
Canal -, Numricable, etc.,. La principale noueaut, cèst la cration dòres
groupes sur trois supports autreois dissocis ,tlision, tlphone, Internet,.
Dsormais, un seul terminal ,smartphones ou PC, peut serir ces trois
onctions.
! La troisieme comprend les entreprises spcialises dans lìntermdiation sur
Internet, cèst-a-dire les plates-ormes comme les moteurs de recherche
,Google,, les portails ,\ahoo !,, les rseaux sociaux ,lacebook, 1witter,, les
sites de partage de photos ou de idos ,llikr, \outube,.
! Lnin, la derniere couche regroupe les producteurs de contenus numriques,
quìl sàgisse de mdias traditionnels ,chaines de tlision, radios, journaux,
ou de noueaux enus ,vre ta,er,.
Or la conergence numrique encourage des stratgies de concentration industrielle ,soit
horizontale pour monopoliser lùne de ces couches, soit erticale pour controler tuyaux et
contenus, ou dàlliances priilgies entre les entreprises de ces secteurs ,par exemple,
Apple et Orange,. Llle place surtout les producteurs de contenu dans une situation de
48

dpendance accrue a l`gard des autres branches du secteur, soit les abricants ,Apple,,
soit les rseaux, soit les intermdiaires ,c. suiant,.

38 2@ ;LGY@==@? MQ<KDOG@? BCAD<KDOG@?
Depuis làenement dÌnternet, les pratiques de production et de consommation
mdiatique se sont singulierement transormes. Ces transormations peuent tre regroupes
autour de cinq lignes de orces.

1. <#2,,4"432+0.% A@? I=GH D;ILQB<KDL;;@=?. Dàbord, Internet a contribu a renorcer
lìntensiication et làcclration des lux inormationnels, en gnralisant a lènsemble des
rdactions les impratis dùrgence et de traail en lux tendus. Il ne sàgit touteois pas dùne
noueaut absolue. Dja, lèssor des chaines dìnormation en continue et la circulation
transnationale des lux dìnormations renorce les contraintes dìmmdiatet dans la production
de lìnormation, bousculant les hirarchies des autres mdias. Certains chercheurs comme Lric
Lagneau ont montr a quel point lÀlP est aujourd`hui amene a multiplier les urgents pour
maximiser les reprises de ses dpches ,par exemple sur les bandeaux au bas des chaines
dìnormation continue,, ce qui conduit a leur tour les autres mdias a suire le rythme pour
ne pas tre dpass par la concurrence.
Mais cette contrainte est dàutant plus problmatique quÌnternet a rendu lòre
dìnormations surabondantes : quelle peut alors tre la aleur ajoute qui justiie le paiement
de lìnormation quand les publics ont acces gratuitement et immdiatement a une aalanche de
nouelles La question se pose plus gnralement pour lènsemble des productions culturelles. Si
les pouoirs publics sèorcent de contraindre les acteurs du web ,entreprises et particuliers, a
respecter la proprit intellectuelle ,loi ladopi, ermeture du site Megaupload, pressions sur
\outube et Dailymotion,, il reste quÌnternet et lènsemble des dispositis numriques orent en
permanence de nouelles possibilits de isionnages ou de copies gratuites dòures
thoriquement protges par le droit dàuteur ,P2P, sites de partage, streaming, etc.,.

2. !;@ D;K@;?DIDJ<KDL; AG KQ<Y<D= \LGQ;<=D?KDOG@8 Au-dela des seuls journalistes des
rdactions web, Internet incite a rationaliser les cots salariaux, a traers le renorcement dùn
journalisme assis , principalement connect au terrain par le web , a traers des attentes de
polyalence a l`gard des journalistes web - en termes de supports ou de domaines couerts :
journalisme Shia . Imitant une pratique mise en oure dans certains titres anglo-saxons des le
49

dbut des annes 2000 ,Cvaraiav,, certaines entreprises mdiatiques sèorcent dsormais de
dcloisonner leur rdaction web et papier, pour proposer une ore pluri-mdia intgre ,cèst le
cas du Movae depuis la campagne lectorale de 2012,. Lìntensiication du traail journalistique est
aoris par lùne des spciicits techniques majeures du web : làbsence de contraintes de ormat
,le nombre de pages dans la presse crite, le temps dàntenne a la tlision ou a la radio,. Pour
autant, la plupart des sites imposent a leurs salaris des normes de publication intenses et
relatiement rigide : le sociologue Pablo Boczkowski explique que la norme de publication tout
au long de la journe, qui est tres rpandue depuis le dbut des annes 2000, est due au ait que
les internautes consultent majoritairement lìnormation au boulot, et quìls apprcient de ce ait
une inormation courte et rquemment mise a jour.

3. +< ALBD;<KDL; A@? Z D;ILBCAD<DQ@? [. La surabondance dìnormations sur le web
accorde un poids considrable aux entreprises qui orent des serices dìntermdiations :
moteurs de recherche ,Google,, agrgateurs de contenu ,Netibes,, portails ,\ahoo !,, sites de
partage ,\outube,, rseaux sociaux ,lacebook, 1witter,. Dùne part, ces socits captent
dsormais la majeure partie des recettes publicitaires du web ,dòu les conlits judiciaires entre
Google et les autres acteurs du web, ournisseur dàcces comme lree ou producteurs de contenu
comme les journaux ranais,. Dàutre part, elles contraignent les producteurs de contenu et
notamment les rdactions a redinir leurs manieres de traailler. Dsormais, une part
considrable des lux en direction des sites dìnormation proiennent initialement de requtes
sur les moteurs de recherche ou circulent par lìntermdiaire des rseaux sociaux. Les productions
journalistiques sont alors de plus en plus gouernes par les principes du marketing ditorial : ce
qui compte pour tre lu, cèst d`tre bien rrenc grace aux mots-cls igurant dans le titre ou le
chapeau.
Plus gnralement, en orant des outils indits pour mesurer les audiences et les impacts
publicitaires, Internet peut participer a une redinition des logiques de hirarchisation des
inormations, y compris dans des mdias qui reposent le plus sur làutonomie de leurs rdacteurs.
La mesure des clics, des liens et de la circulation des inos sur les rseaux sociaux ore de
prcieuses ressources aux rdactions en che pour centraliser daantage les dcisions
rdactionnelles et imposer ces noueaux impratis : importance du rrencement sur les
moteurs de recherche ou rapidit de mise en ligne de dpches dàgences a peine retouches.
Bre, autant de pratiques qui pourraient tres bien se passer de proessionnels de lìnormation
,oire d`humains !,. Cette olution peut tre renorce par le poids croissant des entreprises
dìnormatique et de tlcommunications dans la production mdiatique. Jean-Marie Charon
50

montre a quel point les contenus journalistiques sont raals au statut dàrgument promotionnel,
au proit du cour de mtier : la ente de traic et la captation des ressources publicitaires.

4. !; SLG?JG=@B@;K A@? IQL;KD^Q@? \LGQ;<=D?KDOG@?. Internet permet en eet
dèxternaliser une partie des contenus ,rdactionnels ou iconographiques, aupres des publics eux-
mmes ou aupres de bloggeurs amateurs ,ce qui rpond dàilleurs aux impratis de proximit
enseigns dans les coles de journalisme,, orant ainsi lòccasion dùne production a moindre
rais. Mais plus gnralement, Internet participe a une certaine remise en cause du monopole
journalistique de la mdiation dans lèspace public. Ln rduisant les cots dèntre dans lèspace
mdiatique, Internet permet de contourner la transmission erticale de lìnormation et
dàmoindrir làsymtrie entre proessionnels de la parole publique et proanes. Bre, le aible cot
dèntre et de participation sur la toile aorise les pratiques amateurs. Ainsi, le deloppement
des orums et le souci de renorcer les liens entre un site et ses publics amenent certains
journalistes a agir aant tout en animateur de communaut.
Mais lòutil permet aussi aux acteurs de la ie publique et conomique dàccder
directement aux publics, en acuant le iltre et la critique potentielle des mdiateurs. Dòu un
certain lou quant aux contenus inormationnels et leur statut : en quoi les blogs rdigs par des
titulaires de la carte de presse se distinguent des blogs dùniersitaires, de citoyens ou de
communicants dèntreprise Ln quoi les interentions journalistiques sur les rseaux sociaux se
singularisent-ils par rapport aux prises de parole dàutres catgories dàcteurs Cela soulee
idemment des enjeux matriels ,les titulaires de la carte de presse disposent dàantages iscaux
par exemple, et juridiques ,un blogueur amateur peut-il aire appel a la protection des sources ,

5. <#0%7$%+0.% *$ %.67$26A K.63%2"0&'$&; Lòbseration tend a montrer que les
olutions ne sont pas monolithiques. Il nèxiste pas un journalisme sur le web mais plusieurs.
Dàilleurs, le web constitue un espace propice a un renouellement des pratiques
proessionnelles. Dùne part, l`hyperconcurrence a pour eet dàmener certains ovt.iaer. a
multiplier les audaces et transgresser certaines conentions dans le traitement de làctualit.
Dàutre part, il deient techniquement possible dìnenter de nouelles manieres de suire
làctualit ,par exemple ia la documentation quasiment ininie qui peut tre stocke ou encore
ia certains usages des liens hypertextes,.
Depuis le milieu des annes 1990, Internet est donc un ormidable terrain
dèxprimentation pour le journalisme. Il a ouert lèntail des possibles : en rendant possible
l`mergence de noueaux ormats dìnormation ,les webdocumentaires, le aata;ovrvati.v, etc., , en
51

largissant la prise de parole a des non-journalistes ,le journalisme participati, , en testant de
nouelles relations aec les sources dìnormation ,\ikileaks, , en explorant de nouelles
relations aec le public et les territoires traditionnels de la presse ,presse hyperlocale,. A tel point
quàujourd`hui, il est diicile d`tre unioque lorsquòn parle de journalisme en ligne : il peut
sàgir dùn journalisme dìnestigation ,qui exige un important traail dènqute aupres des
sources,, dùn journalisme de dpche ,qui suit làctualit la plus brlante,, dùn journalisme qui
consiste a adapter les contenus dùn autre mdia, ou encore dùn journalisme qui ise aant tout a
animer une communaut dìnternautes, etc. On serait aujourd`hui bien en peine de pouoir
dinir simplement ce quèst le journalisme sur le web !

'@JKDL; d8 +@? ?MCJDIDJDKC? CJL;LBDOG@? A@? D;AG?KQD@? BCAD<KDOG@?
P/8 +@? JL;K@;G? BCAD<KDOG@? F A@? SD@;? MGS=DJ? @K MCQD??<S=@?
Dàpres les conomistes, les contenus mdiatiques, et notamment lìnormation, sont des
biens publics . Ils reposent sur un principe de non rialit , cèst-a-dire que la consommation
de ce bien par un agent ne diminue pas la quantit disponible de ce mme bien pour dàutres
agents. Pour dire les choses plus simplement, làcces dùn indiidu a un programme de tlision
nèmpche pas dàutres indiidus de regarder ce programme de tlision : tous peuent y
accder sans restriction car la copie de ce bien est potentiellement ininie. De la mme maniere,
une inormation peut s`changer par le bouche a lòreille , indpendamment de celui qui en est
a lòrigine. Cèst ce qui distingue lìnormation dàutres biens matriels ou immatriels qui, en
raison de leur raret, reposent sur un principe de rialit : les produits alimentaires, les ressources
nergtiques, les places en creche, les billets de train, etc. La aleur de ces produits se dtermine
idemment par leur cot de production. Mais elle rsulte surtout de leur raret et de la
conoitise qui y est alors associe.
Il existe en ralit deux types de biens publics :
! les biens publics vr., cèst-a-dire ceux accessibles thoriquement a tous et sans
cot autre que l`quipement ,radio, tlision hertzienne, journaux gratuits,
serices gratuits sur Internet, ,
! les biens publics arec ectv.iov ,journaux payants, place de cinma, tlision reue
par cable ou satellite, etc.,. Dans ce dernier cas, les contenus peuent tre
considrs comme des marchandises que des consommateurs acheteront si elles
rpondent a leurs attentes.
52

Les contenus mdiatiques ne peuent donc tre rendus payants que si ,1, ils sont jugs
attractis par les consommateurs , ,2, sìls sont protgs des copies gratuites rauduleuses. Plus les
contenus mdiatiques circulent aisment ,sans barriere dàcces comme le paiement a un kiosquier
ou la dtention dùn dcodeur,, plus ils perdent de aleur ,les indiidus ne sont pas prts a payer
un bien quìls peuent par ailleurs acqurir gratuitement,.
Par ailleurs, les contenus mdiatiques, et notamment lìnormation, sont des biens
prissables. Làcces a une inormation lui ait perdre aussitot de sa aleur ,en lòccurrence, le prix
quòn est prt a payer pour y accder, : ce nèst plus une nouelle . Comme lìnormation est
un produit phmere, les diteurs doient mettre en place une inrastructure de production
coteuse pour quèlle puisse renouele tres rapidement. Cèst notamment le cas des quotidiens
dont la courte priodicit est particulierement contraignante : un quotidien dìl y a quelques jours
nà plus de aleur ,ils sont dàilleurs retirs des kiosques le soir-mme,. Deux stratgies sòrent
alors aux entreprises positionnes sur le march de lìnormation : soit renoueler en permanence
le lux mdiatique ,stratgie des sites dìnormation en ligne, ia les colonnes de dpches
dàgence et les suiis lie des nements, ou des mdias dìnormation continue,, soit adopter
une coloration plus magazine ,mettre làccent moins sur lìnormation brute que sur son
dcryptage, son explicitation, sa mise en perspectie, bre tout ce qui met en idence la aleur
ajoute singuliere du mdia, ou bien delopper des rubriques qui ne dpendent pas de
làctualit : reportages, enqutes, .oft ver., etc.,. Cette derniere stratgie caractrise en partie les
proondes olutions de la presse quotidienne payante depuis trois dcennies.
De la mme maniere, les entreprises audioisuelles peuent sàppuyer sur deux catgories
de programmes : des programmes de lux dont la aleur conomique est dtruite lors de la
premiere diusion ,un match de ootball, un journal tlis, etc., , des programmes de stock qui
ont une dure de ie plus longue et peuent tre rediuss sans que leur aleur soit trop altre
,ilms, sries, documentaires, clips idos, etc.,.

P48 !;@ CJL;LBD@ A@ Z M=<K@,ILQB@ [
La deuxieme caractristique de lìndustrie mdiatique est d`tre positionne sur deux
marchs : le march des publics, le march des annonces. La plupart des mdias disposent dùn
inancement mixte, les recettes pouant tre issus des consommateurs ou des annonceurs. Les
entreprises mdiatiques sont donc en concurrence entre elles pour conqurir et idliser ces deux
catgories de clients.
53

Les entreprises mdiatiques se situent toutes entre deux poles : le pole dùn inancement
exclusi par les consommateurs ,le reus de la publicit pouant sèxpliquer par le souci de
garantir lìndpendance ditoriale pour des raisons idologiques - e Cavara evcbaive, Cbartie ebao
- ou des raisons de distinction - cas de la presse conidentielle a destination de certaines lites
comme a Corre.ovaavce ae ta re..e BQ, et le pole de la gratuit totale ,les cots de production
tant intgralement supports par les recettes publicitaires
1
,. Dùn cot, les mdias endent du
contenu a des consommateurs. De làutre, ils endent des audiences a des annonceurs ,de
làttention ou du temps de cereau disponible ,. Une source de inancement alternatie est
possible pour garantir la gratuit ,ou le aible prix de ente, sans placer le mdia sous la
dpendance des attentes des annonceurs ,et donc des contraintes dàudience, : la mise en place
dùn systeme de redeance par les institutions publiques. Cèst le cas en lrance, comme dans la
plupart des pays europens, pour inancer làudioisuel public. La redeance sur les postes de
tlision date de 1949 en lrance et elle a notamment eu pour ocation initiale de contribuer a
l`diication dùn rseau dàntennes relais sur tout le territoire. Jusquèn 2008 ,et la rorme de
làudioisuel public - c. section 4,, la redeance courait eniron 0 du inancement de la
tlision publique ,contre pres de 90 en Allemagne et au Royaume-Uni,.
Si lòn excepte donc les rares entreprises mdiatiques sans publicit, les mdias sont donc
placs sur des marchs a deux ersants qui rpondent a une conomie de plate-orme . Une
plate-orme est un intermdiaire qui rend possibles et acilite les interactions entre deux groupes
dàgents qui ont intrt a interagir ,Jean Gabszewicz et Nathalie Sonnac,. Ainsi, la satisaction
dùn consommateur pour un bien endu sur un march dpend de la taille de la demande pour
un autre bien sur un march dirent. Un exemple bien connu, les sites de rencontres
htrosexuelles sur Internet : plus le nombre de emmes inscrites est grand, plus lùtilit pour un
homme de sàbonner au site sàccroit, et inersement. Dans le cas des mdias, il y a eectiement
un lien direct entre les deux marchs quìls mettent en relation :
- Plus les consommateurs sont nombreux et,ou dots dùn important pouoir
dàchat , plus les annonceurs auront intrt a y placer leurs publicits. Il aut noter
que le olume dàudience globale ne constitue jamais le seul critere de ixation des
prix pour les annonces : la composition sociale du public constitue galement un
critere ondamental puisque lòbjecti des annonceurs est de cibler les
consommateurs les plus disposs a acheter les produits proposs.

1
Ln ralit, la gratuit nèst jamais totale puisque les cots publicitaires sont rpercuts par les annonceurs sur les
prix de ente de leur produit. Dùne certaine maniere, le consommateur dùn produit subentionne le consommateur
dùn mdia - ces deux consommateurs pouant idemment tre une seule et mme personne !
54

- Plus les annonces sont nombreuses, plus les recettes publicitaires sont importantes et
plus le mdia pourra inestir, proposer des contenus attractis a ses audiences et,ou
les endre au plus bas prix ,jusquà la gratuit,. Dans le cas de petites annonces, il
arrie mme que leur prsence justiie làcte dàchat du mdia !
Mais l`quilibre reste dlicat a trouer. Des annonces trop nombreuses ,comme a la radio par
exemple, peuent amener le consommateur a uir le mdia et a se rugier ers des entreprises
moins riches mais au contenu moins parasit par les rclames commerciales !

P78 3LeK? IDH@? @K JLeK? Y<QD<S=@?
*8 +@? JLeK? A@ MQLAGJKDL; BCAD<KDOG@
Les entreprises mdiatiques sont conrontes a deux catgories de dpenses pour
produire et diuser leurs contenus : des rais ixes ou rais dcroissants et des rais ariables
ou rais croissants .
- Dùn cot, elles connaissent un certain nombre de rais ixes , cèst-a-dire
lènsemble des dpenses ncessaires pour produire le prototype, cèst-a-dire le contenu original,
indpendamment du nombre de copies qui en seront aites ,dòu le terme de cots ixes,. Parmi
ces dpenses, certaines sont internalises : il sàgit du salaire des personnels, du cot des locaux,
des inestissements matriels ,rotaties, camras, studios dènregistrement, etc.,, des charges
promotionnelles ou publicitaires, etc. Dàutres peuent tre externalises ou sous-traites :
recours a des pigistes, achat de programmes raliss par dàutres producteurs, abonnements aux
dpches dàgences ou a toute autre entreprise de syndication de contenu, etc.
- Dùn autre cot, elles ont ace a des rais ariables qui renoient a lènsemble
des cots ncessaires pour reproduire, diuser et distribuer le prototype, le contenu original. Ils
sont ariables puisque, plus le nombre de copies augmente, plus ces cots s`leent. La aussi, ces
dpenses peuent tre internalises ,cas des imprimeries pour de nombreux quotidiens, ou
externalises ,messagerie de presse, rais postaux pour lènoi aux abonns, etc.,. Cette catgorie
de dpenses concerne aant tout la presse crite puisquèlle repose sur un lien physique entre le
contenu et son support : la circulation du contenu dpend de la circulation de son support
matriel. Ln lrance, ces rais ariables sont particulierement les ,papier, encre, rais
dìmpression, de distribution, dàutant plus quìl y a de nombreux inendus ,entre 10 et 30
selon les amilles de journaux,. La distribution ponctionne jusquà 50 du prix de ente, selon
des calculs raliss en 2006 ! Il aut y ajouter eniron 20 consacrs aux rais de abrication.

55

a8 !;@ D;AG?KQD@ A@ MQLKLK>M@
Comme de nombreux secteurs conomiques, lìndustrie mdiatique repose donc sur le
principe des conomies d`chelles : plus le nombre de copies est important, plus le cot total
diis par le nombre de copies diminue, plus le prix de ente marginal de chaque copie peut
diminuer. Prenons un exemple simple :

lrais ariables ~ 1 par exemplaire. lrais ixes ~ 100
DONC si 100 journaux endus, cot ~ 100 - 1001 ~ 200 ~ 2 , exemplaire.
si 1000 journaux endus, cot ~ 100 - 10001 ~ 1100 ~ 1,1 , exemplaire
si 10 000 journaux endus, cot ~ 100 - 10 0001 ~ 10 100 ~ 1,01 , exemplaire

Autrement dit, plus le nombre dèxemplaires sàccroit, plus les rais ixes ont tre amortis : seuls
les rais ariables inissent par tre pays par le consommateur ,ou par les annonceurs dans le cas
de mdias distribus gratuitement, !
Or ce qui caractrise l`histoire des mdias, cèst une diminution continue des rais
ariables. Cèst le cas pour la presse crite qui a u, depuis deux siecles, ses rais dìmpression et
de distribution diminuer tres ortement ,mme sìls restent en lrance particulierement les,.
Mais cèst surtout le cas depuis l`mergence des mdias lectroniques : radio, tlision et
aujourd`hui copies numriques ia lÀDSL. La dmatrialisation de lìnormation a ait disparaitre
les rais ariables ,le passage dùn support papier a un support numrique, entraine des
conomies alues entre 50 et 60 ,.
Ln dehors de la presse crite, les entreprises mdiatiques releent donc dùne industrie
de prototype , cèst-a-dire que les dpenses sont concentres sur les cots ixes au dtriment des
cots ariables. Dans les mdias lectroniques, cèst bien la abrication du contenu original qui
draine la quasi-totalit des dpenses. Par consquent, la qualit du contenu est directement lie
au olume du public : plus les audiences sont importantes, plus les reenus sont les ,quìls
soient pays par les publics eux-mmes comme dans le cas des chaines cables ou des sites
disponibles sur abonnement, ou par les annonceurs dont les dpenses sont indexes aux impacts
publicitaires estims,, plus les mdias peuent inestir dans des contenus onreux ,achats de ilms
a succes, inancement de sries exclusies, entretien de rdactions denses et exprimentes,
recrutement de edettes , etc.,. Lt thoriquement, plus les contenus sont jugs attractis, plus
làudience doit sàccroitre. A lìnerse, les chaines de tlision a aible audience sont condamnes
soit a inestir dans des programmes bons marchs ,sries dja multi-diuses, reportages bas
de gamme, tl-ralit achet a l`tranger, etc.,, soit a proposer une ore plus attractie mais en
56

obligeant ses tlspectateurs a sàbonner pour y accder ,la publicit ne suisant pas a inancer de
tels programmes,.
On comprend galement mieux certaines des diicults actuelles de la presse quotidienne.
Ln eet, les quotidiens ranais connaissent une importante dsaection depuis plusieurs
dcennies. Ils ont ace a trois diicults : ,1, lìmportance de leurs rais ariables ,qui doient
tre intgralement rpercutes dans le prix de ente du journal aux publics ou dans le prix de
ente des espaces publicitaires aux annonceurs,, ,2, leur aible audience qui ne leur permet pas de
raliser dìmportantes conomies d`chelles sur les rais ixes, ,3, leur aible audience qui ne leur
garantit pas de conortables recettes publicitaires. Autrement dit, pour demeurer rentables, ils
sont condamns a endre relatiement cher chaque exemplaire ,le prix dàchat des quotidiens a
lùnit est plus le en lrance que dans la plupart des pays comparables,. Ce prix dàchat le
dcourage de nombreux lecteurs. La spirale est ngatie ! Pour sèn sortir, les quotidiens peuent
mobiliser deux stratgies :
! soit ils diminuent leurs rais ixes ,de nombreux journaux ont u ondre leurs
eectis suite a une succession de plans sociaux pour permettre un retour a
l`quilibre, mais au risque de perdre en attractiit ,les rdactions nònt alors plus
les moyens de produire un contenu original, distincti et justiiant làcte dàchat,
! soit ils inestissent en augmentant les rais ixes ,stratgie du Movae en 1995 :
densiication des rdactions, recrutement de journalistes expriments, etc.,, ain
de renorcer la aleur ajoute du journal et esprer conqurir de noueaux
lecteurs. Le risque est alors de creuser ,au moins proisoirement, le dicit : si
làudience ne sàccroit pas, le cot marginal de chaque exemplaire s`lee, ce qui
oblige soit a augmenter le prix de ente, soit a reenir en arriere !

5

3N<MDKQ@ 48
+@? BCAD<? JLBB@ D;?KQGB@;K? A@ BD?@ @; YD?DSD=DKC

Il aut, dans un premier temps, reenir sur la double dinition des mdias prsents dans
lìntroduction et considrer quìndpendamment de lìdentit, des aleurs et des intrts de ceux
qui controlent les entreprises mdiatiques, les mdias ont un impact sur la ie sociale en raison de
leur capacit a produire de la vbticite. Ils aorisent la circulation dìdes ,bonnes ou mauaises,,
dìmages ,alorisantes ou dalorisantes, et contraignent ainsi de tres nombreuses institutions a
agir en onction des technologies mdiatiques disponibles, sous peine de subir la mdiatisation.

'@JKDL; /8 +@? @II@K? A@ =< YD?DSD=DKC BCAD<KDOG@
P/8 +@? BCAD<? L;K,D=? AG Z MLGYLDQ [ f
Làttribution dùn pouoir aux mdias est aussi ancienne que les mdias eux-mmes. Mais
les modalits que lòn prte a ce pouoir ont olu dans le temps. Depuis la Seconde Guerre
Mondiale, la capacit des mdias lectroniques a toucher simultanment et directement la quasi-
totalit des citoyens ait peser une responsabilit extraordinaire sur ceux qui les controlent. Or,
parallelement, le journalisme se proessionnalise, sàutonomise a l`gard des orces politiques et
dinit son role social autour de la diusion dìnormations objecties plus que de lèxpression
dòpinions. Le pouoir des mdias est dsormais imput aux journalistes en tant que corporation
juge capable de aonner des isions du monde et de peser sur les dbats idologiques et
lectoraux, en aonnant la ralit. Ce pouoir serait dàutant plus subtil et puissant quìl serait
masqu derriere làpparente impartialit des journalistes. Ces derniers auraient ainsi la capacit de
dinir làgenda politique ,cèst la clebre mtaphore du gate /eeer qui tablit la hirarchie des
sujets qui comptent politiquement, par exemple la croissance du chomage ou làttaque des trains
de banlieue, et a ixer les cadrages de làctualit ,les journalistes diniraient les problmatiques
lgitimes pour aborder ces sujets dàctualit,. Ainsi, pour les obserateurs de gauche, les mdias
de masse supporteraient une pense unique no-librale aorable les intrts des groupes
dominants ,grandes irmes, lites - mais paradoxe : ictoire du non au rrendum sur le
1rait constitutionnel europen de 2005,, tandis que pour les obserateurs de droite, les mdias
populariseraient une pense unique droit-de-l`hommiste , en apportant leur soutien aux
58

mouements ministes, enironnementalistes, etc. De tres nombreux intellectuels de gauche et
de droite sòpposent sur presque tout sau sur lìde que les journalistes constitueraient le groupe
social le plus puissant, le plus dangereux et le plus irresponsable.
Journalistes et mdias se oient ainsi imputer la responsabilit de tres nombreux
dysonctionnements sociaux. Làcces de Jean-Marie Le Pen au second tour de l`lection
prsidentielle en 2002, cèst la aute aux mdias ! Le sentiment dìnscurit, cèst la aute aux
mdias ! La iolence des jeunes, cèst la aute aux mdias ! La dsaection ciique, cèst la aute
aux mdias ! Une telle airmation est rgulierement aance mais sans preue empirique. Dùne
certaine maniere, en aisant preue dùn peu dìmagination, toutes les manieres de courir
làctualit politique pourrait tre enisag comme une contribution a làpathie du public. C.
citation Schudson : Les mdias sont-ils des enquteurs agressis et critiques dans lìntrt
public Alors ils dsillusionnent les citoyens. Les mdias sont-ils complaisants aec le pouoir
Alors le public est endormi dans làutosatisaction et lènnui. Les mdias sont-ils sceptiques,
ironiques ou distancis Alors ils encouragent la prise de distance du public. Les mdias sont-ils
plein d`loges et d`heureuses nouelles Alors cèst le tout a bien sdati et la bonne parole
des inormations locales. Sont-ils sensationnels Alors ils distraient leurs audiences des
proccupations politiques et communautaires.
Les responsabilits mdiatiques peuent tre parois juges posities par les
commentateurs ,ictoire de Kennedy sur Nixon, \atergate, dnonciation de scandales comme
làmiante par lìntermdiaire de journalistes de cievce. et rie ou làaire Cahuzac par Mdiapart,.
Pour autant, ces discours qui alorisent le role des mdias demeurent marqus par le paradigme
de lìnluence sur les cereaux, sur les aects et sur les comportements des audiences. Malgr les
dmentis des sciences sociales, cette croyance est dàutant plus rgulierement ractie quèlle est
nourrie par l`mergence de noueaux mdias ,c. les rolutions arabes qui auraient t causes
par lacebook et 1witter, et quèlle est entretenue par ceux qui ont intrt a aire croire au
pouoir des mdias ,notamment les communicants qui justiient ainsi leur actiit de conseil
aupres de leurs clients, et par tous ceux qui pourront attribuer leurs checs a une mauaise
communication ,Alain Jupp en 1995, ou a une mauaise mdiatisation ,lranois Bayrou en
200,.

Michael Schudson ,1be ociotog, of êr., considere quòn a tendance a surestimer le
pouoir des mdias pour la simple raison que les mdias sont la partie immerge de lìceberg des
inluences sociales sur le comportement humain. Il aut dàbord dconstruire cette notion de
pouoir. Ln eet, le pouoir n'est pas un attribut qui appartiendrait comme par magie a certains.
59

Le pouoir est une relation qui inite a multiplier les questions : sìl y a pouoir, cèst le pouoir
de qui prcisment Sur qui et quand Par quel mcanisme sèxerce-t-il Quels eets engendre-
t-il Comment obserer et mesurer ces eets La multiplication de ces questions souligne a quel
point le phnomene est complexe et ne peut se satisaire de propositions lapidaires.
Mthodologiquement, il est par ailleurs extrmement diicile d'isoler la ariable mdiatique pour
mettre a jour une relation causale entre consommation mdiatique et changement dòpinions ou
de comportements.
- Les sondages ont pour inconnient de soumettre les enquts a des questions souent
lapidaires et standardises, qui isolent les indiidus de leur enironnement social. On peut
tablir des corrlations entre consommation mdiatique et systemes de aleurs, mais ces
corrlations sont diicilement interprtables ,les mdias consomms inluencent-ils les
croyances des indiidus ou bien les indiidus sòrientent-ils ers les mdias les plus en
phase aec leurs aleurs ,.
- Lèxprimentation est une autre possibilit mais elle prsente galement un caractere
artiiciel, car les expriences menes en laboratoires ne peuent reproduire les conditions
relles de rception des inormations.

Or les premieres enqutes menes aux Ltats-Unis au cours des annes 1940 et 1950
autour de Paul Lazarseld tendent a montrer quèn matiere lectorale ,squence ou lòn peut
tester concretement lìnluence des mdias sur les pratiques !,, les eets des mdias sont limits.
Dùn cot, les indcis sont paradoxalement ceux qui sìnorment le moins. Peu intresss par
la politique, ils ne sèxposent que modrment aux messages mdiatiques. Leur ote rsulte
daantage des pressions de leurs groupes dàppartenance. Dùn autre cot, les personnes qui
sìnorment le plus sont par ailleurs celles qui disposent des opinions les plus tranches : leur suii
de la campagne lectorale joue principalement un role de renorcement des conictions
prtablies. 1rois conclusions majeures se dgagent de ces enqutes :
! 1out dàbord, elles mettent en idence que les usages des inormations sont
pluriels et arient selon la position sociale des indiidus : le public ne constitue pas
un groupe homogene, identiquement soumis aux discours mdiatiques.
! Lnsuite, les comportements lectoraux sont daantage dtermins par les
caractristiques sociales des indiidus que par leur consommation mdiatique.
! Lnin, lèxposition a la propagande lectorale est slectie : les personnes se
tournent en priorit ers les messages susceptibles de conorter leurs
prdispositions.
60

Ralises bien aant que la tlision ne domine lèspace mdiatique, ces tudes pourraient
paraitre anachroniques. Il nèmpche que leurs rsultats nònt, pour l`heure, jamais t inalids.
La plupart des recherches les plus rcentes conirment lìnexistence dèets massis et unioques
lors des campagnes lectorales. Dùne part, lèxposition a lìnormation politique reste troitement
corrle a lìntrt pour la politique et a la solidit des conictions. Dàutre part, tout message
mdiatique est polysmique : ses interprtations arient selon lìdentit des rcepteurs. Ainsi, le
sociologue amricain \illiam Gamson ,1at/ivg Potitic., a montr que les discours mdiatiques ne
constituent que lùne des ressources mobilises pour se orger des opinions et les exprimer
publiquement. Certes, les mdias ournissent des illustrations ou des slogans qui iennent
alimenter les discussions, notamment sur les sujets les plus loigns du quotidien des indiidus
, la banlieue , les immigrs , les politiciens , etc.,. 1outeois, les discours mdiatiques ne
pesent que sìls nèntrent en contradiction ni aec lèxprience personnelle, ni aec les conictions
les plus solidement ancres car hrites de la socialisation primaire. Les indiidus essaient de
rduire la dissonance cognitie donc se dirigent en priorit ers des mdias quìls jugent
audibles , regardables , cèst-a-dire a riori conormes a leur aleur et isions du monde.

Il aut donc acuer le modele de la propagande qui enisage les mdias comme des
armes de guerre psychologique, conoit un public passi et sans dense et rduit le mcanisme
du pouoir a lèndoctrinement. Cette perspectie tend a aire oublier la capacit dìnluence des
autres institutions : amilles, coles, systeme judiciaire, agences de l`Ltat, etc. La contribution des
mdias a la socit globale est celle dàcteurs culturels, cèst-a-dire de producteurs et messagers de
signiications, symboles et messages. Ils nòrent aucune incitation a leur audience ,ni carottes, ni
batons,, ni injonctions ni critiques, ni interdictions ni emprisonnements. Surtout, ils ne
sàdressent jamais directement a un indiidu de la mme maniere quùn enseignant, un parent, un
ami, un amoureux, un collegue. Les mdias nòrent que des mots et des images : ils ne sont pas
en position de rcompenser ou de punir ! Le pouoir des mdias, cèst un pouoir dùn genre
particulier, le pouoir ,ou plutot la capacit, a mettre en relation, a crer du lien :
- Les mdias aident a crer une communaut de sentiment ,par exemple, partage de codes
et de rrents communs dans un espace national - les mdias rappellent ce qui est lgal,
lgitime, justiiable dans tel ou tel milieu social, ,
- Les mdias aident a nourrir les conersations publiques ,ourniture dìnormations ou de
points de ue dont on peut prsumer quìls seront galement connus de nos
interlocuteurs,.

61

Par ailleurs, ce nèst pas parce que les outils mdiatiques orent certaines irtualits ,en
termes de publicit notamment, que ce pouoir appartiendrait aux mdiateurs et notamment
aux journalistes. Prenons quelques exemples emprunts pour certains a Schudson :
- Vous publiez une petite annonce dans un journal. Vous receez une douzaine de coups
de il : est-ce un puissant eet des mdias Dja, ce pouoir doit tre limit : 99 des
personnes qui ont lu otre annonce ne ous ont pas appel. Lt puis surtout dans ce cas, le
journal nèst quùn ecteur pour rotre inormation. Vous tes dans ce cas ce que Schudson
appelle un parajournaliste . Le journal nà pas eu dìnluence sur le contenu de otre
annonce ,a part rendre la publication coteuse si bien que ous deez limiter le ormat de
otre annonce,.
- Lors de làaire du \atergate, tous les loges ont t accords aux journalistes du
!a.bivgtov Po.t qui ont men lènqute : Bob \oodward et Carl Bernstein. On oublie
cependant trop souent de rappeler que leurs eorts ont t rendus possibles par la
uite dìnormation de la part de leur source conidentielle ,Deep 1hroat,, par la
olont dùn juge dral dènquter sur làaire, par le comit snatorial qui a exig la
remise du systeme dènregistrements de la Maison Blanche.
- Il y a une croyance orte aux Ltats-Unis selon laquelle la guerre du Viet Nam aurait t
perdue car les autorits politiques ont diminu lèngagement amricain pour rpondre a
un mcontentement de lòpinion publique qui aurait t inluenc par des mdias de plus
en plus daorables a la guerre a partir de 1968. Cette croyance a notamment t
hicule dans les milieux militaires ce qui explique le souci des tats-majors amricains a
carter les journalistes des zones de conlits au cours des annes 1980 et 1990. Ln ralit,
le mcanisme est beaucoup plus complexe : le sociologue Dan lallin a montr que la
couerture tlisuelle est demeure aorable a la guerre en 1968 : la couerture des
iolences est reste tres euphmise et peu de journalistes, notamment a la tlision,
ont exprim des doutes sur la poursuite de lèngagement amricain. Ln reanche,
lòpinion publique, elle, sèst are globalement daorable a ce conlit des 196. Ce
nèst pas en raison de ce quìls oyaient a la tlision mais en raison de ce quìls iaient
directement ou par lìntermdiaire de leurs proches. Cette contestation croissante a trou
des relais aupres des lites politiques, du ait notamment de la proximit de l`lection
prsidentielle de 1968. Le conlit est deenu un enjeu lectoral de premier ordre. Par
ailleurs, certains membres de làdministration amricaine se sont eux-mmes opposs a la
conduite des oprations et, pour maniester leur mcontentement, ont olontairement ait
uiter certains rapports contredisant les ersions oicielles. Autrement dit, les
62

journalistes ont rendre compte de ces oppositions parce quèlles ont progressiement t
relayes des sources institutionnelles crdibles dont on pouait rendre compte des
discours critique ! Cèst donc daantage lòpinion publique et lòpinion des lites qui a
inluenc la couerture journalistique que lìnerse !

Il aut donc tre igilant contre toute orme de mdiacentrisme , cèst-a-dire croire que les
journalistes sont les seuls producteurs de lìnormation et les seuls contributeurs aux idologies
sous-jacentes. Une telle perspectie tend a oublier le role tout aussi ondamental des sources
dìnormation et de tous ceux que Schudson qualiie de parajournalistes . Le danger sous-
jacent, cèst celui de l`hyperconstructiisme qui consiste a croire que la ralit est totalement
aonne par les mdias, que ces derniers orienteraient leurs reprsentations du rel dans un sens
donn pour satisaire des objectis de domination idologique.

P48 +< MGS=DJDKC BCAD<KDOG@ @K ?@? @II@K?
*8 2@? @II@K? A@ JL;;<D??<;J@U *#2'1"0@0,2+0.% @K A@ J@QKDIDJ<KDL;
,1, Des eets de connaissance : la distribution dìnormation a une large audience peut aoir
en elle-mme des consquences isibles et mesurables. Quelques exemples a noueau emprunts
a Michael Schudson :
- La diusion du portrait dùn assassin peut aciliter son arrestation.
- Les publicits commerciales permettent aux gens de prendre connaissance dùne ore
promotionnelle et de se rendre dans les magasins.
- Les inormations boursieres amenent a acheter et endre des actions.
- Des personnes apprenant làrrie dùn ouragan quittent leur maison.
La maniere dont les mdias construisent ou biaisent lìnormation pese peu par rapport au
simple ait de distribuer massiement des inormations. De ce point de ue, les mdias ont peu
de pouoir en propre. Ils sont dàilleurs le plus souent le relais de la communication de leurs
sources : ils serent aant tout de sous-traitants dans la transmission dìnormations !

,2, Des eets dàmpliication : les mdias dìnormation ont galement pour eet dàmpliier
la porte des inormations quìls hiculent. Ils mettent une audience aste et disperse a
disposition des institutions qui communiquent par leur intermdiaire. Les nouelles
mdiatiques agissent donc comme un ampliicateur.
63

Au Ie siecle, les mdias ont, parmi dàutres institutions, permis de mettre en contact
des campagnes jusquìci particulierement enclaes aec le monde extrieur ,au-dela des possibles
de lèxprience indiiduelle,. Ce pouoir dàmpliication ,de làire de circulation dìnormation, a
notamment aoris la croissance des entreprises, des industries, des commerces. Les publicits
commerciales ont idemment permis aux journaux de prosprer. Mais la disponibilit des
journaux pour les rclames a rendu possible le deloppement dènseignes a l`chelle nationale
oire internationale ,aire connaitre des produits jusque dans les coins les plus reculs - mise en
concurrence des produits locaux,. La presse a t un acteur essentiel dans làcclration des
changes conomiques et dans lèxpansion du capitalisme. De la mme maniere, la presse puis la
tlision a rendu possible une amiliarisation croissante des citoyens aec leurs lites politiques.
Dsormais les principaux leaders partisans constituent des protagonistes rcurrents de làctualit,
au point dàilleurs que les reprsentations mdiatiques rduisent souent làctiit politique aux
seuls jeux entre grands aues de la politique.
Ce pouoir dàmpliication publique grandit aec chaque noueau mdia et chaque
changement dans un mdia lui permet dàccder a une plus large audience. Pour reprendre le
mme exemple, la presse de masse de la in du Ie siecle a aoris la diusion dùn langage
commun et dùn point de ue commun sur le monde ,non pas que tout le monde ait entretenu les
mmes opinions mais que chacun ait pu sìnscrire dans des dbats ou des controerses similaires,
aec un ocabulaire politique commun,. La presse a bien particip au processus de nationalisation
a traers notamment la diusion des langues ernaculaires et lèntretien dùn sentiment
dàppartenance aux mmes communauts ,les communauts imagines sont dàbord des
communauts de lecteurs,, comme le montre notamment Benedict Anderson.

,3, Des eets de certiication : les mdias apportent par ailleurs une lgitimit aux
inormations quìls hiculent. Ils accrditent lìmportance des nouelles quìls mettent a
disposition de leurs publics ou des personnages dont ils rendent compte des actiits. Les sportis
ou les artistes oient ainsi leur image changer aupres de leurs proches lorsque leurs exploits ou
leurs oures sont rapports par des mdias nationaux ,et non plus seulement par la presse locale,.
Cette accrditation de lìmportance repose sur la crdibilit dont peuent jouir les mdias
dìnormation aupres de leurs audiences et donc sur la position quìls occupent dans lèspace
social. Les journaux, les radios et la tlision transorment dùne certaine maniere les
inormations auxquelles ils accedent : ils les transorment dans une orme culturelle un peu
particuliere appele nouelles ou inos . Une nouelle ou une ino , cèst une annonce
dùn genre particulier. Une nouelle annonce aux publics quùn sujet mrite làttention
64

publique. Cèst donc une annonce dont lìmportance et la racit est certiie par les journalistes.
Cela ne eut pas dire quìls ne se trompent pas, quìls ne relaient pas des rumeurs inalement
inondes ou quìls recoupent systmatiquement lìnormation. Cela eut dire que leur lgitimit,
leur crdibilit, leur prestige reposent aujourd`hui essentiellement sur leur capacit a certiier
quùne nouelle est raie et quèlle mrite làttention publique ,oprations de riication et de
hirarchisation de lìnormation,. Si les mdias jouent le role de messager pour les lites
politiques, il ne sàgit pas dùn messager pri.
Or làttention publique est un bien rare que de nombreuses institutions cherchent a
capturer pour satisaire certains objectis ,objectis de notorit, de popularit, dìnormation du
public, etc. C. introduction : les mdias comme ressources,. Les nouelles , cèst donc lùne
des ormes culturelles dominantes : cèst le principal langage a traers lequel les institutions
doient soumettre leurs messages pour bnicier dùne attention publique. Les mdias ont donc
pour pouoir de contraindre les institutions et les personnalits a adapter leur discours aux
ormats mdiatiques ou aux codes mdiatiques dominants. Cèst notamment le cas a la tlision
qui soumet toute prise de parole a des contraintes dèxpression draconiennes : rduction des
interiews a quelques petites phrases dans les reportages des journaux tliss, obligation
d`tre comprhensible par le plus grand nombre, etc.
Les journalistes essaient ainsi de prserer leur monopole de certiication des
inormations qui s`changent dans la ie publique. On comprend alors mieux leur rapport
complexe aec le web et plus prcisment aec des rseaux sociaux ,lacebook, 1witter,
susceptibles de redinir leur role dans lèspace public. Ils sèorcent donc de dendre leur
position de gardien de la isibilit mdiatique.
,a suire.,

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Nicolas Kacia - Analyse des mdias - 2013

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