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Démocratie et croissance économique

L'autoritarisme a-t-il fait les preuves de son efficacité ? Il est incontestable qu'un certain
nombre d'États, relativement autoritaires, tels que la Corée du Sud, Singapour avec Lee
Kwan Yew ou la Chine après les réformes de 1979, ont connu un taux de croissance plus
soutenu que des pays moins marqués par cette caractéristique (l'Inde, le Costa Rica ou la
Jamaïque, par exemple). Mais, si cette thèse s'appuie sur des informations partielles et
soigneusement sélectionnées, elle n'est, en aucune manière, étayée par une comparaison
statistique fiable de l'ensemble des données disponibles De fait, aucune série de preuves
convaincantes ne permet d'étayer les mérites des gouvernements autoritaires, ou de
justifier la suppression des droits démocratiques dans la perspective du développement
économique..
Remarquons qu'il est important de ne pas s'enfermer dans une impasse
méthodologique. Elle consisterait à se focaliser exclusivement sur les données statistiques,
quand il est indispensable d'examiner et d'analyser aussi l'enchaînement causal qui est à
l'œuvre dans la croissance et le développement. Les politiques économiques adaptées à un
contexte général, qui ont favorisé les succès des pays d'Asie, sont aujourd'hui assez bien
connues. Si les études ont pu, selon les cas, mettre l'accent sur des aspects variés, tout le
monde s'accorde sur une liste commune d'“ orientations propices ”. Elles comprennent
l'ouverture à la concurrence et au marché mondial; la généralisation d'un haut niveau
d'éducation; une réforme foncière menée à terme et un soutien public aux investissements;
l'orientation vers l'industrialisation et les exportations. On serait bien en peine de trouver
une quelconque incompatibilité entre l'un de ces facteurs et le processus de
démocratisation, ou, à l'inverse, de montrer que leur efficacité a pu être améliorée par les
éléments d'autoritarisme qui prévalaient en Corée du Sud, à Singapour ou en Chine.
En fait, la liberté politique joue un rôle protecteur. Je me contenterai d'un bref exemple.
Il concerne la relation entre, d'un côté, les libertés politiques et les droits civiques, et de
l’autre, la liberté d'éviter les désastres économiques. L'absence de famines dans les
régimes démocratiques nous fournit l'exemple le plus évident de cette connexion. Aucun
pays démocratique, même le plus pauvre, n'a jamais subi de famines. La raison en est que
la prévention de ce fléau ne présente aucune difficulté pour autant que les gouvernements
aient la volonté de la mettre en œuvre. Bien entendu, une démocratie multipartite, dotée
de médias libres et d'un système électoral, constitue, pour un gouvernement, une forte
incitation politique à prendre les mesures préventives.
Droits civiques et libertés jouent un rôle instrumental déterminant, mais il existe aussi,
dans la relation entre besoins économiques et libertés politiques, un aspect constructif. Si
l'exercice des droits démocratiques élémentaires facilite une réaction politique à
l'expression politique des besoins économiques, il intervient aussi dans la conceptualisation
- qui inclut la compréhension -des “ besoins économiques ”. On peut tout à fait défendre
l'idée que la meilleure manière de définir les besoins économiques - leur contenu et leur
force - passe par la discussion et l'échange.
On sous-estime trop souvent la portée et l'efficacité du dialogue ouvert dans la
définition des problèmes politiques ou sociaux. La discussion publique joue, par exemple,
un rôle majeur dans la réduction des taux de fertilité élevés, caractéristiques de nombreux
pays sous-développés. À de nombreux indices, on sait que la baisse significative du taux de
fertilité dans les États les plus alphabétisés de l'Inde résulte, pour une bonne part, des
débats organisés à ce sujet, concernant, particulier, les effets néfastes des naissances à
répétition sur la vie des jeunes femmes et sur l'ensemble de la collectivité. S'il est admis,
aujourd'hui, au Kérala ou au Tamil Nadu, qu'une famille heureuse, à l'époque moderne,
compte peu de membres, cette conviction résulte d'une longue pratique de débats publics.
Le Kérala affiche une fertilité de 1,7 (chiffre équivalent à celui de la Grande-Bretagne ou de
la France et inférieur au taux chinois de 1,9) sans jamais avoir mis en œuvre de politique
coercitive. Ce chiffre reflète l'émergence de nouvelles valeurs, apparues à la faveur d'un
processus dans lequel le dialogue social a joué un rôle essentiel. Le haut niveau
d'alphabétisation de la population et des femmes en particulier, qui n'a d'équivalent dans
aucune province chinoise, a beaucoup contribué à l'instauration de ce dialogue social.
D’après A. Sen. Un nouveau modèle
économique. 2000.
Questions :
1/ En quoi l’autoritarisme peut-il favoriser la croissance économique ?
2/ Quel sont, pour A. Sen, les véritables causes de la réussite économique des pays autoritaires ?
3/ Pourquoi la démocratie joue-t-elle un rôle protecteur ?
4/ Qu’entend l’auteur par rôle “ constructif ” de la démocratie ?

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