BELGIQUE

C R I S E D U LA IT
une solide ardoise, avoue tionne comme ça. » tefois faire évoluer les habi-

Colruyt ouvre une brèche Bernard Bartholomé qui pro-

Le distributeur flamand vend désormais du lait dont le prix commerciales. Mais les pa-
trons de Colruyt se montrent
a été négocié directement avec des fermiers wallons. Une pre- enthousiastes. Un contrat
mière en Belgique. Et un geste symbolique alors que le cours est vite conclu. Pour une pre-
du lait est au plus bas. mière période d’un an.
duit 880 000 litres de lait par
an. Pour l’instant, les four-
nisseurs me font confiance. »
Quant aux créances ban-
caires, les producteurs doi-
vent sans cesse demander
des reports de rembourse-
ment, avec, bien entendu,
Ce nouveau lait est désor-
mais vendu dans la plupart
des magasins Colruyt du
pays, dans une version demi-
tudes de consommation.
Des dégustations seront of-
fertes dans les magasins. En
Belgique, plus de 90 % du lait
écrémée, à 1,09 euro le litre. consommé est du lait UHT.
« C’est beaucoup plus cher La proportion est inverse
que le lait Everyday à 57 aux Pays-Bas où le lait frais
cents, admet Luc Rogge. se boit même lors des réu-
Mais, ici, nous offrons un nions d’affaires.

T
des intérêts à payer en plus. produit haut de gamme. Luc Rogge, L’idée pourrait même faire

outes les crises
ont leurs belles
histoires. Celle
dulaitn’échappe
pas à la règle. Le
18juindernier, une quinzaine
de fermiers wallons revien-
nent de Bruxelles, où ils ont
été manifester leur colère. En
remontant la E 429, ils déci-
dent de s’arrêter à Halle, au
siège de Colruyt et de bloquer
les dépôts avec leurs trac-
teurs. Après une heure de blo-
cus, Luc Rogge, directeur gé-
néral de la firme flamande,
descend discuter avec les ma-
nifestants. Lui-même est fils
REPORTERS
un litre acheté à 19,5 cents Du lait comme on en buvait Au prix de revient Pour le trio, négocier le prix Pour nous, c’est une occa- le directeur général des émules. L’avenir des fer-
(20,5 cents aujourd’hui) aux chez nos grands-mères. A combien s’est négocié le directement avec le distri- sion d’aider les fermiers et, de Colruyt, se dit serein. miers passe aussi par la di-
producteurs et vendu trois Des employés de la firme prix d’achat du lait ? Les fer- buteur Colruyt et la laite- bien sûr, une opportunité de versification. Aux Pays-Bas
fois plus cher dans les rayons sont invités à une dégusta- miers ont dû signer une rie Vermeersch de Sint-Pie- nous distinguer de concur- pays. Aux Etats-Unis, les encore, certains se sont
des grandes surfaces, qui s’en tion comparative. Devant clause de confidentialité. On ters-Leeuw, qui s’occupera rents comme Aldi ou Lidl. » agriculteurs piquent leurs même lancés dans la... pis-
met plein les poches ? Le dis- eux : un verre du lait des trois peut néanmoins deviner que du traitement de leur lait, En outre, plusieurs sondages bêtes à la BST, l’hormone so- ciculture. Et ça marche !
tributeur ou la laiterie qui fermes wallonnes et deux cela se situe au-delà de 33 est exceptionnel. Cela montrent qu’actuellement matotropine, pour aug- « Toutes les idées novatrices
pasteurise et emballe le lait? verres de briques de lait ven- cents par litre, soit leur prix constitue même une pre- 60 % de la population est menter leur production. Il sont intéressantes et il faut
En s’engageant à verser dues chez Colruyt. Un panel de revient, à savoir : les cré- mière en Belgique. « Habi- prête à payer le lait plus cher faut savoir ce qu’on veut... » les encourager, convient
quelques cents pour chaque de consommateurs fera le dits bancaires pour le maté- tuellement, je livre du lait pour soutenir les produc- Alain Masure, conseiller
litre de lait de consomma- même genre d’exercice. Les riel – machines à traire, trac- pendant un mois et je dé- teurs en crise. « En Belgique, Bousculer les habitudes pour le secteur laitier à la
tion, début juillet, la Fedis (fé- résultats des tests ne seront teurs, etc. –, mais aussi couvre le prix auquel il me la qualité de notre lait est un L’initiative ne risque-t-elle Fédération wallonne de
dération des distributeurs) a pas divulgués, pour éviter l’électricité, l’eau, les hono- sera payé seulement vers le atout, c’est le top mondial, pas d’irriter les gros indus- l’agriculture (FWA). Mais ce
sans doute donné un début sans doute de donner aux raires de vétérinaire, les fac- 24 du mois suivant, explique soutient Etienne Allard. Si triels laitiers, comme Da- ne sont que des gouttes dans
de réponse... Mais le sujet agriculteurs un argument de tures des fournisseurs, pour Pierre Scolas. Aucun autre les fermiers belges font fail- none, fort présent en Bel- un océan. Chaque année, les
reste tabou. Secret défense ! poids dans les tractations le fourrage par exemple. « J’ai métier au monde ne fonc- lite, on dépendra d’autres gique ? D’autant que le fermiers belges produisent
Pas étonnant donc que, leader européen profite de 3,3 milliards de litres de lait.
même face à un fermier dé- la baisse du prix du lait pour Tout le monde ne peut pas
FRÉDÉRIC PAUWELS/LUNA

terminé, Luc Rogge refuse de engranger davantage de bé- se diversifier. Le problème

« LA QUALITÉ
DE NOTRE LAIT,
C’EST LE TOP
MONDIAL »
de fermier. Il demande aux
agriculteurs ce qu’il peut faire
pour eux.
L’un d’eux, Bernard Bar-
tholomé, à la tête d’une ex-
ploitation de 150 bêtes à Re-
becq, lui répond tout de go :
« Montrez-nous les factures
d’achat de vos produits lai-
tiers des six derniers mois,
ensuite on ira voir les prix
dans les rayons de votre ma-
gasin. » Le Rebecquois, qui
touche alors à peine 19,5
cents par litre de lait vendu
espère ainsi découvrir la
marge pratiquée par le dis-
tributeur.
Depuis la chute vertigineuse
du prix du lait, le débat sur
les marges est houleux : sur
montrer ses factures. néfices (en hausse de 7,6 % reste celui des marges pra-
pour les six premiers mois tiquées par les industriels et
Un contrat d’un an de l’année !). Luc Rogge se les distributeurs. » Colruyt
Bernard Bartholomé de- dit serein. Ce premier a, en tout cas, ouvert une
mande alors au n° 2 de Col- contrat, qu’on pourrait qua- brèche sans précédent. Un
ruyt s’il est prêt à acheter un lifier de projet pilote, ne petit ruisseau qui pourrait
produit fini à quelques pro- porte pas sur une quantité devenir une grande rivière...
ducteurs. « Pourquoi pas ? » énorme. Colruyt espère tou- ● THIERRY DENOËL
répond Rogge. Le siège de
Halle est aussitôt levé. Le len-
demain, le fermier rappelle
le directeur général pour voir LA BANDE DES FÉLAIT
s’il parlait sérieusement. Si sa Autre initiative. Depuis 2007, le lait des Félait est commer-
proposition tenait toujours. cialisé dans plusieurs grandes surfaces (Carrefour, Cora...) pour
Rendez-vous est pris. Bar- valoriser le lait ardennais. Depuis la crise du lait, des distribu-
tholomé rameute deux pro- teurs comme Intermarché, Mestdagh et Champion se sont ajou-
ducteurs amis, Pierre Scolas, tés à la liste. Ce produit 100 % wallon de la société Solarec, dé-
d’Ophain, et Etienne Allard, tenue par les coopératives Chéoux (de Rendeux) et Lac+ (de
de Petit-Enghien. L’idée est Ciney), constitue, lui aussi, « une application aboutie du prin-
de produire et de vendre un cipe du producteur au consommateur », selon les termes de
lait en pasteurisation haute, Benoît Lutgen, ministre wallon de l’Agriculture. Ici, le lait est
c’est-à-dire chauffé à une tem- acheté au cours normal aux producteurs. Dans les magasins,
pérature moindre que l’UHT Bernard Bartholomé il s’affiche 10 cents plus cher que les autres laits. Les béné-
classique et donc au goût plus (à droite), avec ses fices engrangés sont alors reversés aux producteurs des deux
proche de celui du lait cru, collègues Pierre Scolas coopératives. Pour l’instant, le Félait, vendu uniquement en
mais conservable 24 jours en (à gauche) et Etienne Allard. broque d’un litre demi-écrémé, ne représente que 500 000 li-
Produire du lait comme on
frigo au lieu de six mois à l’air en buvait chez nos grands- tres par an. C’est déjà ça. ■
libre pour les briques d’UHT. mères.

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