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La
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Ulnzalne
littéraire Numéro 84 Du 1- au 15 décembre 1969

un inédit
de

arl e

Le père de
Jacquou le Croquant
·Claude Roy. Le Journal d'Anaïs Nin
SOMMAIRE

a LE LIVRE Claude Roy Moi Je par Maurice Nadeau


DE LA QUINZAINE

5 TELEVISION Eugène Le Roy Jacquou le Croquant par Michèle Albrand


L'Ennemi de la mort

8 ROMANS FRANÇAIS Jacques Henric Archées par Josane Duranteau


Michel Huriet La Fête de la dédicR('e . par Alain Clerval
'1 Rachel Mizrahi Harry par Marie-Claude de Brunhoff

8 MEMOIRES Anais Nin Journal 1931-1934 par Diane Fernandez

10 INEDIT Change 4 La mode


L'invention (extraits)

Lettre à l'Union des Ecrivains

Propos recueillis par


Pierre Bourgeade

Poèmes élisabéthains traduits par


Philippe de Rothschild

La dimension cachée par Jean Duvignaud


La forme et le sens
L'univers de Rembrandt par Jean Selz
Les plus belles eaux-fortes dt'
Rembrandt

Eloge de la société de consommation par Bernard Cazes

La guerre et le socialisme
révolutionnaire

La vie de cour dons l'ancien Japon par M.-C. de B.


au temps du prince Gengi

w par Georges Perec

Leonora Carrington par Simone Benmussa


La mise en pièces du « Cid » par Gilles Sandier
La Paix

Publicité littéraire : Crédits photographiques


22, rue de Grenelle, Paris-7 e •
Téléphone : 222-94-03.
p. 3 D.R.
D.R.
Publicité générale : au journal.
p. 5 Photo X.
Prix du n· au Canada: 75 cents.
p. 6 Le Seuil, éd.
Abonnements : Gallimard éd.
Un an : 58 F, vingt-trois numéros. p. 7 Grasset éd.
Six mois : 34 F, douze numéros.
Etranger: p. 8 Stock éd.
Un an : 70 F. Six mois : 40 F.
Pour tout changement d'adresse : p. 10 Vasco.
envoyer 3 timbres à 0,30 F. p. 16 Galerie Denise René.
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bancaire, chèque postal : p. 17 D.R.
C.C.P. Paris 15.551.53.
p. 18 D.R.
Directeur de la publication : p.20 Roger Viollet.
François Emanuel.
p.22 Roger Viollet.
Imprimerie: Graphiques Gambon p. 23 Roger Viollet.
Printed in France p.26 D.R.
LE LIVRE DB

LA QUINZAINE
L'histoire d'une conversion

1
Claude Roy
Moi je
Gallimard, éd., 480 p.

Voilà bien un t i t r e à la
Claude Roy. En forme d'ai-
mable provocation à Pascal,
en dépit de Montaigne et
de Jean-Jacques, en dépit de
tous ceux qui se sont fait un
nom en littérature par confes-
sions, autobiographies et jour-
naux intimes. Mais c'est aussi
une façon d'annoncer la cou-
leur. Et, en fin de compte,
il y a là moins de désinvolture
qu'il n'y paraît.

Si « le « Moi je » n'est pas poli »,


av~rtit Claude Roy, il est « par-
fois utile pour apprendre enfin à
dire nous. ~ Ce que cet « essai 1916 : Claude Roy et son père. 1956 CT",u!,' Roy et son fils.
d'autobiographie ~ veut surtout
montrer c'est le passage du « je ~
au « nous ~, ou encore, la façon suspecté du péché d'existentia· désir d'approcher en perfection mais comme à regret et en se
dont un jeune homme qui se lisme par les staliniens, du péché deux grands modèles: l'un, Tché- cherchant beaucoup d'excuses, et
prend pour le centre du monde de stalinisme par les sartriens, du khov, qu'on pourrait appeler son l'on peut se demander si son sen·
finit par insérer sa « petite his- péché de scepticisme par les oppo- maître de vie (pour ne pas dire timent de culpabilité ne vient pas
toire personnelle :. dans « la sitionnels, et du péché d'aristocra- de morale), l'autre à qui il res- en partie de ce qu'il a confondu
grande liistoire des hommes ~. tisme p,ar tout le monde. Mais la semble davantage par sa mobilité Maurras avec Lénine, Thierry
Nous sommes conviés à accompa- menJeille des menJeilles, c'est que d'esprit, sa curiosité en tous do- Maulnier avec la Liberté de Dela-
gner le récitant dans la première j'assumais à la fois tous ces péchés- maines, son intelligence, son côté croix. Il s'amuse à noter les pali-
étape de son voyage. là, prêt à m'en confesser, et à de- de brillant touche-à-tout : « Di- nodies de. bien des têtes pensantes
mander poliment fabsolution. :. derot est mon maître. Maître de entre 1930 et 1940 et cela fait
Le ton est plus gouailleur la recherche du constant dans fin- certes de curieux itinéraires en
L'omoier et la postière qu'amer ou désespéré. Claude Roy constance, du vrai dans la versa- zigzags, mais son « socialisme
ne se sent pas coupable à la façon tilité, du pur dans le mélange. national :. est·il justifié par les
de Kafka, et il ne se prend pas au Maître du zig-zag d'aigle, de la errements de Mauriac, de Drieu,
D'abord, il y eut l'enfant. Pour tragique. Néanmoins, et ce sera diagonale vertigineuse qui saisit de Giono ou de Nizan ? Il faut
Claude Roy, pas plus intéressant, une surprise pour beaucoup de le fil des choses dans la transver· plutôt le féliciter d'avoir changé
sympathique ou malheureux que ceux qui le voient virevolter avec sale du multiple... :. Vertu des de camp en un temps où il y avait
beaucoup d'autres, entre un père tant d'aisance, de virtuosité, de modèles : Léautaud, également, péril à le faire, et si de nouveau,
froid et distant, une mère de tête maîtrise, il se sent comme tout se serait volontiers vu en fils spi. mais cette fois à propos du stali-
un peu légère, en somme des pa- un chacun (surtout parmi les écri- rituel du plus spirituel des fils nisme, il s'est nourri d'illusions,
rents mal assortis que la Grande vains) mal à l'aise dans sa peau, du XVIIIe siècle. Chacun voit son s'il s'en nourrit encore à propos
Guerre avait fait se rencontrer timide (mais oui), peu confiant modèle avec ses lunettes. du rôle qu'aurait pu jouer Mau-
sous l'édredon rouge d'un lit cam- en ses dons (qu'on peut pourtant rice Thorez (où est-il allé cher·
pagnard, en pleine ligne de feu. lui envier) et souvent porté à «en cher que le « fils du peuple ~
n était officier, elle était postière, faire trop:. (et le sachant au mo- La tentation politique aurait pu être autre chose que ce
et cela faisait plus de quatre ans ment même, ce qui n'arrange pas qu'il a été : un parfait valet de
qu'ils se donnaient mutuellement les choses). Voilà qui nous le rend Staline ?), du moins, à la diffé-
du plaisir. L'enfant n'~tait ni pré- proche et, par ce regard porté sur Toutefois, si les écrivains qui rence de la plupart de ses cama-
vu ni souhaité. Ils seront désor- lui-même sans complaisance ni comptent, entre la fin du règne rades du Parti, a·t·il tiré du Rap-
mais tenus de se marier et de vivre masochisme, encore plus sympa- de Louis XIV et la Révolution, port Krouchtchev les conclusions
ensemble. Qui paiera les pots cas- thique: s'il agace parfois, il sont tous un peu penseurs et phi. qui s'imposaient. Peut·être n'est.
sés ? Le jeune Claude, condamné s'agace davantage encore. losophes, ou encore réformateurs ce pas encore là l'essentiel : « Ma
à sept ans de prison au lycée Puisqu'il en est à se juger des· mœurs, ceux d'après 1920 véritable mutation intérieure, la
d'Angoulême. mais c'est d'un jugement continu n'ont guère évité la tentation poli- plus profonde au moins, ce n'est
qu'il s'agit quand on se tient tique, de Malraux à Drieu ou Ara· pas le passage d'un projet chime·
De cette séquestration date sans comme cela sous le regard durant gon jusqu'à Gide (qui retrouva rique de socialisme aristocratico·
doute pour Claude Roy un senti- presque cinq cents pages - il ne ainsi une seconde jeunesse). Clau- fasciste (un socialisme en cluzm·
ment de culpabilité qui ne l'a délire pas non plus quant à son de Roy, qui a vingt ans en 1935 bre, une utopie amère élaborée en
guère quitté et qu'il discerne talent d'écrivain. Il en voit les et ne se prend pas e n cor e vase clos) à finsertion volontaire
encore en lui vingt ans plus tard : limites et on le trouve même un pour un écrivain, commence par dans le grand projet collectif du
« Ainsi je réussissais aux alen- peu sévère à son endroit. Il est la politique et prend le mauvais socialisme réel, à fadhésion aIL
tours de 1950 la menJeille d'être vrai qu'il est aiguillonné par le chemin. Il en convient, certes, P.C.F. Ma vraie conversion radio
~a
La Quinzaine littéraire, du 1'" au 15 décembre 1969
INFORMATIONS

cale, c'est le passage de fesprit sauté, et définitivement. En pre- A paraître ses qu'elle a connues au cours de
ces douze mois, des souvenirs de la
d'aristocratie à fesprit de démo- nant congé du « jeune homme vie en U.R.S.S. et sur la grande et
cratie, que l essaie de vivre tota- plutôt bête» (il se calomnie) qu'il A l'occasion du centenaire de la petite histoire du Kremlin.
lement. (Y parvenir, une autre a tout de même pris plaisir à nous naissance de Gandhi, les éditions Al- Chez le même éditeur paraît un
affaire). » montrer, Claude Roy débouche bin Michel nous proposent, sous le ouvrage collectif sous la direction de
« Conversion » qui a demandé sur un « nous » qui formera la titre de Gandhi et Romain Rolland, Jean Chevalier et Alain Gheerbrant :
un ouvrage où se trouvent rassem- Dictionnaire des symboles. Il s'agit
du temps et qui ne découle pas matière de son deuxième tome. blés, outre la Correspondance entre d'une vaste anthologie abondamment
d'une « révélation ». Quand le Il faudrait dire un mot de la les deux hommes, des extraits du illustrée de l'imaginaire et de l'in-
caporal de blindés Claude Roy façon dont Claude Roy conçoit Journal de R. Rolland et des textes. conscient collectif : les mythes, les
s'évade du camp de Lorraine où qu'on puisse parler de soi, en ce divers. rêves, les couleurs, les gestes, les
Dans la collection «U 2 • Etudes formes, les figures, les coutumes, etc,
les Allemands le retiennent pri- moment. Ni à la façon de Jean- répertoriés et expliqués par une équI-
allemandes ., chez Armand Colin, pa-
sonnier, c'est pour faire confiance Jacques, cela va sans dire, ni à raît une étude de François Reitel, pe d'ethnologues, d'historiens et de
à Pétain et débarquer à Vichy où celle de Gide, ni même à celle de consacrée aux deux Allemagnes psychanalystes.
il trouve de l'embauche. Il est, Michel Leiris. Mais qui doit bien, contemporaines, dans les perspecti- Aux Presses Universitaires de
certes encore, en excellente com- peut-être, aux unes et aux autres ves de la géographie humaine : les France, on annonce un nouveau re-
Allemagnes, les hommes, la terre, les cueil de textes de Freud inédits en
pagnie, de Pierre Schaeffer à tout en s'affirmant originale. L'ap- régions. Une brève géographie régio- France et traduits par Jean Laplanche
Emmanuel Mounier et Albert pellera-t-on butinage ? On pense- nale de l'Allemagne ainsi qu'une bi- et Denise Berger : la Vie sexuelle.
Ollivier, et n'est-il pas piquant ra au papillon qui vole de thème bliographie et des documents en al- Signalons également, traduit pour
qu'il entre en rapport avec Aragon en thème, de buisson en buisson lemand complètent cet ouvrage qui la première fois en français, un
met l'accent sur le milieu humain, et commentaire du Monde comme vo-
et le couple qui n'est pas encore (selon la saison, le lieu ou l'évé- sur les aspects économiques et dé- lonté et représentation de Schopen-
devenu fameux par un article de nement), alors qu'il faut plutôt mographiques des deux pays. hauer : De la volonté dans la nature,
« l'Action Française» où il célè- évoquer l'abeille, dont la ré- Sous la direction de Pierre Daninos
ainsi qu'un ouvrage qui rassemble les
bre le poète du Crève-cœur ? flexion, on le sait, s'appelle écrits pédagogiques d'Henri Wallon :
est publié à «Edition Spéciale. un la Pensée pédagogique d'Henri Wal-
Durant cinq mois il assure des « miel ». Nous ne pouvons plus livre intitulé le Pouvoir aux enfants et lon, par Tran-Thong.
émissions littéraires à la «. Radio nous accommoder d'un discours où cinquante enfants, filles et garçons
de tous milieux, ont raconté et expli- Les quatre Grands Prix de l'Hu-
Nationale ». Assurément, les suivi, Claude Royen est le pre- qué ce qu'ils pensaient de la vie, de mour Noir ont été décernés pour
choses étaient moins nettes ou mier persuadé, et pour une vérité la mort, des villes, de l'argent, de la 1969 à Arrabal pour l'ensemble de
plus compliquées qu'elles ne nous plus approchée, une portée plus guerre, de la politique. L'ouvrage, son théâtre, à Yolande Paris pour
d'une drôlerie irrésistible, est promis son roman Une Fève et deux étages
le paraissent aujourd'hui et Clau- grande de la parole, il nous faut (Losfeld), au dessinateur Gourmelin
à un grand succès de librairie.
de Roy peut en effet tirer quelque laisser tomber chevilles et articu- pour ses Chefs-d'œuvre du dessin
fierté de cette « guérilla de plu- lations. La logique, y compris la Chez Fayard, Michel Tatu nous (Planète) et enfin au chanteur noir
me » qui va le conduire à la ré- logique du souvenir, n'ont que présente, dans la collection «En tou- Yvan Labéjof pour son disque Lichez
te liberté., un ensemble de textes les chiens... (Vogue).
sistance active, puis au Parti. Le faire là où le regard fouille dans d'Alexandre Dubcek : Du printemps à
médiateur, on le sait, fut Aragon, ce qui ressemble plus à un débar- l'hIver de Prague. Le prix Marie Noël 1969 a été at·
tribué à Robert Gavrel pour l'ensem-
« l'enchanteur Merlin des mots » ras (notre vie passée) qu'à un Après Vingt lettres à un ami, paru ble de son œuvre (sept recueils de
qui lave le pénitent de tout sen- rayon de conserves pour temps en 1967 aux éditions du Seuil (voir poèmes parus chez Jean Grassin :
timent de culpabilité par une futurs. Le coq y fait bon ménage le n° 39 de la Quinzaine), et où Svet- les Soleils noirs, le Sang des am-
phrase magique : « Petit, rim- avec l'âne et il y aurait de la lana Alliluyeva nous racontait son en- phores, En marge de la nuit, Au lar·
fance et la mort de son père, la fille ge de l'amour, les Etranges, Sous le
portant ce n'est pas d'où on vient, cruauté à les séparer. Le sérieux de Staline publie un nouveau livre signe de Vénus, les Sept miroirs).
c'est où on va. » peut avoir le pied léger. Le ba- qui commence par son départ pour Pierre Basson a obtenu le prix du
vardage même se fait excuser par l'Inde avec les cendres de son mari et Roman Populiste pour son roman, la
le charme de la voix. Bref, Claude s'achève un an après, en décembre Tête, paru chez Julliard, tandis que
Une nouvelle 1967 aux Etats-Unis : En une seule Jean Davray est lauréat du prix Com-
Roy chante juste, dans son ton et année (Robert Laffont). On y trouvera bat pour son roman le Désert, publié
famille son registre. C'est vraiment plai- mêlé au récit des tribulations dlver- chez Fayard.
sir de l'entendre.
Dès ce moment, celui qui avait Maurice Nadeau
tendance, entre un père trop dis-
tant et une mère frivole, à se P.S. le suis très touché par les
M.
tenir pour un orphelin, découvre nombreuses marques d'estime ou
ou retrouve une famille. Dès ce d'amitié venues des lecteurs et amis A~

moment il fait bon ménage avec de la Quinzaine littéraire à l'occa- vm.


lui-même. Dès ce moment il sion du Prix qui m'a été décerné. Date
s'aperçoit que son destin person- le les en remercie de tout cœur.
nel prend un sens en s'insérant A propos de ma démission du 80uscrit un abonnement
dans une histoire plus vaste : «De Renaudot, je dirais simplement que o d'un an 58 F 1 Etranger 70 F
Stalingrad à Chateaubriant, de le choix du lauréat de cette année, o de six mois 34 F 1 Etranger 40 F
Madrid à Canton, d'Athènes à choix acquis précipitamment et sans règlement joint par
Belgrade, les hommes les plus discussion préalable, ne répond pas
lucides et les plus courageux de au sentiment que je me fais d'une
o mandat postal 0 chèque postal

mon temps avaient une pensée récompense destinée jusqu'à présent o chèque bancaire
commune qui inspirait une action à honorer le talent plutôt que la Ren voyez celle carte à
commune. En devenant un mem- médiocrité. Directeur d'une collec-
bre de la grande armée de la rai- tion qui publie aussi des jeunes La Quinzaine Unir.lre
son militante, je devenais un mil- romanciers, j'avais en outre des
lionnième de cette masse réflé- raisons personnelles de me trouver 43 rue du Templ'~.
Paria 4.
chie. :. Si l'enthousiasme ancien de plus en plus mal à l'aise à l'inté· c.c.P. 15.SH.53 Paris
s'est, depuis, quelque peu refroidi, rieur d'un jury chargé de distinguer
il n'empêche que le pas a été les mérites des uns et des autres.

4
TBLEVISION

Du fond des âges


Eugène Le Roy mais, sous les orages, ne baissera la
/acquou le Croquant tête, cette tête remplie de rêves et
Calmann-Lévy éd., 357 P . des visions des grands hommes de la
Révolution.
L'Ennemi de la mort Alors, d'un trait manichéen, il di·
Calmann-Lévy, 326 p. vise l'humanité en deux camps :
nantis et gueux, bons et méchants.
Simpliste? Non. Car, ce parti étant
pris, il ne met pas en scène des
Il avait toutes les qualités types, mais des gens qu'il connaît
pour ne pas • réussir » : ti- bien et, grâce à son talent satirique,
mide, fier, intransigeant, ré- sa verve et son humour, ou bien sa
volté, révolutionnaire, mau- pitié tendre, en quelques mots, il
vaise tête, entêté, libertaire, donne vie à des personnages qui rap-
antl - bonapartiste, anti - bour- pellent parfois les pélerins de Chau-
geois, mangeur de curés, antl- cer vers Canterbury, allant leur pe-
tout ce qui était bas, servile, tit trot.
vulgaire. D'un côté, le défilé des puissants :
Nansac, Puygolfier, Auberoque,
bourgeois « emparticulés » et leurs
Marchant ainsi dans la vie, Eugè- intermédiaires, régisseurs, gabelous,
ne Le Roy n'a pris aucun détour, ac- gendarmes et, parmi eux, voilà
cepté aucun compromis ; mépri- «l'huissier Laguyonnas sur sa ju-
sant Batteries, mondanités, intri- ment grise, avec sa figure en lame
gues, richesse, décorations. Des amis de couteau, ses petits favoris jaunes
l'avaient pressé pourtant de propo· et son air chattemitte », qui se rend mer, s'indigner, s'attendrir: «( Ah! te nouvelle Bastille venge non seule-
ser son œuvre à l'Académie. Il se au Frau et puis, venant remplacer Les braves cœurs ! Les pauvres ment le père bagnard et la mère
laissa entraîner et fut refusé : «( Le le protecteur de J acquou, « un grand gens! ». épuisée, non seulement les oncles
sujet de votre roman a paru ici diable de curé, sec comme un pendu Alors, aussitôt, sur ces bonnes pa- Nougaret, les soldats Damase, tous
inopportun, séditieux et révolu!ion- d'été, de poil rouge, torcol, avec de roles, il est trop facile de sortir les les curés Bonal chassés par l'évêché,
naire et, malgré les grands éloges gros yeux ronds et un nez crochu ». étiquettes : mélodrame, Epinal, réa· mais il venge aussi les déceptions
donnés à votre talent... ». Ici, c'était Et cet autre, qui gesticule de mau· lisme socialiste! En fait, Le Roy . de ce rêveur aux cheveux blancs, à
en 1900. Soixante·neuf ans plus vais gré autour de l'arbre tout neuf par ses qualités et ses défauts - ne la grande barbe en broussaille, qua-
tard, /acquou le Croquant est vendu de la Liberté : « le curé Pinot prit saurait être rattaché à aucune éco- rante·huitard aux haines vigoureu-
à plus de 150.000 exemplaires en le goupülon et fit le tour de l'arbre le. Il est, en littérature comme dans ses, cet «( éclopé de la hagarre du 16
moins de deux mois, tandis qu'est en marmottant des oremus, et en sa vie, un vieux solitaire, un origi- mai» comme il aimait s'appeler et
réédité l'Ennemi de la mort, son l'aspergeant d'eau bénite avec un pe- nal, un pur, un écrivain de cœur tous ceux qui ont pu croire, com-
dernier ouvrage, le plus désespéré tit coup sec, comme qui dit : si tu qui aime à raisonner, un « naïf » à me lui, qu'un soir le monde allait
de tous. pouvais en crever! ». l'écriture spontanée, vigoureuse, al- changer (ce Ça marche, il y a des
Les œuvres de Le Roy ont été ré- De l'autre côté, c'est le long cor- lant bon rythme, poétique dans sa barricades à Paris, le Vieux va dé-
vélées grAce à des rencontres heu- tège des Misérables : enfants aban- rusticité simple avec, de phrase en guerpir ! ») (sic), éclopés des Mais
reuses. Celle, en gare de Thiviers, donnés qui n'échappent pas à leur phrase, l'écho de rimes retrouvées. passés et à venir, tous les déçus des
d'un critique littéraire - Alcide Du- destin : Nicette, séduite, se laissant Ce fut aussi un homme déchiré : lendemains désenchantés.
solier - avec le feuilleton le Moulin couler au fond de l'eau, Milou il plaçait si haut son idéal révolu- Lorenzi l'a compris et il a su être
du Frau. Celle, avec /acquou le mourant sur l'échafaud (dans la pe- tionnaire, et l'éthique devant l'ac- fidèle à ce message. Dégageant l'in·
Croquant, de Stellio Lorenzi qui, tite Nicette et le grand Müou - Cal· compagner, qu'il ne pouvait qu'être trigue du détail provincial, il a ra-
des bûchers du Thabor à l'incendie mann·Lévy, 1901), Damase, tué en blessé par la réalité. Les révolutions massé les situations, groupé plu-
de l'Herm en Périgord, a ce don de Afrique (Dans Mademoiselle de la passent, les vertus civiques se per- sieurs personnages en un seul. En·
ranimer les grands feux oubliés et, Ralphie . Rieder, 1921), paysans dent. Le progrès qu'il rêvait l'in- fin, il a su trouver les visages, les
en six samedis soirs, de faire, de ce en guenilles qui font mourir leur quiète maintenant: «Nous aurons voix, les silences et surtout les re-
quasi.inconnu, un auteur enfin cé· bienfaiteur (dans l'Ennemi de la plus d'ingénieurs, de professeurs et gards . ce furent les grands mo-
lèbre. mort), paysans humiliés, expulsés, d'apprentis sous.préfets, mais moins ments de son émission - regard du
Eugène Le Roy : il est l'homme arrêtés, héroïques. d'hommes ». Déçu par le présent, petit garçon levé vers le père au pi.
des contrastes, des heurts violents. Et c'est, sur eux, la Grande Peur angoissé par l'avenir, ses livres se· lori ou vers la mère délirant, re·
Racé et fruste, farouche et tendre, de la Faim, venant du fond des âges, ront sa compensation. gard de l'enfance, de l'Innoncence
c'est tout un pays reflété en lui, le peur du manque de pain, de l'orage Cet homme de progrès s'y montre face au Mal, ouvert grand sur un
Périgord, plateaux désolés où ne qui monte et crève, du feu éteint tourné vers un passé auquel il se monde d'épouvante qu'il ne com·
poussent que pierres à Beur de terre, soudain, malheur collé à la peau, raccroche d'autant plus désespéré. prend pas, regard de tous les en·
forêts sauvages de la Double véné· décor de chaumière du Petit Pou- ment qu'il le sait condamné. Il veut fants traqués de tous les temps et
neuse ou de la Barade aux loups, cet et de forêts de pauvres bûche· tout en garder. c'est sa faiblesse : qui semblent tous poser la même
jusqu'à la riche vallée de champs de rons, la Mort cheminant à leurs cô- gestes, légendes, recettes, patoiseries, question muette pour laquelle on a
tabac et de blé. Né au Château de tés, tandis qu'ils vont, ployant le proverbes. Là, le conservateur de honte d'être adultes et de ne pou-
Hautefort où sa mère est lingère, dos. musée folklorique qu'il devient gê- voir répondre, impuissants et com·
élevé en pleine campagne, il est Là aussi, Le Roy reste simple, les ne terriblement l'écrivain. Sur ce plices. C'est alors sur nous que se
frappé aussitôt par la misère et les décrivant sans emphase, tel qu'il les monde déjà dépassé, il projette le retourne la camera, sur nous,
différences sociales. Il est et restera connaît, mais intervenant de temps récit imaginé de sa revanche. Le voyeurs de la vision d'un malheur
fils de cette terre, y plongeant pro- en temps dans son récit, à la maniè- geste symbolique de Jacquou jetant qui n'a cessé d'être actuel.
fondément ses racines, lui qui ja- re du XVIIIe siècle, pour s'excla- sa torche aux fagots pour brûler cet- Michèle Albrand

La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 décembre 1969 5


ROMANS


Une lecture actIve
FRANÇAIS

incalculable de positions. La page Tout acte est attaque. Les actes

1
Jacques Henric
Archées se couvre de ces trajectoires tou- de la guerre et ceux de l'amour sont
Le Seuil éd., 144 p. jours recommencées de la gauche à l'image du tir à l'arc. Aussi une
vers la droite, comme le livre de archée en appelle-t-elle d'analogues,
Jacques Henric se constitue des re- à travers un temps historique proche
Ce premier roman se refuse à of· prises et variations de l'archée qui ou lointain, personnel ou non. Et
frir une intrigue ou un scénario se veut, se cherche, et se donne, peut venir un certain lit hlanc, - ou
qu'on puisse prendre pour le roman pour retrouver l'état de repos, l'état bien surgissent, dans la plaine en
lui-même, comme il arrive le plus de gauche, l'état blanc, mais por· couleurs, les vaillants aïeux au ma·
souvent. C'est une lecture active et teur déjà de l'intention qui ne peut tin du combat. Jouent ensemble,
responsable qu'il exige, et qui se manquer de se livrer à l'acte. Elan l'une avec l'autre, de très vieilles et
p opose de présenter Archées doit direct, fait de patiences et d'impa- intimes expériences qui ne sont
savoir ne présenter en fait que la tiences les unes aux autres néces- qu'une. Car ce sont d'autres archées,
lecture dont il est lui·même l'auteur. saires. et la même : vivre, c'est constater
L'archée, c'est à la fois la portée de L'acte de l'archer engage ses ta- perpétuellement l'échec, puisque
l'arc, et l'acte de tirer. C'est donc à lons, ses jarrets, ses cuisses, son ven- continuer, c'est recommencer, es-
la fois une décision et son exécution, tre, sa poitrine et son dos, ses épau- sayer encore, et encore. Ecrire,
c'est le passage de l'état de repos les, ses deux bras et ses mains, son n'est·ce pas toujours échouer, et re·
et d'attente à l'engagemenrirréversi- cou, son regard, et - tout cela mobi- partir?
ble dans le temps, puisque la flèche lisé - immobilise souverainement sa Composé de séquences brèves et.
ne peut se rattraper. On n'efface pas, pensée. Le Zen enseigne qu'en cet tendues comme le moment d'une vi·
mais on recommence. C'est de nou- art, le succès se donne à qui ne le sée, coupé de blancs qui sont le re-
veau l'état blanc, de nouveau la ten- veut, ni ne le cherche, ni ne le dési- pos, le temps mort, et le temps mê-
sion et l'engagement. Jamais, ici, re plus. L'échec est distraction, et me, qui abandonne, qui sépare, et
nous ne VOYOIUl la cihle, avec le ré· tits guerriers longs ou trapus, le
poids du corps en avant comme il la pensée même de l'acte est une dis- qui relie les actes manqués, ce ro-
sultat du tir, mais chaque fois le traction. L'acte, c'est l'impensable, man ne pouvait que ne pas s'ache·
parcours, depuis le point de départ convient aux soldats de plomb à la
charge, et le jambage arrière tiré en somme: le Zen et Zénon s'accor- ver : aussi laisse·t-ille lecteur, com-
qui est toute l'économie d'un esprit dent là-dessus. (Pour la raison uni- me il était logique, sur une virgule,
et d'un corps devenus ensemble le vers la gauche de la feuille de pa-
pier ; la frise de leur procession dé· verselle, quel mauvais moment à et le grand blanc préalable à d'au-
lancement de la flèche. passer). tres recommenceme:ots, d'autres vi·
crit le trajet un du texte en voie de
La main qui écrit trace une tra· s'écrire, comme aussi la flèche de C'est parce que l'essentiel de l'ac- sées, d'autres archées, ailleurs que
jectoire rectiligne, mais elle ne le Zénon d'Elée le long de son par- te a toujours échappé qu'il faut bien dans ce volume-là...
peut qu'au moyen de cent mille pe- cours est immobile sur un nombre qu'on le recommence. /osane Duranteau

Le passe intact #

1
Michel Huriet à son ami Creusat, radiologue dans les élevée avec lui comme une sœur, au· par son pays natal, enchanté de faire
La Fête de la dédicace quartiers pauvres et à Marianne, la pre- près de qui il a éprouvé les premiers figure, mais il sait très bien qu'à jouer
Gallimard éd. 196 p. mière femme de sa vie. Discret, subtil, troubles de la sensualité amoureuse, les auteurs, on n'est pas assuré de Je
l'auteur narrateur se donne licence, le métamorphosée en bourgeoise et mère devenir. D'où la liberté de ce récit
Longue litanie, incantation parodique temps d'une dédicace, cette fête fragile, de famille, qui raccorde Jean·Paul N. qui ménage sans cesse les lignes de
qui répète, tantôt par dérison, tantôt de comparer le jeune homme triste et à un passé aussi intact, aussi explosif fuite par où s'échappe l'imaginaire
par désespoir, l'antienne nostalgique du incenain de ses débuts à cet auteur qu'au premier jour. Au cours de la Jean.Paul N. nous livrant son art poé·
retour au pays natal, adieu ironique et célébré dans sa ville natale et qui soirée qui les réunit en tête à tête, tique en même temps qu'il convoque
déchirant à sa jeunesse, qui tisse capri. savoure à peine - il a trop conscience Jean.Paul N., avec une douceur opinâ. les souvenirs dont il a nourri son livre.
cieusement le contrepoint du passé au de la vanité d'être un auteur - le dé· tre, à travers détours et précautions qui C'est pourquoi il conclura: c Voilà.
présent, la longue phrase souple, inci· menti que le présent inflige au passé. trahissent le trouble et la peur, ramène Un nouveau livre a commencé de nai·
sive, pudique, sans virgule ni ponctua· Au regard de la mauvaise foi qui invinciblement la jeune femme à leur tre et c'est moi.:.
tion, suspendue comme une liane entre incline tout bomme à affecter d'un coef· complicité d'autrefois, comme à l'orée ATain CT",,"'"
deux paragraphes, court sinueuse et ficient positif le maigre butin qu'il a d'une région brûlante vers où ils trem·
"agabonde sans s'arrêter, pour s'enfler, recueilli, le narrateur mesure l'écbec blent de retourner. A ce jeu où tha-
symphonique, jusqu'à l'instant de cul. if!évitable. cun cherche à faire chanceler l'autre,
miner dans l'acmé final, au terme de ce Entre les pages de son livre, la Tour ils n'oseront, en définitive, accomplir
très remarquable premier roman. de Londres, se glisse l'essaim des ima· le pas décisif. L'homme de lettres pu·
e Heureux qui, comme Ulysse... ). ges et des visages qui refluent vers lui sillanime, ayant vaincu jusqu'à la vio·
Michel Huriet a fait d'une commémo· comme l'ombre et la douleur. C'est lence de son désir et voulant que se
ration la matière et le thème de son sur les ruines d'un bonheur adolescent confondent la réalité de son livre avec
livre, ce salut doux·amer que le voya· qui paraissait indestructible, entre lei la vérité de sa vie (ce livre préfigurant
geur adresse aux années qui ont fui. coupes sombres de la mort qu'il a pu sa rencontre avec la jeune femme, en
De passage dans sa ville natale pour la écrire son livre. Tous les êtres, figu. ses moindres détails), reculera, après
signature de son premier livre, entre rants ou amis, autour de qui s'organisa avoir déclenché en Marianne la tem·
deux haltes d'une vie nomade, le nar· la jeunesse de Jean.Paul N.. ne répon. pête refoulée, mais toujours violente,
rateur, diplomate, retrouve dans la dent pas à l'appel désordonné des sou· d'un amour qui l'effraye, moins devant
librairie où, jeune homme, il feuilletait venirs. Voilé par l'humour, retenu par l'aveu d'un désarroi que devant la
avidement les bouquins, le cortège des eette forme de pudeur naturelle aux crainte de trahir son livre et la stu·
amis et connaissances qui traversèrent Anglais, un accent sensible et désin- pidité de vieillir.
son enfance et son adolescence. De son volte donne à ce récit une laveur Michel Huriet joue avec une virtuo·
professeur de lettres, ce bon Mathieu, aiguë. sité incisive de l'équivoque entre l'écri·
qui lui promettait un avenir médiocre Mais c'est Marianne, amie d'enfance, vain personnage et le héros consacré MicheL t1UTI"t.

1
A contre-courant

1
Rachel Mizrahi et dès que Rachel Mizrahi veut en·
Harry trer dans les problèmes métaphysi.
Grasset éd., 288 p. ques, dès qu'elle pense « trop ll, la
légèreté disparaît sous des idées
Dès l'abord, l'écriture de ce r0- conventionnellement non·conven·
man nous fait hausser les sourcils. tionnelles et cela devient très en·
Les phrases semblent écartelées, cou- nuyeux.
pées en tranches puis recollées par Harry est un jeune demi.juif aIle·
hasard. Les noms deviennent adver- mand élevé en Palestine par une mè-
bes, les proverbes sont pris au pied re.poule qui se sacrifie. Cette mère
de la lettre, les répétitions irQniques qui ne parle que « mèrement » ou
balancent la phrase. Un esprit fron· « poulement II ou « sucrement II
deur s'est·il mis en tête de démante- meurt heureusement. Et Harry qui
ler la grande famille des Analyses, se croit inhumain parce que tout ce
les Logiques comme les Grammati- qui est humain lui est étranger, fai·
cales? sant la queue pour entrer dans un
cinéma, est enrôlé dans l'armée an·
glaise. Tout surpris, il se retrouve
au milieu de la campagne d'Italie
où tandis qu'il court parmi les obus
et divers projectiles, il voit Dieu :
« Dieu était énorme. Il avait une for
me de pied... il se déplaçait posant
son pied au hasard et pensant à au-
tre chose, très haut et ailleurs. Il
n'était ni un œil ni une main. Dieu
était un pied ll.
Des champs de bataille, Harry ar-
rive en libérateur de camp de
concentration. Il y trouve même un
homme en pyjama rayé qui ne veut
pas quitter ce lieu d'asile... Dans
l'ancien appartement de ses parents,
Harry rencontre une prostituée qui
a un mari aveugle et sourd, il s'ap·
pelle Œdipe, la guerre de Russie lui
a dévoré les doigts de pieds et gelé
la cervelle... Harry a un ami, soldat
comme lui, qui souffre de troubles
action poetique
dentaires et métaphysiques. Pour
l'aider, Harry étudie la Mort à tra- ghiannis riaos
vers les âges puis, avec des justi-
numéro double: 6,30 F.
ciers, il assassine, en privé, des Maurice regnaut
anciens nazis qui osaient calmement
Rachel Mizrahi. revivre en pantoufles. Il se querelle bernard vargaftig
avec une dame de la Croix Rouge,
et toujours avec son esprit contes-
henri deluy
taire, il aborde le problème du 55,
Rachel Mizrahi est polyglotte : à
huit ans elle écrit en hébreu, à quin- de la patrie (cette patronne de bor- tibulle, properce:
ze elle apprend le français pour lire del), de la guerre, de la paresse, deux poèmes d'amour
de la liberté, des raisons de vivre, et de paix
Baudelaire, puis elle vient à Paris
pour étudier le chinois... Née à Var·
sovie, élevée en Israël, elle sait l'al·
etc. Il rencontre même un homme
qui croit en Dieu !
Rien n'étonne Harry qui réagit
41/42 adaptés par pierre macris
lemand et le polonais, et naturelle·
ment l'anglais. En collaboration
avec Christiane Rochefort elle a tra-
comme tout jeune homme bien, à
rebrousse·poil, à contre·courant. Situation de IITel Q!!el ll

Harry est un bon personnage anti-


duit En Flagrant Délire de John
Lennon. sartrien et ces aventures voltairien· et problèmes
nes lui ont révélé la logique des
Les tournures diverses de tous ces
langages sont jetées tout à trac sur choses: le jour de la bombe d'Hi· de l'avant-garde (1)
un français calme, mais pimenté roshima « partout où il portait son avec: philippe boyer, jean.paul cassagnac, henri deluy,
d'humour juif (l'humour acide de regard il ne voyait que le néant. Il alain lance, pierre lusson, philippe mano, dimitri mir-
Philip Roth, pas celui de Malamud). n'y avait absolument rien à faire kine, christian prigent, rnitsou ronat, paul· louis rossi,
Le résultat surprend, réjouit et aga- et il le fit ll. jacques roubaud, élisabeth roudinesco, j.-l. steinmetz.
ce tout à la fois. L'agacement vient Ce premier roman est comme une
de ce que nous voulons constam· pomme verte: à la fois sympathique PJ. OSWALD, 14· Honfteur Rédacteur en chef:
ment être divertis par ces acrobaties et horripilant. C.C.P. Rouen 2201 05 V. Henri DELUY
verbales et ces images saugrenues, Marie·Claude de Brunhoff

La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969 7


M.BMOIRE8

L'arithm.êtique de
1
Anaïs Nin
loumal 1931.1934.
Stock éd., 384 p.

Le loumal d'Anais Nin con·


tient, bien sûr, de remarquables
portraits de Henry Miller, Otto
Rank, Allendy, Artaud pendant
les années 1931·1934 qui, à eux
seuls, suffiraient à captiver le
lecteur. Mais le personnage le
plus intéressant de cet itinéraire
intérieur est celui qu'Anaïs Nin
crée à partir d'elle-même. Sym-
biose exceptionnelle entre la fem·
me et l'écriture, lieu où les man·
ques et les frustrations se con·
frontent aux mots, cette œuvre
s'impose par son absolue néces-
sité. L'idée parfois fausse que l'on
se fait du journal intime comme
enlisement dans les c délices de
l'omphalopsychie ~ (le terme est
d'Amiel) trouve ici un éclatant
démenti. Les retours en arrière
d'Anaïs Nin sont dominés par un
mouvement en avant vers une
intégrité nouvelle : se rassembler,
se retrouver, se re-créer, tel est
son but pour conjurer une enfance
dont il lui reste une sensation de Anai.! Nin à 12 am.
rupture et de discontinuité. « J'ai
le sentiment qu'un choc initial a et protège des hommes, le rival traduire l'un à l'autre. Dans son Allendy, continuée par Rank,
rompu mon unité, que je suis un du père et du psychanalyste, attraction pour June, plutôt qu'un mais terminée, de façon ortho-
miroir brisé ». L'image d'un mi- comme il est aussi appât, hameçon banal érotisme, ne faut-il pas voir doxe, par une femme. Peut·être le
roir brisé se rencontre également où mordent les esprits masculins la fascination qu'exerce sur elle transfert sur une figure mater·
chez Virginia W ooll et l'on se intrigués. (Le Journal est souvent une femme en q!elque sorte le nelle lui était-il indispensable?
demande si cette commune angois- lu par Miller et par Rank). Tel double du père : mythomane, On soupçonne que la solidarité
se de la désintégration ne s'ali- l'androgyne, il cumule les deux artiste, évasive comme Joaquin, de Nin avec la femme, sa com-
mente pas à une même source : sexes : on y trouve aussi bien la comédienne, incohérente, impos- préhension si profonde du monde
le vain désir de retenir une figure douce atmosphère des compagnies sible à cerner ? Et ce désir de féminin (qui éclate dans l'épisode
paternelle absente ou hors d'at· féminines que les prises de cons- recomposer à travers autrui l'uni- June) comme sa poursuite des
teinte. Le « choc ~ auquel Anais cience par où Nin s'identifie à té du couple, n'est·il pas la raison hommages masculins et son désir
se réfère eut lieu lorsque, âgée de l'artiste, à l'écrivain et à l'ana· pour laquelle, si jeune, Nin se de séduire des hommes (tous prêts
douze ans, elle vit partir un père lyste. Si, dans ce mouvant miroir, tourne vers l'œuvre de Lawrence à être séduits) s'expliquent sur-
décidé à vivre seul. Il en résulta le visage paternel de J oaquin Nin, sur qui elle écrit un essai plein tout par une souterraine fidélité
chez elle, comme Rank le lui fit pianiste, don juan cabotin et d'intuitions (1) ? Il y a, entre à une mère abandonnée qu'elle
observer, une intense culpabilité : charmeur, alterne avec l'ombre Lawrence et elle, des affinités qui aimerait venger. Il y a dans ce
n'est-on pas coupable de ne pas
grave et virile de la mère; si la paraissent liées à une nostalgie journal de nombreuses scènes où
savoir se faire aimer? L'atmos-
personnalité de Henry Miller, commune : réunir ce qui fut, l'enfance est comme mimée. Par
phère douloureuse où se déroule
figure complexe d'initiateur et de dans leur jeunesse, brutalement exemple celle où Nin, obligée de
cette reconstruction d'une iden-
père-enfant, alterne avec celle de opposé. s'avouer que son père fabule,
tité entamée, l'obligation où se
trouve Nin d'accumuler des
J une, alors sa femme, « étrange Commencé sous forme de Lettre éclate en reproches. « Continue
force masculine » réfugiée dans la
que la petite fille, pour attirer sur donc », s'écrie le père, « Dis-moi
amours fragmentaires dans l'es-
mythomanie, c'est que Nin est elle l'attention et l'amour du père, maintenant que je ne sais pas
poir de compenser le premier
tantôt sous l'empire du masculin, eut voulu lui faire parvenir (mais aimer, dis-moi tout ce que ta mère
amour blessé, nous entraînent
tantôt sous l'emprise du féminin. pas plus que l'autre, cette Lettre me disait », scène où c'est l'hom-
loin des complaisances et des res-
Elle se cherche à travers les deux au père ne fut lue par son desti- me lui-même qui la force à tenir
sassements.
Ce Journal, tel un être vivant, sexes. Non qu'elle soit obsédée nataire) le journal est donc essen- un rôle de mère. « Yavais rim-
joue des rôles multiples : il est par une narcissique contempla- tiellement dialogue. Il se veut pression de ne plus être moi, tr être
tion, mais elle s'efforce d'opérer ma mère, tr avoir un corps las de
tantôt le père absent, tantôt le également auto-analyse. Nin avoue
confident qui console, tantôt en elle-même la fusion des con- pourtant qu'elle n'aurait jamais servir et de donner ». Sans doute
l'amant, car Nin, le monde exté- traires. Tel nous apparaît le sens pu se détacher de ces pages, ni les est-ce de la répétition obstinée de
rieur quitté, brûlante de hâte, se profond de ce va-et-vient entre les détacher d'elle-même, sans le se- telles situations que provient chez
jette sur son lit pour le rédiger. époux Miller qu'elle essaye moins cours d'une psychanalyse véri- Nin la prédominance de l'instinct
Il est le gardien jaloux qui éloigne de séparer qu'elle ne tente de les table. Analyse commencée par maternel, instinct qui la pousse

8
l'inconscient
vers des hommes ployés, eux être cette obstination bienheu-
aussi, sous le joug du passé. D'où reuse est·elle due à l'influence de
des réflexions pénétrantes sur Rank. dont on sait les travaux sur
l'œuvre de Miller : « lutte pour le mythe de la naissance du
triompher de la femme, de la héros, car on constate chez son
mère, de la femme en lui ~, inter- élève un souci de revenir aux
prétation qui éclaire la misogynie sources, comme prélude d'une re·
et pourrait s'appliquer à certains naissance, d'un rétablissement du
textes de Lawrence. D'où égale- moi, opérés grâce à « f arithméti·
ment cette noire berceuse qu'elle que de finconscient qui tend à
chante à l'enfant qu'elle attend, f équilibre des forces ». Il est cer-
mais n'aura jamais : « Tu seras tain que Nin a su se nourrir de
un enfant sans père comme j'étais son Journal plus qu'il ne s'est
un enfant sans père... Tu ferais nourri d'elle. Elle s'est guérie de
mieux de mourir parce que dans la hantise de tout noter, de tout
ce monde il n'existe pas de vrai conserver, dont l'origine est sans
père... L'homme est un enfant qui doute le geste d'une petite fille
a peur de la paternité ». Il est vainement agrippée à l'étoffe
remarquable de voir comment Nin cruelle et fuyante du manteau
a su mettre cet instinct de créa- paternel, geste dont elle a con-
tion au service de l'art et des juré l'amertume et l'angoisse :
amitiés. Ses amis masculins l'ont « Il n'est pas obligatoire d'être à
souvent poussée à délaisser son jamais marqué par le premier
Journal pour le domaine pure- moule ~.
ment imaginaire du roman, mais Diane Fernandez
si Nin a composé toute une œuvre
à laquelle elle donna le titre glo-
bal de Cities of the Interior, (2) (1) D.H. Lawrence, un unpro-
elle n'abandonna jamais ses fessionnal Study dont les volumes
suivants sont traduits.
cahiers et leur quête libératrice. (2) Les miroirs dans le jardin.
Quelle entreprise plus romanesque Stock 1962. Une espionne dans la
que de s'enfanter soi-même? Peut- maison de l'amour. Stock 1964.

COMMERCE
Cahier 14 vient de paraître

Qu'est-ce que la Métaphysique?

M. HEIDEGGER
(traduction nouvelle de Roger Munier, préférée par l'auteur.)
et

Le récit du délogé, de Roger Caillois

Rappel : cahier 9, Lou Salomé Andreas-Rilke


Cahier 13, le Cantique des Cantiques.) ëii
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La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969 9


IN~DIT

Change: la mode, l'invention


Effets de mode
Jean·Pierre Faye publie un
nouveau volume de "Chan·
ge -. Celui-ci s'intitule " la Qu'on le veuille ou non, tous Pour avoir jeté bas les idoles de Encore qu'en votre mode, ma-
Mode, l'Invention - et com· ceux qui font métier d'écrire sont l'unité métaphysique, l'écrivain, dame, vous mettiez infiniment plus
porte des études de Michel assez subtilement mis désormais parmi d'autres, n'en a pas perdu d'audace - et d'humour - que
Butor. Jean-Paul Aron. Roland sous le joug d'une mode intellec· pour autant le goût de l'idolâtrie nous n'en mettons dans la nôtre:
Barthes, Claude Ollier. Jean tuelle, à tous les niveaux de ses (adoration qui va du pareil au peut.être parce que vous n'avez pas
Paris, etc. Ce volume com· effets possibles, qui pour se parer même, en confondant dangeureuse. tout à fait perdu le goût, vous, de
prend également des " Frag· des plumes de la tolérance n'en a ment l'un et l'autre). Qu'il se laisse faire de votre parure l'instrument
ments - de Balzac ou de Mal· pas moins la peau peu perméable prendre si volontiers au contrat de de votre plaisir.
larmé, des définitions de die· à tout ce qui pourrait indiquer unë mode «( fais ce qui me plaît et je
tlonnaire dont quelques·unes véritable subversion des formes et te dirai qui tu es » - très provisoi. Philippe Boyer
sont piquantes et très actuel· des sens. rement) tient à ce qu'il y trouve
les.
Déf"mition8
Ce nouveau volume collectif de la série MODE, s1. Ce qui est du plus grand
Change? C'est le conflit et le contre-temps usage à l'égard des choses qui dé·
de l'invention et de son piège : la mode. pendent du goût et du caprice des
Ou ce qui a été nommé la rhétorique de hommes.
mode, ou l'écriture de mode : " dans ce
présent absolu, dogmatique, vengeur, où NOUVEAU VOCABULAIRE
la Mode parle? - ou Dictionnaire portatif de la Lan·
êurieusement, cliaque grande secousse gue française, avec la prononcia-
qui s'est emparée de l'écriture littéraire tion,
- grande prose balzacienne, ou rupture Contenant une définition claire
et précise de tous les mots, leur
poétique mallarméenne - est accompa· genre, et les différentes acceptions
gnée par une critique ironique de l'effet dans lesquelles ils sont ou peuvent
de mode. Balzac dénombre" les mots à être employés, tant dans leur sens
la mode ». Mallarmé fonde, dirige et rédige propre que leur sens figuré;
Augmenté de tous les mots intro-
pendant plusieurs mois " La Dernière duits par la Révolution.
Mode ". An XII (1803)
Ici une autre méthode est essayée : cere
tains" mots à la mode - sont retrouvés
dans leur contexte le plus ancien, et ainsi MODE, s. m. / disposition régu.
comme démontés et mis à nu. Cette" ultra· lière; / ton dans lequel une pièce
Balzao: Le démodé nudité ", remarquait Butor, que la Mode a est composée; ou Mœuf, manière
pour fonction tout à la fois de désigner de conjuguer, terme de philosophie,
Cette phrase : Ce qui n'est pas et de voiler. forme, manière d'être; - , s. f.
à la mode, renferme dans sa courte Démonter le lexique et la syntaxe de Mas, usage (dans les mœurs, les
contexture le catalogue complet des mode. en les écartant de la main, c'est en vêtements, les plaisirs, les maniè·
gloires déchues; elle enserre dans même temps se donner une chance de res); usage actuel, mais passager,
sept petits mots l'histoire des mé· dévêtir et de toucher le corps même de dépendant du goût, du caprice;
rites méconnus, et des sots recon· la langue qui s'invente. manière.
nus; des femmes passées et des
J. P. F. DICTIONNAIRE UNIVERSEL
beaux en perruque; elle met sur
la même ligne les banquiers écono· de Pierre - Claude - Victoire Boiste
mes, les juges inamovibles, les 221, 6< édition, augmentée par l'auteur
de nouveaux exemples de phrases
les voitures jaunes, les héros de Ainsi l'on voit s'instaurer une une possibilité d'être que rien ne formant une collection de maximes
juillet et les chiens anglais. pression, voire un terrorisme, de lui garantit plus par ailleurs : le et pensées morales de bons au-
La plèbe de nos lecteurs d'ima· la mode dont l'effet de censure droit d'émarger à certains registres, teurs, etc. (1803).
giner peut-être que nous faisons s'avère à l'usage autrement plus et de reconnaître ici ou là, à défaut
de la gratuité ou de la passion : subtil et plus efficace que la désor· d'une œuvre ou de lui-même, au
nullement ; nous regardons et nous MODALISTE, s. m. partisan des
mais folklorique interdiction à moins l'orthographe d'un nom qui
écrivons. En France tout est mode : modes, ibid.
l'affichage dont s'amusent encore pourrait être le sien. Si la nature laissait une femme
mais trois jours suffisent à user la nos ancêtres, les descendants des La mode intellectuelle qui nous
gloire la plus haute, le succès le telle que la mode l'arrange, elle
Gaulois. L'ordre social établi laisse occupe aurait alors pour fonction
plus éclatant. Trois jours c'est serait inconsolable.
apparaître de trop belles conver· d'écarter son nouvel objet, l'écri·
tout: le quatrième, on importune, ibid.
gences d'intérêts entre ceux qui ture, de ce lieu des corps où désir
le cinquième, on ennuie, le sixième et sens se prennent ensemble. Ce TEXTUAIRE, adj., s. m., livre où
on vous hait, et l'on vous proscrit, organisent la répression et ceux qui, qui va bien dans le sens d'une so- il n'y a que le texte; qui sait bien
le septième. Ce fut le temps de dans le champ particulier de la ciété plus soucieuse du maintien le texte (des lois); s. m. pl. sec·
faire le monde. production littéraire, s'y asservis· d'un ordre, destiné à juguler les taires qui ne s'attachent qu'au texte
« De ce qui n'est pas à la mode D, sent si volontiers, pour qu'on n'y forces du désir, que de l'invention (des livres saints).
La Mode, Paris, oct.·nov.-déc. 1830, mette pas de part et d'autre un peu d'un monde qui se soucierait d'arti· DICTIONNAIRE UNIVERSEL
t. 5, p. 300. de bonne volonté. culer ces forces entre elles. de Boiste, 1823

10
La lettre de Soljenitsyne
LUCIEN
Moscou (A.F.P.). - L'écrivain tre vous cherchera à rayer la signa- que sa perte se rapproche. Si de-
ELIA
soviétique Alexandre Soljenitsyne, ture apposée sous la résolution prise main les glaces de l'Antarctique fon·
exclu ces jours derniers de l'Union aujourd'hui. » daient, l'humanité tout entière cou-
des Ecrivains de la R.S.F.S.R. (Rus- » Aveugles guides d'aveugles, lerait. Et alors, à qui enfoncerez-
sie), a protesté violemment contre vous ne remarquez même pas que vous dans la tête l'idée de la « lutte
cette exclusion en envoyant à cette vous allez dans la direction oppo- de classe » ?
union la « lettre ouverte » suivante : sée à celle que vous aviez annon- » Et je ne parle même pas de
« Il est honteux que vous ayez cée. En ce temps de crise, vous ce qui se passera quand les quel-
ainsi foulé aux pieds vos propres êtes incapables de proposer à notre ques bipèdes encore vivants erre·
statuts. Vous m'avez exclu sans que société, qui est gravement malade, ront sur la Terre devenue radio-
je fusse présent, comme s'il y avait quoi que ce soit de constructif, quoi active et mourront. Il est temps de
le feu, sans même m'avoir envoyé que ce soit de bon, sinon votre se rappeler que nous appartenons
une convocation ou un télégramme, haine, votre vigilance, votre « tenir d'abord à l'humanité, que l'homme
sans même m'avoir donné les qua- et ne pas lâcher ». s'est distingué de l'animal par la
tre heures nécessaires pour venir de pensée et le langage. Et que les
Riazan et assister à la séance. Votre stupidité hommes, naturellement, doivent
» Vous avez montré clairement être libres. Et que si on les enchaîne
que la décision a précédé 1'« exa- » Vos articles épais tombent en nous reviendrons au stade de l'ani-
men». Vous était-il plus facile de lambeaux, votre stupidité s'anime mal.
trouver, en mon absence, de nouvel· mollement, mais il n'y a pas d'ar- » La proclamation publique des
les accusations ? Aviez-vous peur guments. Il y a seulement le vote faits d'une manière honnête et
d'être obligés de m'accorder dix à l'unanimité et les mesures admi- complète : voilà la première condi-
minutes pour répondre ? nistratives. Et c'est pourquoi, à la tion de santé de toute société, y
» Je suis donc obligé de rempla. lettre de Lidia Tchoukovskaya, qui compris la nôtre. Celui qui ne veut
est l'orgueil de la littérature russe pas de cela, celui qui ne se soucie

Les ratés
cer ma réponse par cette lettre.
engagée, ni Cholokhov ni vous tous pas de la patrie, celui-là ne pense
n'avez osé répondre. Mais les pinces qu'à son intérêt. Celui qui ne veut
La conscience (et la gloire) des administratives vont se refermer sur pas de cela pour la patrie, celui-là
lettres rus ses contemporaines, elle. Comment as-tu pu admettre ne veut pas la guérir de ses mala-

dela
Alexandre Soljenitsyne, a été exclu qu'on lise ton livre qui n'a pas été dies, mais seulement les faire entrer
de l'Union des Ecrivains soviétiques. édité ? Quand les autorités ont déci- à l'intérieur pour que la putréfac-
A· ses persécuteurs, l'auteur d'Une dé de ne pas éditer, étouffe-toi, tion se produise là.
journée d'Ivan Denissovitch a ré· n'existe pas, ne permets à personne
» Novembre, 1969.
pondu par la lettre que nous pu· de te lire.

Diaspora
» Alexandre Soljenitsyne.»
blions (dans une traduction de » On prépare aussi l'exclusion de
l'A.F.P.). Lev Kopelev, ancien combattant du
Une vague d'indignation soulève front, qui a déjà fait dix ans de vient de paraître
la· plupart des intellectuels du mon- camp alors qu'il était innocent. Mais
de entier contre une mesure stupide
sans doute mais d'une terrible effi.
maintenant il est coupable. Pour-
quoi donc intervenir en faveur des
EÉPHÉMÈRE "Odyssée pitoyable et mirobo-
persécutés ? Pourquoi donc a-t·il ré- N° 11
cacité : mis hors d'état de publier lante d'un Tartarin de Damas...
en URSS, Soljenitsyne est désormais vélé des entretiens secrets avec une Georges Bataille lyrique, bavard, mais avec le bon-
mis officiellement hors d'éta~ personnalité influente ? Mais pour- Le Coupable heur d'expression des conteurs
d'écrire. quoi donc avez·vous de telles conver- de l'Orient... Lucien Elia réussit
(pages retranchées) là le roman picaresque d'un
En France, signalons parmi sations que vous cachez au peuple ?
Ne nous avait-on pas promis, il y a drame sans larmes... "
les protestataires deux organisations Philippe Denis
généralement amies de l'URSS : le cinquante ans, qu'il n'y aurait plus Cahiers d'ombres MATTHIEU GALEY
Comité national des Ecrivains et jamais de diplomatie secrète. d'en- L'Express
l'Union des Ecrivains. tretiens secrets, de nominations et Michel Leiris
de limogeages secrets et incompré- Plus rien
hensihles, que les masses discute- "Lucien Elia plonge dans le tor-
» Essuyez le cadran de l'horloge. raient de tout ouvertement ? Yves Bonnefoy rent de son sujet avec une vo-
Vos montres sont en retard par rap· » Les « ennemis vont entendre », Dans le leurre du seuil lupté, une envie de tout montrer,
port à notre temps. Ecartez les voilà votre excuse. Les « ennemis » de tout nommer, qui font de ce
éternels et permanents donnent une André du Bouchet "roman" un document passion-
lourds rideaux que vous aimez tant. nant, une suite un peu étourdis-
Vous ne soupçonnez même pas que justification facile à l'existence de .. ·figure sante de tableaux de mœurs.
dehors il fait jour. Ce n'est plus le vos fonctions et au fait que vous scénes familiéres et folkloriques,
temps des sourds, l'époque sombre existez. Comme s'il n'y avait pas Laura Riding leçons de vocabulaire. de liturgie.
où il n'y avait pas d'issue, où il d'ennemis quand on nous avait pro- Poet: a lying ward de gastronomie."
vous avait plu d'exclure Akhma· mis que la vérité serait toujours dite
Pascal Quignard FRANCOIS NOURISSIER
tova. Et ce n'est plus, non plus, immédiatement. Mais que feriez- Les Nouvelles Littéraires
l'époque de la timidité et des temps vous sans ennemis ? Vous ne pour- La parole et le bouclier
frileux où vous aviez exclu Paster· riez même pas vivre sans ennemis.
nak. en poussant des hurlements. La haine, la haine qui ne le cède dessins de Tàpies et de Dürer r-T-.....
» Cette honte ne vous a·t-elle pas en rien à la haine raciale, est deve- ~
suffi ? nue votre atmosphère stérile. Mais Ed. de la Fondation Maeght
» Voulez·vous l'épaissir? Mais
l'heure est proche où chacun d'en·
c'est ainsi qu'on perd le sens de
l'humanité intégrale et unique et
10 rue Treilhard, Paris 8
FLAMMARION
La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 décembre 1969 11
e
UI est-ce?
Pierre Bourgeade a rencontré un certain la possibilité d'un jeu. Qui est l'écrivain Les écrivains interrogés jusqu'à présent
nombre d'écrivains à qui il a posé des rencontré par Pierre Bourgeade? étaient François Mauriac, André Pieyre de
questions inusitées. Elles ne se rappor- Les lecteurs qui nous envoient une ré· Mandiargues, J.M.G. Le Clézio. Nathalie
tent ni à leur vie ni à leur œuvre, mais ponse juste, dans le délai d'un mols, Sarraute, Eugène Ionesco, Pierre Klossow·
à ce qu'Ils ont en eux de caché, de secret, bénéficient d'un abonnement de trois ski, Raymond Queneau. Marguerite Duras
d'Imaginaire, ce qu'en somme, ils ont fait mois (ou, S'ils sont abonnés, voient leur est le huitième et Claude Roy le neuvième.
passer dans leurs ouvrages, sans toujours abonnement prolongé de trois mois). Ceux
en être conscients. et qu'Ils n'auraient pas qui auront découvert tous les écrivains
toujours envie de révéler. interrogés (ou presque tous) recevront Qui répond aujourd'hui aux questions de
Il y avait là. pour la Quinzaine littéraire de la Quinzaine littéraire un cadeau. Pierre Bourgeade?

Pierre Bourgeade. Vous rê- P. B. Vous le revoyez? dans France-Soir pour recher- çais, peut-être?
vez? cher des rêves?
X. Oui. Dans d'autres rêves.
P. B. Dans la Quinzaine litté-
X. Oui. Et vous? P. B. Dans quelles circons- P. B. Oui. J'avais découpé raire, en tout cas. Mais le Chas-
tances. l'annonce. Je Ils les petites an- seUl' Français est plus lu. A une
P. B. Oui. nonces tous les jours. certaine époque, je correspon·
X. Je suis avec lui. Nous de- dais avec des espions, ou plutôt,
X. Souvent? vons partir. Nous devons partir X. CHERCHE REVES POUR avec une jeune fille très timide,
très vite. Il ne reste que sept COLLECTION. Mon nom. Mon ce qui fait que je n'avais pas osé
P. B. Quelquefois. minutes. SEPT MINUTES. Je fais adresse. J'ai eu beaucoup de ré- lui donner mon nom, mais un
ma valise, aussi vite que je ponses. J'ai fait paraître l'an- faux nom. Je donnai ce faux nom
X. Quoi 7 peux, et au fur et à mesure que nonce une seule fols, Il y a plus à une boîte postale privée et
je la fais, elle se vide. Elle ne se d'un an, et je reçois encore des j'allai y chercher mon courrier;
P. B. Des trucs qui font peur. remplit pas. Je la remplis de lettres. J'en ai reçu plusieurs je ne reçus qu'une seule lettre.
journaux. Je n'emporte que des ces jours-ei. Un jour que je venais en vain
X. Par exemple. journaux. Le type me dit : « Fais chercher du courrier, je vis deux
vite. Fais vite•• La valise n'est P. B. Ça ne m'étonne pas. ou trois messieurs retirer le
P. B. Je suis en haut d'une jamais prête. Tout d'un coup je leur : ils ployaient sous le poids
montagne. Je regarde les nua- me dis : « Ce n'est pas : sept X. Les gens ont écrit. Télé- de centaines de missives. La
ges, en bas. Ils montent. Quand minutes. C'est : cette minute.» phoné. Maintenant, je voudrais tenancière de l'officine me
Ils m'atteidront, je mourrai. Ce C'est un jeu de mots. Vous savez faire paraître une nouvelle an- laissa entendre qu'il s'agissait
n'est pas des nuages, c'est un que j'ai fait passer une annonce nonce. Dans le Chasseur Fran- de correspondants du Chasseur
gaz. Je ne peux pas m'échapper. Français.
Ils montent. Ils m'atteignent. Je Pour Citation, transformation
me réveille. de votre magasin en Pressing
automatique, études et devis
gatults, mise au cour.• service X. C'est là que Je dols met-
d'entretien .ssuré.SECOMAT· RECHERCHES
X. Je fais souvent un rêve EST, 16.r.Chevreul, Parls.11' tre mon annonce 1
Marque Internallonale de
analogue. Je suis devant une PRESSING AUTOMATIQUE
montagne. Je la regarde. Je me recherche personnes dlsPOs.nt
de 50.000 6 100.000 F. ou P. B. Tous les chasseur~ le
dis: « Ce n'est pas une mon- magasin bien placé et pelll
capItal pour exploItation af·
lisent.
tagne. C'est de l'eau. C'est une faire saine et sans aléas. As-
surons la mise en roule, .s-
montagne d'eau. Elle va m'écra- slstance technique, commercia-
le et publicitaire. BENEFI·
X. J'al reçu beaucoup de let-
ser. D Je me fais peur. Je dirige CES EXCEPTIONNELS. -
Pour tous renseignements :
tres. On demande à rencontrer
mon cauchemar. écrire 6 S.A. IGEA·FRAN· le collectionneur.
CE, 70 bis, rue Bossuet, 6
LYON'6' (RhOnel. Téléoh.
(781 52·17·85.
P. B. Un autre. CAPITAUX. P. B. Allez-vous à ces ren·
dez-vous?
X. Je suis avec un ami, au
Mexique. Il grimpe sur une pyra·
JAMAIS VU...
...5 F A LA LIVRAISON. X. Bien sOr 1 Je Joue le Jeu.
N'AnENDEZ PAS
mide, une de ces pyramides à L'ECHEANCE. Transformez CLI. 46-82 Ce sont des gens Jeunes qui
marches. C'est un effort ter- vos hypothéquese. T.023{)8·20
Chez vous ce soir 55 caution. écrivent. Pas une seule personne
PRETS HYPOTHECAIRES. ss versem. télémon. Per.so-s5
rible. Il arrive en haut. Là, il Réalisation 018 h. PRO. 01-52. âgée. Des jeunes filles, des écri·
DEPANN'HEURE
grave nos deux noms sur la CREOIT IMMOBIL. MAXI TEk~~J~~es 929-83-52 vains, des peintres, des em·
pierre et il pisse dessus. PRETS HYPOTHEC.
NEGOFIA, 39,r,Amsterdam- ployés de bureau. L'un de ces
Tél. 744-6Q00.4, OS, 744·69- n11~a~h~~e 782·63·93 correspondants m'a téléphoné.
P. B. Et après? PR'ETs 80 6 100% s/22
pr .ch. pav. appt, terr.et 1
FIDUCO 15,r. Rougemo
Pro.40-38. Pro.s
.TVSla.39·99 Il ne voulait pas m'écrire. Il vou-
lait absolument me voir. Il vou-
X. Après, Il descend et Il ELE EPARGNE 55 Qut.
=-;;::::::::~t.::i""":i''''ë':~''''It~~AU CHA. 56-90 lait absolument me remettre son
entre à la Trappe. rêve « en mains propres D. C'est
Chez vous ce soir TV Àble
FacilitéS de pelement. ant. NI Qut. ni monnay. Es·
sai gret. IS engag. 1er _s.
l'expression qu'II a utilisée.
P. B. Ciel 1 MARTIN 25' ANNEE. OCCASIONS 2 mols .pr, IIvr. 627001-046-
ELY. 70022. TV. NI caution ni tlrellN.
DIVERSES Fonnule nouvelle. 607-13--41 P. B. Vous avez été chercher
X. Il en est sorti. ANIMAUX
le rêve?
13
J:NTRJ:TIJ:N

SJ:CRJ:T

X. Oui. Sur les quais. Dans


un petit café, sur les quais.
a mis dans sa lettre des mor-
ceaux d'écorce de platane. Des Pyramides humides
débris de rêve.
P. B. Il avait le rêve à la
main? P. B. Faites-vous des rêves
prémonitoires?
X. Non. Il m'avait dit: ft J'au-
rai France-Soir à la main•• Je X. Presque jamais. Mais il
Transports en commun
suis entré dans le café. Il y avait m'est arrivé plusieurs fois de
plusieurs hommes. Ils lisaient rêver quelque chose qui allait
tous France-Soir. Nous nous arriver dans la vie de quelqu'un
sommes trouvés quand même. d'autre. Par exemple, une nuit,
Je reçois des lettres d'Injures
quelquefois. On me dit : « Sa-
je rêve d'une amie qui me dit : Rêves pour collection.
« It's a midget•• « Midget .,
laud. - c'est un mot anglais peu cou-
rant qui veut dire « naine -. Le
P. B. Vous répondez à cha- lendemain mon amie me raconte
que lettre? cette histoire : une femme vient
la voir, lui parle longuement de
X. OuI. Sauf aux injures. On sa Jeune fille, des soucis qu'elle
me pose des questions : « Est-ce lui donne, etc. Mon amie écoute.
que vous échangez les rêves? La jeune fille entre. C'est une
Est-ce que vous les achetez? naine.
Est-ce que vous avez l'intention
de les publier? n. - P. B. La mère ne l'avait pas
P. B. Montrez m'en un. dit?

X. Mals je ne peux pas 1 X. Non. Elle avait tout dit, qui est sous la cagoule. Un Jour, X. Oui, Il a dit qu'II ne savait
C'est impossible. Quelqu'un me sauf ça. il ne se réveille pas au même pas s'il était lui-même ou s'il
confie un rêve. Je ne peux abso- endroit. Le rêve continue. Il était un autre en train de rêver
lument pas le montrer. P. B. Une naine? arrive jusqu'au lieu du supplice. qu'il était Borges.
On enlève la cagoule. C'est lui.
P. B. C'est vrai. X. Oui.
P. B. Je ne connaissais pas P. B. Il est peut-être moi?
X. On me demande aussi s'II P. B. Mince! ce récit. Mais je pense souvent Borges : Bourgeade. C'est la
existe un club. Les gens sont à celui des deux théologiens. même chose. Dommage que je
très seuls. Ils aimeraient entrer X. Oui. Il est vrai que j'ai fait Deux théologiens se combattent. n'en sois pas sûr.
dans une société secrète. Une aussi, un jour, un vrai rêve pré- L'un fait que l'autre brûle vif.
société de rêve en commun. De monitoire. J'étais en voyage à Puis lUi-même est brûlé vif. Il X. Mais oui. Qui êtes-vous?
transports en commun. l'étranger. Je vais voir des amis arrive devant Dieu. Il volt alors
qui habitent une sorte de grand que, pour Dieu, son ennemi et lui
P. B. Ce n'est pas possible? H.L.M. Je couche chez eux. La sont la même personne. Borges P. B. Et vous? Qui êtes-
nuit je rêve que je suis contre est un génie. vous?
X. Non. On ne peut pas rêver le mur de l'H.L.M., que quelque
à deux. Ni à plusieurs. N'est-ce chose m'écrase contre le mur
pas? avec une force insensée. C'est
une sensation aHreuse. Impres-
P. B. . n
sion de mourir. Envie de chanter,
de vomir, de rire. Et une volx dit Cette fols, il s'est passé quelque chose de bizarre. Sur 31 réponses reçues,
X. Tiens, vous êtes comme que le lendemain quelqu'un va 24 désignent Michel Butor comme ('écrivain avec qui s'est entretenu Pierre
moi, quand on vous interroge, mourir là. Un enfant. Or il n'y Bourgeade. Trois de nos lecteurs seulement ont reconnu Claude Roy : M. Victor
vous mettez votre main sur votre avait pas d'enfant dans cette fa- Cherner à Paris 19', Mlle Nicole Gilbert à Paris 15' (4" réponse Juste),
Mlle Rose Fer à Nyons. S'il est vrai que beaucoup des paroles de Claude Roy
bouche, vous mordez vos doigts mille. Je n'ai prévenu personne. eussent pu être prononcées par Michel Butor, et s'II est vrai encore que nos
et vos lèvres. Le lendemain, un petit garçon deux écrivains ont beaucoup de goûts en commun (pour Jules Verne, par
est venu faire une course dans exemple, ou pour Proust, et c'est à propos de ces deux exemples que sont
surtout nées les erreurs d'Identification), Il n'en reste pas moins qu'on pour.
P. B. Oui. l'immeuble. Il a mis la tête dans rait, sur d'autres Indices Il est vrai, difficilement les confondre. Quoiqu'il en
la cage pour voir si l'ascenseur soit,citons la lettre de Nicole Gilbert :
X. On s'explique aussi. On arrivait. Il a eu la tête écrasée. Chère Quinzaine,
m'envoie le rêve et, avec le Quand on Joue à l'Interviewé mystérieux, on ne publie pas, quinze Jour.
rêve, le mode d'emploi. te J'avais P. B. C'est affreux. avant, un • Mol Je • trop révélateur 1
Exemples : le roman d'amour déçu, et aussi le goût de Proust - qui serait
fait ceci la veille. C'est parce banal s'II n'était pas exprimé en reprenant l'Image de la fleur Japonaise utilisée
que, etc. )J On m'envoie des des- X. Oui. Dans Borges, il y a Justement par Giraudoux à propos de Proust (et l'on sait combien Claude Ro.y
sins explicatifs. des rêves plus eHrayants en- aime et connait Giraudoux).
core. Un homme rêve tous les A partir de là, tout est clair : la Chine, Alice au Pays des Merveilles, etc.
P. B. Erotiques? jours d'un condamné qu'on con- Nicole Gilbert
duit au supplice, le visage cou-
X. Parfois. Les hommes. Pas vert d'une cagoule. Il se réveille
les femmes. Un jour, quelqu'un toujours à temps. Il ne sait pas

La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 décembre 1969 13


INÉDIT

Deux poètes cc métaphysiques "

Lea Editions Seghers pu- glaise. Nous donnons deux


blient un recueil de • poèmes poèmes de deux des plus
élisabéthains,. choisis et Oui, j'aime et la blonde et la rousse. Celle
grands poètes métaphysiques. Qui s'offre abondante ou qu'indigence trahit,
traduits par Philippe de Roth-
schild. Del contemporains Ils sont précédés de quelques Celle à s'en aller seule ou par masques et ris,
de Shakespeare jusqu1aux extraits d'une étude de Ste- Celle des foins ou du faubourg la belle,
poètes métaphysiques, on y phen Spender qui présente Celle qui croit ou le prétend,
suit le touts de la poésie an- ce volume. Celle œil-éponge et larmoyant,
Ou, bouchon sec, sans un pleur pour autant,
Oui j'aime, toi, toutes, elles et elles,
Oui j'aime qui je sais est l'infidèle.

N'est-il quelque vice qui te séduise ?


N'est·ce point ton tour, tel pour ta mère ce fut?
Les vieux vices usés, un nouveau cherches-tu ?
L'homme fidèle est-ce là ta hantise ?
Pour nou., Angl.I., pen.er copes habituent le regard aux Ne l'est aucun, point ne le sois•
• EII••béth.ln -, ç'est voir une Images de la lune. le. astro- J'en veux, prend-en, tous deux vingt fois.
p6rlode qui commence bien nomes font état de surprenantes
avant et s'étend bien af)rèl les étoiles, de téméraires comètes. Vole-moi, mais sans lien, et lâche-moi.
quarante-clnq ans, 1558-1603. du Dois-je pour exercer sur toi mon zèle,
règne d'Elisabeth. L'aube de la L'époque élisabéthaine est
poésie élisabéthaine commence celle où l'on passe de l'état
féodal au monde moderne Indi· Etre un sujet soumis d'une fidèle ?
avec les Tudor, sous le règne de
son père Henri VIII, se poursuit vidu'alisé, où le héros, en dépit Vénus entend mes soupirs et me jure
après elle jusque dans les pé- de forces hostiles agissantes, se Sur le plus doux d'amour, sur sa variété,
nombres et le. Incertitudes des . lance dans de grandes aven· Qu'elle n'en a rien su ; ce ne peut s'accepter.
règnes Jacobins et Carollnlens tures.
Elle va, s'informe, vient et m'assure
(James 1"', Charles 1er , Charles l'accent est mis sur la nou- Hélas, les pauvres, deux ou trois
Il). La période Tudor·Ellsabeth, veauté. L'art nait d'un conflit
c'est le .olell du premier matin, entre l'inédit audacieux et les Hérétiques d'amour, d'émois,
.lIlonn6, d'éclairs de violence. voles - presque antiques -
Puis vient une grande plaine du classicisme. La· poésie élisa· D'une constance alarmante font loi.
de paix toute relative, entrecou- béthalne - elle est en cela de Soit, leur ai.je dit: Tu te veux fidèle?
pée de guerres, de menaces, la Renaissance - veut absorber
d'alarmes et terreurs. l'époque Qui fidèle est se fie à l'infidèle.
le plus d'Idées nouvelles, de John Donne (1572-1631)
s'achève dans l'obscurité d'un matériaux nouveaux tirés des
crépuscule mourant. Plus tard, • Terres-Neuves • sans cesser Chansons et Sonnets. 1633
s'élèvera un nouvel astre luml· de poursuivre les leçons des
neux, la lune puritaine de Mil· classiques, les règles héritées
ton, face au grand soleil élisa- de l'antiquité. Laissant de côté
béthain. ceux qui veulent Innover' pour
Nous qui sommes de l'Ile, en seulement Innover, l'origina)lté
relisant les poèmes de cette élisabéthaine est d'assimiler le L'HOMME
anthologie, nous voyons les re· nouveau mals de retourner aus·
flets de l'aube, puis du plein sitôt aux sources anciennes. L'Homme est toute symétrie.
jour, enfin de la nuit envahis- Elle diffère en cela de la démar· Bel équilibre membre à membre tel
sante. Tableau qu'historiens ou che moderne qui, pour suivre. Tout de l'univers monde à monde
critiques se plairont à rectifier. les lois de l'invention scientlfl·
que, Impose le neuf, efface le Chaque au plus distant fraternel.
Ainsi, la poésie des débuts, sur· Pieds et tête, l'intimité les lie
tout celle de Wyatt, est plus passé soudain suranné. C'était
complexe qu'II ne parait. La plus alors l'occupation de nouveaux Commme aux lunes, aux ondes.
tardive, celle de George Herbert, territoires que l'on voulait colo-
retourne à l'innocence. C'est au niser et cultiver avec les Ins- Rien si loin n'est allé
déclin du règne d'Elisabeth et truments des anciennes clvlli·
satlons. Qu'Homme n'ait pris, tenu pour prise et proie.
à l'arrivée de James 1er que la
poésie anglaise perd de son Son œil enclot l'astre volé.
Innocence, s'enfonce en une Shakespeare Introduit plus de Si peut qu'il soit, il est la sphère.
complexité croissante, mais à mots nouveaux dans sa poésie L'herbe vive en nos 'chairs soigne et côtoie
travers de nouvelles richesses qu'aucun autre poète. Pourtant
Il se moque de la mode et de L'ami qui la requière.
Il y passe comme un regret
de la lumineuse simplicité du l'écriture qui recherche unique-
vrai grand Jour élisabéthain. ment la nouveauté. Les Elisabé· L'étoile, Un lit défait.
thalns s'arrangent pour absorber La nuit, le rideau qu'un soleil dépose.
Fier, Il y attache son nom. les Idées, les changements de Chants d'aube et le cerveau renaît.
Etre moderne c'est se laisser leur temps, sans pour autant
envahir par des théories, des admettre une littérature sans Toute chose en chacun s'inscrit.
découvertes. Elles mettent en précédents, qui ne pourrait être En nos chairs au fait d'être, à notre esprit
cause valeurs et croyances dont jugée par les normes du passé. Miroite effet et cause.
les hommes se èroyaient sars. Il se méfient de l'originalité, Ils
Copernic, dont les théories sont ont peur d'un avenir qui englou·
largement répandues, déloge la tirait le passé, Ils en appellent L'Homme a des serviteurs
terre du centre du système à Rome et Athènes. Plus qu'il n'en peut connaître. Errant il gronde.
80lalre. Les Inventions concré- S'en prend à qui lui veut du bien.
tisent les théories. Des téles· Stephen Spender. Pâle et hâve de mal et peur.
o torce d'amour ! L'Homme est un monde.
Un autre est son soutien.
Georges Herbert (1593. 1633)
Le Tempk. 1633

14
AUX ÉDITIONS RENCONTRE

ANTHOLOGIE
DELA On peut, à de rares exceptions près, considérer la litté-

CORRESPONDANCE rature épistolaire comme un genre disparu. Elle n'a


pas survécu à la généralisation de l'usage du télé-
phone. Depuis « Le Trésor épistolaire de la France»
FRANÇAISE d'Eugène Crépet paru en 1865, il n'existait aucUne
anthologie importante de la correspondance française.
Chaque volume renferme Le moment est donc vènu de dresser un bilan de ce
genre littéraire tenant compte des admirables décou-
• des notices biographiques sur chacun des auteurs vertes faites par de nombreux chercheurs et amateurs
• des informations sur la genèse de la correspondance depuis le début du siècle. Ce choix des plus belles et
la présentation suit l'ordre chronologique de la date de intéressantes lettres en langue française vous le
naissance des auteurs. trouverez dans les sept magnifiques volumes parus
7 volumes de près de 500 pages en moyenne, au format de aux Editions f?.encontre sous la direction d'André
12,5 x+8,5 cm, reliés plein Skivertex vert foncé ombré, dos MAISON. Il constitue une riche et passionnante
et plat supérieur gaufrés or, faux nerfs, coins arrondis,
signet de soie or.
Dans les bonnes librairies
vie de la France du XVIe au xxe siècle. .5R.
documentation historique, sociale et humaine, de la

La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969 15


ARTS

La dimension cachée
Jean-Louis Ferrier Quattrocento n'était un spec-
La forme et le sens tacle pour Vasari ou Piero
Denoël, éd. 217 pages. della Francesca. Il s'agit de tout
autre chose, puisque le peintre
Entretiens avec Vasarely a à intervenir dans cet univers
P. Belfond, éd. 182 p. où se mêlent les constructions
établies par le passé et les nou-
velles esquisses d'une structure
Quelque chose a changé dans encore non formulée. On sait
l'appropriation de la peinture que les peintres italiens n'ont
par le langage - et peut-être pas vu Florence dans son archi-
d'abord ceci que l'on ne traite tecture nouvelle, mais qu'ils ont
plus la peinture comme un construit par avance une ville,
langage... V 0 ici quelques image systématique de ce que
années, la présentation des devait être le monde en devenir.
figures plastiques excitait un
Ainsi, Vasarely ou les jeunes
curieux dévergondage méta- peintres américains. Mais pas
physique, d'autant plus frap-
tout avec le même bonheur.
pant qu'il répondait à l'im- Pour les uns, comme Rauschen-
pressionnisme des critiques. berg, il s'agit peut-être de dé-
truire le monde établi, la civili-
sation américaine, en la disqua-
En présentant la Forme et le lifiant par d'absurdes (apparem-
sens, Jean-Louis Ferrier estime ment) rençontres de signes. Et
qu'il propose des éléments pour c'est un peu ce que Manet avait
une sociologie de l'art: il s'agit réussi en tirant d'un Giorgione
d'expliquer et de rendre compte célèbre et académisé la repré-
du texte pictural et du système sentation d'une fille nue au mi·
qu'il implique, lequel englobe lieu de rapins habillés. Ferrier
à la fois le peintre, le monde a raison d'évoquer ce rappro-
où il s'enracine et les prolon- chement.
gements de son expression sur Pour d'autres, et précisément
les publics qu'il touche avec Vasarely, il s'agit de définir par
plus ou moins de rapidité. On avance (un peu comme l'avait
voit qu'il s'agit de tout autre tenté Klee) le système du
chose que d'associer librement monde lui-même, tel qu'il résulte
des idées abstraites à propos de l'action de l'histoire contem·
de la peinture. poraine et de l'action des tech·
Certes, on reconnaît dans ce niques. A la folie technocratique
parti-pris l'écho de la réflexion déchaînée, le peintre objecte
de Merleau-Ponty (dont on sait l'inquiète recherche d'une grille
l'importance qu'il attachait à la cachée sous l'apparente bonne
fin de sa vie, au déchiffrement conscience de notre monde.
de l'art des peintres) et de Vasarely : Hommage à Malevitch, 1952·1958
Pierre Francastel. Au-delà ou On dira que l' • éthIque" de
en-deçà des théories ou des imaginaire opératoire " qu'il mais qui rende compte de la Vasarely n'entraîne pas une
esthétiques, la trame même des serait aussi vain de déduire des composition des choses réelles, adhésion révolutionnaire. Mais
œuvres propose un ensemble idéologies successives et pas un visage, un paysage. Il s'agit l'idéologie se soucie-t-elle d'in-
de signifiants dont nous devons toujours cohérentes du Bauhaus d'un .. fait de civilisation" com- tégrer la recherche qui creuse
en somme chercher la significa- que de tirer comme l'ont fait parable à celui qui, au XVIe siè- sous le monde pour trouver le
tion. Renversement qui explique certains critiques américains cle, entraîne certains savants langage caché ? Les • socia-
peut-être l'élément passionnel d'une sensibilité mystique. Dès et certains peintres à recons- listes " du temps de Marx se
qu'entretient l'existence d'une lors, il ne s'agit pas de nommer truire l'anatomie du corps moquaient de cette • classe so-
œuvre d'art. le fantastique ou l'onirisme, humain. ciale " qu'ils prétendaient ne
De tous les textes contenus mais de comprendre pour quelle On voit que la méthode de voir nulle part. Evidemment, la
dans la Forme et le sens, l'ana· raison l'onirisme et le fantas- Ferrier peut aider la peinture à forme interne et dynamique de
lyse que propose J.-L. Ferrier tique (désignés par nous) sont retrouver son statut de spécu- la matière sociale n'éclate pas
de l'œuvre de Klee est sans des instruments de spéculation lation objective sur la réalité. en plein jour: elle est une cons-
doute la plus frappante. Il existe agissant sur la matière ou, plus Parlant des nouvelles recher- truction utopique dont la suite
en somme assez peu d'études largement, le cosmos. ches picturales américaines ou des événements seule apporte
sur Klee qui cherchent à expli- Si « les formes sont des s'entretenant avec Vasarely, il la preuve. Elle est en somme
quer le cheminement de cette forces dans les tableaux de esquisse un système de lan- un pari. Et la peinture, le sys-
création à travers les spécula- Klee n, cela signifie d'abord que gage capable de rendre compte tème des peintres tel que le
tions rigoureuses du plus pré- le système du peintre est de du système pictural. définit J.-L. Ferrier, sont, eux
médité des peintres contempo- construire un univers, sans Bien entendu, la civilisation aussi, un pari sur la connais-
rains. doute plongé dans le clair- technicienne n'est pas un spec- sance du monde.
On suit donc les démarches obscur de la connaissance inté- tacle pour le peintre, pas plus
de ce que Ferrier appelle • un rieure (non de la subjectivité!) que la civilisation italienne au 1
Jean Duvignaud

18
La •
BlaIn de ReBlbrandt
Henry Bonnier combien nuancée, leur propre cents, nous sont montrées à le : répandue d'abord largement
L'Univers de Rembrandt finalité, alors que certains l'exposition du Louvre. Ici, nous sur la scène - comme dans le

1 80 reprod. de dessins.
Henri Scrépel, éd. 120 p.

Exposition Les plus belles


autres, mais non moins remar-
quables, ne sont que des exer·
cices graphiques ou des études
en vue d'un travail plus poussé.
pouvons suivre les intentions
du graveur et la progression de
ses idées relatives à la façon
de concevoir un sujet au fur
groupe de Jésus-Christ au tom·
beau - elle se réduit peu à peu
à n'être plus qu'une mystérieuse
irradiation des personnages eux-
eaux·fortes de Rembrandt Mais ce qui donne à nos yeux et à mesure qu'il le voyait appa· mêmes et devient, au dernier
Catalogue préfacé par tant de prix à ces dessins où raÎtre sur le cuivre, et nous les état, un éclairage à peine suffi·
Maurice Serullaz et Frits Lugt. l'on peut suivre sur le papier suivons d'autant mieux qu'une sant à déchiffrer les trois ou
Musée du Louvre, le mouvement même de la main succession d'états pour une quatre principales figures émer·
Galerie Mollien. de Rembrandt, et ce qui différen· même gravure nous permet de geant des ténèbres.
cie essentiellement l'esprit d'un voir les changements apportés Rembrandt reste ainsi dans
tel travail de celui de sa pein- par l'artiste en reprenant la ses eaux·fortes ce qu'il s'est
ture, c'est l'extraordinaire liber- planche à l'acide ou à la pointe montré dans ses peintures, un
Les ouvrages et les exposi· té avec laquelle cette main s'est sèche, et en modifiant les encra- a mou r eux de l'ombre, un
tions consacrés à Rembrandt, exprimée, sûre d'elle, sûre de ges et les papiers. (Signalons enfouisseur dans le secret de la
en cette année du troisième son pouvoir évocateur, même la perfection des épreuves expo- nuit des parcelles d'or qui sour-
centenaire de sa mort, nous alors que les formes sont, en sées, la plupart d'entre elles dement brillent du feu de la ré·
entraînent à unè nouvelle quelques traits, plus suggérées ayant été tirées par Rembrandt vélatlon. Opération à la· fols
exploration de son œuvre, que décrites. lui·même sur sa propre presse). mystique et alchimique, où le
dont l'étendue et la disper· Cette main de Rembrandt, C'e,st ainsi que, dans bien des théâtre de la Bible transforme
sion font que nul peintre, c'est elle aussi qui nous étonne cas, on peut constater la dispa- chaque acte en mystère, apporte
parmi les plus célèbres, n'est, et qui nous éblouit dans le tra- rition progressive des détails, à chaque drame, dans l'opacité
en vérité, aussi mal connu. vail, cette fois longuement éla- un acheminement vers ('obscur de la souffrance et du malheur,
Rares, en effet, sont ceux qui boré, de ses eaux-fortes dont les et cet attachement toujours plus ces quelques gouttes de soleil
peuvent se flatter d'avoir vu plus belles pièces, plus de deux rigoureux à la lumière essentiel· qui propagent l'espoir.
plus qu'une faible partie des
six cents peintures, des trois
cents gravures et des innom·
brables dessins qu'il a lais-
sés, et la connaissance des
importantes collections hol·
landaises et anglaises ne sau·
rait dispenser de celle des
vingt-quatre Rem b r and t
conservés à Léningrad, au
Musée de l'Ermitage.

Il est néanmoins plus facile


de voir les tableaux que les des·
sins, et c'est pourquoi l'on
prendra grand plaisir au choix
qu'en a fait, dans son livre,
Henry Bonnier. Dans cet Univers
de Rembrandt, l'auteur retrace
l'histoire de tout ce qui fut
effectivement pour le peintre
un « univers» sans doute limité
dans l'espace, mais d'une ri·
chesse illimitée dans la vision
de son esprit créateur.
Ces dessins à la plume d'oie
ou au roseau, à l'encre de Chine
et, surtout, au lavis de bistre,
montrent l'importance de ces
procédés dans l'œuvre de Rem-
brandt et comment ce fut pour
lui un moyen d'expression inter-
médiaire entre le tracé purement
linéaire et la peinture. Les
Chaumières sou s un ciel
d'orage, la Vue de Londres, une
Sainte Famille, sont, en outre,
des dessins ayant trouvé dans
leur exécution même, dans leur
coloration monochrome mais Rembrandt : /éaru·Christ présenté au peuple (1655).

La Quinzaine littéraire, du 1"' au 15 décembre 1969 17


~Rembra.dt

Mais, génial metteur en scène vé par Hercules Seghers. Il


de .Jésus guérissant les malades représentait Tobie traînant (par
(la fameuse Pièce aux cent flo- terre) son grand poisson et suivi
rins) , des Trois Croix, de la Pré- de l'Ange Raphaël portant son
sentation au Temple, de la Mort épée, figures que Rembrandt
de la Vierge, l'aquafortiste est effaça sur le métal pour les
aussi le paysagiste le plus atten· remplacer dans le même pay-
tif aux simples spectacles de la sage (si typiquement segher-
nature. La Chaumière à la sien) par la Sainte Famille en
grange de foin, le Paysage aux route vers l'Egypte. Une épreuve
trois arbres, le Paysage aux de la planche de Seghers tirée Rembrandt : Adam et Eve (1638), détail.
trois chaumières, le Bouquet de avant ces transformations per-
bols, sont des œuvres qui, plus met de la comparer avec les intéressés de savoir qu'un troi- blable à celle des figures de
que toute autre peut-être, rejoi- trois états dus au travail dé sième auteur doit être cité dans Seghers. Le minuscule village,
gnent, par une sorte de nervo- Rembrandt. (N'oublions pas que cette composition : Adam Els- dont on voit le clocher pointer
sité naturelle du trait, la liberté celui-ci, dan s la collection heimer, dont un dessin conservé dans le lointain, existe, lui aussi,
des dessins. d'œuvres d'art qu'il dut se rési- au Fitzwilliam Museum de Cam- dans le dessin d'Elsheimer qui,
Une des planches les plus gner à vendre en 1657, possédait bridge montre les figures de d'autre part, peignit une Fuite
curieuses de l'exposition' du huit tableaux de Seghers). Or, Tobie traînant (par terre) son en Egypte dont s'inspira Rem-
Louvre est une Fuite en Egypte ceux que cette « collaboration • grand poisson et suivi de l'Ange brandt. Ce fut peut-être pour lui
pour laquelle Rembrandt, vers a pu étonner - indigner ou Raphaël portant son épée, dans une manière de la lui restituer.
1653, utilisa un cuivre déjà gra· enchanter ? - seront peut-être une attitude en tout point sem- Jean Selz

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18
ÉCONOMIE

La société de consommation
POLITIQUE

Raymond Ruyer risque d'~tre trompeur. Le lecteur fendre n'importe quel investisse· d'une société sans contrainte, où
Eloge de la lociété biaisé ou peu averti des questions ment, à partir du moment où ses les sacrifices de tous ordres se né-
de comommation éconoJ;JlÏques l'isque de ne voir là· résultats sont intangibles ou n'ap- gocjeraient sur la base d'un
Calmann.Lévy éd., 331 p. dedans qu'un simple plaidoyer paraissent qu'à très long terme. .échange purement volontaire ?
pour la consommation privée, et 3° La relation de causalité entre Ses observations touchant les dé·
un dénigrement systématique de un avantage, même bien tangible buts de l'histoire des Etats-Unis
Dans une interview récente à toute action de l'Etat sur la struc· (comme par exemple un accrois~ (pp. 248-249), où la « fonction
France.Culture, l'auteur a expli- ture de la demande. Il y a de sement de la production natio- politique était une fonction
qué la genèse de ce livre au titre cela bie!! sûr, et l'on pourrait nale), et les facteurs qui l'ont comme les autres » pourraient le
agressif, en la faisant remonter s'amuser à faire un parallèle entre engendré n'est pas toujours aisée laisser penser. Mais on ne saurait
aux travaux qu'il a effectués il y a Ruyer et le' Milton Friedman de à déceler, comme en témoignent pour autant lui imputer' une con.
une vingtaine d'années sur l'uto- Freedom and Capitalism. En un toutes les discussions entre spécia. fiance aveugle dans l'échange gé.
pie (cf. son livre l'Utopie et leI temps qui, comme le nôtre, a listes sur les « retombées » posi- néralisé comme fondement de la
Utopies, P.U.F., 1950), et qui enfin pris conscience de l'impor- tives des grands programmes amé- vie sociale, car il li bien éonscience
l'amenèrent à constater à' la fois tance économique et sociale des ricains militaires et spatial,lx. Ces que la politique, comme les biens
la place éminente faite à l'éduca- équipements dits collectifs, pren- programmes constituent-ils un de consommation, répond à un
tion par la }>lupart des utopistes, dre position pour une modération moteur de la croissance écono· besoin que l'o'n ne peut pas éli·
et leur horreur de l'argent, du des dépenses publiques semble le mique sans lequel celle·ci aurait miner en le niant : « la vie poli.
commerce et, plus généralement signe d'un esprit réactionnaire ou été moins élevée, ou bien faut-il tique, pbur l'homme, est psycho.
de l'économie - deux sentiments passéiste. n'y v.oir qu'un luxe accessible aux logiquement, et aussi spirituelle.
qu'il n'a pas eu de mal à Ce serait oublier ce que les dé· pays riches, et à ces pays seule- ment, plus satisfaisante que l acti·
retrouver én observant la réalité fenseurs les plus lucides des « con- ment ? Dans le même ordre vité économique, parce' qu'elle
du xx' siècle. sommations collectives .~ savent d'idées, le secteur tertiaire, au- l exprime à la fois plus profondé•.
Il faut également mentionner, bien, et que l'on peut résumer qu,el l'auteur consacre plusieurs ment et plus totalement» (p. ~84) .
pour bien comprendre l'esprit dans les trois points suivants: pages pleines de verve satirique, Elle satisfait ce que Ruyer, dans
d'un ouvrage singulièrement atta· 1° Si les mécanismes du marché, est-il appelé à un fort développe. un texte fort brillant paru il y: a
chant malgré quelques outrances, c'est·à-dire la régulation de l'offre ment parce qu'il est fournisseur quelques années (1), appelait la
une phrase telle que celle·ci et de la demande par le jeu des de « services » (et non de biens « nutrition psychique ~. L'ennui,
(p. 258) : « La marche de lhis- prix sont toujours utilisés (voire matériels), article très demandé c'est que l'aliment risque souvent
toire ne peut s'interpréter par la « redécouverts ~ dans les pays de dans une société dont le niveau de se transformer en poison...
lutte des classes à lintérieur d'un l'Est) alors qu'on ne s'éclaire plus de vie s'élève, ou bien parce qu'il Peut-on extraire de ce livre
système économique. Elle n'est à la lampe à pétrole, ce n'est pas constitue une enclave impuné- quelques vues sur l'avenir?
pas une dialectique, qu'elle soit à la suite d'une inexplicable aber- ment « improductive », où l'on L'Eloge est fort sévère pour la
à base d'idées ou d'imtitutions- ration mentale, mais à cause des n'a pas à faire la preuve de sa prospective, qu'il définit comme·:
technico.économiques. Elle est avantages fonctionnelles qu'ils rentabilité, sociale ou non, puis- « spéculation + irresponsabilité
une oscillation ps~udo-dialectique présentent, et notamment la pos-
entre la production économique sibilité de décentraliser les déci-
que la demande est souvent ali- + citations de Paul Valéry ~
mentée par des fonds publics, et (p. 132),' tout en marquant en
et le détournement de cette pro- sions jusqu'au niveau dee ména- que l'offre concerne Souvent, elle même temps les limites des pro;
duction par les pouvoirs politiques ges, leur permettant ainsi de pra· aussi, des avantages intangibles jections quantitatives à long ter·
pour des fins variées ~. Ce détour- tiquer ce que Ruyer appelle joli- (éducation, culture, par exemple) ? me. Mais il ne s'interdit cepen·
nement prend des formes varia· ment l' « autogestion de leur Avouons qu'il n'y a pas de réponse dant pas de suggérer la possibi.
bles d'une société ou d'une épo. salaire ~. simple, et que l'auteùr marque lité que l'économie de marché
que à l'autre, mais il se traduit 2° Dire que la rentabilit~ lIne souvent des points incontestables, finisse ,ar s'effondrer sous le
toujours par une utilisation des opération doit s'apprécier non surtout 'lorsqu'il traite de la so· poids des dépenses improductives
ressources procurées par la vie seulement sur le plan économique, ciété française, où la promotion de la société politique, ce qui
économique en vue d'utilisations mais aussi sur le plan social, c'est est . plus volontiers recherchée obligerait ensuite à redécouvrir
d'ordre politique, religieux, cul- poser un problème réel, mais ce dans la « cléricature ~ que dans petit à petit les éIements de base
turel, etc., différentes de celles n'est pas le résoudre, tant s'en le secteur des entreprises. de l'efficacité économique, dont
qui résultent de la logique de faut, car il n'est que trop tentant l'humanité ne peut plus se passer
léchange. d'invoquer une rentabilité sociale De même on ne peut qu'être
d'accord avec lui lorsqu'il note durablement à moins de vivre « à
C'est là que le titre du livre. difficilement vérifiable pour dé- la simienne ~ (ce qui, âu fond, se
qu'un système de production réglé
pratique déjà...). Perspective qui,
par le mouvement ·des prix. et
après tout, n'a rien d'absurde, et
assujetti à la règle du résultat
a en tout cas le mérite de nous
La Quinzaine bénéficiaire, c'est-à-dire
excès des revenus obtenus s~r les
d'un
faire quitter les sentiers battus
des orthodoxies régnantes. Mais on
Uü6rair. dépenses engagées, comporte' des
s'est peut-être déjà rendu compte
garde-fous internes puisqu'il ne
que Ruyer ne cherchait pas à se
peut pas continuer très longtemps

ABONN'EZ-vous à fonctionner à perte, alors que


toute régulation non économique
peut s'aider de .. la contrainte ou
conformer : malgré un usage un
peu trop laxiste du mot « clerc ~,
son livre aurait, je crois, grande.
ment plu à Julien Benda.

abonnez-VOUS des motivations psychologiques


pour masquer ses erreurs de
calcul.
(1) Cahiers
Bernard Cazes

de l'Institut de,.
·,Faut·il alors taxer Ruyer d'uto- Science Economie Appliquée, sé-
pisme, et le soupçonner de ~r rie M, n° 17 (juin 1963).

La Quinzaine littéraire, du' 1" au 15 décembre 1969 19


IN&DIT

Boukharine ••
Nicolas Boukharine se trou- kharine, Maiskl et Manouilski, renforcer son influence et du numéro 1 de Spartak, daté
vait aux Etats-Unis lors- jugèrent, comme Martov, que son pouvoir. du 20 mai 1917. C'est sans
qu'éclata la révolution de le sectarisme de Lénine était doute le premier texte publié
Ces divergences n'empêchè-
février 1917. Depuis le début dangereux et ils s'écartèrent par Boukharine depuis son
rent pas Boukharine, dès son
de la guerre, il avait adopté un peu de lui. Boukharine se retour en Russie. Si la para-
retour en Russie au début de
les positions pacifistes les séparait également de Lénine bole de Schulz et Sidorov a
mai 1917, de se placer aux
plus radicales, celles de la sur un autre point, celui du été imaginée pour les besoins
côtés de Lénine, à la gauche
g a u che zimmerwaldienne. droit des nations à l'auto- de cette publication populaire
du parti. A Moscou, il fonda
Toutefois, lorsque ce groupe détermination. Alors que Lé- destinée au grand public (et
avec Olminski un hebdoma-
refusa de collaborer avec nine voulait surtout utiliser la dont il ne reste aujourd'hui
daire, Spartak, qui définissait
ceux qui, tout en condamnant force dissolvante des mouve- qu'un ou deux exemplaires),
ainsi la ligne à suivre: • Nous
.Ies naufrageurs de l'Inter- ·ments nationaux pour aider les autres passages de ce
autres socialistes, avont été
nationale -, n'avaient pas à la destruction de l'Etat, texte reprennent les idées
jusqu'à présent plus démocra-
rompu avec eux, beaucoup Boukharine jugeait que la énoncées dans l'Economie
tes que socialistes. (u.) Dé-
jugèrent cette position dan- lutte nationale n'était légitime mondiale et l'Impérialisme.
sormais, il faut être plus On note que Boukharine n'ex-
gereuse parce qu'elle isolait ,que dans les pays coloniaux
socialistes que démocrates,
les dirigeants des travail- où l'idée socialiste n'avait pas plique pas l'attitude de la
ne pas mener le combat seu-
leurs. Il fallait que tous les encore pénétré. Par ailleurs, classe ouvrière dans les pays
lement contre la bourgeoisie
groupes en lutte contre le tsa- car, au stade actuel du déve- belligérants de la même façon
mais aussi contre tous les que Lénine et que la • trahi-
risme serrent les rangs. Les loppement des Etats multina-
sociaux-démocrates qui sont
militants qui éditaient Nashe tionaux (Autriche, Hongrie, son - des chefs de la social-
plus démocrates que socia-
Siovo, organe des • unitai- Russie, etc.), la victoire des démocratie y est présentée
listes. - d'une toute autre manière.
res - de Trotsky, tout comme mouvements • nationaux -
le groupe bolchévik de Novyi serait en fait celle de la bour- Le texte que nous présentons
Mir, à New York, avec Bou- geoisie qui verrait ainsi se ici est signé N.B. Il est extrait Marc Ferro

Dans les milieux ouvriers, Cela explique comment la bour-


deux points de vue se sont tou- geoisie peut assujettir les
jours opposés en ce qui concer- esprits.
ne le problème de la guerre : Nous sommes actuellement à
une perspective petite bourgeoi- une époque où l'ensemble des
se et une perspective proléta- rapports sociaux traditionnels
rienne. La· première considère éclate sous la pression des évé-
avant tout les intérêts de la pa- nements. La guerre mondiale a
trie capitaliste, exigean~ seule- déchaîné un ouragan ( ...). La
ment la démocratisation de l'or- paix sera faite par d'autres que
dr~ gouvernemental. La seconde par ceux qui en sont à l'origine
prend pour mesure les intérêts ou qui l'ont déclenchée.
du prolétariat international, les La guerre actuelle est une
intérêts de la révolution interna- guerre capitaliste. Et chaque
tionale. guerre capitaliste est un cas par-
Il n'y a rien d'étonnant à ce ticulier de la concurrence entre
que le premier point de vue les différents groupes pour le
puisse exister parmi les prolétai- partage des revenus que peut
res. Les travailleurs ne sauraient procurer le travail fourni par les
prendre conscience, du premier. classes exploitées. De nos jours,
coup, des antagonismes qui op- la concurrence entre les capita-
.posent leurs intérêts propres à listes a sensiblement changé de
ceux de leurs maîtres. De mê- nature. Dans les pays de tran-
me, ils ne sauraient mesurer sition elle porte presque exclu-
tout de suite combien le mouve- sivement sur la concurrence à
ment révolutionnaire internatio- l'extérieur, c'est-à-dire contre
nal est important pour eux et des capitalistes étrangers poùr
ifs se consacrent plutôt à la dé- la domination du marché mon-
fense de leur pays, autant dire dial. A l'intérieur des frontières
à la défense du système étati- de chaque pays capitaliste, le
que mis en place par ceux qui gros capital a entièrement do-
les exploitent et les assujettis- mestiqué la petite production. Il
sent. a unifié la vie économique, pris,
La bourgeoisie dispose d'une dans son étau d'acier, les mono-
grande quantité de moyens pour poles industriels, les a associés
mystifier les travailleurs. Il suf- aux grosses banques qu'il a pla-
fit de mentionner ces journaux cées à sa tête. Ainsi s'est cons-
qui, au jour le jour, mentent, ca- tituée la puissance formidable
lomnient, dénaturent les faits, du capital financier, unifiant la
égarent et trompent les masses. Boukharine. banque et l'industrie, plaçant

20
La guerre et le ériclosfeld
socialisme révolutioDnaire éditecemois-ci
5grandslivres
tout l'appareil économique entre l'affaire. Naturellement, pour la
les mains d'un petit groupe de classe ouvrière, la nature du ré-
quinontpasbesoin
directeurs de banques et de rois gime n'est pas indifférente, car,
de l'industrie. L'artisanat fut ré- en république, elle peut mieux
duit à rien, la petite industrie mener la lutte des classes qu'en
deprixlittéraire
subit le même sort. Les fortunes monarchie. Mais, au fond, la for-
moyennes se métamorphosèrent me que prend le pouvoir bour-
en appendice du gros capital. Il geois ne modifie en rien ses
n'y eut plus guère de concur- limites.
rence éntre capitalistes car il n'y
avait plus personne à vaincre:
Ainsi, à notre époque, la
concurrence entre les capitalis-
tout était entre les mains d'un tes est, en gros, une concur-
emmanuellearsan
"les tartuffes du meilleur monde se signent, puis joignent les
petit groupe qui monopolisait la rence à l'échelle mondiale entre mains quand passe emmanuelle, (n,) emmanuelle se promène
production. La vie économique des groupes d'alliés qui pren- de blanc vêtue et comme les anges ne pensent qu'à imiter ses
d'un pays devenait le patrimoine nent le nom de • grandes puis- ébats, l'enfer sera bientôt désert", raymond marquès,
despotiquement géré par La cli- sances • ou encore de .patries •. nouvelles de l'érosphère 30,85 f.
que qui était à la tête du capital Elles s'en prennent avant tout
financier. aux petits pays : • sauvages •
Mais si la concurrence dépé- des pays tropicaux, Etats de-
rissait à l'intérieur des pays ca- meurés agricoles comme la Tur-
pitalistes, cela ne signifiait pas quie, la Serbie etc; et puis leurs
michèle firk
"suicidée" par la police guatémaltèque en septembre 1968,
qu'elle eût disparu. Au contrai- intérêts se heurtent lors du par- michèle firk avait écrit: ': .. je représente tout;ce\qui fait horreur:
re. Elle renaissait avec une tage. un terrain mouvant, l'insécurité, l'instabilité, ''l'as.ociabilité'',
puissance redoublée entre les il n'en sera que plus facile de me condamner au nom d'un goût
nations, c'ast-à-dire entre leurs La concurrence des patries suspect pour" les aventures" et le I l tiers monde" et de faire
capitalistes est devenue parti- oublier qu'il s'agit avant tout d'un combat politique",
classes dirigeantes. Naguère la
culièrement acharnée ces der- écrits 10,20 f.
rivalité s'exerçait à l'Intérieur
des frontières; avec la forma- nières années parce que les
tion des trusts, chacun d'entre grands carnassiers ont déjà pillé
eux est entré en concurrence
avec les autres. Aujourd'hui,
et partagé
entier. Il
re-partage,
entre
leur
à
faut
un
eux le monde
penser
pillage de
à un
l'un
benjamin péret
chaque grand Etat (Grande-Bre- "une œuvre protéenne, chaloupée, virevolteuse, élégiaque,
tagne, Allemagne, Amérique) par l'autre. Voilà pourquoi nous câline, péremptoire, un monument hétéroclite du jamais-dit,
parlons de guerre inexpiable, du jamais-vu, du jamais-toujours et du jamais-jamais ",
s'est converti en une sorte de robert bénayoun.
et que nous disons que seule la
super-trust, qui mène le combat œuvres complètes tome 1:
révolution du prolétariat socia-
avec un autre dans le but de se liste pourra y mettre fin. poésie (le passager du transatlantique, immortelle
partager les pays. faibles et maladie, dormir, dormir dans les pierres, le grand jeu,
attardés. Voyons maintenant quels sont je ne mange pas de ce pain-là, inédits). préface,d'andré
La guerre est un des moyens les intérêts des travailleurs dans breton, illustrations de max ernst, tanguy, arp. 30,85 f.
employés pour atteindre ce but. les guerres de ce type. La poli-
L'arme en est l'appareil d'Etat, tique de pillage d'un gouverne-
gagné par le militarisme et mili- ment bourgeois peut apporter
tarisé. L'Etat lui-même (la patrie aux travai lieurs un mieux-être
capitaliste) n'est en fait que la temporaire. C'est un fait. Ayant
mau~iceraphaël
de l'œuvre de maurice raphaël, andré breton a pu dire
forme organisationnelle que pillé les terre des autres, ayant qu'elle était de celles qui, pour lui, disposaient
s'est donnée un groupe de bour- conquis de nouvelles sources de I l entre toutes, d'un pouvoir alertant",
geois qui ne veulent pas seule- matières premières, a yan t. il attirait l'attention sur elle, dès 1952, la caractérisant comme
Il une cryptesthésie lyrique des bas-fonds ".
ment 'préserver leurs biens mais acquis de nouveaux débouchés,
accroître leur puissance pour occupant de nouveaux territoi- œuvres complètes tome 1:
augmenter privilèges et revenus. res où les capitaux peuvent se ainsi soit-il, claquemur 15,40 f.
Ainsi, l'Etat est une sorte de placer avec profit, la bourgeoisie tome Il: le festival. de deux choses l'une 15,40 f.
gigantesque association d'entre- développe en force son écono-
preneurs, le trust d'un capitalis- mie. L'industrie croît plus vite,
me d'Etat; le pouvoir exécutif la demande en travailleurs aug-
(le ministère) constitue la direc- mente, les salaires montent. j~e. swilawtor
tion de cette énorme firme. L'en- Pour dire vrai, dans les colonies, après cela, les audaces du living theater paraissent désuètes
trée d'une paire de soi-disant les bourgeois écorchent vifs les comme semblent bien démodées les audaces
socialistes dans l'un de ces gou- peu pie s • demi· sauvages ., du cinéma scandinave,
vernements ne change rien à l'af- quand ils leur apportent la • civi- homo eroticus rex 24,.60 f.
faire. C'est un peu comme si les lisation européenne ., en ne don-
patrons, pour calmer les travail- nant aux travailleurs qu'un sou
leurs, les Invitaient à participer pour vivre.
aux bénéfices et, pour ce faire,' La victoire de • la patrie. po- éric losfeld éditeur 14J16 rue cie verneuil paris7e
sur simple demande, vous bénéficiere·z d'un abonnement gratuit à ,. arcanes"
cooptaient deux d'entre eux qui se des problèmes de même na- la revue d'éric losfeld. "arcanes" fait régulièremenT le point des nouveautés
seraient autorisés à avoir accès ture. Certes, elle permet un dé- dans tous les domaines qui échappent à la littérature conventionnelle.
au bureau du Directeur Général. veloppement plus rapide de l'in-
La forme de régime choisie par dustrie et les bourgeois peuvent,
la bourgeoisie ne change rien à en quelque sorte, en partager les

La Quinzaine llttéraire, du 1" au 15 àécembre 1969


~ Boukharine

De gauche à droite : Kuuain.en, Boukharine et MolotoV.

profits avec les ouvriers, leur constituent une trahison des in- coup de main, je vous donnerai gloire de sa puissance. Ainsi,
donnànt une augmentation pour térêts du prolétariat? une augmentation ». Supposons les ouvriers ont vendu leurs inté-
services rendus. En cas de dé- que les ouvriers écoutent leurs rêts à long terme pour une poi-
faite, les bénéfices des fabri- Prenons un exemple. Imagi- maîtres, qu'ils les aident, cau- gnée de roubles ou de marks et
cants diminuent, les salaires su- nons deux usines géantes, l'une sa.nt toutes les" crasses» pos- ils se sont vendus eux-mêmes
bissent également une baisse. appartenant à Schulz, l'autre à sibles, les Allemands aux Rus- ( ... ).
Voilà ce qui lie les intérêts des Sidorov. Dans la première tra- ses et réciproquement. Suppo- Telle est la situation à laquelle
capitalistes et les intérêts des vaillent des Allemands, dans la sons que, dans cette épreuve, amènent, à l'échelle mondiale,
ouvriers L ..) et qui fait que, seconde des Russes. Ils se li- Schulz l'emporte. Il avale les les appels de Scheidemann et
dans la majorité des pays, au vrent une concurrence à mort. entreprises de Sidorov, agrandit de Plekhanov. Pour eux, ce qui.
début de la guerre les ouvriers Ils ont déjà absorbé leurs la sienne, utilise les ouvriers de compte avant tout, ce sont les
ont suivi leur gouvernement. concurrents de petite taille et se Sidorov. Ses ouvriers (alle- intérêts de la "patrie.; mais
Cette façon de voir fut celle des livrent à des accrochages fu- mands) reçoivent une augmen- il s'agit en réalité des intérêts
sociaux - patriotes, petits - bour- rieux. Et voilà que Schulz va voir tation. de l'Etat bourgeois, des affaires
geois du type Scheidemann, ses ouvriers et leur dit : cc Nos de l'Etat bourgeois qui coïnci-
Plekhanov, Guesde, à la traîne affaires se présentent d'one fa- Les semaines passent ( ...). dent seulement avec les intérêts
des impérialistes. Leur théorie çon telle que de deux choses Un beau jour, les ouvriers alle- immêdiats de la classe ouvrière
est l'expression exacte, la justi- l'une: ou bien notre usine périt mands veulent faire grève. Mais de tel ou tel pays et qui sont
fication " immortelle» de cette ou bien c'est celle des Sidorov; les ouvriers d'origine russe les absolument opposés aux inté-
harmonie des intérêts entre le si vous m'aidez à écraser ces gênent, ils n'ont rien de commun rêts à long terme de cette même
Capital et le Travail. Mais la pra- gros porcs de Russes, tout ira avec eux et ne veulent pas d'his- classe ouvrière, au mouvement
tique, entrer dans le gouverne- bien pour nous et vous recevrez toires. Désormais, Schùlz peut ouvrier dans son ensemble,
ment de la bourgeoisie comme une augmentation ». De son côté, faire ce qu'il veut des uns et des c'est-à-dire aux intérêts de la ré-
l'ont fait Thomas, Vandervelde, Sidorov s'adresse à ses ouvriers autres. Désarmés, ses ouvriers volution socialiste et à la libéra-
'Sembat, Tseretelli, émane des et leur dit : " Mes enfants, les allemands ne peuvent plus ni tion de la classe ouvrière •. ( ...).
intérêts généraux de l'Etat bour- Allemands sont en train de nous faire grève ni répondre. La soli- (signé N.B.)
geois. Pourquoi disons-nous que avoir; nous sommes dans une darité des travailleurs est bri- • Dans Spartak du 20 mai 1917, p.3
cette théorie et cette pratique mauvaise passe, donnez-moi un sée, Schulz l'a étranglée à la à 6.

22
BI8TOIBB

Le Japon du siècle
Ivan Morris tre-t-il pas en guerre contre un comme un des Beaux Arts, ne pou· mie régnait sans trop de drames,
La vie de cour historien écossais qui traite les

1
vaient donc pas garder de carac- les dames jalouses n'avaient pas
r
dans ancien Japon aristocrates de la période Heian tère privé, ce qui provoquait, bien le droit de montrer leurs senti-
au temps du Prince Genji de «dilettantes gloutons, avides, entendu, des complications inter- ments. La litote était toute puis-
Gallimard éd., 322 p. frivoles, souvent ignoblement li· minables, utiles aux romancières. sante. La crainte de se montrer
cencieux, totalement efféminés,. trop explicite l'emportait toujours
incapables d'aucune action no· Des concours de poésie, de mu· sur celle d'être obscur. L'on voit
Comment vivait-on au ble... » ? sique et même de parfum passion- ici comhien l'intervention clari-
Japon à la fin du X· siècle, Ivan Morris nous raconte Heian naient aussi ces oisifs constam· ficatrice de Ivan Morris est né-
à l'époque du Prince Genji, Kyô, la cité de la Paix et de la ment occupés. Chacun se devait cessaire.
le héros du célèbre roman Tranquillité, avec ses larges ave· d'inventer soi·même son propre
de Murasaki Shikibu? Nous nues plantées de saules et organi. parfum. Le Prince Genji était, L'attitude Heian ressemblait Ir-
nous tromperions en imagi- sées géométriquement, comme bien entendu, un maître en la l'idéal de ·la Renaissance, la
nant les images classiques de Manhattan. Le charme des sai· matière. Il dansait aussi fort bien. sprezzatura, qui dédaignait tout
samouraïs, de geishas... La sons, de la lumière, de la rosée Le voir danser Les Vagues de la ce qui était guindé et académique.
musique Samisen, et la céré- devant lesquels seuls les rustres Mer Bleue fut un instant d'une Le culte de l'esthétique fixait le
monie du thé, rien de tout demeuraient insensibles. La pé- extraordinaire beauté, raconte cadre à l'intérieur duquel les
cela n'existait. nombre des maisons toujours ou· Mme Murasaki; le nom de Genji, gens «bien ~ exprimaient et pou-
vertes où les écrans d'apparat Prince de Lumière, paraissait plus vaient ressentir leUrs émotions.
(kicho) permettaient seuls un sen· que jamais lui convenir. Bien que la sensibilité fût la mar-
A l'époque de la grande CIVI- timent d'intimité. Cette pénom- que du vrai gentilhomme, elle se
lisation Heian, la cour vivait dans bre fut à l'origine de Qlaint im· L'époque était donc fort paci- transformait rarement en passion
le culte de la Beauté, le raffine· broglio sentimental. Et le froid fique, les ministres Fujiwara gou· romantique, cela aurait été fort
ment était poussé jusqu'au plus qui y régnait en hiver a provoqué vernaient au milieu des intrigues choquant. L'influence bouddhiste,
infime détail. La chose de loin une mode extrêmement élaborée, de palais.. S'il n'y eut pas d'empe. l'idée que le monde physique est
la plus importante était la nais- manteaux et gilets s'enfilant les reur Fujiwara, leur influence ·une illusion, que la vie n'a pas
sance. Etre bien né était une uns sur les autres. Cet assemblage dura fort longtemps; beaucoup plus de consistance que la rosée
condition sine qua non. Les donnait lieu à des subtilités de d'épouses d'empereurs et de très ou le fil de la vierge jetait les
nobles de la cour méprisaient tout couleurs difficilement concevables hauts fonctionnaires étaient Fuji. personnages du monde de Genji
le reste, les provinciaux étaient maintenant. Si un personnage ne wara, Mme Murasaki descendait dans des rêves mélancoliques. Il
considérés comme de pauvres ba· savait pas harmoniser parfaite. d'une branche cadette. était de bon ton d'être mélanco-
lourds, les militaires n'attiraient ment la couleur de la doublure lique.
pas un regard, quant au reste de d'une de ses manches avec le ton La société Heian était basée sur
la population il n'existait pas du reste de ses vêtements, il rece- une hiérarchie très rigide : selon Le Karma,· les tabous, les su-
pour ces esthètes vivant en vase vait un regard glacial de mépris. le rang tout était réglé par un perstitions régissaient aussi la vie
clos. Etre exilé signifiait mourir Tout était inspiré par la civili- ·ordre rigoureux, la couleur des de ces personnages fort habiles à
de chagrin. sation chinoise, mais de deux siè- robes, la hauteur des portes d'en- les utiliser à leur avantage. Que
Nous sommes bien renseignés cles auparavant... Un lettré (et trée, le genre de calèche que l'on répliquer devant un drapeau ta-
sur la vie patricienne de cette tout courtisan devait être lettré) .pouvait posséder, les femmes que bou accroché à la fenêtre d'une
époque grâce à deux· ouvrages se devait d'écrire et de parler l'on pouvait épouser. La polyga- dame? Comment protester de-
écrits par des romancières de la chinois, seules les femmes pou-
cour au temps des Fujiwara: Sei vaient écrire en japonais. La cal·
Shônagon, l'auteur des Notes de ligraphie tenait une place dange-
Chevet et Murasaki Shikibu qui reuse parmi ces adorateurs de la
a écrit le premier roman psycho- Beauté. On croyait, en effet, que
logique: Le roman de Genji, 54 la manière dont quelqu'un se ser-
chapitres ou livres (plus de 1.100 vait de son pinceau indiquait sa
pages en traduction), un roman sensibilité, son éducation, sa per-
inachevé deux fois plus long que sonnalité. Mal écrire ou ne pas
Don Quichotte ou Guerre et Paix, être capable de composer un poè-
mais ne représentant que les deux me à tout bout de champ étaient
tiers d'A la Recherche du Temps des tares absolument rédhibitoi-
Perdu avec lequel il a de grandes res. L'envoi d'une lettre était
similitudes. Les lecteurs passion. entouré de conventions artistiques
nés du Romàn de Genji (dont la multiples. Tout d'abord, Il fallait
traduction anglaise d'Arthur Wa· choisir une feuille de papier dont
ley fait loi) n'hésitent pas à com· l'épaisseur, la dimension, le des-
parer Murasaki à Marcel Proust. sin et la couleur convenaient aux
Plus de dix mille ouvrages ont sentiments que l'on voulait expri-
été écrits sur le Roman de Genji. mer, selon la saison et même le
Celui·ci comble nos vœux: tout temps. Le teXte était généralement
y est clair, précis,. expliqué avec une poésie de trente-et-une sylla-
calme et admiration. Professeur bes. Des rit~s bien· établis gui-
de langue et civilisation japonaise daient le pliage du billet, qui
à l'Université de Columbia, Ivan était ensuite attaché à une petite
Morris a traduit les Notes de Che- branche .de. feuillage. ou à un
vet en anglais, et s'est imprégné bouton de Heur, puis confié à un
de l'esprit de cette époque. N'en-· messager. les lettres, considérées Peinture japoaaüe L'offrande de branchu MerU..

La Quinzaine littéraire, du 1· au 15 àécemlJre 1969 23


COLLECTIONS

~ Le Japon

vant une superstition: une anec- Dossiers poussée de l'actualité. Autant de rai-
sons qui devaient tout naturellement
pour cet essai le Grand Prix de la
Critique 1969).
dote de Sei Shônagon est bien amener Maurice Nadeau à constituer
connue: alors qu'elle racontait des une collection consacrée à des ouvra- Nous sont également proposées
une histoire à l'Impératrice, une ges de réflexion sur la littérature, des études sur l'art, le cinéma ou
autre courtisane éternua: cela Lettres Nouvelles l'art, la politique ou l'événement ain-
si que sur les grands courants de la
tout autre problème de l'actualité
culturelle : la Réussite et l'échec de
voulait dire que Sei Shônagon pensée contemporaine dans les dif- Picasso, par John Berger, ou le
était une menteuse... férents domaines des sciences hu- Royaume millénaire de Jérôme Bosch,
maines. par Wilhelm Fraenger (voir les nO' 65
et 15 de la Quinzaine); le Cinéma
L'irréalité de ce monde est mis Les • Dossiers des Lettres Nou- est mort, vive le cinéma (l'Invention
en lumière par le titre du dernier velles", créés en 1962, comptent au- du magnétoscope), par Roger Boussi-
chapitre du Roman de Genji : Le Le prestige dont jouit la collection jourd'hUi une trentaine de titres et not; le Happening, par Jean-Jacques
des • Lettres Nouvelles" lui attire groupent, sous cette dénomination gé- Lebel.
Pont Flottant des Rêves. C'est un grand nombre de manuscrits que nérale, tout un ensemble d'ouvrages
une des nombreuses clefs de l'ou- sa vocation exclusivement romanes- sur des sujets très divers mais qui Des essais historiques, philosophi-
vrage: que ne lui permet pas d'accueillir, ont pour commun' dénominateur l'ori- ques, sociologiques, psychanalyti-
en dépit de tout l'Intérêt qu'ils peu- ginalité de l'approche et la rigueur ques : Culture et mise en condition,
vent bien souvent présenter et de de la formulation. On y trouvera no- par H. M. Enzensberger; les Fanatl·
Tandis que je franchis le pont l'audience qu'ils ne manqueraient pas tamment des études littéraires : MI· ques de l'apocalypse, étude sur les
Qui passe sur la rivière Yume d'atteindre. Des extraits de ces ou- chel Leiris et la quadrature du cer- hérésies millénaires du Moyen Age,
Je vois que notre monde vrages nous sont fréquemment pro- cie, par Maurice Nadeau; Cha· par Norman Cohn; Parole donnée, re-
posés dans la revue du même nom, briand et le Temps perdu, par André cueil d'articles, parus dans diverses
Est lui aussi comme un pont mais Il est bien évident que c'est là Vial ; Queneau déchiffré, par Claude revues, sur la religion et les tradi-
flottant de rêves. une solution de pis-ailer et que, d'au- Simonnet; le Second volume de Bou- tions musulmanes, par Louis Massi-
tre part, par ses dimensions et son vard et Pécuchet, par Geneviève Bol- gnon; Fourier aujourd'hui, par Emile
rythme de parution, celle-ci n'est pas lème; Gustave Flaubert, écrivain, par Lehouck (voir le n° 19 de la Quinzai-
Marie,CÙlude de Brunhoff toujours en mesure de ~épondre à la Maurice Nadeau (qui vient d'obtenir ne) : Eros et Thanatos (un des grands

FEUILLETON

- Vous ne comprenez pas ? me demanda au bout d'un instant


Otto Apfelstahl, en me regardant par-dessus sa tasse de thé.
- Disons que votre question est pour le moins ambiguë.
- Ambiguë?
- Il n'y a pas qu'une seule personne qui m'ait, comme vous
dites, donné mon nom.
- Je vais donc vous préciser ma question, puisque vous pensez
que cela est nécessaire; je ne fais pas allusion à votre père, ni
à l'un des membres de votre famille ou de votre entourage dont
vous pourriez tenir votre prénom, c'est une coutume, je crois,
encore assez répandue; je ne pense pas non plus à l'individu qui,
il y a cinq ans, vous a fourni votre actuelle identité, mais, bel et
bien, à celui dont vous portez le nom.
- A celui dont je porte le nom! m'exclamai-je.
- Vous l'ignoriez?
- Je l'ignorais, en effet. Et que fait cet autre Gaspard?
- Nous voudrions bien le savoir. C'est d'ailleurs, pour ne rien
vous cacher, le but de cette entrevue.
- Je ne vois pas en quoi je pourrais vous être utile. J'ai toujours
pensé que les papiers que l'on m'avait donnés étaient faux.
- Gaspard Winckler était à l'époque un enfant de huit ans. Il
était sourd-muet. Sa mère, Caecilia, était une cantatrice autri-
chienne, mondialement connue, qui s'était réfugiée en Suisse
pendant la guerre. Gaspard était un garçon malingre et rachitique,
que son infirmité condamnait à un isolement presque total. Il
par Georges Perec passait la plupart de ses journées accroupi dans un coin de sa
chambre, négligeant les fastueux jouets que sa mère ou ses
proches lui offraient quotidiennement, refusant presque toujours
de se nourrir. Pour vaincre cet état de prostration qui la désespérait,
sa mère résolut de lui faire faire le tour du monde; elle espérait
Ré$umé des chapitres précédents : que la découverte de nouveaux horizons, les changements de climat
Le f'lê(lrrateur, dont on a, entre temps, enfin appris le nom: Gaspard et de rythme de vie auraient un effet salutaire sur son fils et
Winckler, a un entretien avec un inconnu qui, d'emblée, lui pose peut-être même déclencheraient un processus au terme duquel il
une question surprenante. pourrait recouvrer l'ouïe et la parole car, tous les médecins consul-
PIERRE-GEORGES CASTEX

BAUDELAIRE
CRITIQUE D'ART
succès de la collection) et le Corps En préparation : Les textes de l'écrivain voisinent avec les reproductions des œuvres
d'amour, par Norman Brown. d'art évoquées. Cet album est précédé d'une étude qui décrit les
Souvenirs et réflexions - recueil
Des essais politiques : Trotsky vi. d'essais sur la Tchécoslovaqulè, par aspects principaux de la critique baudelairienne.
vant, par Pierre Naville (dont Jorge le philosophe est-allemand Ernst Fis-
Semprun prépare actuellement une cher, exclu du parti à la suite de ses
adaptation cinématographique) et Lit· écrits et de ses déclarations publi-
ques à propos de l'agression soviéti-
térature et révolution, par Léon Trots-
ky; les Dirigeants soviétiques et la que. PAUL SURER
lutte pour le pouvoir, par Boris l. Ni-

CINQUANTEANS
colaevski; les Juifs de France et l'Etat Art et révolution - une étude de
d'Israël, paru tout récemment. John Berger sur le sculpteur sovié-
tique Neizvestny (voir le n° 18 de la
Des témoignages et des documents Quinzaine) •
d'actualité : les Nôtres (vie et mort
Les oppositions à Franco - le fruit

DE THEATRE
d'un agent soviétique), par Elisabeth
d'une enquête menée pendant deux
Poretski (voir le n° 77 de la Quinzai-
ans à travers toute l'Espagne dans les
ne); Mémoire pour la réhabilitation
milieux de l'opposition, par le jour-
de Zinoviev, par Gérard Rosenthal ;
naliste espagnol Sergio Vilar.
les Vautours de la guerre froide et
le F.B.I. inconnu, par Fred J. Cook Œuvres choisies - réédition revue
(voir le nO 8 de la Quinzaine); les et largement augmentée d'un ouvra-
Drogués de la rue, par J. Larner et ge paru chez Julliard et qui rassem- Large panorama de l'activité dramatique en France depuis la fin de
R. Tefferteller (enquête menée à New ble les principaux essais historiques la première guerre mondiale jusqu'à nos jours.
York dans la faune des drogués par et philosophiques de Walter Benjamin.
ces deux sociologues et constitué par
les confessions hallucinantes qu'ils Dans le poing de la révolution - un
ont enregistrées au magnétophone livre de José Ygleslas qui décrit la
(voir le n° 22 de la Quinzaine). vie d'une petite ville cubaine. EDITIONS SEDES - 5, PI. de la Sorbonne
Paris V·

tés étaient formels sur ce point, aucune lésion interne, aucun Genève, lorsqu'il fut sûr que. vous étiez en sécurité, Caecilia et
dérèglement génétique, aucune malformation anatomique ou phy- Gaspard partirent pour Trieste, où ils embarquèrent à bord d'un
siologique n'étaient responsables de sa surdimutité qui ne pouvait yacht de 25 mètres, le Sylvandre, un magnifique bâtiment capable
être imputée qu'à un traumatisme enfantin dont, malheureusement, de leur faire traverser les pire~ typhons. Ils étaient six à. bord :
les tenants et les aboutissants étaient encore inconnus bien que Caecilia, Gaspard, Hugh Barton, un ami de Caecilia qui était en
l'enfant ait été montré à de nombreux psychiatres. quelque sorte le commandant de bord, deux matelots maltais qui
- Tout ceci, me direz-vous, semble n'avoir que peu de rapport faisaient aussi fonction de stewart et de cuisinier, et un jeune
avec votre propre aventure et ne vous explique toujours pas précepteur, Angus Pilgrim, spécialisé dans l'éducation des sourds-
comment vous avez pu vous retrouver sous l'idendité de ce pauvre muets. Il ne semble pas, contrairement à l'espoir de Caecilia, que
enfant. Pour le comprendre, il vous faut d'abord savoir que, à la le voyage ait amélioré l'état de Gaspard qui, la plupart du temps,
fois par précaution et par goût du travail bien fait, l'Organisation restait dans sa cabine et ne consentait qu'exceptionnellement à
de Soutien qui vous prit en mains ne se servait pas de faux papiers, monter sur le pont pour regarder la mer. De la lecture des lettres
mais de passeports, pièces d'identité et tampons authentiques que Caecilia, Hugh Barton, Angus Pilgrim, et même Zeppo et Felipe,
qui lui étaient fournis par des employés d'administration acquis les deux matelos, écrivirent à cette époque, et que, pour des
à sa cause. Il se trouve que que le fonctionnaire genevois qui raisons que vous comprendrez plus tard, j'ai été amené à consulter,
devait s'occuper de votre cas mourut trois jours avant votre arrivée il se dégage, au fil des mois, une impression poignante: ce voyage,
en Suisse, sans avoir rien préparé, alors que l'on avait déjà fixé conçu avant tout comme une cure, perd peu à peu sa raison d'être;
tous les relais, toutes les étapes de votre voyage ultérieur. L'orga· il s'avère de plus en plus qu'il a été inutile de l'entreprendre, mais
nisation fut prise de court. C'est -alors qu'intervint Caecilia il n'y a non plus aucune raison de l'interrompre; le bateau erre,
Winckler, qui appartenait à cette organisation, qui en était même poussé par les vents, d'une côte à l'autre, d'un port à l'autre,
une des principales responsables eri Suisse. Et c'est ainsi que, s'arrête un mois ici, trois mois là, cherchant de plus en plus
pour parer au plus pressé, l'on vous remit le passeport, à peine vainement l'espace, la crique, l'horizon, la plage ou la jetée où le
maquillé, qu'elle avait fait établir quelques semaines auparavant miracle pourrait se produire; et le plus étrange est encore que
pour son propre fils. plus le voyage se poursuit et plus chacun semble persuadé qu'un
- Et lui? tel endroit existe, qu'il y a quelque part sur la mer une île, un
- Les règlements internationaux admettent volontiers qu'un atoll, un roc, un cap où soudain tout pourra arriver, où tout se
enfant mineur partage le passeport d'un de ses parents. déchirera, tout s'éclairera, qu'il suffira d'une aurore un peu parti-
- Mais que serait-il arrivé ensuite? culière, ou d'un coucher de soleil, ou de n'importe quel événement
- Rien, je suppose; ils se seraient arrangés pour que Gaspard sublime ou dérisoire, un passage d'oiseaux, un troupeau de
ait un autre passeport; je ne pense pas qu'ils aient songé à vous baleines, la pluie, le calme plat, la torpeur d'une journée torride. Et
redemander un jour le vôtre. chacun se raccroche à cette illusion, jusqu'au jour où, au large
- Alors pourquoi pensez-vous que j'aurais pu les rencontrer? de la Terre de Feu, pris dans une de ces soudaines tornades qui
- Vous ai-je dit quelque chose de semblable ? Vous ne me sont là-bas presque quotidiennes, le bateau sombre.
laissez pas continuer : quelques semaines après votre passage à (à suivre)

La Quinzaine littéraire, àu 1- au 15 àéceml)re 1969


TRÉATRB

A travers le m.iroir
feuilles, de clairons de feutre est devenu Noir créée, il y a quelque dix ans,
Pén'lope, de Leonora Car- comme • sortant du plasma ter· avec une horrible explosion dans des décors et des costu-
rlngton, a été représentée lors restre., ou de mer qui se a éclaté un dimanche mes de l'auteur.
de la dernière biennale de • casse • sur une plage. Ce dé- Aucun des hommes d'Etats n'a Pénélope a dix-huit ans. Elle
Paris. La pièce paraîtra dans cor cède la place à une façade pu accoucher d'autre chose vit avec sa nourrice au sixième
le prochain numéro des ca· de salon de beauté en ruines que de bruit. • étage de la grande maison de
hiers Renaud-Barrault (édl· où apparaissent des femmes ses parents. Si elle est restée
tians Gallimard). encapuchonnées qui s'écrou- Par une contagion étrange, la enfermée si longtemps • en-
lent avec des. gestes d'insec- nature, les animaux, les mères haut., dans cette nursery,
tes sous une pluie d'insecti- meurent. Il faut, pour que la c'est qu'il vaut mieux ne pas
cide.. Tous ces êtres repré- vie ne s'éteigne pas, retrouver la montrer trop longtemps
Leonora Carrlngton est pein- sentent notre monde actuel où la mère qui pondra un œuf fer- en société, sa grande imagi-
tre, poète, auteur dramatique. se propagent des maladies lu- tile. C'est une autruche qui nation et sa sensibilité excep-
Elle a appartenu au groupe naires. Les hommes sont des sera ce messie de la fécon- tionnelle risqueraient de dérou-
surréaliste alors qu'elle était vermines atteints d'une lèpre dité. L'Autruche fait son appa- ter les gens mal informés.
jeune et avait fait la connais· malsaine, Harold w.i1son, Nixon rition accompagnée par les Pénélope vit avec ses jouets
sance de Max Ernst. L'aventure et sa nourrice. de temps en
de l'imaginaire, Leonora Car·
rlngton l'a vécue pleinement et
douloureusement. Elle râconte
UNE CHEMISE temps surveillée par sa gouver-
nante, une sorte de fée cara-
bosse, seul lien avec le monde
cette expérience dans un admi· des adultes. Son frère vient la
rable récit, En-bas, paru en chercher car, pour ses dix-huit
1945, aux Editions de la Revue
Fontaine.
DE NUIT ans, un dîner est offert en son
honneur « en bas •.
Dans ce récit, les fulguran- Ses désirs, son imagination
ces de l'intuition traversent et DE transfigurent les personnages.
éclairent de longs moments Elle tire à elle le réel et le resti-
d'abandon aux forces profon· tue dans l'horreur ou dans la fée-
des du subconscient. C'est rie. Elle remet les personnages
dans l'intervalle de ces batte- FLANELLE dans les cauchemars qui lui
ments lumineux que le lecteur conviennent et qui leur convien-
entrevoit des formes fantasti- nent. Amoureuse de son che-
ques, un univers dont l'éclai- val à bascule, elle se transfigu-
rage dévie les contours. Cette rera elle-même en cheval pour
démarche de "esprit ouvre un se confondre' avec lui. Sa mère
chemin de la connaissance. s'échappera de son tombeau,
C'est par ces révélations suc- amoureuse elle aussi du che-
cessives que Leonora Carring- val et le disputant à sa fille.
ton a exploré toutes les res- par Toute la lignée fèmelle sortira
sources de sa sensibilité. Elle du cercueil mais les hommes
a minutieusement aiguisé sa LEONOR.A de la famille Quatrepieds eux
perception de la nature. Elle aussi, horde de fantômes, vien-
savait que son corps, dans un CARRINGTON dront de la terre pour tuer le
rapport étroit et précis avec les cheval, le père les dirigeant
choses, arriverait à la faire pé- avec l'angoisse accrochée à
nétrer plus avant dans la con· ses longs cheveux, alors que
naissance du monde que l'on les arbres, dans le jardin blanc,
dit • fantastique. par ignoran- s'évanouissent de peur.
ce et qui n'est souvent qu'une COLLECTION c L'AGE D'OR. L'humour, pas un instant, ne
patiente captation des irradia- DIRIGEE PAR HENRI PARISOT fait défaut à Leonora Carring-
tions qui émanent des êtres, ton. Elle utilise un bric-à-brac
des objets, des animaux. et le Papé s'offrent. pour sau· chants des cannibales. «Ceux- de fantômes et de fées cara·
Dans Opere sinistre, qu'elle ver le monde, à se faire fécon- ci portent des instruments di- bosses en feignant d'y croire
vient de terminer, Leonora Car- der. Et c'est le rat qui lit, dans vers et chantent dans n'im- et pour prendre au piège de
rington met en scène un mon- le journal. le résultat de ces porte quel ordre avec des voix sa véritable magie, de ses vrais
de apocalyptique où des bébés étranges grossesses. d'oiseaux, de chiens, de petits fantômes, de ses vrais délires.
morts, un rat sur roues, des enfants, de vieillards, d'auto- Pénélope a traversé le miroir
astronautes, des cannibales arc· «Etendu, dans le Vatican, le bus, d'objets cassés, de joyeux, comme ('Alice de Lewis Car-
en-ciel, un shaman, des léo- Pape de noyés, aigus, plats, tout ce roll. Lire Leonora Carrington,
pards, autruches, antilopes, Cœur brisé, qu'on voudra. Un soprano avec voir Pénélope, c'est pénétrer
kangourous, poissons, et des car inséminé par un cardinal une voix d'eunuque vêtu d'œil- dans l'imaginaire, c'est partici-
animaux fabuleux: bœuf, aigle, après neuf mois a seulement lets d'Inde, chante en solo de per à la transparence, lutter
lion, ange, des mains, un ordi· pété. temps en temps.» yeux ouverts avec l'invisible,
nateur, un escargot qui tient Wilson n'a pas eu meilleure Une des pièces de Leonora élargir le champ du possible,
une feuille dans son bec, toute chance que le Pape. Carrington, Pénélope, vie n t c'est porter une attention indif-
une faune en panique grouille Mais Nixon, gonflé, sans d'être représentée à la Bien- férente aux événements les
dans une coquille Saint-Jacques connaissance, nale de Paris, dans une mise plus surprenants, c'est ne
sur un fond sonore de portes énorme de semence en scène de Catherine Monod. s'étonner de rien.
qui claquent, de spasmes de astronautique Alejandro Todorowsky l'avait Simone Benmussa

26
Deux •
contestatIons
s'amenuise : l'inspiration (ou sur nos désirs et besoins 'natu-

1
Roger Planchon avaient parlé, sur la scène, des
La mise en pièces du « Cid» problèmes, des contradictions, la force d'attaque) du texte fai- rels, sans interdits ni tabous,
Th. Montparnasse. voire des impossibilités du théâ- sant défaut, la machinerie se sur tout cela que notre civilisa~
tre dans la société qui est la déchaîne. Chaque mot, chaque tion chrétienne et· boLlrgeoise
image, chaque situation est nous a appris à taire et .mépri~

1
Aristophane 'nôtre. Gignoux, dans Une très
La Paix courte soirée, parlait pertinem- immédiatement illustrée en gags ser, il n'en reste pas moins que
Lyon. Théâtre du S". ment, en avril 6S, du théâtre visuels, dans un déluge de gad- ce rire fait long feu. Aristophane
• d'avant mai -. Chéreau, dans gets jaillis de partout, des cin- n'est pas Rabelais, ni Shakes-
Le prix de la révolte au marché tres, des trappes et des cou- peare ; on est loin du rire pro-
noir, envisageant le théâtre lisses. Ce bric-à-brac en délire, gressiste de l'un, qui décape,
.. d'après mai -, exprimait des qui veut nous étourdir, est très jette bas les masques, fait ta-
doutes et la probable impuis- vite exténuant. • Le théâtre, ble rase, comme de l'obscénité
Phallus partout. Même Lyon shakespearienne, ce sceau glo-
sance politique du théâtre. c'est n'importe quoi, à condition
n'est plus pudibonde. Dans le rieux posé sur l'humaine et tra·
de le rendre théâtral -, nous dit
spectacle de Maréchal (La Paix, gique ,condition. Quant à la
le texte. Eh oui... Et puis, que
d'Aristophane) , il se dresse, guerre, on attend aûjourd'hui,
Planahon joue et ruse Planchon m'excuse (il sait l'ad-
plus ou moins métaphorique, à sur elle, d'autres explications,
miration et l'amitié que j'ai pour,
chaque détour du dialogue ou celles de Brecht par exemple.
lui), si je ne Rarle plus en cri-
du chœur, symbole empanaché Dan s l'un et l'autre de
tique théâtral. Mais quand on a
des joies et libertés de la paix ces spectacles le pro p 0 s
était c 1air, et la sincérité subi les grandes manœuvres
retrouvée. Dans le spectacle de
policières d'un certain samedi, Un appel à la liberté,
Planchon, passé de Villeurbanne évidente, voire convaincante.
quand on a vu ses amis arrêtés
à Paris, il a, beau, ce phallus, dé- On n'en peut pas dire autant
• préventivement -, ou frappés
signer l'érotisme '(dénoncé ou de cette mise en pièces : Cela dit, et c'est là l'intel·
et jetés à l'hôpital parce. qu'ils
glorifié ? C'est ambigu) de la à force d'être virtuose et rusé, ligence de Maréchal,' ce spec-
refusaient une certaine • cul-
société de consommation, Il à la fois insolent et remarqua- tacle, par Soh dionysisme même
ture -, c'est-à-dIre une certaine
n'en est pas moins ---' tout en blement prudent, on ne sait plus parvient à nous dire plus que la
société, on est moins disposé à
or, précis, gonflable, et deux trop ce que Planchon veut dire, pièce ne' nous dit. Dans les, do-
accueillir avec connivence des
mètres de haut - objet de fière sinon le plaisir que l'exercice cuments par quoi Maréchal
jeux de théâtre, brillants et ano-
allure : ce spectacle a aa Tour lui donne, à lui et à sa troupe. nous éclaire son spectacle, on
Dans Les, tro,is mousquetaires, dins, sur cette même • culture -, cite Nietzsche: • Qu'est-ce que'
de Pise.
des jeux qui peuvent apparaître
il parlait du théltre en metteur
alors un peu anachroniques,
la fête? un
temps hors du temps
en scène, et ce spectacle avait quotidien, ûn temps libéré de
voire déplaoés. '
la clarté d'une épure. Parlant ici tout ce qui entrave et limite. A
en animateur (contestataire, l'ordre d'une existence soumise
Cette • mise en pièces - du s'entend) d'un ensemble cultu- aux interdits sacrés en profanes
Cid, qui se termine par une mise ,rel, il ruse et joue, il • s'avance Un m •••age a ••ea aourt s'oppose l'effervescence de la·
en boîte de Hair, une mise à masqué -. Dans un spectacle fête -, et le commentaire
mort de Pierre Corneille, et une sans réelle agressivité il bro- Mieux vaut peut-être alors - ajoute: • le théâtre, comme la
mise en conserves de produits cerde en brouillant les pistes; puisque le spectacle de Plan- fête peut être, par la -libération
culturels, est un spectacle Il a beau se brocarder lui-même, chon entend se situer dans le des forces créatrices, esquisse
burlesque, exceptionnellement le jeu n'est pas sans complai- sillage d'Aristophane - mettre d'une vie nouvelle, d'une liberté
éblouissant. Il ne dit pas grand- sance narcissique; ce spectacle carrément sur la scène, et sans qui peut alors trouver le goût et
chose, en teut cas rien de radi- est fait pour les copains, les aucune référence à l'actualité, des raisons de • changer la
cal, sur la signification actuelle mandarins que nous sommes, et un moment de la' politique grec- vi~ -. Dans la mesure où le
du théâtre et de la culture dans pour les bourgeois en lisière que, en l'occurrence la Guerre spectacle de Maréchal. appuyé
la société où nous sommes de bourgeoisie, intelligemment du Péloponèse, comme l'a fait sur le texte intelligent et sen-
(c'est pourtant" le propos), mais épris du théâtre, ce pandémo- Maréchal en mettant en scène sible de Debidour, est très pré-
l'intelligence et le brio de j)lan- nium aujourd'hui en folie. Le La Paix en tant que simple témoi- cisément une orchestration,
chon ont un étrange pouvoir de début est assez fulgurant : sur gnage historique et dionysiaque. assez magistrale, de' ce thème,
méduser. une scène où l'on joue Le Cid, Je ne suis pas fort épris de il est superbe, et fort. Le déchaη
une guimbarde fait irruption, cette pièce, avec ses relents nement physique' des comé-
portant M. Fafurle, Français de poujadIsme aristophanesque. diens, l'intelligence de "orga-
Une aréation aolleoûve moyen ml-poujadiste, mi-contes- -Ecrite contre les va-t-en-guerre nisation et de l'animation de
tataire (remarquable Je a n d'Athènes et de Sparte, et pour l'espace, la vigueur du rythme,
Bouise) et sa double épouse, la aider à la signature de la paix la cocasserie des musiques, le
Née de Mai 68, de ses
ménagère et la demi-mondaine (quelques mois après, en 421, bondissement dionysiaque de la
débats, de ses séquelles (Plan-
évaporée (géniale Loleh Bellon) , la fragile Paix de Nicias inter- verve et de' la vie, la force
chon conduisait alors le • col-
toutes deux lectrices de Elle et venait), cette œuvre n'en a pas d'expression des masques de
loque de Villeurbanne -), cette
de Marie-Claire. Et Hellzapoppin moins un message assez court, Jacques Angéniol, tout cela
création collective tient à se
commence, ou un film de Jerry en somme celui-ci : • Arrêtez la donne à ce spectacle une puis-
dater: un ballet en voiles rouges
Lewis (puisque Planchon entend guerre; la paix, c'est: bouffez, sance d'éclatement. un pouvoir
et noirs (la Loïe Fuller à l'heure
s'y référer) : dans un tohu-bohu buvez, baisez, faites des enfants d'appel (d'appel à la liberté),
de mai), avec inscriptions à la
laborieusement délirant, conduit et retournez au bon vieux temps plus • révolutionnaires - en un
bombe à peinture, est là pour
dans le style des • comics -, de nos pères ~. Travail, famille, sens que la contestation trop
mettre le sceau : cette scène,
les pétards fusent dans l'Hôtel patrie, et retour à la terre, le habile d'une. culture - dont on
mi-épique, mi-ironique, résume
de la Culture, où règnent les programme n'est guère exaltant. demeure complice.
toute l'ambiguïté du spectacle.
classiques Vaubourdolle. Mais On a beau nouS rappeler aussi
D'autres, avant Planchon, cela s'essouffle vite, et le rire que le rire d'Aristophane porte Gilles Sandier

La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969


TOUS LES LIVRES

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de l'imaginaire. d'une petite ville par Ph. Rouillard,
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Lo.feld, 218 p., 30, 85 F. Imaginaire Enchanté
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René Barjavel et de • La statue Elya Des lettres écrites entre
R. Laffont, 360 p., 22 F.
Lft chemin. de de sel. (voir le n° 16 Gallimard, 132 p., 11 F. 1921 et 1940 et où • Stéphane Mallarmé
Neuf récits par "auteur
Katmandou de la Quinzaine). Artaud, psychopathe Correspondance III
des • Sorcières
Presses de la Cité, de SaJem. et de • René de Obaldia de génie, décrl,t (1886-1889)
384 p., 17 F. • La mort Innocentl.... Il la femme qu il aime Recueillie, classée
Catherine
Le dernier roman de de Prémonvilfe d'un commls·voyageur -. Grasset, 228 p., 15 F. I~s tourments et annotée
l'auteur de • La nuit d un h?mme enfermé par H. Mondor
Le. drap. de papier
des temps -, dont Table Ronde, dans 1absolu Gallimard, 448 p., 32 F,
l'adaptation • Abdéjamil Nourpélssov de lui-même. Un recueil de lettres
256 p., 17,50 F. La saison de. épreuve.
cinématographique Une chronique Il adressées aux nombreux
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la fols sévère et par louri Kazakov.
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Gallimard, 320 p., 22 F. Jean de La Fontaine Un recueil de lettres des document capitaux
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Denoêl, 240 p., 8,50 F. Ero. et Paych6 sur son Idéal poétique.
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Rencontre, il la révolution de 1148
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La prisonnière (suite) Mouton, 352 p., 39 F. Il la fols le portrait
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Rencontre, et Ui fuglti~e La première partie de l'homme
• Lettres Nouvelles • d'une biographie et du politicien.
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L.. ,rat6. Une grande romancièr~ par un spécialiste
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Gallimard, 496 p., 85 F. du mouvement social • George Sand
Flammarion, 416 p., 25 F. meilleurs roman. pour la première fois,
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Lev..-bond Traduit de l'anglais Seuil, 688 p., 20 F Grasset, 256 p., 17 F. 532 nouvelles lettres,
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Essai d'épistémologie des technocrates -. Jean-Claude Ruwet L'Herne, 146 p., 20 F. Biafra vaincra La contre-réforme
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La Quinzaine littéraire, du 1" au 15 décembre 1969


Livres publiés du 6 au 20 novembre 1889

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de rEgllse et dlt cet art al}alysé il travers La vie secrilte Introduction de O8noël, 256 p., 19,60 F.
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Le monde est ce
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Grasset, 248 p., 16 F. Peintures, dessins dont 50 en couleurs Jules-David Prown politique.
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La révolution,. Flammarion, 96 p., 18 F. Barbara Rose Erreur de nom ou
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Le journal d-un prêtre il la portée de tous, en couleurs Jo..ph Sima Une comédie vaudeville Folklore et légendes
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Catalogue et notices il l'occasion de par Dominique Minot Très nombreuses photo8
de F. Mourlot l'exposition de l'œuvre Gallimard, 368 p., 24 F. -Coll. • Réalités •
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L'art du monde· et Ch. Sorlier du peintre au L'enseignement il Hachette, 329 p., 100 F,
Vers une conscience
tome Il : 197 reproductions Musée National travers l'enregistrement Les prodiges naturels
plastique
L'Amérique dont 151 en couleurs d'Art Moderne qui a été fait de se8 et les prodiges
La forme de l'histoire Dlff. Mlnard, 120 p. 20 F. cours (voir le n° 37
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300 illustrations en noir et. frontispice Mlnard, 484 p., 150 F. de la Quinzaine). humaine.
et en couleurs de Marc Chagall Une étude sémiologique A. t'Serstevens
Rencontre, 264 p., A. saur~t éd., de l'œuvre d'art Intimité de Venl.. F. Point
42,60 F. 182 p., 245 F. en tant que témoin 12 dessins d'A. Doré lb gastronomie
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qui comprendra par Chagall . des sociétés. Collection cie Segonzac.-
18 volumes. de 1962 il 1968. • Les beaux pays •. Flammarion, 180 p., 65 F.
Adam Les secrets
• Albert Gleizes
.Olivier Belgbeder Raymond Cognlat L'humour cles Belges de ce restaurateur
Pul...nce du cubl.....
Lexique des symbole. Feno.. Denoél, 132 p., 12,50 F. de Vienne,
Minard, 360 p., 29 F. TBÉATR.
2 pl. couleurs, 208 i11. dont 36 en Les différents l'un des plus célèbres
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Zodiaque, 448 p., 60 F. espagnol. &ngtals proposent des Proverbes et dictons
les clés fondamentales et allemand Jean Anouilh scène depuis catal_
documents et des
de la. symbolique Poligrafa-Weber, Cher Antoine des siècles. Edition bilingue
- témoignages Ignorés
romane. 310 p., 54 ~. sur l'histoire du ou l'amour rat6 présentée
L'œuvre du sculpteur Table Ronde, Jacques Faizant- par H. Guiter
cubisme. Les caprices
, Henry Bonnler catalan : cinquante 224 p., 12,50 F. R. Morel, 37 F.
années. de travaux. La dernière pièce de Marianne
L'univers de Rembrandt Tout l'œuvre Un nouveau titre
de Jean Anouilh. Denoël, 120 p., 12,50 F.
80 repr.oductions peint cie Velazquez de la collection
Un an de vie politique
en coul. Albert Colombet • Les Classiques et sociale mis • Traditions
Henri Screpel éd., . Bourgogne et Morvan de l'Art. Noël Burch populaires •.
en humour
120 poo 34,50 F. 180 p. Illustrées Flammarion, 22 F. Praxis du clnéme et en dessins.
L'évolution en héliogravure Un portrait complet 12 planches hors texte Germaine Prudhommeau
de Rembrandt Arthaud, 332 p., 50 F. du peintre à travers Gallimard. 264 p., 20 F. R. Frison-Roche Geneviève Guillot
et le sens profond Collection sa vie et son œuvre. Un examen Nahanni Grammaire de Ja.
de son œuvre étudiés • Les beaux pays •• systématique du cinéma Trappeurs danse classique
il travers ses carnets La France au temps à partir de ses choix et prospecteurs Préface de P. Gaxotte.
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Baroque Ibérique 64 III. en noir Hachette, 280 p.. 45 F. suggèrent. Arthaud, 296 p.. 26 F. A la fois un manuel
Espagne, Portugal, Cercle d'Art, La civilisation des Le récit de la dernière et un dictionnaire
Amérique latine 162 p., 103 F. chasseurs. en France, Le western expédition de destiné aux professeur~
Photographies L'œuvre du chef quelques dizaines de Textes réunis par R. Frison-Roche et aux danseurs
d'Y. Bu.tler de l'écale milliers d'années avant Henri Agel, suivi de chez les Indiens aussi bien
'84 pl. en héliogravure, ..éa·lmpressionnlste notre ère, d'après les Evolution et renouveau du Cercle Polaire. qu'aux amateurs.

30
Bilan de novembre

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Une étude corrosive
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La dernière pièce .'"
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Conversation de l'auteur 0:::1
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bourgeois .de • La Mère •
et de ses technocrates. en Sicile
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• La métaphysique 1. Henri Charrière Papillon (Laffont) 1 4
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Denoël, 96 p., 19,80 F. L'ambassadeur la Quinzaine). Michel)
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par le célèbre 4. Louis Vallon L'anti-de Gaulle (Le Seuil)
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pleine de tendresse Tomes 1 et Il 6. Christiane Collange Madame et le management (Tchou) 6 2
et dè drôlerie. 1915-1922
7. Eugène Le Roy Jacquou le Croquant (Calmann·Lévy) 1
Gallimard/Poésie
B. Chesser 8. Simone Berteaut Piaf (Laffont)
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des 15-20 ans. 9. Pierre Bercot Vieillesse du prince (Plon) 5. 2
Marabout Université. 10. Peter Townsend Un duel d'aigles (Laffont) 1
BSSAI8 Les vrais problèmes qui
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et son mystère
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au-delà
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Cherrier. - Lille, le Furet du Nord. - Montpellier, Sauramps. -
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Rudin. - Oriéans, Jeanne d'Arc. - Paris, les Aliscans, Fontaine, la Hune,


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L'arbre de Judas L'hérédité
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et le christianisme Ivan Morris La vie de cour clans l'ancten GaUlmard
Jean.Jacques Varoujean Flammarion/ Japon au tempa du Prince Genil
Henry Jame!! La ville en haut Questions d'histoire
Nouvell•• :. de la colline Les relations Michael Stewart Keyne. le 5euiI
~aud-Evelyn Gallimard complexes
La mort du lion Manteau d'Arlequin. et contradictoires
Bilingue Une pièce entre le monde romain
Aobler.f'ammarlon. .où se trouve transpos' et le christianisme•

La Quinzaine littéraire, du 1- au 15 décembre 1969


LE MONDE
DE CHAGALL Un livre né d'une rencontre et d'une amitié.
C'est ainsi que, depuis 1949, lzis est devenu le biographe visuel de Marc Chagall,
c'est ainsi que s'est créé, image par image ,un livre auquel Roy McMullen
allait conférer, par son .analyse et son interprétation de l'œuvre dans son ensemble,
la portée et le sens d'une ouverture vers «Le Monde de Chagall»,

Photographies d ' lzis


Texte de Roy McMullen
Un vol. de 2<58 pages, format 250 x300 mm, 69 reproductions de tableaux et de dessins de Chagall,
92 documents photographiques, 56 illustrations en quadrichromie. Relié pleine toile.
Sous jaquette illustrée en couleurs UOF.

~
GALLIMARD

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