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Hérodote
revue de géograPhie
en Amérique centrale
et de géopolitique
n" 99
zoco SOMMAIRE
Aloin Musset*
* EHESS,Paris
')'l
HTiRODOTE
ti f abando ndes pér iphér 'icsnat ionales.En f uit . les sept Et iit sact ucls.qui se par t a-
- ,J^ i * ^ !
gent un espace d'à peine plus de 500 000 kilomètrcs carrés, ont été constitués à
: partir des anciennescapitales coloniales, dont la véritablc zone d'influence se
J
l \" ( diluait assezvite clèsque I'on s'éloignait clu centre de glavité adrninistratif, poli-
ti que et religieuxdc chaqueplovince.
z Aujourd'hui, Ia clistribution spatiale des villes centramériczrinesreflète la fai-
E
blesse des relations interrégionales, dans un système économique qr"ria longtemps
favorisé les enclavesagro-exportatricesau détriment dc la constitution d'un réseau
-o- ?
urbain homogène. De lait, rarcs sont les agglomérations situées à proximité des
o -.:t
1= )ti|- linites d'Etat, sources perrranentes de litiges, dc conllits et clerancæurs nationa-
-:i=,
a listes. Les points de passage officiels sont rares, r-uênresi les frontières, mal
contrôléespar les autoritésmilitaires, sont loin d'ôtre hcnnéticlues- ce qui favo-
X
q)
ud<Ë ,: rise à la fois la contrebandc,les trafics illicites (droguc, anncs, capitaux) et les flux
â I de migrants clandestins. Même si chaque Etat tente tle' linitcr le commerce
r.*
| < parallèle > et de réguler les flux migratoires << infonnels >, les rnesnresprises les-
tent le plus souvent sans el' t. <<Nosfrontièrcs sont sacrées,la contrcbandeles
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HEIIODOTE VILLES FRONTIÈRESET NATIONSEN AMERIQUECENTRALE
outrage >, proclame sur un ton déclamatoire le ministère des Finances nicara- même si plusieursd'entre eux furent ensuitedéplacéspour différentesraisons
guayen dans des prospectus destinés à protéger un marché national peu compéti- (catastrophes naturelles, attaquesd'Indiensou de pirates): Panamâ( 15 I 8), Cartago
tif à l'échelle régionale. De fait, I'absence d'une réglementation douanière (1522), Le6n (1524), Trujillo (1524), San SalvadorQ529, Guatemala(1524).
commune et le manque de coordination entre les Etats de I'isthme, jaloux de leur Grâceà cet ensemblede fondations,qui allait narquer durablementI'espacecen-
identité politiqLreet de leurs prérogatives économiques, ne font qu'encourager les traméricain,la plus grandepartiede I'isthme fut soumiseau pouvoir desEspagnols.
contrebandiers.Dans ce contexte, on peut se demanderjusqu'à quel point le retour Pourtant,au contrairedu Pérouet du Mexique,lesconquérants eurentdu mal à
à la paix civile et I'abandon programmé des systèmes protectionnistespourraient maîtriserles teruesdécouvertes: le relief tourmentédesmontagnes,la fbrêt dense,
non seulement rendre à la route Panaméricaine son rôle de colonne vertébrale de le climat chaudet humidedes terresbassesrendaientdifficile leur progression et
I'isthme, mais aussi favoriser I'essor de véritables régions transfrontalières en leur établissement. L'absenced'un grandernpirecommecelui desAztèquesou des
transfonnant des espacespériphériques et marginaux en nouveaux axes de déve- Incas,dont ils auraientpu utiliserles structurespolitiques,les gêna pour imposer
loppement t. leur loi. En outre,des populationshostilesleur résistèrent longtemps.Malgréde
nombreusesexpéditionsmilitaires,les derniersMayas du royaume de Tayasal,
réftrgiéssur uneîle du lac Petén-ltzâ(Guatemala),ne serendirentqu'en 1697.Par
La ville coloniale, creuset des espaces nationaux ailleurs,I'Amériquecentralene disposaitpas de grandesréservesde métauxpré-
cieux. La seulerichesseétait la terre,une ten'equ'il fallait travailler.Les profits
Les conquistadores décidèrent très tôt de s'établir dans I'isthme centraméri- étaientfaibles,comparésà ceuxdespropriétairesde minesdu Potosi,de Taxcoou
cain. C'est leur présence durant trois siècles qui a permis d'unifier en partie des de Zacatecas. La populationespagnolede cesrégionsétaitdoncclairsemée.Pour-
territoires jusqu'alors morcelés en une multitude de petits royaumes, de provinces tant, il s'agissaitd'un endroitstratégique:en 1513,BalboatraversaitI'isthrnede
et de chefferies. Panamâet découvraitI'océanPacifique.Cinq ansplus tard,PedrariasDâvilafon-
dait la ville de Panamâ,qui servitde baseà Pizarrepour saconquêtedu Pérou.Un
Genèse d'utt réseau urbain axe majeurétait alorscrééentrela mer du nord (l'Atlantique)et la mer du sud(le
Pacifique),par où passaienttoutesles richessesde I'ancienEmpire inca.
Les premièresexpéditionsespagnoles datentde 1506,quandAlonso de Ojeda Malgréleur importanceà la fois stratégique, politique,symboliqueet culturelle,
et Diego de Nicuesacommencèrent à explorerle golfe de Darién.A leur suite,les les citéscentraméricaines n'ont pasvéritablementjoué de rôle rnoteurdansl'éco-
conquérantsse succédèrent, à la recherchede richessesplus grandesencoreque nomie locale et leur taille est restéemédiocre.Sur les côtesau climat chaudet
cellesdont Cortéss'étaitemparéen pénétrantdansles ruinesde Tenochtitlân.Ses humide,Iesportslesplus importantsétaientsouventà peinedesvilles.Trujillo, qui
lieutenants,Cristobal de Olid et Pedro de Alvarado, prirent possessiondu a longtempsété la principaleporte d'entréedu Honduras,comptaità peinevingt
Honduraset du Guatenala tandisque FranciscoHernândezde Cdrdobadécouvrait familles d'Espagnolsen 1594.Jusqu'àson abandondéfinitil en 1596,suiteaux
le grand lac Nicaragua(Cocibolca)et fondait sur sesbergesla ville de Grenade attaquesde Drake, Nombre de Dios n'était vraiment habitéeque deux mois pal an,
(1524)- Comme dans toute I'Amérique latine, la ville était alors I'expression quandla flotte venaitfaire relâche.À la fin du xvr" siècle,la ville de Cartago,capi-
même de la conquête.Elle devait marquerle territoire, fixer la populationet servir tale de la provincedu CostaRica, hébergeaittout au plus quatre-vingtsfamilles
de basepour de futures avancéesvers des régionsencoreinconnues.En moins d'Espagnols(environquatrecentspersonnes).A Ia veille de I'indépendance, sa
d'une décennie,plusieurscentresurbainsde premièreimportancevirent le jour, populationdépassait difficilementleshLritmille habitants,dont six centsEspagnols
et créoles.A la mêmeépoqueGrenade,capitalede la provincedu Nicaragua,avait
unetaille comparable. Avecpresquedouzemille habitants,SanSalvadorétaitalors
l. Cet article ne traite que des divisions internesde I'Amérique centraledansseslimites géo-
une des villes les plus peupléesde la région,loin cependantderrièreGuatemala,
politiques âctuelles(le Mexiclueet la Colornbieen sont exclus). ll se fonde en grandeparlie sur siègede la capitainerie(environvingt-cinqmille habitants).
les recherchesmenées à Paris-X-Nantene dans le cadre d'un programrne d'étude axé sur les rela- Centresadrninistratifsou gros bourgs rurauK,dont la richesseétait fondéesur
tions entre villes int"emrédiaires,route Panaméricaineet espacesfrontaliers (voir bibliographie). I'agriculturelocale,cesvilles n'avaientqu'une influencelimitéesur I'organisation
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HERODOTE
ET NATIONSEN AMERIQUECENTRALE
VILLES FRONTIÈRES
régionale et ont finalement peu favorisé les échanges.Au contraire, elles ont accé-
léré le développement d'un esprit de clocher particulièrement vif chez les élites malgré les regroupementsopéréspar la Couronne,restait divisée en quinze pro-
urbaines. Ces particularismes sont à I'origine des dissensionsqui ont suivi les vinces disposantd'un degré d'autononrietrès inégal, véritableébauchedes futurs
gllerres d'indépendance et provocluél'éclatement des Provinces-Uniesd'Amérique Etats indépendants.Le cæur de la capitainerieétait composéde huit alcaldfas
centrale,quinze ans à peine aprèsleur fondation (i823). mayores,regroupéesautour de la capitale,et de deux corégimentsplus éloignés
(Quezaltenango et Chiquirnula).En situationpériphérique,on trouvait quatreinten-
dances(CiudadRealde Chiapas,Ledn de Nicaragua,Comayaguade Honduras,San
Des divisions politiques oncicnnes Salvador),et un gobierno,celui de CostaRica, avecpour capitaleCartago.
Malgré cette division politique poussée,les limites entre les différentespro-
L imprécision et la complexiLé des structures administratives du monde colo- vinces sont souventrestéesfloues à l'échelle locale ou régionale.Ainsi, quand
nial espagnol n'ont fait qu'aggraver la parcellisation du monde centraméricain. PedroLuxan décrivaiten 1743laYenpaz, fondéedeux sièclesplus tôt par Las
Jusqu'à la fin de la période coloniale, tontes les terres que baigne la mer des Casas,il ne pouvait en donnerque la lirnite sud, marquéepar la présencedu rio
Antilles (îles et continent) dépendaient ofTiciellement du royaume de Nouvelle- Grande,à dix-huit lieuesde Guatemala.Au nord, à I'est et à I'ouest,les frontières
Espagne, sauf, bien entendu, les territoires qui n'appartenaient pas à la Couronne de la province s'évaporaientdans les immensitéssauvagesd'un monde encore
espagnole. Cette appartenancepurement formelle à un même ensemble garantis- inexploré (Bertrand,1987).Cette imprécisiona enveniméles litiges frontaliers
sait une unité de façade, mais elle n'a jamais permis à ces territoires disparates, oppôsant,après I'indépendance,les différents États centraméricainsissus en
inégalen-rentpeuplés, développés et intégrés au système colonial, de se constituer grandepartie d'un découpageapproximatif.Le 15 septembre1821,I'Amérique
en grande région économique ou politique. En réalité, I'Amérique centrale n'était centrale se déclarait indépendantede I'Espagne, aprèsdix ans de conflit armé.
pas gouvernée depuis Mexico mais depuis Ciudad Guatemala, siège de la capitai- L'annéesuivante,elle s'associaità I'Empire mexicain d'Iturbide pour créer un
nerie générale du Guatemala. Encore faut-il préciser que le pouvoir du capitaine vasteensemblepolitiquequi s'étendaitde la Calilbrniejusqu'au Pananâ (exclu)
général n'était pas toujours pleinement exercé sur les territoires trop éloignés de et couvraitplus de 4 millions de kilomètrescarrés.
la capitale. Les autorités locales, installées dans les cittdades ou dans les villas des Mais une décenniede guerrecontreun ennemiconununn'avait réussini à for-
différentes provinces, clisposaienten 1àit d'une très grande autonomie. Quant au ger une nation centraméricaine, ni à façonnerun espacecohérentdansI'isthme.
Panaurâ (la Castilla del Oro du xvt" siècle), dont la vie économique était liée aux Cet échecs'expliqueen partieparceque le patriotismeaméricainrevendiquépar
mines du Potos(, il se rattachait au continent sud-américain, c'est-à-dire au vice- les créoless'appliquaitsurtoutà l'échelle locale et régionale.En outre,les liens
royaume du Pérou, puis, après sa création en 17 17, à celui de Nouvelle-Grenade. économiquesentreles diversesprovincesétaientrestésfaibles.Très vite, les forces
Au début du xvul" siècle, la capitainerie générale était donc divisée en trente-deux centrifugesont eu raison des tentativesd'union revendiquéespar les premiers
territoires au statut juridique et administratif variable : quatre gobiernos (Comayagua, révolutionnaires.Les fracturesont alorssouventsuivi les limites administratives
Nicaragua, Costa Rica, Soconusco), neuf alcaldias mayores et dix-neuf corégi- plus ou moins théoriquesimposéespar la colonie,chaqueprovinceserepliantsur
ments. L Amérique centraleétait en outre partagéeentre deux audiences:Guatemala elle-mêmeet sur sa ville principale.
et Pananrâ (Villacorta, 1942, voir bibliographie en fin d'article).
Au xvttt" siècle, les Bourbons mirent en place le systèmedes intendances.Dans
Frontièresinlernes,iclentitésrépionales
la plupart des cas, ces nouvelles entités administratives furent formées en suivant
les limites des évêchés,c'est-à-dire en respectantla hiérarchie ulbaine de l'époque.
A l'échelle nationale,les découpagesadnrinishatils uaduisentaujourd'hui encore
L'intendance du Honduras naquit ainsi dn regrollpement des départements de
la domination écrasantede la capitale nationale sur les villes de province. Provinces
Conrayagua (gouvernement politique et militaire) et de Tegucigalpa (alcaldîa
rnayor), puisque les deux territoires dépendaient du même évêque, celui de ou départements restent centrés sur des pôles urbains secondairesqui ne paruiennent
pas à polariser I'espacerégional. Seulela ville de San Pedro Sula, au Honduras,peut
Comayagua. A la veille de I'indépendance, ces rélbrmes n'avaient pas complète-
se pemettre de traiter d'égal à égal avec sa capitale politique, Tegucigalpa. Riche de
ment aboul.ià transfbrmer le paysage politique et administratif de la capitainerie, qui,
sesplantations de bananeset de sesnouvelles usines d'assemblage,elle est devenue
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HERODOTE ET NATIONSEN AMERIQUECENTRALE,
VILLES FRONTIÈRES
la capitale économique du pays. Son influence dépasselargement le cadre étroit d'autresendroits.Lazone est bien riche. Le problèrne'c'est le transport.C'est
du département de Cortés, créé tardivement (en 1893) pour répondre aux besoins pourquoiils exportenttoute leur productionvers le CostaRica.Autre chose:j'ai
des grandes compagnies bananièresnord-américaines établies sur les riches teres remaiquéque é'est dansun village costaricien,BarraColorada,qu'ils reçoivent
agricoles de la façade atlantique et dans la vallée des fleuves Chamelecdn et Uhia. leurs ioinimédicaux. Pour l'éducation,c'est pareil,en particulierà Boca de
L'évolution des linites adnrinistratives de chaque pays de I'isthme montre que la Sarafiqui.D'ailleurs,presquetoutesles marchandises ici sontd'origine tica [sur-
création clesprovinces ou des départernents,décidée en haut lieu, est une tentative norn dônnéaux Costariciensl,' (IHNCA, Diarios de la Cruzadade Alfrtbetiaaciôn,
pennanente d'adapter les structures administratives de l'Etat aux réalités mou- n" 50, f. 30). Cesquelquesremarquesextraitesd'un cahiertédigépar un étudiant
vantes de la nation. C'est ainsi que les sept premiers départements honduriens de Masayareflèténtla réalité géopolitiqued'un pays coupé en deux depuis
furent créés en 1825, En 1869 apparut le département de la Mosquitia, à la suite l'époquecolonialeentre un versantpacifïquemis en valeurpar les conquérants
du retrait des fbrces anglaises de la côte atlantique et des îles de la Baie. La même espagnolset un littoral caraibedélaissé,marginalisé,puis placé sousla < protec-
année vit la naissance des départements de LaPaz, El Para(soet Copân, sépar'ésdes tion> de la Couronneanglaisejusqu'aumilieu du xlx" siècle.
départements de Comayagua, Tegucigalpa, Olancho et Gracias. L'histoire du Dansce contexte,le câsde la piovincede Chiriqui, au Panamâ,estparticulier,
découpage administratif hondurien s'arrête pour le moment en 1951, date à puisqueles velléitésfédéralistesdeshabitants(ladinosà plus de 80 7o)ne concer-
laquelle la junte rnilitaire au pouvoir décida de lbnder un dix-huitième départe- nentpasdespopulationsrurales,marginalisées et à majoritéindienne,maisrepo-
ment, celui de Gracias a Dios, tracé aux dépens de celui de Col6n. sentiur des ôonsidérations essentiellement politiques et économiques.En outre,
Si le processus de pzu'thénogenèse qui a conduit à l'éclatement des Provinces- c'est la capitalerégionale,David, avec ses 115 000 habitants en 1996(presqueun
tiers de la populatilonprovinciale), qui sertde catalyseur aux revendications iden-
Unies d'Arnérique centrale semble désormais définitivement intenompu, il n'en
reste pas rnoins vrai que les identités régionales restent souvent fortes, même si titaires d'ùn^groupe hétéroclite composé non seulement d'associations folklo-
elles trouvent rarernent un cadre adéquat pour s'exprimer'. Les mouvements < régio- riques,mais iussi d'intellectuels,d'entrepreneurs et de grandspropriétaires
nalistes>>,<<séparatistes> ou < nationalistes>)ne sont pas rares, mais ils se fondent fonciers.La provincede Chiriqui, situéesur la frontièrecostaricienneet dominée
généralement sur des critères d'identité ethnique. C'est le cas des Miskitos au par les grandèscompagniesbananièresnord-américaines, a profité du dynamisme
Niciu'agua, des Kunas dans la région de San Blas (Panamâ), ou de ceftaines corunu- à" t"r àctivitésagro-exportatrices pour revendiquer une autonomiecroissanteà
nautés indiennes du Honduras. Au cours des annéesquatre-vingt, le malentendu l'égard des autoritésnationales.
entre les populations indiennes de la côte atlantique du Nicaragua et les dirigeants be nombreuxChiricanosréclamenten effet Ia créationd'une républiquefédé-
sandinistes,soucieux d'en finir avec les particularités d'une région longtemps cou- rale, afin de permettreà chaqueprovince de gérer sesintérêtssansattendreles
pée du reste de la <<nation ' nicamguayenne,a dégénéréen une guerre civile meur- décisionsd'une capitaleconsidéréecolnnre<<lointaine>>, à l'échelle du pays.
trière, en partie orchestréepar les Etats-Unis. Les indigènes (souvent anglophones Commele souligneune brochurepubliéepar I'hebdomadaire local Culturanta,t'I
et de religion protestante) qui habitaient I'ancien protectorat britannique de la est injuste qu" la richesseproduite par les plantations de banane ou de canneà
Mosquitia n'ont pas accepté de voir leurs ennemis traditionnels, les << Espagnols>> sucrede la iégion serveà àméliorer le réseau routier de la capitale nationale,au
du littoral pacifique, tenter de s'immiscer dans leurs affaires intérieures. lieu de bénéfiôier à ceux qui vivent et travaillent dans la province. Sans atteindre
En 1980, dans le cadre de la Croisade nationale d'alphabétisation lancée par le un niveau de tension comparable à la situation nicaraguayenne, ce débat dépasse
gouvernelnent sandiniste, de jeunes étr"rdiantsont été envoyés dans la région du rio le cadredu folklore local et traduit une oppositionmarquéeentrele << paysllétro-
politain>>(l'axe Panamâ-Col6n, matérialisépar ie canal interocéanique) et le
San Juan, alin d'éduquer les massespaysannes< abandonnées> par le régime de
payt intérieur>, plus rural,plus agricole,moius tourné vers les activitéstertiaires
Sonroza. Ces jeunes ladinos idéalistes, convaincus des vertus de la révolution et "
des nécessitésde I'intégration nationale, se sont vite rendu compte que même les qui caractérisent l'économiede la capitale.
'
populations hispanophones de la Mosquitia entretenaientplus de relations avec le À I'intérieurdeslirnites administrativesqui ont ététracéespar le pouvoircen-
Costa Rica voisin qu'avec le reste du pays, sans s'inquiéter de la présenced'une tral, chaqueprovincetentede seforger une identitéafin dejustifier sonexistence
fiontière internationale. Comme le signalait I'un des participants de la Croisade autrementque corlme simplerelaisde I'appareild'État.En 1995' unedélégation
dans son cahier de route: <Tous les habitants sont en fait des migrants qui viennent de Chiricaios s'est ainsi rendueà Panamâ,avec la bénédictiondes autorités
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I{ERODOTE
VILLES FRONTIÈRESET NATIONSEN AMERIQUECEN'TRALE
municipalesde Davict,pour demanderaux parlementaires
tralismeet de fâvorisei le.déveroppementautonome d,en finir avecle cen_ Des zones de conflit latent
des régionspanaméennes.
cette longue promenaclede 450 i<ilomètresa été
l'occasioi diarborer tous les Cesconflits ont parfoisété exacerbés par I'intenention descompagniesbana-
symbolesde l'identité chiricana,en particulier
te arapeaurougJ et vert frappéde nièresd'origine nord-américaine,qui voulaient s'emparerdesmeilleuresterresafin
treize.éroilesbranches qui représenrent resainer"ni, àir"r"""âi lu p.ouinc".
A la suitede chiriqui, trois autresprovincesont de développer leur systèmede plantations.C'est ainsique,à la fin desannéesvingt,
confectionnéreurpropredra_ la CuyamelFruit Companyattisale patriotismedesHondurienset tentade les dres-
peau.celui de veraguassecontentedô reproduir"
ro.urt"â" rîfrovince en blanc ser contre leurs voisins guatémaltèques. Le but de I'opérationétait de délogerla
surfbnd bleu,entouréede onze étoilessyrnborisant
t", oorJi*iri"ts qui la compo_ United Fruit Companydes terrainsqu'elle avait aménagésle long du rio Matagua,
sent.En 1995,les déléguésde la charnLrede
comm"r"" J;inJusftiede la pro_ en repoussant versl'ouestla frontièreentreles deuxpays2.Les Etats-Uniss'inter-
vince de Bocasde Toro ontchoisi un langage ", ,rËiil:
héraldiquepr", posèrentalors entre les belligérantset imposèrentleur arbitrage,au bénéficedu
planc (iustice,paix e.tliberté)surmonteui rectangtevert (espérance)un rectangle
; trois tortues Guatemala(c'est-à-direde la United Fruit) et au détrimentdu Honduras(c'est-à-dire
Jaunesreprésentent à la fois le.développementdé t'inOurtrii, Ju-comrnerce
I'agriculrure,nraisaussiles rroisdistriËti de la provinc;. et de de la Cuyamel).La frontièreest depuislors celle qui a étéfixée par le fameuxlau.do
ù;;; t"ià_uin, du sym_ de Washington del 23 de enerode I933, tel qu'indiquédansla cartographieofficielle
bolisrnekitsch, le drapeautricolore_dela province
a" co"i"-Lui Jàn, uu"un dout" du Honduras.Quantaux deuxcompagniesbananières ennemies,ellesont étéobli-
puisquela couleurblanctrefait réféienc;;;;;
l::r^1":.."""rds,
qur sont produitsdansla région; re gris à l'essor iu ,u"r" er au lait géesde fusionnerà la suitede la grandecrise économiquede 1929,ce qui rend
a" r'inàuriri"lgroalimentaire; d'autantplus absurdele conflit qui opposaà l'époqueIe Honduraset le Guatemala.
tomate,
coniidérée unenouvelle
source
d-erichesse
iirt:JrT:fid,la. "Ë-ro" pour Encoreen 1995,cinq rnille colonscostariciens ont occupéillégalementunezone
ce n'est sansdoute pas avec de ters ernblèmes, de plus de 200 kilomètrescarréssituéeentre la ligne fiontière et le lac Nicalagua.
choisispar une élite écono_ L incidenta pu êtreréglé sanseffusion de sang,mais cettepéripétiemontreque,
mique depuislongtempscoupéede sesbases
sociale*,qu. tàLisses populaires dansla régionde I'isthme,les Etatset les nationsn'ont pasencoreréglétousleurs
vont se rassemblerpour réclamer leur independanie.pouriun,,
xrx" siècle,le culre du drapeaufait partie oe t'eï.i"uiiÀn depuis le contentieuxterritoriaux.Pourtant,si les frontièrescentranéricaines sontlongtemps
.ùËîào" de rousres restéesdes espacesconflictuels,les tensionsinterneset externesont fortement
écolierscentraméricains car,face auiêve inachevéa'un" unrÀ-n
ce sont lespatrias chicas.(res<petitespatriesrr)que .entraméricaine, baisséau coursdesannéesquatre-vingt-dix,aprèsle retourde la paix danslespays
resélitesu.ùuin", et créoles lesplus touchéspar la guerrecivile (Guatemala,Salvador,Nicaragua).En 1991,le
du xrx" siècleont voulu impos.i .n ,uiuunt t"
Dans I'élaborationer la priie de conscienc"d'on" l,Érat_narion. Guatemalaet le Bélize,décidésà mettreun temreà leursquerellesfrontalières, ont
-ôaet";;æ;l"
identitJ;ilnil", le drapeaua noué pour la premièrefois desrelationsdiplomatiques.Jusqu'alors,les autorités
donc.iouéun rôle cenrrar,mêmes'' esrchargé
a" .yÀùor"r;;ïï;* référenceà guatémaltèques avaientrefuséde reconnaîtrel'anciennecoloniebritannique,puis
I'unité perduedes pays de l'isthme: res cinq
volcansqui ornentla bannièredu I'Etat indépendantdu Bélize. L arméerégulière organisaiten permanencedes
Nicaraguareprésententainsi les Étut, membresdes anciennesprovinces_ manæuvres dansla jungledu Petén,tandisqueI'Etat suscitaitun grandmouvement
gifijii3îjlque cenrrate, "inq politique
srrucrure ephemoie
ril;;;* sespropres de colonisationagdcoledestinénon seulementà réduirela pressionfbncièresurles
hautesterrescentralesmais aussià peuplerdes espaces marginaux,souventinsa-
lubres,rendusstratégiques par leur situationen borduredesterritoiresrevendiqués
par les militaires.Aujourd'hui,Ie Bélize n'est plus officiellementconsidérépar les
Guatémaltèques colnme une province rebelle, mais la cartographieconservela
tracede cesvieillesrevendications nationalistes. Sur de nombreuses cartestouiours
Depuisle milieu du xrx".siècle,les querellesde frontière
ricains ont été ra causede prusieursgu",o", qui entrepayscentramé_
ont raisséde p.ofùo", cicatrices
non seule'renrsur les carres,mais aùssi.u. Ë t"ouin
2. Cet épisodepeu glorieux est relaté de manière romanesquedansl'ouvrage de Miguel Angel
"ïir*ï"i'Jro.r,r.
Asrunta.s, El papa verde.
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cENTRALE
vtLLESpRoNtIÈRrsET NÂTloNSENAMÉRIQUE
HERODOTE
(6 décernbre
en circulation, notalunent celles publiées par I'Instituto Guatemaltecode Turismo, fronts possibles, afin d'empêcher que_notre teffitoire soit dépecé>
guene fit alors les gros titres de la presse locale' et notan-
Ie Bélize reste figr.rrécomme un simple départementet Belmopan, sa capitale, appa- iqqgl.L" thème de la
prensa ,, Ûn" provocation atmé" d,, Honduras > (7 décembre 1999);
raît comme une cabecera departcunerttal(<chef-lieu de département>>), au même ment de La
'
<<Tensionsur la ligne frontière> (11 décembre 1999); <Le général Cuadra [chef
titre que Flores pour le Petén ou Coban pour I'Alta Verapaz.
i" I'urmée nicaraguayennel propose de mobiliser les réser-
La der,rxième grande zone potentielle de conllits reste la frontière entre le à"1;Ë*--";o,
de.to't poil et des
Honduras et le Salvador, même si, là encore, le règlement des différends internes vistes > (17 dêcembre 1999). Dans 1e méme temps, des experts
potentiel militaire de chaque nation et ses possi-
et le retour à la paix civile ont fàvorisé la baisse des tensions entre les deux pays. colonels en retraite évaluaiént le
de confiit. Afin de punir le pays voisin et d'obtenirles
Après une décennie perdr.re(les annéessoixante-dix), un accord de paix a été signé bilités de victoire en cas
nicaraguayen
en 1980 mais ce n'est qu'en 1992 que la décision a été prise de régler les litiges fonds nécessairesà la défensedu territoire national, le gouvernernent
<impôt pour la souveraineté> de 35 7o sur tous les produits honduriens
fiontaliers qui envenimaient les relations clesdeux républiques depuis I'indépen- décrétaun
affecté les petits
dance. Les points les plus discutés ont été tranchés par la Cour internationale de importés au Niôaragua - mesure symbolique qui a principalement
de lalone frontière (La Prensa, 12 décembre 1999)'
justice de La Haye. Ces avancéesdiplomatiques n'empêchent cependant pas les --
avec la
militaires de multiplier les provocations de part et d'autre de la frontière, tandis L" pàUteme frontalier entre les deux États s" double d'un contentieux
"o--"rçunts
îles de San Andrés et de Providencia, pourtant reven-
que de nombreux Salvadoriens continuent à s'installer illégalement dans le pays Colombie, installée dans les
Or, un accord entre le Honduras et le gouverne-
voisin. Cette imrlrigration clandestine alimente le discours xénophobe d'une par- Jique", par le Nicaragua. _signé maritimes qui,
tie de la classe politique hondurienne et rend aléatoires les accords de paix signés ment colombien en i9i6 (traiie Ramirez-L6pez) fixe des fiontières
et portent
par les dirigeants cles deux États. En effet, depuis le milieu des années quatre- d'après les autorités de Managua, lèsent les intérêts nicaraguayens
Aleman, élu en 1996,
vingt-dix, des bandes armées et des groupes incontrôlés prétendent remplacer les utt"'int" à I'espace vital de la nition. Le président Arnoldo
par les Etats-u.nis, a été conclu
troupes régulières pour assurer la délènse de la ligne frontière avec le Salvador, u-u"uu jeu de rappeler que cet accord, approuvé
poliilciens de^Washington tentaient
accusé de visées expansionnistes. enpteine guene 1'roid",'à.rn" époque oû1es
arraientprovoqué
Sur le flanc est du Honduras, la pression militaire avait baissédepuis la défaite p#tou, leî rnoyens de déstabiliser ies sandinistes,qui, en 19'19.
couvert de défendre I'honneur national, les trois prota-
des sandinistes lors cle l'élection présidentielle de 1990. Les États-Unis avaient la chute de Somoza. Sous
de-la plus grande partie de.la plate-forme conti-
cessé de soutenir les opposantsinstallés du côté hondurien de la frontière et l'étau lonistes tentent donc de s'emparer Pour
d'importants gisements d'hydrocarbures'
s'était desserré alltour des principaux axes routiers qui traversent la région, telle nentale, avec pour enjeu le
"ontrôI" été porté de,vant la cour cen-
la route Panarnéricaine,véritable épine dorsale des flux intrarégionaux. Pourtant, tenter de trouver une solution pacifique, le litige a
de La Haye.
en 1999, de vieilles tensions ont refait surlàce, liées au développement du trafic traméricaine de justice et devant la Cour internationale
les pays de
de drogue de part et d'autre du rio Coco et à l'intensification des recherchespétro- ùalgré la frâgile amélioration des relations diplomaticlues.entre
souvent vives au niveau local, même quand les
lières sur Ia plate-fbnne continentale du littoral caraibe. Pour s'opposer aux incur- l,isthmà les tensions restent donc
faibles. Ainsi, les Nicaraguayens menacent régulière-
sions (réelles ou supposées)de leurs voisins sur le sol national, les Nicaraguayens enjeux économiques sont
filets dans les
ont rappelé qu'à l'époque coloniale les limites de leur province remontaient vers mËnt de représaiiles les pêcheurs costariciens qui vont tendre-leurs
le golfe de Fonseca,
le nord jusqu'au rio Aguan (rio Patuca), et qu'une bonne partie du Nord-Est hon- eaux du riô San Juan, alôrs qu'ils n'en ont pas le droit' Dans
mutuellement de piller les
durien leur appartenait (tout au moins formellenrent). Honduriens, Salvadoriens et-Nicaraguay"ni t'o"..ttent
naturel des zones de mangrove' qut
Dans clespays marquéspar de lbrts clivages ethniqueset sociaux, durement tou- ressources marines et de détruire l'équilibre
Enjanvier 2000, pour tenter de résoudre
chés par le cyclone Mitch (octobre 1998) et dont les structures économiques res- offrent un abri sûr aux larves de
"r"u"it"t. conjoint afin
tent peu développées, les gouvernements ont de nouveau agité le spectre de la Èurs litiges, le Nicaragua et le Honduras ont lancé un appel d'offres
d"estinées à matérialiser la frontière dans les eaux convoitées
gLlerrepour obtenir I'union nationale et raviver la ferveur patriotique d'une popu- d'acheter des bouées
lation désabusée.Comme l'écrivait le juriste Mario Ruiz Castillo dans le principal du golfe.
tissés de part et
journal nicaraguayen,ln Prensa: < La déIènsedu territoire national doit être solide Même si des liens écononriques,politiques et culturels ont été
entretiennent souvent des rapports
et cohérente. Elle doit làire I'unanimité de tous les Nicaraguayens, sur tous les d'autre de la frontière, les populutiont locales
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HERODOTE
VILLES FRONTIÈRESET NATIONSEN AMERIQUE CENTRALE
conllictuelsavec leurs voisins.C'est le cas sur la frontièreentrele Nicarasuaet
le CostaRica, où les vieillesrancæursnationalistes(lesNicaraeuavens Si la frontière Honduras-Nicaraguapeut désormaisêtre franchie facilement dans
n'orit tou- sa partie sud-ouest(trois postessont ouvertsen permanence, sauf en cas de ten-
jours pas oublié comment les Costariciensse sont emparéràu -Grrunucaste au
xlx" siècle) se mêlent à des considérationsplus actuelles:le costa Rica, pays sion militaire), le rio Coco est toujours considéréconrrneune barrière entre les
< riche>, attire chaqueannéedes milliers de migrantsqui vont travailler deux pays. Pourtant,Ies Indienscontinuentà passerd'une rive à I'autre sansse
ouvriersagricolesdansles plantationsde café ou les bananeraies "o*^e soucierde cetteligne de démarcationfictive, qui pour euxn'a aucunsens.Les tra-
costariciennes. fiquantsde droguesuiventfacilementleur exemple,tout comme le faisaient,au
T e problèmedes clandestinsempoisonnedepuislongtempsles relationsentreles
deux Etats.Régulièrernent, cours des annéesquatre-vingt,les groupesde contrasbasésau Honduras,qui
les gardes-frontièrescostariciènsrenvoientchezelles limitrophesde Jinotega
desfàrnillesentièresde rechazadosvenustenterleur chancede << pénétraientsansaucunedifficulté dansles départements
I'autrecôté> du et de Zelaya. Le rio San Juanjoue le même rôle entre le Nicaragua et le Costa
rio San Juan. cependant,malgré ces manifestationssporadiquesd'autorité,les
servicesmigratoires de San José estiment que les immigrés d'origine nicara- Rica. Alors que chaquepays veille jalousementsur sonintégritéterritoriale,des
guayennereprésententdésormaispresque20vo de la populationtotâle du Costa milliers de Nicaraguayensvenus de la zone centraleet des départementsdu nord
Rica (environ600 000 personnessur 3,5 millions d'rrabitantsen 1991). profitent chaqueannéedes voyagesen bateauorganisésvers San Juandel Norte
(ex-Greytown)pour s'éparpillerdansla naturequandils abordentla bergecosta-
Le petit monde despostesfrontières riciennedu fleuve.Ils sont aidésen cela par le tracéparticulierd'une ligne fron-
tière qui a été fixée au xrxe sièclenon pas au milieu du rio mais sur sa rive droite,
La genèsedes États centraméricainset la persistancedes tensionsinternes afin de permettre le creusementd'un canal interocéaniqueentièrementcontrôlé
(guérillas,guerresciviles) et externes(revendicationsterritoriales,patriotisme par le Nicaragua- ou tout au moins par sespromoteursbritanniques.
Même entre le Panamâet le CostaRica, les deux pays les plus riches de la
exacerbé)permettentde mieux comprendrepourquoiles espacesfrontalierssont
longtempsrestésdes zonesmarginales,qui ont peubénéficiède la rentede situa- région,les pointsde passagesontrares.Le plus importantse situe à la hauteurde
PasoCanoas,sur la route Panaméricaine - mais le postede douanen'est en Ser-
tion conféréppar leur statutjuridique particulier,contrairementà d'autresrégions
vice que depuis 1970. Les deux autres (Rio Serenoet Sixaola-Guabito)enregis-
du monde.A la fois négligéeset mal contrôléespar les autoritésgo.,u"*"lm"n-
trent des flux commerciaux et des ntouvemcntsde population de très faible
tales, mais en même temps considéréescomme stratégiques pat 1es militaires, ampleur.L'immensité(toute relative) des espacespériphériquespeu ou mal
elles accumulenttous les handicaps.Dans la plupartdei Cas,lês agglomérations
contrôléspar les pouvoirs centrauxexplique en grandepartie pourquoi cespostes
situéesau contact entredeux pays sont d'importàncemédiocreet léurs activités
se.limitent à des opérationsrudimentaires(transport,douanes,commerce).Les frontièresne sontjamais devenusde véritablescentresurbains,rnêmesi, en tant
pointsde passageofficiels,sitnéssur les principauxaxesroutiers,sonten fait peu que points de passageofficiels, ils jouent un rôle fondamentaldans les échanges
dilatéraux.PasoCanoasn'est ainsiqu'un agglomératdésordonné de maisonset de
nombreux.on n'en comptequ'un seul entrele Guatemalaet le Bélize, à la hau-
magasinsdont les marchandises sont destinées en priorité aux Costariciensvenus
teur de Melchor de Bencoset de Benqueviejo. La piste qui relie les deux bour- panaméen de
acheter à moindre coût des biens de consommation courante du côté
g1{e-s.-estd'ailleurs presqueimpraticableen saisondes pluies. Malgré plus de
200 kilomètresde frontièrecommune,deux postesseulemênt la frontière. Cette ligne fictive est matérialiséepar un ruban continu de boutiques
permettentdè main- qui suivent scrupuleusement la limite entre les deux Etats pour former l'.<axe
tenir le contactentrele Guatemalaet le Honduras:ceuxde El Florido-Copânet de
Agua Cliente-NuevaOcotepeque.De manièrecaricaturale,aucuneroute ne relie les majeur>> d'un espaceurbainmal consolidé.
deux grandsports bananiersde la façadecaraibe,puertoBarrios (Guatemala)et En outre, les activitéscommercialesde la zone frontière dépendentlargement
PuertoCortés(Honduras),qui fonctionnentde manièreindépendante desmesuresprisespar chaqueÉtat pour défendresespropresintérêts,au détriment
alorsqu'ils d'une visionéconomiqued'ensemble.En limitant la possibilitéd'importerdespro-
sontplacésen vis-à-visde part et d'autre de Ia frontière.
Le Salvador,enclavéentre les pays voisins et sansaccèsdirect à I'océan duits achetésdansle pays voisin, le présidentpanaméenErnestoPérezBalladares
(1994-1999)a ainsi entraînéla ruine descommerçantsd'El Cuervito,petitebour-
Atlantique,possèdedeuxaccèsprincipauxsurle Guatemala, Las chinamaset san gadesituéeau sud de PasoCanoas,le long de la route menantà PuertoArmuelles,
Cristôbal,et s'ouvre surle Honduraspar le nord (El poy) et par I'est (El Amatillo).
dont la prospéritéétait fondéesur le dynamismedestransactionsfrontalières.En
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fermeturede la fi'ontièreorientale.La guerrecivile qui allait suivreet I'interven- Placéedans une situationcomparable,à quelqueskilomètresde la frontière
tion desÉtats-Unisdansle conflit ont eu desconséquences immédiatesdanscette costaricienne, et au cceurd'une riche région agri-
sur le tracéde la Panaméricaine
zone sensible:l'arêt des exportationshonduriennes vers le Nicaraguaet I'inter- cole,la ville panaméenne de Concepcidn(15 000 habitants)a encoremoinsdéve-
ruption de presquetout le trafic intemationalsur la routePanaméricaine. loppé que Cholutècason rôle d'avant-postecommercial,de lieu d'échange
Att coursdesannéesquatre-vingt-dix,['apaisement destensionsinternationales iniernational ou de zone de transit. Preuve supplémentaireque la frontière joue
a pennis à Cholutecade retrouversa fbnctionde transit.Bien qu'incomplètes,les rarementun rôle dynamisantdansles processusd'organisationde I'espacecen-
enquêtesde la Secretaria de obras Prhblicasy Transportes (SECopT) montrentque traméricain,Concepcidnestrestéeun grosbourgrural principalementtournévers
le tralic a repris entrela capitaledu département et la zonefrontière.Récemmènt son arrière-paysagricole(Forichon,1998).La route Panaméricaine n'a eu qu'un
asphaltée et bien entretenue,la routedu sud(CA-3),versSomotillo(Nicaragua)via impact minime sui la morphologieurbaine,en favorisantsur son tracé le déve-
Guasaule,enregistraiten 1995une moyennequotidiennede I 888 véhicules,dont loppement d'un quartierpériphériqueencoremal intégréau restede la ville.
settlement160 voituresindividuelleset 70 autobus,le restedu parc étantconsti- ^
3i I'activité cômmercialeest toujoursle moteuréconomiquede la cité, elle se
tué par des catnionsct des pick-up (véhiculesessentiellement destinésau trans- limite à la redistribution de biens de consommationà la population du district de
port locarlde marchandises). Sur le bord de la route,à la sortiede la ville, la Bugabaet à la gestiondes produitsde I'agriculturelocale.Les entrepnsessont
présencede nombreusesstations-service et d'ateliersde réparationautomobile de petite taitte et elles n'entretiennentaucunrapport avec.lazone frontière.Les
prouveque les f'lux sont redevenusconstantset réguliers(Hardy, 1997). maichandisesimportéesque I'on trouve dans les magasinsdu centre-ville,et
Certes,choluteca n'est pas véritablementintégréeà l'économierégionale notammentdansle principal supermarché(Lee ChangHermanos),tenu cornme
transfrontalière,puisque ses grandesactivitésagro-exportatrices (crevettes, sonnom l'indique pâr descomurerçants chinois,proviennentde la capitale,située
melons)sont tournéesvers des marchésplus lointains,principalementles Éhts- à moins de huiiheuresde bus,ou de la zonelibre de Col6n.Si Concepcidntoume
Unis. Cependant,les annéesde guerreont favoriséla créationde réseauxcornmer- le dos à sa fiontière,c'est que les deux pays n'ont pas grand-choseà échanger'
ciaux non olÏciels entreles trois paysde la région.Les faiblescoûtsde production puisqu'ils exportentles mêmesproduits (café, bananes,huile de palme' objets
(liés aux bassalairesdesouvriersagricoles,aux disponibilitésen terresôultivables hanufacturéJdattsle cadredesusinesmaquiladoras...), ce qui les placeen situa-
et à la relativestabilitépolitiquedu pays)ont permisà de nombreuxcommerçants tion de concuffencesur le marchéinternational.Les niveauxde vie étantcompa-
d'exportervers le Salvadoret le Nicaraguadesproduitsvivriers,malgréI'oppo- rables, les flux migratoiresliés aux fluctuations de la main-d'æuvre agricole
sition des autoritéslocaleset nationales.Depuis 7992,la loi de modernisition restentfaibles,pour ne pas dire inexistants,contrairementà ce qui se passeentre
agricoleadoptéepar l'État hondurienautoriseà nouveaula venteà l'étrangerde le Nicaraguaet le CostaRica.
ces marchandiseslongtempsconsidérées commestratégiques, car l'équilibre ali- L exemplede Concepcidnou de Cholutecamonffe que,dansdesEtatslargement
mentairede la nation en dépendait.on peut donc supposerque I'ensembledu dominés mais peu ou mal polariséspar leur région métropolitaine,l'organisation
département,coincé entre les deux frontièresa, devrait bénéficierde cesnouvelles internedu teniioire a limitéie développement despériphériesnationaleset empêché
dispositions: la route Panaméricaine permettraitalorsde faciliterI'intégrationdes la constitutionde zonestransfrontalières.Le casde cesdeuxvilles n'est pasunique.
producteurslocauxà l'économierégionale,tout en estompant le caractèred'enclave Le même modèle se répètepour chacundes pays de l'isttune car, depuis l'époque
agro-exportatrice de Choluteca.Cetteévolutiona cependantétébloquéeen 1998, coloniale,chaquenoyauurbain a fonctionnéde manièreautonolne,plus toumévers
à la suitedu cyclone Mitch, car la ville a été gravementtouchéepar la crue bru- sonHilîerland agricole(ou versunemétropolelointaine)que versles citésvoisines.
tale du rio Choluteca.Le pont qui faisaitla fierté deshabitantsa étéemporté,pro-
voquant une interrttptiondu trafic routier et I'effondrementdes relations
comnrcrciales avecle paysvoisin. Conclusion : espacestransfrontaliers' espacestransnationaux ?