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GLOIRE DU
SILENCE
ABSOLU
A LA MÉMOIRE DU
Lieutenant-colonel
Emmanuel Moreno
24 Sivan 5731 – 25 Av 5766
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Emmanuel Yehouda Moreno, Hachem Yikom Damo.
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Introduction
“ À toi la gloire du silence absolu” est le titre que nous avons voulu donner à la
collection de récits biographiques qui va suivre.
Parce que
nous savons qu’Emmanuel n’aurait pas voulu que nous parlions de lui;
nous savons aussi que son humilité l’aurait tenu éloigné des feux de la rampe;
nous savons encore que c’est le silence qui le caractérisait le mieux .
C’est pourquoi, Emmanuel, “à toi la gloire du silence absolu”.
Nous avons beaucoup réfléchi à la manière dont nous pourrions faire vivre la
personnalité d’Emmanuel, comment exprimer à travers les mots et les récits
personnels qui il était vraiment. De fait, ce qui le caractérise au mieux selon sa
famille et ses amis, était son effort continuel pour s’améliorer.
En conséquence, nous avons choisi les qualités les plus marquantes d’Emmanuel
et les avons utilisées comme sous-titres dans ce livret. Il faut savoir qu’Emmanuel
a oeuvré très dur et très longtemps pour atteindre ces vertus. Nous espérons que
les lecteurs trouveront dans ce portrait la preuve qu’il est possible d’améliorer
son être, et d’appliquer ces valeurs élevées à leur vie de tous les jours.
Tiré de l’eulogie du Rav Eli Saddan, Roch Yechiva d'Eli aux funérailles :
“Maintenant que tu es monté au ciel, tu ne peux plus te cacher. Ta présence
nous a été enlevée, mais ta vie et tout son contenu, à partir de maintenant, nous
appartiennent à tous.
Tu représentes la génération de la rédemption, cent autres prendront ta place, et
mille après eux qui, éclairés de ta lumière, ressusciteront le génie authentique
de ce peuple : pleins de compassion et de réserve, généreux et humbles, emplis
de force et d'héroïsme intérieurs, et de la joie de vivre une vie pleine de sens."
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Foi
"…Et ses bras portèrent sa foi, jusqu'au coucher du soleil". (Exode 17,12)
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L’amour du pays
L’une des valeurs représentées par Emmanuel, la valeur même qui le rendait si différent des
autres, était son amour pour le pays d'Israël, dans ses dimensions les plus profondes. Dans
notre société, et encore plus dans Tsahal, on ne voit plus trop de gens comme cela. Il ne
s’agit pas seulement d'apprécier les balades au bord de telle ou telle rivière, mais de chercher
réellement et d’étudier le sens de cet amour d'Eretz – Israël. Pourquoi sommes-nous ici,
pourquoi cette terre parmi toutes les terres, pourquoi
l'embrasser ou mourir pour elle, et pourquoi y tenir tant alors que le reste du monde pense le
contraire ? Voilà quelque chose qui manque aujourd’hui profondément.
Dernier voyage
Vendredi, 18 août 2006 תשס"ו כ"ו אלול. Après la prière du matin à 6 :00, Je demandais à
Emmanuel s’il roulait vers la région de Tel-Aviv. Il me répondit que oui, et que je devais
être prêt à 7 :50 exactement car il devait arriver à l’heure. Je me suis dépêché et je suis allé
l’attendre devant sa maison, de manière à ce qu’il ne soit pas mis en retard à cause de moi,
mais de façon inattendue, j’ai fini par attendre moi-même un certain temps. Ce même matin,
Emmanuel prit un long moment pour dire au revoir à sa famille. De temps en temps, j’entendais
sa voix, proche, comme s’il était sur le point de quitter la maison, et puis il rentrait à nouveau.
Cela continua ainsi un bon moment. Finalement, à 8 :30, il sortit, sa femme et ses enfants
l’accompagnant à sa voiture. Quand il réalisa que j'étais là, il s’excusa, et m’expliqua qu’il
pensait que je l’attendrais chez lui, et donc s’était permit de tarder. Nous nous sommes mis en
route. Sa petite fille lui faisait signe, et son fils courait après la voiture, comme s’ils disaient
“papa, ne pars pas”. Emmanuel savait ce qu’il avait à faire. Il devait être fort et dépasser ce
sentiment, pour son travail, pour la mission dont il était chargé.
Durant le trajet, Emmanuel resta très sérieux. Quand on quitta le village, il me dit : “cette
guerre a montré au peuple d’Israël qu’on ne peut pas compter sur nos forces – regarde, le
Hezbollah n’a que 1500 soldats, et nous, avec notre bonne, intelligente et forte armée, cela fait
un mois que nous ne parvenons pas à les vaincre. Cela a ôté l'orgueil de notre gouvernement.
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C’est positif. Cela prouve qu’il n’est possible de nous fier à nul autre qu’à notre Père qui est
au Ciel.” C’est tout ce qu’il dit, et il se tint silencieux pendant le reste du trajet. J’ignorais
complètement qu’il était en route pour sa dernière mission.
Rav Tsion Ben Artzi, un voisin.
La valeur de 5 secondes
Un ami de l’unité d’Emmanuel écrit :
J’aimerais vous parler d’une conversation que j’ai eue avec Emmanuel vendredi (la nuit de
sa dernière mission), quelques heures avant que nous montions dans l’hélicoptère. Ce qui suit
est dans l’esprit de la conversation que nous avons eu, puisque je ne me souviens plus des
mots exacts.
Je conversais avec Emmanuel et nous discutions de ce qui pouvait nous arriver et de ce que
nous ferions dans chaque cas. Suite au terrible incident de l’hélicoptère qui fut abattu par un
missile deux semaines auparavant et qui avait provoqué la mort de cinq soldats, une certaine
inquiétude régnait, concernant les vols en hélicoptère au-dessus du Liban.
À ce sujet, Emmanuel me demanda : “que ferais-tu si un missile était lancé sur notre
hélicoptère, has vehalila (D-ieu préserve), et qu’il te reste cinq secondes à vivre avant le
crash ?” Je répondis : “je ne sais pas. Je suppose que je serais très triste et effrayé, je fermerais
les yeux et espérerais que cela se termine aussi vite que possible et avec le moins de souffrance
possible."
Emmanuel réfléchit un instant et dit: “ce que je ferais, et que tu devrais aussi faire, c’est réciter
le Chema Israel." “Ok”, dis-je, “Tu diras le Chema, et puis quoi? Quelques secondes plus tard,
l’hélicoptère s'écrasera et nous mourrons de toute façon !”.
La réponse d’Emmanuel m’accompagne jusqu’à aujourd’hui et m’accompagnera, je pense,
jusqu’à la fin de mes jours :
"S’il reste à quelqu’un cinq secondes à vivre, et que ces cinq secondes sont pleines de sens
pour sa vie, et d'aspirations pour ce qui viendra après, alors c’est que sa vie entière a eu un
sens.
Si, au contraire, quelqu’un ayant encore cinq secondes à vivre, est incapable de comprendre
l’importance de ces dernières secondes, c’est que sa vie entière était dépourvue de signification.
Parce que nous ne vivons pas en vue de satisfaire nos instincts, ou de jouir de l'instant présent.
La vie n’est qu’une étape sur le chemin qui mène à l'étape suivante.”
Cette phrase m’a énormément aidé à gérer ce qui s’est passé, me rappelant que pour
Emmanuel, la vie ne s'est pas arrêtée à cette sale blessure ayant causé sa mort; il a seulement
terminé une étape, pour en commencer une autre, plus significative.
Et c'est pour atteindre l'étape suivante que nous vivons notre vie présente.
Je ne suis pas religieux, mais je suis persuadé que la foi intense d’Emmanuel l’a aidé à
traverser les moments difficiles de son existence avec calme et sérénité, et surtout le temps qui
s'est écoulé entre sa blessure et sa mort.
Cela me rend plus fort.”
Steff, un ami de l'unité
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Bonté
"Ouvre ta main à ton frère…" (Deutéronome 15,11)
L’enfant d’Emmanuel
Durant notre dernière année de lycée, on nous demanda de faire du volontariat dans une école
voisine pour enfants handicapés mentaux. La plupart des gens de notre classe prétendirent être
trop occupés pour faire du volontariat. Très peu d’entre eux relevèrent le défi, parmi lesquels
Emmanuel. L’enfant qu’Emmanuel "adopta" l’aimait tant, même des années plus tard, que
quand il le rencontrait dans la rue, il serrait et embrassait Emmanuel comme s’il n’avait connu
de plus grand amour.
Yaïr L., un ami d'enfance.
Un vrai ami
L’histoire suivante se déroule durant une période qui s’étend sur de nombreuses années,
depuis la première année d’école primaire jusqu’à la dernière année de lycée :
Au cours des années, un groupe d’enfants se forma autour d’Emmanuel, ceux qui avaient
des difficultés ou des problèmes, considérés comme “inaptes” par la société. Ces enfants se
voyaient comme les meilleurs amis d’Emmanuel, et lui comme le leur, car Emmanuel leur
donnait un amour inconditionnel, en plus de son soutien et de ses encouragements. L'origine
ethnique, religieuse et intellectuelle de ces enfants variait beaucoup. Certains étaient handicapés
mentaux, rejetés par la société, que ce soit à l’école ou dans les cercles du Bnei Akiva. Mais
Emmanuel, contrairement aux autres, leur donnait le sentiment qu’il était leur meilleur ami.
Certains autres, qui portaient des kippot noires, étaient partagés entre la vie orthodoxe et la
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vie séculaire, et en conséquence n’avaient personne vers qui se tourner. Avec Emmanuel, ils
avaient trouvé une épaule sur laquelle s’appuyer, quelqu’un qui les écoutait, et leur offrait
amour et amitié. Et il y avait ceux qui étaient connus comme les voyous du quartier, mais
ils considéraient Emmanuel comme leur meilleur ami. Tous ces jeunes traînaient autour de
sa maison, frappant parfois à la porte à des heures indues. Ils venaient même le chabbat, et
cependant étaient toujours les bienvenus, et ils le savaient. Pas une seconde il ne leur faisait
sentir qu’ils étaient un poids. Ces jeunes furent littéralement élevés par Emmanuel, et ils
intégrèrent la société grâce à lui. Ainsi était Emmanuel : un homme simple, humble, toujours
proche des autres, quels qu'ils soient, un ami sans limites…
Yaïr L., un ami d’enfance.
Et tu apprendras à donner…
Emmanuel avait un ami qu'il avait rencontré au cours d'un travail au ministère de la défense,
et qui fut soudain atteint de dystrophie musculaire. Il raconte : "Chacun de nous est venu au
monde pour y remplir un rôle bien précis. Emmanuel, lui, s'était donné un certain nombre
de tâches, outre celles liées à la sécurité d'Israël et à la fondation d'une famille, objectifs
primordiaux par ailleurs. Il s'était aussi voué à l'entraide et je voudrais vous raconter comment
j'ai été moi-même l'une des étapes de cette vocation. Je pense que ce rôle lui a été dévolu par
la Providence elle-même, et cela bien encore avant sa naissance.
Emmanuel avait décidé que nous devions aller faire le tour des tombes des Tsadikim pour
y prier. Nous nous sommes rendus dans tout plein d'endroits qui m'ont paru plutôt tristes et
sombres, bien que je n'étais pas insensible à la particularité des lieux visités. Nous y avons
lu les Psaumes, et Emmanuel m'expliquait ce qu'on venait de lire. Il fallait voir avec quelle
simplicité il parvenait à me faire comprendre toutes ces choses. C'est depuis lors que j'ai eu
envie de lire les Psaumes moi-même. J'ignore d'où Emmanuel connaissait tous ces endroits,
mais une chose est sûre, c'est que cela a dû nécessiter une sérieuse préparation.
Nous avons fermé le circuit par le tombeau de Rabbi Chimon bar Yohaï. J'y étais déjà allé dans
le passé, mais cette visite ne m'avait pas laissé de souvenir particulier. Au contraire, cette fois-
ci fut d'une rare intensité. La seule présence d'Emmanuel à mes côtés me procura un sentiment
de profonde élévation, difficile à exprimer par des mots.
Emmanuel est le meilleur exemple de la victoire de l'esprit sur le monde de la matière – lui qui
vivait avec une simplicité et un respect de l'autre infinis. Même lorsqu'il jugeait nécessaire de
te faire une remarque, ou de te faire prendre conscience de quelque chose, il le faisait toujours
sans que tu aies l'impression qu'il veuille te critiquer ou t'agacer; mais plutôt pour en tirer tous
les enseignements pour la suite".
Il est bon de noter qu'Emmanuel exprimait après chaque conversation avec cet ami sa
satisfaction pour s'être renforcé dans ses convictions et dans sa volonté d'adhésion profonde
au Créateur. Et il ajoutait qu'il en retirait une compréhension plus complète de la réalité divine
qui, seule, est à l'origine de notre force intérieure.
S’occuper du faible
Emmanuel a toujours tenu à représenter les jeunes soldats auprès des commandants de l’unité.
Ceux qui se plaignaient de ne pas être suffisamment détachés aux opérations en cours se
tournaient toujours vers Emmanuel, car ils savaient qu’il ferait tout ce qu’il pouvait pour les
aider. Il en arrivait même parfois à se disputer avec ses collègues officiers de haut rang. Un
des caractères les plus typiques d’Emmanuel était de se battre pour les plus jeunes et les plus
faibles.
Ch., un ami de l'unité.
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Jusqu’au bout
À la famille Moreno :
Je voudrais vous raconter une histoire personnelle sur Emmanuel. J'ai toujours voulu lui en
parler, mais le temps s'est écoulé, et je n’ai pas réussi à lui exprimer mes remerciements, et
puis finalement j’ai pensé qu’il était trop tard pour le faire.
Pendant la période militaire des classes, on nous a demandé de nous préparer pour une marche
d'entraînement, et nous avons entendu des rumeurs qui disaient qu’elle serait particulièrement
difficile.
L’anticipation me rendait nerveux, et j’étais déjà épuisé au moment où nous avons commencé
la marche. J'étais constamment à la traîne, et vers la fin, je n’en pouvais plus.
C'est alors que, sorti de nulle part, Emmanuel est apparu, comme un ange tombé du ciel, me
convaincant de finir la marche coûte que coûte. Il m’aida pour le dernier kilomètre et demi, en
montée, jusqu’à la fin. Je marchais comme un somnambule, et mes jambes étaient tellement
lourdes, qu'elles ne me portaient plus. Emmanuel n’arrêtait pas de m’encourager par derrière,
et sur la dernière tirée, il commença à me pousser, insistant pour que je ne laisse pas tomber,
alors que mon corps résistait au plus fort. À la fin, avant que j’aie pu le remercier, il était
déjà parti.
Je veux remercier Emmanuel, à travers vous, pour avoir eu le privilège de connaître une telle
personne, Adino HaEtsni (référence à l’un des plus grands héros du temps du roi David – non
seulement courageux au combat, mais aussi sage dans la Torah), ami et camarade, lui qui se
souciait des autres et dont la gentillesse était des plus spontanées.
Puissions-nous être consolés par la reconstruction de Jérusalem, et puissions-nous avoir le
privilège d’assister à l'avènement messianique et à la résurrection, rapidement, de nos jours.
Avec tous mes remerciements.
Amir, un ami de l'unité
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voyage s’écartait significativement de la route qu’il devait suivre, car au lieu de se diriger vers
son unité via l’autoroute principale, il s'engagea jusqu’à Bnei Brak, comme s’il avait tout le
temps du monde.
Assistance au Hatan
Un ami d’Emmanuel au village se souvient :
"Avant mon mariage, toi, mon frère, tu étais encore plus ému que moi, et tu m'as
demandé si tout était prêt. J'ai répondu : “oui, presque tout, sauf peut-être les
chaussures…” Tu savais bien dans quelle situation financière j’étais, à cause de
mon handicap physique. Tu as réussi à me convaincre que c'est toi qui m’achèterais
les chaussures, parce que tu avais de grosses remises sur ce genre d’articles en tant
que soldat dans l’armée.
Nous nous sommes mis d’accord que ce serait ton cadeau de mariage. Le vendredi,
tu m'as emmené faire des courses, et tu m’as acheté tout plein de choses. J’étais très
gêné, mais tu m'as dit : “oublies ça, ce n’est rien”. Quand nous sommes rentrés,
nous étions si heureux tous les deux de voir que tout était prêt…
Bref, le mariage a eu lieu, et tu m’as encore donné un chèque en cadeau. Mon frère
chéri, je n’ai pas su apprécier ta générosité sans limites.
Mon frère chéri, je suis certain que grâce à ta bonté de coeur, tu as gagné un ticket
d’entrée pour tous les palais du ciel, y compris celui du Messie.
Notre frère chéri, essaie de hâter un peu les choses là-bas, et de convaincre le Très-
Haut et tous ses conseillers que le temps est venu de révéler notre juste Messie".
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La Torah et ses préceptes
"Mon fils, sois fidèle aux recommandations de ton père, ne délaisse pas
l'enseignement de ta mère" (Proverbes 6,20)
Un soldat juif
Emmanuel avait un amour profond pour la Torah, un dévouement total à ses lois, et
revendiquait clairement et fièrement son judaïsme. A l'armée, il vivait son judaïsme de tout
son être. Il était souvent le seul à accorder une attention scrupuleuse aux valeurs de base, y
compris religieuses. Il ne ratait jamais une prière, et observait toujours chabbat et cacherout.
Pourtant, il restait soucieux de remplir tout ce qu'imposait sa fonction militaire, chaque tâche et
chaque mission. Il n’utilisait jamais ses exigences religieuses comme excuse pour se faciliter
les choses. Il ne donnait jamais l’impression que parce qu’il était religieux il avait des droits
différents des autres. Il trouvait toujours un moyen pour que sa conduite ne constitue pas un
obstacle aux missions dont il était chargé.
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Emmanuel consacrait de plus en plus de temps à étudier la Torah. Pour lui, étudier était le top.
Il décida donc de consacrer tous ses vendredis à l'étude; pour ce faire, il dut investir nombre
d'heures supplémentaires durant la semaine de manière à être libre le vendredi. Il étudiait en
hevrouta (compagnon d'étude) le matin, profitant de chaque moment qu’il avait, et désolé
quand il ne pouvait pas y aller. Emmanuel avait le droit de faire un Master financé par l’armée,
mais préféra utiliser son temps pour l’étude sainte. Il disait toujours que deux ans en yechiva
valaient mieux que n’importe quel Master…
Question pertinente
Un ami du village se souvient :
"Emmanuel venait étudier la Torah dès qu’il en avait l’occasion, et souvent le vendredi avec
sa hevrouta. Un jour, il l’interrogea à propos du Choulhan Aroukh (codex du judaïsme) et le
développement de la codification des lois, mais parce qu’on était vendredi, son compagnon
dut partir et dit à Emmanuel qu'il lui répondrait la semaine prochaine. Emmanuel n’avait pas
l’intention de lui causer de retard, mais n’était pas prêt non plus à attendre une semaine pour
obtenir sa réponse. Il le raccompagna donc tout le long du chemin jusqu'à son domicile (et
retour chez lui) juste pour connaître l’explication."
A la cuisine de l’unité
L’escadron d’Emmanuel avait une cuisine où tous les soldats prenaient leurs repas. Depuis
de nombreuses des années, la vaisselle n’était pas cachère, et certains des soldats religieux
mangeaient avec de la vaisselle jetable, tandis que d'autres utilisaient les plats communs.
Emmanuel se servait généralement de la vaisselle jetable. Personne ne s'était avisé de soulever
le problème, parce qu'il était trop difficile de créer et de superviser une cuisine cachère ouverte
24 heures sur 24 pour des officiers et des soldats de réserve, dont la majorité ne mangeait pas
cacher. L’année dernière, Emmanuel prit sur lui la responsabilité de la cuisine : il la cachérisa
entièrement, et s'assura qu’elle reste cachère en dépit des difficultés. Il réussit à obtenir pour le
Rav de l'unité l'autorisation d'entrer à la cuisine, et de veiller à son bon fonctionnement. Il dit
au cuisinier en chef : “si cela pose problème à quelqu’un, envoie-le moi. Je m’en charge !”
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Sainteté à l'armée
Il n’y a pas très longtemps, deux soldates avaient été recrutées dans l’unité afin d’être
employées comme cuisinières. La plupart des gars aimaient bien cette idée, mais quand
Emmanuel en entendit parler, il se rendit immédiatement chez le commandant de l’unité et
mit bien au clair que deux filles ne rentreraient pas dans une unité constituée exclusivement
d’hommes. Emmanuel lui expliqua l’importance des notions de pudeur et de sainteté dans le
cadre de l'armée. En conséquence, les deux soldates ne furent pas recrutées, et le cuisinier
d’alors prolongea son service de six mois supplémentaires.
Camouflage
Lors du parcours d'entraînement, l’équipe d’Emmanuel avait eu une semaine de "camouflage".
Ils devaient aller d’endroit en endroit sans s’exposer. Tous les moyens nécessaires pour réussir
étaient permis, y compris voler de la nourriture. Cette semaine-là, Emmanuel mangea à peine,
car il n'était pas prêt à voler.
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Tout prendre en compte
Emmanuel ne voulait pas utiliser la permission donnée par certains rabbins pour retourner
chez lui après une opération militaire s'étant déroulée le chabbat. Etant donné que certains des
habitants du village n'étaient pas au courant de ses activités, il voulait éviter de profaner le
Nom divin en rentrant le jour même. Il s'en abstenait donc, même lorsque cela faisait plusieurs
semaines d’affilée qu’il n'était pas rentré voir sa famille.
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Commandement
"Toi, Juda, tes frères te rendront hommage". (Genèse 49,8)
Les notions de “Je” ou de “Je veux arriver à…et devenir…” sur le plan de
sa carrière, étaient totalement étrangères à Emmanuel. Commander pour
commander ne l’intéressait pas, il souhaitait surtout pouvoir apporter sa
contribution et étendre son influence. Avec Emmanuel ce n’était que “je
veux faire progresser, influencer, améliorer”. Emmanuel ne portait pas ses
grades. Il n’en avait pas besoin pour commander. Son influence sur ceux qui
l’entouraient était fondée sur sa conduite et son attitude, sa compréhension,
ses valeurs. Il courait au devant des autres, et montrait l’exemple.
Leadership naturel
Il était un étudiant réservé, une personne calme et sérieuse qui parlait peu. Mais quand il
disait quelque chose, c'était toujours à bon escient, et les autres étudiants lui accordaient
toujours leur respect le plus total. Déjà à l’époque, il était clair qu’il apparaissait doté de
forces intérieures exceptionnelles, et d'une aptitude naturelle de meneur d'hommes. Comme
il visait toujours l’excellence, personne ne s'étonna lorsqu’il fut accepté à la Sayeret Matkal
(unité spéciale de l'Etat-Major)
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Un professionnel de première classe
Sur le plan des compétences, il était un vrai professionnel. Il était perfectionniste, et ne
négligeait jamais le moindre détail. Son jugement était toujours clair quand il s’agissait de
prendre des décisions cruciales aux moments critiques. Tranché, brillant, décidé, Emmanuel
était aussi reconnu par toute l'unité comme débordant de créativité, dont il savait à merveille
se servir pour résoudre les difficultés.
Horloge suisse
Emmanuel était l’un des organisateurs des opérations menées par l’unité. Il avait un savoir
extraordinaire sur de très nombreux sujets et aussi une mémoire phénoménale. Il vérifiait
minutieusement chaque détail, afin d’éviter des problèmes prévisibles en territoire ennemi.
Emmanuel allait toujours au fond des choses, et veillait à ce que chaque combattant connaisse
exactement son rôle par rapport au groupe. Avec lui, il n’y avait jamais de “trous noirs”; avec
lui, les choses étaient réglées comme une montre suisse…
Le meilleur du monde
Voici ce que disait de lui le chef d’équipe précédent d’Emmanuel, alors qu'il était encore en
vie :
Emmanuel est le meilleur soldat du monde. Pourquoi ?
Tsahal est la meilleure armée du monde;
Sayeret Matkal est la meilleure unité de Tsahal;
notre équipe est la meilleure de l’unité;
et Emmanuel est le meilleur soldat de l’équipe.
C'est pourquoi je ne peux pas comprendre ce qui s'est passé. Ça n'aurait pas dû arriver, car il
n'a jamais perdu, jamais baissé les bras, ni renoncé. Sa concentration sur l'objectif était totale.
Ces dernières années, je le suivais de près, au propre comme au figuré, et je me savais protéger,
pour sûr. D'ami il s'était transformé en protecteur.
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Porte-drapeau
Le commandant de l'unité raconte :
Emmanuel a mené les opérations militaires les plus complexes jamais menées par notre unité,
parmi les plus importantes de Tsahal, celles dont la contribution à la sécurité de l’État était la
plus grande. Tout au long de son service, les enjeux auxquels il s'est confronté ont exigé des
compétences exceptionnelles, un esprit d'analyse, et une aptitude à prendre des responsabilités
hors pair.
Durant ces dernières années, Emmanuel était le porte-drapeau de son escadron. Il était objet
de fierté et d'estime pour la nouvelle génération de combattants qui suivaient ses traces. Mais
par-dessus tout, ils appréciaient ses valeurs morales, son honnêteté, son amour de la patrie, sa
stabilité indéfectible, à l'image de la terre d'Israël, son amour de l'homme, et de sa famille qui
lui donnait tant de force.
De tout cela montait une forme de puissance, qui rayonnait sur nous pour raffermir notre
détermination. Par sa modestie, son originalité, et sa sensibilité, il nous a tous conquis.
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Se battre pour se battre
Le dernier mois, Emmanuel se sentait complètement frustré : il avait le sentiment que le moral
et l’esprit de combat étaient au plus bas, non de la part des soldats de l’unité, mais de la part
des dirigeants politiques et militaires, au plus haut degré. Emmanuel pensait qu’il fallait
absolument retrouver ce souffle, et le faire partager à tous. Au sein de l'unité, il parla en
détail de la crise du leadership, mais il lui fut pénible de voir les officiers hauts gradés hésiter
à prendre les orientations nécessaires, et se soucier plus de leur carrière que du devenir du
peuple d’Israël. Bien qu’il fût lieutenant-colonel, il demanda à son commandant : “Trouves-
moi un job de soldat et laisse-moi travailler”. Il était si fâché de voir la situation bloquée, sans
que rien ne bouge vraiment. Il se battit pour pouvoir se battre, recherchant toujours l’action,
engageant des opérations militaires, et insistant pour partir en mission.
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Modestie
"…et de marcher modestement avec ton D-ieu" (Michée 6 , 8)
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En arrière-plan
Son épouse se souvient :
Avant de faire une présentation aux dirigeants de la classe politique ou militaire, Emmanuel
n’en dormait pas de la nuit. Dès qu'il s'agissait de faire un exposé à des personnalités
"importantes", il préférait toujours s'abstenir, et rester en arrière- plan. Il me disait : “Maya,
comment vais-je leur parler? Je n'arriverai pas à dire quoi que ce soit”. “Allons…” lui disais-
je, “Je connais déjà ton exposé par coeur, de quoi t’inquiètes-tu ?” Mais l’exactitude lui tenait
tant à cœur, qu’il vérifiait chaque détail des heures durant.
Aimé de tous
Emmanuel se sentait le plus à l’aise avec les équipes techniques ou combattantes, et moins
avec le commandement supérieur. Tout le monde travaillait avec lui, et tout le monde l’aimait
dans l’unité : cuisiniers, chauffeurs, ou officiers, il mettait tout le monde sur le même pied.
Quand il s’agissait de parler ou d’expliquer des notions liées à la réussite d'un objectif
militaire, à l'autorisation d’une opération en projet, etc. – il le faisait dans l’excellence et le
professionnalisme. Mais s'il était question de ses propres intérêts, il ne savait plus quoi dire.
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Dans l’ombre de sa présence, je souhaiterais parler d’un trait de son caractère qui m'attirait
énormément, dans l'espoir qu’un jour je serai béni moi aussi d’un tel caractère.
Personnellement, il m'aurait été difficile de ne pas rappeler ce point très particulier. Je n'étais
pourtant pas très proche d’Emmanuel, mais chaque fois que je le rencontrais, il me semblait
être en face de l’homme le plus simple du monde - sans prétention, ni orgueil, une sorte de
simplicité qui donnait envie de se rapprocher de lui, d’être son ami, et surtout, d’apprendre
de lui.
Or maintenant, après avoir entendu tant de choses sur lui, j’ai soudain compris quel géant il
était – et cela ne s'accorde pas vraiment avec la simplicité qui émanait de lui. Chaque fois que
j’y pense, j'en suis bouleversé –
toute cette grandeur, ce talent incroyable, des qualités et des vertus pratiquement inexistantes
aujourd'hui; et avec tout cela, la plus grande simplicité. Comment est-il possible de combiner
une telle simplicité avec de telles qualités ? C’est pour moi quelque chose de stupéfiant. D-ieu
fasse que nous puissions hériter ne fût-ce que d’un soupçon de cette âme parfaite !
Chlomi.
Le puissant et l’humble
Tiré de l’eulogie de son ami Matan:
Il est clair pour moi que lorsque tu entendras ces propos, tu diras quelque chose comme :
“Arrêtes tes bêtises !" ou “As-tu vraiment dit cela sur moi ?”.
Alors nous voulions que tu saches que maintenant, même davantage que lorsque tu
étais en vie, tu n’es plus seulement l’Emmanuel de ta famille, ou celui de Maya et des
enfants, ni celui de l’unité. À partir de maintenant, et nous l’avons déjà tous compris aux
funérailles, tu es l’Emmanuel de tout Israël, et en tant que tel, et malgré tes protestations,
tu as perdu le droit d’être humble et retiré; et pour nous, tes amis, c'est devenu une
obligation de faire connaître au peuple d’Israël qui tu étais et la perte incommensurable
que nous avons subie.
Il n’y a pas de meilleur manière de te décrire que par ces deux mots : “le puissant et
l’humble”. D’un côté, un combattant puissant, courageux de façon exceptionnelle, et de
l’autre, une humilité extrême.
Comme tu t’énervais toujours lorsque tu entendais relater tes actes de bravoure, comme
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tu étais ennuyé quand on te rappelait que même des chansons avaient été écrites sur
toi. Tu faisais toujours en sorte d’éviter les endroits où tu risquais trop d'être un objet
d'admiration. Même quand on te demandait de venir parler à des jeunes, tu disais que tu
n’avais pas grand-chose à leur apporter. Quand on parlait avec toi, tu ne tarissais pas de
louanges envers ce que faisaient les autres, mais de tes énormes réussites, pratiquement
pas un mot.
Opération "synagogue"
Yaël du mouvement de jeunesse d’Emmanuel rapporte :
Je le rencontrais à la synagogue du quartier : calme au possible, réservé à l'extrême, mais
en même temps émanant une force incroyable. Souvent il priait dans le couloir de la
synagogue, avec son portable sur lui. Peut-être savait-il quelque chose qui se passait à
ce moment même, peut-être attendait-il d'être appelé, ou peut-être était-ce pour rester en
retrait. Et peut-être tout à la fois. Quand il était encore au début de son entraînement de
base, il rentrait si épuisé qu'à la veille de chabbat, il revenait de la synagogue les yeux
fermés. Un vendredi, il est même tombé dans les escaliers de la synagogue. Une autre
fois, celle-ci était fermée de l’intérieur. Toute la communauté était réunie à l’extérieur, se
demandant quoi faire. Emmanuel arriva. Il se fit tout petit, comme un jouet démontable,
pénétra dans la synagogue, et l’ouvrit de l'intérieur. C’était tout. Ensuite il disparut à
nouveau dans un coin.
118
Quand je serai grand, je serai…
Un jour il avait une conversation avec un ami, pilote à l'armée de l'air. Ils parlaient de
ce qu’ils feraient s’ils quittaient l’armée. Ils arrivèrent à la conclusion qu’ils pourraient
éventuellement travailler à faire des gardes. Cela montre à quel point ils ne faisaient pas
grand cas de leur réussite.
119
Accomplissement
"Aujourd'hui, pour les accomplir; et demain, pour en recevoir le salaire".
(Traité Erouvin 22a)
120
lessive, le repassage, le carrelage. Quand il arrivait à la maison ou dans celle de ses parents,
il se mettait tout de suite à aider, à ranger et à balayer. “L’objet qui caractérise le mieux
Emmanuel est le balai ou le fer à repasser”, dit sa mère. Son épouse se souvient: “Depuis que
nous sommes mariés, même quand il rentrait fatigué d’une opération difficile, il se sentait
responsable de nettoyer la maison avant chabbat, de repasser, d’aider à s'occuper des enfants
- le contraire parfait du mari qui rentre à la maison et qu’il faut immédiatement servir, etc. Le
chabbat, il me donnait l'impression d'être une reine : il m'interdisait de me lever de table, et
c'est lui qui faisait tout – servir et desservir, nettoyer, etc.
121
Vérité
"La vérité va germer du sein de la terre, et la justice briller du haut des
cieux". (Psaumes 85,12)
Emmanuel avait une qualité rare, appelée dans le code éthique de Tsahal :
“courage civique”. Le courage militaire consiste, par exemple, à s'élancer
pour attaquer l’ennemi. Bien que ce ne soit pas un comportement naturel,
c'est ce qui est attendu de chaque soldat et de chaque officier. Mais le
“courage civique” est la capacité de dire haut et clair ce que vous pensez
être la vérité, et vous y tenir même si tout le monde dit le contraire. Tout le
monde dit “tirez”, ou bien "faites telle ou telle chose", et vous pensez que
c’est faux, erroné, et que cela doit être fait autrement; alors, vous allez le
faire savoir. Ceci manque grandement aujourd’hui. Emmanuel suivait sa
vérité, et il était prêt à en payer le prix au plan des relations sociales, comme
au plan du prestige personnel, ou des opportunités à venir. Il allait jusqu’au
bout, persuadé que son opinion était la bonne et qu’il devait élever la voix.
Sur tous les sujets qui se présentaient dans les débats ou les conversations,
il était incapable de rester indifférent à la vérité, et il défendait sa vision des
choses avec tout son coeur.
Chahar, un ami de l'unité.
122
Se battre pour la vérité
La pureté de caractère était le propre d'Emmanuel. Même si c’était au préjudice d'une
promotion, il ne faisait aucun compromis, et défendait la vérité de ses conclusions quoi qu’il
arrive. Dans l’unité, tout le monde savait qu’il était prêt à sacrifier sa carrière s’il le fallait pour
faire les choses convenablement.
Tel était Emmanuel, un homme de vérité, du début à la fin – le vrai et pas le faux; ni compromis,
ni renoncements; quelqu'un qui se battait sans cesse pour que la vérité gagne.
Assi, un ami de l'unité.
Peur de personne
L'objectif final était toujours présent à ses yeux, qu’il s’agisse de sauver un otage ou de toute
autre mission importante. A partir de là, il ne se souciait pas de savoir si c’était le chef d'Etat-
Major ou le premier ministre, ou qui que ce soit, il disait ce qu’il pensait et pensait les choses
comme elles sont, même si elles pouvaient heurter. Sans craindre personne. Cela était un des
traits les plus marquants de sa personnalité et de ses relations avec l’unité. Il n'accordait jamais
de poids à la manière dont ses paroles pourraient affecter sa carrière personnelle.
Fierté juive
Il y a une histoire qui démontre le zèle avec lequel Emmanuel tenait à ses principes. Emmanuel
voyageait avec un ami en Europe. À la frontière entre l’Italie et la Suisse, un policier italien
les traita d’“Israéliens…”, ce qui se solda par une empoignade entre les policiers et les deux
amis. Son compagnon s’excusa immédiatement après, et les policiers le laissèrent partir, mais
Emmanuel continuait à recevoir des coups. Quand ils réussirent enfin à quitter l’endroit,
Emmanuel était très énervé que son ami se soit excusé juste pour leur échapper. “Comment
oses-tu demander pardon à ces goyim ?” Et il refusa de lui parler durant plusieurs heures.
123
Gérer les crises
"De nouveau, des vieillards, hommes et femmes, seront assis sur les places
de Jérusalem, un bâton à la main à cause de leur grand âge. Et les rues de la
ville seront pleines de garçons et de filles en train d'y jouer".
(Zacharie 8, 4-5)
Nous avons décidé de dédier ce dernier chapitre à une période très difficile
et significative dans l'histoire de l’Etat d’Israël, à savoir le désengagement
du Gouch Katif et l’expulsion de ses habitants. Pour Emmanuel, le
désengagement était une profonde entaille dans la société et il dût rassembler
toutes ses forces pour gérer cette crise terrible. Ce qui suit décrit quelques
unes des façons par lesquelles Emmanuel décida de faire face.
124
Les lois divines avant tout
À un moment donné, lors d’une assemblée avec tous les membres de l’unité, on nous dit
clairement qu’on nous interdisait d’exprimer nos vues personnelles sur la question, et que si
l’un d’entre nous le faisait, il serait radié de la "Sayeret Matkal". Après l’assemblée, Emmanuel
dit à ses supérieurs que si on le forçait à prendre part au désengagement, il rentrerait chez lui. Il
ajouta qu’il était parfaitement loyal envers les lois militaires, mais que les lois divines étaient
au-dessus de tout. À la chiva, un jeune soldat nous dit combien ils avaient tous été fiers d'avoir
un commandant (Emmanuel) qui dit ce qu'il pense, et que nul n'aurait pu le condamner pour
cela.
Complexité et ambivalence
Il s'opposa au désengagement de toutes ses forces et soutint les manifestations contre ce
plan. Il savait, et proclamait sans cesse qu’il n’y participerait pas. Cependant, il n’avait pas
l’intention de tout remettre en question. Il affirmait qu’abandonner l’armée serait une erreur
parce qu’elle est l’armée de tous. Après les évènements tragiques d’Amona, pires encore que
l'expulsion des habitants du Gouch, Emmanuel prit un jour de congé. Il dit à ses supérieurs
qu’il ne serait pas là ce jour là. Il était vraiment déprimé et frustré, et malgré tout, il continua
avec motivation et enthousiasme à œuvrer pour la sécurité du pays. Quand il s’agissait d’une
mission pour la sauvegarde d'Israël, il répondait présent, et de tout son être.
Un ange passe
Pendant le désengagement, Emmanuel obtint un congé de l’armée. Quand l'expulsion des
habitants devint une réalité, Emmanuel décida de consacrer le plus clair de son temps à aider
les expulsés. Il se voua entièrement à cette tâche, donnant des dizaines de coups de téléphone
pour recruter autant de volontaires que possible, afin de faire le maximum pour sauver les biens
des anciens résidents. Il obtint toutes sortes de moyens, de véhicules et d’équipement. Il porta
son uniforme afin de circuler librement dans la bande de Gaza et dans la région du Chomron.
C'est ainsi qu'il put aider à empaqueter et à organiser les biens personnels, en écrivant sur
chaque carton son contenu, et le nom du membre de la famille auquel ils appartenaient.
Dans l’une des maisons, Emmanuel avait empaqueté les affaires d’une petite fille du nom
d’Hodaya (littéralement ‘merci à D-ieu’), et sur l’un des cartons, il écrivit "Hodaya, saches
que le temps de remercier D-ieu viendra…ne t’en fais pas !" Quand Hodaya défit ses affaires
là où on avait évacué sa famille, elle fut très émue de voir l’inscription, et tenta d'en retrouver
l'auteur, qui l’avait aidée à ce moment crucial. Ainsi Hodaya publia la lettre suivante dans
125
l’une des brochures distribuées pour chabbat :
"Larmes. Douleur. Pleurs.
À nouveau les mêmes souvenirs.
Non, ce n’est pas le jour d’après, ni l’année d’après, ce n’est ni une cérémonie d'adieu;
ni un jour du souvenir…juste un jour de semaine ordinaire.
Le jour où nous avons emménagé dans notre ‘villa-carton’.
Cela fait quelques mois déjà depuis ce jour maudit. Cela fait un temps, mais tout me
reviens. Je suis entrée dans ma nouvelle chambre (plus ou moins temporaire, jusqu’à ce
qu’on réemménage…),
Pleine de cartons, de sacs en plastique, un désordre total.
Confusion, colère, fatigue…. Je ne sais par où commencer.
Et soudain je remarque un énorme carton dans le coin de la chambre, bien fermé avec
tout plein de papier collant.
Je n’ai aucune idée de qui est ce volontaire qui a aidé mes parents à emballer les affaires
de ma chambre une semaine après l'expulsion, mais qui que tu sois, je veux te dire
merci !
Au feutre noir, tu as écrit sur la boîte "Hodaya, saches que le temps de remercier D-ieu
arrivera…aussi ne t’en fais pas !"
J’étais si émue. En pleine catastrophe, au beau milieu de ces terribles moments de
destruction et de ruine, tu as surmonté l'épreuve…
Avec une foi intense envers le Créateur, tu étais persuadé que tout cela est pour le bien…
mais vraiment, vraiment, tout est pour le bien !
Soudain, cette irritante boîte grise est devenue source de force, de puissance intérieure et
d'énergie spirituelle…en témoignage des derniers moments dans ma chambre.
A nouveau des larmes…Mais cette fois des larmes de force, d’espoir et de foi.
"Hodaya, ne t’en fais pas ! Le temps de remercier D-ieu arrivera aussi…!"
Par des voies étranges, fut finalement révélée l'identité de l’ange qui sut consoler et réconforter
Hodaya…
Cet ange fut tué dans des opérations de Tsahal au Liban quelques jours après qu’Hodaya eut
envoyé sa lettre – Emmanuel Moreno.
126
vision du monde, et en particulier en période de destruction. Parmi les plus importants, figure
le récit suivant :
Rabban Gamliel, Rabbi Eleazar, Rabbi Yehochoua, et Rabbi Akiva montèrent à Jérusalem
après que le Temple fut détruit.
Lorsqu’ils arrivèrent au Mont Scopus, il regardèrent vers le mont du Temple et virent Jérusalem
en ruines. Tous les quatre déchirèrent leurs vêtements en signe de deuil. Ils poursuivirent leur
chemin et arrivèrent au mont du Temple, l’endroit où se dressait auparavant le Sanctuaire
divin. Et là, ils virent un renard s’enfuir des ruines du Saint des Saints et cette vision fut si
bouleversante qu’ils se mirent à pleurer.
Mais Rabbi Akiva riait.
Les sages se tournèrent vers lui, et lui demandèrent : “pourquoi ris-tu ?”
Rabbi Akiva leur répondit par une question : “et vous, pourquoi pleurez-vous ?”
Ils lui dirent : “ne vois-tu pas? Jérusalem est en ruine tout autour de nous, et un renard impur
vient de s’enfuir des restes de notre saint Temple, et tu voudrais qu'on ne pleure pas ?”
Le Sage leur répondit : “Le renard nous prouve l’accomplissement de la prophétie de Michée,
qui prédit que Jérusalem serait détruite et deviendrait un refuge pour les animaux sauvages.
Or, si la prophétie de Michée s’est vérifiée, alors nous pouvons être certains que se réalisera
aussi celle de Zacharie (8,4) : “Ainsi parle l'Eternel, D-ieu des Armées : De nouveau, des
vieillards, hommes et femmes, seront assis sur les places de Jérusalem, un bâton à la main à
cause de leur grand âge. Et les rues de la ville seront pleines de garçons et de filles en train d'y
jouer” – c'est pourquoi je ris…
Les sages dirent à Rabbi Akiva “Akiva tu nous a réconforté ! Akiva tu nous a réconforté !”
Il y a en effet trois manières de réagir à une crise :
La première : sombrer dans le désespoir ou la dépression, ce qui n’est pas notre façon de faire,
et il n'est pas nécessaire d'en dire plus.
Les autres manières expriment une certaine forme d’optimisme, bien que l’une soit clairement
préférable à l’autre. La première oriente son regard vers la lumière qui se trouve au bout du
tunnel, vers le bien qui est au-delà du mal, et veut ignorer l’existence du mal. C’est ce qu’on
appelle communément : “voir la moitié du verre, qui est pleine”…
Mais il y a une meilleure voie, et c’est celle de Rabbi Akiva : utiliser le mal comme un
levier permettant de raffermir les forces du bien. Comme chacun sait, quand un homme est
en difficulté ou en crise, il découvre des forces intérieures qui ne se seraient pas exprimées
s’il n’avait du faire face à une telle crise – à l'instar du soldat qui a terminé un parcours du
combattant particulièrement éprouvant. On peut dire qu’en dépit, et en fait à cause de ces
difficultés, il en ressort comme un soldat meilleur, et moins vulnérable.
Disons en conclusion que la première manière optimiste de se confronter à la crise permet,
dans le meilleur des cas, de conserver ses forces. Mais la perspective de Rabbi Akiva entraîne
leur renouvellement.
Au seuil de la nouvelle année, formulons le souhait et la prière, que nous soyons capables
de faire nôtre cette perspective de la réalité, dans la vie quotidienne de chacun de nous,
comme dans la vie de la nation toute entière – une perspective susceptible de transformer
une crise ("machber") en annonce ("mevasser", les mêmes lettres en hébreu) de bonnes
nouvelles. J’espère que nous sortirons de ces crises renforcés et unifiés, face aux défis qui
nous attendent.
Je voudrais, pour terminer, adresser mes remerciements au chef du Renseignement, à Oded et
à tous ceux qui sont présents, et tout particulièrement à mes parents, qui m’ont accompagné et
soutenu au fil des ans, et enfin à ma chère et merveilleuse épouse– ma seconde moitié- qui m’a
soutenu et aimé sans limite. Merci pour tout.
Chana tova à tous.
Emmanuel Yehouda.
127
«Armé de courage et de modestie,
Orné de bravoure et d'héroïsme,
Aimant son créateur et son peuple,
Espérant l'heure de la délivrance.»