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La Constitution traite de la répression des délits commis à l’occasion de

l’exercice de la liberté de culte, mais l’exercice de cette liberté ne peut


devenir le délit lui même.

Introduction

A l'heure actuelle il n'existe aucune loi interdisant les signes religieux dans
l'espace public, y compris le port du voile intégral. Une proposition de loi a
toutefois été adoptée en commission ce 31 mars.

Le propos de cet article n'est pas d'être « pour » ou « contre » les signes
religieux dans l'espace public, mais de savoir si on est « pour » ou « contre »
une interdiction de ceux-ci et si une telle interdiction, même prévue par une loi,
serait envisageable au regard de notre Constitution et de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme. Ces dernières se placent au-delà du débat
démocratique, du moins jusqu'à un certain point.

En effet la Constitution et la Convention Européenne, dont le texte fait


désormais partie du Traité européen (cette question fera l'objet d'un troisième
article), ont pour objet de protéger certaines libertés fondamentales, jugées
inaliénables, y compris par la majorité, et suffisamment importantes pour à la
fois faire l'objet de dispositions particulières, mais aussi pour offrir au citoyen la
possibilité, à titre individuel, de faire valoir ses droits.

Il nous a semblé utile d'aborder très brièvement la question des conditions


qu'une éventuelle loi restreignant le port de signes religieux dans l'espace
public, devraient remplir pour passer le double test de la constitutionnalité et de
la conformité avec la Convention Européenne des droits de l'homme. Sur ce
dernier point nous renvoyons à la première partie de cette étude qui traite de la
Convention Européenne des droits de l'homme.

En l'espèce la dispositions légale qui a été approuvée en commission de la


chambre prévoit que :

« Remplacer l'article 536/1, 1 « Seront punis d'une amende de quinze euros à


vingt-cinq euros et d'un emprisonnement d'un à sept jours ou à l'une de ces

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peines seulement les personnes qui, sauf dispositions légales ou


réglementaires contraires, se présentent dans les lieux accessibles au public le
visage masqué ou dissimulé en tout ou en partie, de manière telle qu'elles ne
soient pas identifiables. »

Il est intéressant de noter qu'il n'est nullement fait référence dans ce texte au
niqab ou à la burqa. Le texte se veut « neutre », du moins en apparence ...

Les débats en cours ne laissent en effet aucun doute à ce sujet : c'est bien le
voile intégral et la burqa qui sont directement visés. Il suffit à cet égard
d'entendre les déclarations publiques à ce sujet. Les personnes qui ont été «
entendues », par exemple l'exécutif musulman, permettent de se rendre compte
qu'il n'a nullement été question de remettre en cause par exemple le secteur de
la mode, des lunettes de soleils, des masques anti microbiens, etc, en dépit du
fait que certains de ces accessoires couvrent totalement ou du moins
partiellement le visage le rendant en tout état de cause non identifiable.

L'exposé des motifs ne contient aucun motif qui justifierait sur le fond l'adoption
d'une telle loi.

Les textes : articles 19, 10 et 11 de la Constitution

Les principes et la Cour constitutionnelle

La liberté de religion est consacrée par l'article 19 de la Constitution qui prévoit


que « la liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de
manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des
délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés ».

La liberté de culte est dès lors soumise au respect de la loi pénale (« répression
des délit »). Cette restriction se comprend aisément : on ne pourrait en effet
invoquer la liberté de culte pour se livrer à des actes délictueux tels que tuer,
voler, etc. La loi pénale s'impose à tous et toutes et la liberté de religion ne
pourrait permettre de passer outre.

Si la Constitution traite de la répression des délits commis à l'occasion de


l'exercice de cette liberté, la question qui se pose est de savoir si l'exercice de

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cette liberté ou certains aspect celles-ci pourrait devenir le délit lui même. Il
convient de souligner que c'est le délit qui doit être réprimé, mais non la liberté
religieuse. Ou alors suffirait il que des lois pénales rendent illicite l'exercice des
cultes pour que la Constitution soit respectée.... La réponse est à notre avis
négative.1

Cette distinction est très importante. En effet, si une loi pénale rend illicite le
port de certains signes religieux, même pour le biais d'une loi à caractère
"général" (comme la proposition de loi qui parle exclusivement de visage
"masqué" ou "dissimulé" en tout ou partie le rendant non indentifiable) on
pourrait croire, à première vue en tout cas, que le prescrit constitutionnel est
respecté.

En réalité, en interdisant, même indirectement (voy. infra), le port de certains


signes religieux, c'est l'exercice même de la liberté qui est rendu « délictueux »,
alors que par ailleurs aucun autre délit distinct de celui-ci n'est commis. Or la
Constitution protège la liberté religieuse. Une prohibition même indirecte du port
de certains signes religieux nous semble très clairement violer le prescrit de
l'article 19 de la Constitution, car la loi pénale tiendrait la Constitution en échec
à la faveur d'une discrimination et viderait l'article 19 de la Constitution de sa
substance.

En l'espèce on rétorquera que la loi adoptée en commission ne vise pas les


signes religieux, mais tout le monde de façon « neutre ».

Tout d'abord soulignons que cette « neutralité » et cette « généralité » ne sont


qu'apparentes. Il ne fait de doute pour personne que l'objectif est de viser le
voile intégral et la burqa et non par exemple le port de lunettes de soleils,
masques anti microbiens, et autres accessoires qui couvrent aussi une partie
du visage et le rend non indentifiable.

Il convient dès lors d'examiner si le texte adopté ne serait pas « discriminatoire


» au sens des articles 10 et 11 de la Constitution.

L'article 10 de la Constitution prévoit que "Il n'y a dans l'État aucune distinction
d'ordres. Les Belges sont égaux devant la loi; seuls ils sont admissibles aux
1
Ce serait d'ailleurs une « destruction » de droits prohibée par l'article 17 de la Convention
Européenne des droits de l'homme.

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emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une
loi pour des cas particuliers. L'égalité des femmes et des hommes est garantie."

L'article 11 prévoit que "La jouissance des droits et libertés reconnus aux
Belges doit être assurée sans discrimination. A cette fin, la loi et le décret
garantissent notamment les droits et libertés des minorités idéologiques et
philosophiques."

Les principes d'égalité et de non-discrimination inscrits dans les articles 10 et


11 de la Constitution signifient que des personnes ou des catégories de
personnes qui se trouvent dans une même situation doivent être traitées de la
même manière et, inversement, que des situations différentes puissent faire
l'objet d'un traitement différencié.

En effet, la Cour d'arbitrage, dès son premier arrêt rendu en la matière, a édicté
sa propre définition du principe d'égalité, définition largement inspirée de celle
de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Ce texte est aujourd'hui le
suivant : "Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination
n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories
de personnes pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit
raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que
soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification
raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui,
au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et
des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause ;
le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé."

Comme le souligne Anne Wiliquet 2« On constate que le principe d'égalité


présente deux facettes. Non seulement il interdit que des personnes se trouvant
dans une même situation soient traitées différemment mais il s'oppose
également à ce que des personnes se trouvant dans des situations différentes
soient traitées de la même façon. »

Lorsqu'elle s'interroge sur la constitutionnalité d'une norme à caractère


législatif, la Cour d'arbitrage (désormais la Cour Constitutionnelle) procède ainsi
en quatre étapes :
2
« La Cour d'arbitrage et le principe d'égalité » , IPCF, n° 112 http://www.ipcf.be/page.aspx?
pageid=1299&menuid=1024

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1° elle vérifie si la distinction incriminée a trait à deux catégories de personnes


se trouvant dans des situations comparables.

2° elle tente d'identifier le but de cette distinction et s'interroge sur la légitimité


dudit but.

3° elle examine si les mesures portées par la norme litigieuse sont


objectivement justifiables et si elles présentent un caractère adéquat par
rapport au but poursuivi.

4° elle vérifie enfin s'il existe un rapport de proportionnalité entre les moyens
employés et le but visé.

Se couvrir le visage pour des motifs religieux, alors que la liberté de culte est
expressément protégée, est fondamentalement différent du fait de se couvrir
pour d'autres motifs. Ces personnes forment à notre avis une catégorie
particulière de citoyens. A cet égard, la question n'est pas de savoir si le fait de
porter le voile intégral est ou non une obligation dans l'Islam car il n’appartient
pas à l’Etat de trancher cette question. Il suffit de considérer que certaines
personnes le font inspirées par des motifs religieux.

La loi, si elle est adoptée, en dépit de son caractère apparemment "général",


frapperait cette catégorie de personnes en particulier, qui plus est dans
l'exercice d'une liberté par ailleurs protégée dans la Constitution. C'est même
l'objectif avoué de cette proposition de loi, même s'il ne transparaît pas
directement dans le texte adopté. Or une personne qui se couvre le visage pour
des motifs religieux peut, à notre avis, revendiquer faire partie d'une catégorie
particulière et invoquer utilement le droit qu'il tire des articles 11 et 19 de la
Constitution.

La proposition de loi telle que rédigée si elle est adoptée impliquerait dès lors à
notre avis une discrimination indirecte non seulement dans ses effets, mais
aussi dans l'intention du texte en dépit de sa formulation générale. Elle nous
semble dès lors être susceptible d'annulation sur cette base devant la Cour
constitutionnelle.

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En ce qui concerne le deuxième critère, à savoir le but légitime poursuivi,


l'exposé des motifs ne fournit pas la moindre explication. Le motif de sécurité,
souvent mis en avant, semble peu convaincant notamment au regard d'autres
habitudes vestimentaires en vogue en Europe et qui n'ont à ce jour jamais
soulevé de difficultés particulières (lunette de soleil, chapeaux, maquillage,
chirurgie esthétique, foulard, etc).

Il est à cet égard utile de prendre connaissance de l'avis du Conseil d'Etat


français sur la même question.

« Il lui est apparu impossible de recommander une interdiction du seul voile


intégral, en tant que tenue porteuse de valeurs incompatibles avec la
République, qu'il a estimée très fragile juridiquement et difficilement applicable
en pratique. Il a en outre considéré qu'une interdiction, moins spécifique, de la
dissimulation volontaire du visage reposant notamment sur des considérations
d'ordre public, interprétées de manière plus ou moins large, ne pourrait
juridiquement porter sans distinction sur l'ensemble de l'espace public, en l'état
des jurisprudences constitutionnelle et conventionnelle.

En revanche, il a semblé au Conseil d'Etat qu'en l'état actuel du droit, pourrait


être adopté un dispositif contraignant et restrictif plus cohérent, qui comporterait
deux types de mesures : d'une part, l'affirmation de la règle selon laquelle est
interdit le port de toute tenue ou accessoire ayant pour effet de dissimuler le
visage d'une manière telle qu'elle rend impossible une identification, soit en vue
de la sauvegarde de l'ordre public lorsque celui-ci est menacé, soit lorsqu'une
identification apparaît nécessaire pour l'accès ou la circulation dans certains
lieux et pour l'accomplissement de certaines démarches ; d'autre part, le
renforcement de l'arsenal répressif visant en particulier les personnes qui en
contraignent d'autres à dissimuler leur visage, donc à effacer leur identité, dans
l'espace public»

Par similarité de motifs, une éventuelle interdiction légale en Belgique devrait


être donc à notre avis, pour être conforme avec la Constitution, être assortie
d'autres précisions servant à la justifier au regard de la loi pénale et de la
Constitution (ex : refuser montrer son visage lors d'un contrôle de police pour
autant que celui-ci ne soit pas abusif, montrer son visage dans certains lieux,
tels que banques, administrations, etc).

De plus l'article 11 prévoit expressément que la loi et le décret doivent protéger


"les droits et libertés des minorités idéologiques et philosophiques".

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Une loi qui a pour effet de réduire cette liberté est elle bien conforme à l'article
11 ? On peut en douter. En effet si une loi pénale peut, dans certains
circonstances effectivement déroger à l'article 19 de la Constitution, l'article 11
impose par ailleurs à la loi de protéger cette liberté et non de la restreindre. Si
on combine les articles 11 et 19 de la Constitution, il semble clair qu'une loi ne
peut restreindre l'exercice d'une liberté religieuse en criminalisant celle-ci.

En conclusion, tenter de rendre illicite le port du foulard « intégral », en


adoptant le texte adopté en commission pourrait donc ne pas être conforme au
prescrit des articles 10 et 11 de la Constitution et à celui de l'article 19 de la
Constitution.3.

Rappelons que si le texte est adopté, un recours devant la Cour


constitutionnelle est ouvert par toute personne qui serait affectée par cette
mesure. Passé ce délai, c'est par la voie de la question préjudicielle que la
question de la constitutionnalité de cette loi pourra, à tout moment, être
soumise à la Cour Constitutionnelle, par tout citoyen concerné, dans le cadre
d’un litige.

La Constitution et la Convention Européenne des Droits de l'Homme

Comme nous l'avons vu plus haut, à l'heure actuelle, la « loi belge » au sens
large du terme, telle que défini dans la jurisprudence de la Cour Européenne de
Justice, ne permet pas de restrictions aux libertés religieuses, sauf la
répression des délits commis à cette occasion. La loi en Belgique dont être
constitutionnelle.

Au regard de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, en Belgique


une restriction qui ne serait pas prévue par la loi au sens strict du terme (ou par
un décret), ne peut être conforme à la Convention Européenne. En effet pour
être conforme à la Convention il faut que la dérogation soit « conforme » au
droit national, il faut que ce soit par une loi, mais qu'une outre elle soit conforme
à la Constitution.

Dès lors, si une loi est adoptée, il faudra d'abord au regard de la CEDH en
vérifier la constitutionnalité.

3
Ni au prescrit de l'article 17 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme

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Dans le cadre d'un éventuel recours devant la Cour Européenne, qui impose
que les voies de recours internes soient épuisées, il faudra ensuite vérifier que
les autres conditions prévues dans la Convention Européenne, à savoir la
légitimité du but poursuivi, le critère de proportionnalité, ainsi que les articles
14, 17 et 18 de la Convention (non discrimination, non destruction des droits,
etc) sont respectées.

Toutefois la jurisprudence de la Cour en la manière semble se limiter à


renvoyer à la législation nationale.

Conclusion

Il faudrait dès lors s'attendre si une loi est adoptée à des recours en annulation
devant la Cour Constitutionnelle et, le cas échéant, devant la Cour Européenne.
La Constitutionnalité de la loi sera toutefois l'élément clé dans cette polémique,
y compris au niveau de la Cour européenne.

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[1] Ce serait d'ailleurs une « destruction » de droits prohibée par l'article 17 de la Convention Européenne des
droits de l'homme.
[2] « La Cour d'arbitrage et le principe d'égalité » , IPCF, n° 112 http://www.ipcf.be/page.aspx?
pageid=1299&menuid=1024
[3] Ni au prescrit de l'article 17 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme

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