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hapten corinthion eo cur pore corer SCULPTURE ROMANE ET LITURGIE Marcello Angheben Jusqu’au xf siécle, Yessentie! du décor monu: mental des églises est resté cantonné aux mosaiques et Ala peinture murale mais & partir de Van mille, il sfest étendu & des degrés divers & la sculpture sur pierre qui connut alors un essor sans précédent. Cotte sculpture sest concentrée, a Vintére pace ecclésal, sur les chapiteaux ole mobilier ltr sigue, et extérieur, sur les portals, es proiro et les facades frontispices, trois eréations majeures de la période romane (ct siécles)!, Cette progression ‘quantitative s’est de surcroit doublée d’un dévelop- pement inédit de la figuration, Des les années 1020 sont apparus dans le porche de Saint-Benoft-sur Loire des chapiteaux historéés (fig. 1-2)2, Autour de 1040, Acceptus a produit dans le nord des Pouilles deuxambons et un tréne épiscopal en marbre ornés de figures animales et humaines (fig, 3-4)°. Quant aux premiéres facades frontispices, elles ont vu le jour vers le milieu du slécle & Saint-Mexme de Chinon et Azay-le-Rideau, une génération environ avant les premiers portails historiés (Jaca, Charlieu, Toulouse, Compostelle) et les premiers protiro (Modéne, Bari) Les thes traits del'es- ces supports cozrespon- dent en partie & ceux que l'on continuait de confier ala peinture ou plus rarement, la mosaique: théo- phanies, Viewge & YEnfant,récits bibliques, hagio- 131 a Yee graphiques ou eschatologiques. Mais & cOté de ces thémes religieux vest développé un répertoire «pro- fane» infiniment plus étendu que dans le décor ‘mural: luttes entre homunes, entre animate animate dévorants ou menagants, bestiaires, motifs végétaux (Gg.5)°, Dans bien des cas, ces thémes semblent avoir &6 investis d'une signification religicuse, les compor tements des hommes et des animaux servant alors exempla tant pour les simples fidéles que pour les ‘hommes d’Eglise®. Aussi doivent-ils étre intégrés dans ‘une réflexion globale portant sures rapports entre la sculpture monumentale et Yespace liturgique. Cette réflexion portera principalement sur les thémes eucharistiques développés dans espace liturgique, mais elle s’étendra également & la ques- tion de la structuration des espaces. I! faudra en effet s‘interroger sur la maniére dont la sculpture monumentale des xx" siécles a contribué & struc turer les espaces en fonction de leur hiérarchie et de 132 leurs différents usages lturgiques. Cette approche ne peut s‘appuyer que sur un nombre relativement res- treint de recherches. Généralement, etsouvent juste tire, ona attribué a ces themes une fonction pédago- gique, moralsatrice, dogmatique ou politique. Mais il est evident que dans de nombreuxcas Vimage sculp- ‘ée se rapportait Sgalement a la fonction de Védifice religiewx: la pratique quotidienne de la liturgie et en particulier du sacrifice eucharistique Les themes iconographiques étant par nature polysé- miques, on ne peut affirmer mécaniquement que est leur dimension liturgigue qui a été retenue ou du moins privilégiée par le ou les concepteurs’. Aussi faut-il pouvoir fonder cette lecture sur des arguments substantiels. Quelquefois, certains indices, iconographiques suifisent & la corroborer, comme la représentation d’un calice, d'une pattne ou de pains marqués dune croix sur la table de la Céne, mais Je plus souvent les arguments émanent du contexte: Fig. 3. Canosa, nthe Arte San Sabine fle om Acepms (os 140), ‘San Angel, muse apie: rn de Fabio d’Aosp ts (1081) provemant emplacement, orientation ou thémes associés. Cest pourquoi toute lecture de cet ordre réclame une tude sérelle des themes potentiellement liturgiques cet des programmes dans lesquels ils ont été intégrés, ce que je qualife d’approche «syntaxique»®, Un tel travail dépassant le cadre de cet essai, je ne powrai que formuler quelques hypothéses ou pistes de recherche fondées essentiellement sur les exemples ‘que je connais le mieux ou les mieux étudiés. Les limites de ce cadre expliquent également pourquot la réflexion n’a pas 6téétendue aux autres espaces litur~ ‘giques ornés de sculptures — clitres,salles capitu- laires, réfectoires —, alors que des études trés perti- nentes ont é&é récemment consacrées & cette question’, Dans un premier temps, il faudra tenter de déterminer comment la sculpture contribue & la structuration du lieu de culte en accentuant la higres~ chie naturelle séparant espace liturgique de celul des fidéles. Seront ensuite abordés les nombreux thémes eucharistiques sculptés & proximité de Yau- tel majeur. Il faudra alors sinterroger sures rapports pouvant exister entre ces thémes et ceux, souvent analogues, des facades, Bt pour achever ce rapide panorama, seront abordés dautres rituels dont on trouve des reflets dans la sculpture: le liturgic funé- raite, la pénitence publique, les processions, le culte des saints et le drame liturgique. La structuration des espaces Si Varchitecture romane présente habituelle- ment trois partes ~ nef, transept et choeur ~, le dis- positifliturgique ne délimite que deux aires fonction- nellement et hiéraschiquement distinctes: Yespace des fidéles et Ie choeur lturgique, Ce dernier se sub- divise & son tour en deux espaces fonctionnellement complémentaires: le sanctuaire, ot se trouve Yautel, ete choeur des chanteurs quia d’abord prs la forme de la schola cantorum avant de dovenir le choour des ‘moines ou des chanoines. En fonction de Fespace dévolu au clergé, la frontitre du chocut liturgique peut se situera Fentrée du choeur, entrée du tran- sept ou dans la nef, Cette délimitation spatiale est marquée par une cloture présentant selon les poques et les lieux la forme d'une pergula ou fem- pion, ean jubé, d'une tribune ou d'un pontils®. Dans le monde byzantin, cette cléture ~ VYconostase ~ a ‘été progressivement saturée de peintures, mais dans YOccident des xx" sitcles, ce support ala plupart du temps été chargé de sculpture en pierre ou en stue. Limportance quantitative de ce décor seulpté 134 mais aussi les thématiques qui véhicule et dont il sera question plus loin font souvent de cete cloture tune sorte de facade intérieure annongant, au méme tite que de nombreuses facades, le décor développé 2 Tintériour de espace liturgique La délimitation matérelle entre Yespace litur- gique et celui des fdéles seffectue également par tune surélévation du premier. La plupart des cldtures de cheur ayant disparu, Cest souvent cette diffé- rence de niveau lorsqu’elleestauthentique, qui per- met de repérer V’étendue du choeur liturgique!” Tnfin,& défaut de toute trace matérielle de sépara- tion, on ne peut comprende le décor du choeurlitur- gique qu’en se fondant sur celui du chceur tout en conservant & Vesprit que la frontiére architecturale de cet expace ne correspondat pas nécessairement la frontive de Vespace dévolu au erg. Comme on va Te voir le civage hiérarchique entre Vespace liturgique et celui des fidéles a sou- vent été accusé par une distribution différenciée des themes, mais on peut observer dembiée quil peut également étre mis en évidence par la différencia- tion quantitative et/ou qualitative du décor, Four ce qui concemne les aspects architecturaux de T espace ecclésil — apparel, couvrement, modénature ~ on observe dans un certain nombre de chantiers que la partie occidentale de Y’église a fait objet d'une attention €duite par rapport & la partie orientale, alors que les travaux ont progressé dest en ouest. Et pour de nombreuses églses, on peut supposer quela Giférence de traitement est due non pas au manque cde moyens financiers mais & limportance que Yon accordait aux espaces en fonction de leur usage et de leur hiérarchie"2 Si dans le domaine de la sculp- ture on rencontre régulibyement cles phénomenes comparables, 'ntentionnalité du recul quantitatif et/ou qualitatif de la sculpture est plus difficile aéta- blir dans la mesure oil svaccompagne le plus sou- vent dun changement atelier. Cest le cas en pat- ticulier dans trois édifiees comptant pacmi les plus prestigieux du monde roman. A Cluny Ill, Saint- Semin de Toulouse et Saint-Jacques de Compostele, Ja sculpture de la nef n’est qualitativerent pas tou- jours inféxieuze & celle du chorur liturgique mais la figuration enzegistre un recul significa a Toulouse et radical dans les deux autres exemples™. La rédue- tion quantitative du décor peut également concer- ner des ensembles dans lesquels la figuration noc- cupe quune place secondaire. Ainsi dans I’église dsey-Evéque (Sa6ne-et-Loire), les chapiteaux du. cheeur et du transept sont omés principalement de motifs végétaux dune ceraine qualité tandis que les cali Saint-Pierre, chapiteaux de la nef ne sont occu; feuilleslsses & peine esquissées!* Dans ancien duché ¢’ Aquitaine, les exemples de clivages de ce type sont trés nombreux et mérite rajont ce ttre une étude sérielle qui serait d’autant mieux fondée que certains ateliers peuvent y tre aisément identifés. Le cas d/Aulnay est & cet égard des plus instructifs. Le premier atelier, qui a travaillé ax cheeur et au transept, se caractérise parla profu: sion de son répertoire omemental et iconographique tandis que le deuxidme atelier, dont intervention se limite pour lessentiel & la nef, a développé des formes extrémement schématiques et n/a pas exé- cuté le moindre chapiteau histori Enfin le décor de Ia fagade a été sculpté par un troisiéme atelier qui est revenu & Yexubérance décorative et aux themes his toriés du premier atelier tout en sen distinguant par lesstyle eta taille des fgures!®. On a done clairement valorisé les deux extrémités de V’église ~ fagade et espace liturgique -, maintenant ainsi espace des fidéles au second plan. Vintentionnalité d'une telle différenciation est corroborée par la comparaison avec le programme structurellement analogue de Yéplise de Varaize. Le premier atelier d’Aulnay est intervenu au chevet et sans doute & I'entrée du chceur oii semble avoir exécut6 unique chapiteau historié situé & lintérieur de I’difice. Dans le tran: is que par des sept et la nef sont intervenus deux autres ateliers médiocres et probablement distincts du dewxiéme atelier d'Aulnay, bien quills leur aient emprunté cer- tains motifs et se caractérisent comme lui par ’étroi- tesse de leur répertoire décoratif. Pour le portal en revanche,situé ici sur le lane sud, on a fait appel au troisiéme atelier d’Aulnay. Le programme sculpté semble ainsi reproduire le principe de la valorisation. du choeur et de Yentrée principale mis en ceuvre & Aulnay. Dans les grands programmes auvergnats ~ Mozae, Notre-Dame-du-Fort Issoire, Saint-Nectaire Ia différenciation des espaces est également accu- sée. On a relevé depuis longtemps que les chapi teaux du rond-point comportaientla plus forte den sité iconographique, constituant de surcroit des programmes iconographiques relativement cohé- Tents, Méme si ce sont des ateliers distincts qui ont travaillé dans le rond-point et dans les autres parties de Iéglse, Fintentionnalité de cette différence de densité ne fait guére de doutes car elle distingue le programme du rond-point non seulement de la nef et du transept mais aussi du déambulatoire. En Poitou, & Saint-Pierre de Chauvigny (Vienne), on retrouve une concentration encore plus marquée des chapiteaux historiés dans le rond-point et Yens ble du programme sculpté peut de surcroft étre attri- bué au méme atelier, ce qui confirme l'intentionna- Ite du clivage est-ouest’”. Leespace titurgique comme figure du ciel ou du paradis La prééminence hiérarchique du chaeur litur- sique découlant naturellement des actes rituels exé- cutés dans son enceinte est considérablement rer foreée par sa symbolique paradisiaque ou céleste. Si Ja liturgie ou ses commentaires assimilent souvent Yensemble de Vespace ecciésial au paradis, au ciel ou 2 la Jérusalem oéleste, ils appliquent parfois cette symbolique plus particuliérement au choeur litur- gique™®. Au sein de Yespace ecclésial, une telle ass millation a souvent é8 matérialisée et par const quent renforeée par Vintermédiaire du décor. Dans Jes premiéres églises, elle a été exprimée principale- ‘ment par les théophanies absidales: le Christ glo- rieux entouré des Vivants, des anges ou des saints, se tenant souvent dans un jardin dans lequel s‘écou- lent es quate fleuves du paradis voire dans une ville assimilable & la Jérusalem céleste comme a Sainte- Pudentienne (fg. 6). Ces visions célestes se sont perpétuées durant tout le Moyen Age, principale 135 rment sur les peintures ou les mosaiques absidales, Mais dans de nombreuses églises, la sculpture a éga~ Jement, et souvent pour une large part, contribué a souligner la prééminence hiérarchique du choeur iturgique et sa dimension paradisiaque ou céleste, Comme on va Ie voir dans analyse théma- tique, les théophanies n’ont ét8 que trés rarement transposées sur les chapiteaunccar ces thémes étaient généralement traités de maniére beaucoup plus ‘monumentale dans la conque absidale. Elles appa- raissent en revanche fréquemment sur les clatures de cheeur, les ciboriums et surtout les décors d’au- tels. La dimension eéleste de espace liturgique est également proclamée par la présence de figures angéliques sur le mobilierliturgique comme sur les chapiteawx. Un des exemples les plus éloquents est la cldture du transept occidental de la cathédrale dHildesheim oi des anges se tiennent assis dans les écoingons de Yarcature dominant le monument, occupant de la sorte une position prééminente 136 convenant idéalement a leur statu®®, Des anges ont égaloment été figurés sur les ciboriums de Saint- Nicolas de Bari, Ripoll et Compostelle. C’est d’au- tant plus remarquable que dans les deux premiers exemples, un ange porte un pain cucharistique™ (fig. 7-8).A Saint-Semnin de'Toulouse, on les rencon tre sur Timposte d'un pilier du chaeur oi une frise de tétes angéliques semble faire écho auxanges figu- rés sur le décor de I'autel. De maniére également significative semble-t-il, des anges figurent & len- ée du chceur dOrcival et de Sainte-Colombe (Charente)", A cbté de ces thémes assimilant I'espace litur- gique au ciel, on rencontre des the quement paradisiaques. Exceptionnellement, le para- dis peut étre évoqué directement par 585 quatre fleuves. En Bourgogne, le theme a été figuré en pein- ture sur Vare absidal de Ber76-la-Ville (fig. 10) et sur tune série de quatre chapiteaux situés dans le chceur & ‘Cluny (fg. 9) et Autun, entrée du choeur liturgique 2s plus spécif ie de Pabeide ig, 7. Bar basin Saint Nica, tarot Fig. 8. Bari, basique Saint-Nioes, chap sax du cori de ate! majeur Fernie chapitean de AAnzy-Le-Duc (ig. 11) et dans la tavée précédant cet espace & Vézelay*. I! parait donc évident que dans cette région, on a fait un usage structurellement ral- sonné de ce théme dans le but de renforcera symibo- lique paradisiaque de l'espace liturgique™. Ailleurs, le paradis peut étre évoqué par sa faune et sa flore, mais Vinterprétation paradisiaque de cos thémes trés largement répandlus est difficile ment démontrable lorsqu’elle n'est pas corroborée parle contexte, Sur les clotures de cheour figure p: fois un arbre de vie peu hautement valorisés comme le paon, ainsi qu’on oir sur les chancels de la cathédrale de Ces animaux paradisiaques peuvent éga- Jement apparaitre sur le décor de Vautel et sur celui des chapiteaux. Ainsi dans le Midi de la France, des, oiseaux figurent sur une importante série d’autels, seulptés entre lépoque paléochrétienne et la période romane””. Ce choix thématique est particuliéremer significatif dans le chceur de Saint-Semin de ‘oiseaux ou d/animaux ‘Toulouse ott des oiseaux trés semblables figurent & la fois sur la céldbre table du maitre-autel sculptée sar Bernard Gilduin et sur un chapiteau des piliers du choeur, C'est d’autant plus significatif qu’on ne rencontre pas dans cet espace danimaux clairement démoniaques mais uniquement des oiseaux et des lions, ceux-ci étant de surcroft hiérarchiquement subordonnés & ceux-li On retrouve un respect ana: logue de la hiérarchie entre oiseaux et lions en Bourgogne, dans une importante série de six églises, ainsi qu’a Notre-Dame-la-Grande de Poitiers”, Dans ces différents ensembles, l'absenc ouvertement présentés comme menagants ot danimaux démoniaques et la prééminence accordée aux oiseaux semblent accroftre es dimensions céleste et paradisiaque de espace liturgique Enfin, cos dimensions peuvent étre exprimées par Ie rejet des scenes violentes ~ luties entre hommes ou entre animaux, animaux dévorants ou rmenagants — et des figures démoniaques a Yexté ace. I semble assez logique que Yon ématiques d'un lieu asi- rieur de cet ait souhaité carter ces th milé au paradis, un séjour céleste accessible uni- quement aux anges, aux saints et aux justes. Les usages montrent pourtant qu’aucune régie n’était observée & cet égard puisque ces thematiques ont été développées dans quantité de programmes de chesurs liturgiques. Lorsqu’au contraire elles en ont été écartées, il convient donc de montrer au cas par cas que ce rejet est intentionnel, en se fondant notamment sur la figuration de themes liturgiques ou paradisiaques dans te choeur litur gique ou la présence de figures néfastes dans I'es pace des fidales établissant un contraste marqué centre ces deux aires. On peut I'observer dans une remarquable série déglises bourguignonnes, comme a Cluny, Anzy-le-Duc ou Saint-Laurent en-Brionnais. observation peut étre étendue & d'autres ensembles mais pourle montrer, i faudrait multiplier les études régionales abordant systéma- tiquement les programmes sculptés sous cet angle Fig 10, Bera lV se prio Tata Tess (uatre os plate Les themes eucharistiques des cheeurs liturgiques En abordant la question’ des rapports entre sculpture romane et lturgie, on serait tenté de s‘at- tacher dans un premier temps aux représentations de la pratique liturgique, mais celles-ci demeurent extrémement rares en dehors des cycles hagiogra- pphiques et on ne les rencontre guére dans Yespace délimité par la cloture de choeur®, Parmi Tes excep- tions, on peut citer les chandeliers de Capoue et de San Giovanni del Toro oi a été figurée la c&ré. monie de Vallumage du cierge pascal. Il convient &galement de mentionner une évocation directe du chant grégorien, méme si elle ne s‘effectue que par Je truchement des inscriptions. Deux chapiteaux du rond-point de la grande abbatiale détruite de Chuny montrent chacun quatre musiciens ~ alors que la musique instrumentale était théoriquement pros- crite dans V'enceinte de I’glise — et non des moines psalmodiant, mais les inscriptions qui les accompa- gnent évoquent les hut tons du plain-chant (ig. 12)®. Si cet exemple montre avec éloquence que les. thémes développés dans espace lturgique peuvent se référer spéeifiquement & Fune de ses fonctions, il confirme d’un autre cété que Viconographie nillus- ‘re généralement pas lttéralement le rituel ILen va de méme pour les nombreux themes dont il sera question dans cette section puisque ce sont pour la plupart des thémes bibliques se référant plus ou moins directement a Veucharistie. Encore tune fois, est Yapproche syntaxique qui permet le plus souvent de déterminer sic'est bien leur dimen- sion litargique que le concepteur a souhaité mettre cenavant, Aussi importe-t-ild’examiner leurs empla- cements et les programmes iconographiques dans lesquels ils sinsérent. Une attention toute particu- Iigre sera accordée aux théophanies car elles consti- ‘tuent le theme le plus récurrent dans les absides, les ddécors aut et sur les facades dont il sera question dansla section suivante. Seront ensuite abordés suc- cessivement les paradigmes vétérotestamentaires, les sujets néotestamentaires et, pour terminer le theme de Vanimal buvant dans un calic Les théophanies Les théophanies des églises orientales ont depuis longtemps été interprétées dans un sens liturgique mais curieusement, cetle lecture n’a presque jamais été envisagée pourlesinnombrables théophanies figurées dans les églises romanes, & commencer par celles de la conque absidale™. Comme elles comportent la plupart du temps des composantes issues des visions de Anonyme ou de YAgneau (Ap 4 et 5), on y a généralement vu des teprésentations de la Seconde Parouse, le retour du. Christ & la fin des temps. Se fondant sur Yexégise, Yves Christe a pourtant montré que ces visions divines ne devaient pas nécessairement étre situées dans le temps de I'eschatologie™. D’auires argu: ‘ments coroborent Vactualité de ces visions et sue: tout leur lien avec la liturgie eucharistique. Dans cette perspective, la figuration du Christ gioriewx entouré des Vivants de I’Apocalypse, anges ou de saints serait destinée a matérialiser sa présence dans Iéglise au milieu des fidéles au début, du canon de la messe, aut moment oi cette présence est sollicitée & travers les mots du Vere digmm. Cette raison par laquelle commence la préface invoque cen effet les higrarchies clestes et le Christ par lequel les anges rendent grice au Pére™, Liaison est sui- vie par le chant séraphique du sanctus emprunté & la fois’ Isaie (Is 6,3) et & I’Apocalypse (Ap 4 8). illus tration du sacramentaire comporte généralement ces figures divines et angéliques, confirmant ts explici- tement qu’elles sont réellement présentes dans le lieu de culte au moment oit ces paroles sont pronon- cées. De maniére exceptionnell, le sacramentaire de Metz (vers 870) comporte une illustration pout le Vere dignum et une seconde pour le sanctus, la pre mire rassemblant les neuf ordres de la hiérarchie angélique autour de la Maiestas Domini — le Christ 139 entouré des Vivants de Apocalypse — tandis que la seconde montre le Christ flanqué de deux séraphins (Gg. 13). Mais dans la grande majorité des sacramen- taires,Vllustration de la préface ne comporte qu'une mage, la Maiestas Domini parfois accompagnée d’un ou plusieurs séraphins voire un chérubin tétra- morphe isolé comme dans le sacramentaire de Drogon™. Dans le sacramentaire de Saint-Denis (x sigcl), le Chaist entouré des Vivants, de dix anges, et de deux séraphins surmonte un oratoire dans lequel apparaft un autel, matérialisant ainsi la pré~ sence dans le lieu de culte de ces étres eélestes invo- qués dans le Vere dignum. Dans le contexte du sacra~ mentaire, la Maiestas Domini se rapporte donc bien ‘aux temps présents et plus particuligrement la pré- sence du Christ et de ses anges dans I’église au ‘moment du canon. Ce type de théophanie se retrouve sur la majorité des retables et des antepencia, quils soient en métal, en bois peint, en stuc ou en pierre. Ils ‘ont pourtant gure été interprétés dans une pers pectiveliturgique. Compte tenu des étroites analo- gies avec liconographie des sacramentaires et de Yemplacernent de ces théophanies, cette interpré- tation semble pourtant s‘imposer, en particulier lorsque le Christ est accompagné de séraphins ou de chérubins. C’est le cas notamment sur la plaque antéricure de 'autel de Ratchis (Cividale du Frioul, 737-744) oii le Christ est flanqué de deux anges combinant des composantes iconographiques pro- pres aux séraphins ~ six ales ~ et aux chérubins — les les constellées d'yeux™. Sur Vantependium du maitre-autel de Saint-Denis offert Yabbaye par Charles le Chauve, une ceuvre disparue mais tepro- duite sur un tableau du xv sidcle, deux chérubins volent au-dessus dune théophanie dépourvue de la traditionnelle représentation des Vivants, autre- ‘ment dit dans un contexte iconographique indé- pendant de toute référence & I’ Apocalypse, On retrouve les deux ordres supérieurs de la higrarchie angélique sur plusieurs autels portatifs”. Enfin, des anges pourvus de quatre ailes— sans doute des ché- rubins ~ accompagnent une Maiesias Domini sur les peintures du retable magonné de San Pere de ‘Terrassa (x sidcle)®. Pour les retables ou antependia, infiniment plus nombreux, dont le programme est dépourvu de séraphin, de chérubin ou de toute autre allusion directe aux liturgies céleste ou terrestre, l'nterpré- tation eucharistique est plus difficile & étayer. On pourrait méme considérer que la simple présence des deux premiers ondies de la higrarchie angélique 140 ne suffit pas a établir. On peut toutefois supposer {bon droit que le décor de Yautel devait se rappor- ter préférentiellement & sa fonction, de la méme manidre que les décors des fonts baptismaux, des calices ou des patines se réferent le plus souvent & Jeur fonction liturgique®. Il en va de méme pour les autels portatifs sur lesquels figurent souvent des représentations des paradigmes vétérotestamen- taires du sacrifice eucharistique, et en particulier les sacrifices mentionnés dans Yoraison Supra quae dont il sera question dans la section suivante: ceux d’Abel, de Melchisédech et d’ Abraham. On les ren- contre ensemble ou séparément sur les autels por- tatifs de Darmstadt, du Musée national du Moyen. Age & Paris, d'Osnabrtick#, de Berlin's, de Mén- chengladbach'®, de Cologne", de Bamberg! et de Stavelot®, Orla plupart de ces ceuvres comportent tune théophanie: une Maiestas Domini ou le Christ entouré des apdtres", De maniére encore plus significative, autel portatf d’Hildesheim a associé au Christ entouré des apétres et de la Vierge ut prétre officiant devant un autel sur lequel ont ét déposés un calice et une paténe®*, Sur ces autels, d'un type particulier le lien entre théophanie et liturgie eucharistique semble évident. Ly a ds lors Ge fortes probabilités pour que les théophanies des retables et des antependia se rapportent également 8 la présence divine dans I’église au moment dt: sacrifice de aul. Cette interprétation est en tout cas beaucoup plus appropriée a la fonction de ce support que celle du retour du Christ & la fin des temps. Des observations analogues peuvent étre faites au sujet des théophanies absidales. Apparues trés précocement, elles sont restées durant tout le Moyen Age le theme dominant de ce point focal de espace ecclésial. Dans les églises coptes, leur dimension ceucharistique est confirmée par deux indices icono- graphiques: la mention du trisagion sur le livre cexhibé par le Christ dans la salle 6 et dans la chapelle XVII de Baouit, un pain cucharistique et un calice tenus respectivement par saint Piette et saint Paul dans la chapelle n® XLV du méme site, En Cappacoce, cette dimension s'est exprimée princi palement & travers les nombreuses figures de séra- pphins et de chérubins entourant le Christ (fg. 14)®. En Occident, les théophanies absidales ont égale- ‘ment accueil tr tot ces figures angéliques. A Santa Maria Antiqua (757-767), le Christ du cul-de-four est danqué de deux chérubins tétramorphes®!.Tou- jours & Rome mais un sigcle plus tard, les peintures de Santa Maria in Gradeltis ou del Secundicerio | | ig. 13. Sacrament ie Mere (ors 670, Paris, Br ms. a AISI, £5 bation tu sce. (872-882) ont combiné une ss Domini avec deux anges hexaptéryges®. Et A partir du x° sige, les compositions de ce type se sont multiplies de maniére exponentielle™. (On en trouve une concentration remarquable dans ‘une région transfrontaliére comprenant a Catalogne ct VAritge: Saint-Pierre de Montgauch, Sainte- Marie de Vals (Ariége), Sainte-Marie et Saint- Clément de Tatil (Hg. 15), Sant Sernf de Baiasca, Santa Eulalia d'Rstaon, Sant Pau d'Tsterri de Cardés (Lérida), Sant Tomas de Fluvia et Santa Eulalia de Vilanova de la Muga (Gérone). Dans ces théopha- 142 nies figurent régulitrement, en plus des compo- santes déja citées, anges Michel et Gabriel que on qualife traditionnellement d’avocats en rai- son des inscriptions qui les accompagnent™. Cette série est d’autant plus importante qu'elle comporte trois indices iconographiques confirmant leur por- eucharistique. Pour commencer, le chérubin et la Maiestas Domini a’ Esta sont accompagnés de la triple mention du sanctus. Ensuite, aVals et Ester de Cardés, ces mémes anges tennent un encensoir, comme on peut également le voir Maderuelo (Ségovie). Or dans la liturgie de hin entoura Fig. 14, Kii Cur res), Hack cde four: hSophane compost, Yautel, le principal encensement pratiqué lors des messes ordinaires s‘effectue sur les saintes espces aprés Toffertoire, juste avant la préface durant laquelle sont précisément invoquées les hiérarchies célestes®®, De plus, & Estersi de Cardés, des objets liturgiques dont un calice figurent aux pieds des ele anges. Ce troisiéme indice semble stipuler chérubin et le séraphin encensent les saintes espces offertes & Dieu au moment olt Yoffciant ow un aco: te pratique ce méme rituel autour de ’autel. Cette omposition permettait ainsi au clergé et aux fideles de visualiser la réalité immatérielle de la liturgie céleste pratiquée en méme temps que la liturgie ter- restre, telle que évoquaient les textes et en particu lier les chants et les oraisons du canon de la messe. En dehors de cette série, la dimension eucha- ristique des théophanies absidales peut transparai tre travers d’autres indices iconographiques. Dans le-four de Saint-Nicolas de Tavant, le Christ cot entouré par les Vivants, de simples anges et de deux anges hexaptéryges dressés sur des roues de feu combinant, comme sur lautel de Ratchis, des caractéristiques propres aux séraphins ~ les six ailes ct aux chérubins —les roues de feu. Mais le plus important ici est que les anges tendent dans la direction du Cherist des objets dans lesquels on peut reconnaitre des hosties et des calices. Ils représen: teraiont alors de maniére étonnamment littérale et Vange du sacrifice invoqué dans le Supra dans le Supplizes pour qu'il apporte & Fautel divin, Phin Fig. 18 Toulouse Saint Sern plague ledéambularve, Maietas Doe devant la majesté divine, le sacrifice offert & lautel terrestre”. ‘Comme pour les retables et les antependia se pose la question de applicabilité de cette lecture ‘eucharistique aux théophanies dépourvues dindices iconographiques aussi explcites et ce sont globale- sponses que Von peut avancer. D'une part, il semble légitime de privilégier une interprétation conforme la fonction du lieu. D’autre part, ces compositions sont souvent accompagnées de paradigmes vétérotestamentaires du sacrifice eucharistique, comme on le verra plus loin. A importe encore de préciser que linterprétation liturgique des théophanies absidales n’implique aucune exclusive, autres niveaux de lecture ayant pu s'y superposer: dogmatique ~ notamment en relation avec Ia ques- tion de la présence réelle® ~ voite politique, Mais en Vabsence d’indices iconographiques substantiels, il me semble difficile de fonder de telleslectures® La lecture eucharistique étant peu tépandue dans Phistoriographie, il pourrait sembler prématuré ou pétilleux de la transposer & la sculpture m mentale. Il me parait toutefois nécessaire dans le cadre de cet essai de brosser & grands traits les contours de cette hypothése, tout en reportant des publications ultérieures les recherches plus appro: fondies qu’elle réclame. Le lien entre les théophanies absidales et la sculpture monumentale est clairement établi par les plaques sculptées encastrées dans le déambulatoire de Saint-Semnin de Toulouse, attribuées a Bernard Gilduin, qui devaient probablement constituer Van- tependium du maitre-autel (Bg. 16-18). La plaque centrale comporte une Maiesias Domini tandis que Jes dew plaques latérales montrent chacune un ange doté de deux ailes et portant un phylactére dont inscription mentionne le triple sanctus et qualifie son propriéiaire de chérubin & gauche et de séraphin 8 droite. Le séraphin occupant le sommet de la hig rarchie angélique, sa place devrait logiquement se trouver & la droite du Christ et non & sa gauche, Yaborder la sculpture romane, mais cette inversion hiérarchique est explicitement mentionnée par inscription de l'arc et semble par conséquent avoir été pleinement assumée par le concepteur. D’autant qu'elle se retrouve, 3 une exception pres, dans la série des théophanies cata lanes et ariégeoises évoquée précédemment. Cette étroite parenté structurelle confirme que la théopha- nie de Yautel comespond & celle des culs-de-four. Cette parenté s/étend également a la triple mention clu sanctus qui établit fermement dans les deux cas 146 ‘unien avec la iturgie euchatistique. A Toulouse, ce lien est de surcroit corroboré par les mots pax nobis inserits sur le livre exhibé par le Christ puisque ces paroles prononeées par Ie Ressuscité sont reprises parle prétre au moment de la collecte™ On retrouve une composition analogue sur les facades des tribunes de Serrabone et Saint-Michel de Cwa, Comme Ia récemment souten de maniére tubs convaincante Eduardo Carrero, la tribune de Serrabone a probablement été congue pour empla- cement ob elle se trouve et non pour servi de cheeur ‘occidental et la tribune démemirée de Saint-Michel de Cuxa devait également sever & extrémité orientale de la nef, Quelle que soit option rete nue, essentiel pour mon propas est que ces tribuines constituent la fagade dun espace liturgique. Celle-ci comporte une Maiestas Agni ~ 'Agneau entouré des quatre Vivants ~ accompagnée de deux anges hexaptéryges®. Le remplacement de la tradition- nelle théophanie anthropomorphique par 'Agneau sxplique vraisemblablement par la contrainte du cadre, Le milieu de la composition étant oceupé par une arcade, i fallait que la figure divine soit désaxée et logée dans un écoingon, un espace convenant davantage & la figure de ’Agneau inserite dans un médaillon qu’é un Christ en gloire. Sur le plan Fig. 19,56 (Pyrndes vinta), tne, sémantique, cette différence ne constitue nullement tun obstacle a Yinterprétation cucharistique. Elle la renforce au contraire piisque l Agneau représente le Christ sacrfié et que son image surmonte presque systématiquement Yautel majeur depuis ’époque paléochrétienne, comme on peut le voi & Saint-Vital de Ravenne. A Cua, Vinterprétation eucharistique est confirmée parla présence d'un ange thuriféraire sur Yun des chapiteaux conservés. Ce théme rap. proche de surcroit cette composition éclatée de celles, beaucoup plus compactes mais iconogt quement analogues, des absides catalanes et arié _geoises. Aussi peut-on avancer que la facade de I pace liturgique de Serrabone a joué un réle fdentique. On pourrait méme supposer, avec toute la prudence qui s‘impose face & de tells inconnues, «que les absides de Serrabone et de Cuxa compor- taiont des théophanies de ce type dans la mesure od elles sont exceptionnellement récurrentes dans les régions voisines. Il faudrait alors en déduire que les sculptures étaient également destinées & annoncer sions polychromes, dans un effet de feuilletage de espace, ou offi au simple fiddle, aux yeux duquel la tribune masquait 'abside, Yimage de la présence divine dans son église. Il faudra reve- ni plus longuement sur ce probable effet de feulle- tage lorsque seront évoquées les théophanies des facades. ‘Comme pour le décor de Vautel et du cul-de~ four, et toujours pour les mm ture eucharistique peut étre étendue aux compos! tions dépourvues de chérubins, de séraphins ou de toute autre allusion directe au saint sacrifice, Celles- ci demeurent cependant trés rares & Vintérieur des églises et elles devraient de surcroit étxe abordées s raisons, cette le non pas isolément mais dans leurs contextesrespec- tifs, On peut néanmoins le supposer pour les cl tures de choeur comme celle ’Halberstadt. A Parre ona conservé une plaque provenant d'un pontile ow plus probablement d’un ambon montrant une Maiestas Domini accompagnée de deux grands anges et des Peres de I'Eglise"”. Quelle que fut son empla- cement initial, il me semble que I’hypothése d'une Jecture eucharstique peut etre étendue & cette couvre ainsi qu’aux nombreux ambons comportant une théophanie, en particulier quand ils marquaient la frontiére de Yespace lturgique au méme titre que les clotures de choeurs*, Les ciboriums constituent un autre support accueillant des théophanies sculptées. Ainsi, sur la {face septentrionale du ciborium de Civate figure un Christ en gloire porté par des anges, un théme fré 147 quemment représenté dans les absides du centre et du sud de Italie (fg 20). La lecture liturgique est corroborée par la présence de deux themes lis & la Passion — la Crucifixion et la Résurtection ~ sur les faces occidentale et méridionale. En revanche, le théme tourné vers le cul-de-four~ la Tradito legis ~ est manifestement dépourvu de valeur spécifique- ment eucharistique. Cet exemple montre ainst avec tant d’autres qu’on ne sauraitinterpréter systémati- quement les théophanies des espaces liturgiques dans un sens eucharistique® Sure chapiteaur, les théophanies de l'espace liturgique ne sont pas beaucoup plus nombreuses, sans doute parce qu’elles devaient sembier redon- ,A Saint-Nicolas de Bari, des anges portant une hostie apparaissent sur les écoincons du portal occidental et str le cibo- ritun™, Enfin la grande croix commanditée par Suget pout le cheeur de Saint-Denis seinible avoit G:é congue en relation avec celle du Jugement der rier figurée sure portal occidental puisaw'une ins cription Yassimilait spécifiquement & la croix de la Parousio!5 Fig. 30. Moa Sain Pier, posed sud. aia Ces différents exemples montrent de manire suffisamment éloquente que I'on a cherché & tabi un lien visuel et par conséquent structurel entre la facade et espace liturgique, sans doute pour mon teer que la premire annonce le second. La facade offiait ainsi au fidBle une vision divine anticipant sur celle qui allait simposer & son regard sur la cl6- ture de choeur ou dans Yespace liturgique, produ sant ainsi un effet de feuilletage de Vespace. Les théophanies Les thémes développés sur les portals sont nombreux et extrémement diversifiés, et certaines particulerités iconographiques parfois trés explicites indiquent que leurs programmes iconographiques correspondent aux préoccupations spécifiques du commanditaire: exaltation du saint patron ow d'un saint dont on posséde des reliques, affirmation dun dogme défendu localement, évocation d’une situation ou d’événements politiques dont dépend, Vinstitution religieuse, etc: I n’en demeure pas moins que sur la grande majorité des facades appa- raft au moins une théophanic. Elle peut demeurer extsémement diserdte comme les représentations de !Agneau divin, simposer au contraire au centre du portail ou au sommet de la facade, ou encore s'ins- rire dans des compositions éminemment complexes comme celles du portail central de Vézelay, du porche de Moissac (fig. 30), des facades d’Angouléme, de Ripoll (fig. 31) et de Fidenza ou des portails compor- tant un Jugerent cemicrtels ceux de Macon, Autun, Beaulieu, Conques, Compostelle ou Farme. Aussi convient-il de se demander si cette omniprésence divine ne révele pas un niveau de signification géné ral sajoutant aux niveaux sémantiques propres & chaque programme ou les Uépigraphie apporte un premier élément de réponse dans la mesure oli es thématiques dévelop- pées sont souvent analogues. Comme ’a bien sion: tné Robert Favreau, elle se concentre en eflet sur deux grands thémes:’éplise est une figure de la Jérusalem céleste ou du paradis auxquels donne acct a porta t cette porte est le Christ Iui-méme, confor- ‘aux paroles rapportées par Jean: ego sum cstv aver (Jn 10,7) [1 ego sur ostiunt. Per me, si quis intr turn 10,9)". It semble done bien exister des niveaux de lecture généraux applica bles aun grand nombre de portals ¥épigraphie demeure en revanche trés discréte au sujet de la liturgie eucharistiquet®® I me semble néanmoins que cette lecture doit étre envisage, Si Yon admet Vinterprétation eucharistique des th phanies absidales et Vidée selon laquelle ces théo- phanies sont annoncées ou refiétées par celles des facades, on en déduira que ces demniéres peuvent également posséder une dimension liturgique. Cette supposition peut s‘appuyer sur des arguments ico- nographiques substantiels dans le Sud-Ouest de la France of, on Ia vu, il existe une parenté tres Gtroite entre les théophanies absidales, celle du mai- tre-autel de Saint-Sernin de Toulouse et les tribunes de Serrabone et Cuxa. On en retrouve en effet les Penal mposantes prin plus probablemen fet appliqué e en tout ¢ duit les principal quelles se sont ajoutés les Vieillards de Apocalypse Gg. 30)", En Bourgogne, trois portals comporten tune vision glosieuse du Christ accompagné de séra- phins ou d’un séraphin et d’un chérubin, dans un schéina emprunté plus ou moins directement au theme de VAscension: Perrecy-les-Forges, Chartieu (portal nord) et Semur-en-Bronnais!. Si ces différents portals comportent des anges suppo- sés chanter le sanctus, cet indice n’est pas suffisant pour postuler que les théophanies qu'ils accompa gent évoquent précisément la présence du Christ & Vintérieur de Yéglise au moment du canon de la esse. A Notre-Dame-du-Port en revanche, un indice majeur permet de corroborer cette lecture fig. 33). Le tympan montre un Christ tronant flan. qué de deux grands anges hexaptéryges et surmon- tant deux des quatre Vivants: le boeuf et le lion. Quant au linteau, ila été consacré & trois épisodes de la vie du Christ: I'Adoration des Mages, la Présentation au Temple et le Baptéme. S'ajoutent enfin &ces deux composantes des reliefs entourant le portail et sur lesquels figurent Isaie, Jean Baptiste, 'Annonciation et la Nativité, Sur Ie lin 162 teau, la succession de tableaux narratifs est domi- née en son centre par le Temple de Jérusalern, un édicule abritant un autel au-dessus duquel est sus pendue une lampe™, Pour pouvoir lui accorder cet emplacement a la fois central et plus étendu en hauteur, on a da resserrer la composition dans la moitié droite du linteau, ce qui confirme Fimpor- tance aecordée & ce theme. De plus, le Christ du tympan était entouré d’un édicule comparable & celui qui abrite Yautel de la Présentation. Il semble done qu’au sein de ce programme dont les niveaux de lecture sont probablement nombreux et com- plexes, la dimension liturgique a été volontaire- ‘ment mise en évidence. Le programme de demeure cependant exception! thes Notre-Dame-

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