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COLLÈGE UNIVERSITAIRE FRANÇAIS DE MOSCOU

ФРАНЦУЗСКИЙ УНИВЕРСИТЕТСКИЙ КОЛЛЕДЖ ПРИ М.Г.У ИМ. ЛОМОНОСОВА

L’ENCADREMENT COMMUNAUTAIRE DES AIDES D’ÉTAT


FACE À LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Maria Kabanova

Mémoire de recherche en droit

sous la direction de Monsieur Jean-Yves CHÉROT, Professeur à l’Université Aix-Marseille III


avec le concours de MM. Matthieu ESCANDE et Michaël MULLER, assistants de droit

2010
COLLÈGE UNIVERSITAIRE FRANÇAIS DE MOSCOU

ФРАНЦУЗСКИЙ УНИВЕРСИТЕТСКИЙ КОЛЛЕДЖ ПРИ М.Г.У ИМ. ЛОМОНОСОВА

L’ENCADREMENT COMMUNAUTAIRE DES AIDES D’ÉTAT


FACE À LA CRISE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Maria Kabanova

Mémoire de recherche en droit

sous la direction de Monsieur Jean-Yves CHÉROT, Professeur à l’Université Aix-Marseille III


avec le concours de MM. Matthieu ESCANDE et Michaël MULLER, assistants de droit

2010
REMERCIEMENTS

Mes plus profonds remerciements vont à M. Jean-Yves Chérot, mon directeur de


recherche, pour m’avoir guidée et encouragée et pour m’avoir offert des conseils précieux qui
ont déterminé la direction de mes recherches.
Je tiens à remercier M. Matthieu Escande, mon encadrant dans le cadre de ce
mémoire de recherche, pour sa constante disponibilité et ses remarques profondes et
constructives concernant la présentation et l’organisation de ma recherche. Ma plus sincère
reconnaissance va à M. Michaël Muller, enseignant en droit au Collège Universitaire
Français, pour ses commentaires qui m’ont donné de nouvelles pistes de réflexion et m’ont
permis d’orienter mon travail de recherche vers l’étude de l’encadrement des aides publiques
dans le contexte de la crise financière. Je leur adresse ma profonde gratitude pour leur travail
de relecture et leur soutien permanent.
Je voudrais aussi rendre grâce à Mme le Professeur Jocelyne Cayron, Mme le
Professeur Marie Lamoureux et M. le Professeur Marc de Montpellier qui m’ont proposé des
points de vue nouveaux et enrichissants sur mon sujet.
Je souhaiterais également exprimer ma profonde reconnaissance à l’ensemble de
l’équipe du Collège Universitaire Français et personnellement à M. Guillaume Garreta,
Directeur du Collège, pour avoir créé une ambiance incitant au travail de recherche.
SOMMAIRE

CHAPITRE INTRODUCTIF ..............................................................................................................8


Partie 1. LA CRÉATION D’UN NOUVEAU CORPUS DES RÈGLES EN MATIÈRE D’AIDES
D’ÉTAT APPLICABLES À UNE CRISE ÉCONOMIQUE .............................................................25
Titre 1. La réglementation communautaire des aides d’État face à une « perturbation grave de
l’économie »...................................................................................................................................27
Chapitre 1. Le contenu de nouvelles règles communautaires applicables aux aides d’État ......28
Chapitre 2. Le champ d'application de nouvelles règles communautaires...............................42
Titre 2. Procédure permettant la concurrence de solutions nationales...........................................56
Chapitre 1. Contrôle communautaire, moyen d’uniformisation des aides publiques ................57
Chapitre 2. Diversité des solutions au niveau national ..............................................................75
PARTIE 2. LE RÔLE DE LA RÈGLE COMMUNAUTAIRE EN MATIÈRE D’AIDES D’ÉTAT
DANS LA LUTTE CONTRE LA CRISE..........................................................................................85
Titre 1. Le maintien et des réaménagements de la procédure de contrôle des aides publiques par la
Commission ...................................................................................................................................87
Chapitre 1. L’instauration d’une procédure communautaire plus rapide et plus flexible ..........88
Chapitre 2. Les réaménagements du mécanisme de coopération entre la Commission et les
États............................................................................................................................................96
Titre 2. L’originalité juridique du traitement de la crise financière en droit communautaire ......107
Chapitre 1. La conciliation de la protection de la concurrence avec l’intérêt général de
rétablissement de l’économie dans le droit des aides publiques ............................................109
Chapitre 2. La préservation d’une structure concurrentielle du marché commun à long terme
................................................................................................................................................ 118
ANNEXE 1 ......................................................................................................................................129
Aperçu des documents juridiques analysés ou évoqués dans le présent mémoire...........................129
INDEX .............................................................................................................................................136
Bibliographie générale .....................................................................................................................137
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

aff. affaire
al. alinéa
art. article
BCE Banque centrale européenne
c. contre
CA Cour d’appel
Concurrences Concurrences. Revue des droits de la concurrence
Contrats, conc., consom. Contrats, Concurrence, Consommation
CE Communauté européenne
CECA Communauté européenne du charbon et de l’acier
CEE Communauté économique européenne
CJCE Cour de Justice des Communautés européennes
D. Recueuil Dalloz
DA Revue de droit administratif
DG Concurrence Direction Générale Concurrence
ECLR European Competition Law Review
EuZW Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht
FinStaG Finanzmarktstabilitätsgesetz
FMStBG Finanzmarktstabilisierungsbeschleunigungsgesetz
ibid. Ibidem
IBSG Interbankmarktsstärkungsgesetz
JCP éd. A La Semaine Juridique Administrations et Collectivités
territoriales
JDE Journal de droit européen
JOCE (devenu JOUE) Journal Officiel des Communautés Européennes
JOUE (ex JOCE) Journal Officiel de l’Union européenne
LB Landesbank
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
OMC Organisation Mondiale du Commerce
op. cit. Opere citato
p. (pp.) page (pages)
PME petites et moyennes entreprises
RFA République fédérale d’Allemagne
RFDA Revue française du droit administratif
RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil
SFEF Société de financement de l’économie française
SRAEC Société de refinancement des activités des établissements de
crédit
s. suivants (suivantes)
TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
TPICE Tribunal de première instance des Communautés européennes
TCE Traité instituant la Communauté européenne
TUE Traité sur l’Union européenne
TVA taxe sur la valeur ajoutée
v. voir
ZIP Zeitschrift für Wirtschaftsrecht
CHAPITRE INTRODUCTIF

« Il n’y aura pas de paix en Europe si les Etats se reconstituent sur une base de souveraineté
nationale, avec ce que cela entraîne de politique de prestige et de protection économique »,
Jean Monnet, discours au Comité de Libération Nationale le 5 août 19431

1. « Ni les gains de la période d'essor ni les pertes de la période de dépression ne sont


dépourvus de sens ou de fonction, mais [...] là où l'entrepreneur privé en régime de libre
concurrence joue encore un rôle, ces gains et ces pertes sont des éléments essentiels du
processus économique que l'on ne peut éliminer sans du même coup paralyser ce dernier »,
écrit Joseph Schumpeter dans son ouvrage Théorie de l’évolution économique, paru en 19112.
Cette vision d’un système économique concurrentiel, a priori évolutif, ne supportant aucune
ingérence exogène à la logique du marché, est à l’heure actuelle largement reçue par le droit
et protégée par des moyens juridiques. Ces ingérences susceptibles de porter atteinte au
processus économique peuvent, d’abord, être le fait des acteurs privés sur le marché, mais
elles peuvent aussi résulter de l’action de l’autorité publique. Si le droit, au niveau national et
au niveau européen, organise un système préservant le marché contre de telles ingérences
pendant des « périodes d’essor », une « période de dépression » remet en question le
fonctionnement de l’ordonnancement juridique lorsque pour les autorités publiques la
nécessité économique prime sur le respect du droit.
2. Dans le contexte difficile économique et social de la crise, une grande partie d’États
mondiaux ont du accorder un soutien aux entreprises et institutions financières nationales. Ce
soutien a revêtu plusieurs formes économiques et juridiques : des primes à la casse3, des
réductions des taxes4, des rabaissements des taux d’intérêt par des banques centrales, des taux
d'intérêt bonifiés, des régimes de garantie, des recapitalisations, des acquisitions d’actifs. Ces
interventions sont toutes fondées sur une certaine doctrine économique et ont une utilité
économique, mais elles ont aussi une dimension juridique et, dans tel ou tel aspect, intéressent

1 Disponible sur le site de l’Université de Saragosse,


http://www.unizar.es/euroconstitucion/library/historic%20documents/Paris/preparacion/Note%20de%20reflexion
%20de%20Jean%20Monnet%20(5%20aout%201943).pdf (vu le 10 avril 2010)
2 Joseph SCHUMPETER, Théorie de l’évolution économique : Recherches sur le profit, le crédit,
l’intérêt et le cycle de la conjoncture, 1911, chapitre VI, disponible en ligne sur le site de la Bibliothèque Paul-
Émile-Boulet de l'Université du Québec, http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm (vu le 10 avril 2010)
3 Par ex., le Car Allowance Rebate System américain ou l’Umweltprämie allemande destinés à soutenir
l'industrie automobile.
4 Par ex., la réduction temporaire de la TVA de 17,5 % à 15% en Grand-Bretagne.
donc toutes le droit. Mais c’est au sein du droit communautaire que les interventions
publiques font l'objet d'une réglementation spéciale et très détaillée. La construction d’un
espace économique européen commun et libre de tout protectionnisme national, vu plutôt en
termes de nécessité impérieuse que d’un libre choix, fut la vision des fondateurs de la
Communauté. Le droit communautaire vise la création et la protection d’un espace non-
protectionniste et concurrentiel et le système juridique évolue en permanence pour être à la
hauteur de cette tâche qui lui a été confiée par la volonté des hommes politiques et des
économistes. Des dispositifs similaires sont absents d’autres systèmes juridiques et les aides
publiques y sont généralement soumises à un contrôle beaucoup moins étroit5. Or si nous
reprenons l’analyse schumpétérienne, il peut être considéré qu’une intervention publique dans
le fonctionnement de l’économie dans une situation de crise « sauve ce qui est viable en même
temps qu'elle conserve ce qui ne l'était pas, mais en tout cas elle empêche que soit atteint un
état d'équilibre véritable »6 de l’économie.

3. La crise des années 2008-2010 plonge plusieurs entreprises et institutions financières


dans une situation où, sans apport de financement public, elles auraient dû faire face à la
faillite. La crise incite les États à recourir aux mesures protectionnistes en faveur de leurs
économies nationales. À partir du début de la crise et jusqu’au septembre 2009, la
Commission approuve plus d’une centaine d’interventions ad hoc et des régimes d’aides7. Le
montant global maximum des mesures instaurées par les États, dont des régimes de garantie,
égale à 3 000 milliards d’euros environ, ou 24 % du PIB de l’Union8. Sont atteints des
montants records d’aides d’État individuelles au secteur bancaire, dont 25 milliards d’euros

5 Le système le plus proche du système communautaire est celui de l’OMC. Or l’encadrement des
subventions par l’OMC ne s’applique qu’au commerce des produits et ne recouvre pas des aides aux institutions
financières, dont il s’agit en premier lieu dans le contexte de la crise. De plus, l’accord SCM de l’OMC ne
prévoit pas de procédure de récupération des subventions. Il est donc inadapté pour le contrôle deы interventions
ad hoc.
6 V. Joseph SCHUMPETER, ibid.
7 Selon les informations tirées du Tableau de bord des aides d’État du 13 octobre 2009, State aid:
Overview of national measures adopted as a response to the financial/economic crisis, disponible en version
anglaise à
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/09/446&format=HTML&aged=0&language=
EN&guiLanguage=en (vu le 10 avril 2010)
8 Dont 2300 milliards d’euros de garanties, 3000 milliards d’euros de recapitalisations et 4000 milliards
d’euros de sauvetages ad hoc (données de l’édition spéciale du Tableau de bord des aides d’État, consacré aux
aides d’État accordées dans le cadre de la crise économique et financière actuelle, du 8 avril 2009, CO M (2009)
164). Or il convient de noter qu’il ne s’agit pas pour l’intégralité de ce montant de moyens effectivement
octroyés. Pour la plupart, ce sont des montants maximum des régimes de garantie approuvés par la Commission
et non des garanties auxquelles a effectivement été fait recours par des bénéficiaires. Le montant des
financements effectivement versés par les États, surtout à titre de recapitalisations est inférieur. Or dans
l’hypothèse d’une aggravation de la crise et du recours aux garanties publiques, le montant maximum
susmentionné aurait pu être atteint légalement.
9
octroyés par la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg en faveur Fortis ou 35 milliards
d’euros octroyés par l’Allemagne à la banque Hypo Real Estate9. Or le contrôle des aides
d’État en droit européen a pour vocation d’assurer l’existence d’un marché concurrentiel et
non faussé par des pratiques protectionnistes des États membres et une importance
particulière revient à l’efficacité de ce contrôle dans la période perturbée de la crise.

4. Le présent travail de recherche est consacré à l’analyse du fonctionnement du droit


communautaire des aides d’État face à la crise économique et financière. Nous nous
pencherons sur la qualification juridique et le fonctionnement de ces mécanismes engagés par
l’autorité publique appréhendés par le droit communautaire comme aides d’État. Nous
n’aborderons pas des mesures générales comme des rabaissements de taxes ou des réductions
de taux d’intérêt par des banques centrales10.

5. La construction du droit communautaire de la concurrence


La volonté de protéger la concurrence par des moyens juridiques se fonde sur l’idée
fondamentale d’Adam Smith selon laquelle la concurrence entre des entreprises voulant
maximiser leurs profits est bénéfique pour l’intérêt général et qu’il existe donc une
convergence entre l’intérêt général et la liberté de la concurrence11. Cette idée se développe
pour fonder en droit européen un système protecteur de la concurrence original et novateur
sur le plan juridique.
Le droit de la concurrence en tant que branche spécifique du droit vient en Europe,
notamment en Allemagne, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, des États-Unis où il
apparaît en 1890 avec le Sherman Act sanctionnant les ententes et les monopoles. Le droit
communautaire s’inspire du droit allemand et en reprend des références doctrinales en

9 V. David BLACHE, La régulation des banques de l’Union européenne face à la crise, Revue Banque
Édition, Paris, 2009, p. 222 et s. Pour comparaison, le record précédent des aides individuelles était atteint dans
le cas de Crédit Lyonnais où le montant des aides, perçu alors comme « unique dans les annales de l’Union
européenne » (v. Communiqué de presse de la Commission du 20 mai 1998, IP/98/455), constituait au total 102
à 147 milliards de francs.
10 Une distinction est opérée entre les aides d’État et des mesures générales qui ne sont pas constitutives
d’aide. Notons seulement que des mesures générales n’opèrent aucune discrimination entre des opérateurs du
marché et ne sont donc en rien préjudiciables du principe d’égalité, vu que tout opérateur du marché pourra en
bénéficier de manière égale. Le droit communautaire opère avec une grande cohérence cette distinction entre des
mesures générales et des aides perturbatrices de l’ordre concurrentiel.
11 C’est la fameuse théorie de la « main invisible » oeuvrant pour l’intérêt général : un entrepreneur,
« en dirigeant [l’] industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, [...] ne pense qu'à son
propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin
qui n'entre nullement dans ses intentions [...] Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent
d'une manière bien [...] efficace pour l'intérêt de la société », v. Adam SMITH, Recherches sur la nature et les
causes de la richesse des nations, Livre IV, chapitre 2, paragraphe 1776, Paris, Economica, 2000.
10
s’inspirant notamment des travaux de l’école de Fribourg allemande, connue sous le nom de
l’école des ordolibéraux. Selon cette école, l’instauration d’un droit de la concurrence
constitue une partie importante de la « constitution économique » 12. Le droit américain, par
le Sherman Act et le Clayton Act de 1914, et le droit allemand, par la loi protégeant la
concurrence, sont ainsi les seuls prédécesseurs du droit communautaire de la concurrence.
Les origines de la décision d’introduire dans le Traité un volet entier relatif à la liberté de la
concurrence restent inconnues, les documents des travaux préparatoires à la rédaction du
Traité n’ayant pas été rendus publics. Or il faut dire que l’attachement à l'idéologie de
l'économie de marché marque toute l'histoire du droit communautaire dès la fondation de la
Communauté. Le principe de protection de la concurrence est ancré à l'article 3 (f) du traite
CEE de 195713, qui dispose que l'action de la Communauté comporte « un régime assurant
que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur », la même formule est
employée par le Traité CE. Il est connu que l’introduction de règles protectrices de la
concurrence dans le premier des Traités européens, le Traité CECA de 1951, était en premier
lieu motivée par la volonté d’éviter la remontée en puissance de l’industrie charbonnière et
d’acier allemande, dont le comportement commercial traditionnellement agressif devait être
assujetti à un contrôle administratif stricte14. Préoccupés de la volonté de reconstruction
pacifique de l’Europe d’après-guerre, les auteurs du Traité CECA organisent un système de
gestion partagée de charbon et d’acier pour garantir un accès égal et non-discriminatoire aux
matières premières « dans des conditions qui écartent toute protection contre les industries
concurrentes que ne justifierait pas une action menée par elles ou en leur faveur »15. Ils
s’inspirent du droit américain dans le domaine antitrust, voyant dans la santé de l’économie
des États-Unis des années 1950 une preuve de l'efficacité des règles antitrust. La philosophie
des créateurs du Traité CEE est fondée sur la volonté de créer sur le marché commun des
conditions similaires à celles d’un marché intérieur et de permettre aux agents économiques

12 L’école d’ordolibéralisme a pour ses représentants les plus éminents Franz BÖHM, Walter EUCKEN,
Ludwig ERHARD et le premier Président de la Commission Européenne Walter HALLSTEIN. Cette école
gagne de l’influence avec la décartellisation et la déconcentration de l’économie allemande à l’issue de la
Seconde Guerre Mondiale. Cette décartellisation a non seulement une fonction économique mais aussi une
connotation politique, car c’est la forte concentration des secteurs stratégiques de l’industrie allemande qui a
permis au gouvernement national-socialiste de reprendre le contrôle de l’économie. V. sur l’histoire du droit
allemand de la concurrence l’analyse de Jürgen BASEDOW, « Kartellrecht im Land der Kartelle » (« Le droit de
cartels dans un pays de cartels »), Wirtschaft und Wettbewerb, 2008, n 58 (03), p. 270 et s.
13 Version consolidée du Traité CE publiée au JO n C 325 du 24 décembre 2002.
14 Andreas WEITBRECHT, «From Freiburg to Chicago and Beyond – the First 50 Years of European
Competition Law», ECLR, 2008, n. 2, pp, 81-88, p. 82. L’auteur insiste également sur le fait que le
raisonnement allemand avait beaucoup d'influence lors de l'instauration du droit européen de la concurrence et
dans les premières décennies de fonctionnement de la Communauté, l’Allemagne étant le seul État parmi les
fondateurs de la Communauté qui avait à l’époque crée son droit national de la concurrence.
15 Article 3 (f) Traité CECA.
11
d’exercer leurs activités sur un marché concurrentiel dont les règles ne seraient pas altérées
d’un État membre à l’autre16. Le Traité de Rome reprend donc les règles de concurrence
posées par le Traité CECA.
Inspirés par un projet ambitieux, les auteurs du Traité veulent délimiter la possibilité
pour les États de maintenir à vie des entreprises faibles et non compétitives. Une telle
démarche de la part des États membres aurait eu pour effet de soutenir artificiellement des
entreprises non viables au détriment de leurs concurrents plus compétitifs et de réduire l’effet
utile de la réglementation communautaire protectrice de la concurrence. Le Traité CECA
pose le principe d’incompatibilité inconditionnelle et absolue avec le marché commun des
« subventions ou aides accordées par les Etats » aussi bien que des « charges spéciales
imposées par eux, sous quelque forme que ce soit » dans le domaine d’applicabilité du
Traité17. Le Traité CE est plus réaliste en permettant certaines formes d'aides exonérées de
cette interdiction de principe qui en frappe d'autres. Cette interdiction poursuit l’objectif de
faire obstacle à une distorsion des échanges sur le marché intérieur par des avantages
consentis par l’autorité publique à certaines entreprises ou productions qui seraient
susceptibles de fausser la concurrence sur le marché. Une règlementation des aides d’État est
un élément nécessaire à l’uniformisation de la réglementation économique sur le marché
commun, indispensable pour que chaque entreprise soit assurée que ses concurrents dans
d’autres États membres ne bénéficient pas d’une situation économique artificiellement
améliorée par un soutien public illicite.

16 Une analyse intéressante des documents relatifs à l’inclusion des règles de concurrence dans le Traité
peut être trouvée chez Hanns-Jürgen KÜSTERS, Fondements de la Communauté Économique Européenne,
Éditions Labor, Bruxelles, 1990, pp. 244-248. Les États fondateurs essayaient de transférer dans le marché
commun les principes sur lesquels étaient fondés leurs systèmes économiques nationaux, c’étaient donc en
premier lieu les allemands qui voulaient introduire dans le Traité des règles assez strictes du marché
concurrentiel. Les représentants français, vu la différence majeure du système économique national français,
« opposaient une économie de marché à caractère planificateur marqué et une politique d’intervention de
l’État » (Ibid., p. 244), dans laquelle les États auraient plus d’éléments d’intervention dans les politiques
économiques. Dans l’hésitation d’autres partenaires (les italiens s’inclinant plutôt en faveur de la solution
dirigiste française et les néerlandais en faveur de la solution plus libérale allemande), le volet consacré à la
concurrence a été inclu dans le Traité, des règles plus ou moins strictes régissent les différents domaines de la
politique de la concurrence.
17 Celles-ci sont interdites et abolies dans l’article 4 (c) du Traité instituant la Communauté européenne
du charbon et de l'acier de 1951, disponible sous http://eur-
lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11951K/tif/TRAITES_1951_CECA_1_FR_0001.pdf (vu le 10 avril 2010). Le
premier arrêt de la Cour de Justice en matière d’aides publiques présente le raisonnement suivant : « une aide
constituerait en elle-même un obstacle à la répartition la plus rationnelle de la production au niveau de
productivité la plus élevé dans la mesure où, représentant une prestation supportée par une partie autre que
l’acheteur ou l’utilisateur, elle permettrait de fixer ou de maintenir des prix de vente qui ne seraient pas
directement liés aux coûts de production et, par là, d’établir ou de maintenir et de développer des activités
économiques qui ne répondraient pas à la répartition la plus rationnelle de la production », CJ 23 février 1961,
aff. 30/59, De gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg c. Haute Autorité, point 39.
12
6. La nature de la concurrence libre et non-faussée en droit communautaire
Pour cerner le champ de la présente recherche, il faudra définir la portée et les limites de
la libre concurrence pour observer ensuite de quelle manière la réglementation des aides
d’État doit s’inscrire dans le système des règles protectrices de la concurrence. D’abord, le
terme « concurrence » signifie dans son sens moderne la compétition, le « rapport entre
professionnels se disputant la clientèle »18. La concurrence est perçue par la pensée
économique et juridique comme une liberté19. Or le principe de la libre concurrence ne fait
pas partie des libertés économiques qu'on pourrait appeler classiques de première génération,
dont la liberté d'entreprendre ou la liberté du commerce et de l'industrie20. Si les libertés
économiques classiques ont pour vocation de protéger le sujet de droit contre toute action
illicite, ce sont donc des libertés « défensives », la liberté de la concurrence est construite sur
un modèle logique différent : elle inclut l'autorité publique intervenant dans l'économie,
l'entreprise située dans une situation privilégiée par cette autorité publique, et l'ensemble
d'autres entreprises sur le marché sur lesquelles peut avoir un effet néfaste. Ce principe est
donc issu d'un réflexion sur l'économie survenue plus tard et d'un contexte intellectuel assez
différent, «à une époque de contestation de l'interventionnisme mais après une mise en cause
radicale du libéralisme»21. Il a même été noté que la liberté de la concurrence a plutôt une
dimension égalitaire que libertaire, comme elle a pour finalité d'instaurer l'égalité entre tous
les opérateurs du marché. Différemment des libertés économiques de première génération, la
liberté de la concurrence ne se réduit pas à un droit subjectif pur. Elle ne protège pas
seulement des intérêts particuliers des opérateurs d'économie sujets de droit, mais vise à
protéger surtout une certaine structure concurrentielle du marché en tant que telle. Elle a donc
une forte dimension de droit objectif22.
Il faut noter que la « concurrence non-faussée » au sens du droit communautaire est un
concept assez ambigu. La concurrence entièrement libre aura toujours ses excès : le
développement naturel du marché entraine une victoire du plus compétitif sur ses adversaires

18 Richard MOULIN et Pierre BRUNET, Droit public des interventions économiques, L.G.D.J., Paris,
2007, p. 126.
19 V. l’analyse de la nature de la Concurrence par Frédéric BASTIAT: « Concurrence, ce n'est qu'absence
d'oppression. […] la Concurrence, c'est la liberté. Détruire la liberté d'agir, c'est détruire la possibilité et par suite
la faculté de choisir, de juger, de comparer; c'est tuer l'intelligence, c'est tuer la pensée », Harmonies
économiques, chapitre X, Concurrence, disponible sur http://bastiat.org/fr/concurrence.html (vu le 10 avril 2010)
20 Sophie NICINSKI, Droit public des affaires,Montchrestien, Paris, 2009, p. 42.
21 Ibid.
22 Guylain CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, p. 42. Selon Sophie NICINSKI, op.cit., p. 42,
« la libre concurrence vise la protection du marché dans son ensemble », et non pas seulement la sauvegarde des
droits individuels de certains opérateurs.
13
et peut par là éventuellement entrainer une monopolisation du marché, ce qui fait que « la
concurrence porte en elle même sa propre destruction; la concurrence tue la concurrence »23.
Or, le droit communautaire de la concurrence se fonde sur l'idée que l'économie nécessite un
encadrement, y compris l'encadrement juridique par des règles de concurrence, et n'exclut pas
du tout l'idée de la règlementation du marché. La concurrence libre du Traité CE, c'est donc
une concurrence prise en dehors de ses excès, c'est-à-dire en dehors du développement naturel
du marché, « non pas une concurrence parfaite, mais une concurrence effective et efficace »24.
La réglementation communautaire proclame ainsi sa volonté de protéger la concurrence des
abus de dominance des agents économiques ayant accumulé un avantage concurrentiel
suffisant pour monopoliser le marché. Le dispositif mis en œuvre par la Communauté poursuit
l'objectif d’une meilleure effectivité du libre échange et de l'économie du marché commun,
donc de création d’un nouveau marché par des outils juridiques. La concurrence non-faussée
est une concurrence soumise au contrôle communautaire, une concurrence protégée et non pas
une concurrence libre dans son état pur et naturel. L'Union va pallier aux défaillances du
marché par sa réglementation et « il incombe à la puissance publique la bonne marche de
l'économie capitaliste »25, y compris par la réglementation de la concurrence qui assurera un
bon fonctionnement du marche. Il ne s’agit donc pas du tout d’un droit encourageant le
libéralisme, mais plutôt d’un droit protecteur du consommateur, de l’innovation et du marché
commun.
Le principe de l'équité économique26, corollaire du principe d'égalité, veut que toutes les
entreprises soient soumises aux mêmes conditions de concurrence sans que certaines soient
privilégiées à d'autres par une intervention publique. La Cour de justice estime que la liberté
de la concurrence constitue un principe général du droit communautaire dont la Cour assure le
respect27. Selon la Cour, «depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, le traité CE
prévoit expressément que, dans le cadre de leur politique économique, l'action des États
membres doit respecter le principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est

23 Marie MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et communautaire, Dalloz-Sirey,


Paris, 2005, p. 1.
24 Selon la formule employée par Marianne DONY, « Chronique : Aides d’État (1er janvier – 31
décembre 2008)», Journal de droit européen, 2009, p. 138. Ce modèle de concurrence accepte l’existence de
différences dans la situation économique du même secteur dans les États membres. Est considérée comme
anticoncurrentielle une intervention unilatérale d’un État membre visant à rapprocher par le versement d’une
aide publique la situation nationale du secteur défavorisé de la situation du même secteur dans d’autres États
membres. Ce modèle de concurrence vise plutôt une égalité formelle au sens d’une uniformité de traitement
qu’une égalité matérielle, c’est-à-dire une égalité praticable de chances.
25 Georges VLACHOS, Droit public économique français et communautaire, Armand Colin, Paris,
2001, p. 20.
26 V.. 9e Rapport sur la politique de concurrence, 1979, p. 10
27 CJCE, 7 février 1985, ABDHU, aff. 240/83, Rec. p. 531, point 9.
14
libre»28. Il est ainsi interdit aux États membres de prendre des mesures qui conduiraient
nécessairement à ce qu'il soit porté atteinte aux règles de la concurrence29. Des règles de
concurrence forment ainsi dans le droit communautaire «un corpus juridique autoréférant au
champ d'application de plus en plus large et qui échappe à l'emprise de la volonté politique
des États seuls ou agissant de concert dans le cadre des institutions de l'Union»30. Ces
dispositions forment, au sens matériel, une constitution économique d'inspiration libérale. Le
rôle des États nationaux dans ce système est double : l’État est d’une part le garant des règles
de concurrence qui en assure le respect, et d’autre part, il est lui-même soumis au respect de
ces règles. Si des normes régissant les concentrations et les abus de position dominante ne
concernent l’État que de manière assez limitée, d’autres normes communautaires visent
premièrement à délimiter le champ d’action étatique. Celà concerne surtout des règles en
matière d’aides d’État.

7. La protection de la «concurrence non-faussée» des Traités contre des interventions


publiques
Le concept de la libre concurrence a vu des changements d’approche théorique en
économie, mais aussi en droit. Au sein des différentes traditions nationales se sont succédées
des approches très différentes à la protection de la concurrence contre des interventions
publiques. Parmi ces différentes traditions, la tradition française est l’une des plus riches en
Europe, avec des courants contradictoires qui se sont succédés et contestés. D’autres pays ont
d’autres traditions économiques nationales, comme la soziale Marktwirtschaft, économie
sociale du marché allemande inspirée par la doctrine d’ordo-libéralisme de l’école de
Fribourg, où l’État n’est qu’un garant de l’ordre économique concurrentiel et de la liberté des
agents économiques, ses interventions étant limitées au minimum strictement nécessaire,
exigé par l’équité sociale.
Le droit communautaire, inspiré d’abord par le droit américain, s’en écarte assez vite.
Dès le commencement de la construction européenne, deux différences majeures se dressent
entre les droits de la concurrence américain et communautaire, et les deux sont d’ailleurs
maintenues jusqu’à l’heure actuelle. La première divergence consiste dans le fait que, tandis
qu'en droit américain, « la concurrence est une fin en soi » et une condition sine qua non du
fonctionnement de l’économie, pour le droit européen, « la concurrence n'est qu'un moyen

28 CJCE, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), aff. C-198/01.


29 V. à titre d’exemple des arrêts CJCE 30 avril 1974 Sacchi, aff. 155/73, CJCE 16 novembre 1977, Inno
c/ATAB, aff. 13/77.
30 Jean-Yves CHEROT, Droit public économique, p. 130.
15
pour parvenir au meilleur développement économique »31, c'est-à-dire, au bon fonctionnement
du marché, à l’efficacité économique et à l'intégration des marchés, aussi bien qu’au bien-être
du consommateur et à l’innovation. Le droit communautaire de la concurrence a d’abord un
versant négatif, celui d’exclure des influences sur le marché nuisibles au bien-être du
consommateur, mais aussi un autre versant positif, notamment celui de l’instauration du
marché commun.
La deuxième différence d’approche, découlant en quelque sorte de la première, consiste
en ce que le droit communautaire, à la différence du droit américain, contient des règles
applicables non seulement aux entreprises, mais aussi aux États. L’article 98 TCE dispose que
les États membres sont tenus au respect de la liberté de concurrence dans la conduite de leur
politique économique32. Le droit communautaire de la concurrence, outre les objectifs qu’il a
en commun avec le droit américain, poursuit aussi l’objectif origin al d’assurer la
construction du marché commun non délimité par des frontières nationales. Par conséquent, le
droit communautaire vise à assurer une concurrence saine non seulement entre des entreprises
situées dans le même État, mais aussi entre des différents États membres possédant des
ressources inégales, dont certains plus aptes que d’autres à soutenir l’économie nationale, y
compris par des subventions. Le régime des aides d’État constitue un volet à part du droit
communautaire de la concurrence. Ce particularisme du droit des aides d’État a une grande
valeur pratique, mais aussi symbolique pour le droit communautaire33. Des règles applicables
aux États doivent assurer que les États nationaux ne mettent pas d’entraves au marché
commun en agissant dans une logique purement nationale et ne privilégient pas l’intérêt
national économique à l’intérêt communautaire quand ceux-ci entrent en conflit.
Le Traité est fondé sur l’idée quasiment axiomatique que la libre concurrence contribue
à la prospérité économique par le processus naturel de formation des prix qui ne saurait être
perturbé par une intervention publique. La doctrine économique communautaire est

31 Marie MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et communautaire, 2008, p. 12. Le


droit communautaire est plus rigide par rapport aux monopoles, condamne des pratiques restrictives per se, etc.
Or il est vrai que « la spécificité du droit communautaire est mal comprise par le droit nord-américain » (Ibid., p.
13), mais cette opposition ne revêt pas de caractère radical.
32 Il dispose que « les États membres conduisent leurs politiques économiques en vue de contribuer à la
réalisation des objectifs de la Communauté, tels que définis à l'article 2, et dans le contexte des grandes
orientations visées à l'article 99, paragraphe 2. Les États membres et la Communauté agissent dans le respect
du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des
ressources ».
33 L’intention des concepteurs du Traité était bien de créer un dispositif à part, même si, en l’absence
d’un tel dispositif, plusieurs mesures d’intervention auraient pu être condamnées, par exemple, à titre de mesures
d'effet équivalent à des restrictions quantitatives. Au lieu de rapprocher les législations nationales dans la matière
ou d’appliquer l’interdiction de restrictions quantitatives et de mesures d’effet équivalent, les auteurs du Traité
ont voulu instaurer un système original et sans précédent. Ce « particularisme » doit assurer une plus grande
visibilité des dispositions sur le contrôle des aides d’État.
16
influencée, d’un côté, par l’ordolibéralisme allemand, et de l’autre, par la théorie économique
de Joseph Schumpeter. La concurrence dans le modèle schumpéterien fait partie d’un
mécanisme dynamique de surgissement des activités innovantes et de l’élimination de leurs
concurrents moins compétitifs. La libre concurrence dans la vision schumpéterienne élimine
des entreprises non viables du tissu économique dans le processus de ce que Joseph
Schumpeter dénomme « destruction créatrice »34. De ce point de vue, l’État qui empêche la
libre concurrence empêche l’entrée sur le marché de nouvelles entreprises plus compétitives,
seraient-elles étrangères, et, en dernier ressort, l’innovation35. Toute intervention publique qui
vise à maintenir à vie des entreprises moins innovantes est donc dans cette optique considérée
comme inadmissible : le marché ne permet que des interventions privées.
Depuis l'entrée en vigueur du Traite de Lisbonne, la protection de la concurrence non-
faussée est régie par un Protocole additionnel au Traité sur le fonctionnement de l’Union
Européenne. En vertu de ce texte, le marché intérieur tel qu'il est défini а l'article 3 du traité
sur l'Union européenne comprend un système garantissant que la concurrence n'est pas
faussée sur le marché36.

8. La notion d’aide d’État en droit communautaire


Une aide publique est un « avantage gratuit » en dehors de conditions de marché
provenant d’une autorité publique dont bénéficie une entreprise. En droit communautaire, une
aide d’État est définie sur le fondement de quatre critères cumulatifs énumérés à l’article 87,
paragraphe 1, du Traité CE. Premièrement, l’aide doit avoir une origine étatique, c’est-à-dire
être accordée par l’État ou au moyen des ressources d’État. Le champ d’application ratione
personae est large: pour constituer une aide d’État, une mesure doit être simplement
imputable à une puissance publique37, mais elle peut aussi être indirecte. Deuxièmement, elle
doit être sélective et favoriser certaines entreprises ou certaines productions. Une
réglementation générale applicable de manière non discriminatoire à l’ensemble de

34 Selon Joseph SCHUMPETER, « Le capitalisme[...] constitue, de par sa nature, un type ou une


méthode de transformation économique. [...] l'initiative capitaliste [...] révolutionne incessamment de l'intérieur
la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des
éléments neufs. Ce processus de destruction créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme », Joseph
Aloïs SCHUMPETER, « Capitalisme, Socialisme et Démocratie », 1942.
35 La discipline du marché prévoit la possibilité que les établissements structurellement non rentables
soient sanctionnés, le cas échéant par l’expulsion du marché dans le cadre d’une liquidation. V. la décision de la
Commission du 20 mai 1998 concernant les aides accordées par la France au groupe Crédit Lyonnais, JO L 221
du 8.8.1998, p. 62 et 64, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:1998:221:0028:0080:FR:PDF (vu le 10 avril 2010)
36 JO n C 115 du 9 mai 2008, p. 309.
37 CJCE, 2 février 1988, Van der Koy, aff. C-67/85, Rec. p. 219. Il peut s’agir d’un soutien octroyé par
l’État stricto sensu ou par des collectivités territoriales, v. CJCE, 14 octobre 1987, RFA c/Commission.
17
l’économie nationale n’est pas constitutive d’aide d’État38. Ensuite, elle doit fausser ou
menacer de fausser la concurrence en accordant un avantage à son bénéficiaire. La
caractéristique nécessaire de toute aide, quelle que soit sa forme, est l’avantage obtenu par
certaines entreprises ou certaines productions, provenant de l’État ou de ses ressources, par
exemple, par des organismes publics ou privés institués ou désignés par l’État. Au contraire,
ne constitue pas d’aide une mesure qui ne procure aucun avantage à son bénéficiaire39.
Finalement, une aide publique doit affecter les échanges entre des États membres. Ce dernier
critère est apprécié de manière très extensive, un seul renforcement de l’entreprise par rapport
à ses concurrents étant constitutif d’une affectation des échanges, sans qu’il soit exigé que
l’entreprise ait une activité exportatrice40.
La notion d’aide d’État est différente de celle de subvention. L’articulation entre des
subventions et des aides a été entreprise par la jurisprudence. La Cour de justice précise dans
un important arrêt du 23 février 1961 que les deux notions étant très proches, la notion d’aide
revête surtout une portée téléologique, en vertu du principe d'interprétation finaliste du
Traité41. Il s’agit donc d’un champ d’application ratione materiae très étendu: est considéré
comme une aide publique tout avantage destiné à une fin déterminée que l’entreprise en
question ne pourrait pas obtenir sans concours de l’État, par le simple paiement du prix des
biens et produits par les acheteurs. La doctrine parle des aides d'Etat ou bien d'interventions
publiques étatiques, vu le lien direct des aides avec des doctrines économiques
interventionnistes. Le premier terme est utilisé par le Traite, les deux peuvent être rencontrés
dans des arrêts de la Cour ou dans des sources doctrinales. La notion d’aide est donc plus
générale que celle de la subvention et englobe non seulement des prestations positives en
nature ou en espèces, des subventions stricto sensu, mais également des interventions qui,
sous quelque forme que ce soit, « allègent les chargent qui grèvent normalement le budget
d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens stricte du mot, sont d’une

38 Or une mesure fiscale favorisant certaines entreprises à d’autres peut être constitutive d’aide d’État, v.
pour une analyse complète à ce sujet l’étude par Grégory MARSON, « Le juge fiscal, gardien communautaire de
la neutralité concurrentielle des impôts nationaux : l’exemple des aides d’État », DA, n 6, juin 2008, étude 13.
39 CJCE, 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke SA contre Commission des Communautés européennes,
point 25.
40 Une analyse très détaillée du sens et de l’application du critère d’affectation des échanges se trouve
dans la contribution d’Andreas STROHM «Economic Analysis of the Concept of “Significant Impediment to
Effective Competition”» (« Une analyse économique du concept d’affectation grave de la concurrence ») à
l’ouvrage Günther HIRSCH, Frank MONTAG, Franz Jürgen SÄCKER (éd.), Competition Law: European
Community Practice and Procedure. Article-by-Article Commentary (Droit de la concurrence : pratiques et
procédures en droit interne. Commentaire article par article), Sweet & Maxwell, London, 2008.
41 CJCE, 23 février 1961, aff. 30/59, De gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg c. Haute
Autorité.
18
même nature et ont des effets identiques »42. La forme de l’aide peut donc être plus ou moins
directe43.
La mesure doit être analysée selon les effets qu’elle produit sur le marché commun et
non pas selon ses causes de nécessité sociale ou ses objectifs, par exemple, la stabilité de
l’économie ou la sauvegarde d’emploi44. La Cour de Justice précise d’ailleurs qu’une
violation des dispositions relatives aux aides d’État par un État ne peut pas être justifiée par le
fait que d’autres États membres ont eux aussi manqué à la même disposition. Au regard du
droit communautaire, les aides d’État exercent un effet de distorsion sur la concurrence et les
aides multiples de plusieurs États, au lieu de se neutraliser mutuellement, vont au contraire
produire un effet cumulatif plus grave, ce qui augmentera leurs conséquences nuisibles pour
le marché commun45.

9. Le régime des aides publiques en droit communautaire


Le régime des aides publiques est fondé sur une incompatibilité de principe assortie de
dérogations. Le Traité prévoit deux séries de dérogations au principe général d'incompatibilité
des aides : des dérogations de plein droit, ou automatiques, de l'article 87 (2) et des
dérogations facultatives de l'article 87 (3)46. L’article 87 (1) énonce le principe
d'incompatibilité en termes d'un objectif à atteindre et non d'une interdiction effective en soi47.
L'article 87 (3) (b) (ancien article 92 (3) (b)), prévoit, à la différence de l'article 87 (2), un
large pouvoir d'appréciation de la Commission qui décidera de la compatibilité de la mesure

42 CJCE, 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg contre Haute Autorité de la


Communauté européenne du charbon et de l'acier dans le cadre du Traite CECA, confirmé pour le Traité CE par
l’arrêt du 15 mars 1994, Banco de Crédito Industrial SA, devenue Banco Exterior de España SA contre
Ayuntamiento de Valencia, point 13.
43 Des garanties publiques couvrant des opérations de défaisance d’actifs (v. déc. 29 juillet 1998, Banco
di Napoli, JOCE, L 116 du 4 mai 1999) ou encore des garanties publiques sur des produits d’épargne (déc. 21
décembre 2005, La Banque postale) sont ainsi des aides d’État. En droit français, une circulaire du 26 janvier
2006 relative à l’application au plan local des règles communautaires de concurrence relative aux aides
publiques aux entreprises précise qu’une aide publique peut revêtir la forme de « subventions, d’avantages
fiscaux, quelles que soient leurs formes, de remises de dettes, d’abandons de créances, d’octrois de garanties, de
prises de participations en capital, de bonifications d’intérêt, de prêts et avances remboursables, à taux nul ou à
des conditions plus favorables que celles du taux moyen des obligations, de prêts ou de mises à disposition de
biens meubles, immeubles ou de personnel, de rabais sur le prix de vente, de locations ou de locations-ventes de
terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés », cité par Sophie NICINSKI, Droit public des
affaires, Montchrestien, Paris, 2009, p. 184.
44 CJCE, 26 septembre 1996, République française contre Commission. En vertu d’une règle
jurisprudentielle créée par la CJCE dans son arrêt du 2 juillet 1974, Italie contre Commission, « l’article 92 ne
distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions visées, mais les définit en fonction de leurs
effets » (point 69 de l’arrêt).
45 CJCE, 22 mars 1977, Steinike & Weinlig contre la République Fédérale d’Allemagne. Cette
jurisprudence gagne d’actualité dans la situation de crise financière, où plusieurs États viennent au soutien de
leurs économies nationales.
46 Jean-Yves CHEROT, op. cit., p. 176.
47 Jean-Yves CHEROT, op. cit., p. 208.
19
avec le marché commun en appréciant des circonstances économiques et sociales relatives à
l'aide dans le contexte communautaire48. Le partage des compétences laisse donc en vertu de
l'arrêt Philip Morris l'essentiel des compétences à la Commission49. L'article 87 (3) étant de
caractère facultatif, il relève de la compétence de la Commission de décider sur l'opportunité
d'octroi de l'aide. Pour vérifier si l’aide en question est compatible avec le marché commun,
la Commission applique une démarche appelée « la règle de raison », en appréciant au cas
par cas sur le fondement d’une série de standards et de tests si la mesure est susceptible
d’exercer plus d’effets positifs ou néfastes sur la concurrence. Les tests sont élaborés par la
Commission et perfectionnés au fil de la prise de ses décisions. La Commission peut préciser
des critères de la dérogation par des communications, des lignes directrices ou des règlements
d’exemption par catégorie, et apprécier si ces conditions énoncées sont remplies en l'espèce.
La Cour de Justice estime qu'elle ne peut pas se substituer à la Commission dans
l'appréciation de la compatibilité de l'aide avec le marché commun car cette appréciation
«soulève des problèmes impliquant la prise en considération et l'appréciation de faits et
circonstances économiques complexes et susceptibles de se modifier rapidement»50. Le
contrôle exercé par la Cour est donc caractérisé d'un «contrôle de type minimum, c'est-à-dire
un contrôle sur l'exactitude matérielle des faits, le contrôle de l'erreur de droit, du
détournement de pouvoir et un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation des faits»51.

10. La situation de crise financière susceptible de mettre en question le fonctionnement


du système économique
La science économique définit une crise comme un « retournement brutal de la
conjoncture économique qui marque la fin d’une période d’expansion » ou, plus
généralement, une « situation économique caractérisée par la faiblesse de la croissance du
PIB et le développement du chômage »52. Les systèmes juridiques positifs ne contiennent pas
de définition autonome de crise économique ou financière, laissant de définir la crise aux
autorités économiques. Plus généralement, une crise est pour le droit « une situation troublée
(souvent conflictuelle), qui en raison de sa gravité justifie des mesures d'exception »53. Le

48 CJCE, 17 septembre 1980, Philip Morris Holland BV contre Commission.


49 V. également les arrêts CJCE, 24 février 1987, Deufil, 310/85; CJCE, 15 juin 1993, Matra, C-325/91;
CJCE, 21 mai 1991, Italie contre Commission, C-303/88.
50 CJCE, 22 mars 1977, Steinike, aff. 78/76.
51 Jean-Yves CHEROT, Ibid., p. 213. Ce contrôle par le juge est d’ailleurs assez timide, ce qui est
critiqué par Marianne DONY et autres, op. cit., p. 493.
52 Définition donnée par Jean-Yves CAPUL, Olivier GARNIER, Dictionnaire d’économie et de
sciences sociales, Hatier, Paris, 2005, p. 108.
53 Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF Quadrige, 3ieme édition, 2002. Cette définition se
20
droit contient encore le concept d’état d’exception, qui, selon la définition donnée par
François Saint-Bonnet, « se situe au point de rencontre de trois éléments constitutifs : la
dérogation (ou infraction), la référence à une situation anormale et la conception d’une
finalité supérieure »54. Une crise ou un état d’exception son définis non seulement en fonction
des caractères qui leur sont immanents mais aussi en fonction de leur qualification juridique et
du changement qu’ils entraînent dans le système de droit. Des situations de crise échappent à
une définition synthétique. Selon Carl Schmitt, « il est impossible d’établir avec clarté
intégrale les moments où l’on se trouve devant un cas de nécessité ni de prédire, dans son
contenu, ce à quoi il faut s’attendre dans ce cas »55. La règle de droit étant a priori
indéterminée, il revient au détenteur de la souveraineté de proclamer un état d’exception en
fonction des circonstances du moment et de définir exactement quels effets entraîne cette
proclamation. Le droit ne connaît pas de critère objectif de crise et une système normatif
positif ne saurait prévoir ex ante des critères pour toute situation exceptionnelle de fait
susceptible de se présenter56.
Le concept juridique de crise se développe en application à des crises politiques, mais il
peut néanmoins être de manière justifiée appliqué à des situations de crise économique,
malgré certaines originalités que présentent celles-ci. En effet, selon Rusen Ergec, « l’état de
nécessité est de toutes les disciplines juridiques. [...] D’une branche du droit à l’autre, les
traits fondamentaux du concept gardent suffisamment de constance pour qu’il soit possible de
donner une définition générale. L’état de nécessité constitue la cause de justification d’un
acte commis délibérément en violation d’une règle impérative en vue de sauvegarder [...] une
valeur manifestement supérieure à celle protégée par cette règle »57. Si des situations de crise
économique et politique ne sont pas les mêmes, elles sont unies par un certain parallélisme58.
C’est le modèle logique unifié qui fait l’essence d’une situation de crise pour le droit : il s’agit

rapproche de celle d’état d’urgence, c’est-à-dire d’une « situation pouvant ou non résulter des circonstances
exceptionnelles et dont l'existence justifie que l'administration, sous réserve de l'appréciation du juge, passe
outre certains délais ou exigences de forme ou de procédure ».
54 François SAINT-BONNET, État d’exception, PUF (Léviathan), Paris, 2001, p. 27.
55 Carl SCHMITT, Théologie politique, 1922, rééd. Gallimard, 1988.
56 Selon la formule employée par Français SAINT-BONNET dans son ouvrage État d’exception, « il n’existe
pas de critère objectif de la crise (durée, étendue géographique, gravité, etc.) Elle ne peut être séparée de son
contexte, des rapports de pouvoir dans lesquels elle s’inscrit et n’est jamais autre chose, pour le juriste, que ce
que l’on qualifie ainsi » (p. 4). Des critères de telle ou telle situation de crise peuvent être formulés ex post, avec
prise en compte des circonstances originales que présente le cas d’espèce.
57 Rusen ERGEC, Les droits de l’homme à l’épreuve des circonstances exceptionnelles, Bruxelles, Bruylant,
1987, p. 45.
58 Ainsi, en analysant des politiques économiques américaines de l’époque de la Grande Dépression, Giorgio
AGAMBEN note que la délégation du pouvoir illimité de régulation et du contrôle en matière économique
économique au Président témoigne d’un parallélisme entre des situations exceptionnelles militaires et
économiques, v. Giorgio AGAMBEN, State of Exception, University of Chicago Press, Chicago, 2002, p. 22.
21
d’une situation de fait qui justifie, à cause de sa gravité, une violation d’une norme en vigueur
au moment d’avènement de cette situation. Nous présenterons ici des caractères principaux de
la crise économique et financière pour ensuite poser le problème de réaction du système
juridique communautaire à cette situation perturbée que présente la crise.
Depuis le premier semestre 2007, une crise frappe le secteur de crédit immobilier aux
États-Unis. Cette crise immobilière provoque en automne 2008 une crise financière qui frappe
l’ensemble de l’économie mondiale. Dans la première phase de la crise, sont affectées par
celle-ci des banques européennes ayant mené une stratégie commerciale trop risquée. Avec la
faillite de Lehman Brothers, la crise entre dans une phase où il est possible de douter de la
présence de garanties implicites de sauvetage des banques d’importance systémique pour le
système financier. Cela entraîne une perte de confiance entre des institutions financières et
une crise systémique du secteur bancaire. Une paralysie du financement interbancaire entraîne
de graves retentissements sur l’économie réelle et la crise se transforme finalement en crise
économique59.
La crise économique actuelle est souvent comparée à celle des années 1930. L’époque
de la Grande Dépression sert de réfèrence pour les analyses consacrées à la crise actuelle, le
cas exemplaire étant celui des États-Unis. Le droit de la concurrence national américain, mis
en œuvre par le Sherman Act de 1890, a été suspendu par le National Industry Recovery Act
(NIRA) pendant la période de crise des années 193060. Cet abandon des règles de concurrence
est beaucoup critiqué par la doctrine économique61, qui considère que la mise à l’écart des
règles de concurrence n’est pas promotrice de la reprise. Au contraire, la reprise s’instaure
plus vite sur des marchés concurrentiels, ces marchés étant, grâce au processus de

59 V. un aperçu de la chronologie de la crise chez Conor QUIGLEY, European State Aid Law and
Policy (Le droit et la politique des aides d’État dans l’Union Européenne), 2ème éd., Hart Publishing, Oxford,
2009. Une analyse économique est présentée par Gilles DUFRÉNOT, Alain SAND-ZANTMAN, Après la crise?
Les politiques économiques dans le monde, Economica, Paris,p. 6 et s.
60 Le National Industry Recovery Act (NIRA) de 1933 adopté par le gouvernement de Roosevelt
permettait des accords d’entreprises visant la concertation des prix et des restrictions de la production. La Cour
Suprême avait affaibli la portée de l’interdiction des accords ayant un effet restrictif sur la concurrence
(Appalachian Coals v. U.S., 288 U.S. 344 (1933)) avant d’estimer en 1935 que le NIRA comportait un transfert
du pouvoir législatif vers l’exécutif contraire à la Constitution (A.L.A. Schechter Poultry Corp. v. United States
295 U.S. 495 (1935)). La doctrine impute au protectionnisme national la gravité de la crise des années 1930,
quand les Etats ont réagi à la récession en instaurant des barrières au commerce international et en limitant la
liberté de la concurrence, s’agissant notamment du Smoot-Hawley Act américain de 1930, du Abnormal
Importation Act de 1931 et du Import Duties Act de 1932 britanniques. Pour une analyse juridique consacrée à la
période de la Grande Dépression, v. l’ouvrage de Clinton ROSSITER, Constitutional dictatorship : crisis
government in the modern democracies, Princeton, Princeton University Press, 1948, p. 255-264.
61 Il est considéré que le NIRA empêchait le mécanisme naturel d’autocorrection de l’économie et
ralentissait par cela la reprise, v. par exemple Christina ROMER, « Why did Prices Rise During the 1930s ? »,
Journal of Economic History, 59(1), 167-199. Cette analyse est souvent reprise par la doctrine contemporaine
analysant l’impact des règles de concurrence dans la crise, nous ne citerons à titre d’exemple que l’analyse de M.
David SPECTOR, « Competition policy in times of crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 1-2.
22
« destruction créatrice »62, plus aptes à la croissance que des marchés monopolisés. Il est
encore possible de citer dans ce contexte la crise japonaise des années 1990, où, selon des
partisans de la libre concurrence, la politique restrictive de la concurrence n’a fait que
prolonger la récession63. Notons quand même que l’applicabilité de ces leçons au traitement
juridique de la crise actuelle est plus ou moins limitée, surtout en Europe, et cela pour
plusieurs raisons : d’abord, il existe une différence quant à la nature de la crise, s’agissant de
par sa genèse d’une crise financière. Ensuite, aucune expérience de contrôle des aides d’État
n’est livrée par l’expérience de la crise des années 1930. Car, si les États-Unis fournissent
l’exemple d’un État qui avait au moment de la Grande Dépression un droit antitrust, il
n’existe pas d’expérience juridique comparable relative au droit des aides d’État.

11. Les questions posées par le sujet


Toute norme de droit présuppose de manière implicite l’existence d’une situation de fait
« normale » régie par cette norme. La crise économique et financière, qui présente un
caractère imprévisible, remet en cause le caractère adéquat de la norme en vigueur. En tant
que situation non prévue par les Traités européens, elle pose un double problème de
qualification et de traitement en droit des aides publiques en absence de fondement juridique
adapté. C’est dans ce contexte que nous interrogerons sur la continuité d’application du droit
communautaire des aides d’État dans les circonstances de la crise économique et financière
récente. Notre recherche portera sur le système juridique communautaire, des éclairages
seront tirés des droits nationaux des États membres de l’Union, notamment des droits
français, allemand, irlandais, britannique, belge et autrichien64. La démarche du présent travail
consistera dans une analyse approfondie des communications et des décisions de la
Commission européenne et dans une analyse comparatiste des formes juridiques des solutions
retenues au niveau des droits nationaux des États membres.
Le présent travail s’organisera en deux volets principaux, dont le premier sera consacré
à l’étude du contenu matériel de la règle de droit choisie pour régir des situations de
versement d’aides publiques dans la situation imprévisible de crise économique et financière,
tandis que le second portera sur le fonctionnement procédural de cette règle aussi bien que sur

62 Discours de M. Carl SHAPIRO, représentant de l’Antitrust division du 13 mai 2009, « Competition


Policy in Distresssed Industries », disponible à http://www.justice.gov/atr/public/speeches/245857.htm (vu le 10
avril 2010)
63 V. par exemple le discours du dirigeant de l’Office of Fair Trading britannique John FINGLETON,
« Competition Policy in Troubled Times », 20 janvier 2009,
http://www.oft.gov.uk/shared_oft/speeches/2009/spe0109.pdf (vu le 10 avril 2010).
64 Le choix est motivé par nos connaissances des langues nationales, ce qui nous permet d’étudier des
textes de lois nationales.
23
son effectivité.
Nous nous intéresserons d’abord à la manière de laquelle le droit communautaire des
aides publiques prend en compte la situation de fait originale que présente la crise
économique. Nous analyserons l’approche qu’adopte le droit communautaire des aides d’État
face à l’objectif de rétablissement de stabilité du système économique que pose la crise devant
l’autorité publique. Il faudra dégager des changements intervenus dans le contenu du contrôle
par la Commission des aides publiques nationales (Première Partie).
Le second volet de la présente étude sera consacré à la question du maintien
d’effectivité du droit communautaire face à une situation exceptionnelle présentée par la crise
économique. Ce second questionnement touche aux problèmes fondamentaux du droit public,
c’est-à-dire de la branche du droit qui « règle les actes des personnes qui agissent dans un
intérêt général »65. Une situation d’urgence remettant en question la légitimité des instances
de contrôle de situation normale, il faudra analyser des interactions institutionnelles dans le
contrôle d’aides publiques pour définir quelle est, en dernière analyse, l’autorité juridique
compétente pour déroger dans l’intérêt général à la norme en vigueur et pour délimiter
l’étendue des compétences respectives des instances nationales et supranationales engagées
dans ce contrôle (Deuxième Partie).

65 Marcel PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, Tome 1ier, Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1932, p. 9-10.
24
Partie 1. LA CRÉATION D’UN NOUVEAU CORPUS DES
RÈGLES EN MATIÈRE D’AIDES D’ÉTAT APPLICABLES À
UNE CRISE ÉCONOMIQUE

Necessitas legem non habet


Adage romain

Nécessité fait loi


Proverbe
12. Une situation exceptionnelle telle qu’une crise économique et financière remet en
question la capacité de la règle de droit en vigueur d’assurer le fonctionnement optimal du
système économique. La légitimité même de la norme de droit se trouve contestée face à la
nécessité d’assurer le sauvetage des économies nationales. La nécessité de sauvetage des
économies, perçue en termes d’intérêt général, s’oppose au contrôle stricte de compatibilité
des opérations de sauvetage avec le marché commun dans le contexte du droit communautaire
des aides publiques. L’existence d’une telle nécessité est reconnue et intégrée dans le
raisonnement juridique. Nous analyserons la méthode de prise en compte de la situation
exceptionnelle de crise économique en droit communautaire des aides d’État. Il faudra
notamment observer la qualification de la crise économique et financière en droit
communautaire et les effets de cette qualification (Titre 1). La qualification communautaire
de la crise économique prédétermine la forme des interventions des États membres en faveur
de leurs économies nationales. Nous nous pencherons donc dans un deuxième temps sur
l’ensemble de règles et de pratiques applicables uniquement à une situation de perturbation de
l’économie développées au niveau national sous contrainte de conformité aux exigences
communautaires (Titre 2).
Titre 1. La réglementation communautaire des aides d’État face à
une « perturbation grave de l’économie »

« En ces circonstances exceptionnelles où la nécessité d’agir s’impose à tous, j’appelle


l’Europe à réfléchir sur sa capacité à faire face à l’urgence, à repenser ses règles, ses
principes, en tirant les leçons de ce qui se passe dans le monde. [...] Si elle veut se donner les
moyens de sortir renforcée et non pas affaiblie de la crise actuelle, elle doit engager une
réflexion collective sur sa doctrine de la concurrence qui n’est, à mes yeux, qu’un moyen et
non une fin en soi »

M. Nicolas Sarkozy, Président de la République française,

discours prononcé à Toulon le 25 septembre 200866

13. Le droit communautaire contient une hiérarchie bien établie d’objectifs de l’Union et
de moyens dont dispose l’Union pour parvenir à ces objectifs. Dans cette hiérarchie, la
protection de concurrence libre et non-faussée est un moyen privilégié pour parvenir à la
création et au maintien du marché commun et c’est cette architecture hiérarchique qui fonde
le fonctionnement de la Commission et son contrôle des aides publiques. Or cette hiérarchie
se trouve remise en question par des circonstances de crise : « en cas de circonstances
exceptionnelles, donc de concurrence entre deux règles, l’exécutif [...] hiérarchise les
missions »67 qui se sont avérées contradictoires ou mutuellement incompatibles. Tel est le cas
des objectifs de protection de la structure concurrentielle du marché contre d’éventuelles
ingérences de l’autorité publique et de rétablissement de la stabilité économique et financière
dans la situation de crise économique. Ce devoir de rééquilibrage des objectifs de l’Union
suscite une active création normative dans le domaine des aides d’État au niveau
communautaire. D’abord, un ensemble de règles d’exception, seulement applicables à une
situation de perturbation grave de l’économie, est élaboré au niveau communautaire (Section
1). La Commission veille à ce que soit respecté le champ d’application restrictif de cette
dérogation (Section 2).

66 Disponible en ligne sur http://www.elysee.fr/president/root/bank/pdf/president-2096.pdf (vu le 10 avril 2010)


67 François SAINT-BONNET, État d’exception, PUF (Léviathan), Paris, 2001, p. 10.
Chapitre 1. Le contenu de nouvelles règles communautaires applicables aux
aides d’État
14. Toute dérogation à une norme de droit causée par une situation exceptionnelle
respecte une formule conditionnelle classique : la présence de certaines circonstances de fait
conditionne le recours à une certaine mesure, considérée exceptionnelle. Si le droit
communautaire reconnaît que la crise présente des caractères de situation exceptionnelle qui
justifie l’adoption des mesures d’exception (Section 1), cette appréciation a pour effet un
certain assouplissement du contrôle communautaire des aides d’État (Section 2).

Section 1. La reconnaissance de la perturbation grave de l’économie d’un Etat membre


15. Le fondement normatif habituel pour les sauvetages des entreprises en difficulté est
l’article 87 (3) (c) TCE en vertu duquel peuvent être reconnues compatibles avec le marché
commun
« les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines
régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une
mesure contraire à l'intérêt commun ».
Les modalités d’application de cette provision sont précisées dans les lignes directrices
portant sur les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté68. Une
entreprise en difficulté peut bénéficier d’une aide au sauvetage de caractère temporaire et
réversible suivie par la présentation d’un plan de restructuration capable d’assurer la viabilité
à long terme de l’entreprise. Les aides aux entreprises en difficulté sont soumises au principe
de non-récurrence.
Or, depuis sa première rédaction, le Traité CE prévoit l’éventualité d’une perturbation
grave de l’économie d’un État membre qui justifierait exceptionnellement l’autorisation des
aides publiques pour y apporter des remèdes appropriés. L’article 87 (3) (b) du Traité CE
dispose que peuvent être reconnues compatibles avec le marché commun
« les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt
européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État

68 JOUE C 156 du 09 juillet 2009, p. 3, v. également JOUE C 244 du 1er octobre 2004, p. 2. Une entreprise en
difficulté est définie aux fins de ces lignes directrices comme une entreprise qui « est incapable, avec ses
ressources propres ou avec les fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires/actionnaires ou ses
créanciers, d’enrayer les pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs
publics, vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme », v. point 9 des lignes directrices.
28
membre».
Cette provision se trouve à l’article 92 (3) (b) du Traité CEE du 195769. Elle n’est pas
modifiée par les Traités ultérieurs et se trouve depuis à l’article 87 (3) (b) TCE, et elle est à
retrouver à l’article 107 TFUE.

16. La réticence de la Commission par rapport à l’application de l’article 87 (3) (b)


dans les premiers mois de la crise
Le début de la crise est marqué par une série de décisions portant sur des cas
individuels des banques européennes où la Commission renonce à reconnaitre le caractère
systémique de la crise et donc de recourir à la dérogation de l’article 87 (3) (b) TCE. Tel est le
cas des décisions du 5 décembre 2007 dans l’affaire de la banque britannique Northern Rock
et du 30 avril 2008 dans les quatre affaires des banques allemandes West LB70, Sachsen LB71,
IKB, Bayern LB et de la banque danoise Roskilde. Dans tous ces cas la présence d’une
perturbation grave de l’économie était invoquée par l’Etat mais rejetée par la Commission sur
le fondement que les difficultés de la banque étaient dues à sa stratégie trop risquée et non au
dysfonctionnement systémique du marché. Toutes les mesures en question étant qualifiées
d’aides d’Etat, le fondement utilisé pour reconnaître leur compatibilité avec le marché
commun est donc le fondement classique de l’article 87 (3) (c) TCE, dont les modalités
d’application sont précisées dans les lignes directrices relatives aux aides au sauvetage et à la
restructuration des entreprises en difficulté de 2004. Or, il s’avère que ce fondement est
inadéquat pour faire face à la crise, surtout à cause de la distinction qu’il opère entre les aides
au sauvetage et les aides à la restructuration, les opérations de restructuration ne pouvant pas
être mises en œuvre qu’après les opérations de sauvetage, à l’issue d’un certain délai, et étant
soumises à la présentation préalable d’un plan de restructuration capable d’assurer le retour de
l’entreprise bénéficiaire à la viabilité à long terme. Ces conditions rigoureuses sont
incompatibles avec la nécessité de mise en œuvre des restructurations d’urgence dans la crise.
Dans le cas de la banque britannique Bradford et Bingley la Commission est obligée
d’autoriser sur le fondement de l’article 87 (3) (c) et des lignes directrices de 2004 la vente de
la grande partie d’actifs de la banque, notamment de son activité de crédit aux particuliers, à

69 Document à consulter sur http://eur-


lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11957E/tif/TRAITES_1957_CEE_1_XM_0074_x444x.pdf (vu le 10 avril 2010)
70 JO C 189 du 26.7.2008, p. 3.
71 Décision 2009/341/CE de la Commission dans l’affaire C 9/08, Sachsen LB (JO L 104/34 du
24.4.2009). V. pour l’analyse de ces décisions le commentaire de Jacques DERENNE, « Secteur bancaire - Crise
de subprimes, La Commission européenne approuve une aide au sauvetage dans le secteur bancaire et ouvre une
procédure formelle d’examen face aux aides octroyées pour faire face à la crise des subprimes », Concurrences,
n 2, 2008, p. 139.
29
son concurrent, la banque Abbey National, ce qui constitue plutôt une mesure structurelle
qu’une aide d’urgence. Cette solution provoque des commentaires critiques dans la doctrine72.

17. Les critères d’applicabilité de l’article 87 (3) (b) TCE.


La mise en œuvre de cette dérogation relève d’une appréciation au niveau
communautaire. La Cour de justice précise dans l’arrêt Philip Morris du 17 septembre 198073
que la Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier la nécessité de mise
en œuvre de cette dérogation, ce qui implique notamment une appréciation d’éléments
d’ordre économique et social. Les applications précédentes de l'article 87 (3) (b) TCE (alors
article 92 (3) (b) TCE) sont limitées à deux cas en Grèce en 198774 et en 1991 avec la
privatisation de 208 entreprises publiques75. L'application de cet article est donc
exceptionnelle. Dans sa décision du 7 octobre 1987, la Commission analyse la détérioration
de la situation économique de l’Etat grec depuis 1985, en relevant, parmi d’autres éléments,
de très graves difficultés de balance de paiements et des pressions sur le taux de change. La
Commission, en se fondant sur l’article 92 (3) (b) TCE, devenu article 87 (3) (b) TCE,
approuve l’adoption de la loi grecque n 1386/1983 sur l’organisation pour le redressement
financier des entreprises, mais exige de notifier les cas individuels d’application de la loi en
tant qu’élément de surveillance de régime, comme la Commission avait déjà fait dans le cadre
de la crise des années 1974/1975 pour le Danemark, la France et l’Italie. La Commission
rappelle quand même que l'aide ne doit pas promouvoir l'expansion de la capacité de
production, ni déplacer les problèmes existants sans trouver une solution aux problèmes
sociaux et industriels auxquels la Communauté dans son ensemble est confrontée, ni,
bénéfique à court terme, aggraver la situation au moyen ou au long terme. La reconnaissance
d’une perturbation grave de l’économie grecque en 1987 n'exonère pas en elle-même l’aide de
tout contrôle, car celle-ci doit être soumise à un contrôle spécifique de la Commission.

72 En commentant cette décision, M. Conor QUIGLEY considère que la Commission est allée ici, en
autorisant cette mesure structurelle, jusqu’à la limite de ce qui était admissible sous les anciennes lignes
directrices et que cette décision ne peut être justifiée que par sa volonté de protéger des créanciers de la banque.
V. Conor QUIGLEY, op. cit., p. 337.
73 CJCE, 17 septembre 1980, Philip Morris Holland BV contre Commission, aff. 730/79, Recueil de
jurisprudence 1980 page 02671.
74 V. la décision n 88/167/CEE du 7 octobre 1987, publiée au JOCE n L 76 du 22 mars 1988, pp. 18-22
relative a la loi grecque 1386/1983 par laquelle le gouvernement grec octroyait l'aide à l'industrie nationale pour
permettre le redressement financier des entreprises, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31988D0167:FR:HTML (vu le 10 avril 2010). V.
également l’arrêt du TPICE, 6 juillet 1995, AIETEC e.a. contre Commission.
75 V. la décision de la Commission du 31 juillet 1991, XXIème Rapport sur la politique de Concurrence,
1991, § 251.
30
18. Les motifs des refus d’application
Les évocations précédentes de la disposition dans la jurisprudence et dans des décisions
de la Commission sont dans la plupart des cas limitées aux explications relatives à la raison
pour laquelle la règle est inapplicable à l'espèce. Souvent, les hypothèses d'une possible crise
systémique sont écartées à cause du caractère assez limité de la situation. Ainsi, il a été
précisé que l'article 87 (3) (b) TCE est inapplicable dans deux hypothèses.
Premièrement, géographiquement, lorsque la perturbation économique ne concerne
qu’une région ou une partie du territoire, l'intégralité de l'Etat membre n’est donc pas
menacée76. C’est cette exigence qui fait la différence de cette disposition des lettres (a) et (b)
de l’article 87 (3).
Deuxièmement, matériellement, lorsque la perturbation économique concerne soit un
nombre limité de bénéficiaires soit un seul bénéficiaire77. L’article 87 (3) (b) étant
d’application restrictive, son application en tant que base juridique généralisée à toute la
situation de crise sectorielle et surtout individuelle exige qu'il existe « un risque immédiat sur
l'économie d'un État membre dans son ensemble » pour l'économie de l’État membre
concerné78. Dans sa décision du 26 juillet 1995 consacrée à l'aide accordée par la France à la
banque Crédit Lyonnais79, la Commission précise les conditions d'applicabilité de l'article 87
(3) (b) à une crise économique et financière systémique: « Dans le cas où des éléments en
dehors du contrôle des banques provoquent une crise de confiance dans le système, l'État
peut être amené à donner son soutien à l'ensemble des établissements de crédit pour éviter les
effets négatifs d'une telle crise systémique. Par conséquent, dans le cas d'une véritable crise
systémique, la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point b), pourra être invoquée

76 Ce qui a donné lieu à un contentieux communautaire intéressant, notamment par rapport aux
problèmes de la réunification allemande, où un décalage sérieux existait (et existe toujours en partie) entre les
Länder occidentaux et les Länder de l’Est, nettement moins développés à cause des désavantages dus à la
division de l’Allemagne. Nous ne citerons à titre d’exemple que des affaires suivantes : TPICE, 15 décembre
1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, aff. jtes T-132/96 et T-143/96, Rec., p. II-3663, point 167; CJCE, 30
septembre 2003, Allemagne c/ Commission, aff. C-301/96, Rec. p. I-9919, points 105-108 ; CJCE, 30 septembre
2003, Freistaat Sachsen et Volkswagen AG et Volkswagen Sachsen GmbH contre Commission des Communautés
européennes, aff. jtes C-57/00 P et C-61/00 P, points 97-98, confirmé par les décisions C28/2002
Bankgesellschaft Berlin, point 153 et s., C50/2006, BAWAG, points 166 et s. Dans l’arrêt du 15 décembre 1999
précité, le Tribunal invoque « la nécessité d'interpréter strictement une disposition dérogatoire telle que l'article
92, paragraphe 3, sous b), du traité » (p. 167).
77 V. la décision n 95/547/CE du 26 juillet 1995, Crédit Lyonnais, JOCE n L 308 du 2 décembre 1995, p.
92-119, la décision 98/490/CE de la Commission dans l’affaire C47/96, Crédit Lyonnais, point 10.1 (JO L 221
du 8.8. 1998, p. 28), décision n 98/204/CE du 30 juillet 1997, GAN (JO 1997 n L 78, p. 1), la décision du 5
décembre 2007 dans l’affaire NN 7/2007, Northern Rock, la décision de la Commission du 30 avril 2008 dans
l’affaire NN 25/2008, Aide au sauvetage en faveur de West LB (JO C 189 du 26.7.2008, p. 3), la décision de la
Commission 2008/263/CE dans l’affaire C 50/06 BAWAG, point 166 (JO L 83 du 26.3.2008, p. 7).
78 Christophe GIOLITO, « Chroniques : Aides d'Etat », Concurrences, 2008/4, p. 105.
79 La décision n 95/547/CE du 26 juillet 1995, Crédit Lyonnais, préc.
31
pour « remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ». La condition de
la compatibilité est ici que les aides soient octroyées de façon neutre du point de vue de la
concurrence de l'État concerné, c’est-à-dire que l’État destine l’aide à l'ensemble du système
bancaire ou aux certaines institutions choisies à partir des critères non-discriminants, et que le
montant de l’aide ne dépasse le minimum strictement nécessaire. Le caractère neutre de la
mise en œuvre de l’aide à l'égard de la concurrence constitue la condition essentielle de
l'application de l’aide.
La Commission donne à son refus d'appliquer l'article 87 (3) (b) au Crédit Lyonnais
dans une décision précitée de 1998 le motif qu’il « ne s'agit pas non plus d'une aide destinée
à remédier à une grave perturbation économique, puisque l'aide vise à remédier aux
difficultés d'un seul bénéficiaire, le CL, et non pas à des difficultés aiguës de tous les
opérateurs du secteur »80. Les fonctionnaires de la Commission avouent quand même en
2000 dans un article consacré à l’affaire du Crédit Lyonnais que « des conséquences négatives
pour d’autres établissements financiers n’[étaient] pas à exclure, et le spectre d’une crise
systémique [était] évoqué » 81.

19. La présence des critères de reconnaissance d’une grave perturbation de l’économie


en l’espèce
Après avoir rappelé l’usage qui a été fait de l’article 87 (3) (b) TCE dans le passé, il
paraît nécessaire de rappeler deux caractères majeurs de la crise économique telle qu’elle se
présente en automne 2008. D’abord, cette crise n’est pas seulement sectorielle mais frappe, en
dehors du secteur bancaire, les entreprises industrielles et commerciales. Ensuite, elle dépasse
le cadre national et plusieurs entreprises et institutions financières éprouvent le besoin de
soutien public. Le caractère international de la crise ne constitue pas de condition
d’application de l’article 87 (3) (b) mais il doit pourtant être pris en compte par la
Commission. Le nombre élevé d’institutions financières éprouvant le besoin du soutien public
pose quant à lui le problème nouveau de l’application systématique et équitable de l’article 87

80 Le même raisonnement se retrouve dans la décision du 26 juillet 1995 relative au cas de Crédit
Lyonnais : « En principe, les difficultés d'une ou de quelques banques n'entraînent pas nécessairement une crise
de confiance pour tout le système. Toutefois, la défaillance d'une seule banque d'une certaine taille, bien que due
à des erreurs de gestion internes, peut mettre en difficulté plusieurs autres institutions de crédit qui lui sont
financièrement liées, causant ainsi une crise plus générale. Un soutien de l'État peut être nécessaire, mais cela
ne doit pas signifier un soutien inconditionnel de l'établissement défaillant, et le soutien ne doit pas être effectué
sans intervenir sérieusement dans la restructuration définitive et dans la limitation individuelle de la distorsion
de concurrence causée par l'aide » (95/547/CE, JO n L308 du 21.12.1995).
81 Nicola PESARESI, Cristophe DE LA ROCHEFORDIÈRE, « Crises bancaires : un bilan de
l’application des règles de concurrence en matière d’aides d’État. Leçons de la crise du Crédit Lyonnais »,
Competition Policy Newsletter, 3, octobre 2000, p. 16.
32
(3) (b). Il est donc considéré que, « eu égard au degré de gravité atteint par la crise qui
touche les marchés financiers et à l’incidence possible de celle-ci sur l’économie globale des
États membres, l’article 87 (3) (b) est une base juridique adéquate pour traiter des mesures
prises en vue de remédier à cette crise systémique »82. Dans sa communication du 13 octobre
2008, la Commission retient des aspects spécifiques caractéristiques de cette crise, dont des
problèmes sur le marché américain du crédit hypothécaire, des pertes provoquées par des
stratégies risquées des banques, une crise de confiance allant jusqu'à une paralysie du marché
des prêts interbancaires et des difficultés d'accès à la liquidité83. La Commission relève des
aspects qui l'ont menée à recourir à l’article 87 (3) (b) : ce sont des menaces à des banques
fondamentalement saines et le danger de crise systémique que pourrait déclencher la faillite
d'une seule banque vu le degré d'interconnexion des marchés.
Cette reconnaissance du caractère exceptionnel de la crise est d’ailleurs originale parmi
les droits de la concurrence mondiaux. Des Autorités de concurrence nationales ont pour la
plupart au contraire considéré que la crise ne présentait pas de caractère exceptionnel
justifiant des mesures d’exception. L’Antitrust Division américaine considère au contraire que
« des problèmes soulevés par la crise ne sont pas uniquement caractéristiques de celle-ci et
n’exigent pas de règles spéciales de crise applicables dans une période de récession »84. Dans
ce raisonnement, la crise ne présente que des particularités de degré relatives à l’augmentation
du nombre de cas soumis à l’appréciation de l’autorité, mais non pas de fond relatives à la
nature juridique de la situation. Or il faut garder à l’esprit que pour d’autres autorités de
concurrence ne disposant pas de mêmes compétences en matière du droit de la concurrence
que la Commission, la reconnaissance du caractère exceptionnel de la crise ne produit pas du
tout les mêmes effets. C’est l’étendue des compétences de la Commission qui explique son
recours à la disposition de l’art. 87 (3) (b) indispensable pour adapter le contrôle de la
Commission à cette situation de fait unique que présente la crise85.

82 Point 9 de la Communication du 13 octobre 2008.


83 V. la Communication du 13 octobre 2008, JO 270/08 du 25 octobre 2008.
84 V. le discours de M. Carl SHAPIRO, préc.
85 Notons à ce point qu’aucune disposition comparable n’est mise en place au niveau des droits
nationaux des États membres. Des lois prises à titre de dispositifs généraux par des États membres ne se réfèrent
à aucun fondement spécial issu du droit national, si ce n’est la considération de l’intérêt général. La loi
irlandaise, la Credit Institutions Financial Support Act, se réfère ainsi dans son exposé de motifs à la seule
considération de l’intérêt général, relevant d’ailleurs de l’appréciation du Ministre des finances : « le Ministre
apprécie que (a) il existe une menace sérieuse à la stabilité des institutions de crédit dans l’État en général, ou
une telle menace peut apparaître si des fonctions spéciales ne sont pas données au Ministre, (b) des mesures
spéciales sont exigées par l’intérêt général pour le maintien de stabilité du système financier » (Credit
Institutions Financial Support Act, al. 2). Il est rappelé que le Ministre devra se guider par des considérations
d’intérêt général dans la mise en œuvre de l’aide.
33
Section 2. Les effets de la reconnaissance d’une perturbation grave de l’économie
20. La reconnaissance de la perturbation grave de l’économie produit tout son effet par
l’application pratique de la norme issue de l’article 87 (3) (b) CE, et nous nous pencherons
sur des effets qu’entraîne concrètement cette reconnaissance.

21. L’application de la norme dérogatoire


L’application directe à chaque cas d’espèce d’une disposition aussi vague et imprécise
que celle de l’article 87 (3) (b), surtout par la Commission, un organe pourvu d’un pouvoir
discrétionnaire très vaste, est susceptible d’avoir pour défaut un manque de transparence qui
peut rendre contestable l’autorité de la Commission en tant qu’instance de contrôle. Il faut
notamment que les critères de contrôle qui ne peuvent être dégagés ni de la jurisprudence, ni
de la réglementation, ni des décisions86, ni des pratiques communautaires, soient énoncés de
manière visible et transparente pour assurer un minimum de prévisibilité et de sécurité
juridique. En effet, après une première application directe de l’article 87 (3) (b) au cas du
Danemark le 10 octobre 2008, la Commission publie une communication où elle énonce les
principes par lesquels elle veut se laisser guider dans son contrôle des aides visant à remédier
à une perturbation grave de l’économie dans le contexte de la crise économique et financière.

22. La décision de la Commission du 10 octobre 2008, Régime de garanties aux


banques danoises
Le régime de garanties au système bancaire envisagé par le Danemark ne peut pas être
approuvé sur la base juridique de l’article 87 (3) (c), vu que sa durée est de deux ans et ne
peut pas être admise selon les lignes directrices de 2004. L’approbation de ce régime étant
nécessaire pour le sauvetage de l’économie danoise, la Commission ne peut pas éviter
d'appliquer l'article 87 (3) (b), ne disposant pas d'autre fondement pour approuver un plan
d'une durée totale de deux ans. La décision relative au régime danois d'aide aux banques
mérite l’attention parce que la Commission, n'ayant pas à ce moment-là encore publié la
communication du 13 octobre 2008, doit apprécier le régime danois non pas par rapport à la
communication précisant l'application et la portée de l'article 87 (3) (b), mais par rapport à
l'article lui-même, donc sans aucun texte intermédiaire. Cette décision devient une décision
exemplaire. La décision relative au régime de garantie au Danemark énonce les conditions
de compatibilité de mesures nationales avec le marché commun qui doivent être respectées

86 Il faut noter que cette disposition n’a jamais servi par le passé de base juridique au sauvetage des
banques en difficulté.
34
par les régimes nationaux. Ces conditions sont reprises sans modification dans des décisions
postérieures 87. Ces conditions sont énumérées dans le § 41 de la décision et elles englobent,
premièrement, le caractère approprié, bien ciblé de la mesure, ce qui implique son aptitude de
lutter contre la perturbation de l’économie, ensuite, son caractère limité au minimum
nécessaire, sous la forme la plus appropriée, ce qui implique que le même effet économique
positif ne saurait être atteint par une voie moins préjudiciable de la concurrence, par exemple,
par un dispositif de moindre durée ou du moindre montant88, et finalement, la proportionnalité
de la mesure, la distorsion de la concurrence créée doit donc être justifiée89. Nous nous
pencherons ensuite sur l’interprétation que donne la Commission à ces principes dans sa
pratique décisionnelle.

23. L’application de l’article 87 (3) (b) à travers des communications


Pour garantir l’égalité de traitement des mesures soumises à son contrôle, la
Commission adopte une série de communications qui formalisent ce que David BLACHE
appelle dans son ouvrage « une révolution culturelle pour les aides d’État »90, notamment
l’applicabilité de l’article 87 (3) (b) à une crise systémique. Ces communications ont valeur
de règles générales applicables dans la crise et elles énoncent les critères que la Commission
entend appliquer de manière uniforme à chaque mesure qualifiée d’aide publique au sens de
l’article 87 (1) du Traité CE mais capable de réduire les effets de la crise économique et
financière sur l’économie de l’État membre. Ces communications n’ont pas de force juridique

87 Aff. NN51/2008, Régime de garanties aux banques danoises, décision de la Commission du 10


octobre 2008, publiée au JO C 273 du 28 octobre 2008, p. 2. V. également la lettre non-confidentielle envoyée à
l’État-membre, disponible sous http://ec.europa.eu/community_law/state_aids/comp-2008/nn051-08.pdf (vu le
10 avril 2010). Les mêmes conditions seront reprises dans plusieurs décisions par la suite, dont la décision du 13
octobre 2008 dans l’aff. N 507/2008, Soutien aux banques britanniques, point 45, la décision du 13 octobre 2008
dans l’aff. N 481/2008, Régime de garantie aux banques irlandaises, point 58, la décision du 22 octobre 2008
dans l’aff. 512/2008, Soutien aux banques allemandes, point 47, ainsi que toutes les décisions suivantes relatives
aux aides d’État dans le contexte de la crise financière.
88 Ce critère de nécessité est assez classique en droit communautaire des aides publiques, v. par
exemple l’aff. 730/79, Philip Morris du 17 septembre 1980, point 17, confirmée par un arrêt plus récent de la
CJCE dans l’aff. C-390/06 du 15 avril 2008, Nuova Agricast Slr c. Ministero delle Attività Produttive (« Ainsi
qu’il ressort de l’arrêt du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730/79, Rec. p. 2671, point
17), une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l’entreprise bénéficiaire sans être
nécessaire pour atteindre les buts prévus à l’article 87, paragraphe 3, CE ne saurait être considérée comme
compatible avec le marché commun (voir également, en ce sens, arrêts du 24 février 1987, Deufil
c/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 18, et du 5 octobre 1994, Allemagne c/Commission, C-400/92, Rec.
p. I-4701, points 12, 20 et 21) » ), commentée par Laurence IDOT, « Appréciation de validité d’une décision de
ne pas ouvrir de procédure », Europe, n 6, juin 2008, comm. 197.
89 La Commission se réfère aux principes énoncés à l’article 3 (1) (g) et à l’article 4 du Traité en vertu
desquels l’action de la Commission comporte un régime assurant que la concurrence n’est pas faussée sur le
marché intérieur.
90 V. David BLACHE, La régulation des banques de l’Union européenne face à la crise, Revue Banque
Édition, Paris, 2009, p. 227.
35
obligatoire pour les États et ne sont pour eux que des repères dans la préparation de leurs
projets, mais ils lient la Commission par une obligation de garantir un traitement équitable des
plans notifiés en maintenant les critères de contrôle contenus dans ces communications.
La première de ces communications est celle du 13 octobre 2008 relative à l’application
des règles en matière d’aides d’État aux opérations de sauvetage des institutions financières
dans le contexte de la crise économique et financière actuelle, dite « Communication
bancaire ». Les dispositions de cette communication reprennent des solutions de la décision
du 10 octobre 2008 relative au régime de sauvetage des banques danoises et celles prises au
sein d’Eurogroupe. La Commission explique dans sa communication du 13 octobre 2008
qu’une perturbation grave de l’économie peut être reconnue vu, d’abord, le « degré de
gravité atteint par la crise » et, ensuite, « l’incidence possible de celle-ci sur l’économie
globale des États membres »91. Si le premier critère relève largement de l’appréciation de la
Commission et peut être objet d’influences politiques, le second, relatif au risque d’une crise
globale et non simplement sectorielle, est plus objectif et de nature économique. La
Commission considère que l'article 87 (3) (b) TCE peut « dans les circonstances actuelles,
servir de base juridique aux mesures prises en vue de remédier à cette crise systémique ». La
Commission traite dans cette communication de trois types de mesures : des recapitalisations,
des garanties et des mesures prises par des banques centrales, et elle consacre son attention en
premier lieu aux garanties. En vertu de la communication de la Commission sur l’application
des règles en matière d’aides d’État aux aides publiques sous forme de garanties du 11 mars
200092, une garantie est constitutive d’aide d’État lorsqu’elle confère à son bénéficiaire un
avantage qu’il n’aurait pas obtenu sur le marché sans intervention de l’État (conditions plus
avantageuses du prêt) et lorsque le bénéficiaire est une entreprise en difficulté. Ces deux
critères étant remplis dans la majorité d’affaires dans le contexte de la crise, la Commission
devrait systématiquement conclure à l’incompatibilité de la mesure avec le marché commun.
L’admission de la dérogation de l’article 87 (3) (b) sert de base juridique pour approuver des
garanties publiques dans la crise en tant que mesures compatibles avec le marché commun.93.
Après cette première communication où la Commission reconnaît en principe
l’applicabilité de l’article 87 (3) (b), elle apporte dans des communications postérieures des
précisions relatives aux certaines catégories d’aides publiques pour garantir la même sécurité
juridique et l’égalité de traitement par rapport aux différentes catégories d’opérations. Face à

91 JO n C 270 du 25 octobre 2008.


92 JO C 71 du 11 mars 2000, p. 14 et s.
93 Communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État
sous forme de garanties, JO C71, 11 mars 2000, p. 14.
36
une situation de fait nouvelle et imprévisible, la Commission opte pour une stratégie de
contrôle « coup par coup » : volontairement imprécise sur certains aspects, elle se garde une
marge de manœuvre pour ajuster sa position et la préciser dans ses décisions et dans ses
communications quand elle sera confrontée aux plans de sauvetage élaborés par les États
membres. En général, la Commission publie des communications spécialisées par type d’aide
après avoir été confrontée à un certain nombre d’affaires envisageant le même mécanisme
d’aide. Elle énonce de manière explicite des principes par lesquels étaient sous-tendues ses
décisions antérieures. La Commission pose ainsi des principes qu’elle entend appliquer aux
recapitalisations94, aux opérations de sauvetage des actifs dépréciés95, aux mesures destinées à
favoriser l’accès au financement pour des entreprises d’économie réelle96 et, enfin, aux
restructurations. Ces textes marquent la chronologie de traitement de la crise par la
Commission97.

24. La valeur juridique des communications


Dans la première phase de la crise, la Commission prend une série de décisions
individuelles, qui sont des actes obligatoires en tous éléments pour les destinataires qu’elles
désignent98. Un revirement d’approche est opéré avec adoption de communications ayant

94 JO C 10 du 15 janvier 2009, Communication du 5 décembre relative à la recapitalisation des


établissements financiers dans le contexte de la crise financière actuelle : limitation de l’aide au minimum
nécessaire et garanties contre les distorsions indues de concurrence. Cette communication est dans une grande
mesure influencée par l’expérience de contrôle par la Commission des mesures nationales de recapitalisation, et
en premier lieu, des régimes allemand et français. Jacques DERENNE note que des mesures de recapitalisation
nécessitent une réglementation particulière comme il s’agit des mesures structurelles et individuelles, les plus
susceptibles d’entraîner une distorsion de concurrence entre des bénéficiaires et d’autres institutions du secteur,
v. Jacques DERENNE, Chroniques - Aides d’État, Concurrences, n 1 2009, p. 141.
95 JO C 72 du 26 mars 2009, Communication du 25 février 2009 concernant le traitement des actifs
dépréciés dans le secteur bancaire de la Communauté. V. un commentaire de la communication de Jacques
DERENNE et Cristophe GIOLITO, « Traitement des actifs financiers dépréciés: la Commission européenne
publie des orientations sur le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de l’Union », Concurrences,
n 2, 2009, pp. 151-152.
96 JO C 83 du 7 avril 2009, Communication du 17 décembre 2008 portant cadre communautaire
temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise
économique et financière actuelle.
97 Une première chronologie de la crise est établie par Jacques DERENNE, Chroniques – Aides d’État,
Concurrences, n 1, 2009, pp. 160-161. Cette chronologie comprend cinq phases, les passages d’une phase à la
suivante sont marqués par des modifications de fondement juridique. La première phase est celle d’application
de l’article 87 (3) (c) aux aides au sauvetage, la deuxième est marquée par la première application de l’article 87
(3) (b) dans la décision du 10 octobre 2008, la troisième phase est celle de l’application de la communication du
13 octobre 2008. La quatrième phase commence avec la reconnaissance de l’applicabilité de l’article 87 (3) (b) à
l’économie réelle, et la cinquième – celle du réexamen par la Commission des mesures prises par les État aussi
bien que de l’examen des plans de restructuration. Une chronologie détaillée de la crise est établie par M.
Damien GÉRARD, « EC competition law at grips with the financial crisis », Concurrences, n 1, 2009, pp. 46-61.
98 Cela veut dire que des décisions de la Commission sont obligatoires pour leurs destinataires « non seulement
quant aux résultats visés, mais aussi quant aux moyens utilisés en vue de les atteindre ». Ces décisions
ressemblent parfois « à un acte administratif individuel en droit interne », et parfois « davantage à une
directive », v. François TERRÉ, Introduction générale au droit, Dalloz, Paris, 7ième éd., 2006, p. 235.
37
valeur de régimes généraux. En principe, en créant des dispositifs généraux concernant les
aides d’État, la Commission a le choix entre deux types d’instruments – des règlements
d’exemption par catégorie et les communications, dont certaines portent le nom de lignes
directrices. Si les règlements d’exemption99 exonèrent l’État de l’obligation de notification de
certaines catégories d’aides, des communications ne font pas échapper l’État à l’obligation de
notifier l’aide, mais énumèrent les conditions que doit remplir une aide notifiée pour que la
Commission la déclare compatible avec le marché commun. La Commission continue donc
de contrôler dans la crise des mesures que les États membres sont obligés de lui notifier. Les
communications ne sont qu’une aide à l'interprétation de l’article 87 (3) (b) qui guident la
Commission dans son contrôle des aides publiques. La Commission est tenue au respect des
règles qu’elle énonce dans ses communications en vertu du principe d’égalité de traitement.
Or les communications qui proviennent par définition du soft law ne lient pas les tribunaux
dans leur interprétation du droit communautaire primaire. Pourtant, si un État estime qu’une
décision de la Commission viole les principes de la communication, il peut dans un délai de
deux mois saisir le TPICE. Le TPICE pourra quand même, s’il le considère opportun,
contrôler la conformité de la communication à l’article 87 (3) (b) et, en fonction des résultats
de ce contrôle, soit appliquer la communication en estimant que celle-ci est conforme au droit
primaire, soit estimer que la communication n’est pas conforme au droit primaire et refuser à
l’État son application. Le juge peut enfin, sans contester la compatibilité de la
communication avec le droit primaire, estimer que le cas d’espèce exige une application
directe du droit primaire, en l’espèce de l’article 87 (3) (b), sans passer par le biais des
communications100.

25. Les effets produits par l’article 87 (3) (b) : la mise de nouveaux outils à
la disposition des États membres
Tout l’intérêt de l’article 87 (3) (b) TCE consiste en ce qu’il permet d’échapper aux

99 Des réglements d’exemption sont pris en vertu du réglement CE n 994/98 du Conseil du 7 mai 1998
sur l'application des articles 92 et 93 du traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides
d'État horizontales.
100 Ces trois hypothèses, qui restent pour le moment strictement théoriques, sont analysées dans l’article
de M. Christoph ARHOLD, « Crise financière mondiale et le droit européen des aides d’État » / « Globale
Finanzkrise und europäisches Beihilfenrecht », Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 23/2008, p. 713.
Pour le moment, aucune des communications prises par la Commission n’est pas contestée devant les tribunaux.
En absence de contestation, ces textes se rapprochent en effet à des textes législatifs. Ils s’appliquent à tous les
États, qui les prennent en compte dans la préparation de leurs dispositifs au niveau national, et la Commission les
applique dans ses décisions en tant que base juridique du droit dérivé, à côté de la base juridique du droit
primaire, c’est-à-dire la norme issue du Traité.
38
limites strictes posées par les lignes directrices relatives aux aides au sauvetage et à la
restructuration fondées sur l'article 87 (3) (c). Le Traité ne prévoit pas de manière explicite en
quoi pourrait se manifester un tel assouplissement, et la liberté de choisir des normes qui
nécessitent d’être assouplies est donc laissée aux institutions communautaires qui vont faire
leur décision en fonction de la nature de la crise. Il relève donc du devoir de la Commission
de déterminer quelles exigences, formelles et matérielles, pourront être assouplies par le
recours à cette provision dérogatoire et lesquelles seront au contraire maintenues. Les
assouplissements deviennent visibles si l’on compare les dispositions de la nouvelle
communication avec celles des lignes directrices au sauvetage et à la restructuration101
auxquelles déroge la communication du 13 octobre 2008. Notons que la nouvelle
communication ne crée pas de nouvelle procédure de contrôle ni de nouveaux principes par
rapport aux lignes directrices de 2004, ce qui aurait été impossible vu les très brefs délais
d’élaboration de la communication que doit respecter la Commission et la nouveauté de la
situation de fait102. Or des réaménagements ponctuels importants sont introduits dans le
mécanisme existant. Sont assouplies les conditions relatives à la situation du bénéficiaire,
mais aussi aux formes admissibles d’aide publique.

26. Les effets sur l’éligibilité du bénéficiaire


Le recours à l’article 87 (3) (b) dans le contexte actuel est motivé par certaines
insuffisances de la base juridique normale, c’est-à-dire de l’article 87 (3) (b), interprétée par
les lignes directrices au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. Au
nombre de ces insuffisances est le fait que, dans une situation de crise systémique, non
seulement des entreprises souffrant de problèmes endogènes mais aussi des entreprises en
principe saines doivent faire face aux difficultés. Le critère de la distinction est énoncé au
point 14 de la communication du 13 octobre 2008. Il est fondé sur la différence de nature des
difficultés rencontrées par les institutions. La Commission considère que doivent bénéficier
des aides publiques des entreprises en principe saines souffrant des difficultés d’accès au
crédit liées à la situation générale des marchés. Il convient donc « d'établir une distinction
entre, d'une part, le traitement des institutions financières qui, bien que fondamentalement
saines, se trouvent confrontées à une pénurie de liquidités et, d'autre part, le traitement des

101 JO C 244 du 1 octobre 2004.


102 Le point 10 de la communication du 13 octobre 2008 dispose ainsi que « les aides doivent être
appréciées à la lumière des principes généraux énoncés dans les lignes directrices pour les aides au sauvetage et
à la restructuration adoptées conformément à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité », mais « les
circonstances du moment peuvent justifier l'autorisation de mesures exceptionnelles ».
39
institutions financières caractérisées par des problèmes endogènes ». Le critère n’est pas
celui de la viabilité de l’institution mais celui de la genèse des difficultés auxquelles doit faire
face l’institution. Cette distinction, qui ne fait de référence à aucun critère objectif, est laissée
à l’appréciation de la Commission. Or le sauvetage d’une entreprise en principe saine est
impossible si la Commission applique les lignes directrices régissant les aides au sauvetage et
à la restructuration, destinées aux entreprises en difficulté103. Il serait contraire à l’économie
des ces lignes directrices de les appliquer aux institutions ne rencontrant pas de difficultés
endogènes sérieuses. Le nouveau dispositif ne vise pas le sauvetage de telles institutions mais
veut les inciter à une politique de prêt plus active au bénéfice de l’économie réelle. Il faut
noter que cet assouplissement conduit la Commission à autoriser les aides préventives, si
celles-ci contribuent au rétablissement de la stabilité sur les marchés104.
Or, les deux catégories de bénéficiaires ne seront pas du tout assimilées les unes aux
autres. Le principal effet de cette distinction est lié à la procédure de restructuration : si les
institutions saines ne devront pas présenter un plan de restructuration, la présentation du plan
est obligatoire pour des institutions affectées par des pertes découlant, par exemple, d'un
manque d'efficacité, d'une mauvaise gestion actif-passif ou de stratégies hasardeuses, comme
c’est prévu par des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration des entreprises en
difficulté. La Commission tient à opérer cette distinction entre les entreprises saines et celles
en difficulté, qui sera reprise dans des communications postérieures105.

27. Les effets sur la nature des interventions admises : l’admissibilité des
régimes généraux
Le recours à l’article 87 (3) (b) permet encore d’assouplir des conditions posées par des
lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration en ce qui concerne la nature
des mesures que peuvent appliquer les États. Les lignes directrices de 2004 indiquent que « la
Commission n'autorisera de régimes prévoyant l'octroi d'aides au sauvetage et/ou à la
restructuration à des [...] entreprises en difficulté que lorsque celles-ci répondent à la
définition communautaire des PME »106. Ses lignes directrices ne permettent donc pas

103 Est une entreprise en difficulté au sens de ces lignes directrices une entreprise qui est « incapable,
avec ses ressources propres ou avec les fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires-actionnaires ou ses
créanciers, d’enrayer des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs
publics, vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme », v. point 9 des lignes directrices de
2004.
104 V. par exemple la communication du 5 décembre 2008, point 4.
105 JO C 16 du 22 janvier 2009, p.2.
106 V. point 78 des lignes directrices du 1 octobre 2004, JO C244, p. 11. Le droit communautaire définit
une PME en fonction de deux critères cumulatifs dont le personnel (250 personnes au maximum) et le chiffre
40
d’adopter des régimes généraux de sauvetage du secteur bancaire, dont les institutions sont de
loin plus grandes que les PMEs. Dans la communication du 13 octobre 2008, la Commission
admet la possibilité pour les États, premièrement, de procéder à des interventions ad hoc, et
deuxièmement, de prendre des dispositifs généraux qui dépasseront « le cadre de la
stabilisation des différentes institutions financières » stricto sensu107. Il peut ainsi s'agir d'un «
régime de portée générale en faveur d'un certain nombre […] des institutions financières d’un
État membre» ou bien en faveur de la totalité des institutions ayant une importance
systémique pour le système bancaire national. La Commission permet la création des
dispositifs dont seront exclus certaines institutions financières selon des critères non
discriminants que devra poser l'État, mais qui nécessiteront l'approbation de la
Commission108. La dérogation s’applique aussi bien aux régimes généraux qu’aux aides ad
hoc, qui sont soumis au conditions moins strictes que celles de l’article 87 (3) (c). Les États
peuvent donc toujours recourir aux aides ad hoc quand ils ne considèrent pas nécessaire
d’instaurer un régime général ou quand une institution financière que l’État veut soutenir
n’est pas éligible pour le régime existant dans cet État.

28. Les effets sur la nature des interventions admises : l’admissibilité des
restructurations d’urgence
Si les lignes directrices relatives aux aides au sauvetage autorisent des mesures
strictement temporaires et réversibles, elles n’autorisent pas de mesures structurelles. Celles-
ci sont autorisées au titre des aides à la restructuration, après présentation d’un plan de
restructuration qui doit être approuvé par la Commission. En prenant en compte les
circonstances exceptionnelles de la crise, la Commission fait usage de l’article 87 (3) (b) pour
permettre de contourner cette procédure assez lourde. Dans le contexte de la crise, la
Commission permet expressément109 l'adoption à titre d’aides au sauvetage des mesures
exceptionnelles d'urgence telles que des interventions structurelles d'urgence ou encore des
mesures susceptibles d'excéder la durée de six mois, ainsi que des mesures nécessaires pour
protéger des intérêts des tiers comme des créanciers.

d’affaires annuel (50 millions d’euros) de l’entreprise.


107 Point 4 de la communication du 13 octobre 2008.
108 Point 9 de la communication du 13 octobre 2008.
109 Comm CE, 13 oct. 2008, point 10.
41
Chapitre 2. Le champ d’application des nouvelles règles communautaires
29. Les règles élaborées par la Commission sont d’application restrictive (Section 1).
Or, la Commission va par la suite étendre considérablement leur champ d’application
(Section 2).

Section 1. Caractère restrictif de l’applicabilité de la dérogation


30. L’article 87 (3) (b) est traditionnellement interprété par la jurisprudence en tant
qu’un texte d'interprétation restrictive110. D’abord, la reconnaissance d’une perturbation
grave de l’économie ne concerne pas d’autres domaines de compétence communautaire que le
domaine des aides d’État. Cette première limite exposée, il faut encore noter que dans le
cadre de la politique des aides publiques la reconnaissance a aussi ses limites.

31. Une reconnaissance limitée par le domaine des aides d’État


L’article 87 (3) (b) ne permet de reconnaître la présence d’une perturbation
économique grave qu’aux fins de l’assouplissement du contrôle des aides publiques, même si
une crise d’une telle ampleur engage évidemment plusieurs domaines de l’action
communautaire en même temps et aura des répercussions, de telle manière ou d’une autre, sur
la plupart des domaines de l’action de la Communauté. Or les Traités ne contiennent pas de
disposition qui permettrait de reconnaître une situation exceptionnelle globale, mais ils offrent
des dispositions ponctuelles qui pourront le cas échéant donner à la Communauté des
instruments supplémentaires dont elle utilisera pour combattre la perturbation économique
intervenue.
La reconnaissance d’une perturbation économique aux fins de la politique des aides
d’État n’entraine pas automatiquement la même reconnaissance pour d’autres domaines.
Ainsi, de nouvelles questions se posent pour la reconnaissance d’événements exceptionnels
échappant au contrôle des États en matière budgétaire, dans l’hypothèse où il s’aurait avéré
indispensable de déroger à la clause du Traité visant à interdire à l’Union de venir à l’aide
d’un État subissant de graves difficultés budgétaires, connue comme clause de no bail-out111.

110 TPICE, 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, aff. jtes T-132/96 et T-143-96, Rec.,
p. II-3663, point 167.
111 Un parallélisme se poursuit entre l’intérêt d’un tel soutien budgétaire et du sauvetage des institutions
financières en difficulté : tout comme une faillite bancaire, une faillite nationale d’un État membre menace
d’avoir un effet de contagion susceptible de déclencher une crise encore plus grave pour l’ensemble des États de
l’Union. Il est évident que dans les deux cas, mis à part les considérations de droit, la volonté politique aura son
rôle essentiel à jouer.
42
L’interdiction est prévue à l’article 125 du TFUE112, l’article 100 du TCE, devenu article 122
du TFUE, prévoyant une dérogation à ce principe:
« Lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves
difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d'événements exceptionnels échappant à son
contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une
assistance financière de l'Union à l'État membre concerné. Le président du Conseil informe le
Parlement européen de la décision prise ».
À la différence de l’article 87 (3) (b) CE, cette dérogation, quant à elle, n’avait
jamais servi de fondement juridique à aucune mesure positive ni à aucune proposition
soumise à l’examen du Conseil, il n’existe donc aucune définition de ce que peut constituer
un tel événement exceptionnel113 et si par exemple l’incapacité d’un État d’honorer ses dettes
vu le montant de la dette souveraine ou, plus généralement, un événement à caractère
économique peut être considéré comme un événement exceptionnel.
La technique privilégiée en droit communautaire est donc plutôt de considérer
qu’une perturbation économique qui exige d’assouplir la réglementation des aides d’État ne
réunit pas forcément les conditions pour constituer une perturbation qui exigerait de même
l’assouplissement des politiques budgétaires. Vu que ces conditions ne sont énoncées nulle
part, le Traité ne contenant que des dispositions générales, il relève de l’appréciation
communautaire, premièrement, de définir ces conditions lorsque cela est nécessaire et,

112 L’article 103 TCE, devenu l’article 125 TFUE, alinéa premier : « L'Union ne répond pas des
engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques
ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un État membre, ni ne les prend а sa charge, sans préjudice des
garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique. Un État membre ne répond
pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités
publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un autre État membre, ni ne les prend а sa charge,
sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique ».
L’article 123 TFUE pose également l'interdiction pour la BCE et pour les banques centrales des États membres
d’octroyer des crédits aux États membres sous le niveau de rémunération adéquat. Ces textes visent d’abord à
circonscrire l’aléa moral éventuel, dans l’hypothèse où les États défaillants de la communauté voudraient que
leurs engagements financiers soient pris en charge par d’autres État mieux aptes à honorer leurs engagements.
Une telle prise en charge reviendrait à encourager une mauvaise gestion de l’économie. Donc ici aussi, le
parallélisme avec le droit des aides publiques aux entreprises en difficulté se poursuit. Un autre point où les deux
domaines se croisent est la question de légitimité démocratique de la prise en charge publique des engagements
d’un autre État ou d’une entreprise privée par rapport au manque de contrôle des contribuables nationaux sur ces
dépenses. Ce problème se pose surtout avec beaucoup d’acuité par rapport à la prise en charge des engagements
d’un État défaillant. Le débat public en fournit d’exemples d’actualité liés à la situation de la Grèce, d’Espagne
et dans une moindre mesure du Portugal.
113 Ces remarques proviennent de la réponse écrite de la présidence du Conseil à une question de la
députée européenne Kathy Sinnott en date du 7 mai 2009, disponible sur
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+CRE+20090507+ANN-
01+DOC+XML+V0//FR&query=QUESTION&detail=H-2009-0237 (vu le 10 avril 2010). Le Conseil rappelle
encore qu’en vertu de la déclaration sur l’article 100 du Traité CE annexée au Traité de Nice, « les décisions en
matière d’assistance financière, telles que prévues à l’article 100, et qui sont compatibles avec la règle du "no
bail-out" édictée à l’article 103, doivent être conformes » aux dispositions de l’accord interinstitutionnel sur la
discipline budgétaire et les perspectives financières. L’article 125 TFUE prévaut donc sur l’article 122 TFUE.
43
deuxièmement, de vérifier si ces conditions sont effectivement réunies. Une telle construction
assez pragmatique permet de n’admettre des dérogations qu’au fur et à mesure du nécessaire,
sans ouvrir une vaste parenthèse dans l’application du droit.
Encore faut-il noter que la reconnaissance d’une situation exceptionnelle sous
l’article 100 TCE ne relève pas de la compétence de la Commission comme dans le cas de
l’article 87, mais de la compétence du Conseil qui prend sa décision sur proposition de la
Commission. Cette reconnaissance est donc dans une plus large mesure susceptible de faire
l’objet de pressions politiques.

32. Des limites de l’application de l’article 87 (3) (b) au droit des aides publiques : la
création d’une « exception bancaire »
La Commission définit la crise économique comme une perturbation grave de
l’économie qui entraîne une effondrement de la demande avec des effets néfastes pour
l’ensemble des entreprises, saines ou en difficulté, à court ou à moyen terme. L’article 87 (3)
(b) est seulement applicable quand une mesure nationale est appropriée pour lutter contre
cette perturbation économique. La reconnaissance de l’applicabilité de l’article 87 (3) (b) a
d’abord été sectorielle, c’est-à-dire limitée au secteur bancaire, même si il avait été dit par le
passé qu’une telle dérogation était inadmissible. Or, même au sein du secteur bancaire cette
reconnaissance est soumise à certaines conditions.
La création par la Commission de règles de fond spéciales applicables au secteur
bancaire peut paraître incohérente face à sa position traditionnelle. Même s’il est constant
depuis les années 1970 que le secteur bancaire est en principe soumis au respect des règles de
concurrence114, presque aucune décision concernant le secteur bancaire n’a été adoptée dans
la période avant l’an 1990, ce qui s’explique en partie par la quasi-absence de concurrence au
niveau communautaire dans le secteur bancaire à l’époque. Dans les années 1990, avec une
libéralisation des mouvements des capitaux et une globalisation des activités bancaires115,

114 V. le deuxième Rapport sur la politique de concurrence de 1972, n 50 et 53. La CJCE a posé ce
principe dans un arrêt de 1966, Grundig, aff. C-56 et C-58/64 en considérant que « le Traité, dont le préambule
et le texte visent à supprimer les barrières entre États et qui, en maintes dispositions, fait montre de sévérité à
l’égard de leur réapparition, ne pouvait permettre aux entreprises de recréer de telles barrières ». La Cour
confirmé l’applicabilité des normes du droit de concurrence au secteur bancaire dans un arrêt du 14 juillet 1981,
Züchner c/Bayerische Vereinsbank, aff. 172/80. La Commission considère d’ailleurs que les aides aux
institutions financières sont plus susceptibles d’affecter des échanges intracommunautaires que des aides à
l’économie réelle à cause de la liberté de prestation de services bancaire et le grand nombre de succursales des
institutions bancaires dans d’autres États membres, v. déc. 15 janvier 2002, Crédit Mutuel, considérant 89.
115 Cette globalisation était d’ailleurs liée aux nouveautés de la règlementation européenne visant la
création d’un marché unique des capitaux. Des directives européennes d’harmonisation ont contribué au
décloisonnement des marchés bancaires nationaux (des directives n 89/299 du 17 avril 1989 sur les fonds
44
surviennent des premières crises bancaires à l’échelle communautaire. C’est donc à cette
époque que la Commission formule sa position concernant l’application de l’article 87 aux
crises bancaires. C’est le cas exemplaire de la banque française Crédit Lyonnais qui a
« contraint la Commission à mieux définir sa politique en matière d’aides »116 dans le secteur
bancaire, de façon qu’en l’absence de lignes directrices dans la matière, il a été écrit que des
décisions dans l’affaire du Crédit Lyonnais constituent « des textes ayant valeur des lignes
directrices en matière d’aides au secteur bancaire »117. Il s’agit de préciser dans quelle
mesure les règles en matière d’aides d’État s’appliquaient aux banques. En effet, la
concurrence dans le secteur bancaire n’a pas du tout les mêmes caractères que dans d’autres
secteurs, où la disparition d’une entreprise sera bénéfique pour ses concurrents, tandis que
dans le secteur bancaire, la défaillance d’une banque aura des retentissements négatifs sur le
fonctionnement d’autres banque. Dans ses décisions des années 1990, la Commission insiste
sur la thèse qu’aucune distinction de principe ne doit s’opérer entre des institutions
financières et des entreprises d’autres secteurs : une “exception bancaire” est
systématiquement rejetée. Le fait qu’il s’agit d’une banque est retenu par la Commission,
mais il est intégré dans son raisonnement dans un sens inverse à ce qu’on pourrait attendre :
« la Commission ne nie jamais les particularités du secteur bancaire, mais [...] elle considère
que ces mêmes particularités ont pour conséquence d’augmenter le niveau de distorsion par
des aides et donc de rendre plus important une application stricte des règles de concurrence
»118. Ainsi, des fonctionnaires de la Commission écrivent dans un article datant de l’an 2000 à
propos des lignes directrices au sauvetage et à la restructuration que « ces lignes directrices,
conçues par la Commission à partir de son expérience en matière de grandes opérations de
restructuration industrielle, se sont [...] avérées adaptées au traitement d’une grave crise
bancaire »119. La Commission estime dans le contexte de l’affaire Crédit Lyonnais qu’il est

propres des établissements de crédit, n 89/647 du 18 décembre 1989 sur un ratio de solvabilité pour les
établissements de crédit, et n 89/646 du 15 décembre 1989 (« deuxième directive de coordination »)).
116 Nicola PESARESI, Cristophe DE LA ROCHEFORDIÈRE, « Crises bancaires : un bilan de
l’application des règles de concurrence en matière d’aides d’État. Leçons de la crise du Crédit Lyonnais »,
Competition Policy Newsletter, 3, octobre 2000, p. 14.
117 Ibid. Il s’agit des décisions de la Commission du 1995 (publiée au JO L 308 du 21.12.1995) et du 20
mai 1998, publiée au JO L 221 du 8.8.1998, pp. 28-80, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:1998:221:0028:0080:FR:PDF (vu le 10 avril 2010).
118 Ibid., p. 19. Il est précisé que la Commission entend par ces “particularités” l’interdépendance des
institutions du secteur, aussi bien que l’importance de la confiance dans la solidité du secteur pour son bien-être,
ces particularités impliquant en cas de défaillance d’une institution du secteur le risque de survenance d’une
crise systémique qui rendrait une intervention publique nécessaire et presque inévitable au cas d’une crise
bancaire.
119 Nicola PESARESI, Cristophe DE LA ROCHEFORDIÈRE, « Crises bancaires : un bilan de
l’application des règles de concurrence en matière d’aides d’État. Leçons de la crise du Crédit Lyonnais »,
Competition Policy Newsletter, 3, octobre 2000, p. 12-26. V. encore la communication de la Commission du 20
45
hors question de déroger au droit commun en créant un encadrement spécifique applicable au
secteur bancaire et que, serait-il introduit, cet encadrement « pourrait même être nuisible au
maintien de la discipline d’aides dans ce secteur »120.
Or, dans le contexte de la crise financière actuelle, la Commission estime que des
spécificités du secteur bancaire, plus précisément la menace d’effets de contagion121, justifient
un traitement spécial du secteur. Il est considéré que l’application de l’article 87 (3) (b) ne
saurait être étendue à d’autres secteurs où un risque comparable de répercussion immédiate
sur l’économie d’un État membre dans son ensemble n’existe pas. Notons pourtant que cette
rupture par rapport à la position exprimée par la Commission dans des cas tels que Crédit
Lyonnais ou GAN n’est pas de principe mais de degré. La Commission ne renonce pas à son
idée de base qu’une institution financière, tout comme une entreprise d’économie réelle, peut
en principe faire faillite et aucune norme de droit ne s’oppose à une telle possibilité. Une
liquidation contrôlée d’une institution financière européenne a en effet eu lieu dans la crise122.
Malgré la création d’une norme exclusivement applicable au secteur bancaire, certains
continuent d’ailleurs à considérer que « le droit communautaire ne connaît pas d’exception
bancaire mais le secteur bancaire a permis d’employer tous les instruments généraux prévus
par le Traité »123. La communication du 13 octobre n’est dans cette logique qu’une simple
adaptation du régime des aides prévu par le Traité à une situation sans précédent qui cause
une perturbation de l’économie des États européens.

33. Une reconnaissance limitée par le type de bénéficiaire


Le caractère restrictif de la norme choisie comme base juridique fait que la

avril 2004 consacrant la même position, « Une politique de concurrence proactive pour une Europe
compétitive » (COM(2004)293).
120 Ibid. p. 26. D’ailleurs la Commission n’est pas la seule à considérer que le secteur bancaire méritait
dans cette situation un traitement particulier. La position de l’Office of Fair Trading britannique est également
que le fait que des banques sont fondamentalement différentes d’autres entreprises, peuvent exceptionnellement
justifier des interventions. Des banques forment ainsi des « relais » entre l’État et l’économie réelle : on
considère que le support adressé par les États aux banques sera utilisé par celles-ci en faveur de l’économie
réelle, et que le soutien des banques implique un soutien, quoique indirect, de l’économie réelle. Des
propositions de créer des règles de concurrence à part prenant en compte des spécificités du secteur bancaire ont
été faites aussi au sein de l’OCDE, v. « Competition and Financial Crisis » (2009).
121 La nature de ces effets de contagion est double, comme le notent M. Andrea AMELIO et M. Georges
SIOTIS dans leur article « Applying EU competition rules during testing times : some issues », Concurrences, n
2, 2009, p. 3-8 : d’abord, purement économique, par des liens financiers interbancaires, ensuite, liée à l’éclairage
des événements d’actualité qui peuvent provoquer une panique bancaire.
122 S’agissant de la banque danoise Roskilde, cas NN 36/2008, JO 2008 C238, p. 5. Le droit
communautaire permet pourtant l’octroi d’aides publiques à la liquidation visant à protéger des intérêts des
créanciers de la banque afin d’éviter une situation d’insécurité comparable à celle du cas Lehman Brothers.
123 Telle est l’opinion de David BLACHE, La régulation des banques de l’Union européenne face à la
crise, Revue Banque Édition, Paris, 2009, p. 198.
46
reconnaissance de l’exception est soumise à des conditions rigoureuses. La Commission
explique que la dérogation doit être appliqué de façon restrictive en ce sens que l’aide ne doit
pas profiter à une seule entreprise ou aux entreprises d’un seul secteur, elle doit plutôt être
destinée à remédier à une perturbation de l’ensemble de l’économie d’un État membre124.
Cela n’implique pas quand même que l’aide doit être destinée à l’ensemble des entreprises du
secteur, elle doit plutôt bénéficier à celles dont le sauvetage permet d’éviter une aggravation
ultérieure de la situation économique et d’écarter un risque immédiat pour l’ensemble de
l’économie de l’État membre. En théorie, les aides à d’autres entreprises sont soumises aux
règles relatives aux aides au sauvetage et à la restructuration. Cette distinction reste pourtant
théorique, toutes les aides autorisées dans la crise étant en fait adoptées sur le fondement de
l’article 87 (3) (b).

34. Une reconnaissance limitée par la forme de l’aide


La Commission prévoit des garde-fous supplémentaires applicables à certaines
formes d’aides. Ainsi, la particularité des mesures de recapitalisation, très souvent appliquées
aux banques, consiste en ce que des aides accordées sous forme de recapitalisation sont
accordées à certaines institutions financières bénéficiaires, les autres institutions du secteur
financier national étant exclues du bénéfice de ce soutien. Cette particularité est susceptible
d'engendrer des distorsions de concurrence entre des bénéficiaires du régime et ceux qui n’en
bénéficient pas. Or, la recapitalisation n'est pas une aide à titre gratuit: pour que l'aide soit
valide, il est nécessaire que soit posé par l'Etat un prix à payer par l'entreprise en contrepartie
de l'aide. Il a fallu à la Commission dans sa communication du 5 décembre 2008 de préciser la
notion de « prix raisonnable » permettant d'éviter des distorsions extrêmes de la concurrence
en faveur des institutions bénéficiaires. La Commission pose quand même le principe
d'évaluation au cas par cas125. Dans le cas des régimes de garanties, même si la Commission
autorise en principe des régimes de garantie nationaux, elle impose des restrictions relatives
aux institutions éligibles et aux dettes qui peuvent être couvertes. Doivent seules être éligibles
les institutions ayant un rôle important dans le système bancaire national aussi bien que dans
l’économie globale, le critère concret d’éligibilité doit pourtant être défini par l’État. En ce
qui concerne l’éligibilité des dettes, ne peuvent pas être couvertes que des dettes dont la

124 Le principe est posé dans le point 11 de la communication du 13 octobre 2008. Pour une application
en jurisprudence v., à titre d’ exemple, la décision 2009/341/CE de la Commission dans l’aff. C 9/08, Sachsen
LB, point 94 (JO L 104/34 du 24.4.2009).
125 V. plus précisément le point 23 des lignes directrices du 5 décembre 2008
47
couverture est nécessaire pour faire face à la crise126. Dans cette logique, d’autres dettes ne
sont pas concernées par la perturbation grave d’économie, comme pour elles, un risque
systémique comparable n’existe pas. Même pour les dettes concernées, les garanties sont
limitées temporellement au minimum nécessaire, c’est-à-dire jusqu’à ce que la crise le
justifie, et il est instaurée une obligation à la charge des États de présenter à la Commission
tous les six mois un rapport relatif aux aides existantes dans l’État en démontrant l’existence
de nécessité de prolongation de l’aide.
Enfin, l’interprétation restrictive de l’article 87 (3) (b) implique le caractère
strictement temporaire des dispositifs dérogatoires prévus par la Commission. Ainsi, le cadre
temporaire en faveur de l’économie réelle du 17 décembre 2008 ne sera applicable après le
31 décembre 2010.

Section 2. L’extension de la reconnaissance d’une perturbation grave de


l’économie
35. La Commission étend le champ matériel d’application de la dérogation, aussi
bien au sein du secteur bancaire, principalement touché par la crise, qu’en dehors du secteur
bancaire, dans le domaine de l’économie réelle. Cette extension permet un certain
assouplissement dans le contrôle communautaire.

36. L’extension au sein du secteur bancaire : interaction entre la norme


dérogatoire et la norme généralement applicable
La publication de la communication du 13 octobre 2008 régissant l'octroi des aides
d'Etat dans la crise financière ne rend pas inapplicables les lignes directrices relatives aux
aides au sauvetage et à la restructuration. Ainsi, le plan allemand de restructuration d'IKB est
approuvé après évaluation à la lumière des lignes directrices de 2004. Le choix de la norme
applicable dépend essentiellement de la situation économique du bénéficiaire. La distinction
de principe est celle entre les institutions fondamentalement saines et autres.

126 V. la commission du 13 octobre qui énonce des conditions d’admissibilité de régimes de garantie.
Sont généralement admises des garanties recouvrant des dépôts bancaires des particuliers, mais également
certains dépôts interbancaires ou instruments de créance à court ou moyen terme lorsque ceux-ci ne sont pas
garantis de manière adéquate par d’autres instruments. En général, la Commission contrôle implicitement
l’objectif de la garantie : celle-ci doit bénéficier aux tiers comme des créanciers et non pas aux actionnaires ni
aux dirigeants de l’institution défaillante. Cela exclut une couverture systématique du passif de la banque.
Les mêmes catégories de dettes peuvent être couvertes dans le contexte d’une liquidation contrôlée.
48
37. Aides aux institutions fondamentalement saines et autres : distinction
binaire fondamentale
La communication du 13 octobre 2008 régit l'ensemble d'aides dans la crise
financière : d'une part, aux entreprises saines, d’autre part, à celles en difficulté. Le critère de
distinction est celui de la genèse des difficultés rencontrées par l’entreprise : les entreprises
fondamentalement saines sont celles dont les problèmes ont un caractère exogène, tandis que
les entreprises en difficulté souffrent de problèmes endogènes127. Cette distinction peut
paraître un peu vague ou artificielle dans la crise, où chaque agent économique doit
nécessairement faire face aux difficultés. Or, cette distinction a une importance, car si les
aides aux entreprises saines étaient prohibées par des communications antérieures, les aides
aux entreprises en difficulté étaient régies par des lignes directrices au sauvetage et à la
restructuration des entreprises en difficulté128. La Commission n'est pas claire sur l'articulation
de ces deux dispositifs. D’une part, pour des aides aux entreprises en difficulté, les anciennes
lignes directrices restent toujours applicables, mais des interventions plus profondes seront
approuvées sur le fondement de la dérogation de l'article 87 (3) (b) CE. Il faudra encore, pour
que la Commission approuve le recours à l' article 87 (3) (b) CE, concernant le secteur
financier, qu'il existe des circonstances réellement exceptionnelles et que le fonctionnement
global des marchés financiers soit menacé (point 11 de la communication). Pour d'autres
secteurs de l'économie, il faudra, pour appliquer l'article 87 (3) (b) CE, qu'il existe un risque
comparable «de répercussions immédiates pour l'économie d'un État membre dans son
ensemble». Si la Commission décide dans un cas soumis à son appréciation que les
circonstances du moment ne justifient pas d'autoriser des mesures exceptionnelles, elle
appréciera les aides à la lumière des lignes directrices régissant les aides au sauvetage et à la
restructuration des entreprises en difficulté. La Communication de 13 octobre 2008 énonce
que sont des mesures exceptionnelles « des interventions structurelles d'urgence, la protection
des droits des tiers comme les créanciers, ou encore des mesures susceptibles d'excéder la
durée de six mois »129. La Commission ne reconnait donc pas de circonstances
exceptionnelles de portée générale et elle apprécie la présence de circonstances

127 La même distinction est d’ailleurs régulièrement opérée dans la crise par l’Autorité Antitrust
américaine non seulement par rapport aux institutions financières, mais plus généralement par rapport à toutes
les entreprises présentes sur le marché. Notons que la Commission permet aux États membres de poser dans
leurs régimes nationaux des critères compatibles avec le droit communautaire mais issus du droit national. Le
régime français, approuvé par la décision de la Commission du 30 octobre 2008, opère une distinction entre des
institutions saines pouvant bénéficier du régime et celles en difficulté sur le fondement des exigences en fonds
propres telles que définies par le code monétaire et financier (v. point 68 de la décision du 30 octobre 2008).
128 JO C 244 du 1 octobre 2004, p. 2
129 V. point 10 de la communication du 13 octobre 2008.
49
exceptionnelles au cas par cas selon des critères qu'elle définit130. Si pour des entreprises
saines, une aide publique ne doit pas être accompagnée d’un plan de restructuration, la
présentation de celui-ci est indispensable pour des institutions en difficulté et le plan doit
assurer la viabilité du bénéficiaire au long terme131.
Ce critère se recoupe avec un autre, celui de l’importance systémique de
l’institution, sans que les deux soient identiques. La situation d’une institution dépourvue de
caractère systémique devra en principe être appréciée à la lumière des lignes directrices
relatives au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté132.
La distinction entre des entreprises fondamentalement saines et des entreprises en
difficulté non viables est motivée par un effort pédagogique de la Commission. L’aide aux
entreprises saines n’a pour objectif que de remédier aux dysfonctionnements du marché, c’est
une aide proportionnelle aux circonstances exceptionnelles de la crise, suffisante pour sauver
l’entreprise. Cette aide n’est pas susceptible d’entraîner un aléa moral excessif. Au contraire,
l’aide aux entreprises en difficulté n’est pas, selon la Commission, liée au dysfonctionnement
du marché, mais au dysfonctionnement de l’entreprise et à son comportement excessivement
risqué. Cette aide, si elle est économiquement indispensable, comporte un volet punitif : il
sera appliqué des instruments juridiques aptes à démontrer que le comportement risqué aura
des conséquences pour le « coupable ». Cette différence de traitement est également expliquée
par la Commission par la différence des effets quant aux distorsions de concurrence que sont
susceptibles d’entraîner ces deux catégories d’aides. À l’encontre des banques en difficulté
bénéficiaires des régimes de garantie pourront ainsi être introduites des restrictions
comportementales, comme des restrictions des prix pratiqués ou des limitations de croissance
du bilan. Il est également exigé de manière systématique que le secteur privé apporte une
contribution significative au coût de la garantie133.
La Commission prévoit dans ses communications des listes non limitatives des
restrictions comportementales envisageables, dont des cessions d’actifs, des limitations de

130 Les critères n’étant pas suffisamment explicites, il existe un risque que l’appréciation se fasse en
fonction des considérations politiques de la Commission.
131 La Commission considère que « le soutien public accordé aux banques en difficulté génère un risque
de distorsion de concurrence plus élevé et doit donc s’accompagner de garde-fous plus stricts et de
restructurations en profondeur ». Le plan de restructuration ou de liquidation est à présenter dans les six mois
après l’opération de sauvetage.
132 De façon plus informelle, est également recevable l’argument tiré de l’absence de faute de direction
de l’institution si les difficultés de celle-ci sont dues à l’effondrement d’autres institutions. Il convient de citer
l’exemple de la banque allemande HRE qui, n’étant pas une banque de dépôt, a souffert de la crise de confiance
survenue sur le marché interbancaire.
133 Selon le texte de la Communication, « les frais liés à l’octroi de la garantie doivent se rapprocher
d’un niveau pouvant être considéré comme un prix de marché, même si la détermination d’un tel prix est un
exercice difficile ».
50
croissance etc. Le choix des restrictions à appliquer dans chaque cas sera déterminé par la
forme d’aides (il doit y avoir une corrélation directe entre le montant de l’aide versé et la
hauteur des contreparties et une corrélation inverse entre le montant des contreparties et la
contribution déjà apportée par le secteur privé) et le rôle systémique de la banque. Si ces
contreparties sont variables, d’autres s’imposent obligatoirement, comme l’interdiction de
recourir aux stratégies commerciales agressives pendant la période de la restructuration. Il est
également prévu que des institutions saines pourront rémunérer des recapitalisations
publiques dont elles bénéficient à un taux inférieur au prix du marché.

38. Institutions fondamentalement saines et autres : distinction atténuée


La distinction posée par la Commission est difficilement applicable à la réalité où
chaque institution financière subit des pertes causées par plusieurs raisons différentes, dont,
pour la plupart d’entre elles, certains défauts de stratégie commerciale, par exemple, un
comportement commercial risqué. La crise entraîne encore une aggravation de la situation
économique de certaines institutions qui étaient d’abord qualifiées comme saines. Ainsi, dans
l’affaire de la Commerzbank, la Commission est obligée d’exiger, à l’issue de la période de
six mois à partir du moment de l’octroi de l’aide, la présentation du plan de restructuration de
la Commerzbank, banque pourtant qualifiée auparavant comme saine, mais dont la situation
c’est aggravée après le versement de l’aide d’État.
Dans cette situation, l’opposition binaire proposée dans la Communication du 13
octobre 2008 peut à peine être maintenue, à risque de retenir des solutions insuffisamment
motivées. Sans renoncer au principe de cette opposition, la Commission va donc y apporter
par la suite des atténuations qui, sans vider le principe de son sens, permettent de l’appliquer
d’une manière mieux motivée et plus justifiée. La Commission propose dans la
communication du 5 décembre 2008 relative aux recapitalisations un mécanisme d’étalonnage
de la tarification des mesures de recapitalisation en faveur des institutions financières fondé
sur des recommandations du Conseil des gouverneurs de la BCE. Il s’agit d’un faisceau
d’indices qui prend en compte la situation économique de l’établissement, son profil de
risque, la part des actifs dépréciés dans son capital, son niveau de solvabilité, le niveau de
garde-fous accompagnant la recapitalisation aussi bien que d’autres critères objectifs
pertinents permettant de retenir des solutions taillées à la mesure de chaque institution
concrète concernée. L’annexe 1 à la communication du 5 décembre 2008 précise la
signification concrète de ces critères et livre un ensemble d’instruments permettant de
« classer » les institutions financières. En fonction de ses critères multiples, une « prime de
51
risque » plus ou moins élevée est ajoutée au taux de base fixé pour des recapitalisations.
Ainsi, si la Commission exige en principe que le prix de la participation publique dans le
contexte d’une recapitalisation publique soit suffisamment élevé, la hauteur de ce prix peut
varier largement dans des cas de différentes institutions concernées. La Commission déclare
qu’elle entend évaluer le taux de rémunération au cas par cas en prenant en compte des
conditions susmentionnées. Si pour certaines institutions, l’objectif n’est que de les inciter de
remplacer le capital public par le capital privé une fois la crise passée, pour d’autres,
s’ajoutent des considérations plus « punitives »134.

39. Les effets produits par l’atténuation de la distinction : l’exemple de


l’encadrement des restructurations
Au vu des changements intervenus, la Commission, sans abandonner son contrôle
matériellement, doit faire porter son contrôle sur des aspects plus pertinents dans la situation
qui se présente. Elle adapte ainsi par la communication du 23 juillet 2009 des conditions
d’octroi des aides à la restructuration au contexte de la crise. Il s’agit d’une suspension des
conditions d’octroi d’aides à la restructuration telles qu’énoncées dans les lignes directrices
concernant les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté fondées
sur l’article 87 (3) (c). Il s’agit depuis d’appliquer le principe de « stress testing » aux plans de
restructuration135. Ce test est introduit en tant que précaution utile dans la situation actuelle
mais qui deviendra forcément excessive une fois les marchés stabilisés. La norme antérieure
est écartée et ne s’appliquera à aucun cas dans le secteur financier avant la fin de l’année
2010. Cette solution constitue un changement peu remarqué de la politique de la
Commission : à partir de ce moment, ce ne sont pas les deux fondements juridiques de
l’article 87 (3) (b) (perturbation grave de l’économie) et 87 (3) (c) (aides aux entreprises en
difficulté) qui sont appliqués en fonction de la qualité du bénéficiaire (entreprise saine ou
non), mais, pour les restructurations bancaires, seul l’article 87 (3) (b) est envisageable. La
norme dérogatoire d’exception applicable à une perturbation grave de l’économie devient
ainsi pour des restructurations bancaires une norme de principe. Par ailleurs, la durée

134 Il convient de noter que ce mécanisme est assez original. Par exemple, le système prévu aux États-
Unis pour des garanties publiques est très différent : la Temporary Liquidity Guarantee Program opte en faveur
d’un taux unique, le montant de la rémunération ne varie qu’en fonction de la durée de la garantie et de la
maturité de la dette couverte (v. Temporary Liquidity Guarantee Program, Final Rule, Federal Register, Vol. 73,
No. 229, 26 novembre 2008, 72251 et s.). Il est possible que l’efficacité économique du système communautaire
est inférieure à court terme à celle du système américain, celui-ci étant plus favorable aux institutions qui doivent
faire face à des difficultés économiques.
135 Il s’agit plus concrètement de présenter un plan de restructuration aussi bien pour un scénario de base
que pour un stress scenario présumant l’aggravation éventuelle de la crise.
52
maximale des mesures de restructuration à été étendue de trois à cinq ans.136 Or il se dresse la
question si cette mise à l’écart des dispositions de l’article 87 (3) (b) ne constitue pas
d’atteinte excessive de la part de la Commission au principe de la sécurité juridique. En effet,
la communication du 5 décembre 2008 relative aux recapitalisations prévoit que les plans de
restructuration doivent être présentés à la Commission conformément aux principes énoncés
dans les lignes directrices concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des
entreprises en difficulté137.

40. L’application de la reconnaissance d’une perturbation grave de l’économie


à l’économie réelle
La Communication du 13 octobre 2008 explique que la reconnaissance d’une
perturbation grave de l’économie exige d’abord que la crise atteigne un certain seuil de
gravité et ensuite qu’il existe des risques de répercussions sur l’économie globale. Si la
gravité de la crise est appréciée de manière systémique, la Commission ne considère pas
qu’un risque comparable de répercussions est présent pour l’économie réelle, celle-ci
n’apportant donc pas de justification adéquate pour l’intervention publique. Cette réticence de
reconnaître la présence d’une perturbation grave économique au profit de l’économie réelle a
aussi un autre motif, les aides aux opérateurs d’économie réelle étant susceptibles d’entraîner
plus de conséquences néfastes à l’égard de la concurrence. Si un sauvetage bancaire est en
dernière analyse bénéfique pour l’ensemble du secteur, la même chose ne vaut pas du tout
pour l’économie réelle.

41. Le cadre temporaire en faveur de l’économie réelle


Le cadre temporaire dotant les États membres d’une possibilité supplémentaire de
lutter contre les effets du resserrement du crédit sur l'économie réelle du 17 décembre 2008138
a lui aussi été adopté sur le fondement de la dérogation prévue à l'article 87 (3) (b) et a pour
objectif de mettre à la disposition des États des outils supplémentaires d'aide aux entreprises
d'économie réelle. La Commission reconnaît qu’un risque d’incidences sur l’économie d’un
État dans son ensemble existe dans le cas de défaillance d’une entreprise d’économie réelle,
hypothèse que était rejetée auparavant, v. supra. Le recours à l’article 87 (3) (b) est donc

136 Par la communication du 23 juillet 2009. Les mesures englobées comprennent, parmi d’autres, les
liquidations, le réexamen de modèle commercial, les absorptions et le traitement des actifs dépréciés.
137 V. le point 43 de la communication du 5 décembre 2008, préc.
138 Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement
dans le contexte de la crise économique et financière actuelle du 17 février 2008, JO C16 du 22 janvier 2009, pp.
1-9, v. aussi JO du 7 avril 2009 n C 83 p. 1.
53
justifié. Il applique à l’économie réelle la même distinction, déjà vue dans le secteur bancaire,
entre entreprises ayant des difficultés endogènes et des entreprises souffrant de difficultés en
principe exogènes, entreprises saines dans la terminologie de la Commission. Elle constate
que ces dernières commencent à éprouver des difficultés à cause du resserrement de crédit, ce
qui justifie selon l’argumentation de la Commission l’application de l’article 87 (3) (b) à
l’économie réelle. L’argumentation est donc plus ou moins la même dans le cas du secteur
bancaire et de l’économie réelle139.

42. Les assouplissements introduits par le cadre temporaire


Le cadre temporaire autorise des garanties aux conditions plus favorables, des taux
d’intérêt bonifiés, des mesures de capital-investissement. Sont encore dispensées de
l’obligation de notification les subventions d'un montant inférieur à 500 000 euros, contre 200
000 euros avant la crise. La Commission applique traditionnellement le seuil « de minimis »
pour autoriser des aides aux PME peu susceptibles d’avoir un effet de distorsion sur la
concurrence. Par application de la règle « de minimis » sont exonérés de notification et donc
compatibles de plein droit avec le marché commun les aides dont le montant n’excède pas
200 000 euros, selon le règlement (CE) 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006
concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides « de minimis ». Le faible
montant de cette aide la vide largement d’intérêt pour des bénéficiaires autres que les PME.
Or, dans le contexte de la crise, la Commission use de ce standard en augmentant
considérablement les montant de l’aide dispensée de notification par l’État, notamment de
200 000 à 500 000 euros.
Toujours dans le cas des PME, la Commission prévoit avant la crise dans ces lignes
directrices relatives au capital-investissement une possibilité d’apport de l’État en capital-
investissement du montant maximal de 1,5 millions d’euros par PME par période de 12 mois.
Dans la communication du 17 décembre 2008, la Commission relève ce montant limite
jusqu’à 2,5 millions euros. Ces retouches ponctuelles peuvent paraître insignifiantes, mais
elles permettent de relaxer le contrôle des interventions peu préjudiciables à la concurrence
sans abandonner les règles fondamentales forgées par ce contrôle. La participation nécessaire
de l'investisseur privé est réduite de 50 pour cent à 30 pour cent. En appliquant in abstracto le

139 « Ces difficultés risquent de porter préjudice non seulement aux entreprises fragiles dépourvues de
marges de solvabilité, mais aussi aux entreprises saines qui devront faire face à une soudaine pénurie du crédit,
voire а son indisponibilité », ibid., p. 2. La Commission considère que ce constat est « particulièrement vrai pour
les petites et moyennes entreprises («PME») », c’est donc à elles que s’adresse en premier lieu le nouveau
dispositif.
54
balancing test, la Commission considère que la distorsion de concurrence résultant de ces
interventions est compensée par les effets positifs de ces interventions sur le marché commun,
à savoir un accès facilité au financement, surtout pour des PMEs. En vertu de ce dispositif, les
États sont tenus de notifier les régimes et non pas les aides individuelles accordées aux agents
économiques. Ces dispositions sont seulement applicables aux entreprises saines140. Des
institutions financières et des entreprises d'économie réelle sont ainsi traitées de manière
inégale: peuvent bénéficier d’aides toutes les institutions financières, mais uniquement les
entreprises d'économie réelle n'ayant éprouvé de difficultés financières avant le 1er juillet
2008. Sont éligibles des entreprises qui sont en difficulté, mais qui pourront justifier de leur
santé économique à la date du 1 juillet 2008, toute difficulté postérieure étant dans cette
analyse rattachable aux circonstances de crise.
Si un cadre à part a été créé pour des institutions financières, il n'a pas été prévu de
dispositif communautaire spécifique pour le secteur automobile. Pourtant, la situation dans le
secteur pose de très graves problèmes : elle est très débattue aux États-Unis et, au sein de
l'Union, en Allemagne et en France. L'explication fournie par la Commissaire à la
concurrence est que la Commission ne doit pas « perdre de vue le fait qu’il existait déjà des
surcapacités dans ce secteur avant la crise, et que les constructeurs européens devront de
toute façon procéder à des restructurations s'ils veulent être compétitifs sur les marchés
mondiaux »141. Le secteur bancaire bénéficie donc d'un soutien privilégié. En ce qui concerne
le secteur automobile, au contraire, les gouvernements sont incités à solliciter des moyens
auprès du Fonds social européen et du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation142, en
raison de l'importance du secteur en matière d'emplois. La Commission veut ainsi garder
l’approche adoptée dans son Plan d’action dans le domaine des aides d’État et s’écarte de
l’approche purement sectorielle de traitement des marchés vers une approche plus horizontale,
au moins au sein de l’économie réelle, c’est-à-dire de l’ensemble d’entreprises industrielles et
commerciales.

140 Sont des entreprises saines celles qui ne remplissent pas des critères définissant une entreprise en
difficulté, telle que définie dans les lignes directrices au sauvetage et à la restructuration des entreprises en
difficulté, point 2.1. La définition d’entreprise en difficulté n’est pas la même pour les PME, elle se trouve à
l’article 1 (7) du Règlement général d’exemption par catégorie n 800/2008 du 6 août 2008.
141 MEMO09/50.
142 IP/09/318 et MEMO09/83.
55
Titre 2. Procédure permettant la concurrence de solutions nationales

43. Le nombre de mesures adoptées par les États membres de l’Union européenne dans le
contexte de la crise économique et financière, qualifiées d’aide publique mais approuvées par
la Commission sur le fondement de l’article 87 (3) (b) du Traité CE se rapprochait en automne
2009 de 70 mesures pour le secteur bancaire et de 58 pour l’économie réelle, 9 mesures étant
en cours d’examen143. Ces aides se repartissent en deux catégories dont la première est
constituée d’interventions ad hoc en faveur des institutions financières précises, tandis que la
deuxième englobe des régimes généraux applicables à l’ensemble d’institutions financières ou
d’entreprises de l’économie nationale 144. À la date du 13 octobre 2009, la Commission avait
enregistré 41 intervention ad hoc et 87 régimes généraux, dont toutes les aides d’État au profit
de l’économie réelle. L’article 87 (3) (b) n’est pas utilisé comme base juridique pour des aides
individuelles aux entreprises industrielles et commerciales. Il existe des différences
considérables dans l’organisation des mesures, ad hoc ou générales, au niveau des droits
nationaux. En effet, les communications de la Commission sont parfois volontairement
imprécises. Cela donne une certaine liberté aux États dans l’élaboration des régimes
nationaux mais laisse en même temps une liberté à la Commission quand elle apprécie les
régimes soumis à son contrôle. Malgré le caractère assez extensif du contrôle communautaire
d’aides publiques (Chapitre 1), il reste une marge de manœuvre assez considérable au profit
des États qui sont libres à organiser le sauvetage de leurs entreprises dans des conditions
juridiquement et économiquement adaptées à la situation nationale (Chapitre 2).

143 Information tirée du rapport de la Commission, v. MEMO/09/446 du 13 octobre 2009, State aid:
Overview of national measures adopted as a response to the financial/economic crisis, disponible en version
anglaise à
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/09/446&format=HTML&aged=0&language=
EN&guiLanguage=en (vu le 10 avril 2010). Les données englobent la période de 2008 et 2009. Le nombre de
mesures notifiées après cette date est insignifiant, il s’agit pour la plupart des cas de notifications de prolongation
de régimes déjà existants.
144 En effet, déjà début octobre 2008 les Etats commencent à établir des régimes d'aides portant sur des
mesures structurelles et d’une durée excédant les six mois habituels pour les aides au sauvetage. Nous rappelons
que ces régimes sont soumis à une procédure de contrôle simplifiée, celle de notification par régime. Une fois le
régime national approuvé par la Commission, il n'est plus nécessaire de notifier l'aide octroyée à chaque
entreprise.
Chapitre 1. Contrôle communautaire, moyen d’uniformisation des aides
publiques

Exceptio est strictissimae interpretationis


Adage du droit romain

44. Les régimes généraux et les aides ad hoc susceptibles de comporter un élément d’aide
d’État sont notifiés par l’État et soumis au contrôle de la Commission. Il est commenté que,
face à l’exigence de sauvetage de l’économie, des solutions trouvées après consultations avec
les Etats membres « eussent été tout simplement inenvisageables il y a quelques mois »145. Il
convient pourtant de relativiser cette position en étudiant l’interprétation que donne la
Commission aux critères sur lesquels repose son contrôle d’aides publiques dans le contexte
de la crise économique et financière. Nous analyserons des assouplissements intervenus dans
l’interprétation de ces critères aussi bien que leur application à des situations très différentes
nationales et individuelles qui exigent pourtant un traitement uniforme. Il convient de
distinguer deux catégories de critères : si le contrôle communautaire porte principalement sur
des critères forgés par le droit communautaire de la concurrence (Section 1), il peut porter
accessoirement sur d’autres critères du droit communautaire exogènes en principe au droit de
la concurrence (Section 2).

Section 1. Contrôle de conformité en droit de la concurrence


45. L’article 88 Traité CE pose une obligation de notification du projet de l’aide nouvelle
à la charge de l’État. Une fois la mesure nationale notifiée à la Commission, le projet peut s’il
en est besoin faire objet d’échanges entre la Commission et les autorités nationales, la
Commission pouvant à tout moment de la procédure demander des informations
supplémentaires nécessaires pour qu’elle puisse prendre une décision définitive. La démarche
d’appréciation entreprise par la Commission est à plusieurs étapes : il doit être apprécié
d’abord si la mesure en question contient des éléments d’aide d’État. Dans un deuxième
temps, si la Commission conclut à la présence d’aide, il est apprécié si la mesure en question
peut être reconnue compatible avec le marché commun sur le fondement d’une dérogation

145 Nathalie JALABERT-DOURY, Laurent NOUVEL, Delphine LE MAREC, Anne TERCINET et


Pauline LE MORE, Chronique – Politique de Concurrence, Revue de Droit des Affaires Internationales, n 5,
2008, p. 363.
57
prévue par le Traité, plus précisément de la dérogation de l’article 87 (3) (b) dans les cas liés
au contexte de la crise.

46. L’application du test classique de l’investisseur privé en économie de marché


La Commission apprécie d'abord l'existence de l'aide au sens de l'article 87 (1) CE.
L’application des critères de sélectivité, de présence d’un avantage économique affectant des
échanges intracommunautaires et d’origine publique de l’aide146 ne présentant pas
d’originalité particulière, nous nous intéresserons à l’application faite du test d'investisseur
privé en économie de marché. Selon la clarification apportée par le juge communautaire de
première instance dans les arrêts WestLB et Alpha Romeo la Commission vérifie par
application de ce test si l’intervention de l’autorité publique est de caractère économique ou si
l’autorité agit en tant que puissance publique, c’est-à-dire si un investisseur privé aurait dans
de pareilles circonstances intervenu de la même façon et sur le mêmes conditions que l'État
l’a fait147. Si le fait pour un État d’avoir par rapport à une entreprise des intérêts d’ordre
patrimonial n’est pas critiquable en soi pour le droit communautaire, est critiquée la confusion
des rôles de l’État actionnaire et de l’État puissance publique. Un soutien accordé aux
conditions de marché n’est pas constitutif d’aide d’État. Ce critère s’applique aux prises de
participation, à l’octroi des garanties et des prêts, aux cessions de créances, aux opérations
d’achat ou de vente de biens. En vertu de la jurisprudence, doit être prise en compte par la
Commission, lorsqu’elle applique ce test, la rentabilité économique de l’opération à long
terme148. Si le critère est en soi classique, l’application qui en est faite est pourtant fortement
influencée par les circonstances que présente la crise. En théorie, la situation de crise
économique devrait mener à rendre plus stricte l’application du test d’investisseur privé: si

146 Ces quatre critères cumulatifs permettent de qualifier une mesure comme aide publique et leur
contenu est bien précisé par la jurisprudence du TPICE et de la CJCE, v. un rappel introductif supra, paragraphe
8.
147 CJCE 21 mars 1991, Italie c/ Commission, « Alpha Romeo », aff. C-305/89, Rec. I-1603, point 20, et
TPICE 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale, aff. T-228 et T-233/99 (la Commission doit « faire
une analyse complète de tous les éléments pertinents de l'opération litigieuse et de son contexte » pour décider si
le comportement de l’autorité publique correspond à celui d’un investisseur privé, plus précisément d’un grand
groupe privé »). V. également sur des évolutions récentes dans l’application du test d’investisseur privé
Sébastien MARTIN, « Contrôle communautaire des aides d'État : la recherche de la coopération avec les États
membres », JCP A, n°45, 2009, 2257, et sur des aspects généraux Jean-Paul KEPPENNE, Guide des aides d’État
en droit communautaire, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 44 et s. V. aussi pour une analyse complète Ludger
GIESBERTS, Thilo STREIT, « Anforderungen an den "Private Investor Test" im Beihilfenrecht » (« Les
exigences au test de l’investisseur privé dans le droit des aides publiques »), EuZW, 2009, n 14, p. 484 et s. Ce
test s’applique d’ailleurs de manière égale aux entreprises saines et celles en difficulté.
148 V. une application récente TPICE, 24 septembre 2008, Kahla/Thüringen Porzellan GmbH c/
Commission, aff. T-20/03. Il n’est pas exclu que l’État agit en tant qu’un investisseur privé en réalisant une
opération économique peu rentable à court terme s’il peut légitimement attendre de l’opération un bénéfice
économique à long terme.
58
l’État investit dans une entreprise qui éprouve des difficultés financières, cette opération sera
reconnue par la Commission comme aide d’État. En effet, « l’apport de capitaux sur fonds
publics satisfait au critère de l’investisseur privé et n’implique pas l’octroi d’une aide d’État
[…] si cet apport a lieu concommitamment avec un apport significatif de capital de la part
d’un investisseur privé effectué dans des conditions comparables »149. À contrario, si l’État
est obligé d’intervenir à cause d’absence de l’initiative de la part des actionnaires privés, son
initiative est constitutive d’aide publique150. Dans une situation de ralentissement de rythmes
de vie économique, il n’existe pas de « marché de référence » et la Commission, obligée de
retenir l’absence du marché, ne peut pas se référer à des conditions de marché dans lesquelles
aurait intervenu un investisseur privé. L'application du critère d'investisseur privé en
économie de marché amène la Commission à conclure dans la plupart des cas à l'existence
d’une aide, vu qu'un investisseur privé aurait à peine assumé à ce moment des risques liés à
un investissement dans une entreprise d'économie réelle ou d’une institution financière
défaillante151. Le critère habituel est ainsi rendu quasiment inopérant.
Il se présente pourtant des cas où la Commission réussit à se référer à une situation
de marché positive et non pas à l’absence de marché en tant que tel. Nous citerons ici à titre
d’exemple l’application faite du test d’investisseur privé dans l’affaire de l’aide de l’État
belge à la banque Fortis. Dans l’affaire soumise au contrôle de la Commission, la banque
Fortis et l'État belge avaient cherché un investisseur privé pour la banque avant de se décider
en faveur de sa nationalisation. La Commission compare le mode d'intervention choisi par
l'État aux propositions émises par des potentiels investisseurs particuliers bien avisés de la
situation de l’institution. La Commission considère que la valeur du marché de l’opération
doit être définie sur la base des propositions émises par des investisseurs privés bien avisés et
non pas sur le fondement du cours d’actions de la banque, le premier critère étant plus
objectif 152. En l’espèce, la Commission conclut que l’injonction publique de capital constitue

149 TPICE 12 décembre 2000, Alitalia c. Commission, aff. T-296/97m point 81. V. sur le contenu du test
Jean-Philippe COLSON et Pascale IDOUX, Droit public économique, L.G.D.J., Paris, coll. Manuel, 4ème éd.,
2008, p. 295.
150 Telle est la position de la jurisprudence, v. l’aff. CJCE 21 mars 1990, Commission c. Belgique.
151 V. par exemple la décision de la Commission dans l’aff. NN51/2008 du 10 octobre 2008, Régime de
garantie aux banques danoises, point 31, où la Commission considère qu’aucun investisseur privé ne serait
intervenu sur les mêmes conditions que l’État l’a fait et que, en outre, l’État ne retire pas de l’aide de bénéfice
direct mais seulement un bénéfice indirect de prévention des effets de contagion sur le reste de l’économie. Dans
l’aff. C10/2008 du 21 octobre 2001, IKB, la Commission rappelle qu’elle applique le test d’investisseur privé en
prenant en compte la rentabilité à long terme de l’opération (point 39 de la décision). Or la Commission estime
que les projets de revente d’IKB par l’acheteur, la banque publique KfW, démontrent que celle-ci n’a pas de
projets au long terme et ne peut escompter d’obtenir de l’opération une rémunération adéquate.
152 Cette analyse conduit elle aussi la Commission à conclure à l’existence d’une aide d’État. V. la
décision de la Commission du 3 décembre 2008 dans les aff. NN42/2008, NN46/2008 et NN/53/A/2008, Aide à
59
en effet une aide d’État, vu que le prix de la prise de participation par l’État, fondé sur le
cours d’action de la banque, était de loin plus élevé que le prix proposé par des investisseurs
privés.
Une deuxième application intéressante du critère d’investisseur privé est livrée par la
décision du 5 décembre 2007 dans l’affaire Northern Rock153. La Commission considère que
n’est pas constitutive d’aide d’État une facilité de liquidité accordée par la banque centrale de
l’État membre en l’absence de sources de financement normales du bénéficiaire, quand celle-
ci est accordée à l’initiative de la banque centrale et indépendamment d’autres mesures de
soutien par l’État. Les critères posés par la Commission suscitent une certaine difficulté
d’interprétation, vu que l’initiative de la Banque centrale ou l’absence de celle-ci n’est pas
aisée à établir. D’ailleurs, les mesures prises en faveur de Northern Rock comprenaient, à part
de l’assistance de liquidité par la banque centrale, une garantie des dépôts de la banque par
l’État et il n’est pas évident que la première mesure ait été décidée indépendamment de la
deuxième. Cette solution est confirmée par la décision dans l’affaire de la banque danoise
Roskilde154 où une facilité de crédit accordée par la Banque nationale danoise n’est pas
qualifiée d’aide d’État, alors que cette qualification est retenue pour la garantie publique en
faveur de la banque accordée au même moment. Dans les deux cas, la facilité accordée par la
banque centrale fait partie d’un paquet plus vaste de mesures, ce qui remet en question la
portée réelle du critère de l’indépendance de la mesure organisée par la banque centrale. En
analysant la solution retenue dans les affaires Northern Rock et Roskilde, David Blache y voit
une « reconnaissance par la Commission, même en l’absence de base légale précise, d’un
régime particulier en faveur de la banque centrale, agissant en sa qualité d’apporteur de
liquidité aux banques »155. La Commission confirme d’ailleurs cette solution dans sa

la restructuration en faveur de Fortis Banque et Fortis Banque Luxembourg, point 35 : « La Commission


observe que, avant que le gouvernement belge ne procède à l'injection de capital, ce dernier et Fortis ont
d'abord cherché un investisseur privé pour sauver Fortis et Fortis Banque. Comme décrit précédemment, ils ont
contacté différents investisseurs le vendredi 26 septembre. Parmi ces investisseurs, seul deux ont soumis des
offres, dont la plus élevée se situait à € 2 euros par action Fortis.[...] La Commission estime donc que, en vue
d'estimer si l'Etat a agi comme un investisseur avisé en économie de marché, le point de référence pertinent n'est
pas le cours de clôture de l'action Fortis sur la bourse le vendredi 26 Septembre 2008 mais les offres faites par
les investisseurs contactés[...] Dès lors, il doit être conclu que l'Etat n'a pas agi comme un investisseur privé
l'aurait fait dans des circonstances similaires puisque, pour acquérir 49,9% de Fortis Banque, il a accepté de
payer un prix calculé sur base du cours de l'action Fortis le 26 Septembre 2008 (i.e. € 5,2), alors que les
investisseurs privés dans les mêmes circonstances proposaient au maximum un prix nettement inférieur (i.e. €
2,6). Le gouvernement belge reconnaît d'ailleurs être intervenu parce que les offres privées étaient
inacceptables. ».
153 Déc. 5 décembre 2007, Northern Rock, points 32-34.
154 Déc. du 31 juillet 2008, Roskilde. L’originalité du cas Roskilde est que la facilité de crédit accordée
par la banque centrale était illimitée.
155 David BLACHE, La régulation des banques de l’Union européenne face à la crise, Revue Banque
Édition, Paris, 2009, p. 226.
60
communication du 13 octobre 2008, mais elle pose la condition supplémentaire de solvabilité
de l’institution bénéficiaire156.

47. Les principes de contrôle de compatibilité de l’aide avec le marché commun


Après avoir conclu à la présence d’une aide d’État, la Commission applique le
balancing test157 pour vérifier si les effets positifs de la mesure, dont la nécessité de pallier à
la défaillance du marché, mais également des objectifs de cohésion sociale ou régionale, c’est-
à-dire des objectifs d’intérêt commun, sont aptes à contrebalancer les effets négatifs de
distorsion de concurrence que l’aide entraîne. L’équilibre est atteint lorsqu’une mesure
nationale vise à pallier à une défaillance de marché. La suppression d’une défaillance du
marché doit restaurer l’équilibre économique et, si la mesure est efficace, elle balance l’effet
de distorsion de la concurrence qu’elle apporte.
Les critères de compatibilité que retient la Commission sont les mêmes sous l’article
87 (3) (b) et (c). La portée pratique de la dérogation fondée sur une perturbation grave de vie
économique consiste plutôt dans une nouvelle interprétation plus souple donnée aux règles
existantes que dans la création de nouveaux critères de contrôle. Les lignes directrices
relatives aux aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté posent trois
critères fondamentaux du balancing test : l’aptitude de la mesure à rétablir la viabilité de
l’institution à long terme (points 34-37 des lignes directrices), la limitation de l’aide au
minimum nécessaire (points 43-45), la prévention des distorsions de concurrence (points 37-
42)158. C’est donc autour de ces trois critères cumulatifs de caractère approprié et bien ciblé

156 Le point 51 de la communication indique que « on peut estimer que l'octroi de fonds de la banque
centrale à l'institution financière ne constitue pas une aide lorsqu'un certain nombre de conditions sont
remplies », parmi desquelles figure la condition que l’institution soit « solvable au moment de l'octroi de la
facilité de trésorerie, laquelle ne s'inscrit pas dans un ensemble plus vaste de mesures d'aide ».
157 Communication de la Commission, Plan d’action sur les aides d’État, disponible sous
http://ec.europa.eu/comm/competition/state_aid/reform/saap_en.pdf (vu le 10 avril 2010), voir pour une analyse
critique de l’application du test Jan Peter VAN DER VEER, « Is the Market Failing ? The Commission’s
Assessment of State Aid to Broadband Networks», ECLR, 2008, n. 6, pp. 363-366. En analysant deux cas
d’application du test datant des années 2006 et 2007, l’auteur caractérise le niveau d’analyse par la Commission
comme “décevant”. Selon l’auteur, « in spite of the Commission’s rhetoric on the increasing economic
sophistication of its economic analysis in state aid cases, there still appears to be considerable scope for further
progress ».
158 La Commission avait d’ailleurs présenté en 2005 un Plan d’action dans le domaine des aides d’État où
elle annonçait sa volonté de réaménager l’application de ce test, visant l’élaboration d’une nouvelle approche
économique plus fine, mise en œuvre à travers une procédure plus transparente (Plan d’action dans le domaine
des aides d’État, Des aides d'État moins nombreuses et mieux ciblées: une feuille de route pour la réforme des
aides d'État 2005-2009, du 7 juin 2005). V. un commentaire du Plan d’action par Jean-Yves CHÉROT, « Le plan
d’action de la Commission dans le domaine des aides d’État », AJDA 2007, p. 2412. En parlant du contenu du
balancing test, le Plan d’action souligne que « les aides d'État ne devraient être utilisées que lorsqu'elles
constituent un instrument approprié pour atteindre un objectif bien défini, lorsqu'elles créent des incitants
adéquats, lorsqu'elles sont proportionnées à leurs objectifs et lorsqu'elles faussent le moins possible la
61
de la mesure, de son caractère limité au minimum nécessaire sous la forme la plus appropriée
et enfin, de la proportionnalité de la mesure que va s’organiser le contrôle de la Commission.
Ces critères sont appliqués à toute mesure qui vise l’objectif de remédier à une perturbation
grave de l’économie d’un État membre.

48. Le caractère approprié de l’aide


Si le critère est constant, il est pourtant vrai que la Commission n’a quasiment
jamais considéré une mesure envisagée par un État comme insuffisamment appropriée et ce
critère n’a jamais servi de fondement juridique au refus d’autorisation de la Commission de
mettre en œuvre une mesure proposée par les autorités nationales. Il convient de noter sur ce
point que le contrôle par la Commission, extensif qu’il peut être, ne saurait se substituer à
l’appréciation nationale de l’efficacité économique de la mesure. La Commission ne peut être
tenue responsable que d’une erreur manifeste de droit commise par elle et elle n’assume pas
de responsabilité du fait d’une appréciation erronée de l’efficacité économique de la mesure.
Il existe en effet des cas où une mesure que la Commission estime adaptée n’apporte pas de
résultat recherché. Il est vrai que l’appréciation est plus difficile dans la crise et vouée dans
certains cas à l’échec. La Commission autorise ainsi par une décision du 31 juillet 2008 l’aide
à la banque Roskilde mais doit autoriser la liquidation de celle-ci par sa décision du 5
novembre 2008.
Le maintien du critère de caractère adéquat de l’aide permet à la Commission de
soumettre les plans nationaux à un vaste contrôle de l’efficacité économique. En principe, il
est l’objectif de la Commission d’éviter que les États maintiennent artificiellement à vie des
entreprises dont le modèle commercial est voué à l’échec. Or il n’en suit pas que la
Commission puisse imposer le remplacement d’un modèle commercial non rentable par un
autre, plus compétitif. Cette controverse se poursuit à l’exemple de son attitude aux banques
publiques allemandes, des Landesbanken, qui ont éprouvé le besoin du soutien public dans la
crise. Surtout dans le cas de la banque WestLB, la Commissaire à la concurrence insistait sur
ce que l’Allemagne accompagne son soutien par le changement de la stratégie commerciale
de la banque, plus précisément, que la banque développe sa présence dans le domaine de

concurrence » (Le plan d’action dans le domaine des aides d’État., p. 4, pp. 6-7). Il se pose la question à savoir si
cette approche économique plus fine a pu être maintenue dans la crise et si la crise n’a pas constitué une
parenthèse dans ce travail de perfection du système de contrôle communautaire. Il convient de signaler l’ouvrage
de M. Conor QUIGLEY, European State Aid Law and Policy (Le droit et la politique des aides d’État dans
l’Union Européenne), 2ème éd., Hart Publishing, Oxford, 2009, où cette question forme une axe de réflexion
importante.
62
services de détail159. Il est pertinent de demander si la Commission ne transgresse ainsi son
domaine de compétences dans le contexte d’une procédure de contrôle de compatibilité d’une
aide publique avec le marché commun.

49. Le caractère nécessaire de l’aide


Si une perturbation grave de l’économie justifie la prise de mesures exceptionnelles
de sauvetage des économies nationales, ces mesures ne peuvent pas aller au-delà de ce qui est
strictement nécessaire. Le critère de nécessité implique donc que l’aide publique ne doit pas
excéder le minimum nécessaire. L’aide n’est pas nécessaire quand une mesure entraînant une
moindre distorsion de concurrence aurait suffi pour remédier à la perturbation économique
qu’adresse la mesure. D’abord, l’aide n’est pas nécessaire quand elle s'adresse à un
bénéficiaire qui ne joue pas de rôle systémique dans l’économie nationale ou communautaire,
vu que la dérogation de l’article 87 (3) (b) ne saurait être utilisée pour faire face à une
situation de crise individuelle et non systémique. La Commission prend en compte de
multiples critères économiques qui témoignent de l’importance systémique du bénéficiaire.
Dans le cas de Fortis, elle retient ainsi que le bénéficiaire est la plus grande banque sur le
marché belge et détient plus d’un quart des dépôts bancaires des ménages en Belgique160.
La limitation au minimum nécessaire concerne ensuite la durée de l’aide. La
Commission indique dans sa communication du 13 octobre 2008 que la durée des régimes
nationaux doit être limitée à deux ans au maximum161. La plupart de régimes généraux
prévoient effectivement une applicabilité pour une période de deux ans au maximum, aucune
mesure ne pouvant être adoptée au-delà de cette date162. Dans le cas de la loi allemande, la
Commission autorise pourtant un régime d’une durée totale de trois ans et dans le cas des
régimes italien et finnois – d’une durée de cinq ans163. Dans le cas italien, la Commission

159 Des Landesbanken sont des banques publiques régionales qui s’occupent surtout des services aux
Länder et aux entreprises. Historiquement, chaque Land possédait sa Landesbank, mais leur nombre s’est
progressivement réduit. Banques assez petites et absentes du marché de détail, elles ont subi des pertes plus
graves que d’autres banques dans la crise.
160 Sa défaillance aurait donc aggravé la crise de confiance des ménages belges envers le système
bancaire et aurait créé « une méfiance aiguë des banques étrangères envers les banques belges, ce qui aurait
pour effet des leur couper toute possibilité d’emprunt [...] sur le marché interbancaire », v. la décision de la
Commission dans l’aff. N574/08.
161 V. le point 24 de la Communication du 13 octobre 2008.
162 Ainsi, la loi autrichienne, l’IBSG, prévoit comme date limite le 31 décembre 2010, la loi irlandaise la
date du 30 septembre 2010. Le régime de garanties français prévu à l’article 6 II de la loi n 2008-1061 est limité
aux titres de créances émises avant le 31 décembre 2009, même si la garantie elle-même peut être accordée pour
une période allant jusqu’à cinq ans.
163 Le décret-loi italien n 157/2008, Ulteriori misure urgenti per garantire la stabilità del sistema
creditizio (« D’autres mesures urgentes pour garantir la stabilité du système de crédit »), prévoit dans son article
1.1 que des garanties peuvent être accordées jusqu’au 31 décembre 2009, c’est-à-dire pour une durée inférieure à
63
reconnaît que le décret-loi (decreto legge) notifié par le gouvernement italien transgresse le
seuil posé par la Commission mais autorise son application sous condition d’élever le coût
pour les bénéficiaires des garanties excédant la durée de deux ans164. Dans le cas finnois, la
Commission retient que les garanties, même d’une durée supérieure à deux ans, ne seront
accordées au-delà du 30 avril 2009 et considère que cette limitation temporelle constitue un
garde-fou suffisant pour que la mesure n’excède le minimum nécessaire165. Dans le cas de
l’Allemagne, la Commission estime également que des garde-fous prévus par l’État justifient
la durée de trois ans de garanties. L’argumentation de la Commission est donc construite sur
les contreparties prévues par l’État et non pas sur les circonstances spécifiques nationales
justifiant une dérogation à la règle générale. Cette argumentation permet de conclure que tout
État pourrait ne pas limiter la durée de son régime national au minimum nécessaire en
introduisant des compensations suffisantes, ce qui crée une situation d’inégalité entre les États
qui n’ont pas respecté les restrictions communautaires et ceux qui les ont respectées, ces
derniers étant remis dans une situation d’insécurité juridique.
Le critère de nécessité peut également porter sur la forme de l’aide pour laquelle opte
l’État. Il est à noter que la Commission se montre prête à des compromis assez sérieux quant à
l’appréciation de « l’aide limitée au minimum nécessaire » du point de vue matériel. Elle
autorise ainsi le régime autrichien prévoyant une garantie de montant illimité des dépôts
bancaires pour des personnes privées166. Dans l’affaire de la banque Fortis du 19 novembre
2008, la Commission considère qu’est compatible avec le marché commun une garantie
couvrant l’intégralité de financements proposés par la banque167 et dans l’affaire Roskilde
précitée une facilité de crédit illimitée accordée par la Banque nationale danoise n’est même
pas qualifiée d’aide d’État. Les États doivent prévoir dans leurs législations nationales que des
interventions assez sérieuses ne seront adoptées que lorsque la situation présente un certain
niveau de gravité. Dans le cas du régime allemand en faveur du secteur financier, approuvé
par décision de la Commission du 27 octobre 2008, le principe de subsidiarité et de nécessité
se trouve formulé, concernant les recapitalisations, au § 7, alinéa 2, de la loi FMStG, qui
dispose qu’une participation du fonds doit seulement avoir lieu lorsqu’un intérêt primordial
au niveau fédéral est présent et lorsque l’objectif ne peut être mieux atteint d’une autre

deux ans. Les garanties pourront pourtant être maintenues pour une période allant jusqu’à cinq ans au maximum.
Le régime finnois est organisé de manière comparable, mais il pose comme date limite d’octroi des garanties le
30 avril 2009.
164 V. la décision de la Commission dans l’aff. N520a/2008 du 13 novembre 2008.
165 V. la décision de la Commission dans l’aff. N567/2008 du 13 novembre 2008, point 39.
166 Le montant pour des personnes morales restant à 20 000 euros. V. loi bancaire, BWGÖ, § 93 al. 3,
numéro 4.
167 V. la décision de la Commission dans l’aff. N574/2008 du 19 novembre 2008.
64
manière que par l’intervention du fonds.

50. Le cas problématique des nationalisations


En vertu de l’article 295 TCE, le Traité ne préjuge en rien le régime de propriété
existant dans les États membres et il n’existe pas de prohibition per se de nationalisations,
c’est-à-dire des opérations de « transfert forcé de propriété » qui portent « sur un ensemble de
biens formant une entreprise ou sur des actions permettant le contrôle de cette entreprise »168
et sont réalisées dans un but de politique économique. Juridiquement, aucune différence de
principe n’existe pour le droit communautaire entre une banque privée et une banque publique
et une acquisition d’une entreprise par l’État ne se diffère pas d’une acquisition par une
personne du droit privé. Or, une nationalisation équivaut pour le droit des aides d’Etat à une
aide à titre gratuit, car l’institution devenue publique ne sera pas obligée de verser à l’Etat le
coût de son sauvetage. Des reprises par l’État se traduisent donc en une perturbation
inadmissible de la concurrence et le droit de la concurrence s’y oppose169. Le droit des aides
d’État constitue une exception du principe général d’indifférence du droit communautaire à
l’égard des régimes de propriété posé par le Traité CE.
Assez hostile aux nationalisations, la Commission approuve pourtant des solutions
ad hoc et des régimes d’aides qui prévoient une possibilité de nationalisations sous condition
que la nationalisation soit considérée comme une mesure de dernier ressort. Cette exigence est
bien illustrée par des cas Hypo Real Estate et Northern Rock170. La loi autrichienne du 26
octobre 2008, le FinStaG, approuvée par la Commission le 30 octobre 2008 n’exclut ainsi pas
des nationalisations par le Bund mais y voit une mesure ultima ratio171. Cette nationalisation

168 Jean-Yves CHÉROT, Droit public économique, Economica, Paris, 2ième édition, 2007, p. 32.
169 Des aides à titre gratuit sont en principe incompatibles avec le critère d’investisseur privé dans
l’économie de marché et elles confèrent à l’institution nationalisée un avantage par rapport à la concurrence.
Nous ne prenons en compte que l’appréhension de nationalisations par le droit des aides publiques. Or, on
pourrait également poser la question si la reprise d’entreprises par l’État peut être contrôlée par le droit de la
concurrence à titre d’opération de fusion, comme ce serait le cas si l’entreprise avait été acquise par un opérateur
privé. La réponse est en principe négative sous condition que l’État maintienne l’entreprise suite à l’acquisition
en tant qu’une entité économique distincte.
170 La nationalisation de Northern Rock intervient après le moment où il s’avère qu’il est impossible de
trouver une solution privée en faveur de la banque. Dans le cas de Hypo Real Estate, la nationalisation,
intervenue en juin 2009, suit l’instauration d’un programme de sauvetage sous forme d’un régime de garanties à
la banque, par ailleurs approuvé par la Commission au 2 octobre 2008. Les actionnaires expropriés obtiennent
une indemnisation pour la cession de leurs parts sans que l’État garantisse aux actionnaires le droit prioritaire de
souscription en cas de reprivatisation de HRE. Or une expropriation de tous les actionnaires de HRE semble
excéder le strictement nécessaire. Si, selon la jurisprudence du Verfassungsgericht, le retrait obligatoire d’une
minorité des sociétaires n’est pas contraire à la Loi fondamentale, il n’en suit pas que l’État puisse étendre
l’interprétation de cette règle en sa faveur. Cette affaire pose donc également des questions relatives à
l’interprétation du droit de propriété dans la crise.
171 Il est prévu que « s’il existe un risque qu’une institution de crédit ou d’assurance manquera à ses
obligations envers ses créanciers, il existe une possibilité pour le Ministre des finances avec l’accord du
65
doit quand même être strictement temporaire et une reprivatisation est à mettre en place dès le
moment où la situation le permet. La limitation de la durée de propriété publique au minimum
nécessaire est prise en compte par la Commission dans son appréciation de la compatibilité de
la mesure172. Malgré son opposition aux nationalisations, la Commission opère finalement un
revirement de son approche en reconnaissant de manière explicite dans sa communication sur
le traitement des actifs dépréciés du 26 mars 2009 que des nationalisations, c’est-à-dire des
acquisitions des banques par l’État, sont des options envisageables lorsqu’une mise en
liquidation de la banque peut être inappropriée pour des raisons de stabilité financière173.

51. Le critère de proportionnalité de l’aide publique


Le troisième critère dont le respect est assuré par le contrôle de la Commission, en
vérité se rapprochant du deuxième, est celui de la proportionnalité174 de l’aide, découlant de
l’interdiction des aides publiques à titre gratuit. Selon la formule de Michel Fromont, le
principe de proportionnalité constitue une concrétisation de l’aspiration « de limiter autant
que faire se peut les interventions de l’État : celles-ci doivent se limiter au stricte nécessaire
et donc être proportionnées aux objectifs d’intérêt général qu’a retenus le législateur, voire le
constituant »175. La proportionnalité d’une aide publique est assurée par des mesures
compensatoires à la charge du bénéficiaire et par une obligation à la charge du secteur privé
d’attribuer une compensation adéquate au coût de l’aide publique. Il relève en effet de la
pratique courante de la Commission d’exiger que soit apportée par le secteur privé une
contribution significative au coût de l’intervention publique. La Commission prévoit ainsi
dans sa communication du 5 décembre 2008 que constitue une rémunération appropriée une

Bundeskanzler, si d’autres mesures n’ont pas apporté de résultat ou si celles-ci ne sont pas envisageables à
cause de l’urgence, de reprendre l’institution. Cette mesure se réalise par décret du Ministre de finances »,
FinStaG, § 2 (2).
172 Dans l’affaire de la banque Fortis, la nationalisation de la banque a été suivie dans un délai de
quelques jours par sa revente à la banque BNP. Cette mesure n’ayant pas été notifiée préalablement, la
Commission l’examine après la revente à BNP. En retenant que la durée de propriété publique était limitée au
minimum et que la prix de vente à BNP était similaire à celui payé par l’État, la Commission considère qu’il ne
convient pas d’imposer des sanctions au bénéficiaire de la reprise par l’État.
173 La Communication de la Commission concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur
bancaire de la Communauté du 25 février 2009, publiée au JO C72, p. 6, point 23. Jacques DERENNE note dans
son commentaire de la communication du 25 février 2009 qu’en opérant se revirement, la Commission prend ses
distances « de l’approche qu’elle a pu adopter depuis les débuts de la politique en matière d’aides d’État », ce
qui « révèle le caractère exceptionnel du moment », v. Jacques DERENNE et Cristophe GIOLITO, « Traitement
des actifs financiers dépréciés: la Commission européenne publie des orientations sur le traitement des actifs
dépréciés dans le secteur bancaire de l’Union », Concurrences, n 2 2009, p. 152.
174 V. pour un exposé complet consacré au principe de proportionnalité en droit communautaire et dans les
droits nationaux des États membres Michel FROMONT, « Le principe de proportionnalité », AJDA 1995, p. 156
et s.
175 Ibid., p. 156.
66
participation privée s’élevant à 30 % du montant total de l’aide publique, si le secteur privé
intervient sur les mêmes conditions que l’État176. La Commission peut soit approuver des
contreparties prévues par les États soit conditionner son approbation à ce que l’État assortit
l’aide prévue des contreparties imposées par la Commission. Il n’existe pas en principe de
répertoire fixe de contreparties que peut imposer la Commission ni de relation fixe entre la
forme d’aide et la forme de la contrepartie, ce qui permet à la Commission d’aborder des cas
complexes soumis à son contrôle avec plus de souplesse. Or la Commission commence à
formuler des contreparties types pour certaines catégories d’aides. À titre d’exemple, quand
l’aide a la forme d’une garantie publique, les frais imposés au bénéficiaire de la garantie
publique doivent être proches du prix de marché, c’est-à-dire du coût d’une garantie privée
comparable. Or dans une crise financière grave le niveau du marché, point de référence clé de
ce standard, ne peut plus être utilisé vu la réduction drastique de l’activité financière et la
volonté des acteurs économiques d’éviter des risques, amenant à un assèchement radical de
crédit et, en fin de compte, à la défaillance du mécanisme de formation de prix. Cette
évolution fait ce critère fondamental du droit communautaire de la concurrence presque
inopérable. Si en dehors de la crise, la définition d’une contribution significative du secteur
privé relevait dans une grande mesure de l’appréciation de la Commission, cette appréciation
risque de devenir arbitraire dans la crise177.

52. L’absence du taux du marché de référence


L’impossibilité de déterminer le taux du marché pose des problèmes pour la plupart
de formes d’aides, le taux de marché étant exceptionnellement élevé. La Commission
consente dans sa communication sur des mesures de recapitalisation du 5 décembre 2008 à ce
que le taux de rémunération des recapitalisations, surtout pour les institutions saines, ne soit
pas aussi élevé que le taux actuel du marché. La Commission reconnaît que le taux actuel est
lui-même influencé par la perturbation de l’économie, ne reflète pas des conditions normales
de marché et ne peut pas constituer un taux de référence adéquat. Si dans ses premières
décisions, la Commission considère que le taux de marché est le taux habituel de marché,
c’est-à-dire le taux hors crise, elle se réfère plus tard au taux issu de recommandations du

176 Cette solution reprend une jurisprudence communautaire constante qui considère que l’aide
n’entraîne pas la même distorsion de concurrence quand elle est accompagnée d’un « apport significatif de
capital de la part d’un investisseur privé effectué dans des conditions comparables », v. TPICE, 12 décembre
2000, Alitalia c/Commission, aff. T-296/97 (points 83-84).
177 Nous observons que la Commission continue malgré ces doutes de réitérer cette exigence de
contribution du secteur privé dans ses communications et n’y renonce pas, même si des doutes peuvent exister
concernant le caractère effectif de sa mise en œuvre.
67
Conseil des gouverneurs de la BCE178. Est encore abandonnée la pratique courante de la
Commission de fixer ex ante le pourcentage de contribution minimale à apporter par le
secteur privé. Si une telle limite était prévue dans les lignes directrices relatives au sauvetage
et à la restructuration et atteignait 50 % du coût de la restructuration, elle n’est volontairement
pas posée pour les restructurations financières dans la crise179. La Commission insiste
pourtant sur ce que le taux de rémunération soit raisonnablement élevé afin d’inciter des
banques à sortir du mécanisme de capital public. La Communication du 5 décembre 2008
propose également dans son point 31 d’introduire des mécanismes de majoration progressive
des prix afin d’inciter des institutions financières à sortir du mécanisme de financement
public180.
Le prix de marché est également difficile à établir pour des actifs dépréciés, vu la
complexité économique de cet instrument. Le problème est posé par l’existence d’un écart
entre le prix actuel, forcément très bas, et le prix réel, c’est-à-dire le prix à long terme. La
valeur des actifs dépréciés est donc d’abord estimée en fonction du prix actuel (qui peut être
inexistant vu l’absence du marché de référence). Le prix de transfert des actifs sera toujours
supérieur à leur prix actuel, ce qui est constitutif d’aide d’Etat. Il doit pourtant se rapprocher
du « prix réel » reflétant la valeur économique à long terme. Même si cette approche peut
paraître aléatoire, elle a l’avantage de cohérence pour l’ensemble de la Communauté181.
En ce qui concerne les régimes de garanties, la Commission permet pourtant
également de différer le remboursement dans le temps et reconnait en principe la licéité de
clauses de récupération en cas de retour à meilleure fortune182. Notons pourtant que cet
assouplissement est motivé par des considérations étrangères au droit de la concurrence et
appartenant au champ de politique économique, notamment par l’objectif de faciliter l’accès

178 Recommandations du Conseil des gouverneurs de la BCE du 20 novembre 2008.


179 Il a été remarqué que l’abandon d’un montant ou pourcentage de contribution fixé ex ante permet à
la Commission « de disposer d’une marge de manœuvre et de pouvoir calibrer sa politique de concurrence à
l’acuité de la crise » (v. François BRUNET, « Le droit de la concurrence face aux défis de la crise mondiale »,
Revue Lamy de la Concurrence, n 20, juillet/septembre 2009, p. 106).
180 Dans leur analyse du rôle du mécanisme de prêts publics instauré en Allemagne par la loi FinStaG,
Gilles DUFRÉNOT et Alain SAND-ZANTMAN concluent que « les conditions relativement dissuasives de ces
prêts ont conduit nombre d’autres banques privées à demander de l’aide à leurs actionnaires », le recours au
soutien public étant organisé en tant que mesure « en dernier ressort » qu’il est préférable d’éviter. Gilles
DUFRÉNOT, Alain SAND-ZANTMAN, Après la crise? Les politiques économiques dans le monde,
Economica, Paris, p. 48.
181 Les dispositifs nationaux ne définissent non plus le niveau adéquat de rémunération. La loi
autrichienne se contente de dire qu’il doit être prévue une contrepartie adéquate sans en préciser des modalités de
définition, v. FinStaG, § 2.
182 Il s’agit d’une clause qui peut prévoir que le bénéficiaire sera tenu, dès le moment où les
circonstances le permettent, à rembourser l'intégralité ou une partie des montants versés par l’État, soit, si la
garantie n’a pas été activée, de verser une rémunération supplémentaire pour l’octroi de la garantie.
68
des banques au crédit et de rétablir la stabilité des marchés financiers.
L’impossibilité de déterminer le taux de marché provoque un assouplissement des
règles régissant l'ordre des privatisations183 exigeant un appel d'offres objectif, transparent,
non discriminatoire et inconditionnel ou offre en bourse184. Même si la Commission rappelle
dans le point 49 de la communication du 13 octobre 2008 que le processus de vente doit être
ouvert et non-discriminatoire, la doctrine se demande s'il est réaliste de penser que ce principe
peut vraiment s'appliquer dans les circonstances exceptionnelles de la crise185. La
Commission vérifie en détail les contrats de vente pouvant contenir des éléments d'aide. Dans
le cas de la vente de la banque Fortis par l'État belge à BNP Paribas, la Commission étudie
l’opération de vente dans son ensemble et non pas seulement l’acte de vente en tant que tel.
Ainsi, une vente d’une institution financière à un prix de marché est une aide publique quand
la vente est accompagnée d’une garantie du vendeur au profit de l’acheteur supérieure au prix
de vente, le vrai prix étant dans ce cas négatif186.
La Commission assouplit pourtant dans le cas de la banque Fortis son contrôle du
prix d’achat lors d’un appel d’offres ouvert dans le cadre d’une privatisation. Il relève de
l’interprétation classique de la Commission de considérer qu’une vente au prix de marché
dans le contexte d’un appel d’offres est garantie par une procédure d’appel d’offres ouverte,
transparente et non discriminatoire187. La légitimité de l’appel d’offres s’apprécie
traditionnellement selon la procédure encadrant la vente. L’absence d’aide se présume et peut
être retenue par la Commission sans contrôle approfondi quand la privatisation s’effectue par
une vente d’actions en bourse ou, en dehors de vente en bourse, par une vente au plus offrant
lors d’un appel d’offres ouvert entre des participants bien informés. Dans le cas de vente après
négociation avec un seul acquéreur existe, au contraire, une obligation de notification à la
Commission, cette procédure étant susceptible de comporter des éléments d’aide d’État. Or
dans le cas de privatisation de Fortis, les autorités belges, cherchant un acquéreur pour la
banque, prennent des contacts avec huit institutions financières dont seule la BNP émet une
offre. La Commission décide que « la procédure de vente de Fortis Banque et de FBL (à
BNP) peut être raisonnablement comparée à une[...] procédure d'adjudication », vu que

183 V. le XXIIIème rapport sur la concurrence de 1993, § 402-403. Pour un exemple d'application de ce
principe voir décision n C 46/07 du 27 février 2008, Automobile Craiova.
184 JOCE n C 209 du 10 juillet 1997, p. 3.
185 V. Jacques DERENNE, « Chroniques : Aides d'Etat », Concurrences, n 4, 2008, p. 108.
186 Déc. du 4 juin 2008, Sachsen LB. Or cette affaire relève de la phase quand la Commission n’avait pas
encore reconnu le caractère systémique de la crise.
187 Nous nous référons ici au XXIIIème Rapport sur la politique de concurrence, 1993, p. 278 et s.,
paragraphes 402-403, où sont énoncés les principes généraux que la Commission applique pour déterminer si
une aide d’État n’a pas eu lieu dans le cadre d’une privatisation.
69
« tout investisseur intéressé avait la possibilité de se manifester et donc que le prix payé
correspond ainsi à la valeur du marché ». N’est pas prise en compte la circonstance que des
tiers qui auraient pu être intéressés au rachat de Fortis n’ont pas eu ni d’accès aux
informations nécessaires pour faire une décision, ni du temps nécessaire. En analysant cette
décision, Jacques Derenne remarque que « la comparaison effectuée par la Commission avec
une procédure d’appel d’offres ‘transparente et inconditionnelle’ est assez audacieuse, en
l’absence d’un réel mécanisme ou de critères connus à l’avance permettant de mesurer la
marge de discrétion dont bénéficiait l’autorité adjudicatrice pour procéder au choix de
l’acheteur »188.
L'octroi d'aides est quand même toujours assorti des conditions posées par la
Commission à l'égard des entreprises bénéficiaires, dont le versement de contreparties, des
restrictions sur des salaires des dirigeants et le respect des règles de bonne conduite afin
d’écarter l'hypothèse où un agent de l'économie profiterait du soutien public afin de s'engager
sur la voie d'une expansion commerciale agressive. Le cas Fortis livre un autre exemple de
l’assouplissement de l’exigence de contribution du bénéficiaire d’aide. La Commission admet
notamment dans le point 90 de sa décision qu’est assimilable à une contribution de la part de
Fortis la vente de sa filiale néerlandaise, malgré le fait que la Commission établit que cette
vente comportait des éléments d’aide d’État189. L’exigence d’imposer des contreparties aux
entreprises bénéficiaires vise également à interdire des interventions publiques à titre gratuit.
La Commission vérifie si l’État sera rémunéré pour son intervention190.

53. L’assouplissement du principe de non-récurrence d’aides


Le principe de non-récurrence en droit des aides publiques interdit de verser des
aides répétées au même bénéficiaire, ce qui n’aurait pour effet que de maintenir
artificiellement à vie des entreprises inefficaces. Ce principe est posé par les lignes directrices
relatives au sauvetage et à la restructuration de 2004191. La communication du 13 octobre
2008 pose de premières limites à ce principe en permettant des aides à la liquidation, c’est-à-

188 Jacques DERENNE, Chroniques – Aides d’État, Concurrences n 2 2009, p. 169.


189 Le raisonnement est le suivant, assez original : « la vente de FBN, si elle ne peut formellement être
qualifiée de contribution du bénéficiaire étant donné qu'elle contient un élément d'aide, constitue néanmoins un
réel sacrifice pour Fortis Banque ».
190 La Commission réitère le principe de rémunération adéquate de l’État dans sa communication du 25
février 2009 relative au traitement des actifs dépréciés en exigeant que les coûts soient partagés entre les
créanciers, les actionnaires et l’État et que l’État soit suffisamment rémunéré pour son intervention. La même
exigence se trouve dans la communication du 23 juillet 2009 relative aux recapitalisations.
191 V. le point 74 des lignes directrices. Il ne peut pas y avoir en principe deux aides au sauvetage ni deux
aides à la restructuration en faveur de la même entreprise.
70
dire des liquidations contrôlées, dans le cas où une aide au sauvetage, parfois même suivie
d’une restructuration, reste sans effet192. Un exemple en est livré par la liquidation de la
banque danoise Roskilde. Ensuite, en matière de restructurations, la communication du 23
juillet 2009 écarte le principe de non-récurrence en indiquant que « si une aide
supplémentaire, non prévue initialement dans le plan de restructuration notifié, s'avère
nécessaire au cours de la période de restructuration pour rétablir la viabilité », elle devra
faire l'objet d'une notification ex ante individuelle et sera prise en considération dans la
décision finale de la Commission193. Depuis ce moment-là, la Commission permet donc
d’octroyer des aides complémentaires au cours de la restructuration.

Section 2. Contrôle de conformité en dehors du droit de la concurrence


54. La Commission étend en permanence le champ matériel d’application du droit des
aides d’État. Étant donné le caractère facultatif de la dérogation de l’article 87 (3) (b), la
Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation de la compatibilité des aides
avec le marché commun sur le fondement de ce texte et elle fait de ce pouvoir un usage assez
extensif. La doctrine note à cette occasion que la Commission s’éloigne progressivement du
contrôle des aides d’État stricto sensu et entre à travers du contrôle de régimes d’aide soumis
à elle dans d’autres domaines de la politique communautaire194. Quand la Commission
autorise une aide publique, elle est libre d’assortir son autorisation de réserves qu’elle
considère opportunes en l’espèce et qui conditionnent son autorisation. Il n’est pas surprenant
que dans la situation économiquement très grave de la crise les États sont plutôt susceptibles
de mettre leurs projets d’intervention en conformité avec les conditions imposées par la
Commission, quel que soit leur caractère. La Commission a donc à plusieurs occasions fait un
usage assez créatif de ce droit en imposant aux États des conditions qui ne relèvent pas de la
logique purement concurrentielle. La Commission imposé la privatisation des banques
publiques en difficulté et veille à ce que des nationalisations des institutions financières aient

192 V. points 43-50 de la communication du 13 octobre 2008.


193 Point 16 de la communication du 23 juillet 2009.
194 V. pour une analyse intéressante Ulrich SOLTÉSZ, « Wo endet die Allzuständigkeit des Europäischen
Beihilfenrechts ? Grenzen der beihilferechtlichen Inhaltskontrolle », EuZW, 4/2008, p. 97. L’auteur se demande
si « la Commission ne se charge d’une tache trop lourde en voulant contrôler le bien-fondé politique des mesures
nationales et en voulant estimer leur qualité ». Jean-Yves CHÉROT note que par le biais du contrôle des aides
publiques, il est possible à la Commission de « entrer dans le champ de nombreuses matières, y compris dans
celles pour lesquelles le traité ne reconnaît pas d’ailleurs de compétences législatives pour le Conseil et le
Parlement européen » et remarque que la Commission peut être considérée dans certains domaines, « bien
qu’elle ne tienne du Traité CE aucun pouvoir de prendre dans ce domaine des directives ou des règlements,
comme un véritable législateur », v. Jean-Yves CHÉROT, Droit public économique, Economica, 2ième éd.,2007,
p. 176.
71
un caractère strictement temporaire. Vu des retentissements qu’aurait dans ce cas une décision
négative de la Commission, la situation est favorable à ce que la Commission obtienne la mise
en œuvre de ses objectifs politiques par l’intermédiaire du droit des aides publiques.

55. La condition de respect des libertés fondamentales du Traité CE


Pour qu’une aide publique puisse bénéficier de la dérogation de l'article 87 (3),
encore faut-il qu'elle soit conforme aux dispositions du Traité qui ne sont pas relatives aux
aides publiques. Le juge communautaire considère que ne peuvent pas être déclarées
compatibles sur le fondement de l’article 87 (3) (b) des régimes d'aides manquant au principe
général de non-discrimination en fonction de la nationalité issu de l'article 12 du Traité195. Ce
principe se traduit plus concrètement par l'interdiction d'exclure du bénéfice de l'aide des
filiales des entreprises étrangères du même secteur situées sur le territoire national. Pour
éviter une distorsion indue de la concurrence sur des marchés voisins et par là sur le marché
commun en général, doivent être appliqués par des États des critères objectifs d'admissibilité,
un exemple de critère objectif donné par la Commission est « la nécessité de garantir un
niveau de capitalisation suffisant eu égard aux exigences en matière de solvabilité » ou plus
généralement l’importance systémique du bénéficiaire196. Cela implique la non-
discrimination en raison de la nationalité, ce qui veut dire concrètement que peuvent
bénéficier des régimes d'aides « toutes les institutions de l'État membre concerné, y compris
des filiales qui exercent dans celui-ci des activités importantes », la nationalité ne pouvant pas
être retenue en tant que critère d’éligibilité. Un exemple de mise en œuvre pratique de
principe de non-discrimination en raison de nationalité est le régime letton de soutien aux
banques notifié le 23 décembre 2008, qui est ouvert à toutes les banques solvables qu'il
s'agisse d'une banque lettonne ou d'une filiale d'une banque étrangère installée en Lettonie197,
ou encore le plan de soutien suédois en faveur des institutions financières198 auquel ont accès
toutes les institutions financières immatriculées en Suède, le critère de solvabilité n'étant
même pas évoqué. Le régime de garanties pour des banques irlandaises a été approuvé par la
Commission sous condition d'ouverture à des banques non irlandaises installées sur le
territoire national199. Le régime français repartit les aides entre des établissements de crédit en

195 V. CJCE, 21 mai 1980, Commission contre Italie, 73/79, Rec., p. 1533.
196 L’État est en principe libre de définir ces critères pourvu qu’ils soient objectifs et non discriminants.
197 V. aff. N638/2008, v. également le plan de soutien slovène aux institutions de crédit du 12 décembre
2008.
198 30 octobre 2008, N533/2008, notifié le 27 octobre 2008
199 NN 48/2008 du 12 octobre 2008, notifié le 30 septembre 2008. Le régime prévoyait initialement des
garanties pour les six plus grandes banques irlandaises, en étaient exclues des banques non irlandaises mais ayant
72
fonction de leur bilan et le volume de leur clientèle sans opérer une distinction entre les
établissements de crédit français et des filiales des établissements étrangers installés en
France.
Le respect du principe de non-discrimination permet à la Commission de pallier, au
moins en partie, à l’absence d’un plan de sauvetage du secteur bancaire concerté au niveau
européen : en retenant au lieu du critère de nationalité un critère licite, comme celui de la
taille, les Etats vont apporter leur soutien aux institutions les plus importantes de leurs pays.
La mise en œuvre simultanée des régimes pareils dans un certain nombre d’Etats membres
pourra produire des effets comparables à ceux d’un plan de sauvetage concerté du secteur
bancaire dans l’ensemble des États membres, malgré l’existence de différences dans le
fonctionnement technique des régimes. En même temps, le principe de non-discrimination n’a
pas dans ce cas de caractère automatique, comme il ne s’agit pas du tout d’ouvrir l’accès au
régime à toutes les institutions du secteur sans opérer aucune distinction entre elles. Le critère
purement sectoriel ouvrant l’accès aux aides à l’ensemble du secteur bancaire pourrait même
s’avérer dangereux, en ouvrant l’accès au régime aux institutions saines et celles en difficulté,
ce qui aurait donné un avantage aux institutions moins performantes, créant une distorsion
indue de la concurrence200. L’exigence matérielle de non-discrimination est d’ailleurs assortie
d’une exigence procédurale de transparence dans l’allocation d’aides, des exceptions devant
être motivées par des considérations d’intérêt général.
L’exigence d’égalité de traitement concerne ensuite le traitement d’entreprises de
différents secteurs de l’économie. Si une distinction peut être opérée entre les institutions
financières et l’ensemble d’entreprises industrielles et commerciales, aucune distinction
ultérieure ne devrait être opérée au sein de cette dernière catégorie. En appréciant la nature
juridique de l’engagement pris par les institutions financières bénéficiaires du financement
public et comportant une clause de renforcement de financement de l’économie réelle, la
Commission retient « qu’il n’y a pas de traitement différencié des différents secteurs de
l’économie faisant l’objet de cet engagement » et que c’est « un engagement concernant
l’évolution de l’encours total et non pas à un quelconque indicateur sectoriel » qui est
exigé201. Notons que cette exigence de traitement égal est plutôt motivée par le souci politique

une activité importante dans le pays, le critère d’origine nationale étant remplacé par celui de l’importance
systémique de l’institution, v. Credit Institutions Financial Support Act, paragraphe 3 (16).
200 Un exemple d’un bon mécanisme de choix de bénéficiaire prévu par un régime national est le régime
autrichien mis en place par la loi IBSG qui retient des critères d’éligibilité suivants : la solvabilité de
l’institution, le montant de son bilan et son importance systémique. La Commission estime que ces critères
permettent d’éviter des discriminations cachées.
201 Point 67 de la décision de la Commission du 30 octobre 2008 dans l’aff. N548/08. Cette exigence de
73
d’une homogénéisation de l’effort de lutte contre la crise que par des considérations de
libertés fondamentales, surtout au vu de la présence d’exception faite au profit du secteur
bancaire.

56. Le respect des objectifs de développement durable


Le cadre temporaire du 17 décembre 2008202 prévoit des privilèges pour des produits
verts, considérés comme élément constitutif de l'avenir durable. Sont ainsi prévus des prêts
aux taux bonifiés pour la production des produits verts satisfaisant aux normes de protection
de l'environnement. Sont éligibles pour le régime des nouveaux projets récemment lancés
améliorant la protection de l’environnement, mais également des projets existants quand
ceux-ci justifient de leur besoin de soutien financier pour poursuivre la mise en œuvre du
projet, les réductions fiscales allant jusqu’à 25 % pour de grandes entreprises ou à 50 % pour
les PMEs. Sont définis comme éligibles dans la communication seules des projets qui
anticipent une future norme communautaire non pas encore en vigueur et qui commenceront
la commercialisation du produit adapté à la norme au moins deux ans avant l’entrée en
vigueur de celle-ci. Cette définition vise à encourager l’innovation malgré la crise.

traitement égal poursuit l’objectif d’élaborer une nouvelle approche horizontale et non sectorielle de traitement
d’aides publiques. Cet objectif est visé par le Plan d’action dans le secteur des aides publiques du 2005.
202 Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement
dans le contexte de la crise économique et financière actuelle du 17 février 2008, JO C16 du 22 janvier 2009, pp.
1-9.
74
Chapitre 2. Diversité des solutions au niveau national
57. La nature juridique de la Communauté et l'architecture de ses rapports avec les Etats
membres obligent la Commission à faire attention à laisser une marge de manœuvre suffisante
aux Etats pour qu'ils puissent adopter des mesures qui seront efficaces dans le contexte de leur
économie nationale. Les communications publiées dans le contexte de la crise proposent aux
États le choix entre plusieurs catégories de mesures : est prévue la possibilité pour les Etats
d’octroyer des garanties couvrant les dettes des institutions financières, de procéder aux
recapitalisations ou aux liquidations con trôlées des institutions financières ou d’injecter de la
liquidité en faveur des entreprises bénéficiaires. Pour chaque type de mesure, il existe un
choix pour les Etats membres entre des régimes généraux et des interventions ad hoc. Les
communications prévoient souvent des listes non-exhaustives de mesures envisageables et des
contreparties dont celles-ci peuvent être assorties en permettant aux États de choisir parmi des
possibilités proposées celles qui sont les plus adaptées aux circonstances nationales ou
d’inventer une solution originale, ce qui crée une situation de « concurrence de systèmes et
d’idées »203. Cette liberté d’organisation de régime national (Section 1) doit pourtant respecter
des contraintes du droit national (Section 2).

Section 1. Liberté relative d’organisation du régime national


58. Certains États préfèrent ainsi d’adopter des paquets de mesures pour avoir au
moment de prise de décisions concrètes un choix entre des différents outils à leur disposition.
Ainsi, en matière de soutien à l’économie réelle, le cadre temporaire publié par la
Commission énumère trois types de mesures envisageables: des aides ponctuelles du montant
allant jusqu’à 500 000 euros par entreprise, des bonifications des taux d’intérêt et des aides
sous forme de capital-investissements. L’Allemagne et la France intègrent dans leurs régimes
tous les trois instruments, l’Autriche opte pour des aides aux PME de 500 000 euros par
entreprise et pour des capital-investissements, d’autres pays prévoient, en fonction des
circonstances nationales, d’autres combinaisons des instruments proposés.
De la même manière, pour le secteur bancaire, plusieurs États préfèrent combiner des
différents instruments proposés par des communications communautaires. Certains, dont la

203 Selon l’expression de M. Christoph ARHOLD, « Crise financière mondiale et le droit européen des
aides d’État », « Globale Finanzkrise und europäisches Beihilfenrecht », EuZW, n 23, 2008, p. 715. M.
ARHOLD loue la capacité de ce système d’encourager l’efficacité et l’innovation de solutions. Or il se pose la
question si le droit communautaire pourra assurer une uniformité minimale de régimes vu la différence de
solutions apportées par les États.
75
France, l’Allemagne et l’Italie, combinent des recapitalisations et des garanties (les garanties
doivent dans la plupart des cas couvrir des prêts bancaires, le plan allemand garantit
également les dépôts bancaires des personnes privées), d’autres, comme l’Autriche ou le
Royaume-Uni, créent d’autres régimes combinant différents types de mesures. La nouvelle
législation allemande prévoit ainsi des outils pour des recapitalisations aussi bien que pour
des garanties204.

59. L’exemple du plan de relance français


La France adopte par vote parlementaire du 29 janvier 2009 une série de mesures dont
des garanties des dettes des institutions financières, des recapitalisations, des dispositions
fiscales, des aides à l’embauche pour des petites entreprises, des dispositions relatives à la
commande publique, l’assouplissement des règles d’urbanisme ainsi que d’autres mesures205.
Ce plan met en œuvre au niveau du droit national des mesures décidées au niveau de
l’Eurogroupe lors du sommet du 12 octobre 2008 et au niveau international, notamment les
mesures issues de l’accord du 30 septembre 2008 entre la France, la Belgique et le
Luxembourg consacré au sauvetage de la banque Dexia, mais le plan français n’en constitue
pas du tout une simple traduction. Selon l’analyse du plan de relance français faite par Sophie
Nicinski, l’État met en œuvre en même temps « les prérogatives de l’État administrateur de
l’économie, les facilités de l’État opérateur économique et les leviers de l’État demandeur sur
le marché »206. Sans innover au niveau de moyens d’intervention, l’État français fait
application des types traditionnels d’interaction avec les agents économiques. L’État crée ainsi
la prime de solidarité active, l’aide à l’embauche pour les petites entreprises etc. Ce
mécanisme de plan de relance donne à l’État la figure d’un régulateur, disposant d’un grand
nombre d’outils pour assurer sa présence économique mais privilégiant « la méthode
incitative plutôt que coercitive, le choix de la méthode la moins attentatoire aux libertés
économiques »207. Le régime organisé au profit du secteur financier est, en vertu de l’article 6,

204 Les régimes de sauvetage prévus par la loi allemande sont des régimes des garanties (§ 6 de la FMStG),
des recapitalisations (§ 7), l’acquisition d’actifs (§ 8), tous doivent être limités dans le temps.
205 Le plan de relance français est composé d’une série de textes dont la loi n 2008-1061 du 16 octobre 2008
rectificative pour le financement de l’économie, prévoyant la création d’une société de refinancement et d’une
société de prise de participation dans les banques, la loi n 2008-1443 du 30 décembre 2008 des finances
rectificative pour 2008 portant des dispositions fiscales, la loi n 2009-122 du 4 février 2009 relative aux
dépenses de l’État dans le cadre d’investissement, la loi n 2009-179 du 17 février 2009 comportant, parmi
d’autres, des dispositions relatives à la commande publique.
206 Sophie NICINSKI, « Le plan de relance de l’économie », RFDA 2009, p. 273.
207 Sophie NICINSKI, ibid. Surtout, la France fait usage du mécanisme juridique assez ancien, celui de
la planification économique, et fait recours aux instruments déjà assez bien connus et expérimentés. L’adoption
d’un premier plan date de l’après-guerre (notamment de 1947), l’encadrement de la planification par une loi était
76
I, de la loi n° 2008-1061, celui d’une garantie publique octroyée à titre onéreux que peut
accorder le Ministre chargé de l’économie208. Or si l’État poursuit des objectifs d’intervention
économique, il est limité dans ces moyens par la réglementation libérale communautaire.
C’est cette tension entre libéralisme et interventionnisme qui ferait, selon Sophie Nicinski,
l’essentiel de l’État régulateur français.
La France trouve une solution institutionnelle originale par rapport à d’autres pays
européens en créant un ministère spécifique chargé de la mise en œuvre du plan de relance
économique et de son suivi, ou encore en créant un médiateur du crédit. La France crée
également un fonds, la SRAEC, nommé actuellement la SFEF, Société de Financement de
l’Économie française, ayant comme actionnaires l’État et diverses banques, qui obtient la
garantie publique et la réattribue sous forme des prêts aux institutions financières, l’État
n’octroyant pas directement des prêts aux banques209.

60. L’obligation de financement d’économie réelle à la charge du bénéficiaire de l’aide


Le régime de garanties français prévoit que des institutions bénéficiaires du
refinancement par la SRAEC assument l’obligation de hausser dans un certain délai le
pourcentage de financement de l’économie réelle. Par cela, le plan français incite les banques
à assumer le rôle de relais entre l’Etat et l’économie réelle qui leur revient en principe. En ce
qui concerne les garanties publiques, l’article 6 II de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008
dispose que « les établissements concernés passent une convention avec l'Etat qui fixe les
contreparties de la garantie, notamment en ce qui concerne le financement des particuliers,
des entreprises et des collectivités territoriales». Cette disposition n’est pas contestée par la
Commission dans sa décision d’approbation, même si sa compatibilité avec les règles
générales en matière d’aides publiques n’est pas évidente210. Le droit de la concurrence incite
plutôt à imposer aux bénéficiaires de l’aide des restrictions de croissance que de leur imposer

achevé avec la loi n 82-653 du 29 juillet 1982. Même si cet instrument n’est pas utilisé de manière tout à fait
classique, comme le plan ne comporte pas d’objectifs à long terme mais se limite aux actions à court terme
imposées par la situation que présente la crise (v. ibid.).
208 Comme le précise dans son art. 1er l’arrêté d’application du 23 octobre 2008, il s’agit d’une
« garantie autonome à première demande inconditionnelle et irrévocable ».
209 En vertu de l’arrêt CJCE, 22 mars 1977, Steinike, « l’article 92 article englobe l’ensemble des aides
accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’aide est
accordée directement par l’État ou par des organismes publics et privés qu’il institue ou désigne pour gérer
l’aide ». Des aides du SOFFIN en Allemagne ou de SFEF en France sont donc imputables à l’État et
l’organisation d’un fonds n’a aucune influence sur la qualification de l’aide publique.
210 Malgré l’absence de contestation au niveau juridique, les informations de presse démontrent que cette
disposition législative prévue par la France a fait l’objet d’un débat lors de la négociation par la France et la
Commission du projet de régime. V. à titre d’exemple Jean-Jacques MÉVEL, « Les aides aux banques :
Bruxelles affronte Paris », Le Figaro, 1er décembre 2008.
77
en terme d’obligation une croissance sur le marché, ici le marché de prêt à l’économie
réelle211.
La même solution est d’ailleurs retenue par l’Autriche qui par le décret d’application de
la FinStaG oblige les institutions bénéficiaires d’octroyer le financement obtenu à l’activité de
crédit aux PMEs et aux crédits hypothécaires au profit des ménages, et cela au taux
comparable à celui de marché212. La loi allemande réserve à l’État le droit d’exercer une
influence sur la stratégie commerciale des institutions bénéficiaires.

61. L’organisation des critères d’éligibilité


L’État peut poser des critères d’éligibilité des bénéficiaires pourvu que ces critères
n’aient pas de caractère discriminatoire (v. supra). Le régime allemand est applicable aux
banques, aux compagnies d’assurance et aux fonds de pension. L’État peut encore choisir
d’ouvrir l’accès au régime soit à l’ensemble du secteur bancaire, soit seulement aux
institutions saines en les définissant conformément à son droit national. La loi allemande
FMStG prévoit que chaque institution bénéficiaire sera soumise par un acte réglementaire à
certaines conditions de fonds propres, même si la loi elle-même ne prévoit pas le contenu de
ces exigences. La loi crée un fonds, Finanzmarktstabilisierungsfonds, qui a un pouvoir
discrétionnaire de choix de bénéficiaires parmi des institutions saines en prenant surtout en
compte l’importance systémique du bénéficiaire. La FMStG permet d’octroyer des aides aux
institutions financières (institutions du crédit, sociétés d’assurance telles que définies par le
droit national allemand) ayant leur siège social en RFA. Est instauré un fonds qui constitue un
patrimoine de la Fédération d’affectation spéciale213. La loi française n° 2008-1061 qui crée le
régime de garanties publiques français retient la même solution en disposant dans son article 6
que seuls les « établissements de crédit satisfaisant aux exigences de fonds propres prévues en
application du code monétaire et financier pourront bénéficier des prêts accordés par la

211 V. l’analyse de cette controverse chez Antoine WINCKLER, François-Charles LAPRÉVOTE, « When
the Watchman Must Take the Wheel – State Aid Control of Financial Institutions and Other Political Imperatives
during the Economic Crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 14. Notons que la Commission a elle-même plus tard,
dans la communication relative aux recapitalisations des établissements de crédit (points 5 et 39 de la
communication), recommandé à d’autres Etats de reprendre dans leur législation la même clause, l’estimant
efficace. Or cette clause ne vaut que pour des banques fondamentalement saines, les banques en difficulté devant
être soumises à une limitation de leur présence sur le marché.
212 V. § 3 du décret d’application de la loi (Ausführungsverordnung).
213 La possibilité de créer des patrimoines d’affectation au niveau fédéral est expressément prévue par la
Loi fondamentale aux articles 110 al. 1, et 115, al. 2. Le patrimoine d’affectation ne fait pas partie du budget, il
est séparé d’autres droits et obligations du Bund et le Bund répond des obligations du fonds. L’établissement qui
gouverne le fonds est soumis au contrôle du Ministère fédéral des finances. Les dépenses seront assumées par le
Bund. Le fonds pourra imposer aux institutions du secteur financier candidates au soutien public la récupération
du financement par un acte d’obligation (Verpflichtungserklärung), un contrat ou un acte administratif
78
société ».
Si certains États, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou l’Irlande, choisissent
encore de charger les banques bénéficiaires du soutien public de l’obligation de contribuer au
coût de la mesure, d’autres, comme le Danemark, préfèrent repartir le coût entre toutes les
institutions du secteur bancaire national214. Dans l’hypothèse des augmentations de capital,
l’État, parfois par l’intermédiaire d’un fonds public, décide si seront émises des actions
simples ou des actions privilégiées. Ainsi, la loi FMStG allemande prévoit dans son
paragraphe 5 les deux possibilités, or dans la pratique des actions simples sont émises dans la
majorité de cas.
Les Etats doivent encore créer des mécanismes préventifs d’expansion agressive des
institutions bénéficiaires en imposant des obligations à leur charge, certaines de ces
obligations étant tout de même suggérées par la Commission, par exemple, l’interdiction de
publicité mentionnant le soutien public, limitation de la hauteur du bilan etc. Tous les États
prévoient des limitations de hauteur de bilan, même si le montant limite peut varier. Certains
prévoient également l’interdiction de publicité ou des restrictions de rémunération des
dirigeants, ou encore d’une limitation de versement des dividendes. La France limite par
décret des rémunérations des dirigeants des entreprises aidées par l’État ou bénéficiant du
soutien de l’État du fait de la crise économique215. La loi française prévoit que chaque
institution financière bénéficiant du soutien public précise dans une convention passée avec
l’État « les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques
conformes à l'intérêt général »216, les engagements pris dans chaque cas dépendant du
contexte individuel de l’institution. La loi du 20 avril 2009 définit des conditions éthiques à la

214 Le Danemark crée un fonds bancaire privé qui est chargé de la fonction de repartir entre les
institutions du secteur bancaire le coût de la contribution privée au montant de la garantie.
215 Décret n 2009-348 du 30 mars 2009 relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des
entreprises aidées par l'Etat ou bénéficiant du soutien de l'Etat du fait de la crise économique et des responsables
des entreprises publiques. Chaque entreprise bénéficiant du soutien de la Société de prise de participations d’État
conclut une convention avec celle-ci. La convention précise les conditions de rémunération des dirigeants de
l’entreprise. Ce mécanisme est de nature strictement temporaire et ne sera pas appliqué au-delà du 31 décembre
2010. En effet, comme l’énonce la Commission dans sa recommandation 2009/384/CE du 30 avril 2009, « les
pratiques inadaptées suivies en matière de rémunération dans le secteur des services financiers ont, de l’avis
général, elles aussi conduit à des prises de risque excessives et contribué de ce fait aux pertes importantes
encourues par de grandes entreprises financières » (JOUE L120, p. 22). L’Allemagne prend en compte cette
expérience en adoptant la loi sur la proportionnalité des rémunérations des dirigeants (Gesetz zur
Angemessenheit der Vorstandsvergütung, VorstAG, du 31 juillet 2009, publié au Bundesgestzblatt du 4 août 209)
imposant par voie législative des limites de rémunération des dirigeants qui s’appliqueront à l’ensemble de
l’économie et non seulement aux bénéficiaires des aides publiques et qui ne sont pas limitées dans le temps.
216 L’art. 6 de la loi n 2008-1061 du 16 octobre 2008. Un engagement collectif est d’ailleurs pris par les
banques françaises le 21 octobre 2008 dans le cadre de la Fédération bancaire française qui comprend « à mettre
en œuvre des principes éthiques de gouvernance, c’est-à-dire notamment l’interdiction des parachutes dorés en
cas d’échec des dirigeants et d’un contrat de travail pour les mandataires sociaux », v. le document sur
http://www.upe13.com/docViewer.aspx?id=3103 (vu le 10 avril 2010).
79
charge des bénéficiaires du refinancement par la SFEF que l’État peut imposer par
convention217.

62. L’usage des instruments juridiques ne tombant pas sous le coup de l’interdiction
des aides publiques: mesures fiscales
La définition communautaire de l’aide publique permet aux États d’adopter des
mesures qui, tout en étant efficaces, ne tomberont pas nécessairement sous le coup de
l’interdiction de principe qui frappe ces aides. Vu qu’une aide d’État telle que définie par le
Traité se destine toujours à un seul bénéficiaire ou à un nombre restreint de bénéficiaires, le
caractère de mesure particulière et non pas générale de l’aide publique telle que définie en
droit communautaire permet d’éviter que la mesure tombe dans le domaine soumis au
contrôle communautaire en tant qu’aide d’État. L’État peut par exemple échapper au contrôle
exercé pat la Commission en adoptant des mesures générales applicables à l’ensemble
d’entreprises nationales de manière non-discriminatoire218. Ainsi, une mesure fiscale ou
sociale applicable à tous les opérateurs du marché, comme la réduction temporaire du taux de
la TVA de 17.5 à 15 % en Grande-Bretagne, ou encore l’allongement des délais de paiement
d’impôts, n’est pas constitutive d’aide d’État219.

63. L’usage des instruments juridiques ne tombant pas sous le coup de l’interdiction
des aides publiques: aides aux consommateurs
Les aides directes au consommateurs et non pas aux entreprises permettent
également à échapper aux contraintes communautaires relatives aux aides d’État. Des plans de
relance comprennent ainsi des aides aux ménages, dont des augmentations de l’allocation
pour le premier enfant, aides aux chômeurs ou aux ménages surendettés. De telles aides, tout
en incitant la consommation et en visant par là l’accélération de la reprise, ne créent pas de
rupture d’égalité entre des entreprises du marché commun et il est considéré qu’elles n’ont
pas d’effet immédiat sur la liberté de concurrence intracommunautaire. Plusieurs États ont
ainsi introduit des programmes de prime à la casse qui ne bénéficient pas directement aux

217 Art. 24 de la loi de finances rectificative du 20 avril 2009.


218 V. à propos de l’articulation entre des mesures générales non-discriminatoires et des mesures favorisant
certaines entreprises ou certaines productions une analyse par Grégory MARSON, « Le juge fiscal, gardien
communautaire de la neutralité concurrentielle des impôts nationaux : l’exemple des aides d’État », DA, n 6, juin
2008, étude 13.
219 Notons que le Royaume-Uni possède en général d’une marge de manœuvre plus grande à l’égard du
droit européen, n’étant pas soumis aux contraintes budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance européen.
80
entreprises mais aux particuliers et ne sont donc techniquement pas des aides d’État220. La
jurisprudence a pourtant récemment nuancé ce principe en retenant que des incitations
économiques aux consommateurs les conduisant à acheter un produit spécifique, quand ces
incitations proviennent des ressources publiques, peuvent en effet constituer des aides
d’État221. Surtout, si la prime à la casse est destinée au soutien d’un seul secteur, automobile
dans la crise actuelle, il n’est pas certain que les bénéficiaires en soient des particuliers,
destinataires directes de la prime, et non des entreprises de secteur automobile, ses
bénéficiaires indirectes. La Commission considère pourtant qu’une telle mesure n’est pas
constitutive d’aide d’État si elle est mise en œuvre sans discrimination quant à l’origine
nationale du produit.

64. L’usage des instruments ne tombant pas sous le coup de l’interdiction des aides
publiques: la communication politique
Il est la fonction primordiale des États de restaurer la confiance dans leurs économies
nationales, ce qui peut être obtenu par de moyens très variés. Cela est parfois atteint par des
moyens qui n’ont aucune qualification juridique proprement dite. Ainsi, le Président de la
République française, M. Nicolas Sarkozy, proclame qu’il ne sera pas accepté « qu’un seul
déposant perde un seul euro parce qu’un établissement financier se révélerait dans
l’incapacité de faire face à ses engagements »222. Cette déclaration politique devrait impliquer
une garantie illimitée de l’ensemble de dépôts bancaires, or le plafond d’indemnisation par
déposant garanti par le Fonds de garantie de dépôts en France est de 70 000 euros223 et une
garantie illimitée n’existe dans aucun État membre. Une telle garantie, si elle était envisagée
par un État membre, ne serait acceptée par la Commission vu qu’elle n’est pas conforme aux
principes de proportionnalité et nécessité qui sont à la base du contrôle communautaire des
aides publiques. Cet engagement politique n’a donc aucune valeur sur le plan strictement
juridique224, mais il permet à l’État de lutter contre la méfiance des déposants par des moyens

220 Ce principe est fondé sur la jurisprudence de la CJCE Steinike et Weinlig du 22 mars 1977.
221 TPICE, 4 mars 2009, aff. T-424/05, République italienne contre Commission, et aff. T-445/05,
Assoziazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management SpA contre Commission. Les affaires
sont commentées dans l’article de Cristophe GIOLITO, « Décision d’incompatibilité: le TPICE se prononce sur
le régime italien en faveur de certains OPCVM et confirme que le bénéficiaire indirect d’une aide peut être tenu
de rembourser l’aide », Concurrences, n 2, 2009, pp. 158-160.
222 Bruno JEUDY, « Nicolas Sarkozy veut ‘refonder le capitalisme’ », Le Figaro, 26 septembre 2008. Le
Premier Ministre, M. François Fillon, a parlé d’une « garantie absolue de l’État sur le système bancaire
français ».
223 Montant fixé par l’article 5 du règlement 99/05 du Comité de la Réglementation bancaire et
financière du 9 juillet 1999 pour des dépôts espèces.
224 En droit français, la jurisprudence énonce clairement que des promesses politiques ne font pas naître
81
de communication politique.

Section 2. Des contraintes juridiques nationales


65. Si l’article 87 (3) (b) TCE permet d’approuver des régimes nationaux ou des mesures
individuelles contenant des éléments d’aide publique, les mêmes mesures peuvent poser des
questions de leur compatibilité avec le droit national.

66. Décision du Tribunal constitutionnel allemand du 26 mars 2009 : problème de


conformité d’une loi approuvée par la Commission au droit constitutionnel allemand
Ainsi, dans l’affaire tranchée par la Tribunal constitutionnel allemand le 26 mars 2009,
la compatibilité de la loi FMStG allemande portant mesures de recapitalisation du secteur
financier allemand avec la Loi fondamentale est contestée par un actionnaire d’une banque
allemande qui s’estime lésé dans ses droits par une mesure prise par rapport à la banque en
application de la FMStG.225. Le requérant invoque notamment un empiétement sur son droit
fondamental de propriété en tant qu’actionnaire, consacré à l’article 14 al. 1er de la Loi
fondamentale allemande qui dispose que « la propriété et le droit de succession sont garantis.
Leur contenu et leurs limites sont fixés par les lois ». Le requérant invoque, au surplus,
l’absence de voies de recours utiles contre cet empiétement226. La loi contestée donne dans
son § 5, al. 1er, au conseil d’administration de l’institution bénéficiaire de l’aide publique le
droit de décider de l’étendue des droits des actionnaires. Le fonds de prise de participation
SoFFin a la faculté d’influencer la politique commerciale de l’institution aidée, de limiter des
rémunérations des dirigeants ou d’interdire en principe le versement des dividendes aux
actionnaires de la banque pour la durée de la période de participation publique227. En l’espèce
de la décision, l’assemblée générale des actionnaires est privée de son pouvoir de prendre des
décisions sur des augmentations du capital et des émissions d’actions, les actionnaires sont

d’obligations juridiques mais ont la simple valeur d’engagement moral, CA Paris, 1re ch. A. 18 octobre 1994,
Belhomme c/Parti socialiste et autres, note Jacques MESTRE, « Les promesses politiques ne font pas naître
d’obligations civiles », RTD Civ 1995, p. 351.
225 V. la décision BVerfG, 26 mars 2009.
226 En vertu du §3, alinéa 5, phrase 4 FMStBG, l’augmentation en capital est inscrite au registre de commerce
sans que cette inscription puisse être contrôlée par le juge. Les règles procédurales normales ne s’appliquent pas
: un actionnaire ne peut pas contester des décisions du conseil d’administration ni du conseil de surveillance,
cette voie de recours, garantie par les §§ 245 et 249 de l’Aktiengesetz, est donc fermée.
227 La loi contestée dispose dans son § 10, al. 2, que « Le gouvernement fédéral pourra par une disposition qui
ne nécessite pas d’accord du Bundestag préciser des obligations des institutions aidées concernant la politique
des institutions, la politique de l’octroi des crédits, surtout aux PME, la continuité du modèle commercial,
l'utilisation de l’aide reçue, [...] le versement des dividendes, [...] des mesures permettant d’éviter d'éventuelles
distorsions de concurrence». Les restrictions applicables à chaque cas d’espèce sont stipulées par une
convention.
82
privés de leur droit préférentiel de souscription. Il convient d’observer que cette limitation des
droits n’est pas visée expressément par la loi FMStG. Il serait imaginable d’apporter des
limitations au droits fondamentaux protégés par la Loi fondamentale dans les circonstances de
crise financière, mais l’article 19, al. 1, 2ème phrase, de la Loi fondamentale exige que la loi
limitant une liberté fondamentale énonce explicitement le droit fondamental qu’elle limite, ce
qui n’est pas le cas en l’espèce.
Le Tribunal constitutionnel ne rend pas de décision sur le fond de la requête. Le juge
relève le principe de subsidiarité des requêtes constitutionnelles, le requérant n’ayant pas
préalablement épuisé les voies de recours ouvertes. Selon le raisonnement adopté par le
Bundesverfassungsgericht, la seule absence de jurisprudence en matière des augmentations en
capital sur le fondement de la loi contestée ne suffit pas pour confirmer l’absence de voies de
recours228. Le Tribunal constitutionnel dispose d’ailleurs du pouvoir de prendre des décisions
avant l’épuisement préalable des voies de recours portant sur la conformité de la loi contestée
à la Loi fondamentale in abstracto et non en application aux circonstances d’espèce, mais le
Tribunal n’a pas voulu faire usage de ce droit229.
Il convient de noter que des restrictions de versement des dividendes contestées sont
expressément prévues par la Commission dans sa communication sur la recapitalisation du 5
décembre 2008. Or, il n’est pas clair si, vu la constellation du droit national, l’État allemand
pouvait mettre en œuvre une telle restriction prévue au niveau communautaire. Les droits des
actionnaires sont d’ailleurs protégés non seulement au niveau national mais aussi au niveau
communautaire, notamment par la directive du Conseil du 13 décembre 1976230, qui dispose

228 Selon ce raisonnement, même si une voie de recours est susceptible de s’avérer inutile, le requérant
doit essayer d’en faire usage pour obtenir un contrôle incident de la norme contestée devant le
Verfassungsgericht. Étant donné que l’augmentation en capital devient incontestable après l’enregistrement au
registre du commerce, un recours préventif de l’augmentation du capital (vorbeugende Unterlassungsklage)
contre l’institution acceptant l’aide dans le cadre d’une procédure accélérée est envisageable.
229 La loi sur le fonctionnement du Tribunal constitutionnel, § 90 al. 2, deuxième phrase, dispose que « le
Tribunal constitutionnel peut statuer sur une requête introduite avant l’épuisement préalable des voies de
recours si la requête est d’importance générale ou si le requérant est susceptible de subir un dommage grave et
inévitable s’il devra épuiser préalablement des voies inférieures de recours ». En l’espèce, le Tribunal reconnait
le caractère général de la requête, mais juge qu’«une clarification préalable des circonstances juridiques
d’espèce est nécessaire pour l’interprétation et l’application des normes en question à la lumière de l’article 14
al. 1 de la Loi fondamentale ainsi que du droit communautaire par les tribunaux compétents». Le Tribunal relève
que la décision concerne en premier chef les intérêts pécuniaires du requérant auxquels ne peut pas être accordée
une importance particulière, surtout vu que le requérant pourra bénéficier en tant qu’actionnaire du profit apporté
par l’intervention publique. Ce raisonnement est critiquable, vu qu’il n’existe pas de garanties que la
participation du fonds ne va pas faire diminuer la valeur de la participation des actionnaires.
230 Directive du Conseil 77/91/CEE du 13 décembre 1976 tendant à coordonner pour les rendre
équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58 deuxième
alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la
constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital, JO L 26 du 31
janvier 1977, p. 1-13.
83
dans son article 25 que « toute augmentation du capital doit être décidée par l’assemblée
générale », disposition qui est en l’espèce méconnue par la loi allemande. L’article 29 de la
directive interdit d’ailleurs l’exclusion par principe du droit préférentiel de souscription des
actionnaires231, la directive ne prévoyant pas d’exceptions applicables aux situations de crise
ou aux entreprises en difficulté.

67. Le légalité des mesures concernant l’institution financière adoptées sans l’accord de
ses actionnaires (CA Bruxelles, 18ème chambre, 12 décembre 2008)
L’affaire engagée par les actionnaires de la banque belge Fortis à l’encontre de la
Société Fédérale de Participations et d’Investissement (SFPI)232 et examinée par la Cour
d’appel de Bruxelles présente un intérêt en ce qui concerne l’exigence de respect de légalité
par des mesures nationales individuelles prises dans le cadre d’un mécanisme d’octroi d’une
aide publique. Les États belge, néerlandais et luxembourgeois ont élaboré un plan de
sauvetage de la banque Fortis, ayant pour étape conclusive l’acquisition de 75% de Fortis
Banque à BNP Paribas. La Commission reconnaît dans sa décision du 3 décembre 2008 que le
plan contient des éléments d’aide d’État mais reconnaît le plan compatible avec le marché
commun. Or des actionnaires saisissent le juge d’une demande visant la suspension des
conclusions du conseil d’administration de la banque visant la cession des actifs de la banque
à BNP Paribas, sans consultation préalable de l’assemblée générale des actionnaires. Les
demandeurs invoquent une violation des dispositions du Code des Sociétés relatives aux
pouvoirs des conseils d’administration233. Le juge retient l’argument des demandeurs tiré de la
violation des statuts de la banque234 pour suspendre les décisions du conseil d’administration
et ordonner la convocation d’une assemblée générale extraordinaire235. Notons que cette
décision de suspension, susceptible d’empêcher un sauvetage rapide de Fortis, est rendue
presque simultanément avec la décision de la Commission du 3 décembre 2008 où la
Commission autorise le plan belge236 et constate « l’urgence de trouver un repreneur pour
Fortis ».

231 « Le droit préférentiel ne peut être limité, ni supprimé par les statuts ou l'acte constitutif. Il peut l'être
toutefois par décision de l'assemblée générale », art. 29, al. 4 de la directive.
232 Société agissant en son nom mais pour le compte de l’État belge, acquéreur d’une participation dans
le capital de Fortis puis revendue à BNP Paribas.
233 Art. 522 et 524 du Code des Sociétés.
234 Les statuts prévoient notamment que les décisions de transfert d’une partie importante de la banque
sont soumises à l’approbation des assemblées générales.
235 L’opération est finalement conclue par un vote de l’assemblée générale des actionnaires du 28 avril
2009.
236 Malgré le fait qu’il s’agit d’une aide illégale.
84
PARTIE 2. LE RÔLE DE LA RÈGLE COMMUNAUTAIRE EN
MATIÈRE D’AIDES D’ÉTAT DANS LA LUTTE CONTRE LA
CRISE
68. Il est la fonction première et primordiale du contrôle communautaire des aides
publiques d’assurer une plus grande homogénéité de l’effort de lutte des États européens
contre la crise économique et financière. Le rétablissement des économies nationales,
organisé de manière unifiée, doit permettre le rétablissement de l’économie communautaire.
Cet effet d'homogénéisation est assuré, à court et moyen terme, par le respect des règles de
procédure uniformes sur l’ensemble du marché commun. En dehors des questions purement
procédurales, se dresse le problème important de l’effectivité réelle du droit communautaire
face aux interventions économiques des États membres (Titre 1). Or le contrôle des aides
d’État vise également des objectifs à long terme. Il veut assurer l’innovation et le
dévéloppement durable et établir une meilleure structure concurrentielle du marché commun.
Il est aussi guidé par la volonté de protéger l’économie communautaire contre des crises
futures (Titre 2).
Titre 1. Le maintien et des réaménagements de la procédure de
contrôle des aides publiques par la Commission

69. Selon la formule célèbre de la Théologie politique de Carl Schmitt, « est souverain
celui qui décide de la situation exceptionnelle »237. Des situations de crise, loin d’être de
simples exceptions, sont capables de livrer des éléments précieux pour l’analyse de la nature
même des institutions et des systèmes juridiques. Une situation de crise économique et
financière est ainsi susceptible de mettre en lumière des rapports de force encore peu
remarqués ou peu analysés en remettant en question la répartition des compétences entre
l’Union et les États en matière économique. Nous avons observé que la dérogation dans
l’application des règles relatives aux aides d’État est admise au niveau communautaire. Or ce
constat à lui seul ne permet pas d’identifier de manière définitive l’autorité de laquelle émane
la prise réelle des décisions dans le contexte de crise. L’identification du détenteur de la
souveraineté exige d’étudier le fonctionnement des mécanismes de prise des décisions dans le
domaine du contrôle des aides d’État dans la crise. Deux constats s’imposent : d’abord, en
prenant en compte des circonstances d’urgence du moment, la Commission introduit certaines
modifications dans le fonctionnement procédural de son contrôle (Chapitre 1). Ensuite,
certains réaménagements surgissent dans le mécanisme de coopération entre la Commission et
les États membres (Chapitre 2).

237 Carl SCHMITT, Théologie politique, 1922, rééd. Gallimard, 1988.


Chapitre 1. L’instauration d’une procédure communautaire plus rapide et plus
flexible

70. L’Union Européenne étant la seule organisation régionale à contrôler la conformité


des aides publiques octroyées par ses membres aux règles issues du droit de la concurrence, la
crise économique et financière constitue pour la Commission européenne une épreuve où
celle-ci doit démontrer l’efficacité de son contrôle et son aptitude à assurer un contrôle
cohérent et efficace malgré les circonstances du moment. Une importance accrue revient donc
à l’enjeu politique qui exige que soient assouplies non seulement les règles de fond, mais
également celles de procédure. Le caractère effectif du contrôle communautaire dépend de
l’organisation du traitement des mesures notifiées par les États. La crise économique et
financière étant de caractère global, il s’avère qu’une coordination supranationale de la
réponse à la crise s’impose (Section 1). La Commission répond à cette exigence et s’engage
surtout à raccourcir ses délais de procédure (Section 2).

Section 1. L’exigence d’une action plus cohérente au niveau européen


71. Toute l’Europe étant touchée par la crise, une action coordonnée s’impose dans l’état
actuel d’interconnexion des marchés. Confrontés à l’objectif politique de sauvetage du secteur
bancaire, les États commencent vite à coordonner leurs actions de sauvetage des institutions
financières dont la défaillance peut déclencher une crise internationale encore plus grave. Tel
est le cas du sauvetage de la banque Fortis par la Belgique, les Pays-Bas et Luxembourg, et de
Dexia par la Belgique, le Luxembourg et la France. Une action concertée, avant de surgir au
niveau communautaire, apparaît au niveau transnational238.
Il faut bien noter que déjà par le passé, les États membres ont fait preuve de la
volonté de pallier à cette insuffisance de cadre institutionnel en créant des accords sur la

238 Le cas de Fortis est pourtant assez ambivalent et peut être analysé de façon différente. En effet,
l’action concertée des États se résume à organiser des reprises de parties du groupe transnational Fortis group
par les différents États ou celui-ci est présent. Le Danemark reprend ainsi la banque ABN Amro, partie du Fortis
group, et la Belgique nationalise Fortis. Le sauvetage est purement national et ne vise que des actifs se trouvant
sur le territoire national, ce qui enlève à la banque une partie de sa présence internationale. Il est même soutenu
que le nombre de cas de sauvetages dépassant le cadre national est trop bas face au nombre élevé des banque
internationales européennes. V. Antoine WINCKLER, François-Charles LAPRÉVOTE, « When the Watchman
Must Take the Wheel – State Aid Control of Financial Institutions and Other Political Imperatives during the
Economic Crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 15. Il est également avancé que c’est «l’absence de mécanisme
européen de sauvetage des entreprises financiers » qui a conduit à cette action interétatique, v. Elie COHEN,
« Risque systémique et droit de la concurrence », Concurrences, 2009, n 1, p. 1.
88
coopération visant à promouvoir la coopération entre les autorités de supervision financières
nationales, des Banques Centrales et des Ministères de Finances dans l’hypothèse d’une crise
financière239. L’apport principal de ces accords, dont les parties signataires sont les Banques
Centrales, les Autorités de surveillance financière, les Ministères des Finances des États
membres aussi bien que d’autres Ministères des États membres en fonction de leurs
compétences nationales, est la création de principes communs de gestion de crises
transfrontalières. Cela inclut par exemple l’échange de documentation et d’informations entre
ces institutions. En ce qui concerne l’octroi des aides publiques, ce document prévoit que,
dans le cas où une crise de solvabilité affecte un groupement financier transfrontalier en
créant un danger de contagion systémique qui exigerait l’octroi d’aides publiques le Ministère
financier du pays d’origine240 propose dans les meilleurs délais des solutions portant octroi
d’aides publiques, y compris des solutions sur le partage des coûts équitable entre des États
impliqués. Il est donc à la charge des Ministères de Finances d’estimer le montant nécessaire
et d’initier la prise de décisions au niveau international en coopération avec des Ministères
des Finances d’autres États impliqués, et en coopération aussi avec des Autorités de
supervision et des Banques Centrales impliquées, en partageant des coûts entre les États de
manière équitable et équilibrée. C’est le Ministère de finances du pays d’origine qui soumet le
plan ainsi élaboré à la Commission. Même si ce texte ne crée pas d’engagement
juridiquement contraignant pour ses signataires, il témoigne d’une volonté de coopération qui
serait dans l’intérêt commun des États.

72. Les conclusions du Conseil Ecofin


En début octobre 2008, lorsque la crise commence à menacer l’ensemble de l’économie
européenne suite à la chute de la banque Lehman Brothers, les ministres de finances des États
membres se réunissent au sein su Conseil Ecofin à Luxembourg pour convenir quelle sera
l’action coordonnée des États membres face à la crise. Des premiers principes d’action

239 L’accord sur la coopération entre les autorités de supervision financière, les banques centrales et les
ministères des finances de l'Union européenne en matière de stabilité financière, Memorandum of Understanding
on Cooperation between the Financial Supervisory Authorities, Central Banks and Financial Ministries of the
European Union on Cross-Border Financial Stability, 1 juin 2008, ECOFIN/CEFCPE(2008)REP53106,
document disponible en anglais sur http://www.fsa.gov.uk/pubs/mou/cross_border.pdf (vu le 10 avril 2010). Ce
dernier accord est un prolongement d’un accord précédent datant de 2005. L’idée de la nécessité d’une action
transnationale cohérente est fondamentale pour les économistes : dans une période de crise, « pour une économie
extravertie, le salut ne peut venir que de l’extérieur », v. Gilles DUFRÉNOT, Alain SAND-ZANTMAN, Après
la crise? Les politiques économiques dans le monde, Economica, Paris, p. 48.
240 Du pays où ce trouve l’autorité de supervision chargée de la supervision consolidée du groupe
transfrontalier conformément à la législation communautaire en vigueur.
89
concertée sont donc adoptés par le Conseil Ecofin le 7 octobre 2008241. Ces principes sont les
suivants :
« – les interventions doivent être réalisées en temps opportun et le soutien apporté doit, en
principe, être temporaire;
nous serons attentifs aux intérêts des contribuables;
les actionnaires existants devraient supporter les conséquences normales des interventions;
les gouvernements devraient être en mesure d'apporter un changement dans la gestion;
les membres de la direction ne devraient pas conserver d'avantages excessifs – les
gouvernements peuvent avoir notamment la possibilité d'intervenir en ce qui concerne les
rémunérations;
les intérêts légitimes des concurrents doivent être protégés, en particulier au moyen des règles
régissant les aides d'État;
les effets de propagation négatifs doivent être évités ».
La Commission s’engage à l’égard du Conseil Ecofin d’assurer un traitement rapide de
demandes et de publier dans les plus brefs délais des orientations sur l’application plus
flexible des règles en matière d’aides d’État dans la crise financière242. Nous rappellerons ici
que cet engagement est réalisé par la publication de la communication du 13 octobre 2008.

73. La Déclaration de l’Eurogroupe


À l’issue du sommet extraordinaire de Paris le 12 octobre 2008, l’Eurogroupe confirme
conjointement avec la BCE l’initiative de poursuivre une politique commune face à la crise et
adopte la Déclaration portant sur le plan d’action concerté des pays de la zone euro243. Les
États de la zone euro, visant d’abord l’objectif d’empêcher la faillite de toute institution
d’importance systémique, décident octroyer des garanties aux banques afin de faciliter le
refinancement de celles-ci. Il est quand même prévu que ces mesures ne doivent pas entraîner
une distorsion excessive de la concurrence. Le coût de la mesure, qui sera imposé par l’État

241 Disponible à http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/fr/misc/103223.pdf


(vu le 10 avril 2010).
242 Nous citons ici l’extrait des conclusions du Conseil Ecofin relatif aux engagements pris par la
Commission : « Nous nous réjouissons que la Commission demeure résolue à agir rapidement et à faire preuve
de flexibilité dans les décisions relatives aux aides d'État, dans le cadre du régime applicable en la matière et du
marché unique. Le Conseil se félicite que la Commission se soit engagée à arrêter à bref délai des orientations
fixant le cadre général permettant d'évaluer rapidement si les systèmes de recapitalisation et de garantie, ainsi
que les cas dans lesquels ces systèmes sont appliqués, sont compatibles avec le régime des aides d'État ».
243 V. http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/08/st14/st14239.fr08.pdf (Doc. 14239/08, (vu le 10 avril
2010). La Déclaration, plus précise et plus détaillée que les conclusions du Conseil Ecofin, souligne « la
nécessité pour la Commission de continuer à agir rapidement et appliquer avec flexibilité les décisions en
matière d’aides d’Etat tout en continuant à soutenir les principes du marché unique et du régime d’aides
d’État ». Tous les Etats membres sont invités à « agir de manière unie et éviter des mesures nationales qui
affecteraient négativement le fonctionnement du marché unique ou qui léserait les autres Etats membres ».
90
en prenant en compte la situation du chaque bénéficiaire, doit se rapprocher de son coût de
marché et la mesure doit être accessible à toutes les institutions financières enregistrées ou
opérant dans le pays aussi bien qu’aux filiales des institutions étrangères si elles remplissent
des critères non discriminatoires posés par la Commission. C’est donc au sommet de Paris
que les États décident de soutenir le secteur bancaire par des mesures plus vastes
qu’auparavant. La portée des mesures dont il est décidé fait qu’un recours à l’article 87 (3) (b)
sera nécessaire de la part de la Commission pour justifier la compatibilité de ces mesures avec
le marché commun.

74. Les conclusions du Conseil


Le Conseil Européen confirme son accord avec l’initiative de l’Eurogroupe dans les
conclusions de la présidence du 15 et 16 octobre 2008. Selon ce document, dans les
circonstances exceptionnelles actuelles, il convient de soutenir « par la Commission des
règles relatives à la politique de la concurrence, notamment aux aides d'Etat », même si «
l'application des règles européennes doit continuer à répondre à l'exigence d'une action
rapide et flexible »244. Il est donc donné à la Commission un double devoir politique : d’un
côté, rester fidèle au fond du droit; de l’autre, montrer plus de flexibilité dans les aspects
procéduraux245. Le rappel, émanant des hauts fonctionnaires communautaires, de la nécessité
de continuer d’appliquer de manière ferme le droit en vigueur, a une portée politique
considérable. Cette décision de mise en œuvre d’une politique de concurrence coordonnée
relève de l’aspect « constitutionnel » du droit communautaire des aides d’État, qui a le devoir
d’assurer le fonctionnement des règles de jeu équitables pour des entreprises du marché
européen et qui ne saurait abandonner ce devoir pour des considérations d’ordre politique,
soient-elles provoquées par une crise économique grave. L’enjeu politique est important et
difficile à manier : il est pratiquement impossible pour la Commission d’agir conformément
aux règles normales de procédure, or une trop grande flexibilité pourrait remettre en question
l’effectivité du droit communautaire. La démarche des autorités de la concurrence mondiales
a d’ailleurs été dans une grande mesure la même, celles-ci annonçant leur volonté d’appliquer
de manière rigoureuse le droit en vigueur246.

244 V. http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/08/st14/st14368.fr08.pdf (Doc. 14368/08, vu le 10 avril


2010). Il convient de rappeler que les Conclusions de présidence, qui ne sont pas publiées au JO, ne font pas foi.
Elles n’ont donc pas de force juridiquement contraignante et ont une valeur plutôt politique.
245 Si on applique le raisonnement de Carl SCHMITT, cette situation témoigne plutôt de ce que le
pouvoir réel de décision est détenu par les États membres réunis au sein du Conseil européen. En dernière
analyse, la souveraineté en matière économique est donc plutôt détenue par les États.
246 V. le discours prononcé par la secrétaire d’État américaine chargée des questions antitrust au
91
75. L’existence d’une alternative au traitement par la Commission
La Commission n’a pas de compétence exclusive dans le contrôle des aides
publiques, le Conseil possédant également des compétences dans cette matière. Le Traité
prévoit une alternative à l’article 87 (3) (b) Traité CE en tant que base juridique de droit
primaire pour les aides d’État dans une situation exceptionnelle comme celle de la crise. En
effet, si la compétence de principe est en vertu de l’article 88 (1) du Traité CE celle de la
Commission, l’article 88 (2) (3) prévoit une possibilité alternative, celle d’une intervention
accessoire du Conseil européen. L’article 88 (2) (3) peut être appliqué lorsque des
circonstances exceptionnelles le justifient et il se distingue de l’article 87 (3) (b) en ce qu’il
donne compétence au Conseil et non pas à la Commission. La procédure est mise en place à la
demande de l’État membre concerné et elle est suspensive d’une procédure antérieurement
initiée devant la Commission jusqu’au moment où le Conseil statue à l’unanimité247. Cette
disposition créant une exception à la compétence de la Commission au profit du Conseil n’a
pourtant jamais été invoquée par les États dans le contexte de la crise économique et
financière. L’absence de recours à cette procédure démontre que la compétence de la
Commission n’est en principe pas contestée par les États248. En encourageant l’application du
droit de la concurrence par la Commission dans les conclusions du sommet du 15 octobre
2008, le Conseil renonce en quelque sorte à l’application de l’article 88 (2) (3) du Traité CE.

Department of Justice Mme Christine Varney devant la chambre de commerce des États-Unis le 12 mai 2009,
Vigourous Antitrust Enforcement in This Challenging Era – Remarks as Prepared for the United States Chamber
of Commerce by Assistant Attorney General Christine A. Varney.
247 Nous citions ici ce texte dans son intégralité : « Sur demande d'un État membre, le Conseil, statuant à
l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet État, doit être considérée comme
compatible avec le marché commun, en dérogation des dispositions de l'article 87 ou des règlements prévus à
l'article 89, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la
Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'État intéressé
adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil ». La
procédure peut également être initiée avant l’ouverture de la procédure devant la Commission. Le Conseil n’est
pourtant pas compétent pour réexaminer une mesure déjà examinée par la Commission. V. une analyse de cette
provision du Traité dans l’ouvrage de Jean-Yves CHÉROT, op. cit., p. 224 et s.
248 M. Conor QUIGLEY, op. cit., considère que « le Conseil pouvant en principe faire usage de ses
droits selon l’art. 88 (2) vu la présence de circonstances exceptionnelles issues de la crise, la Commission a vite
confirmé sa crédibilité et sa légitimité en approuvant une série de mesures sur un fondement juridique primaire
presque jamais utilisé, celui de l’art. 87(3) (b) ». Il est vrai que la procédure prévue devant le Conseil est quand
même assez lourde, le Conseil devant statuer à l’unanimité, cette exigence étant d’ailleurs maintenue dans le
TFUE, art. 108 (2).
92
Section 2. L’accélération des délais de traitement des mesures notifiées
76. Dans une situation de crise économique et financière, « il est l’objectif de la
Commission de démontrer que, contrairement à ce que peuvent prétendre certains États
membres, le cadre normatif actuel est suffisamment flexible pour prendre en compte des
circonstances exceptionnelles et spécifiques au chaque État », ce qui implique d’abord
l’aptitude d’assurer la rapidité de prise de décisions249. Le mode de fonctionnement des
institutions communautaires s'est modifié dans la crise, surtout en ce qui concerne les délais
dans lesquels la Commission analyse les dossiers et donne son appréciation.
L’assouplissement des règles de procédure précède en effet celui des exigences de fond. Avant
de reconnaître la présence de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 87 (3) (b), la
Commission accélère la procédure de traitement des demandes, réduite à dix jours dans
l’affaire de Roskilde Bank (décision au 31 juillet 2008 après notification au 21 juillet 2008).
Dans un communiqué de presse du 13 octobre 2008, la Commission s'engage à « garantir
l'adoption rapide des décisions dès réception d'une notification complète, si nécessaire dans
les vingt-quatre heures ou au cours d'un weekend »250. La Commissaire chargée de la
concurrence Neelie Kroes annonce le 8 décembre 2008 que la Commission avait pris plus de
vingt décisions avec une durée moyenne de procédure de moins d'une semaine.

77. Habilitation temporaire donnée à la Commissaire chargée de la concurrence


La prise de décisions par la Commission repose sur le principe de collégialité251. À la
notification d’une mesure par l’État, une instruction est réalisée par la DG Concurrence. À
l’issue de cette instruction, une décision sur la compatibilité de la mesure avec le marché
commun est adoptée par le collège de commissaires, le commissaire chargé de la concurrence
étant un simple membre du collège. Ce collège dispose d’un large pouvoir discrétionnaire
dans l’exercice de ses actions. Or pour accroître la réactivité du travail de la Commission, une
solution assez originale et inattendue a été prise, notamment d’habiliter la Commissaire à la
concurrence Neelie Kroes des pouvoirs exceptionnels de prendre des mesures de sauvetage

249 V. Damien GÉRARD, « Competition Law enforcement at grips with the financial crisis »,
Concurrences, n 1, 2009, p. 47. L’exigence de rapidité concerne également la communication officielle de la
Commission. La Commission doit faire preuve d’une grande réactivité dans la publication des communications
ou encore d’ informations concernant des décisions adoptées avant leur publication au JO. Cette rapidité doit
garantir aux institutions concernées une plus grande sécurité juridique, y compris en contribuant à éviter une
panique bancaire.
250 V. le Tableau de bord des aides d’État 2009 pour une liste des mesures pratiques adoptées pour
parvenir à cet objectif.
251 V. les articles 1 et 4 du règlement intérieur de la Commission, modifié par la décision de la
Commission du 15 novembre 2005, JO L347 du 30.12.2005, p. 87.
93
d’urgence252. Une telle habilitation, si elle est prise par le Collège des Commissaires, est
prévue par le règlement intérieur de la Commission253, mais elle est de caractère exceptionnel.
Ce pouvoir exceptionnel, de caractère strictement temporaire, doit permettre une plus grande
réactivité de la Commission face aux circonstances de crise.
Cette habilitation, valide pour trois mois, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2008,
permet à la Commissaire de prendre avec l’accord du Président de la Commission et des
Commissaires des Affaires Monétaires et Economiques et du Marché Intérieur des mesures
d’urgence, si nécessaire, dans un délai d’un weekend ou de quelques heures. Ces mesures
d’urgence comprennent, premièrement, les décisions que la mesure ne constitue pas d’aide au
sens de l’article 4 (2) du règlement du Conseil 659/99 du 22 mars 1999254, deuxièmement, les
décisions de ne pas soulever d’objections au sens de l’article 4 (3) du règlement 659/99 et
finalement, les décisions de ne pas soulever d’objections contre une aide non notifiée suivant
les articles 13 (1) et 4 (3) du règlement 659/99. Il a pris 24 heures pour approuver le plan de
sauvetage de la banque britannique Bradford et Bingley, quelques jours pour les deux banques
Northern Rock et HRE, 20 autres mesures ayant été approuvées au cours de huit semaines255.
L’habilitation n’est quand même pas universelle et elle est considérée comme une mesure
d’exception même au cours de sa période de validité. Elle s’applique seulement aux
institutions financières nécessitant un sauvetage urgent et non pas à l’ensemble de demandes
qu’aurait à traiter la DG Concurrence. Pour chaque intervention, il doit exister une situation
d’urgence attestée notamment par une lettre motivée du dirigeant de la Banque Centrale de
l’Etat membre qui notifie la mesure. Dans chaque cas particulier, une approbation préalable
au Service Légal de la Commission, à la DG ECFIN et à la DG Markt est nécessaire et a pour
vocation de garantir la sécurité légale. Pourtant, l’habilitation est valide pour tous les types
d’interventions du point de vue économique, qu’il s’agisse de recapitalisations, de garanties
ou de liquidations contrôlées. La Commissaire est habilitée à prendre des décisions sur le
fondement de l’article 87 (3) (b) et (c). Enfin, cette habilitation ne peut pas être subdéléguée.

252 Procès-verbal de la 1845ième réunion de la Commission, 1 oct. 2008, PV(2008), paragraphe 10.4.
Habilitation temporaire, SEC(2008) 2575/2. Version en anglais disponible sous
http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/2/2008/EN/2-2008-2575-EN-2-0.Pdf (vu le 10 avril 2010).
253 Ibid., art. 13.
254 JO du 27.3.1999 L83, p. 1-9, modifié par la décision de la Commission du 15 novembre 2005, JO
L347 du 30.12.2005, p. 87. Ce réglement codifie des règles de procédure issues de la pratique.
255 V. pour une analyse plus détaillée Damien GERARD, «Le droit communautaire de la concurrence
face à la crise financière : souplesse dans les moyens, cohérence dans l’application des principes» « EC
competition law enforcement at grips with the financial crisis : Flexibility on the means, consistency in the
principles », Concurrences, n 1, 2009, Doctrines, pp. 4662.
94
78. L’absence de procédure exceptionnelle spéciale
La Commission n’instaure pourtant pas de procédure spéciale de contrôle adaptée
aux conditions exceptionnelles de la crise et se borne à assurer un traitement rapide des
demandes256. Au stade d’examen d’aide nouvelle, aucune distinction de procédure n’est
opérée entre des mesures générales des États membres et des aides individuelles. La
Commission renonce dans la plupart des cas à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen
des aides, une telle procédure étant considérée incompatible avec l’exigence de rapidité.
Concrètement, la Commission reconnaît que l’ouverture de la procédure longue d’examen
peut priver non seulement le bénéficiaire mais aussi ses partenaires ou d'éventuels acheteurs
de l’institution bénéficiaire de la sécurité juridique tellement nécessaire. Les procédures
formelles d’examen ne sont ouvertes que pour des institutions en difficulté, lorsque le
montant de l’aide est très élevé257. Dans les cas où une telle procédure s’est avérée
indispensable, elle n’a pas suspendu la mise en œuvre de mesures d’urgence258.

256 Cette situation, sans doute liée à la situation d’urgence dans laquelle doit agir la Commission, est
critiquée par la doctrine. Ainsi, Jacques DERENNE remarque que la Commission aurait dû insister sur
l’obligation de notification préalable qui a été violée par certains États membres quand ils ont décidé du
sauvetage des économies nationales. La Commission aurait également pu adapter sa procédure aux spécificités
que présente le secteur bancaire. V. Concurrences, Chroniques Aides d’État, n 4 2008, p. 107.
257 Tel est au moins le résumé fait par Marianne DONY, « Le contrôle communautaire des aides d’État
face à la crise financière», Journal de droit européen, 2009, p. 209. L’ouverture d’une procédure formelle
d’examen a eu lieu dans les affaires Hypo Real Estate, Dexia, Fortis, la banque régionale Bayern LB.
258 Notamment dans les cas d’ING et de Dexia.
95
Chapitre 2. Les réaménagements du mécanisme de coopération entre la
Commission et les États

79. Le droit communautaire instaure un système de contrôle a priori des aides


259
publiques . L’organisation du système communautaire de contrôle des aides d’État est
centralisée : en vertu de l’article 88 du Traité CE attributif de compétence en matière d’aides
publiques, la Commission détient une compétence exclusive pour apprécier si une mesure
nationale doit être qualifiée d’aide d’État. Le pouvoir de la Commission est tellement étendu
que son action en matière des aides d'État a été comparée avec l'action d'un législateur, même
si la Commission ne prend pas de directives ni de textes réglementaires260. Les dispositions du
Traité concernant les aides d’État n’étant, à l’exception de l’article 88 (3), ni inconditionnelles
ni absolues et la Commission disposant d’un large pouvoir d’appréciation, ces dispositions ne
sont pas d’effet direct et ne sont pas invocables par des particuliers devant les juridictions
nationales261. Le régime de compétence exclusive ainsi créé au profit de la Commission a
pour vocation d’assurer une politique d’aides cohérente et d’éviter toute atteinte à l’intérêt
général communautaire par les aides publiques nationales262. Or dans cette situation la
question se pose à savoir si une sécurité juridique suffisante pourra être garantie dans des
circonstances de crise par une institution détenant un large pouvoir discrétionnaire.
Le droit communautaire prévoit une double obligation procédurale à la charge des États
dispensateurs des aides publiques : d’abord, celle de notifier la mesure en question à la
Commission (Section 1), et ensuite, de respecter des obligations procédurales ultérieures que
peut leur imposer la Commission, dont l’obligation de soumettre la mesure à un réexamen
régulier (Section 2).

259 CJCE, 22 mars 1977, Steinike et Weinlig. Il convient pourtant de préciser que le réglement de
procédure 659/1999 du Conseil opère une distinction entre les aides existantes qui sont contrôlées à l’initiative
de la Commission et les aides nouvelles qui sont notifiées par les États et dont font partie des modifications des
aides existantes. Les aides que nous aborderons dans la suite du développement constituent des aides nouvelles.
260 V. Jean-Yves CHEROT, op. cit., p. 176.
261 CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, Rec. 1141 ; 22 mars 1977, Ianelli e Volpi, aff. 74/76, Rec. 557,
point 12. Cette solution est confirmée par la jurisprudence administrative française, CE, Sect., 3 novembre 1997,
Commune de Fougerolles, Rec. Lebon p. 391, concl. Laurent TOUVET, RFDA, 1998, p. 12.
262 V. Marianne DONY et autres, Contrôle des aides d'Etat, Université de Bruxelles, Bruxelles, 3ème
éd., 2007, p. 11. Cette structure d’organisation a d’ailleurs été très débattue lors de la préparation du Traité CEE.
Cette solution s’explique par « la crainte que les gouvernements ne se fassent réciproquement des concessions,
que ce soit pour maintenir ou pour introduire des subventions, si ce pouvoir de décision était laissé au Conseil
plutôt qu’à la Commission» (v. Hanns Jürgen KÜSTERS, Fondements de la Communauté Économique
Européenne, Éditions Labor, Bruxelles, 1990, p. 248). En effet, le pouvoir exclusif de décision et non de
proposition ou d’initiative qui est attribué à la Commission témoigne du caractère assez original de la solution
retenue par les créateurs du Traité, mais répondant à l’originalité du problème.
96
Section 1. La procédure de notification. L’absence de contestation des aides non-notifiées

80. L’État notifie la mesure envisagée et rapporte des éléments susceptibles de conduire
la Commission à la conclusion de compatibilité de la mesure en question avec le marché
commun263. Le cadre temporaire en faveur de l’économie réelle prévoit depuis le 25 février
2009 dans son point 4.1 que les États sont tenus de « démontrer que les aides d’État notifiées
à la Commission au titre du présent cadre sont nécessaires, appropriées et proportionnées
pour remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre et que toutes les
conditions sont pleinement respectées »264.

81. La notification des mesures mises en exécution


En vertu de l’article 88 (3) du Traité CE l’absence de notification préalable de l’aide
entraîne son illégalité, même si cette aide est compatible avec le marché commun. Cette
illégalité donne en vertu de l’article 11 du règlement de procédure n° 659/99 un droit à la
Commission d’arrêter une injonction de suspension de versement de l’aide (paragraphe 1) ou
une injonction de récupération provisoire (paragraphe 2).
Le respect des règles de procédure de l’article 88 (3) Traité CE est primordial afin
d’assurer une sécurité juridique dans la situation de crise, tant aux États membres qu’au tiers
tels que des concurrents des banques et des entreprises bénéficiaires des aides publiques. Or,
pour plusieurs mesures mises en œuvre dans la situation d’urgence, il ne ressort pourtant pas
des documents publiés par la Commission si celle-ci avait été consultée avant la mise en
œuvre de la mesure. Dans les mois d'octobre-novembre, la Commission autorise de
nombreuses décisions individuelles et régimes généraux nationaux, notifiés ou appliqués sans
notification préalable à la Commission. Or malgré le grand nombre d’aides non notifiées dans
les États membres, la Commission ne fait pas usage de son pouvoir d’ordonner la suspension
ou la récupération de l’aide265. Par exemple, dans le cas Bradford & Bingley, la Commission

263 V. pour un exposé complet des règles de procédure JurisClasseur Concurrence-Consommation, 2003,
fasc. 680, Aides d’État – Procédure de contrôle, n 1-86.
264 V. la Communication de la Commission modifiant le cadre communautaire temporaire pour les aides
d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière
actuelle du 25 février 2009.
265 En commentant cette situation de versement illégal d’aides, Jacques DERENNE remarque qu’elle
n’est pas du tout nouvelle ni originale et que « en général les aides au sauvetage ne sont pas particulièrement
‘légales’ au regard de l’article 88, paragraphe 3, CE », mais que la crise exacerbe cet état de fait, v. le
commentaire de la communication du 13 octobre 2008, Jacques DERENNE, Cristophe GIOLITO, Chronique
Aides d’État, Concurrences n 4 2008, p. 106.
97
reçoit une notification formelle après la mise en œuvre d’une série de mesures qui
comprennent la nationalisation de la banque, la mise en liquidation contrôlée de ses activités
non-viables accompagnée d’une aide à la liquidation et la vente de ses activités viables à un
compétiteur. La Commission rend son décision d’approbation de cette aide non-notifiée dans
une nuit, au lendemain de la notification. Les circonstances de fait sont telles que dans
plusieurs cas la suspension de l'exécution de l’aide dans l’attente de la décision de la
Commission constitue tout simplement une formalité impossible, comme dans l’affaire de
Bradford & Bingley ou dans celle de Fortis : il est manifeste que « Fortis risquait la faillite
sans intervention immédiate de l'Etat, avant les 29 septembre 2008 et 6 octobre 2008 à 9
heures respectivement »266. Or cette impossibilité n’est pas constatée juridiquement dans les
décisions rendues par la Commission, celle-ci préfère plutôt faire usage de son pouvoir
d’appréciation. En effet, le réglement de procédure n° 659/1999 indique que la sanction de la
simple illégalité et non pas de l’incompatibilité de l’aide est un pouvoir discrétionnaire et non
pas une compétence liée de la Commission267.

82. La notification des lois adoptées


Dans un contexte plus nuancé, le 28 octobre 2008, la Commission approuve sur le
fondement de l’article 87 (3) (b) le régime allemand d’aides en faveur des institutions
financières notifié le 14 octobre. Il s’agit d’approuver le régime instauré en Allemagne par la
loi de stabilisation des marchés financiers (Finanzmarktstabilisierungsgesetz, ou FMStG)268.
Même si la Commission fait preuve d’une grande réactivité en rendant sa décision sous
quinze jours, la loi est adoptée par le Bundestag le 17 octobre 2008 sans attendre la décision
de la Commission. La loi est publiée au Journal officiel de la RFA, le Bundesgesetzblatt, au
même jour. Cette procédure d’adoption ne constitue pas de violation directe du droit
communautaire, aucune institution financière n’ayant bénéficié de l’aide avant l’approbation
officielle de la Commission, mais fait penser que l’approbation de la Commission n’est pas

266 V. Jacques DERENNE, Concurrences, Chroniques – Aides d’État, n 2, 2009, p. 167.


267 En vertu du réglement de procédure 659/1999 du mars 1999, la Commission est seulement obligée
d’ordonner la récupération des aides publiques incompatibles et non seulement illégales. Son pouvoir est
discrétionnaire en ce qui concerne la récupération des aides illégales. Il convient de noter que même en dehors
du contexte de la crise, la Commission ne recourt que de manière assez limitée à cet instrument d’injonction de
récupération d’aide. Il est pourtant possible d’en citer quelques exemples, v. par exemple la décision dans
l’affaire du Crédit Mutuel, déc. 15 janvier 2002, en vertu de laquelle le gouvernement français doit récupérer le
montant d’aide déclarée incompatible mais déjà mise en exécution, avec capitalisation des intérêts.
268 Chaque article constitue une loi à part, le premier article contenant une loi portant création d’un fonds
de stabilisation des marchés financiers (Finanzmarktstabilisierungsfondsgesetz, FMStFG) et le deuxième article
la loi portant accélération de stabilisation des marchés financiers
(Finanzmarktstabilisierungsbeschleunigungsgesetz, FMStBG).
98
d’importance pour les autorités fédérales ou plutôt qu’elle est certaine. Le cas italien fournit
un exemple comparable : la loi-décret n° 157 du 13 octobre 2008 portant des mesures
urgentes supplémentaires nécessaires pour assurer la stabilité du système de crédit, Ulteriori
misure urgenti per garantire la stabilità del sistema creditizio, est publiée au Journal Officiel
italien le 13 octobre 2008269, le jour même de publication par la Commission de la
communication sur l’application de l’article 87 (3) (b) aux institutions financières, donc sans
possibilité de consultation préalable du texte de la communication. La loi n’est notifiée qu’au
17 octobre 2008, la Commission donne son autorisation à l’application du dispositif le 13
novembre 2008 sur le fondement de l’article 87 (3) (b) en tant que base juridique de droit
primaire et de la communication du 13 octobre 2008 en tant que base juridique de droit
dérivé270. De même pour le régime français instaurant un mécanisme de refinancement du
secteur bancaire : la décision de la Commission date du 19 novembre 2008 tandis que la loi,
ratifiée par le Parlement français, date du 16 octobre 2008. La Commission apprécie la
compatibilité de l’aide dont l’illégalité est manifeste.

83. Une voie de recours ouverte devant le juge national


Selon le raisonnement du juge communautaire dans l’important arrêt Steinike et
Weinlig, l’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun ne peut pas être
confiée à une juridiction nationale, car une telle appréciation « soulève des problèmes
impliquant la prise en considération et l’appréciation de faits et circonstances économiques
complexes et susceptibles de se modifier rapidement »271. Cette appréciation économique,

269 Gazzeta Ufficiale n 240 du 13 octobre 2008. En vertu de l’article 3 de la loi, le texte entre en vigueur
le jour même de sa publication.
270 Cette autorisation est d’autant plus contestable que le texte ne respecte pas les conditions de fond
posées par la communication communautaire du 13 octobre 2008, en prévoyant la possibilité d’accorder des
garanties pour une période de cinq ans au lieu de deux ans prévus par la Commission.
271 CJCE, 22 mars 1977, Steinike & Weinlig contre la Republique Fédérale d’Allemagne. Ce sont les
objectifs spécifiques au droit de la concurrence – une meilleure protection du consommateur (présent en droit
communautaire à travers l’art. 153 TCE), une meilleure efficacité économique, le progrès dans le développement
des produits et des services – qui en font un droit économique exigeant une approche économique fine. En effet,
même des objectifs assez généraux du droit de la politique de la concurrence se traduisent en des critères
économiques concrets. Le « bien-être du consommateur » consiste ainsi dans le gain que le consommateur retire
de l’échange économique auquel il participe (par exemple, en achetant un bien de la même qualité à un prix
inférieur au celui de la concurrence ou un bien de qualité supérieure au même prix). L’objectif d’une « approche
économique » mieux organisée exige nécessairement que la Commission prenne en compte certains aspects
d’analyse économique du droit, comme le droit communautaire veut par l’intermédiaire du droit parvenir à un
objectif économique assez précis, à savoir un marché concurrentiel où le consommateur bénéficie de la
concurrence entre les agents économiques, où les entreprises les moins compétitives doivent sortir du marché et
où la concurrence contribue au progrès général. Il arrive même que le TPICE sanctionne des décisions de la
Commission en matière de la concurrence pour défaut d’analyse économique, v. dans le domaine des
concentrations TPICE, AirTour c/Commission, 6 juin 2002 ou encore TPICE, Tertra Laval c/Commission, 25
octobre 2002, où le TPICE considère que la Commission ne rapporte pas de preuve suffisante des effets néfastes
99
d’une grande technicité, ne saurait être confiée au juge national. Les dernières années, la
Commission réforme aussi le droit des aides d’État pour assurer une analyse économique plus
rigoureuse des projets qui lui sont soumis. Or l’article 88 (3) Traité CE, qui dispose qu’une
aide ne peut pas être exécutée avant que la procédure d’examen devant la Commission
n’aboutisse à un résultat, est considéré d’effet direct et confère aux particuliers le droit de
demander au juge national une suspension de versement de l’aide octroyée en violation de
cette disposition du Traité272. Le juge national est compétent pour protéger les droits subjectifs
des tiers intéressés, par exemple, en ordonnant des mesures provisoires nécessaires dans
l’hypothèse de l’octroi par l’État d’une aide publique illégale.
Les demandeurs dans une affaire devant la CA Bruxelles, actionnaires de la banque
transnationale Fortis, ont fait usage de ce droit en sollicitant la suspension des résolutions du
Conseil d’administration de la banque approuvant la mise en œuvre des mesures de
restructuration de la banque. Les demandeurs invoquent à l’appui de leur demande une
violation des règles de contrôle de la compatibilité des aides accordées par les États avec le
droit communautaire. Les demandeurs relèvent que l’exécution de la mesure a eu lieu sans
attendre la décision de la Commission. Le moyen est rejeté sur le fondement que « dans la
mesure où les opérations litigieuses sont entièrement exécutées, il n’est plus possible d’en
ordonner la suspension »273. Notons pourtant que si l’aide illégale est déjà versée, le juge
national a en principe le pouvoir d’en ordonner la récupération jusqu’au moment où la
Commission rend sa décision, hypothèse qui n’est pas étudiée par le juge national en
l’espèce274.

de la mesure sur la concurrence.


272 En vertu de la jurisprudence CJCE, 11 décembre 1973, Lorenz. Cela implique une obligation des
juridictions nationales au profit des justiciables nationaux de tirer des conséquences de l’illégalité de l’aide quant
à la validité de l’acte de mise en exécution de la mesure, au recouvrement de l’aide illégale ou à toute autre
mesure utile pour la protection des intérêts des justiciables, v. CJCE, 11 juillet 1996, SFEI, C-39/94 (points 45 et
49-53) et CJCE, 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et a., C-143/99 (points 26-27, 29). Le juge national ne
peut pourtant pas apprécier la compatibilité de l’aide sur le fondement de l’article 87 Traité CE, cette disposition
n’étant pas d’effet direct, v. l’arrêt CJCE, 15 mars 1994, Banco de Crédito Industrial, devenu Banco Exterior de
España contre Ayuntamiento de Valencia, aff. C-387/92.
273 V. CA Bruxelles, 18ème chambre, 12 décembre 2008, aff. n 2008/KR/350, points 78-79. Le juge
accueille pourtant l’argumentation des demandeurs, mais en retenant un autre moyen, v. supra., paragraphe 67.
274 Il est pourtant vrai qu’il s’agit d’un simple pouvoir et pas d’une obligation. V. l’arrêt CJCE, 5 octobre
2006, Transalpine Ölleitung in Österreich GmbH e.a. contre Finanzlandesdirektion für Tirol e.a., C-368/04,
points 41, 56, 59, note Jérémie VIALENS, Contrats, Conc., Consom., n 4, avril 2007, chronique 2, point 9.
100
84. Le caractère négocié de la procédure
Au vu de notre analyse de l’application matérielle des critères du droit de la
concurrence par la Commission, nous ne pouvons que confirmer le constat de Sophie
NICINSKI que la Commission a pris ses décisions dans le contexte de la crise « en se
montrant d’une bienveillance certaine vis-à-vis des plans des États »275. Or il reste parfois des
cas où la désapprobation de la Commission est manifeste et porte sur une condition
importante de la mesure envisagée. S’il est interdit aux États de procéder à la mise en œuvre
d’une mesure non approuvée par la Commission, ils peuvent par voie de négociations avec la
Commission substituer aux stipulations désapprouvées d’autres, conformes au droit
communautaire mais elles aussi économiquement efficaces. Des raisons politiques font quand
même que de telles négociations peuvent avoir lieu dans un contexte assez tendu.
La Commission s’était ainsi opposée à ce que la France conditionne son soutien à
l’industrie automobile à ce que les entreprises bénéficiaires ne délocalisent pas leur
production hors du territoire français, condition faisant obstacle à la liberté d’établissement,
pourtant garantie par l’article 43 du Traité CE276. La France renonce finalement à cette
condition et la Commission approuve le plan par décision du 28 février 2008. Ce cas amène
la Commission à conclure que le plus fort levier de la Commission n’est pas l’ouverture d’une
poursuite contentieuse mais « la négociation d’engagements de la part des États facilitant une
décision de compatibilité sur leurs projets d’aides ».
A l’issue de la négociation, l’Etat prend des engagements par lesquels il sera lié dans la
mise en œuvre de l’aide, qu’il s’agisse dans ce cas d’une mesure ad hoc ou d’un régime de
portée générale. Il est surtout instructif d’entreprendre une comparaison des lois portant mise
en œuvre des régimes nationaux et des décisions de la Commission relatives à ces mêmes
régimes. Il en ressort ainsi que des éléments pourtant importants du dispositif peuvent
manquer de la loi mais être à un stade ultérieur négociés entre l’État et la Commission277.

275 Sophie NICINSKI, « Le plan de relance de l’économie », RFDA, 2009, p. 273.


276 Or dans le cadre prévu par la France, l’entrave à la liberté d’établissement ne constituait pas de mesure
unilatérale mais constituait une contrepartie contractuelle assumée par l’entreprise bénéficiaire de l’aide
publique. Il n’est pas clair ni, d’abord, si une telle obligation peut être imposée par voie contractuelle, ni, ensuite,
si la liberté contractuelle des cocontractants privées n’est pas atteinte par la situation affaiblie par la crise dans
laquelle ceux-ci se trouvent.
277 Ainsi, les lois autrichiennes prises pour faire face à la crise économique n’évoquent aucun critère
d’éligibilité de l’institution, se limitant à constater que seront éligibles des institutions de crédit ou d’assurance
telles que définies en droit national autrichien. Les documents relatifs aux négociations menées entre la
Commission et le gouvernement fédéral autrichien (notamment la lettre officielle adressée par la Commissaire au
Ministre des affaires européennes du gouvernement fédéral autrichien publiée sur le site de la Commission)
entrent pourtant en détail quant aux critères d’éligibilité qui permettront d’éviter une distorsion éventuelle de la
concurrence. Ces critères, dont la solvabilité du bénéficiaire, la taille de son bilan ou encore son importance
systémique, sont imposés par la Commission afin de préserver les intérêts de l’Union, surtout le maintien de
101
La Commission est également chargée de la fonction d’étudier des plaintes déposées par
des concurrents des institutions aidées. Dans le cas de plainte des concurrents de l’entreprise
bénéficiaire, la Commission impose des contraintes additionnelles sur le bénéficiaires dans
une procédure négociée non-contentieuse. Elle a ainsi été saisie d’une telle plainte des
institutions financières danoises contre le sauvetage de la banque britannique Northern Rock
exerçant une activité au Danemark. Les plaignants dénonçaient une stratégie commerciale
agressive engagée par la banque après sa nationalisation. La banque Northern Rock a suite au
dépôt de cette plainte abandonné sa présence sur le marché danois278. Dans les cas des
banques Dexia ou Fortis, la Commission a, à la réception des plaintes de la concurrence,
imposé des restrictions comportementales relatives à la stratégie commerciale des deux
banques279.

Section 2. Le contrôle national et communautaire de la mise en œuvre des procédures


85. Il n’est pas surprenant que le rôle de l’État national augmente dans la crise, de telle
manière que le rapport Marini de Sénat note même que « la crise marque le retour de
l’État »280.Il n’existe aucun doute que « les États demeurent les seuls garants efficaces et
crédibles de l’économie »281. En autorisant aux États d’adopter des régimes nationaux de
sauvetage, la Commission renonce à une partie de ses compétences. Une fois le régime
autorisé par la Commission, l’État est dispensé de l’obligation de notification de chaque aide
octroyée en application de ce régime. En outre, la Commission ne peut plus contester la
compatibilité d’une mesure mise en œuvre par l’État avec le Traité, mais seulement avec les
dispositions du régime national autorisé ou avec des conditions contenues dans la décision
d’autorisation282. Au moment de prise de décision, la Commission prend en compte des
garanties procédurales prévues dans le régime national. Ainsi, dans le cas du régime de
refinancement français la Commission remarque dans sa décision du 30 octobre 2008 que
« les nombreux niveaux de contrôle intégrés au mécanisme de refinancement minimisent le

concurrence non-faussée et du principe de non-discrimination (l’Etat renonce implicitement à opérer un tri sur
d’autres critères que ceux évoqués ci-dessus).
278 La procédure n’étant pas officielle, il n’existe pas de documents accessibles au public relatifs à cette
affaire et nous ne pouvons pas tirer nos informations que des sources de presse. Ce déroulement de l’affaire est
sans doute lié aux négociations des autorités britanniques avec la Commission.
279 V. Fortis, C(2008)8085 du 3 décembre 2008 et Dexia, C(2008) 7388 du 19 novembre 2008.
280 Rapport Marini du Sénat n 23 sur la loi n 2008-1061 de finances rectificative pour le financement de
l’économie.
281 Sophie NICINSKI, préc.
282 Il arrive en effet que la Commission assortit son consentement de réserves que l’État est obligé de
respecter dans la mise en œuvre d’aides individuelles mais qu’il n’est pas obligé d’intégrer dans son droit
national. Ces réserves sont des obligations de l’État envers la Commission et non pas envers ses nationaux.
102
risque que tout établissement de crédit rencontrant de sérieuses difficultés postérieurement à
l’octroi de la mesure ne puisse continuer de bénéficier de ce régime »283. Après l’adoption de
la décision d’approbation par la Commission, les communications ne peuvent être utilisées
que comme une aide complémentaire à l’interprétation.
La Commission permet aux Etats de subdéléguer certaines décisions pourtant
importantes à un niveau infra-législatif. La loi autrichienne prévoit ainsi que le Ministre de
finances ordonnera par décret des mesures concrètes préventives des distorsions de
concurrence dans chaque cas d’espèce284. De la même manière, dans la loi irlandaise, le
Ministre de finances détermine le type de mesure approprié aussi bien que sa forme juridique,
sous condition de l’accord du Parlement national285. Le Ministre peut réguler le
comportement commercial de l’institution ou de son subsidiaire, mais sa décision ne sera
contrôlée que par le Parlement national et non pas par des autorités communautaires. La
Commission garde son pouvoir de contrôle dans la seule hypothèse où la situation d’une
institution aidée se serait détériorée, la Commission demandant dans ce cas-là la présentation
dans un délai de six mois de la détérioration de la situation de l’institution la présentation d’un
plan de restructuration.
Cet abandon de compétences connaît pourtant des limites. D’abord, si les
communications publiées par la Commission n’ont pas de force juridique contraignante, en
vertu de la jurisprudence Textilwerke Deggendorf du 9 mars 1994, les décisions de la
Commission dans les affaires soumises à son contrôle lient quant à elles les États membres et
les juridictions nationales286. La Commission obtient ainsi la modification des conditions de
recapitalisation de la banque allemande Commerzbank lorsqu’elle considère que la mesure ne
correspond pas aux principes formulés dans la décision du 27 octobre 2008, Régime d’aides
aux institutions financières en Allemagne.

86. Le réexamen régulier


Ensuite, tout en reconnaissant que la durée de l’aide doit être limitée au minimum
nécessaire, la Commission ne fixe pas ex ante la durée des régimes mais prévoit que toute
mesure nationale devra prendre fin dès que la situation économique de l’État le permettra. Sur

283 Point 68 de la décision de la Commission du 30 octobre 2008.


284 FinStaG, § 2 (5) (7). C’est également par décret que seront prévues des sanctions pour un
manquement du bénéficiaire à cette disposition.
285 La loi dispose pourtant que, « sans préjudice du pouvoir discrétionnaire du Ministre, l’intégralité de
soutien financier versé par l’État sera restituée à celui-ci par l’institution financière des le moment quand cette
restitution sera possible pour l’institution », Credit Institutions (Financial Support) Act, paragraphe 6 (6).
286 V. l’arrêt de la CJCE, 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf c/Allemagne, aff. C-188/92.
103
le fondement de l'article 88 (1) CE qui dispose que « la Commission procède avec les États
membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États » la Commission
examine des mesures ad hoc et des applications des régimes d’aides organisés par les Etats
dans la crise. L’État vérifie ainsi tous les six mois si la mesure est encore nécessaire et
communique à la Commission les résultats de cette vérification287. Le réexamen porte sur des
aides individuelles et sur des applications individuelles d’aides par régime. Les États
présentent tous les six mois des rapports à la Commission concernant la mise en œuvre des
mesures prises, que celles-ci concernent des entreprises que la Commission considère saines
ou en difficulté288. Même pour les exemptions catégorielles de minimis en faveur de
l’économie réelle prévues par le cadre temporaire du 17 décembre 2008, il existe une
obligation à la charge de l’État de présenter des rapports annuels sur les aides octroyées sur
ce fondement, même si ces mesures ne constituent pas à strictement parler des aides pour le
droit communautaire. L’État doit présenter des documents prouvant que le bénéficiaire n’était
pas en difficulté à la date du 1er juillet 2008289. Sur le fondement des documents qui lui sont
communiqués, la Commission apprécie si la poursuite de l’application du régime est justifiée
et si un ajustement de la mesure nationale est nécessaire. Une prolongation du régime est
valide pour six mois, la durée totale d’application ne peut pas être supérieure à deux ans.
C’est au moment du réexamen qu’est dévoilé le taux d’utilisation réelle des aides autorisées
par la Commission. Selon les informations présentées dans le Tableau de bord des aides d’État
d’automne 2009, ce taux est de 33 % pour des régimes de garanties et de 55 % pour des
recapitalisations. Ce taux peut servir à l’analyse de l’efficacité économique des aides, même si
des conclusions sur le caractère économiquement adéquat de la mesure ne peuvent pas être
faites sur le fondement de ce critère à lui seul.

287 V. par exemple le Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès
au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle du 17 février 2008, JO C16 du 22
janvier 2009, point 13.
288 Cette procédure s’applique aux aides sous forme de recapitalisations et de garanties, v.
Communication de la Commission — Recapitalisation des établissements financiers dans le contexte de la crise
financière actuelle: limitation de l'aide au minimum nécessaire et garde-fous contre les distorsions indues de
concurrence, du 5 décembre 2008, JO C10 du 15 janvier 2009, pp. 2-10, point 40. Le réexamen semestriel est
également exigé pour les mesures concernant les actifs dépréciés, v. Communication de la Commission relative
au traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la Communauté du 25 février 2009, JO C72 du 26
mars 2009, Annexe V. Il est énoncé sur quels critères portera ce réexamen. Pour des mesures de recapitalisation
sont au nombre de ces critères l’évaluation du profil de risque et du comportement commercial de l’institution,
l’utilisation du capital reçu et le respect des engagements pris par le bénéficiaire (point 41 de la communication
du 5 décembre 2008).
289 Le Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement
dans le contexte de la crise économique et financière actuelle du 17 février 2008, JO C16 du 22 janvier 2009, pp.
1-9. L’exemption de minimis est posée au point 4.2 et l’obligation de notification au point 6.
104
87. La présentation d’un plan de restructuration
Lorsque l’aide est octroyée à une entreprise en difficulté, il est exigé que celle-ci
présente à l’issue d’un délai de six mois un plan de restructuration. Lorsque l’aide est
octroyée à une institution saine, la présentation d’un plan de restructuration n’est pas
nécessaire, or l’État présente à la Commission un plan de son désengagement. Ensuite, dans
l’hypothèse où une garantie octroyée par l’État est exercée, le cas est formellement notifié à la
Commission. L’activation d’une garantie constitue pour le droit des aides publiques une
mesure d’urgence qui doit être suivie dans un délai de six mois de la présentation du plan de
restructuration. Est donc préparé un plan de restructuration de l’institution bénéficiaire de
paiements au titre de garantie prouvant sa viabilité au long terme qui est soumis au contrôle
de la Commission. Dans le cas français, où seule la SFEF obtient le financement public pour
le transmettre aux institutions financières, le risque de recours à la garantie n’existe que pour
la SFEF, sont quand même notifiés des cas quand les prêts à une seule banque, bien que
éligible pour le régime de refinancement, excédent le plafond fixé à 500 millions d’euros, ou
5% du bilan du bénéficiaire. L’existence d’un tel plafond doit poser une limite au pouvoir
discrétionnaire dont disposent les autorités françaises dans l’octroi d’aides. Dans le régime
britannique de recapitalisations, l’État notifie chaque recapitalisation dont la durée excède
celle fixée ex ante. Si la Commission ne peut pas conclure à partir des documents présentés
par l’État à la compatibilité de l’aide avec le marché commun, elle ouvre une procédure
290
formelle d’examen conformément à l’article 88 (2) Traité CE . Cette procédure a été
utilisée, parmi d’autres, pour les restructurations de Dexia du 13 mars 2009 ou West LB du 1
octobre 2008.

88. Le contrôle national de la mise en œuvre des aides d’État


Pourtant, l’application des lois portant versement des aides publiques fait également
objet de contrôle au niveau du droit national, même si cela ne concerne pas toutes les formes
d’aides publiques dans le même degré, mais surtout les aides sous forme de régimes généraux
qui ont pour la plupart une forme législative. D’abord, leur adoption est dans la plupart des
cas soumise au vote parlementaire, souvent dans le cadre d’un vaste plan de relance.
Ensuite, une fois la loi entrée en vigueur, il existe également une obligation

290 La procédure formelle d’examen des aides d’État est définie dans le règlement de procédure 659/99
du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 88 du Traité, v. JO L83 du 27 mars 1999,
p. 1. Il s’agit d’une procédure qui est ouverte si la Commission ne peut pas conclure à l’issue de la procédure
préliminaire à la compatibilité de la mesure avec le marché commun. La Commission invite donc l’État ainsi que
d’autres parties intéressées à présenter leurs observations et procède à leur examen avant de rendre sa décision.
105
d’information à la charge des responsables au niveau national. À titre d’exemple, la loi IBSG
autrichienne prévoit ainsi une obligation à la charge du Ministre fédéral des finances de
soumettre au Parlement un rapport trimestriel présentant des détails de toutes les mesures
prises en application de la loi, surtout concernant leurs retentissements sur le système
financier291. La loi irlandaise prévoit des conditions plus lourdes, notamment une obligation
du Ministre de soumettre pour chaque bénéficiaire un projet au Parlement national, le House
of Oireachtas, et interdit expressément au Ministre de mettre en œuvre la mesure avant avoir
obtenu l’accord de chaque chambre du Parlement292. Elle oblige également le Ministre de
présenter au Parlement des rapports annuels sur l’avancement du remboursement de l’aide
par les bénéficiaires. Les États préfèrent pourtant limiter les voies ouvertes pour une
contestation contentieuse de leur régimes nationaux. Des lois nationales disposent
expressément à cet égard que l’éligibilité du bénéficiaire relève exclusivement de
l’appréciation des autorités nationales, souvent du Ministre des finances, une décision de non-
éligibilité ne pouvant pas être contestée par voie contentieuse.
Dans le cas du régime allemand, c’est le Ministère fédéral des finances qui, à la
demande de l’institution concernée, décide des mesures dans chaque cas d’espèce. Dans le cas
où il s’agit des questions d’importance particulière, la décision est adoptée à la demande de
l’institution par un comité de coordination (Lenkungsausschuss) interministériel composé
d’un représentant de la Chancellerie fédérale, le Bundeskanzleramt, un représentant du
Ministère des finances, du Ministère de justice, de l’Economie et de la Technologie, aussi bien
qu’un membre proposé par les Länder. D’autres membres pourront participer au travail du
Comité avec une voix consultative. La décision du Ministère ou du Comité ne peut pas être
contestée, les prestations du fonds ne peuvent pas être revendiquées. Le gouvernement fédéral
peut transmettre au fonds la décision sur des mesures par disposition qui ne nécessite pas
d’accord du Parlement. Toute décision d’octroi d’aide, aussi bien que toute modification y
apportée, devra être communiquée aux comités budgétaire et financier du Bundestag.
Les pouvoirs des Parlements nationaux ne sont donc pas limités, au contraire, des
Parlements participent activement à l’élaboration et au contrôle de la mise en œuvre des
régimes de sauvetage de l’économie et des plans de relance.

291 § 7 IBSG.
292 V. Credit Institutions (Financial Support) Act, paragraphe 5 (3) (b) et (c).
106
Titre 2. L’originalité juridique du traitement de la crise
financière en droit communautaire

« du point de vue théorique, l’État n’est jamais nécessaire à l’économie [...]


d’un autre côté, toutefois, il n’est pas douteux qu’un ordre économique, [...] ne saurait être
réalisé sans un ordre juridique répondant à des exigences tout à fait précises »
293
Max Weber, Économie et société, t. 2

89. L’organisation institutionnelle du droit communautaire de la concurrence est en elle-


même à plusieurs égards originale. Cette originalité réside d’abord dans la nature de l’Union
européenne en tant qu’organisation régionale contrôlant les subventions versées par ses
membres à leurs entreprises nationales. Cette originalité réside également, ensuite, dans la
nature de la Commission européenne en tant qu’institution chargée d’objectifs différents et
parfois divergents dont la protection de la concurrence n’est qu’une composante. Cette
situation étant sans équivalent sur le plan mondial, des comparaisons directes du droit
communautaire des aides d’État avec d’autres systèmes juridiques sont assez difficiles et peu
opportunes. Les dispositions des articles 87-89 du Traité CE relatives aux aides d’État
constituent une originalité du droit communautaire, de telles dispositions étant absentes
d'autres systèmes du droit de la concurrence, par exemple, du droit américain ou des systèmes
juridiques nationaux des États membres294. Or les différents systèmes juridiques sont
confrontés à la même situation de crise économique et financière qui incite à un
assouplissement, sinon à la suspension, des règles de concurrence en faveur du rétablissement
de stabilité financière.
Nous observerons que le traitement de la crise par le système juridique
communautaire est original, d’abord, dans la manière de laquelle le droit communautaire
concilie la protection de la concurrence et l’intérêt général de stabilité financière (Chapitre 1).

293 Max WEBER, Économie et société,t. 2: L’organisation et les puissances de la société dans leur rapport
avec l’économie, Paris, Plon, « Agora, les Classiques », 1971, p. 48, cité par Guylain CLAMOUR, Intérêt
général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit public en économie de marche, Dalloz-Sirey, Paris, 2006,
p. 113.
294 Le seul système comparable est celui du commerce international de l’OMC, où le traité GATT-1947
pose des limites aux pratiques protectionnistes portant atteinte au commerce international dont des subventions,
notamment des subventions à l'exportation. Ce système a très probablement influencé les concepteurs du traité
de Rome qui ont inscrit dans le Traité un volet consacré aux aides d'État. V. Jean-Yves CHEROT, op. cit., p. 176.
Cette filiation est visible malgré le fait que nous ne disposons pas de « sources suffisantes pour savoir avec
exactitude quel a été le cheminement intellectuel qui a conduit les pères fondateurs à inscrire dans le traité et
dans sa partie relative à la concurrence une section sur les aides d’État ».
Nous aborderons ensuite les moyens par lesquels une conciliation de la concurrence avec
l’intérêt général est assurée au long terme (Chapitre 2).

108
Chapitre 1. La conciliation de la protection de la concurrence avec l’intérêt
général de rétablissement de l’économie dans le droit des aides publiques

« Le pouvoir d’agir avec discrétion pour le bien public, lorsque les lois n’ont rien prescrit sur
de certains cas qui se présentent, ou quand même elles auraient prescrit ce que doit se faire
en ces sortes de cas, mais qu’on ne peut exécuter dans certaines prérogatives sans nuire fort à
l’État : ce pouvoir [...] est ce qu’on appelle prérogative »
John Locke, « Traité du gouvernement civil »295

90. Le droit européen de la concurrence conçoit la concurrence en tant que moyen, voire
un moyen privilégié296, pour parvenir à un meilleur fonctionnement des marchés et n’y voit
pas de fin en soi. Selon la formule employée par Richard Blasselle, la concurrence, loin
d’avoir une vocation téléologique en elle-même, « est l’un des moyens essentiels de
développement du bien-être social, mais non pas le seul »297. C’est l’intérêt de rétablissement
du système économique et financier européen qui constitue l’enjeu majeur dans une situation
de crise économique. La stratégie de réconciliation de la liberté de concurrence avec cet
intérêt général adoptée par la Commission mérite l’intérêt dans plusieurs aspects :
l’assouplissement de la règle est préféré à une exemption générale au profit de l’intérêt
général (Section 1). Or, la Commission ne vise pas seulement le rétablissement de la situation
« normale » d’avant-crise mais aussi un certain standard positif de fonctionnement du marché
commun. La Commission poursuit ainsi une politique économique dont le droit des aides
d’État n’est que l’un des instruments (Section 2).

295 John LOCKE, Traité du gouvernement civil, Bréal, 2002, p. 82.


296 Cette situation est ainsi formulée par le juge : « La Cour précise que cette exigence « est si essentielle
que sans elle, de nombreuses dispositions du Traite seraient sans objet; qu'elle répond en outre aux impératifs de
l'article 2 du Traité, qui donne pour mission à la Communauté de « promouvoir » le développement harmonieux
des activités économiques dans l’ensemble du marché commun», CJCE, 21 février 1973, Continental Can, aff.
6/22, Rec., p. 240, considérant 24. La concurrence libre et non-faussée doit assurer le progrès économique pour
protéger le consommateur et les salariés. Si le Traité est basé sur la volonté d’accroître la prospérité économique
des peuples européens, il est considéré que le meilleur moyen pour arriver à cet objectif est la libre concurrence.
Dans la vision du Traité, la concurrence converge avec d’autres objectifs du Traité dont l’instauration d’un
marché commun, la libre circulation des services et des capitaux, la protection du consommateur, la croissance
économique et l’emploi.
297 Richard BLASSELLE, Traité du droit européen de la concurrence. Tome 1, Publisud, Paris, 2002, p.
8.
109
Section 1. Un assouplissement nécessaire des règles de concurrence avec prise en compte
de l’intérêt général
91. Face à une situation de perturbation économique, se pose le problème de conciliation de
la concurrence avec d’autres objectifs d’intérêt général communautaire et national. Dans ses
décisions prises en dehors du contexte de la crise, la Commission rejette l’argument tiré d’un
conflit allégué entre la protection de la concurrence et d’autres objectifs de la Communauté et
opte pour la théorie de la convergence de la concurrence saine avec d’autres objectifs de la
Communauté. Selon ce raisonnement, l’expulsion du marché des entreprises inefficaces,
objectif du droit de la concurrence, bénéficie au marché commun en général sans nuire à la
croissance économique298. Or la situation de crise exige de prendre en compte des
considérations d’intérêt général visant à limiter les effets à court terme du processus de
« destruction créatrice » par l’expulsion des entreprises défaillantes.
Certains systèmes juridiques nationaux de la concurrence préfèrent la voie
d’exemption des règles de concurrence en période de crise. La crise constitue dans ce cas une
parenthèse dans l’application du droit de la concurrence. C’est d’ailleurs la stratégie qu’avait
privilégié le droit américain à l’époque de la Grande Dépression, lorsque la loi de
redressement industriel national, National Industry Recovery Act ou NIRA, a rendu
inapplicables à la situation de crise des normes de concurrence299. Or le droit communautaire
préfère assouplir l’application de règles de concurrence en intégrant dans son contrôle des
considérations de stabilité financière. Face à la situation de crise, le droit communautaire de la
concurrence adopte lui même ce rôle d’arbitre sans recourir à un quelconque arbitrage
extérieur. La Commission prend en compte des considérations d’intérêt général en exerçant
ses fonctions de contrôle des aides publiques.

92. La limitation de compétences des autorités de concurrence nationales


En principe, certaines mesures adoptées dans le contexte de la crise, dont des
nationalisations ou des concentrations dans le secteur bancaire, sont en vertu des règles du
droit national soumises à l’autorisation préalable de l’autorité nationale de concurrence. Or les
pouvoirs de ces autorités sont plus restreints que ceux que détient la Commission et des
autorités de concurrence peuvent être privées d’une partie de leurs compétences par voie

298 V. la décision de la Commission du 20 mai 1998 concernant les aides accordées par la France au
groupe Crédit Lyonnais, JO L 221 du 8.8.1998, p. 62 et s. En application à la crise actuelle, v. l’analyse de M.
Frédéric JENNY, « La crise économique et financière, la régulation et la concurrence », Concurrences, n 2, 2009,
pp. 59-68.
299 Cette loi, invalidée dans plusieurs de ses dispositions par la décision de la Cour suprême Scheschter
Poultry Corp. v. United States, est beaucoup critiquée par la doctrine économique contemporaine.
110
législative. Plusieurs États ont recouru à cet instrument législatif dans le contexte de la crise
afin de limiter le contrôle de certaines mesures à titre du droit de la concurrence. Le motif de
cette inapplicabilité est dans la plupart des cas l’intérêt général de rétablissement de
l’économie nationale. À travers de cette décision de privilégier l’intérêt général à la protection
de la concurrence « s’exprime la souveraineté nationale entravée au plan
communautaire »300. Ainsi, l’Anglo Irish Bank Corporation Act, voté par le Parlement
irlandais le 20 janvier 2009, acte d’exception portant nationalisation de la banque Anglo Irish
Bank, rend dans son article 15 expressément inapplicable à l’opération de nationalisation de la
banque Anglo Irish Bank la loi irlandaise relative à la protection de la concurrence, The
Competition Act 2009, et notamment ses dispositions relatives aux règles générales de
concurrence et aux fusions et acquisistions. L’inapplicabilité est motivée à l’article 2 de l’Act
par l’existence de considérations d’intérêt général telles que la nécessité de remédier à une
perturbation de l’économie nationale et de sauvegarder la stabilité du système financier
national et de préserver la capacité de la banque à opérer sur le marché. Cette inapplicabilité
adoptée par voie législative prive l’autorité nationale de concurrence, Irish Competition
Autority, de sa compétence pour contrôler l’opération de nationalisation de l’Anglo Irish
Bank.
La solution de limitation des pouvoirs de l’autorité nationale de concurrence est
retenue par la loi FMStG allemande. Cette loi rend dans son article 2 § 17 les dispositions des
parties 1 à 3 de la loi allemande relative aux restrictions de concurrence301 inapplicables aux
activités du SoFFin, fonds de prise de participations aux institutions du secteur financier
spécialement créé par le Bund. Cette disposition de la FMStG prive l’autorité fédérale de lutte
contre les cartels, la Bundeskartellamt, de ses pouvoirs de contrôle de l’ensemble de mesures
de prise de participation aux institutions financières que pourra engager le fonds à titre de
contrôle de fusions. Le législateur estime que le contrôle de fusions par la Bundeskartellamt
ne doit pas empêcher des interventions publiques dans la crise financière et des opérations de
sauvetage d’urgence doivent être mises en œuvre assez rapidement. Une telle inapplicabilité
n’est pas prévue au sein même de la loi relative aux restrictions de concurrence du 1958, mais
la loi contient une provision assez proche : le § 42 (1) de la loi du 1958 dispose que le
Ministre fédéral de finances peut autoriser des mesures auxquelles s’oppose l’autorité fédérale
de lutte contre les cartels si la restriction de concurrence entraînée par la mesure se justifie par

300 Thomas OSTER, « Le contrôle des concentrations en temps de crise : quelle marge de manœuvre pour
le pouvoir politique ? », Revue Lamy de la concurrence, n 18, 2009, p. 89.
301 Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB), entrée en vigueur le 1 janvier 1958, contrôle des
cartels, des fusions, des abus de positions de dominance, des effets des marchés publics sur la concurrence.
111
des bénéfices que cette restriction apporte au profit de l’économie nationale en général ou si la
mesure est justifiée par l’intérêt général. Si l’autorité de concurrence ne peut prendre en
compte que des considérations liées au maintien de la concurrence, le Ministre est compétent
pour apprécier la compatibilité de la mesure avec l’intérêt général302. C’est également sur le
fondement de l’intérêt général que sont limitées des compétences de la Bundeskartellamt en
l’espèce de la loi FMStG. Or il s’agit dans le cas de la FMStG d’une inapplicabilité a priori du
droit de la concurrence et non pas de dérogations individuelles décidées a posteriori par le
Ministre. Observons d’ailleurs que la dérogation admise est très vaste car elle englobe
l’ensemble d’opérations de fusion et non pas une seule opération comme dans le cas de la
nationalisation de l’Anglo Irish Bank. Cette dérogation connaît pourtant une limite : si elle
s’applique à la prise de participations par l’État, elle ne s’appliquera pas à l’opération de
reprivatisation, et quand celle-ci aura lieu, elle sera soumise au contrôle normal de la
Bundeskartellamt.
Dans le cas britannique, la loi nationale applicable aux concentrations, l’Enterprise
Act du 2002, ne prévoyant pas de dérogations dans la matière de contrôle de concentrations
dans le cas d’une crise économique, est modifiée pour introduire l’intérêt général de stabilité
du système financier parmi des bases juridiques possibles pour des dérogations. Cette
nouvelle dérogation est introduite à l’occasion de l’affaire HBOS/Lloyds et elle est ensuite
appliquée à celle-ci. En effet, avant la crise, le contrôle des concentrations était confié à deux
autorités de concurrence – l’Office of Fair Trading et la Competition Commission, le
Secretary of State n’ayant pas de compétence pour intervenir que lorsqu’une considération
d’intérêt public était en cause. Or le nombre de ces considérations d’intérêt public était limité
à la protection de sécurité nationale et de la pluralité des médias, énumérés à titre limitatif par
la loi elle-même. Le Parlement approuve donc le 24 octobre 2008 un amendement
introduisant au nombre de ces considérations d’intérêt général la stabilité du système financier
national. Si les autorités de concurrence émettent toujours leur avis sur l’opération visant à
rétablir la stabilité du système financier britannique, cet avis ne lie pas le Secretary of State,
compétent pour autoriser la mesure sur le fondement de l’intérêt général, même si celle-ci est
qualifiée d’anticoncurrentielle par les autorités de concurrence303. Nous sommes donc en

302 Cette méthode d’exemption des situations de crise du contrôle à titre de règles de concurrence trouve
sa source dans la tradition allemande du droit de la concurrence. Ainsi, la GWB envisageait dans son article 6 la
possibilité de création des cartels de crise, par définition anticoncurrentiels, si ceux-ci répondaient à une baisse
de la demande dans une situation de crise. Cette provision est supprimée au 1 juillet 2005.
303 En l’espèce, l’OFT voulait soumettre l’affaire à un examen approfondi de la Competition Commission.
L’entité issue de la concentration possédant une part de marché de plus de 30 % dans le secteur de services
bancaires de détail, la concentration posait des problèmes de conformité au droit de la concurrence. V. pour une
112
présence d’une stratégie d’exemption des règles de concurrence en faveur de l’intérêt général,
mise en œuvre par les droits nationaux tantôt de manière ponctuelle, tantôt d’une manière
généralisée.

93. La méthode d’assouplissement de la règle de droit privilégiée par le droit


communautaire des aides d’État
En contrôlant les aides d’État des États membres, la Commission veille au maintien de
la concurrence entre les États membres plus ou moins capables de soutenir leurs économies
nationales, mais aussi entre des bénéficiaires des aides publiques présentant de différents
profils de risque et entre des entreprises bénéficiant des aides publiques et celles qui n’en
bénéficient pas. Tous les objectifs que concilie la Commission relèvent de la logique
concurrentielle. Or, une situation de crise économique implique la nécessité de trouver un
équilibre entre la protection de la concurrence libre et non-faussée avec d’autres objectifs de
la Communauté exogènes au droit de la concurrence dont la stabilité financière et la
protection du consommateur.
La position prise par des représentants officiels de la Communauté est de nier la
présence d’un conflit entre le droit de la concurrence et l’objectif de stabilisation du système
financier. La Commissaire chargée de la concurrence affirme qu’il n’est pas question de faire
des compromis entre la politique de concurrence et la stabilité financière et que les deux sont
prises en compte simultanément et de manière convergente304. Le rapport de la Commission
« Tableau de bord des aides d’État » de l’année 2008 indique que la Commission contrôle la
compatibilité des aides publiques avec le marché commun « tout en facilitant la réalisation
des objectifs des régimes » nationaux305. Les communications publiées par la Commission
démontrent pourtant que la stabilité financière est un objectif privilégié. Ainsi, la
communication relative aux restructurations énonce que « la stabilité financière reste
l'objectif primordial des aides en faveur du secteur financier lors d'une crise systémique, mais
la préservation de la stabilité systémique à court terme ne devrait pas nuire à long terme à

analyse approfondie des circonstances de l’affaire Loraine DONNEDIEU de VABRES-TRANIÉ, « Royaume-


Uni : dans un contexte de crise financière, le Secretary of State réaffirme son pouvoir en matière de contrôle des
concentrations à l’occasion de la fusion entre Lloyds TSB et HBOS», Revue Lamy de la concurrence, 18/2009,
p. 76-77, ou encore Thomas OSTER, préc., p. 89-90. La décision motivée du Secretary of State exposant les
détails de l’espèce et la position du droit positif (« Decision by Lord Mandelson, the Secretary of State for
Business, not to refer to the Competition Commission the merger between Lloyds TSB Group plc and HBOS plc
under Section 45 of the Enterprise Act 2002 dated 31 October 2008») est disponible en anglais à
http://www.bis.gov.uk/files/file48745.pdf (vu le 10 avril 2010).
304 V. le discours de Neelie KROES du 11 septembre 2009, « Opening Address at the 13th Annual
Competition Conference of the International Bar Association ».
305 Mise à jour du Tableau de bord de l’automne 2009, point 3.1.
113
des conditions de concurrence égales et à des marchés concurrentiels »306. Au fond, la
politique de la Commission dans la crise est de réconcilier la protection de la concurrence
avec des objectifs macroéconomiques dont la lutte contre la perturbation grave de l’économie
et le rétablissement du système bancaire. Après avoir reconnu la présence de critères de
reconnaissance de l’article 87 (3) (b) dans sa décision du 10 octobre 2008 relative au régime
d’aides danois et dans sa communication du 13 octobre 2008, elle poursuit une démarche
« intégrant [...] des préoccupations à la fois micro-économiques et macro-économiques »307.
Même lorsque la Commission continue d’exiger que soient imposées des contreparties aux
institutions financières bénéficiaires du soutien public, elle prend en compte que ces
« mesures visant à limiter les distorsions de concurrence ne doivent pas compromettre les
perspectives d'un retour de la banque à la viabilité »308. La concurrence non-faussée n’étant
pour le droit communautaire qu’un moyen pour parvenir à un meilleur fonctionnement des
marchés et non une fin en soi, le droit préfère parfois protéger les objectifs de la Communauté
directement : ainsi, l’intérêt du consommateur européen est directement protégé dans une
situation de crise économique par des garanties des dépôts bancaires309.

Section 2. L’instrumentalisation du droit des aides d’État dans la politique économique


communautaire
94. Il convient d’opérer une distinction entre le droit et la politique de la concurrence. Si le
droit des aides publiques poursuit l’objectif de garantir le respect de la liberté de la
concurrence et d’en éviter les distorsions, l’objectif de la politique de concurrence dans la
crise financière est de « maintenir la stabilité financière tout en incitant des entreprises à une
prise appropriée et responsable de risques dans l’avenir »310. Selon Guylain Clamour, la
politique de concurrence constitue une « notion-clef de la conception juridique de la
concurrence »311. Or nous ne pouvons pas parler d’une politique économique menée par la

306 Paragraphe 29 de la Communication du 19 août 2009.


307 V. Michel BAZEX, « Aides d’État et crise », Contrats, conc., consom., n°6, juin 2009, comm. 168.
Selon Michel BAZEX, cette démarche est imposée par l’approche « globalisante » de la base juridique en
question.
308 Ibid., al. 32.
309 En effet, en dehors de la crise, la concurrence libre et non-faussée doit servir l'intérêt supérieur du
consommateur en le protégeant contre des pratiques anticoncurrentielles des entreprises, tandis que la crise
impose la nécessité de protéger les entreprises en elles-mêmes. En fin de compte, dans cette perspective, la
protection des agents économiques poursuit elle-même en quelque sorte le but de protection des consommateurs
européens.
310 V. la contribution de la Commission au Rapport de l’OCDE, « Competition and Financial Markets »
(« La concurrence et les marchés financiers »), 2009, p. 235.
311 Guylain CLAMOUR, Intérêt général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit public en
114
Commission dans le sens propre du terme. En vertu des articles 98 et 99 du Traité CE, il est
de la compétence des États d’adopter des mesures nécessaires pour le rétablissement des
économies nationales, et la Commission n’a pas de compétence en matière de politique
économique. La conduite de politique économique n’entre pas dans les compétences de la
Commission et constitue en vertu de l’article 98 Traité CE une compétence nationale. En
vertu de l’article 99 I Traité CE, les États « considèrent leurs politiques économiques comme
une question d'intérêt commun et les coordonnent au sein du Conseil ». Il n’existe donc
aucune compétence institutionnelle communautaire pour mener une politique économique. Le
rôle accordé à la Commission est plutôt celui de coordination et de recommandation. Or la
Commission, orientée par le Conseil, fait un usage large de ce pouvoir de coordination qui se
rapproche parfois de la conduite d’une politique économique originale. Car à part de soutenir
les Etats afin d’assurer une action coordonnée à l’échelle européenne, la Commission incite
les États à entreprendre certaines mesures en vue d’un objectif que vise l’Union.
Dans une situation de crise économique, le droit de la concurrence se trouve
impliqué dans ce processus, car « même enserrée dans des prémisses économiques libérales,
la concurrence demeure un instrument politique »312. Cette instrumentalisation semble
caractéristique pour le droit communautaire de la concurrence. Ainsi, Marie Malaurie-Vignal
considère que « le droit de la concurrence est un instrument d’intervention au service
d’objectifs économiques et sociaux »313. Ainsi, le Cadre temporaire pour les aides en faveur de
l’économie réelle publié par la Commission le 17 décembre 2008 n’expose pas simplement
les règles relatives aux contrôle par la Commission des régimes nationaux en faveur des
entreprises industrielles et commerciales mais présente aux États des types de mesures qui
peuvent servir à l’amélioration de la situation de l’économie nationale sans tomber sous le
coup d’interdiction, comme ce serait le cas des mesures qualifiées d’aides publiques. La
Commission rappelle ainsi dans le point 2 de la communication du 17 décembre 2008 la
possibilité d’adopter des « mesures générales de politique économique » et dans son point 3
l’existence des « exemptions par catégorie » découlant du règlement du 6 août 2008314.
Suite à l’adoption du plan de traitement des actifs dépréciés aux Etats-Unis315 et à la

économie de marche, Dalloz-Sirey, Paris, 2006, p.129.


312 Guylain CLAMOUR, Intérêt général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit public en économie
de marche, Dalloz-Sirey, Paris, 2006, p. 127.
313 Marie MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et communautaire, Dalloz-Sirey, Paris,
2005, n 12.
314 Réglement général d’exemtion par catégorie n 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant
certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (le
RGEC)
315 Le Programme de traitement des actifs dépréciés (Troubled Assets Relief Program ou TARP) est créé par
115
présentation par certains États membres de plans de traitement de tels actifs, la Commission
publie une communication incitant les États membres à traiter des actifs dépréciés des
banques opérant sur le territoire national316. Par cette communication, prise au titre de
contrôle des aides d’État, la Commission vise un objectif plus vaste et dépassant le cadre du
droit des aides publiques stricto sensu, notamment celui de la restauration de confiance dans
le système financier et de redressement de l’économie. Cette communication est un exemple
de situation où la Commission fait usage de sa compétence de contrôle des aides publiques
pour entrer dans d’autres domaines en exerçant une fonction de quasi-législateur
communautaire. La Commission, au lieu d’exposer des critères de compatibilité des aides
publiques avec les règles du Traité, ce qui est la fonction primaire et essentielle des
communications sur les aides d’État, présente un plan d’action européenne concerté visant
certains objectifs d’intérêt général dont le respect de viabilité budgétaire. La nature de cette
communication originale: « elle n’est pas simplement un texte juridique du type ‘soft law’,
mais contient bien des éléments de politique économique, en dessinant des contours d’une
approche communautaire, dans laquelle l’action coordonnée des États membres est une
317
solution adéquate aux problèmes actuels » . Notons que des mesures que suggère la
Commission, à savoir les garanties couvrant des actifs dépréciés et le rachat de ces actifs,
seraient dans une situation normale qualifiées d’aide d’État. Au vu de ces modifications, il se
pose la question à savoir si le contrôle communautaire des aides d’État, intégrant une
approche macroéconomique qu’il veut équilibrer avec l’approche issue du droit de la
concurrence, ne devient pas « un véritable instrument de régulation économique »318.

l’Emergency Economic Stabilization Act entré en vigueur au 3 octobre 2008. V. pour une analyse intéressante des
aspects constitutionnels de l’Act une analyse critique de Gary LAWSON, Burying the Constitution under a
TARP, Boston University School of Law Working Paper No. 09-31, disponible en ligne sur
http://www.bu.edu/law/faculty/scholarship/workingpapers/2009.html (vu le 10 avril 2010).
316 Communication concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la
Communauté du 25 février 2009, JOUE C72 du 26 mars 2009, p. 1. Le plan de restructuration de Fortis,
approuvé par la Commission au 3 décembre 2008, prévoit la création d’une société ad hoc hébergeant les crédits
les plus toxiques de la banque. Ce mécanisme ressemble le mécanisme proposé par la Commission dans sa
communication du 26 mars 2009.
317 Cette originalité du texte est soulignée dans l’analyse de la communication de Jacques DERENNE et
Cristophe GIOLITO, « Traitement des actifs financiers dépréciés: la Commission européenne publie des
orientations sur le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de l’Union », Concurrences, n 2 v
2009, p. 152. Les auteurs notent que dans cette communication, « l’intervention étatique n’est [...] plus un
“palliatif " mais véritablement un “curatif" ». La Commission n’expose pas seulement ses principes dans le
contrôle de mesures d’urgence à court terme, mais présente « un cadre nécessaire à l'assainissement, à plus long
terme, du secteur bancaire, afin de stabiliser le secteur financier et soutenir le prêt bancaire »
318 Cette position est défendue par Michel BAZEX, « Aides d’État et crise », Contrats, conc., consom.,
n°6, juin 2009, comm. 168.
116
95. Le plan européen pour la relance économique
Le Tableau de bord des aides d’État de 2008 indique qu’il est un objectif de la
Commission d’ « apporter une réponse macroéconomique contracyclique à la crise ». Cette
réponse prend la forme d’un plan européen pour la relance économique publié en novembre
2008 que la Commission présente comme « un ensemble ambitieux d’actions destinées à
soutenir l’économie réelle » 319. L’objectif de ce Plan, publié sous forme de communication de
la Commission, est de surmonter les difficultés économiques liées à la crise. La Commission
avoue que certaines des mesures suggérées dans le plan présenté contiennent des éléments
d’aide d’État, or elle considère que celles-ci n’entraînent pas de distorsion excessive du
marché commun sous condition d’être appliquées de manière uniforme à l’ensemble du
marché.
La Commission réunit au sein de la même institution des fonctions de contrôle des
interventions et des fonctions d’organisation d’une intervention économique par création d’un
plan de relance. Comme note Louis Vogel, « les aides sont un enjeu politique, ce qui se
traduit par une concurrence accrue entre les États pour octroyer des aides et, plus
subtilement, entre les États et la Communauté », la publication récente du plan de relance par
la Commission livrant un exemple de sa volonté « de substituer ses propres aides aux aides
nationales »320. Or ce plan témoigne du caractère assez restreint de compétences
communautaires en matière de relance. En effet, la plupart des moyens faisant partie du plan
sont rapportés par les États et pas par l’Union. Selon l’analyse d’Antoine Winckler et
François-Charles Laprévote321, l’organisation financière de l’Union fait, en l’absence d’un
budget européen approprié, que l’Union ne peut pas mener sa propre politique de relance
économique. En l’absence de son propre budget ou de plus vastes pouvoirs de régulation, la
Commission ne dispose pas d’autre instrument plus efficace pour imposer aux États une
stratégie cohérente de sortie de la crise.

319 Plan européen pour la relance économique du 26 novembre 2008. V. une communication préparatoire
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2008:0800:FIN:FR:HTML (vu le 10 avril 2010).
320 Louis VOGEL, Introduction, Revue Concurrence et consommation, mai 2003, p. 6.
321 Telle est au moins la conclusion que tirent de leur analyse MM. Antoine WINCKLER et François-
Charles LAPRÉVOTE, « When the Watchman Must Take the Wheel – State Aid Control of Financial Institutions
and Other Political Imperatives during the Economic Crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 18.
117
Chapitre 2. La préservation d’une structure concurrentielle du marché
commun à long terme

96. Le volet principal de la politique communautaire de la concurrence est formé par la


préservation de la structure concurrentielle du marché commun. La vision européenne de la
concurrence est une vision utilitariste est non pas volontariste. Le droit communautaire de la
concurrence, loin de faire confiance à une « main invisible » dans le sens d’Adam Smith322,
préfère intervenir activement dans l’économie afin de préserver la structure concurrentielle du
marché au long terme. Le rétablissement du marché concurrentiel après une période de
perturbation de la vie économique ne repose pas sur les intérêts particuliers en tant que tels,
mais sur l’imposition par le droit communautaire de certaines règles limitant et orientant ces
intérêts particuliers. Les perspectives de rétablissement économique à long terme soulèvent
d’abord la question de respect du cadre strictement temporaire de la dérogation. Il s’avère que
le retour au fonctionnement normal est facilité par la nature même de l’instrument utilisé,
c’est-à-dire des aides publiques (Section 1). À part d’assurer le caractère strictement
temporaire des aides autorisées, le droit communautaire veut éliminer des distorsions de la
structure des marchés entraînées par les aides (Section 2).

Section 1. Un recours volontaire à l’instrument des aides publiques


97. Malgré les efforts de la Commission, les chiffres remettent en question l’efficacité de
son action. Ainsi, l’ensemble de financements mis à disposition des entreprises par les États
membres sous forme d’aide depuis le commencement de la crise en 2007 jusqu’à février 2009
atteint environ 3 000 milliards d’euros, soit 24 % du PIB de l’Union323. Selon d’autres sources
qui prennent en compte la période à partir d’octobre 2008 à juillet 2009, la Commission
approuve des garanties d’emprunts d’un montant total de 2.9 trillions d’euros et des
augmentations en capital d’environ 313 milliards d’euros324. Il est donc pertinent de voir par
quels moyens le droit communautaire envisage de rétablir un marché commun concurrentiel.

322 Adam SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations,Paris, Economica, 2000.
323 V. le Tableau de bord de la Commission du 8 avril 2009, CO M (2009) 164.
324 V. Emily ADLER, James KAVANAGH, Alexander UGRYUMOV, « State Aid to banks in the financial
crisis : the past and the future » («Les aides d’État au secteur bancaire dans la crise financière : le passé et
l’avenir»), Journal of European Competition Law and Practice, n 1, janvier 2010, p. 66-67.
118
98. Un recours actif à l’instrument des aides publiques par le droit communautaire
Il a été remarqué par la doctrine que la Commission est très active dans le domaine des
aides publiques dans la crise. D’une part, elle raccourcit ses délais de procédure325 et rend un
grand nombre de décisions. Cette activité s’explique par l’augmentation du nombre de
mesures nationales qualifiées par la Commission d’aide d’État. Or d’autre part, la
Commission publie une série de communications nouvelles qui s’appliquent aux aides d’État
répondant à une perturbation grave de l’économie. Elle publie quatre communications
applicables au secteur financier et une communication applicable aux entreprises industrielles
et commerciales, modifiée par trois communications ultérieures. En accordant une telle
attention aux aides publiques, le droit communautaire reconnaît que, si les aides publiques
sont anticoncurrentielles, elles sont pourtant parfois économiquement efficaces et préférables
à long terme du point de vue de l’intérêt général.
Des aides d’État sont notamment parfois préférables aux concentrations. En effet, elles
ont pour atout de produire leurs effets immédiatement en corrigeant assez vite la situation
économique à laquelle l’État veut pallier326. Des fusions, même si elles produisent un effet
positif, nécessitent plus de temps pour que leurs effets se matérialisent. En outre, il existe une
possibilité pour l’autorité publique de limiter la durée d’une aide publique, tandis que des
concentrations ne sont pas limitées dans le temps et ne sont pas soumises au principe de non-
récurrence. Les aides d’État peuvent encore viser un objectif précis, comme le sauvetage ou
la restructuration de l’entreprise, ou encore poser des conditions strictes à la charge du
bénéficiaire de l’aide, par exemple la présentation obligatoire d’un plan de restructuration de
l’institution financière. À condition d’utilisation correcte par l’autorité publique, il s’agit donc
d’un instrument juridique assez souple qui peut être efficace dans un certain nombre
d’hypothèses.

99. Le retour au fonctionnement concurrentiel des marchés après la crise


Même si la question est un peu anticipée, il est légitime de se demander si les
assouplissements de la règle de droit influenceront le fonctionnement économique et juridique
de la politique des aides publiques une fois la crise passée. Or il semble que la Commission
ait bien pris des précautions nécessaires pour garantir le caractère strictement temporaire de la

325 V. supra.
326 Pour une analyse plus détaillé de ces atout, et de l’usage qui peut en être fait en temps de crise, v.
John FINGLETON, « Competition Policy in Troubled Times », 20 janvier 2009,
http://www.oft.gov.uk/shared_oft/speeches/2009/spe0109.pdf (vu le 10 avril 2010). Tel est également le
raisonnement de la Commission elle-même, v. la contribution de la Commission au rapport de l’OCDE,
« Competition and Financial Markets » (« La concurrence et les marchés financiers »), 2009, p. 237.
119
dérogation. Les lois nationales approuvées par la Commission fixent les dates limites
d’application, des régimes de garanties et de recapitalisations comprennent des clauses
incitant les bénéficiaires à chercher d’autres sources de financement. Or les dates quand
cesseront des mesures individuelles, comme la participation publique au capital des banques,
ne sont pas connues ni définies par avance. Il n’est pas clair si le désengagement de l’État se
déroulera de manière coordonneé sur l’ensemble du marché commun ou s’il variera en
fonction de circonstances locales327. Le désengagement en fonction de circonstances
nationales est d’ailleurs susceptible de causer un préjudice à la concurrence saine sur le
marché commun en créant une inégalité entre les institutions de différents États qui retireront
leur soutien plus ou moins vite que d’autres. La Commission considère dans son rapport du 7
août 2009 qu’il n’est pas encore temps pour régler les mécanismes de désengagement328.
La Communication de la Commission du 19 août 2009 relative aux restructurations
indique qu’aucune mesure de restructuration ne doit s’étaler au-delà de cinq ans329. Or le délai
commence à partir de la mise en place de premières mesures de restructuration et non pas à
partir de la publication de la communication. La date du désengagement réel de l’État sera
donc objet de variations, même si cette date limite constitue déjà une première mesure de
coordination du désengagement des États.

Section 2. La stratégie de contreparties en tant que permettant d’assurer le rétablissement


d’un marché concurrentiel
100. Selon un adage célèbre, « justice should not only be done, but should manifestly and
undoubtedly be seen to be done »330 : il est d’une importance majeure que la justice soit non
seulement faite, mais qu’elle soit faite de manière visible et manifeste, car il n’y a pas de
véritable justice sans l’apparence de justice. La visibilité du contrôle a pour vocation de
responsabiliser les personnes dont l’activité est susceptible de faire objet de ce contrôle. Le

327 Selon Emily ADLER, James KAVANAGH et Alexander UGRYUMOV, préc., ce choix est un choix
stratégique entre la concurrence sur le marché commun et la concurrence sur les marchés nationaux en Europe.
Les auteurs considèrent que l’organisation du désengagement sera une question prioritaire de la politique des
aides d’État pour l’année 2010. Notons qu’en dehors du contexte communautaire, le FMI a publié un document
contenant des recommandations d’adapter le processus de désengagement aux circonstances économiques
locales de chaque État, v. le document IMF Executive Board Discusses the Management of Crisis-Related
Interventions in the Financial System, du 15 septembre 2009, disponible en anglais sur
http://www.imf.org/external/np/sec/pn/2009/pn09118.htm (vu le 10 avril 2010).
328 « DG Competition's review of guarantee and recapitalisation schemes in the financial sector in the
current crisis », du 7 octobre 2009, point 1.2.
329 V. point 15 de la Communication du 19 août 2009.
330 Dictum de Lord Chief Justice Hewart dans l’affaire R v Sussex Justices, Ex parte McCarthy ([1924]
1 KB 256, [1923] All ER 233.
120
contrôle communautaire des aides publiques poursuit, d’abord, un objectif immédiat de veiller
à la compatibilité avec le marché commun des aides notifiées ou versées sans notification,
mais aussi un objectif plus lointain d’apprendre aux institutions aidées un sens de
responsabilité et de combattre la présomption répandue de « garanties implicites » publiques
pour les institutions qui sont « trop grandes pour faire faillite ». Il est un objectif de la
Communauté d’éviter que les interventions publiques « modifient les incitations des
opérateurs économiques dans un sens contraire à celui qui garantit une meilleure efficacité
économique »331. Dans une décision importante de 1995, la Commission souligne
l’importance de « veiller à ce que les établissements de crédit ne prennent pas trop
d’engagements risqués (...) forts de soutien explicite ou implicite de l’État, car s’agissant
d’établissements publics trop grands pour faire faillite »332. Au-delà de l’élimination de
retentissements négatifs immédiats de la crise économique et financière, cette stratégie vise la
prévention de crises futures.

101. L’originalité de la stratégie de contreparties communautaire


L’exigence d’assortir l’aide de contreparties doit être distinguée de la simple
interdiction d’aides à titre gratuit, qui est en effet présente aussi bien en droit communautaire
que dans des systèmes juridiques nationaux des États membres. À titre d’exemple, le droit
interne français interdit l’octroi d’aides gratuites en exigeant que toute aide d’État soit assortie
de contreparties à la charge du bénéficiaire, le seul intérêt de rétablissement économique du
bénéficiaire n’étant pas constitutif de contrepartie suffisante pour l’octroi d’une aide
publique333. La jurisprudence administrative exige d’assortir l’aide de contreparties334. Il
s’agit de conditions comme la préservation d’emploi, l’embauche du personnel ou encore le
maintien d’une activité. Ces contreparties doivent être suffisantes335, elles ne doivent pas être
excessives336 et elles doivent garder un rapport avec l’objet visé par l’aide. Une telle condition
peut aussi être implicite, mais elle doit être clairement identifiable337. Dans le cas de non-

331 V. Frédéric JENNY, « La crise économique et financière, la régulation et la concurrence »,


Concurrences 2009/2, p. 63.
332 Décision de la Commission portant approbation conditionnée de l’aide accordée par la France à la
banque Crédit Lyonnais, JO L 308 du 21.12.1995.
333 Il a été pourtant relevé par Sophie NICINSKI que « le redressement d’une entreprise économiquement
importante sur un territoire est susceptible de constituer un motif d’intérêt général et peut présenter des
contreparties suffisantes » (v. Sophie NICINSKI, Droit public des affaires, Montchrestien, Paris, 2009, p. 186),
mais cet argument n’est pas retenu par le juge.
334 CE, 26 juin 1996, Département de l’Yonne.
335 CE Sect., 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles.
336 CE Sect. 1er mars 1996, Guillet.
337 Ainsi, en vertu de la jurisprudence CE, 8 juillet 1988, SABDEC, l’octroi d’une prime à la création
121
respect de cette obligation, le bénéficiaire peut être sanctionné par un retrait d’aide ou par
l’obligation de récupérer son montant.
Or le modèle communautaire est très différent, car la Commission exige même
d’imposer au bénéficiaire des restrictions qui en apparence n’ont aucun rapport à l’objectif
visé par l’aide. Ces contreparties jouent le rôle d’une sanction indirecte substitutive à la
sanction économique à laquelle a échappé l’entreprise. Cette punition artificielle doit se
substituer à l’“auto-punition” naturelle d’une entreprise non rentable par le marché, elle
corrige les effets de l'intervention publique perturbatrice de l’ordre naturel du marché car les
établissements de crédit, comme des entreprises industrielles et commerciales, ne doivent pas
être à l’abri des sanctions normales du marché. Surtout pour les banques, les contreparties
s’analysent en une double correction : premièrement, elles ont vocation de « rectifier
l’avantage financier de l’aide à la restructuration », deuxièmement, et de manière
rétrospective, elles doivent «faire restituer un acquis de croissance indu car lié à
l’exploitation de l’aléa moral et à ces comportements typiques de surexposition au risque,
d’acquisitions imprudentes et de croissance excessive»338. D’ailleurs, quand l’aide est
accompagnée d’une restructuration, les contreparties ne consistent pas en l’abandon des
activités non rentables comme dans la logique d’une restructuration, mais elles doivent limiter
d’autres activités, à savoir des activités rentables, dans une logique punitive et non
restructuratrice.

102. La stratégie de contreparties appliquée au secteur bancaire


Il est manifeste que la présomption de garanties implicites en faveur des entreprises
d’importance systémique est le plus aisément combattue par l’existence d’un précédent de
faillite d’une telle entreprise. Or en l’absence d’un tel précédent, la Commission préfère
imposer des contreparties aux bénéficiaires de l’aide339. Cette stratégie, activement appliquée
dans la crise actuelle, c’est développée dans les années 1990 en rapport direct avec l’affaire
du Crédit Lyonnais340. Comme avèrent des fonctionnaires de la Commission dans un discours

d’emplois implique, même en l’absence de stipulation expresse, l’obligation de maintien des effectifs recrutés.
Or le juge ne peut pas déterminer le nombre d’emplois que doit créer le bénéficiaire en contrepartie de versement
de l’aide lorsque ce nombre n’est pas défini par l’acte d’octroi de l’aide (CE 21 mars 2001, SICOMI Bail-
Investissement).
338 Fréderic LORDON, Pepita OULD-AHMED, « ‘Qui perd paye...’ Le droit européen des aides d’État
comme morale punitive », Critique internationale, n 33, octobre-décembre 2006, p. 71.
339 L’efficacité de cette stratégie est d’autant plus contestable que la crise des années 2008-2010 donne
lieu aux aides dépassant dans leur ampleur les aides dans les crises bancaires des années 1990.
340 V. décision 95/547/CE du 26 juillet 1995, Crédit Lyonnais, JOCE n L 308 du 2 décembre 1995, p. 92-
119, et la décision 98/490/CE de la Commission dans l’affaire C47/96, Crédit Lyonnais, JO L 221 du 8.8. 1998,
p. 28 et s.
122
de 1995, la solution de liquidation, si elle est possible pour des entreprises industrielles, « ne
peut s’appliquer [aux banques] en raison des conséquences systémiques pour les autres
institutions financières et le système des payements »341. Dans le cas du Crédit Lyonnais, la
Commission considère dans son décision de 1998 que les contreparties doivent concerner tout
ce qui n’est pas strictement nécessaire à la viabilité de l’activité de base du Crédit
Lyonnais342. Étant donne que le degré de distorsion de la concurrence entraînée par l’aide ne
peut pas être estimé que de façon très indicative, il s’agit de maximiser le montant des
contreparties sous la seule contrainte de survie de la banque343. Dans le cas du Crédit
Lyonnais, les contreparties comprennent des cessions d’actifs, des réductions de capacité ou
de présence sur les marchés. Une quantification précise des contreparties n’est pas possible.
Des fonctionnaires de la Commission reconnaissent d’ailleurs que dans l’affaire du Crédit
Lyonnais «la Commission n’a pas cherché à obtenir des contreparties strictement égales aux
niveaux estimés de distorsions de concurrence»344. La Commission, qui dispose d’un pouvoir
discrétionnaire d’appréciation des conditions de compatibilité des aides publiques avec le
marché commun, est compétente pour décider du volume des contreparties et la Cour de
Justice ne pourra censurer sa décision que dans le cas où la Commission fait une erreur
manifeste d’appréciation.

103. Des contreparties, instrument de régulation de crise


La Commission a souligné ce souci didactique dans sa communication relative aux
restructurations du 23 juillet 2009. Elle estime que « l'ampleur actuelle des interventions
publiques nécessaires pour garantir la stabilité financière et les limites éventuelles à une
répartition normale des charges ne peuvent qu'engendrer un aléa moral encore plus grand,
auquel il convient de remédier de façon appropriée pour empêcher que des incitations
perverses et la prise de risques excessifs ne se reproduisent à l'avenir »345. Des contreparties

341 Ronald FELTKAMP, Nicola PESARESI, «L’application des règles communautaires en matière
d’aides d’État aux établissements de crédit », http://ec.europa.eu/competition/speeches/text/sp1995_045_fr.html
(vu le 10 avril 2010).
342 JO L221 du 8.08.1998, p. 34. La Commission relève que les pertes du Crédit Lyonnais sont dues à la
politique agressive de crédit et d’investissement menée par la banque. Or, la mauvaise gestion d’entreprise est
dans une situation normale sanctionnée par la faillite. Lorsque le soutien public permet à une institution
financière d’échapper à cette sanction économique « naturelle » en perturbation l’ordre de fonctionnement
« normal » du marché, des sanctions compensatrices doivent être introduites pour rétablir l’équilibre
concurrentiel sur le marché.
343 Dans un interview datant de 2003, l’ancien Commissaire à la concurrence Karl van der Miert avouait
qu’« il n’y a jamais assez de contreparties. Il faut trouver un équilibre entre le maximum des contreparties et la
survie de l’entreprise ». Cité dans Fréderic LORDON, Pepita OULD-AHMED, préc., p. 74.
344 Nicola PESARESI, Cristophe DE LA ROCHEFORDIÈRE, préc., p. 25.
345 Communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l'appréciation des mesures de
123
sont exigées avec prise en compte de la forme et du montant de l’aide, mais aussi de la nature
des activités de l’institution aidée. La Commission analyse les « effets probables de l'aide sur
les marchés où la banque bénéficiaire exercera des activités à l'issue de la restructuration » et
examine « la dimension et l'importance relative de la banque sur son ou ses marchés une fois
sa viabilité rétablie »346. La Commission dispose d’un système assez varié de contreparties.
Peuvent y figurer des limitations de rémunérations des dirigeants, des augmentations des
rémunérations étant considérées comme contraires à l’objectif même de l’intervention, des
prohibitions de versement des dividendes aux actionnaires, surtout lorsque le bénéficiaire est
une institution en difficulté, des interdictions d’un comportement commercial agressif,
comme la publicité mentionnant l’intervention publique, des limitations de croissance347, des
cessions de présence sur des marchés. Certaines contreparties sont « inventées » pour n’être
appliquées qu’à un seul cas d’espèce : ainsi, dans le cas de la banque Fortis, la Commission
pose comme condition que la banque n’offre pas certains de ses produits dans le cadre de son
activité par Internet348. Toujours dans le cas de Fortis, la Commission estime que la cession
de Fortis Bank Nederland, partie de Fortis Group, constitue une contrepartie car elle réduit la
présence de la banque sur l’un des marchés où celle-ci exerçait ses activités. Selon la
Commission, ces contreparties servent « la préservation d’une concurrence effective »349 sur
le marché commun. Notons que ces instruments, qui limitent considérablement et parfois de
manière assez originale la liberté économique de l’entreprise concernée, sont par définition
des instruments de régulation économique, visant la création d’une meilleure structure
concurrentielle de l’économie en général et de certains de ses secteurs. La Commission ne
contrôle pas seulement le comportement de l’État, mais elle vise directement le comportement
commercial futur de l’institution bénéficiaire du soutien public. Lorsque la doctrine dénonce

restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles
relatives aux aides d'État publiée au JO n C 195 du 19/08/2009, point 29, p. 14.
346 Communication sur la restructuration, préc., p. 15, point 32.
347 Ce type de restriction est assez problématique car une « limitation de la croissance du bilan risque
d’aboutir à limiter le montant de crédit à l’économie réelle, alors que c’est l’objectif principal des aides aux
institutions financières », les objectifs de politique publique et du droit de concurrence étant dans cette hypothèse
quasiment inconciliables (v. François BRUNET, « Le droit de la concurrence face aux défis de la crise
mondiale », Revue Lamy de la concurrence, n 20 juillet-septembre 2009,p. 105.).
348 V. le point 94 de la décision du 3 décembre 2008 dans l’aff. NN42/2008, Aide à la restructuration en
faveur de Fortis Banque et Fortis Banque Luxembourg. Elle estime également que « la vente de la banque à un
concurrent constitue en elle-même une sorte de compensation pour la distorsion de concurrence en défaveur des
concurrents » (point 95 de la même décision).
349 Communication sur la restructuration, préc., p. 15, point 32. Même si l’idée d’imposer des contreparties
« punitives » aux entreprises bénéficiaires du soutien public est contraire à l’idée de la concurrence pure et
parfaite, elle peut en effet contribuer à l’instauration de la « concurrence effective et efficace » selon la formule
employée par Marianne DONY, « Chronique : Aides d’État (1er janvier – 31 décembre 2008)», Journal de droit
européen, 2009, p. 138.
124
un défaut de régulation prudentielle350, le contrôle communautaire des aides publiques assume
le rôle d’un régulateur, qui, en dehors de sa fonction première de mettre fin aux distorsions de
concurrence entraînées par les sauvetages de crise, veut également rétablir la structure
concurrentielle du marché à long terme.

350 V. par exemple François BRUNET, « Le droit de la concurrence face aux défis de la crise mondiale »,
Revue Lamy de la concurrence, n 20, 2009, p. 104-115.
125
CONCLUSION

104. Confronté à une situation de fait nouvelle est imprévisible que présente la
crise économique et financière, le droit communautaire des aides publiques se retrouve face
au problème d’absence de fondement normatif adapté prévu par les Traités. Ni les caractères
constitutifs d’une perturbation grave de l’économie, ni des effets éventuels d’un tel « état
d’urgence économique » n’étant pas prévus ex ante, ceux-ci sont définis ex post au niveau
communautaire avec prise en compte de circonstances du moment. La nature de la dérogation
en matière des aides d’État dans le cadre de la crise économique et financière est originale car
toutes les aides publiques versées par les États membres dans la crise comme en dehors de
celle-ci sont fondées sur une dérogation à l’interdiction de principe des aides publiques que
posent les traités européens. Dans le domaine des aides d’État, la crise n’ouvre donc pas de
nouvelle dérogation à proprement parler, mais elle modifie dans le sens d’extension la
dérogation déjà largement ouverte. Le caractère assez ponctuel de cette extension enlève de la
visibilité à cette frontière entre dérogations hors crise et dérogations de crise.
Le fonctionnement de la Commission européenne face à la crise financière crée
l’apparence d’un organe détenteur du pouvoir souverain au sens de l’énoncé célèbre de Carl
Schmitt351 : c’est la Commission qui qualifie la situation de crise en tant que permettant des
mesures d’exception et qui définit le contenu et la portée de cette exception par ses
communications. Or une étude attentive démontre que le « monopole de décision », loin
d’appartenir à la Commission, est plutôt détenu par les États. D’abord, si la dérogation est
techniquement admise au niveau communautaire par l’application de la disposition de l’article
87(3) (b) du Traité CE, cette solution n’est qu’une traduction technique par la Commission
des conclusions du Conseil. La présence d’une situation exceptionnelle est en réalité constatée
par les États au sein de l’Eurogroupe et du Conseil européen.
Ensuite, le contenu des assouplissements est déterminé à coup par coup, si ce n’est
après coup, en réponse aux mesures de sauvetage organisées par les États. C’est ainsi que la
Commission autorise de nombreux régimes généraux ou des aides aux entreprises saines. La
plupart de ces assouplissements est de caractère plutôt discret, comme l’abandon du critère de
taux de marché ou une interprétation moins rigoureuse du principe de non-récurrence. Or
certains changements sont de véritables revirements, comme la consécration d’une

351 Selon la formule célèbre de la Théologie politique de Carl Schmitt, « est souverain celui qui décide de
la situation exceptionnelle ».
réglementation spéciale applicable au secteur bancaire ou la reconnaissance par la
Commission du caractère en principe admissible de nationalisations. Là aussi,
l’assouplissement opéré par la Commission est une réaction aux projets nationaux envisageant
des reprises des institutions financières par l’État ou des régimes de sauvetage adressant la
situation des banques.
Plusieurs États membres, loin de s’autolimiter dans le choix des instruments de
sauvetage des économies nationales, adoptent des vastes paquets de mesures ou des plans de
relance qui, à côté des mesures insusceptibles de porter atteinte à la structure concurrentielle
du marché commun, dont des mesures fiscales ou des aides aux consommateurs, comprennent
aussi des régimes de garanties ou de recapitalisations du système financier. Des États
n’hésitent pas d’assortir leurs régimes nationaux des clauses pour le moins contestables au
regard du droit communautaire comme des obligations de financement des entreprises
industrielles et commerciales à la charge de l’institution financière bénéficiaire de l’aide.
Finalement, l’aspect matériel de la norme nationale se complète par des
réaménagements procéduraux favorables aux États. Sur ce plan de la procédure, la mise en
œuvre des aides non notifiées par les États ou non pas encore autorisées par la Commission
démontre elle aussi que le « monopole de décision » est détenu par les États. En effet, si la
Commission impose des restrictions ou des contreparties à la charge des entreprises
bénéficiaires, elle n’ose pas ordonner la récupération des aides illégalement versées ni
remettre en question leur compatibilité avec le marché commun.
Or, si l’accélération des délais de traitement de demandes remet en cause l’effet
utile du contrôle communautaire des aides d’État, il ne faut pas refuser au contrôle
communautaire toute effectivité. Comme nous avons observé à de nombreux exemples, la
vraie utilité de la procédure communautaire consiste en l’effet de coordination qu’elle assure.
La fonction du contrôle communautaire est en dernière analyse d’assurer un minimum de
prévisibilité pour des institutions financières et pour les États et de créer un cadre unifié de
l’exercice de la souveraineté par les États membres. Un minimum de coordination est ainsi
assuré par l’adoption des communications ayant valeur de règles générales applicables à
l’ensemble du marché commun ou encore par le maintien du principe de caractère non-
discriminatoire de régimes d’aides. Le désengagement coordonné des États est assuré par un
réexamen régulier des aides aussi bien que par la présentation obligatoire de plans de
restructuration des entreprises bénéficiaires.
La Commission poursuit d’ailleurs non seulement un objectif conservatif de
rétablissement de l’ordre normal du fonctionnement du marché, mais aussi un objectif
127
politique évolutif de parvenir à une meilleure structure concurrentielle des marchés. Le
standard positif visé doit être atteint par une coordination du rétablissement des économies
nationales. Le droit communautaire continue à poursuivre ainsi les objectifs de
développement durable ou de soutien aux PME. La communication consacrée au traitement
des actifs dépréciés ou le plan européen de relance démontrent que la Commission n’hésite
pas à proposer des mesures contenant en elles-mêmes un élément d’aide publique.
Les exemptions de certaines mesures des règles de concurrence opérées au niveau
des droits nationaux, comme en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Irlande, ont pour
avantage d’être bien limitées dans le temps. Ne visant que d’exempter une opération du
contrôle de l’autorité de concurrence, ces exemptions sont peu susceptibles d’influencer le
fonctionnement normal du système juridique une fois la crise passée. Le même effort
d’encadrer les assouplissements de crise se poursuit en droit communautaire par la création
des dispositifs de durée limitée dérogeant à la norme en vigueur sans l’abroger. L’application
du fondement juridique dérogatoire vise à isoler les assouplissements de crise et à faciliter le
retour au fonctionnement normal du contrôle des aides publiques une fois la crise passée.
Cette méthode devrait réussir en ce qui concerne des assouplissements prévus dans les
communications de la Commission. Or l’avenir des assouplissements moins visibles, opérés
dans la pratique décisionnelle de la Commission, est moins évident. Une analyse continue des
décisions de la Commission et des interactions entre les systèmes nationaux et le système
supranational sera nécessaire pour observer comment le droit organisera la sortie de cette
situation d’urgence économique.

128
ANNEXE 1
Aperçu des documents juridiques analysés ou évoqués dans le
présent mémoire

Table de Traités européens


1) Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne du 30 mars 2010, JOUE C 83, p. 47-
201.
2) Traité instutuant la Communauté européenne, version consolidée du 24 décembre 2002,
JOCE C 325, p. 33-184.
3) Traité instituant la Communauté économique européenne du 1957, disponible en ligne sur
http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11957E/tif/11957E.html (vu le 10 avril 2010)
4) Traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier du 1951, disponible en
ligne sur http://eur-
lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11951K/tif/TRAITES_1951_CECA_1_FR_0001.pdf (vu le 10
avril 2010)

Table des principales lois nationales analysées


L’Allemagne
1) Loi portant stabilisation des marchés financiers (Finanzmarktstabilisierungsgesetz,
FMStG) du 18 octobre 2008, précisée par décret (Finanzmarktstabilisierungsfonds-
Verordnung, FMStFV) entré en vigueur le 20 octobre 2008 (autorisation de la Commission
au 27 octobre 2008, aff. N512/2008, prolongation de l’application autorisée le 22 juin 2009)
2) Loi relative au fonds de stabilisation des marchés financiers
(Finanzmarktstabilisierungsfondsgesetz, FMStFG) entré en vigueur le 17 octobre 2008, §§
6a-d, §§ 8a, 8b. (autorisation de la Commission du 31 juillet 2009, aff. N314/2009)

L’Autriche
1) Loi visant le renforcement des marchés interbancaires
(Interbankmarktsstärkungsgesetz, ou IBSG) n° 136/2008 publiée le 26 octobre 2008.
2) Loi visant à assurer la stabilité du marché financier (Finanzmarktstabilitätsgesetz, ou
FinStaG) n° 136/2008 publiée le 26 octobre 2008.
3) Décret d’application visant à préciser des conditions de mise en œuvre de l’IBSG et
de la FinStaG (Ausführungsverordnung für Maßnahmen nach dem FinStaG und dem IBSG)
N382/2008 publié le 30 octobre 2008.

La France
1) La loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement
de l’économie,
a) art. 6, II. (aff. N548/2008, décision de la Commission du 30 octobre 2008,
prolongée par décision de la Commission du 12 mai 2009, aff. N251/2009)
b) art. 6, III (aff. N613/2008, décision de la Commission du 8 décembre 2008,
modification autorisée par la Commission le 28 janvier 2009, aff. N29/2009, une
deuxième modification autorisée le 23 mars 2009, aff. N164/2009)
\
L’Irlande
1) La loi relative au soutien aux institutions de crédit, The Credit Institutions (Financial
Support) Act entré en vigueur le 2 octobre 2008 (autorisation de la Commission du 13
octobre 2008, aff. NN48/2008)
2) La loi relative à la nationalisation de l’Anglo Irish Bank, The Anglo Irish Bank
Corporation Act 2009 approuvée par décision de la Commission du 14 janvier 2009.

L’Italie
1) Le décret-loi n° 157/2008 portant des mesures urgentes supplémentaires pour garantir
la stabilité du système de crédit, Ulteriori misure urgenti per garantire la stabilità del
sistema creditizio entré en vigueur le 13 octobre 2008 (autorisation de la Commission du 13
novembre 2008, N520a/2008)

Mesures en faveur de l’économie réelle


L’Allemagne
1) Bundesregelung Kleinbeihilfen
2) Kreditansalt für Wiederaufbau-Sonderprogramm 2009, autorisation de la
Commission du 30 décembre 2008, aff. N661/2008 et N668/2008.

130
Table de jurisprudence
Jurisprudence communautaire
CJCE, 15 avril 2008, Nuova Agricast Slr c. Ministero delle Attività Produttive, aff. C-
390/06
CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich GmbH e.a. contre
Finanzlandesdirektion für Tirol e.a., C-368/04
CJCE, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), aff. C-198/01
CJCE, 30 septembre 2003, Allemagne c/ Commission, aff. C-301/96
CJCE, 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen et Volkswagen AG et Volkswagen Sachsen
GmbH contre Commission des Communautés européennes, aff. jtes C-57/00 P et C-
61/00 P
CJCE, 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et a., aff. C-143/99
CJCE, 29 avril 1999, Espagne c. Commission, aff. C-342/96.
CJCE, 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke SA contre Commission des Communautés
européennes, aff. C-353/95
CJCE, 23 octobre 1997, Commission contre France, aff. C-159/94.
CJCE, 26 septembre 1996, Republique francaise contre Commission, aff. C-241/94
CJCE, 11 juillet 1996, SFEI, aff. C-39/94
CJCE, 5 octobre 1994, Allemagne c/Commission, C-400/92
CJCE, 15 mars 1994, Banco de Crédito Industrial, devenu Banco Exterior de España
contre Ayuntamiento de Valencia, aff. C-387/92
CJCE, 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf c/Allemagne, aff. C-188/92
CJCE, 15 juin 1993, Matra, aff. C -325/91
CJCE, 21 mai 1991, Italie contre Commission, aff. C-303/88.
CJCE 21 mars 1991, Italie c/ Commission, « Alpha Romeo », aff. C-305/89, Rec. I-1603,
CJCE 21 mars 1990, Commission c. Belgique, aff. C-142-87
CJCE, 2 février 1988, Van der Koy, aff. C-67/85
CJCE, 14 octobre 1987, RFA c/Commission, aff. 248-84
CJCE, 24 fevrier 1987, Deufil, aff. 310/85
CJCE, 7 fevrier 1985, ABDHU, aff. 240/83
CJCE,14 juillet 1981, Züchner c/Bayerische Vereinsbank, aff. 172/80
CJCE, 8 octobre 1980, Überschar, aff. C-810/79
CJCE, 17 septembre 1980, Philip Morris Holland BV contre Commission, aff. 730/79
CJCE, 21 mai 1980, Commission contre Italie, aff. 73/79.
CJCE, 16 novembre 1977, Inno c/ATAB, aff. 13/77
CJCE, 22 mars 1977, Ianelli, aff. 74/76
CJCE, 22 mars 1977, Steinike & Weinlig contre la République Fédérale d’Allemagne,
aff. 78/76
CJCE, 2 juillet 1974, Italie contre Commission, aff. C-173/73
CJCE, 30 avril 1974 Sacchi, aff. 155/73
CJCE, 11 décembre 1973, Lorenz, aff. 120/73
CJCE, 21 fevrier 1973, Continental Can, aff. 6/22
CJCE, 1966, Grundig, aff. C-56 et C-58/64
CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64
CJCE, 23 février 1961, De gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg c. Haute
Autorité, aff. 30/59

131
TPICE, 15 décembre 2009, EDF & République Française c/ Commission européenne et
Iberdrola SA, aff. T-156/04
TPICE, 4 mars 2009, République italienne contre Commission, aff. T-424/05
Assoziazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management SpA contre
Commission, aff. T-445/05
TPICE, 24 septembre 2008, Kahla/Thüringen Porzellan GmbH c/ Commission, aff. T-
20/03
TPICE, 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale, aff. T-228 et T-233/99
TPICE, 25 octobre 2002, Tertra Laval c/Commission, aff. T-5/02
TPICE, 6 juin 2002, AirTour c/Commission, aff. T-342/99
TPICE, 12 décembre 2000, Alitalia c/Commission, aff. T-296/97
TPICE, 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, aff. jtes T-132/96 et T-
143/96
TPICE, 6 juillet 1995, AIETEC e.a. contre Commission, aff. jtes T-447/93 et 449/93

Tribunaux nationaux
L’Allemagne
BVerfG, 26 mars 2009

La Belgique
CA Bruxelles, 18ème chambre, 12 décembre 2008, aff. 2008/KR/350.

La France
CE, 21 mars 2001, SICOMI Bail-Investissement
CE, Sect., 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles
CE, 26 juin 1996, Département de l’Yonne.
CE, 1er mars 1996, Guillet.
CE, 8 juillet 1988, SABDEC

132
Table des communications de la Commission
1. Communications prises dans le domaine des aides d’État dans le contexte de la
crise
a) Communications applicables au secteur financier

Communication de la Commission — Application des règles en matière d'aides d'État aux mesures
prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale du
13 octobre 2008, JOUE C 270 du 25 octobre 2008, p. 8 (« la communication concernant le secteur
bancaire »).

Communication de la Commission — Recapitalisation des établissements financiers dans le


contexte de la crise financière actuelle: limitation de l'aide au minimum nécessaire et garde-fous
contre les distorsions indues de concurrence du 5 décembre 2008, JOUE C 10 du 15 janvier 2009,
p. 2 (« la communication sur la recapitalisaton »).

Communication de la Commission concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur


bancaire de la Communauté du 25 février 2009, JOUE C 72 du 26 mars 2009, p. 1 (« la
communication sur les actifs dépréciés »).

Communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l'appréciation des mesures de


restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément
aux règles relatives aux aides d'État du 23 juillet 2009, JOUE C 195 du 19 août 2009, p. 9.

b) Communications applicables aux entreprises de l’économie réelle

Communication de la Commission — Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État


destinées à favoriser l'accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière
actuelle du 17 décembre 2008, JOUE C 16 du 22 janvier 2009, p. 1. (modifié le 25 février 2009,
version mise à jour publiée à JOUE, C 83 du 17 avril 2009, p. 1)

2. Communications relatives aux entreprises en difficulté

133
Lignes directrices communautaires concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration
d'entreprises en difficulté, JO C 244 du 1 octobre 2004, p. 2.

Communication de la Commission relative à la prorogation des lignes directrices communautaires


concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, JOUE C
156 du 09 juillet 2009, p. 3.

3. D’autres communications
Règlement général d’exemption par catégorie n 800/2008 du 6 août 2008, JOUE L214 du 9 août
2008, p. 3-47.

Communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du Traité CE aux aides


d'État sous forme de garanties, JO C71, 11 mars 2000, p. 14.

134
Table de principales décisions de la Commission

Déc. 7 mai 2009, Commerzbank, aff. N625/2008


Déc. 12 décembre 2008, Plan de soutien slovène aux institutions de crédit, aff. N638/2008
Déc. 9 décembre 2008, Régime autrichien de soutiens aux banques, aff. N557/2008
Déc. 8 décembre 2008, Régime français de soutien aux banques, aff. N 618/2008
Déc. 3 décembre 2008, Aide à la restructuration en faveur de Fortis Banque et Fortis Banque
Luxembourg, aff. NN42/2008, NN46/2008 et NN/53/A/2008
Déc. 19 novembre 2008, Dexia (France), aff. NN 50/2008
Déc. 14 novembre 2008, Régime de garanties aux banques italiennes, N 520a/2008
Déc. 5 novembre 2008, Roskilde, aff. NN 39/2008
Déc. 30 octobre 2008, Régime de refinancement des banques françaises, aff. N548/2008
Déc. 27 octobre 2008, Soutien aux banques allemandes,aff. N512/2008
Déc. 21 octobre 2008, IKB, aff. C10/2008
Déc. 13 octobre 2008, Soutien aux banques britanniques, aff. N 507/2008
Déc.13 octobre 2008, Régime de garanties aux banques irlandaises, aff. N 481/2008
Déc. 10 octobre 2008, Régime de garanties aux banques danoises, aff. NN51/2008
Déc. 4 juin 2008, Sachsen LB, aff. C 9/08
Déc. 2 octobre 2008, HRE, aff. NN 44/2008
Déc. 1ier octobre 2008, Bradford & Bingley, NN 41/2008
Déc. 1ier octobre 2008, WestLB, aff. C43/2008
Déc. 31 juillet 2008, Roskilde, aff. NN 36/2008
Déc. 4 juin 2008, Sachsen LB, aff. C9/2008
Déc. 30 avril 2008, Aide au sauvetage en faveur de West LB, aff. NN 25/2008
Déc. 27 février 2008, Automobile Craiova, C 46/07
Déc. 5 décembre 2007, Northern Rock, aff. NN70/2007
Déc. 27 juin 2007, BAWAG, C 50/06
Déc. 4 mai 2005, Bankgesellschaft Berlin, C28/2002
Déc. 15 janvier 2002, Crédit Mutuel
Déc. 8 août 1998, Crédit Lyonnais, aff. C47/96
Déc. 30 juillet 1997, GAN, 98/204/CE
Déc. 26 juillet 1995, Crédit Lyonnais, 95/547/CE
Déc. 7 octobre 1987, relative a la loi grecque 1386/1983 par laquelle le gouvernement grec
octroyait l'aide à l'industrie nationale pour permettre le redressement financier des
entreprises, aff. n 88/167/CEE, publiée au JOCE L 76 du 22 mars 1988, pp. 18-22

135
INDEX
Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes

Actifs dépréciés 23, 38, 50, 52, 94, 104


Aides,
a. ad hoc 3, 27, 43, 44, 50, 57, 84, 86
a. illégales 81, 82, 83, 104
a. incompatibles 5, 9, 23, 81
Art. 87 (3) (b) Traité CE 9, 15-22, 27, 28, 30-34, 47, 54, 55, 65, 73, 76, 77, 82, 93
Art. 87 (3) (c) Traité CE 15, 16, 22, 25, 27, 39
Art. 88 (2) (3) Traité CE 75
Art. 88 (3) Traité CE 79, 81, 83
Autorités de concurrence 19, 92

Balancing test 42, 47


BCE 38, 52, 73

Concurrence,
distorsion de 6, 7, 42, 47, 49
non faussée 6, 7, 13, 93
Conseil 31, 74, 104
Contreparties 100-103

Ecofin 72
Égalité de traitement 23, 24, 55
Eurogroup 23, 59, 73, 74, 104

Finanzmarktstabilisierungsgesetz (FMStG) 49, 61, 66, 82, 92

Liquidation 32, 48, 50, 53, 57, 77, 81, 102

Nationalisations 50, 54, 81, 84, 92


Non-discrimination 5, 52, 55
Non-récurrence 15, 53, 98, 104

Plan européen pour la relance économique 95


PME 27, 42

Règlement 659/99 77, 81

SCHMITT, C. 10, 69, 104


SCHUMPETER, J.-A. 1, 2, 7
SMITH, A. 5, 96
Stress test 39

Test d’investisseur privé 46

136
Bibliographie générale

I. Traités et ouvrages généraux


- Richard BLASSELLE, Traité du droit européen de la concurrence. Tome 1, Publisud,
Paris, 2002, 644 p.
- Claude BLUMANN, Louis DUBOIS, Droit institutionnel de l’Union européenne,
Litec, 3ième éd., 2007, 653 p.
- Jean CARBONNIER, Flexible droit, LGDJ, Paris, 9ième édition, 1998, 443 p.
- Jean-Yves CHÉROT, Droit public économique, Economica, Paris, 2ième édition, 2007,
1032 p.
- Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF Quadrige, 3ieme édition, 2002
- Marie-Anne FRISON-ROCHE, Marie-Stéphane PAYET, Droit de la concurrence,
Dalloz, Paris, 2006, 464 p.
- Sophie NICINSKI, Droit public des affaires, Montchrestien, Paris, 2009, 464 p.
- Marcel PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, Tome 1ier, Paris, Librairie
générale de droit et de jurisprudence, 1932, 1148 p.
- Carl SCHMITT, Théologie politique, 1922, rééd. Gallimard, 1988, 182 p.
- François TERRÉ, Introduction générale au droit, Dalloz, Paris, 7ième éd., 2006, 634 p.

II. Ouvrages spécialisés


- Giorgio AGAMBEN, State of Exception, University of Chicago Press, Chicago, 2002,
104 p.
- Kelyn BACON, European Community Law of State Aid, Oxford University Press,
Oxford, 2009, 572 p.
- David BLACHE, La régulation des banques de l’Union européenne face à la crise,
Revue Banque Édition, Paris, 2009, 295 p.
- Jean-Yves CHÉROT, Les aides d’Etat dans les Communautés européennes,
Economica, Paris, 1998, 379 p.
- Guylain CLAMOUR, Intérêt général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit
public en économie de marche, Dalloz-Sirey, Paris, 2006, 1044 p.
- Frédéric COLIN, Droit public économique, Gualino éditeur, Paris, 2ème éd., 2008, 270
p.
- Jean-Philippe COLSON et Pascale IDOUX, Droit public économique, L.G.D.J., Paris,
coll. Manuel, 4ème éd., 2008, 844 p.
- Philippe CORRUBLE et a., Droit européen des affaires, Dunod, Paris, 1998, 192 p.
- André DECOCQ, Georges DECOCQ, Droit de la concurrence. Droit interne et droit
de l’Union européenne, 3ième éd., L.G.D.J., Paris, 2008, 627 p.
- Pierre DELVOLVÉ, Droit public de l’économie, Dalloz, Paris, 1998, 799 p.
- Marianne DONY et autres, Contrôle des aides d'Etat, Université de Bruxelles,
Bruxelles, 3ème éd., 2007, 529 p.
- Laetitia DRIGUEZ, Droit social et droit de la concurrence, Bruylant, Bruxelles, 2007,
868 p.
- Bertrand DU MARAIS, Droit public de la régulation économique, Presses de la
Fondation nationale des sciences politiques, Dalloz, coll. Amphi, Paris, 2004, 601 p.
- Rusen ERGEC, Les droits de l’homme à l’épreuve des circonstances exceptionnelles,
Bruxelles, Bruylant, 1987, 427 p.
- Marie-Anne FRISON-ROCHE (sous la dir. de), Les régulations économiques :
légitimité et efficacité, Presses de Sciences Po et de Dalloz, Paris, 2004, 205 p.
- Günther HIRSCH, Frank MONTAG, Franz Jürgen SÄCKER (éd.), Competition Law:
European Community Practice and Procedure. Article-by-Article Commentary (Droit de la
concurrence : pratiques et procédures en droit interne. Commentaire article par article),
Sweet & Maxwell, London, 2008
- Hanns-Jürgen KÜSTERS, Fondements de la Communauté Économique Européenne,
Éditions Labor, Bruxelles, 1990, 378 p.
- Didier LINOTTE et Raphaël ROMI, Droit public économique, Litec, Paris, 6ème éd.,
2006, 465 p.
- Marie MALAURIE-VIGNAL, Droit de la concurrence interne et communautaire,
Dalloz-Sirey, Paris, 3ième éd., 2005, 273 p. et 4ième éd., 2008, 349 p.
- Richard MOULIN et Pierre BRUNET, Droit public des interventions économiques,
L.G.D.J., Paris, 2007, 327 p.
- Cyril NOURISSAT, Droit communautaire des affaires, Dalloz, Paris, 2005, 367 p.
- Arnaud RACLET, Droit communautaire des affaires et prérogatives de puissance
publique nationales, Dalloz, Paris, 2002, 576 p.
- Joël RIDEAU, Droit institutionnel de l’Union et des Communautés européennes, 5e
édition, L.G.D.J., 2006.
- François SAINT-BONNET, État d’exception, PUF (Léviathan), Paris, 2001, 393 p.
138
- Georges VLACHOS, Droit public économique français et communautaire, Armand
Colin, Paris, 2001,
- Conor QUIGLEY, European State Aid Law and Policy (Le droit et la politique des
aides d’État dans l’Union Européenne), 2ème éd., Hart Publishing, Oxford, 2009, 574 p.
- Jan ZIEKOW, Öffentliches Wirtschaftsrecht (Le droit public économique), Verlag C.H.
Beck, München, 2007, 284 p.

III. Ouvrages pratiques, répertoires


- Jean-Paul KEPPENNE, Guide des aides d’État en droit communautaire,
Bruylant, Bruxelles, 1999, 693 p.
- Frédérique BERROD, « Aides (Notion) », Répertoire Dalloz de droit
communautaire, 2008, n° 1-239.
- Loïc GRARD, « Aides d’État – Procédure de contrôle », JurisClasseur
Concurrence-Consommation, 2003, fasc. 680, n° 1-86.

IV. Articles, chroniques


- Emily ADLER, James KAVANAGH, Alexander UGRYUMOV, «State Aid to banks
in the financial crisis : the past and the future » («Les aides d’État au secteur bancaire dans
la crise financière : le passé et l’avenir»), Journal of European Competition Law and
Practice, n° 1, janvier 2010, p. 66-71.
- Andrea AMELIO, Georges SIOTIS, « Applying EU competition rules during testing
times : some issues », Concurrences, n 2-2009, p. 3-8.
- Cristoph ARHOLD, « Kommission präzisiert ihre beihilfenrechtliche Bankenmitteilung
bezüglich der Rekapitalisierung der Finanzinstitute» (« La Commission précise sa
communication sur les aides au secteur bancaire concernant la recapitalisation des
institutions financières »), commentaire de la communication du 5 décembre 2008 sur la
recapitalisation, EuZW, n 3, 2009, p. VI.
- Michel BAZEX, « Droit public de la concurrence », RFDA, 1998, p. 790.
- Michel BAZEX, « Aides d’État et crise », Contrats, conc., consom., n°6, juin 2009,
comm. 168.
- Michel BAZEX, Frédéric ROLIN, Pierre SUBRA De BIEUSSES (sous dir. de),
« Interventions économiques de personnes publiques (chronique) », Contrats, conc.,
consom., n 12, décembre 2009, chron. 4.

139
- Emmanuelle BROUSSY, Francis DONNAT, Christian LAMBERT , « Chronique de
jurisprudence communautaire », AJDA, 2009, p. 245 et s.
- François BRUNET, « Le droit de la concurrence face aux défis de la crise mondiale »,
Revue Lamy de la concurrence, n 20 2009, p. 104-115.
- Jean-Yves CHÉROT, « Le plan d’action de la Commission dans le domaine des aides
d’État », AJDA 2007, p. 2412.
- Jean-Yves CHÉROT, Jacques DERENNE, Christophe GIOLITO, « Aides d’État –
Chroniques », Concurrences, 2008, n 4, p. 104-125.
- Jean-Yves CHÉROT, Jacques DERENNE, Christophe GIOLITO, « Aides d’État –
Chroniques », Concurrences, 2009, n 1, p. 141-179.
- Jacques DERENNE, Christophe GIOLITO, « Aides d’État – Chroniques »,
Concurrences, 2009, n 2, p. 148-174.
- Elie COHEN, «Risque systémique et droit de la concurrence», Concurrences, n 1,
2009, p. 1-2.
- Xavier DELPECH, « La loi de finances rectificative pour le financement de
l’économie », D. 2008, p. 2588.
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Kapital” » («Le développement continu du droit dans la crise : le “capital octroyé moyennant
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- Antoine WINCKLER, François-Charles LAPRÉVOTE, « When the Watchman Must
Take the Wheel – State Aid Control of Financial Institutions and Other Political Imperatives
during the Economic Crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 9-17.

V. Notes de jurisprudence, commentaires


- Michel BAZEX, « Aides d’État et interventions de l’investisseur privé en économie de
marché », note sous TPICE, 15 décembre 2009, EDF & République Française c/
Commission européenne et Iberdrola SA, aff. T-156/04, Contrats, conc., consom., n 2,
février 2010, comm. 47
- Laurence IDOT, « Appréciation de validité d’une décision de ne pas ouvrir de
procédure », commentaire de l’arrêt CJCE, 15 avril 2008, aff. C-390/06, Nuova Agricast
Srl, Europe, n 6, juin 2008, comm. 197
- Jacques MESTRE, « Les promesses politiques ne font pas naître d’obligations civiles »,
note sous CA Paris, 1re ch. A. 18 octobre 1994, Belhomme c/Parti socialiste et autres, RTD
Civ 1995, p. 351.
- Laurent TOUVET, « Les collectivités territoriales peuvent-elles vendre un terrain à une
entreprise pour un franc symbolique ?», concl. sur CE, Sect., 3 novembre 1997, Commune
de Fougerolles, RFDA, 1998, p. 12.
- Jérémie VIALENS, commentaire de l’arrêt CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine
Ölleitung in Österreich GmbH e.a. contre Finanzlandesdirektion für Tirol e.a., C-368/04,
Contrats, Conc., Consom., n 4, avril 2007, chronique 2, point 9.

VI. Rapports, résolutions


- Le IXème Rapport sur la politique de concurrence, 1979
- Le XXIème Rapport sur la politique de Concurrence, 1991
- Le XXIIIème rapport sur la politique de Concurrence, 1993
- L’édition spéciale du Tableau de bord des aides d’État, consacré aux aides d’État
accordées dans le cadre de la crise économique et financière actuelle, du 8 avril 2009, CO M
(2009) 164, disponible en version anglaise à

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- Rapport de l’OCDE « Competition and Financial Markets » (« La concurrence et les
marchés financiers »), 2009
- Rapport Marini du Sénat n 23 sur la loi n° 2008-1061 de finances rectificative pour le
financement de l’économie
- Les Actes de l’Atelier de la concurrence sur « le droit de la concurrence à l’épreuve de
la crise économique », 27 avril 2009, disponible en ligne sur
http://www.dgccrf.bercy.gouv.fr/documentation/publications/actes_ateliers/crise_economiqu
e.pdf (vu le 10 avril 2010)

VII. Sources numériques


www.curia.europa.eu Base de jurisprudence communautaire en ligne (vu le 10
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www.europa.eu/legislation_summaries/competition/state_aid/index_fr.htm
Fiches synthétiques présentant le droit communautaire des aides d’État (vu le 10
avril 2010)
www.eur-lex.europa.eu Portail consacré au droit de l’Union Européenne (vu le 10
avril 2010)

VIII. Ouvrages non-juridiques


- Frédéric BASTIAT, Œeuvres complètes, tome VI, Harmonies économiques,
1863, disponible en ligne à http://bastiat.org/fr/concurrence.html (vu le 10 avril 2010)
- Jean-Yves CAPUL, Olivier GARNIER, Dictionnaire d’économie et de
sciences sociales, Hatier, Paris, 2005, 576 p.
- Gilles DUFRÉNOT et Alain SAND-ZANTMAN, Après la crise? Les
politiques économiques dans le monde, Economica, Paris, 199 p.
- John LOCKE, Traité du gouvernement civil, Bréal, 2002, 128 p.
- Joseph Aloïs SCHUMPETER, « Capitalisme, Socialisme et Démocratie »,
1942, Deuxième partie : le capitalisme peut-il survivre ?, Chapitre 7 Le processus de
destruction créatrice, disponible en version numérique sur
http://sbisrvntweb.uqac.ca/archivage/13868105t1.pdf (vu le 10 avril 2010)

144
- Joseph SCHUMPETER, Théorie de l’évolution économique : Recherches sur
le profit, le crédit, l’intérêt et le cycle de la conjoncture, 1911, disponible en ligne sur le site
de la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du
Québec, http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm (vu le 10 avril 2010)
- Adam SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des
nations, Paris, Economica, 2000, 414 p.

IX. Articles de presse, discours


- John FINGLETON, « Competition Policy in Troubled Times », 20 janvier
2009, http://www.oft.gov.uk/shared_oft/speeches/2009/spe0109.pdf (vu le 10 avril 2010)
- Bruno JEUDY, « Nicolas Sarkozy veut ‘refonder le capitalisme’ », Le Figaro,
26 septembre 2008.
- Jean-Jacques MÉVEL, « Les aides aux banques : Bruxelles affronte Paris », Le
Figaro, 1er décembre 2008.
- Jean MONNET, discours au Comité de Libération Nationale le 5 août 1943,
http://www.unizar.es/euroconstitucion/library/historic%20documents/Paris/preparacion/Note
%20de%20reflexion%20de%20Jean%20Monnet%20(5%20aout%201943).pdf (vu le 10
avril 2010)
- Nicolas SARKOZY, discours prononcé à Toulon le 25 septembre 2008,
http://www.elysee.fr/president/root/bank/pdf/president-2096.pdf (vu le 10 avril 2010)
- Carl SHAPIRO, « Competition Policy in Distresssed Industries », disponible à
http://www.justice.gov/atr/public/speeches/245857.htm (vu le 10 avril 2010)

145
Table de matières

CHAPITRE INTRODUCTIF ..............................................................................................................8


Partie 1. LA CRÉATION D’UN NOUVEAU CORPUS DES RÈGLES EN MATIÈRE D’AIDES
D’ÉTAT APPLICABLES À UNE CRISE ÉCONOMIQUE .............................................................25
Titre 1. La réglementation communautaire des aides d’État face à une « perturbation grave de
l’économie »...................................................................................................................................27
Chapitre 1. Le contenu de nouvelles règles communautaires applicables aux aides d’État ......28
Section 1. La reconnaissance de la perturbation grave de l’économie d’un Etat membrе28
Section 2. Les effets de la reconnaissance d’une perturbation grave de l’économie…....34
Chapitre 2. Le champ d’application des nouvelles règles communautaires…………………...42
Section 1. Caractère restrictif de l’applicabilité de la dérogation………………….……42
Section 2. L’extension de la reconnaissance d’une perturbation grave de
l’économie………..………………………………………………………………………….....…48
Titre 2. Procédure permettant une concurrence de solutions nationales ........................................56
Chapitre 1. Contrôle communautaire, moyen d’uniformisation des aides publiques dans l’UE
....................................................................................................................................................57
Section 1. Contrôle de conformité en droit de la concurrence...........................................57
Section 2.Contrôle de conformité en dehors du droit de la concurrence...........................71
Chapitre 2. Diversité des solutions au niveau national ..............................................................75
Section 1. Liberté relative d’organisation du régime national...........................................75
Section 2. Des contraintes juridiques nationales ...............................................................82
PARTIE 2. LE RÔLE DE LA RÈGLE COMMUNAUTAIRE EN MATIÈRE D’AIDES D’ÉTAT
DANS LA LUTTE CONTRE LA CRISE..........................................................................................85
Titre 1. Le maintien et des réaménagements de la procédure de contrôle des aides publiques par la
Commission ...................................................................................................................................87
Chapitre 1. L’instauration d’une procédure communautaire plus rapide et plus flexible ..........88
Section 1. L’exigence d’une action plus cohérente au niveau européen…………………88
Section 2. L’accélération des délais de traitement des mesures notifiées..........................93
Chapitre 2. Les réaménagements du mécanisme de coopération entre la Commission et les
États............................................................................................................................................96
146
Section 1. La procédure de notification. L’absence de contestation des aides non-notifiés
....................................................................................................................................................96
Section 2. Le contrôle national et communautaire de la mise en oeuvre des procédures102
Titre 2. L’originalité juridique du traitement de la crise financière en droit communautaire ......107
Chapitre 1. La conciliation de la protection de la concurrence avec l’intérêt général de
rétablissement de l’économie dans le droit des aides publiques ............................................107
Section 1. Un assouplissement nécessaire des règles de concurrence avec prise en compte
de l’intérêt général……………………………………………………………..……….110
Section 2. L’instrumentalisation du droit des aides d’État dans la politique économique
communautaire ................................................................................................................ 114
Chapitre 2. La préservation d’une structure concurrentielle du marché commun à long terme
................................................................................................................................................ 118
Section 1. Un recours volontaire à l’instrument des aides publiques.............................. 118
Section 2. La stratégie de contreparties en tant que permettant d’assurer le rétablissement
d’un marché concurrentiel...............................................................................................120
Conclusion .......................................................................................................................................129
Aperçu des documents juridiques analysés ou évoqués dans le présent mémoire...........................129
INDEX .............................................................................................................................................136
Bibliographie générale .....................................................................................................................137

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