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Maria Kabanova
2010
COLLÈGE UNIVERSITAIRE FRANÇAIS DE MOSCOU
Maria Kabanova
2010
REMERCIEMENTS
aff. affaire
al. alinéa
art. article
BCE Banque centrale européenne
c. contre
CA Cour d’appel
Concurrences Concurrences. Revue des droits de la concurrence
Contrats, conc., consom. Contrats, Concurrence, Consommation
CE Communauté européenne
CECA Communauté européenne du charbon et de l’acier
CEE Communauté économique européenne
CJCE Cour de Justice des Communautés européennes
D. Recueuil Dalloz
DA Revue de droit administratif
DG Concurrence Direction Générale Concurrence
ECLR European Competition Law Review
EuZW Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht
FinStaG Finanzmarktstabilitätsgesetz
FMStBG Finanzmarktstabilisierungsbeschleunigungsgesetz
ibid. Ibidem
IBSG Interbankmarktsstärkungsgesetz
JCP éd. A La Semaine Juridique Administrations et Collectivités
territoriales
JDE Journal de droit européen
JOCE (devenu JOUE) Journal Officiel des Communautés Européennes
JOUE (ex JOCE) Journal Officiel de l’Union européenne
LB Landesbank
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
OMC Organisation Mondiale du Commerce
op. cit. Opere citato
p. (pp.) page (pages)
PME petites et moyennes entreprises
RFA République fédérale d’Allemagne
RFDA Revue française du droit administratif
RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil
SFEF Société de financement de l’économie française
SRAEC Société de refinancement des activités des établissements de
crédit
s. suivants (suivantes)
TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
TPICE Tribunal de première instance des Communautés européennes
TCE Traité instituant la Communauté européenne
TUE Traité sur l’Union européenne
TVA taxe sur la valeur ajoutée
v. voir
ZIP Zeitschrift für Wirtschaftsrecht
CHAPITRE INTRODUCTIF
« Il n’y aura pas de paix en Europe si les Etats se reconstituent sur une base de souveraineté
nationale, avec ce que cela entraîne de politique de prestige et de protection économique »,
Jean Monnet, discours au Comité de Libération Nationale le 5 août 19431
5 Le système le plus proche du système communautaire est celui de l’OMC. Or l’encadrement des
subventions par l’OMC ne s’applique qu’au commerce des produits et ne recouvre pas des aides aux institutions
financières, dont il s’agit en premier lieu dans le contexte de la crise. De plus, l’accord SCM de l’OMC ne
prévoit pas de procédure de récupération des subventions. Il est donc inadapté pour le contrôle deы interventions
ad hoc.
6 V. Joseph SCHUMPETER, ibid.
7 Selon les informations tirées du Tableau de bord des aides d’État du 13 octobre 2009, State aid:
Overview of national measures adopted as a response to the financial/economic crisis, disponible en version
anglaise à
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/09/446&format=HTML&aged=0&language=
EN&guiLanguage=en (vu le 10 avril 2010)
8 Dont 2300 milliards d’euros de garanties, 3000 milliards d’euros de recapitalisations et 4000 milliards
d’euros de sauvetages ad hoc (données de l’édition spéciale du Tableau de bord des aides d’État, consacré aux
aides d’État accordées dans le cadre de la crise économique et financière actuelle, du 8 avril 2009, CO M (2009)
164). Or il convient de noter qu’il ne s’agit pas pour l’intégralité de ce montant de moyens effectivement
octroyés. Pour la plupart, ce sont des montants maximum des régimes de garantie approuvés par la Commission
et non des garanties auxquelles a effectivement été fait recours par des bénéficiaires. Le montant des
financements effectivement versés par les États, surtout à titre de recapitalisations est inférieur. Or dans
l’hypothèse d’une aggravation de la crise et du recours aux garanties publiques, le montant maximum
susmentionné aurait pu être atteint légalement.
9
octroyés par la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg en faveur Fortis ou 35 milliards
d’euros octroyés par l’Allemagne à la banque Hypo Real Estate9. Or le contrôle des aides
d’État en droit européen a pour vocation d’assurer l’existence d’un marché concurrentiel et
non faussé par des pratiques protectionnistes des États membres et une importance
particulière revient à l’efficacité de ce contrôle dans la période perturbée de la crise.
9 V. David BLACHE, La régulation des banques de l’Union européenne face à la crise, Revue Banque
Édition, Paris, 2009, p. 222 et s. Pour comparaison, le record précédent des aides individuelles était atteint dans
le cas de Crédit Lyonnais où le montant des aides, perçu alors comme « unique dans les annales de l’Union
européenne » (v. Communiqué de presse de la Commission du 20 mai 1998, IP/98/455), constituait au total 102
à 147 milliards de francs.
10 Une distinction est opérée entre les aides d’État et des mesures générales qui ne sont pas constitutives
d’aide. Notons seulement que des mesures générales n’opèrent aucune discrimination entre des opérateurs du
marché et ne sont donc en rien préjudiciables du principe d’égalité, vu que tout opérateur du marché pourra en
bénéficier de manière égale. Le droit communautaire opère avec une grande cohérence cette distinction entre des
mesures générales et des aides perturbatrices de l’ordre concurrentiel.
11 C’est la fameuse théorie de la « main invisible » oeuvrant pour l’intérêt général : un entrepreneur,
« en dirigeant [l’] industrie de manière à ce que son produit ait le plus de valeur possible, [...] ne pense qu'à son
propre gain ; en cela, comme dans beaucoup d'autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin
qui n'entre nullement dans ses intentions [...] Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent
d'une manière bien [...] efficace pour l'intérêt de la société », v. Adam SMITH, Recherches sur la nature et les
causes de la richesse des nations, Livre IV, chapitre 2, paragraphe 1776, Paris, Economica, 2000.
10
s’inspirant notamment des travaux de l’école de Fribourg allemande, connue sous le nom de
l’école des ordolibéraux. Selon cette école, l’instauration d’un droit de la concurrence
constitue une partie importante de la « constitution économique » 12. Le droit américain, par
le Sherman Act et le Clayton Act de 1914, et le droit allemand, par la loi protégeant la
concurrence, sont ainsi les seuls prédécesseurs du droit communautaire de la concurrence.
Les origines de la décision d’introduire dans le Traité un volet entier relatif à la liberté de la
concurrence restent inconnues, les documents des travaux préparatoires à la rédaction du
Traité n’ayant pas été rendus publics. Or il faut dire que l’attachement à l'idéologie de
l'économie de marché marque toute l'histoire du droit communautaire dès la fondation de la
Communauté. Le principe de protection de la concurrence est ancré à l'article 3 (f) du traite
CEE de 195713, qui dispose que l'action de la Communauté comporte « un régime assurant
que la concurrence n'est pas faussée dans le marché intérieur », la même formule est
employée par le Traité CE. Il est connu que l’introduction de règles protectrices de la
concurrence dans le premier des Traités européens, le Traité CECA de 1951, était en premier
lieu motivée par la volonté d’éviter la remontée en puissance de l’industrie charbonnière et
d’acier allemande, dont le comportement commercial traditionnellement agressif devait être
assujetti à un contrôle administratif stricte14. Préoccupés de la volonté de reconstruction
pacifique de l’Europe d’après-guerre, les auteurs du Traité CECA organisent un système de
gestion partagée de charbon et d’acier pour garantir un accès égal et non-discriminatoire aux
matières premières « dans des conditions qui écartent toute protection contre les industries
concurrentes que ne justifierait pas une action menée par elles ou en leur faveur »15. Ils
s’inspirent du droit américain dans le domaine antitrust, voyant dans la santé de l’économie
des États-Unis des années 1950 une preuve de l'efficacité des règles antitrust. La philosophie
des créateurs du Traité CEE est fondée sur la volonté de créer sur le marché commun des
conditions similaires à celles d’un marché intérieur et de permettre aux agents économiques
12 L’école d’ordolibéralisme a pour ses représentants les plus éminents Franz BÖHM, Walter EUCKEN,
Ludwig ERHARD et le premier Président de la Commission Européenne Walter HALLSTEIN. Cette école
gagne de l’influence avec la décartellisation et la déconcentration de l’économie allemande à l’issue de la
Seconde Guerre Mondiale. Cette décartellisation a non seulement une fonction économique mais aussi une
connotation politique, car c’est la forte concentration des secteurs stratégiques de l’industrie allemande qui a
permis au gouvernement national-socialiste de reprendre le contrôle de l’économie. V. sur l’histoire du droit
allemand de la concurrence l’analyse de Jürgen BASEDOW, « Kartellrecht im Land der Kartelle » (« Le droit de
cartels dans un pays de cartels »), Wirtschaft und Wettbewerb, 2008, n 58 (03), p. 270 et s.
13 Version consolidée du Traité CE publiée au JO n C 325 du 24 décembre 2002.
14 Andreas WEITBRECHT, «From Freiburg to Chicago and Beyond – the First 50 Years of European
Competition Law», ECLR, 2008, n. 2, pp, 81-88, p. 82. L’auteur insiste également sur le fait que le
raisonnement allemand avait beaucoup d'influence lors de l'instauration du droit européen de la concurrence et
dans les premières décennies de fonctionnement de la Communauté, l’Allemagne étant le seul État parmi les
fondateurs de la Communauté qui avait à l’époque crée son droit national de la concurrence.
15 Article 3 (f) Traité CECA.
11
d’exercer leurs activités sur un marché concurrentiel dont les règles ne seraient pas altérées
d’un État membre à l’autre16. Le Traité de Rome reprend donc les règles de concurrence
posées par le Traité CECA.
Inspirés par un projet ambitieux, les auteurs du Traité veulent délimiter la possibilité
pour les États de maintenir à vie des entreprises faibles et non compétitives. Une telle
démarche de la part des États membres aurait eu pour effet de soutenir artificiellement des
entreprises non viables au détriment de leurs concurrents plus compétitifs et de réduire l’effet
utile de la réglementation communautaire protectrice de la concurrence. Le Traité CECA
pose le principe d’incompatibilité inconditionnelle et absolue avec le marché commun des
« subventions ou aides accordées par les Etats » aussi bien que des « charges spéciales
imposées par eux, sous quelque forme que ce soit » dans le domaine d’applicabilité du
Traité17. Le Traité CE est plus réaliste en permettant certaines formes d'aides exonérées de
cette interdiction de principe qui en frappe d'autres. Cette interdiction poursuit l’objectif de
faire obstacle à une distorsion des échanges sur le marché intérieur par des avantages
consentis par l’autorité publique à certaines entreprises ou productions qui seraient
susceptibles de fausser la concurrence sur le marché. Une règlementation des aides d’État est
un élément nécessaire à l’uniformisation de la réglementation économique sur le marché
commun, indispensable pour que chaque entreprise soit assurée que ses concurrents dans
d’autres États membres ne bénéficient pas d’une situation économique artificiellement
améliorée par un soutien public illicite.
16 Une analyse intéressante des documents relatifs à l’inclusion des règles de concurrence dans le Traité
peut être trouvée chez Hanns-Jürgen KÜSTERS, Fondements de la Communauté Économique Européenne,
Éditions Labor, Bruxelles, 1990, pp. 244-248. Les États fondateurs essayaient de transférer dans le marché
commun les principes sur lesquels étaient fondés leurs systèmes économiques nationaux, c’étaient donc en
premier lieu les allemands qui voulaient introduire dans le Traité des règles assez strictes du marché
concurrentiel. Les représentants français, vu la différence majeure du système économique national français,
« opposaient une économie de marché à caractère planificateur marqué et une politique d’intervention de
l’État » (Ibid., p. 244), dans laquelle les États auraient plus d’éléments d’intervention dans les politiques
économiques. Dans l’hésitation d’autres partenaires (les italiens s’inclinant plutôt en faveur de la solution
dirigiste française et les néerlandais en faveur de la solution plus libérale allemande), le volet consacré à la
concurrence a été inclu dans le Traité, des règles plus ou moins strictes régissent les différents domaines de la
politique de la concurrence.
17 Celles-ci sont interdites et abolies dans l’article 4 (c) du Traité instituant la Communauté européenne
du charbon et de l'acier de 1951, disponible sous http://eur-
lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11951K/tif/TRAITES_1951_CECA_1_FR_0001.pdf (vu le 10 avril 2010). Le
premier arrêt de la Cour de Justice en matière d’aides publiques présente le raisonnement suivant : « une aide
constituerait en elle-même un obstacle à la répartition la plus rationnelle de la production au niveau de
productivité la plus élevé dans la mesure où, représentant une prestation supportée par une partie autre que
l’acheteur ou l’utilisateur, elle permettrait de fixer ou de maintenir des prix de vente qui ne seraient pas
directement liés aux coûts de production et, par là, d’établir ou de maintenir et de développer des activités
économiques qui ne répondraient pas à la répartition la plus rationnelle de la production », CJ 23 février 1961,
aff. 30/59, De gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg c. Haute Autorité, point 39.
12
6. La nature de la concurrence libre et non-faussée en droit communautaire
Pour cerner le champ de la présente recherche, il faudra définir la portée et les limites de
la libre concurrence pour observer ensuite de quelle manière la réglementation des aides
d’État doit s’inscrire dans le système des règles protectrices de la concurrence. D’abord, le
terme « concurrence » signifie dans son sens moderne la compétition, le « rapport entre
professionnels se disputant la clientèle »18. La concurrence est perçue par la pensée
économique et juridique comme une liberté19. Or le principe de la libre concurrence ne fait
pas partie des libertés économiques qu'on pourrait appeler classiques de première génération,
dont la liberté d'entreprendre ou la liberté du commerce et de l'industrie20. Si les libertés
économiques classiques ont pour vocation de protéger le sujet de droit contre toute action
illicite, ce sont donc des libertés « défensives », la liberté de la concurrence est construite sur
un modèle logique différent : elle inclut l'autorité publique intervenant dans l'économie,
l'entreprise située dans une situation privilégiée par cette autorité publique, et l'ensemble
d'autres entreprises sur le marché sur lesquelles peut avoir un effet néfaste. Ce principe est
donc issu d'un réflexion sur l'économie survenue plus tard et d'un contexte intellectuel assez
différent, «à une époque de contestation de l'interventionnisme mais après une mise en cause
radicale du libéralisme»21. Il a même été noté que la liberté de la concurrence a plutôt une
dimension égalitaire que libertaire, comme elle a pour finalité d'instaurer l'égalité entre tous
les opérateurs du marché. Différemment des libertés économiques de première génération, la
liberté de la concurrence ne se réduit pas à un droit subjectif pur. Elle ne protège pas
seulement des intérêts particuliers des opérateurs d'économie sujets de droit, mais vise à
protéger surtout une certaine structure concurrentielle du marché en tant que telle. Elle a donc
une forte dimension de droit objectif22.
Il faut noter que la « concurrence non-faussée » au sens du droit communautaire est un
concept assez ambigu. La concurrence entièrement libre aura toujours ses excès : le
développement naturel du marché entraine une victoire du plus compétitif sur ses adversaires
18 Richard MOULIN et Pierre BRUNET, Droit public des interventions économiques, L.G.D.J., Paris,
2007, p. 126.
19 V. l’analyse de la nature de la Concurrence par Frédéric BASTIAT: « Concurrence, ce n'est qu'absence
d'oppression. […] la Concurrence, c'est la liberté. Détruire la liberté d'agir, c'est détruire la possibilité et par suite
la faculté de choisir, de juger, de comparer; c'est tuer l'intelligence, c'est tuer la pensée », Harmonies
économiques, chapitre X, Concurrence, disponible sur http://bastiat.org/fr/concurrence.html (vu le 10 avril 2010)
20 Sophie NICINSKI, Droit public des affaires,Montchrestien, Paris, 2009, p. 42.
21 Ibid.
22 Guylain CLAMOUR, Intérêt général et concurrence, p. 42. Selon Sophie NICINSKI, op.cit., p. 42,
« la libre concurrence vise la protection du marché dans son ensemble », et non pas seulement la sauvegarde des
droits individuels de certains opérateurs.
13
et peut par là éventuellement entrainer une monopolisation du marché, ce qui fait que « la
concurrence porte en elle même sa propre destruction; la concurrence tue la concurrence »23.
Or, le droit communautaire de la concurrence se fonde sur l'idée que l'économie nécessite un
encadrement, y compris l'encadrement juridique par des règles de concurrence, et n'exclut pas
du tout l'idée de la règlementation du marché. La concurrence libre du Traité CE, c'est donc
une concurrence prise en dehors de ses excès, c'est-à-dire en dehors du développement naturel
du marché, « non pas une concurrence parfaite, mais une concurrence effective et efficace »24.
La réglementation communautaire proclame ainsi sa volonté de protéger la concurrence des
abus de dominance des agents économiques ayant accumulé un avantage concurrentiel
suffisant pour monopoliser le marché. Le dispositif mis en œuvre par la Communauté poursuit
l'objectif d’une meilleure effectivité du libre échange et de l'économie du marché commun,
donc de création d’un nouveau marché par des outils juridiques. La concurrence non-faussée
est une concurrence soumise au contrôle communautaire, une concurrence protégée et non pas
une concurrence libre dans son état pur et naturel. L'Union va pallier aux défaillances du
marché par sa réglementation et « il incombe à la puissance publique la bonne marche de
l'économie capitaliste »25, y compris par la réglementation de la concurrence qui assurera un
bon fonctionnement du marche. Il ne s’agit donc pas du tout d’un droit encourageant le
libéralisme, mais plutôt d’un droit protecteur du consommateur, de l’innovation et du marché
commun.
Le principe de l'équité économique26, corollaire du principe d'égalité, veut que toutes les
entreprises soient soumises aux mêmes conditions de concurrence sans que certaines soient
privilégiées à d'autres par une intervention publique. La Cour de justice estime que la liberté
de la concurrence constitue un principe général du droit communautaire dont la Cour assure le
respect27. Selon la Cour, «depuis l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, le traité CE
prévoit expressément que, dans le cadre de leur politique économique, l'action des États
membres doit respecter le principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est
38 Or une mesure fiscale favorisant certaines entreprises à d’autres peut être constitutive d’aide d’État, v.
pour une analyse complète à ce sujet l’étude par Grégory MARSON, « Le juge fiscal, gardien communautaire de
la neutralité concurrentielle des impôts nationaux : l’exemple des aides d’État », DA, n 6, juin 2008, étude 13.
39 CJCE, 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke SA contre Commission des Communautés européennes,
point 25.
40 Une analyse très détaillée du sens et de l’application du critère d’affectation des échanges se trouve
dans la contribution d’Andreas STROHM «Economic Analysis of the Concept of “Significant Impediment to
Effective Competition”» (« Une analyse économique du concept d’affectation grave de la concurrence ») à
l’ouvrage Günther HIRSCH, Frank MONTAG, Franz Jürgen SÄCKER (éd.), Competition Law: European
Community Practice and Procedure. Article-by-Article Commentary (Droit de la concurrence : pratiques et
procédures en droit interne. Commentaire article par article), Sweet & Maxwell, London, 2008.
41 CJCE, 23 février 1961, aff. 30/59, De gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg c. Haute
Autorité.
18
même nature et ont des effets identiques »42. La forme de l’aide peut donc être plus ou moins
directe43.
La mesure doit être analysée selon les effets qu’elle produit sur le marché commun et
non pas selon ses causes de nécessité sociale ou ses objectifs, par exemple, la stabilité de
l’économie ou la sauvegarde d’emploi44. La Cour de Justice précise d’ailleurs qu’une
violation des dispositions relatives aux aides d’État par un État ne peut pas être justifiée par le
fait que d’autres États membres ont eux aussi manqué à la même disposition. Au regard du
droit communautaire, les aides d’État exercent un effet de distorsion sur la concurrence et les
aides multiples de plusieurs États, au lieu de se neutraliser mutuellement, vont au contraire
produire un effet cumulatif plus grave, ce qui augmentera leurs conséquences nuisibles pour
le marché commun45.
rapproche de celle d’état d’urgence, c’est-à-dire d’une « situation pouvant ou non résulter des circonstances
exceptionnelles et dont l'existence justifie que l'administration, sous réserve de l'appréciation du juge, passe
outre certains délais ou exigences de forme ou de procédure ».
54 François SAINT-BONNET, État d’exception, PUF (Léviathan), Paris, 2001, p. 27.
55 Carl SCHMITT, Théologie politique, 1922, rééd. Gallimard, 1988.
56 Selon la formule employée par Français SAINT-BONNET dans son ouvrage État d’exception, « il n’existe
pas de critère objectif de la crise (durée, étendue géographique, gravité, etc.) Elle ne peut être séparée de son
contexte, des rapports de pouvoir dans lesquels elle s’inscrit et n’est jamais autre chose, pour le juriste, que ce
que l’on qualifie ainsi » (p. 4). Des critères de telle ou telle situation de crise peuvent être formulés ex post, avec
prise en compte des circonstances originales que présente le cas d’espèce.
57 Rusen ERGEC, Les droits de l’homme à l’épreuve des circonstances exceptionnelles, Bruxelles, Bruylant,
1987, p. 45.
58 Ainsi, en analysant des politiques économiques américaines de l’époque de la Grande Dépression, Giorgio
AGAMBEN note que la délégation du pouvoir illimité de régulation et du contrôle en matière économique
économique au Président témoigne d’un parallélisme entre des situations exceptionnelles militaires et
économiques, v. Giorgio AGAMBEN, State of Exception, University of Chicago Press, Chicago, 2002, p. 22.
21
d’une situation de fait qui justifie, à cause de sa gravité, une violation d’une norme en vigueur
au moment d’avènement de cette situation. Nous présenterons ici des caractères principaux de
la crise économique et financière pour ensuite poser le problème de réaction du système
juridique communautaire à cette situation perturbée que présente la crise.
Depuis le premier semestre 2007, une crise frappe le secteur de crédit immobilier aux
États-Unis. Cette crise immobilière provoque en automne 2008 une crise financière qui frappe
l’ensemble de l’économie mondiale. Dans la première phase de la crise, sont affectées par
celle-ci des banques européennes ayant mené une stratégie commerciale trop risquée. Avec la
faillite de Lehman Brothers, la crise entre dans une phase où il est possible de douter de la
présence de garanties implicites de sauvetage des banques d’importance systémique pour le
système financier. Cela entraîne une perte de confiance entre des institutions financières et
une crise systémique du secteur bancaire. Une paralysie du financement interbancaire entraîne
de graves retentissements sur l’économie réelle et la crise se transforme finalement en crise
économique59.
La crise économique actuelle est souvent comparée à celle des années 1930. L’époque
de la Grande Dépression sert de réfèrence pour les analyses consacrées à la crise actuelle, le
cas exemplaire étant celui des États-Unis. Le droit de la concurrence national américain, mis
en œuvre par le Sherman Act de 1890, a été suspendu par le National Industry Recovery Act
(NIRA) pendant la période de crise des années 193060. Cet abandon des règles de concurrence
est beaucoup critiqué par la doctrine économique61, qui considère que la mise à l’écart des
règles de concurrence n’est pas promotrice de la reprise. Au contraire, la reprise s’instaure
plus vite sur des marchés concurrentiels, ces marchés étant, grâce au processus de
59 V. un aperçu de la chronologie de la crise chez Conor QUIGLEY, European State Aid Law and
Policy (Le droit et la politique des aides d’État dans l’Union Européenne), 2ème éd., Hart Publishing, Oxford,
2009. Une analyse économique est présentée par Gilles DUFRÉNOT, Alain SAND-ZANTMAN, Après la crise?
Les politiques économiques dans le monde, Economica, Paris,p. 6 et s.
60 Le National Industry Recovery Act (NIRA) de 1933 adopté par le gouvernement de Roosevelt
permettait des accords d’entreprises visant la concertation des prix et des restrictions de la production. La Cour
Suprême avait affaibli la portée de l’interdiction des accords ayant un effet restrictif sur la concurrence
(Appalachian Coals v. U.S., 288 U.S. 344 (1933)) avant d’estimer en 1935 que le NIRA comportait un transfert
du pouvoir législatif vers l’exécutif contraire à la Constitution (A.L.A. Schechter Poultry Corp. v. United States
295 U.S. 495 (1935)). La doctrine impute au protectionnisme national la gravité de la crise des années 1930,
quand les Etats ont réagi à la récession en instaurant des barrières au commerce international et en limitant la
liberté de la concurrence, s’agissant notamment du Smoot-Hawley Act américain de 1930, du Abnormal
Importation Act de 1931 et du Import Duties Act de 1932 britanniques. Pour une analyse juridique consacrée à la
période de la Grande Dépression, v. l’ouvrage de Clinton ROSSITER, Constitutional dictatorship : crisis
government in the modern democracies, Princeton, Princeton University Press, 1948, p. 255-264.
61 Il est considéré que le NIRA empêchait le mécanisme naturel d’autocorrection de l’économie et
ralentissait par cela la reprise, v. par exemple Christina ROMER, « Why did Prices Rise During the 1930s ? »,
Journal of Economic History, 59(1), 167-199. Cette analyse est souvent reprise par la doctrine contemporaine
analysant l’impact des règles de concurrence dans la crise, nous ne citerons à titre d’exemple que l’analyse de M.
David SPECTOR, « Competition policy in times of crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 1-2.
22
« destruction créatrice »62, plus aptes à la croissance que des marchés monopolisés. Il est
encore possible de citer dans ce contexte la crise japonaise des années 1990, où, selon des
partisans de la libre concurrence, la politique restrictive de la concurrence n’a fait que
prolonger la récession63. Notons quand même que l’applicabilité de ces leçons au traitement
juridique de la crise actuelle est plus ou moins limitée, surtout en Europe, et cela pour
plusieurs raisons : d’abord, il existe une différence quant à la nature de la crise, s’agissant de
par sa genèse d’une crise financière. Ensuite, aucune expérience de contrôle des aides d’État
n’est livrée par l’expérience de la crise des années 1930. Car, si les États-Unis fournissent
l’exemple d’un État qui avait au moment de la Grande Dépression un droit antitrust, il
n’existe pas d’expérience juridique comparable relative au droit des aides d’État.
65 Marcel PLANIOL, Traité élémentaire de droit civil, Tome 1ier, Paris, Librairie générale de droit et de
jurisprudence, 1932, p. 9-10.
24
Partie 1. LA CRÉATION D’UN NOUVEAU CORPUS DES
RÈGLES EN MATIÈRE D’AIDES D’ÉTAT APPLICABLES À
UNE CRISE ÉCONOMIQUE
13. Le droit communautaire contient une hiérarchie bien établie d’objectifs de l’Union et
de moyens dont dispose l’Union pour parvenir à ces objectifs. Dans cette hiérarchie, la
protection de concurrence libre et non-faussée est un moyen privilégié pour parvenir à la
création et au maintien du marché commun et c’est cette architecture hiérarchique qui fonde
le fonctionnement de la Commission et son contrôle des aides publiques. Or cette hiérarchie
se trouve remise en question par des circonstances de crise : « en cas de circonstances
exceptionnelles, donc de concurrence entre deux règles, l’exécutif [...] hiérarchise les
missions »67 qui se sont avérées contradictoires ou mutuellement incompatibles. Tel est le cas
des objectifs de protection de la structure concurrentielle du marché contre d’éventuelles
ingérences de l’autorité publique et de rétablissement de la stabilité économique et financière
dans la situation de crise économique. Ce devoir de rééquilibrage des objectifs de l’Union
suscite une active création normative dans le domaine des aides d’État au niveau
communautaire. D’abord, un ensemble de règles d’exception, seulement applicables à une
situation de perturbation grave de l’économie, est élaboré au niveau communautaire (Section
1). La Commission veille à ce que soit respecté le champ d’application restrictif de cette
dérogation (Section 2).
68 JOUE C 156 du 09 juillet 2009, p. 3, v. également JOUE C 244 du 1er octobre 2004, p. 2. Une entreprise en
difficulté est définie aux fins de ces lignes directrices comme une entreprise qui « est incapable, avec ses
ressources propres ou avec les fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires/actionnaires ou ses
créanciers, d’enrayer les pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs
publics, vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme », v. point 9 des lignes directrices.
28
membre».
Cette provision se trouve à l’article 92 (3) (b) du Traité CEE du 195769. Elle n’est pas
modifiée par les Traités ultérieurs et se trouve depuis à l’article 87 (3) (b) TCE, et elle est à
retrouver à l’article 107 TFUE.
72 En commentant cette décision, M. Conor QUIGLEY considère que la Commission est allée ici, en
autorisant cette mesure structurelle, jusqu’à la limite de ce qui était admissible sous les anciennes lignes
directrices et que cette décision ne peut être justifiée que par sa volonté de protéger des créanciers de la banque.
V. Conor QUIGLEY, op. cit., p. 337.
73 CJCE, 17 septembre 1980, Philip Morris Holland BV contre Commission, aff. 730/79, Recueil de
jurisprudence 1980 page 02671.
74 V. la décision n 88/167/CEE du 7 octobre 1987, publiée au JOCE n L 76 du 22 mars 1988, pp. 18-22
relative a la loi grecque 1386/1983 par laquelle le gouvernement grec octroyait l'aide à l'industrie nationale pour
permettre le redressement financier des entreprises, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31988D0167:FR:HTML (vu le 10 avril 2010). V.
également l’arrêt du TPICE, 6 juillet 1995, AIETEC e.a. contre Commission.
75 V. la décision de la Commission du 31 juillet 1991, XXIème Rapport sur la politique de Concurrence,
1991, § 251.
30
18. Les motifs des refus d’application
Les évocations précédentes de la disposition dans la jurisprudence et dans des décisions
de la Commission sont dans la plupart des cas limitées aux explications relatives à la raison
pour laquelle la règle est inapplicable à l'espèce. Souvent, les hypothèses d'une possible crise
systémique sont écartées à cause du caractère assez limité de la situation. Ainsi, il a été
précisé que l'article 87 (3) (b) TCE est inapplicable dans deux hypothèses.
Premièrement, géographiquement, lorsque la perturbation économique ne concerne
qu’une région ou une partie du territoire, l'intégralité de l'Etat membre n’est donc pas
menacée76. C’est cette exigence qui fait la différence de cette disposition des lettres (a) et (b)
de l’article 87 (3).
Deuxièmement, matériellement, lorsque la perturbation économique concerne soit un
nombre limité de bénéficiaires soit un seul bénéficiaire77. L’article 87 (3) (b) étant
d’application restrictive, son application en tant que base juridique généralisée à toute la
situation de crise sectorielle et surtout individuelle exige qu'il existe « un risque immédiat sur
l'économie d'un État membre dans son ensemble » pour l'économie de l’État membre
concerné78. Dans sa décision du 26 juillet 1995 consacrée à l'aide accordée par la France à la
banque Crédit Lyonnais79, la Commission précise les conditions d'applicabilité de l'article 87
(3) (b) à une crise économique et financière systémique: « Dans le cas où des éléments en
dehors du contrôle des banques provoquent une crise de confiance dans le système, l'État
peut être amené à donner son soutien à l'ensemble des établissements de crédit pour éviter les
effets négatifs d'une telle crise systémique. Par conséquent, dans le cas d'une véritable crise
systémique, la dérogation prévue à l'article 92 paragraphe 3 point b), pourra être invoquée
76 Ce qui a donné lieu à un contentieux communautaire intéressant, notamment par rapport aux
problèmes de la réunification allemande, où un décalage sérieux existait (et existe toujours en partie) entre les
Länder occidentaux et les Länder de l’Est, nettement moins développés à cause des désavantages dus à la
division de l’Allemagne. Nous ne citerons à titre d’exemple que des affaires suivantes : TPICE, 15 décembre
1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, aff. jtes T-132/96 et T-143/96, Rec., p. II-3663, point 167; CJCE, 30
septembre 2003, Allemagne c/ Commission, aff. C-301/96, Rec. p. I-9919, points 105-108 ; CJCE, 30 septembre
2003, Freistaat Sachsen et Volkswagen AG et Volkswagen Sachsen GmbH contre Commission des Communautés
européennes, aff. jtes C-57/00 P et C-61/00 P, points 97-98, confirmé par les décisions C28/2002
Bankgesellschaft Berlin, point 153 et s., C50/2006, BAWAG, points 166 et s. Dans l’arrêt du 15 décembre 1999
précité, le Tribunal invoque « la nécessité d'interpréter strictement une disposition dérogatoire telle que l'article
92, paragraphe 3, sous b), du traité » (p. 167).
77 V. la décision n 95/547/CE du 26 juillet 1995, Crédit Lyonnais, JOCE n L 308 du 2 décembre 1995, p.
92-119, la décision 98/490/CE de la Commission dans l’affaire C47/96, Crédit Lyonnais, point 10.1 (JO L 221
du 8.8. 1998, p. 28), décision n 98/204/CE du 30 juillet 1997, GAN (JO 1997 n L 78, p. 1), la décision du 5
décembre 2007 dans l’affaire NN 7/2007, Northern Rock, la décision de la Commission du 30 avril 2008 dans
l’affaire NN 25/2008, Aide au sauvetage en faveur de West LB (JO C 189 du 26.7.2008, p. 3), la décision de la
Commission 2008/263/CE dans l’affaire C 50/06 BAWAG, point 166 (JO L 83 du 26.3.2008, p. 7).
78 Christophe GIOLITO, « Chroniques : Aides d'Etat », Concurrences, 2008/4, p. 105.
79 La décision n 95/547/CE du 26 juillet 1995, Crédit Lyonnais, préc.
31
pour « remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ». La condition de
la compatibilité est ici que les aides soient octroyées de façon neutre du point de vue de la
concurrence de l'État concerné, c’est-à-dire que l’État destine l’aide à l'ensemble du système
bancaire ou aux certaines institutions choisies à partir des critères non-discriminants, et que le
montant de l’aide ne dépasse le minimum strictement nécessaire. Le caractère neutre de la
mise en œuvre de l’aide à l'égard de la concurrence constitue la condition essentielle de
l'application de l’aide.
La Commission donne à son refus d'appliquer l'article 87 (3) (b) au Crédit Lyonnais
dans une décision précitée de 1998 le motif qu’il « ne s'agit pas non plus d'une aide destinée
à remédier à une grave perturbation économique, puisque l'aide vise à remédier aux
difficultés d'un seul bénéficiaire, le CL, et non pas à des difficultés aiguës de tous les
opérateurs du secteur »80. Les fonctionnaires de la Commission avouent quand même en
2000 dans un article consacré à l’affaire du Crédit Lyonnais que « des conséquences négatives
pour d’autres établissements financiers n’[étaient] pas à exclure, et le spectre d’une crise
systémique [était] évoqué » 81.
80 Le même raisonnement se retrouve dans la décision du 26 juillet 1995 relative au cas de Crédit
Lyonnais : « En principe, les difficultés d'une ou de quelques banques n'entraînent pas nécessairement une crise
de confiance pour tout le système. Toutefois, la défaillance d'une seule banque d'une certaine taille, bien que due
à des erreurs de gestion internes, peut mettre en difficulté plusieurs autres institutions de crédit qui lui sont
financièrement liées, causant ainsi une crise plus générale. Un soutien de l'État peut être nécessaire, mais cela
ne doit pas signifier un soutien inconditionnel de l'établissement défaillant, et le soutien ne doit pas être effectué
sans intervenir sérieusement dans la restructuration définitive et dans la limitation individuelle de la distorsion
de concurrence causée par l'aide » (95/547/CE, JO n L308 du 21.12.1995).
81 Nicola PESARESI, Cristophe DE LA ROCHEFORDIÈRE, « Crises bancaires : un bilan de
l’application des règles de concurrence en matière d’aides d’État. Leçons de la crise du Crédit Lyonnais »,
Competition Policy Newsletter, 3, octobre 2000, p. 16.
32
(3) (b). Il est donc considéré que, « eu égard au degré de gravité atteint par la crise qui
touche les marchés financiers et à l’incidence possible de celle-ci sur l’économie globale des
États membres, l’article 87 (3) (b) est une base juridique adéquate pour traiter des mesures
prises en vue de remédier à cette crise systémique »82. Dans sa communication du 13 octobre
2008, la Commission retient des aspects spécifiques caractéristiques de cette crise, dont des
problèmes sur le marché américain du crédit hypothécaire, des pertes provoquées par des
stratégies risquées des banques, une crise de confiance allant jusqu'à une paralysie du marché
des prêts interbancaires et des difficultés d'accès à la liquidité83. La Commission relève des
aspects qui l'ont menée à recourir à l’article 87 (3) (b) : ce sont des menaces à des banques
fondamentalement saines et le danger de crise systémique que pourrait déclencher la faillite
d'une seule banque vu le degré d'interconnexion des marchés.
Cette reconnaissance du caractère exceptionnel de la crise est d’ailleurs originale parmi
les droits de la concurrence mondiaux. Des Autorités de concurrence nationales ont pour la
plupart au contraire considéré que la crise ne présentait pas de caractère exceptionnel
justifiant des mesures d’exception. L’Antitrust Division américaine considère au contraire que
« des problèmes soulevés par la crise ne sont pas uniquement caractéristiques de celle-ci et
n’exigent pas de règles spéciales de crise applicables dans une période de récession »84. Dans
ce raisonnement, la crise ne présente que des particularités de degré relatives à l’augmentation
du nombre de cas soumis à l’appréciation de l’autorité, mais non pas de fond relatives à la
nature juridique de la situation. Or il faut garder à l’esprit que pour d’autres autorités de
concurrence ne disposant pas de mêmes compétences en matière du droit de la concurrence
que la Commission, la reconnaissance du caractère exceptionnel de la crise ne produit pas du
tout les mêmes effets. C’est l’étendue des compétences de la Commission qui explique son
recours à la disposition de l’art. 87 (3) (b) indispensable pour adapter le contrôle de la
Commission à cette situation de fait unique que présente la crise85.
86 Il faut noter que cette disposition n’a jamais servi par le passé de base juridique au sauvetage des
banques en difficulté.
34
par les régimes nationaux. Ces conditions sont reprises sans modification dans des décisions
postérieures 87. Ces conditions sont énumérées dans le § 41 de la décision et elles englobent,
premièrement, le caractère approprié, bien ciblé de la mesure, ce qui implique son aptitude de
lutter contre la perturbation de l’économie, ensuite, son caractère limité au minimum
nécessaire, sous la forme la plus appropriée, ce qui implique que le même effet économique
positif ne saurait être atteint par une voie moins préjudiciable de la concurrence, par exemple,
par un dispositif de moindre durée ou du moindre montant88, et finalement, la proportionnalité
de la mesure, la distorsion de la concurrence créée doit donc être justifiée89. Nous nous
pencherons ensuite sur l’interprétation que donne la Commission à ces principes dans sa
pratique décisionnelle.
25. Les effets produits par l’article 87 (3) (b) : la mise de nouveaux outils à
la disposition des États membres
Tout l’intérêt de l’article 87 (3) (b) TCE consiste en ce qu’il permet d’échapper aux
99 Des réglements d’exemption sont pris en vertu du réglement CE n 994/98 du Conseil du 7 mai 1998
sur l'application des articles 92 et 93 du traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides
d'État horizontales.
100 Ces trois hypothèses, qui restent pour le moment strictement théoriques, sont analysées dans l’article
de M. Christoph ARHOLD, « Crise financière mondiale et le droit européen des aides d’État » / « Globale
Finanzkrise und europäisches Beihilfenrecht », Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 23/2008, p. 713.
Pour le moment, aucune des communications prises par la Commission n’est pas contestée devant les tribunaux.
En absence de contestation, ces textes se rapprochent en effet à des textes législatifs. Ils s’appliquent à tous les
États, qui les prennent en compte dans la préparation de leurs dispositifs au niveau national, et la Commission les
applique dans ses décisions en tant que base juridique du droit dérivé, à côté de la base juridique du droit
primaire, c’est-à-dire la norme issue du Traité.
38
limites strictes posées par les lignes directrices relatives aux aides au sauvetage et à la
restructuration fondées sur l'article 87 (3) (c). Le Traité ne prévoit pas de manière explicite en
quoi pourrait se manifester un tel assouplissement, et la liberté de choisir des normes qui
nécessitent d’être assouplies est donc laissée aux institutions communautaires qui vont faire
leur décision en fonction de la nature de la crise. Il relève donc du devoir de la Commission
de déterminer quelles exigences, formelles et matérielles, pourront être assouplies par le
recours à cette provision dérogatoire et lesquelles seront au contraire maintenues. Les
assouplissements deviennent visibles si l’on compare les dispositions de la nouvelle
communication avec celles des lignes directrices au sauvetage et à la restructuration101
auxquelles déroge la communication du 13 octobre 2008. Notons que la nouvelle
communication ne crée pas de nouvelle procédure de contrôle ni de nouveaux principes par
rapport aux lignes directrices de 2004, ce qui aurait été impossible vu les très brefs délais
d’élaboration de la communication que doit respecter la Commission et la nouveauté de la
situation de fait102. Or des réaménagements ponctuels importants sont introduits dans le
mécanisme existant. Sont assouplies les conditions relatives à la situation du bénéficiaire,
mais aussi aux formes admissibles d’aide publique.
27. Les effets sur la nature des interventions admises : l’admissibilité des
régimes généraux
Le recours à l’article 87 (3) (b) permet encore d’assouplir des conditions posées par des
lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration en ce qui concerne la nature
des mesures que peuvent appliquer les États. Les lignes directrices de 2004 indiquent que « la
Commission n'autorisera de régimes prévoyant l'octroi d'aides au sauvetage et/ou à la
restructuration à des [...] entreprises en difficulté que lorsque celles-ci répondent à la
définition communautaire des PME »106. Ses lignes directrices ne permettent donc pas
103 Est une entreprise en difficulté au sens de ces lignes directrices une entreprise qui est « incapable,
avec ses ressources propres ou avec les fonds que sont prêts à lui apporter ses propriétaires-actionnaires ou ses
créanciers, d’enrayer des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure des pouvoirs
publics, vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme », v. point 9 des lignes directrices de
2004.
104 V. par exemple la communication du 5 décembre 2008, point 4.
105 JO C 16 du 22 janvier 2009, p.2.
106 V. point 78 des lignes directrices du 1 octobre 2004, JO C244, p. 11. Le droit communautaire définit
une PME en fonction de deux critères cumulatifs dont le personnel (250 personnes au maximum) et le chiffre
40
d’adopter des régimes généraux de sauvetage du secteur bancaire, dont les institutions sont de
loin plus grandes que les PMEs. Dans la communication du 13 octobre 2008, la Commission
admet la possibilité pour les États, premièrement, de procéder à des interventions ad hoc, et
deuxièmement, de prendre des dispositifs généraux qui dépasseront « le cadre de la
stabilisation des différentes institutions financières » stricto sensu107. Il peut ainsi s'agir d'un «
régime de portée générale en faveur d'un certain nombre […] des institutions financières d’un
État membre» ou bien en faveur de la totalité des institutions ayant une importance
systémique pour le système bancaire national. La Commission permet la création des
dispositifs dont seront exclus certaines institutions financières selon des critères non
discriminants que devra poser l'État, mais qui nécessiteront l'approbation de la
Commission108. La dérogation s’applique aussi bien aux régimes généraux qu’aux aides ad
hoc, qui sont soumis au conditions moins strictes que celles de l’article 87 (3) (c). Les États
peuvent donc toujours recourir aux aides ad hoc quand ils ne considèrent pas nécessaire
d’instaurer un régime général ou quand une institution financière que l’État veut soutenir
n’est pas éligible pour le régime existant dans cet État.
28. Les effets sur la nature des interventions admises : l’admissibilité des
restructurations d’urgence
Si les lignes directrices relatives aux aides au sauvetage autorisent des mesures
strictement temporaires et réversibles, elles n’autorisent pas de mesures structurelles. Celles-
ci sont autorisées au titre des aides à la restructuration, après présentation d’un plan de
restructuration qui doit être approuvé par la Commission. En prenant en compte les
circonstances exceptionnelles de la crise, la Commission fait usage de l’article 87 (3) (b) pour
permettre de contourner cette procédure assez lourde. Dans le contexte de la crise, la
Commission permet expressément109 l'adoption à titre d’aides au sauvetage des mesures
exceptionnelles d'urgence telles que des interventions structurelles d'urgence ou encore des
mesures susceptibles d'excéder la durée de six mois, ainsi que des mesures nécessaires pour
protéger des intérêts des tiers comme des créanciers.
110 TPICE, 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, aff. jtes T-132/96 et T-143-96, Rec.,
p. II-3663, point 167.
111 Un parallélisme se poursuit entre l’intérêt d’un tel soutien budgétaire et du sauvetage des institutions
financières en difficulté : tout comme une faillite bancaire, une faillite nationale d’un État membre menace
d’avoir un effet de contagion susceptible de déclencher une crise encore plus grave pour l’ensemble des États de
l’Union. Il est évident que dans les deux cas, mis à part les considérations de droit, la volonté politique aura son
rôle essentiel à jouer.
42
L’interdiction est prévue à l’article 125 du TFUE112, l’article 100 du TCE, devenu article 122
du TFUE, prévoyant une dérogation à ce principe:
« Lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves
difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d'événements exceptionnels échappant à son
contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder, sous certaines conditions, une
assistance financière de l'Union à l'État membre concerné. Le président du Conseil informe le
Parlement européen de la décision prise ».
À la différence de l’article 87 (3) (b) CE, cette dérogation, quant à elle, n’avait
jamais servi de fondement juridique à aucune mesure positive ni à aucune proposition
soumise à l’examen du Conseil, il n’existe donc aucune définition de ce que peut constituer
un tel événement exceptionnel113 et si par exemple l’incapacité d’un État d’honorer ses dettes
vu le montant de la dette souveraine ou, plus généralement, un événement à caractère
économique peut être considéré comme un événement exceptionnel.
La technique privilégiée en droit communautaire est donc plutôt de considérer
qu’une perturbation économique qui exige d’assouplir la réglementation des aides d’État ne
réunit pas forcément les conditions pour constituer une perturbation qui exigerait de même
l’assouplissement des politiques budgétaires. Vu que ces conditions ne sont énoncées nulle
part, le Traité ne contenant que des dispositions générales, il relève de l’appréciation
communautaire, premièrement, de définir ces conditions lorsque cela est nécessaire et,
112 L’article 103 TCE, devenu l’article 125 TFUE, alinéa premier : « L'Union ne répond pas des
engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques
ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un État membre, ni ne les prend а sa charge, sans préjudice des
garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique. Un État membre ne répond
pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités
publiques ou d'autres organismes ou entreprises publics d'un autre État membre, ni ne les prend а sa charge,
sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d'un projet spécifique ».
L’article 123 TFUE pose également l'interdiction pour la BCE et pour les banques centrales des États membres
d’octroyer des crédits aux États membres sous le niveau de rémunération adéquat. Ces textes visent d’abord à
circonscrire l’aléa moral éventuel, dans l’hypothèse où les États défaillants de la communauté voudraient que
leurs engagements financiers soient pris en charge par d’autres État mieux aptes à honorer leurs engagements.
Une telle prise en charge reviendrait à encourager une mauvaise gestion de l’économie. Donc ici aussi, le
parallélisme avec le droit des aides publiques aux entreprises en difficulté se poursuit. Un autre point où les deux
domaines se croisent est la question de légitimité démocratique de la prise en charge publique des engagements
d’un autre État ou d’une entreprise privée par rapport au manque de contrôle des contribuables nationaux sur ces
dépenses. Ce problème se pose surtout avec beaucoup d’acuité par rapport à la prise en charge des engagements
d’un État défaillant. Le débat public en fournit d’exemples d’actualité liés à la situation de la Grèce, d’Espagne
et dans une moindre mesure du Portugal.
113 Ces remarques proviennent de la réponse écrite de la présidence du Conseil à une question de la
députée européenne Kathy Sinnott en date du 7 mai 2009, disponible sur
http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+CRE+20090507+ANN-
01+DOC+XML+V0//FR&query=QUESTION&detail=H-2009-0237 (vu le 10 avril 2010). Le Conseil rappelle
encore qu’en vertu de la déclaration sur l’article 100 du Traité CE annexée au Traité de Nice, « les décisions en
matière d’assistance financière, telles que prévues à l’article 100, et qui sont compatibles avec la règle du "no
bail-out" édictée à l’article 103, doivent être conformes » aux dispositions de l’accord interinstitutionnel sur la
discipline budgétaire et les perspectives financières. L’article 125 TFUE prévaut donc sur l’article 122 TFUE.
43
deuxièmement, de vérifier si ces conditions sont effectivement réunies. Une telle construction
assez pragmatique permet de n’admettre des dérogations qu’au fur et à mesure du nécessaire,
sans ouvrir une vaste parenthèse dans l’application du droit.
Encore faut-il noter que la reconnaissance d’une situation exceptionnelle sous
l’article 100 TCE ne relève pas de la compétence de la Commission comme dans le cas de
l’article 87, mais de la compétence du Conseil qui prend sa décision sur proposition de la
Commission. Cette reconnaissance est donc dans une plus large mesure susceptible de faire
l’objet de pressions politiques.
32. Des limites de l’application de l’article 87 (3) (b) au droit des aides publiques : la
création d’une « exception bancaire »
La Commission définit la crise économique comme une perturbation grave de
l’économie qui entraîne une effondrement de la demande avec des effets néfastes pour
l’ensemble des entreprises, saines ou en difficulté, à court ou à moyen terme. L’article 87 (3)
(b) est seulement applicable quand une mesure nationale est appropriée pour lutter contre
cette perturbation économique. La reconnaissance de l’applicabilité de l’article 87 (3) (b) a
d’abord été sectorielle, c’est-à-dire limitée au secteur bancaire, même si il avait été dit par le
passé qu’une telle dérogation était inadmissible. Or, même au sein du secteur bancaire cette
reconnaissance est soumise à certaines conditions.
La création par la Commission de règles de fond spéciales applicables au secteur
bancaire peut paraître incohérente face à sa position traditionnelle. Même s’il est constant
depuis les années 1970 que le secteur bancaire est en principe soumis au respect des règles de
concurrence114, presque aucune décision concernant le secteur bancaire n’a été adoptée dans
la période avant l’an 1990, ce qui s’explique en partie par la quasi-absence de concurrence au
niveau communautaire dans le secteur bancaire à l’époque. Dans les années 1990, avec une
libéralisation des mouvements des capitaux et une globalisation des activités bancaires115,
114 V. le deuxième Rapport sur la politique de concurrence de 1972, n 50 et 53. La CJCE a posé ce
principe dans un arrêt de 1966, Grundig, aff. C-56 et C-58/64 en considérant que « le Traité, dont le préambule
et le texte visent à supprimer les barrières entre États et qui, en maintes dispositions, fait montre de sévérité à
l’égard de leur réapparition, ne pouvait permettre aux entreprises de recréer de telles barrières ». La Cour
confirmé l’applicabilité des normes du droit de concurrence au secteur bancaire dans un arrêt du 14 juillet 1981,
Züchner c/Bayerische Vereinsbank, aff. 172/80. La Commission considère d’ailleurs que les aides aux
institutions financières sont plus susceptibles d’affecter des échanges intracommunautaires que des aides à
l’économie réelle à cause de la liberté de prestation de services bancaire et le grand nombre de succursales des
institutions bancaires dans d’autres États membres, v. déc. 15 janvier 2002, Crédit Mutuel, considérant 89.
115 Cette globalisation était d’ailleurs liée aux nouveautés de la règlementation européenne visant la
création d’un marché unique des capitaux. Des directives européennes d’harmonisation ont contribué au
décloisonnement des marchés bancaires nationaux (des directives n 89/299 du 17 avril 1989 sur les fonds
44
surviennent des premières crises bancaires à l’échelle communautaire. C’est donc à cette
époque que la Commission formule sa position concernant l’application de l’article 87 aux
crises bancaires. C’est le cas exemplaire de la banque française Crédit Lyonnais qui a
« contraint la Commission à mieux définir sa politique en matière d’aides »116 dans le secteur
bancaire, de façon qu’en l’absence de lignes directrices dans la matière, il a été écrit que des
décisions dans l’affaire du Crédit Lyonnais constituent « des textes ayant valeur des lignes
directrices en matière d’aides au secteur bancaire »117. Il s’agit de préciser dans quelle
mesure les règles en matière d’aides d’État s’appliquaient aux banques. En effet, la
concurrence dans le secteur bancaire n’a pas du tout les mêmes caractères que dans d’autres
secteurs, où la disparition d’une entreprise sera bénéfique pour ses concurrents, tandis que
dans le secteur bancaire, la défaillance d’une banque aura des retentissements négatifs sur le
fonctionnement d’autres banque. Dans ses décisions des années 1990, la Commission insiste
sur la thèse qu’aucune distinction de principe ne doit s’opérer entre des institutions
financières et des entreprises d’autres secteurs : une “exception bancaire” est
systématiquement rejetée. Le fait qu’il s’agit d’une banque est retenu par la Commission,
mais il est intégré dans son raisonnement dans un sens inverse à ce qu’on pourrait attendre :
« la Commission ne nie jamais les particularités du secteur bancaire, mais [...] elle considère
que ces mêmes particularités ont pour conséquence d’augmenter le niveau de distorsion par
des aides et donc de rendre plus important une application stricte des règles de concurrence
»118. Ainsi, des fonctionnaires de la Commission écrivent dans un article datant de l’an 2000 à
propos des lignes directrices au sauvetage et à la restructuration que « ces lignes directrices,
conçues par la Commission à partir de son expérience en matière de grandes opérations de
restructuration industrielle, se sont [...] avérées adaptées au traitement d’une grave crise
bancaire »119. La Commission estime dans le contexte de l’affaire Crédit Lyonnais qu’il est
propres des établissements de crédit, n 89/647 du 18 décembre 1989 sur un ratio de solvabilité pour les
établissements de crédit, et n 89/646 du 15 décembre 1989 (« deuxième directive de coordination »)).
116 Nicola PESARESI, Cristophe DE LA ROCHEFORDIÈRE, « Crises bancaires : un bilan de
l’application des règles de concurrence en matière d’aides d’État. Leçons de la crise du Crédit Lyonnais »,
Competition Policy Newsletter, 3, octobre 2000, p. 14.
117 Ibid. Il s’agit des décisions de la Commission du 1995 (publiée au JO L 308 du 21.12.1995) et du 20
mai 1998, publiée au JO L 221 du 8.8.1998, pp. 28-80, http://eur-
lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:1998:221:0028:0080:FR:PDF (vu le 10 avril 2010).
118 Ibid., p. 19. Il est précisé que la Commission entend par ces “particularités” l’interdépendance des
institutions du secteur, aussi bien que l’importance de la confiance dans la solidité du secteur pour son bien-être,
ces particularités impliquant en cas de défaillance d’une institution du secteur le risque de survenance d’une
crise systémique qui rendrait une intervention publique nécessaire et presque inévitable au cas d’une crise
bancaire.
119 Nicola PESARESI, Cristophe DE LA ROCHEFORDIÈRE, « Crises bancaires : un bilan de
l’application des règles de concurrence en matière d’aides d’État. Leçons de la crise du Crédit Lyonnais »,
Competition Policy Newsletter, 3, octobre 2000, p. 12-26. V. encore la communication de la Commission du 20
45
hors question de déroger au droit commun en créant un encadrement spécifique applicable au
secteur bancaire et que, serait-il introduit, cet encadrement « pourrait même être nuisible au
maintien de la discipline d’aides dans ce secteur »120.
Or, dans le contexte de la crise financière actuelle, la Commission estime que des
spécificités du secteur bancaire, plus précisément la menace d’effets de contagion121, justifient
un traitement spécial du secteur. Il est considéré que l’application de l’article 87 (3) (b) ne
saurait être étendue à d’autres secteurs où un risque comparable de répercussion immédiate
sur l’économie d’un État membre dans son ensemble n’existe pas. Notons pourtant que cette
rupture par rapport à la position exprimée par la Commission dans des cas tels que Crédit
Lyonnais ou GAN n’est pas de principe mais de degré. La Commission ne renonce pas à son
idée de base qu’une institution financière, tout comme une entreprise d’économie réelle, peut
en principe faire faillite et aucune norme de droit ne s’oppose à une telle possibilité. Une
liquidation contrôlée d’une institution financière européenne a en effet eu lieu dans la crise122.
Malgré la création d’une norme exclusivement applicable au secteur bancaire, certains
continuent d’ailleurs à considérer que « le droit communautaire ne connaît pas d’exception
bancaire mais le secteur bancaire a permis d’employer tous les instruments généraux prévus
par le Traité »123. La communication du 13 octobre n’est dans cette logique qu’une simple
adaptation du régime des aides prévu par le Traité à une situation sans précédent qui cause
une perturbation de l’économie des États européens.
avril 2004 consacrant la même position, « Une politique de concurrence proactive pour une Europe
compétitive » (COM(2004)293).
120 Ibid. p. 26. D’ailleurs la Commission n’est pas la seule à considérer que le secteur bancaire méritait
dans cette situation un traitement particulier. La position de l’Office of Fair Trading britannique est également
que le fait que des banques sont fondamentalement différentes d’autres entreprises, peuvent exceptionnellement
justifier des interventions. Des banques forment ainsi des « relais » entre l’État et l’économie réelle : on
considère que le support adressé par les États aux banques sera utilisé par celles-ci en faveur de l’économie
réelle, et que le soutien des banques implique un soutien, quoique indirect, de l’économie réelle. Des
propositions de créer des règles de concurrence à part prenant en compte des spécificités du secteur bancaire ont
été faites aussi au sein de l’OCDE, v. « Competition and Financial Crisis » (2009).
121 La nature de ces effets de contagion est double, comme le notent M. Andrea AMELIO et M. Georges
SIOTIS dans leur article « Applying EU competition rules during testing times : some issues », Concurrences, n
2, 2009, p. 3-8 : d’abord, purement économique, par des liens financiers interbancaires, ensuite, liée à l’éclairage
des événements d’actualité qui peuvent provoquer une panique bancaire.
122 S’agissant de la banque danoise Roskilde, cas NN 36/2008, JO 2008 C238, p. 5. Le droit
communautaire permet pourtant l’octroi d’aides publiques à la liquidation visant à protéger des intérêts des
créanciers de la banque afin d’éviter une situation d’insécurité comparable à celle du cas Lehman Brothers.
123 Telle est l’opinion de David BLACHE, La régulation des banques de l’Union européenne face à la
crise, Revue Banque Édition, Paris, 2009, p. 198.
46
reconnaissance de l’exception est soumise à des conditions rigoureuses. La Commission
explique que la dérogation doit être appliqué de façon restrictive en ce sens que l’aide ne doit
pas profiter à une seule entreprise ou aux entreprises d’un seul secteur, elle doit plutôt être
destinée à remédier à une perturbation de l’ensemble de l’économie d’un État membre124.
Cela n’implique pas quand même que l’aide doit être destinée à l’ensemble des entreprises du
secteur, elle doit plutôt bénéficier à celles dont le sauvetage permet d’éviter une aggravation
ultérieure de la situation économique et d’écarter un risque immédiat pour l’ensemble de
l’économie de l’État membre. En théorie, les aides à d’autres entreprises sont soumises aux
règles relatives aux aides au sauvetage et à la restructuration. Cette distinction reste pourtant
théorique, toutes les aides autorisées dans la crise étant en fait adoptées sur le fondement de
l’article 87 (3) (b).
124 Le principe est posé dans le point 11 de la communication du 13 octobre 2008. Pour une application
en jurisprudence v., à titre d’ exemple, la décision 2009/341/CE de la Commission dans l’aff. C 9/08, Sachsen
LB, point 94 (JO L 104/34 du 24.4.2009).
125 V. plus précisément le point 23 des lignes directrices du 5 décembre 2008
47
couverture est nécessaire pour faire face à la crise126. Dans cette logique, d’autres dettes ne
sont pas concernées par la perturbation grave d’économie, comme pour elles, un risque
systémique comparable n’existe pas. Même pour les dettes concernées, les garanties sont
limitées temporellement au minimum nécessaire, c’est-à-dire jusqu’à ce que la crise le
justifie, et il est instaurée une obligation à la charge des États de présenter à la Commission
tous les six mois un rapport relatif aux aides existantes dans l’État en démontrant l’existence
de nécessité de prolongation de l’aide.
Enfin, l’interprétation restrictive de l’article 87 (3) (b) implique le caractère
strictement temporaire des dispositifs dérogatoires prévus par la Commission. Ainsi, le cadre
temporaire en faveur de l’économie réelle du 17 décembre 2008 ne sera applicable après le
31 décembre 2010.
126 V. la commission du 13 octobre qui énonce des conditions d’admissibilité de régimes de garantie.
Sont généralement admises des garanties recouvrant des dépôts bancaires des particuliers, mais également
certains dépôts interbancaires ou instruments de créance à court ou moyen terme lorsque ceux-ci ne sont pas
garantis de manière adéquate par d’autres instruments. En général, la Commission contrôle implicitement
l’objectif de la garantie : celle-ci doit bénéficier aux tiers comme des créanciers et non pas aux actionnaires ni
aux dirigeants de l’institution défaillante. Cela exclut une couverture systématique du passif de la banque.
Les mêmes catégories de dettes peuvent être couvertes dans le contexte d’une liquidation contrôlée.
48
37. Aides aux institutions fondamentalement saines et autres : distinction
binaire fondamentale
La communication du 13 octobre 2008 régit l'ensemble d'aides dans la crise
financière : d'une part, aux entreprises saines, d’autre part, à celles en difficulté. Le critère de
distinction est celui de la genèse des difficultés rencontrées par l’entreprise : les entreprises
fondamentalement saines sont celles dont les problèmes ont un caractère exogène, tandis que
les entreprises en difficulté souffrent de problèmes endogènes127. Cette distinction peut
paraître un peu vague ou artificielle dans la crise, où chaque agent économique doit
nécessairement faire face aux difficultés. Or, cette distinction a une importance, car si les
aides aux entreprises saines étaient prohibées par des communications antérieures, les aides
aux entreprises en difficulté étaient régies par des lignes directrices au sauvetage et à la
restructuration des entreprises en difficulté128. La Commission n'est pas claire sur l'articulation
de ces deux dispositifs. D’une part, pour des aides aux entreprises en difficulté, les anciennes
lignes directrices restent toujours applicables, mais des interventions plus profondes seront
approuvées sur le fondement de la dérogation de l'article 87 (3) (b) CE. Il faudra encore, pour
que la Commission approuve le recours à l' article 87 (3) (b) CE, concernant le secteur
financier, qu'il existe des circonstances réellement exceptionnelles et que le fonctionnement
global des marchés financiers soit menacé (point 11 de la communication). Pour d'autres
secteurs de l'économie, il faudra, pour appliquer l'article 87 (3) (b) CE, qu'il existe un risque
comparable «de répercussions immédiates pour l'économie d'un État membre dans son
ensemble». Si la Commission décide dans un cas soumis à son appréciation que les
circonstances du moment ne justifient pas d'autoriser des mesures exceptionnelles, elle
appréciera les aides à la lumière des lignes directrices régissant les aides au sauvetage et à la
restructuration des entreprises en difficulté. La Communication de 13 octobre 2008 énonce
que sont des mesures exceptionnelles « des interventions structurelles d'urgence, la protection
des droits des tiers comme les créanciers, ou encore des mesures susceptibles d'excéder la
durée de six mois »129. La Commission ne reconnait donc pas de circonstances
exceptionnelles de portée générale et elle apprécie la présence de circonstances
127 La même distinction est d’ailleurs régulièrement opérée dans la crise par l’Autorité Antitrust
américaine non seulement par rapport aux institutions financières, mais plus généralement par rapport à toutes
les entreprises présentes sur le marché. Notons que la Commission permet aux États membres de poser dans
leurs régimes nationaux des critères compatibles avec le droit communautaire mais issus du droit national. Le
régime français, approuvé par la décision de la Commission du 30 octobre 2008, opère une distinction entre des
institutions saines pouvant bénéficier du régime et celles en difficulté sur le fondement des exigences en fonds
propres telles que définies par le code monétaire et financier (v. point 68 de la décision du 30 octobre 2008).
128 JO C 244 du 1 octobre 2004, p. 2
129 V. point 10 de la communication du 13 octobre 2008.
49
exceptionnelles au cas par cas selon des critères qu'elle définit130. Si pour des entreprises
saines, une aide publique ne doit pas être accompagnée d’un plan de restructuration, la
présentation de celui-ci est indispensable pour des institutions en difficulté et le plan doit
assurer la viabilité du bénéficiaire au long terme131.
Ce critère se recoupe avec un autre, celui de l’importance systémique de
l’institution, sans que les deux soient identiques. La situation d’une institution dépourvue de
caractère systémique devra en principe être appréciée à la lumière des lignes directrices
relatives au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté132.
La distinction entre des entreprises fondamentalement saines et des entreprises en
difficulté non viables est motivée par un effort pédagogique de la Commission. L’aide aux
entreprises saines n’a pour objectif que de remédier aux dysfonctionnements du marché, c’est
une aide proportionnelle aux circonstances exceptionnelles de la crise, suffisante pour sauver
l’entreprise. Cette aide n’est pas susceptible d’entraîner un aléa moral excessif. Au contraire,
l’aide aux entreprises en difficulté n’est pas, selon la Commission, liée au dysfonctionnement
du marché, mais au dysfonctionnement de l’entreprise et à son comportement excessivement
risqué. Cette aide, si elle est économiquement indispensable, comporte un volet punitif : il
sera appliqué des instruments juridiques aptes à démontrer que le comportement risqué aura
des conséquences pour le « coupable ». Cette différence de traitement est également expliquée
par la Commission par la différence des effets quant aux distorsions de concurrence que sont
susceptibles d’entraîner ces deux catégories d’aides. À l’encontre des banques en difficulté
bénéficiaires des régimes de garantie pourront ainsi être introduites des restrictions
comportementales, comme des restrictions des prix pratiqués ou des limitations de croissance
du bilan. Il est également exigé de manière systématique que le secteur privé apporte une
contribution significative au coût de la garantie133.
La Commission prévoit dans ses communications des listes non limitatives des
restrictions comportementales envisageables, dont des cessions d’actifs, des limitations de
130 Les critères n’étant pas suffisamment explicites, il existe un risque que l’appréciation se fasse en
fonction des considérations politiques de la Commission.
131 La Commission considère que « le soutien public accordé aux banques en difficulté génère un risque
de distorsion de concurrence plus élevé et doit donc s’accompagner de garde-fous plus stricts et de
restructurations en profondeur ». Le plan de restructuration ou de liquidation est à présenter dans les six mois
après l’opération de sauvetage.
132 De façon plus informelle, est également recevable l’argument tiré de l’absence de faute de direction
de l’institution si les difficultés de celle-ci sont dues à l’effondrement d’autres institutions. Il convient de citer
l’exemple de la banque allemande HRE qui, n’étant pas une banque de dépôt, a souffert de la crise de confiance
survenue sur le marché interbancaire.
133 Selon le texte de la Communication, « les frais liés à l’octroi de la garantie doivent se rapprocher
d’un niveau pouvant être considéré comme un prix de marché, même si la détermination d’un tel prix est un
exercice difficile ».
50
croissance etc. Le choix des restrictions à appliquer dans chaque cas sera déterminé par la
forme d’aides (il doit y avoir une corrélation directe entre le montant de l’aide versé et la
hauteur des contreparties et une corrélation inverse entre le montant des contreparties et la
contribution déjà apportée par le secteur privé) et le rôle systémique de la banque. Si ces
contreparties sont variables, d’autres s’imposent obligatoirement, comme l’interdiction de
recourir aux stratégies commerciales agressives pendant la période de la restructuration. Il est
également prévu que des institutions saines pourront rémunérer des recapitalisations
publiques dont elles bénéficient à un taux inférieur au prix du marché.
134 Il convient de noter que ce mécanisme est assez original. Par exemple, le système prévu aux États-
Unis pour des garanties publiques est très différent : la Temporary Liquidity Guarantee Program opte en faveur
d’un taux unique, le montant de la rémunération ne varie qu’en fonction de la durée de la garantie et de la
maturité de la dette couverte (v. Temporary Liquidity Guarantee Program, Final Rule, Federal Register, Vol. 73,
No. 229, 26 novembre 2008, 72251 et s.). Il est possible que l’efficacité économique du système communautaire
est inférieure à court terme à celle du système américain, celui-ci étant plus favorable aux institutions qui doivent
faire face à des difficultés économiques.
135 Il s’agit plus concrètement de présenter un plan de restructuration aussi bien pour un scénario de base
que pour un stress scenario présumant l’aggravation éventuelle de la crise.
52
maximale des mesures de restructuration à été étendue de trois à cinq ans.136 Or il se dresse la
question si cette mise à l’écart des dispositions de l’article 87 (3) (b) ne constitue pas
d’atteinte excessive de la part de la Commission au principe de la sécurité juridique. En effet,
la communication du 5 décembre 2008 relative aux recapitalisations prévoit que les plans de
restructuration doivent être présentés à la Commission conformément aux principes énoncés
dans les lignes directrices concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des
entreprises en difficulté137.
136 Par la communication du 23 juillet 2009. Les mesures englobées comprennent, parmi d’autres, les
liquidations, le réexamen de modèle commercial, les absorptions et le traitement des actifs dépréciés.
137 V. le point 43 de la communication du 5 décembre 2008, préc.
138 Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement
dans le contexte de la crise économique et financière actuelle du 17 février 2008, JO C16 du 22 janvier 2009, pp.
1-9, v. aussi JO du 7 avril 2009 n C 83 p. 1.
53
justifié. Il applique à l’économie réelle la même distinction, déjà vue dans le secteur bancaire,
entre entreprises ayant des difficultés endogènes et des entreprises souffrant de difficultés en
principe exogènes, entreprises saines dans la terminologie de la Commission. Elle constate
que ces dernières commencent à éprouver des difficultés à cause du resserrement de crédit, ce
qui justifie selon l’argumentation de la Commission l’application de l’article 87 (3) (b) à
l’économie réelle. L’argumentation est donc plus ou moins la même dans le cas du secteur
bancaire et de l’économie réelle139.
139 « Ces difficultés risquent de porter préjudice non seulement aux entreprises fragiles dépourvues de
marges de solvabilité, mais aussi aux entreprises saines qui devront faire face à une soudaine pénurie du crédit,
voire а son indisponibilité », ibid., p. 2. La Commission considère que ce constat est « particulièrement vrai pour
les petites et moyennes entreprises («PME») », c’est donc à elles que s’adresse en premier lieu le nouveau
dispositif.
54
balancing test, la Commission considère que la distorsion de concurrence résultant de ces
interventions est compensée par les effets positifs de ces interventions sur le marché commun,
à savoir un accès facilité au financement, surtout pour des PMEs. En vertu de ce dispositif, les
États sont tenus de notifier les régimes et non pas les aides individuelles accordées aux agents
économiques. Ces dispositions sont seulement applicables aux entreprises saines140. Des
institutions financières et des entreprises d'économie réelle sont ainsi traitées de manière
inégale: peuvent bénéficier d’aides toutes les institutions financières, mais uniquement les
entreprises d'économie réelle n'ayant éprouvé de difficultés financières avant le 1er juillet
2008. Sont éligibles des entreprises qui sont en difficulté, mais qui pourront justifier de leur
santé économique à la date du 1 juillet 2008, toute difficulté postérieure étant dans cette
analyse rattachable aux circonstances de crise.
Si un cadre à part a été créé pour des institutions financières, il n'a pas été prévu de
dispositif communautaire spécifique pour le secteur automobile. Pourtant, la situation dans le
secteur pose de très graves problèmes : elle est très débattue aux États-Unis et, au sein de
l'Union, en Allemagne et en France. L'explication fournie par la Commissaire à la
concurrence est que la Commission ne doit pas « perdre de vue le fait qu’il existait déjà des
surcapacités dans ce secteur avant la crise, et que les constructeurs européens devront de
toute façon procéder à des restructurations s'ils veulent être compétitifs sur les marchés
mondiaux »141. Le secteur bancaire bénéficie donc d'un soutien privilégié. En ce qui concerne
le secteur automobile, au contraire, les gouvernements sont incités à solliciter des moyens
auprès du Fonds social européen et du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation142, en
raison de l'importance du secteur en matière d'emplois. La Commission veut ainsi garder
l’approche adoptée dans son Plan d’action dans le domaine des aides d’État et s’écarte de
l’approche purement sectorielle de traitement des marchés vers une approche plus horizontale,
au moins au sein de l’économie réelle, c’est-à-dire de l’ensemble d’entreprises industrielles et
commerciales.
140 Sont des entreprises saines celles qui ne remplissent pas des critères définissant une entreprise en
difficulté, telle que définie dans les lignes directrices au sauvetage et à la restructuration des entreprises en
difficulté, point 2.1. La définition d’entreprise en difficulté n’est pas la même pour les PME, elle se trouve à
l’article 1 (7) du Règlement général d’exemption par catégorie n 800/2008 du 6 août 2008.
141 MEMO09/50.
142 IP/09/318 et MEMO09/83.
55
Titre 2. Procédure permettant la concurrence de solutions nationales
43. Le nombre de mesures adoptées par les États membres de l’Union européenne dans le
contexte de la crise économique et financière, qualifiées d’aide publique mais approuvées par
la Commission sur le fondement de l’article 87 (3) (b) du Traité CE se rapprochait en automne
2009 de 70 mesures pour le secteur bancaire et de 58 pour l’économie réelle, 9 mesures étant
en cours d’examen143. Ces aides se repartissent en deux catégories dont la première est
constituée d’interventions ad hoc en faveur des institutions financières précises, tandis que la
deuxième englobe des régimes généraux applicables à l’ensemble d’institutions financières ou
d’entreprises de l’économie nationale 144. À la date du 13 octobre 2009, la Commission avait
enregistré 41 intervention ad hoc et 87 régimes généraux, dont toutes les aides d’État au profit
de l’économie réelle. L’article 87 (3) (b) n’est pas utilisé comme base juridique pour des aides
individuelles aux entreprises industrielles et commerciales. Il existe des différences
considérables dans l’organisation des mesures, ad hoc ou générales, au niveau des droits
nationaux. En effet, les communications de la Commission sont parfois volontairement
imprécises. Cela donne une certaine liberté aux États dans l’élaboration des régimes
nationaux mais laisse en même temps une liberté à la Commission quand elle apprécie les
régimes soumis à son contrôle. Malgré le caractère assez extensif du contrôle communautaire
d’aides publiques (Chapitre 1), il reste une marge de manœuvre assez considérable au profit
des États qui sont libres à organiser le sauvetage de leurs entreprises dans des conditions
juridiquement et économiquement adaptées à la situation nationale (Chapitre 2).
143 Information tirée du rapport de la Commission, v. MEMO/09/446 du 13 octobre 2009, State aid:
Overview of national measures adopted as a response to the financial/economic crisis, disponible en version
anglaise à
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/09/446&format=HTML&aged=0&language=
EN&guiLanguage=en (vu le 10 avril 2010). Les données englobent la période de 2008 et 2009. Le nombre de
mesures notifiées après cette date est insignifiant, il s’agit pour la plupart des cas de notifications de prolongation
de régimes déjà existants.
144 En effet, déjà début octobre 2008 les Etats commencent à établir des régimes d'aides portant sur des
mesures structurelles et d’une durée excédant les six mois habituels pour les aides au sauvetage. Nous rappelons
que ces régimes sont soumis à une procédure de contrôle simplifiée, celle de notification par régime. Une fois le
régime national approuvé par la Commission, il n'est plus nécessaire de notifier l'aide octroyée à chaque
entreprise.
Chapitre 1. Contrôle communautaire, moyen d’uniformisation des aides
publiques
44. Les régimes généraux et les aides ad hoc susceptibles de comporter un élément d’aide
d’État sont notifiés par l’État et soumis au contrôle de la Commission. Il est commenté que,
face à l’exigence de sauvetage de l’économie, des solutions trouvées après consultations avec
les Etats membres « eussent été tout simplement inenvisageables il y a quelques mois »145. Il
convient pourtant de relativiser cette position en étudiant l’interprétation que donne la
Commission aux critères sur lesquels repose son contrôle d’aides publiques dans le contexte
de la crise économique et financière. Nous analyserons des assouplissements intervenus dans
l’interprétation de ces critères aussi bien que leur application à des situations très différentes
nationales et individuelles qui exigent pourtant un traitement uniforme. Il convient de
distinguer deux catégories de critères : si le contrôle communautaire porte principalement sur
des critères forgés par le droit communautaire de la concurrence (Section 1), il peut porter
accessoirement sur d’autres critères du droit communautaire exogènes en principe au droit de
la concurrence (Section 2).
146 Ces quatre critères cumulatifs permettent de qualifier une mesure comme aide publique et leur
contenu est bien précisé par la jurisprudence du TPICE et de la CJCE, v. un rappel introductif supra, paragraphe
8.
147 CJCE 21 mars 1991, Italie c/ Commission, « Alpha Romeo », aff. C-305/89, Rec. I-1603, point 20, et
TPICE 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale, aff. T-228 et T-233/99 (la Commission doit « faire
une analyse complète de tous les éléments pertinents de l'opération litigieuse et de son contexte » pour décider si
le comportement de l’autorité publique correspond à celui d’un investisseur privé, plus précisément d’un grand
groupe privé »). V. également sur des évolutions récentes dans l’application du test d’investisseur privé
Sébastien MARTIN, « Contrôle communautaire des aides d'État : la recherche de la coopération avec les États
membres », JCP A, n°45, 2009, 2257, et sur des aspects généraux Jean-Paul KEPPENNE, Guide des aides d’État
en droit communautaire, Bruylant, Bruxelles, 1999, p. 44 et s. V. aussi pour une analyse complète Ludger
GIESBERTS, Thilo STREIT, « Anforderungen an den "Private Investor Test" im Beihilfenrecht » (« Les
exigences au test de l’investisseur privé dans le droit des aides publiques »), EuZW, 2009, n 14, p. 484 et s. Ce
test s’applique d’ailleurs de manière égale aux entreprises saines et celles en difficulté.
148 V. une application récente TPICE, 24 septembre 2008, Kahla/Thüringen Porzellan GmbH c/
Commission, aff. T-20/03. Il n’est pas exclu que l’État agit en tant qu’un investisseur privé en réalisant une
opération économique peu rentable à court terme s’il peut légitimement attendre de l’opération un bénéfice
économique à long terme.
58
l’État investit dans une entreprise qui éprouve des difficultés financières, cette opération sera
reconnue par la Commission comme aide d’État. En effet, « l’apport de capitaux sur fonds
publics satisfait au critère de l’investisseur privé et n’implique pas l’octroi d’une aide d’État
[…] si cet apport a lieu concommitamment avec un apport significatif de capital de la part
d’un investisseur privé effectué dans des conditions comparables »149. À contrario, si l’État
est obligé d’intervenir à cause d’absence de l’initiative de la part des actionnaires privés, son
initiative est constitutive d’aide publique150. Dans une situation de ralentissement de rythmes
de vie économique, il n’existe pas de « marché de référence » et la Commission, obligée de
retenir l’absence du marché, ne peut pas se référer à des conditions de marché dans lesquelles
aurait intervenu un investisseur privé. L'application du critère d'investisseur privé en
économie de marché amène la Commission à conclure dans la plupart des cas à l'existence
d’une aide, vu qu'un investisseur privé aurait à peine assumé à ce moment des risques liés à
un investissement dans une entreprise d'économie réelle ou d’une institution financière
défaillante151. Le critère habituel est ainsi rendu quasiment inopérant.
Il se présente pourtant des cas où la Commission réussit à se référer à une situation
de marché positive et non pas à l’absence de marché en tant que tel. Nous citerons ici à titre
d’exemple l’application faite du test d’investisseur privé dans l’affaire de l’aide de l’État
belge à la banque Fortis. Dans l’affaire soumise au contrôle de la Commission, la banque
Fortis et l'État belge avaient cherché un investisseur privé pour la banque avant de se décider
en faveur de sa nationalisation. La Commission compare le mode d'intervention choisi par
l'État aux propositions émises par des potentiels investisseurs particuliers bien avisés de la
situation de l’institution. La Commission considère que la valeur du marché de l’opération
doit être définie sur la base des propositions émises par des investisseurs privés bien avisés et
non pas sur le fondement du cours d’actions de la banque, le premier critère étant plus
objectif 152. En l’espèce, la Commission conclut que l’injonction publique de capital constitue
149 TPICE 12 décembre 2000, Alitalia c. Commission, aff. T-296/97m point 81. V. sur le contenu du test
Jean-Philippe COLSON et Pascale IDOUX, Droit public économique, L.G.D.J., Paris, coll. Manuel, 4ème éd.,
2008, p. 295.
150 Telle est la position de la jurisprudence, v. l’aff. CJCE 21 mars 1990, Commission c. Belgique.
151 V. par exemple la décision de la Commission dans l’aff. NN51/2008 du 10 octobre 2008, Régime de
garantie aux banques danoises, point 31, où la Commission considère qu’aucun investisseur privé ne serait
intervenu sur les mêmes conditions que l’État l’a fait et que, en outre, l’État ne retire pas de l’aide de bénéfice
direct mais seulement un bénéfice indirect de prévention des effets de contagion sur le reste de l’économie. Dans
l’aff. C10/2008 du 21 octobre 2001, IKB, la Commission rappelle qu’elle applique le test d’investisseur privé en
prenant en compte la rentabilité à long terme de l’opération (point 39 de la décision). Or la Commission estime
que les projets de revente d’IKB par l’acheteur, la banque publique KfW, démontrent que celle-ci n’a pas de
projets au long terme et ne peut escompter d’obtenir de l’opération une rémunération adéquate.
152 Cette analyse conduit elle aussi la Commission à conclure à l’existence d’une aide d’État. V. la
décision de la Commission du 3 décembre 2008 dans les aff. NN42/2008, NN46/2008 et NN/53/A/2008, Aide à
59
en effet une aide d’État, vu que le prix de la prise de participation par l’État, fondé sur le
cours d’action de la banque, était de loin plus élevé que le prix proposé par des investisseurs
privés.
Une deuxième application intéressante du critère d’investisseur privé est livrée par la
décision du 5 décembre 2007 dans l’affaire Northern Rock153. La Commission considère que
n’est pas constitutive d’aide d’État une facilité de liquidité accordée par la banque centrale de
l’État membre en l’absence de sources de financement normales du bénéficiaire, quand celle-
ci est accordée à l’initiative de la banque centrale et indépendamment d’autres mesures de
soutien par l’État. Les critères posés par la Commission suscitent une certaine difficulté
d’interprétation, vu que l’initiative de la Banque centrale ou l’absence de celle-ci n’est pas
aisée à établir. D’ailleurs, les mesures prises en faveur de Northern Rock comprenaient, à part
de l’assistance de liquidité par la banque centrale, une garantie des dépôts de la banque par
l’État et il n’est pas évident que la première mesure ait été décidée indépendamment de la
deuxième. Cette solution est confirmée par la décision dans l’affaire de la banque danoise
Roskilde154 où une facilité de crédit accordée par la Banque nationale danoise n’est pas
qualifiée d’aide d’État, alors que cette qualification est retenue pour la garantie publique en
faveur de la banque accordée au même moment. Dans les deux cas, la facilité accordée par la
banque centrale fait partie d’un paquet plus vaste de mesures, ce qui remet en question la
portée réelle du critère de l’indépendance de la mesure organisée par la banque centrale. En
analysant la solution retenue dans les affaires Northern Rock et Roskilde, David Blache y voit
une « reconnaissance par la Commission, même en l’absence de base légale précise, d’un
régime particulier en faveur de la banque centrale, agissant en sa qualité d’apporteur de
liquidité aux banques »155. La Commission confirme d’ailleurs cette solution dans sa
156 Le point 51 de la communication indique que « on peut estimer que l'octroi de fonds de la banque
centrale à l'institution financière ne constitue pas une aide lorsqu'un certain nombre de conditions sont
remplies », parmi desquelles figure la condition que l’institution soit « solvable au moment de l'octroi de la
facilité de trésorerie, laquelle ne s'inscrit pas dans un ensemble plus vaste de mesures d'aide ».
157 Communication de la Commission, Plan d’action sur les aides d’État, disponible sous
http://ec.europa.eu/comm/competition/state_aid/reform/saap_en.pdf (vu le 10 avril 2010), voir pour une analyse
critique de l’application du test Jan Peter VAN DER VEER, « Is the Market Failing ? The Commission’s
Assessment of State Aid to Broadband Networks», ECLR, 2008, n. 6, pp. 363-366. En analysant deux cas
d’application du test datant des années 2006 et 2007, l’auteur caractérise le niveau d’analyse par la Commission
comme “décevant”. Selon l’auteur, « in spite of the Commission’s rhetoric on the increasing economic
sophistication of its economic analysis in state aid cases, there still appears to be considerable scope for further
progress ».
158 La Commission avait d’ailleurs présenté en 2005 un Plan d’action dans le domaine des aides d’État où
elle annonçait sa volonté de réaménager l’application de ce test, visant l’élaboration d’une nouvelle approche
économique plus fine, mise en œuvre à travers une procédure plus transparente (Plan d’action dans le domaine
des aides d’État, Des aides d'État moins nombreuses et mieux ciblées: une feuille de route pour la réforme des
aides d'État 2005-2009, du 7 juin 2005). V. un commentaire du Plan d’action par Jean-Yves CHÉROT, « Le plan
d’action de la Commission dans le domaine des aides d’État », AJDA 2007, p. 2412. En parlant du contenu du
balancing test, le Plan d’action souligne que « les aides d'État ne devraient être utilisées que lorsqu'elles
constituent un instrument approprié pour atteindre un objectif bien défini, lorsqu'elles créent des incitants
adéquats, lorsqu'elles sont proportionnées à leurs objectifs et lorsqu'elles faussent le moins possible la
61
de la mesure, de son caractère limité au minimum nécessaire sous la forme la plus appropriée
et enfin, de la proportionnalité de la mesure que va s’organiser le contrôle de la Commission.
Ces critères sont appliqués à toute mesure qui vise l’objectif de remédier à une perturbation
grave de l’économie d’un État membre.
concurrence » (Le plan d’action dans le domaine des aides d’État., p. 4, pp. 6-7). Il se pose la question à savoir si
cette approche économique plus fine a pu être maintenue dans la crise et si la crise n’a pas constitué une
parenthèse dans ce travail de perfection du système de contrôle communautaire. Il convient de signaler l’ouvrage
de M. Conor QUIGLEY, European State Aid Law and Policy (Le droit et la politique des aides d’État dans
l’Union Européenne), 2ème éd., Hart Publishing, Oxford, 2009, où cette question forme une axe de réflexion
importante.
62
services de détail159. Il est pertinent de demander si la Commission ne transgresse ainsi son
domaine de compétences dans le contexte d’une procédure de contrôle de compatibilité d’une
aide publique avec le marché commun.
159 Des Landesbanken sont des banques publiques régionales qui s’occupent surtout des services aux
Länder et aux entreprises. Historiquement, chaque Land possédait sa Landesbank, mais leur nombre s’est
progressivement réduit. Banques assez petites et absentes du marché de détail, elles ont subi des pertes plus
graves que d’autres banques dans la crise.
160 Sa défaillance aurait donc aggravé la crise de confiance des ménages belges envers le système
bancaire et aurait créé « une méfiance aiguë des banques étrangères envers les banques belges, ce qui aurait
pour effet des leur couper toute possibilité d’emprunt [...] sur le marché interbancaire », v. la décision de la
Commission dans l’aff. N574/08.
161 V. le point 24 de la Communication du 13 octobre 2008.
162 Ainsi, la loi autrichienne, l’IBSG, prévoit comme date limite le 31 décembre 2010, la loi irlandaise la
date du 30 septembre 2010. Le régime de garanties français prévu à l’article 6 II de la loi n 2008-1061 est limité
aux titres de créances émises avant le 31 décembre 2009, même si la garantie elle-même peut être accordée pour
une période allant jusqu’à cinq ans.
163 Le décret-loi italien n 157/2008, Ulteriori misure urgenti per garantire la stabilità del sistema
creditizio (« D’autres mesures urgentes pour garantir la stabilité du système de crédit »), prévoit dans son article
1.1 que des garanties peuvent être accordées jusqu’au 31 décembre 2009, c’est-à-dire pour une durée inférieure à
63
reconnaît que le décret-loi (decreto legge) notifié par le gouvernement italien transgresse le
seuil posé par la Commission mais autorise son application sous condition d’élever le coût
pour les bénéficiaires des garanties excédant la durée de deux ans164. Dans le cas finnois, la
Commission retient que les garanties, même d’une durée supérieure à deux ans, ne seront
accordées au-delà du 30 avril 2009 et considère que cette limitation temporelle constitue un
garde-fou suffisant pour que la mesure n’excède le minimum nécessaire165. Dans le cas de
l’Allemagne, la Commission estime également que des garde-fous prévus par l’État justifient
la durée de trois ans de garanties. L’argumentation de la Commission est donc construite sur
les contreparties prévues par l’État et non pas sur les circonstances spécifiques nationales
justifiant une dérogation à la règle générale. Cette argumentation permet de conclure que tout
État pourrait ne pas limiter la durée de son régime national au minimum nécessaire en
introduisant des compensations suffisantes, ce qui crée une situation d’inégalité entre les États
qui n’ont pas respecté les restrictions communautaires et ceux qui les ont respectées, ces
derniers étant remis dans une situation d’insécurité juridique.
Le critère de nécessité peut également porter sur la forme de l’aide pour laquelle opte
l’État. Il est à noter que la Commission se montre prête à des compromis assez sérieux quant à
l’appréciation de « l’aide limitée au minimum nécessaire » du point de vue matériel. Elle
autorise ainsi le régime autrichien prévoyant une garantie de montant illimité des dépôts
bancaires pour des personnes privées166. Dans l’affaire de la banque Fortis du 19 novembre
2008, la Commission considère qu’est compatible avec le marché commun une garantie
couvrant l’intégralité de financements proposés par la banque167 et dans l’affaire Roskilde
précitée une facilité de crédit illimitée accordée par la Banque nationale danoise n’est même
pas qualifiée d’aide d’État. Les États doivent prévoir dans leurs législations nationales que des
interventions assez sérieuses ne seront adoptées que lorsque la situation présente un certain
niveau de gravité. Dans le cas du régime allemand en faveur du secteur financier, approuvé
par décision de la Commission du 27 octobre 2008, le principe de subsidiarité et de nécessité
se trouve formulé, concernant les recapitalisations, au § 7, alinéa 2, de la loi FMStG, qui
dispose qu’une participation du fonds doit seulement avoir lieu lorsqu’un intérêt primordial
au niveau fédéral est présent et lorsque l’objectif ne peut être mieux atteint d’une autre
deux ans. Les garanties pourront pourtant être maintenues pour une période allant jusqu’à cinq ans au maximum.
Le régime finnois est organisé de manière comparable, mais il pose comme date limite d’octroi des garanties le
30 avril 2009.
164 V. la décision de la Commission dans l’aff. N520a/2008 du 13 novembre 2008.
165 V. la décision de la Commission dans l’aff. N567/2008 du 13 novembre 2008, point 39.
166 Le montant pour des personnes morales restant à 20 000 euros. V. loi bancaire, BWGÖ, § 93 al. 3,
numéro 4.
167 V. la décision de la Commission dans l’aff. N574/2008 du 19 novembre 2008.
64
manière que par l’intervention du fonds.
168 Jean-Yves CHÉROT, Droit public économique, Economica, Paris, 2ième édition, 2007, p. 32.
169 Des aides à titre gratuit sont en principe incompatibles avec le critère d’investisseur privé dans
l’économie de marché et elles confèrent à l’institution nationalisée un avantage par rapport à la concurrence.
Nous ne prenons en compte que l’appréhension de nationalisations par le droit des aides publiques. Or, on
pourrait également poser la question si la reprise d’entreprises par l’État peut être contrôlée par le droit de la
concurrence à titre d’opération de fusion, comme ce serait le cas si l’entreprise avait été acquise par un opérateur
privé. La réponse est en principe négative sous condition que l’État maintienne l’entreprise suite à l’acquisition
en tant qu’une entité économique distincte.
170 La nationalisation de Northern Rock intervient après le moment où il s’avère qu’il est impossible de
trouver une solution privée en faveur de la banque. Dans le cas de Hypo Real Estate, la nationalisation,
intervenue en juin 2009, suit l’instauration d’un programme de sauvetage sous forme d’un régime de garanties à
la banque, par ailleurs approuvé par la Commission au 2 octobre 2008. Les actionnaires expropriés obtiennent
une indemnisation pour la cession de leurs parts sans que l’État garantisse aux actionnaires le droit prioritaire de
souscription en cas de reprivatisation de HRE. Or une expropriation de tous les actionnaires de HRE semble
excéder le strictement nécessaire. Si, selon la jurisprudence du Verfassungsgericht, le retrait obligatoire d’une
minorité des sociétaires n’est pas contraire à la Loi fondamentale, il n’en suit pas que l’État puisse étendre
l’interprétation de cette règle en sa faveur. Cette affaire pose donc également des questions relatives à
l’interprétation du droit de propriété dans la crise.
171 Il est prévu que « s’il existe un risque qu’une institution de crédit ou d’assurance manquera à ses
obligations envers ses créanciers, il existe une possibilité pour le Ministre des finances avec l’accord du
65
doit quand même être strictement temporaire et une reprivatisation est à mettre en place dès le
moment où la situation le permet. La limitation de la durée de propriété publique au minimum
nécessaire est prise en compte par la Commission dans son appréciation de la compatibilité de
la mesure172. Malgré son opposition aux nationalisations, la Commission opère finalement un
revirement de son approche en reconnaissant de manière explicite dans sa communication sur
le traitement des actifs dépréciés du 26 mars 2009 que des nationalisations, c’est-à-dire des
acquisitions des banques par l’État, sont des options envisageables lorsqu’une mise en
liquidation de la banque peut être inappropriée pour des raisons de stabilité financière173.
Bundeskanzler, si d’autres mesures n’ont pas apporté de résultat ou si celles-ci ne sont pas envisageables à
cause de l’urgence, de reprendre l’institution. Cette mesure se réalise par décret du Ministre de finances »,
FinStaG, § 2 (2).
172 Dans l’affaire de la banque Fortis, la nationalisation de la banque a été suivie dans un délai de
quelques jours par sa revente à la banque BNP. Cette mesure n’ayant pas été notifiée préalablement, la
Commission l’examine après la revente à BNP. En retenant que la durée de propriété publique était limitée au
minimum et que la prix de vente à BNP était similaire à celui payé par l’État, la Commission considère qu’il ne
convient pas d’imposer des sanctions au bénéficiaire de la reprise par l’État.
173 La Communication de la Commission concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur
bancaire de la Communauté du 25 février 2009, publiée au JO C72, p. 6, point 23. Jacques DERENNE note dans
son commentaire de la communication du 25 février 2009 qu’en opérant se revirement, la Commission prend ses
distances « de l’approche qu’elle a pu adopter depuis les débuts de la politique en matière d’aides d’État », ce
qui « révèle le caractère exceptionnel du moment », v. Jacques DERENNE et Cristophe GIOLITO, « Traitement
des actifs financiers dépréciés: la Commission européenne publie des orientations sur le traitement des actifs
dépréciés dans le secteur bancaire de l’Union », Concurrences, n 2 2009, p. 152.
174 V. pour un exposé complet consacré au principe de proportionnalité en droit communautaire et dans les
droits nationaux des États membres Michel FROMONT, « Le principe de proportionnalité », AJDA 1995, p. 156
et s.
175 Ibid., p. 156.
66
participation privée s’élevant à 30 % du montant total de l’aide publique, si le secteur privé
intervient sur les mêmes conditions que l’État176. La Commission peut soit approuver des
contreparties prévues par les États soit conditionner son approbation à ce que l’État assortit
l’aide prévue des contreparties imposées par la Commission. Il n’existe pas en principe de
répertoire fixe de contreparties que peut imposer la Commission ni de relation fixe entre la
forme d’aide et la forme de la contrepartie, ce qui permet à la Commission d’aborder des cas
complexes soumis à son contrôle avec plus de souplesse. Or la Commission commence à
formuler des contreparties types pour certaines catégories d’aides. À titre d’exemple, quand
l’aide a la forme d’une garantie publique, les frais imposés au bénéficiaire de la garantie
publique doivent être proches du prix de marché, c’est-à-dire du coût d’une garantie privée
comparable. Or dans une crise financière grave le niveau du marché, point de référence clé de
ce standard, ne peut plus être utilisé vu la réduction drastique de l’activité financière et la
volonté des acteurs économiques d’éviter des risques, amenant à un assèchement radical de
crédit et, en fin de compte, à la défaillance du mécanisme de formation de prix. Cette
évolution fait ce critère fondamental du droit communautaire de la concurrence presque
inopérable. Si en dehors de la crise, la définition d’une contribution significative du secteur
privé relevait dans une grande mesure de l’appréciation de la Commission, cette appréciation
risque de devenir arbitraire dans la crise177.
176 Cette solution reprend une jurisprudence communautaire constante qui considère que l’aide
n’entraîne pas la même distorsion de concurrence quand elle est accompagnée d’un « apport significatif de
capital de la part d’un investisseur privé effectué dans des conditions comparables », v. TPICE, 12 décembre
2000, Alitalia c/Commission, aff. T-296/97 (points 83-84).
177 Nous observons que la Commission continue malgré ces doutes de réitérer cette exigence de
contribution du secteur privé dans ses communications et n’y renonce pas, même si des doutes peuvent exister
concernant le caractère effectif de sa mise en œuvre.
67
Conseil des gouverneurs de la BCE178. Est encore abandonnée la pratique courante de la
Commission de fixer ex ante le pourcentage de contribution minimale à apporter par le
secteur privé. Si une telle limite était prévue dans les lignes directrices relatives au sauvetage
et à la restructuration et atteignait 50 % du coût de la restructuration, elle n’est volontairement
pas posée pour les restructurations financières dans la crise179. La Commission insiste
pourtant sur ce que le taux de rémunération soit raisonnablement élevé afin d’inciter des
banques à sortir du mécanisme de capital public. La Communication du 5 décembre 2008
propose également dans son point 31 d’introduire des mécanismes de majoration progressive
des prix afin d’inciter des institutions financières à sortir du mécanisme de financement
public180.
Le prix de marché est également difficile à établir pour des actifs dépréciés, vu la
complexité économique de cet instrument. Le problème est posé par l’existence d’un écart
entre le prix actuel, forcément très bas, et le prix réel, c’est-à-dire le prix à long terme. La
valeur des actifs dépréciés est donc d’abord estimée en fonction du prix actuel (qui peut être
inexistant vu l’absence du marché de référence). Le prix de transfert des actifs sera toujours
supérieur à leur prix actuel, ce qui est constitutif d’aide d’Etat. Il doit pourtant se rapprocher
du « prix réel » reflétant la valeur économique à long terme. Même si cette approche peut
paraître aléatoire, elle a l’avantage de cohérence pour l’ensemble de la Communauté181.
En ce qui concerne les régimes de garanties, la Commission permet pourtant
également de différer le remboursement dans le temps et reconnait en principe la licéité de
clauses de récupération en cas de retour à meilleure fortune182. Notons pourtant que cet
assouplissement est motivé par des considérations étrangères au droit de la concurrence et
appartenant au champ de politique économique, notamment par l’objectif de faciliter l’accès
183 V. le XXIIIème rapport sur la concurrence de 1993, § 402-403. Pour un exemple d'application de ce
principe voir décision n C 46/07 du 27 février 2008, Automobile Craiova.
184 JOCE n C 209 du 10 juillet 1997, p. 3.
185 V. Jacques DERENNE, « Chroniques : Aides d'Etat », Concurrences, n 4, 2008, p. 108.
186 Déc. du 4 juin 2008, Sachsen LB. Or cette affaire relève de la phase quand la Commission n’avait pas
encore reconnu le caractère systémique de la crise.
187 Nous nous référons ici au XXIIIème Rapport sur la politique de concurrence, 1993, p. 278 et s.,
paragraphes 402-403, où sont énoncés les principes généraux que la Commission applique pour déterminer si
une aide d’État n’a pas eu lieu dans le cadre d’une privatisation.
69
« tout investisseur intéressé avait la possibilité de se manifester et donc que le prix payé
correspond ainsi à la valeur du marché ». N’est pas prise en compte la circonstance que des
tiers qui auraient pu être intéressés au rachat de Fortis n’ont pas eu ni d’accès aux
informations nécessaires pour faire une décision, ni du temps nécessaire. En analysant cette
décision, Jacques Derenne remarque que « la comparaison effectuée par la Commission avec
une procédure d’appel d’offres ‘transparente et inconditionnelle’ est assez audacieuse, en
l’absence d’un réel mécanisme ou de critères connus à l’avance permettant de mesurer la
marge de discrétion dont bénéficiait l’autorité adjudicatrice pour procéder au choix de
l’acheteur »188.
L'octroi d'aides est quand même toujours assorti des conditions posées par la
Commission à l'égard des entreprises bénéficiaires, dont le versement de contreparties, des
restrictions sur des salaires des dirigeants et le respect des règles de bonne conduite afin
d’écarter l'hypothèse où un agent de l'économie profiterait du soutien public afin de s'engager
sur la voie d'une expansion commerciale agressive. Le cas Fortis livre un autre exemple de
l’assouplissement de l’exigence de contribution du bénéficiaire d’aide. La Commission admet
notamment dans le point 90 de sa décision qu’est assimilable à une contribution de la part de
Fortis la vente de sa filiale néerlandaise, malgré le fait que la Commission établit que cette
vente comportait des éléments d’aide d’État189. L’exigence d’imposer des contreparties aux
entreprises bénéficiaires vise également à interdire des interventions publiques à titre gratuit.
La Commission vérifie si l’État sera rémunéré pour son intervention190.
195 V. CJCE, 21 mai 1980, Commission contre Italie, 73/79, Rec., p. 1533.
196 L’État est en principe libre de définir ces critères pourvu qu’ils soient objectifs et non discriminants.
197 V. aff. N638/2008, v. également le plan de soutien slovène aux institutions de crédit du 12 décembre
2008.
198 30 octobre 2008, N533/2008, notifié le 27 octobre 2008
199 NN 48/2008 du 12 octobre 2008, notifié le 30 septembre 2008. Le régime prévoyait initialement des
garanties pour les six plus grandes banques irlandaises, en étaient exclues des banques non irlandaises mais ayant
72
fonction de leur bilan et le volume de leur clientèle sans opérer une distinction entre les
établissements de crédit français et des filiales des établissements étrangers installés en
France.
Le respect du principe de non-discrimination permet à la Commission de pallier, au
moins en partie, à l’absence d’un plan de sauvetage du secteur bancaire concerté au niveau
européen : en retenant au lieu du critère de nationalité un critère licite, comme celui de la
taille, les Etats vont apporter leur soutien aux institutions les plus importantes de leurs pays.
La mise en œuvre simultanée des régimes pareils dans un certain nombre d’Etats membres
pourra produire des effets comparables à ceux d’un plan de sauvetage concerté du secteur
bancaire dans l’ensemble des États membres, malgré l’existence de différences dans le
fonctionnement technique des régimes. En même temps, le principe de non-discrimination n’a
pas dans ce cas de caractère automatique, comme il ne s’agit pas du tout d’ouvrir l’accès au
régime à toutes les institutions du secteur sans opérer aucune distinction entre elles. Le critère
purement sectoriel ouvrant l’accès aux aides à l’ensemble du secteur bancaire pourrait même
s’avérer dangereux, en ouvrant l’accès au régime aux institutions saines et celles en difficulté,
ce qui aurait donné un avantage aux institutions moins performantes, créant une distorsion
indue de la concurrence200. L’exigence matérielle de non-discrimination est d’ailleurs assortie
d’une exigence procédurale de transparence dans l’allocation d’aides, des exceptions devant
être motivées par des considérations d’intérêt général.
L’exigence d’égalité de traitement concerne ensuite le traitement d’entreprises de
différents secteurs de l’économie. Si une distinction peut être opérée entre les institutions
financières et l’ensemble d’entreprises industrielles et commerciales, aucune distinction
ultérieure ne devrait être opérée au sein de cette dernière catégorie. En appréciant la nature
juridique de l’engagement pris par les institutions financières bénéficiaires du financement
public et comportant une clause de renforcement de financement de l’économie réelle, la
Commission retient « qu’il n’y a pas de traitement différencié des différents secteurs de
l’économie faisant l’objet de cet engagement » et que c’est « un engagement concernant
l’évolution de l’encours total et non pas à un quelconque indicateur sectoriel » qui est
exigé201. Notons que cette exigence de traitement égal est plutôt motivée par le souci politique
une activité importante dans le pays, le critère d’origine nationale étant remplacé par celui de l’importance
systémique de l’institution, v. Credit Institutions Financial Support Act, paragraphe 3 (16).
200 Un exemple d’un bon mécanisme de choix de bénéficiaire prévu par un régime national est le régime
autrichien mis en place par la loi IBSG qui retient des critères d’éligibilité suivants : la solvabilité de
l’institution, le montant de son bilan et son importance systémique. La Commission estime que ces critères
permettent d’éviter des discriminations cachées.
201 Point 67 de la décision de la Commission du 30 octobre 2008 dans l’aff. N548/08. Cette exigence de
73
d’une homogénéisation de l’effort de lutte contre la crise que par des considérations de
libertés fondamentales, surtout au vu de la présence d’exception faite au profit du secteur
bancaire.
traitement égal poursuit l’objectif d’élaborer une nouvelle approche horizontale et non sectorielle de traitement
d’aides publiques. Cet objectif est visé par le Plan d’action dans le secteur des aides publiques du 2005.
202 Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement
dans le contexte de la crise économique et financière actuelle du 17 février 2008, JO C16 du 22 janvier 2009, pp.
1-9.
74
Chapitre 2. Diversité des solutions au niveau national
57. La nature juridique de la Communauté et l'architecture de ses rapports avec les Etats
membres obligent la Commission à faire attention à laisser une marge de manœuvre suffisante
aux Etats pour qu'ils puissent adopter des mesures qui seront efficaces dans le contexte de leur
économie nationale. Les communications publiées dans le contexte de la crise proposent aux
États le choix entre plusieurs catégories de mesures : est prévue la possibilité pour les Etats
d’octroyer des garanties couvrant les dettes des institutions financières, de procéder aux
recapitalisations ou aux liquidations con trôlées des institutions financières ou d’injecter de la
liquidité en faveur des entreprises bénéficiaires. Pour chaque type de mesure, il existe un
choix pour les Etats membres entre des régimes généraux et des interventions ad hoc. Les
communications prévoient souvent des listes non-exhaustives de mesures envisageables et des
contreparties dont celles-ci peuvent être assorties en permettant aux États de choisir parmi des
possibilités proposées celles qui sont les plus adaptées aux circonstances nationales ou
d’inventer une solution originale, ce qui crée une situation de « concurrence de systèmes et
d’idées »203. Cette liberté d’organisation de régime national (Section 1) doit pourtant respecter
des contraintes du droit national (Section 2).
203 Selon l’expression de M. Christoph ARHOLD, « Crise financière mondiale et le droit européen des
aides d’État », « Globale Finanzkrise und europäisches Beihilfenrecht », EuZW, n 23, 2008, p. 715. M.
ARHOLD loue la capacité de ce système d’encourager l’efficacité et l’innovation de solutions. Or il se pose la
question si le droit communautaire pourra assurer une uniformité minimale de régimes vu la différence de
solutions apportées par les États.
75
France, l’Allemagne et l’Italie, combinent des recapitalisations et des garanties (les garanties
doivent dans la plupart des cas couvrir des prêts bancaires, le plan allemand garantit
également les dépôts bancaires des personnes privées), d’autres, comme l’Autriche ou le
Royaume-Uni, créent d’autres régimes combinant différents types de mesures. La nouvelle
législation allemande prévoit ainsi des outils pour des recapitalisations aussi bien que pour
des garanties204.
204 Les régimes de sauvetage prévus par la loi allemande sont des régimes des garanties (§ 6 de la FMStG),
des recapitalisations (§ 7), l’acquisition d’actifs (§ 8), tous doivent être limités dans le temps.
205 Le plan de relance français est composé d’une série de textes dont la loi n 2008-1061 du 16 octobre 2008
rectificative pour le financement de l’économie, prévoyant la création d’une société de refinancement et d’une
société de prise de participation dans les banques, la loi n 2008-1443 du 30 décembre 2008 des finances
rectificative pour 2008 portant des dispositions fiscales, la loi n 2009-122 du 4 février 2009 relative aux
dépenses de l’État dans le cadre d’investissement, la loi n 2009-179 du 17 février 2009 comportant, parmi
d’autres, des dispositions relatives à la commande publique.
206 Sophie NICINSKI, « Le plan de relance de l’économie », RFDA 2009, p. 273.
207 Sophie NICINSKI, ibid. Surtout, la France fait usage du mécanisme juridique assez ancien, celui de
la planification économique, et fait recours aux instruments déjà assez bien connus et expérimentés. L’adoption
d’un premier plan date de l’après-guerre (notamment de 1947), l’encadrement de la planification par une loi était
76
I, de la loi n° 2008-1061, celui d’une garantie publique octroyée à titre onéreux que peut
accorder le Ministre chargé de l’économie208. Or si l’État poursuit des objectifs d’intervention
économique, il est limité dans ces moyens par la réglementation libérale communautaire.
C’est cette tension entre libéralisme et interventionnisme qui ferait, selon Sophie Nicinski,
l’essentiel de l’État régulateur français.
La France trouve une solution institutionnelle originale par rapport à d’autres pays
européens en créant un ministère spécifique chargé de la mise en œuvre du plan de relance
économique et de son suivi, ou encore en créant un médiateur du crédit. La France crée
également un fonds, la SRAEC, nommé actuellement la SFEF, Société de Financement de
l’Économie française, ayant comme actionnaires l’État et diverses banques, qui obtient la
garantie publique et la réattribue sous forme des prêts aux institutions financières, l’État
n’octroyant pas directement des prêts aux banques209.
achevé avec la loi n 82-653 du 29 juillet 1982. Même si cet instrument n’est pas utilisé de manière tout à fait
classique, comme le plan ne comporte pas d’objectifs à long terme mais se limite aux actions à court terme
imposées par la situation que présente la crise (v. ibid.).
208 Comme le précise dans son art. 1er l’arrêté d’application du 23 octobre 2008, il s’agit d’une
« garantie autonome à première demande inconditionnelle et irrévocable ».
209 En vertu de l’arrêt CJCE, 22 mars 1977, Steinike, « l’article 92 article englobe l’ensemble des aides
accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que l’aide est
accordée directement par l’État ou par des organismes publics et privés qu’il institue ou désigne pour gérer
l’aide ». Des aides du SOFFIN en Allemagne ou de SFEF en France sont donc imputables à l’État et
l’organisation d’un fonds n’a aucune influence sur la qualification de l’aide publique.
210 Malgré l’absence de contestation au niveau juridique, les informations de presse démontrent que cette
disposition législative prévue par la France a fait l’objet d’un débat lors de la négociation par la France et la
Commission du projet de régime. V. à titre d’exemple Jean-Jacques MÉVEL, « Les aides aux banques :
Bruxelles affronte Paris », Le Figaro, 1er décembre 2008.
77
en terme d’obligation une croissance sur le marché, ici le marché de prêt à l’économie
réelle211.
La même solution est d’ailleurs retenue par l’Autriche qui par le décret d’application de
la FinStaG oblige les institutions bénéficiaires d’octroyer le financement obtenu à l’activité de
crédit aux PMEs et aux crédits hypothécaires au profit des ménages, et cela au taux
comparable à celui de marché212. La loi allemande réserve à l’État le droit d’exercer une
influence sur la stratégie commerciale des institutions bénéficiaires.
211 V. l’analyse de cette controverse chez Antoine WINCKLER, François-Charles LAPRÉVOTE, « When
the Watchman Must Take the Wheel – State Aid Control of Financial Institutions and Other Political Imperatives
during the Economic Crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 14. Notons que la Commission a elle-même plus tard,
dans la communication relative aux recapitalisations des établissements de crédit (points 5 et 39 de la
communication), recommandé à d’autres Etats de reprendre dans leur législation la même clause, l’estimant
efficace. Or cette clause ne vaut que pour des banques fondamentalement saines, les banques en difficulté devant
être soumises à une limitation de leur présence sur le marché.
212 V. § 3 du décret d’application de la loi (Ausführungsverordnung).
213 La possibilité de créer des patrimoines d’affectation au niveau fédéral est expressément prévue par la
Loi fondamentale aux articles 110 al. 1, et 115, al. 2. Le patrimoine d’affectation ne fait pas partie du budget, il
est séparé d’autres droits et obligations du Bund et le Bund répond des obligations du fonds. L’établissement qui
gouverne le fonds est soumis au contrôle du Ministère fédéral des finances. Les dépenses seront assumées par le
Bund. Le fonds pourra imposer aux institutions du secteur financier candidates au soutien public la récupération
du financement par un acte d’obligation (Verpflichtungserklärung), un contrat ou un acte administratif
78
société ».
Si certains États, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou l’Irlande, choisissent
encore de charger les banques bénéficiaires du soutien public de l’obligation de contribuer au
coût de la mesure, d’autres, comme le Danemark, préfèrent repartir le coût entre toutes les
institutions du secteur bancaire national214. Dans l’hypothèse des augmentations de capital,
l’État, parfois par l’intermédiaire d’un fonds public, décide si seront émises des actions
simples ou des actions privilégiées. Ainsi, la loi FMStG allemande prévoit dans son
paragraphe 5 les deux possibilités, or dans la pratique des actions simples sont émises dans la
majorité de cas.
Les Etats doivent encore créer des mécanismes préventifs d’expansion agressive des
institutions bénéficiaires en imposant des obligations à leur charge, certaines de ces
obligations étant tout de même suggérées par la Commission, par exemple, l’interdiction de
publicité mentionnant le soutien public, limitation de la hauteur du bilan etc. Tous les États
prévoient des limitations de hauteur de bilan, même si le montant limite peut varier. Certains
prévoient également l’interdiction de publicité ou des restrictions de rémunération des
dirigeants, ou encore d’une limitation de versement des dividendes. La France limite par
décret des rémunérations des dirigeants des entreprises aidées par l’État ou bénéficiant du
soutien de l’État du fait de la crise économique215. La loi française prévoit que chaque
institution financière bénéficiant du soutien public précise dans une convention passée avec
l’État « les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques
conformes à l'intérêt général »216, les engagements pris dans chaque cas dépendant du
contexte individuel de l’institution. La loi du 20 avril 2009 définit des conditions éthiques à la
214 Le Danemark crée un fonds bancaire privé qui est chargé de la fonction de repartir entre les
institutions du secteur bancaire le coût de la contribution privée au montant de la garantie.
215 Décret n 2009-348 du 30 mars 2009 relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des
entreprises aidées par l'Etat ou bénéficiant du soutien de l'Etat du fait de la crise économique et des responsables
des entreprises publiques. Chaque entreprise bénéficiant du soutien de la Société de prise de participations d’État
conclut une convention avec celle-ci. La convention précise les conditions de rémunération des dirigeants de
l’entreprise. Ce mécanisme est de nature strictement temporaire et ne sera pas appliqué au-delà du 31 décembre
2010. En effet, comme l’énonce la Commission dans sa recommandation 2009/384/CE du 30 avril 2009, « les
pratiques inadaptées suivies en matière de rémunération dans le secteur des services financiers ont, de l’avis
général, elles aussi conduit à des prises de risque excessives et contribué de ce fait aux pertes importantes
encourues par de grandes entreprises financières » (JOUE L120, p. 22). L’Allemagne prend en compte cette
expérience en adoptant la loi sur la proportionnalité des rémunérations des dirigeants (Gesetz zur
Angemessenheit der Vorstandsvergütung, VorstAG, du 31 juillet 2009, publié au Bundesgestzblatt du 4 août 209)
imposant par voie législative des limites de rémunération des dirigeants qui s’appliqueront à l’ensemble de
l’économie et non seulement aux bénéficiaires des aides publiques et qui ne sont pas limitées dans le temps.
216 L’art. 6 de la loi n 2008-1061 du 16 octobre 2008. Un engagement collectif est d’ailleurs pris par les
banques françaises le 21 octobre 2008 dans le cadre de la Fédération bancaire française qui comprend « à mettre
en œuvre des principes éthiques de gouvernance, c’est-à-dire notamment l’interdiction des parachutes dorés en
cas d’échec des dirigeants et d’un contrat de travail pour les mandataires sociaux », v. le document sur
http://www.upe13.com/docViewer.aspx?id=3103 (vu le 10 avril 2010).
79
charge des bénéficiaires du refinancement par la SFEF que l’État peut imposer par
convention217.
62. L’usage des instruments juridiques ne tombant pas sous le coup de l’interdiction
des aides publiques: mesures fiscales
La définition communautaire de l’aide publique permet aux États d’adopter des
mesures qui, tout en étant efficaces, ne tomberont pas nécessairement sous le coup de
l’interdiction de principe qui frappe ces aides. Vu qu’une aide d’État telle que définie par le
Traité se destine toujours à un seul bénéficiaire ou à un nombre restreint de bénéficiaires, le
caractère de mesure particulière et non pas générale de l’aide publique telle que définie en
droit communautaire permet d’éviter que la mesure tombe dans le domaine soumis au
contrôle communautaire en tant qu’aide d’État. L’État peut par exemple échapper au contrôle
exercé pat la Commission en adoptant des mesures générales applicables à l’ensemble
d’entreprises nationales de manière non-discriminatoire218. Ainsi, une mesure fiscale ou
sociale applicable à tous les opérateurs du marché, comme la réduction temporaire du taux de
la TVA de 17.5 à 15 % en Grande-Bretagne, ou encore l’allongement des délais de paiement
d’impôts, n’est pas constitutive d’aide d’État219.
63. L’usage des instruments juridiques ne tombant pas sous le coup de l’interdiction
des aides publiques: aides aux consommateurs
Les aides directes au consommateurs et non pas aux entreprises permettent
également à échapper aux contraintes communautaires relatives aux aides d’État. Des plans de
relance comprennent ainsi des aides aux ménages, dont des augmentations de l’allocation
pour le premier enfant, aides aux chômeurs ou aux ménages surendettés. De telles aides, tout
en incitant la consommation et en visant par là l’accélération de la reprise, ne créent pas de
rupture d’égalité entre des entreprises du marché commun et il est considéré qu’elles n’ont
pas d’effet immédiat sur la liberté de concurrence intracommunautaire. Plusieurs États ont
ainsi introduit des programmes de prime à la casse qui ne bénéficient pas directement aux
64. L’usage des instruments ne tombant pas sous le coup de l’interdiction des aides
publiques: la communication politique
Il est la fonction primordiale des États de restaurer la confiance dans leurs économies
nationales, ce qui peut être obtenu par de moyens très variés. Cela est parfois atteint par des
moyens qui n’ont aucune qualification juridique proprement dite. Ainsi, le Président de la
République française, M. Nicolas Sarkozy, proclame qu’il ne sera pas accepté « qu’un seul
déposant perde un seul euro parce qu’un établissement financier se révélerait dans
l’incapacité de faire face à ses engagements »222. Cette déclaration politique devrait impliquer
une garantie illimitée de l’ensemble de dépôts bancaires, or le plafond d’indemnisation par
déposant garanti par le Fonds de garantie de dépôts en France est de 70 000 euros223 et une
garantie illimitée n’existe dans aucun État membre. Une telle garantie, si elle était envisagée
par un État membre, ne serait acceptée par la Commission vu qu’elle n’est pas conforme aux
principes de proportionnalité et nécessité qui sont à la base du contrôle communautaire des
aides publiques. Cet engagement politique n’a donc aucune valeur sur le plan strictement
juridique224, mais il permet à l’État de lutter contre la méfiance des déposants par des moyens
220 Ce principe est fondé sur la jurisprudence de la CJCE Steinike et Weinlig du 22 mars 1977.
221 TPICE, 4 mars 2009, aff. T-424/05, République italienne contre Commission, et aff. T-445/05,
Assoziazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management SpA contre Commission. Les affaires
sont commentées dans l’article de Cristophe GIOLITO, « Décision d’incompatibilité: le TPICE se prononce sur
le régime italien en faveur de certains OPCVM et confirme que le bénéficiaire indirect d’une aide peut être tenu
de rembourser l’aide », Concurrences, n 2, 2009, pp. 158-160.
222 Bruno JEUDY, « Nicolas Sarkozy veut ‘refonder le capitalisme’ », Le Figaro, 26 septembre 2008. Le
Premier Ministre, M. François Fillon, a parlé d’une « garantie absolue de l’État sur le système bancaire
français ».
223 Montant fixé par l’article 5 du règlement 99/05 du Comité de la Réglementation bancaire et
financière du 9 juillet 1999 pour des dépôts espèces.
224 En droit français, la jurisprudence énonce clairement que des promesses politiques ne font pas naître
81
de communication politique.
d’obligations juridiques mais ont la simple valeur d’engagement moral, CA Paris, 1re ch. A. 18 octobre 1994,
Belhomme c/Parti socialiste et autres, note Jacques MESTRE, « Les promesses politiques ne font pas naître
d’obligations civiles », RTD Civ 1995, p. 351.
225 V. la décision BVerfG, 26 mars 2009.
226 En vertu du §3, alinéa 5, phrase 4 FMStBG, l’augmentation en capital est inscrite au registre de commerce
sans que cette inscription puisse être contrôlée par le juge. Les règles procédurales normales ne s’appliquent pas
: un actionnaire ne peut pas contester des décisions du conseil d’administration ni du conseil de surveillance,
cette voie de recours, garantie par les §§ 245 et 249 de l’Aktiengesetz, est donc fermée.
227 La loi contestée dispose dans son § 10, al. 2, que « Le gouvernement fédéral pourra par une disposition qui
ne nécessite pas d’accord du Bundestag préciser des obligations des institutions aidées concernant la politique
des institutions, la politique de l’octroi des crédits, surtout aux PME, la continuité du modèle commercial,
l'utilisation de l’aide reçue, [...] le versement des dividendes, [...] des mesures permettant d’éviter d'éventuelles
distorsions de concurrence». Les restrictions applicables à chaque cas d’espèce sont stipulées par une
convention.
82
privés de leur droit préférentiel de souscription. Il convient d’observer que cette limitation des
droits n’est pas visée expressément par la loi FMStG. Il serait imaginable d’apporter des
limitations au droits fondamentaux protégés par la Loi fondamentale dans les circonstances de
crise financière, mais l’article 19, al. 1, 2ème phrase, de la Loi fondamentale exige que la loi
limitant une liberté fondamentale énonce explicitement le droit fondamental qu’elle limite, ce
qui n’est pas le cas en l’espèce.
Le Tribunal constitutionnel ne rend pas de décision sur le fond de la requête. Le juge
relève le principe de subsidiarité des requêtes constitutionnelles, le requérant n’ayant pas
préalablement épuisé les voies de recours ouvertes. Selon le raisonnement adopté par le
Bundesverfassungsgericht, la seule absence de jurisprudence en matière des augmentations en
capital sur le fondement de la loi contestée ne suffit pas pour confirmer l’absence de voies de
recours228. Le Tribunal constitutionnel dispose d’ailleurs du pouvoir de prendre des décisions
avant l’épuisement préalable des voies de recours portant sur la conformité de la loi contestée
à la Loi fondamentale in abstracto et non en application aux circonstances d’espèce, mais le
Tribunal n’a pas voulu faire usage de ce droit229.
Il convient de noter que des restrictions de versement des dividendes contestées sont
expressément prévues par la Commission dans sa communication sur la recapitalisation du 5
décembre 2008. Or, il n’est pas clair si, vu la constellation du droit national, l’État allemand
pouvait mettre en œuvre une telle restriction prévue au niveau communautaire. Les droits des
actionnaires sont d’ailleurs protégés non seulement au niveau national mais aussi au niveau
communautaire, notamment par la directive du Conseil du 13 décembre 1976230, qui dispose
228 Selon ce raisonnement, même si une voie de recours est susceptible de s’avérer inutile, le requérant
doit essayer d’en faire usage pour obtenir un contrôle incident de la norme contestée devant le
Verfassungsgericht. Étant donné que l’augmentation en capital devient incontestable après l’enregistrement au
registre du commerce, un recours préventif de l’augmentation du capital (vorbeugende Unterlassungsklage)
contre l’institution acceptant l’aide dans le cadre d’une procédure accélérée est envisageable.
229 La loi sur le fonctionnement du Tribunal constitutionnel, § 90 al. 2, deuxième phrase, dispose que « le
Tribunal constitutionnel peut statuer sur une requête introduite avant l’épuisement préalable des voies de
recours si la requête est d’importance générale ou si le requérant est susceptible de subir un dommage grave et
inévitable s’il devra épuiser préalablement des voies inférieures de recours ». En l’espèce, le Tribunal reconnait
le caractère général de la requête, mais juge qu’«une clarification préalable des circonstances juridiques
d’espèce est nécessaire pour l’interprétation et l’application des normes en question à la lumière de l’article 14
al. 1 de la Loi fondamentale ainsi que du droit communautaire par les tribunaux compétents». Le Tribunal relève
que la décision concerne en premier chef les intérêts pécuniaires du requérant auxquels ne peut pas être accordée
une importance particulière, surtout vu que le requérant pourra bénéficier en tant qu’actionnaire du profit apporté
par l’intervention publique. Ce raisonnement est critiquable, vu qu’il n’existe pas de garanties que la
participation du fonds ne va pas faire diminuer la valeur de la participation des actionnaires.
230 Directive du Conseil 77/91/CEE du 13 décembre 1976 tendant à coordonner pour les rendre
équivalentes les garanties qui sont exigées dans les États membres des sociétés au sens de l'article 58 deuxième
alinéa du traité, en vue de la protection des intérêts tant des associés que des tiers, en ce qui concerne la
constitution de la société anonyme ainsi que le maintien et les modifications de son capital, JO L 26 du 31
janvier 1977, p. 1-13.
83
dans son article 25 que « toute augmentation du capital doit être décidée par l’assemblée
générale », disposition qui est en l’espèce méconnue par la loi allemande. L’article 29 de la
directive interdit d’ailleurs l’exclusion par principe du droit préférentiel de souscription des
actionnaires231, la directive ne prévoyant pas d’exceptions applicables aux situations de crise
ou aux entreprises en difficulté.
67. Le légalité des mesures concernant l’institution financière adoptées sans l’accord de
ses actionnaires (CA Bruxelles, 18ème chambre, 12 décembre 2008)
L’affaire engagée par les actionnaires de la banque belge Fortis à l’encontre de la
Société Fédérale de Participations et d’Investissement (SFPI)232 et examinée par la Cour
d’appel de Bruxelles présente un intérêt en ce qui concerne l’exigence de respect de légalité
par des mesures nationales individuelles prises dans le cadre d’un mécanisme d’octroi d’une
aide publique. Les États belge, néerlandais et luxembourgeois ont élaboré un plan de
sauvetage de la banque Fortis, ayant pour étape conclusive l’acquisition de 75% de Fortis
Banque à BNP Paribas. La Commission reconnaît dans sa décision du 3 décembre 2008 que le
plan contient des éléments d’aide d’État mais reconnaît le plan compatible avec le marché
commun. Or des actionnaires saisissent le juge d’une demande visant la suspension des
conclusions du conseil d’administration de la banque visant la cession des actifs de la banque
à BNP Paribas, sans consultation préalable de l’assemblée générale des actionnaires. Les
demandeurs invoquent une violation des dispositions du Code des Sociétés relatives aux
pouvoirs des conseils d’administration233. Le juge retient l’argument des demandeurs tiré de la
violation des statuts de la banque234 pour suspendre les décisions du conseil d’administration
et ordonner la convocation d’une assemblée générale extraordinaire235. Notons que cette
décision de suspension, susceptible d’empêcher un sauvetage rapide de Fortis, est rendue
presque simultanément avec la décision de la Commission du 3 décembre 2008 où la
Commission autorise le plan belge236 et constate « l’urgence de trouver un repreneur pour
Fortis ».
231 « Le droit préférentiel ne peut être limité, ni supprimé par les statuts ou l'acte constitutif. Il peut l'être
toutefois par décision de l'assemblée générale », art. 29, al. 4 de la directive.
232 Société agissant en son nom mais pour le compte de l’État belge, acquéreur d’une participation dans
le capital de Fortis puis revendue à BNP Paribas.
233 Art. 522 et 524 du Code des Sociétés.
234 Les statuts prévoient notamment que les décisions de transfert d’une partie importante de la banque
sont soumises à l’approbation des assemblées générales.
235 L’opération est finalement conclue par un vote de l’assemblée générale des actionnaires du 28 avril
2009.
236 Malgré le fait qu’il s’agit d’une aide illégale.
84
PARTIE 2. LE RÔLE DE LA RÈGLE COMMUNAUTAIRE EN
MATIÈRE D’AIDES D’ÉTAT DANS LA LUTTE CONTRE LA
CRISE
68. Il est la fonction première et primordiale du contrôle communautaire des aides
publiques d’assurer une plus grande homogénéité de l’effort de lutte des États européens
contre la crise économique et financière. Le rétablissement des économies nationales,
organisé de manière unifiée, doit permettre le rétablissement de l’économie communautaire.
Cet effet d'homogénéisation est assuré, à court et moyen terme, par le respect des règles de
procédure uniformes sur l’ensemble du marché commun. En dehors des questions purement
procédurales, se dresse le problème important de l’effectivité réelle du droit communautaire
face aux interventions économiques des États membres (Titre 1). Or le contrôle des aides
d’État vise également des objectifs à long terme. Il veut assurer l’innovation et le
dévéloppement durable et établir une meilleure structure concurrentielle du marché commun.
Il est aussi guidé par la volonté de protéger l’économie communautaire contre des crises
futures (Titre 2).
Titre 1. Le maintien et des réaménagements de la procédure de
contrôle des aides publiques par la Commission
69. Selon la formule célèbre de la Théologie politique de Carl Schmitt, « est souverain
celui qui décide de la situation exceptionnelle »237. Des situations de crise, loin d’être de
simples exceptions, sont capables de livrer des éléments précieux pour l’analyse de la nature
même des institutions et des systèmes juridiques. Une situation de crise économique et
financière est ainsi susceptible de mettre en lumière des rapports de force encore peu
remarqués ou peu analysés en remettant en question la répartition des compétences entre
l’Union et les États en matière économique. Nous avons observé que la dérogation dans
l’application des règles relatives aux aides d’État est admise au niveau communautaire. Or ce
constat à lui seul ne permet pas d’identifier de manière définitive l’autorité de laquelle émane
la prise réelle des décisions dans le contexte de crise. L’identification du détenteur de la
souveraineté exige d’étudier le fonctionnement des mécanismes de prise des décisions dans le
domaine du contrôle des aides d’État dans la crise. Deux constats s’imposent : d’abord, en
prenant en compte des circonstances d’urgence du moment, la Commission introduit certaines
modifications dans le fonctionnement procédural de son contrôle (Chapitre 1). Ensuite,
certains réaménagements surgissent dans le mécanisme de coopération entre la Commission et
les États membres (Chapitre 2).
238 Le cas de Fortis est pourtant assez ambivalent et peut être analysé de façon différente. En effet,
l’action concertée des États se résume à organiser des reprises de parties du groupe transnational Fortis group
par les différents États ou celui-ci est présent. Le Danemark reprend ainsi la banque ABN Amro, partie du Fortis
group, et la Belgique nationalise Fortis. Le sauvetage est purement national et ne vise que des actifs se trouvant
sur le territoire national, ce qui enlève à la banque une partie de sa présence internationale. Il est même soutenu
que le nombre de cas de sauvetages dépassant le cadre national est trop bas face au nombre élevé des banque
internationales européennes. V. Antoine WINCKLER, François-Charles LAPRÉVOTE, « When the Watchman
Must Take the Wheel – State Aid Control of Financial Institutions and Other Political Imperatives during the
Economic Crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 15. Il est également avancé que c’est «l’absence de mécanisme
européen de sauvetage des entreprises financiers » qui a conduit à cette action interétatique, v. Elie COHEN,
« Risque systémique et droit de la concurrence », Concurrences, 2009, n 1, p. 1.
88
coopération visant à promouvoir la coopération entre les autorités de supervision financières
nationales, des Banques Centrales et des Ministères de Finances dans l’hypothèse d’une crise
financière239. L’apport principal de ces accords, dont les parties signataires sont les Banques
Centrales, les Autorités de surveillance financière, les Ministères des Finances des États
membres aussi bien que d’autres Ministères des États membres en fonction de leurs
compétences nationales, est la création de principes communs de gestion de crises
transfrontalières. Cela inclut par exemple l’échange de documentation et d’informations entre
ces institutions. En ce qui concerne l’octroi des aides publiques, ce document prévoit que,
dans le cas où une crise de solvabilité affecte un groupement financier transfrontalier en
créant un danger de contagion systémique qui exigerait l’octroi d’aides publiques le Ministère
financier du pays d’origine240 propose dans les meilleurs délais des solutions portant octroi
d’aides publiques, y compris des solutions sur le partage des coûts équitable entre des États
impliqués. Il est donc à la charge des Ministères de Finances d’estimer le montant nécessaire
et d’initier la prise de décisions au niveau international en coopération avec des Ministères
des Finances d’autres États impliqués, et en coopération aussi avec des Autorités de
supervision et des Banques Centrales impliquées, en partageant des coûts entre les États de
manière équitable et équilibrée. C’est le Ministère de finances du pays d’origine qui soumet le
plan ainsi élaboré à la Commission. Même si ce texte ne crée pas d’engagement
juridiquement contraignant pour ses signataires, il témoigne d’une volonté de coopération qui
serait dans l’intérêt commun des États.
239 L’accord sur la coopération entre les autorités de supervision financière, les banques centrales et les
ministères des finances de l'Union européenne en matière de stabilité financière, Memorandum of Understanding
on Cooperation between the Financial Supervisory Authorities, Central Banks and Financial Ministries of the
European Union on Cross-Border Financial Stability, 1 juin 2008, ECOFIN/CEFCPE(2008)REP53106,
document disponible en anglais sur http://www.fsa.gov.uk/pubs/mou/cross_border.pdf (vu le 10 avril 2010). Ce
dernier accord est un prolongement d’un accord précédent datant de 2005. L’idée de la nécessité d’une action
transnationale cohérente est fondamentale pour les économistes : dans une période de crise, « pour une économie
extravertie, le salut ne peut venir que de l’extérieur », v. Gilles DUFRÉNOT, Alain SAND-ZANTMAN, Après
la crise? Les politiques économiques dans le monde, Economica, Paris, p. 48.
240 Du pays où ce trouve l’autorité de supervision chargée de la supervision consolidée du groupe
transfrontalier conformément à la législation communautaire en vigueur.
89
concertée sont donc adoptés par le Conseil Ecofin le 7 octobre 2008241. Ces principes sont les
suivants :
« – les interventions doivent être réalisées en temps opportun et le soutien apporté doit, en
principe, être temporaire;
nous serons attentifs aux intérêts des contribuables;
les actionnaires existants devraient supporter les conséquences normales des interventions;
les gouvernements devraient être en mesure d'apporter un changement dans la gestion;
les membres de la direction ne devraient pas conserver d'avantages excessifs – les
gouvernements peuvent avoir notamment la possibilité d'intervenir en ce qui concerne les
rémunérations;
les intérêts légitimes des concurrents doivent être protégés, en particulier au moyen des règles
régissant les aides d'État;
les effets de propagation négatifs doivent être évités ».
La Commission s’engage à l’égard du Conseil Ecofin d’assurer un traitement rapide de
demandes et de publier dans les plus brefs délais des orientations sur l’application plus
flexible des règles en matière d’aides d’État dans la crise financière242. Nous rappellerons ici
que cet engagement est réalisé par la publication de la communication du 13 octobre 2008.
Department of Justice Mme Christine Varney devant la chambre de commerce des États-Unis le 12 mai 2009,
Vigourous Antitrust Enforcement in This Challenging Era – Remarks as Prepared for the United States Chamber
of Commerce by Assistant Attorney General Christine A. Varney.
247 Nous citions ici ce texte dans son intégralité : « Sur demande d'un État membre, le Conseil, statuant à
l'unanimité, peut décider qu'une aide, instituée ou à instituer par cet État, doit être considérée comme
compatible avec le marché commun, en dérogation des dispositions de l'article 87 ou des règlements prévus à
l'article 89, si des circonstances exceptionnelles justifient une telle décision. Si, à l'égard de cette aide, la
Commission a ouvert la procédure prévue au présent paragraphe, premier alinéa, la demande de l'État intéressé
adressée au Conseil aura pour effet de suspendre ladite procédure jusqu'à la prise de position du Conseil ». La
procédure peut également être initiée avant l’ouverture de la procédure devant la Commission. Le Conseil n’est
pourtant pas compétent pour réexaminer une mesure déjà examinée par la Commission. V. une analyse de cette
provision du Traité dans l’ouvrage de Jean-Yves CHÉROT, op. cit., p. 224 et s.
248 M. Conor QUIGLEY, op. cit., considère que « le Conseil pouvant en principe faire usage de ses
droits selon l’art. 88 (2) vu la présence de circonstances exceptionnelles issues de la crise, la Commission a vite
confirmé sa crédibilité et sa légitimité en approuvant une série de mesures sur un fondement juridique primaire
presque jamais utilisé, celui de l’art. 87(3) (b) ». Il est vrai que la procédure prévue devant le Conseil est quand
même assez lourde, le Conseil devant statuer à l’unanimité, cette exigence étant d’ailleurs maintenue dans le
TFUE, art. 108 (2).
92
Section 2. L’accélération des délais de traitement des mesures notifiées
76. Dans une situation de crise économique et financière, « il est l’objectif de la
Commission de démontrer que, contrairement à ce que peuvent prétendre certains États
membres, le cadre normatif actuel est suffisamment flexible pour prendre en compte des
circonstances exceptionnelles et spécifiques au chaque État », ce qui implique d’abord
l’aptitude d’assurer la rapidité de prise de décisions249. Le mode de fonctionnement des
institutions communautaires s'est modifié dans la crise, surtout en ce qui concerne les délais
dans lesquels la Commission analyse les dossiers et donne son appréciation.
L’assouplissement des règles de procédure précède en effet celui des exigences de fond. Avant
de reconnaître la présence de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 87 (3) (b), la
Commission accélère la procédure de traitement des demandes, réduite à dix jours dans
l’affaire de Roskilde Bank (décision au 31 juillet 2008 après notification au 21 juillet 2008).
Dans un communiqué de presse du 13 octobre 2008, la Commission s'engage à « garantir
l'adoption rapide des décisions dès réception d'une notification complète, si nécessaire dans
les vingt-quatre heures ou au cours d'un weekend »250. La Commissaire chargée de la
concurrence Neelie Kroes annonce le 8 décembre 2008 que la Commission avait pris plus de
vingt décisions avec une durée moyenne de procédure de moins d'une semaine.
249 V. Damien GÉRARD, « Competition Law enforcement at grips with the financial crisis »,
Concurrences, n 1, 2009, p. 47. L’exigence de rapidité concerne également la communication officielle de la
Commission. La Commission doit faire preuve d’une grande réactivité dans la publication des communications
ou encore d’ informations concernant des décisions adoptées avant leur publication au JO. Cette rapidité doit
garantir aux institutions concernées une plus grande sécurité juridique, y compris en contribuant à éviter une
panique bancaire.
250 V. le Tableau de bord des aides d’État 2009 pour une liste des mesures pratiques adoptées pour
parvenir à cet objectif.
251 V. les articles 1 et 4 du règlement intérieur de la Commission, modifié par la décision de la
Commission du 15 novembre 2005, JO L347 du 30.12.2005, p. 87.
93
d’urgence252. Une telle habilitation, si elle est prise par le Collège des Commissaires, est
prévue par le règlement intérieur de la Commission253, mais elle est de caractère exceptionnel.
Ce pouvoir exceptionnel, de caractère strictement temporaire, doit permettre une plus grande
réactivité de la Commission face aux circonstances de crise.
Cette habilitation, valide pour trois mois, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2008,
permet à la Commissaire de prendre avec l’accord du Président de la Commission et des
Commissaires des Affaires Monétaires et Economiques et du Marché Intérieur des mesures
d’urgence, si nécessaire, dans un délai d’un weekend ou de quelques heures. Ces mesures
d’urgence comprennent, premièrement, les décisions que la mesure ne constitue pas d’aide au
sens de l’article 4 (2) du règlement du Conseil 659/99 du 22 mars 1999254, deuxièmement, les
décisions de ne pas soulever d’objections au sens de l’article 4 (3) du règlement 659/99 et
finalement, les décisions de ne pas soulever d’objections contre une aide non notifiée suivant
les articles 13 (1) et 4 (3) du règlement 659/99. Il a pris 24 heures pour approuver le plan de
sauvetage de la banque britannique Bradford et Bingley, quelques jours pour les deux banques
Northern Rock et HRE, 20 autres mesures ayant été approuvées au cours de huit semaines255.
L’habilitation n’est quand même pas universelle et elle est considérée comme une mesure
d’exception même au cours de sa période de validité. Elle s’applique seulement aux
institutions financières nécessitant un sauvetage urgent et non pas à l’ensemble de demandes
qu’aurait à traiter la DG Concurrence. Pour chaque intervention, il doit exister une situation
d’urgence attestée notamment par une lettre motivée du dirigeant de la Banque Centrale de
l’Etat membre qui notifie la mesure. Dans chaque cas particulier, une approbation préalable
au Service Légal de la Commission, à la DG ECFIN et à la DG Markt est nécessaire et a pour
vocation de garantir la sécurité légale. Pourtant, l’habilitation est valide pour tous les types
d’interventions du point de vue économique, qu’il s’agisse de recapitalisations, de garanties
ou de liquidations contrôlées. La Commissaire est habilitée à prendre des décisions sur le
fondement de l’article 87 (3) (b) et (c). Enfin, cette habilitation ne peut pas être subdéléguée.
252 Procès-verbal de la 1845ième réunion de la Commission, 1 oct. 2008, PV(2008), paragraphe 10.4.
Habilitation temporaire, SEC(2008) 2575/2. Version en anglais disponible sous
http://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/2/2008/EN/2-2008-2575-EN-2-0.Pdf (vu le 10 avril 2010).
253 Ibid., art. 13.
254 JO du 27.3.1999 L83, p. 1-9, modifié par la décision de la Commission du 15 novembre 2005, JO
L347 du 30.12.2005, p. 87. Ce réglement codifie des règles de procédure issues de la pratique.
255 V. pour une analyse plus détaillée Damien GERARD, «Le droit communautaire de la concurrence
face à la crise financière : souplesse dans les moyens, cohérence dans l’application des principes» « EC
competition law enforcement at grips with the financial crisis : Flexibility on the means, consistency in the
principles », Concurrences, n 1, 2009, Doctrines, pp. 4662.
94
78. L’absence de procédure exceptionnelle spéciale
La Commission n’instaure pourtant pas de procédure spéciale de contrôle adaptée
aux conditions exceptionnelles de la crise et se borne à assurer un traitement rapide des
demandes256. Au stade d’examen d’aide nouvelle, aucune distinction de procédure n’est
opérée entre des mesures générales des États membres et des aides individuelles. La
Commission renonce dans la plupart des cas à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen
des aides, une telle procédure étant considérée incompatible avec l’exigence de rapidité.
Concrètement, la Commission reconnaît que l’ouverture de la procédure longue d’examen
peut priver non seulement le bénéficiaire mais aussi ses partenaires ou d'éventuels acheteurs
de l’institution bénéficiaire de la sécurité juridique tellement nécessaire. Les procédures
formelles d’examen ne sont ouvertes que pour des institutions en difficulté, lorsque le
montant de l’aide est très élevé257. Dans les cas où une telle procédure s’est avérée
indispensable, elle n’a pas suspendu la mise en œuvre de mesures d’urgence258.
256 Cette situation, sans doute liée à la situation d’urgence dans laquelle doit agir la Commission, est
critiquée par la doctrine. Ainsi, Jacques DERENNE remarque que la Commission aurait dû insister sur
l’obligation de notification préalable qui a été violée par certains États membres quand ils ont décidé du
sauvetage des économies nationales. La Commission aurait également pu adapter sa procédure aux spécificités
que présente le secteur bancaire. V. Concurrences, Chroniques Aides d’État, n 4 2008, p. 107.
257 Tel est au moins le résumé fait par Marianne DONY, « Le contrôle communautaire des aides d’État
face à la crise financière», Journal de droit européen, 2009, p. 209. L’ouverture d’une procédure formelle
d’examen a eu lieu dans les affaires Hypo Real Estate, Dexia, Fortis, la banque régionale Bayern LB.
258 Notamment dans les cas d’ING et de Dexia.
95
Chapitre 2. Les réaménagements du mécanisme de coopération entre la
Commission et les États
259 CJCE, 22 mars 1977, Steinike et Weinlig. Il convient pourtant de préciser que le réglement de
procédure 659/1999 du Conseil opère une distinction entre les aides existantes qui sont contrôlées à l’initiative
de la Commission et les aides nouvelles qui sont notifiées par les États et dont font partie des modifications des
aides existantes. Les aides que nous aborderons dans la suite du développement constituent des aides nouvelles.
260 V. Jean-Yves CHEROT, op. cit., p. 176.
261 CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64, Rec. 1141 ; 22 mars 1977, Ianelli e Volpi, aff. 74/76, Rec. 557,
point 12. Cette solution est confirmée par la jurisprudence administrative française, CE, Sect., 3 novembre 1997,
Commune de Fougerolles, Rec. Lebon p. 391, concl. Laurent TOUVET, RFDA, 1998, p. 12.
262 V. Marianne DONY et autres, Contrôle des aides d'Etat, Université de Bruxelles, Bruxelles, 3ème
éd., 2007, p. 11. Cette structure d’organisation a d’ailleurs été très débattue lors de la préparation du Traité CEE.
Cette solution s’explique par « la crainte que les gouvernements ne se fassent réciproquement des concessions,
que ce soit pour maintenir ou pour introduire des subventions, si ce pouvoir de décision était laissé au Conseil
plutôt qu’à la Commission» (v. Hanns Jürgen KÜSTERS, Fondements de la Communauté Économique
Européenne, Éditions Labor, Bruxelles, 1990, p. 248). En effet, le pouvoir exclusif de décision et non de
proposition ou d’initiative qui est attribué à la Commission témoigne du caractère assez original de la solution
retenue par les créateurs du Traité, mais répondant à l’originalité du problème.
96
Section 1. La procédure de notification. L’absence de contestation des aides non-notifiées
80. L’État notifie la mesure envisagée et rapporte des éléments susceptibles de conduire
la Commission à la conclusion de compatibilité de la mesure en question avec le marché
commun263. Le cadre temporaire en faveur de l’économie réelle prévoit depuis le 25 février
2009 dans son point 4.1 que les États sont tenus de « démontrer que les aides d’État notifiées
à la Commission au titre du présent cadre sont nécessaires, appropriées et proportionnées
pour remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre et que toutes les
conditions sont pleinement respectées »264.
263 V. pour un exposé complet des règles de procédure JurisClasseur Concurrence-Consommation, 2003,
fasc. 680, Aides d’État – Procédure de contrôle, n 1-86.
264 V. la Communication de la Commission modifiant le cadre communautaire temporaire pour les aides
d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière
actuelle du 25 février 2009.
265 En commentant cette situation de versement illégal d’aides, Jacques DERENNE remarque qu’elle
n’est pas du tout nouvelle ni originale et que « en général les aides au sauvetage ne sont pas particulièrement
‘légales’ au regard de l’article 88, paragraphe 3, CE », mais que la crise exacerbe cet état de fait, v. le
commentaire de la communication du 13 octobre 2008, Jacques DERENNE, Cristophe GIOLITO, Chronique
Aides d’État, Concurrences n 4 2008, p. 106.
97
reçoit une notification formelle après la mise en œuvre d’une série de mesures qui
comprennent la nationalisation de la banque, la mise en liquidation contrôlée de ses activités
non-viables accompagnée d’une aide à la liquidation et la vente de ses activités viables à un
compétiteur. La Commission rend son décision d’approbation de cette aide non-notifiée dans
une nuit, au lendemain de la notification. Les circonstances de fait sont telles que dans
plusieurs cas la suspension de l'exécution de l’aide dans l’attente de la décision de la
Commission constitue tout simplement une formalité impossible, comme dans l’affaire de
Bradford & Bingley ou dans celle de Fortis : il est manifeste que « Fortis risquait la faillite
sans intervention immédiate de l'Etat, avant les 29 septembre 2008 et 6 octobre 2008 à 9
heures respectivement »266. Or cette impossibilité n’est pas constatée juridiquement dans les
décisions rendues par la Commission, celle-ci préfère plutôt faire usage de son pouvoir
d’appréciation. En effet, le réglement de procédure n° 659/1999 indique que la sanction de la
simple illégalité et non pas de l’incompatibilité de l’aide est un pouvoir discrétionnaire et non
pas une compétence liée de la Commission267.
269 Gazzeta Ufficiale n 240 du 13 octobre 2008. En vertu de l’article 3 de la loi, le texte entre en vigueur
le jour même de sa publication.
270 Cette autorisation est d’autant plus contestable que le texte ne respecte pas les conditions de fond
posées par la communication communautaire du 13 octobre 2008, en prévoyant la possibilité d’accorder des
garanties pour une période de cinq ans au lieu de deux ans prévus par la Commission.
271 CJCE, 22 mars 1977, Steinike & Weinlig contre la Republique Fédérale d’Allemagne. Ce sont les
objectifs spécifiques au droit de la concurrence – une meilleure protection du consommateur (présent en droit
communautaire à travers l’art. 153 TCE), une meilleure efficacité économique, le progrès dans le développement
des produits et des services – qui en font un droit économique exigeant une approche économique fine. En effet,
même des objectifs assez généraux du droit de la politique de la concurrence se traduisent en des critères
économiques concrets. Le « bien-être du consommateur » consiste ainsi dans le gain que le consommateur retire
de l’échange économique auquel il participe (par exemple, en achetant un bien de la même qualité à un prix
inférieur au celui de la concurrence ou un bien de qualité supérieure au même prix). L’objectif d’une « approche
économique » mieux organisée exige nécessairement que la Commission prenne en compte certains aspects
d’analyse économique du droit, comme le droit communautaire veut par l’intermédiaire du droit parvenir à un
objectif économique assez précis, à savoir un marché concurrentiel où le consommateur bénéficie de la
concurrence entre les agents économiques, où les entreprises les moins compétitives doivent sortir du marché et
où la concurrence contribue au progrès général. Il arrive même que le TPICE sanctionne des décisions de la
Commission en matière de la concurrence pour défaut d’analyse économique, v. dans le domaine des
concentrations TPICE, AirTour c/Commission, 6 juin 2002 ou encore TPICE, Tertra Laval c/Commission, 25
octobre 2002, où le TPICE considère que la Commission ne rapporte pas de preuve suffisante des effets néfastes
99
d’une grande technicité, ne saurait être confiée au juge national. Les dernières années, la
Commission réforme aussi le droit des aides d’État pour assurer une analyse économique plus
rigoureuse des projets qui lui sont soumis. Or l’article 88 (3) Traité CE, qui dispose qu’une
aide ne peut pas être exécutée avant que la procédure d’examen devant la Commission
n’aboutisse à un résultat, est considéré d’effet direct et confère aux particuliers le droit de
demander au juge national une suspension de versement de l’aide octroyée en violation de
cette disposition du Traité272. Le juge national est compétent pour protéger les droits subjectifs
des tiers intéressés, par exemple, en ordonnant des mesures provisoires nécessaires dans
l’hypothèse de l’octroi par l’État d’une aide publique illégale.
Les demandeurs dans une affaire devant la CA Bruxelles, actionnaires de la banque
transnationale Fortis, ont fait usage de ce droit en sollicitant la suspension des résolutions du
Conseil d’administration de la banque approuvant la mise en œuvre des mesures de
restructuration de la banque. Les demandeurs invoquent à l’appui de leur demande une
violation des règles de contrôle de la compatibilité des aides accordées par les États avec le
droit communautaire. Les demandeurs relèvent que l’exécution de la mesure a eu lieu sans
attendre la décision de la Commission. Le moyen est rejeté sur le fondement que « dans la
mesure où les opérations litigieuses sont entièrement exécutées, il n’est plus possible d’en
ordonner la suspension »273. Notons pourtant que si l’aide illégale est déjà versée, le juge
national a en principe le pouvoir d’en ordonner la récupération jusqu’au moment où la
Commission rend sa décision, hypothèse qui n’est pas étudiée par le juge national en
l’espèce274.
concurrence non-faussée et du principe de non-discrimination (l’Etat renonce implicitement à opérer un tri sur
d’autres critères que ceux évoqués ci-dessus).
278 La procédure n’étant pas officielle, il n’existe pas de documents accessibles au public relatifs à cette
affaire et nous ne pouvons pas tirer nos informations que des sources de presse. Ce déroulement de l’affaire est
sans doute lié aux négociations des autorités britanniques avec la Commission.
279 V. Fortis, C(2008)8085 du 3 décembre 2008 et Dexia, C(2008) 7388 du 19 novembre 2008.
280 Rapport Marini du Sénat n 23 sur la loi n 2008-1061 de finances rectificative pour le financement de
l’économie.
281 Sophie NICINSKI, préc.
282 Il arrive en effet que la Commission assortit son consentement de réserves que l’État est obligé de
respecter dans la mise en œuvre d’aides individuelles mais qu’il n’est pas obligé d’intégrer dans son droit
national. Ces réserves sont des obligations de l’État envers la Commission et non pas envers ses nationaux.
102
risque que tout établissement de crédit rencontrant de sérieuses difficultés postérieurement à
l’octroi de la mesure ne puisse continuer de bénéficier de ce régime »283. Après l’adoption de
la décision d’approbation par la Commission, les communications ne peuvent être utilisées
que comme une aide complémentaire à l’interprétation.
La Commission permet aux Etats de subdéléguer certaines décisions pourtant
importantes à un niveau infra-législatif. La loi autrichienne prévoit ainsi que le Ministre de
finances ordonnera par décret des mesures concrètes préventives des distorsions de
concurrence dans chaque cas d’espèce284. De la même manière, dans la loi irlandaise, le
Ministre de finances détermine le type de mesure approprié aussi bien que sa forme juridique,
sous condition de l’accord du Parlement national285. Le Ministre peut réguler le
comportement commercial de l’institution ou de son subsidiaire, mais sa décision ne sera
contrôlée que par le Parlement national et non pas par des autorités communautaires. La
Commission garde son pouvoir de contrôle dans la seule hypothèse où la situation d’une
institution aidée se serait détériorée, la Commission demandant dans ce cas-là la présentation
dans un délai de six mois de la détérioration de la situation de l’institution la présentation d’un
plan de restructuration.
Cet abandon de compétences connaît pourtant des limites. D’abord, si les
communications publiées par la Commission n’ont pas de force juridique contraignante, en
vertu de la jurisprudence Textilwerke Deggendorf du 9 mars 1994, les décisions de la
Commission dans les affaires soumises à son contrôle lient quant à elles les États membres et
les juridictions nationales286. La Commission obtient ainsi la modification des conditions de
recapitalisation de la banque allemande Commerzbank lorsqu’elle considère que la mesure ne
correspond pas aux principes formulés dans la décision du 27 octobre 2008, Régime d’aides
aux institutions financières en Allemagne.
287 V. par exemple le Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès
au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle du 17 février 2008, JO C16 du 22
janvier 2009, point 13.
288 Cette procédure s’applique aux aides sous forme de recapitalisations et de garanties, v.
Communication de la Commission — Recapitalisation des établissements financiers dans le contexte de la crise
financière actuelle: limitation de l'aide au minimum nécessaire et garde-fous contre les distorsions indues de
concurrence, du 5 décembre 2008, JO C10 du 15 janvier 2009, pp. 2-10, point 40. Le réexamen semestriel est
également exigé pour les mesures concernant les actifs dépréciés, v. Communication de la Commission relative
au traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la Communauté du 25 février 2009, JO C72 du 26
mars 2009, Annexe V. Il est énoncé sur quels critères portera ce réexamen. Pour des mesures de recapitalisation
sont au nombre de ces critères l’évaluation du profil de risque et du comportement commercial de l’institution,
l’utilisation du capital reçu et le respect des engagements pris par le bénéficiaire (point 41 de la communication
du 5 décembre 2008).
289 Le Cadre communautaire temporaire pour les aides d'État destinées à favoriser l'accès au financement
dans le contexte de la crise économique et financière actuelle du 17 février 2008, JO C16 du 22 janvier 2009, pp.
1-9. L’exemption de minimis est posée au point 4.2 et l’obligation de notification au point 6.
104
87. La présentation d’un plan de restructuration
Lorsque l’aide est octroyée à une entreprise en difficulté, il est exigé que celle-ci
présente à l’issue d’un délai de six mois un plan de restructuration. Lorsque l’aide est
octroyée à une institution saine, la présentation d’un plan de restructuration n’est pas
nécessaire, or l’État présente à la Commission un plan de son désengagement. Ensuite, dans
l’hypothèse où une garantie octroyée par l’État est exercée, le cas est formellement notifié à la
Commission. L’activation d’une garantie constitue pour le droit des aides publiques une
mesure d’urgence qui doit être suivie dans un délai de six mois de la présentation du plan de
restructuration. Est donc préparé un plan de restructuration de l’institution bénéficiaire de
paiements au titre de garantie prouvant sa viabilité au long terme qui est soumis au contrôle
de la Commission. Dans le cas français, où seule la SFEF obtient le financement public pour
le transmettre aux institutions financières, le risque de recours à la garantie n’existe que pour
la SFEF, sont quand même notifiés des cas quand les prêts à une seule banque, bien que
éligible pour le régime de refinancement, excédent le plafond fixé à 500 millions d’euros, ou
5% du bilan du bénéficiaire. L’existence d’un tel plafond doit poser une limite au pouvoir
discrétionnaire dont disposent les autorités françaises dans l’octroi d’aides. Dans le régime
britannique de recapitalisations, l’État notifie chaque recapitalisation dont la durée excède
celle fixée ex ante. Si la Commission ne peut pas conclure à partir des documents présentés
par l’État à la compatibilité de l’aide avec le marché commun, elle ouvre une procédure
290
formelle d’examen conformément à l’article 88 (2) Traité CE . Cette procédure a été
utilisée, parmi d’autres, pour les restructurations de Dexia du 13 mars 2009 ou West LB du 1
octobre 2008.
290 La procédure formelle d’examen des aides d’État est définie dans le règlement de procédure 659/99
du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 88 du Traité, v. JO L83 du 27 mars 1999,
p. 1. Il s’agit d’une procédure qui est ouverte si la Commission ne peut pas conclure à l’issue de la procédure
préliminaire à la compatibilité de la mesure avec le marché commun. La Commission invite donc l’État ainsi que
d’autres parties intéressées à présenter leurs observations et procède à leur examen avant de rendre sa décision.
105
d’information à la charge des responsables au niveau national. À titre d’exemple, la loi IBSG
autrichienne prévoit ainsi une obligation à la charge du Ministre fédéral des finances de
soumettre au Parlement un rapport trimestriel présentant des détails de toutes les mesures
prises en application de la loi, surtout concernant leurs retentissements sur le système
financier291. La loi irlandaise prévoit des conditions plus lourdes, notamment une obligation
du Ministre de soumettre pour chaque bénéficiaire un projet au Parlement national, le House
of Oireachtas, et interdit expressément au Ministre de mettre en œuvre la mesure avant avoir
obtenu l’accord de chaque chambre du Parlement292. Elle oblige également le Ministre de
présenter au Parlement des rapports annuels sur l’avancement du remboursement de l’aide
par les bénéficiaires. Les États préfèrent pourtant limiter les voies ouvertes pour une
contestation contentieuse de leur régimes nationaux. Des lois nationales disposent
expressément à cet égard que l’éligibilité du bénéficiaire relève exclusivement de
l’appréciation des autorités nationales, souvent du Ministre des finances, une décision de non-
éligibilité ne pouvant pas être contestée par voie contentieuse.
Dans le cas du régime allemand, c’est le Ministère fédéral des finances qui, à la
demande de l’institution concernée, décide des mesures dans chaque cas d’espèce. Dans le cas
où il s’agit des questions d’importance particulière, la décision est adoptée à la demande de
l’institution par un comité de coordination (Lenkungsausschuss) interministériel composé
d’un représentant de la Chancellerie fédérale, le Bundeskanzleramt, un représentant du
Ministère des finances, du Ministère de justice, de l’Economie et de la Technologie, aussi bien
qu’un membre proposé par les Länder. D’autres membres pourront participer au travail du
Comité avec une voix consultative. La décision du Ministère ou du Comité ne peut pas être
contestée, les prestations du fonds ne peuvent pas être revendiquées. Le gouvernement fédéral
peut transmettre au fonds la décision sur des mesures par disposition qui ne nécessite pas
d’accord du Parlement. Toute décision d’octroi d’aide, aussi bien que toute modification y
apportée, devra être communiquée aux comités budgétaire et financier du Bundestag.
Les pouvoirs des Parlements nationaux ne sont donc pas limités, au contraire, des
Parlements participent activement à l’élaboration et au contrôle de la mise en œuvre des
régimes de sauvetage de l’économie et des plans de relance.
291 § 7 IBSG.
292 V. Credit Institutions (Financial Support) Act, paragraphe 5 (3) (b) et (c).
106
Titre 2. L’originalité juridique du traitement de la crise
financière en droit communautaire
293 Max WEBER, Économie et société,t. 2: L’organisation et les puissances de la société dans leur rapport
avec l’économie, Paris, Plon, « Agora, les Classiques », 1971, p. 48, cité par Guylain CLAMOUR, Intérêt
général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit public en économie de marche, Dalloz-Sirey, Paris, 2006,
p. 113.
294 Le seul système comparable est celui du commerce international de l’OMC, où le traité GATT-1947
pose des limites aux pratiques protectionnistes portant atteinte au commerce international dont des subventions,
notamment des subventions à l'exportation. Ce système a très probablement influencé les concepteurs du traité
de Rome qui ont inscrit dans le Traité un volet consacré aux aides d'État. V. Jean-Yves CHEROT, op. cit., p. 176.
Cette filiation est visible malgré le fait que nous ne disposons pas de « sources suffisantes pour savoir avec
exactitude quel a été le cheminement intellectuel qui a conduit les pères fondateurs à inscrire dans le traité et
dans sa partie relative à la concurrence une section sur les aides d’État ».
Nous aborderons ensuite les moyens par lesquels une conciliation de la concurrence avec
l’intérêt général est assurée au long terme (Chapitre 2).
108
Chapitre 1. La conciliation de la protection de la concurrence avec l’intérêt
général de rétablissement de l’économie dans le droit des aides publiques
« Le pouvoir d’agir avec discrétion pour le bien public, lorsque les lois n’ont rien prescrit sur
de certains cas qui se présentent, ou quand même elles auraient prescrit ce que doit se faire
en ces sortes de cas, mais qu’on ne peut exécuter dans certaines prérogatives sans nuire fort à
l’État : ce pouvoir [...] est ce qu’on appelle prérogative »
John Locke, « Traité du gouvernement civil »295
90. Le droit européen de la concurrence conçoit la concurrence en tant que moyen, voire
un moyen privilégié296, pour parvenir à un meilleur fonctionnement des marchés et n’y voit
pas de fin en soi. Selon la formule employée par Richard Blasselle, la concurrence, loin
d’avoir une vocation téléologique en elle-même, « est l’un des moyens essentiels de
développement du bien-être social, mais non pas le seul »297. C’est l’intérêt de rétablissement
du système économique et financier européen qui constitue l’enjeu majeur dans une situation
de crise économique. La stratégie de réconciliation de la liberté de concurrence avec cet
intérêt général adoptée par la Commission mérite l’intérêt dans plusieurs aspects :
l’assouplissement de la règle est préféré à une exemption générale au profit de l’intérêt
général (Section 1). Or, la Commission ne vise pas seulement le rétablissement de la situation
« normale » d’avant-crise mais aussi un certain standard positif de fonctionnement du marché
commun. La Commission poursuit ainsi une politique économique dont le droit des aides
d’État n’est que l’un des instruments (Section 2).
298 V. la décision de la Commission du 20 mai 1998 concernant les aides accordées par la France au
groupe Crédit Lyonnais, JO L 221 du 8.8.1998, p. 62 et s. En application à la crise actuelle, v. l’analyse de M.
Frédéric JENNY, « La crise économique et financière, la régulation et la concurrence », Concurrences, n 2, 2009,
pp. 59-68.
299 Cette loi, invalidée dans plusieurs de ses dispositions par la décision de la Cour suprême Scheschter
Poultry Corp. v. United States, est beaucoup critiquée par la doctrine économique contemporaine.
110
législative. Plusieurs États ont recouru à cet instrument législatif dans le contexte de la crise
afin de limiter le contrôle de certaines mesures à titre du droit de la concurrence. Le motif de
cette inapplicabilité est dans la plupart des cas l’intérêt général de rétablissement de
l’économie nationale. À travers de cette décision de privilégier l’intérêt général à la protection
de la concurrence « s’exprime la souveraineté nationale entravée au plan
communautaire »300. Ainsi, l’Anglo Irish Bank Corporation Act, voté par le Parlement
irlandais le 20 janvier 2009, acte d’exception portant nationalisation de la banque Anglo Irish
Bank, rend dans son article 15 expressément inapplicable à l’opération de nationalisation de la
banque Anglo Irish Bank la loi irlandaise relative à la protection de la concurrence, The
Competition Act 2009, et notamment ses dispositions relatives aux règles générales de
concurrence et aux fusions et acquisistions. L’inapplicabilité est motivée à l’article 2 de l’Act
par l’existence de considérations d’intérêt général telles que la nécessité de remédier à une
perturbation de l’économie nationale et de sauvegarder la stabilité du système financier
national et de préserver la capacité de la banque à opérer sur le marché. Cette inapplicabilité
adoptée par voie législative prive l’autorité nationale de concurrence, Irish Competition
Autority, de sa compétence pour contrôler l’opération de nationalisation de l’Anglo Irish
Bank.
La solution de limitation des pouvoirs de l’autorité nationale de concurrence est
retenue par la loi FMStG allemande. Cette loi rend dans son article 2 § 17 les dispositions des
parties 1 à 3 de la loi allemande relative aux restrictions de concurrence301 inapplicables aux
activités du SoFFin, fonds de prise de participations aux institutions du secteur financier
spécialement créé par le Bund. Cette disposition de la FMStG prive l’autorité fédérale de lutte
contre les cartels, la Bundeskartellamt, de ses pouvoirs de contrôle de l’ensemble de mesures
de prise de participation aux institutions financières que pourra engager le fonds à titre de
contrôle de fusions. Le législateur estime que le contrôle de fusions par la Bundeskartellamt
ne doit pas empêcher des interventions publiques dans la crise financière et des opérations de
sauvetage d’urgence doivent être mises en œuvre assez rapidement. Une telle inapplicabilité
n’est pas prévue au sein même de la loi relative aux restrictions de concurrence du 1958, mais
la loi contient une provision assez proche : le § 42 (1) de la loi du 1958 dispose que le
Ministre fédéral de finances peut autoriser des mesures auxquelles s’oppose l’autorité fédérale
de lutte contre les cartels si la restriction de concurrence entraînée par la mesure se justifie par
300 Thomas OSTER, « Le contrôle des concentrations en temps de crise : quelle marge de manœuvre pour
le pouvoir politique ? », Revue Lamy de la concurrence, n 18, 2009, p. 89.
301 Gesetz gegen Wettbewerbsbeschränkungen (GWB), entrée en vigueur le 1 janvier 1958, contrôle des
cartels, des fusions, des abus de positions de dominance, des effets des marchés publics sur la concurrence.
111
des bénéfices que cette restriction apporte au profit de l’économie nationale en général ou si la
mesure est justifiée par l’intérêt général. Si l’autorité de concurrence ne peut prendre en
compte que des considérations liées au maintien de la concurrence, le Ministre est compétent
pour apprécier la compatibilité de la mesure avec l’intérêt général302. C’est également sur le
fondement de l’intérêt général que sont limitées des compétences de la Bundeskartellamt en
l’espèce de la loi FMStG. Or il s’agit dans le cas de la FMStG d’une inapplicabilité a priori du
droit de la concurrence et non pas de dérogations individuelles décidées a posteriori par le
Ministre. Observons d’ailleurs que la dérogation admise est très vaste car elle englobe
l’ensemble d’opérations de fusion et non pas une seule opération comme dans le cas de la
nationalisation de l’Anglo Irish Bank. Cette dérogation connaît pourtant une limite : si elle
s’applique à la prise de participations par l’État, elle ne s’appliquera pas à l’opération de
reprivatisation, et quand celle-ci aura lieu, elle sera soumise au contrôle normal de la
Bundeskartellamt.
Dans le cas britannique, la loi nationale applicable aux concentrations, l’Enterprise
Act du 2002, ne prévoyant pas de dérogations dans la matière de contrôle de concentrations
dans le cas d’une crise économique, est modifiée pour introduire l’intérêt général de stabilité
du système financier parmi des bases juridiques possibles pour des dérogations. Cette
nouvelle dérogation est introduite à l’occasion de l’affaire HBOS/Lloyds et elle est ensuite
appliquée à celle-ci. En effet, avant la crise, le contrôle des concentrations était confié à deux
autorités de concurrence – l’Office of Fair Trading et la Competition Commission, le
Secretary of State n’ayant pas de compétence pour intervenir que lorsqu’une considération
d’intérêt public était en cause. Or le nombre de ces considérations d’intérêt public était limité
à la protection de sécurité nationale et de la pluralité des médias, énumérés à titre limitatif par
la loi elle-même. Le Parlement approuve donc le 24 octobre 2008 un amendement
introduisant au nombre de ces considérations d’intérêt général la stabilité du système financier
national. Si les autorités de concurrence émettent toujours leur avis sur l’opération visant à
rétablir la stabilité du système financier britannique, cet avis ne lie pas le Secretary of State,
compétent pour autoriser la mesure sur le fondement de l’intérêt général, même si celle-ci est
qualifiée d’anticoncurrentielle par les autorités de concurrence303. Nous sommes donc en
302 Cette méthode d’exemption des situations de crise du contrôle à titre de règles de concurrence trouve
sa source dans la tradition allemande du droit de la concurrence. Ainsi, la GWB envisageait dans son article 6 la
possibilité de création des cartels de crise, par définition anticoncurrentiels, si ceux-ci répondaient à une baisse
de la demande dans une situation de crise. Cette provision est supprimée au 1 juillet 2005.
303 En l’espèce, l’OFT voulait soumettre l’affaire à un examen approfondi de la Competition Commission.
L’entité issue de la concentration possédant une part de marché de plus de 30 % dans le secteur de services
bancaires de détail, la concentration posait des problèmes de conformité au droit de la concurrence. V. pour une
112
présence d’une stratégie d’exemption des règles de concurrence en faveur de l’intérêt général,
mise en œuvre par les droits nationaux tantôt de manière ponctuelle, tantôt d’une manière
généralisée.
l’Emergency Economic Stabilization Act entré en vigueur au 3 octobre 2008. V. pour une analyse intéressante des
aspects constitutionnels de l’Act une analyse critique de Gary LAWSON, Burying the Constitution under a
TARP, Boston University School of Law Working Paper No. 09-31, disponible en ligne sur
http://www.bu.edu/law/faculty/scholarship/workingpapers/2009.html (vu le 10 avril 2010).
316 Communication concernant le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de la
Communauté du 25 février 2009, JOUE C72 du 26 mars 2009, p. 1. Le plan de restructuration de Fortis,
approuvé par la Commission au 3 décembre 2008, prévoit la création d’une société ad hoc hébergeant les crédits
les plus toxiques de la banque. Ce mécanisme ressemble le mécanisme proposé par la Commission dans sa
communication du 26 mars 2009.
317 Cette originalité du texte est soulignée dans l’analyse de la communication de Jacques DERENNE et
Cristophe GIOLITO, « Traitement des actifs financiers dépréciés: la Commission européenne publie des
orientations sur le traitement des actifs dépréciés dans le secteur bancaire de l’Union », Concurrences, n 2 v
2009, p. 152. Les auteurs notent que dans cette communication, « l’intervention étatique n’est [...] plus un
“palliatif " mais véritablement un “curatif" ». La Commission n’expose pas seulement ses principes dans le
contrôle de mesures d’urgence à court terme, mais présente « un cadre nécessaire à l'assainissement, à plus long
terme, du secteur bancaire, afin de stabiliser le secteur financier et soutenir le prêt bancaire »
318 Cette position est défendue par Michel BAZEX, « Aides d’État et crise », Contrats, conc., consom.,
n°6, juin 2009, comm. 168.
116
95. Le plan européen pour la relance économique
Le Tableau de bord des aides d’État de 2008 indique qu’il est un objectif de la
Commission d’ « apporter une réponse macroéconomique contracyclique à la crise ». Cette
réponse prend la forme d’un plan européen pour la relance économique publié en novembre
2008 que la Commission présente comme « un ensemble ambitieux d’actions destinées à
soutenir l’économie réelle » 319. L’objectif de ce Plan, publié sous forme de communication de
la Commission, est de surmonter les difficultés économiques liées à la crise. La Commission
avoue que certaines des mesures suggérées dans le plan présenté contiennent des éléments
d’aide d’État, or elle considère que celles-ci n’entraînent pas de distorsion excessive du
marché commun sous condition d’être appliquées de manière uniforme à l’ensemble du
marché.
La Commission réunit au sein de la même institution des fonctions de contrôle des
interventions et des fonctions d’organisation d’une intervention économique par création d’un
plan de relance. Comme note Louis Vogel, « les aides sont un enjeu politique, ce qui se
traduit par une concurrence accrue entre les États pour octroyer des aides et, plus
subtilement, entre les États et la Communauté », la publication récente du plan de relance par
la Commission livrant un exemple de sa volonté « de substituer ses propres aides aux aides
nationales »320. Or ce plan témoigne du caractère assez restreint de compétences
communautaires en matière de relance. En effet, la plupart des moyens faisant partie du plan
sont rapportés par les États et pas par l’Union. Selon l’analyse d’Antoine Winckler et
François-Charles Laprévote321, l’organisation financière de l’Union fait, en l’absence d’un
budget européen approprié, que l’Union ne peut pas mener sa propre politique de relance
économique. En l’absence de son propre budget ou de plus vastes pouvoirs de régulation, la
Commission ne dispose pas d’autre instrument plus efficace pour imposer aux États une
stratégie cohérente de sortie de la crise.
319 Plan européen pour la relance économique du 26 novembre 2008. V. une communication préparatoire
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2008:0800:FIN:FR:HTML (vu le 10 avril 2010).
320 Louis VOGEL, Introduction, Revue Concurrence et consommation, mai 2003, p. 6.
321 Telle est au moins la conclusion que tirent de leur analyse MM. Antoine WINCKLER et François-
Charles LAPRÉVOTE, « When the Watchman Must Take the Wheel – State Aid Control of Financial Institutions
and Other Political Imperatives during the Economic Crisis », Concurrences, n 2, 2009, p. 18.
117
Chapitre 2. La préservation d’une structure concurrentielle du marché
commun à long terme
322 Adam SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations,Paris, Economica, 2000.
323 V. le Tableau de bord de la Commission du 8 avril 2009, CO M (2009) 164.
324 V. Emily ADLER, James KAVANAGH, Alexander UGRYUMOV, « State Aid to banks in the financial
crisis : the past and the future » («Les aides d’État au secteur bancaire dans la crise financière : le passé et
l’avenir»), Journal of European Competition Law and Practice, n 1, janvier 2010, p. 66-67.
118
98. Un recours actif à l’instrument des aides publiques par le droit communautaire
Il a été remarqué par la doctrine que la Commission est très active dans le domaine des
aides publiques dans la crise. D’une part, elle raccourcit ses délais de procédure325 et rend un
grand nombre de décisions. Cette activité s’explique par l’augmentation du nombre de
mesures nationales qualifiées par la Commission d’aide d’État. Or d’autre part, la
Commission publie une série de communications nouvelles qui s’appliquent aux aides d’État
répondant à une perturbation grave de l’économie. Elle publie quatre communications
applicables au secteur financier et une communication applicable aux entreprises industrielles
et commerciales, modifiée par trois communications ultérieures. En accordant une telle
attention aux aides publiques, le droit communautaire reconnaît que, si les aides publiques
sont anticoncurrentielles, elles sont pourtant parfois économiquement efficaces et préférables
à long terme du point de vue de l’intérêt général.
Des aides d’État sont notamment parfois préférables aux concentrations. En effet, elles
ont pour atout de produire leurs effets immédiatement en corrigeant assez vite la situation
économique à laquelle l’État veut pallier326. Des fusions, même si elles produisent un effet
positif, nécessitent plus de temps pour que leurs effets se matérialisent. En outre, il existe une
possibilité pour l’autorité publique de limiter la durée d’une aide publique, tandis que des
concentrations ne sont pas limitées dans le temps et ne sont pas soumises au principe de non-
récurrence. Les aides d’État peuvent encore viser un objectif précis, comme le sauvetage ou
la restructuration de l’entreprise, ou encore poser des conditions strictes à la charge du
bénéficiaire de l’aide, par exemple la présentation obligatoire d’un plan de restructuration de
l’institution financière. À condition d’utilisation correcte par l’autorité publique, il s’agit donc
d’un instrument juridique assez souple qui peut être efficace dans un certain nombre
d’hypothèses.
325 V. supra.
326 Pour une analyse plus détaillé de ces atout, et de l’usage qui peut en être fait en temps de crise, v.
John FINGLETON, « Competition Policy in Troubled Times », 20 janvier 2009,
http://www.oft.gov.uk/shared_oft/speeches/2009/spe0109.pdf (vu le 10 avril 2010). Tel est également le
raisonnement de la Commission elle-même, v. la contribution de la Commission au rapport de l’OCDE,
« Competition and Financial Markets » (« La concurrence et les marchés financiers »), 2009, p. 237.
119
dérogation. Les lois nationales approuvées par la Commission fixent les dates limites
d’application, des régimes de garanties et de recapitalisations comprennent des clauses
incitant les bénéficiaires à chercher d’autres sources de financement. Or les dates quand
cesseront des mesures individuelles, comme la participation publique au capital des banques,
ne sont pas connues ni définies par avance. Il n’est pas clair si le désengagement de l’État se
déroulera de manière coordonneé sur l’ensemble du marché commun ou s’il variera en
fonction de circonstances locales327. Le désengagement en fonction de circonstances
nationales est d’ailleurs susceptible de causer un préjudice à la concurrence saine sur le
marché commun en créant une inégalité entre les institutions de différents États qui retireront
leur soutien plus ou moins vite que d’autres. La Commission considère dans son rapport du 7
août 2009 qu’il n’est pas encore temps pour régler les mécanismes de désengagement328.
La Communication de la Commission du 19 août 2009 relative aux restructurations
indique qu’aucune mesure de restructuration ne doit s’étaler au-delà de cinq ans329. Or le délai
commence à partir de la mise en place de premières mesures de restructuration et non pas à
partir de la publication de la communication. La date du désengagement réel de l’État sera
donc objet de variations, même si cette date limite constitue déjà une première mesure de
coordination du désengagement des États.
327 Selon Emily ADLER, James KAVANAGH et Alexander UGRYUMOV, préc., ce choix est un choix
stratégique entre la concurrence sur le marché commun et la concurrence sur les marchés nationaux en Europe.
Les auteurs considèrent que l’organisation du désengagement sera une question prioritaire de la politique des
aides d’État pour l’année 2010. Notons qu’en dehors du contexte communautaire, le FMI a publié un document
contenant des recommandations d’adapter le processus de désengagement aux circonstances économiques
locales de chaque État, v. le document IMF Executive Board Discusses the Management of Crisis-Related
Interventions in the Financial System, du 15 septembre 2009, disponible en anglais sur
http://www.imf.org/external/np/sec/pn/2009/pn09118.htm (vu le 10 avril 2010).
328 « DG Competition's review of guarantee and recapitalisation schemes in the financial sector in the
current crisis », du 7 octobre 2009, point 1.2.
329 V. point 15 de la Communication du 19 août 2009.
330 Dictum de Lord Chief Justice Hewart dans l’affaire R v Sussex Justices, Ex parte McCarthy ([1924]
1 KB 256, [1923] All ER 233.
120
contrôle communautaire des aides publiques poursuit, d’abord, un objectif immédiat de veiller
à la compatibilité avec le marché commun des aides notifiées ou versées sans notification,
mais aussi un objectif plus lointain d’apprendre aux institutions aidées un sens de
responsabilité et de combattre la présomption répandue de « garanties implicites » publiques
pour les institutions qui sont « trop grandes pour faire faillite ». Il est un objectif de la
Communauté d’éviter que les interventions publiques « modifient les incitations des
opérateurs économiques dans un sens contraire à celui qui garantit une meilleure efficacité
économique »331. Dans une décision importante de 1995, la Commission souligne
l’importance de « veiller à ce que les établissements de crédit ne prennent pas trop
d’engagements risqués (...) forts de soutien explicite ou implicite de l’État, car s’agissant
d’établissements publics trop grands pour faire faillite »332. Au-delà de l’élimination de
retentissements négatifs immédiats de la crise économique et financière, cette stratégie vise la
prévention de crises futures.
d’emplois implique, même en l’absence de stipulation expresse, l’obligation de maintien des effectifs recrutés.
Or le juge ne peut pas déterminer le nombre d’emplois que doit créer le bénéficiaire en contrepartie de versement
de l’aide lorsque ce nombre n’est pas défini par l’acte d’octroi de l’aide (CE 21 mars 2001, SICOMI Bail-
Investissement).
338 Fréderic LORDON, Pepita OULD-AHMED, « ‘Qui perd paye...’ Le droit européen des aides d’État
comme morale punitive », Critique internationale, n 33, octobre-décembre 2006, p. 71.
339 L’efficacité de cette stratégie est d’autant plus contestable que la crise des années 2008-2010 donne
lieu aux aides dépassant dans leur ampleur les aides dans les crises bancaires des années 1990.
340 V. décision 95/547/CE du 26 juillet 1995, Crédit Lyonnais, JOCE n L 308 du 2 décembre 1995, p. 92-
119, et la décision 98/490/CE de la Commission dans l’affaire C47/96, Crédit Lyonnais, JO L 221 du 8.8. 1998,
p. 28 et s.
122
de 1995, la solution de liquidation, si elle est possible pour des entreprises industrielles, « ne
peut s’appliquer [aux banques] en raison des conséquences systémiques pour les autres
institutions financières et le système des payements »341. Dans le cas du Crédit Lyonnais, la
Commission considère dans son décision de 1998 que les contreparties doivent concerner tout
ce qui n’est pas strictement nécessaire à la viabilité de l’activité de base du Crédit
Lyonnais342. Étant donne que le degré de distorsion de la concurrence entraînée par l’aide ne
peut pas être estimé que de façon très indicative, il s’agit de maximiser le montant des
contreparties sous la seule contrainte de survie de la banque343. Dans le cas du Crédit
Lyonnais, les contreparties comprennent des cessions d’actifs, des réductions de capacité ou
de présence sur les marchés. Une quantification précise des contreparties n’est pas possible.
Des fonctionnaires de la Commission reconnaissent d’ailleurs que dans l’affaire du Crédit
Lyonnais «la Commission n’a pas cherché à obtenir des contreparties strictement égales aux
niveaux estimés de distorsions de concurrence»344. La Commission, qui dispose d’un pouvoir
discrétionnaire d’appréciation des conditions de compatibilité des aides publiques avec le
marché commun, est compétente pour décider du volume des contreparties et la Cour de
Justice ne pourra censurer sa décision que dans le cas où la Commission fait une erreur
manifeste d’appréciation.
341 Ronald FELTKAMP, Nicola PESARESI, «L’application des règles communautaires en matière
d’aides d’État aux établissements de crédit », http://ec.europa.eu/competition/speeches/text/sp1995_045_fr.html
(vu le 10 avril 2010).
342 JO L221 du 8.08.1998, p. 34. La Commission relève que les pertes du Crédit Lyonnais sont dues à la
politique agressive de crédit et d’investissement menée par la banque. Or, la mauvaise gestion d’entreprise est
dans une situation normale sanctionnée par la faillite. Lorsque le soutien public permet à une institution
financière d’échapper à cette sanction économique « naturelle » en perturbation l’ordre de fonctionnement
« normal » du marché, des sanctions compensatrices doivent être introduites pour rétablir l’équilibre
concurrentiel sur le marché.
343 Dans un interview datant de 2003, l’ancien Commissaire à la concurrence Karl van der Miert avouait
qu’« il n’y a jamais assez de contreparties. Il faut trouver un équilibre entre le maximum des contreparties et la
survie de l’entreprise ». Cité dans Fréderic LORDON, Pepita OULD-AHMED, préc., p. 74.
344 Nicola PESARESI, Cristophe DE LA ROCHEFORDIÈRE, préc., p. 25.
345 Communication de la Commission sur le retour à la viabilité et l'appréciation des mesures de
123
sont exigées avec prise en compte de la forme et du montant de l’aide, mais aussi de la nature
des activités de l’institution aidée. La Commission analyse les « effets probables de l'aide sur
les marchés où la banque bénéficiaire exercera des activités à l'issue de la restructuration » et
examine « la dimension et l'importance relative de la banque sur son ou ses marchés une fois
sa viabilité rétablie »346. La Commission dispose d’un système assez varié de contreparties.
Peuvent y figurer des limitations de rémunérations des dirigeants, des augmentations des
rémunérations étant considérées comme contraires à l’objectif même de l’intervention, des
prohibitions de versement des dividendes aux actionnaires, surtout lorsque le bénéficiaire est
une institution en difficulté, des interdictions d’un comportement commercial agressif,
comme la publicité mentionnant l’intervention publique, des limitations de croissance347, des
cessions de présence sur des marchés. Certaines contreparties sont « inventées » pour n’être
appliquées qu’à un seul cas d’espèce : ainsi, dans le cas de la banque Fortis, la Commission
pose comme condition que la banque n’offre pas certains de ses produits dans le cadre de son
activité par Internet348. Toujours dans le cas de Fortis, la Commission estime que la cession
de Fortis Bank Nederland, partie de Fortis Group, constitue une contrepartie car elle réduit la
présence de la banque sur l’un des marchés où celle-ci exerçait ses activités. Selon la
Commission, ces contreparties servent « la préservation d’une concurrence effective »349 sur
le marché commun. Notons que ces instruments, qui limitent considérablement et parfois de
manière assez originale la liberté économique de l’entreprise concernée, sont par définition
des instruments de régulation économique, visant la création d’une meilleure structure
concurrentielle de l’économie en général et de certains de ses secteurs. La Commission ne
contrôle pas seulement le comportement de l’État, mais elle vise directement le comportement
commercial futur de l’institution bénéficiaire du soutien public. Lorsque la doctrine dénonce
restructuration prises dans le secteur financier dans le contexte de la crise actuelle, conformément aux règles
relatives aux aides d'État publiée au JO n C 195 du 19/08/2009, point 29, p. 14.
346 Communication sur la restructuration, préc., p. 15, point 32.
347 Ce type de restriction est assez problématique car une « limitation de la croissance du bilan risque
d’aboutir à limiter le montant de crédit à l’économie réelle, alors que c’est l’objectif principal des aides aux
institutions financières », les objectifs de politique publique et du droit de concurrence étant dans cette hypothèse
quasiment inconciliables (v. François BRUNET, « Le droit de la concurrence face aux défis de la crise
mondiale », Revue Lamy de la concurrence, n 20 juillet-septembre 2009,p. 105.).
348 V. le point 94 de la décision du 3 décembre 2008 dans l’aff. NN42/2008, Aide à la restructuration en
faveur de Fortis Banque et Fortis Banque Luxembourg. Elle estime également que « la vente de la banque à un
concurrent constitue en elle-même une sorte de compensation pour la distorsion de concurrence en défaveur des
concurrents » (point 95 de la même décision).
349 Communication sur la restructuration, préc., p. 15, point 32. Même si l’idée d’imposer des contreparties
« punitives » aux entreprises bénéficiaires du soutien public est contraire à l’idée de la concurrence pure et
parfaite, elle peut en effet contribuer à l’instauration de la « concurrence effective et efficace » selon la formule
employée par Marianne DONY, « Chronique : Aides d’État (1er janvier – 31 décembre 2008)», Journal de droit
européen, 2009, p. 138.
124
un défaut de régulation prudentielle350, le contrôle communautaire des aides publiques assume
le rôle d’un régulateur, qui, en dehors de sa fonction première de mettre fin aux distorsions de
concurrence entraînées par les sauvetages de crise, veut également rétablir la structure
concurrentielle du marché à long terme.
350 V. par exemple François BRUNET, « Le droit de la concurrence face aux défis de la crise mondiale »,
Revue Lamy de la concurrence, n 20, 2009, p. 104-115.
125
CONCLUSION
104. Confronté à une situation de fait nouvelle est imprévisible que présente la
crise économique et financière, le droit communautaire des aides publiques se retrouve face
au problème d’absence de fondement normatif adapté prévu par les Traités. Ni les caractères
constitutifs d’une perturbation grave de l’économie, ni des effets éventuels d’un tel « état
d’urgence économique » n’étant pas prévus ex ante, ceux-ci sont définis ex post au niveau
communautaire avec prise en compte de circonstances du moment. La nature de la dérogation
en matière des aides d’État dans le cadre de la crise économique et financière est originale car
toutes les aides publiques versées par les États membres dans la crise comme en dehors de
celle-ci sont fondées sur une dérogation à l’interdiction de principe des aides publiques que
posent les traités européens. Dans le domaine des aides d’État, la crise n’ouvre donc pas de
nouvelle dérogation à proprement parler, mais elle modifie dans le sens d’extension la
dérogation déjà largement ouverte. Le caractère assez ponctuel de cette extension enlève de la
visibilité à cette frontière entre dérogations hors crise et dérogations de crise.
Le fonctionnement de la Commission européenne face à la crise financière crée
l’apparence d’un organe détenteur du pouvoir souverain au sens de l’énoncé célèbre de Carl
Schmitt351 : c’est la Commission qui qualifie la situation de crise en tant que permettant des
mesures d’exception et qui définit le contenu et la portée de cette exception par ses
communications. Or une étude attentive démontre que le « monopole de décision », loin
d’appartenir à la Commission, est plutôt détenu par les États. D’abord, si la dérogation est
techniquement admise au niveau communautaire par l’application de la disposition de l’article
87(3) (b) du Traité CE, cette solution n’est qu’une traduction technique par la Commission
des conclusions du Conseil. La présence d’une situation exceptionnelle est en réalité constatée
par les États au sein de l’Eurogroupe et du Conseil européen.
Ensuite, le contenu des assouplissements est déterminé à coup par coup, si ce n’est
après coup, en réponse aux mesures de sauvetage organisées par les États. C’est ainsi que la
Commission autorise de nombreux régimes généraux ou des aides aux entreprises saines. La
plupart de ces assouplissements est de caractère plutôt discret, comme l’abandon du critère de
taux de marché ou une interprétation moins rigoureuse du principe de non-récurrence. Or
certains changements sont de véritables revirements, comme la consécration d’une
351 Selon la formule célèbre de la Théologie politique de Carl Schmitt, « est souverain celui qui décide de
la situation exceptionnelle ».
réglementation spéciale applicable au secteur bancaire ou la reconnaissance par la
Commission du caractère en principe admissible de nationalisations. Là aussi,
l’assouplissement opéré par la Commission est une réaction aux projets nationaux envisageant
des reprises des institutions financières par l’État ou des régimes de sauvetage adressant la
situation des banques.
Plusieurs États membres, loin de s’autolimiter dans le choix des instruments de
sauvetage des économies nationales, adoptent des vastes paquets de mesures ou des plans de
relance qui, à côté des mesures insusceptibles de porter atteinte à la structure concurrentielle
du marché commun, dont des mesures fiscales ou des aides aux consommateurs, comprennent
aussi des régimes de garanties ou de recapitalisations du système financier. Des États
n’hésitent pas d’assortir leurs régimes nationaux des clauses pour le moins contestables au
regard du droit communautaire comme des obligations de financement des entreprises
industrielles et commerciales à la charge de l’institution financière bénéficiaire de l’aide.
Finalement, l’aspect matériel de la norme nationale se complète par des
réaménagements procéduraux favorables aux États. Sur ce plan de la procédure, la mise en
œuvre des aides non notifiées par les États ou non pas encore autorisées par la Commission
démontre elle aussi que le « monopole de décision » est détenu par les États. En effet, si la
Commission impose des restrictions ou des contreparties à la charge des entreprises
bénéficiaires, elle n’ose pas ordonner la récupération des aides illégalement versées ni
remettre en question leur compatibilité avec le marché commun.
Or, si l’accélération des délais de traitement de demandes remet en cause l’effet
utile du contrôle communautaire des aides d’État, il ne faut pas refuser au contrôle
communautaire toute effectivité. Comme nous avons observé à de nombreux exemples, la
vraie utilité de la procédure communautaire consiste en l’effet de coordination qu’elle assure.
La fonction du contrôle communautaire est en dernière analyse d’assurer un minimum de
prévisibilité pour des institutions financières et pour les États et de créer un cadre unifié de
l’exercice de la souveraineté par les États membres. Un minimum de coordination est ainsi
assuré par l’adoption des communications ayant valeur de règles générales applicables à
l’ensemble du marché commun ou encore par le maintien du principe de caractère non-
discriminatoire de régimes d’aides. Le désengagement coordonné des États est assuré par un
réexamen régulier des aides aussi bien que par la présentation obligatoire de plans de
restructuration des entreprises bénéficiaires.
La Commission poursuit d’ailleurs non seulement un objectif conservatif de
rétablissement de l’ordre normal du fonctionnement du marché, mais aussi un objectif
127
politique évolutif de parvenir à une meilleure structure concurrentielle des marchés. Le
standard positif visé doit être atteint par une coordination du rétablissement des économies
nationales. Le droit communautaire continue à poursuivre ainsi les objectifs de
développement durable ou de soutien aux PME. La communication consacrée au traitement
des actifs dépréciés ou le plan européen de relance démontrent que la Commission n’hésite
pas à proposer des mesures contenant en elles-mêmes un élément d’aide publique.
Les exemptions de certaines mesures des règles de concurrence opérées au niveau
des droits nationaux, comme en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Irlande, ont pour
avantage d’être bien limitées dans le temps. Ne visant que d’exempter une opération du
contrôle de l’autorité de concurrence, ces exemptions sont peu susceptibles d’influencer le
fonctionnement normal du système juridique une fois la crise passée. Le même effort
d’encadrer les assouplissements de crise se poursuit en droit communautaire par la création
des dispositifs de durée limitée dérogeant à la norme en vigueur sans l’abroger. L’application
du fondement juridique dérogatoire vise à isoler les assouplissements de crise et à faciliter le
retour au fonctionnement normal du contrôle des aides publiques une fois la crise passée.
Cette méthode devrait réussir en ce qui concerne des assouplissements prévus dans les
communications de la Commission. Or l’avenir des assouplissements moins visibles, opérés
dans la pratique décisionnelle de la Commission, est moins évident. Une analyse continue des
décisions de la Commission et des interactions entre les systèmes nationaux et le système
supranational sera nécessaire pour observer comment le droit organisera la sortie de cette
situation d’urgence économique.
128
ANNEXE 1
Aperçu des documents juridiques analysés ou évoqués dans le
présent mémoire
L’Autriche
1) Loi visant le renforcement des marchés interbancaires
(Interbankmarktsstärkungsgesetz, ou IBSG) n° 136/2008 publiée le 26 octobre 2008.
2) Loi visant à assurer la stabilité du marché financier (Finanzmarktstabilitätsgesetz, ou
FinStaG) n° 136/2008 publiée le 26 octobre 2008.
3) Décret d’application visant à préciser des conditions de mise en œuvre de l’IBSG et
de la FinStaG (Ausführungsverordnung für Maßnahmen nach dem FinStaG und dem IBSG)
N382/2008 publié le 30 octobre 2008.
La France
1) La loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement
de l’économie,
a) art. 6, II. (aff. N548/2008, décision de la Commission du 30 octobre 2008,
prolongée par décision de la Commission du 12 mai 2009, aff. N251/2009)
b) art. 6, III (aff. N613/2008, décision de la Commission du 8 décembre 2008,
modification autorisée par la Commission le 28 janvier 2009, aff. N29/2009, une
deuxième modification autorisée le 23 mars 2009, aff. N164/2009)
\
L’Irlande
1) La loi relative au soutien aux institutions de crédit, The Credit Institutions (Financial
Support) Act entré en vigueur le 2 octobre 2008 (autorisation de la Commission du 13
octobre 2008, aff. NN48/2008)
2) La loi relative à la nationalisation de l’Anglo Irish Bank, The Anglo Irish Bank
Corporation Act 2009 approuvée par décision de la Commission du 14 janvier 2009.
L’Italie
1) Le décret-loi n° 157/2008 portant des mesures urgentes supplémentaires pour garantir
la stabilité du système de crédit, Ulteriori misure urgenti per garantire la stabilità del
sistema creditizio entré en vigueur le 13 octobre 2008 (autorisation de la Commission du 13
novembre 2008, N520a/2008)
130
Table de jurisprudence
Jurisprudence communautaire
CJCE, 15 avril 2008, Nuova Agricast Slr c. Ministero delle Attività Produttive, aff. C-
390/06
CJCE, 5 octobre 2006, Transalpine Ölleitung in Österreich GmbH e.a. contre
Finanzlandesdirektion für Tirol e.a., C-368/04
CJCE, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), aff. C-198/01
CJCE, 30 septembre 2003, Allemagne c/ Commission, aff. C-301/96
CJCE, 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen et Volkswagen AG et Volkswagen Sachsen
GmbH contre Commission des Communautés européennes, aff. jtes C-57/00 P et C-
61/00 P
CJCE, 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline et a., aff. C-143/99
CJCE, 29 avril 1999, Espagne c. Commission, aff. C-342/96.
CJCE, 9 décembre 1997, Tiercé Ladbroke SA contre Commission des Communautés
européennes, aff. C-353/95
CJCE, 23 octobre 1997, Commission contre France, aff. C-159/94.
CJCE, 26 septembre 1996, Republique francaise contre Commission, aff. C-241/94
CJCE, 11 juillet 1996, SFEI, aff. C-39/94
CJCE, 5 octobre 1994, Allemagne c/Commission, C-400/92
CJCE, 15 mars 1994, Banco de Crédito Industrial, devenu Banco Exterior de España
contre Ayuntamiento de Valencia, aff. C-387/92
CJCE, 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf c/Allemagne, aff. C-188/92
CJCE, 15 juin 1993, Matra, aff. C -325/91
CJCE, 21 mai 1991, Italie contre Commission, aff. C-303/88.
CJCE 21 mars 1991, Italie c/ Commission, « Alpha Romeo », aff. C-305/89, Rec. I-1603,
CJCE 21 mars 1990, Commission c. Belgique, aff. C-142-87
CJCE, 2 février 1988, Van der Koy, aff. C-67/85
CJCE, 14 octobre 1987, RFA c/Commission, aff. 248-84
CJCE, 24 fevrier 1987, Deufil, aff. 310/85
CJCE, 7 fevrier 1985, ABDHU, aff. 240/83
CJCE,14 juillet 1981, Züchner c/Bayerische Vereinsbank, aff. 172/80
CJCE, 8 octobre 1980, Überschar, aff. C-810/79
CJCE, 17 septembre 1980, Philip Morris Holland BV contre Commission, aff. 730/79
CJCE, 21 mai 1980, Commission contre Italie, aff. 73/79.
CJCE, 16 novembre 1977, Inno c/ATAB, aff. 13/77
CJCE, 22 mars 1977, Ianelli, aff. 74/76
CJCE, 22 mars 1977, Steinike & Weinlig contre la République Fédérale d’Allemagne,
aff. 78/76
CJCE, 2 juillet 1974, Italie contre Commission, aff. C-173/73
CJCE, 30 avril 1974 Sacchi, aff. 155/73
CJCE, 11 décembre 1973, Lorenz, aff. 120/73
CJCE, 21 fevrier 1973, Continental Can, aff. 6/22
CJCE, 1966, Grundig, aff. C-56 et C-58/64
CJCE, 15 juillet 1964, Costa, aff. 6/64
CJCE, 23 février 1961, De gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg c. Haute
Autorité, aff. 30/59
131
TPICE, 15 décembre 2009, EDF & République Française c/ Commission européenne et
Iberdrola SA, aff. T-156/04
TPICE, 4 mars 2009, République italienne contre Commission, aff. T-424/05
Assoziazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management SpA contre
Commission, aff. T-445/05
TPICE, 24 septembre 2008, Kahla/Thüringen Porzellan GmbH c/ Commission, aff. T-
20/03
TPICE, 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale, aff. T-228 et T-233/99
TPICE, 25 octobre 2002, Tertra Laval c/Commission, aff. T-5/02
TPICE, 6 juin 2002, AirTour c/Commission, aff. T-342/99
TPICE, 12 décembre 2000, Alitalia c/Commission, aff. T-296/97
TPICE, 15 décembre 1999, Freistaat Sachsen e.a./Commission, aff. jtes T-132/96 et T-
143/96
TPICE, 6 juillet 1995, AIETEC e.a. contre Commission, aff. jtes T-447/93 et 449/93
Tribunaux nationaux
L’Allemagne
BVerfG, 26 mars 2009
La Belgique
CA Bruxelles, 18ème chambre, 12 décembre 2008, aff. 2008/KR/350.
La France
CE, 21 mars 2001, SICOMI Bail-Investissement
CE, Sect., 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles
CE, 26 juin 1996, Département de l’Yonne.
CE, 1er mars 1996, Guillet.
CE, 8 juillet 1988, SABDEC
132
Table des communications de la Commission
1. Communications prises dans le domaine des aides d’État dans le contexte de la
crise
a) Communications applicables au secteur financier
Communication de la Commission — Application des règles en matière d'aides d'État aux mesures
prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale du
13 octobre 2008, JOUE C 270 du 25 octobre 2008, p. 8 (« la communication concernant le secteur
bancaire »).
133
Lignes directrices communautaires concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration
d'entreprises en difficulté, JO C 244 du 1 octobre 2004, p. 2.
3. D’autres communications
Règlement général d’exemption par catégorie n 800/2008 du 6 août 2008, JOUE L214 du 9 août
2008, p. 3-47.
134
Table de principales décisions de la Commission
135
INDEX
Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes
Concurrence,
distorsion de 6, 7, 42, 47, 49
non faussée 6, 7, 13, 93
Conseil 31, 74, 104
Contreparties 100-103
Ecofin 72
Égalité de traitement 23, 24, 55
Eurogroup 23, 59, 73, 74, 104
136
Bibliographie générale
139
- Emmanuelle BROUSSY, Francis DONNAT, Christian LAMBERT , « Chronique de
jurisprudence communautaire », AJDA, 2009, p. 245 et s.
- François BRUNET, « Le droit de la concurrence face aux défis de la crise mondiale »,
Revue Lamy de la concurrence, n 20 2009, p. 104-115.
- Jean-Yves CHÉROT, « Le plan d’action de la Commission dans le domaine des aides
d’État », AJDA 2007, p. 2412.
- Jean-Yves CHÉROT, Jacques DERENNE, Christophe GIOLITO, « Aides d’État –
Chroniques », Concurrences, 2008, n 4, p. 104-125.
- Jean-Yves CHÉROT, Jacques DERENNE, Christophe GIOLITO, « Aides d’État –
Chroniques », Concurrences, 2009, n 1, p. 141-179.
- Jacques DERENNE, Christophe GIOLITO, « Aides d’État – Chroniques »,
Concurrences, 2009, n 2, p. 148-174.
- Elie COHEN, «Risque systémique et droit de la concurrence», Concurrences, n 1,
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- Loraine DONNEDIEU de VABRES-TRANIÉ, « Royaume-Uni : dans un contexte de
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- Marianne DONY, « Chronique : Aides d’État (1er janvier 2007 – 31 décembre 2007) »,
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Journal de droit européen, 2009, p. 137-145.
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145
Table de matières