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Les papes et les Juifs : une histoire mouvementée

Les relations entre papauté et judaïsme ont de tout temps été chaotiques.
Soumis aux aléas religieux du Vatican, les Juifs ont été soit épargnés soit le plus
souvent malmenés par les autorités papales. Du haut Moyen Age à l’époque
contemporaine, les liens entre Pape et communauté juive n’ont été qu’un long
enchaînement de brimades, d’humiliations et d’hostilités.

Si le bas Moyen Age semble relativement pondéré envers les Juifs, la situation
s’envenime à partir du haut Moyen Age. Du 6e au début du 12e siècle, les Juifs sont
partiellement protégés des conversions forcées. Ainsi, de 590 à 604, Grégoire le
Grand, Pape modéré, prône plutôt la persuasion. Il refuse que leurs biens soient
saccagés et souhaite qu’ils soient défendus par la loi. Mais pas de compromis en
matière de dogme : les Juifs continuent d’être vus comme les tueurs du Christ, leur
errance et leur déchéance est le témoignage de la vérité du christianisme.
A sa suite, en 1120, Calixte II émet une Bulle (décret solennel) visant à protéger les
Juifs lors des croisades et interdisant les conversions de force.
Mais à partir de 1179, la situation se durcit. La relative protection des Juifs est
remise en cause. D’abord, Alexandre III adopte le port de la rouelle par les Juifs.
Puis en 1205, Innocent III émet une réserve à la bulle de Calixte II, affirmant
qu’elle ne vaut que pour les Juifs qui ne font pas de « menées subversives » contre
le christianisme. Le pape publie une liste d'accusation à l'encontre des Juifs,
adressée au roi de France. Il dénonce leur ingratitude : tolérés par les Chrétiens,
ils feraient part selon lui « de la Malignité de la souris dans la poche, du serpent
autour des reins. » En 1215, date clé dans la législation anti-juive de l’Eglise au
Moyen Age, Innocent III réunit le 4ème concile de Latran (assemblées d’évêques
pour les questions de doctrine). Les Juifs se voient interdire d’occuper des
fonctions publiques, ils ne peuvent sortir publiquement pendant la semaine Sainte.
Le concile rappelle que le prêt à usure étant interdit aux Chrétiens, il est toléré
chez les Juifs. Enfin, ces derniers ont l’obligation de porter un vêtement spécial
pour empêcher les unions mixtes : une étoffe jaune à l’avant et à l’arrière de leur
vêtement, pour les garçons à partir de 13 ans, pour les filles à partir de 11 ans.
L’obligation de la rouelle se transforme parfois en « impôt pour exemption du port
de la rouelle ». Les Juifs monnayent souvent le droit de ne pas porter de signe
distinctif humiliant.
En 1218, Honorius III envoie une bulle à l'archevêque de Tolède, ordonnant
l'exécution des décisions du 4e concile de Latran à l'encontre des Juifs : port d’un
insigne distinctif ou costume spécial (différent dans chaque pays) afin d’être
facilement identifiés par les Chrétiens pour éviter tout rapport entre eux.
Cohabitation, convivialité sont prohibés. Les Juifs ont l’interdiction de sortir
pendant les jours saints et le dimanche de la Passion. Il est interdit aux servantes
chrétiennes d’entrer au service de Juifs afin de leur éviter de succomber à leur
influence spirituelle.
En 1233, la situation s’adoucit légèrement. Grégoire IX demande aux prélats de
tous niveaux de prévenir et de limiter les attaques des chrétiens envers les Juifs.
Mais leur accès aux fonctions publiques, aux professions libérales et à la propriété
immobilière reste interdit. En 1239, le pape demande dans une lettre aux rois et
évêques de France, d’Angleterre et d’Espagne, de confisquer tous les exemplaires
du Talmud qu’ils trouveront et ordonne une enquête sur son contenu. Jusqu’au
milieu du 16e sicle, le Talmud reste une focalisation d’interrogation théologique
dans les relations entre papauté et judaïsme.
Retournement en 1247. Innocent IV ordonne à ceux qui ont confisqué des
exemplaires du Talmud de le rendre aux Juifs. Le Pape publie une bulle pontificale
dans laquelle il affirme que la loi des Juifs ne leur commande pas de partager le
cœur d’un enfant chrétien. Cette bulle est confirmée en 1255 et 1272, par
Alexandre IV et Grégoire X qui lave les Juifs de ces accusations. Alexandre IV
nomme même un groupe de Juifs romains marchands officiels de la papauté.
Mais à nouveau en 1286 et 1320, Honorius IV et Jean XXII ordonnent de brûler le
Talmud.
De 1342 à 1352, Clément VI trouve l’œuvre de Levi Ben Gershom (Gersonide ou
Ralbag) de Bagnoles, grand philosophe juif, mathématicien, astronome et inventeur
d’instruments de navigation, d’une telle importance qu’il en demande la
traduction de l’hébreu en latin. En 1348, dans une bulle papale, Clément VI rejette
l’accusation selon laquelle la contagion de la peste est due à un complot juif.
En 1418, Martin V s’oppose aux campagnes des franciscains contre les Juifs en
Italie. Il annule une bulle antijuive de Benoît XIII. En 1428, suite à la friction entre
Juifs et Chrétiens à propos du tombeau du roi David à Jérusalem, le pape ordonne
aux bateaux de ne pas transporter de pèlerins Juifs se rendant en « Terre Sainte ».
En 1476, une bulle papale de Sixte IV confirme que les Juifs ne seront plus admis
dans la ville de Trente. Cette décision restera valable jusqu’au 18ème siècle.

Renaissance
Au milieu du 16e siècle, les lois papales anti-juives se circonscrivent principalement
à l’Italie. En 1553, Jules III ordonne de brûler le Talmud dans toute l’Italie.
En 1555, Paul IV ordonne que les Juifs de Rome soient enfermés dans un ghetto, le
quartier le plus insalubre de tous, situé à proximité du Tibre dont les
débordements charrie les immondices. De plus, le pape institue des sermons
hebdomadaires pour les Juifs du ghetto de Rome. Chaque samedi après-midi, un
tiers de la population, hommes, femmes et enfants, doit se rendre dans une église
située à la limite de leur secteur. Une amende est infligée s’ils ne viennent pas en
nombre suffisant et les distraits sont punis. Le prédicateur est souvent un Juif
apostat qui s’inspire du passage hebdomadaire de la Thora du matin même. Ces
sermons de conversion obligatoires à l’intention des Juifs sont maintenus de 1579 à
1585 par Grégoire XII. Ils continuent dans les Etats de la papauté jusqu’à la
Révolution française.

Temps modernes
Au cours du XVIIIe siècle, l’aggravation de la législation concernant les Juifs et le
durcissement des choix politiques et idéologiques faits par les différents pouvoirs
ecclésiastiques, sont constants et progressifs. Le XVIIIe siècle marque donc un
tournant décisif en ce qui concerne l’attitude catholique à l’égard de la question
hébraïque.
En Pologne, en1751, pour contrer les accusations pernicieuses de meurtre rituel,
Jacob Zelig, diplomate juif, se rend auprès de Benoît XIV pour le convaincre de
faire pression sur le clergé local afin qu’elles cessent. Le pape charge alors le
cardinal Ganganelli d’une enquête qui parvint à la conclusion que les accusations
sont sans fondement et malveillantes. Mais les accusations continuent même quand
Ganganelli devint pape sous le nom de Clément XIV.
En 1775, Pie VI commence son pontificat sous le signe de l’intolérance en
condamnant l’irréligion, l’impiété et l’athéisme. Le pape cherche à stopper la
vague de libéralisme qui se manifeste en Europe. Pour lui, il n’est donc pas
question d’accorder le moindre répit aux Juifs. Il veille à ce que les incapacités et
les brimades dont souffrent les Juifs de Rome ne soient pas allégées : ghetto,
sermons chrétiens obligatoires, impôts spéciaux…

En 1848, Pie IX prend la mesure libérale d’enlever les portes du Ghetto de Rome.
Mais suite au soulèvement maté pour instaure la république, le Pape devient
furieux envers les Juifs qui se sont montrés trop favorables à la révolution et qui, à
ses dires, en sont à l’origine. Il rétablit le ghetto. En 1858, débute le scandale de
l’affaire Mortara : à Bologne (Italie), sur ordre de Pie IX est enlevé Edgardo
Mortara, enfant juif de 6 ans, par les autorités papales pour en faire un prêtre
missionnaire.

XXe sicle
En 1937, Pie XI critique les nazis pour leur politique de l’éducation catholique. Il
dénonce le totalitarisme et le racisme nazi, mais rappelle dans un même souffle
que les Juifs sont « coupables de déicide ».
Son successeur, Pie XII, reste étrangement silencieux de 1939 à la fin de la Shoah
sur le sort des Juifs en Europe. En 1941, Pétain lui demande la bénédiction sur les
mesures anti-juives prises par Vichy. Le Pape la lui accorde en citant Thomas
d’Aquin : « les Juifs sont condamnés à l’esclavage perpétuel ». Ce faisant, les
mesures antijuives sont justifiées. En 1944, Pie XII, aidé du roi de Suède et de la
Croix Rouge fait pressions pour tenter de cesser la déportation des Juifs de
Hongrie. C’est là son seul geste en faveur de la communauté.
Même après la Shoah, le Vatican ne révise pas immédiatement sa position vis-à-vis
des Juifs. En 1948, la papauté ne reconnaît pas le nouvel Etat hébreu.
Il faut attendre 1961 pour remarquer un tournant dans les relations judéo-
chrétiennes. Jean XXIII convoque le concile de Vatican II.
En 1964, Paul VI fait une visite historique de quelques heures en Israël. Il est reçu à
Megiddo par une délégation israélienne, le pape ayant préféré être accueilli en
dehors de Jérusalem. Dans son discours, le nom d’Israël n’est pas prononcé.
Toutefois, Israël y voit un encouragement vers un futur dialogue.
En 1965, le concile de Vatican II adopte la déclaration révolutionnaire Nostra Ætate
sur la perception du Judaïsme par l'église. La déclaration dénote plus le début du
processus de réconciliation de l'église et de la synagogue que son aboutissement.
Le texte de la déclaration affirme notamment: « Encore que des autorités juives,
avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ (13), ce qui a été commis
durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant
alors, ni aux Juifs de notre temps. S'il est vrai que l'Église est le nouveau peuple de
Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par
Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous donc aient
soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n'enseigner quoi
que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l'Évangile et à l'esprit du Christ. En
outre, l'Église qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels
qu'ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu'elle a en commun avec les Juifs,
et poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de
l'Évangile, déplore les haines, les persécutions et toutes les manifestations
d'antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et leurs auteurs, ont été
dirigées contre les Juifs. » La dynamique de l'enseignement du mépris connaît sa
première inversion.
A partir de 1979, les signes de réconciliation entre papauté et judaïsme semblent
s’accélérer. Jean-Paul II présente des excuses, au nom de l'Eglise catholique, pour
les erreurs commises au cours de l'Histoire, pour "le courant d'hostilité vis-à-vis des
Juifs" à l'intérieur de l'Eglise. En 1986, il est le premier souverain pontife de
l'histoire à venir prier avec des Juifs à la grande synagogue de Rome. En 1993, un
accord est signé entre le Vatican et Israël dans lequel le Vatican reconnaît pour la
première fois l'Etat hébreu. L’année suivante, les relations diplomatiques
s’établissent. En 1998, le Vatican publie une déclaration intitulée "Nous nous
souvenons, une réflexion sur la Shoah". En 2000, Jean-Paul II voyage en Israël. Il
demande pardon pour les nombreux péchés commis autrefois par l'Eglise
catholique, notamment son attitude envers les Juifs. Mais en septembre de la
même année, la béatification de Pie IX responsable de l’Affaire Mortara, réveille
l’antagonisme entre catholiques et Juifs.

Sur les pas de son prédécesseur, en 2005, Benoît XVI se rend dans la synagogue de
Cologne. Il assiste à la récitation du kaddish et prie devant le mémorial aux
victimes juives du nazisme. Enfin en 2008, le pape rencontre la communauté juive
de Paris. C’est là qu’il déclare qu'«être antisémite», c'est «être antichrétien».

Noémie Grynberg 2009

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