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06 | 2000
Efficacité des systèmes éducatifs et de formation.
Vol. 2
Marc Gurgand
Éditeur
IDEP - Institut d'économie publique
Référence électronique
Marc Gurgand, « Capital humain et croissance : la littérature empirique à un tournant ? », Économie
publique/Public economics [En ligne], 06 | 2000/2, mis en ligne le 07 décembre 2005, consulté le 30
septembre 2016. URL : http://economiepublique.revues.org/1636
économiepublique
Revue de l’Institut d’Économie Publique
Deux numéros par an
no 6 – 2000/2
économiepublique sur internet : www.economie-publique.fr
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ISSN 1373-8496
IDEP Capital humain
INSTITUT D'ECONOMIE PUBLIQUE
et croissance : la littérature
empirique à un tournant ?
Marc Gurgand∗
Centre d’études de l’emploi et Crest (Insee)∗∗
1 Introduction
Il semblait acquis depuis les années 1960, mais sur la base d’exer-
cices essentiellement comptables, que la croissance du capital humain
était une composante importante de la croissance économique et que
celui-ci avait par conséquent une place légitime dans la fonction de pro-
duction agrégée. Ce résultat, pourtant conforme à l’intuition, semble
remis en cause par un ensemble de contributions empiriques récentes.
L’examen du rôle du capital humain dans la croissance est en effet re-
venu à l’ordre du jour à l’occasion du débat sur la convergence des
économies. Le modèle de Solow, dans lequel le moteur de la croissance
est le progrès technique, commun à toutes les économies, prédit une
convergence internationale des revenus par tête. Or cette prédiction
est peu conforme aux faits, ce qui légitimerait les modèles, en quelque
sorte concurrents, de croissance endogène. En 1992, Mankiw, Romer
et Weil montrent pourtant qu’il est possible d’amender le modèle clas-
sique de Solow en introduisant le capital humain aux cotés du capital
physique : cette version du modèle semble alors compatible avec les
données.
Par cette voie, le capital humain est donc redevenu un élément clef
et un enjeu important de la littérature sur la croissance économique.
Des efforts ont été développés pour constituer des bases de données
∗ L’auteur tient à remercier Jules Nyssen, Pierre Granier et un rapporteur anonyme pour leurs
commentaires sur une version antérieure de ce texte.
∗∗ Centre d’études de l’emploi et Crest. Adresse : 29, promenade Michel Simon, 93166 Noisy-le-
Grand cedex; gurgand@cee.enpc.fr.
Y = F (K, H, AL)
y = f (k, h)
k̇ = sk y − (n + g + δ)k (2.1)
ḣ = sh y − (n + g + δ)h (2.2)
ẏ
= λ(log y ∗ − log y)
y
La question qui nous intéresse ici est la suivante : dans quelle mesure
la littérature empirique qui s’appuie sur les types de modèles présentés
dans la section 2 fournit-elle une estimation crédible du rôle du capi-
tal humain dans la croissance, c’est-à-dire du paramètre β ou d’un de
ses dérivés ? Il est d’abord utile de récapituler les différentes stratégies
log yit = α log ski + β log shi − γ log(nit + g + δ) + θ log yio + a + gt + εit (3.4)
4 Pour simplifier l’écriture, et faciliter la comparaison entre les différentes spécifications, nous
ne tiendrons pas compte des renormalisations du type Ao en A1−α−β o et g en (1 − α − β)g qui
sont impliquées par ce changement de notation et qui modifient les valeurs d’une constante
et d’un paramètre sur lesquels nous ne concentrons pas notre attention.
5 Dans un article classique Zellner, Kmenta & Drèze (1966) montrent cependant que les moin-
dres carrés ordinaires constituent une méthode d’estimation légitime lorsque le résidu ε est
un aléa que les producteurs ne connaissent pas au moment où ils effectuent leurs choix de
production.
log yit = α log ski + β log h∗i − γ log(nit + g + δ) + θ log yio + a + gt + εit (3.5)
6 Dessus (1998) qui estime des spécifications proches de celles d’Islam (1995) présente des tests
qui ne permettent pas de rejeter l’exogénéité.
7 Leurs résultats sont robustes à l’utilisation des données de Barro & Lee (1993).
8 La différence entre les estimations de Benhabib & Spiegel (1994) et Pritchett (1996) tient
principalement à l’introduction explicite de la quantité de travail par les premiers et à l’ex-
pression du stock de capital humain en valeur par le second (en utilisant le taux de rendement
de l’éducation traité comme un prix).
confirment que, lorsque les effets fixes sont pris en compte, le coeffi-
cient du capital humain n’est plus positif et peut être significativement
négatif. Ce résultat démontre qu’il ne convient pas d’opposer les spéci-
fications de convergence vers l’équilibre stationnaire aux spécifications
de fonction de production, mais plutôt les estimations qui ne tiennent
pas compte de l’effet fixe, qui donnent des résultats positifs mais sont
potentiellement biaisées et les estimation qui corrigent ce biais et qui
ne font pas apparaître d’effet positif, quelle que soit la spécification
économique de référence. En d’autres termes, lorsque la présence d’ef-
fets fixes est prise en compte, le capital humain n’a plus d’effet positif
sur la croissance, quel que soit le modèle de référence (convergence ou
fonction de production).
11 On notera par conséquent que les problèmes d’erreur de mesure ne concernent pas seulement
les contributions qui utilisent les données de stock, même s’ils y sont probablement plus
sévères.
12 En théorie, l’erreur de mesure peut produire des estimations négatives de coefficients théori-
ques positifs, mais pour des rapports bruit-signal extrêment forts.
– et c’est au moins le cas du capital physique13 –, les sens des biais sur
les différents coefficients sont a priori indéterminés.
Tableau 3 : Les coefficients du capital humain dans l’estimation en pa-
nel de Islam (1995)
pour chaque période les données des autres périodes et observe égale-
ment que l’instrumentation modifie peu les estimations. Bien qu’il soit
toujours possible de discuter les hypothèses d’exogénéité des instru-
ments, on manque d’arguments pour soutenir qu’il persiste des biais
d’endogénéité importants, une fois pris en compte le rôle des effets
fixes.
Notons enfin que, dans un modèle comme celui estimé par Islam
(1995), seule la constante est autorisée à varier entre les pays du panel.
Les autres coefficients, notamment le taux de croissance du progrès
technique ou les coefficients des variables explicatives, sont supposés
communs à tous les pays. Sous certaines hypothèses sur le compor-
tement des variables du modèle en série temporelle, le fait d’imposer
ces contraintes si elles sont fausses peut entraîner un biais vers 1 du
coeffcient de progrès technique et vers 0 des coefficients des variables
explicatives (Lee, Pesaran & Smith, 1998). Malheureusement, les au-
teurs qui utilisent des techniques de panel dynamique en généralisant
l’hétérogénéité des coefficients et en traitant avec soin la structure tem-
portelle des termes stochastiques15 concentrent leur attention sur la
problématique de la convergence et ne cherchent pas à identifier l’ef-
fet de l’accumulation du capital humain sur la croissance. Il est donc
difficile d’évaluer l’effet de ces méthodes sur les résultats particuliers
que nous discutons ici. Nous analyserons dans la section suivante la
prise en compte de l’hétérogénéité des effets du capital humain, mais
dans une perspective beaucoup moins économétrique.
À ce point, la littérature empirique semble donc dans une im-
passe : lorsque des méthodes économétriques soignées sont mises en
œuvre, lorsqu’aucune hypothèse sur le processus d’accumulation du
capital humain n’est mobilisée et quelle que soit la modélisation rete-
nue (convergence vers l’équilibre ou fonction de production), il semble
que les données résistent à décrire une relation positive entre le revenu
agrégé et le capital humain.
log Yit − log Yio = α(log Kit − log Kio ) + β(log Lit − log Lio ) + γlog H + εit − εio
où log H est une moyenne sur la période des logarithmes des stocks
de capital humain, supposée déterminer le taux de croissance du pro-
grès technique. Or les auteurs obtiennent un coefficient de (−0.079)
avec un écart-type de (0.060), ce qui permet difficilement de valider
le modèle. Ils ajoutent ensuite le niveau de produit initial, log Yio , en
variable explicative afin de tenir compte d’un éventuel phénomène de
convergence. Cette fois, l’estimateur de γ devient positif et significa-
tif. Mais cette deuxième relation est totalement ad hoc et elle s’appa-
rente étrangement à l’équation (3.5) si on exprime cette dernière sous
la forme
log yit −log yio = α log ski +β log h∗i −γ log(nit +g+δ)+(θ−1) log yio +a+gt+εit
Ȧ Amax − A
= m(H).
A A
où Amax mesure le niveau technique du pays le plus avancé et m(.) est
une fonction. Dans ce modèle, la croissance d’un pays est d’autant
16 Et dont nous avons vu qu’il n’était pas robuste à la prise en compte des effets fixes.
17 La littérature économétrique récente utilise des méthodes de panel dynamique qui permet-
tent d’estimer des modèles dont les paramètres sont hétérogènes et aléatoires entre les pays
(voir Maddala, 1999). Nous nous intéressons ici à la littérature qui cherche à expliquer cette
hétérogénéité.
Ȧ Ymax − Y Ymax
= g.H + m.H. = (g − m).H + m.H.
A Y Y
19 Je renvoie le lecteur au texte de Dessus (1998) pour une définition détaillée de ces indicateurs.
Il est entendu que leur signification et la simple possibilité de mesurer les phénomènes en
question sont discutables mais leur examen documenté dépasse les objectifs de cet article.
6 Conclusion
l’espace, mais c’est précisément cette diffusion qui est en jeu à travers
les tests, au moins indirectement. Dans le second cas, on est en mesure
d’introduire une dose d’hétérogénéité et on s’aperçoit alors qu’elle est
extrêmement forte et qu’elle pourrait bien expliquer la médiocrité des
estimations qui n’en tiennent pas compte.
Il nous semble qu’on identifie ainsi une cause possible du mal,
mais que le diagnostic est encore incomplet. L’hétérogénéité s’expli-
que manisfestement par la sensibilité du rendement du capital hu-
main aux conditions économiques dans lesquelles il est exploité. C’est
en soi un point important car il s’oppose à l’idée que les rendements du
capital humain sont peut-être variables, mais, en toute circonstance,
forts, idée véhiculée en partie par la littérature microéconométrique sur
les équations de salaire. Nous n’affirmons pas que c’est inexact, nous
soutenons simplement que les économistes ne sont pas en mesure de
l’illustrer empiriquement au niveau macroéconomique et qu’il est par
conséquent utile de remettre en question cette notion. Les rares con-
tributions que nous avons évoquées mettent en œuvre un ensemble
disparate de variables pour caractériser les situations qui pourraient
affecter le rendement du capital humain. Manifestement, il manque
encore une théorie des mécanismes exacts qui donnent au capital hu-
main une valeur productive.
Bibliographie
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Bosca J., de la Fuente A. & Domenech R., “Human Capital and Growth :
Theory Ahead of Measurement”, mimeo, 1996.
Résumé
Abstract
Since the early 90’s, the empirical literature on human capital in eco-
nomic growth is full of contradictory results. This paper surveys the
main contributions with emphasis on two axis : economic specifica-
tion and econometric methods. Along the first axis, models based on
convergence towards stationary equilibrium are opposed to production
function estimates. Whether endogeneity of human capital is treated
or not forms the second axis. Whenever robust econometric methods
are used, a positive relationship between human capital and economic
growth or the aggregate product does not come up, whichever econo-
mic specification is used. Measurement error on human capital stock
data does not seem to account for this intruiguing result. A few pa-
pers indicate that the return to human capital may be sensitive to the
economic environment, which may explain why estimates assuming
homogeneous return between countries are weak. This should alter
our way of thinking about human capital in the economy.
Mots-clés