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Histoire, Sciences
Sociales
Maigret Éric. Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d'analyse de la modernité. In: Annales. Histoire,
Sciences Sociales. 55ᵉ année, N. 3, 2000. pp. 511-549;
doi : 10.3406/ahess.2000.279861
http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_2000_num_55_3_279861
The heritage of Michel de Certeau has been so much scattered in different fields of research, in social
sciences and in various countries that it is nearly impossible to think of an unity of his work. The history
of mystics, the epistemology of history, the socio-anthropology of religion, the sociology of culture, the
Cultural Studies, the research on media technologies, are now all impregnated with this concepts and
results but usually do not connect them together. This paper tries to reevaluate the multiple writings of
Michel de Certeau and some of their receptions in order to establish that there was no general theory
of modernity in them but the methodological project of producing such a theory. This project began with
the study of mystics as a part of secularisation and with the study of secularisation as the invention of
an independant sphere of cultural practices. It postulated that epistemology could not at all be
segmented from empirical study, especially when the focus is on the popular (who talks when you talk
about the "popular"?). It then introduced a new theory of beliefs and practices, and of the links between
then, which could explain the different changes brought in modernity.
Résumé
Les trois héritages de Michel de Certeau. Un projet éclaté d'analyse de la modernité (É. Maigret).
L'héritage de Michel de Certeau est à ce point dispersé dans des champs de recherche, des
disciplines et des pays différents qu'il semble impossible de conférer une unité à son œuvre. L'histoire
de la mystique, l'épistémologie de l'histoire, la socio-anthropologie des religions, la sociologie de la
culture, les Cultural Studies, la recherche sur les nouvelles technologies, sont imprégnées de ses
concepts et de ses résultats mais ne les relient pas entre eux. Cet article passe en revue les multiples
écrits de Michel de Certeau et certaines de leurs réceptions afin de montrer qu'un projet d'analyse de
la modernité se dégageait d'eux. Ce projet débute avec l'étude de la mystique comme manifestation de
la sécularisation et avec l'étude de la sécularisation comme invention d'un espace autonome de
pratiques culturelles. Il souligne que la dimension épistémologique ne peut être séparée de l'étude
empirique, surtout dans le cas du « populaire » (qui décrète ce qu'est le « populaire » ?). Une nouvelle
théorie des croyances et des pratiques, et des liens qui les unissent, complète un projet qui tente de
cerner les changements apportés par la modernité.
LECTURES ET RECEPTIONS
D'UNE ŒUVRE
Eric Maigret
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Annales HSS, mai-juin 2000, n° 3, pp. 511-549.
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croyance pour de Certeau était d'abord rejet d'une inscription dans un lieu
particulier, y compris celui du jésuite ; elle se voulait aussi quête individuelle
de l'autre qui ne peut se satisfaire longtemps de l'appartenance à une
institution, à une Eglise, même si elle se disait toujours religieuse1. Le
sentiment de distance à l'égard d'une institution qui fournit pourtant le
vocabulaire de référence s'est trouvé renforcé par le constat de son déclin
contemporain. Confronté à la difficulté de croire à une époque où le
christianisme perd de son évidence, où les religions se révèlent simples de
croyances, de Certeau a choisi d'associer à la sienne une réflexion
permanente sur ce qui la constitue, une elucidation de ses conditions d'apparition
et, dans une certaine mesure, de disparition. L'entrée dans l'exégèse, dans
l'histoire de la mystique et dans l'histoire tout court, l'ouverture à la
sociologie, à l'anthropologie, à la sémiotique et à la psychanalyse, sont
la manifestation d'une perpétuelle remise en question devenue démarche
scientifique. L'attention aiguë à la différence, à partir du moment où elle
s'est appliquée au monde, s'est révélée être en affinité avec les exigences des
sciences humaines, débouchant sur une exploration des processus sociaux de
construction de l'autre et sur une déconstruction de la position du chercheur,
de son implication dans l'objet qu'il étudie.
Après s'être mise au service des écrits et correspondances des mystiques,
dans un minutieux effort de documentation et de contextualisation
aujourd'hui salué (voir les recherches réunies par Luce Giard et Louis de Vaucelles
(1995, 1996) sur l'histoire des jésuites, ou celles de Pierre-Antoine Fabre
(1992) sur les Exercices spirituels de Ignace de Loyola), l'œuvre de Michel
de Certeau se réclame en effet clairement du métier d'historien et aborde de
front le problème de la production du savoir avec les textes réunis dans
L'écriture de l'histoire (1975). Ceux-ci rappellent vigoureusement que l'acte
interprétatif gît au cœur de l'activité scientifique puisque le travail de
l'historien consiste à convoquer des absents par le biais de matériaux divers
— archives et autres traces matérielles — qui fournissent l'illusion d'une
immédiateté du passé mais non sa saisie. Ce que traduit d'abord le chercheur
dans sa lecture des faits, c'est sa propre présence dans les objets qu'il
utilise pour rendre compte du passé, ce que l'on nomme usuellement ses
présupposés ou sa subjectivité, eux-mêmes liés à son positionnement social
et institutionnel. Il n'y a pas de transparence du document, seulement une
idéologie positiviste de cette transparence, et son emploi nécessite la mise
en œuvre d'une méthodologie exigeante, d'une hygiène de la recherche, si
l'on veut éviter la confluence des époques et des positions. Une « sociologie
1. Luce Giard (m J. Ahearne et alii, 1996, p. 151) rappelle que les textes mystiques qui
avaient les faveurs de Michel de Certeau étaient ceux de « blessés », tenus en leur temps en
marge de l'Église. De Certeau a souligné les incertitudes de sa foi, par exemple au cours de
son entretien avec Jean-Marie Doménách (Certeau et Doménách, 1974, pp. 56 et 58) : « J'ose
parler, je voudrais parler comme croyant, tout en sachant et en avouant l'infirmité de ma
croyance ; [...] une intime gratitude nous attache à l'institution de qui nous avons reçu cette
nouvelle, même si l'expérience de la foi, toujours mal vécue, décèle, dénonce et voudrait
arracher tout ce qui, dans cette institution, cache le fragile et précieux message dont elle est
porteuse. » Voir aussi La faiblesse de croire (1987).
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6. Sur la réception initiale de de Certeau dans les milieux historiques, voir Martin, 1991.
7. Pour Dominique Julia, de Certeau s'inscrit au tournant du siècle « au cœur de nos
interrogations » {in Ahearne et alii, 1996). Voir aussi Julia, 1988, et le collectif dirigé par
Boutier et Julia, 1995.
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8. La réhabilitation du récit comme « outil cognitif » est retracée dans le contexte français
par Philippe Carrard, 1998.
9. Voir aussi l'entretien entre Roger Chartier et Gérard Noiriel, 1998.
10. « Le terme de scientifique, assez suspect dans l'ensemble des " sciences humaines " (où
il est remplacé par le terme d'analysé), ne l'est pas moins dans le champ des " sciences
exactes " dans la mesure où il renverrait à des lois. On peut cependant définir par ce terme
la possibilité d'établir un ensemble de règles permettant de "contrôler" des opérations
proportionnées à la production d'objets déterminés. » (Certeau, 1984, p. 64).
11. Les textes historiographiques du début des années 1970 sont des réponses directes à
Paul Veyne (comme la recension du livre publié par ce dernier en 1971, Comment on écrit
l'histoire ; cf. Certeau, 1972).
12. Giard, 1990, p. xix. Voir aussi Ahearne (1995, pp. 34-37).
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13. La place de déconstructeur que lui accorde François Dosse dans son ouvrage de
synthèse consacré au paysage intellectuel français des années 1970 est assez emblématique
(Dosse, 1992).
14. Sur ces passages, voir Ahearne, 1995, p. 36.
15. Le « tournant critique » opéré dans Les Annales en 1988 et 1989 et dans des ouvrages
comme celui dirigé par Bernard Lepetit (1995) signifie un élargissement de l'histoire aux
modèles économétriques, sociolinguistiques, littéraires, etc.
16. Sur ce point voir aussi Levi, 1989.
17. « Ce qui est en cause dans ces expérimentations — et dans bien d'autres
aujourd'hui — , ce n'est pas seulement, on le voit, la possibilité de rajeunir de vieilles formules
historiographiques. C'est bien plutôt une reprise du récit comme ressource. Il y est conçu
comme l'une des manières possibles de contribuer à construire et à éprouver une intelligibilité
des objets que se donne l'historien, à nouveau inséparable de l'élaboration critique d'une
interprétation » (Revel, 1995, p. 70).
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21. De Certeau est historien de formation, son œuvre a certainement connu le même
déroulement que tous ceux de sa génération (comme me le précise Luce Giard, son travail
sur Surin peut être considéré comme sa thèse). Mais son œuvre sociologique et anthropologique
n'a vraiment été formulée qu'à la cinquantaine.
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s'épanouir entre le XIIe et le xvnf siècle. Sa thèse est que cette mystique
doit être pensée comme « formation historique », c'est-à-dire non comme
l'expression d'une expérience émotionnelle invariable mais comme un
certain type de réponse, dans un contexte précis, à une situation de désarroi
de la croyance. Elle surgit dans le vide de la récession religieuse en lui
opposant une quête de l'Un. Le langage de ces marginaux de l'Église que
sont à l'époque les mystiques est historiquement réactif et s'appuie sur des
techniques visant la capture de l'altérité des sentiments et des objets du
monde par des techniques stylistiques (Г oxymoron ou le barbarisme) et par
leur réintégration dans une essence qui n'est finalement plus théologique
mais poétique. Il est sans avenir car sans approbation des clercs et sans
affinité avec la modernité qui se met en place. Bientôt étouffé par la parole
et surtout par les écrits des professionnels de la croyance qui rigidifient les
dogmes et les cultes après le concile de Latran, afin de bloquer toute dérive
du christianisme, il ne peut par ailleurs trouver sa place dans les sociétés
contemporaines qui expulsent les quêtes ontologiques. Pourtant, sa grandeur
est aussi de surgir comme une « figure épistémologique », comme un type
de récit que seule la psychanalyse serait capable de retrouver aujourd'hui,
ouvrant sur une vérité à son insu, contrairement aux autres récits qui ne
s'expliquent pas eux-mêmes22.
Le lien s'est définitivement défait entre institutions, croyances et
pratiques — un lien qui était toujours accommodement et tension — et une
pluralisation des types de croires s'effectue sans que le croire soit expulsé
du monde. Les tentatives de reconquête de la société par les Églises ne
manquent pas mais ne freinent pas le processus : elles l'expriment dans
sa nudité. La multiplication des actes de vantardise, les représentations
iconographiques « propagandistes » de plus en plus nombreuses et la
politique du culte menée à partir du xvne siècle, chargée de redonner de la
cohérence à la foi en l'ancrant dans les pratiques, trahissent en fait le
manque d'assurance des Églises et leur rabaissement à un ordre partiel
luttant pour sa survie. Politisation et folklorisation des pratiques religieuses
semblent l'issue d'une évolution défavorable aux organisations qui
revendiquent leur gestion. Du point de vue des hiérarchies sociales, il apparaît de
plus en plus clair que les masses sont en mesure de revendiquer une plus
grande autonomie de leurs croyances et de leurs comportements face aux
élites, alors que ces dernières se divisent dans leurs rapports au croyable.
Cette rupture fondamentale, fondatrice des sociétés démocratiques, explique
qu'il est nécessaire de rechercher dans des instances nouvelles les espaces
d'expression du symbolique. Un jeu de transfert du croire religieux au pôle
politique, puis au pôle des loisirs, s'est mis en place au cours du temps.
L'État et les idéologies partisanes semblent prendre tout d'abord le relais des
théologies avant que le monde du divertissement ne s'octroie ce privilège. Ce
constat est confirmé dans L'invention du quotidien (« le croire s'épuise. Ou
22. Le récit savant se contente de « performer » et n'atteint pas la vérité, même s'il apporte
le savoir, alors que la fable joue avec la vérité dont elle est porteuse (cf. les explications
données dans Quéré et Certeau, 1983).
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bien il se réfugie du côté des médias et des loisirs » (1990, p. 263) et, bien
avant, dans Le christianisme éclaté (1974)23. Dans ce dialogue fameux avec
Jean-Marie Doménách, Michel de Certeau prend position comme chrétien
mais continue de raisonner avant tout en historien en se proposant d'analyser
la trajectoire récente du christianisme. La croyance n'est plus profondément
ancrée aujourd'hui dans des groupes et dans des comportements, spécifiques,
elle se décolle à la fois de la vieille maison, « désaffectée », et des conduites
familiales, sexuelles, politiques, morales. En retour, des mouvements de
réemploi du fonds chrétien se multiplient sur le mode culturel ou ludique.
« Chez les croyants, le langage religieux se raréfie, alors qu'il prolifère
ailleurs. Les croyants parlent de justice ou de libération, alors que la
référence au diable, à Jésus ou au pape reparaît de toutes parts dans la vie
publique et sur le théâtre des mass media, mais sans adhésion au
christianisme » (Certeau et Doménách, 1974, p. 10).
Les formes et l'intensité de la croyance varient donc à une époque
donnée et au cours du temps, elles s'appliquent à des objets parfois
identiques, parfois différents. Le glissement du substantif au verbe (de la
croyance au croire) est chargé de souligner l'abandon d'une modélisation
au profit de la seule référence chrétienne, qui pourrait obérer la réflexion
en universalisant un donné historique, ainsi que de la distinction entre
religieux et non-religieux. Car le propre de l'époque contemporaine est de
produire du croire sans institutionnalisation religieuse (sans Eglise) et sans
correspondance systématique avec des pratiques. Le but n'est pas de plonger
dans un grand ensemble indistinct ces croires et ces faires mais de souligner
qu'une anthropologie se doit d'étudier ces phénomènes de la même façon,
avec la même attention. S'il émet plusieurs hypothèses assez vagues sur
l'avenir du religieux24, Michel de Certeau exprime une théorie cohérente
du phénomène. Le religieux n'était pas dans les croires (modes de croyance),
ni dans les crus (contenus des croyances), mais dans les articulations entre
les deux, dans les formalités qui les produisaient ensemble en les reliant
en outre aux conduites. La déchristianisation n'est donc pas nécessairement
épuisement du croire mais elle est bien sortie du religieux. Le phénomène
invite à étudier les nouvelles manifestations du croire et la logique actuelle
des pratiques, notamment populaires, aujourd'hui largement autonomisées,
sans les amalgamer au religieux ou à un ersatz du religieux.
Les Églises, voire les religions, seraient non des unités référentielles,
mais des variantes sociales dans les rapports possibles entre du croire et
23. Pour les autres éléments d'une anthropologie historique du croire, voir notamment
Certeau, 1983 et 1993. Sur ce point, voir Panier, 1991.
24. Sont tour à tour passées en revue l'hypothèse de la reformation de petites communautés
émotionnelles face à « l'uniformisation bureaucratique » (Certeau et Doménách, 1974, p. 30),
celle de la disparition du religieux (« il se peut que le christianisme ou, plus généralement,
la religion soit seulement une figure historique des grands problèmes de l'homme en société,
et que d'autres lui succèdent aujourd'hui », Certeau et Doménách, 1974, p. 74) et celle du
moine itinérant. Mais de Certeau souligne bien que «rien jusqu'ici ne [lui] a paru pouvoir
remplacer ce qu'[il] a découvert grâce à l'Évangile » (Certeau et Doménách, 1974, p. 77).
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Par son style d'une grande séduction, et par son recours au genre
littéraire M. de Certeau nous fait sentir le mouvement de cette quête qui
25. Certeau, 1990, p. 269. Voir sur ce point les précisions déjà apportées dans L'écriture
de l'histoire (Certeau, 1984, pp. 128-129 et pp. 171-172).
26. Au cours même de son dialogue avec Jean-Marie Doménách, Michel de Certeau s'attire
les remarques de son contradicteur lui reprochant son obsession du concept de différence dans
la définition du christianisme.
27. Dominique Julia explique ainsi le faible impact de cet auteur en Italie (in Ahearne et
alii, 1996, pp. 134-135).
28. Le rapport à la psychanalyse serait à reconsidérer à partir de Histoire et psychanalyse
entre science et fiction (Certeau, 1987). Le lien mystique/psychanalyse est une importante
piste de réception de Michel de Certeau en France (voir Cravetto, 1999).
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33. Voir cependant le collectif dirigé par Jean-Paul Willaime (1993) sur ces points, et id.,
le résumé (1995).
34. Voir aussi Hervieu-Léger, 1987 et 1999.
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37. L'ouvrage de 1957 a été traduit en 1970 en France avec une préface fameuse de Jean-
Claude Passeron dégageant les catégories de « consommation nonchalante » et de « lecture
oblique », certainement très suggestives pour celles de « ruses » et de « tactiques ».
38. Suivant le constat exprimé par Mayol, in Ahearne et alii, 1996, p. 140.
39. Cette remarque sur la circularité de la réflexion de Bourdieu se rapproche de celle
effectuée par Jon Elster à peu près au même moment (Elster, 1986).
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Si l'on veut comprendre comment les individus vivent dans les sociétés
marchandes, ouvertes à la consommation matérielle et symbolique
généralisée grâce aux médias, il faut se détacher d'une vision appauvrissante des
consommateurs de biens et de sens, « supposés voués à la passivité et à la
discipline40 », et réhabiliter leurs pratiques que l'on amalgame souvent dans
une « culture populaire », avec tout ce que cette expression peut avoir de
dégradant pour ceux qui en sont les pratiquants supposés. La description
des pratiques quotidiennes (habiter, circuler, parler, lire, faire le marché ou
la cuisine41) qui sont aussi souvent celles des « faibles », des « dominés »,
c'est-à-dire de ceux qui ne sont pas auteurs ou producteurs, doit permettre
d'inventorier les décalages entre les productions d'images et leurs usages
— qui sont eux-mêmes de nouvelles productions. Pour l'ouvrier en usine,
pour le marcheur en ville ou pour le lecteur, il n'existe pas d'imposition
par le haut d'une logique totalitaire des pratiques à laquelle se conformer,
celle d'un « lieu » : l'organisation industrielle, l'architecture ou le texte. Il
n'existe pas non plus de « loi du milieu » (social) qui explique simplement
les comportements ou permette de les déduire comme Г habitas serait
susceptible de le faire. À chaque fois, des ruses, des coups, des figures, des tours,
qui sont autant de retournements de sens opérés par les individus, viennent
rappeler que le sens littéral, imposé, n'est pas le sens reçu, retravaillé, et
qu'il n'implique pas une mise en conformité avec un devoir ou un acquis.
La « polémologie du faible » que Michel de Certeau (1990, p. 63) s'efforce
de caractériser consiste en une succession d'actes de résistance, de
détournement et de transformation dont les figures emblématiques sont pour cet
auteur la perruque en usine, la marche dans la ville et l'errance du lecteur
dans les textes qu'il n'a pas écrits. Elle est directement inspirée de la théorie
freudienne des mots d'esprit, de la métis grecque décrite par Vernant et
Détienne, de la philosophie wittgensteinienne du langage ordinaire (Giard,
1990). Le point de départ de la réflexion certalienne est donc une réflexion
anhistorique sur la créativité des pratiques, sur les « immémoriales
intelligences » des hommes, de tous les hommes, sur leurs capacités à déjouer
ou à tourner un pouvoir, qui trouveraient peut-être leur origine dans les
premiers instincts animaux (Certeau, 1990, p. xlvii). Mais cette réflexion
se double d'une seconde, historique cette fois, sur le caractère de plus en
plus conflictuel de la relation entre producteurs et consommateurs de sens
dans les sociétés occidentales depuis l'affaiblissement des autorités
religieuses : la disjonction serait de plus en plus accentuée entre les autorités et
ceux qui les subissent, la marge d'interprétation de plus en plus importante.
Dans ce processus, les médias joueraient un rôle essentiel ; ils seraient
des lieux à partir desquels chacun se penserait sans être seulement pensé.
L'exemple de la lecture, entendue en son sens le plus large42, est central ;
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Les stratégies sont donc des actions qui, grâce au postulat d'un lieu de
pouvoir (la propriété d'un propre), élaborent des lieux théoriques (systèmes
et discours totalisants) capables d'articuler un ensemble de lieux physiques
où les forces sont réparties. [...] Les tactiques sont des procédures qui valent
par la pertinence qu'elles donnent au temps — aux circonstances que
l'instant précis d'une intervention transforme en situation favorable, à la
rapidité des mouvements qui changent l'organisation de l'espace, aux
relations entre moments successifs d'un « coup ». [...] Les stratégies misent sur
la résistance que l'établissement d'un lieu offre à l'usure du temps ; les
tactiques misent sur une habile utilisation du temps, des occasions qu'il
présente et aussi des jeux qu'il introduit dans les fondations d'un pouvoir44.
Les braconniers sont aussi des « nomades », ils ont accès à des registres
divers de compétences et à des lieux différents, ils vont de textes en textes,
on ne peut les ramener, les constituer à partir de certains de leurs choix,
même s'ils ont des préférences. Ils se laissent piéger par les idéologies
dans lesquelles ils transitent et dont ils tirent plaisir, mais ils réussissent
des « coups », ravissent « les biens d'Egypte pour en jouir » (Certeau, 1990,
p. 251). Par ces actes de résistance poétique, ces arts de faire avec, « chacun
fait son produit à lui, différent, incohérent, superbe45 ». Cette théorie, en
résumé, n'est pas une théorie de la lecture inadaptée, qui supposerait un
epiphanies marchandes, notre société cancérise la vue, mesure toute réalité à sa capacité de
montrer ou de se montrer et mue les communications en voyages de l'œil » (Certeau,
1990, p. XLin).
43. L'opposition stratégies-tactiques est déjà explicitée dans La culture au pluriel (cf.
Giard, 1993).
44. Certeau, 1990, pp. 62-63.
45. Certeau, 1979, p. 26. Texte préparant L'invention du quotidien.
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51. De Certeau fréquentait les séminaires d'Urbino et ceux de Greimas, comme le rappelle
Luce Giard, 1990, p. iv.
52. Cf. le collectif dirigé par Martine Poulain, 1988, ou celui dirigé par Bernadette Sei-
bel, 1995.
53. The Practice of Everyday Life (traduction Steven Randall), Berkeley-Londres, University
of California Press, 1984. Des textes circulaient déjà aux États-Unis quelques années auparavant
(« On the Oppositional Practices of Everyday Life », Social Text, 3, 1980, pp. 3-43).
54. Voir le numéro de la revue Hermès (Dayan, 1992) consacré à la notion de public.
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58. Les références directes à de Certeau peuvent être trouvées dans Fiske, 1989 (a et b),
1992 et 1993. Voir également Fiske, 1987 et 1991 ; Chambers, 1986.
59. Sur l'histoire des diverses branches des Cultural Studies et leurs rapports aux thématiques
marxistes, voir notamment Brantlinger, 1990, Harris, 1992 et Davies, 1995.
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60. Sur cette communauté, voir aussi les travaux de Penley, 1991 et 1992, et Bacon-
smith, 1992.
61. Avant de revendiquer par la suite sa propre bisexualité (Jenkins, 1996).
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62. Radway, 1988 et 1992. Dans le même domaine de recherche, celui de la littérature
féminine à l'eau de rose, les travaux de Tania Modleski sont parmi les plus proches de la
thèse adornienne de la dépossession par la culture industrielle (Modleski, 1982).
63. La recherche post-colonialiste pose pour partie les mêmes problèmes que celle produite
par les Cultural Studies, en présentant la tendance à verser dans un populisme peu contrôlé.
Mais elle bénéficie elle aussi des effets d'une libération par rapport aux perspectives trop
critiques (ici les courants historiques européocentristes).
64. De Certeau rapproche lui-même les « arts de faire " des procédures d'interactions
quotidiennes relatives à des structures ď expectation, de négociation et d'improvisation propres
au langage ordinaire " » présentées par l'ethnométhodologie et la sociolinguistique (Certeau,
1990, p. xlii).
65. Voir en particulier Hall et Jefferson, 1976, et Hebdige, 1979.
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Ces remarques ne vont pas en fait au-delà d'un pur constat empirique
mais elles sont facilement réappropriables par une idéologie de la fluidité,
de l'inconsistance. Si nous sommes à ce point multiples, que dire de
pertinent sur nous-mêmes qui ne se perde dans le brouhaha d'un discours
sur la complexité ?
La sociologie française des cultures populaires et de la réception, avec
Claude Grignon et Jean-Claude Passeron (1989), a repris le constat d'une
intelligence des pratiques paysannes et ouvrières qu'elle a opposé à la
vision dégradante de ces derniers dans la sociologie de l'habitus, mais elle
s'est méfiée d'une certaine « empoétisation de la vie ordinaire » {ibid.,
p. 185) que le livre de Michel de Certeau véhicule, dérivant vers une sorte
de populisme esthétique68. Pour Grignon et Passeron, surtout attachés à la
mise en œuvre d'une epistemologie qui permette de définir l'attitude du
chercheur face à des objets aussi dévalués que les consommations
alimentaires, les cultures adolescentes ou de métier69, il faut rappeler en permanence
66. Morley et Hall demeurent attachés non seulement à l'idée de détermination sociale des
lectures mais aussi à celle de lecture « préférentielle » ou « hégémonique » imposée par le texte.
67. Hall, 1986, p. 10.
68. Cette critique est fondée mais se révèle assez injuste à l'égard de Michel de Certeau
puisqu'elle ne prend pas en compte l'historique même des efforts déployés par ce dernier
pour établir une epistemologie face au problème de la compréhension du « populaire ».
L'ouvrage sur la destruction des patois est cité et donné en exemple par Grignon et Passeron
dans leur propre quête d'une telle epistemologie, mais les recherches menant à L'invention
du quotidien sont trop rapidement classées dans la catégorie « populisme », alors qu'elles sont
aussi dans la continuité de La beauté du mort et de La Révolution française et les patois.
69. Il est à noter que ces auteurs ne parlent pas des utilisateurs des médias audiovisuels
dans leur ouvrage parce qu'ils ne considèrent pas comme « populaire » la culture qui s'y
rattache (il faudrait dire les cultures).
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73. Ibid., 1996, p. 214. Voir aussi l'entretien entre Pierre Bourdieu et cet auteur
(Bourdieu, 1993).
74. Voir Fiske, 1992.
75. Par exemple les réflexions de Bertini, 1998.
76. Dans un article écrit en réaction au texte de Frow (Schirato, 1993).
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afin de pouvoir remplir son objectif descriptif. Le livre serait une illustration
en acte d'une pratique qui se veut hors pouvoir. Cette hypothèse n'est pas
infondée quand on connaît ses efforts pour développer une epistemologie
de l'histoire et une écriture qui lui corresponde. L'optimisme et l'empoéti-
sation qui lui sont reprochés résultent ainsi d'un choix délibéré,
méthodologique. De Certeau (1990, p. 67) parle de « thérapeutique », de besoin
d'assurer la présence des phénomènes populaires « à titre de revenants »,
tout en ayant conscience des limites de cette thérapeutique : « À faire
l'apologie de l'impertinence du lecteur, je néglige bien des aspects77. » La
politique d'écriture choisie n'est pas en soi critiquable, seule peut l'être
l'absence de précisions sur ce choix d'une proximité louangeuse, fruit d'une
attitude comprehensive, qui aurait pu être dans un contexte différent celui
d'une distance critique, fondée sur l'explication et la réduction.
Les lectures fiskiennes constituent-elles alors des braconnages, des
utilisations détournées voire forcées ? La tendance à voir dans les pratiques
de réception des actes de résistance et dans la résistance l'indice d'une
impossibilité de théoriser les pratiques n'est-elle pas présente chez Michel
de Certeau lui-même ? La réponse à cette deuxième question est clairement
positive. De nombreux passages de L'invention du quotidien peuvent être
cités qui tous soulignent le refus de son auteur de s'inscrire dans les cadres
théoriques disponibles et même de penser qu'un cadre théorique puisse être
dégagé. Au début de son ouvrage, de Certeau (1990, p. xl) vise une
« formalité », ou logique des pratiques, en supposant que « ces opérations
multiformes et fragmentaires, relatives à des occasions et à des détails
[...] obéissent à des règles ». Mais il parle également (pp. 65 et 95) de
« pullulement » des faits devant lequel les théories ne résisteraient pas,
de « mouvement brownien » des pratiques78. Il évoque régulièrement
l'existence de « modèles » — ainsi, à propos de la lecture (p. 252), la pensée
sauvage lévi-straussienne, l'esthétique allemande de la réception et l'art
médiéval de l'écriture — mais évite soigneusement de prendre parti comme
il refuse de choisir entre les trois champs scientifiques qu'il distingue
(sociologie/histoire, ethnométhodologie, sémiotique — pp. xli et xui). Un
parallèle avec le principe d'indétermination en sciences exactes et la mention
de la théorie des catastrophes de René Thom sont là pour rappeler (pp. 95
et 294) que les prétentions explicatives des savants se heurtent à des
limites, l'ouvrage se concluant d'ailleurs par un chapitre au titre évocateur
(« Indéterminées »)79. Au fond, Michel de Certeau s'oppose à la fois à l'idée
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92. Un numéro de la revue américaine Diacritics est venu ponctuer la découverte d'un de
Certeau historien et épistémologue aux États-Unis {Diacritics, 1992, avec des contributions
notamment de Tom Conley, Richard Terdiman, Marsanne Brammer, Steven Ungar, Samuel
Kinser). Les ouvrages traduits après 1986 s'échelonnent ainsi : Heterologies. Discourses on
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