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(BnF Gallica

Du culte des dieux fétiches


ou Parallèle de l'ancienne
religion de l'Égypte avec la
religion actuelle de Nigritie
[...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Brosses, Charles de (1709-1777). Du culte des dieux fétiches ou
Parallèle de l'ancienne religion de l'Égypte avec la religion
actuelle de Nigritie ([Reprod.]). 1760.

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OU CULTE

'
FETICHES,
ou
Parallêle de l'a11cie1111e Rcligion
de l'Egypte avec la Religio11
aéluell~ de. Nig~iti~. ,,,.,, I , 1·

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Refpicit angue1
OmnigenÚmiue Deúm monjlra & latrarov Antibit. -4

VIR.GIi.. lEN. VIII. 697.

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CULTE
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1
'Aífemblage confus de l'an~·-i ~~~-~;/
cienne Mythologie 11'a été
pour les modernes qu'u11 ca:. .
hos i11déchi.ffrable, ou qu't1-
11e é11ig111e pt1rement arbitraire, tant qu'o11
• •
a voulu · faire ufage du figurifn1e des
derniers Philofophes Plato11icie11s
.
, qt1i
prêtoit à des natio11s ig11ora11tes & fa11 . .
v·ages u11e co11noiffance · des caufes .les
plus cachées de la 11ature, & trouvoit
da11s le ran1as des pratiques tri,riales
d'u11e foule d'hon1n1es. ftupidcs & grof-
fiers les idées . i11telleétuelles de la plus
'
.abfrraite Mé~aphyfique. o·n 11'a gueres
. A 3 •
m1e11x:

6. n ·u e u L T ~·

mie11x réuffi, qua11d par d~s raports ,.


'
la plupart. forcés & n1al foutenus , 011 •a
vo11Iu retrouver da11s les faits n1ytholo-
giques de l'a11tiqu-ité l'hiftoire détaillée ,
n1nis défigurée , ·ae tout ce qui ca arrivé
·c11ez 1e peuple Hébret1, 11t1tio11 i11connue
à prefque tot1tes les a11t1·es, & qui fe fai-
foit u11 poi11t capital de 11e pas co111n1u-
niquer fa D0étri11e· aux étra11gers. M~is
ces deux métl1odes a,1oie11t u11e utilicé

marq11ée pour· oet1x qt1i les pren1iers


e11 011t· fait ufage. · Les Paye11s ch~r-
choie11t à fauver l'ho1111eur de leur cro-
ya11ce de la jufre critique des Cl1rêtie11s;
& ceu.x- ci profélites & perfécu,és , a-
voient u11 intérêt direél: de ran1e11er à
eux tout ce qui leur étoit étra11ger, &
de tour11er e11 preuves co11tr~ le11rs ,1d-
verfaires les a11cie1111es traditio11s do11t
ceux - là mên1e den1euroie11t d'accord ..
D'aillet11·s l'allégorie eft u-11 i11íl:rutnent

u1uverfel qt1i fc p-rête à tout. Le fyftê...



D E s . D 1 EU X F B T 1 C H E S. . 7
'

n1e du fe11s .figuré une fois admis , on


y voit facilen1e11t tout ce que 1'011 veut
comme dans les nuages : la matiere 11'eft
jámais embarraífa11te; il ne faut pl11s que
de l'efprit & de l'imaginatio11 : c'eft u11
vaíl:e chan,p , fertile e11 explications ,
quelles que foie1it celles do11t on peut
avoir befoi11. Auffi l'ufage du figurifm~
a-t-il paru fi commode, que fon éter-
11elle contradiél:io11 avec la Logique & Ie
fens comn1w1 n'a·· pu encore lui fairc
perdre au jourd'hui da11s ce .fiécle de rai,..
fo1mement le vieux crédit dont .il a jou'.i
durant ta11t de fiécles.
Q!lelques Savans plus judicieux , bie11
i11firuits de l'ltiftoire des premiers pe11-
ples dont les colo11ies 011t décoll\ ert 1

l'Occide11t , & verf6s d~ns l'intellige11ce


des La11gues Orientales , ap~es avoir dé..
bru;raífé la MytholQgie du fatras mal af-
forti dont les Gr~cs l'o~t furchai;gée, ~11
ont e11fin trouv.~ Ja yraye cl~f 'da1-1'S ·l'hif..
A 4 toire
8 Du C11LTE

:toire :réelle. de ·tous ·,ces premicrs peu-


.ples, ·de leurs o·pi11ions, & de 1eurs S.ou-
·verai11s
'
; dans les fauff'cs traduét:ions d'u..
·ne quantité d'expreffio11s fimples , dont
le fe11s 11'étoit plus ente11du de c~ux qui
'
conti11uoie11t de s' en fervir ; ·da11s ·:les
homonyn1ies ~. qui ont fait a11ta11t d'Etr~s
ou de perfonnes diífére11tes· d'u11 même
objet déíigné par diífére11tes épith;etes.
Ils 011t vu
que la Mythologie n'étoit au ..
t1·e· chofe· que J' IJifloire ou le récit des
~aio1ts Jes. morts·, conime fo11 '11om mê-
me: ·1'i11dique ;. le Grec ,;_Jeo,· étant déri~
vé du. mot Egyptie11 Muth, i.' ·e. mors;
tern1.e qlli ·re trouve .
de .même da11s· la
.
La11gtte Chana11ée11ne. Philort de Biblbs
traduit ·I'expreffio11 · Moutl,, ·qu'il trouve
dat1S le texte de Sanchoniato11, par .~~-
. . .

•«Tot ou Pluton· : ·tradu~io11 qui 11ous


indiq·ue e11 paífa11t· u11 rapport formei
• • li • . ' • •

e11tre· les deux La11gues ·Egyptie1111e ·&·


Phêriicie1111e.
,
Horace feníble s'être plü·
\
a
\
D Es D I EU X F E TI C H E s. 9
à re11dre en Lati11 l'jdée' attachée au
mot Grec MytlJologie par la verfion p11-
re1nent littétale Fabulte ma11es, /es mo,,.t-s
Jont .011, parle la,it. Ai11íi la fin1ple. orjgi-
11e du ternte Mythologie e11 don11e à la
fois la· véritable fignification , montre
fous q,ue)le· face ltt- Mytho1ogie
.
doit être
confidérée , & e11feig11e la meilleure mé-
thod·e de l'exp1iquer. Les favantes ex-
·plications qu'ils nous ont don11ées 11e
·laiífe11t prefqne plus rien à défirer , tant
fur le détail de l'ap.p1icatio11 · des fubles.
aux évé11en1ens réels de la vie des pe1~:..
fo1111ages célebres de l'a11tiquité profa11e ~.

que fi1r l'interprétatio11


.
des termes, .
qui ·,.
rédu.ifant pour, l'ordinaire Ie irécit· à ·deS;
faits tout fimples , font éva11o;u1r: le faux

merveílleux ~ont 011 s'êtoit plu à le pa~


rer.· Mais ces clefs, qui OU\ re11t tr.es biet\
1

l,i11tclligence
. .
des fables s
hiftoriques.,
' . • .
n.e.
fuffife11t pas t'ouj'ours pol!r re11dre rai...
fo11 de la íingularité · des opi11io11s d~g:'
A ,) 111.. ~..
IO D tJ CU L TE

n1atiques, ~ des rites pratiques des pre...


n1ic1·s peuples. · Ces deux poi11ts de la
TI1éologie Paye1111e, roule11t , o·u fur le
culte des aíl:res , co1111u f011s le. 110m
de Sabé:ifn1e, ou fur le ·culte peut- être
11011 ·moi11s ancie11 ele. certai11s objets
terreftres & n1atériels appel}és feticlJes
chez les Négres Africai11s , pa1·n1i lefquels
~ce. qult~ fubfifre , .& que par cette rai-
fon 1'.appe.llerai Fdtic/Jifme.· Je de111a11de
.qu.e 1'011. me permette de n1e fcrvir ha-
bitµellen1~11t de cette expreffio11: & quoi-
_que da11s fa fig11ificatio11 propre, elle fe
raporte e11 particulier à la c1·oya11ce dês
Négres. de l' ~frJque:, j'avertis ;d.'ava:ncé •

.qrie je coiµpte en: faire égal en1~11-t


'
.
!ufagê
ei1 parla.i1t de toúte

..autre 11atio11 quelq~llT'

que, 9h~z qui. les objets du crilte fo11.t


des anin1aux , ou des êtres inanimés que
l'ón _divi11ife ; même en.·. pa.rla11t qu~I.:.
qu.efois de certai11s peu.ples pour, qui tes
oh j.ets d'e ce.tte efpece font· . 'moil)S ..de~

Dieux
DES D I E .U X F E T I~C H E s. l 1

Die11x
.
· propren1e11t dits , que des ~ho . .
fes douées d'u11e vertu divi11e, des ~ra.

eles,
.
des an1ulettes, & de~ talifn1ans pré-
fervatifs : car il · eft . aífez co11fta11t que
toutes · .ces façons ~e . penfer n'ont au
fo11d. que .la .~1_ême fource , & que .c~lle-
ci n'eft que l'acceífoire d'une Religion
gé11érale 1·épa11due fort au loi11 fi1r tou"'.'
te la te~re, qui doit être examinée à
part ; comn1e faifant u11e claffe particu..
Jiere par~i les diverfes Religio11s Payen-
11es, toutes. affez différente~ entr'elles.
C'eft ici ( ce n,e femble, & je me pro...
pofe de l'établir) un des gra11ds élén1e11s
'JU?il faut employer da~s l'exame11 de la
Mythologie , & do11t 11os· plus habiles
Mythologues, ou 11e fe font pas avifés ,
ou n'o11t pas fc;u fi1ire ufage, po11r avoir
regardé d'un trop beau côté la chofe du
n1011de la . plus pit~yable e11 foi. • 11 eft
- .

co1,fta11t que parmi les plus a11cíe11nes


natio11s du n1onde, les u11es tout-à.fait
. \""

A 6 bru-
12 D tJ .C u· L T B

brutes- &. groífieres, s'étoient forgées par


nn: exces de. ftupidité .fuperfticieufe ces
étra11ges Divinités terreftres; tandis que
â'a11tres peuples moins · i11fenfés-· ado-
toient le· Soleil & les Aftres. · Ces deux:
fortes· de Religio11s , .....fources abo11dantes
de la Mythologie Orie11tale & Grecque ,'
& plu-s· a11ciennes· que l'idolatrie -propre-
ment ·díte ,. paroiffe11t dema11der · divers.
éclairciífemens que ne peu:t fournir l' é- ..

:,camen- de Ia. vie des hommes · dé:ifiés.


lei· les. ·Di vi11ités fo11t d'u11 at1tre ge11re ~
furtout celles des peup1es Fét1chifres ~
do11t j'ai deífeit1 de détaille1· la c1oya11ce ;.
fi· ancie11ne, & fi longtéms f0ute1iue ,
iilalgt:é l'exces, de fo11 abfurdíté. ·on 11'a
pói11t encoi;e do1111·é de raifon·.. plaufible
·de cet antiq_t1e ufage ta11t repróché.- aux
Egyptie11s , d'adorer des a11imaux' & des
plantes.•d.e tbl:lte 'fórte, ~ qttibu,: h~c 11af.
, •
-
,
* .Juvenai. Sat•. i S~··
'
DES DI-EllX F.ETICHES. •3
cuntur in l1orti~· Ni,mina. Car 11i les al..
Iégories myíliques. de Plutarque & .de
Porphyre, qui . veulent que ·ces objets
vulgaires fuífent autant ·d'emblêmes des.
attributs de l'Etre fuprêmé·, · ni le fenti~
i1ient. de ,ceux. quí fans prcuve fuffifa11~
'

te pofent· pour pri11cipe· que·· chaque Oi.,.


vi11ité avoit pour type ·vifible un animal
que le peuple prit bie11t6t pour la Di-_
vírtité' n1ême , ni ·le fyftême d'un figu-
rifte moderne qui en fait a11ta11t ·d'affiches,
' ' '
artnô11·çant énigmatiquement
. '
au pe11-
pie les chofes · communes do11t il avoit
déj·a l'ufage trivial, n'o11t rien à cet égard
de :. plus fatisfaifa11t, ·pour· ·1es éfprits q11i
n·e ··fe. ·payent ·pas .de vaines paroles élé.,
•.

gantes . , que la ·fable . de la fuite des


Dieux de ·1'0lympe en. Egypte,. ou ils
fe déguifere11t en tOllteS' fortes d'efpe..;
ces d~a11irnaux, fous l,t forme defquels.
1

on ·Ies. adora .depois.· -


11· ne faut pas allex chercl~er -bien loi11
ce
' .
I4 D 11. CU L ..T E

ce qui fe trouve plus p1 es , quand on 4

fait par n~i Ile exemples P.areils qu'il ~'y


a point de fuperfiitio11 fi abfurde ou fi.
ridicule que 11'ait e11ge11dré~ ,l'ig11orance
jointe à la crai11te; qua11d on voi.t av_ec
quelle fi1cilité le cultt, le plus . grE)ffiei
s'établit• dat1s des efp1 its ftupides affec-

4

tés âe cette · paflio11 , & s'enraci11e par


la coututne parmi les peuples fauvages •

qu.i paífe11t leur · vie dans u11e perpétuel-


1~ e11fance. Mais ils. ne fe dérqci11ent~pas
fi aifé111e11t : les vieux ufages, fU·Itout

lorfqu'ils 011t pris u11e tei11ture fa.crée,


fubíiilent e11core lo11gtems apres. qu'o11
e11 a fe11ti l?abus .. 1. Au refie ce, _n'-eft.. p;is
'

aux fe1.1ls Egyptie11~ qu'o11 pot1,- 1 oit;


.
. f~ire
u11 par~it reproche. · Nous ver·ro~s· bien-:
tô.t que 1es a~tres Nati~ns de l'Orient
n'o11t pas été plus cxen1ptes dans ·Jeurs..
p·re111iers fiéc1es d'u11 culte pué;rjl_;_. q1Je
' t •

11011s trouver.·011s gé11éralerne11t·. r.épá11di1


f u1· tau te- la. terre , ~. ~1ainte11u -.furt!)llt


' .

... .
' . en
...

n E s D I E u x F E T 1 e H E s. . 1 f
e11 Af1"ique. 11 doit fa 11aiífa11ce aux tems
01.\ les peuples 011t été de purs fauvages
plo11gés da11s J>ig11ora11ce & da11s la bar-
barie. A l'exception de la race .choifie , il
n'y a auc1111e .Natio11 q11i n'ait été da11s
cet état , fi 1'011 11e les. co11íidere que du.
n1ome11t ou 1'011 voit le fouve11i1· · de la

•·
Révélatio11 Divine tou-t-à-fnit éteint par..
·n1i elles. ·Je 1~e les pre11c.ls q11e ·de ce
poi11t, .~ c'eft e11 ce ·re11s qu'il faut ~11~
tendre tout ce qµe je dirai là-deífus dans
. . .

la fi1ite ... Le g·e11re hun1ain avoit d'abord


reGU de DIEU n1ê111e des: i11íl:ru~io11s in1..
n1édiates co11forn1es à l'i11tellige11ce do11t
'
fa bo11té avoit doué ·Jes hommes. .
11
.
eít
fi éto11nant de~ les voir enfuite ton1bés
da11s Ull état de ftupidité bfUte, qu'OlJ.
ne peut· gueres . s'empécher de· .
le regar-
der con1me u11e jufte & furnatu1·elle ·pÚ-
1:1jtio11 de l'ouh.li ·do11t ils s'étoient reri~
. .

dus. co.upables e11 vers la n1ai11 bienfaitri-


ce qui les. ·avoit créés. ·Une partie· d~.s
11a..
J6 .D ·11· C U L T . E
nations· font reíl:ées jufqu'à ce jour da11s.
cet état inforn1e : leurs mreurs, leurs.
idées, leurs raifonneme11ts, leurs pra-
tiques f011 t celles des enfans. Les au-
tres, apres y avoir paffé , e11 font for-
ties plus tôt ou plus tard. par l'exem.,.
ple, l'édutatio11 & l'exercice de leurs fa..
cultés. Pour favoir ce qui fe· pratiquoit
ohez celles ~ ci , il 11'y a qu'à voir cc qui
fe paífe adt1e_lleme11t chez celles-là, & e11
gé11éral il 11'y a pas, de meilleure méthe-
de de percer ,}es voiles des poi11'ts .de l'ati..
tiquité peu co11nus, que d'obferver s'il
11'arrive pas e11core qt1elque part fons
·nos yeux quelque chofe d'à-pet1-pres p~
·reil, Les chofes, dit un .Philoíophe Grec,
. .

( Lamifcus. de· San1os ·) .fe fo11t &· fe fe.


ront commc elles fe fo11t. faites : l~í11."' ,~,~
HT~ .~ . lr~. L' Eccléfiafle dit de n1êm.e :
Q}tirl efi quod JÚit ? ipfum quod j,,(..
ittrt1.ni efi. Exan1ino11s. do11c d1abord
quelle efi à cet égard -la pratique·~ des.
: peu..
n E s D I E o x F E TI e 11 E s. 17
-peuples barbares chez. qui le culte .ei1
queftio11 eíl: encore da11s to11te fa .. force.
Rie11 11e reífcn1ble mie11x aux. abfurdes
.ru.per!litio11S ~ de l',1~1cie1111e _Egypt~ . en-
vers :ta11t de ridicules Divinités., 11i ne
• • • •
' • • ., \ " J

fera· plt1s propre à montrer d'ou p·ro-


venoit ce fol ufa:ge. Cette difcuffion dai~s
làquelle je · me propofe d'en.t·rer divife
naturellér11e11t ce petit traité e11 trois par..
ties. Apres avoir expofé quel eíl: le Fé-
tichifme ·aél:uel des 11atio11s n1oder11es ,
j'e11 ferai la comparaifo11 avec cclui des
a11cie11s peuples ; & ce parallele 11ous
co11duifant n~turellement à juger q11e Jes
n1ên1es aétioris ont le m·ême pri11cipe ,
11ous ·fera· voir ·aífez claireme11t que tous
ces ·peuples avóie11t là ...deífus la. n1ên1e 1.

fac;o11 ·de penfer, puifqu'il.s ·ont· e11 la .n1ê..:


me .'faGoi1 d'agir,
.
.qui ·e11 eft u1,e confé-
qt1e11ce. ·


. . . .

• •

SEC-
18 ou eu L TE

SECTION PREMIERE.
Du Fétic~ifme allz,el de Négres,
& des
.
autres Nations Sauvages .
Es Negres de la côte occide11tale
... d'Afrique, & même ceux de l'i~té-
rieur des ter1·es jufqu'e11 Nt1bie, cón-
tréc lin1itrophe de· l'Egypte, ont pour
objet d'adoratio11 certaincs Divi11ités· que
les Européa11s appelle11t FéticlJes, terme
forgé par 110s comn1erc;a11s du Sé11é-
gal fur le n1ot Portugais Fetiffo ,, .c'efl:-
à-dire, cl,ofe fée, enchantee, áivine. ·º1:1
rend,int des oral·les ; de la .raci11e 'lati11e
Fatitnt , ,Fanum, Fa,,.i. Ces F étiches di-
vi11s 11e fo11t autre chofe que le .· p~e-
n1ier objet matériel qu'il plait à ~baque
11ation óu à chaquéparticulier de .choi- . .'

fir & de faire col1facrer e11 cérén1011ie


par fcs Prêtres: o'efb un arbte , une •

mon-
,
n E s D I Eu x F 2 TI e HE s. 1. 9
mo11tagne , la mer , u11 111orceau ~e
bois , u11e quet1e de lion , u11 caillou ,
u11e coquille, du fel , .u1~ poiífon , u11e
pla11te , u11e fleur, u11 animal d'u11e
certai11e efpéce, con1n1e vacl1e ,. ~hevre,
éléphant , mouton; enfi11 tout ce qu'o11
peut s'i111agi11er de par.eil. Ce f011t ~µ-
ta11t de Dieux , de chofes fac1·ée.s , [$G
a11ffi de talifn1ans po11r les N égre·s , q~i
le11r re11de11t 1111 culte exaél: & refpec-
-
tue ux , leur adreífe11t leurs vreux, le11r
0Jfre11t ({és· facrifices , les pro1ne11e11t e11
proceffio11 s'ils e11 f011t ftifceptibles ,
ou les porte11t fur eux ave e de gra11de·s
111arques de vé11ératio11, & les co11ful~
tent da11s toutes occaíio11s i11té1·eifa11tes ;
les regarda11t e11 g·é11éral con1me t11télai:..
res pour les ho111mes , & con1n1e de
puiífa11s préfervatifs co11tr~ toute forte
d'accid~11s. · lls jure11t par eux ; & c'eft
le feul fern1e11t qu·e · n'ofe11t violei· çes
péuples perfides. Les N égres ai1ill que la
· plu-
.20 ou e u L T E

plupart · des Sauvages ne connoiífe11t


point l'idqlatrie . des hon1111es. dé'.ifiés.
Chez eux le Solei) , ou les Fétiches font
les vrayes Divi11ités ; quoique quelq t1cs~
uns d'et1tr'eux qui ont que}_que foible
idée d'u11 Etre ÍL1périet1r 11e lcs regar..
d~nt pas con1n1e égaux à lui , & que
quelqties ãutres, q11i ont u11e tei11ttire
de Mahométifn1e, 11'en f:1ífer1t que des
Génies· fuba]ternes & des talifmans. 11
y a da11s chaqt1e pays le F é~iche gé11é-
ral de la Natio11 , outre lequel chaque
particulier a le fien q.ui lui eft propre
& Pé11ate, 011 en '"'ª n1êL11e 1111 plu~ grand
11ombre, felo11 qt1'il eft plus ou moi11s
ft1fceptible de crai11te ou de dé\i·otio11.
Elle eft ·fi. grande de leur part que fou . .
ve11t ils .. les n111ltiplie11t , prenant la pre~
miére .créature qu'ils renco11tre11t , 1.111
'

chlen., u1:i chat, ou le 'plus vil animal.


Q!1e s'il 11e · s'en préfe11te poi11t , dans
le·ur ªcces· · de ,fuperftition ·1eur ·c4oi.x;

tom.
DEs D I B U X F E T I C H E s. 21

tombe fur une pierre· , u11e piéce de


bois , e11fin le premier oh jet qui iatte
let1r caprice. Le 11otiveau F étiche eft
d'abord con1blé de préfe11s , avec promef-:
fe folen1nelle de l'ho11orer comme. · un
patron chéri , s'il répond à l' opinio11
qu?on · s'eíl: · tout d'un coup aviie .d'a-
voir de· fa puiífance. Ceux qui ont u11
a11in1al pour ·Fétiche 11e ma11ge11t ja-
mais de fa chair : ce feroit . un crime .

impardonnable de le trier; & les étran-


gers qui coinmettroient u11e telle profa-
11ation feroie11t bientôt ·1es viél:imes .de la
colére des naturels. 11 y en a parmi eux:
; qui par refped & par crainte s'ab{tie11-
; nent de voir jamais leur ·. F é·tiche. .Nos
'
~ commerc;a11S raconte11t .. q~'un · S0uve-
rah1 voifin · de · la ·côte ·ne put · à· leur
. priére· venir trafiquer ·avec e1.1x fur ·1es
· vaiífeaux , .párce . que· Ia Mer étoit- f011
Fétiehe, & qu'il y avoit une .croyance
répandue dans. cette .COJl.trée., 'lu~- qui-
• con-

22 D u eu L T s
co11q ue verroit fo11 Die11 mourroit fur
champ ; opi11io11 qui 11e leur a pas été
tot1t-à..fait particuliere, & do11t on trouve
des traits chez qt1elq11es a11cie1111es 11a-
tio11s de l'Orie11t. ,) Prefque par toute
,, la Nigritie, dit Loyer *, outre les Fé-
'' ticI1es particuliers , il y e11 a de con1-
'' n1u11s au Royaun1e, qui fo11t ordi11ai-
'' ren1e11t quelque groffe montagne ,
,, ou quelque ar1Jre remarquable. Si
,) q11el qu'u11 étoit ·aífez impie pour les·
,) couper ou lcs défigure1·, il feroit cer-
'' tai11eme11t pu11i de r11ort. Chaque vil-
') lage eft auffi fous la proteél:io11· de fon
,, propre Fétiche , qui cft or11é aux frais
,, du public, & qu'o11 i11,1oque poµr le
,, bien con1n1un.. Le ·gardie11 de l'habi-
,, tatio11 a f011 autel de rofeaux da11s
, 0 les · places p11bliques , élevé fur qua-

,, tre piliers ·& couvert de feuilles de
,; ·pal-
* V oyage d'Iíü11i. •

I

DES DIEUX FETICHES. 23
;, palmier. .Les parti~uliers 011t da11s
,, leu1: enclos ou à leur porte un lieu
,, réfervé pour leur Fétiche, qu'íls pa-
,, reiit fuiva11t lei mouven1e,1ts de leur
,,.· propre :dévotion·, .& qu'ils ·peig11e11t
,, · une fois la femai1ie de diffé1·e11~es. eou-
,, leurs. 01i trou ve qua11tité de ces au-
'' .tets· dans les bois & da11s les bruyé-
,, res : ils fo11t charg és de tou tes fortes
~, de Fé.tiches · avec des plats & des
,, p.ots . de, terr~ remplis de ma:iz, ..de riz
'

:>> ,. & de f1·uits. Si les Négres ont befoin


,, . de p]uye, ils mette11t devant l'autel
,, · des cruches vuides: s'ils f011t e11 guer- .
,, re , i_ls .y n1ette11t · des fabres & des
,, zagayes ·pour de111ander la viél:oire:
,, :s'il~ ·ont
.
befoii1 de via11d~ · ou de poíf-
)) fons, ils y place11t des os ou des ar-
,, rêtes : pour obte11ir du vin de pai-
,, .n1ier, ils ·laiífent .au _pied de l~autel Ie
,~ petit cifeati . ferva11t aux · ·i1Jciíio11s de
,) ,' l'ai:bre :·· avéc :ces marques rde refpeél:

'' &
24 Du CULTE

,, & de confia11ce ils fe croyent furs


,, d'obtenir ce qu'ils demandent ; mais
,, s'il leur arrive u11e difgrac~ , ils l'at.
;, tribuent à quelquç jufte reífentime1~
,, de leur Fétiche , .& .tous leurs ·foins
,, fe toume11t · à chercher les moyens de
,., l'appaifer. '' On entrevoit déja com-
bien tous ces faits orit de reífemblance
avec ce que l'on nous raconte de l?an. .
cienn·é Religion d'Egypte ; maís pour le
dire .en. pnífant, fur _u11 .point particulier
auque! je ne compte pas reve11ir , &: qui.
feul dema11deroit 1111e diífertatiQn· à párt,
le p~allele qu~Oll pourroit faire du recit
de Loyer .avee les~ figures gravées fur :lei
obélifqucs,..óu· l'on voit de·s têtes deJ cbiens
1c d'éperviers·, des '.foleils ,. ·des fercpens,
des ~oifeaux &e. ·à· :qui · de~ ,hommés à
genoux préfentent de ·petites ··tables
chargées. de vafes . & de fruits &e~ :ne
feroit ,peut-être ·pas. .}a; .plus. ;mauvaife
tlef. 'qu'on ·tpO\lttoit '-Chóifu: pour._;expJi-
quer
I; E S D 1 E ti X }~ E 1.. I O II .E S. $)

·l1 t1c1· les l1iérogly11I1es · Egyptie11.s. ·


_ La Religio11 d11 F•iti,:hifn1e paífe ,pour
t1·es a1Jcie1111e e11 A(1·ique , ou elle eít
fi gé11érale111e11t 1·épa11due, que l.es d~tails
circo11fra11ciés de ce qui fe pratique là-
dcífus·
.
e11 cl1aque contrée devie11droie11t
.
d'u11e extrên1e I011g·t1cur. Il fuffit de ren-
voyer aux rélatio11s de voyages ceux:
r

qui
.
voudront
.
être i11ftruits des pratiques
particuliéres à cl1aque pays : ·elles e11 *011t
ample111cnt parlé~ L'ufage ·à cet égard
eíl: tou jours, foit pour le ge11re de l'hon1-
n1age, foit pour les rites ·du culte, à peu
,pres le n1ên1e chez les Negres , au jour-
~'l111i la plus fuperllitieufe 11atio11 de l'u-
11ivers , ·qu'il étoit ·chez les Egyptiens ~
• •

autrefois auffi la plus fuperftitieufu 11a..


~ion· de ce ten1s. l\1:ais je 11e p11is. fuppri-
n1er le récit du F étichifn1e e11 ufage à
Juidah , petit Royaume fur la cóte de
- '
,Guinée _, q11i fe~vira d'ex~n1ple. p(?ur ·tout
ce qui '
fe paífe
.~
.
de femblable daiis le ref-
...... .

- B ·. te
26 D U CU L T, E

te de l'·Afrique; furtout par 1a defc1·ip...


tion du culte ren'1u au ferpent rayé, l'u-
ne des plus célebres Divi11ités des Noirs• •

-011 verra combien il differe peu de ce..


lui
.
.que l'Egypte rendoit à fes _anin1aux
.

facrés, par1ni lefquels il 11'y a peut-êt1·e


pas eu de Fétiche plu~ ho11oré que e~
lui-ci : & 1'0~1 voit déja du premier n1ot,
que rien ne doit n1ieux reífen1bler que
ce ferpe11t de Juidah au ferpe11t Fétiche
d'Evi,-n1ero,lach , do11t l'hifioire eíl: rap..
portée au 14e. Chapitre de ·Da11iel : car
à la Ie·él:ure de ce chapitre , il eft aífez
é, ide11t pour tout le n1onde que ce fer-
1

pe11t apprivoi(é & 11ourri da11s un tem-


p1e de Babylo11e, ou. le Roi vouloit obli-
ger.
Da11~el · à l'adorer ,.
comn1e éta11t llll
Oieu
.
vivant
.
, étoit pour Jes Babylo11iens
une vray·e.\ Divi11ité du ge11r~ .des Féti-
clÍes._ Je tirerai n1a ~ 11arra~io11. d'Atki11S j
. .

de Bofn1ati_, & .de D~s-Marchais


, ' ' .. .
, qui to us
tróis· ·ont ·fouvent ·fréquenté· & bíe11 -co11-
..
. .
nu
n E s D 1 E u x F E T 1 e 1i E s. '1-7
nu les mreurs de ce canto11 de la Nigri-
••
t1e. u

A Juidah )es F étiches f011t de det1x


efpeces : il y en a de publics & de par-
ticuliers. . Ceux: .de cette feconde claffe ,
qui fo11t pour l'ordin~1ire qL1elque a1ú-
mal, que1que être anin1é ou quelque
idole groffiéreme11t fabriquée de terre
graífe ou d'yvoire , ne f011t pas móing
honor és que les autres : car on 1eur
offre quelquefoís le · fàcrifice d'u11 1ef-
clave da11s les occafio11s fort i11téreífan . .
tes. M~is pour ne. s'a1·1·êter ici qu'aux
Fétiches communs à toute la 11acio11 ,
il y e11. a quatre,; le ferper1t , les ar-4·
bres, la n1er , &: u11e vilai11e petite ido..
le d'argille q11i · préfide· aux Co11feils.
On trouve toí1jours· au-devant de celle•

ci trois plats. de · bois co11te11a11t une


vingtaine de petites boules de· terre.
Les dév~ts ava11t ·que· de te11ter quelque
entreprife · vo11t trouver le· Prêtre, qui
· B 2 · apres
28 . D ·u e u L T E -
apres · avoir offert le préfe11t à lf! Divi..
11ité , fait pluíieu1·s • fois fauter les bou..
les iru hazard d't111 plat da11s u11 autre ,
& co11jeél:ure que l'c11t1. eprife fera heu ..
re11fe, fi le non1bre des boules fe trou-
ve. le ·plus fouvé11t impair da11s cI1aque
plat. Les gra11ds arbres fo11t l'objet de
la dévotio11 des n1alades qui leur offrent
des tables chargées de g1-ai11s & de gâ...
teaux: ces offra11des tour11e11t au profit

des Prêtres du bois f:'acré. La n1cr eft
•'

i11voquée pour la pêche & pour le con1..


n1erce, ai11fi qu'un fle11ve du pays que
·11os voyageurs 1101n111e11t l'Euphrate. · 011
fait fur fes bords des proceffio11s folen1-
11elles; 011 y jette diverfes ·chofes de prix,
n1ê·me de petits an11eaux d'or. Mais com-
n1e ces offra11des fo11t -e11 · pure pert·e
·pour les Prê·tres, ils co11féille11t plus vo-
I011tiers · le facrifice d'un ·breuf fur ·te
rivage. Le ferpe11t eft un bel anin1al
gros co·n1n1e la· cuiife d'u·ll homme. &
- long
.
..

'

D Bs D I E 11 X F E T 1· CH E S. 29
long d'e11viron fept pie·ds, rnyé de blanc,
de bleu , de jau11e & de .brun , la tête
i:on·de , les yeux beaux & fort ouvertS,
fans veni11 , d'u11e . douceur & d'une fa:.
miliarité furprena11te avec les homn1es.
Ces reptiles e11t1"ent · volo~1tiers dans Jes
n1aifons ; ils fe laiífent p1 end re & ma-
4

11ier même par ·les . Bla11 cs , & n'atta-


quent que l'efpece des ferpens vei1in1eux,
longs, '11oirs & menus , dont ils délivrent
fouv~11t ·le pays, .comme fait l'Ibis e11
Egypte. Toute cette efpéce de ferpe11s ·,
·Íl 1'011 ·e11 · croit les Noirs · de Juidah, def.
eend d'un feul qui habite l'i11térieur du
gra11d ·teniple pres· de· la V.ille de, S·habi,
~& .qui · viva11t depuis ·plufiéurs ·fiécles ,
eft deve11u d'u11e .groffeur &· d~u11e 1011...
gueur dén1efurée. 11 avoit · ci-devai1t -été
l~ Divinité des peuples d' Ardra ; m,1is
cet1x ... ci s'éta11t re11dus · i11dignes de · fa
proteél:io·11 par leur · m·échanceté & par
leurs-crimes, ·1e ferpent virit de fo11:·pro-
. B 3 pre-
30 ·n u ·e u L T' E

.pre mouveme11t ·donner la préférence aux


Peuples de Juidah ; ayant quitté celix
d'Ardra au monient même d'unc batail-
le -qt1e les deux 11atic>ns . alloie11t fe li-
,,rer: on le vit pt1bliquen1e11t pafier d'un
drs c3n1ps à l'autre. Loin que ·fa forl11e
-c{tt rien d'effrayant , il parut fi_ doux & 6
privé; que tout ]e n1onàe fut porté à le
careífer. Le grand Pr~tre ]e prit dai1s f~s
l>ras & le ·leva pour le faire voi-r à l'ar-
mée. A la v11e de ce prodige tous l~
Négres ·tomberent à geno·ux, & lui re11;..
:ditetlt un homn1age do11t ils · -re<;ure~ .
bie11tôt la réco111pe11fe; par la \"id:oire com,.. ·
p'lette q-11'ils ren1porterent fur leurs en-
. nen1is... On bátit un ten1pie ·au :nouveau
Fétiche : 011 l'y porta fur un tapis de
foie e11 cérémo11ie, avec tous les tén1oi- ,..

g11ages poffibles de joie & de refpeél: 1 :


f'11 affigill.l un fo11.ds pour ·(1 fubfifra11ce :
illl lui choiíit des 1'1·êtres pour. le ·rervir ,
&. .des jeq11es füles ,pou.r luj être confa-
I

crees:
DI S DI ! UX F 1' T I C H E s. 31
c1·ées : & bie11tót cette 11ou vel le Divini-
té prit l'afcenda11t fur les a11ciennes. Ef..
le préftde au commcrce , à l'agriculture ,
a11.x fa.ifons, aux troupeaux, à la guer-
re , aux affaires publiques du gouverne-
me11t &e. Avec nne fi haute opinion de
f011 pouvoir, il n'eíl: pas furpre11ant qu'o11
lui fc1ífe des offrandes co11fidérables : ce
fur1t des piéces e11tieres _d' étoifc de co-
to11 ou de marchandifes rle l'Europe ,
des ton11eaux de liqueurs, des troupeau~
entiers : fes demandes font pour l'ordi..
naire fort. _confidérables , étant · propo1·-
tio11·nees aux befoi11s & à }'a,1arice. d~
Prêtres, qui fe chargent de -porter au
ferpent les -adoratio11s du peuple ,. & de·
rapporter les réponfes de la Divi11ité i
n'étant permis à perfonne autre qu'aux
Prêtres , pas même au lt~i , d 'e11trer
dans le temple & de voi1· le ferpent. ~a
poilérité de ce divin reptile eft devenue
fort nombreufe. ·. ~oiqu'elle foit moins
B 4. - ho-
~=•. ·D u·e u L T E

ho11orée que le Chef, il ·11'J' a pas de N é-


gre qui 11e fe croJre fort he11ret1.x de re11-
co11trer des ferpc11s de cette efpece-, &
q11i 11e Jes 1oge ou les 11ot11·ritfe avec jo·ie.
li s les t1·,1ite11t avec du lait. . Si c'eil u11e
fe111e}le , & qu'ils · s'ape1·çoi ve11t qu'e]le
fojt pleine, ils I11i co11{lruife11t un nid
po11r mettre fes petits a11 mo11t1e , &
pre11nent foi11 de les éleve1·, jufqu'à ce
qu'ils foient e11 état de ·cI1ercher Jeur
nourriture~ Con1rt1e ils fo11t i11c,1pables
·de 11uire, perfo1111e 11'eft porté à Jes in:..
' .
fulte1 Mais s'il · arrivoit · à que1qu'L1n ,
4

N égre ou 13lanc , d'e11 tuer ou d'en b1ef:


fer ·u11 , .- toute la nation feroit arde11te
·à fe· foulever. Le coupable, s'il étoit Né-
·gre, feroit affon1mé & brulé f11r le éhan1p.
C'e{l: ce· q11i arriva aux -A11glois lors dl1
prernier établifiemet1t qt1'ils fire11t fur cet-
te côte. ,, ·Ils trouvere11t -Jf. la nuit da11s le
- ,, n1a-
;

.. ' . .
..
. . 8f · Bo1ina11 p. 376. l>es·-Marchais Tom. Ir.
• • • •

,., n,agazin u11 ferpent Fétiche , qt1'ils
,, tuere11t i1111ocemment , & qu'ils jet-
,, tere11t devant Jeur porte , fans fe dé-
'' fier des co11féqt1e11ces. Le lendemai11,
,; quelques N égres , qui · reco11nt1re11t
,, le facrilég·e , & q11i ·e11 apprire11t les·
,, auteurs·, par Ja co11 feffion n1ême d~s
,, An·gtois , ne tar·dere11t poi11t à répa11-:
'' dre cette ft111eíl:e 11·ouvel re da11s la nJ-
" tio11. Tous les habitans du ca11to11 s'af..
,, femblerent. · lls fo11dir e11t· ft1r' ]e comp-·
,, ·toir 11aiífa11t , · maffacrere11t ·1es A11g·lois.
' .
,, jufqu'au der11ier , ·· & détrui6re1it par.
,, . ie ·fetl' ·1'édifice · & · les march,l11difes.
,;- Dep11is · ··ce terns ·les . Noírs ·11e vou..
''· 1ai1t ;pas fe pri,1 er du con1n1erce pre11-
''. ne11t
.
]a précautio11 d'avertir 1es étra11-
.

,., gers de la vé11ératio11 qt1' 011 doit avoir


,, pout · éet· ·a11ima'l· ,-' ·& de 1es prier ·de
,. " .

,,· ·1e: r·efpeaer con1111d· fn'cté:: Si ·qúelque


,, Bla\16 , 1·ie11t ·à· en- túer bín., il. ·11'y a
. -
,, pol1r: l11i d'autre. pa~ti à' Jpre11dre: cjue

B; . ,, la
34 D U ·C U L TE
·-

,, la fµite , & pour fa 11atio11 que la ret:


,, fource d'aller av-ouer le ç_rin1e, e11 pro-
'' tefiant qu'il a été fait par. le hazard ,
,,_ & en p~yant une groffe an1e11de pour
,, marque de repe11tir. U11. Portt1gais
2rrivé depuis peu fi1r ·la cóte, ~eut la
curiofité d'emporter u11 ferpe11t F éti .he
1:1u Brefil. ,., Lorfque fon vaiífeau fut.
,

:ti' :erêt à partir , il fe procura fccrettt;-


,; ment un de ces animaux, . qu'il ren-


,, fern1a dans une boete ; & s'éta11t mis
~~- . .. .

" da11s un canot avec fa proie , il comp-


:,, toit de· fe re11dre droit à bord. La
,,. n1er étoit calme ; cependa11t le ca- . ' ,

::, not fut ren·verfé , & le Portugais fe·


x, noya. Les rameurs Négres ayant ré-

» tabli leur canot , . retournerent au ri-


" vage , & néglig~rent d'autant moins
2:' la bo~te, .qu'ils ~votent ví1 le :fortu-

,, gais fort a~tentif à la garder. Ds l'ou-


,., v~ire11t. avec de gra11des .efpérances ;
,, -~ue:· fut lc1lr ·étQn11en1e11t d'y trouver
.
,, un
,
DEs D I E u ~ F E T 1 e H ! s. ~-~

·,, un de leurs Fétíches ! Leurs cris atti..


,, rere11t un gra11d 11ombre d'habita11s,
,, qui ft1re11t informés a1ffi1- tót de l'au..
,., dace du Portugais. Mais con1n1e 1e
, 3 QOUpable ét<>it mort, les P1·êtres &
)) la popLllace fo11dircnt fur to11s les n1ar-
,, chands de fa n·atio11 qui étoie11t ·da11S
'' le pays, les n1aífacrere11t, & pille-
,~ rent leurs magazi11s. Ce 11e fut qu'a-
;, pres de lo11g11es· difficultés , & même
,, à force de préfe11s , qu'ils fe laiíferent
;, engager ~ permettre que les Portugais
,, conti11uaífent leur comn1er~.., e;, Le$
animaux qui tueroient ou hJ.efferoient
un ferpent , ne feroient. pas plus à cou~
vert du châtiment que les ·homnles. La
voracité d'un cocho11 des Hol fa11~ois qt1!
en avoit mangé un , · caufa la n1ort :d~
prefque tous .Jes ·poros -d-u pa_y$. · De~
.milljers de Négres arm.és d,épées. · &, .àt
.

m~ffues conúne11c·erê11t J·'.exécution ·,, ~


l'4)n ne pardo11J1a.au ,efie de 1~~fpêç, nu~.-
B6 ~»~
co11dítjo11 qt1'011 lcs tie11droit re11fermés
.da11s lei ten1s qL1e les ferpe11s fo11t lel1rs
'
petits : al ors u11e trot1 pe de gardes par-
cõurt le pays, détrui:G111t tout ce qt1i fe-
roit à portée de leur nuire : tellcn1ent
.q11',\ .force de Jaiífer n111ltiplier ces ridi-
cules Divi11ités , la co11trée e11 fe1·oit. cou~
• •

_yerte, ( -Jf ) fa11s Jes ferpe11s VC11in1et1X


.
_qui e11 tuent. u11 g1·a11d 119n1bre d,t11s: les
ç_omb,ats q_ui fe fo11t entre les de·ux e[:
péces. Les ferpe11s rayés, quoi qu'i11ca~
pablc;s de nuire, 11e. laiífent pas que d'ê...
tre fort.. ti:.~_11commodes
.
p~r leur exceffive .
fan1ili.arité. Da11s. -les gra11dés chaleúrs ils
e11trent dans. lcs maif011s, fe .plaçe11t fur
Je~ n1cub.J~s , & r~! .gliífe11t n1ên1e dans
)es lits, ou fouve11t ils fo11t ·leurs petits.
• ' . ··Per"'
' * Jofeph faifoit ·ta· même remarqu'e. à l'E!
gypt'ii:ri.-;~ pio11. ,, ·Si; tcrutes .les nations , lui
ciifoit- ll, ,, pe11foi.~J1t .. con1me la. ,·ôti-e , l~s,.
jj anirrtlux ·. ai1roie11t' 'hie11tôt '~11affé 1·es l1.01ú.~
,,·, 11les _,de _,la -íurface . d~ . lai ter:re. ;· ,, .. ~ . ~ j

• ' i '. .
-' ... .
..
n E s D 1 ~ u x F E T 1 e H E s. ,7
Perfo11ne 11'a l'a11dace de les déplacer :
011 va chercl1e1.. u11 Prêtre , 1oifi11 , qt1i.
prend le Féticl1e & le porte do11cement
del1~rs. Si 1'011 ve11t· fe défaire de la·
con1pag11ie des N égres, il 11'y a point
de 111cilleur fecr€t qt1e de parler fans
1·efpeét du ferpent : auffi-tôt ils fe bou-
che11t les ·oreilles & fuie11t la focieté des
• •
1mp1es.
011 a foi11 de bâtir de to11t côté des
caba11es · ou temples pour fervir de· 1·e-
traite aux Fétiches, ·s'ils e11 veufe11t faire··
ufi1ge. L'intendance de chacu 11 de ces
bâtime11s efr confiée po11r l'ordi11aire à·
une .;vieille. Prêtreffe~ Mais de· toutes les
cérén1011ies la plus Í<>1en111elle eíl: la pro-1

ceffion qui fe fàit au gra11d i:en1ple de.


Shabi avec tout l,,1ppareil- ·que· ces peu-
ples fo~1.t cap,1bies d'y n1ettre : elle .n'eft.
pas· compofée· de moi11s · de ci11q·· cent,
per·fo1111es tant. Arche1. s . que Muíicie11s·,.
. À, .

S·acrificate11rs ) 1Vli1uítres porta11s. le·s. of-:


·; fra11;·

fra11des , Prêtres , & gt·a11ds du Royati..


.ti1e de l'un · & de i'auri-e fexe. Le Rol
ou la Rei11e 1ne1·e , & lc gra11d Po11tife
apel :é e11 Ja11gue du pays Béti, la con..
duifent chacu11 u11e c,l11ne ou fceptre à
la. n1ain : ce qui rapelle l'idée de tatlt
de figures de Rois ou de Prêtres qu'on
voit dans ]es fculptures Egyptien11es fe
préfenter deva11t leurs Divi11ités, aya11t à
la ·m·àin le fceptre antique, qui ·eft une
efpece de carine à croéhet. Cette pro-
ceffion fe profrer11e à la porte du tem~
ple ' le v-ifage contre. terre ' ]a tête .cou-
verte · de cendres ·, & fait fon i11voca-
tion , ta11dis que. les Miniftres du ·tem-
pie reGOÍ·venf les préfei1s pour .·les offrir:
à )a Divi1uté. Le gra11d Sacerdoce. don-
ne un pouvoir · .prefque égal à l'aritori-
té. Royale, .dans .}'opinion ou l'on eft
que. 1~ Pontife · _c011verfe.. fa11úliérement
avec le gr~nd Fétiche. Cette dig.11ité ·ea
• . JfA.

hér éditaire .. dans .. l;l .même . fa.mille. Les


. Prê.
DE·i DIElJX FETICllE-5. 3~
Prêtres le f011t de même par droit de
11aiífance , & forme11t u11 ordre & u11e
~ribu à part , con1me e11 Egypte : on
l~s reco1111oit · aux piqt1ures cicatrifées
qu'ils 011t fur le corps .. Q!:1a11t aux Prê-
treífes ou Bétas, voici la for111e de les
choilir.
, Pe11da11t u11 certai11 ten1s lie ,,a11-
née les vieilles
-
-
I>rêtreffes arn1·ées de maf-
fues courent le pays .depuis le coucher
du Sqleil jufqu'à minuit , furieufes com...
1J1e des Baccha11tes. Toutes les jeunes
filies d'e11viron douze ans qu'elles peu:..
vent · furpre11dre leur appartienne11t de
~roit: il n'eft pas permis de leur _réfifter,
po1;1rvu qu'el?es n'entrent pas da11s les
maif011s , ot'i il leur eit défendu d'arrêter
J • .

4iUi q11e ce foit. Elles enferme11t ces jel1nes


perfo11nes. dans leurs cabanes ;· elles les
trai~nt affez douc@ment, les inrtrui(ant
·~u. .chant, à Ja· da11fe,
. aux rites facrés.
.

~pres les avoir ftilées , · elles .Ieur impri-,


- ~e11t la marque de leur ~011f~ation ,.
en
40
.
n u. e u ·t T E
.,.

en leur trt1ça11t fur la pcau par des pi-


--
qut,res d'aiguille desfigures de íerpens,
de flcurs & d'a11imaux. Cette opération
dout'oureufe efi que]quefois fuivie d'une
fiévre mortel!e. Mais I0rfqL1'on en gu&.·
·rit, la peau 1·edevie11t fort belle, & fem-·
b]able à u11 fati11 11oir brodé à fleurs.·
011 leur dit que le ferpe11t les a mar-
quées; & en général le (ecret fur tout
ce ·qui arrive aux femn1es da11s l'i11té-
rieur des eloítres eft telleme11t recomman-
dé, fous pei11e d'être ·en1portée & brulée
vive par le ferpent, qt1'aucune d'e11tr'el-
les n'eíl: te11t~e de le violer. La pli1part
fe ·trouve11t · affez bie11 de ·ce qt1i s'eít·
. . .

paffé da11s le lieu de leur retraite, pour'.


rt'a voir a11cun i11térêt de le reve~er ·; &
celles qui pe11feroie11t at1treme11t 11'ig110-
1
re11t pas · qt1e Jes Pr~tres ont ãffez. de
pouvoir pour mettre Jeur: me11ace; â '. exé.·
cution·. Les , iei) les les]. re~1éné11t
1
. .
pe'.11-
da11t· u11e 11\1it obfcurê ,' -·_chacune à }ai
por..
1) Es D 1 Eu x F E TI e H E s. 41
porte de leurs pare11s ,- qui les rec;oivent
avec jo:ie , &. payent fort cher aux Prê-
treífes la penfion du1 féjour , te11ant à
ho11neur la grace qu~ le ferpent a faite
à Jeur familie. Les jeu11es filies comme11~
cent des - lors à être refpeél:ées & à
jou'.ir de · quantité de priviléges. Lorf-
qu'elles fo11t nubiles , el les retóur11e11~ au
t·e1Jiple en cérén1011ie ~ fort parées ·pour
y épo11fer Je · ferpc11t~ Le · n1ariage eft
confomn1é la llUÍt fui vante· dans une lo...
, I ' .
ge ecartee , pe11da11t que les co1npagnes
'
de la mariéé d,111fent atfe~ loi11 de là au
fon des- i11ftrume11ts. Q!ioiqu'ori d1fe <1ue
le ferpent s'acquitte lui n1_ême ·de ce de-
voir conjt1gal, 011 ne ·dorite gi1eres d,1ns
le pc.1ys même qu'il 11'en. donne la com..
mitlio11 à fes Prêtres. Le lenden1ain 011
reco11duit la mariée da11s fa fan1ille ; . &
de ce jour là elle a part at1x rétribu..
tio11s du Sacei·doce·. , U 11e partie de ces
. .

bllii fe .J11arie11t. enfuite ·-.à quelques Né:-


gres;
'

4i D u -e " L T 1

;gres; mais Je mari doi.t les refpeél:er ,


.comme le ferpe11t même dont.elles por-
tent l'empreinte, ne leur parler qu'à ge-
.noux, · & être foun1is tant à leurs vo-
.lontés qu'à leur a11torité. . S'il s'avifoit
.de vouloir corriger ou répudier u11e fem-
.Jne de cet ordre , il s'attireroit à dos le
corps · e11tier. Celles qui 11e veule11t pas
\

fe marier vive11t e11 co1nn1u11auté


\ . dans
des --~fpêces de couvens , Ol.l elles font, à
.ce qu'o11 dit, trafic de-. leurs .faveurs ,
e>U de celles .de . leurs camarades. Au ref.
te le myftere eft inJifpe11f. able fur tout
'

ce qui fe p.1ífe dans les lieux · facrés ·, à


pei11e. du feu. I11llépendamm·e11t de cette
~fpêce de religieufes ·attitré.es , il y a ·u11e
co11fécratio11 paífagere po11r les jeunes
femmes ou filles attaqutJes de vapeurs
hyíl:eriCJ,ues, maladie qui paroit corí~mu-
11e en cette contcée. 011 s'imagine que
ces filles ont été touchées du ferpe11t ,
qui aya11t co11<;11 de l'incli11ation . poµr.
. . e1les
DES D1 E,U·:X. ·FETICHE s. ,4:g
.elles leur a infpiré cette. ef pe~ de ftl-
rcur ; queJques-unes fe .·m1ttent tout-à-.
C<Jup à faire <les çrjw atfreux, & aífurent
que le Fétiche les a touchées , mais
.qL1'il s'eft retiré. lorfqu'o11 eit venu à
·leur fecours.· Elles .devienne11t furieufes
-comme les Pytho11iífes ; elles brife11 t toút
ce qui l~t1r tombe fous .la . n1ain , &
fo11t mil)e chofes nuifihles. A1ors leurs
~.are11s font obligés de les m~ner ·dru.11
ll11; logement· co11{trujt expres dans le
\t.9ifi11age -de ch-aque temple, ou moyen.
nant u11e groífe pe11Go11 que paye leur
fa-n1ille · eUes refte11t quelques mois pouf
leur guérifo11. U11 Nég·re raco_11toit -à
BofQ.1a11 que fa femme ayant été attein-
,

te de ·ce mal' il .feignit .


de la me-
ner , fe\on l' or.dre , au temp le voifin ;
)!).ais · au . Jíeu de ceei , il la condui-
fit en effet fur la cóte pour Ja ven~,
d1·~ à _des march;1nds d?efclaves. D~
(llj:g-::..ta femme apett;Ot le vaiífeau d 'Eu"
rope,
D u. e :u .1., T E· ·

rope , elle .fut fubiteme11t .guérie de fon


rAal.. , & ceífant de faire la furieufe, 11e
àema11da plus à fon mari que de la ra-
n1ener tranquillement chez e1le. Le Né-
gre avouoit à Hofman , que ·: par u11e dé-
n1arche · íi hardi~ il couroit de . g1·ands
rifques de la part des Prêtres , s,il eut
' ' renco11tre.' ·
ete
Tel eft da11s ce canton .d'Afrique le
culte.
du ferpe11t rayé do11t beaucoup de
n1arins Otlt párJé fort au long. je n'ai
pas craint de le décrire avec quelqué
·éte1.1d11e , parce que le rite e11 éta11t
mieux co1111u, peut faire juger de ceux
de ·pareil ge11re. q11i le f011t moins , tant
che~
. . .
. .
les a11cie1:is peuples que chez les
moder11es. Il 11'eft pas hors de propos de
remarquer , ava11t que de quitter cet ar-
ti~le , qt1e ces Africai11s. de Juidah 011t
ai11fi qt1e les Egyptiens l,ufage de la cir-
~011ciíio11. 11 eft fi a11cie11· parn1i eux ,
qu'ils e1i ignorent l'origine·, ·11'ayant pas·
d'au-
n E s D I Eu x F ET I e H Es. ·4f
d'autre exemple pour l'obferver que l'ex...
emple in1n1émorial de leurs a11cêtres ~
au refre i1s ne le regarde11t pas comn1e
u11e pratieiue de Religion. Remarquo11s
e11core q11e ce 11'eft pas feuleme11t da11s
ce ca11to11 de la Nigritie que le ferpent
a été 1·egardé ·con1me la Divi11ité princi-
pale. S011 c11Ite étoit tres ancien11en1e11t
répa11du dans l'i11térieur de l?Afrique.
Il étoit l'objet de la Religio11 des Ethio-
pie11s da11s le quatriéme fiécle de -1' ére
v·ulgaire, 101..fque Frume11tius alia leur·
prêcher la foi Chrêtienne, & vint à bout
de les convertir en détruifant le ferpent
.

qui ··avoit été. jufqu'alors le Dieu des Axu-


n1ites. *- 011 raco11te que ce ferpent d'u11e
groífeur n1011ftrt1eufe. avoit 11on1 e11 la11,.
gue du pays Arwe-mid1 e, & que felon
4

une an·cienne tradition rit;ue parn1i · lcs


·Abaífms, · c'étoit la Divinité que l_es pre-.
r
• •
n11ers
* Go11falez ap•. Ludolf. Et}llopic. · p. 471'•
46 D-u CULTI

n1iers Ethiopie11s adoroient de toute an..


tiquité. *
U n autre pays bie11 éloigné de celui-
ci 11ous four11it u11 exemple àe la n1a..
nier~ do11t les Sauvages fo11t choix de
· leur Divi11-ité & nous prouve e11 111ê-
J

me tems combie11 ce culte ridicule, ré-


pa11_du fi loin & com1111111 à des pcu..
ples e11tre. lefquels il n'y a eu aucu11e
'communicatio11 d'idées , tomb·e facile-
n1ent dans la pe11fée des hom111es gr-offiers.
Dans la prefqu'ile d'Yucata11 en An1é.;.
rique chacu11 a f011 Dieu particulier : ils
ont pourtant des lieux ou ils s>affemble11t·
'

pour ·les adorer en commu11 , & qui


1-êur · fervent d'êglife ; quartd. les Prêtres
Efpagi10Is y f011t. · Lorfqu'un · ·ei:1fa11t
vient de· naitre, ils· le portent '·. dans ce
-
.

lieu , ou .
.on le laiífe

paffer la nuit ·expo..
fé tout nud fur-une petite plac·e qu'ils

011t
.,
·* ·Lúd
.
olf. ibid·. i..... · ·,. ,.. e~ 3,•
.
o B s D I E u M·· F E T I e H E s. 47
011t parfemée de cendres paífées dana
u11 tà111is d' écorce d'arbre. Le le11den1ain
ifs. y retot1r11eL1t & rem'arque11t les veC.
tiges de l'animal qui s'eft approchí de
l'e11fa11t : s'il y en a deux, ils les pren...
11e11t tot1s deux pour patrons, ou un
feul s'il 11'y e11 a qu'un. Ils éléve11t l'e11--
fa11t jufqu'à ce -qu'il foit en âge de co11-
no1tre leur Reiigio11 : alors fes· pare11s
lui décla1·e11t qt1el efr fon patro11 ; &
foit fourn1i, rat , fouris , chat ou fer..
pe11t , il doit l'adorer con1me f011 Dieu.
lls ne te réclan1ent jamais que dans l'ád--
verfité , c'eft-à~dire lorfqt1'ils ont per-
du quelque chofe , ou rec;u quelque dé-
plaifir. lls vo11t pour ceei dans une
maif011 defli11ée à cet ufage , & offrent
de la · gomníe copal , comme 11ous of:
frons l'e11cenL Apres cela q1.1elque chi:
mere q11i leur paífe par la· tête , foit de-
fir de fe ve11ger d~un affi·.ont · prétei1du ,
foit tout~ -autre pe1tfée·, ils ne; manqutnt
pas
48 D u e u L T E

pas de 1,ex écu ter ; agiífa11s , à ce qu'ils
prétende11t , e11 vertu de l'ordre préc~s
de lcur Die11.-
* Le ·Fétichifn1e 11'efl: pas
.
moi11s gé11éral da11s tous les ca11to11s de
l'A111érique; n1ais furtout les pi erres eo-
-
11iques con1n1e les Bretyles de Syrie ,
~ les grands arbres comn1e ceux des
Pélafges Grecs. Chez les Apalaches de la
FJ01·ide, t c'eft u11e g1·ande mo11tag11e ap..
pellé~ Olaimi. · Chez les Natchez de la

Louifia11e , c'e(! u11e p~erre co1úque pré-


cie11fement co11fervée" dans une· envelo-
pe de plus de cent peaux de cI1evreuils,
ai11fi que les a11cie11s envelopoient cer-
tai11s bretyles da~1s des toifo11s. Cl1ez les
iI1fui aires de Cozumel. ou Ste. Croix ,
~'eft une croix de pierre d'u11e dixai11e
ae pieds de haut: § c'efi: le Dieµ qui fe-
lo11 eúx doru1e la pluye ·quanli on ena
be-

* OxmeliJ1 hift. des Flihuft. Tom. I •.


·t. Roch~f. llift. des Aiitilles. i Oviedo.
a E s D 1 Eu x F I T1e n E s. 4j
ou
'

befoi11. E11 Gafpeíie , lcs .sauvageg,


#

adore11t le Soleil, la Croix efr ·e11 mên1e


tems le F étiche particulier dt1 · pays. 011
la place · dá11s le liet1 d11 Co~1feil, da~1s
l'e11droit, ho11orable
• • de ]a caba11e. Cha-
et111 la .Porte à ]a n1ai11 ou gravée f ur Ja.
peau. 011 la pofe f ur la cabane , fur
les ca11ots , f ur les raquettes , fur Ies
l1abits, fur l'c11velope des e11fa11s, fur
les fepultur~s - des n1orts. · ,, Ils raco11-
,, tc11t , dit le P. Lec1ercq , * que cette
,, figure apparut e11 dorn1ant à leurs an-
,, cêtres dura1:it le cours. d'u11e n1aladie
,, peíl~lc11ti.e1le. Con1111e ils font crédu.
,> les à l' exces i,uur les fonges , ils 11e
)l 11ég ligere11t pas celui-ci : & e11 ~ffet

,, . la 1naladi~ ·ceífa. Dep1;1is ce ten1s ils


,, e11 fo11t à fimple, à doubl~ & à triple
, 1 croifon. Perfo1111e 11e la quitta e11 quel-

01 ql1e ocafio11 preífante que ce foit : &

. .e ,, ils
· ~ L; Clerc hiít•. de Gafpefie ~hap. j. 6' ~·•··
,o. nu e u L T z
,, ils la fo11t e11ter1·er a,1ec eux , difa11t
,,·. que fi111s cela ils 11e feroie11t pas co11-
,, 11us da11s le pays des n11cêtres. ''
IJes ai1cic11s 11aturels de l'Ifle Hayti ou
St. D0n1i11gue e11. avoie11t u11 grn11d 1101n-
br·e & de fort. variés, qu'i !s 11on1n1oie11t
Zer11ez, & do11t 011 1·etrot1ve e11core ça
& là les il11ag€s cachées e11 te1·re datlfl
-
les li~ux autrefois. h{1bicés ; 111ais furtot1t
eles tortues, des c,1ym,111s, & des pier-
res : ils leur o.tfroie11t des corbeilles piei..
11es· de Heurs & de gâteaux.. 1f- Cl1acu11
avoit 11é"111n1oi11s fo11· culte 11articulier, fe ..
1011·qu'il préfidoit aux faifo11s , à la fa11-
té·, à la chaffe, ou à la péche. . U11. Ca-
cique du pays avoit trois pier1·es div_i . .
11es tres · p·récie~fe;s ;- l'u11e faifoit ·croitre
. ' . .

_lês grains , l'autre accouch-e1" het1reufe.


1nent les fen1Ínes ; la troiíiéme do1111oit t
'
le
* Her1·era biij. des I11d.
w.~.
tr Ch-ltl·e.v.oix. de St•. Doming. _. •• •
DES D JEUX FET I C H E S, ~I

le beau ten1s & la p1uye. Les Al1é11a-


C]Uis 011t 1111 vieux arbre Féticl1e qu'ils
crc>yoient 11e de,1 óir jan1ais to111ber :
n1ais quoiqtte cela foit arrivé , ils 11'011t
pas laiífé de c011ti11uer d'y att . :cher let1rs
offra11(les. D'at1tres 011t des Lacs po11r
J:i"'éticl1es, con1n1e les avoie11t les Celtes
Tecftof:'lges; ou ·aes C1·ocodiles, ai11íi q11e
les Egyptic11s ; ou d'at1trrs poiífo11s de
111er , co111me les Phi!ifii11s ; 011 des per-
ches pla11tées debout, con1n1e les Sa-
bi11s cl'ltalie; ou des n1arn1oufets de bois,
con1n1e Labai1 le Syrie11; ou dei repré..
fen·tati()ns des parties du fexe , comme
1·es l11die11s Li11ga11iíl:es ; ·oi1 · des os de
n1orts , comn1e Ies I11fulaires voifi11s des
Philippi11es; ou de·s poL1pées de coto11: e11
t111· mot. m~lle bizarres obj ets différe11s
do11t l'énun1ératio11 deviendroit fall:idieu-
fe. La plupart des Aq.1éricai11s fo11t fort
préve11us que ces objets qu'ils co11facre11t,
d~vie1111~nt auia11t de Gé11ies ou de Ma-
C ~ ni·
- ,2 D u ev L T E

11ito1ts. Le 11on1bre eft fi peu déternu11é º


que les Iroquois les appelle11t ei,1 leur
lµ.11gue d't111 11on1 qui fig11ifie E:fprits de

toutes fortes. Leur in1agi11atio11 leur e11


fuit voir da11s toutes les el1ofes 11aturel-
les; n1ais furtout da11s celles do11t ies ref-
forts 1.cur fo11~ i11co1111t1s , & q11i 011t po11r
cux u11 air de 11ouvea11té. Les n1oi11dres,
bagatelles les frappe11t à cet égard. Le
n1ê111c P. Le Clercq CI1. I 3. p. 374. par...
lc ·d'u11e G~fpeíie1111e fort accréditée pa1·-
n1i la 11atio11 ·des porte - croix , & qu'il
áppelle la Patriarche du pays , laqti"elle·
. '
.

av:oit érigé.
e11 Divi11ités u11 Roi de· creur
& u11 pied de verre , deva11t lefquels elle
faifoit fa prié1·e. Il 11e faut pas dema11der
,

fi les fuíils ou la po~dre ·à ca11011 fo11t.


J)OU~ eux des Fétiches ou Matutous re.
. . .

rlo11tables ; 111ais 11Klle Divit1ité de ce


ge1~rc 11'a été íi fu11eíl:e .aux Sauvages


. . '

q\1e 1'01·, qu'ils c1·oye11t certainen1e11t,


' . .
être
.

r
.l_e éticl1e des Efpng110Is , jugeans de l' 6f:
'
pece
n t s D I Eu x F ETI e HEs. 5'3
pece de let1r c1·oya11ce par la leur prQ-
pre · & par Ja p1·ofo11de vé11ératio11 qu'ils
leur voyoie11t pour ce n1étal. Les Bar-
bares de Cuba, fucha11t --qu't111e B.otte de
Cafiílle alloit defce11Llre dans leur isle ,
juge1·e11t q11'il f:.1lloit d'abord fe co11cilier
le· Dieu des Efpag11ols
.
, puis .
l'élc,ig11er
de chez eux. lls raffe111blerc11t tot1t le11r
or. da11s · u11e corbeille.. .
V oilà
.
, dire11t-
ils , le Dieu ·de ces étrangers ; 'célébro11s
. . .

une . fête en {on ho1111eur pour . obte11ir


fa protedion ; apres quQ~ 11ous le fct·ons
' .

fortir de 11otre isle. Ils da11fere11t &


chanterent felo11 leur mode religieufe au-
~ . '

tour . de la corbeille , puis la jettere11t .


da11s ·1a mer. -Jf. La. priére ordi11áire des
S·auvàges aux.Ma1utoux .efi: pour en ob-
tenir ;qu'ils· 11e leur faífé11t poi11t· de ma\.
lls les -honorent beaucoup plus que l'E.
tre fupérieur à- eux, avec léquel. quel~
e..
. J
. que~.
:r, Hert~ra. IX. 3,; ,.
f4 n 11 e u L T E

ques - u11s de ces peuples paroi1fe11t ·ne


)e pas confo11dre, foit le Soleil ou q11el-
qu.e Efprit qui con1n1ande da11l le pays des
an1es. Ils- les co11fulte11t dans 1eurs be- •

foi11S & fe .g.ouver11ent par la répo11fe.


Par exemple, les Bra.filie11s 011t pour Fé-
t~he orlii11air.e une groífe iealebaffe fé-
. ~he , da11s laquelle ,011 _jett_e des ~ait~
.de ma1z ou .de petites pieu.~s : -~lmqu.e
· i)1é11age ·:ª 1e f~a ·à ~ui ·-.pn dr.e dcs
pi:éfe111. '!f C'eft leur Pieu Lare dont· :.l'w~
g~ eU ·furwu.t co;nC1cré .à la ._.di-v.4tatio11 ·~
e'eft - -l'a :qu·1'ªls croy.ettt qu.e.l,e1prJt
~ . - r-cua-
.!/'!

de & rend fes· -r~.cmfes ' tpaati.d OJl w


co11f~lt~r ~ bruit que fàit. cette ~rpêce
d'i11ftr1n-me11t, ~omme,J,s Sal!vílg·e~ !Gr.e~
de Thefprotie ~Qllfulwiet, t le f.Qt1 i«U·e
re,1d-Oit le ~ ~ha~tlere11- de ·Imdt111e .frapé.
par de petit.çs Gbaú1~s fufpe1ldue,s & agi-
t~e.s par -~ _vent j .C()mRlé ~$ Afriau11s
·' .
COll•
.

* Lery hift. du Brefil .chap~ xs. .& 9.


n E s ~D 1 E u x F. E T 1·e H E s. - f ~ _
co11fultetJt leurs G'i·is-g1 is taJifina11iqt1.e~;
4

ou con1n1e -les Egyptie11s co11f, •.ltoient


cet objet peu .oor11111- , cette n1achji:1e dj-
vi11at-0i1·e compqfée..de plufie-urs pierreríes,
ào11t -l'écl-at· oon1biné fervoit à C<)Jljeél:t.J-
rer l'ave11ir, & que les Hébretix lcurs
voifins appelloie11t Urini & Tl1u1nn1i111.,
e'e{l - à - dir-e , les lwnié1·es 1nerveilleufes.
Ils brule11t -d~i tabac e11 -ho;ocaL1fte de..- .
va11t c.ette Divi11i-t-é ~ con1n1e d'ar1tres foi1t
.auffi
. a1 l,ho11neur du . Soleil. '* IJs e11- hu-
. . .. . .

·m·e11t ·. auift la fu111 ée , do11t l'yv-1·eífe leur


faifant to,ia·r11er 1a tête les n1et dtl11s 1111
état d'infpiratio11 plus p1·opre à- co111pr·e-11.-
dre ce que veut dire le fo11 des g1·ai11s
.
jettés :da~1s la calebaífe. Ai11fi la Pythi~
,affife ft1r fo11 t1·épied. & 1"eceva11t: -fous
fes , 1 é:ten1e11s quelque · fumée 11aturelle
-de la terre ,· ou celle .·d'u11· .aromate. jetté
da11s un réchaud, -t0n1boit dans u11 acoe$
e. • ..

C 4 de
* Lett.. des Mil.uo1\ai1·es.
- . :."
: ·
. . .. .
, ,-
;~5 n- ,,. e u :t T 1
'•

ie ·v·ape11i·., qui la ·-re11doit Prophéte1fe,


& l11i friifoit p1. ofé1·er des paroles fa11s


fuite, que les n11ditcu1~s ·appliquoie11t à
let1r gt1ife a11x queftió}lS ·co1if11lt'ées. Le
e.a
· tabac • u11e -offra11de· ·A-méi·icái11·e do11t

les · Vi1·gi1=iie11s ··foi1 t · des facrifices à l'ai·r


· & à l'eau ; ~. ils·-y ·e11 jcttc11t dés poig11é~
.po11r avoir d·u beau te111s· au, voyage'.,
-0~1 peur êt1·e dêliv1~és ·de la ten1pête
fur. ·mcr : ils ·en ·attacl1e11t a11ffi à leur·s
.:filets 11e11fs, ··aan~: l'efpérance d>être heu:..
1

·reu; à la pê.cl1e. Céux dú ·nrefil, lorfqu'i)s


-\'011t f:'lire quelqt1e ·chofe d'i1nporta11t,
·s'e11 fo11t fouiRer ·r des bou:ffécs au vifa-
ge 'par leurs jo11gleurs, .ce qui s'áppelle
pa1~n1·i e1~x recevoir: J'efprit.. Les IlJi11ois
.da11s : leurs fêtes à da11fer êtc11dét1t u11e·.
'

natte µe joi1c· peinte_. de couleurs aú mi:.


Ji~u· de· la: cam·pag11e : 'c'eft 011.tapis fi1r
lequel .011 place avee honi1eur le Dieu Ma:.
• •
... . J. •

111-
' . . . ...

* Th. Hariot. ·:ae·:virgii1: t ·l.aery ibid.


DES D I E U X F E TI C H E s. ~7
1

11itou de celui qt1i do1111e la fête, qt1i efr


ordi11airen1e11t u11 ferpe11t; u11 oifeau, ou
u11e pierre. 011 pofe. à fi1 droite le gra11d
Calun1et : 011 dreífe devant lui u11 tro.
phée d,armes e11. ufage da11s la 11atio11 :
p·uis ta11dis que ]a troupe cha11te e11
cl1reur , cl1acun ava11t que de da11fer à
fo11 to.ur \1ie11t {i1Iuer le Ma11ito11 , ~ &

fouffie1" fur lui de la fun1ée de tnbac e11
guife d'ence11s. La Religio11 des Sa11,~a-
ges, dit 1111 Miffio1111aire, 11e co11Gíl:e que
da11s q11elq11es fuperfritio11s d(>11t fe bercc·
le11r crédt1lité. t. Comn1e le11r cot111oiffu11-
ce fe bo1·11e a cel1e lles hêtes & aux he-
foi11s i1att11·els de la \ ie' ·le11r c111te ll'il ·
1

pas no11 pl11s cl'aut1 es obj_ets. Leurs Chur-


4

Jata11s leur d·o111:1e11t à e11tc1idre qu'il y a


Ull~, efpece de 'Gériie ou de Mà11itou qui.

gouveJ11e toutes chofes., ·tJ.·tli eft le maítre


· · .· . es de
*. Marqt1ette Mretirs. c.1 ~s Illi11ois·.
t Let~ dcs MiffiG1111. T. XI. ··1,. 31- ç-..
. .
~8 n·· u C u L T E

de la vie & de .la n1ort, 111ais ce Gét1ic on


ce Ma11itou n'e{t qt1'u11 oJfeau, u11 ani..
n1al OU fa.:.peau , O,Ll qt1e]q11e objet Íe111...
b]able, qu'on e.xpofe à la v.é1~ératio11 -da,1s
des c,1ba11es , .& .auq~.-el 011 fi1.crí.fle d'a.u-
1

tres a1:iin1au~.. Les !guerriers porte11t le11r


Manitou (la11s u11e 11atte, & l,it1voC3.ue11t


fans ceife pot1r obte11ir la viél:oire. C'eft
le Ma11itou q1Ji gt1é1·it les n1aladies au
n1-0ye11 des co11torfio11s que font les Char-
lata11s , en 110.n1ma11t ta11t6t u11e bêtc,
ta11tôt u11e autre; & fi le malade vie11t
à .guérir, c'eft alors que la puiífa11ce du
Ma11itou eft bi.en reco111111e. U11 Sau\ a- 7

ge q11i avoit u11 breuf pour l\1a11iito11 ,


co-n,1 e11oit u11 jour que ce 11'étoit -pas ce
Qreuf mên1e qu'il adoroit, n1ais un Ma-
• •

11itou de bceuf qt1i étoit fous terre , ·&


-
qui a11imoit. tous les breufs : il co11ve-
11oit auffi que ceux q11i avoie11t u11 ours
pour Ma11itou adoroie11t u11 pareil Ma. .
·11itou d'ours. 011 lui den1a11da s'il 11'y


avo1t
n E s P 1· E u· x F E T·.1 e-a E s. f9
a,1oit pas auíR 1111 pa1·eil MaJ1itou d'hon1-
n1es ? ll ·e11J co11, i11t. Alors. 011 lui repré-
1

fe11ta que p·uifque i'kon1me ·ét.oit fltr la


terre le maitre des. autres a1.1in~aux ·Q.:tJ'ii
tue & q;t1 'il ,111a111ge ., le M.anitou. J!hoo1...
tl}es doit .~re fuus terre ·1e 111a·itte des:
autres Pt1anit·ous ;. . &. que par :Q©11féq,1i1~11t
i1 feroit plus co11ve11able d~it1\fo(tl1er l'ef. .
~ce.
prit q:t11 dt le. m1aitm :dcs. aut11es. . rai-
fu1111 en1eU:t· ·parut ·~m1 ~, S.at1Yé1ge ; illliÍS.
11e le fu i-ms cha11,g·er :,de ·>CG'llttliitn e. Le; P•·
Laffiteaw 1rous '1ppire11d ·qt!ê le8.1roqu@:is ,.
qu~o.n peitt .;con1pter parnú 1es plus fpi-
ritu·els à~attre ·1,s .Amériroi11s , quoiqu.e,
tres -féro~fs·; ont.: une ·óplllioa1, à :.peu p~~
irareiile 1 fur -~l,aquae .-efp~cre. :ô?a1ii1lláux· ~·
q.u'ils croyent avoir- :[011 · a\rrchétype da-ns
le pays de_s a1nes ·( ce, qui revie11t, dit..·
il , a.ux idées :de·. Plato11;; ) ·& ·que . 1eurs
ames vo11t ,1p1·es l..1 n1ort habiter ce pays :
car. -i-ls lle fo11t p2S l'an1e . de.s . b~tes d'u.;.
'

11e· · 11ature di.ffére11te ele .celle .de. l~hon1-


C 6 me,
60 ·n· u e u L T 'E '"

n1e, à laq11elle ils do1111e11t 11éa11n1oi11~.


la· fupério1·ité : * fe1011 et1x; l'an1e c'e.ft la
penfée : ils 11_e di(ti11gue11t pas l'age11t de
l'aétio11, & 11'011t qu'u11'. 111ên1e tern1e pour,
exprin1er 1'1111. & l'autre.·' lls 011t auffi u11
objct ·di\ i11 qu'ils appelle11t Oiarou , · con-

1

.fifia11t da11s la pren1iére bagatelle qu'ils


:1uró11t vue e11 fo11ge, u11 calun1et, u11e
peau · d'oúrs , un .couteau , 1111e pl,inte,
1111: a11in1al &e. IJs, cr.oye11t pouvoir, par
lá· vertu de cet Gbjet'; :opérer ce qui leur
pl·ai.t , . mê111e fe tra11fpçrter & fe méta- I

i11orphofer. Les devj11s qui acquiere11t


oans c~s vifio11s u11. pouvoir fornaturet ;
fo11t appellés. . e11 leur ·: Jangue d'u11 mot
qui· 6griifie ler. voyalfls •. :t .C'efr amffi le 110111 ' 1

qae ·les Or.ienta11x d~i1noie11.t. aux·- Pro...


phêtes. . ! - · ,.

. . .Si· du. rnouv·~au mo11de nous paJfoi:1s· ·


• •
-
.. .
' .. . . ,.aux
~

.
' l - • . .
. •' . > \ .•••

t • ,
. ,· ·· r
'
, .. . .
• t ! 1 ·

* ~affit. M . dcs· Americ. T. 1, p. 36.ri.: · ·


··t lde1n p. ·3 70., '. : · ,· · · · · ·

DES .D I E U X l E T I CH ! s. 61'

aux clin1ats voifi11s de nótre pôle , ou il.


fe trouve .. e11core .. des natio11s fà11vages ,
11ous les y voyons i11[1tt1ée~ du n1êmc
Fétichifi11e : car , e1:ico1·e Ull coup, j'ap..
pelle en. gé11éral de ce ~11om toute Reli.. ·
glo11 q11i .a pour objet de culte des ani..
n1aux ou des êtres terrefires i11animés. Les
n1reurs des Lappo11s & des San10:iedes ,
le culte ·qu'ils .re11dent. a11x pierres graií:
fées ou· :bretyles , &· aux tro11cs d'arbres,
leur e11têten1e11t pour les talift11a11s &.les
, jo11gleur.s , f011t trop co11nus pour e11 fai...

1·e ici le détail. Il fen1ble mên1e que les


Samo1edes attac11c11t aux·, a11in1a11x féro- , .J

ces u11e efpéce de Fétichifn1e dont ~Is.


r~dou·tent l~s ·fuites qua11d ils en ont tué
, un :· car àlors sa\1 a11t qi1e de l'écorcher ~
ils· rlui. proteíl:é11t fort férieufeme11t .que.
ce fo11t les . R11ífes qt1i :lui 011t _f:1it ce.
mal ( cette 1iatio11 .leur. eft en I1or1·eur; .) ·
que ç'eft le :couteau ~d'·u11 Ruffe * qui va~
. .. ··~ ~ • .. ' ., .. l,,
. .
·: ...
lc·
6~. ..
.
-~. .n ·1:J" e
. ~· .
u L T E . .•

le n1-ettré •et1 '.ptéces. , & qu:e ,c'dt f11 r


1 eux· .
qu'il e11 fat1dra ,preuôre ve1u~a11oe. ·011
11.e trot1,1eroit guêres u11 ·01~ lte p~us f,ei1fé
1

chez le relte des ba'thares , I1abiitàris 1:e·s.


vaf:l::es {(00!~ &.1es çaiids ,déferts ·q11i s'é-·
te11de11t àe l?Océan · .S-eptentrio.11al à la,
n1er Cafpien11e ; .a·\. ec cette ·di:ffére11ce:
1

qu'à n1efure q11~ori fe ·rapproche. des a11-


cie11s Royaumes rd'Orient ;' '.011 retrot1ve.
auffi leurs 111renr:s , .le1J1rs -vneux ufírge:s ,;
1-eur g'Out prédon1inant .p·onr ce1'"tni11es
cfpéces. de Fétiches , & :leur vé11fratio11
co1:1nue 1,.our les bois ·facrés. Les ·Circn f-
r. p.
1.es . t1em1ent
eagor1es . ' d à u:
a.\ ·oet :ega-r.,
S-cyth-e ·& de l~Afri~1i11:, e11tr.e lefquels its
fo11t placrés; ils 11'011t ni Religio11 mi:rcúl-- ·
te -llÍ a.ucu11e 11otio11 (de la Di v.i11ité. ·La .
feule eh.me :refpeétable pour eux eft '.UI:\ .
bois fort épais an n1il ieu ,d'n11e. ~p laioo.)
toute .:euzvit@1111.ée de Jbautes ·n1,on,tagnes.
U11 large foífé creufé .ale11tllUr . & pleiit.
d"eau €11 défe11_d l',1pproche•. Toute la Na-

- t. _,; ..' .t1on
...

n E s D I·E u x F E TI e H E s. 6·3.
tio11 s'aífc111blc vcrs ia fi11 du n:iois.
ll'Aout: tout s'y paífe à régler le c.0111-
01erce e11tre eux , .à -f:1ire écha11ge lle
le11rs de11rées -OU at:1-tres con1modités, &
à co11fé1·er ·rle .J.eu,rs ·atf~1·es con1a1u11es ;
co111111e les peuples La:ti11s qua11d ils s'af...
fe111bloic11t ~d Cttp·t-tt Fe1 011ice,:·. M~iis l'af-
1

fe.n1blée 11e fe fépare qu'apres , 1111e- cé. .


ré111011ie f0len111elle co11íifta11t à ·pe11dre
le111·s n1eilleures a1·n1es à certai11s arbres
choifis tle cc ·bois , · a\ ec u11e foi·te de
~
1

co11fécratio11. L'a1111ée fuiva11te, étant de


nouveau aífemblés, ils 11ettoye11t ces ar•
n1es; 8{ les .replace11t apres les a,1oir bai-
-
fees : elJes den1eure11t ainfi jufqu'à ce
qt1e le ten1s & la rouille les aye11t E1it
~_épé1·ir. Ils 11e f~,\uroie11t 1·e11dre · raifun
de cette coutt1n1e qu'ils fuive11t ,par tra-
ditio11.
Telle, eíl: l'efpéce de · croy~11ce que
nous trouvons aujourd'hul gé11érale·n1e11t
admife parn1i les peuples fauvages que
nous

G4 D· u e u L T ]!

11ous avo11s f011s les yeux., foit a11 Mi..


di , . foit à l'Occide11t , foit · a11 N ord.
Ren1arquo11s ava11t qt1e d'aller pl11s loi11,
qlte ce culte re11du à certai11es produétio11s
nuturelles efr eífe11tiellen1e11t· différe11t de·
cel11i q11e l'idol,1trie ,rulgairen1e11t dite
re11doit à des ouvrages de l'a1·t , repré...
fe11tatifs d'autres objet~ , auxquels l'a-
doratio11 s'adreifoit rée1Ien1e11t ; & qu'i-
ci c'eíl; a11x a11in1aux ,~iva11s ou aux
végétaux eux-n1ê111es , qu'il eft direél:e-
n1e11t adreífé. Parcouro11s à préfc11t Jes
pratiqt1es du n1ên1e ge11re qu.e 11ous fc;a-
vo11s .avoir eu cou1·s chez les Natio11s-
de·. l'antiqu1té ; . & nous v_erro11s par .Ie
fait . n1ên1~ ( · c'eíl: la" n1eilleure manie1-e
de s'}y. prend1·e ) s'il faut:: j~ge·r ,de la
. '

faço11 de . pe11fer de çei1x-ci que . no11s


11e pouvo11s plus co1111oítre ; par la fa-
<;ó11 de ·pe11fer de .ceux ~là · que 11ou~.
con11oiífons tres .. bie11 : car à....i'égard.
du culte l· nous.. l',1llons tro11-ver il ·rem-
.

bla-
nEs DiEux FET·1c·nEs.
blable, que 1a defcription fommai1·e qu'ê11·
don11e 11n A11teur Arabe paroit .
faite ex...
pres pot1r celui des 11ations ·n1·oder11e~
do11t 011 vie11t de lire le ·récit. Ftteru,11 *
ttlii .qui. feras . , . ~lii . qui
.
'VOl1tcres , alii q1ti.
. . ·• '

Jlrtvios ; alii qtti a1·bo1·es , 11/ii qtti mo11,.;.


tes, àlii qui te1,.;·am .·co/1,1eri,11t. Maim·o.
nicles fen1ble de mê111e co11fo11dre ....à cet
é·gard les Sauvages de fo11 .tems ;& Jes.
Paye11s , lorfqu'il dít que·. Jes . peuplei,
barbares & · g~ntils ont. ,pour Dieux lea'.
n1011tagnes, les colli11es, les arbres frui-.
tiers , les f911tai11es &e. : & c'eft là fanJ
. t .

· dou te ce que S·t. Epiphane appelle t lt bar•.


ba1·ifme, qu'il con1pte pour la plus ancie11..
11e des quatre Religio11s qui 011t e11 cduri··
áutrefois. . ·; .· · j · l · · · •

..

: . ' .. .
* lbu. P.atriq. ap. Pocok.
t EJ?i]?ha11. · de l1reref. L. · I.
•'
. .

., > .

. .

SEC-
n u- e u ·L T E

. S E C T I O N I I.
Ftftichifine des a1uiens P~t,ples·ccm-
paré · ·à , t:t>lzii des 1nodt'r1ier. .
\.J" 11e s'attend pas q11e je n1'ar1ite
à .prouver ici que l'Egy·pte adret:
foit tt.11 culte .·d'adoratioa à des a1úmat1x,
& :même à· dçs ~trcs- i11ani111és. C'cfr u11e
. yét·it-é ti:'õp ~ue pour qu·'il :foit be(-oiti
~y iiillltett~ .. -·

- . •

·· ~uis 1tefcit. qwa1ia tleme,as


.. . 1E&ypt,ts tn,rtentà ·coldt-? * .

Si _j~~pl~ye le témoigi:iage dcs ..ancie11s


. .

écrivains, c'eft n1oins pour prouv~r ur~


fait qui l'eft déj_à. affcz".. que po11r n1011..
. .

trer la parit~ qui _l~! trouve -e11t-re .


.le .

culte Egyptie11 & _le F éticI1ifn1e de Ni~




. •
<


gr1 ..
-
* Juve11al. fat. X\7•
'
n E s D I E u x F E T I e H E s. 67
grjc.ie.. II_ 11~y a gueres de peuple fur Je._
qt1el not1s ª}'Ot1s des traditio11s plus re-
c111 ées que fur ceI1ú-ci ; auíli ·11ot1s 11?a..
vo11s 1·ie11 de 111.us .a11cie11 fur le ctllte
. .

-eles Fét~ches
..
que les pratiques Egyptie11-
11es. li eft. naturel en e.ffc.t qu 'u11e opi.
nio11 q:1Ü f.e tr.ou·v,e r~1Jdue dans ·tot1~
les ·clim.ts bJrhares __. ·Je f.oit ..de
. . . . -
n11ê11~e
da1Js ..to11s. les Jiécles .de ·bariDarie. L'E-
gypt-e :a eu ce :tems oomn1e les alilitres
c.omrées. C'eft. ce -jt1'il
.. .
fau.t .comn1.e11~.-
çer par .p~1.1ver , rfi ·ta11t efr que le fui~
ait b.efoin de ;p.reuvcs: car les .Egyp.tiei1s
eux-mêm.es ne le 1úoie11t ·pas , n1a-lgr~
cette gra11de (upériorité de to.11te efpéce.
4'av.a11teges .phy.íiqu.es & n1oraux . q11'ils
affeélaient fur ·.les autres N . ations.
.
·- V.oi-
' . ,,

ci ce que D.iodore. *- -a:voit ..U;ppris.. d'~~_


là- deífus .dura11t le féjour .qu~l fit ·e11
leur pay.s.- Q!te 1'011. juge .li oe .n'eíl:
pas la vé1·itable . 11.ei11ture ·d'w1 peuple .
.fau- ••
~-
. ·* Diodor. L. I. Sea. 2.. i11 pri11cip.
,s .o u eu L T 1
. .

fauvage. ,, Ava11t que d'e11tamer l'hit


:>, toire des Rois d'Egypte , il co11vie11t
,, .de .parler dcs ancien11es cot1tun1es du
,, pay.;s. 011 dit que da11s .les con1n1en.
;, cenJe11s ies Egyptie11s 11~ vivoient que
,, d'herbes, n1a11gea11t des choux ou des

,, ·racines qu'ils. trouvoie~t .~a11s les ma..


,, rais , chacun felon fon gout ; fur..
» tout de l'herbe nommée .Agroflis, qui .
» eft de bo11 go~t , . d'aille11rs fu.ffifante
$ ~ la nourriture de l'homme : du moi11e
-
,,· il .· eft ·certai11 qu'elle eft fort :t,01111•
,, aux .troupeaux:. Les Egyptie11s _ pour
,:, ·conferver la n1.émoire d.e ce fait & de·
» l'utilité que leurs péres 011t ··tirée de
»' cette ·pla11te, la porte11t en n1a:i11 lorf:
,j qu'ils ·vo11t .au. Ten1ple faire leur prié.
'° -re aux Dieux. Ils croyel'it, .con1n1e jo
~, ..}'ai· dit, ·que l'hon1me efr u11 a1um·al for-·
,, n,é. du limott des n1arais. Le fecond
,.,; mets des Egyptie11s a été le poiífon~

,i .Le .Nil lcur en four11it 1111e qua11tité. ; !

,, pro..
1) E S D I EU X 1 ! T l C lt E s. s,
.

.,, prodigieufe; & quand fes eaux fe re-


,, tire11t, la terre e11 den1eure couverte.
,, Ils mangeoie11t auffi de la chair des
,, beftiaux, & fe fervoie11t de leurs pea11x
,, pour fe vétir. Ils fe faifoie11t des ca-
,, ba11es de rofeat1x , co111me _fo11t en...
,, · core les bergers de ·cettc co11trée.
'' Apres Ull aífez I011gten1s ils paífere11t
,, à l'·ufage- de faire du pai11 & de n1an..
D g·er le· fruit du Lotos. 011 dit qu'ffis

,, leur e11 do1111a l'i11ve11tion ; '* d'autres


,, la raportent à l'a11ci'fl Roi Mé11es••..
,, Ils doive11t.
à Ofiris l'inftitution-de.
plu-
,> fie11rs chofes. utiles à la focieté hu.
,., n1ai11e.-·· .Jl abolit la coututne exécra. .

,, · ble· qu?avoient les hon1n1es · de fe ma11...
e, ger- les :uns les a11tres, ·& établit e11
\

.,) place la tult·t1re des fruits. Ifis · de fo11


~, côté leur- , do1111a l'ufage du fro1nent
~ & de l'01·ge , qui croiífoie11t _ai1para~
... . ./

• vant
, Idem,
·- L. I. Seél,· 1..
. . .. ~
. -·
70 ···Du CuLTI
'

,, vn11t d~111s les cl1an1ps , co111111c plu11-


,; tcs i11co111111es & 11égligées. Leu1·s ft1 ..
,; jets fure11t cl1ar·més de ce cha11geri1e11t,
,., par la doL1ceut" qt1'ils trotlvere11t da11s
, 1 la 11ouvelle 11out·riture, & par l'hor-

'' re11r q11'ils co11c;t1re11t e11x-n1ê111es de


l'a11cie1111e. La vé1·ité de cette tradi-
'',; tio11 eíl: · co11firn1ée par ]a pratiqt1e ·
, 3 co11frc111te qu'o11t les Egyptie11s , &
,, do11t ils ·fe fo11t fait · u11·e · ]oi.· Da11s ·
,, le ·ten1s de la moiffort 011 dteíf u11e e
,; gerb·e, m1to1it d@· ta.,queJ·l'e ies·· laboureur~
,; ·céJé·brerrt· Ifis·' en · ntên1oire de la d·é-
,; ·couverte qui l11i efr· d11e: 011 ·d~t de
,; · plns qn'Ftm a· dortt1é~ l~s- pr~1ieres J°o~x
,; aux homrttes', I·etit:. eiifeig11a11t· ·à fe
,,· re11dre réeip1:oqtretriet1.t·
~
.
jaffice , &, à
. ,. - ~

,; ba11i:i.ir la viole11ce . · p-ar. la . crai11te


,; :du châtin1ent. · La fa·briqu·e . de~ n-ié-
,~ ta11x·ayant été trouvée d-ans, la ..:Thé- .·.
,, ·biide , 011 e11 fit des ar111es pour ex-
·,, termi11er les bêtes~ .férGG~·, .des .inC.
,) tru-
D Es D l E ux F E T l'C'HES. ,.,. •
.

~> trl1n1e11s pu1.11·· trav-a·i1 11er· .à


la terre; &
,, la· '11ation·· fe ·poli-~ant dg-, plus· en p1us,
,, elle et:1·t des ten1p·léS' pour. les Dieux.
,) Men;,u·re· fernm fe· prerni:er 1111 difcours
,, exaét & rêglé· du· lángage i11certai11
,, d01it 011 · fe fervoit -: ·il impc>fa · des
,, 1101ns à- 11ne· i11.fi11ité de chofes d,11 fa . .
.,, ge q11i 11'c11 avoiei1t p-oi11t : il i11Íti..
,, tua .lcs ritcs dt1 culte fitcré : il do11..
,, 11a Jes, ·pren11ers pri11-cipes de l'aftrono..

,, n1ie, de la· muGq11e , d·e· ·1a · danfe ,


)' des · e-~ereices _réglés· : il · e11feig11a la
,, c11 ltu·re des· oliviers. Ofiris -a~oit trot1..
)' vé-· celle· <.ie· la· vig11e-. Il bttt· ·d~ vi11
,, le prem-ier·, & a·pprit aux- Jíommes· la
,, ma11iêre·de· J~faire &· de leco11ferver~
. .

,, Jll étoit··né· l,ienfá1íá11t &- amatenr · de


,, la g·1oire ; &· jugea bie11 qu'ayarít· ·ti~
,, ré. les homm-es de Jeur premiere fé . .
'

,;
1
ro~ité.,: & -lcur aya11t··fait- goi1ter ~u11e
,; focieté douce & raifo1111able , il parti. .
!J) ciper.oit aux l101meurs des Die11.x :
,> CC
7~ D U' C O. L T E·

,, ce qui arriva en e.ffet•.••• ,;,. Les G1·ecs.


º~ 011t toí1jours été accufés de s'attribuer
,, l'origi11e d'u11 affez.
gra11t.t 110111bre de
•, Dieµx & ds Héros , e11tr,autres celle
,,. d'Hercule
. . que Jes Egyptie11s dife11c
~, 11é chez eux. .E11 effet co111me11t rap-
,, porter le · ten1s d'HercL1le à l'époque.
,, fixée par les Grecs , qt1i le fo11t vivre
,, u11 peu uva11t la gue1·re de Troye ,
,, c'eft.à-dire, il 11'y a pas douze cent a11s?
,, La n1aífue, la pe:au de lio11 qi1~q11 a tau. .
,, jours do1u1ées _à ~ercule fo11t 1111e preu-
'' ve de fo11 a11tiquité, & fo11t voir qu'il •
,~ con1battoit da11s u11. ten1s ou les at·-

'' mes offe1i.Gves & défe1úives 11'éta11t pas


. ,, encare i11ventées, les 1:iommes 11'alloie11t
. ~,·à la guerre qu'avec.dcs bâto11s.; & 11'é-
,; toie11t couverts que de peaux de .~ê•.
,, tes. · L'opi1tlo11 re~í1e: ·de tout · ten1s
u chez les ,Grecs, qu'HercuJe a purgé !a

,, . ter~ .

....

D Es D I Eu x F E TI e 1-1 E s.. 73
,, terre de n1011íl:res, eíl: u11e pre11ve
J, co11tre cux-n1ên1es. Car des exploits.
,, de cette 11ature 11e_. fçauroie11t ton1ber
,, da11s les ten1s de T1·oye, 011 le ge11..
,, re hun1ai11 s'éta11t co11fidérablen1e11t
,, accru , 011 t1·ouvoit partout des villei
,, policées & dcs terres cultivées. 011 11e
,, peut les placer raifo1111ableme11t que
,, da11s cet âgc groífter &: fauvage , ou
,, lcs hon1111es étoie11t accablés par la

,, nJultitude des' bêtes féroces , particu..


,, liéren1 e11 t e11 Egypte , do11 t la hau te
,, région eft e11core reniplie de cés a11i-
'' n1aux. Ce fut alors qu'H ercule plei11
,, d'amour pour · fa patrie extern1i11a _ces
,, monftres, & livra la campagne tran-
,, quille à ceux qui voudroie11t .la culti-
,, ver : ce ·qui le fit 111ettr~ au ra11g des
,, Dieux. '' Ce tableau donné par Dio-
dore ·, fur le témoignage: mê,!}'le de la 11a-
tion dont il parle, eft,. ce me fen1ble e
afez concluint, ·ainJi que celui qu'e11 fait
D Plu--
7,·+ .D U C U L T E
'
Pl11tarque. ~ ,, Oíiris régnt111t c11 ·Egypte
,, retira la N atio11 de la vie 111iférable ,
,, ·i11dige11te & fauvage qu'elle n1e11oit
,) alors. Il e11feig11a à fen1er & 'à pla11ter:
,, il établit des Loix : il apprit à 110110.
,, 1·er les Dieux: : il i11venta ~les Arts ,
,, ,~ apprivoi_fa lcs hon1n1es. '' Q!le fi
1'011 veut quelque chofe de plus précis
c11core , ot1 11'aura qu~à lii·e u11 autt·e
c11droi~ du n1ême livre de Diodo1·e, ot\
il dit que les Egyptie11s préte11de11t que
le ge11re hun1ai11 a co111tne11cé da11s leur
pays, & que les ]1on1n1es y fo11t 11és de
l'aél:io11 du Soleil ft1r la ter1·e · h11111eél:ée.
,, Les l1on1n1es 11és de cetté ma11iere
'' me11oie11t d,abord · lllle vie t111,,;age :
,., ils alloie11t chacun de leur côté 111a11-
,, ger fa11s apprêt da11s la can1pag11e les
~ frt1its & 1es herbes qui y 11aiífe11t fans
') cu·ltt1re :-n1ais :éta11t fo·uve11t attaq
..
t1és par
:J>. - les

.
*-Flut. in Ifid. & Ofir.
DES DIEUX FETICHl!S. 7)
,, ]cs 1Jêtes féroces, _iis· fc11ti1. e11t bic11tôt
,, qu'ils avoie11t befoi11. d't111 feco111"s n1t1-
'' ttJe.l; & s'éta11t ai11.fi raífe111blés JJar
>> la c1·,1i11te , ils s'accou tu111e1·e11t lcs Ul1S
,> aux autres. lls 11'avoie11~ eu at11)ara-
,> vant qu'u11e voix co11fufe & i11arti-
,, Cttlée : mais Cll pro11011ça11t diflcre11~
,, fo11s à 111efure qu'i]s fc n1011troie11t ·
,, ditfére11s ob jets , ils forn1ere11t e11fi11
,, u11e la11g11e propre à expriµ1e1· to11te~
,) chofes. · Ces petites tro11pcs ran1aífée~
,, c:tú hazard e11 cli ve1"s lieux , & .fa11s
' ,, con1n11111icatio11 les u11es avec les au-
)t tres, 011t été 1'01. igine des natio11s dit:

,, fére11tes ~ & 011t do1111é · lieu à 1,A ài-


'' verfité des Ia1Jgues: Cepe11da11t les hon1-
') n1es 11'aya11t e11core aucu11 UL'lge . des

,, comn1odités de la vie, 11i n1ê1ne. d'u.


,, ne 11ourriture ~011ve11able, den1euroie11t
,, fa11s /habi~~tio11 , fa11s feu , fa11s ·pro'.""
,, vifioi1 , & les l1ivers les faifoíe11t pé~
,. rir prefque to11s par .Ie froi~ & par
D .z ,. la
76 D U CU L T E

,, la fain1. Mais e11fi1ite s'étant cre11.fé


,, <.les a11tres pour leu1·s retraites , aya11t
,) trouvé n1oye11 d'allumer du feu , &
,., aya11t re111a1·qué les fruits qui étoie11t
,, de gardc , ils parvi11re11t e1úi11 juC.
,, q11'aux a1·ts qui co11tribucnt aujour..
~, d'l1ui, 11011 feulen1e11t à l'e11t1·etien de la
'' vie , n1ais e11core à l'agrén1e11t de la f~

,, cieté. C'efl ai11G que le befoit1 a été i·e


,, n1a1tre de l'I1on1n1e , & qu'il lui a n1011...
,, tré à fe- fervir de l'i1~telligence, de la la11-
'' gue , & des n1ai11s que la nature lui a
;, do1111ées préférablen1e11t à tous les au. .
,, tres a11in1aux. ''
Les preuves tirées du raifo1men1e11t
11ous at1roie11t i11diC1ué , con1me je le
dirai plus bas , ce que 11ous montre1,t
ici lcs preuves ~e fait ; fc;avoir que l'&
gypte avoit été fat1 vage ainíi que tant
cl'àutres co11trées. Les preuves de fait
. . . ..·

c1l11 11ous la n1ont1·e~t adora11t des a111..


.
·111à11x. & des végétaux , e11 un .mot. ce
que
DES D I EU X F E T 1·c H E s. 77
que j'appellc FéticlJijle ., 11e fo11t p,ls 111oi11s
,

11on1breufes que précifes. Mais puifq11e


les mret1rs , le culte & les aél:io11s des
Egypti~llS Ollt été à peu pres les n1 ê~
n1es que celles d~ Négres & des A1néri-·
cai11s, n'eft: - il pas bien ~atu1.:el d'cn co11..
clure qu,ils 011t auffi tous agi c11 ,~creu
d'une fac;o11 de ·penfer à peu pres u1liforn1 e~
& de juger que c'eíl:-là tout. le myfrere
d'u11e énigme dont on n'a íi I0ngten1s cher-
ché le n1ot , que pour e11 avoir co11<;í1 1111e
trop belle idée , que faute de s'être avi..
fé ele· ce parallele facile à faire des 1nret1rs
ru1ti_ques avec les n1oder11es? Novi fiatr,1r
i1nag~ , a~ca111int antiqui. -JF. V oyo11s do11c
fi la reífembla11ce fe foutie11dra dans le dé-
tail des pratiques~-
Egyptie1111cs fur le. ct1l•.
te e11 queflio11. '
La 11atio11 avoit fcs ·Fétiches gé11éraux ;·

& les ca11to11s ou prpvi11ces en avoie11t de


· . D 3 ptfr...
* Tacit.
"
.

.;'
78 D u e u L T E

partic1,1liers Liiffé1·c11s les t111s eles at1t1·es. ~


Crococlilo,2 a.lorlzt
J:> t1rs h.-ec ; illa pavet Satur,111i ferpentib1ls lbitn .:
:fJ'Jigi~s ./àcri nitet ai.,rea Gercopitlieci.
Dimi,lio 1n,1gic,e refo,zant ubí },feranone cho.rt'lct ,

At,1u e vetus T.heb..e ce12turn. jacet obritta portis :


•·
Illic ccerzt!eos, hic 1,,~[L'e1n fliimirzis, il.lic
OJ1pida tot,i canem -vcnerantur , nemo Dianam.
Pvrru1n d!;' cü!pe n~fas violare qfJ frangere mo,:{1;1~
O .(anétas ge,ztes, qitibus hce~ n~/'cuntitr i?Z hortis
Numina ., lanatis animalibus abftinet omni~ · .
Meil}a ; nejas illic j'reti,m j 1,gulay-e capellr:e.
. . -
. .
J'll ve11al.
.
11e peut gueres douter que le fer-
. 011
. .

pe11t 11~y ait écé co111n1e e11. · Nigritie . .

~11e . des pri11cipales & des plus a11cien-


11es Divi11ités. 011· e11 a des témoig11a..
ges des le ten1s ou l'. Egypte -con1menc;oit
. .

à fe policer. Le plus· vieux des hifrorie11s


p.rofa11es dont ·il. "'11ous · reíl:e q1.1eJqt1cs
1 .

~101·ceaux, Sa11choniato11, qui avoit foi..


gL~eufcn1e11t recherché & extrait les Ji. .
vres
.

t !\1cla I. 19 ..
D Es D I EU X FETICHE s. 79
,rres de Tl1oth , tlit da11s [011 ou,1rage
Je I'l1r.e11ici1,1z ele1,1entis , .:lf ,, q11e ·1. l1otl1
,, ,lvoit beat1coup obfcrvé la 11atu1·e dcs
,, drago11s & des ferpens.: que c'étoit
,, à cat1fe de leur lo11gt1e , ie q11e les 1

,, l)hé11icie11s , ai11fi <.Jue lcs Eg)'.ptie11s ,


'' & parn1i cux ,cet écri \t,1i11 célebre ,
,, attribuoie11t _]a Divi11ité à ces 1·rptiles. ''
Obfervoi1s ·ici e11. paífa11t, qiie fi Thoth
cut reg·ardé Je ferpent no11 con11ne a11 i..
111al, n1,-tis comn1e u11 fin1ple en10Jême
de l'éternité , ai11íi qt1'011 ·eri. a. dep11is
ufé. pluíieurs
' .
fois e11. le ·dépeigna11t e11
eet·cle fe 1nordant 1a q11e11e, il étoit ii1u-
tile qt1'il employat beaucoup de te111s à
·obferver la 11atµre de ce reptile. Philo11
de Biblos , tradt1éleµr ,le · l'hiíl:orie11 · de
PI1é11icie , qui ··déclare· 11'.avoir e11trepris
cette verfio11 qtie pour n1011ti:'er le frivo-
. r, . D 4 le
.
- * Sa11cl1oi1iat: · · & :~Pl1il~ :Bi1Jl. ap. E1.1fe b.
Fr~p. · Ei/a11g-.: : : . · ·· 1
,. ; • •

•.
fio D u e u L T E

lc d'u11 fyíl:ême te11dant à tot1r11er des


faits réels e11 allégories , oite e11core u11
autre 011vrage du n1ên1e écrivai11 , doí1t
le titre E - 1·/JotlJia paroit i11diquer qt1'il
·étoit u11 extrait de Thoth. PI1ilo11 dit
à ce f ujet, parla11t foit de Tl1otl1, foit
~\e Sa11Gho11iato11 , ,, qu'il avoit traité fort
,, at1 I011g de la 11ature dcs ,111imaux
; , ci. . deffus : 1t1e le ferpe11t avoit été
,, appellé par les Phé11icie11s Agathodre-
!, mo11 ( le bo11 gé1ue) & pai· les Egyp..

,, tie11s K11cph : que I> Agathodremo11


~, étoit dépei11t a\ ec u11e tête d'épervier
1

~, à ca11fe de fa force & de f:1 vivacité. ''


Da11s Pli1tarq11e le Dieu Kneph . 11'ea·
pas 1.111 ferpc11t, . n1ais u11 vrai Diet1 i11..
telleétuel premier pri11cipe de toute cl1ôfe.
'

11 y a appare11ce que Philo11 ne l'e11te11...


doit pas ai11fi :, lui qt1i 11'4crit qu'e11 \·ue
de réíuter le 11ouvea11 fyftême de T}Jéo-
logie. en1blén1atique. .,, .. Les qualités du
.

" ferpe11t divi11 , ajoute. .t-il, 011t été. dé-



,, cr1tes

DES D I EU X FETICHE s. 8I
~-, crites fort au lo11g par Epeis, célebre E-
,, gyptie11, Chef des Hieropha11tes & des
,, Ecrivai11s facrés , do11t. le livre a été
,, traduit par Ari11s l'Héracleopolitai11. ''
Q!ia11t aux . autres F étiches gé11éraux de _
'
l'Egypte ' le Nil étoit partout Ull objet
1·éveré. Le bras ca11opique de ce fleuve
& le bceuf Apis avoie11t let1rs P1·êtres
& leurs ten1ples da11s toute la baífe E..
gypte, co1nn1e le bélier An1no11 da11s tou-
te la haute. ~ Q!1e fi 11ot1s pa1·cou1·011s les
pr9vi1-1ces , le chat eft u11e Divi11ité à
Bubafte , le bouc à Me11dez , la _cl1evre
L'lU vage à Cpptos , le ta11rea11 à Hélio-
polis, l'hippopotan1e à P,1prén1is , la bre-
bis à Sa'is, l,aig'ie à Tl1ebes ) u11e cfpéce
cle petits fe1·pe11.s cor11u.s 11011 ,reni111eu~
auffi à TI1ebes , l'épervier à Thebes "~
'
à PI1iles , ]e _fat1co11 à Butus, le fi11ge
ll'Ethiopie à Babylo11e , _le Cy11océpha-
D 5 le
* Strab.. L.. XVIl. 1Eliru1, X, 13 li
"'

D u CU L TE

le ( efpéce de babot1i11·) à Aríi11oé , le


crocodile à Thebes & fur le lac Mreris ~
l,ich11et1111011 da11s la P1·éfecl:ure Héra-
cléotiqt1e, l'Ibis tla11s celle voifine de
1'1\r~bie., la to1·tt1e chez les Troglo..
dytes à l'e11 trée de la Mer Rouge , la
ri1ufàraig11e à Àtl1ribis : ailleurs le chien ,,
. le loup , le lio11 ; certains poiífons , · tels
q11e le 111,,1ote, à Elépl1a11ti11e .; * à Sye1111e

l'o:xyri.-:qt1e, autren1e11t le bee-t1igu ( ef..


péce d.,~t}ore à n1 tJÍeau- fort po111t11 ) nom-
t
n1é e11 la11guc Egyptie1111e uétt1elle .Qf ,é-
cJ101td; !e lé11idc~te, gros poiffo~ de vi11gt
à tre11te livres pefa11t , q11e les Eg·yp...
tiens appc1 Je11t au jourd'l1ui Bzlnt1i; le la...
tt1s & f',111gt1il le § s'attirefl.t u11e dévotion
parti(~t1líére d,111s chague 11ome q ui fait
gloire de tirer fo11 non1 de celui de l'a-

111...

* Cle·nl. Al'ex. .Admo11it. ad ge11t.


· · t A11ti1,han. i11 LyL011. & Anaxa11qrid. in
ci,,itat. apt1d Athe11. Deipn: VII. '1 3.
§. Herod. Diod. Strab. F li1~. L .. XIX.
D ES DI EU X ]:t"" E T I C H E s. 83
11in1al di vi11ifé; Le~11topolis, Lycopolis
8'c . . fa11s parler des pierres , ( car Q!1i11,.
te-Curce * décrit Jupiter A111n1011 comn1e
u11 Bretyle de pierre br11te) fa11s parler
no11 plus des plai1tes n1,ên1es. & des lé-
gumes, · con1n1e les le11tilJes, les. pois·, lei
porreaux, les oig·11.ons ,. qui e11 qu~lques
e11droits 11e f011t pas trai_tés avec. n1oi1is
~~- vé11ératio11. ll paroit n1ên1e que les
grands arbres a\ oie11t e11 Eg·yptê, comn1e
1

~11 tà11t· d'autres pays, 1e·u1 s ora.cl es, Je11rs 4

adorateurs,
. leurs Prêtres,
. & leurs Prê~ .

treífes, fi 1'011 en juge par 1a Jiaifon q11i·


fe trouve e11tre l'établiífen1·ent du fan1eu~
9racle.dcs arbres de Dodone en Grece, '

&, les. ·pratiques Egyptie11nes, qui ~ au


raport d'Hérodote , ·donnerent .
naiífa11ce .

.à cet ér--cibliífement. Il ra~onte que . les .


t
Phénicie11s enlever~11t de Theh.es.. àeJJX
. . . .

Prêtf~ífes , i'une defquelles 21yant été ...ven...


.
'
•.
.,
- . . D 6 . , due
*· Q. ·C\irt.. lV. 7.. - t Herodot, L~ tt. C11 S4i
'
8,J D U C U L T E

due e11 G1·ece y re11dit les plus a11ciens


oracles, e11feig11a fo11s u11 arbre la pr,1-
tiq11e des rites religieux , & occalio1111a la
fo11datio11 d'un collége de Prêtt"effes. Mais
felon ce qu'il apprit des Prêtreífes de
Dodo11e . elles-n1ên1es , elles attribt1oie11t
lcur fondatio11 à u11e colon1be noire ~ qui
s'éta11t e11v0Iée de la Théba'ide à D0-
do11e , vi11t fe percher fur un l1être de
la forêt, ou elle parloit à vo.ix hun1aine ,
i11ft~uifa11t les Pélafges de ce qui a ra ..
port au culte divi11. Qui ne voit ·que
,ette préte11due colon1be 1101re n'eft a1l-
tre chofe qu,.u11e Négreífe ~u qu'u11e E-
gyptie11ne baza11ée enlevée par .
les Phé-. .
niciei1s &; vendue aux Sauvages de la fo-
rêt de Te.fprotie? c'eft l>opinio11 .
forn1el-
·te d'Hérodote~
.. ~ . ,,. Je crois, dit-il à ce .
prt"·
pos , ,, que ceux: de D0do11e 011t fait une
' . .

,, cp~ombe de cettefemn1e étrangere, ta11t


·,';.qu'iJs 11'011t p'as·e11te11d11 fo11 la11gage, qui
,, n~étoit!à .leor.s. oreilles· qu?t111e·, efpece de
,., ra..
-
, DE s D I E U X F! T· I C H P. s. 8r
;·; ramage d'oifeau. Mais ce fut pour eux:
,, u11e femn1e comme 1111e autre , qua11d
,, elle parvint à s'é11011cer e11 leur la11- •

,, gue: comme11t feroit-il poffible en effet


,., qu'une colomhe parlat à voix hun1ai..
,., 11e ?·- quand on 11ot1s dit qu'·elle étoit
.
,., · noire , cela 11ous fait e11te11dre qu'clle
» étoit -Egyptie1111e. Auffi les oracles de
,., The.bes, d'Eg·y11te &- ceux de Dodo-
'' ne font-ils prefque to11t-à.. fait fcmbla. .
,., bles; & c'efr d>:Egypte qu'eft venue la
,, rnaniere de prédire l'ave11ir da11s les
,, lieux facrés. '' La fable -Grecque q11i
a fait. u11e c0Ion1be de cette Prêtroífe noi- ,

re, paroit 11ée, felo11 la jufte remarque


de.Bochart; *' de l'équivoque du mot 0-
ri.ental,, Heman colombe, avec le n1ot·
lma1t Prêtreffe.
D eft d~ n1ême vifible que chacu11 des.
• •
• an1-:·
. .• .. ' . :. ..... ..
.
'
. .
'

. '." , .

• .B9.ch. .Chanaa~. ·P· a2.4~ ..


D u e u L~·T
.... E

a-t1in1aux ci .. deíft1s n1e11tio1111és étoit. le


Fétiche gé11éral de la co11tré-e , par Ie
foi11 qu'avoie11t 1,ris les Loix d'aíligner
à: des Ofnciers pub·lics l'e11tretie11 de l'a-
nin1al rcfpeét6. Ces charges étoie11t tres
ho11or,1bles & hé1·édit,1ires da11s les fa111il-
les. L'Offi·cier qt1i en étoit re\ étt1 -11e fo1·-
1

toit de cl1ei lui qu'avec les n1arqu·es ex-


térieures de fa dig11ité , qi1i i11diquoie11t

de ql1el a11i111al il. étoit le g~rdie11. C'~~-
toit toujours des gens du ·pre.11l:ier or-
dre ,, q11i fe gl-orifioie11t d'être employés
,, aux plus :l:u11tes céré1:i1011ies de Ia Re-
~ lig·io11. '' * 011 co11flr11ifi)it des pares ou
des loges propres à la retrait~. de ~l'a.11i-
m.al; on lui an1e•10.it .
· Jes. plt1s ~elles. f~
rnelles de fon efpece. 011 defl:i11oít 1~ :re-
venu de certai11es can1pag11es à , fo11 en:
tretien ; 01:1 le fourniífoit de vivres~ N,t>us
_ çpre-

* Herodot. L. 2,. Diodor. L. I. Plutarch, in


If. & Ofir. . · .. . .·. :
D Es D 1 E u x F' E T 1 e.11 E s. 87
app1·e11ons de Diodore que cette dépe11fc
publ.ique alloit ade tres groffes fon1n1es,.
& qu'il a vC1 de·s ge11s qui de fo11 tems
y avoie11t dépe11fé pl11s de ce11t t,1le11s.·
011 levoit t111 in1pôt fur ch,1qt1e co11trée
pour faire pei11d1·e & fcul11ter la Di~.ri11i~
té. Il 11'y av.oir, au raport de PI t1t2.rq11e,
qu't111 c,111to11 de la ThélJa·ide qui adoroit
K11eph , le Dieu Eter11el, qui feul ne
payoit rie11 de cet it11pôt. 011 s'age11ouil-
loit íl l'a11i111al ve11oit à paifer : 011 éten..
doit des tapis fur fi1 111arche : 011 bi·u ..
loit de l'e11ce11s : 011 cha11toit des hyn1..
11es : 'Jf 011 vouoit fes e11fa11s e11 leur
. .fai-
fant rafer la tête & do11na11t à la Prê-
treffe le poids des cheveux. e11 arge11t-pour
la 11ourritu·re de l'a11in1al facré : 011 fai-
foit e11 fo11 ho1111eur -de pompe11fes .pro..
teffions , décrites au- Jo11g par Athe11ée
& par Cléme11t t d' Alexa11drie : ·011 ve11oit
le
'.

* Pli11. VIII. 46. - ·-


t Clem.,Alex. Strom. L f.
88 . D U CU L T E
le co11fulter pour ··oracle ; & con1n1e il
11e re11doit poi11t de répo11fe, 011 fe bo11-
choit les 01·eilles au fort1r du ten1ple , &
les premieres paroles que 1'011 ente11doit
par l1azard étoie11t prifes po111· 1111e ré-
po11fe , do11t l'applicntio11 fe faifoit pour
le n1ieux au fait co11fulté : * n1 étl1ode af..
fez fen1blable--à·· oelle des N égres, & qui
eft le íig11e d'une égal.e puérilité duns
l'efprit des co11fulta11s. 011 11011rriífoit le
crocodile ave e le n1ême foi11 & à 11cu
pres de la n1ême n1aniere q11e le Drago11
l'étoit à Babylo11e, & que lc ferpe11t rayé
l'eft à Juidah: les Prêtres a11cie11s pra-
tiqua11s à cet ég·ard le n1ên1e genre de
friponnerie que pratique11t à préfe11t lcs
Prêtres Mricai11s. Bie11 pI11s ; 011 te11oit
pour faints & bie11- heure11x ceux q11i
étoient dévorés par u11 crocodilc , com-
me au jourd'hui da11s l'I11de les fa11atiques

qUl
* Paufa11, L. 7.


D ES DI E 11 X FE T I CH E s. 89
<1ui fe fo11t écrafcr fous1ê' cl1ar de l'Idole.~
Le foi11 de la 11ourritt1re des anin1aux
facrés étoit fi privilégié , qu'il 11'étoit pas
11égligé 111ên1e e11 ten1s tle famine , loi11
q11c le peuple ofat fe 11ourrir de leur
chair , .& faire ufage d'un a1in1e11t con1. .
n1un· à. ta11t . d 'autres hon1n1es. Le chat
étoit fi ho11oré par ceux qui y avoient
dévotion , que fa mort caufoit un deuil
da11s la 111aif011 , & ceux qui l'habitoie11t
fe rafoient- les fourcils. Si le feu prenoit
à la n1aifo11, 011 s'en1preífoit_ ft1rtout à fau . .
ver les ·cl1ats de l,i11ce11die; gra11de mar.
qt1e qt1e le culte regardoit }'animal mê..
n1e, qui 11'ét~it pas coníicleré con1n1e 1111
fin1ple -en1blême :. & toute cette adoratio11
fi marquée de l'a·nin,al ·viva11t ou mort
le témoig11e aífez. S,il ve11oit à mou1·ir
de n1ort nat11relle , 011 fi1ifoit fes obfé-
ques ·e11 · céré111011Íe. Le ·ferpe11t cor11u ,
.
par
90 D U C U L 'r E
11r1r exei11ple, etoit i11hu111é da11s le
te111plç d'A11111101~.- A11 te111s du Rég·11e
,

de Ptolon1ée Lagus les f1111érailles · du


bretif Apis ft1re11t
.. fi po111pet1[cs , q11e le
Roi fou_1·11it e11core ci11qt1a11te talcns poul·
er1 faire les frais , apres q1.1e le gartiic11
y e11t dépe11fé tot1t {011 bie11 qt1i étoit
co11fidérable. Ceux qui alloie11t en pays
étrangers en1 portoient f011ve11t avec e11x
leur ani111al .Fétiche : ce. qui prouve q u' ou-
tre le culte g.é11éro1l de chaque co11trée,
lcs Egyptie11s avoient .auíli comn1e les.
Négres des. patro11s particuliers. Si la bê~
te ve11oit à n1ourir pe11c.la11t le voy~ge ,
011 l'en1bau111oit. pour la raporter & lui

do1111er .at1 retour une fépulture fo'le111..


' :_,, • •- .#~ • •

nelle da11s le lieú 011.·. elte. ·étoit adorée.


Mais rien 11e pot1voit co11te11ir l'i11dignn:-
' .

tio11 du peuplc, lorfqu'1111 in1pie s'avifoit


de tuer 1111 -a11imal fac1·é; le n1e11rtriet·.
étoit irrén1iffilJ]e111e11t pt1i1i de n101·t.
Pour u11 n1eurtre i11. ..volo11tai1~e on ..étoit
'.... .

p11111
n E s D I Eu x F ET 1e 11 E s. 9r

p1111i à. l',lrbitrnge d11 Prétre:. ,, mais fi


,) c'étoit u11 cl1;1t, u11 .icl111eut11011 ~ 11n
,, ibis ou u11 épet"\1ier , qua11d mên1e
,, le ·coup a11roit été fait f:111s (feífci11 ,
,; le peuple fe jettoit ft1r le cou11able ,
,.) & le 111"1tfacroit ordi11airen1e11t fa11s
,} forme de proc~s , apres I11i avoir f"1it
,) f ouffrir mille maux. Aufi1 ceux q11i
,., renco11tre11t u_11 de ces a11in1aux fa11s
,) vie.,_fe.mettent à_fe lan1enter de toute
,, leur force, prpteíla11t qu'ils l'ont trou-.
' .
,, vé en cet état. '' * Le refpeét pour le:
nom des Ron1ai11s , l'i11térê·t àél:11el q11e_
l~Egypte avoit à les. mé11ager, 11i toute
l~autorité du Roi Pt0Io111ée & de fes Of-
ficiers , 11e pure11t en1pêcl1er le peuple.
d'expier le meurtre d'u11 chat par . celui
du Ron1ain ·qui l'avoit. tué .. ;, C~e!t Ull
,,: fait , ajoute Diodore , que j~ · 11'a]legue
,, · pas fur le ·rapórt d'autrLii; ·j'e11 fus té~

,, n10111
'
. .
* Diodor. ibidº . ,, .
92 nu eu L TE

,, n1oi11 n~oi-n1ême dura11t n1011 féjour


,, e11 Egypte; il paroit fabuleux ou i11 ...
,, croyable. On fera bien plus ft1rpris
,, d'apprendre qu'en u11e fan1i11e don~
,, l'Egypte fut affiigée , les homn1es en
,, vi11re11t jufqu'à fe ma11ger Jes u11s les
'' autres' fans que pe.rfonne ait été ac-
'' cufé d'avoir toucl1é aux a11imaux: fa.
,, crés. Je vous aífure qu'il eíl: bie11 plus
,, aifé de raconter que de faire croire
,, tout ce qu'on y pratique à l'égard du.
,, breuf, du bouc , d11 crocodile , d11
,, lion &e. .'' E11 · 1111 1not il 11'y avoit
qu'un ·ét1·anger capable de tt1e1" .un de
ces a11in1aux. ,, 011 11'a pas m~me ou'.i
,, dire , s'êcrie Ciceron , ~ qu'u11 pareil.
,, forfait- ait jan1ais été comialis par u11
,, Egyptien. •••.. 11 11'y a point de te~r-
'' n1e11t qu'il. 11'e11durat p1qtôt que de
,, faire du ~1al à u11 lbjs , QU autre a11i"'
,, n1al
.* Cice1·. Turcul. L. V~
DEs D I E t1 X F E TI CH E s. 93
,, 111al objet de Ia vé11ét~atio11. '' Mais ce
que remarq11e Cicero11 ·11'étoit qu'u11e
obferva11ce locale : car le n1ême anin1al
divinifé dans un e11droit étoit regardé
ailleurs a,1ec indifférence ou mên1e tué
fa11s fcrupule s'il étoit nuifible. Des trai-
ten1ens fi co11traires 11e pouvoie11t n1a11-
q11er d'êt.re u11e fource de querelles e11-
tre les co11trées -voifi11cs , ou la di.fféren-
ce des cultes produit , 011 le fGait , de
vives a11imofités. Il efr parlé des guerres
de Religio11 que fe· faifoie11t les Egyp.tie11s;
elles y devoien~ être encore plus fortes
qu'ailleurs, par une raif011 finguliére qui
fe joignoit à la raifo11 gé11érale. L'a11ti-
patie que la 11ature a n1ife ent1·e p1u-
fieurs efpéces d'a11in1aux. , ne po.uvoit
n1a11quer d'aug111enter celle qui fe trou-
voit entre les peuples qui les avoient
cl1oifis pour Fétiches : il· 11'y avoit pas
n1oye11 que les adorateurs du rat vécuf-
fc11t lo11gten15t e11 bon11e intellige11ce avec
· les
94 D· U C U L T. E

Jes adorateurs dLi cl1at~ l\1ais ces g11er~


res ·do1111.e11t u11e p1. euve 11ouvelle qu'il

s'agiffoit de l'a11in1al .pris e11 ·lui-n1ê111e,


--& no11· pa! co11fideré co111n1e 011 emblê111e
arbi trairen1e11t choiíi de la Di vi11i té réel-
le : car alars il 11'y auroit pas eu n1a~
tiére ·à difcorde ; tótis ces types fe rapor~
porta11s au 111ê111e objet, co111n1e les n1ots
différe11s de plufieurs langues lorfqu'ils
fig11ifie11t la n1ên1e chofe. •
Si toute cette defcriptio11 11e car,téte~
rife pas d'u11e n1a11iere claire u11 culte
direél, u11 culte de Latrie, que faut-il
do11c pour le re11dre tel? Q!i.oiqt1'il foit
vrai, con1n1e le 1·emarque l' Abbé Banier ~,
que· t·ot1t culte ·111:eft pas un culte ·reli.:.
;ieux , & :que tout culte religieux 11'eft
pas u11 culte de Latrie, il eft difficile d'ad-
111ettre l'applicatio11 qu'il veut faire ici
de· cette n1axin1e. Diodorc r~pporte ail.
· · · leu1·s

•.
~. Mythol. VI, 4~

'
DES DI'EUX FETICHES. 9)
le1irs u11: fait rélatif à l'hiftoire dti crilte·
des F étiches e11 Nigritie , d'u11e n1a11iêre
qui n1011tre bie11 qu'au fo11d il 11e 's'éloi-.
g11oit pas de regar-der la fa<;ot1 de pe11fer.
ur
des Egyptíeris f cet article com11ie fei11-
b1able à c·elle · de:s pe11ples barbares :de.

l' 1\f1·ique: ·A pres avoir· raco11té comn1e11t


lors de la guerre d' Agatl1oclc co11tre les
Car·thagi11ois, Et1maque t111 de fes Lie11-
te11,111ts ·ft1-t e11voyé à 'la décoúver·te ·dà11s
le pays des Noirs .
au~delà de celui
.
des
J~ un1ides. ,, E11 s'avança11t plus loi11, co11-
ti11úe-t-il, ,; ·il fe trouva da11s un pays
,) ren1pli de fi11ges, ou il y a· trois · ef-
'' peces
. . ~
de vil}es qtti portent tOlltes trois
,, le. 11on1. de êet a11in1âl .
, qt1e 11ot1s · ap~
,, pellei·ioris e11 Grec les Pithéctt{es. Leu-rs
,, n1reurs & leur façon de vivre font ex-
,, ·trén1en1e11t différe11tes · des 11ôtres. ·E11
,, · e.ffet il faut fe repréfe11ter qt1e les fin-
,, ges qui fo11t des Dieux e11 Ge pays là
,, co111n1e les chie11s l.e fo11.t eJ1 ·Egypte,
,, ha-
96 .D u eu L T :s . . ,
,, ·hàb"ite11t da11s les n1·aifo11s: avec .les
,, hon1111es, & qu'on leur laiffe n1ai1ger
,, tout ce qui leur plait da11s · les c11ifi-.
;, nes & fur les tablt?s. Les pare11s d·o11-
,; 11e11t à leurs enfa11s les 11on1s de· ces
,, a11in1aux, con1n1e 011 fait porter aux
,) 116tres ceux de n<>s Divi1útés ; & íi
,, quelqu'u11 les tue :, il eft co11dan111é
,, irrémiffiblen1e11t à n1ort , con1n1e cri..
,; 1ni11el au premier chef: de forte qu'u11
,, proverbe établi parn1i eux co11tre ceux
-
,J qui paroiffe11t capables des plus 11oi..

,, res e11treprifes, efi de leur dire, Vous


,, avez l,u ~u [ang de fi1zge. cc * Un ~ei
preíFa11ts motifs qu'alleg·uoie11t les Hé-
.b:reux .à· ·Pharaon pour en obte1tir la
pernililion de fortir ·de,fo11 Elllpire, étoit
la 11éceffité que leur impofoit leur , rite
l:1cré d'imn10Ier des a1umaux que fes
fwjets n'auroie11t pas v(1 facriíier fans.hor-

reur,
. * Dio'Íor. L, XX,
n s s D 1 ·E u x F E T I e H E s. 97
réur. Toute cette Zoolatrie de l'Egypte
eft fort aticienne. La Bible 11ous Ia pei11t
no11 com111e un e.n1blême ou con1111e u11e
allégorie , n1ais con1n1e u11e pu1·e Zoola-
trie direél:e. 011 ne peut 11ier que l'ado ..
ratio11 d11 veau d' or da11s le. défert 11e
.

fi"1t u11e in1itatio11 de l'Egyptia11ifme ; fv;,


l'Ecriture ne do1u1e poi11t du tout à e11-
tendre que ce fC1t 11n culte fig~ré. ln-
,
dépe11damment de la foi due au liv1·e fi1 . .
cré, c'eil encore le fiécle & l'lliftorie11
le mieux i11for?1é de la fac;o11 de pe11fer
Egyptie1111e. ~ diftin.gue 11etten1e11t les
trois genres de c11lte ~ d·o11·t l'Egyptia11if..
me. étoit méla11gé ; favoir les idolcs, les
a11in1aux quarlrupedes , oifeaux, 1·epti. .
les , poiífons , & les aflres. La loi !do ..·
lru:que ne deffe11d rien avec plus de n1e..
ltaces que la fornicatio11 de ce culte Fé. .
tichifte. Vous 1te jg,1.rei·ez poi11t, dit-elle,
E tl'i..
*. Deuter. IV.... 1f.
92 n u e u L T E

* d'i111ages tl~ bêtes te1-"1"ejl,·eJ 11i ctqttati. .


qztes. *~ 1,io1~s ,1'tlttJ"eZ jJoi1zt rle bois Ji1c1"tS :
'u,ous n' ciff,·i,"~Z 1,l1ts do1"esnavt111,t de facri-
ftces att:JC vel11s , ·j· c'eft .. à - dit"e aux a11i..
n1é111x f:.1.·t1vages ou don1eíl:iqt1es. Ca1· c'cit
ai11fi Cjlt'Oll doit tratlLlit·c le I110t jei1'·Í1Jl,
piloji, l.1iij1iti, ou co111n1e Juvc11al l'a dit
ci - deífus , la11ata ani11ialia , & 11011 par
1l'"c1110;1es, co1n1ne 011 l'a t1·aLluit c11ft1ite
d~1ns les íiécles Oll les fc.ie11ces fcct·ettes
& le Plato11ifn1e 011t cu cours. Alors
.
les idolâtrcs , dit l\1Iai111o11ides §, s'il11agi-
11oie11t que les n1at1vais gé11ie~ appa1·oif-
foic11t aux hon1111es fous la figur.e dcs
boucs·: c'eft e11co1·e par111i 11ous. l'opi11io11
du 1:i1e1111 11euple, que le Diable fe n1011-
tre au Sabat -fous cette for,1ne·; & c'eft
de ·là, peLlt--êtrc, qu'efr. 11ée cette 0~1i11io11.
Qye fi apres avoir .fo11dé le parallele
.·ae
* Dct1ter. XVII. 2 I. ** l,'. a.
t Le,·it. XVII. 7. .
§. Doa. pcrpleK. III. 4. ,.' ~ ·· · ·

,,
1) E s D 1 Eu x F E T 1 e 1-1 E i. 99.

de la Religio11 de l',tt1c~ie1111e Egypte avec.


celle ljes a11tres At,~ic,1i 11s fur la parité
eles aé1:io11s, qui fuppofe 1111e pareillc tà-
(;011 tlc pe11 fer , 1·eífe111 bla11ce do11t 11ous
reche1·chero11s bic11tót le pri11c111e tl,111s
lcs cau{es gé11éra]es i11l1ére11tes à l'hu-
111a11ité ; 11ot1s dcfcc11clo11s ft1r ceei à quel-
CJLlCS at1tres 11fa.ges 11a1~tict1liers des ,ict1x
pct111les, ils 11ous e11 do1111ero11t e11core la
111ê111e opi11io11. 011 y tro11,1e a11x o\Jf c-
qt1es des n1orts 1111e 11r,1tique fi11gu 1iére
qt1i pt11·oit la n1ê111e. La cciutun1e p,lrL11i
les N·égrcs eft de r11ettre di111s la icptl ltu-
re (l'L111 11on1111e le F"éticl1e <]U'il a le pltas
re\1eré. 011 t1·ou\ e de 111ên1e avec los
1

l\,1or11ies (ta11s lcs ton1llc,tux Egyptie11s ,.


ties c}JatS, des oifeatiX , Oll _at1tres Íque-
)ettes d'a11in1aux embat1més ,tvec auta11t
ele foi11 q11e .les cadavrcs hun1ai11s : il y
a gru11de appa1·e11cc que c1ef.t. le Féticl1e
dt1 mo-rt qu'o11 a e111bat1n1é a\1 ec lui, afi11
qu'il pí1t le ret1·ouver lors de la réfurreo-
• •
E ~ .,.-·- ..-.."' tio11
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IOO D U CU L TE
tio11 future , & qu'e11 atte11da11t il fervit
de préfervatif co11tt·e les n1au,1ais Gé ..
11ies qu'o11 croyoit i11quiéter les n1â11es
des morts. *· Le lio11 , la chevre , le cro-
cc>dile , &e. rc11doie11t des oracles e11
Egypte con1n1e les FétiGl1es e11 Nigritie. t
Chez l'u11 & l'autre peuple l'Etre diví11i-
fé a fes Prêtres & fcs Prêtreffes qui for-
n1e11t u11 ordt'"C à part dt1 refie de la 11a-
tio11 , & . do11t les fo11étio11s paífa11t à
leur pofl:érité. L'u11 & l'at1tre porte11t
.~1 vec eux let1r Fétiche , foit à la guerre,
ioit da1.1s les autres .occafio11s d'in1po1·...
ta11ce, ou la crai11te excitée 11e n1a11que
· ja111ais d' exciter la dévotio11. Ql1e fi 11ous
voulo11s com parer la fou1·berie do11t ufe11t
les Prêtres Africai11s du ferpent rayé,
pour abufer des jeu11es fen1mes fous pré-
,

texte de dévotion , l'hill:oire des Prêtres


du
·* Kirker. Oedip. lEg·ypt.
t Va11dal. de 01·ac. C. 13.
DES p I E tJ X F E T I C H E s. l OI

du chie11 A11ubis & de Pauline 11e fera


pas la feule q11i pour1·a four11ir n1atiere
au parallele. Lcs N ég·res 11e ma11ge11t ja...

n1ais de leur a11i1n~1I J.?étic11e, n1uis ils fe


11our1·iífe11t fort bicri de ceux d'u11e aut1·e
co11trée: c'étoit la n1ên1e chofe e11 Egyp-
te: le refpeél: i11fi11i pour u11 ani111al da11s
11n certai11 ca11to11 , 11e lt1i e11 atti1·oit au-
cu11 tia11s le cá11to11 voifi11. Mais quel
crin1e 11'at1roit - ce pás été que de t11et·
1111 chat a Bubafie, que de 111a11ger 1111e
vache à Men1phis ot1 da11s l'I11de ? QJ1e1-
ques Savans , * de l'avis defquels je 11e
fuis 11ullen1e11t, 011t cru que c'étoit pre-
n1iéren1e11t par Jà qt1e s'étoit i11trod11ite
Ia coutun1e religieufe de l',1bfti11e11ce de

certai11es via11des. Pour prix du tribut


de refpeél: que 1'011 payo·it à l'a11in1al fa-
cré, il devoit à f011 to11r répa11dre fes
'bie11faits fur la 11atio11 : & ce q11i n1e
E 3 per-
* !\1arsha1n Ca11011. Cl1ro11.
102 D U C U { ·r E

pe1. fuade e11core 111ie11x qt1c Ics r:~'. }'l-1tic11s


n "avuic11t là-dcil1.1s qtt't111c fit(~<)tl t1e pc11-
íet" pe11 différe11té ele Ct~lle (ics S,lll\ ag·cs,
1

c'cíl: !a vengea11ce c.111c lcs Pretrcs t ir<lie11t


de lcur Diet1 lor fqtt'i1s e11 étoie11 t 111éco11-
te11s. ,.., Si la fec11ereffe , dit ~ Plt1tar-
q11e, ,, cat1fe da11s le pays qt1elque gri.111-
,) <1e calamité ou qt1elque n1aladie pef-
,, tilc11tielle, Jes P1·êtres prc1111e11t e11 le-
,, crct pe11Lia11t 1,1 11uit l'a11in1al Í:'lct·é ,
,, & cot11n.1ence11t d'aborLi par lui fitire
,, f1c fcJrtés 111e11aces; pt1is, , íi le malheur
,, co11ti11ue, ils le tuent fa11s en dii·e
,,, 111(Jt ·: ce q~1'ils regarde11t con1n1e u11e
,, pt111itio11 ti1ite à t111 méch,~11t efprit. ''
Les Chi11ois e11 ufe11t à pet1 pres de
n1ême : ils batte11t leurs idoles Io·rfqu'e!-
.
les fo11t trop lo11gtcn1s fa11S-exaucer Ieurs
prié1·es : & cl1ez les Ron1ains, At1g11íl:e
aya11t perdu deux fois fa flotte par la
tem-
* 111 Ifid.
I> F. s D 1· Eu x F' E T 1 e; H E s. 1o 3
ten1pête, chàtia Neptt111e , e1J deffencla11t
de po1·ter fcJ11 irri,1ge à lá pt·oceifi(>fl a,..
vec ccl]e des autrcs Divi111tés. · 11oy,ig.
,le le Cor;1te. titcetoJt. i1i At-lgt~fl.
Nous avons vu .l es Négres
1
~voir des
F6tiches gé11éra11x .pour toutc. 1111e co11-
trée , fa 11s préjt1dice liu Féticl, e p,lrtict1-
Jicr à chaq11e ca11to11. De n1ê111e ch,~z
Jes Egyptie11s il y a\1oit des a11i111~1t1x
do11t la divinité n'étoit que J0calc, tc1s
qt1e le bot1c 011 l'Ibis : il y cn a\ t)it tl,"lu-
1

tres généralen1ent refpeél:és da11s tout 1e


pays, tels q11e le belier da11s la 11at1 .. e
Eg·ypte , & lc breuf da11s la b,1fle. l\1i-
ceri 1111s ( Mis-Ceres) a11cie11 Rc)i ·d'Eg,Yp-
te , aya11t per(ltl fa fil le qt1'il · ·ainl<)lt é-
- .
percl11n1e11 t , & ,··oula11t íl p1·es fit n'lort
la tàire ho11orer co111111e 011 l1011ore 1111e
Divi11ité, 11e t1·ouv,1 poi11t d'expét.lient
plus propre que d'e11fcr111er le * corps
, .E 4 . dans
* Herodot. II. 1-2.9..
104 nu eu L T 2

dans u11e ·figure de vache , qui fut pofée


da11s u11G efpece de chapelle de la vil-
le de Sa:is, o.u l,on br11loit cl1aql1e jour
,

de l'e11ce11s dcva11t elle· ,. & la nuit 011 y


te11oit des lan1pes allumées. 11 fit choix
à cet effet d,u11 d~s a11in1aux F étiches le
p lus con1111u11en1e11t
' ' ' : gra11 de n1ar-
revere
que que le Fétichifme. & le Sab~:ifn1e
étoic11t alo·rs les de11x feules · Re1igions
reGtles e11 Egy·pte : & que l'éreél:io~ des
íl:atues de figt11·e l1un1,1i11e y étoit ra1·e-
n1e11 t d-'uiàge·, ou 111ên1e 11'avoit pas e11~
core lieu, 11011 plus q11e l'idolatrie· des
ho111n1es. dé:ifiés; à laq11elle , pour le re-
n1arquer e11 paífa11t , l'Egypte 11'a pref-
q11e pas été fujette, & qui 11'a pareille...
n1e11t a.uc1111 cours e11 Nigritie.
Il efr· bie11 ju(l:e que puifque les Féti-
ches fo11t les Dieux de l' Af1·iq11e , ils y
[àic11t
. .
auffi jes oracles & les talif n1ans :
lls 11'011t n1ê111e q.tie ce tier11ier degré par-
t11i les ·1V1ores Afi·icains , à _qui la co1111oif-
C111ce
DES DIEUX :f"ET'l·CHES. 10~

íànce d'un feul Dieu efr parve11ue par le


Mahométifn1e, qui, tout défiguré qu'il
eft chez eux, fait 11éa11moi11s le f 011ds de
leur Religio11. Q!la11t aux N égres , ,, .fi
,, l'u11 d'eux, dit Loyer , fe .trouve âans
'

,, quelque embarras fâcheux, il juge auf-


'' fi-tôt que fo11 F'éticl1e eft irrité, & fes
,, foi11s fe to111·11e11t à cb ercher les mo-
,, ye11s de co11i1uÍt1"e fa volo11té. 011 a
,, recours aux devi11s pour faire le Tolz-
'' hé, qui 11e de1nande pas peu de myfie-
'' res & de cérén1011ies. _Le Devin prend
,, e11 fes mai11s 11euf courroyes de cuir de
,, la largeur d'u11 doigt , perfemées de
'

,, petits Fétiches. 11 treífe e11fen1ble ces


,, co11rroyes, en prono11çant quelque cho-
'' fe d'obfcur ; il les jette deux ou trois
,, fois comn1e · au hazard. La n1a11iere
,, do11t elles tombe11t à terre devie11t u11
'

,, ordre du Ciel, qu'il i11terprête •. '' C'eíl


par u11 ufage à peu prês pareil que le 'Jf. Roi
E S . de
* &zecl1. XXI. 2. 1.
106 D U Cu L TE

(ie l~r1l1ylonc dehot1t c!n11s 1111 carrefo11r


jcttc.>it des fléchcs; con1n1e lcs At1·ic~1i11s
jettc11t des trclfe~ lic courroyes ; & qt1e
les Aí1yrie11s, at1 rap port de Théocri-
te *., taif ê1ie11t tour11er 1111e toupie 111ngi-
que ga1·11ie de !àpl1irs & de plaques lie
méta1 g·ravées de c,1raél:e1·es Aitrologiques.
011 lil fot1ettoit avec u11e cot11·1·oye c11

i11VOC]ll~ltlt Jes gé11ies. i1ichel Pfellt1s, qui'


e11 p,1rlant des E,gyptie11s, appelle 'ringe
1111e 11areille toupie, do1111e licu de co11-
jeéturer q11'ils s'e11 fcrvoient ,111ifi. On
fçait e11 etlet q11e par lllle n1étl1<,de ufi-
la
tée pour co11noltrc v0Io11té des Dieux,
& fe1 t a11alc)g·t1e à celle du Tol<k.é, de
4

l'yi11ge , & des fléches , les Egyptie11s


co11ft1 ltoie11t le Ciel· p,11~ l,i11fpec..'l:iot1 de
plt1ficu1·s pierreries raífc1i1blées fur u11e
même · montt1re .. Nous. ignoro11s le 110m
qu'ils do.n11oie11t cn leur. propre la11gue
\
. . . ~

* Theocr. i11 Pharmaceutr ~


n E s D I E u·.x F E T i e .11 E s. 107·

à. cette efpece .~e di\ri11àtio11. II pou1·roit


.être le ·.n1ê111e q11e eelui qt1e portoit c11cz
Jes HébretlX ~ Ull· rite réellen1,snt facré ;
foit que les Eg·.yptie_ns le voya11t p.rati-
qt1cr a11x Hél)reux·, e11 áye11t abufé 1>our
·}e :faire dégé11érer: . e11 · .f11períl:itio11; ÍC)it
que les Héb1 eux , · co111n1e l'~11t ava.11cé
4

quelques habiles ge11s , aye11t appórté


de . l'Egypte cette 111éthod·e de div:i11a-
tio11 , q1.1i fut véritable111e11t co11facrée
=

en. leur= faveur lorfqi1'ils reçure11t les


loix , · ainíi q11e, quelq11es autres uf:1ge~
-étra11gers dont ils s'étoie11t fait ·u11e ·11a..
bituc.ie. 011 l'app.ell<Jit e11 Palefti11e déc/a ..
ration de 'ª
véritd
.
' des n1ots 01·al) ' lu-
•men ,& tJJemtlh , a,l1nirari. , t qui peu
'
ve11t
fe traduire au propre ·par l1t1nié-1-·e admi-
1~able, &. felo11 le11r feris fig·uré, ·par
'tna1',ifeflation .de la vérité. Ainfi l' 011 pe11t
E 6 con. .
. *. y. S~l~le11 Sy11tag·1n, p. j.9~ & 40.".
1
t· .Voy.-F-l1iJ.~11 ~ Vit, Mof. C. ·III,~ Riçh,,
·

Simo11. Ditl:io11,
108 D u e ·u L T E'·

eo11j·eél:urer que les Prêtres d'Egypte dé.-


g/aroient la véritd , ·& i11terprétoie11t les
ordres du. Ciel, ·e11 con1bina11t l'éelat q11e
· jettoie11t certai11es pierreries F étiches fur
lefquelles on laiífoi-t ton1ber, les. rayons
du Soleil. · 011· .fàifoit e11 Chanaa11 pour
de pareilles co11fultatio11s des Ephods aül
Prê.tre· du Dieu; ce qui fe voit par la
lo11gue hifroire d'u11e pratique fuperfii..
tieufe de l'Hé:breu Michas.* qui demett-
roit fu1· la .m011 tag11e d'Ephrain1 : mais
toutes ces formules Egyptie1u1es ou Phé~
'

nicie11nes. de con11oitre · l'avenir par l'E,.


pho.d ou par l'U rin1 , & par l'infpeélion
tles 1an1es de ·1n.étal gravées ~ do11t oa
'

or11oit les Terap-l1ins,. ou· qµ'on e11chaf.


foit. da11s les. murail,les. du· ten1ple ,. étoient

idolâtres, à l'exception ele ~elle:que Jaoh t


avoit bie11 .. voulu con·facrer expres poui
le:
* J1,1dic.. XVII.. \
t
• •

Jofeph, Hyppomnejij·~i ap. Th. Gale w.


l·am..blic, ·
DES DIEUX FETICH.ES. I0.9

le grand Prêtre Aaron ; tellement que


quoique l'Urim & l'Ephod fuffe11t du
ie11re des *- Térapl1ins 011 des Fétiches
talifn1a1uques , & que le livre des Ju-
ges & le Propl1ête Ofée non1n1ent par
hon1011ymie l'Ephod & le Térap·him,
cepe11da11t les Téraphi11s étoient regar:.
dés comme des íig11es. d'idolatrie af-
feél:és aux étrangers; au liet1 t}tle l'E-
phod & l'Urin1 ·Hébreux étoie11t les
fig11es particuliers de· Jaoh, do11t il avoit
fait choix lui- mên1e pour ma11ifeíl:er par
de tels fignes fa volo11té da11s fon taber;..
nacle : Aufii David Cin1chi e11te11d par
l'Ephod le culte
.
vétitable ,. & par les Té,.'

raphi11s le culte· étra1~ger. ·


Soit que les traditions dt1 Fétichifme
d'Egypte nous foie11t reftçes e11 plus
gra11d 11ombre , foit que ce pet1ple· fu-
períl:itiet1x ·à l'exces y ait été 1·éelle111e11t
· · p-lus
'
* Loc. citat. • • ;_ . .4--
IIO D u C U L T E
I

plus e11cli11 , com111e il par.oit ·e11 effet


que 11ul at1tre. n'a eu ta11t de Fétichcs
11i de. fi variés ; on a n1ultiplié fur lui
à cet égard les railleries que .les autres
Orie11ta11x leurs voifin·s, & même . les
Grecs, felo11 la remarque· d'Eli~n *, n1é-
ritoie11t de pat·tager.
Pour comme11cer le détail du Fétichif-
.n1e de l'Afie par la nation la plus voi-
:fi11e de l'Egypte , l'a11cie1111e Diví11ité des
t
.Arabes 11'étoit qu'ui1e. pierre quarrée :
u11 autre de Jeu1·s Dieux célebres,. Je

Bacchi1s de l' Arabie, appellé chez eux Di-


far, étoit. une autre pierre de fix pieds e.te
haut. ~§ 011 pe11t voir 4"r11obe fur les pi er-
re divi11ifées ta11t en JArabie qu'à Pacfi-
111111te. Il. n'y a g1ieres lieu. ·de rlo11ter
que la fameufe pierre· nojre fi a11cie1111e
dâ11s le · ten1ple d~ la Mecque ,- fi '. revé-

, . .
'

. - 1

• ·'
.ree•

..
1

* 1Elia11. de ani1nal. XII. ~.


t Ma"im. Tyr. O;·at._ ; 8. ·., .
§ .Stepb.an. Byz. A;;1lob. L. VI1: ·-
DES D I E UX FET I C H E s. 1I I
.
rée l)til" les · 1VI[1l1o111éta11s_ n1·alg1·é les fi1i-
11cs itiées qtt'i Is ont d'u11 fe11i Dieu , &
de lí1quel lc iJs tont Ull co11te rel~1tif à If-
n1,1êl, 11c tt1t autrefois 1111 pareil Fétiche.
Pres de là le Dieu CJi1u·s , do11t Ja re-
11réf~11t,ltio11 {e voit f ur quelques niedai f_
les, étoit 1111e pierre ronde co11pée par la
111oitié : a11íli efr-elle 110111mée par Cice-
ro11 .]1,piter lapis. L'objet du culte rcli-
gicttx de la tribu de Coresh étoit un ar-
l1rc Acacia. Kaled, par ordre de M,1l10-
n1et, fi.t couper l'arbre j11fqu'à Ia raci-
11e , & tuer Ja Prêtreíle. La Tribi1 de
Madha·i avoit 1111 lio11, celle de Morad
u11 cl1eval : célle d' Amiyar , q11i fc>11t les
a11cie11s .Hon1crites, da11s le pays d'Ye-
n1e11 , 1111 aigle. *' Cet aigle facré s'appel-
. .

loit N afr en la la11gue dtt pays , & cet-


te i11terprétation nous appre11d , felon
l'a1>pare11ce mieux qu'aucune autre , ce
• que
' .

* Vid. · Alsharifta1ú •. ·• · '


112 nu e· u L TE
q~e c'eíl: que le Dieu Nifr ou Nifi·ocl1
me11tion11é da11s la Bible : cependant 011
a do11né diverf es autres explicatio11s de
ce terme , que je 11e laiíferai pas que
de ra Pr~nrter ci - apres. ·
Mais veno11s à des fuits bien a11térieurs
à tout ceei, & qui ren1011te11t à la plus
haute a11tiq11ité do11t il y ait 111én1oire
parn1i les peL1ples Paye11s. Nous y ver-
ro11s quelle idée ils avoie11t eux-mên1es
fur la preniiére origi11e du culte des a{:
tres , des élén1e11s, des a11in1aux , des
pla11tes , & d.es pierres. 011 aura lieu de
'

ren1arquer , 11011 fa11s quelque furprife ,.


que plus le témoig11age eíl: ancie11 , plus
le fait eft préfe11té d'u11e n1a11iere fin1-
ple, 11atu1·elle , vraifen1blable; & que la
pren1ié1·e raifo11 q11'011· ait don11ée de' l'in-
troduél:ion de ce c~1lte, e{t encore la meil-
leure & la pJ11s plaufible qui ait jamais
été. alléguée : de forte qu' elle pourroit
fuffire, fi fa íimplicité, . qui ne .permet
. '

pas
·o E s D I Eu X F E TI e H E s. II 3

pas d'e11 faire l',tpplication à ta11t d'objets


variés de l'adoratio1.1 des peuples fauva-

ges , 11'obligeoit d'avoil:' e11core recou1·s


à quelque a11tre caufe p111s gé11érale. Il
11'y a rie11 de plus "''an·cie11 ni de plus net-
tement déduit fur le premier culte des
ancie1111es 11atio11s fauvages de l'Orient,•

que ce qu'o11 lit à ce fujet da11s Ie frag-


111e11t de Sa11cho11iaton, ouvrage no11 fuf-
peél: fi on l'exan1i11e bie11 à fo11d , quoi-

que i11terprété ta11t par Philá11. de Biblos


fon traduél:eur, que par Eufébe qui cn a
do11né u11 extrait , & qui t9us deux 011t
mêlé leu1. s :réflexions a11 texte origi11al.
Sa11choniaton a 11011 feulen1e11t le n1érite
d'u11e haute antiquité , n1ais e11core celui
d'avoir eu fous ies yeux 'des écrits a11-
té1·ieu1"s
.
au fien, qu'il dit avoir tirés par-
tie des a1111ales partic11lieres àes villes de
Phé11icie, partie des archives confervécs
da11s les ten1 ples; & d'avoir .rechercl1é
avec foi11 , & co11ft1lté par p1·éfére11ce les
.
'ecr1ts
114 ou eu L TE

éc1·its de. Thoth l'Egyptie11 ., perft18dé ,


dit - il , qt1e Tl1oth éta11t l'i11ve11te111· des
Lettres 11e po11,1 oit manquer d'être le
plt1s a11cie11 des écrivai11s. Vaiei com-
me11t s'expliq11e l'auteur Phé11icie11 fur
l'a11cie11 culte · des ob jets matérieJs. I..,e
paffage eíl: irnporta11t , fort raifo11nab.le,
& tres clair. "1f ,, Les p1·en1ie1·s hom111es
,, prire11t po11r des êtres facrés les ger...
,, n1es de la terre : ils les eftin1ercnt des
,, Dieux, & les adorerent, pªrce qu'ils
,, e11trete11oie11t leur vie par le moye11
,, de ces 11roduélions de la terre, aux-
,, quelles_ ils devoie11t déja la vie de leurs
,, peres, & devroie11t à l'ave11it·
.
ce1Ie de
,, leurs e11fa11s. I1s faifoie11t des efft1fio11s
,, & des li!l~tio11s. L'inventio11 d'u11 tel
,., c11lte co11ve11oit aílez à leur foib1eífe
,, & à l'in1bécillité de Jeur J.rprit.... Aio11
,, avoit trou,,é la façon de fe 11()L1rrir llcs
,, arbres..... Ge11os & Ge11ea fes· e11tà11s
• ,) 6le..
* Sa11cho11iat. ap. Eufcb. I. 9. & 1 o.
n E s D I e. u x F E 1"' 1 e H E s. 1 1 5'

,,· élc,rere11t lettrs mai11s au ciel vers le


,, Soleil , q11'ils croyoie11t 1c fet1l Dicu
,, dt1 Ciel , & appelloic11t par <.:ette 1·aifl,ll
,, B,l~ll . . Sal11ai11 /e ~·eig11e1ir des cieitx.
,, ( lei le tradt1éteur Philot-1 i11fére cét-
" te remarque rélati,,e à fo11 objet , q1Ji
'' étoit de réft1ter les opi11io11s fyftéma-
1
'' tiques des Grecs. ) Ge n'efl pas Jà1is
,, rnotif q1,1,e nous faifo1ts fuuvent .
ces 1lif-
,, ti11El-iot1s : elles fervent a faire c<>1z...
,, itoit'i·e les pe1fonnes & les a8ions.
,, Les Grecs n'y faifant pas 1·éfiexion, ont
,, fouvent pris ttn~ cl1ofe po111" 1t11e autre ,
'

,, trornpes par l' équivoque des termes ....


,, Les vents in1pétuet1x agite1·e11t à tel
,, poi11t les a1·bres du pays tie Tyr, q11e
,, les llois par l'agitatí~11 prirent fet1 &
,, brt1lére11t 1111e forêt.- Ot1foos prit u11
,, arbre & coup,1 lcs bra11ches , ÍL1r lef-
'' l}t1elles il eut la hardiefie de fe mettre
~, e11 n1er. 11 co11fac1'"a a11 vent & a11 fet1
,, deux colon111es : il les adora·, & 1et11· fi t
,, (lcs
J.I6 D U C U L T E

,, des libatio11s dt1 fa11g des bêtes qt1'il


.,, pre11oit à la chaífe. Apres que cette
,, gé11ératio11 fut fi11ie , ceux qui refie-
'' rent co11facrere11t des br·a11cl1es de bois,
,, adorere11t des colon11es , & leur fire11t
,, des fêtes a111111elles. • • • Oura11os trou-
'' vales Bretyles & a fabriqué les pierres
,, a11imées , ou plutot , fe/012 la jufie cor-
,, reElion de Bochart, les pier1·es graiífées,
,, lapicles unElos. '' Il parle auffi da11s
le même fragn1ent des Aporhéofes, des
homrt1es Dé:ifi€s , de l'éreél:io11 des ten1~
ples & des fiat11es , des (1crifices hu..
mains &e. So11 hiíl:oire conte11oit 11euf
livres, do11t le pren1ier étoit e111ployé à
déduire les opi11io11s vulgaires aya11t cours
cn Cha11aa11 ft1r les origines des chofes, des
hon1n1es , & des arts ; fur la forn1atio11 du
n1011de; f11r les p1·en1iers auteurs de chaque.
'

i11ve11tio!1 con1n11111e & utile à ]a ,rie; ft11·.


l'i11t(0duél:io11 du culte divin; fur les chefs·
des natio11s ft1rtout Phéi1icien11e & Egyp. .

·, t1e11-
D ES D I EU X F E TI C H R s. I 17

tie1111e; fur l'établiífer11ent du pouvoir
fouve1·ai11. Tous ces poi11ts 11'y fo11t tou-

chés que de gros e11 gros , feulen1e11t


auta11t qu'il en efr befoin pour donner
une 11otice des évé11e111e11s les plus re-
n1arquables; foit que l' Auteur 11'ait pí1 ,
faute de plt1s an1ples co11noiífa11ces, e11trer
da11s 11n pl11s gra11d détail, foit que l'ex-
trait qui 11ous e11 reíl:e 11e co11tic1111e ~1u'u11
abrégé de l' orig·i11al. S011 11arré , q11oi-
qu' obfct1r fur les chofes 11at11relles, ,1f-
fez dé11ué de liaifon da11s les. faits &
da11s les p1·éte11dues gé116alogies , q11el-
quefois n1êlé de fab1es populaires, 11e l,1if-
fe pas que de 11ous faire aífez bien co11-
11o~tre quelles étoie11t fur to11s ces poi11ts
la croyance & la tradicion du peup le
Cl1a11anée11: Au fo11tl e11es fe raporte11t
e11 gros f ur la plt1part des articles pri11-
cipa11x avec celles des peuples leurs voi-
f1ns , Chaldée11s , Hébreux & Egyptiens,
même Grecs. 011 y voit qu'ils ont tou.
, .
ecr1t
I I8 D U C U L T E

écrit Jes trat1itio11s 1~eçt1es cl1ei e11x , ~~ à


pctl p1·e~ fur le t11et11c f()l1L1S d'itlées ; fj ce
11'efl qtle la vérité, C.]Lli fe rett·ouve ptll"e

cl1ez les HébrctlX , eil: fot1ve11t ()n1ifc 011


défigurée cl1cz Jcs 11atio11s voifi11cs. 1Iais
q11a11t au détail des ci1·co11il:at1ces ils 11e
s',1ccorde11t plus, ce q11i e{t tres 11att1rcl.
La 111ên1e chofe 11'arrive-t-clle pas d,111s
les l1ifl-oi1·es (le f,tits 1·éce11s q11i co11vi~11-
11c11t e11fe111 l)le fur le fo11ds des év·é11e-
n1e11s ! Rie11 de p1LlS vai11 qt1e les. erlorts
& les ft1pp0Gtio11s q11'011 voucu·a f~1ire ·
pour 111ettre u11e co11for111ité totale e11trc
les opi11io11s de l'a11tiquité. Chaque pays
a fes fables propres, qui 11e f011t pas
c.elles

d'u11e autre co11t1·ée ·, & qu'il fi1t1t
ltli laiiler. ·, 1

'

Je · croirois volontie1·s que l'ouvrage


de Sa11cho11iaton étoit i11titulé e,,.igines
Pheniciennes , 7ree1 7;, <fJo,11,xiK-w, ro,xe-lw, ,
de Phcenicum ele1-J1e-ntis , & qt1e le livre

de· cet auteur cité auíli par Philo11 fous


ce
D Bs D I EU X FETICHE s. 119
~
ce ·titre , i1'eíl: pas a11tre que fa gra11de
l11(l-oire e11 11euf· liv1·es dédiée au Roi
Abi - Baal , 011-1'011 ,roit q11e fo11 pri11ci-
pal b11t a été de parler des i11ve11teurs
des ,lrts , qui fe f011t re11dus célebres
·ae terns à autres ; de f,lire l'hiíl:oire eles
Apothéofes; cn i11diquant cet1x q ui pour
leu1·s inventio11s utiles 011t été n1is au
ra11g des DielJX , & ho11orés d'u11 culte
11ublic; de di fl111guer l'établifle111e11t de~ .
différe11s ob•jets de cu lte re11dt1 foit aux ·
aft1·es, foit aux chofes n1atérielles , foit
'

i1ux hon1n1es. Il 11ous i11dique quels é-


toie11t ~es plus c111cie1111ement reçus par-
n1i ce1.1x de la feco11de efpéce : & peut -
êtra e11 rapportoit-il beaucoup d'autres
d,111s fo11 ouvrage do11t 11ous 11'avo11s pl111
qu't111e tres petite partie : car nous ap-
pre11011s d'ailleurs que ces objets étoie11t
fort variés dans le pays do11t il a écrit
l'hiftoire.
,.
,Be:...

120 o u e u L T E

* Bé11,ldad Roi de Damas avoit f011 Dieu


Ri111n1011, do11t le 110111 e11 Hébreu fi. .
g11ifie · u11e gre11ade 011 u11e 01·,111ge. La
Paleíl:i11e avoit des poiífo11s 11omn1és e11
la11gue dt1 pays Dago11 & Atergatis (Dag,
t
Pifci.r; Ade1·-dag, r;1ag11i.ficus Pifeis); dcs ·
brebis ( Aftl1erotl1, oves ) ; des chév~es

ou d'a11t1·es n1e1111s beitiaux apellés A11a-


Melecl1 ( /Jec11s Rex ) ; § 1111e colombe
11on1111ée depuis Sémiran1is ; 1111e pierre
: quai·rée 11on1111ée auíli depuis Aíl:arte ou
Vent1s Ura11ie : · ca.r il f"1ut, comme dit
le P oete Mil~o11 e11 p,treil cas , fe fervir
dcs 11on1s i11ftitués
.
depuis pour des Dieux
q11i 11'e11 a,roie11t poi11t alors. §§ Non1en /a.
pidib'zJs & lig11is i1npo[t1ertl11t , dit 1e livre
de la Sageífe. Le 11on1 d' Afarah, autre Di-
. .
v1n1te
,

* 4. Reg. S· 18. &Selde11.II. xo.&C1eric.


i11 Reg.
t David Cimchi i11 Reg. 1. ~·
j. Vid. Nigid. ap. Ge1·ma11.ic, in Arat.
Pl1renotne11.
j j Paufa11. i11 Attic, Ch. 14.
DEs D I E u x F E T 1 e H E s. 121

Ni11ité Phé11icie1111e que lc Roi .JoGas ~ fit


brulcr, fe traduit co111111u11én1e11t pat" iclo-
. /11111ex ltlco: ce qui paroit fig11ifier t111 bois
facré p1t1tôt qu't111e fratue de bois. Nifi·,
l'u11e des Divi11ités de Ni11ive, fig11ifi~,
t
dit-011 , c11 Pcrfat1 , bois to11ffi.t: il y a
gra11de appare11ce 11éa11n1oi11s qt1e c'eíl: le
n1ên1e qt1e le Dieu Nifi·och dL1 l{ oi Se11...
11achet·ib ( Se1111y - chérif) do11t Kirker §
traduit le 110111 par a~·clJe ou ca1iot. 011
do1111oit lc 110111 de KJ1a111os à u11 gros
.n1011chero11 rle bro11ze forgé e11 cérét110.-
. 11ie talifn1aniq11c fous l'~Lfpeél: de la pla-
11ette J11piter: §§ c'eft u1111:1élange de Fé..
tichifn1e & de Sabéifn1e. Je 11e parle pas
ici de Bel:.zebub, le Dieu 11zoi,c/Je; per~
fuadé con1me je le fuis qt1e Belzebub
& Belzebu! f011t des altératio11s & de
t1uífes pro11011ciatio11s iro11iq ues de Beel-
F .Se-
* IV. Reg. 2~. ~.- ...
t Hy\.ie Rel. Perf. eh. 4. i•
1

j Iii Fa11theo. j§ Hy~le ibid.


I2Z D U C a L T E

·sebutl1, qui n1c paroit êtt"e le 111ê111.e


n1ot que Baal-Sabaoth , e11 Lati11 JrtpiteJ"
Sabaziits, le Dietl ács ar11t~es , ou p\11tôt
le Dfeu des Orientaitx; quoiq11e lcs Grecs
aye11t cu u11 Ju pi ter Ch,1ífe - 111ouches,
tEVf d'ifoµuo,. Ag·libel' ou le Dieu f()tld'
( Agli-Baal, rot1J.11cltts DOJ'llÍ}lllS , ) pierre
·1·onde e11. forn1e de co11e , étoit la Di. .
vi11ité des F étichiíl:es d'En1eífe , ta11dis
que les Sabe'.iíl:es de Pa.]myre adoroie11t
le Soleil · fous ce n1ên1c 110m; co111me
·11ous le voyó11s fur 1111 111a1·bre de cet-
.t~ fuperbe ville, 011. 1'011 a rep1-éfe11té
·de11x ·figures du Soleil , a·vec l'i11fcriptio1\
:Grecqt1e Aglibe/· & Jlfali1cl1bel,
. . .
.
Dietix dtt
.

pays. Selde11. Sy11t. Ir. p. I L~9- · expliq11e


'le n1ot Aglibel , ou AJ,g·ol , Baal par ro-
.tundr.,s Detts. D'at1tres aífure11t qu'il ·fi-
·g11ifie Vititlu,s Deits , ce· qt1i ·a to11_jou·rs
raport au culte eles a11in.1aux di \ i11ifés.
1

Le Die11 Abbadir ( Abb. . ,1dir , . pate'J· ma-


g ,iijic1ts) _6toit Ull caillou ;r & 'Ja' Déeífe
· · de
n Es D 1 Eu x F E TI e H E s. 1 ~3

de BibJos à peu pres la mên1e .cl1ofe.


Nicolas de Da111as déc1·it u11 de ces J:i"'éti-
ches : ,, C'efr , dit-il, * ~11e pie1·re 1·011de,
), palie , bla11châtre , vei11ée de rouge, .à
'' peu pres d'u.11 empa11 de ttia111etre. ''
Cette defcriptici11 nous appre11d q11elle é-
toit l,1 fo1·n1e c.les pi erres di vi11ifées &
110111n1ées ·Bretyles , au 1·aport de Sa11-
cl1011iat011 ·, tio11t le culte , felo11 lt1i ,- eíl:
fi a1!cie11 , qu'il e11 f~it Ura11os le pren1ier
i11ftitutetir.. Les· pie1·res de cette efpece
qu'o11 voyoit ra11gées e11 gra11d 11on1bre
fur ·Ie Mont Liba11, avoie11t été· autrefoís
t
les gra11des Divi1utés du pays. · Il y e11
avoit e11tre Byblos ·& Héliopolis qui fai ..
foie11t c.les 111iracles à 111illiers : 011 e11 co11-
facra à Jupiter , au Soleil,, à Satur11e ,
à Vé1111s. § Les pierres e11velopées de Ia11..
F 2· ges
* Ap. Eufeb. Pr~par. L. I.
t Da1nafc. ap. Pl1ot. 11. 242.. p. 106,.
j Afclepiad. ap. Damafc. i~id•.
124 D u. e· u L T E

ges qt1e Satur11c dév.ora, felo11 Ja fable


Grecque ·' au licu ·de fes e11fa11s, étoie11t
de tels Bretyles. lls 11ous rappellent l'i...
dée de ces n1orceaux de pierre ou de .bois
envelopés de fot1rure , * de coto11 , ou de
toile, que 1'011 trouve da11s les Iíles de
l' Amérique & chez les · Sauvages de la
Louifia11e, & qu'ils tie11ne11t foig11eufe-
n1e11t . cachés da11s 1e Sa11étuaire de leurs·
temples au fo11d des bois. ·
Il eíl: certai11 , 1:ar )e témoig11age de
toute ·l'antiquité , que Jes Syrie11s ado-
roie11t , ou du moi11s avoie11t un profo11d
refp.ed · pour les poiífo11s & pour 1es pi..
geo11s. lls s'abfie11oie11t de n1anger· tles
poiífons , · da11s la crê1i1:1.te. que la Divi-
11íté offe11fée 11e leur fit ~ venir des tu-
meurs fur le corps. S'ils étoie11t tombés
e11 faute à cet égard , ils 1'expioie11t pa.r
u11e gra11de pé11itence eri fe couvr~nt de

· fac
* Hezich. i;.
,
'BDe1T1>..
D Es D I E U X F E TI C H E s. l 2f

fac & de ce11dre felon la eoutumé des 0-


rientaux. · 011 peut. voir dans Selde11 *
toute l'hiftoire de ce culte , ainfi. q11e de
celui des Samaritains en l'honneur d'u~
ne colombe trouvée fur le mo11t Gari-
zim. II n'eft pas étonnant que cette co-
lo11ie étrangere venue du Chufiíla11 à
Samarie eí1t apporté dans fo11 nouvel ét;1-.
bliífement une dévotion pratiquée dn11s
Je pays de fon origine.· Le Taln1ud va
jufqu'à reprocher aux Samaritains de cir-
concire leurs enfans au nom de cet oi-
feau. Apres tout , c'eft peut-être une .ca""
'

lomriie que la haine diéloit aux Juifs


I
co11tre ces etrangers.
·Parle culte que ces· mêmes étrangers ap~
porterent e11 lfrael, ·11ous ·appreno11s quela
anin1aux. étoiei.1t divi11ifés dans diverfes
contrées voifi11es de l'Euphrate. I..orfque
Salma11afar · Roi d~Affyrie eut en1n1ené
.
F 3 les
I

* Sy11t. II. C. s. .'


1·25. Du e u L T E
lcs dix:: 1""rib11s captives, il les ren1plaça
p·ar des colo11ics tirées de fes pro.p1·es
Etats. Il ·c11 e11\1oyn dt B,1bylo11e , de.
Cutl1; d'H,1wa, d'E111atli, & de :Se.phar- ·
vjin1. * ,, C.J1a'Ct111 d·e ces· peuples .n1it fo11
,, D1e11 particulier .daris .lcs tet11p 1es & ·
,, dans les l1a11ts lieux bâtis par les a11-
,., cie11s fu jets eles · ·Rois de Samarie :
,, chaqt1e 11atio11 n1it le .íie11 dai1s la vil...
,, le qu'elle habitoit. ·ceux ··de· B,,bel y
,, ·n1irent ·Succoth-Benoth :; ,les Cuthéens :
. .

,, ·Nergal · :. ceux ·d'.Emáth· Afima :· .les .


,, ·Haweer1s Nibchaz ·& Tl1arthalc.· Les
,, <Sippha1·itairi.s faifoient .' palfer leurs en-
'' fa11s par le feu e11 ·l'ho1111eur. d' Adra..
,, n1elech· & 'd'Anamelech Dieux: de Se. .
,, pharraim .. '.' ..Tels ét.oie11t les Die11x de.
ces·· di.flére11tes contrées; & íi .11ous en
croyo11s les ·plus: fc;ava11s d'e11tre les· Juifs,.
Abc11-Ezra, R. Járchi, R. Kin1ki & au-·
•• . . tres
.-

* IV. Reg·. 27. 29.


' .
,
D ES D I EU X 1:4.. E TI C H E s. I27

tres lií.l11S les cx11!icatio11s qu'ils do11ne11t


tle ce ge11re d,idol,1trie , tous ces 110111s

d.e Di,1i11ités Aif)'_rie1111es défig11e11t auta11t


d'a rii111a11x. *' SeI011 et1x Succoth - Be11otl1
eft 1111e 1-,oule a,rec fes pouffi11s : N crgal

c{t Ulle geli11ote ü'il llll C<)q de bruyere :


Aíi111a eíl u11 l1011c ot1 ;i.111 n1ot1ton . , ot1 .

fclo11 l' opi'l1io11 tl'.Elias t,


1111 íi11ge , Divi-

11ité autrefois adorée e11 Egypte, ( /Jffi-


gies facri 11ite~ ai1rea cercopithel·i) aujour-
d'h.ui fort ho11orée :da11s les l\oya11n1es f{e
'

~e~gale
.. '
& de .
P.eg·u
.
..: . Nibcl1~,z
' . . .
efr· t111
c11ie11.,. com tu.e l' A11u bis ._d'Egypte , &
' .. '

fo11. non1 \ ient de · l'or.ie11tal Nibc11 ou


1

Ni.1bac, e. d. aboyer.: Tha1·tl1ak efr -1111 .


a11e : Adran1elech & A11ar,11elech ·1111 mu-
• \ • • J
-

let. & t111 che\1al , les rois .


du .trou-peau
. ;
ou felo11 d'autres Uli pao11 & u11 fàifa11.
Je ne 11réte11ds pas néann1oi11s faire re-
F 4 gar-

· :t: ·v. Selde11 Synt. II. C. 2. 7. & feq. '·Va-·
tabl. ·i11 11ot. ad 1·v. Reg·.
t Eli~is JJe,,it. i11 Tisbi,
12s n u e u L T E
'
g·arder comme certai11es les explicatio11s ·
do11nées par les Rabbins de ta11t- de ter-
n1es obfcurs & doutcux. 011 f~ait , par
cxe111p1e, q11e Succoth-Be11oth doit fig11i-
fier ici les pavillons deJ'ftlles: & il 'eíl: bien
11a.turel de croire que la c0Io11ie de Ba-
by1one apporta .dans San1arie le rite in1-
p111· pratiqué dans f011 pays e11 l'hon11e11r
de Ve11us Myli tte , tel qt1e Je décrit Hé-
t·odote. * Mais ce concours des i11terpre-
tes à rendre tous ces mots par des noms
d'a11.imaux, n1011tre au moins u11e co1111oif..
fa11ce généralement répa11due, que lei a11-
cic11s peuples Orie11taux dont il s'agit
avoie11t des animaux p~ur Di vi1iités ,
con1me les Barbares n1odernes e11 ont
pour Fétiches. Q!1elques-u11s des tern1es -
ci-deíft1s em ployés pour 11oms des faux
Diet1x, con1n1e Adra Melech, Magniftcus
.Rex , me paroiffe11t être des tit1·es d'ho11-
11eur
* Herodot, I~ 199.
DES DIElJX FETICHES. 129

11eur également do1111és aux Aíl1·es par


les Sabe:iíl:e~ ~ & aux animau.x par les
Fétichifies. Car e11 Egypte comn1e e1~
Orie11t ces daux Religio11s ~ont íi méla11-
gées l'u11e avec l'autre da11s le même·
pays, ( & il en eft de même à Ja Chi11e,
ou il y.. a pluíieurs Re1igions domina11..
tes) qu'il devient at1jourd'hui affez dif:
ficile de bie11 dém~ler tout ce qui leur
·étoit particulier à chacune. C'étoit l'u-
fage. de ces Nations de mêler ainíi les
diífére11s ·cultes, & d'e11 adopter u11 nou..
-
veau fans quitter ·l'ancien. Nous en a-
vons une preuve en ·ce même e11droit
.de la Bible.
.
Saln1a11afar apprenant que les
,

habitans de la nouvelle ·Coiôhie ••'"éto1e11t


•'

dévorés . par des lions '. ou felón. 'le ra-:


port de Jofeph *, & comme ils le difent
eux-n1êmes da1is leur Chronique Sama-
F f ri..
* Jofeph. a11tiq. IX, 14. Chron. Samar. ~p.
Hottil1_g·er. iu e~ercit. Alttimo1·j.u. · .
130 n u e u L T E

1·itai11e , qu'íls périífoie11t de 111ala(lies


épidémiques caufées par l'air & par Jes
fruits du pays auxq11els ils 11'étoie11t
pas accoutun1és ·; & fçacl1ant qt1;01i -at...
t11buoit ·c·es n1alheurs. à l'ig11orá11ce da11s
laquelle vivoie11t les 11011,1eaux h~ibitans
de la n1a11iere do11t Je Die11 de cette
terre vot1loit
.
être adoré , '*
.
eo qziod ig110-
,Aerzt ritt!m Dei htJJ~t{J' ·terr&! , ce P·rince le11r
ef1voya un ·a·es Prêtres captifs .
g11Í virit s'é-
tablir: à Béthe1 , ,., & leur e11feigner cótn- . t
,,. . 111e11t :ils devoie11t ho11orer ie Dieu dl1
,,- pays. 'TotlS 'ces re11ples qui avoie11t COll-.
,,- ·rervé 1eurs ·Dieux propres, 11e laiílei·e11t ·
,,; ·do11c·
.
pas
.
d'adorer -le Seig11et'lr.
.
· Mais,
,,: · q·r1oiqu'i]s · ad·oraffe11t le ·Seig.11eúr ·, · ·iJs
,, fervoie11t e11 · mê111e ten1s leurs ·Dieux
,~ feI011 la coutun1e des Natio11s du n1i- ·
,; •· 1ieu· d-efquelles ils avoient ~tê tra11s-
· >) ferés
· :* I\'. ·Reg. 27. 26·.
t Ibid. j. 28. 3 z .. ·&. feq~
I> E S DI EUX FE T I C II E S- I 3I
,, ferés à Sumarie. Ces pe11ples ft1i,1e11t
,,. e11c<)re at1jot1rd'hui leurs a11cie1111es
,, coutun1es. ''
Ezé·chiel , e11 liécriva11t lcs impietés
commif~~ .par .les Hébreux da11s le Ten1...
ple du vrai Dieu, diíl:i11gue fort bie11
les qt1atre fauífes Relig·io11s qui de f011
ten1s avoie11t cours e11 01·ic11t, fçavoir
· l~idolatrie des faux Dieux, · tels que Baal;
le F étichifme 011· culte des a1iimaux ; 'l'i-
dalatrie des den1i--Dieux~ ot1 héros divi...
11ifés, tels qu, Ado11Ís; ~ le Sabe'.ifn1e, ·ou
l'adoratio11 du Soleil & des Afires.. Voi-
ci ce :· qu'il dit. * ,, Un jour le ci11,q -du
,, fixién1e n1ois , coinme j'étois affis da11.s
,, n1a maifo11 ( e11 Méfopotamie ) ~vec
,, les antie11s de Judá , j·e vis. tout d'u11
,, coup comme mne figure de feu ; elle
,, étoit toute de flamme .de la cei11ture
,, en bas , & dti haut . de bro11Ze doré
F 6· ,, fort
* :Ezech. e. 8;i.
13z n u e u L T 2

,, fort bri\la11t : elle avança u11e for1ne


,, de n1ain , . n1e p1·it par les cheveux ,
,, & n1'e11Ieva.11t e11tre le Ciel & la
,, Terre n1e defce11dit à Jérulalem. Là
,, le Dieu d'llrael n1e dit, Homme du
,, Peuple, léve les ye11x & regarde dans
:i, le Temple du cóté de l'Ag~uilon; &
,, y ayant jctté la vf1e, je vis qu'on av.oit
,, placé pres de la porte de l' Autel l'i-
~, dole de Jaloufie qui irrite le .. Dieu
,,· jaloux ( i?idole de Baal. ) Le Seig11eur
~

,, n1e .dit, Homme du Feuple , tu vois


'' les abominatio11s que fait la. n1aifon
,, d'.Ifrael pour n1'obliger à me retirer
,., de mon Sanétuaire ; .1 etour~1e - .toi
,, d'uri autre c6té , perce ·1a n1uraille , &
" '.tegarde , ·tu verras e11core pis. Je fis
)) 1111 trou à- la n1uraille , & je vis les
" images de toutes fortes de ferpe11s &
.,, d'animaux abomi11ables peintes . fur le


. ·.
,., n1ut
* Vatabl. in 11ot,
~ .
DES DIEUX FETICHES. 133
,, n1ur tout à l'e11tour ; & foixa11te &
,, dix des a11cie11s d'lrael étoient debot1t
,., deva11t ces pei11tures , ch,1cu11 avec 11n
), ence11foir ·à la 111ai11. ll n1e dit : ·Tu
,, vois ce que chacu11 d'eux fait e11 ·fe ...
,, cret da11s fa cellulle pei11te , croya11t
,> que .le Seig·11eur ne le voit ·pas : tour-
,, ne-toi d'u11 aut1·e cóté, tu verras· en..·
,, . core pis. Aya11t porté la vue vers la
,) porte du · Septentrio11 , je vis en · ce
,, lieu des fe111mes affifes qui pleuroie11t-
''. Adonis. 11 me dit , E11tre dans le par-
'' vis i11térieur du Ten1ple, tu verras
,, encare pis. Je vis entre le veftibule·
'' & l'autel vi11gt~ci11q hon1mes qt1i tour-:
,, 11oie11t le dos au. ~en1ple · & · Je ;vifuge
,, à ,l'Orient , & ils adoroient Ie· Soleil
,, leva11t. 11 n1e dit : Voi les abon1ina...
,, tio11s qu'ils fo11t cla11s ce lieu , & re-
,, garde .comn1e i-Is approchent une bran-
'' che d'arbre de 1eur 11ez ( pour · Ja baifer
,, en fig11e d'adoration_apr.es l'avoir pré- .
,, fe11tée'
134 ou eu L TE

,, .fe11tée au Soleil ou à l'idole. ) A11ffi·


,, . je. les traiterai a,rec. fu1·e11r &e. _,, A11
Chap.. 20. il le11r 1·eprocl1e e11core d'a-
voír adoré les Diei1x du .pays ouils
ét-0ie11t , & cet1x .dt1 pays voifi11 : abo-.
1ni1,atio1ies ,· oculorum fuor1,1,m , ·les in111ie-
tés qu'ils avoient fous les yeux, c'eíl:-à-
dire Baal , Dieu de Cl1aldée , & de l'a-
lefti11e &e. ; & id(/la ./Egypti, c'efr-à-dire-
les a11in1aux divi11ifés de l'Egypte, le
breuf Apis &e.
. ·Puifque les traces de ce pe11chant à
choifir des objets terreitres pour leur
re11dre u11 culte religieux fe retrou\ ent 1

da11s cette co11trée en ren1011tant à u11e


haut~ a11tiquité , . il 11e faut pas .·s'êto11-
ner d·e trouver par fois quelque ·cho·fe de
rélatif à des coutu111es fi ancie1111es & íi
gé11érales e11 Orient da11s .Jes ufages pra-
tiqués· par ·les . p1·e111ie1·s auteurs de la.
Nation Juive, ava11t -le ten1s ou des loix
poíitiv·es pr·ofc1~ivire11t .fo·r111ellen1ent chez.

eux
D Es DI E u. X f B T I C H 1!. s. l 3)
eux de tels ufages. Abr~_ham paroit avoir
.fait u11 n1éla11ge d'u11e aél:io11 toute fi1i11te
avec les vieilles coutumes ·fuperfritieufes
de fon .-pays ., Jors qu;a;pres fon allia11ce
avec Ahin1elech Roi. de ·Gérar~.il fit p1an~
ter 11n bois .fac1~é pres~ :de .Berfabée é11: Pa-·
lefrii:1e pour y i11 voquer 1€ non1 de Jaoh.
* Jacob ..ayan·t eu ,u11 f011ge myíl:érie11x
co11facra la .pierre q11i lui avoit fet·vi de
chevet pe11da11t la 111:iit, e11 arrofa d'hui·le
le fon1met, & ·l'appella BetJJ•. e/, ·e' eíl:-à-dire
deme11.re de· Dieit. 01:i·a dit que c'étoit de
cette con.fécratio11 que les· pierres ·brety:
les du Paga11ifme avoie11t tiré -leu1· 11oi-11•.
Mais ..con1bie11 ·- 11'efl:·- il pas ·plus proba-
hle que le 11ot11 eft antérieur à. Jacob·,.
puifque l'ufage: efr certai11en1e11t· plus a11-.
cie11 que .Iui ~ & qu'Ura11os avoit avant
]ui .fabriqué ,en Phénicie · de ces bretyles
ou pierres g.raiífées.~ t Abrah·a,n1 & Jacoh.
11e

* Ge11ef: XXI. ; 3.· t Sauchó1liat~: ioicL:


, Du CuLTE

ne firent donc qu'in1iter w1e pratique


établie avant eux , & lo11gtems fuivie
depuis : ils fuivire11t u,1e víeille coutu-
me gé11érale en ufage alors , & co11for..
n1e à la ruftique .fimplicité de leur fiécle.
Le vrai Dieu voulut bien adopt.er & fa11c-
tifier pour lui ce culte limple , par une
condefce11da11ce pareille à celle do11t il a
fouve11t ufé depuis pour la faGon de pen-
fer pcu éclairée du peuple qu'il avoit
choiíi. Lorfqu'il apparut enfuite à * Jacob
da11s u11 autre fonge , ,, Je fuis , lui dit-
.il, ,, 1~ Dieu de Bethel ot't tu as graiífé
,, la pie1·re. '' Mais le bretyle de Jacob
den1eura u11 vrai Fétiche en vé11ératio11
q.0x peuples Cha11a11ée11s , qui n'éleyoie11t
pas leurs pe11fées p1us h·aut_ que la p~erre
même : auffi les Hébreux en abolire11t
parnu eux le culte traditio11el , l'appellant
Beth-aven, àemeu,,.e Ju me11fonge, au lieu
de
• Gene:C XXXI. 13.
D E--S n·1 EU X FETICHE s. I 37
de Bethe) , àemeure Je Dieu. Les loix.
qu'ils reçurent apres leur -i11vaG011 en
Cha11aa11. prefc1·ivoient rigoureufement
l'abolitio11 de ce culte ufité dans le pays
co11quis , qui fut le motif du maífacre
total des habita11s , comn1e il l'a depuis
été de celui des Américains fait par les
Efpagnols. ,, * Vou,s .briferez les pierres
,, · dreífées, dit la Loi , & vous extermi...
,, nerez ·tous les habitans de ce pays-là :
,, t vou~ ne dreíferez poi11t de colon11es :
,, vous n'érigerez poi11t dans v6tre ter..
,, re de pierre remarquable pour l'ado-
'' rer : § vous 11'aurez aucune in:iage de
,, bête , d'oifeau , de quadrupede ou de
,, poiífo11. '' C'eft à l'inobfervatio11 de
ces Loix , c'eft au n1alheureux pe11cl1a11t
qt1'avoie11t les Hébreux à fe laiffer aller,
foit a11 Fétichifn1e, foit at1 Sabcifme des
Ne:1-

* N\1tner. X!II. Sl• ••


.t Levit. XXXI. 1 . ••
;, Del.iter. IV. 16.
138 D u e u L wr E

Natio11s ,voiíines , q11e les Livres Sai11ts


attribue11t p1~efq,ue to1:1jours les. madheurs
que laiífoit fo11dre f ur ,eox la colére du
vrai Dieu, qu'ils avoie·nt ·fi fo11v;e11t 11é-
g-ligé. Le .rite reJiig·i-eux d:e ·,frotter d)liuile
les pien·es· bocty{es fe rctrouve :fr6q1Uen:i-
me11t partout : il ·ell. ·e.Lt 'fàit 111entio11 pl1:is
d':une ·fois dans Elon1ere ,& ·dans. Strabo11.
Il eft vrai q:o·e .qt1e l:ques perf011:nes fqa-·
vnntes 011t. vou la eirrtendr.e pa:r les bre-
tyles· ~ no11. d~ 'pier,1"eS gr.aijfies , :mais
des pier!Fes arnimées ~ 1111ais ·:qu·and 111ême·
pa:r oette .íden:iiere .exp~Lication i!l 11ê f~u ..-
droi t pas. '.etttend1·e ; .fi.:. ·e11e .avoit lieu ,
des pieries douées d'un efprit· vi vant ,·
plt1tôt qt1e . des ·pierres taillées en· figu-
rês h.11mai9-es, con1me11t concilier cette
, . .
n1a11ie1~e ·de tradt1ire ]e tern1e, t·ant av.ec
ce Jàoh dit à Jacob da11s le paffage
ci- eífus rapo-rté, Je fi,tis /e Dieu de Betl1ei
oit trt as graijfé 'la píe,.-re, -qu'avec ce q11e
dit A1·11obe de fes. pratiqu~s dévotes ·a-
' .
vant
nEs D.IEUX -FETICI-lEs. 139:

va1,1t· ·fa · cc>11verfio11. * ,; Dçs ·qt1·e j'a.per~


,, cevois_, . dit-iil, , qt1clq.t.te pierre po1ie ·
,, ·frottée d'l1uiJe, j'aJlois J.a ba.i'fer ~ .com-·
,, me. co11venant q t1elq11e vertu d1~i11e. '"' ·
L~efpêce dt1 ;rite eíl:. :cdig11e dti g·e11.re ··de
culte, & tous. deux 1~ép~11d·eiit · à ;l'ig,11-o-
ra11ce des µécles -0u il:s. :~,,.oie11t cours.
Rachel femn1~ de Jacob .eut -t:i.l1 -tel a·tta~
cheme11t pour les n1armoufets F étiches ou
Tféraphins de_ .Laba11 1~. Syrie11 fo11 pére ·,
,. . . - , . ,.
. . .

t
. .

qu~ell~ ~l-es l~i:vola. en..


le-. qi11tta-11t,
.
& que.
pour(uivie 'à ;ce fuj,et; ,- ·apres les avoir ·cri-
. . . . • 1 '

chés fous fes .ha bi-ts , -elle · 11.'héfit-a pas ,. ;.


pou'r n'être pas ob'ligée :de fe 1-~1er à l'arri-
v.ée de ·ron .pére , .de fup.pofer une incom-
modité_ qu~elle 11'avqit .pas. · La fauffe impu- ·
tation do11t T.acite & biodor-e t chargent .·
les Hébreux d.'~voir eu po'ut Fétiche ·Ull
-

* Ar11ob. ad,r. g·e1it••• ... .


.t
.

G e11ef. XXXI... .
+
'T acit. Hifr. V. Diodor. F·1·ag·m. Libr. 29 ...
Jofepl1 . aclv. Ar,p. · . ·_ · ·· · .- · · · · - ·
Du CuLTE •

âne fauvage q11i leur avoit fait trouver


u11e fuurce d,eau da11s le défert , & d'a-
voir mis da11s 1eur _Sa11éluaire la tête de
~ette rídicule Divi11ité, vient non feule-
ment de l'idolatrie du Veau d'or Fétiche,
& de la figure mal entendue des de11x
Chérubi11s fct1lptés fur l'arche, qui étoie11t
deux têtes de veaux ailées, (a) mais auffi
de
.
(a) Ces fculptt1res figurées t fur le couver-
cle de 1,Arche, n'y íervoient felo11 toute ap-
pare11ce qt1e d'orneme11t à la mode du tems &
du pays : car 011 fait q11e la loi défe11doit a\lX
Héhreux, avec la derniere fe\rérité , d'avoir
<\ans leur t~ mple auc.u11e fig·ure repréfe11tative
()U rélative. Chtfri,bin fig·nifie.., à çe (iUe l, on
croit, les animai,x qui labourent , du mot Chal-
déen Charab , laho111·er. Ce q\1'Ezécl1iel X. I 4.
appelle facies Cheru~, il le nomme 1. 10. fa-
cies boruis. Voyez Calmet & les Auteurs q\1'il
cite, Clé1ne11t d'Aléxa11drie , Grotius , Spe11<::er
&e. ,, Les defcr11>tio11s , dit-il, q11e l'Ecritl1ré
,, naus don11e des Chér11l: i11s, quoiq(1e différe11-
1

,, tes e11tre elle.<;, co11vie1111e11t e11 ce· qt1'elles


,, repréfe11te11t toutes· u11e figure compofé_e de
,, pl1,1..
t Le Clerc not. _Jur la Bibl.
DBS DIEUX FETICHES, 141

de l'ufi1ge d,u11 culte de ce ge11re alors


u11iverfellen1e11t répa11du dí.lllS l'Orie11t. -Jf.
Je laiífe à part beat1coup d'autres fables
du n1ên1e ge11re, que les PaJ'e11s n1al i11f-

tru1ts
,, plt.1fieurs autres, comme de l'l1omme, du
,, brel1f, de l'aig·le, & d11 lio11. Altili Moyfe
., Exod. XVI. 1. a11pellê ·ou\~rage e11 forme
,, de Chért1fJi11 les rei; réfe11tatio11s fymboli ....
,, qt1es Oll I1iérog·lypl1iques qui étoie11t re1,ré-
,, fe11téés e11 broderie fur les voiles <.lu Tal1er-
,, 11acle. Telles étoie11t les figLtres fymboli--
,, ques qt1e lcs Eg·yptie11s 1nettoie11t à la ·porte
,, de leurs Temples, & les imag·es "te la plu-
', part de let1rs Dieux, qui 11,étoie11t autres
,, poltr l,ordinaire que dcs ftatt1es compofée·s
)' de l,ho1nme & des a11i1naux. '' Macrobe Sa ..
tur. I. 20. e11 déc.rit t111e e:i'1111e 1na11iêre c11rieu-
fe. Simulacro ( Serapi,lis ) f,gnu111, tricir,itis ani-
mantis ad_jungitnt, qitod expv imit media eodem-
9.ue m!ZXÍmo capite leonis effigiem.· D~xteYa par•
te canis exoritur, ma~{i,eta.fpecie blanrlientis: pars
'Vero lc.ei,a cervicis ratacis lupGt capitt: .finitu'f: eaf-
que formas animalium draco conneétit vol1tmine
fuo, capite redeunte acl Dei tlt:xteram , qua con-
Jpicitur mon.Jlrum. Ces fig·ures- co1npofées , fort
commu11es aujourd'h\1i daJ1~ to\tte l'Afie ido-
· lâtre & furtout da11s 1'111,ie , f 011t d'u11e hat1te

a1lt1-.

* Vid. Selde11. de Diis Syris, p, ZfJ x.


142 ou eu L TE

_truits débitoie11t fur le con1pte des Juifs . ,


& ei11e 1'011 peut voir da11s Tertulli.e11 ·,
da11s
a11tiqt1ité. A11 raport d,Alêxa11dre Polyl1iíl:or
011 e11 \7oyoit autrei~ois da11s le te1n1)le de Bé-
lus ; & il e11 attril)t1.e l'u1:1ge a11x f~-lbles dé-
·bitées 1)a1~ Oa1111es (qt1e je. crois être tlll Na,:i-
g·atc11r I11liie11 ye11t1: par me1~ e11 Cl1alL-tée) fur la
for1ne ele l"a11ci.e11 mo11de . coti.:vert . d'eat1x & (\e
te11ebres. ~11zimantia 11ortento.{a' & ./1.tb variis
natur,ce Jpeciebz4s rJ!J j·ormis vi{u· mira,idis vjtam
ac lucem· accepi§~. Homínes cluabits 1~erinis, alios
quatuor, .rl!f gemin~s v.1.t,~ti.bus'. irifignes : corp.us
quidem u-num , capita: -oero duo , virile rJ:l f Cfmi-
ne~m' <b' geraina 1J·ud..e1i.d't1,. mq/cul'H111, rtr m1.tliebr:e.
Homin1tm aliorum, hor.itm: capraYitm critra rb' _cor-
.nua, illos ·eqttorttm anteri-cres , alios 11ofleriores
V$ hominz,m anteriores, q1ttales./unt Hippocen.tau-
. roritni j'.ormce ,. habuiijJe. Taittros h1tmanis capiti--
. bus ibi(lem· na.fc.:i , çatze-s cai1dis q1-4.aclricorpores,
~ 1?Qfterio_r:ib1its part-i-b.its pifces :· equis canum ad-
_j.t.tnc1a- capita :. ·homi-n~s rJ!1 ali:a anim.a.ntia, cap,~t
. tf!J. cor1gus e,q1,1.irzu1n,. piJc.ii,r,i vero ca-udas· .~abentia.,
12ec '!J,·Ort rt1. 'Varia '1J-arii-s. quib-ujc.u1J1.que farmis- de-
fo-rmia. His af~junge· P~·fces,. yepti.lia·,.. /e~J1entes, rt1
. 4lia . plitra animant'i·a qu.afi 1ft1,f.;tatis ab in-oicem
fpecielJits rv·ar.ietate cor1:{picu.a ,. .tJUci'tfitm- imagine~
. in te1nplo_ E~li. app,~r.iJ~. .Ifr_is emnibus prcefi,~et
.mf,lier, citj1Js·rzom:e,~ Omaroca, (haldaice in.terJ,r~-
ta.tur TJialath, i. e. mare. Ale". Polyl1. i11 Chal•
da1c. ap. Sy11cell. p.. 2~. . .
J) E s D 1. E u x F E T 1 e H E s. 1 ,4. 3

da11s Epipha11e &e. Il eíl: aifé ,1e diíl:ir1.-


guer, par les circonfra11ces n1ê111e du fait ,
. ce qu'il y avoit de fac1·é , & ce qu'il y
avoit d'it11pie da11s les ufages de cette ef..
pece p1·atiqués chez lcs Hébreux. Par
exen1ple le ferpe11t d'airai11 élevé par or-
dre de .Jaol1. n1ê111e , & do11t la vuê étoit
u11 préfervatif co11tre les n101~fures des
ferpe11s dt1 défe~·t, n'avoit certainernent
1

rie11 de com1.i1u11 avec le Fétichi.fn1e ~


ta11dis que les deux · veaux. des. dix tri-
.bus:, p1a~és l'u;11 à Tht11., l?autre à Betliel,
c111 étoie11t dqs 111arq11es auffi fcandaleu~
.f~s. qt1e cer:tai11es~ c·es deux efpéccs d'a-
11in1aux , le b~L1f & le fet·pe11t , étoiçnt
furtoui des. ·ob}ets ordinaires -de culte.
L'un paro1t avó.i1:· été. p·lt1s pa1itict1 lier à
l'Egypte, & l'auttre à Ia, Sy1ci.e. * Philo11 le
Juif croit celui - c·i tres· a11cien parn1i les
An1or~hée11s de Cha0aa,n :. & Phil.011 de
, · Bi-
* III. Reg·. ·12.~ i.9.
144 D u e u ·L T E

Biblos fait n1entio11 d'u11 ouvrage de


Pherecyde -Jf. fur la Phé11icie , ot'i 1'011 li-
foit, dit-if , de·s ~hofes tres curieL1fes fur
le Dieu ferpe11t Ophio11ée, au~ren1e11t A-
gatl1odremo11 , & fur le rite des. Ophio-
11ides fes adorateurs. E11 effet les ·Tfé-
raphi11s fi comrnuns . e11 Syrie n'e f011t
q11e des ferpe11s Fétiches , con1n1e leur
11on1 même Tfaraph, d'ou vie11t fe Latin
fe1-pens, le fc1it afiez voir. Les Affyriens,
outre· Ieurs toupies talifn1a11iqt1es do11t il
a rété parlé , Ollt la c61êbre hiftoire du
ferpe11t fi réveré da11s Je palais de leur
Roi _Merodach /e Méc/Jant. J'e11 ai déja
parlé..
Les Perfes- , du moins le peuple gro.C:
..

fier , avoie11t pour F étiches le. fe11 & Ies


gra11ds arbres.. Le premier des deux. cul...
tes y fubGfle , malgré la p·erfécution dont
on l'accable , peut-être avec trop . de ri..
gueur,
! Fherecyd. a.pud Phil, Bibl. i11 Eufeb. L. 1.
D E s Dr E l.j x F E T 1 e H E s. 14~
g11c·111··, aujl1u1·d'l111i q11e le feu 11'cíl: plus
cl1ez les Guebres qt1'u11 type de l'Etre
S11prême; & le feco11d 11'y eíl: 11ullen1e.11t
al10Ii. Chi1rdi11 a n1efi1ré 1111 arb1·e da11s
1111 ja rtli11 lft1 Roi , à la purtie n1éridio ...
11~1Ie Lle Cl1iras, qui avoit plus de q11atre
l1r,1ífes. lle tour. Les hribita11s de C.}1i1·as
,~ova11t
••
cet. arbre 11fé de vieilleíle , Je .
cro3"e11t âgé de. plufieL1rs fiécles, & y
Ollt tié\rotiOll. C0111n1e a Ull lieu faint.

I!s atl:eéte11t d'allcr fé1irc leur priére à


.{;)11 on1b1·e; .ils attacl1e11t .à fes bra11cl1es
t1es efi1cces de chapelets , des an1ulettes ,
& des · n1orceaux de leurs l1abillen1e11s.
J-Jcs n1aladcs, ou des ge11s e11\~oyés de·

le11r part, vie11ne11t y lJrulet~ de l'e11cet1S,


y offrir de ,petites bougie·s al1umées, &
y f:1ire d'at1t1·es ·fi1pe1·íl:itio11s fe111blab~es ,-
dans l' efpéra11ce de recouvrer la. fa11té.
Il y a partout ·e_11 Perfe _de ces vieux ar-
hres dévoten1e11t revérés par le peupJe,
qt1i les appelle D,·~et:-~fafc/1·, ~· _,t. arbres
G excel-
146 D u eu L TE

exl·elle11s. 011 les voit tous la1·dés de


clo11s po11r y attacher des piéces d'ha..
billc111e11s, ou d'autres e11feig11es votives.
Lcs dévots, particuliéren1e11t les gens con-
fi1crés à la vie 1·eligieufe , ain1e11t à fe
1·epofer deífous , & ~\ y paífer les 11uits :
'
fi 011 les e11 croit , il y apparoit alors
dcs lu111iéres refple11ltiífa11tes, qu'ils ju-
ge11t être les an1es des Aoit!ia ( des S,1i11ts,
des bie11h€ureux) qui 011t fi1it Ieur dévo ..
tio11 à l'on1bre des arbres di, i11s. Les afRi..
1

gés de Iongues maladies -vo11t fe vouêr


~ ces' efp1·its , ·& s'ils guériífe11t da11s la
f uite, ils 11e n1a11que11t pas de c1 ier a1.1
4

n1iracle. ~
La petite riviére Sogd étoit autrefoís
e11 gra11de vé11ératio11 da11s la ville c.le
S,1n1arca11de qu'elle traverfe. Des Prêtres
prépofés , 1eilloie11t la 11uit le 1011g de fo11
oours , pour en1pêcher qu'o11 11'y jcttat
Ull•

* Charclin. Voy. de P_erfe.


n Es D I Eu X: li" E TI e H E s. 147
aucune 01·d11re: e11 récon1pe11fe ils jou'if..
foie11t ele la dixme des fruits prove11a11s
des fo11ds fitués fur fo11 rivage. * Les
Perfes avoie11t auffi t111 t1·es gra11d ref-
pec..'1: pour lcs coqs. t U11 Guehre ai111e~
1·oit n1icux n1011rir que de cot1per le cal.
à cet oifeau. Le coq étoit fort con1n1t111
e11. Médie; .Arifropl1a11e l'appelle l'oife,lu
Méde : ccpe11da11t ce refpeél: parolt ·de..
voir être attribué à ce q11e le cha11t du
coq 111a1. que le ten1s & .a1111011ce le re~
tour du Soleil, plutôt qu'aux rites ·Fé-
ticlliftcs. Je troirois qu' 011 doit pe11fer
ele n1ên1e du refpeél: de cet a11cie11 peu..
ple pour les chie11s. , do11t la co11ferva-
tio11 eft for~ reco111111a11dée par Ze1. dusht _.
car toute fa légiílatio11· 11aroit tres éloi...
gnée du Fétichifn1e. Les Perfes Iui doi~
ve11t d'avoit été. bie11 n1oins· ado1111és.

G 2 · ··· · qu'au-'
,
* Yak11t Geog-1·aph.
t ~yde ~ç-~ ~ei~ -~, !··
r48 D u Cu L TE
qu'aucu1:ie a11tr·e 11atio11 à· ce ·c11lte grof-
fier : & n1ê111e le peu. q11'i ls e11 011t eu
eft beaucoup plus f11fceptihle d'une n1eil-
leut'"e face qt1'íl 11e l'eíl:· ailleurs. Ce 11'eft
pas fans u11e fo1·te appare11ae q11'011 a.
dit d'eux , q11e 11e pe11fa11t pas que la
Divi11ité pitt fe repréfe11te1· par auct1ne
figure fabriquée .de n1ai11 d'homn1e , * ils
avoie11t choifi po11r f011 in1age la n1oi11s
i111parfaitc Ies. élén1e1:is . prin1itifs , tels·
qt1e le fe11 & l'eàu, cor1fervés d~ns tou-·
te leur pureté. Cependant n1algré ce
qu'o11 a. foute1111_ a-vec gra11de v.1·aifen1-
bla11ce que le fcti 11.'étoit pour cette ;11a-
t-io11. Sabe:iíl:e qt1e l'i1-11age. -du -Soleil , n1al-
gré les efforts que .le Doél:eur Hyde a ~faits, ·
d-at1S· fo11 excelleJlt ouv.rrtge-., ·pour: p1:011.....
. .

ver. ·que le. Soleil n1ême -11'y..é-toit: que :le,.


1

eype. r.le . l'Etre .Su-prên1e. ~à qui .feul -~ .on


raportoit i''adoratio11, les Perfes avoie11t
. .. . . _da11s
. .

* Di11011 ap. Ct~ A:lex. i11 protrep!ic. ·.


DEs D I EU X F E T I C H E s. 149
_da11s leur ·rite pratique en. l'ho1111eur du
.
fcu tl.es ·formules
. . direél:es tendantes au
Féticl)ifme, & t1-es fig11ificatives , do11t
jc ne ·citerai que celle - ci,; Jorfque s'ap-
prochant du feu da11s .-un profo11d ref:.
peél: & lui offi·a11t cl u bois iJ s lui difoie11t;
'llvg 6.l<I11'lAJT°' é's-,i : tie1·i , Seig11eur fe1t ·,
mange. * Cl1ez les l11die11s, au n1iJie11 d't1-
11e Religio11 do11t les dogm es fo11t a·uiii
d'i111e toute autre efpece, rie11 de .. plus
révêré. que la v,1cl1e, le cl1eval & le fleu. .
ve du Ga11ge : 111ais ils 011t auffi le11rs
pjerres Féticl1es.
toutes fetnblab1es ·à la
grande Déeífe de Peffinu11te & à l~Agli-
bel. d'E1neffe.
Apres avoir·ví1 cette efpéce· de croyan-
c~ fi bie11 · établie d-a11~l-'Orient , même
parmi des peuples · civilifés , chez qui
les àrts & la Philofopl1i(!· fleuriífoient , &
dont Jes pren1iers fiéclés]·de barbarie 011t
-G 3 pref:
..

* ~axi1n. Tyr. Orat .• ,


1 s-o D u eu L T E

prefqu~écl1a1,é à l'hiftoire, ferio11s-11ous


f u1·p1·is de la t1·ot1ver da11s la G1·ece, dont
nous co1111oiffo11s ji1fqu'à 1~e11fa11ce? Il ne
f:1ut pas fe t1ire une aut1·e jdéc · des Pé-
Jafges [1uvages q11i l'habitere11t it1fqu'a11
te111s ou elle fut décot1, erte & peuplée
1

par les Na"''1Ígateurs Orie11taux , que ce1Ie


q11,011 a des Braziliet1s ou des Algo11ki11s.
Ils erroie11t da11s les bois fa11s co1111oif-.
:hl11ce & f:111s police , 11'aya11t pot1r de-
n1eure qtie ·des a11tres·, & pou1· 11ourritu ..
re q11e des 1·aci11es ou· des fruits (1uvages:~
ça1- il 11e ·pa1·oit pas n1ên1e qt1'ils fe fu.C:
fe11t beaucoup ado1111és à"éle\ er des tro11-
1

peaux. Leurs Di,1i11ités étoie11t les fo11-


tai11~s ;, · des chaudero~1s ·de ct1ivre , ou
Íes grai1ds chê1ies de .Dodo11e ; l'oracle
ie plus a11~ie11 de 1a Grece , &. do·11t il
fc1ll11t avoir la pern1iffion p'our': adopter
les autres· Divi1utés qu'ap.01·toie11t les co~
1011i~s étra11géres. Mais parmi celles -· ci
les pre111.ieres préfére11ces fure11t do1111ées
..
at1J~
DES D I EU X F E TI C li E s. I 5I
aux Dieux Fétiches, furtout aux 1Jierres
bretyles , do11t fa11s doute il y avoit dé-
ja bo11 11ombre da11s le pays; i11dépe11-
da111n1e11t de certai11s cailloux divi11s, que
les a11cie11s ]1abita11s de Lacédé111one ti-

roie11t du fleuve Eurotas , & q11i, s'íl


faut les en croire, s'élevoie11t d'cux-mê..
111es a11 fo11 d't111e tro111pette du fo11d de

la riviére à la furface de l'enu. * La ''ê-


11us de Paphos figurée f ur 1111e médaille
de CaraGalla, t étoit u11e ~orne ou -pyra-
n1ide bla11che : la Ju11011 d' Argos, § l'A..;.
pollon de Delphes , lc Baccl1us de The..
bes , des efpéces ,de Cippes : ]a Dia11e
Oréenne de l'ifle d'Eubéc, 1111·n1orceau de
bois 11011 travaillé : la Ju11011 Tl1efpie1111e
de Cythéro11 u11 tro11c d'arbre : celle de
G 4 Sa..
* Plutarcl1. de Flt1v.
t Erizzo N1.1mif1nat.
j Phoro11id. ap. Clem ..l\lex. Stro1n. I_.
Samos i11 Deliac. L: -~. ap. Atl1e11. I. x4 •
.lEthlius ap. Ar11ob. L. · 6.
1. ).2 .D u e· u L T 1t

·Satnos une fimple p1anc11e, ai11fi q11e til


.La.to11e de Délos : la Dia11e ele Carie , 11i1
.1·c>uleau de bois .; la Palias d' Athenes &
.la Céres, u11 pieu 11011 dégroí11, fi11e efjigie
.rudis palus & i1iforme ·1ig11u1n. 'if. E11core
1111 couo , il faut fe fet·vir ici tles non1s
4.

q11i 11e fu1·e11t .d.on11és ~que .:depnis~ ·à ;_ces


ol1jets. Car Hérodote- ·t convíe11t ···q11e les
Di vi11ités .d6!s a11cie11s·· .Gre.cs. 11~aY.óient
poi11t tie· 1101ns perfonels, .& .qt1.e·. ce.u!X
qu'o11 a depuis do1111és aux. Dieux ·víen~
ne11B :d'.Egypte. :Eufébe § va 1n;ên1e· ju·f(lil~à
dire, qu'a.va11t le ten1s: de Cadmms··.on :11·e
f~avoit c11 · Grece :ce que c'étoit . ·.que àes
Dieux. La ·Matuta des PI1rygie1is +(je :.cite
ici ce peuple·· qui 11'efr pas oriental·.;' niais
1111e colo11ie d'Eu1·opé,111s :for·tis .des ··con~
fi:1is de Thr.µce .& de Macedoi11e ) , cette
'

, ..
.gra11
' .
.
. .
* Tertt1ll. adv. g·e11t. Viff. V_of. ,de ·k\o1o1.
IX .. ·~. .. . ~
. t H.erodot. L. 1 ~ r. IV. 60. .,
· § EufelJ. P1·ipar. II~ 1. ·;
+ ArnolJ. · ib~.
DES D1Eu·xl<"ETICHES. 1)3·
-· . .
gra11de Déeffe apportée à Rome a_vec tant
de refpeél: "& de cét·én1011ie , étoit une
pierre 11oire à a11gles irréguJiers; ·On Ja
difoit ton1bée du Ciel -à· Peffi11ti11te , com-
n1e 011 racontoit auffi que· la pierre ado ..
rée da11-s .Abydo~ étoit ve11ue du Soleil.
La ·circonfl:a11ce de· ·leur clíí1té d'e11haut ,
quoique tres . extraordi11aire, 11'a rie·11
. .
qr1i J1e foit fort vraife1nblable,
. . .
puifqu'o11
. ' ,

a fouve11t Vll:. d'autres exemples dri i11ê-


n1e phé_nome11e. Matuta la grai1de mére
d·es Dieux ·étoit .farts dou te ú11e pyrite
femblable à celles q1:1i tomberent du Ciel
il' yà fix ·a11s ~, prefqú'e11 ma préfe11ce,
en B·reffe , par i111 ter11s fort fe~i11 -; le
Ciel
.
étant fa11s tiuage ., &
.
1~ ve11t
...

.
Nord affez ~édiocre : mais il .y. eut,,.. taui .

d'1111 coup .da.i1s l'àir un fiffiement fi1i~


gulier. ·qui fit fortir tõut · le mónde pput


fGavciir d'oµ il provenoit , & f~ iit ~11~
~

G S .-t~~l~ .
.
* ie 16. ~eptemb~·e
. 17S 3i
. ' •
1)4 n u eu L T E

tc11d1·c à trais ou q11atre lieucs. Deux:


011 trais pay'"fans n1'appartere11t fL1r Je

cl1an1p q11elques-1111es de ces 1Jierres rá-
111aífée~ à plus de I 500. toifes de diíl:a11ce
les u11es des autres : il y c11 avoit de
1)lus groffes que les deux poí11gs, to11tes
jrrégulié1·cs, 11oirâtres, piqt1écs ele poi11ts
brilla11s & fort lourdes po1.1r lcur voli1111c.
Il fa11t rcn1arquer q11e c'eft da11s 1111 pays
bas fort éloigné des gra11des n1011tagries
0111'011 po11rroit foupço11ner quelque vol..
c,111 i11co111111. U11 pareil évé11en1e11t de-
voit être. fort merveille11-x pour des pct1-
p~es fauvagcs , & 11'eíl pas t1d-
111oi11s
111i1·able ,. quoiqu' e11 u11 autre fe11s ,
~:rt1x yeux des Pl1yfic;ie11s. Fa11t-il do11c
. .

s' éto11~1er ft da11s la difpoHtion m\ les


efprits é~oie11t alors .il a co11tribué· à fai-
re n1ettre au . 11ombre a·es Fétichcs les.
préte11dues pier1·es tie to1111erre ? & íi cer~
J . .. . ..

_:tau1s n1étéores fi-11gt1Iie1·s , eon1n1e ceux:


. . que
DES DIEUX FETICHES. l))

q11e 11ot1s appello11s feux folets , 'Jf 011t été


q11elquefois auffi regardés co111111e tels:·?

Sa11s fortir de ce ca11to11 de l' Afie, c11
Troade Hélé1111s fils de Prian1 , 1'1111 llcs
céleb1Aes devi11s de l'a11tiquité, portoit
avcc l11i fo11 Fétichc f:1vori , ír;avoir u110
11ierre 111i11érale t 111arq tiée de certai11es
1·,1ycs 11at11rellcs. Lorfq11'il ]a co11ft1I-
toit , cllc faifoit 1111 petit br11it fe111bla-
ble, dífoit-011 , à celt1i cl'11n c11f'"\11t nt1
111Jillot : n1ais peut-êt1·e plutôt 1c111bla-
'
ble au n1urn1ure q11e fo11t c11tc11d1 e les 4

coquillages q11a11d 011 lcs appr()cl1e de l'o-


1·cille. ,, Le_ fi1n11J,1,:re d'.Hcrct1Ie , dat1s
,, f011 Tc111p!c d'Hyette e11 Héotic , {lit
Pat1[111ias , ,, 11'eft poi1~t i111e figt1t c tail-
4

,; lée, n1nis u·11e pier1·e g·1·offiére à l'rt:11-


,, tique. Le Dict1 Cupido11 tics 'fhefpiet1s,
'.J)do11t l'in1;1gc eil: extrén1e111e11t a11cie11-
,, 11c , 11'efr at1ffi q11't111e pierre l)1·ute :
G ó ,., de
·'

* Dan1afc. ap. Photr. i1Jid. '. .


t Orpl1. de l:1pidit,.
l ~6 · D U C ,u L ·T E

,, de· n1ên1e dai1s . u11 fort a11cie11 1"'e111ple


,, des Graces à Orchon1é11e 011 11'y ado-
)) re q11e des 11ierrcs qu'o11 dit être to111-·
bé.es- du Ciel ai1 te111s du Roi Etéocle.·
'',, Gh.~z 110s. p1·en1ic~s a11cêtres ·Jes pie1·res
,, recevoie11t les ho1111curs divi11s. '' Ail-·
leurs il dit , * ,, a\1 oir v(1 ,,ers Cori11the ,.
,) pres de l'autel de Neptu11e Iíl:h1nie11,-
'' deux rep1·éfe11tatio11s fort groffiéres
, 3 & fa11s art, l't111e ele Jt1piter bie11fili~·

,, fa11t qtli eíl: 1111e 11yran1icle , l'a11tre


,, de Dia11e Patro,1 q11i eft u11e colo111ie:
,, taillée. t '' Cc qt1e 1'011 a depuis_ ap·pellé
Dia11e d'Epl1efe avoit d'i:ibord été. u11e·
fouche de vig11e , felo11 Pli11e , ou fe.Io11
d',1l1tres u11 t1·011c d'orn1e autrefois · ·po..
fé par les Am.azones. . Q!1a11t at1x an·i:-.
maux adorés , la Grece 11'a pas été moins. '

bizarre da11s f 011 choix: que l'Egypte 011.


que,
* 1>at1fai1, L. IX. p. S77•· ....
t ld, L. II. C. 9. . ·· ·· •
UES DIEUX FETICHES. rr7
que l&f Nigritie, s'il· e11 faut juger par:le
rat d' Ap0Ilo11 Si11y11thien ~ ( · Je rat·
..
étoít
adoré clrez les ·Han1afcites
.
de Troade )·, -
par la f1t1terelle d'Herct1Ie Cor11opie11 ,
<'x Jes n1ouches. des · Dieux M·yagrie11 ,
Myo(le, Apon1yen &e. · t Mais lorfque.
quelq11es fiécles ap1 es' la 7'héofy11odie '
4

c'eít-à-dire la Théologie d'u11 Co11feil des


Dieux., eut pré valu da11s la G1·ece, · Oll
' .

ee dogn1e paroít plus 1narqué que 11ulle


part ailler1rs, Ja vieille p1. édileétio11 pour
lies fontai11es & pour les ·arbres~ f'étiches
re111p1it e11cor@
' .
le pays · de Nymphes &
de Driades , vrais Ma11itoús des eaux ·&
des bois , Di,rinités locales ·& fubalter..;·
·-
11es aux Dieux f11périeuI·s , do11t 011 ap . .
.
pliqua les 11om~ aux pie1·res bretyle·S· q11i
paroiffoie11t y avoir tou jours ·te11u le
premier ra11g. Auffi Pa11:C111ias co11ti11ue.
. t .. il'
,

* 1Elia11. ani1nal. XII. s. ••


t Selde11. p. 1, 1,8·. '
1)8 D u e u L T E

"t-il de ·11ous àppre11d1·e, f!Ue, qt1oiq11'011


e(1t. érigé des fiat11es aux .
Dieux , les.
pierres b1·11tes q11i e11 portoie11t les 11on~s
. '
11e refre1·e11t pas 111oi11s e11 poffeffio11 du
vie11x refpeél: du à lc11r a11tiq11ité ; ,, tel-
'' lc111e11t , l1it-il, que les. 11lus groiTiércs
.

,, fo11t les plus refpec...'1:l1bles, con1n1c éta11t


,i) les p111s a11cie1111cs. ''
· Je dis, & je 1c dis ap1·es HéroLiotc, que·
],1 Grece. do1111a da11s la fui te à fes \1 iet1X
bretj'lcs les 11oms ~ des Die11x étra11gers ,
q11e lcs piert·cs & les autres F éticl1cs a11i-
111ab1x: 11e repréfe11toie11t 1·icn, & qt1,el1cs
étoic11t divi11es c.lc le111· .
propre
.
di~/i11ité
. .
.
Car je 11e 1)11is êt1·e clu íe11ti111t.:1t, q11e c'é...
' .
toit dcs fr,1tues telles q11elles, é1·igées at1x
,
.
Dieux de la Grece, da11s 1111 ten1s ou 1'011
'

11e fl1\. 1 oit · pas f"1ire ·n1ic11x , & ot1 . l'àrt


.

e11core lla11s .fi1 groíiiéreté 111a11q11oit. ·ae


'

l'iriduíl:ri_e. qt1'il atiro.it f:1ll t1 poqr le11r


. ... .

do1111e1.. t111e fo1·n1c plus ap 1J1~ocl1,l11te · {le


. .

la fig11re l1i1111ai11e. N'efr- ce pas .c11


DES DIEUX FETICHES: 15'9

effet trop àbufer· des .tern1es. qlle de ':pré-


te11dre qúe · des pierres pyran1idales co-
11iqt1es ou quarrées f011t des fiatues ma11-
q11ées ? Et ·pourquoi les arbres & les laes
éta11t · F éticl1es . chez les Grecs , con1n1c
c11ez les Sau\ t1ges, les pierres qui ·le fo11t
7

c11ez ces der11iers 11e l'auroie11t-elles pas


de n1é111e été cl1cz ceux - là ? De ·plus
lcs ·pier1·es brutes de l'a11cie1111e Grecc
11e pouvoic11t être alors pour · 1es 11att1-
rcls ces Divi11ités célefres do11t elles 011t
depuis porté le·11on1, pMifq11e ces Dieux
y étoie11t alar$ i11co11n11s , éta11t tous. ve..
1111s enfuite de l'Orie11t; ce que leurs
11on1s propres i11diqueroie11t aífez, q ua11d
mên1e 011 11e le :fi111roit. pas d'ailleurs :
BenotlJ ( V e11us ) ; A Bele1t ( Apollo11);
J(t<)IJ .. Pater ( Jupiter.); B,1,il .. Ka11
I

( V ulcai.11 ) ; Jfc/J - Ccileb ( Efc11Jape ·) ;


Ap/1 -· eJ1a ( Heph~fios .) ; -"-/f.1·t-1·JJe111ijl ,
cu · .Art- Tl1am - efl. ( ·Arten1i~ ) ; AfceÍ'·iJ
( l\lars) .&e. 11 11'eit pas. pl1is vrai. que
. ccs
1.60 o u eu L T E

ce.s ·Dieux _ayent ·été · co11111is da11s ·1a


Grece a, aht l'arrivée de~; peuplades ~ti~a11.. ·
1

geres, q11'il eft vrai · qu'ils y _aye11t p~is


11aiífance, comn1e les Grecs fe fo11t avi..,
fés de le dire auíli. Mais , fui ,rant la re-
n1arquc d'Hérodote, la datte qu'ils do11-
11e11t à la 11aiífa11ce àe chacu11 dénote cel-
le ou ils 011t re~u fon culte : le Jicu de
leur 11aiífa11ce eíl: pareillement peut-être-
u11 i11dice de celui ou
il. fut pren1~ére-
me11t adn1is. N ous verro11s· ai11 eurs con1-
me11t ces n1ê111€s
.
11on1s des Die11x 011t
.

a11fli été fubféquen1n1e11t adaptés aux_


aftres , qua11d· la Tl1éofy;1odie eut prévalil
fur le Sabé:ifme ; · & ce fera une con~r~·
matio11 de la 1na11iere do11t je pe11fe q11e.
ce · cha11ge1~e11t s' efr fa~t ici. Ces n1ê. .
mes 11oms d011nés auffi dep11is at1x .·a11...
. . aríimaux. F étiches devieri11ent u11e
cie11s . .

clef gé11érale explicitive de ·: ta11t 9e n1é....


tamo1 phofes des D~eux e11 . a1tin1aux. : ·il-·


4

fcroit ·difficile d'e11 trouver u11e. plus fim"!·


. Ble ;
J) E S D I EU X f.E T1 c·H E s. 1·61

11le : · l'app1icatioti. ·e11 eft ·íi feiiíible ·qt1,eT-


.lc·. 11.e den1a11de .pas d~entret là. - ·.de!fus
cla11s .aucu11 .détail.. C'.eft .e.11coie par uh
pa1·eil n1élange dt1 Fétichifme & . dú Po~
Jythéifme propren1e11t. dit·, qrii li1i a ruc-
Ce({é ·, :que certains.quadr11pedes, oifeàux,
,poiifo1~s, :plantes ou herb.es, .fe ··troilve11t
·chez ·.les . Pàye11s p1us particuliérenie11t
cbnfacr.és .à ·. cert-ai11s Die11x du Paga11if:.
me qui avoie1i·-t pris leur ·place ,' &~ s'ê-
toiei1 t , pour ai11fi par ler·, id·e11tifiées à
eu.x .. e11 qi.1elque fac;ot1 dáns le creur &
Ie culte .des n1ortels. ·La· repréfe11tation.
des .- chofes · autrefois pri11cipales ·11e fe
trouv.e a11jourd'hui' que· con1Í11e . fy111b0Ie
habitucllen1e11t j·oi11t à l'in1a·ge de~ Divi~
i1ités , ·qt1i .cepe11da11t i1e ·forit qi.1e fe,:011~
daii~es· ·.ei1 '.or,t1·e .de .datt.é~ On . tro11ve 1111e
preuv.e .bie11 'forn1efle:·. '.de .CC paífage dtÍ
ty.pe·à l'a11titype ., d.e' ce '.caraétere c}:e l~an:
~ie11 Fétichifn1e ·co11·fervé· .da11s .l~idolatríe
oiê111e., ·da11s ce qtie Jufti11·, raco11fe ~des
' .
. Jª--
152 DU CU L TE

javeli11es divi11ifées , puis joi11tes e11 mé-


n1oirc de l'a11cien culte aux fiatues drs
Die11x. Je rapporterai
.
bie11tôt fes propres
paroles.
La· Religion des premicrs Ro111ains
étoit forn1ée fur u11 tout a11tre pla11
qt1e la Grecque. Ce peuple, dont le ca..
r.aél:e1·c étoit auffi g1·ave & fe11fé que
l'in1aginatio11 de l'a11tre , çtoit abo11dante
& légere , rapportoit direél:en1ent les
_11on1s & les idées , ta11t de -fes Die11x:
que de leur culte , aux foi11s du .gouver.
11en1e11t public, & a~x befoi11s des di. .:
\ 1 ers âges de l'hun1a11ité & du cours or..·

dinaire de la vie civile. La haute opiq


1uo11 que ce peuple altíer conçut de lui..
n1ême des f011 e11fa11ce , fe n1a11ifefie juf..
ques da11s fa Relígion. II fembloit des ..
lors que le Ciel & les Diet1x 11e fuílênt
f:1its que pour la République & pour
chac1111 de fes citoye11s. Tout fe 1·appor.
~e à l'accroiífen1eri~ 011 _à la légiílatio11 -de
l't1~
DES DIEUX FETICHES. 163
l't111e, & à la Go11fervati61:i des autres.
C'étoit la viétoire , Bcllo11e , la fortune
Romai11e , le Gé11ie du peuple Ron1ai11 ,
Ron1e même : c'étoit une foule de Di....
vi11ités do11t 011 11'épargnoit ni · le 11on1...
bi~e , 11i les foins ·approp1·iés à chacu11e
des ·fonél:io11s, de l'éducatio11 des enfa11s,
des n1a1. iages , des accot1chen1e11s , de la
culture des terres , de l'ceco11omie i11té-
rieure du rµénage. Auffi \Toit ~ 011 · c·hez
eux bie11 n1oi11s d'i11dices qu'o1111'e11 voit
riilleurs , ·d'u11e efpece de culte qui eft la
n1àrq11e d'u11e gra11(te puérilité d' efprit•.
lls ont · cependa11t, comn1e Ies autres ,.
quelqt1efois payé à l'ignora11c0 ce tribut
(le F·étichifi11e do11t prefqu'aucu11e 11a-
tio11 11'a p11 s'exei11pter pe11da11t fo11 e11-.
fu11ce. Deux-poteat1x aífen1blés d'u11e tra-,
vcrfe , qui depuis s'appellere11t Cafror & .
P0Il11x, ·faifoie11t l~t1ne de Ie11rs Divi11ités~
ll cíl: bie11 fi11gulier q11e. les Chi11ots , de~
leu1 s -pren1iers fiécles , aJ e11t ei1. 1:111e~ pa7 _
4
1

~ reille
J 64 n .u · e u L T E

reille fo1·me ·de Di vinité. 011 lit ·da11s
.les -ext1·aits de leurs plt1s a1icie11s livr·es,
doiu1és par Mr. des·. Hautes-Rayes, ,,· que
,~ -Hie1ie-Tuene, au ·tems du -9e ki, joig11it
,, e11femnle detlX piéces ·de bois , }'u11e
,) pofée d1 0it , l'autre .e1i t1·avers , afin
4

·,, ·d;ho11oier le Tres-·Hà11t, & que:c'eft


,, de ·:là .qu'il s'appelle Hiene-'r1tene; le
,; bois traverfiet fe 11on1n1ant Hiene , &
,, celui qui eft pofé drÇ>it ·:tuene. '' Oi1
rie p·cut s'en1pêche,r d'êt1·e . éto1111é que
des ·natio11s & des fiécles.. ·fi difrans ~fe
I

foie11t renco11tré~ f ur Uf:le parej lle _idée.·


Le b·ois traverfé· des. Romains étoit u11e
. .

· imitation du Die11 .des · Sabi11s


. , .fo1"n1é
.

par une piq~1e tra11fverfa1e 'fótitenue


fi1r del1x autres piques plai1tées debott't
e11 plei11 air, '& 110111n1ée de f011 .11om
p·ropre Q!tiri111,1s le Piqitier, ·con1n1.e le
peuple fe 11ommoit auffi Q..uirites , e~ d.
les Piquiers.

-
DES D1E:ux FETICHES. I65"

Q..uod Hafta Qui1~is prifcis eft clie!a Sabinis . *

Le Diet1 Mars des .Ron1ai11s , dit \Ta1·-


ro11 , t étoit u11. javelot~ ,) Ei1core e11 ce
,, ten1~, di't .Jufri11 , § p.arla11t de la fo11~ ·

,; datio11 de Rome , les R·ois au liet1 de


,, Diadê1ne portoie11t u11e javeli11e pour ·
,, n1arque ·ae fouverai11eté. Car des les
,, prenuers . .íiécles. l'a11tiq11ité adoroit
,, des javeli11es au lieu des Dieux i111~
,, mortels : & c'eíl: <;n n1é111oir.e de cet . .
,, te a11cien11e Relig·io11 q11e ·1es · fratues
,, des Dieu:x. ont _aujourd:l1ui d·e.s la11-.
,., ces~
. ''. Le. F,1u11e & le Pive1·t des Rois .
Lati11s., les oifeaux augures de ,Ron1ulus,
le bouclier·a11cile . de Numa, le So,,,01-·it.liJZ
'

tigillum de· Tullus .Hoftilius:·, Ie clou .fi~ ~


ché. dan_s le p_oteau · e11 tems. de pefr.e , . les
po111éts- ·racrés & les. frayeurs qu'ils i11{:..
piroie11t · eri refufant la ~11ou1·l·iture offe1·:- ·
te,
* 0, id.
1 Fafi. L. V. t Ap. A1·1lol1.
j Jufti11. XLIII.\ 3.. ... . ... ·
I65 D U C U L T E.

te, l'opi11io11 fut· les a11in1aux de bo11~


ne ou de n1auvaife re11co11tre , les pier-
res de to1111erre ton1bées du Ciel , do11t
parle Pli11e *, qu'on i11voquoit pour obte-
11ir 1111 he11reux fucces da11s les e11trepri-
fes militaircs , paroiífe11t ê·tre autant de ·
n1arq11es de la n1ên1e c1·oya11ce. Je pour- ·
rois e11co1·e ra11gcr da11s cette claífe u11e
a11cie1111e pierre qui fe voit à Ron1e au
pied du n1011t Palati11 ft1r la .Í:'lce 011po. .
fée au ·Tibre, & qu'o11 appelle Bocca di
'VCrità, parce que la tradition porte qu'el-
le a été autrefois e11 vé11ératio11, & qu' el- ·
le re11doit des 01·acles. C' cfr une pierre
ronde en forme de F étiGhe , pe1·cée au
nul.ieu d'u11 trou 0\ ale· affez groílier.
1

Mais je 11'i~1fifle pas beauc<?UP fur cette


conjeélure, 11c la voya11t fondée q11e fur
u1:ie traditio11 1Jopulaire , peut - êtr·e peu ·
digrie tle foi. Parmi les pierres adorées,
·. , il
. ,

' .Pli·)I.,
.
'
XX-X\71I, 9,
'

DEs D 1 E u x F E T I e H E s. 167

il y e11 avoit quelques-u11es de celles que


les Phyficie11s appellent HyfiérolitlJes , ~
ou la 1iát11re en les forma11t avoit im-.
prin1é u11e · efpece de figure de boucl1e
ou du fexe fé1ni11i11. U11 favant n1oder-
11e remarque que le céleb1·e Bretyle ap-
pellé la n1ere des Dieux étoit de cette
der11ie1·e efpece : ce pouvoit être u11e en1-
prei11te pétrifiée dt1 coquillage ConclJa
Ve11e,-is; & le 11on1 de n1ere des Dieux
a pí1 ve11ir at1ffi de cette figu1·e rélative
à la gé11ératio11. Le n1ên1e Auteur oh-
ferve e11core que pl11fieurs de ees pier-
res étoie11t des Ajlroices, ou autres pa-
reilles, do11t la fuperficie fe ~rouvoit 11a--
turellen1e11t ornée de certai11es figures,
lig11es , rides , ou fac;o11- de lettres , do11t
l'i11fpeél:io11 fervoit à co11jeél:urer l'ave...
11ir. On . les· enchaífoit dai1s les n1 urail..
ou
les , d' elles re11doie11t leurs ora eles à
ceux
. . .
! Yoy. F~\lco11et! Mem. qc l'Acad. T9.~· ..1X,_
I 58., n. u. _e u .L · T ..E
. .

ccu~ qt1i lcs alloie11t ~eg,1rder. Rie11 (.le


pl11s .fen1l>lablc. e11core aux ·picrre.s bril.-
la11tes. 011 aux lai11es de 111étal , do11t
011. or11oit les Térapl1i11s , ot1 qt1e 1'011

i11fixoit da11s les 111 uraiJ les eles te111ples.


E11 Ge1·n1a11ie les a11cie11s Saxo11s n- ·
voie11t pour Féticl1es "âe gros arbres tot1f-
fus , des fources d'eau vive, une ba1·..
que, u11e colo11ne. de pierre par eux a11-
pellée lrnzinful. .Ils. avoie11t leur 111étl1ode
de divinatio11. aífez rcífen1bla11te au Tok-
.

ké des N égres .. & .aux: flécl1es tle Baby-


lo11e ; elle co116froit. da11s. les divers mor--~
oeaµx d'u11.e. bra11che d'arbre coupée e11
plufieurs . parties . de figures .t.tiffére11tes , ·
qui jettées. pêle-mêle dans u11e robe bla11...
che , -Jf. formoiet1·t par le réfultat du mé..
langé. 11ne prédiél:io11 fur le f ucces des:
entreprif es· publiques. Les. Celtes regara,·
doient commc des objets divi11s Jes chê..
nes:
· *.. Tacit. Afot. German•
DEs D I EU X F E T I C H E s. I 69
11es : le g·ui fi I:1cré pour eux , ·* & do11t
la cérén1011ie 11'eíl: pas e11care abolie e!1
quelques villes de la haute Allen1ag11e :.
les ,1rbres creux t par. lefqt1els ils fi1ifoie11t
paífer les · troupeat1x pour porter bon-
heur a11 hétaíl : de íin1ples tro11cs d'ar...
bre.s fen1blables, felo11 la defcripeio11 qu'e11
fait Lucai11 §, aux Divi11ités aétuelles ·des
Lapo11s·; fim1-1lacraque nz~a Deoricm Ar-·
te carent, cá!.fi[qt!e ·exta11t i1ifo1/0r1zia ,t·r1t11-·
eis : lcs gouffres· des n1arais , . ou les
eaux courantes· da11s lefq11elles 011 pr~ci-
pitoit les chevaux & les véten1e11s · p1~Í~"
fur l'e11nen1i, & ot\ Jes .He1·n1011du1·es,
11atio11 Ger111aine , +précipitoient les pri-·
fo11niers de guerre n1ên1e : .Jes·.lacs- ot't-
ils jettoie11t par for111e rl'offra11d·c le plus
H pré-

* Hiíl:.A11gl. TGm. XIII. p. ~ 6~.


t V. Marti11 Rel. des Ga\.ll. T. I, lJ·
§ Luca11. Pbarf. L. ~. ·
,1.
-Is Tacit. An11al. XV. . ..
.
.
170 nu eu L TE

précieux de le11r buti11, ~ tel qt1e c~lui de


Touloufe, ou les Teél:ofages
.
ª"""oie11t aby- .

n1é tant d'or & d'arge11t n1affif. N ous


a1,pre11011s de Grégoire de To11rs , qt1e •
t
d,ll1S les Céve1111es les ge11s .
de village s'~1r.·
. .

f-embloie11t cl1aq11e a1111ée pres .


d't1J_1e .

mo11tagt1e dt1 Géva11da11, fur les bords


du lac Héla11us , ou· ils jettoie11t des l1a..
bits, dt1 li11 , dt1 drap , des toi{à11s de
brebis ~ de la cire , des pai11s , des fro ..
-111ages ; ou autres cl1ofes 11tiles d~t11s leur
n1értage·, chacu11 felo11 fa dévotio11 ou

fes facultés. Le c11lte chez les Gaulois


étoit n1éla11gé con1111e cl1ez ta11t d'autres
nati.011s. · Qyoiqu'ils euífent des Divi11ités
qu'o11 peut apeller céleíles, .
tels q11e. Ta1~a11,

Bele11 , &e. & n1ême des héros 011 demi-


Dieux, tels q11e l'fle1·cule Ag·hen1 ou Og-
n1ie11, e. d. /e t11a!;,cl1a11,l ét1·a1ige1'". ( e' ~~9it u11
.:
, . -
. . . . · ...Fhé-
.

*~~A. Gell. III. 9. · · · · ·. ·. ..


t Greg·. Tur. Co11f. Glor. C. :z..

1) E s D 1 E· u x F E T I e 11 E s. 1 71

Pl1é11icie11 ), ils avoiei1t auffi ·dcs objets


t-té culte · terreíl:res~ · Ils déifioie11 t les vil-
le~, les mo11tag11es, -les fot"êts , les rivié-
1·es. *- Bibraél:e,. Pe11ni11e, Arde1111c, ·y011-
11e _f011t des 110111s de leurs Diví11ités, q11e
1'011 rettouve lia11s les a11cie1111cs i11fcrip-
tio11s. Le ten1ple qu'Augufte, dura11t fo11
tejo11r da11s les Gaules, fit élever au ve11t
t
de Ntlrd-011efl ( Ciroitts) efi, u11e bo1111e
preuve que la. :n,1tio11 à l}lli CE. Pri11ce
vouloit plaire · -' le ·~regardoit con1n1e u11
Die11. ~ ,, Ils atloroie11t .des ·,at·bres , des
,, · pierres , & des. armes. '' Nihil IJabe11t
Dritides , · dit ·Pli11e t, vifco & arbore in
qtta · gignititr ,. fi modo fit rob ttr. , ,(ac_1,.a-
tius. Jàm' per {e ·'1"Qboritm eligttnt lucos,
nec Ülla facla- fine ea fro,1de co11.ftciunt.
, ·· · · · H ·2 Le
.. . . . . . . .: .

* Le Bcet1f DiiTert. & Bouquet Prrefat. ª"t


Coll. Hifl:or. p. ; 8.
t Se11ee. Qurefl:.. ~ at. V. 1 7. . . .
§ Mem. de l'Acad. T, XXIV ..··p.· ; s·9~'
+ Plin. XVI. 44. · ~ ·· ·. -· · · ·
17i. nu eu L T E

Le 111ên1e Auteur. décrit d'u11e ma11ierc


curie11fe co111n1e11t ils s'y pre11oient pour
avoir l'ret1f du Serpe11t,. efpece de co11cré-
tio11 anin1ale de la 11ature du Bei:oar: ,
do11t 011 va11toit la vertu pour avoir ae-
ces at1pres des Pri11ces , & gagner - de~
proces. 11 raco11te t les cérén1011ies qu'ils
e111ployoient pour cueillir le Selago ( la
Sabi11e) & le Sa11zols. Ces der1~iers poi11ts
appartie1111e11t aux taljflll_a1,s .
& à la mé-
deci11e , do11t l'ex~rcic~ ·_eft -pour l"or~i-
11aite cl1ez les pet1ples. fauV"ages u11 aél:c
de Ileligio11. Les n1reurs 11ouvelles qu'ap-
portere11i les Fra11cs ·Iors· de la. co11quête
du pays., 11'avoient -rie11 qµe. d'affez· ~011-
!o.rfi?.e. à e~~ . u.f~ge~. t ,, Leurs ·Divinit~s-,
dtt· encqr~ .Gi;égoire :de Tpµrs, .,, étoi.ent
,, l~s élé1ne11s., les bois , les eat1x , les
,, . oifeaux
.
, & les b.êtes. <&: Lors mên1e
1
. \

.que.. 1 ••

.
.. .

* J?linl XXIX-.. ~- XX:IV. 1-x •. . .


t Idem Híft... II. i o. ... .

-·. •
DES DIEUX FETICHES. 173
que les Ga11les étoie11t Cl11"êtie1111es, les
Evêques étoient oblígés de deffent1re
qu'on n'allat a11x fontai11es & aux a1·-
bres f:1ire ufàge des philaéteres. U11e *
épée 11ue étoit e11core u11e des Divi11ités
t
Caltiques ; coutume fen1blable à celle
de Scythie, ot\ 1~011 adoroit u·11 cin1e-
terre , ,& .:culte :fort -11aturel aux Sauva-
ges, do11t la ·guerre eft ··prefqt1e l'u11ique
en1ploi. ·sur quoi il a plu a·ux Ro111ains ,
qui ·raporte11t tout à leurs propres rites ,
de .:dite que les :Gaulois adoroient Ie
Dieu Ma~rs ~: :Càínme ils ont aufii avan-
cé que bis ou ·Pluton étoit le p1·e111ier
auteur de la race Celtique : § Ab Dite
patr·e fe prognatos prtfdicant , parce qt1e.
le 1not Tit, qui 11'efi e11. la11gue des Cel-
. .

te~ qu'u11e tradt1élioi1 du n1ot Lati11


l)ate1·, efr. le mên1e que le n1ot Dís ,
I-I 3 11on1
.
* Marti11 ibid. . t ·Clem. Alexa11dr.
j C~fai·. Bell. Gall. L. l.
1~.,
. · ''t D .U C· U L 1.' E

nom qt1e Jes Ro111a.i11s do1111oie11t à Plu-


to ll let1r Dicu des E11fers. . . fo11t fi
.. I.ls

-tort da11s l'I1:1l1itt1de , ~1i11G que .lcs Grec~,


d'ôter atlX Di\ i11ités étra11~tê1·es leurs \Té ..
1
.:> .

ritl1b Jes 110111s , po11r les revé_tir de ceux


de lcurs propres Dieux, qt1'i.l 11e fe111l>le
1

pas qt1'il leur foit jan1ais ton1bé e11 p.en-


iee q t1e les . Dieux d'u11 pays 11':étoie11t
pas ce_ux d'u11 autre. C'eíl ai11íi qu'i.ls
défigt11·et1t tout ce qu ,ils 11ot1s appre1111~11t
dcs Re ligions étra11ge~es , & qu'ils b~ouil..
le11t tous les objets , poµr .peu qu'ils
trouvent de ~effemblanc~. ~n:r: les :11on1~
ot1 les fo11ét1011s des D1v1111tes barba1·es
1
·
. .

& des .le·11rs ; ce qui 11'e[t pas difficile à


ret1co11trer., p11ifqlte partout elles (e. ra-
porte11t aux défirs & aux befoins : des
hom~nes. Des-1ors il fat1t bien qu'elles
fe reffen1ble11t. Mais con1n1e11t des Di-
. .

vi11ité's locales & f,111taftiques , que cl1a.


q11e peuple ~e forg~oit .. à fa gtiife, po~r..
roic11t'· - elles être ide11tiqt1en1e11t . les ·111ê--
.

n1es
DES DI EUX FE T I C H E s. 17 f
1nes da11s u11 p,tys & ãã11s u11 autre ?
Les gra11ds cl1é11es étoie11t fi bie11 pour
les· .Celtes u11 Jieu d'ado1"atio11 y que le
11on1 de cet arbt"e Ki,"h , 011 fclo11 la
pro11011ciatio11 ]atine RJte1"cus , :it de,,e-
nu da11s lcs lí.111gucs dérivées du Celti-
que ou.-de l'a11cie11 Gern1a11iqt1e, lc n1ot
er11ployé pour fig11ifier Te111ple ot1 Egli-
fe. ,> Tels étoie11t, dit Pline à .ce f11jet,
,> les a11cie11s te111ples des Dieux·: .· &
,, n1ên1e au jourd'hui dans les · ~ampa..
,, gnes , Oll la fin,plicité des n1reurs
,, co11ferve les a11cie11s rites , ~11 y con-
'' facre Ies beat1x arbres. L'adoration
,, ll'eft pas plt1S pure dat1S l'encei11te
.. des
,, édifices e11ricl1is d'or & ornés . .de fia-
.

.,, tt1es d'yvoire , q11'eI1e l'efr au n1ilieu


,, des bois & da11s le fei11 du file11ce.
,, Chnque efpece d.'arb1·e co11(erve tou-
,, jo111·s f011 à11cie1111e co11fécratio11 .à
,, q1.1elqu'u11 des Dieux; tel efr le chê-
'' 11e co11facré à Jt1.piter, le Jau1·ier. à
. H 4 - ,, A1:1ól...
176 n u e u L T E

,, Apollon, le pe11 plier à Hercule, le


,, · n1yrthe à Vé11us , l'olivier à Mi11er-
'' ve. '' * Pli11e auroit pu ajouter , ,, &
,, ce que les Dieux fo11t aujourd'hui ,
,, ·1es arbres n1ên1e l'étoie11t autrefois. ''
1VIaxin1e de Tyr t llOUS l'apre11d tres di-
ferten1ent , en difa11t , ,, que les Gaulois
,, 11'avoie11t d'autre ftat1ie de Jupiter
,, qu'u11 gra11d chê11e. '' N'ometto11s pas
de dire néa11moi11s, que quelques-11nes de
let1rs cérén1011ies religieufes étoient ré~
lati ves à de plt1s fai11es idées de la Di..
vi11ité. Pli11e le dit e11 propres termes d~
celle du gui facré : precantes ut fuum
elonitm Detis p·rofperum faciat IJis qr-tibus
' .

Jederit. 1VIais n1algré cela• les efprits j11f:


. . '•
tes a11ront touJours · pe111e a co11ve111r .
que tai1t de· pratiques co11ftantes puif-
fe11t fe concilier avec l'opi11io11 de quel-
qtles
* x.
P li11 •. XII.
t Maxim, Tyr. 0-rat. ~s .
. -
DES DI'EUX FET'ICJIES. ·177
ques. fGavans, ·qui, e11 co11\1e11a11t des faits,
11e voudroie11t les raporter qu'à de n1eil..
leures , 1í1êi , & e11 co11clure que les.
Gaulois n'avoie11t e11 cependa11t que la
Re1igio11 i11telleél:uelle d'·u11 feul Dieil ;
11otio11 qu'on 11e trouve 11ulJe part e11
fa pureté chez des fa11vages, 111tr11e chez
ceux qui con1me ]es Gaulois & con1me
partie c.lcs Américai11s croye11-t -que l'an1e
11e n1eurt pas avec le co1. ps ; & qu'a pres
fa féparatio11 elle va habiter le pays des
an1es. ( *) C'efr f1.1r des faits tout fin1p1es,
H ) . &·
.( * ) Q\1e 1'011 me permette à cette occa-
fion de dire ici mo11 fe11time1)t e11 l)eu de 111ots
fur u11 poi11t importa11t de la Relig·io11 des Ga1.1-
lois , fur lequel d,habiles g·e11s fo11t 11artag·és.
Da11s lc1.1r opi11io11 f11r 1'état des ames apres la
mort , admettoie11t -ils le liog·me de la 1nétem-
pfycl1«>fe co1n111e certaitJS Orie11taux? ou croy-
oient-ils q1.1'el.Ies alloieut l1~lbiter , foit le p,iys
des .imes com1ne les Sau\ ag·es du Cartada, foit
1

1111e Cour guerriére, telle à peu 1)res ql1e la


Co11r d'Odi11, comme les Sa11vag·es S-epte11trio-
naux de l~Europe? car 011 eft lJie11 d'accord c1tre
les Sai1.vages e11 ~1netta11t·l'1-1n1nortalité d.e I'a·
1ne
178 D u e u L T E

& furdes 1. aifo1111cn1e11s beat1coup n1oi1is


détour11és , que le 111ê111e .Pli11c s'écrie, à
l'oc-
mc 11"õ11t cepc11d~111t' 1111lle idée de fa f pirituali-
té : · telle eft le11r i11co11féq11e11ce. Par_ tout ce
. q11'01111ous r~\l)C,rte C.111 rite f1.111eiJre d~~ Gal.1lois,
tout-a-f:1it fe1nblable à ce1ui des Sau\íag·es , il
1ne p~iro1t c1d.ir q11'il~ te11oie11t la der11iere de
ces deux opi11io11s, quoiqt1e les al1tel1rs ci - a-
pres cités, qui 11'a,,,oie11t 11ulle idée du pays des
·a1nes 11i de la Cot1r d'.Odi11 , 1nais qt1i co1111oif-
foie11t fort l)ie11 le dofl111e de l~\ Métempíycl1.o-
r~ , aye11t for1nellc1ne11t co11cl11 de ce qu'ils 1·a..
co11te11t q11e les G,lt1lois éto·ie11t da11s le premier
fe11ti1ne11t. Les a11cic11s
. écri,1 ai11", faute d:e .co11-

;noiffi111ce , 11e trou,7oi~11t ·1j~lS de ·co11for111ité

:p111s ap11arc-11te, & ils raifo1111oie11t e21 co11fé...


que11ce : 111~1is let1r r~tl)lJOrt mên1e re11cl ~ujo11r-
d'l1ui lcur erreur facile à reB:ifier·. ,, Ils 01Jt
'' reçu cl1ez CtlX' dit Di.odore l .. ~. 11 .. ; 06. l'o ..
,-, pir.1io11 de.Pytl1~ig·ore,felo11 laq11elle les .. a1nes
,, ht1mai11cs fo11t i1n1norte lles, & apres -t111 cer-
,, tai11 te1ns revie1111c11t à la vie da11s · d'autres
,, cor1)s.. C'cíl: pot1rqt1oi- da11s les ft111erailles
,, eles 1nort'>, cl1acl111 fe fert tte l'occa"íio1i po1~r
,, écrir·e
~ ..
à
. , fes pare·11ts déft111ts ; &· les lettres
. '
,, fo11t Jette..!S da11s le bl.1cher pot1r parvc111r a
,, -J.et1r defti11atio11. '' ,, Je raporterai u11111ot,
dit Valére Maxime, 11. 6. 10. ,, d~t111e ct·e leurs
,, cot1t11111es fi11guliércs. P.erfuadés ·co1nme_ ils
,,. le fo11t de l,iilllnoxtalité ele l'ame, ils. prête1lt
· · ·,,de
.
D Es D I E U X F E T I C H E S, I 79

l'occafion ~e ]a p1·ofo11de 'vé11ératio11 des


H 6 Gat1-

,, de l'argent à co11ditio11 qu'il leur fera ren.du


,, da11s l'at1tre 1no11dc. E11 ceei je les taxerpis
,, "i'être .i1~fe11fés , fi Pythag·ore 11'eút dé.bité
,, les mê1nes folies fot1s fo11 ma1:.teau, que
,, ce11x- ci fo11s le11r court · l1alJit barlJare. ''
,, Ils ,,e11lc1:t ft1rtout 11011s i:crfu~tder ·, dit
GceJ·'·2r VI. 14. ~ 19. ,, q11e les an1es 11e mci1--
,, re11t pas , & qu"apres la 1nort elles paffe11t
,, d'tlI1 }1omme à llll autre. lls jllffe1Jt
. .
cette
,; opi11io11 tres pro1,re à ·1·elever le courag·e ,
,, & à i11f1)irer le mépris· de .la 1nort. ·Leurs 0b-
,, f éq11cs fo11t mag·11ifiqt1es &. t-le grande. dé-
,, pe11fe. 011 jette cla1iS le btrcher to11t ce Citli
,, plaifoit le 1,I11s a11 défu11t llt1ra11.t fa \+ic ,
,, mê1ne Ies a11i1nat1x. Il 11'y a l'JS lo11g·tc1ns
,, ql1'011 bruloit at1ifi avec Ie mort les efcla1(es
,, & les clie11s qu'il avoit le 1nieux ai1nés •. ''
,, No11s. co11noiíl'o11s u11 de le11rs dog·mcs, 'dit
Mela III. 2. ,, fça\ oir que pot1r re11dre les
1

,,· l1ommes pl11s ,railla11s ,. les Drt1idcs. let1r


,, e11feig·11e11t que les ames font i1nmortclles,
,, & qu'il y a t111e autre vie c:hez les Ma11es.
>' (;'eft po11rquoi lorfqt1'ils brule11t Oll i1)l1n-
,, me11t les. morts, ils· y joig·11t=·1::t lei chofcs
,, · 11éceffaires au fervice · dcs vivans: ils reJ1-
''· voye11t même quclquefois. à l' autrc yic .les.
,, .,décom_ptcs d'affaires & le payeme11t_des det-
,, tes.. 011 e11 a· vu qt1i fe jettoie11t dai1s Ie·
,., bucl1er de lci1rs pa:re11s ou c\e leu1·s amis, po11r·
,, a1lc.t
180 D u eu L T E

Gaulois pour de tres petits objets : Tan-


ta
, , aller co11ti11'l,er de vivre ave e ct1x.

Ils penfe11t que des corps les ombres divifées


Ne vo11t pas s'e11fer1ne1· da11s le! cha1nps Elifées,
;Et 11e co1111oiffe11t point ces lieux i11fort1111és,
Q1.1'ià <-i"éter11elles 11t1its le Ciel a co11dan111és.
De f 011 corps 1a11g·tuffant wie ame f éparée
'
S'en va re11aitre aillet1rs e11 l.111e at1tre co11trée:
Elle ·cl1a11g·e· de vie a~ lieu de \a laiífer,
Et 11e fi11it fes jot1rs q1.1e 11our les com1ne11cer.
De ces 11et1ples dl.1 Nord agréal)le i1npofturé !
La,.frayet1r lte. la 1nort,des frayeurs la pl\1S dure,
.
N'a ja1nais fait })1lir ces fiéres 11atio11s,
r

Qt1i trot1\."e11t le\1r bo11l1e1.1r da11s let1rs illl.1fio11s.


De là 111.1.it ~la11s let1rs cceurs c:ette brilla11te e11vie
D'affro11ter l111e mort q11i do1111e u11e at1tre vie ,
De brave1 les périls , de cherche1· les combats,
1

01.1 1'011 fe voit 1·e:11;1itre au milieu du t1·ép,as.


Trad. de Lucain I. I.

D. Bo1_1q\\et a raífo11 d'obferver qt1e de te11e~


pratiqt1 ~s excli1·~11t plutôt ·qu'elles 11:iad1net-
1

te11t lc dog·111c c.ie la Méte1nrfychofe. Co1n1ne11t


po11rroic11t-clles Cll effet s~allier avec u11e tra1~-
m1-
D ES D I EU X F E T 1 C H E s. I 8I
ta gentittm in rebits fri1Jolis pler1,tnque
religio. efl.

mig·ratio11 des ames qt1i les fait repaffer par
l'e11fa11ce da11s les cor1Js de to,.1tes fortes d'a-
11imat1x ot1 d'hom1nes de tO'llt état. Au co11-
traire , la préca11t.io11 d'e1n1ne11er avec foi fes
a1nis , fes efcla.ves , fes ar1nes , f e-; cl1e, a11x ,
1

fes véte1ne11s , & a11t1·es cl1ofes 11éceITaires aux


ufag·es de l'l1om1ne, le foi11 d'e1nporter des
lettres pot1r cet1x q11i fo11t déj~t pa.rtis, &. d'y
a!Iig·11er le 1,aye1ne11t de l'arg·e11t })reté , s'ac-
corde11t à 1ncrveille a,·ec l'i~lée q11'011 va re-
\ijvre tol1S e11fe1nlJ le tia11s u11 at1tre pays co111-
me 011 a \Tect1 , , & s.) occt1per d es 1ne1nes
I\
cx-
ercices. Les Celtes étJie11t 1111 peuple à de-
mi fauva.g·e. 11 eíl: 11att1rel de retro11".1er cl1ez
eux le 111etne fo11d de pe11fée que cl1.ez plu-
íie11rs at1tres fat1v~,g·es, & affez ap1)rocl1a11t de
cel\1i.. des 11atio11~ Septe11trio11al~s & g·11ert·ié-
res, do11t la croya11ce co11te1111~ da11s l'E<.ida
& da11s lel1rs a11cie1111es 1)oefics f e1nble e11 ce
poi11t avoir été co1nmu11e à l.,E11rope barba~
re : ca1· Lucai11 s"expri1n~ ià-dcfft1S e11 g·é11éra1 :.
popi,li q_ztos {le.fpicit At aos : Ol.1tre q11'il y a
bie11 d'autres cl1ofes da11s la M ytl1olog·ie de
l'Ed'-ia, do11t les traces reparoifíe11t jufqu~·s ·cl1ez
les Pél~ifg·es , & da11s la Grece- l)arhare , ot\
s'eft ,faite la jo11éti~11 ·des idées Ori~11;t~\les a-
vec les idées Earopéa11es.


isi o u e o L 1· E


. ·.,, 1 .... ..,,"'l 1•,x ')1~··4-. ·, ,. L -...~, .... """ ., \ • - .. ·,.,. •··. , · ~ '

S E C T I O N I I I.

Exa1ne1i des caz![es azl,xq1telles 011


attribzte le Fétichifine.
'

de faits. pareils, ou dt1 mê-


A11t
n1e ge11re, établiífe11t avec la dei·-
11iere clarté , q11e telle qu'eft au jo11r-
d'I1ui la Religio11 des Négres Africai11s
& autres Barbares, telle étoit autrefois
celle des a11cie11s pcuples; & que· .c'eft
d,111s to11s les íiécles, ai11fi que par tou-

te la · terre, qu'o11 a vu rég11er ce culte


di1·ecl: re11àu {àns figure ,1ux produélio11s
a11imales & végétales. Il fuffit d'avoir
établi le fuit par u11e . foule de preuves..
011 11'eft pas oblig·é de re11clre· raifo11
d'u11e chofe ot\ il 11 'y · e11 a. poi11t_ :. &
ce feroit, je pe11fe , aífez i1111tileme11t
qu'on en· chercl1eroit d'autre que la .crain-
te
D ES D I EU X F E TI C H i s. I 83
te · &· la folie do11t l'efprit · I1t1t11ai11 eft
ft1fceptible, & ,1ue la fc1cilité q11'il a da11s
de tclles difiJoíitio11s à e11fa11te1· dcs f11-
pe1. ftitio11s ele toute efpece. Le F éticl1if-
111e eíl: clu g·e11re de ces cl1ofes fi t1bfL1r-
dcs qu'o11 pe11t dite qtt'elte·s 11e ]aiíle11t
pas 111ên1e de prife au raifcJ1111e111e11t qt1i
vot1droit les con1battre. A p I11s forte rai:.
fo11 feroit-il diJ-licile d'allegt1cr des cau ...
fes p laufi bles d't111e Doétri11e fi · i11fe11..
fée. Mais l'in1 poi1ibilité de la ptlllier aux
yeux raifo1111ables 11e din1i11ue riei1 de la
certitude clu f[lit, & ce feroit aíf11rén1e11t
pouífer l~ Pyrrl1011ifn1e l-1:iil:orí~1e ,lu-de-
là de toutes bor11.es , qt1e de vot11oir nier
la réalité de ce culte íi111ple & dircél: e11
Egypte & c}1ez · les N ég·res. Les peuples
011t pu fe re11co11trer éga.len1e11t fur ces
abfurdités , ou fe lc~ con1n1u11iquer les
u11s .iux autres. Le voiíi11age de l'Afri...
que •& de l'Egypte 1·eL1d ce der11ier poi11t
fo1·t vraifen1blable ; foit que les N oirs
'
lCS
I84 D U C U L TE

les euffe11t rec;us des Egyptie11s, ou q11e


ceux - ci les ti11ífe11t d' et1x : car 011 í:1it
que l'Egypte avoit e111prunté ,ie l'Etl1io-
pie u11c partie de fes plus a11cie11s ufa-
ges. Mais d'autre part , qua11d on voit,
da11s des fiécles & da11s des clin1ats fi
éloig11és , des l10111.n1es , qui 11'011t rien
e11~r'eux de con1111u11 que Jeu1· ig11ora11-
ce & ]eut· barbarie , avoir des pratiques
fen1blables
.
, il cfi e11core plus 11aturel
d'e11 co11clure q11e l'l1on1n1e eíl: ai11íi fait,
que l,1iffé da11s f011 état 11aturel brut &
(1u vage , 11011 e11core forn1é pat· aucu11e
idée réfléchie ou par a11cu11e in1itatio11 ,
il ·efr le n1ên1e po11r les n1re11rs primi-.
ti,1 es & pout· les faço11s de faire e11 Egyp-
te co111n1e aux A11tilles, e11 Perfe con1. .
n1e · da11s les Gaules : partout c'eft la
n1ême 1néca11ique d'idées ; c.l'ou s'e11fuit
celle. des aél:io11s. Et íi 1'011 eíl: furpris
f11r ce poi11t particulier , q11i paroit. e11
effet tres . étrà11ge ' íi 1'011 s'éto.1111e de

vo1r
D Es D I E lJ X F E T I C H E s. l 8)
voir le F étichifn1e répa11du chez tous
les peuples groffiers de l'u11ivers , da11s
tous les ten1s , dans tous les lieux ; il
11e faut pour exp1iquer ce pl1é110111e11e
que le rappeller à fa propre caufe déjà
citée : c'eft l'u11iforn1ité co11ftante de
l'hon1n1e fai1vage avec lui - n1ên1e; fo11
creur perpétuellen1ent ou,1ert à la crai11..
te, fo11 an1e. fa11s ceffe avide d'efpérar.t-
ces , qui llo11nent u11 libre co11rs a11 dé.-
réglen1ent de fes idées, le porte11t à n1il...
le aélions dé11uées de fe11s ; lorfque fon
efprit fa11s culture & fa11s raifo1111ert1ent
eft i11capable d'appe1·cevoi1" le peu de liai-
fo11 qui fe trouve et1trc t~!1·tai11es caufe.s
& les effets qu'il e11 atte11d.. Puifque
l'011 11e s' éto1111e pas de_ voir les c11fa11s
ne pas élever leur efprit plus haut q:ue
leurs poupées , les croire a11imées , &
agir. avec
.
elles e11 co11féq11e11ce, 1)ou1·q11oi
1
s'éto11neroit-011 tie ,,oir des pet1ples, qui
paífe11t confran1111e11t leur vie da11s u11e
co11~
1sq nu eu L TE
co11ti11t1ellc e11fa11cc. & .
'}Ui 11'011t jan,ajs.
plt1s de quatrc a11s, raifo1111er fa11s aucu... •

ne jufieífe , & agir con1n1e ils 1·aif011-


11e11t ? Les ~fprits de cctte t1"en1pe fo11t
les pl11s comn1u11s , 111ên1e .
da11s les fié..
eles .éclairés , & parmi les 11atio11s .civi~
Jif.ecs. Auffi. cette cfpece d't1fagcs dé- .
r.aif011nables ne .per d - il pas da11s . u11
pays e11 1)1ême proportio11 que la raifo11
y gagne; furtout qua11d ils fo11t co11-
facrés
.
par
.
u11e habitude _i11vét.érée & par
. '

u11e pieufe. crédulité. Le11r a11tiquité les


. ' '
n1aintie11t cl1ez .une. partie de la 11a.tio11,
ta11dis que peut- être l'autre les tour11e
e11 ridicule : elle les 111éla11ge n1ê.m~ à
d',it1tres cultes don1inans ,. & à de 11ou-
, . .

yeaµx. .dogn1es pofrérieuren1e11t rec;us ,


1 • •

con111~e..
il eft arri vé e11 Egypte.
.
E11 u11 '

n1ot · .il .e11- eft dú F éticl1ifme con1n1e de


'
,•

la .Magie, fur laquelle Pli11e ren1arq11e


qu'elle a ét~ 11aturelleme11t . .
adoptée I
par
.des 11~1tio11s .q11i 11'avoie1.1~ 1·ie11 pris l'u11e
. ~


de
DEs D 1 Eu x F E T 1 e H E s. 137 •

t!e l'au trc ·: arleo fjl,i toto · 1;.itt1'lrlo co11fe11.-


je,·e , q1,ta11qt1a1Jt difcol·di ./ibi f:5 ig,ioto.
A11 1·e{1:e je 11e \ 0is p,1s pot1rqt1oi 1'011
7

.s'éto1111e fi fort qtic cert,ti11s pcu 11 res aye11t


divi11ifé des a11in1aux , ta11ciis qL1'011 s'é-
to1111e bcat1coup n1oí11s q11'ils ayc11t di,1i-
nifé des hon1111es. Cette ·fr11·prife ,- cctte
diífére11ce de jugeme11t qu'o11 y 111et, n1e
fe111ble 1111 effct de l'an1õur p1·opre qt1i
agit fourdement en 11ous. · Car malg·ré
.Ia hat1te prééminencc de la nature c.le
.
l'l1on~me
. .
'
fur celle des anin1aux , il .
y a
dans le fo11d auta11t de· difta11ce .de l'u-
• J

ne . que de l'autre jufqu.'à la 11atur~ di. .


vine , c'eft . . à .. dit"e 1111e égale impoffibi...
lité d'y arriver. U11 l10111me ne pou\ra11t
,pas . p.ti1s qu'un
. lio11 deve11ir 1111e Divi~
' .

_11ité,
.
c'eft u11e faço11 de -pe11fer auffi dé- .

raifo1111able da11s ]a 11::1tio11 qui Je préte11d


de l'u11 · qt1e da11s ce lle qt1i le préte11d d.e
l'aut1·e. ~~pe11d,a11t 011 11 e f~it nulle dif. .
fi.c11lté d'avouêr qt1e des 11atio11s tres civi..
li..
,.
iss ou eu L T·E

lifées, tres i11irruites , tres fpirituelles , tel-


les que les Grecs, lcs Ron1ai11s & ics Egyp-
tie11s n1ên1es, 011t dé'ifié & adoré des l101n..
n1es n1ortels; e11 n1ê111e ten1s qi1e l'on fou-
tient que ce feroit fai1Ae totAt à la ju{le idée
qu'o11 doit avoir de la f:1geífe Egyptie11ne,
& qu'elle n1érite e11 ·e.ffet à beaucoup d'é...
gards, que de di1·e que ce 1Jeuple a 1,ure-.
\ .

me11t & fimplement dé:ifié··& adôré des a-


nin1aux. Mais·à mo11 fe11s, toutcs ces efpe~
·ces d'ido1atries:f011 t ·également déraifon11a-
.bles; ·& ce que j'y tro·uve d·e plus étrange,
t'eft que ces 11ations :fi va11tées , '& fi
dig11es de l'~tre .fur tant de poi11ts , fe
foie11t .figuré d'avoir le }?ou,1oir de co11-
férer 'Ja di v i11ité & d' élever ·dcs ·êtres
morte1s a11 ra11g des Diet1x. 'C'eft pour-
ta11t ce qui efr autrefois a1Arivé cl1ez tn11t
de 11atio11s fpirituelles & philofophes qui
a,1 oie11t l'ufi1ge ~des apothéofes.
· Ja4ei SGava11s n1oder11es qui 011t traité
.. cet-
n E s D 1 Eu x F' E TI e H Es. 189
cette n1atiere, e11 conve11a11t des faits ,
11ie11t les co11féque11ces. *' lls ne den1eu..
re11t pas d'acco1·d que le culte re11du aux
,

a11in1aux fC1t u11 cu lte direét , 11i que


chaque a11imal facré fut pris po11r autre


chofe que pour fyn1bole de la Divi11ité
qu'il repréfentoit , & à Jaq11elle il étoit
dédié : quoiqu'ils 11e fuífc11t pas di.fficul..
té d'avouer, que le vulgaire , aveugle
con1n1e .partout ailleurs, & do11t la fac;o11
de pe11fer 11e doit nt1lle part décider du
dogn1e, s'arrêtoit à l'écorce & à l'ob-
jet vifible. Selo11 leur opi11ion , l'Egyp-
tia11ifn1e a cor11t11encé p.ar être une Re-
íigiot1 pure & i11telleél:uelle. Mais les
hon1n1es peu Íé.lits. pour le cu lte . abfirait
& n1e11t,1l, fufceptiblçs d'être touchés des
objets qui affeél:ent leurs fe11s , p1·ire11t
d~abord les afrres. pot1r ·types viíibles· de
la
.
+ &: Ba-
.

* Vid. Voff. de IdololJ L. ;. &·


11i~r. Mytl1ql. ~'! . Vl~ _ -~. ,4.
I90 D U CU L TE

]a, Di,1inité i11\1 iíible, & 11e tarderent pas


à· les adorer
.
· e11x - 111ên1es
.
: car il · 11'eíl:
g11e1·es poffible de 11ier que le cu lte re1i-
du aux afi1 es 11e fíit u11 c11Jt·e di1·eél:.
4

E11fuite ils éte11dire11·t cette repréfe11ta. . ·


. .

tio11 typique aux objets terreíl:res 11at11-


rels a111més , i11a11in1és , ·e11 Ull n1ot à
toute p1·oduétion de 11-t 11ature féco11de.
U11 petit 11ombre de ge~1s fages 11e per-
dit pas de vue la rélatio11 ·a1icien11en1e11t
établie, & rappot"ta · fo·11 hom:n1age· à l'E-
tre ft1prên1e auteu·r de toús lés Etres ;
. .
tandis que la Religio11, d'i11telleél:uelle

q11'ell;3 avoit étê, de,,i11t à pcu pres ma-


térielle pour Ie refie· du. n1'011de. Voilà
·fel~11 eux quel doit 'avoir 'été le progres
du Paga11ifn1e. Mais il me·· fen11>1e · q11e
cette faço1~ d~ raifon11er prend ·1'i11verfe
tle l'ordre 11aturel des chofes. Q!Íe l'on·
111e pern1ette de 111'expliqt1er à cet égard.
· . 011 _di~ . c~~~~1unén1e11t .·que. t(?tl_s. · les
1Jeuplcs ont cu les vêritables idées -d'u11e
Re-.
D Es o· i Eu X F E T I e H E s.
Religio11 i11telleél:t1elle, ·q11'ils c>11t e11fui-
te tout- à- fait. défigurée par de groffié-
res fuperfritio11s ; & ·qu,il 11'y a pas u11e
11atio11 f ur la terre· q11i ne s'accorde dans
l'idée urtiverfelle de l'exifre11ce de Dieu.
Ces ·deux propofitio11s fo11t · tres vrayes
da11s le fe11s ot\ elles doi \re11 t être pri..
fes , & que j'expliquerai bie11tôt de ma. .
11·iere à. les foliden1ent p1·ouver : mais
j,ofe dire qu'elles fo11t pe11 co11forn1es à
la vérité da1is le fe11s ot\ 1'011 les ava11-
ce càn1n1u11én1e11t. Elles 11'011t pas · be...
foi11 d'être appuyées de· raifoi1s peu con-
clt1a11tes ; ·& ce fcroit_ let1r fai:re tort qt1e
çle vouloir les fo11te11i1· par des argun1e11s
co11traires à la · i1att1re· des cl1oies &
dénie11tis par les faits. L' erre11_1.. à- cet
égard vie11t , ce. n1e fe111ble , de cé que
1'011 co11Gtiere ici l'hon1n1e con1 n1e il eft

p·ren1ieren1e11t forti ·des mai11s ·de [011


ct'éateur. , e11 ·état de raifo11 & '. bien i11f:..
.

truit_ par la(·boi1té di"t1i11e atl lie11· qu'il


1
;

llC
...

192. n u e u L 1' E·· . .

ne faut co11Gdérer le· · genre· l1umain que-,


poíl:érieure111e11t à fa deftruél:io11 prefque.
totale, & au châtime11t n1érité, qui re11ver..
fa11t la furface de la terri, & aboliílà11t par- . •

tout., l1ors e11 un feul poi11t, les co11noiífa11- ·


ces· acquifes , prodi1ifit u11 11ot1vel, état
des chofes. Des trois Chefs de gé11éra-: ·
1

ratio11s· qui repeuplere11t la terre fortie ·


<le deffi)us 1es eaux , la fan1ille de l'un.
d'cux fc11le111e11t co11ferva · la êo1111oiífa11- ·
ce du culte prit11ordial ·& les fai11es· idées ·
de la Divi11ité. La poíl:érité des deux au-
tres ,. p.1 us 11on1breufe , & plus éte11due ·
q.ue .celle du· premier ·, perdit ·c11core le
pe11: qt1i lui 1·efl:oit de co1111oiffa11ces, par
' .

fon éloig11e111e11t & fa dífperfio11 · e11


mille petites colo11ies ifolées da11s des
régions i11cultes & coNvertes de bois.·
Qlle .p~re11t être les d.efce11da11s de ceux- ·
ci 11éceífairen1e11t réduits· da11s une· ter-
re i1igrate à .ne· s'occuper que des fou-
cis preífat1s dit befoi11 animal ? Tout ·
.
' .
eto1t
D! S Dl EUX FET I C H E s. J .9.3

étoit ot1blié , tout devint incon11u. Ce·


.nouvel ,.é.tat d'une fi grande partie du
genre humai11 , qt1i a fa ca·ufe forcée
~ , ' • 11.
ua11s llln eve1tei"T1e11t. u111q11e , .er~ . 011
état d'e11fJ11ce , eíl: u11 é-tat fauvage do11t
pluíieurs 11atio11s fe fo11t ti1·óes. pet1 à
pe11, & do11t ta11t d'autres 11e ·fo11t e11~
core forties · que ·fort in1parfaiten1e11t.
Nous v.oyons, 11ous lifo11s que qt1elques...
u11es font prefqt1'e11core au ·.pren1ier ·pas;
que d'autres fe fo11t ·formées pa.r -leur·
i11dufr1·ie & par leur jptopre expéríe11~

ce; .:que- d'autres ont acquis :dava11tage
par l'exen1ple ·d'autrui ; que d'autrcs .en-
fin Ollt attei11t le poitlt véritâbJe de f.a
police , de la raifo11, & du dévelópe~
n1ent de l~efprit. Mais · 11ous voyo11~ -e11
n1ême ten1s le tableau fucceffif du pro-
gres de ces tiernieres, & qu'ai11fi qu!o11
efl: en ~as âge ava11t~ que d'être~ bom-

me fait , elles oat eu 1eurs lfiécles ·d'en-


,

fa11ce wvant leurs fiécles de raif011. Pref:


I que
194 o u e u L T ·E

que partout ot1' naus pouvons ren1011-


ter a11x pren1ieres traditio11s ·d'u11 peu..
ple policé, elles 11ous le mo11tre11t fau.
vage ou barbar e : & s'il efr u11 peu ple
011 ces traditions. _foient trop éloig11ées
de 11ous pour y pouvoir attei11d1·e, 11'eft-
il pas co11forme · aux pri11ci pes du ·bo11
fens & · de l'a11alogie de les préfun1er
telles que 1iot1s les· voyons ailleurs ; .de
fuppofer· le mên1e progres fucceflif de
dévelopeme11t auquel ce peuple fera par-
ve11u plus a11cie1111ement qu'un autre ; de
juger enfi11 des chofes inco1111ues par les
chofes co1111uês ? Pourquoi 1es Egyptie11s
de la race de Cham fcroient-ils à cet
égard plus pri vilégiés , n1algré leur fa-
geífe acquife., .que les Pélafges devenlis
Grecs , que les Aborige11es devenus ·Ro-
mai11s , (J·ue les CeJtes & les Germains
dev.e11~~ F1·a11çois, que les Scythes de-
venu·s Tu~cs & Perfans ? ·.La p\í1part des
N atio11s
. .. . . re11tre1.1t
' .
. . . dahs · cet or.dre.. com-
• i
.

m1111,
DES DIEU.X.FETI_C·HES. ~9)

mun , à 11e les pre11dre que d~1 re11ouvel-


len1ent du n1011de, apres que la colé1·e
cé)eíl:e l'eut 11oyé fo11s les eaux. C'cfr
u11e 11ouvelle épo-qtie pour le ge11re hu-
n1ru~1 , Oll }']1on1111e lle dojt p}us être 1·e.
g·ardé -comn1e érn11t da11s cet état· de per-
feétio11 .da11s Jequel il é~oit . prin1itive...
n1e11t forti des mai11s de fo11 C1·éate11r; ·
n1ais con1n1e éta11t e-r1 cet. état d'ig110-·
rance & d'e11fance d'efprit tlll fo11t at1jot1r-.
d'hui les petites natio11s · q ui· vi ~e11t ifo-
lées · dans _les déferts , ai11fi qt1e la plt1s
grande partie · du g-~11re. humai11 y vivoit
pour lors.
. Or .en prena11t ·les chofes de ce poi11t
de :,;~·volution , con1.m@ il me fen1ble r~1i..
font1able de. le fuire, .~ con11ne j'ai. pris·
foin d'e11. -avertir d'a.va11ce
. '
, .reve1101JS·
f.LUX ·deux propofitip11~ ci-deífus , po11r les:
. .

exanli11er felon la n1arche ·ordinaire de


l'efpr~t hun1ai11. .La premiere , favoir ,
que. tous. les pc.uples 011t _comme.11cé par 1
· I z a.\-~oir .
19& ou eu L TE

avoir les juíl:es notions d't111e Reli'gio11


i11telleétuelle , qu'ils 011t e11ftJÍte co1·1·om-
pues par les plus ftupiltes idola·tries ;
la p1·en1iere ~ dis.je , da11s l'ordre des cJ10-
fes qu'elle ft1ppofe, 11'a rie11 de confor-

me au progres 11aturel des idées humai-


11es , qui eíl: de paffer des objets fe11fi ...
. .

bles aux co1111oiffà11ces abflrajtes, & d'a1-


ler du pres au loi11 , e11 ren1011ta11t de )a

créat·ure au Créateur, 11011 · en de-f-ce11-


da11t
.
dta.
Créateur
. .
qu'il..
11e · voit pas à la
11ature qu'il.
a fous les yeux. U 11 pro-
fo11d ·Pl1ilofophe , qt1i apres avoir dit,
jt p~1ife, Jon.c je fuis ,. s'é)éve ·tot1t d'11n
coup de cette feule idée à la co1111oif-
fance ·du fpiritualifn1e & à la co11 \1idio11

de l'exifte11ce d'11n feul Djeu immaté-


riel & caufe pren1iere , avait .déja par-
• •

devers lui mille · & mi!le idées qtti lr,i


ont .fervi à .franchir· d'u11. feul v~ol · cet
. ~ .

i·mmenfe i11tervalle. Mais· ceux q1ii don..,.


'
neroient aux: Sauvages la tête de' Platon
. Oll
I) E S J? I EU X FETICHE s. 197

011 celle de Dcfcartes feroient ... ils · des


critiques b·ie11 juc.liciet1x? Oa voit qua11...

tité de peu11les, apres 11'avoir eu qu'u-


ne croya11ce fort 1natériclle , s'élever peu
à peu par. l'i11firudio11 ou par la réfle-
xio11 à u11 n1eilt.eur
. cu,lte. Mais autant il
eft i11ou:i q11.'u11e 11ati{)n , .apres avoir ha-

bité les villes , & j()U:t des ava11tages


d't111e bo1111e 11our1ritu1:-e & d'l:1·ne fo1·n1e
de focieté policée , fe foit n1-ife à errer
da11s les bois & à vivre de gla11d , à
n-ioi11s d'u11 évé11en1ent qui renverfe la
~

furface de 1a ·ter1·e , au·ta11t


. . .
il efr fans
exen1ple qu.e les ~fprits devie11·11e11t aveu-
gles de. clairv·oyans qu'ils étoie11t; q11'ils
paffe11t d'u11 fe11timent ft,b1iri1e à un
fe11time11t bru·t, & qu~u11e. 11ati·011 douée
fur ce point d'1r11~ fac;o11 de· .pe11fer fai. .
11e & i11telleél:uelJe , · foit ton1·hée dans
cet exces de íl:upidité qu'oi1 a Jieu de
. reprocher à prefque toutes. La fuite
ordi11aire · de ce qui arrive · .chez u11 peu. .
I 3· p le
·198 n u e u L T 1:.

ple i11fir1?it eft q11'à force de fubtilife1· fi.1r


. ]a croya11ce , d~ diíferte1· ·fur le dogn1e ,
· d'éte11dre & d·e fubdi,1ifer les objets dt1
· culte , la Religio11 y dégé11ere e11 p11éri-
·li.tés n1i11utie11fe·s cl1ez u11e pa·rtie de la
"11atio11 :· ·-ui1e a11tre partie, p1us n1al à
propos. e11co1·e-, l'aba11do1111e tout-à-t1it;
ta11dis ·que les ge11s· ·fag·es co11ferve11~
:d·ans fa .p.11retá· ce qu'clle a de· bo11 &
.'

· de vrai ,. . ·Íat1s
. . d·o1111er rla11s l't111 11i da11s
. ' .

-l'autr·e exces , ·. fa11s co11fo11dre le fo11d


d'ut). dogme refpe<ftable avec ;}~ ft1rchar".9
1

·ge ét~a11gere. .qui fert de. prétexte aux


.efprjts· trop ·· libres pour· rejette1· le .tout,.
Q!1a11t . à la feco11de · propoíition de
. l'idée ti~~·i,.verfelle ·de Diet1, véritab.lement·
il doit êt1·e a1,ffi ra1·e de trouver des
peuples q11i ·t1'aye"t pas la ~roya11ce de
quelque être ·fupériet1r à qui il faut s'a-
dreífer pour e11 obte11ir ce qu'o11 fo11 ..
·haite, qu'il feroit difficile de trouver dcs
•·· ~

homn1es ljbrcs de to11t fe11tin1~11t di



.cra1nte,
J)ES DIEUX FETICHES. I99
crai11te) d'efpér,111ce ou ·de défir. L'idée
(lc la Di vi11ité , dit u11 Miffio1111aire * bie11
,

i11íl:i·uit dcs n1ret1rs Américai11es, fe fait


fe11tir e11 11ot1s par tout ce qui eft la
preu \'e de 116tre foibleífe. Nôtre dépc11-
da11ce, 11otre, in1pt1iflànce , 11ôtre déré-
glen1e11t, & 110s maux joi11ts au .fe11ti...:
n1e11t d't1ne reél:itude 11at11relle, 11ous ai~ '

de11 e à no11s élever a11 . . de.ífus de 11ous-


n1é111es , & à cl1ercher hors de 11ous u11
n1altre ·qui 11e foit pas fujet à 110s 111i~
·reres. Ai11íi quoiq11'jl ·y a1t que]ques peu..
plBs fort brutes e11 qui ori n'aperçoit au-
cu11e étincelle de Religio11 , le commu11 ·
des Nations Sauvages re11d quelq11e cul-
tc à certains êtres fupéi·ieurs aux horrt·-
mes , do11t il atte11d du · bien ou crai11t·
du n1al. Mais y a,.t-il. 1·ie11 dans let1r fa~
GOll de penfer qt1i répo11de à 1111e idée
d~ Dieu .approcliá11te de celle que 1'011
I ,~ doit.
· * Laffiteau 1n~urs fie~ A1ner. · T. I. .,
/
,... 1
. .. ' -
lj :.. , •
• ( 1 •1
"··
t!•/a,
.' '
~ I
'1. ! ~ .
200 ou eu L ·TE

doit avoir? c'eft do1111er a11x expt·effions


u11e force qu'elles 11'ont pas e11 n1atié-
1·~ abflraite , qt1e de préte11dre qu'il fuffit
d·e f:e\ f~rvir des n1êr11es termes pour a-
yoir les n1ê1nes chofes lla11s la tête. Chez
les SallV·ages les- llOt1as Dieu ou Efpril
11e fig11ifie11.t poi11t du tout ce. qu'ils veu-
let1t di.re parmi. 11ous. E11 raiío1111ant fur
leur fa~o11 de pe11fer , il faut , comn1e on
l'a déja remarq.ué, fe bien garder de leui:
attribuer 110s idées· , parce qu'·e.lles font
à_préfe11t attaehées. aux mêmes n1ots ~011t
ils fe fo11:t ferviSi, & 1:i~ leur pas prêter
nos- p·rincipes & 11os raifon11en1e.ns. 011i
peut dire e11 général que da11s le la11ga:..
ge vulgaire du con1mu11 Paganifine ,. le

rnot Di.eu 11e fig11ifioit autre chofe qu'un.


être ayant ..pou voir ft1r la 11ature hun1ai-l
ne: .foit -qU'on crí1t qu'il avoit.. toujours.
ét6 tel , ou q·ue l'on. s'in1aginât ·qu'il a..
voit . acquis ce degré d>autorité. Ce i1' eft
poi11t , . felq11 les i,lolâtres , u11e 11éceffi..
' te'
D ES D· l E tJ X . r' ll T I C H E S. !OI

té pour être Dietl que d'avoir to11jours


été , ni que d'et1·e d't111e 11ature in·dépen-
da11te: e11.un mot ils 11'ont là-deffus auc1111
pri11cipe clair, ni a11cun raifo1111en1e11.t
co11féque11t. dont on puiífe tirer de co11-
clufio11 fatisfaifante. Mais u11e preuve de
l'exifte11ce de Dieu bie11 p1us ·é,1ide11te
& plus .folide que cette univerfalité des
fuffi·ages ., da11S le 11ombre defque]s il
y e11 · a ta11t qui ne n1érite11t pas d'être
con1ptés , .c'efr l'accord u11a11~me des
l1om111es i11tellige11s & des 11a.tio11s éclai-.
récs : .e' eíl: de voir ce dogme être pa,i·~
tout le fruit folide d'u11 bon raifon11e-
me11t , la co11viétion s'augmenter.,. le cul--
, ' . '
te s'epurer, dans le même progres que la
raifon hurpaine fe dévelope, fe. forti.fie ~ &
parvient à fo11.meilleur degré: ·c'efi: enfin
dJêtre ob1igé d:'avouer par des preuves de

fait , que plus· un. peuple eft pri,té ··de fens.


coinmun ,. moins. iL connoit ,}a: Divi11ité ; .
& que plus. il: a(P,quiert .dç jufte1fe d'et
I ·5 prit ,.
~02 D U C lÍ L T E

prit, pl11s-tôt il arrive à la con11oiíE'lt1ce


~e ~atte importante vérité. C'eíl: par là
qu'apres des íiécles d'·e11fut1ce & de b,,t·..
'barie, chaque peuple parvenu à fà n1a..
tu11ité· a p·ris u-11e faço11 d·e pe1~fer plus
fai11e fur ce poi11t capital , & que le
commu11 accord 011 le· raifo1111eme11t a
co11d.uit les natio11s civilifées a forn1é
pour le ge11re h·un1·ai11 u11e certitude mo-
rale , à íaquelle la révélatio11 a joi11t la
·cettitude ph·yfique po11r ceux qui e11 011t
été· favorifés. Les croya11ces relígieufes
oes Sau.vages & des Paye11s éta11t do11c
des opi11ions pu;reme11t hun1ai11es , le
·p.rineipe· .& l'explicatio11 en doive11t êtrê
cherchés da11s les affedio11s ·. même de
l~hu·man.ité·, ou.ils 11e. fo11·t pas. diffici!es à
.re11contrer ; · les fe11timer1s des· hommes
.q-11.i lés 011t prod·uites fe~pouva11t 1·édui-
re à quatr.e ~ la cra.i.t1te , ,l'a·dqii_ratiotJ·, la
'
réco1111oiífance :r. & .le raifoti1Jeme11t!I, Ch-a-
~un· d'eux- ·a fait fo11. e.tfet fur les; peu-
.

. . '
. . ples •
D Es D I Eu x F E T 1 e H E s. 2a3
'

ples , felo11 qt1'ils étoie11t pl11s pres ou


plus loi11· de le11r e11fa11ce, felo11 qu'ils·
avoie11t l'efprit p·l11s ou moi11s éc]airé :
mais le grand 11omlJ1·e éta11t ele ceux
qui n1a11qucnt de lun1iéres , l'impreffio11
faite par les premie1·s de ces quatre n10-
biles , do11t l'u11 a proliuit le Fétichif~
'

me & l'autre le Sabé:ifr11e , efr auffi la


plus a11cie1111e & la plus éte11due.
La. plus éte11dt1e ; car les principes
plus folides de qt1elqt1es Pl1il<>Íophes &
de qt1elques bo11s efprits , ou la fai11e
. '

doél:ri11e d'u11e 11atio11 privilégiée, 11e for..


n1e11t qu'u11e bien · petite qua11tité f11r le
totaJ. L,1 plus a11cienr1e : cel,1 s'e11te11d,
con1n1e ·je l'ai déja fouve11t expliqué,
depuis la renaiífa11ce dtl n1ond·e , dep11is·
que. . le ge11re humai1i' réduit par ·fa pt1....
'

11itio11 à u11 petit nombre de familles


ifolées & ·difperfées fLtr la furface de la


' '

terre, fut ton1bé da11s les té11ehres


'

l'i-de
g11o~a11cc & de i'oubli de fo11 Créateur.
I 6 Voyo11s:
~04 n u e· u L T z
Voyo11s des-lors le rapport clair de!l'l1if-
toire profa11e de toutes ces 11atio11s. P.Jus
011 y ren1011te, plus 011 t1·ouve le ge11re
hu111ai11 _plo11gé c.la11s l'~1veuglen1e11t. La
pl11s a11cién11e n1én1oire de ces peuples
11ot1s y préfe11te toujours le polythé'if-
me co111n1e éta11t le fyfiên1e co1111111J11 &
rec;u partou t. Les quatre côtés -du n1011de
re11de11t égalen1ent té1nojg11age du n1ême
fait , & fe réu11ifie11t po11r for1:i1er u11e
preuve· auffi complette qu,011 puiífe l'avoír
·e11 p·areil cas. L'erreur fur le dogn1e reli..
gieilx y m_arche d'un pas. éga·l ·a vec l'i-
g11ora11ce de toutes autre·s chofes utiles.
& décentes dans laquelle l'l1om me s' é-
toit vu replo11gé. 01.1 voit .1ue les arts.
1
4

primitifs ·s'étoie11t perdus , que les co11-


noiífa11ces acquifes é·coie11t reftées e11feve-
)jes fous les eaux , que ce 11,eft prefqur.:
partóut qu'un p11r état de bar b,1rie ; fui-
tes naturelle~ d'u11e révolution. fi gé11é-
rale & fi p11jiífan~e~ Qye fi n1algré -cela
011
DES D1.EUX FB,.fICHE~. 20f

011 ve11t foute11ir que da 11s ce mê111e te111s,


a,1 a11t l'ufage de l'écritL1re, ava11t le re-
couvren1e11t des arts & des fcie11ces, ces
n1ên1es 11ations, que 1'011 voit toujo.u1·s (

Payen11es da11s. let,rs propres n1é111oires,



fuivoie11t les pri11cipes _ d'u11e Relig_io11
p11re & i11telleétuel]e; c'eíl: .. à - dire, que
pe11d-a11t qu'elles étoie11t ig11orl11tes' &
barbares·, elles 011t · découvert la vérité ,
qu'elles 011t e11fuite aba11donnée pour l'er-
r.eur des qu'elles fo11t deve11ues i11ítruites
& civilifées, 11e fera-ce pas_ ava11cer une.
propoíitio11 11011 n1oi11s co11traire à la
raifo11 , qu'à l'expéric11ce? Le~ Natio11S
Sa11vages d' Afie , d' Afri que '-~. d' Améri-
rique font tou~es .idolátre~. 011 11'a pas.
'

~ncore trouvé u~1e feule. exc.eptio11 à cet-


te régle : . telleme11t qu'à fuppofer u_11
voyageur tra11fporté da11s w1 pays_ i11con-
11u , s'il y tro.uve une 11ati911 i11ftruite
& policée ~ ce. qui efr le cas le. pJus favo-
ble ,. _e11core. perfo1111e 11~o(e~a - t_-il aífu-
rer,
206 D U CU L T E
'
rer ; avant que d'avoir vérifié le fait , que
]a Religio11 y eft vrain1e11t pure & intel..
-
lcéluelle con1n1e parn,i 11ous, au lieu
que fi le peuple eft fauvage & barbare, 011
a1111011cera d'a,1ance qu'il efl: idolâtre ~
L111s crai11te de fe tromper.
IJ efr certai11 que felo11 .Ie progres con..
nu de la pe11fée humai11e, c.ie{tituée du
fecours de Ja révélation, lc vutgaire igi10-
ra11t a co111n1e11cé par avoir quelqu·es no-
tio11s petites & commu11es d.,u11 pouvoir
fupérieur, ava11t que d'étendre fes idées
jufqu'à cet être parfait qui . a do1111é l'or-
dre & Ja forn1e à tot1te· la nature. 11
feroit plus fe11fê d'i111rtgi11er quê l'hom-
n1e a báti des palais ava11t ·que de bâ-
tir des C[il)a11es , qta'il a étudié la Géo-
n1étrie a va11t l' A·griculcure , qi1e d'affu...
rer qu'il a co11çu Ja D.ivi11ité c·on1n1e u~
púr efprit re.n1plíffa11t · tout l'u·11ivers· de
fon _.i1n111enfité,: avant. que de. ·re .l'être
figurée comme une grande p11iífance du
ge11re
n E s D 1 Eu x FÉ T I e H Es. 207

genre de la pui1fn11ce I1t1n1ait1e, n1ais


douée d'u11e force tout- à -t1it fupérieu ...
re & 11011 limitée, aya11t des défirs &
dcs paffio11s fcmbl,ibles à ceJles de l'hom-
1ne, des n1e111bres & des orga11es com-
me lui. L'efprit humain s'éfeve par de-
grés de l'i11férieur au fi1périeur: il fe for-
n1e u11e idée du_ pa1·fait, par des abftrae-
tio11s tirées de l'in1parfait : il fé1}a1·e le11-
temeht la plus noble partie d'un être
de l,l pfus groffiére : accroiffi111t & 1·e11-
forçn11t l~idée qu'il s'e11 forme, il la t1·a11f-
porte f ur la Divinité. "Rie11 11e pe11t dé ..
1a11ger ce progres 11at11rel _de la pe11fée,
4

à moi11s ·qu'un argun1e11t· au11i fe11fible


qu'i11vi11cible, qu'u11 fait auffi évide11t
qu'i11contefiable, fupp1é~111t aux,forces q11e
1,-efptit
.
hun1ain n'auroit pu tro~ver e11 foi,
11.e le co11duife du premier' coup aux pt1rs
prit1cipes du 'fhéífn1e e11 lui faifa11t fran-
4

chir. d'utt feul pas .l'imn1e11fe i11tervalle q11i


eft·e11tre· Ja 11ature. divi11e.. .&-la 11ature. hu-

n1ai11e.
208 p U CU L TE

rnai11e. .Aufli la bo11té d~ Dieu avoit-el~


le co11duit le l)remier homn1e à ce poi11t
d~u11e n1anie1·e c1aire , en fe n1a11ifefra11t
à lui des le n1oment de la créatio11 : .
auffi s'~íl: - il direé1en1e11t ré, élé , & a-.
1

'
t-~l lui-mê-n1e do1111é les _loix du culte à.
la race cl1oiíie. Auffi
.
cette néceffité d'u11e
'

révélatio11, qui i11íl:ruit netten1e11t l'l1om-


n1e de ce qu'il auroit eu trop de pei11e.
à décot1vrir fa11s ]e fecours-de la bo11té
divi11e , eft-elle u11 des pri11cipaux argu-,
me11s qu,.ol). en1ploye pour preuve d~ fo11
inco11tefl:able certitude. Ce n'eft pas 11éa11-
n1oi11s que cet argument fenfible do11t

j'~j parlé _11e puiífe fe tirer à la lo11gue
d~ l'orcJre extérieur de l'u11ivers , lors-.
qu'o1, ví~nt à l'exami11er a,1ec ré&exio11 :.
n1ais la n1anie:re doi1t les: traditio11s 11ous
' . .

rno11tre11t que les ·chofes fe f011t paffées


11'inàuit_ gu~res à . pe11fer que cette ré-
ftexion. _ait beaucou·p i11flué fur la.. plf1part
des peuples lorfqu'ils fe fotit fotmé leur
.
prenue-.
,
D .E s D 1 'E u x F E T 1 e H E s. 209

premiére 11otio11 1·etigieufe. La caufe d'un


objet tout-à-fait fa111ilier 11'attire 11i l'at...
te11tio11 ni la curioíité. Qyelques furpre.._
nans ou extraordi11aires que ces .objets
foie11t e11 eux-n1ên1es, le vulgaire ig110-
ra11t & ruíl:ique les laiífe paífer fd11s exa-
men ni recherche. Ceux qui 011t écrit
des Romans hypothétiques, ou ils fe fo11t·
plu à dépeindre un... homme feul aba11..
donné des l'enfa-nce en q1uelque i:íle dé.
ferte, qui fe fait ·de lui .. même à la vue
du cours de la · nature les plus fubtiles
queftions phyíiques & métaphyfiques ,
qui parvien• à ·les réfoudre fai11etnent &
'
à tirer de fo11 raif01111·eme11t la conclu..
Í1011 d'une fage doétri11e fur tous ces
points ; ceux-là, dis-je, étoie11t da11s un
état de perfeél:ion d'efprit qui leur per.:.
mettoit de bâtir de telles hypóthefes
qu'ils avoient d'avanc·e toutes décidées ;
ils fe trouvoient fournis de co11noiífa11-
ces acquifes , qui opéroient en eux Jors
,..
me-
Du CuLTE .
( ....
rn-ême qu'its chercl1oie11t à fe clég11ifer
leur propre opérntio11. Mais .u11 paui-·
vre Sauvage 11éccffiteux , tel qu,011 voit
gu'o11t été les plus a11cie11s homn1es co11-
nus de chaque 11ation, preffé par· ta11t
_de hefoi11s & de pailions , 11e s'arrête
gueres à réfléchir fur la. beauté ·11i · fur
les co11féquences . de ·1, ordre qui .rêg11e
dan$ 1.a natu~e , ~i à faire de profo11de$
recherches fi1r la cat1fe... p1·e111ié1·e des ·effets
.qt1'1l a co11tun1e de voir lles fo11 e11fa11ce.
'

Au contraire, plus cet ordre eft u11iforme


:,..

& régulier, c'cfi.:..à.dire parfait, plus ·il lui


eft par là devenu fan1ilier : moi11s il le fra-
pe, n1oi11s it eft porté à l'exan1i'ner & à
.l'app1·ofÓndir. C'eft l'irrégularité ,lppRre11-
te da11s la 11ature, c'efr quelq11e évé11e-
n1e11t n1onf!rueux ou ·llt1ifib!e qui excite.
fa ct1riofité & lui paroit un proliige. U11e
telle ·11011vea11té_ l'alJarme & le fàit. trem ...
bler: u11e telle fi1culté ·de 11uire excite en
'
~ui la terreur . & toQt. ce qui ·e11 e.ft. u11~
fuite.
D Es D 1 E u x F E T I e H E s. · 2 i 1
{i1ite. · Auffi voyo11s-11ot1s les Sa11vages
s',1d1·eífer beaucoup p)us fou,1e·1,t da11s
leurs· priét·es aux gé11ies n1alfaifa11ts qu'à
ceux a11xquels ils doive11t le,s bie11faits ha.
bituels que leur procµre le cours ordi11ai...
re & régulier de· la 11ature. U11e cl1ofe
telle qu'elle doit être, u11 a11imal bien
co11flitué .dans fes n1embres &. ·da11s fes
·organes, eft pour le Sat1vage u11 fpeél:acle
o·tdi11'aire. qui 11'excite .e11 lui 11i fe11fatio11
1ii dévotio11. U11 tel animal a été pro,
duit ai11fi par fo11.
.
pere , · & ·celui- ci par.
.

le fien. Encore· u11 peu d' éloignemen t,


fa curíoíité de1neure .fatisfaite : des q1.1e
les ·objets fo11t mis ·à u11e certaine difta11...
ce , il les perd de vue. N'imagi11ez. pas
qu?il · fe jette da1~.s Ia queftion de favoir.
q ui a p1~oduit le p1·en1ier a11in1al' e11co~
re n1oi11s d'ou vie11t le fyftên1e gé11éral
1
& la Jabrique de· l'u11ivers , 11i qu'il veuil.._
'
le fe tourn1e11ter l'efprit pour 1111e chofe
fi ·éloig11ée , fi .peu i11téreífa11te à fes. be-.

. ' ' foirts J


2IZ D U CU L T B

foi11s , & q11i paffe fi fort les bor11es de
t1 capacité. ·
. Peut-être n1ême la eonfidération peu
ex~tél:e du cours ordinaire des chofes
~

de 14 nature. auroit - cllCi. été capable de


€011duire Ull peup}e fi1t1vage a·U poJythéif..
me , & de lui Íllire fuppofer q:ue le
n1011de. eíl: gouver11é par plufieurs puif..
fa11ces. i11dépenda11tes & 11on· tout-à-fai~
abfolues. 11 faut u11e ví1e fi11e & de pro.
fo11des obfervations con1bi11ées · pour a-
percevoir ]a· li-aifon qui , e11.chái11a11t le•
u11es aux au.tres les ca·11fes & les effets
de _toutes chofes' mo11tre q11:'e11es éma..
nent d'un pri11cipe & . d'u11e puiífanco
u11~que : au lieu que les y.eux les 111oins
atte11tifs fo11t aifé1nent frapés de la con..
'

trarieté apparente qui fe trouve entre


Jes évé11en1ens jour11alie1·s, de la n1a..
11iere dont les terripêtes détrl1ifent les
produétions de la terre féconde, dont
les maladies rui11e11t la bon11e
., co11fritu~

t1011
'
D ! S D· 1 EU X F S TI C H E s. 213

tion ·du corps hun1ain, dont les fuc-


ces varient en bie11 .011 en mal da11s
u11e gt1erre e11tre de11x 11atio11s , ou
da,1s u11e querelle partict1liére e11tre
d·eux e11nen1is. .Si 1'011 pc11fe que tou·tes
ces c11ofes ·font dirigées .pat· des pt1if...
fa11ces fupérieures , il tombera facile..
n1e11t da11S Ull efprit 110ll exercé, que
ces puilfa11ces ou ces pri11cipes f011t
différe11s & 011t cl1act1n leur deífei11 &
leurs fonél:io11s féptirées. De là on ·vien-
dra fa11s pei11c à croire qu'il y a · 11ne
Divinité parti cu liére pour éhaque élé-
me11t , pour chaqt1e 11ation , pot1r cl1a..;
que fo11étiÔn pri11cipàle de la· vie hu-
maine , & ·que 1e coh1bat -tle ces di.ffé-
1~e11tes puiífances eft. ·Ia cnu(e in1n1édia.:.
te de tant de varie·t:é da11s les évé11en1et1s.
Comme 011 a co11ç'u ces puiffances fen1-
l1lables aux ·p11iífat1Ges·. :humai11es, S,i} ·eft
queflio11 de . Jes ,dêtern1iner
·' .
ert fã .fa..
.

veur , 011 y employera -les inênies n1oyens



·-.
qu1
D.u CU·LTE
. '

qui fo11t propres à déterminer les hon1:..


n1es, à fe procu1·er Jeurs fa\1et1rs ou à
faire ceífer leur l1ai11e ; & ces n1oye11s
at1ro11t pren1iéren1e11t été n1is e11 t1fage
par les refforts qui agite11t le plus vite
& le p'lus vive111e11t l'huma11ité. Or ces
1·eíforts 11e fO!!t cert~1i11et11e11t pas la cu-·
riofité .ft1éculati,1e 11i le pur an1our de
la vérité , motifs trop rafi11és pour des
efpríts rt1fiiques & trop gé11éraux pour
des têtes étroites. Les paffio11s ordi11ai-
res, à l'l1on1me l'an1e11e11t beaucoup plus
, 1ite à ce poi11t : foit la crai11te, foit l'ef-.

péra11ce , e11 u11 n1ot toute. i11quiétude fur.


ce ·qui fait l'objet de fes befoi11s, o,u du
défir ql1e l'ho111me a 11aturellen1ent de
pré,1aloir de quelque n1a11iere . que ce.
(oit f ur u11 autre hon1n1eJ Agité p.ar les.
pe11fées qui 11aiffe11t de fes affec1io11~ i11-
-
térieures, c'eil alors qu'il com.n1e11ce à
jetter les yeux ayec u11e curiofité crain-
tive fur le cours des caufes fut1.1res, ~ à

ra1 ..
.
n E s D I E u x F E T 1 e H E s. ~1 r
raifo1111er bie11 ou mal fur le principe ·
des évé11en1e11s divers & co11traires de
la vie hl1n1ai11e. Ta11dis que ces pailio11s
le tienncnt fufpe11du da11s l'a11xieté que
lui don11e l'incertitude des évé11en1e11s
futurs qu'il 11e peut 11i co1111oitre 11i ré-
gir, fo11 in1agination ·s'en1ploye à fe for-
mer 1111e idée de certai11s pouvoirs ft1-
périeurs aux fiens, qui font ce qu'il 11e ·
peut. faire , en co11noiífa11t . & régiffa11t
cux-mên1es les caufes dont il 1.1'a pas la
puiífance de détermi11er les effets. 011
fait le penchant nature1 q11'a l'homn1e
à concevoir les êtres femblables à lui-
même, & à fuppofer da11s les chofes ex-
térieures les qualités qu'il reífent e11 lui.
11 do1111e volo11tiers & I:111s réflexio11 de
la bonté & de la malice , même aux
ca~1fes i11a11imées qui lui plaifent ou qui
lui 11uife11t. L'habitude de perfo11ifier foit
de tels êtres phyfiques , foit toute efpe-
<;c d'êtres n1oraux, eft u11e métaphore 11a-
. turelle
21& .o 1.1 · e u L T E

turelle à l'homme' chez les peuples ci-


'Vilifés ·con1me chez les nations fauva~
ges. Et q11oique cellcs - ci 11e s1in1agi1ie11t
pas to11jours· réellen1e11t, 110n pl11s que
ceux - là , q11e ces · êtres phyfiques , bons
ou mauvais à l'homn1e, foie11t e11 effet
do11és d'atfedio11 & de fe11tin1e11t , -cet.
11filge des n1étaphores 11e laiífe pas que
de pro11ver qu'il y a da11s l'in1agi11ation
hun1aine u11e te11da11ce 11aturelle à fe le
figurer âi11G. Les Nyn1phes des fo11tai .
..
nes , les Driades des bois 11e f011t' pas
. des perfon1iages in1agi11aires pour · tout
le n1011de fans exceptio11 : d,tns tout pays
le vulgaire ig11orant croit de bo1111e foi
l'exifte11ce des Génies , des .Fées , des
Luti11s , des Satyres , des Sped1·es &e.
Fau t-il do11c ta11t s' éto11i1er fi ce mên1e
vulgaire, parmi •
les pe11ples ignorans &
groffiers , eft venu à fe figurer , qu'il' y
avóit dans certains êtres matériels' ob..
jet's ·de fon cult~ , une puiífance, ·-un Gé-
.. .
• .. '
1

DES D I E U. X F E T 1 'C H E s.
.
217
nie quelconqu:e, ~n Fétiche, u11 1\1:ani~
tou ? fi .e1~ leva11t les yeux vers les
globes lumi11e~x q11i pare11t le Ciel , iJ
s'eíl: à plus forte raifon in1agi1lé qt1e. 1es
arl:re~ étoie11t a11i~1és par ges Gé11ie~ ?
fi pouífé. par . la cr~i11~e à fuppofer .dcs
pouvoirs . .
i11vifibles, & co•14uit par. les.
fe11s- à fixer fo11. atte11tio11
. .
'
fur les ob... .

jets vifilJles , il a réuni deux opér"1tio11s


oppofée~. ·& .fi11:1~lta~1~e.s , e1~ a~tach,\~1t le
pou \Toir ·. i1:viG.,bl~ _à . l.' ohjet vifible,. f~11s
d.i!li11g~er (~a11s l.,1 g~oíii~re. ~011te.xtu-re
de fo11 ·raifo1111en1erit .l'objet
. - . ~ .
n1~té~iel du
.

pouvoir -i11tellige11t qu'il y . fupp9foit ,


con1me il eut été n1oi11s déraifo1111ab e de •
1

le faire? fi e11fi11 il a pr~té _à ce poµ~:_oir


. 4

i11tellige11t
.
·
.
les n1ên1es affeél:io11s d'an1pur·,
.

de hai11e,
' . de colere,
.
de jaloufie, de ve11~
gea11ce.,. de pitié &e.. do11t il eíl: lui".'mê~
.

me agité ? Cet~e _fac;o11 de penfer une,


fois adn1ife pour ce!.tains objets, fe g~~
néralife
. .
fa11s peiqe. & _s'étend ·à be~ucoup
.

K d'uu-
218 o· u e u L T E

d'at1tres , fi1rtout da11s les circo11ftances


ot\ le hazard , c'eíl:-à-dire les accidc11s
' .

in1prévus , 011t beaucoup d'inf:lue11ce ; car


c'efr alors que la fuperftitio11 pre11d fur

les an1es u11 plus grand empire. Corio-


la11 difoit que les Dieux i11fluoie11t ÍL1r-
tout da11s les affaires de guerre , ou les
évé11en1e11s fo11t . plus . .
i11ce~tai11s
..
qu~il-
leurs, Nos ·ancie11s F ranc;ois remettoie11t
la décifio11 des proces · o~fcurs à u11e n1é-
thóde de jugeme11t ·qui tie1~t beauco11p
de la fac;o11· de pe11fer
. .
des Sauvages,
qu'ils· appelloie11t tt"es- ma] - à - propos les
jugeme11s · de. Dieu. U11 ~élebre écrivai11
êtrà11ger ~ de qui .
je tire
.
u11e. parti e de
.
ces ·réB.exiorts , remarque que les n1ate-
0

lóts, les·nlOÍllS.
"Capables . de tOllS.
les hon1-
mes d~une n1éditatio11 'fétieufe , fo11t e11
nreme tems les .plus fuperflitieux. .
11 e11
!e~.1dél ·mê·rne
... . . .
ües j{')ueu1·s, ·qui s'in1a-gi11·~1~t
-v·~lóntier-s- qtte la .·fortl.i11e ·:bo1111e 011 n1au-
.

vaife ·. s!,ctttache ·avec i11telli.ge11ce à c·e111


pe-
'
nEs DIEUX F·ET··ICHES. ··21~
• • •

petites circonfra11ces f1·ivoles q11i lcs tie11-


11ent da11s l'i11quiétt1de. Ava11t que les
Etats fuífe11t réglés par u11 bo11 corps
de Loix , par u11e for111e de Gouver11e-
n1e11t tnéthodique & . Gon1bi11ée,
. . .
dé- ]e
·~1ut de prévoya11ce & de bon ord1·e y
·re11doit l'en1pire · du hàzard pl11s d.onii-
na11t. qu'il ne l'a deptlÍS été : aÍl111 les
accide11s éta11t plus · c~m-~11111s da11s ··1es
· Gouvernemens & da11s les· :fiécles· faúva-
ges, la fuperftitio11 11êe ·de ·:1a···craii1té de~
1 • º f

acside11s , ne pouvoit·.
n1anquer
.
d'y avoir
au~ plus de force, & d'y n111ltiplier les
Puiílà11ces i11viíibles ·q11'011. croyoit · mai-
treff~s de ·difpofer du ·bo11h~~r ··ot1· dt1 1

malheu·r de. chaque individu .. ,: ,Con1me


:dans cette. fuço11 ·ae ·p~~?f-er
. .
ii eíl: 'natÚ-'
, rel de ·11e leut Ct(?ire qu'Ull ·pouvoir. li-
n1ité à de .·certái11s e.ffets , quoique -fur-
··htimain , ·il. devicnt p;r~Ià n~turel ·. auffi
.d'en . n,ultiplie'r. aífe.z ';le ·11Ómbr~ .p9ur
i •

.qu'il·. puiífe répo11dre à l'extrême vairiété


· K 2 . des
~20 ou eu L TE

des évé11en1e11s , ·& fuffire à ta11t d'e.ffets


do11t .. 011 ~es .regardoit con1n1e les çau..
fes. .De là ta11t de Divi11ités locales ou
appf(?p'riées. à. ·certains petits befoi11$ par..
ticuliérs' , ta11t · d~_an1ulettes
. ' l
.
, ele taliC.
. .. '
. . .
. . .
.
'

màiis' ·, & de Fé'tiches di \Ters. 11 Cll fal ..


• • ' • ' • . 1 •

Jo{t ;de g~11ér~ux pour chaque pays .011


p6~~r'
.
' •
. .
~h~quy·.
gràrid
. . ,
' •
effet

phyGqt1e : il
'
f:t~
.
1 '
'
• . ·.

falloit de particuliers
, p'our .chaqu~ perfo11:- . . . . ;

ne, tnên1e p0Ur·c}1aque petit defiL· ~e ~}1a-.. ·


\

que_ perfo1111e., & furt9ut pour la pt·é(erve_r.


de chaqu~ ·ac~j_cJei1·t. fâcheu~. q1~'e,lt! pou-
vôit: avoi·~·-lieu de craindre.
'
... •
. .
Car· les. aifec...
. :.. •
. ;. \
.. • • 1 .
.
.

tio1is. triq:es . jette11t beaucoup plus vite


da11s la., ft1p~rftitio11·,
.
que les fe11~in1ens
, . . '• . .

agréables.
. .
Geux:.ci, rem·ptiífa~~s I'an1e de
lá . joi~ qu'ils lui i11fpire11t, lui do11nent
u11é: certai11e vivacité gaye, qui 11e la laiífe
gueres s'occ.uper que de fo11 plaifir pré.
fe11t: d'dilleurs l'homme reçoit vc>lontiers . • • • . 1

[e. bie11 qui lui arrive . comn1e· une .


.cIJq~ . "' .

Le q ui lui eft d~e : n1,1is l'i11Í(:)l"~Ulle


. l'al.. .

- · lar..
n E s D I E \J x F E T 1 e H E s. ~21

)arme., le jette prompten1ent dans la re-


cherche de la fource d'ou peut . prove-
ni1· le mal , & des n1oyens ·de 1e -détour-
ner. Pll1s 1a crai11te & la mélan·cholie font
fortes, plt1s elles n1ultiplient les· objets·.
de terre11r, plus ell es portent à les at-.
'

tribuer à un grand nombre de· :eaufes


malfaifantes CJY'il faut appaifer par ·dês
foumiffions. C'eft. t1n fait qu~ l'expé~jen- .
ce vérifie chei Jes Sac·vages ;· on. (<;ait
q11'ils s'adreífent' ºbeauco11p plus Íol1ve1-rt;:
à leúrs
.
Fétiches .pour·
.. . .
lesdétournt~
., . ·.
l • . .
de'

.
.
·.
..
. .

Jeur f.1ire du ma 1' .q11e. pou~ leur· ren~


dre graces des .bie11.faits. !CCjU~ :· &,' mênie
dans toutes les. R_eljgions on fe (ert a- .
ve·c ava11tage· des affiiéti~ns: qt1i arrivent
à chacun po11r ·le ralll:e11e_r aux fenti-.
n1e11s d'u11e ·piété v·éritable. ·
U11c feconde caufe s'eft joi11te à cel-
le q11e ·jc vic11s. d'expofer , & ~ bea11-.
.

coup co11trihué fa11s doute à propager


lu fau1fe croya11ce do11t il s'agit ici. Com...
K3 n1e
----
22:2 Du CuLTE •

. . le. défir & la crai11tc f011t des


n1e ~ . . fet.1. "

~in1e11s
... . i11ce1·tai11s
. .,
&. flotta11s.. , ils .s'atta- . .

ç~~11t~ volo11tiers au pr~mier appui qu'ils


ren.co11trent
.. . .
º.
fa1ls -
obfer\
-
1
er... s'jl efr . fo-
.

1!4.e.~. U;1~e _t_elle . difp?qtio1~ . ~~ l,a~e·,


i~)

g~çífj(a1~t 1~ pepr: & les fcruP,11:l~~ -'~ ~º~.1~...


.~e~ h, e~11_ ·jeu .:~u:f. ge11s foL1~b~~ , l~rf.,.
0

qu' i1s. ;t1·011ve11t q1.1:elq~e . a~a11!age à·. :la


iµ~tt1 e à ;,pr.o~t pour Ie1:1r · pr~pre i~~~--.
4

. .

rêt. · Sur cet. ~r.ticle 1~$, homn1es, pour


.. , .. • ~ . . • • .... .... .,. '·. " ... ~ - 1 •

. être . b_qrbares~,, n~e11. font 11i. n1oin~;-. ~ .


.: • ! ... ~ '. . ' . • . , •. J . • ... ., ,

.
1v
' l~s:. - . ..m.oi11·s ºarde11s ' à profi~er
. .. d,e
. . •..
.. l~~. ' : . . ,.. . - . .._ .

c_ré4µlité d'au_trui. C'e~ ainíi


• • l
qµ'~n
. .. .
uf~nt,
•. . . . . t

les
"'·
JongJeurs
.. .. '
parn1i les Sauvag~,~
. _J ..,. ..
leu~.
perfua~ant
. -- . . ..
que.de
. .
petits infrrume11s
.
qu'ils. .

p,ô[éde11t
...... •'..
·f0~1t dou é~ ;d'u11
·~.
efprit viva11t
... \ ' ~

c~E~g~_e ~e .. ct~ter~i11er _les ~ets . de l_~urs


fóiihaits. 11 11e faut
.
pas
.
douter que _.des .. .

l~s pren1iers tems •


la folie iµ1agi11~- • .
ou • . . J ..

tion du Féticl1ifme a con1n1e11cé ele pre11-


.. . • • • • ,.J '

dre quelque cours · parmi les Natio11s


iiJ1':)ra9-tes, -~es· JJ1~~l~~rs 11'ajre1~~ _fait
.
-~
. de
n E s D I E u x F E T l e H E s.
de leur n1ieux pour éte11dre , fur le pre-
n1ier p1a11 adopté , 1111 · fyfiên1e de crédu-
lité fi con1patible a\rec le11~ ·111térêt _per-
f01111cl; & qu'ils 11'aye11t t1·ou, é beaucoup
1

de facilité à y 1·ét1illr. L'art~fice y a do11e


et1 fa part , con11ne- a11x oraclcs (1u Pa-
ga11ift11e, & s'e{l: joint à. ]a foibleife &
à la folie de l'l1t1n1a11ité ,. pou-r frure jetter
çe plu.s p1·ofo11.des 1·aci11es à- u11_e opi11i61-1 ,
qt1i , ~oute t1bfurde qu'elle eft, trouve
pour_tant fa p1·en1iére. f011rce •
da11s le
fo11d. des affe·c1ions. .générales de. la, 11a-
.

tttre I1u111ai11.é. · · ·
Mais, dira - t - on, c.om111e1:1t fe peut-
il faire q11'u11 cuJte auffi groffier ~-.Pu.iC.
.

fe durer depuis fi ·J~ngtems parmi des


Sauvages n1ên1es. ? con:ro1e11t à· pltts forte
raifo11 auroit - il ·pí1 fe. n1ai11tenir da11s
l'Egypte & da11s l'Orie11t civili[é ? ou ,
puifq11e le . fait eíl: i11co11teftable , 11~efi-il
. .

pns ·poffible de prêtcr là-.<.ieífus d~une ma.,


11iere vraifen1blable .de plt1s. ·fai11es illée~
K 4 . ~\
i24 nu eu L TE
à, cette 11atio:n ·en pnrticl1 lier ?
· Le pren1ic1· ·p<)int 11'a pas bea11co11p
de difficulté , lo1·fqu'il s'agit de pet1ples
barhJres , chez qt1i les mreurs 11e chnn-
.gei111t .pas, deti.x mille a1ls ·11 'ap11orte11t
au·cu11e alt.ératio11 nux 11fages , & de qui ,
'
Jorfqt1'on Jeur ,lcma11de raifon de ce
qu'ils· ·pratique11t ,- on ne retire d'at1tre
répo11fe, finon ; que cela s'eft fait de
tout tems· , . que leurs ·péres faifoie11t
ai11G , & que'·.: leurs ,e11fJ1is fero11t· de
n1ê.n1c. :On· · f~ait.. . qu'ils· · vivent; da11s u·ne
i i1fe.nfi·bl1ité, ·:qu-i : tie11t ·de l'.apathie , ·11ée
d.u. ;peti~' :.11on1br.e: .de .leurs idées, ·qui ne
s'éte11dent... pas. au-delà de. lel1rs ··befoi11s
préfens·: ils·. '.11e .fc;ave11t ,rien, & n'ont
11ulJe,. e11 yie _: de f~t\voir : ils · paífe11t _le~r
vie 1 J:111s pei1fer, .&. ·vieilliífe11t f:--ins for-
tir ·.du:: bas; ãge·, do11t 1 ils. co11fetve11t tou_s
les, dêf.auts.: · P·our . ·cha11ger1 lcs· n1reurs1

d'u11e; 11atio11 , · iL fiju·t ·; de ·ees: géni.es ·iu-


pér-ieurs , tels que ·dix fiécles e11.·four11if-
.
. . i':' . ] fe11t
DES D 1 E U >~ F E rr I C H 'E S. 2·:2 )

fc11t à pei11e Ull ·fur toute ]à terre , &


de plus qu'il fe re11co11tre .da11s des cir-
co11fl:a11ces .fitvora~les ;· deux poi11t!,: pref.
q L1'i111 poffibles à réu11ir cliez: les Barba-
14es : ou · bie11 il -faut ·que! ce foit }?~
pératio11 lc11te de l'exen1ple; l'in1itatic>'11
éta11t le gu·ide ordi11aire '. des aél:io11s hu~
1,1ai11es. Mais parn1i ,eL1x les :exen1ples
llOUVe3·11X 11'011t q11e ;tt·es peu de force
'
po11r pr.évaloir ·Íur les vieilles cot1tumes.

U-11 Cara:ibe q·ui reGoit ·qu e1 qu~ i11ftru·c-


tio 11 · d'u11 Chrêtie11 ~ l11i ré.po1~·d .' froide"'\
1rie11t: ,, ?vlo11.ami; vous ·ête~;.for.t fúbtil;
,, je vo11drois ÍGavoir .parler ,· auffi. ·bien
,, , q11e vous ; mai~ ·fi nous faifions . ce
,, . que vous- dites., nos ; voifins: fe mo~
,, queroie11.t · de .nous. ·Vous .dites. qu}en
,, .eontinuattt. ;ai11.fi ,nous irons·: en Enfer : ·
1

,, mais púifqi1e 110s péres y · font , no11s


,, ne ·. valon's pas n1ieux. -qu'e11x. , nous
'
,, poµvo11s .bíen y·aller ·auffi. '' L'habitu-
. .

K ~ , -· ·de
226' . .n u e u L T E ..
de n1aintie·11t do11e 1111 ten1s infi11i les

uG1ges , qt1els qlt'ils foie11t , pari11i des


g_e11s ·qt1i 11'agiífe11t que par cot1tume ,
fa11s réaécl1ir íi le ·p1·i11cipe de la cou..
tu111e. a q11e1que ju(tefle ' 11i n1ên}e :S,en
foucier . Elle les y mai11tie11droit e11core
lot1gten1s aµres · q11'ils 11'auroie11t pas laif-
. fé d'e11 adoptcr ,1uffi de . meillturs : c'elt.
u11e feoo11de ren1arq11e qu~il faut faire
r

ici par 1·aport 1111x Egyptie11s ,. & qui 11'eft


11as. n1oi11~ foL1dée
.
que 1" précéde11te. Dé- .,

velopo1~s..:]a plu~ a~ lo11g.·:


. S~l9.n les. p~·i11·cipes. que. j'~i. pofés ·, &,
· .q~1' op ~1e..doit. jan1ais , fépa~er de, la ref-
t~itl;~~-- qu~ j'y ai :jointe, pri11cipes que
·l'.~-pér.i~nq~. &- la· tra~itio11. conftante
'
vé-. ,.

ri~e1~~ au.(Ji fqtlV,e11t ·: q11'il .eft ~·o.ffible ,;



il ·~lJ~ ~ p~e(qij~ .ªucu11e 11atiotl qui . 11'.ait
·4t~ (au._v:age da11s .fa preµúére origí11é ,· qui
n'qit po1:11ln:et1cé par cet état d'.e1ifa11ce-: &
· de:· 4ir~i(o11.>.. ·Le.s: ·Egypt~e11s.iy. 011t do.11c
é,(~ comme ~s ~á_utres : ils fó11t niême ve·
.. • ! . . ·. nu1
• .. .t. 1 ' •
,
DE~ DIEUX FETICHES. 227

n.11s tard , s'il eíl: vrai , con1n1e le dit Hé-


rodote, que leur terre fuit 1111 do11 du
Nil; q11oiqt1'il 11e fubíifie plus guet"eS de-
traditio11s a11térieures ·aux ten1s 011 11ous
les voyo11s déjtl fo1·tis tie la barbarie da11s·
laquelJe les autres Africai11s leurs voifi11s
fo11t encore plo11gés : & là-deffus peut-être
jugera-t-011 i11çroy,\ble qt~e la 11.ation E ...
g}'ptien11e fi bie11 policée , chez. qui.
d'ailleu1"s
..
on ne la,iífe pa~ que de trou-
.ver . d·es 11otio11s . de la: Divi11ité. plus.
juíl:es ··qu'.elles 11e · .fo11t chez .beauc911p .

d_'autres ~ .-ait. pí1 · don11er da11s u11 .ge11r;,


de ft1perftitio11 auffi groffier .que l~eft .ce-.
. lui de~ N égres. · Mais ,toutes' les fuppoíi.;
fitions . que 1'011 voudra ·faire ne, peu~:
·vent détruire:
.
un f:1it fi: hien- avéFé:. ·II~
faut déme1;1tir: le tém0ig11age u11a~nime,
de .l?antiquité , : o.u co11venir que l€s E,. ·
gyptiens ;adoroient -des chietJS , .des.
chats' des. lézards
.
. &· . des oignons' & J

qu'ils avoient pour · leurs · Divi11ités. u11


K 6 auffi
228 nu eu L.T E .

a11ffi gra11d refped , & le n1ênje ge11re de


refpeél par raport at1 rite , que les N é-
gres 011t po111· I<211rs_ Fétiches. La te-
11et1r des Loix Mo.fa:ique~ 11ous fait voir
combie11 le culte des a11in1aux étoit an.. 1

cien e11 Egypte. L'l1ifioire not1s p1·ou,'e


que, quoique l'u11e des Natio11s ·rc1t i11 ..
fi11ime11t plllS civilifée que l~t1t1trc, e1le
11~a pas cu n1oirts d1,1bfi1rdité dans fo11
culte. Ln police ..
n'~xclud
.
pas la. fupcr-
fiition .. 011 11~ig11ore pas qu'il y· a dc5.
peup.1es .fort:. fpirit11els _d'ailleurs , . t.cts ·
que les: Cl1i11oís:, q11i. 011t ·à i -cet! égard
d'étra11g.es opi11io11s~ .L.es J\11gure_s. éta~Jis
'
chez les·
. .
Ron1ai11s
. · da11s
. .
. .le
- ..fiécle de l'en.....;
\ .

· fance de~ ·Rori)e ~ n'.011t - :ils ·pas cp11tinué


d'y .fubfifr~·r 1da1is le.. p111s beau tems de·
la- R6pub1íque -?....c~étoie11t n.1ê1ne les. per-
fotlnes les plus _qualifiées, . les plus ÍGa~
v..a11tes~. lcs pl_µs. fpi~~it~ell~§ , qui e11; ~-~er-
çoient gravem~lJt~
. . le$:. fQ,néli,011s ., quoique-
.

.de leur propre. aye~~ ils: tU.Íe~lt biçn d.e. Ja...



Jl~l'"!
...
n E s D 1 Eu x · F E 'f 1 e HE s. ~29
pei11e à fc regardcr fa11s rire. Q.11el fiécle
p1us célebre & plus éclairé que celui
d' Augt1íl:c ? Q!1el 110111n1e plt1s fpirituel ·
& plt1s i11íl:rt1it qt1e cet ·E·n1pereur ? Ce-
pe11da11t lorfi1u'ap1·es la ·perte de fa flotte
il vot1lut châtier Neptt111e & fa ve11-
ger de ce Diett , c'eft· 1111e n1arqu·e é\ri,
dente qu'il le·,. regardoit ·de bo1111e foi
con1n1e 11he Divi11ité réelle ,· &. conJn1e
caufé ·,1 olontaire· de ·fo11 défi.ftre.
.
Mais,
d'autre p·a.rt, qt1elle- folie à ·u11 l101nme
de s'in1agi11er · q11'il · va· pu11ir · un Diei1 !·
&· qu.elle i11co11féque11ce que d'e11 fot~mer!
le deífeirt ,: qt1altg 011 croit ·réellem:e11t e11
fa divi11íté ! ·Ou· pourroit-011 tro11ver u1lé .
plus forte n1arque qu'il n'y a · rie11; de· fi ·
déraif011nable gt1i ·11e puiífe -par fc,Js. troU-· ·
ver .fa · ·place : ·dans l'efprit d~u11 l1on1me
C1g~ ;? .· : : · i . ... • · · : , ·•

Perfo11ne · ne difco11vie11t · que lorfqu'il


s'agit des · tradition·s 1··eligieufes des p·eu-
ples Payens·, ce·n'-eft ni raifo11ner jt1ft·e. , .
,.: 1 •
·'
s30 D u .eu L T t

11i co1111oitre les l1omn1es, qt1e de con..


clure , de ce qt1'u11e cl1ofe efr abfurde ,
que le· fait 11'efr pas vrai; & n1én1e que
de nier q11e cl1ez u11e · 11atio11 ot\ u11e
telle opi11io11 étoit ,111cie1111e & coura11-·
te , elle 11'avoit cours 9ue parmi le peu-
ple, & qu'elle étoit rejettée par to.us les
ge11s fe11fés. Q!1a11d n1ên1e ceux-ci 11'e11
at1roie11t au fo11d dç l'ame fait aucu11 cas,
11'auroie11t - iJs pas t1it profefiio11 de fui-
vre à l'extérieur la croya11ce publique ?
1'1ais i·11dépe11dat11111ent de ceei , beauco11p
d?e11tr'eux fa11s doute ·y · do11noie11t de
bonne foi : & · 1'011 a eu tàifo11 ·de re-
·11mrquer, ·que con1rne il -n'y a· poi11t .de
précepte fi rigo11reux qui 11'ait été. rec;í1
par des gens e11tiéren1e11t livrés aux pla1-
f114.S des ·fe11s, · de mên1e n'y. a-t-:il poi11t
s'opi11io11 dogmatique fi (té11uée de. fo1i-
.dem:ent qui 11e .fe tróúve e·n1b1·affée' par
qn:elques perfonnes · d'un efprit excel fcnt
d~aillcu.rs. De-. ptus 011 11e.· p~ut 11iet que
·· les
DES DIEUX FETIC.HES. 231

Ies Egyptie11s fuífe11t 11aturellen1e11t


11e
portés à 1111e fupe1·fl:itio11 exceffive, &
que leur Pl1ilofophie 11e fí1t e11 bie11
des poi11ts. aífcz groffiére & n1al. rai. . •

fo1111é~. Ceux qui. e11. 011t t111e fi haute


idée a11rore11t que)que pei11e à la foute. .
. '
11.Ír e11 faveur d' u11e doél:ri11e qui , au
ten1s de Diodore , enfeig11oit que le

limo11 · de~ 111arais avoit produit l'homme


& ;les. ·a11in1aux tout orga11ifés ; que c'e.fr
.

parce ·qu,e l'homme tir~ fu p1·en1iere ori-


gi11e de .ce lieu ht1n1ide , .qu'it a la . pe~u
. .

liffe & u11ie ; que, pour .preu\1e. c~rt_ai11e


d'une- telle formatio11
. .
· des .a11imaux, 011 .

voyoit :t·ou~ _le,s jours . en Tl1éba~de . des


fouris. à- demí. -for,mées:, 11.'ay·ai:it .que la
moiti·~
. .
.~ d~ .
corps · d'u11· ru1imal , .
.,
& · Ie
reíl:e du pur lir11011. ( ,1f) -Çet~e,. cé~e~~e
Philofophie Egyptiei1ne ., qui ...faifoit .Ull
. . .

·~ - :. . . . . .. . . -.: .. hom.. ..
• •

- (;file. ) ·Diodore L •. ·1. ··áu:1nê.me ·endroit ow


il. ·rapoxte. qt1e; les. E-gy11tie1:1s. _;prête11derit.que
le .ge11re humaili· é\ ~om.mencé .:ci1ez ·eu:x., doil;..
· ne
232 D lJ e u L T E

l1on1n1e d'u11e n1otte de terre , a bie11 l'ft


fuire u11e Divi11ité d'u11 quadrt1petle. Je
11'al-
11e lé qétail de leur f)·fl:ê.me ftir la premiei·e
fo1·1natio11 des l1om1nes. ;, .La 1·otatio11 co11ti-
2, ~1uelle d11 globe f\1r lQ1-111ê1ne , dife11t-ils ,.
,, le p~rtag·ca par le moye.n de cette agita-
,, tio11 en ea11 & e11 tei-re : de· telle forte pour-
,, ta.11t, q11e.la t\!rre l1e1nel_.lta 1nolle & fa11geufe.
,, Les rayo11s du Solei! don11a11t fui· ellc e11 cct
,, état, ca1..1f~re11t -di:fféi-e11tes ferme11tatio11s à
,, fi .fi.1perficie. 11 f e for1na- d.tllS les c11droits
,, }e~ plllS ihu1nides Ltes excroiíf.~nces COt1Vei-tcS
,, d'1111e memb1·ane déliée , ai11fi qtl'on !e voit
,, e1~core. ~1ive:,; d~111s les 1ie1J~ n1ar-écagêt1x ,
,, ·1orfq11'1111 Solei! a1·dent fucreLie immélii~ltc...
.,, me11t à;un air- f1·ais. Ces premiers germes re ..
,, çur_e1~t leur 110111·riture des vap~l.11·$ grpffiéres.
, , q11i· co11vre11t Ja ten·e pendant la 11ttl~, & fc
,, foi·tifiére11t·i1-1fenfiblement par la· chaleur du
,, jo,u~.. Eta11t ani, ~s~~fin- à- leur 11oint ·.de ma-
1

)' t1~r~té, ils fe dégagere_11t c.les mem.braries qiti.


,, les envelopoie11t , & par1u-ent foi1s la f9rmé
,, de to11tes fo1·tes·d'animaux. _Ceux ten qui -~
,, chaleur. domi11oit s'éleverent cl-:s11s les airs :
,, · te font les · oifeáux. Ceux qtli participoient f.
,, dava11tage de la terre , comme les hom~~s,
,, les a11i1naux à quatre pieds &. les :reptiles,
''. demeti1·erent fur Í:'I furfacê ; ·& ceúx dont:la
,, . f1.1bfta11ce étoit _plus. aqueufe, c,~ft ... à ... dire
,, les poiffo11s, cherchere11t-' cl.a11s les ea11x l~
.. ,, fé~
DEs D I E U ·x r E T 1 Cll E s. 2 33
.

11'allégue pas ceei .po11r la ravaler c11


tout. Ccrtai11en1c11t les E.gyptie11s 011t été
• fL.l-
;, f~j 011r qui le11r étoit propre. Pe1.1 de tcms apres
,, la teri·~ s' étant e1Jtiéreme11t tieíft:chée, ou par
,, l"arc.lct1r llll Solei!, ou parles vc~1ts, dcvi11t ili-
,, c::1pal)le de prodt1ire d'i.;lle - même lcs a1ú-
,, maux ; & les efpéte~ déja 11rotit1ites ne s'eu..
,, treti.111·e11t plttS q1.1e par ,·oye de gé11t5r,ltio11 •••.•
,, At.1 rcfte fi quelqu.,u11 tévoqi.1.e e11 do11te la
,, proprieté q11e ces 11at1.u-..1liftes do1111e11t à l~
,, ~cr1·e d"a, oir produit to11t ce qui· <:l ,,:ie, on
1

'' l1ú allégt1~ po1u- exemple ~e qt1e la na'ttlre·


,, :fait e·11core ·aujourd,htú dails 1~. Théha'ide:
,, cai·. loi-fque les ·. eaux du · Nil fe iont retirée~
1
,, apt'e~
., l,i11011datio11
. . ordil1aire·, ·& que
,. . le Sole1l
,, echatúfa11t la ·ten·e '.caufe de la ·pou1rittu·e eJ:\
'' divers
. . ; '011 .eJl voit éclor1·e u11e w~
.ei1droits .

,, nité
. de rats..
Ai11fi
. ,: dife11t .cé~ ·11atl1raliftes·,
.
,, la. terre s,éta11t deífét;hée pa1· l~afrio11 de .l,air
,:, e·11v;.1·0,111a11t, doit. avoil· produit au:
c:Ón1inen..
,, ceme1it du Mo11de differe11tes, efpéces d,a11i-.
,, maux. . . • • I1s· ii1fifre11t fort fl.ir cet ·éxemp le
,, pauticulier des rats,. do11t ils 'diíe11t que tous
,, ce11x q1.u le ,71àyerit- f011t tres éto1111és : .car. 011
,, aperçoit qt1~lqt1efois ccs a11i111at1x. pi·éfe11ta11s
,, hors. de ti..:r1·e u11e . 111oitié de leur corps déjá
,,_ foi-1née & viva11te, pe11da11.t que· l'at1tre 1·e...
,, tie11t e11core. la·.11at:t1re d11 · li1no11
- ou elle ell ,.
, , engagée. II efr démo11tré par la , co11ti11t1eJ1t- ~
,, ils, que d_es qt1e ]cs élémellS·Ç)llt été dcvelo"' , .
.
,~ pes,
234 D D. C U·L TE

t.lges e11 beauc.6up ele cl1ofes ,, & vcrfés


da11s la co11noiífa11ce de bie11 des a1·ts.
Mais qui 11e fçait con1 bic11 les 110111r11es
011t d'i11ço11féquei1ce .~a11s l'efprit , . ( t)
& de peine à re, e11ir de leurs fa11ffcs
1

idées
.
,, pés, l'Egypte a prOl"\tlit lcs pre1nicrs l~omw
,,_ mes, p1.1ifqu"c11fi11 da11s la lÜfpoíitio11 rnê1ne
;, 01i eíl: 1nài11te11a11t l'U11ivers, Ia Terre .lt'E..
,, gypte efl: reftée la f eule qtii prol1t1ife ~11"'.'
,, core quelques a11i1nat1.X. ''. Cet.te fa,lJle des
i:a,ts ft1.t e11core, à la fi.11 du. fiêcle paffé,.1nife. au
1:1,ombre. de'i .queftio11s.. qu'un f çavaut faifoit fa.i~
re f11r l'hifioire 11atiu·e11~ d.e l~Egypte, f,ç.av.oi~
:íi ·1> 011 tro1.1,roit à la ca01pag11e des. gre11ot1illes &
des fouris .qt1i f11ffeut moitié tc1·re & inoitié
a11imal. A quoi le Drogma11 du Caire · ;·é~
po11dit q11e pe1·fo1111e 11'a'\ vit jámais rie11 vi'1 1ii
7

1~ie11 oui dir~ de parei!. Journ. ,les Sça'ZJ. Juill.


I68s. .
·· ( t .) U11 homme d,1111e vafie ém(1itio11 ,
meml)1·e d,u11e des pl11s ill11fu·es Compag11~s lit.-
teraires, 11'a pas héfité de s' exprimer là-Lieff11~ cn
termcs bea11.col1p plt1s forts qt1'011 nele fai.t Í(Í ,.
da11s ,111 ou\7rag·e e:xps.·.e:ffément exa111iné & ªP"'
:pra\1'\ é par fo11 Cot·ps. ·,, E11 vérité , dit 1'Abbé
1

Fot1r:mo11t, Refiex .. fil'r l'hift. -des anciens pei., ..


,, t~les L. 11 •. feét. 4. ·de quelq11c façoi1 q11e 1'011
,, s'y pre1111e . pour difct1Ipct les E 5,yptie11s ·, ce
,, 11e
DES Drtux }i'·ETICHE5. 23)

idées qua11d elles 011t p1·is 1·acit1e par


u11e tres, lo11gue habit11de? Ol1fe1·vo11'S. ce
'

qtii .fe paffe chcz lcs Mo1·cs d'Afrique ,


trabes d'origi11e , par111i lefquels Ja Re-
ligion .M_al1on1éta11e a porté la co1111oif-

fa11-.
. ' . . . l
,; . )11e -fera heaucot1p a,1ai1cer e11 let11· fa,·eur : il
,, . fauLi.ta to1.1jot1rs avot1er que n1alg1~é ~eur l1at1,
,, te·1·ép11.tatio11 Lie fageffe , ils étoie11t toml1és
.,, ··1à-deíTtis da11s· les exces les plus odie11x. Que
,, pe1·fo11ne_11'o:fe ici nous ~pporter pqur prétex-..
,; te i~ polit:1que de .leurs Soi1verai11s. Da11s_ le
,,.. 'défféi11 ·~ dit...011 , de' divifer··efficacement~to~
''?'.ce~·~:ti~º!UÇS. # ·l'~~P.t~ ,; ils y: aV;oie11t é~-.
,, bli tous .ces cliltes· diff~re11s.' On potrrroit
.• ,~ 'par gi~ace fettr accotdér -ces vues fembla•
,,. bl~s -.à- ce~le_s . lt~ _Jérqb0am: elles·en avoient
,; pe1.1t..:.ên·e été. te modéle~ Mais poi11." par-.
,,. :1er· fi1npleme11t &. fans· fard ' . il faudra bo11--
''· ,.gr_é_~ t111~~gi·é :en. 1·evenir à ceei , qt1e Ies-:
,, Egyptie1is étoie11t [. & .s'ils _pe11foi~nt- 1111
,,- peu, devoierit fe croire ettx-1nêmes J tt11
,, p*11ple( fort .e*travaga11t~ 011 11 1 apothéofe
,, j,oi11t (a11s folie les oig11011s & lcs · afpe1•..
,, g·es:· Que pe11fer e11core ~.-tes Diet1x oifeaux,
,,. ·poi~ons, ferpe11s., crocodiles. ~ U 11~ peu .plt1s
bas- il _dit 11ett~1ne~1t -, que les Egyptien1 ntJ
penfoieni pas mieu:x: _(ur · cet article que les ·Sa-.
m9;e4.,s :·, ·'5. qu~ :. l,s S,,u,,ages à? A1n.!rj2i.te.. ~
. ' '
n e

236 - u. u L -T E
.
fa11ce ·d'u11 .feul Djeu. Malgré le 1\1aho-
métifme do11t ils font profeffion , l'ufa-
ge des F étiches n'eft 11i moi11s gé11érale...
n1e11t · . répan{iU 11i n1oi11s · co11Íí.1cré par
Jeurs Prêtres Marabous : ceux-cj don-
ne11t aux Fetiches le 110m de Grigrii•.
L,1 11ouvelle Religio11 11'a produit d'au-
. tre effet que de les faire regãrder com-.
n1e ~es p11iífa11ces fubalternes , con)me
des talifn1a11s préfervatifs · coµtre . t9ute : .

forte
.
de. inaux ·ou d'événemens.
. fâcheux. . . .. . .

Chaque Grigris a fa. proprieté: auffi _les·:


i . .

l\fores en ·011t-ils tant., .qu'il.s én font ·


quelquefois couvert.s d-e-la tête :aux ·pieds :- ·•.
parmi · eux les E'étiches 011t ·gagné_ e11 .
non1bre ce qu'í1s Q11t perdu' e11 · :fotce.
. . . ~

II eil afez .certairt at1ffi ·que les Egy.p- :


tie11s portoie11t .fur eux leurs Fétiches ·
. .

talifi11a11iques. . 011 trouve de três ai1- .


.

cicru1es .· Mon1ies aya11t fur l'efromac une


plaque d'or gravée d'u11c figure de bê-·.
te , & pe11due à. u11 colier .. de même
,
tne.
DES DIEUX FETICHE'!. 237
métal. Pietro del!a Valle ~ en a vC1 de. •

tellés da11s les fépu~tures voiíii1es du


Caire. •

De ces deux obfer_vations · de fait , l'u_'.9.


ne qt1e les ancie11s peuples étoient fau4
vages & groffiers comme le fo~t le_s
N oirs & les Cara:ibes ·' l'autre. que 1es
· objets de leqr. culté étoie11t les n1êmes
que chez ceux-ci , il e11 ré~uite cette co11-.
fé_que11ce certai11e , que leur Religio11 &
' • • 1

leui _faço·11 de pe11fer


. .
e11 cette n1atiére
étoit la mên1e cl1ez les u11s que_ chez. 1~~
a11tre~ , .. Ja n1ême e11 EgJrpte autrefois
qt1'elle e{l aujourll'hui en -Nigritie. Tout
' ..
abfurde & groffier qu;eft 1e ·Fétichifri1e ,
il ne fuut pas croire qu'il ait du s'abo..
lir e11 Egypte à n1efure .& auffi pron1p-·
teme~t .q~e JeR efprits des hàbita11s fe
fo11t r.a611és.. Les poi11ts qt1i regardent
. . 1

_le culte religieux fubfiftent e11c~e co~~


me
*.. Pietr. della Vall. Lett. x:r. . ' ..
,•
•,
. .
n u e 1.1 ..L. ·1· E
• •

·tne cl1ofes facrées lo11gten1s apres qu'on e11


·a reco1111u la· f11tilité., & reíl:e11t a11 n1oin·s
chez le bas pcuple, qui fait le p1us ·gra11d
·corps cl'u11e natio11 , & qui eíl: touJours ,
·co111n1e 011 le fçait aífez, fo1·t attaché à
fes vieux ufages , furtout e11 cette n1a-
tiére. C'eíl: ai11fi qu'il f:1ut e11te11dre_ ce
·que dit Sy11eGus. ,, Les Prêt1·es d'Egypte
·,, fçave11t bie11 fe jouer du peuple au
,> n1oyen des becs d' éperviers & · d'ibis
,, fculptés a\l deva11t des ten1ples ·, tan...
·,., dis qu'ils s'enfonce11t da11s · les Sa11e-
,:, tuaires · pour dérober à la vC1e ·de tout
·,, le ~011de les 111yfteres qu'ils · célebrent
e,, deva11t les · globes qu'ils · 011t foi11 .de
;., cou vrir de n1ac~11es qu'ils· ·appellerit
)) . YIICIJµ«;ç~gz(II,. Le· foin ·qu'ils prenne11~ de.
'

,, couvrir· .ces . globes· · eft poµr ne pas


.

~~ révolter ·-le peuple , ··q11i n1épriferoit· ce· ·


~' qui feroit fin1ple·· :·'·il··faut pour l'a1nu-
·.,, fer des ol)jets qui le frapent & le fur-

,, pren11e11t., .autrement ,'011·.ne
.
gag11e
.
r1en
,) avec
n Es D 1 Eu x F E TI c.H E s. 23)

,, ijVec lui : c'eft- là fo11 caraél:ere. ~


-MaJgré la perfeél:io11 que les n1reurs ·&
les Arts acqui1·e11t e~·. Egypte , les vil..
· Jes. Egyptie1111es 11'e11 fo11t gueres n1oi11s
-1·cfrées attachées cl1acu11e au vieux Fé-
.ticl1e particulier dont elles a,1 oie11t fait
choix. Ce n'efr qu'à force de vétuíl:é qtl'e

cette idolatrie fi groffiére ·s'y eft e11fi~


étei11te , & que les traGes e11 ont e11fi11
-été -eífacées par le Chriftianifme •
& pa·r
·)e Mahon1étif111e, deux Rcligio11s les plu·s
propres qu'il y ait à dét1·11ire les aut1"es ·,
tant par- la pureté a, ec .laqt1elle elles
1

:n1ai11tie1111e11t ·le dogn1e préqieux de l'u-


11ité de Dieu , & profcr!vent tout ce qui
-fe reífe11t du · Polythéifme, que par l'ef-
·prit, d'i11t0Ié.ra11ce· qt1'elles tie1111e11t de. Ia
-Juda:ique -let1r -n1ere..
V oyons ceper1da11t e11 peu de mots
'

·s'il fera~ poffible ,. fa11S·' s'écarter tout-à...


· · -~ fait

* Synef. in e11com. Calvit, · '


24'1 D U C U·. L T E

Íilit de la j11fteífe du raifon.11ement , de


:do1111er à cette pratique Egyptie11ne quet..
que .autre fo11den1c11t que la pure fotife
du peuple; quoiq11e les railleries qt1'011
. en a faites autrefois n1011tre11t aífez. qu'o11
11'e11 a,roit ;pas alors u11e n1eilleL11·e opi-
:nio11. De pl~,s s'il étoit pub1ic q11e ie cul-
te eí1t u11 fo11deme11t raifo1111able , e11
ce que le refpeél: re11du .à l'a11in1al 11e fe
~apportoit
.
pas ctir.eél:~n1e11t à lui , n1ais.
à Ia D~vi11ité réelle do11t il 11'.étoit. q11e
la figure, pourquoi les a11tet1rs qúi c11
,parle11t 'Jf auroie11t ... ils pris la· précautio11
d;:avertir d,ava11ce que. · ce .qu'ils vo11t
·dire efl: t111e: cl1ofe h9rs de cr_oya11ce
·& 1111 problê1J1e fufccptib1e qe . bie11 _des
:djjJ:icu ltés ' '""eJ~o~,, TO ,,,,d~s,or, x,q ~,r.
T,Íreoi "~''': qt1e les catifes que l'on do11~
•'

nera de ces pratiqt_ies p~roitront fort


.doute~ufes ·& ,peu G,ti~&litantes , _'il'o»..fuJ
. ~

* Diocio1·.
n E s D I Eu x F BT I e HEs. ~4. . I.
.
' '
&'1TfJe1aP ,
'i'T~~f%0rT"'' " Tµ.Ç
TO,f ' ·l» l~ll,.
, ,
T~ffiJJJ'

.
{>ii-;"a-, : qL1e les -Prêtres 011t foi11
. . de gar..
ller u11 profo11d .file11ce fi1r ces fort~;
de n1ntiéres : que ce que la 11ation eí1.
fçait tie11t e11 g·ra11de p.a1·tie. de la fable
& de Ja fin1pJicité des pren1ie1·s fiécles :1'
i-?, d.~t()f,i;,.,~, «7rÃclTJ1Toç. Pou1·qt1oi Plu ..
tarque fi zélé pour y trouver du n1yfre..
1·e, qui s'épuife à cl1erche1· .fur cl1aq11e
' . .
· poi11t toutes les allégories les n1oi11s i~_a..
gi11ables ~. les ·plus i11.co11féq1~e11tes, mê..
n1e fur. les différe11tes couleurs de la ro~
be. <l' lfis . & fut les différe11t.es réíit)eS.
. .
qu'o11 bruloit da11s fo11 ten1ple; Poúr~
quoi, dis - je, feroit- il obligé d'avoucr

qu:e Jes Eg·yptie11s c11 pre11a11t les bêtes


pour des Dieux fe . f011t re11dus ridicul~s ·' . . .

aux yeux de tout le mo11de & 011t fait


de lcurs cérémo11ies un ohjet de rifée l
P911rqu_oi Cicer~n oJ(. avan~eroit-il que· l~-
, L Egyp..
,.
.'
1,
r
..
;,. • ' •
· D u CU '
L TE
..

Egyptie11s fo11t plus fern1es da11s· 1eur .


croya11ce de la divi11ité . des a11ima11x,
· .que le Ron1ai11 11e l'eft da11s la fie11ne

en e11trant da11s le ten1 ple le plus fai11t?
Pourq11oi Plutarque· & Diodore raport.e-
róie11t-ils fur le n1ên1e poi11t ta11t de fyil:ê-
·n1e~ cl'explicatio11s différe11t~s qui 11'011t
auc1111 raport les u11es at1x antres , qui
s'exclue11t même , & par ]à s'acct1fe11t ré-
'ciproquéme11t de· fauífeté? Çar_ enfin des
·qu'il 11'y avoit que le bas :peuple , ·tou-
~jow·s partout ig11ora11t & crédule , qui
. .

prit les objets · de fuperíl:itio11 à la let-


tre , des que tous les gens fe11fés · de la
11atio11 11e regardoie11t ces .diffé1·e11s ob-
jets que. cQmme- fy111bolíques de . Ja Di-
v.iJJité , le fe11s qu'i1s y d·o1111oie11t· étoit
fixe.., publié ,. co1111u de tout Je· n1on-
. .

_de, 110n. fuj'et à la difpt1te 11i à .l'i11cer-


~itude :. les Prêtr·es· d'Eg)rpte , ces ge11s
'

fi n1yfrérieux , ayant une 1·éponfe fatis-


faifante à do11ner ···au '. reproche .-gênéral
faít
D Es D l,E u X :F.·E 1' lºC'Jt·Jc: s. ~43
fait à· 1et1r -i1a.tio11·, lôi11 de garder le íi!'9
lence , avoie11t plus d'i11 térêt que per...
fõ1111e à -s'expliquer 011vertemé11t. Mais
. C}llf\lld .01i 11"á rie11 de lJOll à dite , c'eft
ie tas de laiffer croire q~1'011, garde. un
fecret:·, 4'affeél:er ·le ·,. n-iyftere .; · de 11_e
s'expliq11er qu'à demi · "~ . ~ fort peµ
:ôe ge11s~ 011 voit qu'Hérodote , qui
h, oit beauçot1p coriverfé avéc . les Pt"ê-
1

ti·es , eft t1·es .réfervé .' lorfqu'il e~ qt1effio11


de ·parl.er des motifs ·du: culte Egyptie11.
Qii.oiqu'il faífe..·-fes eífo1·ts pour.. ·Ie p1·é~
fe11ter fotJS Ulle .. face. plus r,1ifo1111able ,
e11 do_n11ant à e11te1idre. que. ·c4aqtie .ani-
111al. étoit. co11C1cré . à un Dieu,~--~ce;:qqi
pouvoit ·11ie11· · être ai:11G déii fon·. tems.,
tlll . s'aperçoit. aif~_n1e11t ·qu'il ne ·Veut .pas·_
.'expliquer . ft1r ce ~ -qu'il fGàit. ~,;: Iles.
;, Egyptie11~ , dit-il* _,. font fi1perftitieux:
,,· à· l'exces .- fur les: chofes. divinçs.i:, Lês~
.
·... .·. .
. .
••
'
Li
!f: Heroc\ot. II, 6 s. .. . --·~~·
,;
.
...
..
,. 1 .•. .í
244 D V C··u·L T ~

,,. bêtes furouches & domeftiqucs y font


,:,;: · facré~s. ·: Si j'e11 voulois dire la raifo11 ,
,; il _me. faudroit infe11íiblen1e11t tomber
,, fur le difcours de la Religion , do11t
~' j'évite de parler autant qti'il n1'eíl:
,, poffible, & do11t on voit que je 11'ai
,, dit quelque chofe · qu'autatJt que je
,, m'y trouvois engagé par la 11éceffitê de
,; man fu jet, & feulement e11 paífant. ''
Ailleurs parla11t d'u11 certain rite de facri ..
fices ou
l'on immoloit de~. pores , ,, Les
,, E;E;yptiens , dit-il ~, ei~ r.e11de11t u11e
, 1 raifon ; n1ais quoiq.ue· je la fach.e, je

,, . crois_. qtt'il eft plus honriête .que je


,, _ne .la.· raporte pas. ;''. Plus_ haut , .. a-
ptres- avoir: dit · que .
les Mend·efie11s . reC.. .

peéte11t- le-bou·c, ·parce que.1'011 repréfe11-.


te. le Dieu Pa11 avec. une tête :de chevre &

des· p.ieds d~ bouc; ,, Ce 1i'eft p,1s , ajout~
t41, ,,.:qu~ils le croye11t. auill fait .. Pa11
... r .
1
. {) ' . ' . '' cíl:
-~ ·Herodqt. II, ·47· • •
DES DIEUX FETICHES. 24~

'
» efr u11 Dieu fen1hlable aux autres .. Si
,, on le repréfente _ainíi, j'en fçais bien
,, la raifon ; mais je 11e ferois pas bietl
,; aife de la dire. <, Cette rétice11ce n'a
poi11t raport à l'obfcénité ; car on fçait
qu'Hérodote. n'eft pas fort reteni1 fUI;
cet article. En un autre endroit , ou il
conte : l'Jiiff:oire d>Hercule , il nnit. en
pria11t les Dieux & les Héros de pren..;
dre · en bqnne part ce qu'il a dit. _E11
un mot, il eft facile de .voir qu'il ne
touche cette matiére de ]~ croyance E-
gypt~enne qu~avec fcrup11Jc & difcrét~on:
car da·11s. fes difcours-, s'il 11,eit ptts chaf-
te, il efi a11 n1oins fo1·t dévot. Les é-.
cri vains poftérieurs à lui , _tels que Dio...
dore , · Pluta1·que , Po~phyre., Jan1bli-
que· &e. recherche11t tres curie11feme11t
les 111otifs. fo11dan1e11taux - de ce culte :
& c'e{t u11e cliofe dig11~ · de re111arque ,
qt1e plus l',1uteur eíl: réce11t, plus il eíl=
porté vers 1es explications n1yftiques ~
'

L '·3 q11i
··Du Cu1.. ·TE

gui de fiéele cn fiécle deve11·oie11t plus ~


la rriotle, à· mefur~ qu'o11 fentoit dava11""'.
tage· le. befoi11 · qu'avoit l'Egyptiru1ifme.
d'.être ·pa11ié pnr eles· allégories .. : Parcouc
rons auffi briéveme11t
' .
qu'il fera poffibl~
les . différens fyftêmes figurés ·q11'011 : a ·
votilu. faire adopter. · · ·)
·· Je crois d'abord que ·ceux qui. veu-
le11t. foutenir l'hon11cur de· la croyanc~.
Eg)·rptie11ne * fero11t bien aifes que je n'al:..
légue ~1:i fá f:1veur, 11i la fable de Jupi-.
ter ql1i. ne voulut· íe laiífer voir à Her-,
.

cule · qu'apres avoir écorché u11 moilton-


& s'être c11velopé de fa peat1, ( caufe
pour laquelle le béliet· a ·été déifié), _11i.
t
la méta~1orphofe des Dieux en betes , 1

lo1·{que ·1es Géa11-s les. eure11t n1ís e11 fui . . .


te .. Cette tàble 11e fuppoferoit pas u11e.
n1oi11dre fotife da11s le peuple qlti l'adop-

te-

* Herc d. II. 42..


1

·t Ovid. Metam. L. s.
n E s D I E u x F··E T 1 e H É s. 247
-
teroit que celle à qui 1'011 cherche à don-.
. . '

ner une tour11ure plus fenfée. Si elle a


réellen1e11t eu cours e11 Egypte_, elle 11ous I

montre , par ce qu'en rapporte Diodore,


quelle. étrange & miférable opinion les
Egyptie11s ont eu de 1eurs . Dieux , de .

ltur multiplication & de ~eur pouvoir.


. . . '

,, Ils difent, feio~ lt1i, que les Dje11x


,, n'éta11t. autrefois qu'en petit no111b1·e,
., &-craignans d'être a~c_ablés par la mui-_
'

,, titude d~s hom~es _i_n1pies &; fcélé-


,, :rats , (e· cachoie11t fous la forn1e de

,, divers .anin1aux, pou~ écl1aper à leur


,, pourfuite & à leur _f~reur. ~ais ces
,, mêm~s Dieux s'étant e11fi11. re11dus . -.
les ~ .

,, Maitres du M·o11de, avoient eu


. .
de la
,:, 1·eco1111oiífa11cs pour ~es a11imaux ~011~
,, la reífcn1bla11ce les avoit fati vés. : ils f~.
'' les· étoie11~ co11facrés, & avoie11t char. .
• • , • - • a

,, gé les hon1n1es n1ê111e de Ies no11rrir


. . '

,, avec foi11 , & de les e11fevelir avcc


,. hon11eur. '' :elu41rq1ie .a raifo11 de s'é..

L 4 cr1er
'
·~48 D u eu L TE
·crier là-deífus , qu'ofe·r l:lire q11a les DielJX
·effrayés ont été ·fe cacher dj1\s les corps
des chie11s & des cigog·11es , c'efl tlne
nél:io11 mo11fl:r1.1e11fe q11i furpaífc ·les plils
;groffiers n1e11f011ges : & ·tol!1t de fuite , il
• l '- •

·rcjette auffi comn1e indigne d'être ava11-


cée l'opinion de la Métempfycl1ofe, qu'rn1
donnoit pour caufe du refpeél: re11du a11x
a11ima ux. Je ne m'arrêterai p·as non plus
à· refuter la fable fuivante. Typho11· tua
fon fi·ere Ofiris, & coupa le. cadávre ·en
vingt-fix parties qu'il difperfa. Ifis lui
fit la gueri."e , vengea le n1eurtre ·ron de
·époux , & éta11t montée fur le· Throrte ;·
cherel1a & retrouva fes membres épàrs.
Pour leur do11ner u11e fép11lture à jamais
célebre , elle fit vi11gt-fix: n1on1ies, dans
chacui1e defq uelles elle n1it un morceau
du . corps d'Oíiris ; & aya11t- appellé cha...
q11e focieté de Prêtres e11 particulier , cl-
le aff11ra e11 fecret chacu11e des focietés
qu'elle l'avoit préferée au-x autres pour
,.
etre
DEs D I E U X F ET I C H E S. 249
être dépofitaire dt1 corps entier d'O.fi.ris.
Elle enjoignit à cl1acu11-e ll'elles de. choi-
fir u11 a11i~al tel q11'elles le voudroient,
auquel 011 re11droit pe11da11t fa vi~ les
n1êmes refpeéts qu'à Ofiris , & qu'on
e11fev·eliroit .apres fa n1ort avec l~s mê.-
n1es ho1111eurs. C'eíl pourquoi ~haqt1e
focieté facerdotale fe va11toit de pofféde~
feu le le cor.ps d'Ofiris , nourriífoit un
anin1al facré e11 ·Í:'l n1émoire, & re11ouvel-
I0it- les fu11érailles du Dieu à la n1ort .de.
cet a11in12l. Ce co11te. eft affez -.
bie11
.. i11-
vcnté pour re11dre ~aifon du cul~e parti~
oulier à chaqu e. contrée. ·Mais quel.!f~i-
f011ne111e1, t plaufi.Qle po11rroit-on, appuyel=
fur . t111· récit
.. . au1li vifiblement
. . . fabuleu:x:
.

.dan.s la plí1part . de fes circo~(lances? Q'ail-


.Jeurs ·i\ 11'eíl ici -:queftion que des :a11i-
.maux : cepe11da11t nous ayons vu . que
Ies. êtres i11,1nin1és étoient auffi des .ob-
jets de culte. Q!.iand . -
cette
.
fuble feroit
.

bonne pot1r l'Egyv~e, elle .· ne ferviroit


L 5 à
2~o- D U CU L TE

à 1·ien pot1r lcs autres e11tlroíts de l'O-


rient ou le Fétichifme a eu vog~1e. TJes
raifons qyi lui 011t don11é cours dar1~
\111 pays;, 11e fo11t pas différentes de cel_;
les qui l'ont introdt1it dans un autre. On
a dit q11'a11trefois les Princes fL1cceffe111·s
d'Ofiris * & les Gé11éraux d'ar111ée por-
toient ft,r le11rs cafqt1es des figures de
têtes- d'a11imaux , po11r fe re11dre plus re-
marq11ables ou p1us terribles: ce q11i les
n fi1i t repréfenter apres let1r mort fou·s
les ng11res qu 'ils avoie11t choifies pour
cimiers. Ainfi 011 a repréfenté fous la
:figure d'un chiet1 An11bis t l'un des· prin~
--
C.i}ÍaUX officiers d'Ofiris. - Cette folutio11
:eft, a1fez- ingénieufe. ·. 011 pourroit en·co-
i'e ·alJéguer e11- fa fa, eur l'a11alogie qu'el1..
1

1e -femble- avoir- avec le gránd no_mbre1

.te- figures Egyptien11es -qu'on · voit ert


·· · - · · · for-
.
'. . ....

*. Pl\lta.rch. in líili. '

f Etüeb. Pr~par, II. 1 ..


.
n·Es D1EUX FETIC.HES. 2)~1

forme humai11e avec des têtes . d'arti-


n1aux. Néann1oi11s elle fuppofe, 1°. que
le culte public s'tldreífoit feNlement a la·
figure fculptée ·d'u11 animal , .ou à quel-.·
que íl:atue humai11e ornée de. cette figu...
re; au lieu qu'il s'adrcífoit à l'a1,imal.vi-
va11t 1ui-n1ême, & de même que· Ies ·noirs;
q11i vo11t to11t n11ds & qui 11'ont p·oi11t eu
chez eux d'officíers d'·Ofir·is -11i d'apothéo.,
-
fes, l'adreífe11t à leur·Fétiche. Car ceferoiç
une autre abfurdité de ·di-re, que parce
qu'u11 perfonnage illuftre s'étoit orn_é de.
la dépouille de· quelque bête, la -v.éné'9
ratio11 rendue à fa .mérnoire a confacré
toutes: Jes bêtes viva11tes · de·, J.a mêll)e.
efpece. La peau · d·e lio11 dont: fe coeffoit
Hercule ·n'a pas · déilié da11S. la Grece
l>efpece · vivante d·es tio11s :~ outre qu'il
me paroit douteux que les eapitaines -~
g-yptiens ayent jan1ais port~ d'oignon~
pou, çimiers de leurs cafques ~ · c'ét~i~
.· ; _ , L -~ ~ _,;. f o\l~
.. ,, ,
2 )~ Du CuLTE '

po1Jrta11t d.es. Die11x de l'EgJ pte. ·p1i-


u11 1

.. dit pareillen1e11t : * ,, L'ail & l'oig11011


11e·
,,. ià11t des Dietlx fur lefqtlels l'Egyptie11
1

,, f~it fern1e11t. '' Elle fuppofe, 2°. q11e


Je Féti'Chifme 11.,e!l q11't111e aft~ratio11. de
l'idolí."ltrie propren1ent dit~ ,. do11t el le fe-
rQit dérivée à. la f uite des ten1s ; -au lieu
que le culte des a11in1aux pa1·oít au con-
traire , ifiblen1e11t antérieu1~ e11. Egypte
1

à. ce}ui des idqles, . qui m~me 11'y u p~s


' .

été a11ffi for~ e11 vogue da1Js la Grec~·


& ·dans te refie . de ~l'Orien t. Strabon t
.dit e11. propres termes, .q1;1e. d,111s les pre-
~ ;

~i~rs ~e·ms l.es Egyptie11s n'av_oient. point


'.d'idoles, oµ. que s'ils. e~1· .avoie11t, elle~
n'étpient: pas . .de for~e . humai11e ~ mais
' . .

de figures
.
de bêtes. Iíis, o.qris , ~ fa fa-
n1ille, Pivinités fi an~ien11~s .en Egyp.. '

. font. des Dieux.. rél~~ifs _at1, Sapé'.if~e


te.·,·. .

oa·,_~1lte... . . .... des .aftres:, .& à .l'a1~cien.. état


.
. .- .
.. . \

- . . du . ·.

-~ ·1:1.i_n. L, XIX. ..t·, L. , 7•


u Es D 1 Eu x F E T 1 e li E s. 2 13

dt1 g1obe terreíl:re. Lors de 1a conqt1ê-,


te eles Perfes, Can1byze 11e trou va da11s
le ·vaíle te111plc de V t1Icai11, que de pe..
ti.ts objets qui excitere11t [1 rifée: le Ju ..
piter Sérapis & qi1elques autrcs Divi11ités,
fo11t· réce11tes e11 co111paraifo11·cles Féticl1es.
Parmi les il:at~es Egyptie1111es qui 11ot1s
1·cíl:e11t, do11~ le plt1s gra11d 11on1bre ne
fo11t pas des figures de Di,.1i11ités, p1. o-
ll~blen1e11t Ja· plupart 11e fo11t pas a·11té-
1·iet1rcs à la M611archie Grecque d' Alé.""!
xa11drie ; · quj do1111á fa11s doute u11e · '"º-
gue tres coníidérable au pur culte ·ido ..
lâtre. La Religio11 d,Egypte étoi t for~
n1éla11gée. -Des les pren1icrs fiécles le Sa-
bé:ifm e y e1ttroit pouF beaucoup. Si· Ja
11atio11 n'avoit eu que ,,douze Dieux }!""é-
tiches , 011 pourroit croire que l~ divi-
fie11 du Zodiaque _en douze fig11es; à· qtii·
1'011 .d·o1111a. le -11on1 d'uutant d~11ima11x,
a do11né 11aiífa11ce à la Zoolatrie ; lcs
Egyptie11s adorateurs des .aftrcs &- ~u-
teurs
25'4 D U C U L T E

teurs de cette divifio11 aftro11omique,


aya11t fubíl;itué le culte d'u11 belier 011
d,un taureau à celui des co11fl:ellatio11s
qui portoie11t les 1101ns tte ces quadrupe-
des. Lucie11 ~, íi le difcours fur l'Aíl:ro-
logie judiciaire qui fe. trouve da11s fes
reuvres .cft de lui , s'explique là-deífus en
ces termes aífez curieux: ,, Les Egyptiens
,, ont cultivé cette fcie11ce apres lcs Ethio. .
,, piens: ils 011t mefuré le cours de eh~
,, que aíl:re , & diíl:i11gué l'a11née e11 mois
,, & en filifons ; .réglant l'année fur le
,, cours du Solei! , & les mois fur celui
,, de la Lune. lls 011t. fait pl11s : car
,, aya11t. partag.é le ciel e11 douze par.
,, -ties ,. ils 011t repréfc11té cht1que conf:.
,, telJation p,1r la figure de q11elqt1e a11i.:.
,e mal, d'ou vie11t· la di,1 eríité de· ·leur

,) · Réligion.. Car tous Ies ·Egyptie11s ne


u fe fervoient .. pas de. toutes, les · parties
·- "du
. .. ..
••

,, du ciel pour devi11er ; mais ceux .. ci ·


,, de l'u11e & ce11x - IA de l'autre.· Ceux;
'' qui abler\ ere11t les proprietés du be...
1

,, lier, aclore11t le belier ; & ai11íi du ref-.


,, te. '' Malheureufement ce paífage du:
Sabé'ifn1e au F étichifme , affez naturel.
d'ailleurs, foutiendroit n1al l'applicatio11 ·
qu'o11 e11 v.oudroit faire au détail com-·
plet du culte en q11eftio11. .J'avoue ce-
pe11da11t, qt1e de toutes les opinions cel-

Je- ci me paroit la plus vraifemblablc, ·


apres celle· que j'ai.. pour but d'établir
da11s ce traité.
Plutarque & Diodore raportent , que
lorfq11'on divifa l'Egypte e11 Nomes,~ afi:i-1
d'empêcher -les habitans de
remuer
.
& .
de s'u11ir pour fecouer le· joug , on- im-
p<>fi1 d_a11s chague Nóme·un culte pílrti-
culier ; rie·n 11e tenant les hon1mes plus.
divifé·s & .plus éloignés les u11s des al:lt~es
que la différence de Religion." On e11t .
foin ·d'affigner à ch,ique· Nome voiíin des.
'•
2~G D u e u L T E

a11in1aux a11tipathiq11es ·, po11r augn1e11 ..


ter la hai11e ·e11tie les habitan~ , lorfqt1e
cl1a·cu11 verroit fi1 propre Divi11ité n1a1-
traitée, ou l'e1111en1i de fo11 Dieu ho-
11oré par fes voiG11s. U11e politique li.
rafi11ée auroit été fans dotite excelle11te &
appuyée ft1r Ull fo11de111e11t ·tres vérita-
,ble. M·ais qui 11e· voit que les efprits
du peuple éta11t pl11s ·difficiles à te11ir c11
1

co11trai11te · fur le poi11t de la Re1igio11


que fui: ailc1111 autre , c'étoit au co11tr,1i . .
rc choifir u11 111oye11 tout propre · à Jes
révo1ter tot1s ; &: qu,i 1 y auroit '. eu ce11t
fois plus de pei11e 2 íes: plie·r à 1111e t~l-
Je nouveauté, qu~à Ies · tenir aífujettís à
.
une _dominatio11 temporelle ? La rr1mie-
re bizarre . dont .
011 foppofe que· le .pro-
jet étoit co11c;t1 ·, ?lc~evoit ·d'e11 rehdre
l'exécutio11 impoffible , fi le F étichifme.
élt>it u11e· croyance nouvelle q1;1'on ·eí~t
youlu _pour: lórs établjr.. Ne feroit-il p~s
plltS vraifemblªblc
.
.d~ ·dµ-~.,
~
q11e
~- ·la divi~
.

· · ·fton
DES ·n1·EuX FETJCHES. 2f7
fio11 gé~graphique & politique, q11a11d
il fut l}Uefiion de -}'Íntr<><iuire, fut ·rég lée
fur, la divifio11 de culte qui· fe trouvoit
déja e11tre les di~ére11tes co11trées?

· D't1utres ont dit q~e chaque a11imál


emportoit avec foi l'idée d'u11 Dieu p lus
rclévé dont il étoit Je type ; de · forte
qu'il filudroit ainfi regarder l'animal cóm-

me ·]e Dieu même. A Bubafte donc le


éhat ai1roit été 1~ repréfe11ta11t de la Lu-:
ne. . Mais les hab.itans de· Btibafre font
.aífez n1al juftifiés par~ là : .car il 11'y ·a
gueres moi11s d'imbécillité à prendre un
chat po11r la Lune qu'à ·1'adorer lui-111ê-
ine~ D'ailleurs: combien 11'étoit-il pas.plus
fii:i1ple de rendre direél:eme11t ce culte à
la Lu11e, qtie de l'adretfer aux chats ft1b-
lu11aires ! · Selde11 'lf- tâcl1e · de do1111er à
ceei u11e face n1oins ricticule : il croit
que les animaux 11'étoie11t que· fyn1boli-
ques eles Djeux du pays, &· q11e le· cuJ. .
te

'
* Selc.len. Prolegom. C. ; .

~~s · nu e u L. 1 E
1 .

te des fymboles a donné 11aiífanee au


iulte des a1umnux & .autr~s objets fi11-.
guliers , lorfq~'on a fub~itué le culte vi-
fible t;le l'ohjet repréfe11tant à celui de
l'objet·repréfenté; par exemple, le breuf
en Egypte, & le feu en Perfe : l'un
n'a1'oit d'abord été q11e le--type du Dieu
.1\pis , l'autre que ~elui d1l Soleil. Mais
à force d'avoir le repréfentaat foi1s les
yeux , le peuple groffier a perdu l'idée
du. repréfenté.,·. & détourné' fon adora..
tio11 de l'objet abfent peur l'adre.ífer en
droiture à l'ohj.et préfe11t. Ceei peut avoir
quelque chofc··de vrai .par raport au culte
du feu , pour ceux d' e11tre les . Guebre's
qui ado1·oien~ le feu·terrefire de leurs py~
rée,. Qye le breuf·, le plus 11tile des ani...
• I I / I J
maux, a1t ete g·encra en1e11t reç11 comn1e
lc fyn1l)ole conye11tio11nel dL1 plusfavora..
-
ble des Die11x, 011 pourroit le croire: n1ais
fi 1'011 ~eut faire l~app licntion de· cette
hypothefe uu détail i11fi11i d11 Fétichif-
. . •
DES DIEUX ·FETICH.ES. ~~9~

rne Egyptien , on · fera bie11t6t contrai11~


à'aba11·donr1er le fyfiême à force d'en-.
droits ou il n'efl plus poílible de l'a-
dopter. · Dira-t-on avec.a P1utarque *, que
le crocodilc n'ayant _ poi11t de langue
dojt être ·confideré con1me le fymbol~
de )a Diyinité , qui fans proférer · -a~e
feule parô1e impri1ne ·· les loix éternel~
les de .la fageífe ._dans le . filence de .11os .

creurs'? ~. plí1tôt' tle fera-~011 pas fur-


pris de~ veir . u-í1, fi. _excelle11t efprit c:iér
biter· en ;termes .tnílgnifiques _·des . eh~
fes: auffi. peu· conféquei1tes_ :& auffi éloi~
gnées du · fens commu11? ·On eíl: tout-à~
fait· éto11né. de· lui ~11tendre dire -·.qt,e, _
la be·l_ette; qui có11çoit pµr l'.oreille- -& -ac~
co11che par la: bouche , eft le fyn1b<)le
de la parole q11i procede ainfi : que. la
mufaraig11e avc11gle -etl adorée, pa1·ce q11~
les té11eb1·es prin1itives ont _prêcédé 1~
lunuére : t qt1e la. chatte efr le typ~ C-i.cr~
.

. ~ de.
. 1 •
. .·i

L * I11 Ifide & Ofi1·. t ~J1 Sympofiac. IV. S·


260 o~ eu ·L TE

de la Lu11e, parce qtl'elle a co111me ell~·


des taches fur fa fuperficie, & qt1'elle
·çourt la 11uit : que ·1>afpic & l'efcarbot
font ·les types du Solei! ; l'efcarbot par-
ce qu'il va ·à · reculons , comme l~ S~
leil allant d'Orie11t ·en Occident va con_.
tre·, le mouve1nent du premier mobile
q11i fe meut d'Occide11t en ·Orient; l'af-·
pie, ·parce que comme le Soleil ·il ne
·yieillit
. .
point,
.
& marche fans -jambes a..
vec beaucoup de fouplcífe & de promp-
titude : qu'en Jangue Egyptien.ne· Ja pier-·
re d'aima11t ·s'apelle Os tl' Horit.s & le fer
. . .
.

Os de TyplJ01i , qu'Horus étant· 1~ mon-'


de· ou la nature humai11e, & Typho11·
le ·mauvais pri11cipe, cela lig11ifie q11e Ja·
nati1r·e ht1n1ai11e ta11tôt fuccon1be à fa.
pe11te vers le mal , ta11t6t le furmo11--
te , .commc l'ain1a11t attire JB · fer par_
un de fes poles & le ·repouífe par l'au .., -
tre. Si e'eft la fac;o11 de pe11fer des .E-
gyptie11s de fo11 · ten1s que · Plutarque
. .
.
• • J.10l)S
DES DIEUX FE~l·CHES. 26I

nous débite ici , elle fait aífurément.


peu d'ho1111eur à la jufteffe d' efprit de
cette nation. La groffiere fimplicité des
fiécles fauvages que je crois avoir été
Cijpcie1111e baze & la p1·emiere fot1rce
de fon culte religieux, fa11s être. plu~
déraifo1111able , . a du n1oins plus de vrai;
fcmbla11ce . •
Le.. ~ême .embarras fur l'app~içatio11. ,

fe r~trouv~ da11s ~.Je fe11tin1e11t. de ceux ~ • • • a

qui v~ule11t qu'o11. 11~ait eu en · ví1e e11.


ho11ora1J.t les. a11i111aux _que les ,Ji,1erfes
utilités qu'en .tiroie11t· les hommes , 011
qµe les 001111e~ qualités pa1" lefquelles,
ils _ (e diílii1guoie11t.
.
. Le ·breuf · labou1·e
la :terr~. : la· vache · enge11dre. le bre.11( :
la brebis .four11it la lni11e . & le lait :
. .

le cl1ien e(t bon. pour la .garde ,·. pour.


la c_halfe; il· a quêté pour . re.trouver Je . \ .

corps ~'Qµ~is : le loup. ~e~em~le _. ~u.


' •
0

, • • • , I •
0

, ' , • •


r • chien:
. ··! Cic, Nf\:t• D, L. J, Eufeb, lbid~
,
,

16"2 .. ' D u : e ·u: L T E

chie11 , & ·8 .lllÍS Cll fuite · Utle. · armeé


.

d'Ethiopie11s qui vouloie11t fc1ire une- i11-


vaGon : le · cl1 at écarte les afpies·; l'ich-
neun1011 ·détruit le crocodile · : l'ibis
. -.. . '

n1ange les· ·ferpe11s ve11imeux & les ·i11-


feél:es : ·le fauco11 aporta aux Prêtr·es
• • • 1

de Thebes u11 livre couvert de pour-


. ' ,·
pre co11te11a11t les loix & les cere1110-
nies re ligieufes : · la cigog11e a mo11tré
une faço11 de prendre des remedes .:

i,aigl'e efl le roi ·des oifeaux : le · cro-


coclile fait peur a11x t voleuts Arabes , qui
n'ofent aprocher "du Nil ; · il. porta fur
fo11 dos d'u11 b·ord à ·l'autre du:. lac ·de
Mreris . , ie Roi Me11es qui' fe · trouvoit
,..

e11 danger· fur Ie· rivage: l'oignón croit ·


dà11s le déclin .de la Luné· : & quant
au refte des légtlmes , il · faut.
les ref-
.. .

peél:er, car· ·fi tout le monde inangeoit


de tout , · rien ne pourroit fuffire. Vói-

la ,·fans doute , de p11iífantes raifons ,


~ dei motífs. · d'aâoration · qü-"on· veµt
don-
o E s D 1 Eu x F ETI e HE s. -263
do1111er pour raif01111ables , ou du. n1oi11s
pour fpécieux. 011 ho11oroit do11c la fi-
délité da11s le chie11. Da11s le bouc , a11i-
n1al fort lafcif, 011 ho11oroit la gé11é- ·
ratio11, & Diodore * e11tre là-deífus da11s ·
un détail tout - à - fait circonftancié ; fe-
ce
·roit .. par cette raif011 que -les fen1mes
déoouvroient leur fexe deva11t l'ani111al
facré , & alloient quelqt1cfois plus loin ,
comme le raco11te Hérodote t dans. u11e
hifioire qui ·11'eft pas bo1111e à répeter,
& fur laquelle V offius a eu u11e pe11-
fée fort extraordi11aire , que. je 11e veu.x
pas raporter 11011 plus , quoique ce trait
d'hiftoire prouve i11vi11ciblement que
rien n'étoit n1oi11s
.
fyn1boliq11e? Il faut
.

avouer _.que ·c'eft pouífer. bien loi11 l~aél. .


miratio11 des vertus, ou du moins- la
manifefter d'une étrange maniere. Auf-
fi
.
* ·Diodor. Pi11dar. ap. lElia11•
.. :·t ·He~o4.~~. ;L._ .. Il. C.. 4,. . ~
J.. III. C. 74. ·-
:64 D u eu L TE

íi le Philofophe Perfée, *' difciple de Z~-


11011 , qui étoit dans cette ídée , alloit - il
j11fqu'à fni1·e ente11dre q11'il ne falloit
pas regarder Jes chofes utiles & fal u-
tai1·es à l'l1on1n1e comn1e de íin1ples pré-
fc11s des Dieux , mais con1me éta11t di-
vi 11es de let11. propre 11ature. Plutarque
11e va · pas fi loin. ,, Mais les Philofo..
,, phes Jes plus louables , dit-iJ , ,roya11t
,, ~,1i1s les. . chofes i11anin1ées q11elque
,, in1age occ11lte de la Di\ i11ité , 0~1t cru.
1

,; qu'il étoit mie11x de 11e rien 11égli-


,, gei· de ce qui pouvoit la faire .r~vé~
,, rcr. J'cíl:in1e <;!011c que les êtres a11i..
,, · n1és , fe11!ibies, capables d,affec1io1ts
,, & de n1reu1·s·, fot1t e11core pi us pro...
,, ·_ pres à i11fpirer du r~fpeél: pour .leur
,~ auteu1·. J,aprouvc ceux qui adore11t.,
,, · 11011 . les a11i111a ux.,
./,.
m.ais
.
en eux
.
· la .

,, Divi11ité qui s'y n1ontre con1me · e11


,,· un
. . .' '
.
· * Perfeus áp. Cic, nat, Deor~ L. I. C. 1 s,·
DES D-IEUX FETICHES. 26f
,, un n1i~oir naturel , & qui les en1ploye
' ,. con1me des i11firumcnts bie11 faits do11t
,, elle or11e l'U11ive1·s. U11e cl,ofe il1a-
,, nimée ;' quelque riche qu'elle foit, fut..
;, clle toute de pie1·reries , ne .va11t pa~
,, :celle ·qui efl: douée de fentin1ent.
,, Cette portio11 de la 11ature qui vit .,
,, qui ·voit, ·qui a e11 foi ·u-11 pri11cipe de
,., .. mouvement & de con11oiffa11.ce., a ti..
,, -'ré :.à foi ·quelque ·particule ge cette
,.,. Pro.vidence qui gcuverne_ ·1e n1and~.
,, Airiíi· · la nature. divi11e ·eft
. . au n1oi11s
' . '

,, ·aµffi :bien repréfen~e par des anin1aux:


,, . · vivans, que par rles ftatues_ de bron-·

,, ze ou ·de marbre au.ffi périífabl~s, &


,,· ·de .plus, infe1ilibles•. Voila ·l'ópi11ipn
,, ·:que . je trouve : la ~plus , receva\11~) 4~
,. -1t011te:s. celle.s .qu~on a ,d~1:i11ées ·~~ .J~a....
)~. ·doration ;l?ettdue :aux animau-x. '' Je~
:mporte avec ·plaifir .ce p1iífag·e. de Pl.uta1·-
que., Jqui efl .tres louable :par. l'-inte11tio1).-
& {té: .snilleur .
_endroit
. .de·. h.,ut ·f on · livr.e.1
.
-
r
M Mais,
266 D u eu L T E

Mais , 011t1·e. q11e ce tl'efl ici que le rai-


f01111en1e11t 1·éfléchi d't111 Pl1ilofophe , · &
11011 celui de la Natio11 do11t les ,pi·ati-
ques· n1011trc11t qu'elle avoit u11 · culte
di1·eél: & 11011 rélatif, ce raifo1111ement eft
au fo11d peu folide , & a le déE,ut des
a1·gun1e11s · qt1i prouve11t beaucoup plus
.
q11'il 11e faudroit. Car fi 1,011 pouvoit
j11íl:ifier l'adàrutio11 réelle re1.1due à tou-.
te efpece d'être viva11t ou i11ani~1é, cn
difa11t, n1algré toutes les apparences con-
traires , que ce 11'eft que parce. qu'il .efl:
l'in1agé & l'ouvragc de Dieu , 011 par-
viendroit à:re11dre raifo1111able le PaganiC.
1ne le plus i11fe11fé.
· L'opi11io11 ci-deffus a du rapport à celle
de q11élques · autres Philofophes· qui ne
. ' .
trouve11t ici que le naturalifn1e,. & qui
regacdent toute cette ·Théologie· bizarre
comme u11 pur hommage ·rendu. à la na-
ture mên1e proâuél.rice de tous le~ ê~res,.
Rien de plw ·forcé que ce· · qu'ils difen~·
Lc
n E S D I E \l X }4' E rr I C II E s. 267
Le· ·1)e'Uple 11'ente11d ric11 à tot1s ces 1·afi~
11e111e11s : il 11e fçait qt1e ce qu'il voit : fa
Religion 11'eit jamais allégo1·ique: te1Ie-
1;i1e11t .qu'il cft auffi 11atu1·el de penfet'"
qt1e la dé.votion·. Egyptie1111e 11'étoit 11i
différe11te de celle des ·Négres ni n1icux
raifo1111ée ~ qu'il l'eft peu de chercher des
raifons fubtiles & philofophiques pour
les juftifier d'avoir adoré des éperviers &
des légun1es. Mais· de plus cette explic,l-
tio1i a u11 ·défaut :qui lui efr con1mt1n a..
vec quafi· toutes les précédentes , & quí
·ruffiroit pour les . faire · ton1 ber : e'e{t
·qu,aucu11e ne re11d raifo11 de ce qu'il y
avoit un rutimal affeété à· chaque ·con. .
trée pour fa Diviitité. Cette. fin1ple ol};,
fervatio11 réfute ·auffi ce .que dit· ailleur!
Diodore·, e11 donnant la Métempfychoíe
& le paffage _de i>an1e d'Ofiris dans lo
corps d'un breuf & dm1s celu·i d'u11 loup.
pour .· u11 des · motifs quí faifoient refpec~
ter les ànimaux. · Car fi 011 , eftimoit les .
· M
... ~ ani~
26"8 D U . C U L T E

anin1aux pour leurs bo11nes qualités; s'ils


ét0Iei1t la figure des hommes qui avoient
rei1du de grands fervices à l'Egypte ;
s'ils étoié11t les in1agcs· des Dieux ou
les emblêmes de la 11ature; s'ils ont
été fubfritt1és par hon1onymie aux fig11es
célefl:es du Zodiaque ; s}its· étoie11t la re-
traitc des an1es humaines apres le tré·
pas des l1omn1es·, íls d·evoie11t .p.àr t!)US
ces ·motifs· jou:ír d'u1i hoiineur ·égal ·dans
tout le pays; ·au lieu ·qu'ori ·n'avoit dans
u11 c~11to11 11ul refpeét · pour l'a1tin1al ,
Dieu du canto11 limitrophe. ·Hórs ··d11·
reífort .· de fa Divi11ite , . il étoit tué . ~
mangé fa11S pitié : de. · mêrrie · que chez:
les· Africaíns ·1e Féticlie · ·cl'uíie · ·contree
. .
..

ll~eft. '. qu'rine bête póur. ·les peuples ~vai:·


fi11s. 'Hérod·o·te dit · :pofitiveme11t que le. ,'

crócodile ti'éft facré·.:qú?à: The~s ~ fur


le·. lac Mreris , & · l?Hij?popótan1·~ qµ'à ,
Pan1premis :: 'qu'áilleurs','-:entr'autres Idrins·~
la~ COlltrée . d'Elephantine.; .rles~ _: ihabitan&
r. leur

!) E s D I E tJ X F E r!' I· e H E S, 269

leur font la ·chaífe & les tuerit con1n1~


e11nemis . de l'ho111n1e. D'autres , vo~
la.nt partiGula1~ifer dava11tage cette. idé~
de culte reli.g.ieuX:, & re11dre raifo11. d~
ce -qu.'il 11'y avoit qu'u11 certai11 anin1aL
jou:iífat1t dans cl1aque p~ovi11ce d'un ref"'!
peét ex<Jltifi,f, ont di~ que l'a11imal étoit:
u11 o,bjet d'adoratio11 , parce qt1e le pe11. . :
ple de la pi::ovince cn portoit la figure.
à la g11erre en guife d'éte11dart., autour: •

duquel ·il fe réuniffoit_., con1me la lé-. •

gio11 Romai11e autour de f011 aigle , OU:


nos bataillo11s chacun. autour de fon pro-..
pre ·drapeau.. ,, Peu ap1 es , dit. 011 , que
4

,, les J10111n1es eurent aba11do1111é .la vie .·


,, fauvage pour forn1e1· e11tr'eux diver•.
,, fes focietés , ils s'attaquoie11t & fe
,, n1aílàcroie11t conti11uelleme11t. les u11s ·
'

,, les a11tres , 11e con11oiffa11t e11core d'au. .


,, tre loi q11e celle du· plus. fort. La.
,, néçcffité apprit bie11tôt aux plus foi-)
,, bles- à fe fecourir mutu.ellen1e11t ; & .
M 3 ,, ils
210
'
D u e u·L TE

:,, íls fe don11erent pour íig11éll de con~


,, vocatio11 la figure de q11elques - u115.
,, des a11unaux qu'011 a confacrés .de-
,,,_ puis. A cette marque ils fe raífem-
'' bloie11t & formoient 11n corps .redou-
'' table à ceux q11i les faifoient tr.embler.
,, auparavant.. La premie~e· de ces ban-
,, des fervit de modele· & d'exemple

à·
,, d'.autres .; & to11tes ayant pris des ani-
"' maux .diífére11s pour e11feignes, c'eft la
,,-· raifon · pour laquelle les u11s fo11t ho-
'' norés lia11·s ui1 e11droit , & les autres
,, da11s · un a11tre, ion1me les auteurs
,, parti€uliers du falut des di.ffére11tes
,, tro11pes qui fe f011t établies e11 plu-
.,, fieurs vi11es. '' Ce raifo1111en1e1-1t de
Djodo1·e eft .le plus 11aturel & le plus ju-
dicieux. qu'o11. ait fait fi1r ·1a matiére.. 11
pre11d 1>origi11e des chofes at1 ten1s ot'i
elle doit être prife, c'eft- à- dire a11x fié-
clcs de barbar;ie. ·Il re11d · bo11 com pte de
l'attributio11 dii ct1lte ·pa1·tictllier à cha-
que
'

D ES D I EU X F E T I C H E s. 271

que Nome,. en ti1ême· tenis qu'il. eíl en


~é11éral applicable à tout autre peuple
fauvage. ·Malgré cela on aura p~ine d'ad..
mettre que ce foit ici la caufe. généra..
le du Fétichifme a11cien & moderne. II
y a des objets de culte même e~ E-
gypte , ·à q11i l'on 11'e1'l pet1t faire -. l'ap-
plication. · 011 11e voit pas q11'ell~ ait en
rien i11flué dans le choix qt1e·· les peu-
ples n1oder11es ont fait de leurs Divi..
nités maté1. ielles~ E116.11 cctte opi11io11 a
le défuut de renverfer ·1es objets e_11 pre..
11ant pour la .caufe ce qui 11'eft _q11e
i~effet. · Auta11t qu'il feroit extraordi11aire
d'adorer 1111 être parce qu'on le porte
po11r enfeigne , autl111t il eíl: 11atL1rei de
le porter. pour e11feig11e .parce qu' 011 l'a-
dore.. Ce 11'eíl pas à caufe qt1~· IJ~us
porto11 s proceíii0nellen1ent l'jmage d'u11

Sai11t da11s nos ba1111iéres. que.. ~1ous· I'ho-


• , fl. 1 '
11oro11s ; n1a1s e eLi pa1·ce que• 11ous 1e re-
véro11s q11e. 110US _}e. po1·to11s. ai11a. .. . ·

,M 4 E11..
;

-
E11fi11 les figuriftes de gout· & de pro-
feffioit ;. no11 conte11s du 11aturalifme gé-
né·ral :auquel 011 avoit imaginé que la
Religio·11 Egyptienne fervoit de: v:oile ,
fo11t entrés · dans le détail · des allége...
ries ~ :& ·en ont apliqué 1:111e fort à pro..
pos à- chaque pratique~ Je 11'ài ga·rde
d'allonger ·ce· difeours par -le .détail · cir-
co11ftancié ·de ce q.u'ils ava11cent , ( ce
feroit lã matiére - d'u11 livre entier ·) 1ÜJ
par u11e réfutatio11 fuivie de mille. vi~·
· fio11s ·fans ·fo11den1e11t qui fe réfute11t,
d?elles:. m-êmes~ :Ce n'eíl: pas qu~ je: ne
lo11e- l'inte11tion de ceux q ui par de tels.
·detours- ~· chercI1oie11t à détruire les pré..
júgés· du· pur Fétichifn1e.j 11011 ~11oi11s

puerils ·& · bie11 plt1s dangereux. A cet


égard j·e dirai volot1tiers ce que difoit
D·e·11ys :. d'Halicar11affe des opi11io11s Grec-
.

ques ft1r oettc .n1atiére~ ,, .~ Ron1e 11ous


,, · pre11ons pour des fables & pour de
,, vai11es fuperfritio11s : tout ce ql1i ·11'cft

.,, 111
n E s D I Eu x F E T 1e HEs. 273

,, 11i fenfé 11i bi~i1féant. Q!i'o11 nc s'i,


,, magine pourta·nt pas que j'Jg1101·e qu'il
,, y a_ que]ques fable5 des Grecs qu.i pou...
,, voient être utiles aux hommes , foit
,, comme repréfentant des .ouvrages &
,, des effets de la 11ature fous u11e allé....

,, g·orie , foit con1me ayant été i11ven-


'' tées pour co11foler les h.om.n1es dans
,, leurs malheurs , 1es délivrer .des trou..
,, bles d'efprit, les guérir .de. leurs. foi ..
,, les efpérances , ou. déraci1~er d~a11cie1'~
,.,11es opi11io11s encore plus ext1·avagan~
,, te~. Q!loi q11e je fache .ceci tout auffi ~

,,·bie11 qu.'t111 autre, je n1'éloigne ·cepen..


,, dant volo11tiers de ce~ fab1es, -aveQ les
,,.n1é11agemens .qu'il t,ut apor.ter en. une
,, n1atiére. délicate & .re]igieufe.-* '' .01,·
'

pe11t co11fulter f ur to·ute cette .do&ri~e


n1J fiagogique l'excelle11t ouvrage d?Eu"'·
1

febe, qui l'a fuivie pie d à pied , & qui


M S i1'y
.. jJc Dion. Halic. L. II, l>· $ 1,·. ••
l74 D u . e·· u·_:L, rr E

n'y laiífe rie11 à. repliqt1er.. -PhiI011 de Ili-'


blos a\1oit c.léja e11 l,l 111ên1e vue e11 don-
na11t par extrait u11e traduétio11 Grecque
de l'a11<.;ie1111e hifroire Phé11icie1111e de S,111-
choniato11. S011 but , à ce q11'il 11ous ap-
pre11d lui-n1ên1e , étoit de montrer aux
Grecs con1bie11 ils étoie11t répréheníiblcs
d'avoir tour11é des f:1its réels c11 f1·oidcs
allégories, ou d'en avoir vo11lu do1111er
des explications abítraites : d'avoir i111a-
gi11é d11 n1yftere da11s les hiftoires des
Dieux , & pa1·-là do1111é 11aiífa11ce à u11c
dodri11e fecrette qui n'et1t jan1ais de _fon-
de1nent rée], & q11'ils-pt1blie11t 11éai1moi11s,.
die-il , avec · en1phaft & de ma11iere à é-
touffer la vérité des fai~s. Il ~1jou te qt1'il
a déjà refL1té ce fJ íl:ên1e da11s les ·trois
1

livres intitulés !ll'igi '!loig~~d~~ is-oet"~, de


IJifloria i11credibili, * 011 il ·détruit les allé-
gories· des Grecs , n1al d'accord entre eux
en
* Voy. Tour11emi1le; Jo\UJli·de
... Trev. 1714 •
e11 Ja11v. ·
.-
1
•• '
DES DIB'U.~ FE.TICH~S. 27)

en don11ant de .te1le~ explicatio11s à di-


vers points de leur. Tl1éologie fondés fur ·
des faits vé1·itables .. Il 11ous do1111e à·. en.
te11dre qt1e f011 (leífei11 e11 traduifa11t les
liv1·e~ de fo11 . a11cie11 compat1·iote eíl: de·
co11firmer de pius e11 ·plus ce qu'il ·a dé-
ja foute11u. co11tre les Grecs. ,, Ceux-ci,
dit-il , ,, par la beauté de le11r élpcutio11,
,, l'ont emporté fur to11s les autres peu-
'' ples : ils fc fo11t approptié toutes les
,, a11cie1111es hiftoi1·es, qu'ils 011t changées, .
I I I I h h
,, ornees , exagerees ; 11e e erc a11t qu a ,,
,, fuire des récits agréables , .•.. ·. par
,, lefquels , alla11t de ville e11 ville , ils
,, 011t comn1e étou.ffé Ia.. vérité. Nos
-
,, oreilles accoutumées des . l'enfa11ce à
,, Jeurs fables- fe trouve11t préve11ues d'o...
,, pi11io11s accréditées depuis pluíieurs fié-
,, c1es , à ·qui le ten1s a go1111é i11fe11fi-
'' bleme11t la force ·de ·s'emp·~rer de nos
,, - efprits.: fi. bie11 qu'elles en fo11t tel1e-
,, me11t e1.1 poffeí1io11, qu'.il nous eft dif-
M6 ~ íi~
1J,7q · D 1' C U L T .E

,, :ficile . .d·e les rejetter. II arrive même ·


,, de..là, que la vérité ,.lors qu'on la dé- ·.
,,· couvre aux hommes , paroit avoir à
-,,: préfent l'air -~'t1ne opinion nouvelle ;
,, pendi.nt que ces récits fabuleux , quel- .
.,, . quepe~ raifonnab1es qu'ils foient, paf-
,, fent. pour des chofes authe11tiques. ''
Eufébe fe .fert à. fo11 tour avec avá11ta.•.
ge de. cette. verfio11 . du Phérucie11, ·pour.
r·enverfer de fo11d en comble le: fyíl:ên1e.
1

du fens -allégorjqu-e. inventé. par. les Ge11-


tiis . pour. jufrifier leur culte~ ll obfer,re:
.q11e~ la. Théologie · Phénicien11e, qui ·11e
rc(en1ble:nullen1ent .au-x fiél:ioqs des poê~
tes ,- I~s- _furpaífe de beaucoup e11 · a11ti-:
quité ;. & 'il: en appelle au tén1oig11age: .de.
plufieurs in.terpretes. efl:imés , lefq_t1els o·nt.
dé-cJaré que les ru1ciens: qui 011t établi le
eult-e: des Die\lX 11'ont· poirit ·eu: en vue.
de .fig11i6er. les chofes ·naturelles·, 11i d'ex--
pliquer par· des allégories. ce qu'ils :pu--
!

\llioie1J.t -de leurs Dieux..; mai§ qu'ils vou-.


· . . :.: : loient
DEs D I E tr x F E T 1 e H 1~ s. 277·
làient ·qu'on s'en tint à la· lettre de l'hif..
'

toire. Je tra11fcrirois u11 gra11d 11ornbre


de pages de fon livre, s'il faloit raporter
tout ce q u'il dit de judicieux fur ce cha-
pitre : il f uffi t de faire u.C:1ge ici de quel-
ques-u11es .des réflcxions ·répa11dues dans
to11t l,ouvr,1ge. Les chofes que les an...
cie11s ont bo11nen1ent raco11tées de ie11rs
Dieux , étá11t·, dit. il , vrain1e11t riíibles ,.
on a voulu , plus fagen1e1it peut- être ~·
y do11ner ú11 .fens I1orinête & fort ca..'
ché , e11 les appliqua11t aux e.ffets de
la 11ature. Cepe11da11t· pluíieurs Théolo..
'
· gie11s. du Pagarufn1e avoue11t que ·cette.
méthode fpécieufe 11e doit pas être ádop-
tée;: quelques-u11s n1ême· s'en fo.11t plaints~
difa11t qt1e par -pri11cipe· de Phi1ofop.hie ,.
en pre11a11t les Dieux poúr les ditfére11tes
pa1~ties de la 11atµrc., on ét~ign9it la Re-
ligio11. Tous fo11t forcés d~ · convenir
q·u'il ,eft confta11t qu'o11 ·11'a ·d'abo1·d ra.;,.
,011té· que . le fait tout· 11ud , & que 1~

r1te
278- Du Cu1.TE • •

rite 11'a raport qu'au fait firriple , tel ·


q11e la vieille t1·aditio11 l'a tra11fmis : il
dément l'appareil de cefe11s préte11du ~
tiré des chofes abíl:raites 011 11aturelles;
de ce figu.rifn1e i11ve11té pa1· des Sophif-

tes q11i e11 font trophée e11 fi beaux dif-


cours. Auffi ne pel1vent. ils ·aporter aucu-
ne, traditio11 des ten1s éloignés auxq11els
ce culte doit fa 11aiífance, qui fafle 'voir
que l'a11tiquité avoit deffein , comn1e ils
le préte11de11t , de débiter fa Phyfique.
fous -des é11ign1es : _outre que ces points
de Phyfiqt1e fo11t des chofes ·con1n111nes;
~

q11e tout le _n1011de fçait; ou apre11d par


Jes ·fens ,°- & do11t Jes · eo1·bfêmes fOllt
tirés . de trop · loi11 pour être tomhés
da11s· l'efprit de cet1x qui · 011t établi ce
culte. Ecoutons Po1. phyre, .ce gra11d Théo-
logie11 Myftique. du .Paganifn1e : apres a~·
voir débuté d'un ton en1phatique , &
écarté les ·profanes , il nous appre11dra
q1•e l~ador.atio11. d'u11e pierre -noire Ílgtu-
.. /fie
-- .
D E S D-IE-UX FETICHES.
~ .. ~ .
te q1.1e la 11ature divine 11'eft . pas 1111e -
chofe .qui ton1bc fot1S· }e· fens de }a. Viie:
qu'µ11e pierrc pyran1idals efr 011 rayon
de )a flan1n1e divine : qu'u11 pieu dreífé , ·
ou 11n triangte ;, repréfc11ta11s·, fe!o11 lui , ·
les deux- fexes , fo11t les rcproduétio11s
des gern1es, & 1111 hon1n1age re11du à la
11att1re féco11<.ie. Si 1'011 veut l'e11 c1·oire
ft1t" le fo11d de cette Théologie :tct"ref-
tre, · c'eft u11e difpofitio11 n1yftérieufe ,
foit des divers attributs de la Divinité
fi1prê111e en1biématiq11en1ent figurés, &
de· fa puMfa11ce ma11ifeilée f11r to11tes
chofes ·, foit de l'a111e du n1011de & des
ca11fes 11at11relles ; conin1e fi e11 effet il
eí1t falu recourir à ce ridicule artífice pour- ·
expliq11er a11x homn1es des chofes toutes
fimples que perfo1111e n'jgt1ore. 011 di-
foit des-lors , e11tr'autres exp lic·atio11s, q11e
c'étoit · auffi des figures de la ma11iere-
de -ooltiver les frt1its de ~la terre , des·
faifoí1s qui - en· f011t -le te1ns , & ~autr,es
ar..
.2so o v ev L T i
articles néceífaires·. à· Ja confervation de·
la vie hun1aine. * On voit bien que per-
fonne 11'oflt11t ouverten1e11t 11ier les dog-
mes , crai11te ·des Loix , 11i s'oppofer à
la crédulité du vulgaire, chacun les ex..
pliquoit felo11 f011 propre gé11ie, & y a
trouvé fa11s peine ce qµ'il a_ voulu. Le
chan1p étoit ouvert aux cxplications ar-
bitrai1·es : auffi cl1acu11 a-t-il hauten1ent re-
fufê d'admettre celles que do1111oit u11 au-
tre, fat1s 11éa11moi11s ofer.toucher au fo11d
des chofes qui n1éritoient e11core n1oins de
111é11ag~n1ent. Mais qu~nd 011· fe croit oh~
ligé de ~011fervcr 11n texte auffi abfur.;..
d.e , il 11'efl pas éto1111a11t de trouvei; ta11t)
d'i11ce1·titudes & d'i11conféquences ·da11s_.
le con1n1e11tai1·e. Eufébe a de mên1e ·. re•. .

futé le fe11tilne11t de Diodore fur cette


n1atiére , ..ai1úi qu_e ,les é11igmes phyao...
logiques de Plutarqoe , e11 faifat)t voir .
· qu'il .
.
* Eufeb. Prrep. Evang, II,<>, III. 7. &. 1 x. &e.
DES DI,EU·X.
- . FETICH.E s.

qu'il. eft 111al· d'accord av:ec lui-même. t


& qu·'il 11~y a. aucune fuite dap.s t9~.~
te q11'il dit . . ,\( S'ils fo11t cantraír.es ~ eµx~
n1ê1nes , comme11t p.ourr0ie11 t ...ils 11e l.f;;
• •

p,s être a1.1x autres ?. FJ11. effe~ les plU$


2élés. d'entrç eux parmi les moderne~
Qnt été les plu-s arde11t~ à rejetçer ce. \

qu'aveient (oute11u l~urs devanciers~ . •

Q!iand on veut, dit l'u~. d'e1;1x .).. s'iµ(-.


~uire d.e çe qu'il eft poffible· de. ÍGavoii;
qe .cette Reµgio11 Egyp_tie~ne qui irrit~. •

·ia curiofité par fe~ d·ogmes fi .~nguliers , •

Qn ne ma11que pas de: lire avec_ empr_ef:.


feme11t. Di9dore , Plato11 , Plu-ta1·q\1e &
Porphyr~. Apres les avo.ir lus , 011 eft. '

éto1111é d€. ~'y tro.uver que des co11tes .de


petit peup~e·, oi1. de .fa:d·es .allégo~·í~s .C111s:
Jiaifo11, fa11s dignité, fu11s utilité , o~ e11fi11
u11e Métaphyfique gt1i11dé~ dont ii eft ri-
djcule de pe11fer q~e: l'a11tiquité ai_t e~ ,a.

mo111-

* E\1f~1,~ L. III. Ul procein. & Cap. i. & I• '


~82 D u eu L T E

moi11dre co1111oifi:111ce. ,, 011 étoit enco..


re moins · bleífé de la groffiére fimpli ..
'' Gité de l'Eg·yptie11 qt1i pre11d u11 breuf
'' pour u11 breuf, que du fublime ga-
,, •

,, lin1atias d'u11 Platonicien, qui voit par-


:1) tout des Mo11ades & des Triades ; qui·

· cherche le tableau de Ia nature uni-


'')) verfelle dans les pieds d'u11 bouc; qw
)) trouve da11s une lfis le mo11de Arche..

type , le monde · i11telleél:uel , & le
'' mo11de fenfihle.. Tou~ 'ce qu'o11 ap.. ·
1

'',., .pre11d d'une m,1niere ·précife d·allS ces ·


') leél:ures ' dont l'ennui n'eft racheté...
,, par al1cu11c décot1verte tant foit peu ·
,, futisfaifu11te, ce fo11t les erreurs & · Jes
,, plates idées des Eg·yptie11s. ç, Oi1 Jes
trot1ve, il efr vrai , bien plus intelligens
~ .

que d'autres peuples e1:i n1atie1·e d' Afiro-


nomie , cl' A1·chiteél:11re , d'a1·ts , de mé-
tiers , de· gou verneme11t , & de police:
mais d'ai1leurs 011 11e les voit pas moi11s
rerop1is de pt1érilités : & quant ·à cette
. pro-
JlES DIEU:X FETICHES. 283
profonde connoi1t111ce qu'ils s>attribuoient
de la Relig·io11 & de la nature, loin d'en
reco11noitre q11elques . vefliges ditns les
~u vrages des .Auteurs ci-defi'us, 011 ren-
e~ntre à chaque pas les preuve.s 4u plus
~-trange égarement da11s l'a11cien11e Théo~
lógie , & de la plus matlv,.1iife dialeétique
dails la 'nouv~lle : car il eft vrai que .cel-
le . cl étoit deve11ue telle à peu pres que
les Platoniciens noltS · le di{e11t. lls ne
fo11t probablen1e11t pas les i11venteurs de
ce f&1tras allégor_iqt1e , q11oiqu'.ils aye11t
peut . . être beai1cot1p ajouté de let1r fo11d
à· une chofe q11i fe tro11, oit être fi
1

fort de. let&r go11t : ils a,1oie11t voyagé


e11 Eg·ypte , & fréqt1en1me11t Ct),,.verfé
avec les P1·êtres de ce pays , co111111s po11r
les plt1s · myfrérie11fes gens de l'u11ivers.
Mais quel.que chofe q11e c~s Prêtres aye11t
pí1 dire aux étra11g·ers , je cr<>is pv11voir
leur répo11di;e da11s les mên1es' tern1es
• '.que
i.14 D IJ! e· v L. T E

que: Plütarque *' , quoiqu'en un aut~e


RllSj /e par.a/Jelt· qtie j' aifait à~ leur. c11./te ,.
les r~ffemblancas que j'y ai. 111,Qntr.tes.: ,. p.o~~i
7,)elJI. mieu3a e,e, que c'~t qtte · le1-t'I"' prq,. .

.tn"e td.1.11iJignage.. Ceux-ci fa11s: doute a~.


voient cru donner u11e nieilleure face· ~
ces vieux rites ter1·efrres, en les tour-
11ant , à quelque prix que ce fut , du.
coté de l'i11telleéluel; & ce. pouvoit être
alors la Théologie· des ge11s. d~erprit , ta11-,

dis que le vulg-aire co11tinuoit à 1,e- voir·.


aux chofes que ce ,qui. :f étoit.. Mais fi.
1'011 trouve. dans leurs idées creufes q11el.. ·.
que Métaphyíique fur · le deilin & fur
la 11éceffi.té des. effets de la 11att1re , 011.
y ·trouve encore plu~ de. chi111eres & de
pauvretés : de. forte .qu'au cas que les
Egyptie11~ pe11faífe11t ·Ià-deífus cop1n1e.. Je.
.

dit Porphyre , il faudroit e11core conve-


11.ir qu,ils n'étoie11t · gueres plus judicie1ix
. que.
·*, I11 Ifid.. ·. •
DES DIEUX FETICHES. 285
que s'i)s adoroie11t réellen1e11t des a11i..
maux & des têtes de chie11. Tout ce
fyfrên1e d'allégorie phyfique & ~éta..
phyfique i11ve11té apres coup, faux &
i11foute11able e11 lui-même , eft do11c i11u-
tile e11 n1ême ten,s , puifqu'il ne rend
pas le F étichifn1e Egyptie11 plus raifo11.
11able qu'il 11'étoit. Mais quand toutes ·ce;
hypotl1eres alléguées & dé11uées des preu..
ves q u'elles exig·e11t, do1111eroie11t une fo-
lutio11 plus fatisfaif,11te, e11 feroic11t-el...
lcs moi11s i11admiffibles e11 bo11ne criti-
que ~· Ce 11'eft pas da11s des poffibilités,
c'eft da11s l'homme même qu'il faut étu-
dier l'homme : il ne s'agit pas d'imagi-
ner ce q La'il auroit pC1 ou du faire , n1ais
de regarder ce qu'il fait; ; ·

F l N.

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