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Ces deux bourgeois de petite ville cherchent cette définition, à travers diverses
aventures généralement comiques (dont l'une, on peut le signaler au passage, est copiée
mot pour mot dans les Mémoires de Saint-Simon, alors récemment publiés et encore
peu connus). Vers 1824 « il était question de pittoresque, de grotesque, de paysage
introduit dans la poésie, de l'histoire dramatisée, du drame blasonné, de l'art pur, du
rythme brisé, du tragique fondu dans le comique, et du Moyen Âge ressuscité». Après
1826 « nous crûmes, pendant deux ans, que le romantisme... ne s'appliquait qu'au
théâtre, et qu'il se distinguait du classique parce qu'il se passait des unités ». En 1828,
dans « une illustre préface que nous dévorâmes », il est dit « que le romantisme n'était
autre chose que l'alliance du fou et du sérieux, du grotesque et du terrible, du bouffon
et de l'horrible, autrement dit, si vous l'aimez mieux, de la comédie et de la tragédie.
Nous le crûmes... pendant l'espace d'une année entière ». Ensuite « nous crûmes,
jusqu'en 1830, que le romantisme était l'imitation des Allemands, et nous y ajoutâmes
les Anglais sur le conseil qu'on nous en donna... De 1830 à 1831, nous crûmes que le
romantisme était le genre historique... De 1831 à l'année suivante... nous pensâmes que
c'était le genre intime, dont on parlait fort. Mais quelque peine que nous ayons prise,
nous n'avons jamais pu découvrir ce que c'était que le genre intime... De 1832 à 1833,
il nous vint à l'esprit que le romantisme pouvait être un système de philosophie et
d'économie politique... De 1833 à 1834, nous crûmes que le romantisme consistait à
ne pas se raser, et à porter des gilets à larges revers, très empesés. L'année suivante,
nous crûmes que c'était de refuser de monter la garde. L'année d'après, nous ne crûmes
rien ». Ils consultent alors un jeune homme qui a la prétention de s'y connaître en
parisianisme et en littérature, et celui-ci leur déclare : le romantisme est indéfinissable.
« C'est l'étoile qui pleure, le vent qui vagit, ... le jet inespéré, l'extase alanguie, la citerne
sous les palmiers... la robe blanche des saules... l'infini et l'étoile... le désenivré... le
diamétral, le pyramidal... le tourbillonnant », etc. Alors, réduits à leurs propres forces,
ils trouvent enfin ce qu'est le romantisme, et que pour transporter n'importe quel texte
en style romantique le procédé « est très simple : il suffit d'ajouter quantité d'adjectifs.
Si nous avons cité un peu longuement ce texte, c'est bien parce que sous sa forme
humoristique cette fable contient plus d'un enseignement. On y trouve un assez bon
répertoire des thèmes, des genres, des catégories esthétiques - et même des
comportements - qu'affectionnait le romantisme comme mouvement. Le romantisme
est un état d'esprit global, qui inspire tous des cas particuliers.
c) Sens psychologique
Un troisième sens du terme tient à la psychologie et à l’homme en tant qu’être
psychique. C’est une extrapolation du sens esthétique par le biais philosophique et
psychologique, tendance soutenue dans le XXe siècle. Selon cette tendance le
romantisme serait un état d’esprit ou d’âme, caractérisant certaines étapes de la vie de
l’individu, notamment l’adolescence et la jeunesse. Des comportements spécifiques y
sont associés : des rêveries, le premier amour gâché, des nostalgies inexplicables, des
mélancolies, l’analyse des premiers souvenirs douloureux, l’éclat en larmes, une
certaine sensibilité exacerbée, la tendance d’isolement intérieur, les premières
interrogations concernant l’existence et l’existentialisme, des attitudes révoltées sans
raison, le penchant vers l’imagination outre mesure, etc. Les psychologues apprécient
comme normaux ces états suivant des paramètres mesurables et marqués dans des
tableaux médicaux au-delà desquels un état d’âme de ce type est estimé maladif,
ouvrant vers des formes dépressives. Par voie de conséquence, des expressions comme
« un jeune homme romantique » ou « le romantisme de la vie de quelqu’un » renvoient,
de nos jours et au-delà des sens chronologique et esthétique, à l’état d’esprit d’une
personne trouvée dans une certaine phase de sa vie.