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De-l-epoque-des-nations-a-la
De l’époque des nations à la // Article publié le 18 février 2014 Pour citer cet
article : Francesco Fistetti, « De l’époque des
nations à la civilisation planétaire de l’inter-nation ,
civilisation planétaire de l’inter- La leçon de Marcel Mauss », Revue du MAUSS
permanente, 18 février 2014 [en ligne].
http://www.journaldumauss.net/./?De-l-epoque-des-
nation nations-a-la
aurait pu, selon Mauss, s’intituler aussi La Nation et le sens du social. Le socialisme [5]. Pour lui, le maintenant le « complément » à M. Mauss, La
socialisme ou, plus précisément, les formes nouvelles du socialisme, sont à considérer comme l’élément Nation, éd. par M. Fournier et J. Terrier, Puf,
constitutif de la définition historique et épistémologique de la nation. Paris 2013, p. 385-404. [Publié en italien en
2006 l’essai de Francesco Fistetti ici traduit
La question : « qu’est-ce que c’est que la nation ? » s’est, avant tout, imposée dramatiquement par les renvoie, en ce qui concerne la plupart des textes
événements, En effet, avec la dissolution de l’empire austro-hongrois, la Grande Guerre a été en premier de Mauss cités, à un recueil très important,
lieu une « guerre des nationalités [6] », où le terme de « nationalités » ne renvoie pas à l’image de édité par Riccardo Di Donato (I fondamenti di
« nations libres et démocratiques [7] », au passé riche d’une longue histoire de formation et maturation un’antropologia storica, Einaudi, Torino 1998)
politique, morale et civique, mais bien avantage à celle de minorités dominées pas des régimes despotiques ou à d’autres traductions italiennes. Cette
- comme le régime turc - et par conséquent choisissant la voie du nationalisme. traduction (de 2014), en renvoyant aux éditions
françaises se référera aussi à La Nation dans
Source de « maladies » pour les consciences nationales, le nationalisme est « l’expression de deux
l’édition de Marcel Fournier et Jean Terrier,
réactions : l’une contre l’étranger, l’autre contre le progrès qui soi-disant mine la tradition nationale » [8].
non sans souligner que, au moment de sa
C’est pourquoi une « tâche urgente » [9] de la théorie politique est de vider l’« abcès » du nationalisme et
rédaction, l’auteur ne pouvait avoir accès
de restituer à la nation sa signification authentique. Dans ces années, l’enjeu majeur d’une partie
qu’aux parties des fragments éditées avant cette
importante du travail de Mauss est justement la redéfinition de l’idée de nation (« leur place dans l’histoire
édition. Note du traducteur].
humaine, [...] leur rôle moral actuel, […] leurs rapports ») dans un horizon lourd de ressentiments, mais
aussi dans un contexte où les espoirs dans une ère nouvelle de prospérité se répandent, où les quatorze [2] De H. Lévy-Bruhl, voir l’« Avertissement » à
points de Wilson permettent aux peuples épuisés par le conflit d’entrevoir la paix dans les relations M. Mauss, « La nation », dans Id., Œuvres, t. 3,
internationales. C’est la raison pour laquelle lorsqu’il verra l’Europe sous l’emprise du fascisme et du Editions de Minuit, Paris 1969.
bolchevisme, Mauss parlera d’un « retour au primitif », d’une phase régressive de dissolution des nations,
l’idolâtrie de l’Etat ayant mené non seulement à la justification des « pires crimes », mais aussi à la [3] M. Fournier, Marcel Mauss, Fayard, Paris
désagrégation et parfois à la « disparition » des nations [10]. Entre temps, face aux ruines de la guerre, face 1994, et M. Mauss, Écrits politiques, éd, par
à la révolution bolchevique triomphant en Russie à travers l’enfer de la guerre civile et du communisme de M. Fournier, Fayard, Paris 1997.
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guerre et instaurant un socialisme autoritaire d’Etat, face aux instances d’un nouvel ordre social, moral et [4] – Plus précisément, la pratique politique
politique surgissant des masses des pays issus de la guerre, Mauss sent le besoin puissant d’un tournant concrète d’un socialisme dépourvu de
civilisationnel. dogmatisme et d’orthodoxie théorique, tel que
celui des Trade-Unions, du Labour Party, des
De cette exigence, à la fois scientifique, politique et morale découle sa réflexion sur l’idée de nation, sur la Fabiens, du socialisme de la Guilde en
question « de la guerre et de la paix entre les nations », sur le projet d’une paix entre les nations qui ne soit Angleterre. Voir notamment « Les idées
pas la paix « armée » trompeuse dont parle Platon dans les Lois, et sur la possibilité de réaliser une socialistes. Le principe de la nationalisation »,
solidarité internationale concrète [11]. Pour Mauss, un tel tournant civilisationnel ne peut s’initier qu’en désormais dans Id., La Nation, op. cit. p.
renouant avec une conception authentique de la nation et en renforçant les tendances, mises en évidence 257-293.
par la fin de la Grande Guerre, à l’interdépendance (économique, moral, culturel, etc.) entre les nations.
D’une manière détaillée, Mauss dresse une liste de ces « faits » remarquables, témoignant de ce que nous [5] M. Fournier, « Présentation : la nation ‘Les
appellerions aujourd’hui, par un terme-concept galvaudé, mondialisation, et qu’il appelle phénomènes morphologiques’ de Marcel
« interdépendance des sociétés modernes ». Toutefois, il souligne que ces processus de mondialisation Mauss », dans Socio-Anthropologie, n. 4, 2003.
économique, culturelle, sociale etc., ne doivent pas rester spontanés. Il insiste au contraire sur la nécessité
de construire des macro-institutions politiques qui soient en mesure de gouverner « les rapports entre les [6] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 71.
A l’utopie du cosmopolitisme, et de son rêve d’un « citoyen du monde » abstrait, Mauss oppose la vision de
[8] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 72.
l’internationalisme, qui s’appuie sur les forces sociales travaillant, à l’intérieur des sociétés nationales, à la
réalisation d’institutions inédites. Ces institutions ne préparent pas la disparition des nations mais, au [9] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 72.
contraire, permettent aux nations de se situer dans l’espace de l’internation, en limitant ainsi la
souveraineté des États-Nation, jusqu’alors censés être les titulaires du « droit naturel de faire […] quoi que [10] Lettre de Mauss à « Monsieur le
ce soit ». Pour Mauss, en effet, se développe avant tout une « interdépendance économique absolue », Président », du 18 juillet 1938, cité dans
comme en atteste le fait incontestable que le marché est désormais un « marché mondial » et que la M. Fournier, Marcel Mauss, op. cit. p. 690.
division internationale du travail parmi les sociétés possédant les matières premières et les sociétés
[11] Ce qui frappe dans les écrits de Mauss des
manufacturières s’est sensiblement accentuée. Dans ce contexte, on comprend bien le sens de la critique
années 1920 est colbien s’y mêlent analyse
sans appel que Mauss ne cessera d’adresser au bolchevisme qui, en URSS, a établi un « absurde »
scientifique et passion politique. Le neveu et
communisme de la consommation dont l’instauration a impliqué la destruction de « ce qui constitue
l’élève d’Emile Durkheim, qui édite en 1928 le
l’économie elle-même, à savoir : le marché » [12]. Avant Braudel, Mauss sait parfaitement que l’« on ne
livre du fondateur de la sociologie française Le
conçoit pas de sociétés sans marché » [13]. De telles sociétés ne peuvent exister.
Socialisme (fruit des cours donnés à
En outre, étant donné que le marché relie toutes les nations en un seul grand espace de transactions et l’Université de Bordeaux de novembre 1895 à
d’échanges, il est nécessaire qu’apparaissent des organisations internationales, chargées de l’application mai 1896), se réclame, dans son introduction à
des quelques principes de justice distributive au niveau international ou, du moins, soucieuses de mettre ce texte, de la démarche « purement
en œuvre une solidarité internationale, propre à garantir, par exemple, l’assistance aux pays ravagés par la scientifique » de son maître, Il le défend de
guerre ou les ravitaillements en biens de première nécessité. Mauss parle même explicitement d’un « droit l’accusation de collectivisme et lui attribue le
des nations pauvres à être soutenues par les nations riches ». mérite d’avoir fait comprendre, déjà en
1885-86, l’importance de Saint-Simon à Jean
A un autre niveau, la guerre a mis en lumière l’existence d’une « interdépendance morale » entre les Jaurès, en le détournant du « formalisme
mouvements d’opinion des différents pays. Celle-ci préfigure ce que nous désignons aujourd’hui sous le politique » et de la « philosophie creuse des
terme de « société civile mondiale », ce nouvel acteur qui veille contre les violations du « droit des gens », radicaux », Ce même Saint-Simon qui, observe
la « diplomatie machiavélique » et les abus de tout genre perpétués par les Grandes Puissances. Enfin, Mauss, sera, dans l’après-guerre, à nouveau à la
Mauss insistesur le « fait moral et politique » le plus remarquable de l’époque : le Pacte de la Société des mode dans les milieux socialistes français. E.
Nations (SDN). Bien qu’il ne soit que rarement respecté, ce pacte a introduit une nouveauté fondamentale Durkheim, Le socialisme : sa définition – ses
d’un point de vue juridique :« le caractère permanent, absolu et inconditionnel du principe d’arbitrage qu’il débuts – la doctrine saint-simonienne, Alcan,
proclame ». Paris 1928, pp. 7-8.
Il est évident que l’espoir que Mauss place dans le wilsonisme frôle l’idéalisme. Mais il est tout aussi [12] M. Mauss, « Appréciation sociologique du
indéniable que l’exigence de limiter le caractère absolu de la souveraineté des Etats-Nation et d’envisager bolchevisme », maintenant dans Id., Ecrits
des institutions de gouvernement supranationales – qui n’impliquent pas bien évidemment la suppression politique, textes réunis et présentés par
des nations –, est un état d’esprit partagé à l’époque par beaucoup d’intellectuels, parmi lesquels le juriste M. Fournier, Fayard, Paris 1997, p. 541.
Hans Kelsen. En le comparant aux Amphictyonies de la Grèce ancienne et à la confédération souhaitée par
Socrate face aux horreurs de la guerre du Péloponnèse, Mauss soutient que ce mouvement historique, dont [13] M. Mauss, « Appréciation sociologique… »
le but est de conjurer les guerres, est presque inéluctable. art. cit. p. 541. Etant donné que « la liberté est
la condition absolument nécessaire de la vie
Sans aucun doute, en adoptant une perspective de philosophie de l’histoire, semblable par beaucoup économique », la conclusion de Mauss est
d’aspects à celles de Comte et de Durkheim, Mauss est amené à interpréter le passage de l’âge des nations à extrêmement claire : « Momentanément et
celui de l’internationalisme comme une transition nécessaire à mesure que la conscience de la « division du autant qu’on peut prévoir, c’est dans
travail » entre les nations et de leur « solidarité organique » s’approfondit. Mauss déduit de l’observation l’organisation et non dans la suppression du
empirique et de l’analyse historique et ethnologique des sociétés et des civilisations européennes et extra- marché qu’il faut que le socialisme - le
européennes une véritable loi historico-sociologique : la tendance à la formation de groupes sociaux de plus communisme - cherche sa voie ».
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en plus vastes, absorbant une quantité croissante de nations, grandes et petites, accrue par le fait que les [14] Mauss, La Nation, op. cit. p. 120.
sociétés ne sont pas des « individualités irréductibles, et [que] les synœcismes sont […] la règle » [14]. En
d’autres termes, les processus de traduction entre cultures, le métissage, la créolisation peuvent être [15] A ce propos, cf. F. Ramel, « Marcel Mauss
considérés comme autant de normes dans les rapports entre les peuples et les civilisations. et l’étude des relations internationales : un
héritage oublié », dans Sociologie et sociétés, n.
Bien qu’elle soit affaiblie, d’une part, par un wilsonisme naïf [15] et, de l’autre, par un évolutionnisme 2, 2004, p. 227-245. L’auteur défend une thèse
idéologique spencerien, cette vision maussienne d’un progrès vers un espace politique et culturel défini intéressante mais discutable : Mauss aurait jeté
sous le terme d’« inter-nation » présente un grand intérêt scientifique et philosophico-politique. les bases méthodologiques d’une sociologie
Notamment parce qu’elle transfère au niveau de l’histoire des nations et de leurs rapports mutuels le positive des relations internationales et, par
processus qui a marqué la formation des nations modernes, c’est-à-dire, pour utiliser le langage de rapport à cette démarche, l’adhésion
Durkheim, le passage des sociétés polysegmentaires – fondées sur le clan et ultérieurement organisées en maussienne au wilsonisme aurait constitué un
tribus et caractérisées par l’amorphisme structurel – , aux sociétés où les groupes politico-familiaux obstacle épistémologique.
disparaissent à la faveur de sociétés politiques stables, à pouvoir central permanent, comme les empires,
Sociétés qui seraient, selon le terme que Mauss emprunte à Spencer, relativement « intégrées » [16]. [16] « L’organisation stable de la société
politique marquée par la présence, la force et la
Il faut ici rappeler que, dans un premier temps, Mauss avait proposé, à la suite de Durkheim, d’attribuer le constance d’un pouvoir central, c’est ce que
nom de nations à ce genre de sociétés. Il s’est par la suite aperçu qu’il s’agissait non seulement d’une erreur Spencer appelait l’intégration et ce que l’on
de catégorie, mais aussi d’une erreur conceptuelle, car sous cette étiquette étaient rangées des formations peut continuer d’appeler ainsi en distinguant
sociales « très différentes par leur rang d’intégration ». Pour éviter cette confusion, il recourt alors à la les sociétés non intégrées, qui sont les sociétés à
distinction, introduite par Aristote dans un passage de la Politique, entre ethnos et polis. L’ethnos est un base de clans, et les sociétés intégrées ; par
peuple, comme le dit Mauss, « amorphe », comparable à une masse « inorganique » ou à un exemple la Chine la plus ancienne, l’Égypte la
« conglomérat » de peuples, un amas de « classes, castes, tribus, nations mélangées » [17], dépourvu de plus ancienne, les tribus les plus primitives de
toute unité interne et surtout de « lois politiques » authentiques, c’est-à-dire d’une constitution encadrant la Grèce sont sûrement des sociétés déjà
les comportements de ses membres. Aristote utilise comme exemple d’ethnos Babylone, qui a « la intégrées. Et on peut dire que tous les Indo-
configuration moins d’une cité (pόleωs) que d’un peuple (éthnous) ; au point qu’on dit que, lorsque Européens à leur entrée dans l’histoire sont
Babylone fut conquise, le troisième jour, une partie de la ville ne s’en était pas encore aperçue » [18]. Au déjà des sociétés de cet ordre. Il y avait chez
contraire, « la cité (polis) est une certaine communion (koinonia) et communion de citoyens ayant une eux, sinon partout, la réalité, du moins la
constitution (koinonia politώn politéias) » (1276, 1 b). A partir de cette distinction analytique et selon leur possibilité d’un pouvoir central, arkhé,
forme d’organisation, Mauss identifie parmi les sociétés non segmentaires celles qui, comme les peuples ou imperium. L’Amérique pré-colombienne sur
les empires, « sont à intégration diffuse et à pouvoir central extrinsèque » [19]. Celles-ci qui ne peuvent pas certains points, l’Amérique centrale et andine a
être considérées comme des nations en raison de nombreux facteurs (la persistance des clans ou des connu des États de ce genre » (M. Mauss, La
anciennes tribus, l’importance des droits locaux, l’incertitude des frontières, l’instabilité des appareils Nation, op. cit. p. 79). A ce sujet, cf. aussi l’essai
bureaucratiques, etc.). Par nation, au contraire, il faut entendre une « société matériellement et « La cohésion sociale dans les société
moralement intégrée, à pouvoir central stable, permanent, à frontières déterminées, à relative unité polysegmentaires (1931) », dans M. Mauss,
morale, mentale et culturelle des habitants qui adhèrent consciemment à l’État et à ses lois » [20]. Œuvres. 3. Cohésion sociale et divisions de la
sociologie, Editions de Minuit, Paris 1969, p.
Dans cette définition, il est intéressant de souligner le haut degré d’intégration sociale et le caractère 11-26.
inclusif que Mauss attribue à la nation. La nation est en effet le résultat d’un long processus historique
abolissant « toute segmentation par clans, cité, tribus, royaumes, domaines féodaux » [21], à tel point que, [17] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 82-83.
dans les sociétés modernes, la dissolution de tout corps intermédiaire a créé l’effet pervers, d’ailleurs déjà
remarqué par Durkheim, de la « toute-puissance de l’individu dans la société et de la société sur [18] Aristote, Politique, 1276, 28 a (traduction
l’individu », imposant ainsi l’urgence d’un genre nouveau de cohésion sociale. Mauss insiste alors sur la de l’auteur).
dimension du consentement dans la construction de la nation moderne (« la Nation, ce sont les citoyens
[19] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 83-84.
animés d’un consensus » [22]), dont les théories classiques du contrat ne sont que la « traduction
philosophique ». Dans le sillage du républicanisme civique, Mauss associe ainsi à l’idée de nation le [20] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 84.
concept de patrie (« le total des devoirs qu’ont les citoyens vis-à-vis de la nation et de son sol » [23]) et
celui de citoyenneté (« le total des droits qu’a le membre de cette nation […] en corrélation avec les devoirs [21] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 89. Gerd
qu’il doit y accomplir » [24]). Baumann a observé que, dans la formation des
Etats-Nation modernes, la nation est à la fois
C’est précisément dans ce cadre que Mauss situe le rapport entre la nation et les « formes nouvelles » de postethnique et superethnique : « the nation is
socialisme, telles que la nationalisation et les coopératives. Etant donné que la nation est aussi une unité thus both postethnic, in that it denies the
économique, l’idée de nationalisation, dans certaines de ses déclinaisons propres au socialisme anglais, est salience of old ethnic distinctions and portrays
synonyme de participation des citoyens à la gestion de certains biens économiques, en tant qu’usagers et yhese as a matter of dim and distant prestate
consommateurs. Toutefois, au concept de nation comme communauté de citoyens, Mauss associe aussi past, and superethnic, in that it portrays the
l’idée de spécificité culturelle : « Une nation digne de ce nom a sa civilisation, esthétique, morale et nation as a new and bigger kind of ethnos. Most
matérielle, et presque toujours sa langue. Elle a sa mentalité, sa sensibilité, sa moralité, sa volonté, sa nation-states, however, have failed to complete
forme de progrès, et tous les citoyens qui la composent participent en somme à l’Idée qui la mène » [25]. this project in that they included some ethnic
Mauss est de plus en plus convaincu que les sociétés et les nations vivent « plongées dans un bain de groups and excluded others, or privileged some
civilisation » [26]. Elles ne sont jamais isolées, au point qu’emprunts mutuels, perméabilité et métissage and marginalized others » (G. Baumann, The
relève d’un fait « physiologique ». Toutefois, Mauss considère qu’il est tout autant incontestable que, sur Multicularism Riddle : Rethinking National,
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l’horizon du surgissement d’une « civilisation humaine mondiale » [27] et des « phénomènes Ethnic, and Religious Identities, Routledge,
internationaux » [28], se détachent, toujours plus imposantes, les individualités particulières des sociétés New York and London 1999, p. 31).
et des nations. En se stratifiant historiquement et géographiquement, les civilisations forment un « fond
commun » [29] des nations, composé d’acquis scientifiques, techniques, artistiques, économiques, etc., [22] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 97.
destiné à s’accroître de plus en plus et à constituer un patrimoine commun, une sorte de « capital de
[23] M. Mauss, La Nation, op. cit. p. 95.
l’humanité » [30].
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