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ce n’est ni la recherche d’un avantage ni le besoin qui est au principe de
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la cité ; en effet, l’être humain est « par nature un animal politique ». La
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critique aristotélicienne n’est cependant pas toujours exprimée de la même
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façon et cette célèbre formule, comme d’autres qui jouent chez le Stagirite
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la position d’Aristote : il ne va pas de soi d’établir que la cité n’a pas pour
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principe le besoin et n’a pas pour fin d’assurer la conservation des êtres
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explication entre les livres I et III des Politiques : parti d’une thèse, qui est
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en Politiques, III, 6, que ce n’est pas le besoin ou le manque qui est à l’ori-
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1. Voir en annexe les textes cités et leur traduction. Dans son article célèbre, W. Kullmann
(1991) compte sept passages avec cette formule (p. 95), parce qu’il ne prend pas en compte
les deux du corpus biologique qui ne concernent en effet pas seulement l’être humain.
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sans φύσει et avec le comparatif μᾶλλον ; puis deux livres plus loin, en III,
6, 1278b19, où l’expression est annoncée par une référence au chapitre 2
du livre I, ce qui fait penser que cette première occurrence de I, 2 est aussi
le lieu de naissance de cette expression, dans les Politiques en tout cas. En
dehors de ce traité, elle se trouve quatre fois dans les Éthiques : une fois
dans l’Éthique à Eudème, VII, 10, 1242a23 où πολιτικὸν est distingué de
οἰκονομικὸν et trois fois dans l’Éthique à Nicomaque : I, 5, 1097b11 avec
φύσει mais sans ζῷον ; VIII, 14, 1162a18 sans φύσει ni ζῷον et distingué
de συνδυαστικὸν (« qui vit en couple ») ; IX, 9, 1169b18 de nouveau sans
φύσει ni ζῷον. Au regard de la formule elle-même, ces deux occurrences
sont des cas limites, car elles affirment simplement que l’être humain est
un « être politique », ce qui pourrait n’avoir en soi aucun sens déterminé
– l’être humain peut être dit politique par nature ou par convention. Dans
ces deux passages, l’imprécision est évitée par le contexte. Dans le texte
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de EN, IX, 9, l’expression est en effet accompagnée d’un καὶ explicatif et
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d’une périphrase : « πολιτικὸν γὰρ ὁ ἄνθρωπος καὶ συζῆν πεφυκός »,
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« l’être humain est politique et vit naturellement avec les autres ». Enfin,
on trouve dans l’Histoire des animaux deux textes où le terme πολιτικὸν
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comprendre l’adjectif πολιτικὸν dès lors qu’il est attribué par Aristote à la
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fois à des animaux et à l’être humain, lequel est lui aussi considéré comme
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est politique par nature ? Est-ce que et en quoi le caractère naturel de la poli-
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seconde question, mais il peut être utile de rappeler d’abord brièvement les
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2. Rappelons que πολιτικός est aussi attribué à certains animaux dans la tradition plato-
nicienne. Voir déjà chez Platon, Phédon, 82a-b ; Plotin, Traité, 15 [III, 4] 2, 28-30. Dans
les deux cas, il s’agit de l’ordre des réincarnations selon le type de vertus pratiquées. Ceux
qui ont exercé des vertus « politiques » (tempérance, justice) se réincarnent en un genre
animal « politique et doux », comme les abeilles, les guêpes ou les fourmis. L’abeille est
le prototype de l’animal politique cité aussi en Pol., I, 2, 1253a8. Voir Labarrière (1996).
3. Voir un état de la question dans Miller (1995, p. 30-31).
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beau et laid, juste et injuste 6). On peut comprendre l’expression dans un
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sens encore plus précis. Dire que l’être humain est un animal qui vit par
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nature en cité ne signifie pas pour Aristote qu’il vit dans n’importe quelle
cité, mais dans la cité telle que la conçoit Aristote, une communauté en vue
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des moyens, c’est-à-dire les puissances de l’âme, qui lui permettent de vivre
cette vie – pas seulement le logos, mais aussi le choix réfléchi ou préférentiel
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n’existe pas de cité d’esclaves ni d’animaux, car ni les uns ni les autres ne
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de même en IV, 4, 1291a10 : une cité est autarcique, or les esclaves sont
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ce sens, l’être humain – et plus exactement l’homme libre – est un animal
politique – et il est le seul animal politique –, mais aucun animal n’est en
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tant que tel politique. Ce type d’interprétation fait bien sûr difficulté pour
comprendre les deux passages cités du corpus biologique.
4. C’est, par exemple, l’interprétation de K. Marx dans le Capital, I. Voir en ce sens aussi
notamment D. Keyt (1987, p. 60-61) qui considère que tous les passages des Politiques et
des Éthiques utilisent un sens strict et les deux textes du corpus biologique, un sens large.
En fait, les textes du corpus éthico-politique distinguent eux-mêmes un sens exclusif (« qui
vit en cité ») et un sens inclusif (où le politique réunit différents types de communautés et
désigne une sociabilité en général). Voir R. G. Mulgan (1974, p. 441).
5. Voir R. G. Mulgan (1974, p. 443), qui penche pour la traduction « plus politique » du
fait de la contradiction qu’il y aurait sinon entre ce passage et les textes du corpus biolo-
gique, comme J. Cooper (1999, p. 360-361 n. 6 [contra Bodéüs]). Voir P. Pellegrin (1990,
p. 91, n. 17).
6. Pol., I, 2, 1253a9-10 et 14-18.
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pas premier, mais le plus général du πολιτικὸν utilisé dans les Éthiques et
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les Politiques : « The cooperative working together of all those who take
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part in it in an interlocking, differentiated, mutually supporting, single set
of activities 9. » Il est alors possible de comprendre de manière unitaire les
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degré entre animaux plus ou moins politiques, d’une part selon le niveau de
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C’est pourquoi l’on peut dire que l’être humain, seul animal doté du logos,
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est plus politique, « μᾶλλον πολιτικὸν », que les autres animaux, qui sont
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aussi politiques, mais moins que lui. Il existe dans ce cas des différences de
degré entre animaux politiques 10 ; l’être humain « intensifie » une condition
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à en ajouter d’autres à côté 12. Il n’est pas nécessaire que tous les animaux
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soient dits politiques pour les mêmes raisons. Comme on le voit en compa-
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rant les deux textes extraits de l’HA, selon les passages, Aristote semble attri-
buer aux animaux la politicité ou bien par le bas, c’est-à-dire en se réglant
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que les autres animaux politiques et certains animaux non humains sont
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ils peuvent prendre soin de leurs petits plus longtemps et veiller en quelque
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façon à leur éducation. On pourrait penser que ces deux sens renvoient à
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un être « politique par nature ». Mais c’est aussi, nous semble-t-il, le cas
dans le troisième passage cité des Politiques (III, 6). Aristote se réfère alors
à la première occurrence de Pol., I, 2, parce qu’il veut, à travers la formule,
rappeler l’ensemble de sa démonstration, mais, en III, 6, la mention du
ζῷον n’a, nous semble-t-il, aucune importance. Dans ce passage, Aristote
s’appuie sur l’expression de Pol., I, 2 pour établir la « fin de la cité 14 » et
montrer, contre Platon principalement, que les êtres humains se réunissent
en cité non pour obtenir ou conserver des avantages particuliers, mais pour
le « bien-vivre ». Or, dans cette démonstration assez subtile, la référence à
l’animal ne joue aucun rôle, d’une part parce que l’être humain n’est pas
rapproché d’autres animaux, et d’autre part parce que c’est une spécifi-
cité de la vie de l’être humain – et non des animaux – qui est utilisée par
Aristote pour établir qu’il est politique non en vue d’un avantage, mais par
nature. Ce qui est démontré est que l’être humain est politique par nature ;
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la même démonstration ne vaudrait pas pour les animaux politiques, car
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elle repose sur la thèse qu’une part de bien, de bonheur, de « joie » ou de
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« douceur » est présente dans la vie humaine, même réduite à la survie, à
condition que celle-ci ne soit pas trop misérable ni pénible. Il n’y a donc pas
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montrer que le sens de la formule complète selon laquelle « l’être humain est
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ces deux passages. La comparaison entre les deux usages de cette formule,
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en Pol., I, 2 et III, 6, montre qu’Aristote lui fait dire deux choses très diffé-
rentes, sinon opposées. Dans le premier passage, la formule signifie que
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l’être humain fait partie du groupe des animaux qui sont par nature poli-
tiques ; elle ne porte en elle-même aucune conclusion sur la finalité de la
cité. C’est seulement parce qu’elle est immédiatement l’objet d’une préci-
sion, ou d’une correction, que l’on peut comprendre que l’être humain est
politique d’une manière absolument différente de tous les autres animaux
politiques. Dans le second passage, Aristote interprète immédiatement la
même expression comme porteuse d’un sens sur la finalité de la cité : le
« bien-vivre ». Elle comporte alors une portée anti-platonicienne que sa
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ment : Aristote explique, en effet, que par nature, l’être humain n’est pas
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autarcique, qu’il ne peut pas nature vivre seul ou être autosuffisant seul 17.
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C’est l’origine de la croissance de la cité qui distingue Aristote de Platon :
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chez le second, la cité se forme à partir de la division du travail, de sorte
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rait comment la cité existe « par nature » et comment l’être humain est « par
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le fait que l’être humain possède seul et en propre la parole (logos) est utilisé
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15. Notre objet n’est pas de suggérer qu’Aristote resterait platonicien en Pol., I, 2. La diffé-
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rence d’interprétation donnée par Aristote à cette formule ne procède pas d’une évolution
entre telle ou telle phase de la rédaction des livres du traité, mais simplement du contexte.
Aristote s’intéresse à l’origine de la cité en Pol., I, 2 et à sa finalité en III, 6.
16. Ce que suggère aussi Kullmann (1991, p. 107). On connaît mal l’identité des défenseurs
de ces théories conventionnalistes avant Aristote. En Pol., III, 9, 1280b10-11 (DK 83 A3),
celui-ci attribue au sophiste Lycophron une définition de la loi comme « convention », c’est-
à-dire « garantie [qu’on se donne] mutuellement sur ce qui est juste » (« ὁ νόμος συνθήκη
καί, καθάπερ ἔφη Λυκόφρων ὁ σοφιστής, ἐγγυητὴς ἀλλήλοις τῶν δικαίων »), autrement
dit rien qui puisse rendre les citoyens effectivement vertueux et justes. Voir W. K. C. Guthrie
(1971, p. 139) qui évoque l’hypothèse que cette définition ne soit mentionnée par Aristote
que pour sa qualité rhétorique de brièveté. Au-delà du cas, mal renseigné, de Lycophron, ce
type de conception conventionnaliste de la loi est bien exprimé au début du célèbre discours
de Glaucon en République, II, 358e-359b. Voir le chapitre 5, « The Social Compact », de
Guthrie (1971, p. 135-147) sur les variétés de théories contractualistes au ve siècle.
17. La référence à Platon est évidente (Rép., II, 369a et suiv. ; et à Lois, III, 676a suiv.). La
communauté du point de départ entre Platon et Aristote est bien soulignée par Kullmann
(1991, p. 96).
66 David Lefebvre
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quer du tout ce principe de la non-autosuffisance naturelle de l’être humain.
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Il l’applique de plusieurs façons, certes différentes de celles que l’on trouve
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chez Platon ; il lui donne un sens particulier, qui n’est pas platonicien, et il
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en tire la conclusion générale que l’être humain est un « animal politique
par nature ».
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femme ont besoin l’un de l’autre pour faire des enfants, c’est-à-dire « laisser
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18. On peut hésiter avec les différents traducteurs sur le moment où Aristote passe de l’une
à l’autre : 1253a1 pour Aubonnet (1960) ; 1252b27 pour Pellegrin (1990).
19. Nous ne prétendons pas appuyer cette distinction sur la première phrase du chapitre
(1252a24-26) car les deux verbes βλέψειεν et θεωρήσειεν ne distinguent pas deux
moments consécutifs.
20. République, II, 369a5-7 : « Γίγνεται τοίνυν, ἦν δ’ ἐγώ, πόλις, ὡς ἐγᾦμαι, ἐπειδὴ
τυγχάνει ἡμῶν ἕκαστος οὐκ αὐτάρκης, ἀλλὰ πολλῶν [ὢν] ἐνδεής. »
21. La référence au caractère naturel de la maisonnée est aussi la base de l’un des argu-
ments anti-platoniciens développée au livre II (3, 1262a14-24). Si le mâle et la femelle
sont inséparables et visent la génération d’êtres qui leur ressemblent, spécifiquement et –
pourquoi pas ? – individuellement, la communauté des femmes et des enfants est à la fois
anti-naturelle et pratiquement impossible.
22. Pol., I, 2, 1252b34 : « διὸ δεσπότῃ καὶ δούλῳ ταὐτὸ συμφέρει. »
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nécessité, c’est-à-dire du besoin, de la recherche de la survie, sur un temps
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plus ou moins long (Pol., I, 2, 1252b27-30) :
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Et la communauté achevée formée de plusieurs villages est une cité dès lors
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qu’elle a atteint le niveau de l’autarcie pour ainsi dire complète ; s’étant donc
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constituée pour permettre de vivre, elle permet, une fois qu’elle existe, de
mener une vie heureuse 25.
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La distinction entre ces deux moments est très intéressante car, comme
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Aristote le répétera, une cité n’a pas pour fin la simple vie, mais une belle
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qui fait penser que ceux qui la forment y trouvent cet avantage et ne pour-
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raient pas vivre ou survivre seuls, en dehors de la cité. Ils ont besoin les uns
des autres, l’homme de la femme, le maître de l’esclave, les parties les unes
23. Voir aussi Pol., I, 4, 1253b23-25.
24. EE, VII, 12, 1244b15-17 : « ἀλλὰ μὴν καὶ τότε φανερὸν ἂν εἶναι δόξειεν ὡς οὐ
χρήσεως ἕνεκα ὁ φίλος οὐδ’ ὠφελείας, ἀλλὰ δι’ ἀρετὴν φίλος μόνος. » La formule se
rencontre au cours du développement de l’aporie qui demande si l’homme heureux aura
besoin d’ami et conduit à renverser la réponse négative initialement apportée.
25. « ἡ δ’ ἐκ πλειόνων κωμῶν κοινωνία τέλειος πόλις, ἤδη πάσης ἔχουσα πέρας τῆς
αὐταρκείας ὡς ἔπος εἰπεῖν, γινομένη μὲν τοῦ ζῆν ἕνεκεν, οὖσα δὲ τοῦ εὖ ζῆν. » Nous citons
la traduction de P. Pellegrin (1990) en rapportant donc comme lui « τέλειος à κοινωνία ».
26. Le « vivre » n’est pas synonyme de vie précaire, réduite à la survie ; c’est plus exacte-
ment une vie réduite à la recherche de ses conditions nécessaires (les biens matériels), mais
il est possible de continuer à les chercher alors qu’on les possède déjà. L’accumulation des
biens relève donc du vivre. Voir Pol., I, 9, 1257b40-1258a2.
27. Voir Pol., III, 9, 1280a31 et suiv. ; 1280b33-35, b39-40 ; VII, 4, 1326b9-10. Sur cette
distinction entre la nécessité et ce qui est une fin en soi, voir aussi Pol., VII, 10, 1329b27-30.
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des autres. Tout au long de sa genèse, la cité vise donc la même finalité utili-
taire que la famille et le village. Comme Aristote le dit explicitement plus
loin, aucun être humain « séparé » n’est « autarcique » ; celui-ci est une partie
qui a besoin des autres parties et du tout. Une partie de la cité se caracté-
rise par le fait qu’elle peut vivre en commun et qu’elle a besoin des autres
parties parce qu’elle n’est pas autarcique (1253a26-29). La « tendance natu-
relle à la communauté » apparaît dans ce contexte (1253a29-30) comme
l’expression de cette dépendance naturelle ou de cette non-autarcie de l’être
humain, ni bête sauvage ni dieu. Ainsi l’explication de la genèse de la cité
ne nous semble pas s’affranchir du principe énoncé en République, II 28. Le
seul moment où Aristote s’écarte de ce principe est celui, fondamental mais
très bref, où il assigne à l’existence de la cité une finalité qui n’est de l’ordre
ni du besoin ni de la recherche de ce qui est nécessaire, le bonheur 29. La
seconde partie du chapitre, qui énonce cinq thèses sur la cité, ne contredit
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pas ce résultat, mais en précise le sens et le problématise.
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La première conclusion (Pol., I, 2, 1252b30-53a1) porte sur le statut de
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la cité. Celle-ci est « par nature », parce qu’elle est la « fin » des deux autres
communautés. Aristote donne deux raisons du statut final de la cité : 1) elle
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est fin parce qu’elle est la fin d’un processus lui-même naturel, c’est-à-dire
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dont les deux étapes ou moments antérieurs ont été eux-mêmes naturels. Or,
pour autant que la « nature » est la forme ou la fin d’un processus de crois-
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sance continu et non entravé, processus lui-même naturel, toute cité, étant
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la fin de ce processus, est « par nature 30 ». 2) En outre, la cité est bien une
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à ce titre, une fin. Autrement dit, la cité est la fin que visaient confusément
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28. Ainsi, exactement comme W. L. Newmann (1887, t. II, p. 119), J. Aubonnet (1960,
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p. 110, n. 8) commente le « γινομένη μὲν τοῦ ζῆν ἕνεκεν » cité plus haut en écrivant sans
nuance : « Platon avait dit la même chose (Rep., II, 369d, 371b). »
PU
29. En EN, VIII, 11, 1160a11-12, Aristote semble donner une analyse exclusivement utili-
tariste et donc platonicienne de la cité, mais le δοκεῖ montre qu’il s’agit d’une opinion
rapportée qu’il ne prend pas totalement à son compte : « καὶ ἡ πολιτικὴ δὲ κοινωνία τοῦ
συμφέροντος χάριν δοκεῖ καὶ ἐξ ἀρχῆς συνελθεῖν καὶ διαμένειν » – pas totalement, en
effet, puisque si l’être humain ne se réunit pas en cité pour un avantage particulier, en
revanche la production et le partage de ces avantages sont bien visés dans le développe-
ment de la cité ; l’autarcie ne va pas sans de tels avantages. Au contraire de ce qui se passe
à l’échelle de la famille et du village, dans le cas de la cité, la communauté politique ne vise
pas seulement l’avantage présent, mais celui de toute la vie (1160a21-23).
30. La phrase « διὸ πᾶσα πόλις φύσει ἔστιν, εἴπερ καὶ αἱ πρῶται κοινωνίαι » (1252b30‑31)
ne signifie pas que la naturalité de la cité vienne par addition, transmission, contagion ou
même « transitivité » (Keyt [1987, p. 68]) de la naturalité des deux autres communautés
antérieures – la naturalité ne se transmet pas, comme le note Keyt (1987, p. 79) ; la propo-
sition d’Aristote serait donc fausse, si c’était ce qu’il pensait. L’argument d’Aristote signifie
que, s’il est vrai que ces deux communautés sont par nature, alors toute cité le sera aussi.
La naturalité de ces deux communautés premières est une condition, non une cause de
celle de la cité. Voir en ce sens Barker (1978, p. 5, n. 2).
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– c’est-à-dire d’une autarcie matérielle.
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La deuxième conclusion (1253a1-7) est présentée comme une consé-
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quence de la thèse précédente : « la cité est par nature » ; « l’être humain est
par nature un animal politique » et celui qui est « apolitique » est un être
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dégradé ou meilleur qu’un être humain. La formule ne nous paraît pas avoir
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ici d’autre signification que celle-ci, qui conduit à donner un sens restreint à
πολιτικόν : l’être humain est un animal qui vit par nature dans des commu-
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nautés (la famille et le village) qui ont pour fin la cité ; donc l’être humain
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est « par nature un animal politique » ou dont la nature est de vivre finale-
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ment en cité, puisque celle-ci est la vérité ou la fin des autres communautés 33.
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raison (διότι) pour laquelle l’être humain n’est pas politique comme le sont
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31. Voir par exemple, sur ce double sens, Mayhew (1997, p. 40).
32. Pol., VII, 4, 1326b4.
33. Si l’on accepte le rapport défini par Aristote entre les trois communautés, il n’y a pas
beaucoup de différence entre dire que l’être humain est par nature un animal « qui vit en
communauté », « κοινωνικὸν », et que l’être humain est un animal πολιτικὸν.
34. Cet enchaînement est assez naturel en grec et se rencontre chez Aristote (Métaphysique,
Λ, 7, 1072a28-29 ; Parties des animaux, III, 10, 672b27-29).
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Cette explication donnée au caractère « plus politique » de l’être humain
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est d’une nature tout à fait différente de celles données jusqu’ici par Aristote
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pour établir son caractère simplement politique. Si l’être humain est poli-
tique, c’est que, par nature, il n’est pas autarcique et cherche à atteindre le
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« vivre ». En revanche, son caractère « plus politique » que les autres animaux
LA
politiques est absolument sans rapport avec des besoins. Il est plus poli-
tique car il est naturellement plus adapté que les autres animaux politiques
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et si, seul, il peut les exprimer et en discuter, alors il est « plus politique »
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que les animaux dits politiques. Cela revient à dire que si l’être humain était,
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par nature, sans cité ou vivait en dehors d’une cité, la possession par lui du
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fait rien d’inutile. Ce raisonnement n’a aucun rapport avec le principe socra-
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35. Voir Keyt (1987, p. 73 et 79). Pour ce dernier, Aristote échoue à établir la natura-
lité de la cité et Pol., I, 2 démontre en réalité plutôt qu’elle est une production artificielle.
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par nature « antérieure » à la famille et à chaque être humain, puisqu’elle est
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la nature ou la fin des communautés antérieures, comme le tout achevé est
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premier par rapport à ses parties. Ce qui conduit par un autre chemin au
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même résultat : l’être apolitique n’est pas humain – mais une bête sauvage
ou un dieu –, et l’être humain n’est plus un être humain que par homo-
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donc aussi à une objection. Comment comprendre que l’on rende des
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le pousse pas à sortir de sa position naturaliste. L’être humain naît avec des
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armes ambivalentes, dont le logos ; il peut donc être aussi le plus sauvage des
animaux. Le législateur n’est pas un artisan qui interromprait ou contrarie-
rait un développement naturel, mais celui qui oriente ce dernier ou l’aide
à parvenir à sa fin, la cité, condition de l’autarcie et de la vie heureuse 36.
On peut maintenant distinguer deux grands types d’explication de la
politicité par nature de l’être humain : 1) l’être humain n’est pas autosuf-
fisant et il a donc une « tendance » naturelle à se réunir en communauté
(la famille, le village, la cité) pour vivre. 2) L’être humain vit en commu-
nauté, car il est par nature doté des moyens (le sens du juste et de l’injuste,
le logos) qui rendent possible la vie en communauté (la famille, le village,
36. Sur cette manière dont l’art (politique) achève ce que la nature a laissé incomplet, voir
Protreptique, 13 Düring et Pol., VII, 17, 1337a2.
72 David Lefebvre
la cité). S’il ne vivait pas dans une communauté, la nature l’aurait pourvu
de ces puissances en vain. Or celle-ci ne fait rien en vain. En vivant dans
une cité, il vit donc conformément à sa nature, il ne la contrarie pas, mais
la réalise. Si, comme on l’a vu, la seconde explication est étrangère au prin-
cipe socratique, en revanche la première y obéit. Ce n’est pas parce que la
cité est par nature, comme les autres communautés antérieures, la famille
et le village, qu’elle ne répond pas à des besoins. La vie des abeilles est une
vie politique, comme celle des fourmis, et il est à la fois vrai de dire que la
fourmi est « par nature un animal politique » – aucune fourmi ne vit de
manière isolée ; aucune fourmi n’est autarcique – et que la vie en fourmi-
lière lui apporte des avantages, parce qu’aucune fourmi ne pourrait vivre
seule et que chacune a besoin des autres et de l’organisation du travail dans
la fourmilière pour survivre. La seule différence est que le principe socra-
tique ne mobilise pas la notion de la nature. La cité apparaît donc comme
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la réponse à des besoins et non comme la réalisation d’une nature.
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Chez Aristote, la cité répond aussi à des besoins, puisqu’elle est en vue
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du vivre, mais la nature apparaît comme un intermédiaire entre la cité (ou
toute communauté) et l’être humain. L’être humain vit en communauté
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(famille, village, cité), parce qu’il est dans sa nature de vivre ainsi, parce
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pas autarcique et a pour cela une tendance à vivre en cité. On peut ainsi
S
identifier une sorte de tension entre les deux thèses suivantes, la natura-
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lité des besoins et les besoins eux-mêmes. Dire que l’être humain est « par
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avantage particulier ; on ne peut même pas dire qu’il soit non autarcique,
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simplement il vit par nature en cité, comme les abeilles dans une ruche. Il
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serait absurde de dire qu’une abeille vit dans une ruche pour répondre à
PU
des besoins. De même, ce n’est pas parce que l’être humain a des besoins
qu’il vit en cité. En même temps, il est vrai de dire que l’être humain à des
besoins et n’est pas autosuffisant. La genèse de la famille, du village et de la
cité est pour cela « en vue du vivre » (1252b29-30). On ne peut donc pas
dire simplement que si l’être humain vit en cité, c’est parce que telle est sa
nature ou parce qu’il est un animal politique. S’il ne retirait aucun avan-
tage de la vie politique pour sa vie, il ne vivrait pas en cité, ce que prouve le
fait qu’Aristote répète que la genèse de la cité a pour fin la vie ou la survie.
La tension entre ces deux thèses rend le résultat du chapitre incertain.
En effet, l’explication téléologique de la politicité de l’être humain – selon
laquelle l’homme est « plus politique » que n’importe quel animal poli-
tique – s’écarte résolument de la perspective socratique ou platonicienne
de République, II. En revanche, la première explication – l’homme est un
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cette phrase a retenu à juste titre l’attention des commentateurs : si la cité
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se développe en vue de la vie – ce que Jules Tricot 37 traduit brutalement par
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« besoins vitaux » –, elle existe en vue de la vie bonne, c’est-à-dire le bonheur.
Mais comment expliquer ce passage d’une finalité à l’autre, de celle pour-
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suivie au cours du développement de la cité à celle visée une fois que la cité
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est constituée et existe ? Les commentateurs ont considéré à juste titre que
la vie devait être la fin visée par les premières communautés (la famille et le
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village) et la vie bonne, celle de la cité elle-même, ou encore que la vie était
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la fin visée de manière immédiate par les êtres humains, tandis que la vie
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bonne était celle que la cité elle-même, une fois formée, pouvait apporter
O
finalement et en plus aux humains, sans qu’elle ait été jamais recherchée par
TI
se rend compte que la cité n’est pas seulement le moyen de répondre à ses
besoins, mais aussi le milieu où il peut actualiser des puissances qui reste-
raient sinon inemployées et bien vivre, c’est-à-dire être heureux. Mais c’est
l’être humain qui vise progressivement deux fins différentes, parce que sa
« nature politique » s’actualise progressivement.
À l’échelle de Pol., I, 2, les visées du vivre et du bien-vivre sont donc
conçues comme deux visées successives : la première, atteinte dans la famille
et le village, servant la réalisation de la seconde. On peut considérer au
mieux, selon la logique de la « ruse », que l’être humain vise sans le savoir
le bien-vivre, alors qu’il cherche avant tout la survie. Cependant, l’usage de
l’expression hégélienne de « ruse de la raison » ne convient pas absolument
car si « ruse de la raison » il y a, c’est que la raison réalise quelque chose au
moyen de désirs individuels qui n’auraient pas spontanément désiré cette
E
chose. Or, on peut se demander si les êtres humains n’auraient pas pu davan-
N
tage désirer le bonheur accessible dans la cité que la simple vie ou survie
N
permise à l’échelle de la famille ou du village. La ruse de la raison de Pol., I, 2
O
RB
suppose au contraire que l’être humain vise la vie et même la survie, avant de
pouvoir rencontrer et de pouvoir viser la vie bonne. Comme nous le disions
SO
plus haut, Aristote ne raisonne pas toujours de cette façon. Pol., I, 2 repré-
LA
est par nature un animal politique », Aristote définit de manière plus expli-
cite, plus rigoureuse et plus radicale la fin et aussi l’origine de la cité. Il expose
les thèses suivantes, qui sont présentées comme des conséquences de cette
expression 39. 1) Les êtres humains désirent vivre ensemble, même s’ils n’ont
pas besoin les uns des autres. 2) Si l’avantage commun les réunit, c’est seule-
ment pour autant qu’il permet d’accroître la part de bonheur. 3) La fin de
la cité est le bonheur. 4) S’il est vrai qu’ils se réunissent et vivent ensemble
pour vivre et non pour vivre bien, cela ne signifie pas que la fin de la cité
soit le simple fait de vivre, car il y a du bien-vivre dans le vivre lui-même et,
dans une certaine mesure, dans toute vie. Ce qui le montre est l’attachement
39. Le texte est reproduit et traduit en annexe. Voir une analyse très claire du passage dans
Simpson (1998, p. 149).
Vivre et bien vivre 75
des êtres humains à la vie. L’être humain vise donc toujours le bien-vivre,
et, dans une certaine mesure, il en a toujours une part 40.
Aristote affiche clairement ici, mais ici seulement, son opposition à la
thèse platonicienne sur l’origine de la cité. En République, II, Platon met au
principe de la croissance de cette dernière, d’une part le fait que personne
n’est autarcique, d’autre part le fait que l’adjonction d’un service, d’un avan-
tage ou d’une fonction produit progressivement la cité. Aristote accepte en
réalité la thèse, mais il n’en conclut pas que les êtres humains se réunissent
en cité pour échanger des avantages ou pour les conserver. Il défend une
position apparemment paradoxale selon laquelle l’être humain n’est pas
par nature autarcique ou autosuffisant, a donc une « tendance naturelle »
à se réunir en cité, mais ne le fait pas pour obtenir un avantage matériel.
L’autarcie ou la progression dans l’autarcie est donc une condition de la cité,
E
mais ce n’est pas sa fin ni celle des êtres humains quand ils se réunissent en
N
cité. Aristote soutient ici, en effet, que, même si les hommes se réunissent
N
pour vivre et non pour bien vivre, ce qu’ils cherchent dans la vie n’est pas la
O
RB
survie elle-même, mais le bien-vivre qui reste perceptible et recherché, dans
une certaine mesure, même dans une vie pénible. L’avantage ou l’utilité n’est
SO
40. Nous ne partageons pas l’interprétation que W. Kullmann (1991, p. 102) propose de
S
ce texte. Ce dernier considère que, dans ce passage, Aristote assigne deux « facteurs » à
N
l’origine de la cité : le désir de vivre ensemble, « facteur biologique » qui « rattache l’être
O
tement au passage. Aristote nous paraît plutôt distinguer, d’un côté un désir de vivre
IC
ensemble qui est un désir de vivre indissociable d’un désir de bien vivre, et de l’autre une
BL
« inconscient », propre à tous les vivants dotés de l’âme végétative, et de l’autre l’élément
conscient dans la recherche de la fin : voir Kullmann (1991, p. 103 et n. 29) et id. (1993,
p. 171), où il distingue dans la formation de la cité l’élément instinctif, ὁρμή, et l’élément
rationnel, λόγος. W. Kullmann écrit même que, dans ce texte de Pol., III, 6, « seul l’ins-
tinct social suffit déjà à créer une communauté politique », instinct « semblable à l’instinct
de procréation » (ibid., p. 170), alors que, en Pol., I, 2, Aristote maintenait la combinaison
entre les deux éléments, le naturel (l’instinct de survie) et le rationnel (le choix rationnel
et volontaire de la vie heureuse), comme le montre la fameuse phrase citée plus haut de
1252b29-30, où Kullmann voit la trace de ce qu’il appelle la « double explication » (ibid.,
p. 172), l’instinct et la « superstructure rationnelle » (ibid., p. 175). Selon nous, l’origina-
lité du passage est qu’Aristote cherche à ne pas distinguer désir du vivre et du bien-vivre
(le naturel du rationnel dans le vocabulaire de W. Kullmann), car dans tout désir de vivre,
il y a un attachement à un bien-vivre : autrement dit, l’être humain ne désire jamais seule-
ment vivre, mais aussi et toujours bien vivre. Si l’on considère que le désir du bien-vivre
n’est pas accessible aux autres animaux – que l’être humain –, Aristote chercherait donc
plutôt dans ce passage de Pol., III, 6, à « dé-biologiser » le désir politique naturel de l’être
humain, ou à donner un statut particulier au désir biologique de l’être humain pour le vivre.
76 David Lefebvre
politique par nature » véhicule aussi cette thèse pour Aristote. Elle signifie
donc à la fois 1) que l’être humain, étant non autarcique par nature, est par
nature politique et 2) que l’être humain ne cherche pas un avantage parti-
culier dans la cité mais le bien-vivre. Vivre bien consiste naturellement et
immédiatement pour l’être humain à vivre en cité.
L’expression est ainsi, dans ce passage, l’objet d’une nouvelle interpréta-
tion qui extrait complètement la cité de la logique des besoins et, donc, de
l’explication socratique de cette dernière. Comme on l’a vu, en Pol., I, 2,
la formule « animal politique » pouvait parfaitement être comprise encore
comme exprimant la nature non autarcique de l’être humain : animal poli-
tique, parce qu’animal ayant naturellement des besoins. Ici, au contraire,
on doit comprendre que si l’être humain est par nature un animal poli-
tique, cela signifie qu’il désire et aime vivre en cité naturellement, parce
E
que cela lui est naturel et non parce qu’il y serait contraint ou poussé par la
N
satisfaction de besoins. Si elle est l’objet d’un désir, la vie en cité constitue
N
donc pour l’être humain un plaisir spécifique et intrinsèque, qui n’est pas
O
RB
consécutif à l’obtention d’avantages dans la cité. Ce texte pousse aussi loin
que possible un processus d’exclusion de toute explication utilitaire d’at-
SO
communauté pour satisfaire leurs besoins vitaux – or il n’est pas niable qu’ils
puissent désirer le faire –, ils trouvent une part de bonheur dans cette vie, ce
E
D
qui confirme qu’ils désirent toujours, quoi qu’il arrive en fait, le bien-vivre,
S
utilisé par Aristote accentue ce point. Si la vie elle-même n’est pas excessive-
O
TI
ment malheureuse, il existe toujours une « part de bien dans le seul fait de
A
vivre », et le fait que la plupart des êtres humains, alors même que leur vie
IC
pas la vie, montre qu’ils trouvent en dépit de tout dans le vivre lui-même
PU
41. Le terme traduit par « joie », εὐημερία, désigne le plus souvent la prospérité ou la
santé florissante du corps, par exemple, en Pol., V, 8, 1308b24 ; V, 11, 1313b37 ; VI, 8,
1322b38 ou EN, I, 9, 1099b7 et X, 9, 1178b33, etc. Quant au terme traduit par « douceur »,
γλυκύτης, affection du goût qui désigne la douceur, opposée à l’amertume, c’est ici son
seul emploi métaphorique dans le corpus.
42. Voir notamment EN, IX, 9, 1170a19-b8 et Brague (1988, p. 136-137). On peut
compléter ce texte par EN, X, 4, 1175a10-17 : le moyen terme qui explique pourquoi la
Vivre et bien vivre 77
prémisse de la démonstration est que vivre – et non le bien-vivre – est une
chose bonne et agréable ; la vie ou le simple fait de vivre est donc désirable
en soi-même. C’est peut-être sur ce point qu’Aristote finit par s’opposer
le plus nettement à Platon. Deux anthropologies se confrontent en effet :
l’être humain n’est plus ici envisagé comme un être de besoins, mais il est
naturellement dans le bien-être, et non dans le manque ; la cité ne provient
donc pas de la nécessité de satisfaire des besoins, mais, pour ainsi dire, de
l’épanouissement ou de l’intensification d’un plaisir de vivre et d’être en
acte naturel à l’être humain.
Ce passage de Pol., III, 6 articule donc le rapport entre le vivre et le bien-
vivre différemment de Pol., I, 2 : il ne peut plus être question ici de « ruse de
la raison », puisque l’être humain vise toujours le bien-vivre, même lorsqu’il
cherche apparemment le simple vivre. Selon Pol., III, 6, il n’y a plus deux
E
phases successives, distinguées par l’accès au confort matériel de l’autarcie,
N
la recherche de la survie, puis la recherche du bonheur : l’être humain ne
N
recherche jamais rien d’autre que le bien-vivre et il ne peut pas faire autre-
O
ment, car il existe une douceur naturelle dans le vivre.
RB
SO
Le bien-vivre au principe
LA
E
n’a pas une mais deux explications : d’un côté une tendance naturelle,
S
fant, dans le cas de l’être humain, sur cette tendance naturelle, commune
TI
l’origine de la genèse de la cité, mais c’est par un choix rationnel que la cité,
BL
une fois qu’elle existe, vise le bien-vivre, le bonheur. Comme on l’a vu 44,
PU
vie est désirable est qu’elle est un certain acte, celui de percevoir, de penser ou n’importe
quel type d’acte qu’aime de préférence un être humain. Nous nous permettons de renvoyer
sur ce point à Lefebvre (2011).
43. Voir supra note 40, p. 75.
44. Voir supra note 38, p. 73.
78 David Lefebvre
peut pas vivre seul de manière autarcique et cherche donc à répondre à ses
besoins vitaux et naturels par la vie en communauté (famille, village, cité).
Dire que l’être humain est « par nature un animal politique » ne signifie pas
qu’il soit politique sans raison mais que le politique est sa manière propre et
naturelle de répondre à ses besoins et de les satisfaire. De ce point de vue, le
vivre reste le seul horizon et la seule finalité de la genèse de la cité. Comme
le suggère l’expression de « ruse de la raison » utilisée par P. Aubenque et
P. Pellegrin, le bien-vivre apparaît comme un effet inattendu, obtenu par l’être
humain dans la cité, et non comme une fin initialement visée par celui-ci ;
c’est seulement sous l’effet d’une contrainte naturelle que l’être humain se
met en société et c’est dans la cité qu’il rencontre le bonheur 45. Mais pour-
quoi brutalement le bien vivre devient-il une fin ? Est-ce une conséquence
de l’autarcie complète acquise par la cité (1252b27-29) ?
E
L’interprétation de W. Kullmann, encore une fois, consiste à faire dépendre
N
le bien-vivre d’un autre principe, non pas d’un besoin naturel, mais d’un
N
choix de la raison permis par la possession du logos et le sens de la justice
O
RB
et du bien qui, l’un et l’autre, « intensifient » la politicité naturelle de l’être
humain. Ce logos et ce sens de la justice sont aussi naturels, mais W. Kullmann
SO
mais qui n’est pas initialement visée par l’être humain ; il n’est pas non plus
PU
45. P. Pellegrin (1990, p. 31) écrit ainsi pour commenter la même phrase de Pol., I, 2,
1252b29-30 : « Même si sa condition naturelle infirme contraint l’homme à rechercher
la société de ses semblables pour survivre, cette stratégie de la survie ne dévoile pas l’es-
sence de la cité. »
Vivre et bien vivre 79
E
N
Ces différentes explications se mélangent souvent dans l’idée que l’être
N
humain est par nature (x), c’est-à-dire, pour ce qui nous occupe, politique.
O
Ainsi, l’on peut se demander si Aristote distingue (c) de (d) : accomplir une
RB
action (x) pour elle-même n’est-ce pas toujours l’accomplir parce que l’on y
SO
est une fin et c’est donc aussi lui qui serait agréable ou plaisant, à condi-
E
exemple d’acte beau et noble, qui est pour son agent une fin en soi sans
S
N
action pour en retirer une utilité extérieure, on le fait alors pour cette action
A
le fait W. Kullmann, avec (b), (c) et (d). On peut poser au moins les deux
PU
questions suivantes : 1) si une conduite est inscrite « dans les gènes », pour
reprendre l’expression de W. Kullmann, de l’être humain, cela implique-t-il
qu’il en retire un plaisir intrinsèque 49 ? 2) Un tel type d’action est-il néces-
sairement dépourvu d’utilité pour l’agent ?
E
N
début de HA, VIII, 1, pour expliquer la variété des modes d’alimentation,
N
Aristote la fait dépendre de la « matière » dont les animaux sont constitués
O
RB
et à partir de laquelle s’effectue leur croissance : chaque espèce animale
cherche donc pour se nourrir ce qui est conforme à sa nature propre et y
SO
trouve du plaisir, car « ce qui est conforme à la nature est agréable » (589a8)
LA
et chaque espèce en visant le plaisir, visera donc aussi ce qui lui convient par
nature 52. En Pol., VIII, 7, Aristote explique que, chez l’être humain, cette
E
« grossiers » dont l’âme a été détournée de son état naturel peuvent prendre
N
humain, lui est donc agréable, du moins à ceux des êtres humains qui ne
BL
sont pas dénaturés, qui ne sont ni des êtres « dégradés », ni des surhommes.
On notera cependant qu’Aristote ne dit pas exactement cela en Pol., I, 2,
PU
car il soutient, dans ce chapitre, la thèse que l’être humain est « par nature
un animal politique » qui ne vise pas immédiatement le bonheur, mais en
rencontre progressivement la possibilité dans la cité à laquelle sa nature le
destine. Par conséquent, il ne peut prendre pour fin un plaisir, celui de la vie
politique, qu’il ne connaît pas ; sa fin est simplement la survie, génératrice
50. Pol., I, 2, 1253a3-7 et a27-29.
51. EN, VII, 13, 1153a14 : « ἐνέργειαν τῆς κατὰ φύσιν ἕξεως. »
52. Au sein de la biologie d’Aristote, cette règle n’est pas sans exception. Théophraste, dans
sa Métaphysique, utilise le cas, déjà relevé par Aristote, de la reproduction et de la ponte
des hérons, supposées être douloureuses, pour mettre en lumière les limites de la finalité
de la nature : quoique naturelle et visant une fin naturelle (laisser un autre semblable à
soi), la reproduction du héron est douloureuse. Voir Aristote, HA, IX, 1, 609b23-25 et
Théophraste, Métaphysique, 10b14-15.
53. Pol., VIII, 7, 1342a25-26.
Vivre et bien vivre 81
E
est naturelle à l’animal politique et lui rapporte un bénéfice ou lui est utile,
N
puisque l’être humain ne se suffit pas à lui-même. Autrement dit, Aristote
N
ne se contente pas de dire que l’être humain a une tendance naturelle à vivre
O
RB
en cité et donc qu’il vit en cité. Ce qui est à l’origine de sa tendance natu-
relle est qu’il a un besoin naturel de vivre en communauté pour survivre ou
SO
pour vivre. Jusqu’à un certain point, et contrairement à ce que l’on dit parfois
LA
politique par nature » qui ont conduit Aristote à revenir en Pol., III, 6 sur
A
sa signification pour en proposer une nouvelle lecture, lui faisant dire, cette
IC
fois de manière univoque, que si l’être humain est politique par nature, cela
BL
veut dire qu’il trouve par nature dans le vivre, pour lequel les êtres humains
PU
TEXTES 55
Texte 1. Politiques, I, 2, 1253a1-4
ἐκ τούτων οὖν φανερὸν ὅτι τῶν φύσει ἡ πόλις ἐστί, καὶ ὅτι ὁ ἄνθρωπος φύσει
πολιτικὸν ζῷον, καὶ ὁ ἄπολις διὰ φύσιν καὶ οὐ διὰ τύχην ἤτοι φαῦλός ἐστιν, ἢ κρείττων
ἢ ἄνθρωπος […]
Ces considérations montrent donc que la cité est par nature et que l’être
humain est par nature un animal politique et que celui qui est sans cité à
cause de la nature et non par un accident de la fortune est ou bien un être
dégradé ou bien meilleur que l’être humain.
E
ἔχει τῶν ζῴων· […] ὁ δὲ λόγος ἐπὶ τῷ δηλοῦν ἐστι τὸ συμφέρον καὶ τὸ βλαβερόν,
N
ὥστε καὶ τὸ δίκαιον καὶ τὸ ἄδικον· τοῦτο γὰρ πρὸς τὰ ἄλλα ζῷα τοῖς ἀνθρώποις ἴδιον,
N
τὸ μόνον ἀγαθοῦ καὶ κακοῦ καὶ δικαίου καὶ ἀδίκου καὶ τῶν ἄλλων αἴσθησιν ἔχειν· ἡ
O
δὲ τούτων κοινωνία ποιεῖ οἰκίαν καὶ πόλιν. RB
C’est pourquoi il est évident que l’être humain est un animal politique
SO
plus que n’importe quelle abeille et n’importe quel animal grégaire. Car,
LA
comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or, seul, parmi les
animaux, l’être humain a un langage. […] Mais le langage existe en vue de
E
D
Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux êtres humains par rapport
N
aux autres animaux : le fait que seuls ils aient la perception du bien et du
O
εἴρηται δὴ κατὰ τοὺς πρώτους λόγους, ἐν οἷς περὶ οἰκονομίας διωρίσθη καὶ
PU
δεσποτείας, καὶ ὅτι φύσει μέν ἐστιν ἄνθρωπος ζῷον πολιτικόν. διὸ καὶ μηδὲν δεόμενοι
τῆς παρὰ ἀλλήλων βοηθείας οὐκ ἔλαττον ὀρέγονται τοῦ συζῆν· οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ τὸ
κοινῇ συμφέρον συνάγει, καθ’ ὅσον ἐπιβάλλει μέρος ἑκάστῳ τοῦ ζῆν καλῶς. μάλιστα
μὲν οὖν τοῦτ’ ἐστὶ τέλος, καὶ κοινῇ πᾶσι καὶ χωρίς· συνέρχονται δὲ καὶ τοῦ ζῆν ἕνεκεν
αὐτοῦ καὶ συνέχουσι τὴν πολιτικὴν κοινωνίαν. ἴσως γὰρ ἔνεστί τι τοῦ καλοῦ μόριον
καὶ κατὰ τὸ ζῆν αὐτὸ μόνον, ἂν μὴ τοῖς χαλεποῖς κατὰ τὸν βίον ὑπερβάλῃ λίαν. δῆλον
δ’ ὡς καρτεροῦσι πολλὴν κακοπάθειαν οἱ πολλοὶ τῶν ἀνθρώπων γλιχόμενοι τοῦ ζῆν,
ὡς ἐνούσης τινὸς εὐημερίας ἐν αὐτῷ καὶ γλυκύτητος φυσικῆς.
55. Pour les Politiques, le texte grec est celui de Ross (1957) ; pour l’Éthique à Eudème, celui
de Susemihl (1884) ; pour l’Éthique à Nicomaque, celui de Bywater (1894) (en suivant la
division en chapitres de Susemihl) et pour l’Histoire des animaux, celui de Louis (1964 et
1969). Les traductions sont les nôtres, sauf pour le texte 2, où nous utilisons, légèrement
modifiée, la traduction de Pellegrin (1990).
Vivre et bien vivre 83
E
N
Texte 4. Éthique à Eudème, VII, 10, 1242a19-b1
N
τὸ δὴ ζητεῖν πῶς δεῖ τῷ φίλῳ ὁμιλεῖν, τὸ ζητεῖν δίκαιόν τι ἐστίν. καὶ γὰρ ὅλως τὸ
O
δίκαιον ἅπαν πρὸς φίλον. τό τε γὰρ δίκαιόν τισι καὶ κοινωνοῖς, καὶ ὁ φίλος κοινωνός,
RB
ὃ μὲν γένους, ὃ δὲ βίου. ὁ γὰρ ἄνθρωπος οὐ μόνον πολιτικὸν ἀλλὰ καὶ οἰκονομικὸν
SO
ζῷον, καὶ οὐχ ὥσπερ τἆλλά ποτε συνδυάζεται καὶ τῷ τυχόντι [καὶ] θήλει καὶ ἄρρενι
ἀλλ’ αἱ διὰ δύμον αὐλικόν 56, ἀλλὰ κοινωνικὸν ἄνθρωπος ζῷον πρὸς οὓς φύσει
LA
συγγένεια ἐστίν· καὶ κοινωνία τοίνυν καὶ δίκαιόν τι, καὶ εἰ μὴ πόλις εἴη· οἰκία δ’ἐστί
τις φιλία. δεσπότου μὲν οὖν καὶ δούλου ἥπερ καὶ τέχνης καὶ ὀργάνων καὶ ψυχῆς καὶ
E
D
σώματος, αἱ δὲ τοιαῦται οὔτε φιλίαι οὔτε δικαιοσύναι, ἀλλ’ ἀνάλογον, ὥσπερ καὶ τὸ
S
ὑγιεινὸν οὐ δίκαιον, ἀλλ’ ἀνάλογον· γυναικὸς δὲ καὶ ἀνδρὸς φιλία ὡς χρήσιμον καὶ
N
κοινωνία· πατρὸς δὲ καὶ υἱοῦ ἡ αὐτὴ ἥπερ θεοῦ πρὸς ἄνθρωπον καὶ τοῦ εὖ ποιήσαντος
O
πρὸς τὸν παθόντα καὶ ὅλως τοῦ φύσει ἄρχοντος πρὸς τὸν φύσει ἀρχόμενον· ἣ δὲ τῶν
TI
ταῦτα γὰρ ὡς τὸ ἴσον ζητούντων λέγεται. διὸ ἐν οἰκίᾳ πρῶτον ἀρχαὶ καὶ πηγαὶ
φιλίας καὶ πολιτείας καὶ δικαίου.
Ainsi chercher de quelle façon on doit se conduire avec un ami revient à
chercher ce qui est juste. En effet, de manière générale, le juste est en tota-
lité en relation avec l’ami, car le juste appartient à certains êtres déterminés
et à des êtres qui sont associés, et l’ami est en association, tantôt de parenté,
tantôt de vie. L’être humain n’est pas seulement en effet un animal de cité
56. En 1242a25 :
ἀλλ’ αἱ διὰ δύμον (?) αὐλικόν selon les manuscrits (Π) et Susemihl (1884).
ἀλλ’ἰδίᾳ οὐ μοναυλικόν : Spengel (1841) et Rackam (1935) – que traduisent Décarie
(2007) et Dalimier (2013).
ἄλλοτε δ’ἰδίαζει μοναυλικόν : Fritzsche (1851) et Dirlmeier (1962).
ἀλλὰ καὶ λίαν μοναυλικόν : Richards (1915).
84 David Lefebvre
E
N
et celui dont la nature est d’être gouverné. Quant à l’amitié réciproque qui
N
existe entre des frères, c’est l’amitié de camaraderie qui est celle qui dépend
O
le plus de l’égalité. RB
SO
Ceux qui disent cela cherchent l’égalité. C’est pourquoi c’est dans la
D
τὸ γὰρ τέλειον ἀγαθὸν αὔταρκες εἶναι δοκεῖ. τὸ δ’ αὔταρκες λέγομεν οὐκ αὐτῷ
IC
μόνῳ, τῷ ζῶντι βίον μονώτην, ἀλλὰ καὶ γονεῦσι καὶ τέκνοις καὶ γυναικὶ καὶ ὅλως τοῖς
BL
Le bien parfait semble être en effet autosuffisant. Nous ne disons cependant pas
autosuffisant pour un seul être menant une vie solitaire, mais autosuffisant pour les
aïeux, les enfants, la femme, et, en général, les amis et les concitoyens, puisque l’être
humain est par nature un être politique.
E
N
Concevoir l’homme bienheureux comme solitaire est sans doute absurde,
N
car nul ne choisirait de posséder tous les biens pour lui. L’être humain est
O
en effet un être politique et naturellement fait pour vivre avec les autres.
RB
SO
σποραδικά ἐστιν. Ἀγελαῖα μὲν οὖν οἷον ἐν τοῖς πτηνοῖς τὸ τῶν περιστερῶν γένος καὶ
D
γέρανος καὶ κύκνος (γαμψώνυχον δ’ οὐδὲν ἀγελαῖον), καὶ τῶν πλωτῶν πολλὰ γένη
S
τῶν ἰχθύων, οἷον οὓς καλοῦσι δρομάδας, θύννοι, πηλαμύδες, ἀμίαι· ὁ δ’ ἄνθρωπος
N
γέρανος. Καὶ τούτων τὰ μὲν ὑφ’ ἡγεμόνα ἐστὶ τὰ δ’ἄναρχα, οἷον γέρανος μὲν καὶ τὸ
IC
τῶν μελιττῶν γένος ὑφ’ ἡγεμόνα, μύρμηκες δὲ καὶ μυρία ἄλλα ἄναρχα. Καὶ τὰ μὲν
BL
58. Le καὶ τῶν μοναδικῶν de tous les manuscrits est supprimé par Schneider que suivent
en particulier Thompson, Peck, Cooper (1999, p. 358-360) et Bertier ; Pellegrin le garde.
Voir sur ce texte le commentaire de Depew (1995).
86 David Lefebvre
soumis à un chef, les autres sans chef, par exemple la grue et le groupe des
abeilles sont soumis à un chef, tandis que les fourmis et une foule d’autres
[animaux] sont sans chef. Et chez les grégaires comme chez les solitaires,
les uns sont sédentaires, les autres sont voyageurs.
E
τῶν τέκνων, ὅταν δ’ ἀποτελέσῃ, χωρίζονται καὶ κοινωνίαν οὐδεμίαν ἔτι ποιοῦνται· τὰ
N
δὲ συνετώτερα καὶ κοινωνοῦντα μνήμης ἐπὶ πλέον καὶ πολιτικώτερον χρῶνται τοῖς
N
ἀπογόνοις.
O
RB
Il est manifeste qu’à chaque fois, par une petite différence, les uns auront
plus de vie et plus de mouvement que les autres. Il en va de la même façon
SO
avec les actions qui concernent la vie. En effet, les plantes qui se repro-
LA
duisent par graine ne paraissent pas avoir d’autre fonction que de produire
à leur tour une autre plante semblable ; il en va de même aussi chez certains
E
D
animaux dont il n’est pas possible de saisir une autre fonction en dehors de
S
pour nourrir leurs petits, mais, quand ils l’ont fait, ils s’en séparent et ne
forment plus aucune communauté avec eux ; d’autres enfin, qui sont plus
intelligents et ont de la mémoire, ont avec leurs descendants des relations
plus durables et plus politiques.
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