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Résumé
Les formules visant à évaluer la facilité des textes destinés à un public non spécialisé sont largement utilisées dans les
pays anglophones ;elles se banalisent aujourd'hui dans les logiciels de traitement de texte. Elles font toutefois l'objet de
controverses récurrentes, mettant en cause leur empirisme et leur faible productivité. Bertrand Labasse, en examinant
quelques fondements scientifiques possibles de ces formules, suggère que de tels indicateurs, s'ils ne justifient pas tout le
crédit qu'on leur
accorde souvent, ne sont cependant pas dénués d'intérêt dans un cadre de validité
restreint.
Labasse Bertrand. La lisibilité rédactionnelle : fondements et perspectives. In: Communication et langages, n°121, 3ème
trimestre 1999. Dossier : L'université d'été de la communication. pp. 86-103.
doi : 10.3406/colan.1999.2951
http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1999_num_121_1_2951
o g
§ fondements
5 et perspectives
^ Bertrand Labasse
U
Les formules visant à évaluer la facilité des textes des- en examinant quelques fondements scien-
tinés à un public non spécialisé sont large- tifiques possibles de ces formules, sug-
ment utilisées dans les pays anglophones ; gère que de tels indicateurs, s'ils ne
elles se banalisent aujourd'hui dans les justifient pas tout le crédit qu'on leur
logiciels de traitement de texte. Elles font accorde souvent, ne sont cependant pas
toutefois l'objet de controverses récur- dénués d'intérêt dans un cadre de validité
rentes, mettant en cause leur empirisme et restreint,
leur faible productivité. Bertrand Labasse,
1
O
§ 1 . F. Richaudeau
lecture, Paris, Albin
(éd.),
Michel,
Recherches
1992. actuelles sur la lisibilité, Paris, Retz, 1984; id., Sur la
La lisibilité rédactionnelle : fondements et perspectives 87
L _ nombre de mots
nombre de phrases
...soit, tout simplement la longueur moyenne des phrases.
8.
comprehension
Carpenter & :Just,
from «research
Cognitiveto process
practice,inHillsdale,
reading »,Lawrence
in J. Orasanu
Erlbaum
(éd.),
Associates,
Reading
1986.
92 Psychologie de la communication
* Pour tenir compte du fait que les mots de la langue française sont plus longs que ceux de la langue
anglaise, De Landsheere (directeur du laboratoire de pédagogie expérimentale de l'université de
Liège) a proposé de ne décompter que les mots de plus de 4 syllabes.
13. R. Gunning, The Technique of clear writing, New York, McGraw Hill, 1952.
94 Psychologie de la communication
O
i 14. R. Flesch, The Art of readable writing, New York, Macmillan, 1949.
La lisibilité rédactionnelle : fondements et perspectives 95
La familiarité lexicale
De nombreuses formules, notamment celle de Dale et Chall15,
largement utilisée dans le monde scolaire anglo-saxon, ont tenté
de contourner cette difficulté en comptant le nombre de mots
absents d'une liste de termes « familiers ». C'est d'ailleurs la
démarche qu'empruntaient les premières formules américaines,
comme celle de Lively et Pressey (1923), ou de Vogel et
Washburne (1928) (cité in Klare, qui recense 31 formules
entre 1923 et 195916). C'est également le cas, plus récent, de
15. J.S. Chall & E. Dale, Reability revisited, Cambridge, Brookline books, 1995.
16. G.R. Klare, The Measurement of readability, Ames, Iowa State University Press,
1963.
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La redondance lexicale
La diversité lexicale d'un texte (ou, plus précisément, sa
pauvreté lexicale) est généralement considérée comme un
paramètre essentiel de sa lisibilité. Cette idée rejoint, de fait, la
pratique des auteurs de textes pour enfants. Un récit du type
Dans un joli champ plein de fleurs vivait une petite vache. La
petite vache aimait bien son joli champ et ses fleurs... présente
un taux de mots différents très faibles ou, en d'autres termes, un
taux de redondance lexicale très élevé. Or, les expériences
indiquent qu'un mot est plus facilement activé si ce mot a déjà été
rencontré dans le texte. D'autre part, il est évident qu'un texte
comportant peu de mots différents comportera en priorité des
mots usuels : dans le récit ci-dessus, on pourra éviter des
termes comme métayer ou jachère, mais difficilement le verbe
être. . .
D'où l'intérêt qu'il peut y avoir à mesurer le taux de redondance
lexicale, ou type token ratio :
21 . Seuls sont évoqués ici les indicateurs autonomes, c'est-à-dire pouvant être utilisés
par le rédacteur sans recours à autrui. Une autre catégorie, heureusement moins
foisonnante, comprend les procédés impliquant un test externe. C'est le cas du simple fait
de se faire relire par un tiers (qui est certainement le contrôle de lisibilité le plus fré-
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DE L'AMBITION À L'IMPASSE
Mais le point le plus important est sans doute le fait que l'inflation
des variables entretient une ambition démesurée : l'espoir,
implicite ou explicite, de prédire la difficulté globale d'un texte en se
fondant exclusivement sur des paramètres quantifiables. Cet
espoir est, par exemple, manifeste chez De Landsheere : « nous
écrivions qu'elles [les formules] atteindraient probablement un
degré élevé de perfection dans un proche avenir et que, grâce
au traitement automatique, elles deviendraient sans doute des
outils éducationnels quotidiens. Ce pronostic est en train de se
réaliser. » Or, c'est précisément lorsqu'elles revendiquent une
*-
CM quent!), mais aussi du test de clozure (W.L. Taylor, « Cloze procedure : A new tool for
^5 measuring readability », Journalism Quaterly, 30, 1953, 415-433), dans lequel un sujet
§> est invité à deviner des mots du texte qui ont été périodiquement remplacés par des
S blancs, et du protocole de Miller et Kintsch (J.R. Miller & W. Kintsch, « Readability and
c recall of short prose passages : A theorical analysis », Journal of experimental psycho-
^ logy : Human learning and memory, 6, 1 980, 335-354), qui prend en compte le temps de
^ lecture et le nombre de propositions mémorisées. Toutefois, ces test externes sont éga-
§ lement discutables : des expériences comme celle d'Ehrlich (M. -F. Ehrlich, Mémoire et
■^ compréhension du langage, Lille, Presses universitaires de Lille, 1994) montrent que
■^ les lecteurs n'ont pas nécessairement conscience de ne pas comprendre... et ne ralen-
§ tissent pas.
S 22. Cité in Chall & Dale, op. cit.
§ 23. F. Revaz & J.-P. Bronckart, « Mesurer la lisibilité : une approche typologique »,
O Revue française de pédagogie, 85, 1 988, 37-46.
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24. Nous invitons le lecteur que ce survol, forcément hâtif, aurait mis en appétit à se
reporter à des ouvrages de synthèse plus consistants, en particulier ceux de Coirier et
al., op. cit., de Caron, op. cit., ou de G. Denhière & S. Baudet, Lecture, compréhension
de texte et science cognitive, Paris, PUF, 1992.
25. J.-F. Richard, Les Activités mentales, Paris, Armand Colin, 1990.
26. P.N. Johnson-Laird, Mental Models, Cambridge, Cambridge University Press, 1983.
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1
S 27. A. Pearce, Judging books by their covers : textbook adoption and selection practices
§ and their impact on textbook quality, Policy Brief n° 19, Arizona State University,
O Education Policy Studies Laboratory, 1986.
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