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Des Houris & des hommes - 1/2

Le Paradis, dont nous conviendrons tous qu’il est l’image hyperbolique de la réalité, serait-il
réduit à de pauvres phantasmes ? Ne serait-il que satisfaction jamais épuisée des sens et de la
chair ? Plus encore, serait-il l’expression infinie des déséquilibres et injustices d’ici-bas ?
Ferait-il de l’homme c’est éternel dominateur, et de la femme son éternelle soumise ?! Les
Houris esclaves sexuelles de ce viril au-delà ne seraient-elles que le reflet idéalisé de la
condition des femmes ici-bas ! Si tel est le Paradis, alors c’est l’enfer !

Il ne s’agit point pour nous de grivoiserie exégétique, mais ces orientales gauloiseries
traduisent de notre point de vue l’iniquité des croyances sociales et la connivence entre
l’exégèse et les cultures des hommes. Le Coran aurait-il vraiment magnifié la phallocratie ?
Dieu serait-Il phallocrate ? Ou bien seraient-ce les interprétations de la Révélation qui
témoigneraient de ce travers masculin ? S’agit-il d’un délire exégétique ou d’une réalité
littérale imputable réellement au Coran ? Ces questions ne sont en rien déplacées, mais
s’inscrivent dans le droit fil de la série d’articles que nous avons publiée au sujet de l’égalité
plénière et foncière entre l’homme et la femme selon le message coranique initial [1].
Ainsi, ce qui pourrait ne relever que de la psychologie, de l’ethnographie ou de l’étude de
mœurs, nous permettra-t-il à nouveau de démystifier les herméneutiques, de démasquer les
interprétations, car entre nous et le Coran s’interposent le corps exégétique et ses nombreux
voiles. Enfin, précisons que l’ensemble de cette étude ciblée ne prendra pas en compte un
autre aspect de la discussion : la signification coranique des concepts Paradis et Enfer [2].

Ensuite, comprendre le Coran est comprendre un texte, linguistiquement cette démarche


repose sur trois questions simples, mais essentielles : – Quels sont les sens des mots ? Quel est
le sens des phrases impliquées ? Quel est contextuellement le sens voulu ? Concernant notre
sujet : 1– Quel est le sens du mot Houri ? 2– Quel est le sens apparent des 4 versets
concernés ? 3– Quelle signification coranique en déduire ? Démarche cohérente qui,
concernant le Coran, est rendue délicate du fait des fort nombreuses sur-constructions ou
surinterprétations dont il est l’objet. Mais ce constat a de positif qu’il impose à qui veut
comprendre le texte coranique de suivre des voies de démonstration rigoureuses.

1 – Quel est le sens du mot Houri ?


Plus un terme est rendu évident par l’usage et moins il nous parait nécessaire d’en examiner le
sens, la magie des cercles herméneutiques repose pour partie sur ce principe. D’une part, le
mot houri est passé en français ce qui n’est pas sans favoriser une certaine confusion lexicale
et, d’autre part, le terme arabe hûr est étymologiquement bien attesté, ce qui rend encore
possible d’en explorer les sens [3]. Il dérive de la racine verbale hâr qui indique initialement
l’idée de : revenir à l’origine. Mouvement de retour qui fut par suite lié à l’idée de pureté
exactement comme l’idée de retour originel en français. De là, on qualifia ainsi un blanc pur,
puis par extension l’action de blanchir par le lavage d’où le pluriel coranique hawâriyyûn
qui signifie blanchisseurs ou lavandiers et qui dans le Coran désigne les disciples de Jésus,
probablement du fait qu’ils pratiquèrent le baptême par immersion afin de purifier des péchés,
en quelque sorte “blanchir les cœurs”. Ainsi, hawar vint à désigner un œil parfaitement blanc
et, par contraste, à l’iris noir profond, l’œil de la gazelle, mais le sens général de ce mot
connote toujours la notion de pureté. La forme superlative ahwar qualifie donc celui ou celle
qui aurait de tels yeux, ce que la culture arabe considère être un critère de beauté. Le terme
coranique hûr est le pluriel de ahwar, pluriel mixte qui désigne aussi bien des femmes que
des hommes aux beaux yeux noirs, métonymie signifiant donc qu’ils sont d’une beauté pure.
De plus, sur les quatre mentions du mot hûr dans le Coran, trois forment une expression
composée : hûr ‘în, où le mot ‘în, pluriel de a‘yan et ‘aynâ’, qualifie déjà celui qui a une
grande prunelle noire de telle sorte qu’en cette expression coranique le mot hûr connote
préférentiellement la notion de pureté. La traduction rigoureuse de l’expression hûr ‘în sera
donc : des êtres purs aux yeux d’une grande beauté, et pour l’usage isolé de hûr en S55.V72 :
des êtres purs.

Nous constaterons dès à présent que les traductions ou les images mentales que ce mot suscite
en nos imaginaires telles que : vierges célestes ou vierges aux yeux noirs… sont largement
surinterprétées. De même, il est tout à fait incorrect d’user dans les traductions du Coran de la
forme francisée houri [4] puisque ce serait transformer à tort un adjectif coranique en un nom
propre et que de plus la définition moyenne des dictionnaires en est : vierge céleste d’une
grande beauté promise par le Coran aux fidèles dans le Paradis d’Allah. Nous le verrons, en
dehors même de cette mainmise exégétique lexicalement inacceptable, la réalité coranique est
bien différente.
Par ailleurs, si le mot hûr est mixte, dans le Coran il concernera des êtres féminins [5]. En
effet, en sourate ar-Rahmân, après avoir expressément mentionné ce terme au v72, il est
explicitement et littéralement précisé à leur sujet : « que n’ont déflorées auparavant [qabla-
hum] ni homme ni djinn » v74, nous envisagerons plus avant la signification exacte de ce
segment. S’agissant donc d’êtres féminins, il est ainsi tout à fait possible de traduire le mot
hûr, lorsqu’il est à l’état isolé, par l’adjectif « Pures », nous lisons alors : « Parmi elles, de
nobles élues de vertueuse beauté – Mais quel bienfait de votre Seigneur nierez-vous donc ;
vous deux ! – des Pures [hûrun], retirées [6] sous les tentes. » S55.V72.
Ceci étant acquis, à moins que d’y projeter les histoires brodées par l’exégèse, le sens du mot
hûr, Pures, ou par conséquent celui de l’expression hûr ‘în, pures aux yeux d’une grande
beauté, ne nous indique pas la nature et la fonction de ces êtres féminins. Pour les déterminer,
deuxième étape, nous devons examiner les versets en faisant mention.
2– Quel est le sens apparent des versets concernés ?
Quatre versets mentionnent expressément les « houris » et fournissent les lignes de sens
principales, nous les étudierons prioritairement. Quelques autres sont complémentaires, ils
seront envisagés au point 3 de notre analyse.

– Les deux premiers délivrent une même information : « Ils seront accoudés sur des divans
alignés et Nous les unirons [wa zawwajnâ-hum] à des Pures aux yeux d’une grande
beauté [bi-hûri ‘în] » S52.V20, et : « Ils revêtiront des habits de fine soie et de brocart, se
faisant face ; ainsi, et Nous les unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté »,
S44.V54. Ces deux versets sont sans ambigüité à condition d’y bien comprendre le sens du
verbe unir mis pour l’arabe zawwâja. En effet, lorsqu’il est lié à la particule « bi », [bi-
hûrin] ce verbe signifie uniquement joindre deux choses ou deux personnes pour en faire une
paire, un couple. De fait, le verbe zawwâja prend le sens de accoupler par le mariage
seulement lorsqu’il est employé avec la préposition « min », l’on imaginerait l’incongruité de
la chose puisque Dieu est ici le sujet du verbe zawwâja ! Aussi, en cette scène deux fois
répétée, les « houris » ne sont-elles que les compagnes des hôtes du Paradis et, plus encore, le
verbe zawwâja suppose qu’elles sont leurs équivalents ou symétriques, c'est-à-dire elles aussi
les hôtes du Paradis et non pas des créatures paradisiaques. En conséquence, rien n’indique
présentement qu’elles soient à la mâle disposition des élus.

– Le troisième verset est repéré en sourate « ar-Rahmân », les « houris » y apparaissent


isolées en leur superbe pureté : « Parmi elles, de nobles élues de vertueuse beauté […] des
Pures [hûrun], retirées sous les tentes. », S55.V70-72. Le terme « élues », khayrât, attire
notre attention, car ce pluriel est ici souvent traduit par vertueuses ou bonnes, mais s’agissant
de qualifier une créature du Paradis, soit cela ne fait pas sens – le Paradis n’étant pas censé
receler des êtres impurs et/ou mauvais – soit il s’agit d’un truisme ! Or, la racine khara d’où
dérive l’adjectif khayr [khayrât en est le féminin pluriel] signifie obtenir ce qui est bon,
favorable, mais aussi surpasser en qualité, choisir ce qui est de meilleur. Par ailleurs, l’Arabe
utilise l’adjectif khayr en lieu et place du superlatif akhyar, de telle sorte qu’il n’y a aucune
difficulté à comprendre que par khayrât l’on puisse désigner les femmes élues du Paradis,
d’où notre : « élues ».
Le Coran fournit la preuve formelle de cette compréhension, puisque le v70 : « Parmi elles,
de nobles élues de vertueuse beauté » commence par « Parmi elles [fî-hinna]», indication
précieuse que les commentateurs et les traductions à leur suite occultent plus ou moins
efficacement [7]. En effet, fî-hinna signifie littéralement « en [fî] elles [hinna] », c'est-à-dire
« parmi elles », le pronom hinna qualifiant préférentiellement le féminin pluriel d’êtres
vivants. Mais, la tradition exégétique a préféré considérer que ce pronom se référait aux «
jardins », d’où par exemple la traduction explicitée de M. Chiadmi : « Deux Jardins habités
par des houris aussi belles que vertueuses », traduction aussi aventureuse qu’éloignée du
texte arabe [8]. Si, en théorie, en arabe ancien le pronom hinna/hunna peut être en lien avec
un pluriel de choses et non pas d’êtres vivants, comme le Coran en témoigne par exemple en
S5.V120 ou S17.V44, dans le contexte de cette sourate ceci est impossible, quoique l’exégèse
ait voulu le contraire. Tout d’abord, il est y fait mention avec constance de « deux jardins »,
jannatân, cas duel, et non pas « de jardins » au pluriel, jannât, or le pronom du cas duel est
humâ/himâ et non pas hinna/hunna. De plus, et ceci achève de lever toute ambiguïté
grammaticale, en ce passage coranique il est constamment usé du pronom du duel lorsqu’il
s’agit de désigner ce que contiennent les « deux jardins », ex : « En lesquels [fî-himâ]
coulent deux sources jaillissantes », v66 ; « En lesquels [fî-himâ] il y a des fruits, des
palmiers et des grenadiers », v68, etc. et lorsqu’il est fait référence aux « houris » il est
employé fî-hinna et non plus fî-himâ, et ce, à deux reprises, v70 et v56. Cette rigueur de
construction indique clairement que ce pronom affère ici des personnes et non des objets, il
n’y a donc qu’une seule signification possible pour notre complexe pronominal et nous
lisons : « Parmi elles [fî-hinna] de nobles élues… », v70, et « Parmi elles [fî-hinna] celles
aux chastes regards… », v56. Le sens est donc très différent de ce que la volonté exégétique
classique impose, puisque ces deux versets nous enseignent que parmi des femmes du Paradis
certaines sont ainsi hautement distinguées. Qui sont-elles ?

Le Coran le spécifie et, en cette même sourate 55, il est dit au sujet de ces élues : « La
récompense de la vertu [al ihsân] n’est-elle pas la perfection [al ihsân] ? » v60. Les
traductions données de ce bref mais flamboyant verset sont assez pauvres, puisque bloquées
par l’idée exégétique d’une prime à la houri pour les heureux mâles élu au Paradis. Il est
généralement lu : « le bien [al ihsân] n’est-il pas la récompense du bien [al ihsân] ? », ce qui
signifierait que les houris, alors bien de consommation s’il en est, serait de facto la
récompense des hommes de bien. Mais, puisqu’il vient d’être dit que « parmi elles », c'est-à-
dire les femmes admises aux Paradis, il y avait des élues élevées au rang de Houris, alors,
logiquement, ce verset les concerne et donne la raison expliquant cette élection. Par ailleurs,
les sens du mot ihsân sont connus : bien, bonté, mais aussi excellence, perfection, beauté
morale. Ainsi est-il dit que la récompense pour les femmes les plus vertueuses d’ici-bas sera
d’être élevées au rang de houris au Paradis, c'est-à-dire de « Pures », ce que notre traduction
mettait exactement en lumière : « Parmi elles [les femmes du Paradis] celles aux chastes
regards […] Parmi elles, de nobles élues […] La récompense de la vertu [al ihsân] n’est-
elle pas l’excellence [al ihsân] ? » L’indication est précieuse : les Houris sont des élues
femmes du Paradis au même titre que certains hommes, c'est-à-dire en fonction de l’élévation
réelle de leur piété.

En fonction de l’analyse convergente de ces versets clefs, il apparait donc que par le mot hûr,
les Pures, le Coran ne désigne pas une catégorie de créatures paradisiaques, mais qualifie
celles qui parmi les femmes vertueuses entrées au Paradis appartiennent à une certaine élite.
Ainsi, les retrouvons-nous en compagnie de leurs alter ego de la gent masculine en S56,
sourate considérée comme explicitant sourate « ar-Rahmân » [9] : « Ceux-là sont les
Rapprochés [al muqarrabûn], aux jardins de la Félicité, […] sur des divans tressés,
accoudés, se faisant face […] Et [là seront] des Pures aux yeux d’une grande beauté
[hûrun ‘în]. » S56.V11-22. L’image est bien la même qu’en : « Ils seront accoudés sur des
divans alignés et Nous les unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté. » S52.V20, et
« Ils revêtiront des habits de fine soie et de brocart, se faisant face ; ainsi, et Nous les
unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté. » S44.V54, versets que nous avons
précédemment expliqués. Face à face, unis par paires, il est clair que les Pures sont
l’équivalent féminin des Rapprochés, al muqarrabûn.

– Le quatrième et dernier verset mentionnant les « Houris » est une des clefs de la fiction
exégétique permettant de transmuter les plus vertueuses des femmes admises au Paradis en
créatures libidinales de luxe made in paradise. Nous venons de citer partiellement un passage
de S56, nous le reprenons in extenso selon une ligne de traduction moyenne : « Parmi eux
[les rapprochés] circuleront des garçons éternels avec des coupes, des aiguières, et des
verres d’une limpide boisson dont ils ne seront ni indisposés ni enivrés. De même [ils
circuleront] avec des fruits qu’ils choisiront et de la chair d’oiseaux qu’ils désireront. Et
“ils auront” des houris aux grands yeux telles des perles cachées en récompense de ce
qu’ils œuvrèrent. » S56.V17-24.
Ce type de traduction standardisée reflète parfaitement ce que l’exégèse a voulu : « Et ils
auront des Houris aux grands yeux telles des perles cachées en récompense de ce qu’ils
œuvrèrent. » Le message serait explicite, et parmi les plaisirs paradisiaques proposés à la
consommation, les heureux élus se verraient offrir des Houris, il serait de plus précisé qu’il
s’agira là d’une récompense, une prime à la vertu en quelque sorte. Si tel était le propos
coranique, nous devrions nous incliner et accepter l’offre, contraints à trouver des
échappatoires symboliques si cet état de fornication édénique ne correspondait pas à nos
attentes spirituelles.
En réalité, le Coran est ici finement dévié. Comme bien souvent, la démonstration, quoique
grammaticale, est assez simple si l’on veut bien lire le texte pour ce qu’il dit et non pour ce
que nous pensons qu’il devrait dire. En introduction de ce passage nous lisons donc : «
circuleront des garçons éternels avec des coupes… » le « avec » traduisant ici la préposition
« bi » de bi-akwâbin : avec des coupes. L’emploi de cette préposition « bi » impose que tous
les termes qui seront sous sa dépendance grammaticale soient marqués par la désinence « in
», ex : akwâbin. Nous retrouvons logiquement ce fait grammatical concernant tout ce que ces
serviteurs offrent aux élus : ka’sin, verres, fâkihatin, fruits, lahmi tayrin, chair d’oiseaux, et
si les « houris » faisaient partie de cette liste nous devrions lire : wa hûrin ‘înin, ce qui
signifierait bien alors : « et ils auront des houris aux grands yeux ». Or, le texte coranique
exact est : wa hûrun ‘înun, et l’absence de la désinence « in » indique donc formellement
que les « houris » ne font pas partie des biens proposés aux élus. Par contre, la présence de la
marque du cas sujet « un » [hûrun ‘înun] signale que débute là une phrase incidente dont le
sens est mot-à-mot le suivant : « et des “houris” aux grands yeux », ce qui se comprend
comme signifiant : « et [là seront] des “houris” aux grands yeux », c'est-à-dire qu’à l’instar
des Rapprochés mentionnés au vs 11-12 de cette même sourate elles bénéficieront elles aussi
de ce festin de Dieu [10]. Reprenant notre traduction plus précise du terme hûr, ce passage se
comprend et se traduit alors comme suit : « Ceux-là sont les Rapprochés, aux jardins de la
Félicité. Parmi eux circuleront des garçons éternels avec des coupes, des aiguières […] Et
[là seront] des Pures aux yeux d’une grande beauté. » Rien ne permet donc littéralement de
valider le viril projet exégétique classiquement imposé au texte coranique. Le propos du
Coran est très précisément et exclusivement de signifier que les pieux parmi les croyants,
hommes et femmes, bénéficieront les uns comme les autres de la même félicité.

• L’on pourrait vouloir nous opposer que le Coran précise pourtant que les « houris » sont la
récompense des croyants puisque ce même passage le mentionne explicitement : « des houris
aux grands yeux telles des perles cachées en récompense de ce qu’ils œuvrèrent » v24.
Nonobstant qu’il faille être nanti d’une mentalité culturelle assez archaïque pour ainsi
considérer la chose, nous venons de démontrer qu’il était parfaitement erroné d’affirmer que
les « houris » appartenaient à la liste des biens de consommation proposés par les serviteurs
du Paradis. C’est donc que ne sont donné en récompense que l’ensemble des biens distribués
précédemment par les serviteurs édéniques, soit : « circuleront des garçons éternels avec des
coupes, des aiguières, et des verres d’une limpide boisson dont ils ne seront ni indisposés ni
enivrés. De même des fruits qu’ils choisiront et de la chair d’oiseaux qu’ils désireront » et
ceci sera offert aussi bien aux vertueux qu’aux vertueuses, les « Pures aux yeux d’une
grande beauté ».

• Au final, ce premier volet d’étude aura permis de déterminer le sens du terme-clef « hûri ».
Cet adjectif n’est pas le nom propre de créatures célestes promises au dépucelage éternel,
mais il signifie « Pures », et le syntagme hûrun ‘în se traduira par : Pures aux yeux d’une
grande beauté. Par ailleurs, l’analyse littérale des quatre versets centraux aura montré que par
le terme-concept hûri il était fait allusion à une élite parmi les croyantes, élite dont le statut
spirituel sera particulièrement élevé au Paradis, nous le confirmerons au deuxième volet.
Conséquemment, l’existence d’une catégorie de créatures particulières mises à disposition des
hôtes du Paradis : « les Houris », relève ni plus ni moins du phantasme exégétique. Comment
en ces conditions littérales comprendre que l’on ait pu dégrader les saintes élues du Paradis au
rang de onsen geishas délurées ?! Nous décrypterons cela au prochain article.

_________________________

[1] - Cf. notamment : « Égalité des hommes & des femmes 3/3 » ; « Frapper sa femme avec le
Coran » 2/2 ; « L’héritage dans le Coran » 3/3.
[2] - L’on peut consulter à cet égard la question consacrée à ce sujet en notre ouvrage « Que
dit vraiment le Coran » envisageant l’étude des trois niveaux Paradis-Enfer présentés dans le
Coran. Le cas présent, cela ne modifie pas la problématique, quelle que soit l’idée que l’on se
fait du Paradis, il reste une image, une représentation, mathal, que nous ne pouvons établir
qu’à partir de notre interprétation des conceptions des réalités d’ici-bas. Nous ne sommes pas
en effet en capacité de produire du sens et des images sans qu’elles soient instruites à partir de
données formelles issues de ce que nous concevons être notre réalité ou nos réalités.
[3] - N’en déplaise à un humoriste libanais, le Père Luxenberg pour ne pas le citer, qui a
confondre l’arabe et le syriaque a prétendu échanger nos « houris » contre du « raisin blanc »,
marché de dupe que nous ne saurions raisonnablement accepter !
[4] - Le mot Houri n’existe pas en l’état en arabe, il s’agit en réalité d’une forme figée
d’origine persane et, bien évidemment, postérieure au Coran, ce n’est donc que par
convention que nous l’utiliserons en cet article.
[5] - Par conséquent, l’on ne peut défendre au-delà de sa valeur indicative la thèse soutenue
par Muhammad Asad quant à l’ambivalence sexuelle des « houris » paradisiaques, signalons
que son objectif était de vouloir ainsi rétablir le déséquilibre institutionnalisé par l’exégèse
classique et non point le Coran.
[6] - L’accord de maqsûrâtun, retirées marque effectivement un féminin pluriel de
personnes. Rq : le participe maqsûrâtun signifie retirées ou cloîtrées, mais l’on est cependant
difficilement cloîtré dans une tente. Néanmoins, pour conserver l’image fantasmée, bien des
traducteurs ont forcé le sens de l’arabe khiyâm et ont rendu ce terme qui ne peut pourtant que
signifier tente par : « pavillon » ou « demeure ».
[7] - Je citerais M. Hamidullah : « Partout, des houris, bonnes, belles » ; R. Blachère : «
Dans ces jardins seront des [vierges] bonnes, belles » ; J. Berque : « et dans tous il est de
très bonnes et très belles » ; A. Kazimirski : « là, il ya aura des vierges jeunes et belles ».
[8] - En ce type de traduction est rajouté au texte coranique le segment « deux jardins », le
verbe « habiter » et le mot « houris ».
[9] - Si l’on tient compte de la chronologie traditionnellement proposée, S56 est
immédiatement antérieure à S55 « ar-Rahmân » qui en constitue alors comme un résumé.
[10] - Signalons, pour être tout à fait rigoureux, qu’il existe ici une « variante de lecture »,
qirâ’a, illustrant à elle seule la mainmise de l’exégèse sur la transmission du texte coranique,
sujet épineux qui n’est guère connu du commun des lecteurs. En effet, il est recensé selon la
transmission de Hamza et celle d’al Kisâ’î la lecture hûrin ‘înin. Nous constatons que la
désinence en « un » qui rendait en réalité impossible de comprendre que les « houris » fissent
partie des biens offerts aux hommes a été remplacée par la désinence « in » qui place alors ces
termes sous la dépendance de la préposition « bi » comme le reste des biens mentionnés en
ces versets. Cette discrète et subtile modification permet ainsi de faire dire au Coran
exactement ce que l’on voulait qu’il dise : les « houris » font partie des biens consommables !
Nous aurons bien compris que l’on ne pouvait raisonnablement pas attribuer au Prophète deux
variantes de lectures soutenant deux points de vue radicalement opposés…
Des Houris & des hommes 2/2

Nous avons précédemment exprimé notre étonnement et notre inquiétude : Comment, à notre
époque, des hommes, mais aussi parfois des femmes, a priori sains d’esprit et de corps
peuvent-ils imaginer que le Paradis que tant ils désirent – comme l’espérance d’une existence
infiniment pure et absolument juste, à l’image du dieu qu’ils vénèrent – puisse être le lieu
d’une jouissance sexuelle assouvie complaisamment ? Comment au nom de Dieu légaliser de
tels délires sur le compte de créatures célestes qui ne seraient que la supra-image d’une
femme parfaitement soumise aux fantasmes des hommes, un objet créé pour leur unique
plaisir ? Comment supposer que le paradis de Dieu soit le reflet de la vision phallocrate et
sexiste de ce bas-monde ? Comment concevoir que la condition féminine volée ici-bas soit
violée en l’Autre-monde ? Et, nous l’avions déjà clamé : « Si tel est le Paradis, alors c’est
l’Enfer ! »

• Pour autant, nous ne portons pas là, bien évidemment un jugement. Nous savons
pertinemment que la problématique est d’ordre exégétique, que l’on en est conscience ou non.
De fait, le croyant met toute sa foi à tendre vers les objectifs coraniques, il est ainsi
terriblement dépendant du sens de la Révélation. Or, ce sens ne nous est la plupart du temps
délivré que par l’intermédiaire de ce que nous avons acquis, ce qui nous a construits. Se
referme alors sur nous le cercle herméneutique qui, si l’on n’y prête garde, peut se révéler être
le piège de notre raison ou pour le moins un obstacle à notre perception du sens réel du Coran.
Bien sûr, ce clair-obscur peut être appelé lumière pour qui mêlera foi et fidéisme et préférera
se conformer à la sainte parole de ces pieux prédécesseurs, en ce cas la certitude et la
conviction sont maximales et le doute de la raison n’a pas ici sa place. Pour qui ne sait pas,
mais cherche à savoir, nous proposons de poursuivre plus avant notre exploration coranique.

Méthodologiquement, nous avions indiqué lors du premier article que l’analyse littérale d’une
thématique liée au texte du Coran reposait sur une approche en trois étapes : – Quels sont les
sens des mots ? Quel est le sens des phrases impliquées ? Quel est contextuellement le sens
voulu ? Concernant notre sujet : 1– Quel est le sens du mot Houri ? 2– Quel est le sens
apparent des 4 versets concernés ? 3– Quelle signification coranique en déduire ?

Au volet 1, la conduite de la première étape aura permis de déterminer le sens du terme-clef «


hûri ». Nous aurons mis en évidence que cet adjectif n’était pas le nom propre de créatures
célestes promises au dépucelage éternel, mais qu’il signifiait « Pures », ainsi le syntagme
hûrun ‘în se traduit-il rigoureusement par : Pures aux yeux d’une grande beauté. Concernant
la deuxième phase, l’analyse littérale des quatre versets centraux aura montré que par le
terme-concept hûri il était fait allusion à une élite parmi les croyantes, élite dont le statut
spirituel correspond à une situation particulièrement élevée au Paradis. Conséquemment, nous
avions posé que l’existence d’une catégorie de créatures particulières mises à disposition des
hôtes du Paradis, les par trop fameuses « Houris », ne relevait que du phantasme exégétique.

Nous pouvons à présent aborder la dernière phase d’analyse :

3– Quelle signification coranique en déduire ?


Cette troisième et ultime étape suppose que toute herméneutique est par définition circulaire :
il faut connaître le tout pour comprendre les parties et comprendre les parties pour connaitre
le tout. Dès lors que l’analyse des versets retenus a priori en fonction de mots-clefs a fourni
du sens il est nécessaire de vérifier si cette ou ces lignes de sens sont cohérentes sur
l’ensemble du Coran. En d’autres termes, peuvent-elles être confirmées ou au contraire
infirmées ? Cette démarche amène donc à étudier le Hadith puisque ces textes censés éclairer
pour nous le sens du Coran, bien souvent s’y opposent ; de même, ils constituent
régulièrement un efficace bouclier brandi contre la raison critique.

• Aussi, devons-nous prendre en compte le passage faisant suite aux versets de S56 que nous
avons d’analyser et qui semblerait s’opposer, d’après le sens que les conventions et traditions
exégétiques lui confèrent, à nos résultats. Il concerne une catégorie d’élus dits Gens de la
droite, ashâbu–l–yamîn, ou Gens de rectitude [1] dont il est dit qu’ils reposeront sous « des
ombrages étendus », v30, et disposeront « d’eau vive, de fruits abondants », v31-32, et seront
installés « sur des lits surélevés », v34. Puis il est dit : « Certes, Nous les avons faites en
perfection, vierges [abkâran], gracieuses [‘uruban], d’un âge égal [atrâban], [ceci] pour
les Gens de la droite. » v35-38. En ces quelques mots se trouve concentré le concept surréel
des « vierges paradisiaques ».
Bien qu’elles ne soient pas explicitement mentionnées dans le texte, nous pouvons
comprendre qu’il s’agit bien là de la description des « houris » par symétrie avec le passage
antérieur, S56.V22-24, et symétrie globale avec S55. Le segment-clef en est : « pour les Gens
de la droite », verset que l’exégèse reprend à nouveau pour indiquer que ces vierges sont en
quelque sorte en libre-service. Si l’on délaisse cette surinterprétation non étayée, il est simple
ici de redresser le sens : puisque le passage relatif aux « Gens de la droite » est manifestement
le symétrique de celui consacré aux « Rapprochés », S56-V11-24, il exprime donc un propos
qui ne peut être sur le fond qu’à l’identique. Or, comme nous avons rigoureusement démontré
précédemment que ces Dames du Paradis n’étaient la propriété de personne à moins de
manipuler le texte, c’est donc bien que nous devons entendre le segment « pour les Gens de
la droite » comme ne qualifiant pas un quelconque rapport de possession d’une chose
matérielle. De plus, en cette démonstration nous avions mis en évidence la rupture
grammaticale et syntaxique prouvant que les « houris » ne font pas partie de la liste des biens
proposés aux bienheureux, mais, qu’au contraire, il était indiqué qu’elles en étaient elles aussi
les bénéficiaires. Il en est donc de même en ce passage symétrique, et tout ce qui est attribué
aux Gens de la droite l’est aussi à ces femmes ressuscitées au Paradis en l’état de perfection
dit de hûri, c'est-à-dire de Pures. Ainsi, tout comme les « Houris » étaient des femmes
vertueuses admises au degré des « Rapprochés », elles seront aussi élues au rang des Gens de
la droite ou Gens de rectitude. [2] Telle est l’égalité, la justice et l’élévation du propos
coranique.

• Reste que la mention de jeunes beautés vierges suscita de troubles appétits. Or, même si les
termes choisis correspondent à l’évocation du canon féminin selon les hommes de l’époque,
ils ne sont – dès lors que l’on est en mesure de détourner l’impudique regard exégétique
classique et de lire le propos coranique pour ce qu’il est – que l’expression d’une idée fort
commune à toutes les descriptions du Paradis : son aspect immuable. Le fait est incontestable
et bien connu, tous les éléments de l’univers paradisiaque sont constants et impérissables, les
fleuves de miel et de lait, les mets servis, la fraîcheur, le verdoiement, l’eau, les boissons, les
postures même des personnages, une félicité sans altération, hors temps. La beauté jamais
flétrie et éternellement jeune des Pures du Paradis s’entend en ce contexte-là ! [3]

• Ainsi, les « Houris » sont-elles à l’image du Paradis d’une pureté inaltérable, et donc en ce
sens éternellement “vierge”. Ceci, en soi, suffit à invalider l’idée que ces Pures du Paradis
puissent être déflorées ! Ceci, de même, permet de comprendre à sa juste valeur le propos
coranique, bien au-dessus des intentions de certains !

L’exégèse étant le fruit que l’homme greffe à l’arbre du Coran, il aura fallu imaginer un
stratagème pour contourner l’impossibilité ontologique dictée par ces versets. L’on produisit
donc quelques hadîths nous expliquant en substance que : « à chaque relation charnelle la
houri est toujours vierge et ne se plaint pas de ces rapports, l’homme quant à lui demeure en
érection et ne connaît pas d'éjaculation… » Fort heureusement, nous n’aurons pas à imputer
au Prophète un tel déni du Coran et une pareille vulgarité, ces hadîths étant tous classifiés
faibles, da‘îf. Nous avons vu que le Coran, et cela est cohérent, s’il parle de la situation des
hommes et des femmes ne fait pas mention de rapports sexuels au Paradis, ce qui est dit est
explicite : « Ils seront accoudés sur des divans alignés et Nous les unirons à des Pures aux
yeux d’une grande beauté. » S52.V20, « Ils revêtiront des habits de fine soie et de brocart,
se faisant face ; ainsi, et Nous les unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté. »
S44.V54. Nous avons montré que l’union est ici un appariement et non un rapprochement
sexuel ! Dieu serait-Il l’entremetteur de nos pulsions ?!
De fait, cette négation coranique a été toujours perçue comme une entrave à la volonté
exégétique des mâles interprètes, aussi fournit-on un hadîth qui, à contre-Coran, soutient le
contraire : « L’homme aura au Paradis la puissance sexuelle de cent hommes ». Ce hadîth,
rapporté uniquement par at-Tirmidhy, est dit par lui seul sahîh, mais il est gharîb, isolé ou
étrange, c'est-à-dire sans aucune possibilité d’identification croisée réelle. [4] En dehors
même de cet aspect technique, que vaut un hadîth face au Coran en son sens obvie ? Encore
une fois, comme supposer que le Prophète ait dévié du sens coranique ? !

Signalons qu’il est très souvent fait référence en les innombrables articles internet consacrés
au thème fort prisé des houris à un hadîth rapporté par al Bukhârî et mentionné dans les
termes suivants : « Au sujet des mots du Coran « des houris cloitrées dans leurs tentes »
Qays a relaté que le Messager de Dieu a dit : « Il y a au Paradis une tente faite d’une seule
perle creusée et de soixante milles de largeur. A chacun de ses coins il y aura des femmes (les
houris) qui ne verront pas celles des autres coins et les croyants les visiteront et jouiront
d’elles. » L’argument est aussi explicite qu’imparable, si vous aviez un doute le voici balayé :
les houris vous attendent. Sauf que ce hadîth n’existe tout bonnement pas ! Nous en trouvons
quatre versions chez al Bukhârî et deux chez Muslim, toutes sont rapportées du même
Abdullâh ibn Qays, mais aucune n’est en ces termes, aucune ne mentionne les houris et
aucune ne dit que les hommes jouiront d’elles ! La version complète rapportée par al Bukhârî
en tant que commentaire de S55.V72 dit exactement : « Il y aura au Paradis une tente faite
d’une perle creusée de soixante milles de largeur. A chacune de ses extrémités, il y a des gens
(ahl) qui ne pourront voir les autres. Les croyants s’y promèneront. Il y aura deux jardins aux
ustensiles d’argent et deux autres jardins à l’identique. Et entre les gens (qawm) et la vision
de leur Seigneur, il n’y aura qu’un voile de majesté sur Sa face au Jardin d’Éden. » L’on a
donc ajouté en ces versions les houris et, plus encore, la mention au sujet de la vision de Dieu,
summum de la béatitude paradisiaque, a été remplacée par une promesse de jouissance
sexuelle ! En soi, tout est dit des intentions de chacun.

Ceci étant, attention à ne pas nous laisser prendre aux filets de la Toile, l’araignée pourrait
s’avérer venimeuse. Si l’avènement de l’informatique a effectivement démocratisé l’accès à la
connaissance, il convient de rester prudent face à l’abondante redondance de l’offre, car ce
même outil favorise aussi le développement de la science ignorante, celle du copié/collé et de
la “science” à moindre effort. Sous un autre aspect, nous voyons naître chaque jour sous nos
yeux ébahis une nouvelle forme de Hadîth apocryphe, ce qui au demeurant peut nous aider à
comprendre les conditions d’apparition de la masse du Hadîth entre le IIe et le IIIe siècle de
l’Hégire. De plus, et pour les mêmes raisons, cette dérégulation assez frénétique du savoir, qui
pourrait être un formidable atout, se traduit actuellement par le développement d’un néo-
islam, web-islam antérograde puisque dominé par les forces du petro-islam hanbalo-
wahhabite des plus archaïques monarchies du monde.

• Mais, nous dirions-nous en un ultime espoir de sauver la projection de toutes ces


frustrations, le Coran n’a-t-il pas dit que les Houris seront déflorées au Paradis ?
Effectivement, il y est dit à deux reprises au sujet des « houris » : « Des Pures [hûrun],
retirées sous les tentes […] que n’ont déflorées auparavant [qabla-hum] ni homme ni
djinn. » S55.V72-74. Les traductions standardisées proposent un : « que n’ont déflorées avant
eux aucun homme ou djinn. » En ce cas, l’affaire est claire, les houris seront dépucelées en
primeur par les hôtes du Paradis. Encore une fois, si le texte du Coran subsiste, sa lecture,
totalement sous la dépendance de l’exégèse, nous pose problème. En effet, le sens a été ici
dévié à partir d’un “mésusage” de la locution adverbiale qabla-hum. Sur les 15 occurrences
coraniques de cette locution, elle indique à 13 reprises qu’un temps ancien est révolu, ce qui
en français a pour équivalent : auparavant, jadis. Ex : « Combien avons-Nous anéanti
auparavant [qabla-hum] de générations ! Perçois-tu d’eux un seul être ? Entends-tu le
moindre murmure ?! » S19.V98. Les deux autres occurrences sont celles de S55 relatives à
nos houris. Il est donc ici confondu l’usage coranique de la locution adverbiale qabla-hum
avec celui du complexe prépositionnel min qabli-him qui signifie effectivement avant eux.
Par conséquent, l’emploi adverbial de qabla-hum en ces deux versets indique que par : « des
Pures [hûrun], retirées sous les tentes […] que n’ont déflorées auparavant [qabla-hum] ni
homme ni djinn » nous devons comprendre que l’état de virginité de ces Pures est hors du
temps, absolu et infrangible, et que nul, ni homme ni djinn, ne l’altérera ; une métaphore de la
perfection virginale conforme à l’aspect immuable du Paradis selon les descriptions
coraniques, ici l’image de la pureté. Notons, pour l’anecdote, que le grand exégète ar-Râzî
avait vu que le segment « retirées sous les tentes » rendait de plus impossible que les « houris
» fussent accessibles à nos désirs, il imagina donc un stratagème. [5]
• Nous aurons donc compris que le propos du Coran consiste à définir l’état de perfection et
de pureté d’une élite féminine parmi les élus du Paradis. Nous avons montré en la partie1/2
qu’il s’agissait bien là du statut des femmes les plus vertueuses d’ici-bas. Ceci est explicite en
deux versets fort connus, v56 et v70 de sourate « ar-Rahmân », que nous avons analysés et
que l’on peut ainsi commenter : « Parmi elles, [les femmes qui seront admises au Paradis, il y
aura] celles aux chastes regards [dites hûr, c'est-à-dire Pures] » et « Parmi elles [idem] de
nobles élues [les hûr]. »
Il n’y a ainsi aucune réalité textuelle et littérale au délire fantasmatique ayant transformé
l’élite sainte de la gent féminine du Paradis en victime d’une oblation phallique délirante. Il
n’y a donc pas de Houris au Paradis, ce qui n’était qu’un adjectif qualificatif indiquant la
pureté a été improprement réduit à un nom commun, dérive linguistique commune traduisant
un abus de sens et dissimulant un abus des sens. N’eussent été les voiles de l’exégèse, nous
aurions pu identifier aisément ces Pures, ces saintes parmi les saintes.

• Au final, le Coran ne qualifie donc pas de « hûri », Pures aux yeux d’une grande beauté, des
créatures de jouissances, mais des femmes récompensées par Dieu pour leur piété ici-bas, en
cela elles ne différent des autres femmes admises au Paradis que par leur élévation spirituelle
particulière. Nous lisons en la première description donnée du Paradis dans l’ordre du Livre :
“ Et fais belle annonce à ceux qui croient et œuvrent en bien : ils auront des jardins au
pied desquels coulent les ruisseaux. Toutes les fois où il leur sera octroyé des fruits comme
subsistance, ils diront : « Voilà ce que l’on nous attribuait autrefois », mais ce qu’ils
recevront n’en aura que l’apparence. Ils auront là pures compagnies [6] [azwâjun
mutahharatun] et ils y séjourneront éternellement.” S2.V25 idem en S3.V15 et S4.V57.
Dans le Coran, l’adjectif mutahharah ne signifie pas purifiées, mais pures, puisqu’affirmer
qu’elles auraient été purifiées aurait supposé que les femmes fussent auparavant impures ![7]
Cependant, le qualificatif hûr est plus intense que mutahharah et si ce dernier est appliqué à
toutes les femmes du Paradis, hûr, nous l’avons vu, ne concerne qu’une élite parmi elles : «
Parmi elles, de nobles élues de vertueuse beauté […] des Pures [hûrun], retirées sous les
tentes. », S55.V70-72. Ceci étant, elles sont toutes des croyantes dont la piété aura permis
qu’elles accèdent au Paradis. En ce sens, l’Autre-monde est le reflet de la vie pieuse en ce
bas-monde : « Ils entreront aux jardins d’Éden ainsi que ceux qui furent vertueux parmi
leurs ancêtres, leurs conjoints et leurs descendants ; les Anges les accueilleront à toutes les
portes. » S13.V23. Les couples vertueux se retrouveront donc en l’Au-delà : « Ce jour, les
Hôtes du Paradis seront en occupation, béats,[8] eux et leurs “compagnes”,[9] sous les
ombrages, accoudés sur des lits de repos ». S36.V55-56.[10] Nous avons vu qu’il en était de
même pour les Pures, les hûr : « Ils seront accoudés sur des divans alignés et Nous les
unirons à des Pures aux yeux d’une grande beauté. » S52.V20 ; « Ils revêtiront des habits
de fine soie et de brocart, se faisant face ; ainsi, et Nous les unirons à des Pures aux yeux
d’une grande beauté. » S44.V54. Pure félicité paradisiaque, immuable, parfaite, inaccessible
aux sens et à la raison. Dès lors, il apparaît évident que la seule différence entre les femmes
élues au Paradis et les femmes élevées au rang de « houris » est affaire de degré tout comme il
existe des degrés spirituels au Paradis, une hiérarchie de la béatitude, si ce concept peut
réellement faire sens pour notre entendement.

• Des « Houris & des hommes » illustre parfaitement la main mise exégétique sur le Texte
sacré et le pouvoir de sens qu’elle exerce sur les lecteurs du Coran. L’emprise est forte et elle
impose une lecture paraissant a priori insurpassable, le respect voué aux autorités de
l’interprétation scellant l’esprit critique de la majorité.
L’analyse littérale des versets impliqués aura mis en évidence la cohérence du Coran qui à
aucun moment ne se départit de l’égalité de considération entre les hommes et les femmes
comme nous l’avons établi au cours d’une série d’articles précédents [cf. Des houris & des
hommes » Partie 1 : note 1]. Le Coran n’est ni patriarcal, ni misogyne, ni phallocrate ou
sexiste, il ne prône pas une inégalité foncière entre les genres qui ferait de la femme un être de
deuxième zone. Ce sont les hommes qui ont imposé au Coran cette lecture en interprétant et
surinterprétant la totalité des matériaux disponibles. Cela est particulièrement vrai concernant
la condition féminine qui, une fois lue au travers du prisme de l’exégèse des hommes d’une
certaine époque et culture, se révèle être très éloignée de l’idéal égalitaire réellement prôné
par le Coran. Lorsque nous disons le Coran, nous entendons bien par là qu’il s’agit de
l’expression de la volonté divine, dès lors, l’on comprend aisément que ce texte, comme tous
les textes dits sacrés, ait pu être l’objet de toutes les convoitises depuis près de 14 siècles.
L’exégèse au service de la volonté des hommes s’est donc emparé de la Révélation et en a
asservi le sens en fonction de leurs intérêts, lesquels relèvent tout autant de l’histoire que de
certains types de culture. Ce n’est point en soi une critique que nous émettons, mais le simple
constat sémantique que tout texte est soumis à cette règle, les textes fondateurs de religion
toutefois bien plus que d’autres. Il ne s’agit donc pas pour nous de vouloir reproduire les
erreurs du passé en produisant comme solution à l’inadéquation de l’exégèse classique et des
réalités des musulmans actuels une multième interprétation que l’on qualifierait alors de
moderne ou de contemporaine. Nous nous en sommes à plusieurs reprises expliqué, nous
proposons seulement à ceux qui s’interrogent, et en toute modestie, une méthodologie de
lecture destinée à précisément court-circuiter les modalités d’interprétation qui nous animent,
qu’elles soient héritées ou personnelles. Cette ascèse intellectuelle, ce retour à la source du
Livre, nous semble être une voie permettant d’accéder au delà des pesanteurs de l’histoire
exégétique au sens premier du Coran, le Message initial. Espoir sans doute idéaliste, mais, et
telle est notre foi, Message éternel et universel qui, une fois entendu, nous permet
nécessairement d’être en phase avec l’humanité et l’humanisme.

______________________

[1] « Gens de rectitude », ce choix est plus pertinent, car par la suite il sera question de «
Gens de la gauche » subissant le châtiment de l’Enfer, lequel n’est semble-t-il pas à la gauche
du Paradis.

[2] De plus, la préposition « li » en li-ashâbi–l–yamîn indique autre chose que la possession


par le verbe « avoir », et l’on pourrait tout aussi bien traduire sans difficulté aucune par : «
[ceci] quant aux Gens de la droite », ou « ceci concerne les Gens de la droite », ou « Ceci en
faveur des Gens de la droite » ou « ceci au sujet des Gens de la droite », etc.

[3] Ici, l’on cite régulièrement en tant que commentaire de ces versets le hadîth disant en
substance : « N’entreront pas au Paradis les vieilles femmes… mais Dieu les ressuscitera
toutes « vierges, coquettes, d’égale jeunesse » [S56.V36-37]. Bien qu’il confirme en quelque
sorte notre analyse, nous tenons à signaler que ce propos fort connu n’est pas du Prophète, il
est rapporté isolément pour les besoins par Ibn Kathîr, il s’agit en réalité d’un propos
apocryphe rapporté par at-Tirmidhy en « ash-shamâ’il al muhammadyya », propos qui n’est
pas répertorié dans les ouvrages admis de hadîths.

[4] Il existe bien deux versions légèrement différentes, mais de sens identique rapporté par Ibn
Hanbal et elles sont classifiées faible, da‘îf, à cause de la présence de Sulayman ibn Hahran.

[5] Ceci lui paraissait, à raison, incompatible avec la permanence de la félicité paradisiaque. Il
supposa alors qu’elles se déplaçaient dans l’espace paradisiaque à bord de leur tente volante
[sic] pour se rendre incognito chez qui les désirerait…

[6] Le pluriel azwâj est le plus souvent traduit par épouses, mais cet emploi
anthropomorphiste légaliste est peu compatible avec le monde paradisiaque. De plus, ce type
de verset présente une formulation parfaitement mixte et réversible. En effet, par « ceux qui
croient et œuvrent en bien » l’on entend « les croyants et les croyantes » auxquels il est
promis les mêmes Jardins. Or, azwâj est un terme parfaitement mixte désignant « deux choses
faisant la paire » et, s’agissant d’un couple il qualifie aussi bien l’homme que la femme. La
neutralité de fonction pourrait être rendue en français par conjoints/conjointes ou
compagnons/compagnes, mais pour respecter aussi la neutralité de genre du azwâj arabe nous
avons employé, à défaut, le mot compagnie, d’où notre : « ils [c'est-à-dire les croyants comme
les croyantes] auront là pures compagnies [azwâjun mutahharatun] et ils y séjourneront
éternellement ». Quoiqu’ayant fait l’objet d’âpres spéculations, l’accord au féminin de
l’adjectif mutahharatun [et non pas mutahharâtun] est régulier en arabe coranique et
correspond à l’accord d’un nom de choses au pluriel, ici azwâj [pluriel dit brisé], ce qui
implique qu’il ne modifie pas la neutralité de genre en ce verset et qu’il doit se comprendre
comme pouvant aussi bien signifier purs ou pures, le syntagme azwâjun mutahharatun
signifiant alors : purs compagnons et pures compagnes. Signalons que le français dispose de
la locution latine alter ego, de genre neutre, et que certains usages rendent proche de azwâj,
seules des questions de forme ne nous permettent pas de l’employer en ce type de versets. En
application directe, sans doute nous faudra-t-il réapprendre à lire le Coran autrement que de
par l’œil exclusif de l’homme, mais bien plus selon une égalité de genre tout à fait inédite
pour le temps de la Révélation tout comme pour l’immense majorité masculine des temps
actuels, mais aussi, et ce n’est pas un paradoxe, pour une grande majorité de lectrices.

[7] Les deux autres occurrences coraniques de ce terme qualifient les feuillets sur lesquels
sont écrits du Coran, ex : « Un prophète de Dieu [Muhammad] qui récite des feuillets purs
[suhufan mutahharah] » S98.V2.

[8] Le participe présent fâkihûn n’est employé dans le Coran que pour qualifier l’état de
bonheur extrême des hôtes du Paradis. Les commentateurs en donnent comme synonyme
farihûn, heureux, mais nous observons pour notre part qu’il est loisible de le rapprocher du
français « béat, béatitude », termes théologiques au sens fort provenant du latin beatus
signifiant être à l’origine heureux.

[9] En référence à notre note 6, il est peut-être ici possible d’orienter le genre du pluriel azwâj
vers le féminin compagnes du fait de la symétrie de construction et de thème entre S36.V55-
56 et S44.V55.

[10] Ibn Kathîr rapporte qu’un interprète, sans doute par trop enflammé, comprenait que
l’extase paradisiaque ici décrite [les Hôtes du Paradis seront en occupation, béats]
signifiait : « ils s’occuperont de dépuceler des vierges [sic] ! »

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