MODELE D’ANALYSE
ET DE SA STRUCTURE
Proposons une analyse compléte (mais cudimentaire) avec introduc-
tion, développement (définitions et méthode, description, interpeécation),
conclusion. Bien que dans cette analyse, & des fins pédagogiques, on
scinde la description et 'interprétation, nous recomrandons de ne pas le
fae dans les travaux, qui comporreront alors plutét deux parties dens le
développement: « Définitions et méthode» et «Description ec interpré-
tation». Pour des précisions, voit le chapire sur la structure de V'analyse,
Analyse de quelques thimes de « Cage doissan » do Saint- Denys Garnecat
aes
«CAGE DOISEAU»
SAINT-DENYS GARNEAU (1912-1943)
Jesuis une cage d'oiseau
‘Une cage dos
“Avec un oiseau
Loiseau dans ma cage d’os
Crest In mort qui fait son nid
Lorsque rien n'accive
On entered froisser ses ziles
Be quand on a ri beaucoup
Si l'on cesse tout coup
On Fentend qui roucoule
11, Au fond
12. Comme un grelot
13. C'est un oiseau tena captif
14. Lamort dens me cage dos
15. Voudraieil pas senvoler
EY eNaAVaeNe
Bena
28 ANALYSE DES TEXTES LITT¢RAIRES
1. Bst-ce moi
18, Queestce que c'est
19. Une pourra s’en aller
20. Qu'eprts avoir tour mangé
21, Mon ceeur
22. Lasource du sang
23. Avec la vie dedans
24, Maura mon ame au bec.
INTRODUCTION. SUJET AMENE) De nombreux textes liteéraites
associent, de manitre variable, potte ce oiseaut, Par exemple, si dans
«Lalbatros » Baudelaire compate le podte 4 un oiseau, dans « Cage
oiseau » le pote québécois Saint Denys Garneau (1993 [1937] : 74-15)
intégre un oiseau symbolisane la moct dans le corps méme du nartateur.
(SUJET POSE) De ce dernier pome, nous Proposons ici une anslyse
partielle focalisée suc quelques homologations de signifiés, (SUJET
DIVISB) Lanalyse comporte trois temps + dlabord, la présentacion des
définitions pertinentes ec de la méthode (chéme, homologation, etc):
ensuite, le description d'une structure chémaciqe formée de quelques
Oppositions (bumain/animal, vie/mort, ec.) ec, enfin, une interprétation
sommaire des données fournies par la description, interprétation qui
uisera & Phistoire cle l'art,
DEFINITIONS EX METHODE. Voyons done les outils théoriques
écessrtes. Le thimea regu nombre de définicions: «élément sémantique
qui se répéce » (Smekens, 1987 : 96), «ce done on parle» (Todorov, cité
dans Paquin et Reny, 1984 : 201), etc. La sémiatique (discipline qui
écudie les signs) propose une approche particuligrement opératoire da
theme (voir Greimas et Coureés, Restec, etc). Au sens e plus large, un
thime est une isocopie, cest-d-dite qu'il est constitué pat lt eépétition
un sémne (oa d'un groupe de sémes), iment composane le signifié du
signe, Le signif este contenu sémancique d'un signe; le signifiant ext
{a forme qui véhicule le signifié. Par exemple, dans «La terre est bleue
comme une orange» (Eluard), le stme, le théme /eouleut! est présent
cans le signifié, le contenu sémantique des mors « bleu» ce «orange »
Gvoire dans « cecre »).
Pour analyse de «Cage d’oiseau», nous proposons de ne retenir
ue les thémes stcuctasables per opposition et dans la mesure o cette
ennatition ocr Hewmninesdna Pee eos laMODILE DANALYSE ET DE SA STRUCTURE 29
fera état que de quelques-unes des homologations présentes. Rappelons
ue l'homologarion est une relation d’équivalence instaurée entre au
moins deux paires d'oppositions, équivalence qui fait en sorte que le
[premier terme de Ia premire opposition est analogue au premier cece
Ge la seconde opposition, exe. Par exemple, dans notce culeure, on trouve
tune homologetion entre vielmort et posiif/aégacit; en effer, la vie est
Ala moct ce que le positif est au négacif, etc. Méchodologiquement, il
Sagira donc de démontrer ale fois la présence dans le texte des oppo-
sitions retenues et des homologations instaurées.
DESCRIPTION. Utilisons ces oucils dans 'écudede « Cage d'oiteau,
Comme lindique le titce, le pot me oppose un homme (le natrateut),
omparé 3 une cage, et un oiseau. Cet oiscau symbolise ls mort (« Loiseau
[J Cest la more qui fait son nid»); corrélativement, homme est
associé hla vie. Précisons : Voiseau aussi est « vivant» et, sermble-ril, il
Tutce, comme "homme, pour sa sucvie ; mais it est symbole et cause de
la mort de Phomme, Peradoxalement, l'oiseau ese associé 2 Vorigine de
la vie par entremise du nid; le chtme de l'origine se trouve également
dans « a source de la vie»
‘Cage, homme est un contenant dont le contenu est loikeau. Cette
‘elation contenant/contenia intecvient également entee le sang (et/ou le
cous) et la vie (« Mon corut / La source du sang / Avec la vie dedans.),
centre le nid et l'oiseau, entre loiseau et lame (¢ Hl (Voiseau aura mon
‘ame au bee »), entre Jes parties du greloc (Ie grelor est ainsi une méta-
phore de la cage), Nous avons 1a une structure iécursive, sépécitive +
Thomme coneient un contenant qui contient uin contenu, etc. Dans ce
pobme, le content oiseau a'est pas libre de sortic immédiacement dle son
contenant humain (« [I ne pourra senvaller qu'apres avoir tout mangé»),
¢’oit l'opposition captivitéllibereé,
La valeur euphorique/dysphorique (Cest-&-dire positive/négetive)
atitibuée a certains des th8mes n'est pas univoque, mais varie selon
Yobservateur et selon ce a quoi ils sone appliqués. Ainsi, la vie de
home est positive pour Phomme et sa more, négative (du moins sur
leplan temporel, paisqu‘au point de vue spitituel elle permes dime de
regagner le monde spiritveD. On peut présamer que la mort de l'homme
‘est indifférence pour ’oiseau (la conséquence de son évasion est la more
de Phomme, mais est-elle une finen soi). La vie de loiseawest positive
our Loiseau et aggetive pour l'homme, ete. De méme, la captivité de
Foiseau est positive pour ’homme et négative pour Voiseau. Le tableau
qui suie présente la structure d’homologetions dégagée,
20 ANALYSE DES TEXTES LITTERAIES
1 [hoon jl
2 |vieWetomme | moce @e Phomene)
| 3__| contermne convents
\ | emprisonnet else) | se likérer le Phomane)
5_| + Gelon Phomnie) = Gelon Vhomine)
Fic, 23 ~ Quelques homologations dans « Cage d'oiseatt»
| INTERPRETATION. Quelles sone quelques-unes des interprétations
| que l'on peut dégager de la structure extraite du texte?
Premigrement, remacquons que, dans ce cexte fortement oppostif,
certaines homologations ne sont pas « parfaites » mais relatives, en ce
sens qu'il « fallu préciser le poine de vue (homme/oiseau) et Vobjet auquel
est appliqué le théme (viefmort de "homme/oiseau).
Deuxitmement, la mort est, dans ce podme, « personnifide » («ani-
malisé » en fait) et inteme & l'homme, Or, il y avait une aucre possibi-
| lité, plus souvent exploisée : la more personnifiée et externe a homme
| Wimage de la mort avec sa faux, par exemple dans « Mors» Hugo).
Cotte intériorisation de I'« étranger » s‘oppose a l'extétiorisation et aut
dédoublement que l'on trouve dans le potme qui suit «Cage d'oiscau»,
soit « Accompagnement » (1993 : 79); par exemple, on y lic: «Je marche
A c6té de moi en joie », La scission du sujet se sent également dans le
dernier vers de « Cage d’oiseau », « I! aur mon Ame au bec», qui appa-
raft soit comme une seconele dépassession, aprts celle du corps dévoré,
soit comme une Libération de l'ime emprisonnée dans le corps-cage.
Troiaizmement, l'essociation (iL ne sagit pas d'une homologation)
| entre more et conscience/inconscience inscrit ce poeme dans une classe
d'oeuvres qu'on appelle les vanités. La vanité est une ceuvre « ptoposant
tune méditation sur la more et le caractére éphémtre des biens terrestres»
(Néraudan, 1983 : 479-480) (par exemple, en peinture, les nacures
mortes avec un cine, ou les tableaux réunissant une jeune fille ct la
Mort). opposition consciencefinconscience (de In mort) homologuée
A ndgaciffposiif et profondsupertciel — se trouve principalement dans
«Et quand on « ri beaucoup / Si l'on cesse tout @ coup / On lentend
| Woiscau} qui roucoule »
CONCLUSION, (RESUME) Pour produire cette anslyse, nous avons
dlabord défini quelques-uns des concepts centeatux de Vanalyse thémaciqueall
MODRUE ANALYSE ET DESA STRUCTURE 261
(théme, isotopic, homologation, etc). Puis, nous avons repéeé les oppo-
sitions homologuées dominantes (humain/enimal, vie/mort, etc). Bnfin,
nous avons procédé i une interprétation partielle des données dégagées
par la description. Batre autres choses, on peut dire que la conjonction
entre In more ec In conscience/inconscience inscrit cecte ceuvre dans
Je genre transartistique — méme sil est surtout associé aux arts plas
tiques ~ des vanités. (QUVERTURE) En terminant, désignons une
piste d’analyse complémentaire qui semble fructueuse, une analyse
thymique (Cestd-dire de leuphorie et de la dysphorie) complete, Pat
exemple, la valeur négative de la mort semble tempérée par la valeur
positive accordée chez Saint-Denys Garneau 3 la dimension spitituelle :
In mort libre I'ime emprisonaée dans la lourde et souffcante macibre,