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Repères
Recherches en didactique du français langue maternelle
39 | 2009 :
La construction des savoirs grammaticaux
Observer les pratiques enseignantes
S L -D J -P S
Résumés
Français English Deutsch
Analyser les difficultés des enseignants de l’école primaire à entrer dans des pratiques raisonnées
de la langue en classe constitue l’objectif de la recherche-formation RAhORL. Afin de mieux
connaitre les représentations des enseignants du primaire sur l’activité grammaticale, d’en
déterminer les besoins en formation et de délimiter le champ du possible des activités d’analyse
linguistique en classe, un accompagnement d’enseignants par la formation continue et par un
suivi en classe a été mené. Ce suivi a permis le recueil d’un corpus de séances d’observation
réfléchie de la langue et d’entretiens avec deux enseignants mettant en œuvre, chacun dans leur
classe, une séance construite conjointement. La comparaison des pratiques observées et des
discours de ces enseignants sur leurs pratiques permet de mettre en évidence les difficultés qu’ils
rencontrent pour mener en classe des activités de résolution de problèmes grammaticaux. Ces
difficultés ne proviennent pas nécessairement de la qualité de la maitrise des concepts
linguistiques à enseigner.
Analysing the difficulties of primary school teachers to set about reflexive practices in teaching
language is the purpose of the RahORL training research.In order to know better the
representations by primary school teachers of the grammar activity, devise the training schemes
and delimit the potential field of linguistic analysis in class, some teachers have been backed up
by means of continuing education and in school training. This backing up scheme has led to
collect a corpus of class sessions on the reflexive observation of language and of interviews with
two teachers, each one implementing in their class a session they had devised together. The
comparison between the practices observed and the teachers’words on these practices enables to
highlight the difficulties they meet when conducting grammar problem solving activities in class.
These difficulties do not necessarily come from the quality in the mastering of the linguistic
concepts to teach.
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
Das Ziel des Forschungsprojekts RAhORL besteht darin, die Schwierigkeiten zu analysieren, die
GrundschullehrerInnen haben, im Unterricht eine Lehrpraxis durchzuführen, die es Schülern
ermöglicht, grammatische Begriffe durch handelndes Lernen zu erarbeiten. Um die
Vorstellungen der GrundschullehrerInnen vom Grammatikunterricht besser kennen zu lernen,
ihre Anforderungen an die Ausbildung zu bestimmen und das weite Feld der möglichen
Vorgehensweisen zur sprachlichen Analyse im Unterricht einzugrenzen, wurden die Lehrer von
Aus- und Weiterbildungsleitern unterstützt, beraten und in der Klasse betreut. Diese Betreuung
hat die Sammlung eines Korpus ermöglicht, das Unterrichtsstunden, die sich die reflektierte
Beobachtung der Sprache zum Ziel gesetzt haben, sowie Gespräche mit zwei Lehrern umfasst.
Beide Lehrer haben zusammengearbeitet, um eine Unterrichtseinheit aufzubauen, jeder hat sie
dann in der eigenen Klasse durchgeführt. Der Vergleich der beobachteten Lehrverfahren mit den
Stellungnahmen beider Lehrer zu ihrer Praxis stellt deutlich die Schwierigkeiten heraus, die sie
haben, im Unterricht Aktivitäten zur Lösung grammatischer Probleme durchzuführen. Diese
Schwierigkeiten sind nicht unbedingt darauf zurückzuführen, wie gut die sprachlichen
Phänomene, die unterrichtet werden sollen, von ihnen selbst beherrscht werden.
Entrées d’index
Palabras claves : El objetivo de la investigación–formación RAhORL es analizar las dificultades
de los maestros de la escuela primaria para entrar en prácticas razonadas de la lengua en clase.
Con el fin de conocer mejor las representaciones de los maestros de primaria sob, de determinar
las necesidades y de delimitar el campo de actividades de análisis lingüístico en clase, ha sido
llevado a cabo un acompañamiento y un seguimiento de los docentes. Este seguimiento ha
permitido recoger un corpus de secuencias de observación reflexionada de la lengua y entrevistas
con dos profesores, que ponen en prácticas, cada uno en su clase .una de ellas., es decir una
secuencia construida conjuntamente. La comparación de las prácticas observadas y los discursos
de estos profesores sobre sus prácticas permiten poner en evidencia las dificultades con las que se
encuentran para llevar a cabo la clase con acti
Texte intégral
Préambule
1 « Comment faire de la grammaire autrement ? » Cette question, bon nombre de
formateurs d’enseignants la rencontrent de manière récurrente. Elle manifeste un
certain désarroi des enseignants devant la tâche d’enseignement de la maitrise des
codes linguistiques et suggère que l’on s’intéresse au problème de la didactique de la
grammaire, non pas sous l’angle des notions, mais sous un angle épistémologique pour
comprendre ce que signifie faire de la grammaire en classe.
2 Quoique n’existant plus depuis 2008 dans les instructions officielles pour l’école
élémentaire française, l’« Observation réfléchie de la langue » constitue un des nœuds
du problème. Quand et comment les élèves et le maitre parviendront-ils à délaisser la
transmission normative de savoirs linguistiques cristallisés par la tradition scolaire
pour « entrer réellement en grammaire » ? Malgré plusieurs va et vient institutionnels
entre une grammaire très syntaxique et une grammaire du discours1, les enseignants de
l’école primaire semblent peu à l’aise avec l’enseignement des concepts grammaticaux,
ni même avec les concepts eux-mêmes (voir à ce sujet Lepoire, Sautot, 2008). Une
question épistémologique se pose : quelle méthode de travail utiliser en classe pour
« faire » de la grammaire efficacement ? Cette interrogation soulève une problématique
complexe.
3 Si l’on pose souvent le problème en terme d’apprentissage pour les élèves, les
enseignants que nous avons rencontrés nous ont posé la question de la grammaire en
terme de compétence professionnelle. La recherche-formation RAhORL2 consiste à
développer des méthodes pertinentes tout en cherchant à comprendre ce qui peut faire
obstacle, chez l’enseignant, à leur mise en œuvre. Vient alors un souci éthique. Est-il
envisageable de mener une recherche qui viserait à montrer les difficultés à faire de la
grammaire sans livrer des collègues qui ouvrent leurs classes à une critique trop rude ?
4 Concernant les méthodes de travail en classe nous avons envisagé deux entrées :
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
– sur le plan linguistique, une entrée par des situations langagières qui contextualisent
les concepts grammaticaux : le travail de conceptualisation grammaticale en classe
consiste alors à comprendre comment on fabrique un discours et au moyen de quels
outils linguistiques ;
– sur le plan méthodologique, une entrée par des situations de résolution de problèmes.
5 Notre but, ici, est d’analyser l’appropriation par deux enseignants de cette double
approche. Cependant, notre conception de l’activité grammaticale n’est pas
nécessairement partagée par ces enseignants. La conception didactique du chercheur
peut entrer en contradiction avec les schèmes de pensée des enseignants, la réalité de la
classe… Un des dangers de cet article serait donc qu’il soit reçu comme une critique, à
charge, des enseignants du premier degré, voire comme une critique du système de
formation des enseignants. Il n’en est rien. Il s’agit tout au contraire d’informer les
enseignants des obstacles qu’ils peuvent rencontrer en faisant de la grammaire. Des
collègues s’y sont confrontés pour eux. Nous les en remercions et faisons l’analyse de
ces obstacles.
Él. : maitresse ça parle de des livres maitresse pour notre chantier lecture.
9 L’activité consiste à catégoriser ces noms et groupes nominaux dans un tableau. Elle
se déroule en deux temps :
1) recherche très ouverte, où les élèves inventent eux-mêmes des modes de classement ;
leurs propositions relèvent de deux types de classements : littéraires ou grammaticaux.
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
2) phase davantage guidée où les élèves doivent compléter l’en-tête et les colonnes d’un
tableau dans lequel figurent des exemples-références : Les sapotilles sucrées, La
prédiction de Nadia, Victoire, Une lettre qui intrigue6.
10 Lors d’une synthèse finale, cette seconde activité débouche sur la formulation des
« titres » ou « étiquettes » pour les quatre colonnes ; c’est à ce moment que sont
nommées et définies en extension les notions d’« adjectif », « complément du nom »,
« proposition relative » et « nom propre ».
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
nominal ». Les classes observées regroupant les 3 niveaux du cycle 3, le problème n’est
pas le même pour tous les élèves.
15 – Nouveauté de la situation : cette situation d’apprentissage a été mise en place dans
le cadre de la recherche formation conduite avec les enseignants. Il s’agit donc d’une
« première » dans la classe. Les indicateurs d’une leçon de grammaire sont repérables
dans l’emploi du temps et dans le fait que les enseignants rappellent qu’« on est en
grammaire » dans les consignes. Par contre, la situation – c’est-à-dire les supports de
départ et les consignes – est totalement nouvelle et inhabituelle.
16 – Nouveauté du processus : la classe se transforme en un espace de recherche dans
lequel enseignants et élèves découvrent de nouvelles procédures d’élaboration de
concepts. La langue devient un objet de réflexion scientifique : les élèves en interrogent
les structures dans une finalité interprétative, établissent des corrélations avec des
problèmes similaires abordés plus tôt dans la classe, opèrent des classements sur les
unités de la langue, examinent des procédures de validation, proposent des explications
ou corrèlent des concepts (Lepoire-Duc, Sautot, 2008). Les échanges qui accompagnent
cette activité donnent naissance à des explications parfois très approfondies qui
apprennent aux élèves à élaborer une réflexion personnelle sur la langue9.
2. Problématique de la recherche et
méthodologie
17 Partant d’une situation didactique commune, les deux enseignants divergent.
Comment mesurer l’influence des choix de l’enseignant dans le processus de résolution
du problème grammatical par la classe ? Si on est d’accord avec Barth sur le fait que la
conceptualisation s’enseigne, quelles catégories didactiques différentes sont introduites
par l’enseignant qui expliquent la divergence et donc constitueraient un effet maitre ?
18 L’action didactique conjointe est définie au travers de quelques concepts importants
(Sensévy, 2007) retenus comme cadre de notre analyse. Cette théorie fait émerger des
lieux de variation dans l’action didactique, ce que nous avons nommé un effet-maitre,
sans préjuger de l’existence possible d’autres effets (élèves, classe…). Le premier
concept analytique est celui de « milieu » didactique, défini comme étant un ensemble
de significations communes à l’enseignant et aux élèves. L’enseignant a pour mission
d’élargir le milieu qu’il partage avec ses élèves. Cette transmission culturelle interactive
peut être analysée selon trois plans :
– La construction d’une base culturelle commune à l’enseignant et à ses élèves.
– L’instauration de rôles spécifiques et temporaires pour les élèves et pour l’enseignant.
– L’évolution du milieu donc de la culture commune en construction dans le temps.
19 Si ces catégories permettent d’entrer dans l’analyse, nous y avons perçu l’absence
relative d’une dimension socioculturelle, tant au niveau linguistique que didactique : les
aspects normatifs de l’enseignement de la grammaire. La grammaire est en effet un
ensemble complexe de normes et son enseignement apparait parfois très dogmatique. Il
convient d’établir comment l’enseignant bride, favorise ou induit la créativité et
l’activité métalinguistique des élèves pour atteindre l’objectif de séance. Une des
différences notables entre enseignants est un rapport subtilement différent à la norme
et surtout à sa (re)découverte dans la classe. Entre le « c’est comme ça et pas
autrement » et une hyperdévolution aux élèves de la construction du savoir, les
postures pédagogiques sont nombreuses et variées. Nous tenterons donc de décrire
celles des deux enseignants au travers des gestes professionnels10 que l’analyse révèle.
20 Pour étudier l’effet maitre, notre méthode consiste donc à analyser les deux séances
au moyen des catégories ci-dessus qui permettent de voir apparaitre le relief du jeu
didactique. Les traits saillants qui émergent dans les discours des enseignants sur leurs
séquences et dont on perçoit dans le déroulement de ces dernières qu’ils sont
significatifs peuvent s’exprimer en termes de « gestes professionnels » qui sont déclinés
ci-dessous.
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
B. : voilà c’est ces groupes de mots : de noms qu’on a extraits donc des livres
qu’on étudie en chantier lecture
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
laisse supposer ce que ce n’est pas tant le fait de trier que celui de trier selon des critères
grammaticaux qui pose problème à cet élève. Cela indique que ce n’est pas parce qu’on
dit que l’on fait de la grammaire que les élèves mobilisent les contenus, encore moins
les finalités de cette discipline. Or il s’agit là de deux dimensions constitutives de ce que
Reuter (2003) définit comme la « conscience disciplinaire ».
27 Dans l’autre classe, la description du corpus est quasiment identique :
A. : ce ne sont que des mots ou des groupes de mots qui sont tirés des livres du
chantier lecture
et la consigne de tri est sensiblement la même à ceci près que l’enseignant apporte des
précisions sur le type de tri attendu :
A. : bien / maintenant ces groupes de mots je vais vous demander de les trier […]
il faut mettre ensemble certains groupes de mots parce qu’ils ont quelque chose
en commun.
30 Une première tâche réalisée collectivement permet, elle aussi, de se mettre d’emblée
en posture d’analyse grammaticale :
31 C’est au moment de la mise en commun des tris réalisés par les élèves que l’on
découvre le but réel de cette tâche. Dans les deux classes les enseignants stoppent
l’activité en cours
B. : donc on pose les stylos c’est pas grave si vous avez pas terminé votre tri
puis font porter la réflexion sur une sorte de méta-tri qui amène à comparer ceux qui
reposent sur des critères relatifs au chantier lecture (catégorisations par ouvrages et
chapitres) et ceux qui font référence à des catégories de la langue. On constate que les
propositions relatives à cette seconde catégorie, sont plus nombreuses chez les élèves de
la classe A. Même si leurs contenus manifestent un écart parfois important par rapport
à la norme grammaticale,
Él. : j’ai mis les noms avec des compléments de rangement mais je me rappelle
plus comment ça s’appelle
Él. : maitresse j’ai fait les noms / les noms communs et les sujets qui va avec les
noms
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32 elles indiquent que les élèves mobilisent des notions qui se situent « quelque part »
dans le champ de la grammaire. A accueille ces propositions et stimule l’enrichissement
de la liste où quelques élèves – les CM2 – proposent rapidement, et spontanément, des
tris portant sur les groupes nominaux :
Él. : c’est quelque chose qui va euh qui va avec un mot qui le complète
Él. : c’est quelque chose euh c’est un mot qui : qui précise le mot
Él. : le nom
Él. : ça précise
A. : je sais pas // les grands / dans « Dent de chacal » / nom plus adjectif ou pas
Él. : non […] parce que les deux noms c’est qu’il [inaudible] avec au de du
Él. : oui
33 Cet extrait est représentatif du fait que, dans le déroulement des interactions,
l’enseignant conclut les échanges par un statu quo où il ne prend jamais position
clairement sur le contenu des interventions des élèves11. On assiste à une sorte de
paradoxe : alors que certains élèves ont déjà ancré leur réflexion dans le contexte
grammatical et commencent même à aborder la notion de langue visée, l’enseignant
poursuit son objectif initial, mais jamais affiché clairement, qui porte sur la constitution
du milieu. Sa conclusion, qui rejoint celle de B, révèle cet objectif :
A. : vous savez qu’il y a plusieurs classements qui sont corrects / ce qui nous
intéresse aujourd’hui / c’est comment est construit le groupe de mots en
grammaire.
34 C’est en concevant leur séance que les deux enseignants ont réalisé le premier geste
professionnel concernant la constitution du milieu : ils ont envisagé le contexte comme
un obstacle potentiel et ont donc proposé une première activité dont le but est d’ancrer
la suite de la séquence dans le domaine de l’étude de la langue. Un second geste, qui
consiste à désigner la discipline (dire qu’on fait de la grammaire) semble, dans ce
corpus, assez peu efficace pour mobiliser la conscience disciplinaire des élèves. Les
gestes les plus efficaces semblent se situer dans les échanges qui amènent les élèves à
formuler des éléments de contenu de la discipline, aussi éloignés soient-ils de la norme
attendue. Cette dévolution ne se réalise pas chez B ; elle a lieu chez A mais au prix d’un
tâtonnement couteux en temps et qui ne débouche pas sur une institution du milieu12
par l’enseignant. Dans les deux classes, jusqu’au bout de la séance, certains élèves ne
parviendront pas à sortir du classement ancré dans les activités de littérature.
35 Cela constitue un premier indice de la nécessité de mettre en place dans la classe une
épistémologie spécifique à l’étude de la langue. Le travail de conceptualisation en
grammaire ne peut se mettre en place sans que les élèves en aient une représentation
efficiente.
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B. : « Le dessin que Cécette envoie à sa mère » tu l’as placé où dans ton tableau /
est-ce que tu le mettrais là / est-ce que ça ressemble à ça / ça ressemble à la
première colonne
Él. : non
38 Seules les réponses justes sont inscrites au tableau. En cas de désaccord manifeste
entre les élèves, l’inscription est différée. Le classement inscrit au tableau fait donc
disparaitre les erreurs produites par les élèves sur leurs cahiers. Au terme de la mise en
commun, il sert de référence pour tenter d’expliquer les fondements de ce mode de
catégorisation en ne s’appuyant que sur des exemples justes :
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B. 1/18713 : […] alors sur la feuille que vous avez il y a des groupes de mots
B. Ent. : […] qu’est-ce que je dois pas dire à ce moment là est-ce que je dois dire
groupe de mots groupe de nom /
47 Chez A., l’exploration de la nature des données avec les élèves oblige à les qualifier.
Apparait alors l’ébauche collective d’une nomenclature centrée sur le paradigme du
nom autant que sur les titres :
A. 26/1746
A. : il y a « L’affaire Caius »
A. il y a les titres comme dit Sophien est-ce qu’il n’y a que les titres
Él. : xx noms
A. : il y a les prénoms
A. : c’est-à-dire ?
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
512/1746 A. : le classement qui nous intéresse c’est celui qui concerne comment
est construit le groupe de mots
50 Dans les deux classes, du fait de l’absence d’une terminologie – officielle ou non –
l’explication progresse peu. Pourtant l’activité parvient à déboucher quand sont
introduites des indications sur l’attendu des enseignants. Le problème posé aux élèves
commence à se dénouer quand les enseignants qualifient ou font qualifier les mots
autres que des noms et quand la disposition spatiale des noms et des mots de nature
différente est explicitée. On voit alors se combiner le générique « petit mot » avec des
adverbes décrivant l’ordre d’apparition : « petit mot avant » ou « petit mot après » le
nom. À ce stade ce sont en fait les attributs conceptuels qui commencent à émerger
dans un métalangage simplifié. Le passage par cette terminologie est fréquent et
constitue vraisemblablement une étape nécessaire pour progresser vers la terminologie
officielle qui constitue un ensemble d’étiquettes conceptuelles. Ce qui est questionné ici
est le statut de la terminologie, officielle ou non. En ne disant que peu aux élèves les
deux enseignants veulent favoriser l’activité cognitive. Mais en n’en disant pas assez ils
prennent le risque de stériliser l’activité. La construction du milieu est alors bloquée par
l’absence d’une terminologie commune qui permet à la communauté de savoir de quoi
elle discute. Dans la situation proposée, les élèves ne peuvent se passer d’indications
données par l’enseignant. Les deux enseignants ne semblent pas, lors de la première
séance, avoir pris conscience de la chose. Dans le problème à résoudre, les normes
langagières sont à l’œuvre et ce qui est demandé aux élèves est d’en démonter les
mécanismes internes. Au final, les élèves doivent expliquer comment on peut décrire au
moyen de quelques règles à l’intérieur du groupe nominal. À rechercher une trop
grande dévolution de l’explicitation aux élèves, on oublie parfois que le guidage est
nécessaire. L’obstacle pour l’enseignant est alors de distinguer la tâche de l’activité : la
tâche doit être définie et encadrée même quand l’activité se veut plus ouverte. De ce
point de vue, l’action des élèves est normalisée par la tâche et limitée à un corpus choisi.
Les degrés de liberté apparaissent dans le choix d’une terminologie transitoire et dans
le mode opératoire de classement. C’est alors la manière dont les enseignants
envisagent l’activité cognitive de leurs élèves qui est questionnée. De ce point de vue,
des symptômes relativement identiques cachent deux conceptions épistémologiques
différentes.
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
donc dans un raisonnement proche de l’abduction. Chez A, une autre prémisse est
introduite par la recherche des noms « principaux » des groupes de mots. Cette activité
préalable constitue une consigne implicite à observer l’organisation des mots autour
des noms. La démarche est donc plus inductive. On s’attend à observer plus de
tâtonnements dans la classe « abductive » que dans la classe « inductive ». Or c’est
l’inverse qui se produit. Il y a donc manifestement disjonction entre le mode de
raisonnement implicitement attendu et ce qui est réalisé dans la classe.
52 À la mise en commun, chez B, on observe une activité qui se rapproche d’une
correction. L’enseignant pioche dans les réponses des élèves les réponses justes et la
part de l’erreur est minimisée. Ce type de comportement est plus fréquent dans des
situations déductives très fréquentes en grammaire ou en orthographe. Il y a là une
disjonction entre l’intention de l’enseignant et un geste professionnel bien installé dans
la gestion de la justesse des réponses. Le souci vient du fait que ce geste n’est pas adapté
à la situation didactique construite. Par ailleurs l’activité est qualifiée d’« exercice » par
l’enseignant. Le geste réalisé est donc en accord avec la représentation que l’enseignant
a de l’activité, on corrige un exercice, mais pas avec sa réalité de bricolage d’une
modélisation.
53 Chez A, l’entrée par une analyse sommaire des groupes nominaux révèle une
conception de l’activité grammaticale qui s’apparente aux arbres syntaxiques
chomskiens. Cette entrée en matière appelle une suite où le guidage des élèves doit être
assumé. En effet, la suite logique de cette analyse initiale est d’organiser les autres mots
autour du nom noyau du groupe. Faisant cela, l’enseignant aurait induit une méthode
de travail valide. Or pour répondre à l’exigence d’une observation réfléchie de la langue
qui laisserait l’élève faire, la suite de la séance dévolue aux élèves d’inventer une
méthode. Cela explique la grande place laissée aux élèves dans les échanges (voir infra :
« Procédures de conceptualisation »). C’est l’intervention du formateur en cours de
séquence qui donnera la clé de la gestion de l’échange en rappelant les principes de la
conceptualisation prônée par Barth (1987). La difficulté professionnelle qui se révèle ici
est donc celle de la construction d’une réponse juste avec les élèves. Si dans l’autre
classe, c’est l’enseignant qui dénoue la situation rapidement en usant de son autorité
scientifique, la dévolution aux élèves de cette autorité appelle visiblement un outillage
de ceux-ci qui n’a été réalisé dans aucune des deux classes.
54 Si on rassemble les deux observations, la grammaire est une activité où l’on corrige et
où on analyse, ce qui est vrai. Cependant, si on revient à l’origine de la recherche action,
la volonté de rompre avec les méthodes traditionnelles se heurte à un habitus
professionnel assez solidement ancré. Faire de la grammaire « autrement » suppose
donc que cet habitus soit exploré avec l’enseignant afin qu’il puisse lui-même le faire
évoluer.
Conclusion
55 Le tableau final sera optimiste. Optimiste car on pouvait craindre que ce soit la
substance grammaticale, les concepts, qui fassent obstacle à l’instauration de pratiques
innovantes14 dans l’étude de la langue. Au contraire ce sont des gestes professionnels
relativement simples à faire évoluer et qui permettent de construire les conditions
adéquates à la mise en place de pratiques adaptées.
56 Le premier geste en cause concerne les habitudes de la classe. Il ne semble pas
possible, en classe, de rompre avec une habitude installée sans en informer les élèves.
Un changement des pratiques requiert quelques précautions que, visiblement, les deux
enseignants n’ont pas prises. Cela se traduit notamment par des consignes trop
ouvertes pour une partie importante des élèves. Dit autrement, trop de paramètres ont
varié en même temps dans la classe, provoquant un certain désarroi chez les élèves
comme chez l’enseignant. Installer une pratique de traitement de corpus apparait
indispensable et il n’est ni étonnant ni grave que la première tentative soit difficile.
57 Le deuxième geste concerne la construction du milieu. Il est le pendant didactique du
premier geste qui est plus pédagogique. Il serait illusoire de croire que le milieu
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
grammatical se construit en une séance. Dans les deux classes, nous n’avons pas
observé de trace du fait que le milieu grammatical soit généreux en concepts (il le fut en
interactions dans une des classes), et surtout, car c’est vraisemblablement le plus
important, explicite. Ce milieu se construit dans la durée et l’entame de séance s’appuie
sur un déjà-là. C’est ce déjà-là qui est en cause. Faire de la grammaire a-t-il été
construit en amont ?
58 Le troisième geste concerne l’usage du tableau. Le tableau peut avoir une fonction
modélisatrice. Le bricolage verbal relayé par un bricolage graphique active deux
fonctions : la négociation qui se cristallise autour de propositions écrites et débouche
sur un consensus, la mise à disposition de la terminologie normalisée à la collectivité.
En n’écrivant au tableau que le juste, la négociation tend à disparaitre, la séance
apparait plus normative. Ce qui appelle le geste suivant.
59 Le quatrième geste consiste à assumer le mode d’activité cognitive qu’on attend des
élèves. Si l’action de l’enseignant contredit ce dans quoi la communauté est engagée,
alors la cohésion de la communauté est mise à mal. Deux cas nous ont été montrés :
– L’enseignant se retrouve seul à gérer la conceptualisation.
– La conceptualisation s’enlise sans objet réel.
60 Finalement, faire de la grammaire « autrement » se joue dans les activités proposées
mais aussi et peut-être surtout dans les changements d’habitudes intellectuelles qu’on
attend des élèves. C’est ce second point qui est apparu le plus difficile.
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traiter ». In Sensévy G. (dir.) Agir ensemble, l’action conjointe du professeur et des élèves.
Rennes : Presses universitaires de Rennes, p. 51-91.
SENSÉVY G. (2007). « Des catégories pour décrire et comprendre l’action didactique ». In
Sensévy G. (dir.) Agir ensemble, l’action conjointe du professeur et des élèves. Rennes : Presses
universitaires de Rennes, p. 13-49.
https://reperes.revues.org/831 14/16
27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
VOLTEAU B., GARCIA-DEBANC C. (2007). « Formes linguistiques et fonctions des
reformulations dans les interactions scolaires ». In Kara M. « Usages et analyses de la
reformulation ». Recherches Linguistiques, no 29, p. 309-340.
Notes
1 Instructions officielles (IO) de 2002, instaurant l’observation réfléchie de la langue
2 Recherche Formation – Observation Réfléchie de la Langue soutenue par l’université Lyon 1,
IUFM – école intégrée et par l’inspection académique du Rhône de 2005 à 2008.
3 Pour une typologie de problèmes voir Sautot J.P., Lepoire-Duc S.L., S’expliquer la grammaire,
SCEREN (2009, à paraitre).
4 Cette longue séquence décline les 7 phases d’une démarche de résolution de problème en
grammaire développée dans Sautot J.-P., Lepoire-Duc S. (2009, à paraitre) : contextualisation,
décontextualisation, structuration, formalisation, entrainement, recontextualisation, évaluation.
Elle comporte en outre plusieurs niveaux d’évaluation et un dispositif de différenciation.
5 « Être » par opposition aux « faire ». La nuance est utilisée par Charaudeau (1992). Les
« êtres » désignent les objets du monde. Le terme n’est pas employé avec les élèves.
6 Les groupes nominaux qu’ils doivent classer appartiennent à la liste de titres – de livres ou de
chapitres – suivante : Maman Dlo – 35 kilos d’espoir – Jérémie – La prédiction de Nadia –
Victoire – Lettres d’amour de 0 à 10 – Le dessin que Cécette envoie à sa mère – Les jumelles de
Marc Akimbele – Une lettre qui intrigue – Rue des vautours – Dans le jardin de M. Vestraete –
Le destin de Samir – Ernest – Précieuse – Dent de chacal – Le timide Samir – La tôle ondulée –
M. de Montardent – L’écume blanche – Benjamin – Un sacrilège qui est terrible – Des lettres
rouges – Œil d’acier – Les sapotilles sucrées.
7 De nombreux exemples de cette démarche sont proposés dans le livre de Haas G. et al. (2007).
Classes et fonctions grammaticales au quotidien. SCEREN.
8 Citée par Barth (1987).
9 Cette construction à l’école « de nouveaux rôles sociaux, à articuler avec de nouveaux savoir-
faire, informés par une référence en actes aux pratiques sociales et langagières d’une
communauté de référence » constitue pour Bernié (2002) le fondement d’une « communauté
discursive scientifique scolaire ».
10 Ensemble articulé et coordonné d’opérations visant à réaliser un objet technique (ici une
séance d’enseignement) et requérant la mobilisation de compétences.
11 Le d’accord conclusif correspond à une modalité d’énonciation – qui a pour fonction de clore
l’échange – et non à une modalité d’énoncé (portant sur le contenu). Voir Lepoire-Duc (2002).
12 Au sens utilisé par Sensévy (2007).
13 Les deux séances étant très dissemblables en volume, la comparaison oblige à citer le nombre
total de tours de parole.
14 En considérant l’innovation au niveau de l’enseignant et non de l’institution.
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27/10/2017 La grammaire : un problème pour les élèves, un problème pour le maitre aussi
Auteurs
Solveig Lepoire-Duc
Université Claude-Bernard-Lyon 1 – IUFM de l’académie de Lyon, ICAR UMR-5191 université
Lumière-Lyon 2-
Jean-Pierre Sautot
Université Claude-Bernard-Lyon 1 – IUFM de l’académie de Lyon, LIDILEM – université
Stendhal-Grenoble 3
Droits d’auteur
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