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COUR D’APPEL CANADA, PROVINCE DE QUEBEC GREFFE DE MONTREAL Ne: 500-10-005886-153 (500-01-013474-082) DATE: 31 mai 2018 CORAM :LES HONORABLES ALLAN R. HILTON, J.C.A. CLAUDE C. GAGNON, J.C.A. GENEVIEVE MARCOTTE, J.C.A. SA MAJESTE LA REINE APPELANTE - poursuivante c. MITRA JAVANMARDI INTIMEE - accusée et PROCUREURE GENERALE DU QUEBEC. MISE EN CAUSE ARRET (1]__ Lappelante se pourvoit contre un jugement de la Cour du Québec, rendu le 8 avril 2016, lequel acquitte l'intimée des accusations dhomicide involontaire coupable et d'avoir, par négligence criminelle, causé la mort d'une personne. [2] Pour les motifs du juge Gagnon, auxquelles souscrivent les juges Hilton et Marcotte. LACOUR: [3] ACCUEILLE Tape; 500-10-005886-153 PAGE : 2 [4] __ SUBSTITUE au verdict d’acquittement une déclaration de culpabilité a l'accusation d'homicide involontaire coupable et RENVOIE le dossier & la Cour du Québec pour la détermination de la peine appropriée; [S]__ ORDONNE la tenue d'un nouveau procas sur accusation d'avoir, par négligence criminelle, causé la mort de Roger Matern fu Re Mhar ALLAN R. HILTON, J.C.A. CLAUDE C. GAGNON, J.C.A. /GENEVIEVE MARCOTTE, JCA ) ( MF Dionisios Galiatsatos et M° Christian Jarty- Directeur des poursuites criminelles et pénales Pour l'appelante Ms Isabel J. Schurman et M° Maxime Hébrard Schurman Longo Grenier Pour lintimée M® Julius Grey et M° Mathieu Laplante-Goulet Grey & Casgrain Pour l'intimée Me Rose-Mélanie Drivod Drivod Services juridiques Pour lintimée M? Marie-Eve Mayer Direction générale des affaires juridiques et Iégislatives Pour la mise en cause Date d'audience : 22 mars 2017 500-10-005886-153 PAGE : 3 TABLE DES MATIERES 2. LEJUGEMENT ATTAQUE, 3. LES QUESTIONS EN LITIGE.. 4. LANORME D’INTERVENTION LORS D’UN APPEL D‘UN VERDICT D’ACQUITTEMENT. 5. LES PRINCIPES JURIDIQUES APPLICABLES .. 6. LES MOYENS SOULEVES PAR L’APPELANTE...... 6.1 Le fardeau de preuve rel la mens rea de I'homicide involontaire coupable.. 6.2 Les conclusions de droit devant étre tirées des faits non contestés..... 6.2.1 Uacte objectivement dangereux et la mens rea de homicide involontaire coupoble 25 6.2.2 Lécort margué et important. 26 6.3 Les caractéristiques personnelles et les expériences professionnelles de lintimée.. 7. LES MOYENS SOULEVES PAR L’INTIMEE.. 7.1 Lelien causal entre la conduite reprochée et le décés 34 7.1.1 te rejet d'une requéte en exclusion de la preuve 34 7.12 Le témoignage d’Annie Souvageau (experte en pathologie judiciaire) 35 7.13 Llapplication d'une norme juridique erronée: 36 7.2 Inopérabilité des articles 234, 236 et 220(b) C.cr. ‘8. LE REMEDE APPROPRIE. 500-10-005886-153 PAGE: 4 MOTIFS DU JUGE GAGNON [6] __L’appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour du Québec du district de Montréal (honorable Louise Villemure), rendu le 8 avril 2015, qui acquitte lintimée de deux chefs d’accusation d'homicide involontaire coupable (art. 234 et 236 C.cr.) et de négligence criminelle ayant causé la mort (art. 219 et 220 C.cr.). 1. LE CONTEXTE (7] Roger Matern a 79 ans lorsqu'en 2005 il subit une chirurgie pour remplacer une valve aortique. Llintervention a cependant peu d'effet bénéfique sur sa condition cardiaque et pulmonaire. II ressort de cette expérience éprouvante affaibli et décu [8] ___ Méme s'il est suivi sur une base réguliére depuis 2006 par I'équipe médicale de la Clinique de linsuffisance cardiaque de l'Institut de cardiologie (CLIC), Roger Matern deplore sa piétre qualité de vie et est constamment a la recherche de solutions alternatives pour l'améliorer. [9] __Le 11 juin 2008, il consulte le cardiologue Normand Racine dans le cadre du suivi régulier. Le médecin ajuste alors la dose quotidienne de Lasix (un diurétique destiné & aider le patient a éliminer les liquides excédentaires) et constate que, bien que le patient se plaigne constamment d’étre essouffié, sa condition cardiaque (3 sur une échelle de 4) est stable et similaire a celle de sa visite précédente. [10] _Convaincu de n’avoir plus rien a espérer de la médecine traditionnelle et désireux de passer un été agréable a son chalet, Roger Matern contacte la clinique de lintimée Pour devancer un rendez-vous originalement prévu pour le 21 aotit 2008. [11] II sy présente pour la premiére fois le 12 juin 2008 & 10 h, en compagnie de sa Conjointe, pour une consultation. II répond d'abord @ un questionnaire sur son état de santé général, comprenant notamment 'énoncé de la liste des médicaments qui lui sont presorits. II rencontre ensuite I'intimée en présence de sa conjointe durant environ une heure. [12] _ Roger Matern souhaite des résultats rapides et insiste pour recevoir le jour méme une injection intraveineuse de nutrients, méme s'il est avisé par lintimée que son Protocole thérapeutique prévoit que ce traitement n’est pas dispensé lors de la premiere consultation. (13] _Lintimée acquiesce tout de méme a cette demande. Elle prépare donc la seringue Contenant les diverses substances (L-Taurin, L.Camitine, chlorure de manganése, magnésium et potassium) et fixe l'aiguille dans le bras de Roger Matern, puis quitte la 500-10-005886-153 PAGE: 5 salle de traitement en laissant ce dernier sous {a surveillance de son adjointe administrative pendant la durée de la perfusion veineuse. [14] _ Lorsque celui-ci se plaint soudainement de chaleur, l'intimée revient dans la salle et retire l'aiguille de son bras. Roger Matern se met alors a grelotter. Lintimée lui recommande de boire du thé, que ce dernier régurgite aussitét [15] _Appelée par sa mére inquiéte au chevet de son pére, Gabrielle Mater se présente Son tour a la clinique. Elle trouve celui-ci assis a la réception se tenant le visage dans les mains. Soupgonnant que l'état de son patient puisse résulter du fait quill n’ait pas suffisamment mangé avant le traitement, l'intimée demande qu’on lui serve du miel et du jus d’orange auxquels sont ajoutés des échinacées. [16] _L’état de Roger Matern ne s'améliore toutefois pas et ce dernier doit étre supporté Pour se rendre a la salle de bain oi! il démontre des comportements inquiétants (désorienté, difficultés marcher, incapable de déboutonner son pantalon), [17] Roger Matern quitte la clinique vers 15 h pour rentrer chez lui. L'intimée, qui est demeurée auprés de lui jusqu’é son départ, lui conseille, vu son état, de prendre une bonne nuit de sommeil, puis porte assistance a la conjointe et & la fille de son client pour le raccompagner jusqu’a son véhicule, Roger Matern ne pouvant y parvenir par ses propres moyens [18] _Rendu chez lui, I'état de Roger Matern se dégrade davantage (motricité réduite, confusion, leévres bleues, agitation). Consultée durant la soirée, lintimée réitere a Gabrielle Matern que son pére doit se reposer. Jusque-la, celui-ci a refusé d’étre conduit a lhépital, mais, a 3h le 13 juin 2008, sa condition inquiéte suffisamment ses proches Pour justifier son transfert d'urgence dans un établissement hospitalier. [19] Peu de temps aprés son admission, les médecins constatent qu'il ne répond plus @ aucun stimulus, que sa tension artérielle est tres basse et que ses reins ne fonctionnent plus. [20] Davis que lorigine d'un tel effondrement physiologique est de nature septique, lurgentologue de garde débute un traitement aux antibiotiques. On note alors une amélioration sensible de son état. II est alors mieux orienté et répond adéquatement aux questions, [21] Au changement de quart, 'urgentologue, qui entre au travail a 8 h, confirme le diagnostic de son prédécesseur. II poursuit, par conséquent, le traitement entrepris, mais constate rapidement qu’au lieu de continuer a s'améliorer, la condition de Roger Matern se détériore au point ot son état devient extrémement critique. Les proches de ce dernier doivent alors se résoudre a l'inévitable et renoncer A lapplication des mesures de réanimation. Roger Matern décéde peu de temps aprés. 500-10-005886-153 PAGE : 6 22] Six jours plus tard, les policiers se présentent a la clinique de Vintimée pour procéder a une perquisition des lieux et a son arrestation. lls y saisissent notamment un dossier tenu par l'intimée portant le nom de Roger Matern ainsi que les quatre fioles contenant les substances administrées & ce demier le 12 juin 2008. [23] _ Ces fioles sont alors conservées dans un réfrigérateur (a exception d'une période durant laquelle elles furent sorties pour étre photographiées) jusqu’a ce que leur contenu soit analysé le 25 juin 2008, [24] Lanalyse effectuée par la « Direction générale des produits de santé et des aliments » révéle que la premiére (##5504-01797) contient du magnésium dans laquelle aucune bactérie ne fut détectée. La seconde (#5502-01795) dont le septum comporte trois perforations, bien qu'il s'agisse d'une fiole unidose, renferme du L-Carnitine dans laquelle fut détectée la présence de 9 700 000 bactéries (la norme acceptable pour un Produit injectable étant de 0) et 62 500 endotoxines bactériennes (la norme acceptable se situant entre 1 et 10). La troisiéme fiole (#5503-01796) contient du chlorure de manganése dans laquelle aucune bactérie ne fut décelée, mais présentant une quantité d'endotoxine bactérienne inférieure a 1.25. L’analyse de la quatrigme (#5501-01794) révéle la présence de L-Taurin ne comportant aucune bactérie, mais dans laquelle fut détectée une quantité de 2.5 endotoxines bactériennes. (25] _La preuve permet, par ailleurs, de comprendre que la fiole unidose contenant le L- Carnitine avait servi, le 12 juin 2008, a injecter deux autres patients de l'ntimée avant que la méme substance soit administrée a Roger Matern. Les témoins entendus établissent, en outre, que, contrairement au flacon multidose, la fiole unidose ne contient aucun agent de conservation destiné a détruire les bactéries introduites inopinément dans le produit, [26] _Les analyses microbiennes effectuées le 25 juin 2008 démontrent également que la fiole contenant le L-Carnitine (un produit qui, en principe, ne peut étre administré que Sur prescription médicale) était contaminée par 9700 000 unités de Pantoea, une bactérie vivante que l'on peut retrouver sur les plantes ou sur divers objets de la vie courante et qui est susceptible d’étre a lorigine d'infection ou de maladie, notamment chez les personnes dont le systéme immunitaire est affaibli. C’est A la mort de cette bactérie que les endotoxines bactériennes sont libérées (62 500 de ces endotoxines sont retrouvées dans la fiole de L-Carnitine analysée) [27] expert en infectiologie et microbiologie, le D’ Richard Marchand, estime, au moyen d'un rétrocalcul, qu’au jour de injection administrée a Roger Matern, entre 2 000 et 7 000 unités d’endotoxines par millilitre étaient présentes dans la substance injectée et que, compte tenu de I'age de Roger Mater et de sa condition physique, une quantité de 125 a 150 unités fut amplement suffisante pour causer son décés. 500-10-005886-153 PAGE :7 2. [28] LE JUGEMENT ATTAQUE Au terme d'un procés ayant duré 39 jours, au cours duquel pas moins de 18 experts ont été entendus de part et d’autre, le juge a retenu de la preuve que 1 2. 3, 10. RLRQ ¢. 0-26. Lintimée est crédible; Elle sait qu'elle n’était pas autorisée & poser des actes médicaux; Les témoignages des experts appelés par le ministére public, les D® White, Racine, Liskowski et Marchand sont crédibles et fiables; Roger Matern est décédé des suites d’'un choc endotoxique provoqué par la présence de Pantoea dans une substance (L-Caritine) que lui a injectée lintimée le 12 juin 2008; N'edit été cette contamination, les solutions de nutriments injectées sont appropriées a la condition cardiaque et pulmonaire de Roger Matern et sont, susceptibles d’améliorer son état; Nrayant pas le luxe du temps, Roger Matern désire avoir sur-le-champ la version la plus efficace du traitement, soit Injection des nutriments par voie intraveineuse; ‘Sachant que I'intimée n’est pas médecin, Roger Matern et son épouse ont accepté les risques inhérents la forme de traitement administré par Vintimée; La réglementation applicable au Québec ne permet pas a un pharmacien de collaborer avec une naturopathe non assujettie au Code des professions’. Lintimée achéte donc les mélanges de nutriments de pharmaciens-préparateurs certifiés en Ontario. Le choix de ces fournisseurs répond, par ailleurs, au plus haut standard de qualité; Le Pantoea a manifestement été introduit dans la substance injectée aprés la seconde injection du produit puisé dans la fiole unidose, Puisque les deux premiers patients n’ont présenté aucun symptéme similaire a ceux de la victime; Les mesures d'asepsie mises en place par l'intimée, sans étre en tous Points conformes & celles prévalant dans les hépitaux, sont satisfaisantes; 500-10-005886-153 PAGE : 8 11. Comme le souligne lexpert Marchand, Roger Matern est, en raison du nombre d'endotoxines (2000 a 7000) présentes dans la solution administrée, condamné & compter de l'njection; 12. Les actes illégaux posés par I'intimée, notamment injection par voie intraveineuse, ne sont pas objectivement dangereux en ce qu'une personne raisonnable n/aurait pas compris qu'ils présentent un risque de préjudice; 13. Lintimée n'est pas autorisée par la loi et la réglementation québécoise a administrer des substances par injection intraveineuse, mais a acquis les connaissances pour le faire. De fait, elle procéde a de telles injections sur une base réguliére depuis 1992 sans y étre également autorisée. [29] Ces constats sont a l'origine des verdicts d'acquittement prononcés sur les deux chefs de l'acte d’accusation. 3. LES QUESTIONS EN LITIGE [30] L’appelante formule quatre questions litigieuses au soutien de sa demande diinfirmer le jugement dont appel (questions 1 @ 4) auxquelles l'intimée ajoute quatre autres questions (questions 5 a 8) dont les trois premieres militent, & son avis, en faveur du maintion des verdicts d'acquittement et une quatrieme au moyen de laquelle elle requiert une déclaration d'inoperabilité des dispositions du Code criminel qui servent A lincriminer au motif qu'elles violent les articles 6, 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés 1. La juge du procés a-t-elle eré en droit quant A un élément essentiel de "homicide involontaire coupable en considérant qu'une prévisibilité objective de la mort était requise alors que seule la prévisibilité objective de lésions corporelles est exigée? 2. La juge du procés a-telle erré en droit en omettant de qualifier juridiquement les actes de lintimée d’acte illégal objectivement dangereux, selon la preuve non contredite ou avérée au procés, relativement au chef d'accusation d'homicide involontaire coupable au moyen d'un acte illégal? 3. La juge du procés a-telle erré en droit quant au critére objectif de la personne raisonnable en tenant compte de caractéristiques et d'expériences personnelies de I'intimée? 4. La juge du procs a-t-elle erré en droit quant a la notion de négligence criminelle en omettant de constater que la conduite de lintimée, selon la Preuve non contredite ou avérée au procés, constituait en droit un écart marqué et important par rapport a la norme de la personne raisonnable? 500-10-005886-153 PAGE : 9 5. La juge du procas a-t-elle erré en droit en n’excluant pas les résultats des analyses par Santé Canada? 6. La juge du procés a-telle erré en droit en ne tenant pas compte du témoignage de lexperte pathologiste Anny Sauvageau qui se rapportait A la question ultime de la culpabilité ou de innocence? 7. La juge du procés a-t-elle erré en droit en appliquant la mauvaise norme juridique pour conclure a la cause du décés? 8. Les articles 220b), 234 et 236 du Code criminel sont-ils inapplicables a lintimée parce que portant atteinte aux articles 6, 7 ou 15 de la Charte? [31] _Aprés avoir discuté de la norme intervention et des éléments essentiels des accusations reprochées, je traiterai d'abord des moyens soulevés par l'appelante et ensuite de ceux qu’invoque l'intimée, aprés quoi je m’attarderai finalement sur le remade approprié. LA NORME D'INTERVENTION LORS D’'UN APPEL D’UN VERDICT D’ACQUITTEMENT [32] _L'appel, par le poursuivant, d'un verdict d’acquittement prononcé par un tribunal dinstance a l'égard de procédures par acte daccusation peut étre introduit devant la Cour pour tout motif portant sur une question de droit seulement. {33] _ Pour réussir, l'appelante doit non seulement démontrer que le juge a commis une erreur de droit, mais également établir avec un degré raisonnable de certitude que celle- i a eu une incidence significative sur le verdict prononcé. Elle n’est toutefois pas tenue d'établir que, n'edt été erreur, le verdict aurait nécessairement été différent®. [34] Le juge Gascon rappelle récemment a cet égard : [27] _[...] Notre Cour a formulé de différentes fagons le degré diimportance que doit présenter une erreur pour qu'une cour d’appel soit justifiée diintervenir dans Un recours intenté par le ministére public contre un acquittement. Une « possibilité abstraite ou purement hypothétique » ne suffit pas (Graveline, par. 14). Une erreur qui «aurait nécessairement » eu une incidence substantielle sur le verdict dépasse ce souil (Ibid., par. 14-15; R. c. Morin, [1998] 2 R.C.S. 345, p. 374 « Morin »). Une erreur dont l'importance présente un « degré raisonnable de certitude » correspond au seuil requis (Graveline, par. 14-15; Morin, p. 374), 2 Art. 676(1)a) Cec. * Ric, Briscoe, [2010] 1 R.C.S. 411, 2010 CSC 13, paragr. 26: A. c. Graveline, [2006] 1 R.C.S. 609: 2006 CSC 16, paragr. 14; A. c. Morin, [1988] 2 R.C.S. 345, p. 374; A. c. $.B,, 2016 NLCA 20, paragr 96, motifs dissidents du juge en chef Green confirmés par Ri. c. S.B., 2017] 1 F.C.S. 248, 2017 CSC 16. 500-10-005886-153 PAGE : 10 [28] [..] A mon avis, il n’était pas possible de conclure avec un degré raisonnable de certitude que les inférences controversées du juge du proces avaient un caractére substantiel dans son verdict. II s'ensuit donc que, méme si Ces inférences avaient constitué des erreurs de droit, elles ne justifieraient pas Vintervention de la Cour d'appel.* [35] _Lorsqu'une cour d’appel retient que l'erreur de droit commise est telle quill est Possible de conclure avec un degré raisonnable de certitude que celle-ci a eu un effet substantiel ou significatif sur le verdict, le reméde usuel est ordonnance de nouveau procas. Dans R. c. S.B.°, la Cour supréme confirme les motifs dissidents du juge en chef Green qui soulignait a cet égard : 92] __ Paragraph 676(1)a) of the Criminal Code permits an appeal of acquittal on @ ground of appeal that involves a question of law alone. On such an appeal, Paragraph 686(4)b)(i) provides that the basic remedy, if appeal is allowed, is to order a new trial. However, the case law emphasizes that it does not necessarily follow that just because of an error of law is found a new trial will always result ‘There must be a nexus between the error of law and the resulting acquittal that effectively calls into question its reliability [...]® [Soulignement ajouté] [36] Le sous-paragraphe 686(4)b)ii) C.cr. et le paragraphe 686(8) C.cr. prévoient toutefois que la cour d'appel qui accueille 'appel d'un acquittement peut également inscrire un verdict de culpabilité ou rendre toute ordonnance que les fins de la justice exigent. [37] _ La substitution d'un verdict d’acquittement n’est toutefois appropriée que pour les procés qui se sont déroulés devant un juge siégeant seul’, (1) dans les cas les plus Clairs®, (2) lorsque le juge a tiré toutes les conclusions de fait justifiant une déclaration de culpabilité et (3) que ces conclusions de fait ne sont pas contestées?. “Ri ¢, George, [2017] 1 R.C.S. 1021, 2017 CSC 38, paragr. 27-28. Dans cette attaire, la majorité des iuges de la Cour d'appel de la Saskatchewan avait conclu que le juge avait commis des erreurs de droit (1) en considérant des éléments de preuve concomitants ou postérieurs a activité sexuelle pour apprécier le caractére raisonnable des mesures prises par T'appelante avant lactivité et (2) en S‘appuyant sur des inférences factuelles douteuses concernant la possibilité que le plaignant ait résenté une apparence mature pour son age. Ces erreurs de droit portant sur des facteurs fondamentaux de analyse du juge du procés, celles-ci avaient limportance requise pour justfier Uintervention afin de substituer au verdict d acquittement une déctaration de culpabilte. Rc. S.B,, 2017 CSC 16. Ac. S.B., 2016 NLCA 20, paragr. 92. Ant, 686(4)b)i) C.cr © Pierre Béliveau et Martin Vauclar, Traité général de preuve et de procédure pénales, 23° éd., Montréal, ‘Yvon Blais, 2016, no” 3088, p. 1413; A. c. Cassidy, [1989] 2 R.C.S. 345, p. 355; R. c. Audet, [1996] 2 A.C.S. 171, paragr. 31-48; A. o, Lutesiawski, [2010] 3 R.C.S. 60, 2010 CSC 48; A. c, McRae, [2013] 3 ACS. 931, 2018 CSC 68, paragr. 39, ® Re. Katigbak, [2011] 3 R.C.S. 326, 2011 CSC 48, paragr. 51-62; A. c. McRae, précité, note 8 500-10-005886-153 PAGE: 11 [38] _Je retiens, par ailleurs, que le droit d’un accusé A un procés équitable pose Vexigence que ces trois oritéres soient soumis a une application stricte. 5. _ LES PRINCIPES JURIDIQUES APPLICABLES [39] _ Il mapparait également opportun de rappeler certains principes qui régissent les deux accusations portées contre lintimée et pour lesquelles elle a été acquittée [40] homicide involontaire coupable, perpétré selon le mode prévu a 'alinéa 222(5)a) C.cr., nécessite, lorsque l'acte sous-jacent constitue une infraction criminelle, que le Poursuivant prouve hors de tout doute raisonnable les composantes essentielles de cette infraction, soit @) une conduite constituant un acte illégal constitutionnellement valide et objectivement dangereux: b) _lacte illégal n'est pas assujetti au régime de la responsabilité absolue; ©) intention requise pour commettre l'infraction criminelle sous-jacente; d) une personne raisonnable aurait prévu le risque de causer des Iésions corporelles & autrui (la prévisibilité objective de Iésions corporelles). e) _l'acte illégal a causé la mort d'un étre humain; [41] _Chacun de ces éléments essentiels a fait objet de nombreux débats. C'est notamment le cas du dernier, mais depuis l'arrét Creighton, le principe selon lequel la prévisibilité objective de Iésions corporelles constitue 'état d’esprit requis pour commettre "homicide involontaire coupable est désormais solidement ancré dans le droit criminel canadien. Ecrivant pour la majorité, la juge McLachin (telle qu'elle était alors) souligne dans cet arrét phare : | s'ensuit qu’au Canada, comme au Royaume-Uni, le critére pour la détermination de la mens rea dans le cas de I'homicide involontaire coupable résultant d'un acte illégal est (outre l'existence de la mens rea requise pour l'infraction sous-jacente) celui de la prévisibilité objective (dans le contexte d'un acte dangereux) du risque de lésions corporelles qui ne sont ni sans importance ni de nature passagére. La prévisibilité du risque de mort n'est pas nécessaire. La question est donc de savoir Si ce critére viole les principes de justice fondamentale visés a l'art. 7 de la Charte.”° [Soulignement ajouté] Le] "© Rc. Creighton, (1993] 3 A.C.S. 3, p. 45-46. 500-10-005886-153 PAGE : 12 Lanalyse qui précéde m'améne a conclure quill n'y a aucune violation des Principes de justice fondamentale qui résulte de ce que la mens rea en matiére dhomicide involontaire coupable exige la prévisibilité d’un risque de préjudice Plut6t que la prévisibilité d'un risque de mort. En derniere analyse, la faute morale Fequise dans le cas de homicide involontaire coupable est proportionnelle a la gravité de I'nfraction et aux peines qu'elle entraine, et elle ne choque aucun principe de justice fondamentale. Se pose donc ensuite la question de la nature du critére objectif servant a établir la prévision de lésions corporelles, et c’est cette question que j'aborde maintenant."" [42] _ Je rappelle que la preuve révélait que Creighton avait passé une partie de la nuit @ consommer de la drogue et de alcool avec la victime & qui il a injecté, avec le consentement de celle-ci, une certaine quantité de cocaine. La victime est soudainement prise de violentes convulsions et manifeste des difficultés respiratoires importantes. Elle décéde, peu de temps aprés, d'un arrét cardiaque provoqué par I'injection. Plutot que de faire appel aux services d'urgence, Creighton place la victime sur son lit, s'empresse d'effacer toutes traces de son passage dans la piéce avant de prendre la fuite. C’est par le biais de lalinéa 222(5)a) C.cr. que "accusation d'homicide involontaire coupable fut portée. L’acte illegal reproché a Creighton et identifié comme étant la cause du décés de la victime est le trafic de cocaine. Confirmant le verdict de culpabilité, la Cour supréme Conclut que injection d'une drogue a autrui constitue un acte illégal objectivement dangereux en ce sens qu'il est raisonnablement prévisible qu'il cause un préjudice a Fiintégrité physique a ce dernier. [43] Dans Charbonneau c. R.'2, notre Cour a appliqué cette méme norme juridique & une accusation d'homicide involontaire coupable commis par le moyen prévu a lalinéa 222(5)c) C.cr. (en portant cet étre humain par des menaces, la crainte de quelque violence ou par la supercherie a faire quelque chose qui cause sa propre mort) [44] Dans le cas d'une accusation d’homicide involontaire coupable, l'acte illégal (dans le cas d'une infraction criminelle) objectivement dangereux et l'état mental requis pour commettre infraction sont soumis a lapplication de la méme norme juridique : la Prévisibilité raisonnable de \ésions corporelles qui ne sont pas passagéres ou sans importance. La preuve, hors de tout doute raisonnable, de lactus reus emporte généralement la conclusion d'une preuve de la mens rea satisfaisant au méme standard [45] Le droit criminel canadien reconnait également la possibilité que l'acte illégal Objectivement dangereux sous-jacent 4 homicide involontaire coupable consiste en une infraction statutaire fédérale ou provinciale de responsabilité stricte, auquel cas se soulévent des questions particuliéres. 1 Id., p. 87-58, Rc. Charbonneau, 2016 QCCA 1354. 500-10-005886-153 PAGE: 13 [46] _En effet, dans le cas de ces infractions, le poursuivant n'a pas a présenter de Preuve quant a l'élément moral, celui-ci étant présumé. |! incombe alors au défendeur de démontrer, selon la balance des probabilités, qu'il n'a pas été négligent. [47] _ llest, mon avis, inapproprié d'exiger un tel fardeau de celui qui est accusé d’avoir commis un homicide involontaire coupable en perpétrant une infraction statutaire ou réglementaire. Je partage a cet égard l'opinion du professeur Wilson qui, commentant la décision Curragh de la Cour provinciale de Nouvelle-Ecosse, souligne que le fardeau de prouver la faute en matiére dlhomicide coupable doit demeurer sur les épaules du poursuivant : Thus, in those cases where the predicate offence is a strict liability offence the burden of proof will remain with the Crown. Further, the Crown must establish fault beyond a reasonable doubt. Finally, the fault element for the predicate offence also changes — it is no longer “due diligence’ or simple negligence. Rather, the fault element becomes the two-tiered fault element established in the Creighton case. ‘The same approach would occur if absolute liability offences were allowed to serve as predicate offences. There would be a fault element, as set out in Creighton, and the Crown would be required to prove that fault element beyond a reasonable doubt." [48] La Cour supréme n'a pas été confrontée a cette problématique dans Creighton Puisque l'acte criminel sous-jacent (trafic de cocaine) ne constituait pas une infraction assujettie au régime de la responsabilité stricte, mais une infraction dite de mens rea. La juge McLachlin (telle qu'elle était alors) souligne néanmoins que lorsque |'acte illégal Sous-jacent un homicide coupable se caractérise par un manque de prudence ou de diligence, le comportement en cause doit représenter un écart marqué avec celui d'une personne raisonnablement prudente ou diligente pour satisfaire A I'élément de faute exigé. [49] Les actes illégaux reprochés a l'intimée (des contraventions a la Loi médicale québécoise) sont assujettis au régime de la responsabilité stricte et comportent, dans la mesure oil ils sont objectivement dangereux, une composante de négligence chez ceux qui les commettent. [50] _Dans larrét J-F.'5, un enfant de quatre ans est décédé des suites de nombreux traumatismes crdniens causés par un objet contondant. Son pére nourricier est inculpé de deux chefs d’homicide involontaire coupable reposant sur des actes illégaux sous- jacents distincts; dans un cas, la négligence criminelle (art. 219 C.cr.) et dans lautre, omission de fournir les choses nécessaires a existence (art. 215 C.cr) * Rc. Curragh (1994), 25 C.R. (4th) 377 (Prov. Ct. N.S.) '* Larry C. Wilson, « Too Many Manslaughter », (2006) 2 Crim. L.Q. 433, p. 460. "© Foe JF, [2008] 1 RCS, 2015, 2008 CSC 60. 500-10-005886-153 PAGE : 14 51] __ Les deux chefs ciblaient toutefois la méme omission de la part de rappelant, soit davoir fait détaut de protéger enfant d'un préjudice prévisible subi aux mains de sa conjointe [52] Soulignant que |'élément de faute requis par une déclaration de culpabilité était, Pour l'essentiel, commun aux deux chefs de l'accusation, le juge Fish souligne le degré d'écart différent propre & chacun des deux actes illégaux sous-jacents [8] Quant au chef reposant sur omission de fournir les choses nécessaires & "existence, il incombait au ministére public d’établir que omission de protéger enfant placé en famille d'accueil constituait « un écart marqué par rapport a la conduite d'un parent raisonnablement prudent dans des circonstances ol il était objectivement prévisible que omission de fournir les choses nécessaires A existence risquerait de mettre en danger la vie de l'enfant ou d'exposer sa santé .un péril permanent » A. c. Naglk, [1993] 3 R.C.S. 122, p. 143 (je souligne). On comprendra plus tard pourquoi jai souligné le mot « risquerait» dans la description de l'infraction faite par le Juge en chef, qui s‘exprimait au nom de la Cour sur ce point. [9] Quant au chef alléguant la négligence criminelle, le ministére public devait démontrer que la méme omission constituant un écart marqué et important (par opposition & un écart marqué) par rapport a la conduite d'un parent raisonnablement prudent dans des circonstances oi 'accusé soit a eu conscience d'un risque grave et évident pour la vie de son enfant, sans pour autant lécarter, soit ne lui a accordé aucune attention : A. c. Tutton, [1989] 1 R.C.S. 1392, p. 1430: 1431; R. c. Sharp (1984), 12 C.C.C. (3d) 428 (C.A. Ont.)."€ [Soulignement ajouté] [53] A mon avis, le cadre d'analyse retenu par le juge Fish convient également aux deux chefs d'accusation reprochés a liintimée. Le comportement de celui qui cause la mort doit constituer un écart marqué par rapport a la norme de prudence d'une personne raisonnable placée dans la méme situation, alors que pour homicide coupable résultant de négligence criminelle, lécart doit étre marqué et important [4] A rinstar du juge Guy Cournoyer dans R. c. Fournier'’, 'en conolus que, lorsque Vinfraction sous-jacente fondant un homicide involontaire coupable consiste en une infraction de responsabilité stricte, le ministére public doit établir hors de tout doute raisonnable : 1) la__perpétration d'une infraction de responsabilité —_stricte Constitutionnellement valide et objectivement dangereuse; 18 (d., paragr. 8 et 9 Fic. Fournier, 2016 QCCS 5456 (CanL!), paragr. 80, 500-10-005886-153 PAGE : 15 2) la conduite de 'accusé constitue un écart marqué par rapport a celle d'une Personne raisonnablement prudente placée dans les mémes circonstances; 3) _une personne raisonnable aurait prévu le risque de causer des [ésions corporelles que posait son comportement; 4) la conduite a causé la mort d'un étre humain. [55] _Je rappelle, en outre, que le comportement qui constitue un écart par rapport a la Norme a laquelle on s'attendrait voir se conformer une personne raisonnablement prudente sert de fondement a la négligence civile et a la négligence pénale. [56] _Toutefois, contrairement a la négligence civile qui s'intéresse a la répartition d'un Préjudice, la négligence pénale vise a sanctionner un comportement blamable. 57] _Ainsi, un simple écart par rapport a la norme respectée par une personne raisonnablement prudente satisfait a la norme préliminaire de la négligence civile, mais nest pas suffisant pour établir la responsabilité pénale, un écart marqué étant minimalement nécessaire'®. Ce n'est que lorsque le comportement satisfait a ce critére plus élevé qu'un tribunal peut, sur la base de ce seul comportement, conclure a existence d'un état desprit blmable"®. 1! est dés lors essentiel de préter une attention Particuliére a élément de faute pour éviter de criminaliser le comportement d'une Personne ayant simplement agi de facon imprudent. [58] En somme, le tribunal ne peut inférer du simple fait d'un comportement objectivement dangereux le degré de diligence requis pour constituer un écart marqué Par rapport la norme que respecterait une personne raisonnablement prudente placée dans les mémes circonstances. Le juge Cromwell exprime cette exigence : L..] Autrement dit, la preuve de l'actus reus de linfraction ne permet pas a elle seule de conclure raisonnablement a existence de I élément de faute requis. La Conduite constituant un écart marqué par rapport & la norme est le seul facteur qui peut étayer raisonnablement cette conclusion.” 59] _Les inférences tirées de l'ensemble de la preuve permettront généralement de déterminer si l'état desprit blamable a été prouvé. Comme I'indiquait la juge Charron dans Beatty, le juge des faits doit considérer la totalité de la preuve, y compris les éléments relatifs a l'état d'esprit véritable de accuse?" [60] Le fait de causer la mort d'un étre humain en faisant preuve de négligence criminelle peut, par ailleurs, étre incriminé ou sanctionné de trois fagons, soit par le biais Rc, Roy, [2012] 2 A.CS, 60, 2012 CSC 26. '° Rc. Beatty, [2018] 1 R.C.S. 49, 2008 CSC 5, paragr. 7. 2 Ric. Roy, supra, note 18, paragr. 42. °c, Beatty, supra, note 19, paragr. 43. 500-10-005886-153 PAGE : 16 des articles 234 et 236 C.cr. selon les modes prévus aux alinéas 222(5)a) (auquel cas. Vacte illégal est celui prévu a 219 C.cr.) ou 222(5)b) C.cr. ou encore directement par "application des articles 219 et 220 C.cr. [61] La Cour rappelle alors au sujet de ces dispositions [61] _ Lemode de perpétration de homicide coupable prévu par 'alinéa 222(5)b) C.cr. peut apparaitre superfétatoire puisque l'article 219 C.cr. fait de la négligence criminelle un acte illégal pour lequel l'alinéa 222(5)a C.cr. pourrait trouver application. De plus, Varticle 220 C.cr. prévoit spécifiquement la sanction réservée celui qui cause la mort par négligence criminelle. [62] Cela dit, causer la mort par négligence criminelle (art. 219 C.cr.) nécessite la preuve (1) d'un comportement (un acte ou une omission de faire quelque chose quil est de son devoir légal d'accompiir) qui cause la mort d'un étre humain et (2) le comportement fait montre d'une insouciance dérégiée ou téméraire pour la vie ou la sécurité d'autrui. La mens rea de I'infraction est établie par la preuve que le comportement en cause constitue un écart marqué et important par rapport a la norme de prudence que respecterait une personne raisonnablement prudente placée dans des circonstances oU 'accusé a, soit eu conscience du risque grave ¢t évident sans pour autant lécarter, soit ne lui a accordé aucune attention [63] __ Dans R. v. M.R., le juge O'Connor souligne les composantes communes & "homicide involontaire coupable commis en posant un acte illégal et a infraction de causer la mort par négligence criminelle, notamment en ce qui concerne état desprit blamable [31] An additional question concerns what mental element is required to establish liability as a principal offender for criminal negligence causin death as related to the consequence of the criminally negligent act: the death. In R. v. Creighton, at pp. 41-45, the majority of the Supreme Court of Canada dealt with this issue in relation to a charge of unlawful act Manslaughter. The court held that the test is objective foreseeability of the risk of bodily harm which is neither trivial nor transitory. As stated by McLachin J., at p. 75, the question is “whether the reasonable person in all the circumstances would have foreseen the risk of bodily harm’. | see no reason why the reasoning in Creighton on this issue should not apply equally to the offence of criminal negligence causing death. The offences of unlawful act manslaughter and criminal negligence causing death have much in common. Importantly, for present purposes, both involve a dangerous or unlawful act that causes death. From both a logical and policy tandpoint,_it_makes_sense_that the mental element relating to the consequence of the offending conduct be the same for both offences. [64] Quelques années plus tard, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, Sous la plume de la juge Neilson, adopte également le point de vue selon lequel homicide involontaire commis selon le mode prévu par l'alinéa 222(5)b C.cr. exige 500-10-005886-153 PAGE : 17 la prévisibilité objective de lésions corporelles qui ne sont pas sans importance ni de nature passagare [36] | agree with the Crown that the judge's reference to ‘a risk of bodily harm’ instead of “a risk to life and safety” appears to originate from R. v. Creighton, 1993 CanLII 61 (SCC), [1993] 3 S.C.R. 3 at 41-57. That case dealt with a charge of unlawful act manslaughter, McLachlin J., writing for the majority, held that the test for mens rea did not require foreseeability of the risk of death, but was met by objective foreseeability of the risk of bodily harm which is neither trivial nor transitory. it is reasonable to assume the ‘same test will apply in manslaughter rooted in criminal negligence and, by analogy, to criminal negligence causing death. Indeed, this was the result Feached by the Ontario Court of Appeal in R. v. M.R., 2011 ONCA 190 (CanLil) at para. 31.2 [Référence omises} [Soulignement ajouté] [62] _ Liinfraction de causer la mort par négligence criminelle, prévue aux articles 219 et 220 C.cr., la voie retenue par lappelante, en 'espéce, pour incriminer lintimée, nécessite Pour sa part la preuve des éléments essentiels suivants a) —_un comportement (acte ou omission de faire une chose quill est de son devoir d'accomplir) qui dénote une insouciance téméraire ou déréglée pour la vie d'autrui ou la sécurité (actus reus)*; b) —révélant_un écart marqué et important par rapport a la norme que respecterait une personne normalement prudente dans les circonstances oi auteur a eu conscience du risque grave sans pour autant 'écarter ou ne lui a accordé aucune attention (prévisibilité objective de Iésions corporelles) (mens rea); et ©) qui cause la mort d'un étre humain. [63] Bien que la mens rea requise pour une déclaration de culpabilité en vertu des articles 219 et 220 C.cr, repose sur une norme objective qui rend non pertinentes les caractéristiques personnelles de l'accusé, ce demier peut néanmoins invoquer, a titre de moyen de défense, une preuve faisant état de son incapacité d’apprécier le risque en raison de son état mental. [64] La juge McLachin souligne a cet égard dans Creighton : Cela ne veut toutefois pas dire que la question de la culpabilité se tranche dans un vide factuel. Quoique obligation légale_incombant a l'accusé ne soit pas particularisée par ses caractéristiques personnelles autres que lincapacité, elle se 2 Charbonneau c. R., supra, note 12, paragr. 61-64. ® Rc. Kerr, 2013 BCCA 506, 2 Ric. Ubhi (1994), 27 C.R. (4th) 332 (C.A.C-B) 500-10-005886-153 PAGE : 18 particularise dans les faits par la nature de activité et les circonstances entourant omission de laccusé de faire preuve de la diligence requise. Comme le fait Femarquer le juge Mcintyre dans larrét R. c. Tutton, [1989] 1 A.C.S. 1392, la réponse a la question de savoir si 'accusé a fait preuve de diligence raisonnable doit se fonder sur 'examen de toutes les circonstances de laffaire. I faut se demander ce qu'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mémes circonstances. Ainsi, un soudeur qui cause une explosion en allumant son chalumeau peut se voir excuser si, d’aprés les renseignements quil a demandés et auxquels il pouvait raisonnablement ajouter foi, il n'y avait pas de gaz explosif A Vendroit en question. La nécessité de prendre en considération toutes les circonstances en appliquant le critere objectif & des infractions de négligence pénale a été confirmée dans Varrét R. c. Hundal, précité.2= [Soulignement ajouté] [65] La preuve de l'état d'esprit véritable de l'accusé, si elle est disponible, comme en Vespéce, doit également étre prise en compte pour déterminer si elle permet de douter raisonnablement qu'une personne raisonnable placée dans la méme situation aurait été consciente du risque créé par le comportement de l'accusé {66] _Enfin, pour l'une ou autre des accusations portées contre lintimée, (1) une analyse contextuelle simpose et (2) la nécessité d’une preuve, hors de tout doute raisonnable, que la conduite du délinquant est a tous égards hors norme. [67] Cela dit, passons a 'examen des questions litigieuses que souléve 'appelante 6. LES MOYENS SOULEVES PAR L’APPELANTE [68] _Les moyens soulevés par l'appelante ciblent des erreurs qu’aurait commises la juge relativement (1) au fardeau de preuve indu qui lui a été imposé pour établir la faute morale de l'accusation d'homicide involontaire coupable, (2) 4 omission de conclure, & partir de la preuve non contestée, a la présence d’un acte objectivement dangereux posé Par lintimée, (3) a fomission de conclure, a partir des faits non contestés, a l'existence d'un écart marqué et important entre la conduite de l'intimée et celle d'une personne faisonnablement prudente et (4) a la prise en compte des caractéristiques et des expériences personnelles de I'intimée dans application de la norme objective. [69] _ Les moyens 2 et 3 qui sont fondés sur la méme base factuelle (les circonstances non contestées) seront, malgré certaines particularités qui les distinguent, traités ensemble. ® Ac. Creighton, supra, note 10, p. 71 500-10-005886-153 PAGE : 19 6.1 Le fardeau de preuve relatif 4 la mens rea de 'homicide involontaire coupable {70] _L’appelante reproche dans un premier temps a la juge d’avoir erronément retenu que la mens rea de homicide involontaire coupable commis au moyen d'un acte illegal nécessite la démonstration d'une prévisibilité objective de la mort. L'argument tire sa Source des paragraphes 338 et 450 du jugement dont appel ol Ia juge écrit [338] Les éléments essentiels de I'homicide involontaire sont énoncés dans Varrét Creighton 34. Par conséquent, si l'on veut respecter les exigences de l'art. 7 de la Charte, a bonne interprétation de infraction d'homicide involontaire Coupable résultant d'un acte illégal prévue a al. 222(5)a) du Code est celle suivant laquelle le ministére public est tenu de prouver hors de tout doute raisonnable ) que l'accusé a commis un acte illégal qui a causé la mort de la victime; b) que cet acte illégal est objectivement dangereux (c.-a-d. en ce sens qu'une personne raisonnable comprendrait quil présente un risque de préjudice); ©) qu'existait 'exigence en matiére de faute relative a l'infraction sous- jacente, laquelle ne saurait étre une infraction de responsabilité absolue; @) qu'une personne raisonnable dans la méme situation que laccusé aurait prévu le risque de mort que comportait acte illégal 35. Le deuxiéme élément de homicide involontaire coupable résultant d'un acte illégal nécessite qu'on décide si, comme question de droit, acte illegal sous-jacent présente objectivement un danger. En ce qui concerne le quatriéme élément, toutefois, le juge des faits doit mettre la personne raisonnable dans la méme situation que Faccusé afin de décider si ce demier pouvait objectivement prévoir le risque de mort que comportait ‘acte illégal. Je passe done maintenant & un énoncé détaillé du critére & appliquer dans chaque cas ol s'impose en droit criminel une telle détermination objective de la faute. (1 [450] La poursuite n'a pas prouvé, hors de tout doute raisonnable, les éléments essentiels énoncés dans !arrét Creighton que l'acte illégal est objectivement dangereux, en ce sens qu'une personne raisonnable comprendrait qu'il présente un risque de préjudice, et. qu'une personne raisonnable. dans la méme situation, aurait vu le risque de mort 500-10-005886-153 PAGE : 20 [Rétérences omises] [Soulignement ajouté] [71] _Manifestement, la juge cite et retient alors opinion du juge en chef Lamer qui souligne, pour la minorité dans Creighton, que ’élément mental de liinfraction homicide involontaire coupable nécessite une prévisibilité objective de la mort [72] _ Or, ce point de vue ne représente pas I'état du droit au Canada sur cette question. En effet, depuis prés d'un quart de siécle maintenant, les tribunaux canadiens retiennent plutdt l'opinion de la majorité de la Cour supréme, exprimée par la juge McLachlin dans ce méme arrét, selon laquelle, en matiére d’homicide coupable, une prévisibilité objective de blessures qui ne sont pas sans importance ou de nature passagére suffit?®. C’est ailleurs cette voie qu'a suivie notre Cour dans les arréts Cook”, Lareau’®, Solomon, Fils®°, Plante*' et Charbonneau. [73] erreur a, en lespéce, pour effet d'imposer un fardeau de preuve indu a Fappelante qui oblige a démontrer qu'une personne raisonnable placée dans la méme situation que lintimée aurait prévu que sa conduite risquait de causer la mort d'un étre humain, fardeau qu'elle n'a, de toute évidence, pu surmonter a la satisfaction de la juge dinstance {74] _Lappelante a donc raison de soutenir que la juge a commis une erreur de droit. Compte tenu de limpact de l'erreur sur le fardeau de preuve que devait assumer Vappelante, je suis d'avis, avec un degré raisonnable de certitude, que l'erreur commise a influé sur le verdict d'acquittement sur le chef d’homicide involontaire coupable et qu'en absence de celle-ci le verdict sur ce chef de l'accusation aurait pu étre différent. 75] Selon l'appelante, cette premiére erreur a également eu des répercussions sur la qualification de 'acte illégal sous-jacent a ’homicide involontaire coupable et a donc engendré une seconde erreur de droit. Elle prétend, en effet, que la juge applique également le critére de la prévisibilité objective de la mort au lieu de celui de la prévisibilité objective de lésions corporelles a la question de déterminer si le comportement illégal de lintimée est objectivement dangereux. ® Dans A, 6. Ibanescu, [2013] 2 A.C.S. 400, 2013 CSC 31, a Cour supréme rappelle : « Selon nous, "fénoncé d un principe juridique auquel souscrivent en majorité les juges de la Cour, représente opinion de la Cour sur ce principe juridique ». Dans Creighton, les motits du juge Laforest, concordants avec ceux de la juge McLachlin sur la mens rea requise pour une déclaration de culpabilité & Tinfraction sanctionnée par Varticle 236 C.cr., constituent opinion majortaie de la Cour sur le principe juridique voulant que, dans le cas de homicide involontaire coupable commis en posant un acte ig, a Poursuite soit requise d étabiir a prévisibilté objective que des lésions corporelles soient causées a la victime ® Cook c. La Reine, 1997 CanLil 17441EYB 1997-00124 (C.A). % Lareau c. La Reine, J.E. 2003-1079 (C.A) ® Rc. Solomon, 2006 QGCA 1597. ® Rc. Fils, 2007 QCCA 56. % Rc. Plante, 2010 QCCA 1026. ® Charbonneau ¢. R., supra, note 12. 500-10-005886-153 PAGE: 21 [76] _Elle rappelie, a cet égard, que le comportement illégal de l'intimée constitue une contravention a article 31 de la Loi médicale* qui prévoit notamment que le diagnostic, la prescription de traitements médicaux, de médicaments et autres substances, Vutilisation de techniques ou de traitements invasifs ou présentant des risques de préjudice sont des actes réservés aux médecins. Certaines exceptions sont prévues mais aucune de celles-ci n'est établie en faveur des naturopathes. [77] Résumant les arguments de !'appelante relativement aux composantes de lacte illégal sous-jacent & homicide coupable reproché, la juge écrit au paragraphe 441 du jugement entrepris [441] | Surle chef d’homicide involontaire, la poursuite identifie cing actes illégaux qui ont causé le décés de Roger Matern soit : 1) 2) 3) 4) 5) la violation des régies d'asepsie; les actes médicaux posés sans le consentement éclairé de la victime; la violation de la loi provinciale en ce qui concerne les fioles ontariennes; Vinjection; les actes posés réservés aux médecins : examen, diagnostic et traitements médicaux. [78] _ II rest, par ailleurs, pas contesté que les contraventions a article 31 de la Loi médicale relevent du régime de la responsabilité stricte et que le Iégislateur provincial a la compétence constitutionnelle requise pour légiférer en cette matiére. [79] Dans Creighton, la juge McLachlin rappelle a cet égard La structure de linfraction d'homicide involontaire coupable tient & la perpétration d'une infraction sous-jacente sous forme d'acte illégal ou de négligence criminelle, laquelle infraction doit étre assortie d'un homicide. Il est maintenant établi que ce Nest pas parce quune infraction dépend de lexistence d'une infraction sous- jacente qu'elle est inconstitutionnelle, pourvu que [infraction sous-jacente comporte un acte dangereux, qu'elle ne soit pas une infraction de responsabilité absolue et quelle ne soit pas elle-méme inconstitutionnelle : R. c. DeSousa, [1992] 2RCS. 944% [Soulignement ajouté] [80] L'acte illegal qui cause le décas doit, en outre, étre objectivement dangereux. La juge McLachlin souligne a ce sujet dans Creighton que « [ll'acte illégal doit présenter un danger objectif, c’est-a-dire, étre de nature causer des blessures a une autre 8 ALRQ, c M9. * Ree. Creighton, précité, note 10. 500-10-005886-153 PAGE : 22 personne »°°. Dans l'arrét DeSousa, le juge Sopinka précise que l'acte illégal doit étre «de nature a soumettre une autre personne a un risque de préjudice ou de lésions Corporelles » qui « ne sont pas sans importance ou de nature passagere »% [81] _S'inspirant encore une fois des motifs dissidents dans Creighton, la juge conclut, au paragraphe 450 du jugement entrepris, que l'appelante a failli a son obligation de Prouver deux des quatre éléments essentiels de infraction énoncés par le juge Lamer [450] La poursuite n'a pas prouvé hors de tout doute raisonnable les éléments essentials énoncés dans larrét Creighton que l'acte illégal est objectivement dangereux en ce sens qu'une personne raisonnable comprendrait quill présente un risque de préjudice; et qu'une personne raisonnable dans la méme situation, aurait vu le risque de mort. [Soulignement ajouté} [62] Sil est manifeste du passage cité au paragraphe précédent du jugement dont appel que la juge erre en réitérant que la mens rea de I'homicide involontaire coupable dépend de la prévisibilité objective de la mort, la définition qu'elle retient de l'acte objectivement dangereux n'est pas, contrairement a ce que soutient 'appelante, porteuse de la méme erreur de droit et correspond plutét a lidée d'un acte objectivement dangereux considérée par le juge Sopinka dans DeSousa’, soit la prévisibilité objective d'un « risque de préjudice ou de Iésions corporelles [qui] ne doivent pas étre de nature Passagére ou sans importance » qui, selon la juge McLachlin, convient tout a fait a Vaccusation d'homicide involontaire coupable : Le critére énoncé par le juge Sopinka (A la p. 961) relativement a lacte illégal exigé aux fins de art. 269 du Code criminel s'applique tout aussi bien a homicide involontaire coupable.* 83] __L'emploi par la juge du critére de la prévisibilité objective d'un risque de préjudice fait manifestement référence a un danger a I'intégrité physique de la personne qui n’exige Pas que le préjudice causé soit la mort, mais qui ne lexclut pas non plus. {84] J’estime, en conséquence, que l'argument selon lequel la juge a, de fagon inappropriée, transporté lerreur commise relativement a l'état mental requis pour Commettre homicide involontaire coupable a la détermination de lacte illégal objectivement dangereux, ne peut étre retenu. 5 Ibid, 8° Ric, DeSousa, infra, note 70, p. 961 ®” Rc, DeSousa, infra, note 70, p. 961 8 Rc. Creighton, supra, note 10, p. 44. 500-10-005886-153 PAGE : 23 6.2 Les conclusions de droit devant étre tirées des faits non contestés [85] _Lappelante soutient, de plus, que nous sommes en présence de l'une des quatre situations décrites dans les arréts Morin’ et J.M.H.*° oU une appréciation déficiente de 'a preuve constitue une erreur de droit et que la Cour supréme énonce ainsi (2) Leffet juridique des conclusions de fait ou des faits incontestés souléve une question de droit [28] I! s'agit d'un type de situations énumérées dans 'arrét A. c. Morin, [1992] 3A.C.S. 286, ol 'appréciation de la preuve par le juge du procés peut donner lieu a une erreur de droit. Comme Ia dit le juge Sopinka a la p. 294 Si un juge du procés conclut a I'existence de tous les faits nécessaires pour tirer lune conclusion en droit et que, pour tirer cette conclusion, ces faits peuvent simplement étre tenus pour avérés, une cour dappel peut ne pas partager la conclusion tirée sans empiéter sur la fonction de recherche des faits conférée au iuge du procés. Le désaccord porte sur le droit et non sur les faits ni sur les Conclusions a tirer de ceux-ci. Le méme raisonnement s’applique si les faits sont acceptés ou incontestés, En bref, la cour d'appel n'a quia appliquer les bons principes juridiques aux conclusions de fait du juge du procés; on peut établir en toute sUreté un lien entre Verreur du juge, s'il en est, et une question de droit plutét qu'une question de pondération adéquate de la preuve.** [86] _L'appelante souligne a bon droit 'existence d'une preuve incontestée de tous les faits nécessaires pour conclure en droit (1) que Vacte illégal posé par lintimée est objectivement dangereux, (2) que sa conduite constitue un écart marqué avec celle gu'adopterait une personne raisonnablement prudente dans les mémes circonstances et (8) qu'une personne raisonnable aurait prévu le risque qu'elle faisait courir a la victime en agissant ainsi. [87] Pour illustrer son point de vue, 'appelante dresse a audition du pourvoi une liste comprenant 18 circonstances qui devraient étre tenues pour avérées et invite la Cour A en inférer la prévisibilité raisonnable de dangerosité de l’acte illégal et une conduite hors norme de la part de l'intimée 1 Lintimée n'est pas une médecin et ne I'a jamais été; 2, __Liintimée a administré de la L-Carnitine non prescrite par un médecin, ce qui est interdit par la Loi sur les aliments et les drogues; 3. Lafiole de L-Carnitine n‘indique aucune date d'expiration ou de fabrication; % Rc. Morin, [1992] 3 R.C.S. 286, p. 96. © R.c.MH., [2011] 3 RCS. 197, 2011 CSC 45. “ Id., paragr. 28 500-10-005886-153 PAGE : 24 4. Sur étiquette, il n'y avait aucune inscription quant au médecin traitant ou ‘au patient ni de DIN (drug identification number); 5, La concentration affichée sur étiquette ne représente pas la concentration reelle; 6. _Trois usages dune fiole @ usage unique sur trois patients différents. Lintimée admet qu'elle savait qu'il s'agit d'une fiole & usage unique; 7. Trois ponctions sachant quil n'y a pas d'agents préservatifs; 8. Lintimée admet n’avoir jamais suivi le cours de certification ontarien; 9. Ala suite de la réaction de a victime, l'intimée a administré a la victime du thé, du miel et du jus d orange et n'a jamais appelé les services d'urgence; 10. __Lintimée a continué @ administrer des IV aprés le décas de la victime (notamment le jour de son arrestation); 11. Sa pratique est non réglementée et elle n’a aucune obligation de formation continue; 12. _ La salle de préparation des IV ne posséde pas de hotte ou de filtre pour contréler la qualité de lair; 13. Les IV sont préparées a cété d'un évier et d'une éponge; 14. —_Liintimée ne porte pas de vétements spéciaux (sarrau) lors de la préparation et !'administration des IV; 15. ily aun tapis vieux de 10 ans dans la salle d'administration des IV et des plantes; 16. Aucune infirmiére ne travaille & sa clinique. Une secrétaire de trois mois d'expérience surveille les clients pendant la durée de la perfusion veineuse; 17, La secrétaire Trommer témoigne a l'etfet que lintimée lui a avoué n’avoir aucune idée de ce qui arrive a la victime; 18. __Lintimée admet savoir qu'elle n’avait pas le droit d’administrer des IV (admissions & la police et au pére d'un de ses patients) (88] _Ces faits peuvent étre regroupés en quatre catégories ayant trait (a) a lillégalité de la situation professionnelle et des actes de l'intimée (#1, 2, 3, 4, 8, 10, 11, 18), (b) Ala qualité et a la nature des substances administrées (#15), (c) aux mesures d'asepsie (#12, 18, 14, 15) et (d) au procédé d’injection (#6, 7, 16, 17, 18) [89] _Je souligne, dans un premier temps, que seules les catégories (a) et (d) énoncent des faits qui ne furent pas contestés au procés et que les catégories (b) et (c) ont fait 500-10-005886-153 PAGE : 25 Vobjet de preuves contradictoires et d'une appréciation au terme desquelles la juge a conclu : 1) Méme si l'intimée a déja administré des traitements similaires & 4000 ou 5 000 patients, elle sait que les lois du Québec ne lautorisent pas a poser des actes réservés aux médecins et, par exception, a certains autres professionnels de la santé dont elle ne fait pas partie. 2) _Lintimée achéte les substances injectées en Ontario et ses critéres dans le choix des fourisseurs respectent les plus hauts standards de qualité. Elle est, par ailleurs, autorisée a acheter des nutriments en Ontario oui son statut de docteure en naturopathie est reconnu. 3) Malgré certaines variantes avec les mesures préconisées par les témoins de lappelante et généralement appliquées dans les établissements hospitaliers, l'asepsie est une préoccupation constante de l'appelante qui est soucieuse d’appliquer des normes assurant la mise en place des conditions requises pour administrer les injections. Les mesures d’asepsie appliquées a sa clinique sont, en conséquence, satisfaisantes. 4) Llutilisation d'une fiole unidose a plus d'une reprise durant une méme journée n'est pas recommandée par les experts entendus qui sont toutefois conscients que cette pratique est, par souci d’économie, parfois utilisée dans certains établissements publics. La juge souligne a cet égard que Roger Matern était le troisiéme client injecté le 12 juin 2008 a partir de la fiole de L-Camitine, mais ne tire aucune autre inference de ces usages muttiples que celle de la contamination du contenu de la fiole subséquemment a la seconde injection. (90] Avant d’étre considérée aux fins de l'exercice auquel me convie lappelante, la liste des circonstances pouvant étre tenues pour avérées doit étre épurée pour en retirer les éléments contestés ou non retenus. 62.1 L'acte objectivement dangereux et la mens rea de I'homicide involontaire coupable [91] L’appelante soutient a cet égard que I'injection par voie intraveineuse constitue, quelle que soit la substance injectée, un acte objectivement dangereux au sens ou "'entend la juge McLachlin dans Creighton parce que introduction d'une solution liquide directement dans les vaisseaux sanguins d'un individu contourne son systéme digestif, la barriere naturelle le protégeant des effets nocifs des endotoxines sur rorganisme. [92] _Les conclusions factuelles servant de fondement cet argument ne sont pas contestées: (1) l'intimée n'est pas autorisée par les lois québécoises a administrer des nutriments par voie intraveineuse un étre humain, (2) lintimée a administré des 500-10-005886-153 PAGE : 26 Substances contaminées Roger Matern par voie intraveineuse, (3) les substances contaminées n’ont pas été filtrées par le systéme digestif de ce dernier, (4) lintimée n'est pas en mesure de reconnaitre les symptémes des complications prévisibles associées aux injections par voie intraveineuse ou de réagir adéquatement lorsquiils se manifestent. [93] injection par voie intraveineuse comporte pour 'étre humain des dangers inhérents, notamment en matiére diinfection causée par introduction inopinée de microbes et de bactéries dans l'organisme. [94] Ce danger raisonnablement prévisible de causer a autrui des Iésions corporelles Qui ne sont ni passageres ni sans importance n’est pas étranger au fait que ce procédé thérapeutique constitue un acte réservé par le législateur provincial 4 un groupe restreint de professionnels de la santé (1) assujettis aux régies et aux exigences strictes d'un ordre professionnel lequel est chargé de protéger le public, de sanctionner les inconduites et d'encadrer la formation professionnelle continue et (2) formés pour identifier rapidement les complications liées ces traitements et pour y remédier. Au Québec, les naturopathes ne font pas partie du groupe restreint dindividus qui sont autorisés & procéder a des injections par voie intraveineuse. [95] Bien que la juge ait, en Vespéce, retenu comme avérés tous les faits utiles pour conclure en droit que l'acte illegal posé par lintimée était objectivement dangereux, elle a fait défaut de tirer cette conclusion de droit qui s'imposait. [96] La conclusion selon laquelle il était raisonnablement prévisible que l'acte illégal de Vintimée cause a Roger Mater des Iésions corporelles qui ne sont ni passagéres ni sans importance aurait également di amener la juge a conclure, en appliquant la norme juridique appropriée, a la présence d'une preuve concluante selon laquelle une personne raisonnable placée dans la méme situation que l'intimée aurait prévu le risque de Iésions corporelles qu'elle faisait courir a la victime. [97] Force est ainsi de constater avec une certitude raisonnable que ces erreurs de droit ne sont pas inoffensives et que, n’eussent été celles-ci, le verdict aurait sans doute été différent. 6.2.2 L’écart marqué et important [98] Lappelante soutient de la méme facon I'existence d'une preuve incontestée de tous les faits utiles pour conclure, hors de tout doute raisonnable, que la conduite de l'intimée, le 12 juin 2008, constitue un écart marqué et important par rapport a celle d'une Personne raisonnablement prudente placée dans les mémes circonstances et conséquemment a une preuve hors de tout doute raisonnable de la faute requise pour commettre l'infraction de causer la mort par négligence criminelle (art. 219 et 220 C.cr.). [99] La conclusion de Ia juge a cet égard est tout autre : 500-10-005886-153 PAGE : 27 [438] Dans le cadre de l'analyse contextuello, la conduite de Mitra Javanmardi ne révéle pas un écart marqué par rapport a la norme de diligence raisonnable qu'une personne raisonnable respecterait dans la méme situation (1 [439] La poursuite n'a pas prouvé hors de tout doute raisonnable que le comportement de Mitra Javanmardi est hors norme & tous égards et constitue donc un écart marqué de comportement. [Soulignement ajouté] [100] La juge commet toutefois une erreur de droit significative relativement a la qualification de l'écart 4 la norme de diligence requis en matiére d’homicide causé par négligence criminelle. [101] La juge retient, en effet, erronément des arréts Beatty’? et Salame* que la preuve d'un écart marqué de la norme de diligence raisonnable suffit a établir '6lément mental de cette infraction alors qu’en réalité la preuve d'un écart marqué et important est nécessaire. [102] Lexigence d'un écart marqué avec le comportement d'une personne raisonnablement prudente convient bien a accusation de conduite dangereuse (art. 249(1)a) C.cr.), mais homicide commis par négligence criminelle nécessite davantage : un écart marque et important“ ou substantiel*® [103] Citant avec approbation le juge Doherty de la Cour d’appel d'Ontario dans larrét Willock, la juge Charron souligne dans Beatty : [47] __ Une facon de considérer la chose serait de dire que la mens rea subjective de l'acte consistant a créer intentionnellement un danger pour les autres usagers de la route au sens de l'art, 249 du Code criminel consiste en un « écart marqué » par rapport a la norme & laquelle on s'attendrait a voir se conformer un conducteur raisonnablement prudent. Le juge Doherty a assimilé ainsi une telle action delibérée & un écart «marqué et important» par rapport A la norme dans le contexte d'une accusation de négligence criminelle, dans A. c. Willock (2006), 21 C.C.C, (3d) 60 (C.A. Ont), ot ila dit ceci, au par. 32 [TRADUCTION] Je pense qu'on ne pourrait raisonnablement affirmer que le ‘comportement de lappelant, pendant les deux ou trois secondes en cause, Constituait un écart marqué et important par rapport au comportement auquel on siattendrait de la part d'un conducteur raisonnable, que si 'appelant avant délibérément donné un brusque coup de volant afin de faire faire une * Rc, Beatty, supra, note 19. “© Salame c. R., 2010 QCCA 64, “ RoeuJ.F., supra, note 15; R. c. Kerr, supra, note 21 * Rc. Czornobaj, 2017 QCCA 907. 500-10-005886-153 PAGE : 28 ‘embardée au véhioule, sans doute pour en mettre plein la vue & ses jeunes passagers ou pour les effrayer. S'll avait 6té possible de tire raisonnablement cette conclusion de la preuve, 'appelant aurait pu légitimement étre déclaré coupable de négligence criminelle, vu son incapacité a conserver la maitrise du véhicule avant que celui-ci franchisse la ligne médiane et entre en collision avec le véhicule circulant vers ouest. Comme je Tai indiqué, j‘estime, a la lecture de ses motifs, que le juge du proces a tiré cette conclusion. Or pour ma part, je ne pense pas que cette conclusion pouvait raisonnablement étre tirée eu égard a ensemble de la preuve."® [Soulignement ajouté] 6.3 Les caractéristiques personnelles et les expériences professionnelles de l'intimée [104] L’appelante reproche a la juge une utilisation inappropriée des caractéristiques personnelles et des expériences professionnelles de l'intimée pour apprécier existence d'un écart entre la conduite de l’intimée et celle d'une personne raisonnable placée dans la méme situation. [105] Elle cible particuliérement, a cet égard, les paragraphes 433 A 440 du jugement dont appel ot Ia juge souligne la formation universitaire en naturopathie de I'intimée ainsi que les cours suivis par cette demiere en pharmacologie, notamment ceux relatifs & Vinteraction entre les nutrients et les médicaments et aux techniques d'injection par intraveineuse. L'appelante souligne également 'accent mis par la juge sur 'expérience acquise par l'intimée depuis 1992. [106] La juge écrit A cet égard : [433] Tel que mentionné précédemment, Mitra Javanmardi a une formation universitaire en naturopathie. Sa formation comprend notamment une année sur la base de la médecine traditionnelle et un de ses stages cliniques comprend administration d'lV. Toutes les techniques sont enseignées. [434] Elle a suivi un cours de trois jours en Ontario sur IV. Cette province réglemente la naturopathie. De plus, elle a suivi trois cours en pharmacologie et tun cours sur I'interaction des nutriments et de la médication. [435] Puisque la naturopathic n'est pas réglementée au Québec, Mitra Javanmardi décide d'exercer sa profession en respectant les ragiements en vigueur dans une des provinces qui réglemente la profession de naturopathie. [436] Mitra Javanmardi a injecté & Roger Matern du L.Carnitine. Pour ce faire, Mitra Javanmardi a mis en application les connaissances recues de son enseignement universitaire et l'expérience acquise depuis 1985. “© Rc. Beatty, supra, note 19, 500-10-005886-153 PAGE: [437] _ Plus particuliérement depuis 1992, elle administre des IV a dix patients par semaine. Malheureusement, la fiole contenait du Pantoea et Roger Matern est décéde. [438] Dans le cadre de analyse contextuelle, la conduite de Mitra Javanmardi Ne revéle pas un écart marqué par rapport a la norme de diligence raisonnable qu'une personne raisonnable respecterait dans une méme situation. [439] En considérant la preuve présentée, la conduite et le comportement de Mitra Javanmardi, le tribunal n’est pas convaincu, hors de tout doute raisonnable, que Ia personne raisonnable, dans les circonstances, aurait 616 consciente du risque et du danger inhérent & son comportement. [440] La poursuite n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable que le comportement de Mitra Javanmardi est hors norme & tous les égards et constitue donc un écart marqué de comportement. 29 [107] La juge McLachlin précise dans Varrét Creighton qu’a l'exception de l'incapacité d'apprécier le risque ou de lincapacité a’ viter de le créer, les qualités personnelles que sont l'expérience ou le niveau d'instruction ne sont pas pertinentes a l'application du critére objectif modifié : Pour résumer, les prémisses fondamentales sur lesquelles repose notre droit criminel commandent que les caractéristiques personnelles qui ne se rapportent Pas directement un élément de Infraction ne servent d’excuses que si elles établissent lincapacité, que ce soit incapacité a comprendre la nature et la qualité de sa conduite dans le contexte de crimes intentionnels, ou celle a apprécier le risque que comporte sa conduite dans le cas de crimes d'homicide involontaire coupable ou de négligence pénale. C'est tout ce qu'exige le principe suivant lequel les personnes moralement innocentes ne doivent pas étre déclarées coupables d'une infraction.” [108] En matiére de négligence criminelle, un tribunal doit, pour conclure a la présence de I'état d'esprit blamable (que le comportement dangereux constitue un écart marqué et important par rapport a la norme de diligence raisonnable), considérer l'ensemble de la preuve, comprenant |'état d’esprit véritable de l’accusé, si une telle preuve existe. La juge Charron précise, a cet égard, dans Beatty [49] _ Si le comportement ne constitue pas un écart marqué par rapport a la Rorme que respecterait un conducteur raisonnablement prudent, il n'est pas nécessaire de poursuivre analyse. Linfraction n’aura pas été établie. En revanche, si le juge des faits est convaincu, hors de tout doute raisonnable, que la Conduite objectivement dangereuse constitue un écart marqué par rapport a la orme, il devra considérer la preuve relative a l'état d'esprit veritable de laccusé — si une telle preuve a été présentée — pour déterminer si elle permet de douter raisonnablement qu'une personne raisonnable, placée dans la méme situation que Ac. Creighton, supra, note 10, p. 65. 500-10-005886-153 PAGE : 30 Faccusé, aurait été consciente du risque oréé par ce comportement. En absence une telle preuve, le tribunal pourra déclarer I'accusé coupable.“® [109] C'est donc dire que l'appréciation de !’élément mental d'une infraction de négligence ne se tranche pas dans un vide factuel. L’obligation de diligence se particularise dans les faits par la nature de lactivité et les circonstances dans lesquelles elle s'exerce. [110] Dans une affaire ot de l'alcool (arak), fabriqué de fagon artisanale, est servi a des convives parmi lesquels plusieurs seront sévérement intoxiqués et I'un d’entre eux qui en décédera, le juge Gendreau écrit relativement a la nature particuliére de l'activité et les circonstances de son exercice dans le cadre de la détermination de l'état d'esprit coupable : [51] __ Comme la juge Charron le fait remarquer dans l'arrét Beatty, « Pétat mental de Vaccusé est pertinent dans une affaire criminelle » et elle ajoute : « il faut modifier le critére objectif pour accorder a 'accusé le principe du doute raisonnable relatif & la question de savoir si une personne raisonnable aurait apprécié le risque ou encore aurait pu faire quelque chose pour éviter de créer le danger et /aurait fait ». En espace, jestime, avec égards pour son opinion, que le juge de premiére instance n’a pas proprement pris en compte la mens rea. Certes, mentionne-t-il que Salame n'a pas voulu le résultat obtenu ni non plus « cherché a nuire a ces, gens », mais il n’a pas considéré ni surtout apprécié ce constat et les autres éléments relatifs a l'état mental de 'accusé avant de se former une opinion sur la faute criminelle. [52] Une personne raisonnable placée dans des circonstances identiques, aurait-elle pu étre consciente du risque créé par cette fabrication de l'arak? A mon avis, la preuve, telle qu'elle est présentée, permet d’en douter trés sérieusement. La description de l'état d'esprit de accusé au jugement entrepris démontre que celui-ci avait la certitude que sa conduite ne mettait pas en danger sa propre santé ni celle de ses proches ou du public. Cela découle de trois faits non contredits. Diabord, ila toujours suivi le méme procédé de fabrication que celui que lui avaient enseigné des personnes auxquelles jl_avait_des motifs suffisants d'accorder confiance. Deuxiémement, il a chaque fois goiité son produit et en a servi a ses proches et personne ne fut incommodé, au contraire. Troisiémement, l'expérience de sa ou ses premiéres fabrications (il n'est pas clair sila fabriqué sa boisson deux ou trois fois) _ne_pouvait_que le_conforter_dans sa conviction _d'agir correctement et de fournir une boisson saine en décembre 1990. Amon sens, une Personne placée dans un tel contexte peut avoir la conviction objective raisonnable dlagir sans mettre en danger la sécurité d'autrui méme si les contenants affichaient Un pictogramme démontrant le danger de l'alcool de bois. Je note ici que Salame n'a pas été interrogé sur la présence de ce pictogramme sur les contenants d'alcool “Rc. Beatty, supra, note 19, paragr. 49. 500-10-005886-153 PAGE : 31 (53]__ Le juge distingue la production de l'arak a des fins strictement domestiques de celui vendu un ami et considére la vente d'un alcool de fabrication artisanale un élément important de la qualification de la conduite de 'accusé comme un écart marqué de comportement. A mon sens, la négligence criminelle, dans notre affaire, est en relation avec le fait de servir une eau-de-vie dangereuse que lon sait ou devrait savoir 'étre. L'identité proprement dite de celui ou celle a qui on sert le produit est sans pertinence : infraction sera commise que la victime soit un membre de la famille ou un tiers. [54] _ En somme, la conduite de George Salame a été imprudente et négligente, Mais elle ne constitue pas un écart marqué par rapport a celle d'une personne raisonnable placée dans les mémes conditions que celles dans lesquelles il se trouvait en décembre 1990 et, a mon avis, élément moral nécessaire & tout acte criminel est ici absent. [Soulignement ajouté] [111] llestmanifeste, en l'espéce, que la conclusion de la juge relative a absence d'une Preuve hors de tout doute raisonnable d'un « écart marqué » par rapport a la norme de prudence que respecterait une personne raisonnable dans les mémes circonstances considére de facon significative et inappropriée la formation de lintimée [112] Le texte des paragraphes 433 A 440 du jugement est, a mon avis, le reflet de la place prépondérante qu'accorde la juge a ce volet de la preuve au moment de conclure a l'nsuffisance de la preuve relative a élément mental de l'infraction d’avoir causé la mort par négligence criminelle [113] La situation est, & mon avis, quelque peu différente en ce qui concerne la prise en compte des injections que l'intimée administre a ses clients depuis 1992 qui, comme le souligne le juge Gendreau dans Salame au sujet des préparations antérieures de larak, se rattache essentiellement a la nature de l'activité, aux circonstances dans lesquelles elle s'exerce de méme qu’a l'état d’esprit véritable de 'accusé. (114] Cela dit, la considération de la formation académique de lintimée dans ce contexte Constitue certes une erreur de droit qui permet de croire avec une certitude raisonnable que la conclusion retenue aurait été différente sans cette erreur et si la norme juridique adéquate et plus exigeante avait été appliquée: [115] L’appréciation de existence d'un écart marqué par rapport & la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans la méme situation nécessite d’étre abordée en posant deux questions : [...] La premiére est de savoir si, compte tenu de tous les éléments de preuve Pertinents, une personne raisonnable aurait prévu le risque et pris les mesures Pour l'éviter si possible. Le cas échéant, la deuxiéme question et de savoir si “© Salame c. R., supra, note 4, paragr. 51-54 500-10-005886-153 PAGE : 32 omission de l'accusé de prévoir le risque et de prendre les mesures pour Iéviter si possible constitue un écart marqué par rapport a la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la méme situation que 'accusé. [116] Ine fait pas de doute dans mon esprit que la preuve des faits incontestés établit qu'une personne raisonnable aurait prévu le risque qu'un comportement similaire a celui de l'intimée faisait subir a la victime et aurait agi de facon différente afin de l’éviter. [117] Liomission de lintimée constitue dans ce contexte un écart marqué de conduite Par rapport a celle qu’adopterait une personne raisonnablement prudente dans la méme situation [118] Or, il ressort du jugement dont appel que la juge n’a pas procédé A un examen en Profondeur de la question de savoir dans quelle mesure lintimée s'est écartée de la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans la méme situation, [119] En réalité, "absence d'une telle analyse résulte essentiellement de la conclusion erronée voulant que le comportement de lintimée n’ait pas été objectivement dangereux. [120] Or, non seulement la conduite de I'intimée est-elle objectivement dangereuse, mais les faits incontestés établissent, selon le standard requis en matiére criminelle, que celle-ci s'écarte de facon marquée de celle d'un naturopathe normalement prudent qui, placé dans les mémes circonstances, n’aurait pas ~ _injecté, sans la prescription médicale exigée, un produit par voie intraveineuse a son client, mais aurait plutét procédé a l'administration de substances autorisées par voie buccale conformément aux dispositions de la Loi médicale québécoise; ~ puisé a trois reprises dans une fiole unidose, un produit injecté par la suite & trois clients différents; ~ dérogé @ son protocole thérapeutique normal plutét que de s'en écarter en succombant a l'insistance d'un patient qu’elle voyait pour la premiére fois; - _confié & un membre non formé de son personnel administratif la surveillance du client durant un tel traitement; - recommandé a un patient, présentant des réactions inquiétantes dans les minutes suivant le début du traitement (chaleurs subites suivies de grelottements, état confus, comportement erratique, vorissements et faiblesse généralisée), d'ingurgiter du thé, du miel ou un jus sucré ou encore de lui faire un massage; Re. Roy, supra, note 16, paragr. 36. 500-10-005886-153 PAGE : 33 - _ omis, en présence de symptémes inconnus d’elle, de diriger son client vers les ‘soins d'un médecin; - fait défaut, lorsque prévenue quelques heures plus tard que I'état de son patient s'aggravait, de recommander qu'il soit transporté dans un établissement hospitalier. [121] Il faut _dés lors conclure que la juge a erré en ne retenant pas, a partir des conclusions factuelles incontestées, que la conduite de l'intimée est blémable, qu'elle franchit les limites de la négligence civile et qu'elle satisfait aux critéres de la négligence pénale. [122] Comme je le soulignais précédemment, si le critére de 'écart marqué par rapport la norme de la personne raisonnable suffit 4 homicide involontaire coupable commis ‘au moyen d'une infraction statutaire de responsabilité stricte, 'homicide commis par négligence criminelle (art. 219 et 220 C.cr.) exige la preuve, hors de tout doute raisonnable, d'un écart marqué et important. {123] Ce qui distingue « l'écart marqué » de « 'écart marqué et important » dépend du degré de négligence qui caractérise le comportement en cause. Cette détermination est tributaire de la preuve du contexte dans lequel 'actus reus survient. [124] Parfois, la qualification de lécart peut émerger des conclusions factuelles incontestées, mais ce n'est pas nécessairement toujours le cas. Celle-ci nécessite généralement une appréciation globale de la preuve comprenant a la fois les faits contestés et incontestés. La juge Charron écrit 4 cet égard dans Beatty [...] Dans son appréciation, le juge des faits doit étre convaincu, a la lumiére de ensemble de la preuve, y compris la preuve relative a l'état esprit veritable de Vaccusé, si une telle preuve existe, que le comportement en cause constituait un écart marqué par rapport a la norme de diligence raisonnable que respecterait une personne raisonnable dans la méme situation que l'accusé. En outre, si 'accusé offre une explication, il faut alors, pour quil y ait déclaration de culpabilité, que le juge des faits soit convaincu qu'une personne raisonnable dans des circonstances analogues aurait di étre consciente du risque et du danger inhérents au comportement de l'accusé.®" [125] En l'espéce, la preuve des faits incontestés permet certes de conclure a un degré de négligence constituant un écart marqué par rapport @ la norme, mais la faute requise Pour commettre un homicide coupable par négligence criminelle ('écart marqué et important) nécessite, en 'espéce, un examen approfondi de l'ensemble de la preuve en fonction de la norme juridique appropriée. Une telle analyse reléve du juge des faits et est ici absente. 5! Re. Beatty, supra, note 19, paragr. 43 500-10-005886-153 PAGE : 34 [126] I! s'agit lA d'une question mixte de droit et de fait pour laquelle l'appelante n'a pas le droit d’appeler et que la Cour ne saurait dans ce contexte trancher. 7. LES MOYENS SOULEVES PAR L'INTIMEE [127] En plus de contester |'effet déterminant de tous les moyens de lappelante, Vintimée soutient que des erreurs commises par la juge sont significatives et justifient 2 elles seules de ne pas infirmer les verdicts d’acquittement. Elle cible ainsi (1) admission erronée en preuve des résultats d’analyse du contenu des quatre fioles saisies, (2) absence de considération du témoignage de l'experte en pathologie judiciaire Annie ‘Sauvageau et (3) application d'une norme juridique erronée a la cause du déces. Ces trois erreurs minent, a son avis, de fagon irrémédiable le raisonnement et la conclusion de la juge relatifs & la cause du décés de Roger Matern, un élément essentiel aux deux accusations portées. Si elle a raison a cet égard, aucune des deux accusations n’est fondée. [128] Tel que souligné précédemment, elle requiert également une déclaration selon laquelle les dispositions du Code criminel, dont se sert le ministére public pour lincriminer, violent les articles 6, 7 et 15 de la Charte et lui sont inapplicables. 7.1 Le lien causal entre la conduite reprochée et le décés 7.1.1 Le rejet d'une requéte en exclusion de la preuve [129] La juge a rejeté la requéte de l'intimée qui avait pour objectif d’exclure les résultats des analyses faites sur le contenu des quatre fioles desquelles furent puisés les nutriments administrés & Roger Matern le 12 juin 2008. Elle conclut que cette preuve est pertinente pour établir la cause du décés et que sa valeur probante surpasse le préjudice causé a I'intimée. [130] L'intimée remet en question la fiabilité des résultats de I'analyse aux motifs que (1) les policiers qui ont saisi les 4 fioles n’ont pas pris les précautions élémentaires pour prévenir la contamination de leur contenu, (2) les fioles n’ont pas été conservées adéquatement et (3) les analyses des substances ont été faites 13 jours aprés la saisie, une période durant laquelle les bactéries ont continué de se multiplier. [131] Elle soutient, en conséquence, limpossibilité de savoir si le contenu des fioles a 616 contaminé avant ou aprés l'injection administrée a Roger Matem et, conséquemment, A une valeur probante trés faible des résultats d’analyse et & un préjudice important que subit ntimée en raison de leur admission en preuve au procés [132] Lorsque l'admissibilité d'un élément de preuve pertinent dépend d'une mise en balance entre la valeur probante et le préjudice subi, les cours d'appel doivent accorder 500-10-005886-153 PAGE : 35 de la déférence aux conclusions du juge d'instance dans la mesure oui celles-ci sont raisonnables® [133] La pertinence des résultats de l'analyse et de expertise en infectiologie est, en Vespéce, manifeste. Par ailleurs, l'intimée ne démontre pas que les conclusions de la juge, selon lesquelles la procédure de saisie et de conservation des fioles n'a pas compromis la fiabilité des résultats (qui ont, en conséquence, une grande valeur probante qui surpasse le préjudice subi), sont porteuses d'une erreur manifeste et déterminante ou qu'elles sont déraisonnables. [134] La Cour doit donc s'abstenir d'intervenir a cet égard. 7.1.2. Le témoignage d’Annie Sauvageau (experte en pathologie judiciaire) [135] Lintimée prétend a ce sujet que, contrairement aux enseignements des arréts Morin’ et J.M.H.%, la juge a omis de prendre en compte ce témoignage d’expert portant sur la cause du décas, un élément de preuve qui se rapporte a la question ultime de sa culpabilité ou de son innocence. [136] Elle a tort. La juge consacre, en effet, les paragraphes 317 a 325 et 394 du jugement entrepris & resumer le témoignage d’Annie Sauvageau et & énoncer la these de cette demiére selon laquelle la cause du décés de Roger Matern demeure indéterminée, mais qu'il est probable que la maladie sévére, dont ce dernier souffrait, ait entrainé son déces. [137] La juge écarte toutefois cette opinion et retient plutét que Roger Matern est décédé des suites d'un choc endotoxique provoqué par injection d'une substance contaminée par le Pantoea [138] La preuve relative a la cause du décés est, en 'espéce, contradictoire. Mais contrairement ce que soutient lintimée, la juge n’a pas oblitéré opinion de la D® Sauvageau, mais a plutét conclu que celle-ci n'était pas suffisamment fiable et crédible Pour susciter dans son esprit un doute raisonnable quant a la cause du décés de la victime. Cette détermination est au coeur de lexpertise du juge d'instance qui a Fopportunité de voir et d'entendre les témoins. {139] La Cour n’intervient pour réviser l'appréciation de la preuve faite par le juge du proces que si elle est en présence d'une erreur manifeste et déterminante que I'intimée fait détaut de pointer du doigt ici. SR. c, Shearing, [2002] 3 R.C.S. 33, 2002 CSC 58, paragr. 73; R. c. Oickle, [2000] 2 R.C.S. 3, 2000 CSC 98, paragr. 22; Béland c. R., 2017 ACCA 1405, paragr. 25. Voir également Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 23° éd., Montréal, Yvon Blais, 2016, ‘n° 2297, p. 1365, 88 Rc. Monn, supra, note 38. 5! Rc. MH, supra, note 40. 500-10-005886-153 PAGE : 36 [140] L'intimée souléve également I'nsuffisance des motifs du jugement a cet égard en ce que la juge n’a fourni aucune explication pour écarter le témoignage de lexperte Sauvageau. Or, les termes du jugement sont sans équivoque. La juge a retenu les opinions des médecins Brissette, Marchand, Dagenais et Liskowski, White et Racine qu'elle estime crédibles, mais a écarté ceux des docteurs Becker (qu'elle juge non crédible) et Sauvageau. A mon avis, elle n’avait pas & faire plus. [141] Jestime, en conséquence, que les motifs relatifs a l'appréciation de la cause du décés ne sont pas déficients, car ils démontrent de fagon générale et manifeste que lorsque la preuve d’expert de rappelante et celle de lintimée se contredisaient, la juge a retenu celle de l'appelante®. 7.1.3. L'application d'une norme juridique erronée [142] L'intimée soutient, en outre, que la juge a apprécié la preuve de la cause du décés en fonction d'une norme juridique inappropriée : la balance des probabilités. {143] L’argument tire sa source du paragraphe 375 du jugement dont appel ot la juge crit « quill est plausible que le 12 juin 2008, le L-Camitine contenait du Pantoea en quantité suffisante pour causer le déc&s de Roger Matern ». La formulation et la présentation de cette assertion par l'intimée ont toutefois pour effet d'isoler ces propos de ceux tenus aux paragraphes 395, 396 et 431 du méme jugement dans lesquels la juge précise [395] La preuve révéle hors de tout doute raisonnable que Roger Matern est décédé des suites d'un choc endotoxique. [396] Pour tous ces motifs le tribunal conclut que Roger Matern est décédé des suites d'un choc endotoxique provoqué par |'njection d'une substance contaminée soit le L-Carnitine contaminée par le Pantoea, administré par Mitra Javanmardi Ll [431] Roger Matern est décédé des suites d'un choc endotoxique aprés linjection administrée par Mitra Javanmardi (...) {Soulignement ajouté] [144] Examinés contextuellement, ces paragraphes permettent de dissiper impression que suggére une analyse hors contexte du paragraphe 375 et de conclure raisonnablement que la juge a clairement résolu la question relative a la cause du décés de Roger Matern et celle du nécessaire lien causal en fonction du standard de preuve applicable en droit criminel canadien. Ac. Vuradin, [2013] 2 R.C .S. 639, 2013 CSC 38, paragr. 13. 500-10-005886-153 PAGE : 37 [145] La juge ajoute aux paragraphes 451 et 452 du jugement [451] En considérant soit chacun des cing actes qualifiés dillégaux par la Poursuite, soit leffet combiné de ceux-ci, la poursuite n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable quills ont provoqué le décés de Roger Matern [452] Ce volet qui a été traité dans l'analyse de la négligence criminelle S'applique aussi ce chapitre. Suivant la preuve et l'analyse faite précédemment sur ce volet, le tribunal artive a la méme conclusion, soit que la poursuite n’a pas présenté une preuve hors de tout doute raisonnable. [146] L'appelante est d'opinion que les paragraphes 451 et 452 référent a la causalité juridique au sens des arréts Nette®S, Maybin’” et Kippax™ et les paragraphes 395 et 396 (cités plus t6t) a la causalité factuelle [147] Je ne partage pas cette vision des choses méme si, comme lappelante, je suis davis que la contradiction qui semble émerger d'une lecture hors contexte de ces cing paragraphes n’est qu’apparente et ne contient pas d'erreur révisable. [148] Le juge Watt est sans doute celui qui définit le mieux la nature du lien causal et la distinction entre la causalité factuelle et juridique. Aprés avoir revu la jurisprudence pertinente a cet égard, il écrit dans Kippax [21] To determine whether a person can be held responsible for causing a Particular result, in this case death or bodily harm, we must determine whether the Person caused that result not only in fact but also in law: R. v. Nette, 2001 SCC 78 (CanLl), [2001] 3 S.C.R. 488, at para. 44. {22] Factual causation involves an inquiry about how the victim died or suffered bodily harm, in a medical, mechanical or physical sense, and an accused's contribution to that result : Netfe, at para. 44. [23] Factual causation involves a determination of whether A caused 8. The answer to the question of whether A caused B is resolved in a criminal case by the evidence of witnesses, those who testify about facts and others who offer relevant opinions : R. v. Smithers, 1977 CanLil 7 (SCC), [1978] 1 S.C.R. 506, at 518. The factual determination of whether A caused B has nothing to do with intention, foresight or risk: Smithers, at p, 518, [24] To prove factual causation, the Crown does not have proved that an accused's conduct was either the direct or predominant contributing cause of the prohibited consequence, whether death or bodily harm. It is no defence for an accused to say that the conduct of another was a greater or more substantial cause SA c. Nette, [2001] 3 R.C.S. 488, 2001 CSC 78. 5 Rc. Maybin, [2012] 2 R.C.S. 30, 2012 CSC 24 Ac. Kippax, 2011 ONCA 766, demande autorisation d'appel a la Cour supréme rejetée, 6 septembre 2012, n° 34696. 500-10-005886-153 PAGE : 38 of the death or injuries. The Crown need only prove that an accused's conduct was a significant contributing cause of the death or injuries or, said another way, that the accused's conduct was “at least a contributing cause... outside the de minimis range": Smithers, at p. 519; Nette, at paras. 70-71; and R. v. Hugues, 2011 BCCA 220 (CanLll) 305 B.C.A.C. 112, at paras. 56 and 64. [25] Factual causation, as the term itself would indicate, is a question of fact, Teviewable only in accordance with a standard of palpable and overriding error Hugues, at para. 65; and A. v. Shepherd, 2009 SCC 35 (CanL!), [2009] 2 §.C.R. 527, at para. 18. [26] Legal causation, on the other hand, has to do with whether an accused should be held responsible in law for a prohibited consequence of his or her Conduct, for example, death or bodily harm: Nette, at para. 45. In legal causation, the inquiry is directed at the question or whether an accused should be held criminally responsible for the consequences that occurred: Nette, at para. 45; A. v. Shilon (2006), 2006 CanLII 41280 (ONCA), 240 C.C.C. (3d) 401 (Ont. C.A.), at Para. 32. In the analysis of legal causation in negligence-based offences, like dangerous driving, reasonable foreseeability of harm is a relevant consideration Shilon, at para. 33, [27] Conduct that is inherently dangerous and carries with it a reasonably foreseeable risk of immediate and substantial harm satisfies the standard required for legal causation: Shilon, at para. 38. Where the conduct of another is a reasonably foreseeable consequence of the conduct of an accused, the accused may be liable as a principal for the conduct of that other person: Shilon, at para. 54. A person may be liable as a principal if she or he actually does or contributes to the actus reus with the required mens rea: Hugues, at para. 77. [Soulignements ajoutés] [149] La distinction entre la cause factuelle et la cause juridique n’allége cependant en rien le fardeau de lappelante qui doit établir, hors de tout doute raisonnable, que la Conduite (Vacte illégal objectivement dangereux ou un comportement faisant montre d'une insouciance téméraire et déréglée pour la vie d'autrui) a causé le décés. [150] Les paragraphes du jugement entrepris dans lequel la juge affirme que l'appelante N’a pas démontré, hors de tout doute raisonnable, que les actes illégaux de lintimée ont Provoqué le décés de Roger Matern ne remettent pas en cause, a mon avis, le lien causal entre la conduite reprochée et le résultat fatal, mais constituent plutot un constat beaucoup plus général quant a linsuffisance des éléments tendant a établir la culpabilité de l'intimée, [151] Il ressort clairement d'un examen de l'ensemble du jugement dont appel que Vappelante s'est adéquatement affranchie du fardeau de démontrer, hors de tout doute raisonnable, que Roger Matern est décédé des suites d'un choc septique causé par Id, paragr. 21 & 27. 500-10-005886-153 PAGE : 39 Vinjection d'une substance contaminée par le Pantoea que lui a administré 'intimée le 12 juin 2008. Cette conclusion satisfait a la norme juridique applicable et est étayée par la preuve [152] L'argument de lintimée a cet égard est infondé. 7.2 Inopérabilité des articles 234, 236 et 220(b) C.cr. [153] Lintimée prétend que les articles 2206), 234 et 236 C.cr., qui servent de fondement aux deux accusations qui Iui sont reprochées, doivent étre déclarés inopérants car ils contreviennent aux droits que lui garantissent les articles 6, 7 et 15 de la Charte. Lacte qui est contraire a la loi au Québec et qui ne lest pas s'il est perpétré dans une autre province ne saurait, a son avis, constituer l'acte illégal sous-jacent 4 un homicide coupable sans enfreindre le droit 4 'égalité garanti par Varticle 15 de la Charte. Elle ajoute que faire de chaque manquement a la loi un acte illégal susceptible d'étre sous-jacent & fa perpétration d'un homicide contrevient au principe de justice fondamentale prévoyant la nécessité d'un état d'esprit blamable pour étre déclaré coupable d'une infraction criminelle. (154] Pour la mise en cause, I'intimée remet en question les choix Iégitimes faits par le légistateur québécois a l'intérieur de son champ de compétence. Méme sil ressort que la pratique de la naturopathie varie d'une province a l'autre en fonction des choix politiques et sociaux des législatures provinciales, rien n’établit de facon concluante qu’en date du 12 juin 2008, l'une des provinces canadiennes avait légalisé 'administration d'injection par voie intraveineuse par un naturopathe. [155] La mise en cause ajoute que, contrairement a ce que prétend I'intimée, la jurisprudence canadienne reconnait que les différences dans l'application d'une Ioi fédérale ne constituent pas une atteinte a larticle 15 de la Charte. Bien que l'article 6 de la Charte garantisse le droit de tout citoyen d’exercer son métier dans la province de son choix, celui-ci demeure assujetti aux mémes contraintes légales que les autres résidents de la province. La mise en cause signale, en outre, que rien ne démontre, en I'espéce, de violation des principes de justice fondamentale. [156] Compte tenu des verdicts d’acquittement rendus sur les deux chefs d'accusation, la juge s'est prévalue de la réserve judiciaire® et n’a pas tranché la question constitutionnelle soulevée par lintimée. [157] Je suis d'avis que la demande de déclaration d'inconstitutionnalité formulée par Tintimée ne peut étre accueillie et voici pourquoi. Philips c. Nouvelle-Ecosse (Commission d’enquéte sur la tragédie de la mine Westray). [1995] 2 A.C.S. 97 500-10-005886-153 PAGE : 40 [158] Dans larrét Turpin, citant avec approbation les propos du juge Mcintyre dans larrét Andrews®’, la Cour supréme souligne que le caractére discriminatoire d'une norme doit s'évaluer en fonction des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe : Jaffirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatits des caractéristiques. Personnelles d'un individu ou d'un groupe diindividus, qui a pour effet dimposer a cet individu ou ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés & dautres ou d'empécher ou de restreindre l'accés aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts a d'autres membres de la société. © [159] Puisque le lieu du domicile d'une personne ou lendroit ol elle pratique une activité ne constitue pas une caractéristique personnelle, ni l'un ni l'autre ne peut constituer un motif analogue de discrimination au sens de l'art. 15 de la Charte®. N’étant pas une caractéristique immuable, le statut professionnel doit étre considéré de la méme acon [160] Le paragraphe 6(2) de la Charte prévoit que tout citoyen canadien ou résident permanent peut s’établir dans la province de son choix ou, sans y résider, travailler dans la province qu'il choisit. Cette disposition ne crée toutefois pas de droit distinct au travail®, mais garantit plutat un droit a la libre circulation dont le détenteur demeure, bien entendu, assujetti aux mémes conditions et exigences que les autres résidents de la province choisie. De plus, rien n’interdit « une mesure législative qui réglemente un type particulier activité économique », en autant que leffet d'une telle mesure ne prive pas un citoyen canadien de son droit fondamental de gagner sa vie ot il le souhaite®, [161] C'est ainsi que la Cour supréme a jugé constitutionnelle l'obligation d’étre membre dune association professionnelle pour exercer le métier de comptable”. {162} Au Canada, il existe un principe de justice fondamentale garanti par l'article 7 de la Charte, lequel empéche quiconque d’étre reconnu coupable d'une infraction criminelle sans la présence d'un état mental coupable : 78. appelant a fait valoir que la rgle énoncée dans I'arrét Leary transforme Vinfraction d'agression sexuelle causant des Iésions corporelles en crime de responsabilité absolue, en ce sens que le ministére public est dispensé d/avoir & prouver Intention requise pour quill y ait perpétration de I'infraction. II prétend donc. © Andrews c. Law Society of British Columbia, (1989] 1 F.C.S. 143, p. 174. © Rc, Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296, p. 1331, © Siemens c. Manitoba (Procureur général), [2003] 1 R.C.S. 6, 2003 CSC 8, paragr. 48: Droit de la famille — 139, 2013 QCCA 18, paragr. 59: Soucy c. Québec (Procureur général), 2007 QGCA 1482, paragr. 28. Une exception existe pour la qualité de membre hors réserve dune bande indienne : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), {1999} 2 R.C.S. 203, paragr. 6 et 10. ° Baier c. Alberta, [2007] 2 A.C.S. 673, 2007 CSC 31, paragr. 65; Delisle c. Canada (Sous-procureur général), (1999] 2 R.C.S. 989, paragr. 44. &= Law society of Upper Canada c. Skapinker, (1984] 1 R.C.S. 367, paragr. 33. © Office canaaien de commercialisation des oeuts c. Richardson, {1998] 3 P.C.S. 187, paragr. 60-61 © Walker c. iie-du-Prince-Edouard, [1995] 2 R.C.S. 407. 500-10-005886-153 PAGE : 41 que larrét Leary va a 'encontre de tart. 7 et de Val, 114) de la Charte. Dans le Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., [1985] 2 R.C.S. 486, et dans larrét A. c. Vaillancourt, [1987] 2 A.C.S. 636, il a été jugé que l'exigence d'un certain état ‘Mental minimal comme condition de la responsabilité criminelle est un principe de justice fondamentale, Un des éléments des infractions criminelles doit en régle générale étre lexigence d'un état mental coupable. Ceux qui sont moralement innocents ne devraient pas se voir déclarer coupables. On dit que la régle énoncée dans l'arrét Leary viole ce principe fondamental. A mon avis, cette régle ne va manifestement pas a lencontre de ce principe essentiel du droit criminel; au contraire, elle ltaye. II s'agit d'une régle qui reconnait que les accusés qui ont volontairement consommé des stupéfiants ou de alcool, se privant ainsi de la aifrise de soi, ce qui méne a la perpétration d'un crime, loin détre moralement innocents, sont en fait coupables en droit criminel. Quoique la ragle ne permette as de tenir compte de intoxication volontaire dans le cas d'infractions dintention générale, elle reconnait néanmoins que cela peut représenter un facteur pertinent légard des infractions généralement plus graves pour lesquelles la mens rea doit comprendre non seulement 'accomplissement intentionnel de actus reus, mais aussi l'existence d'autres motifs et desseins. La régle ne nuit donc a la sécurité de la personne qu’en conformité avec des principes solides et d'une maniere qui ne dépasse pas les limites établies du processus légal. Pour ces raisons, je suis d'avis quil n'y a pas de violation de la Charte.®* {(Soulignement ajouté] [163] En matiére dhomicide coupable commis au moyen d'un acte illégal ou par négligence criminelle, cet état mental se traduit par un écart marqué ou un écart marqué et important avec la norme d'une personne raisonnable placée dans les mémes circonstances®, sans qu'il soit nécessaire de démontrer qu'un accusé a intention que se réalisent les conséquences liées au comportement objectivement dangereux”. L'homicide involontaire coupable nécessite, a cet égard, la prévisibilité objective de lesions corporelles qui ne sont ni passagéres ni sans importance. [164] Enfin, comme je le soulignais plus tot, I'< acte illégal » visé par l'alinéa 222(6)a) C.cr. peut résulter d'une contravention a une disposition d'une loi ou a une réglementation fédérale ou provinciale’’, pourvu qu'il ne s'agisse pas dune infraction de responsabilité absolue, qu'elle soit constitutionnelle et objectivement dangereuse : Selon une bonne interprétation de l'art. 269 du Code, la notion diacte illégal tel quelle est utilisée dans cette disposition ne vise que les infractions fédérales ou provinciales. Nentrent pas dans cette catégorie générale diinfractions celles qui sont fondées sur la responsabilité absolue et qui, en soi, comportent des éléments moraux insuffisants sur le plan constitutionnel. En outre, le terme «illégalement», tel quiemployé dans cet article, exige un acte qui est au moins objectivement ° Ac, Bernard, [1988] 2 A.C.S. 833. © Rc. Beatty, supra, note 19, 2008 CSC 5, paragr. 43 © Rc. DeSousa, [1992] 2 R.C.S. 944, p. 967. " Id.,p, 956. 500-10-005886-153 PAGE : 42 dangereux. Ainsi interprété, l'art. 269 est conforme aux exigences de lart, 7 de la Charte. Faute datteinte a art. 7, iln'y a pas de violation de lal. 11d). Je suis davis, de répondre aux questions constitutionnelles de la maniére suivante : [..)"® [Soulignement ajouté} [165] J'estime que la question soulevée par I'intimée est ici théorique. En date du 12 juin 2008, I'administration diinjections intraveineuses par des naturopathes était illégale & "échelle du pays’. Cela étant, argument de l'intimée, selon lequel article 31 de la Loi médicale ne devrait constituer l'acte illegal sous-jacent un homicide coupable afin de s'assurer que le Code criminel s'applique uniformément partout au Canada, ne peut étre retenu. [166] J’estime donc que le présent litige ne met pas en jeu le droit a l’égalité devant la loi prévu a art. 15 de la Charte puisque les motifs de discrimination invoqués, soit le lieu de résidence et le statut professionnel, ne constituent pas des caractéristiques personnelles et, de fait, ne peuvent étre considérés comme des motifs analogues de discrimination. [167] De plus, absence d'une réglementation de la naturopathie au Québec, combinée existence d une réglementation régissant la majorité des professionnels de la santé, Naffectent en rien la liberté de circulation de lintimée. Plus précisément, le Code des professions et la Loi médicale sont des lois provinciales qui réglementent une sphére Particuliére activité économique, en respect des limites constitutionnelles des legislatures provinciales”. En choisissant de s'établir et de gagner sa vie au Québec, Tintimée a également fait le choix de respecter les lois applicables dans cette province’®. (168] Je suis, en outre, davis que l'intimée fait fausse route lorsqu’elle déclare quill serait contraire a l'art. 7 de la Charte d'assimiler chaque violation une loi ou un réglement a un « acte illégal » au sens de l'alinéa 222(5)a) du Code criminel, car la mens rea serait alors insuffisante”® 7 Id, p. 968. 7 Ala date de Finjection itigieuse, aucune province n’avait Iegalisé 'administration d'injection par voie intraveineuse par les naturopathes. En Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, les regiements ‘autorisant ce traitement n'étaient pas encore en vigueur. Au Manitoba et en Saskatchewan, la loi ne prévoit pas ce droit pour les naturopathes. En Nouvelle-Eoosse, la Naturopathic Doctor's Act rest entrée en vigueur que le 2 juilet 2008. Pour ce qui est du Nouveau-Brunswick, de Iile-du-Prince- Edouard et de Terre-Neuve, la pratique de la naturopathie n'est pas encore réglementée, comme au Québec. ™ La régiementation de la pratique d'une profession découle de lant. 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867. Voir également Law Society of British Columbia c. Mangat, [2001] 3 R.C.S. 113, 2001 CSC 67, paragr. 42; Krieger c. Law Society of Alberta, [2002] 3 R.C.S. $72, 2002 CSC 65, paragr. 4; Hanif v. Ontario College of Pharmacists, 2015 ONCA 640, paragr. 16. = Black c. Law Society of Alberta, [1989] 1 R.C.S. 591, p. 618. * ALC.Q., paragr. 32 500-10-005886-153 PAGE : 43 [169] En effet, la violation d'une disposition statutaire ou réglementaire est certes une des composantes essentielles de l'infraction d'homicide involontaire coupable, ce n'est toutefois que lorsque la violation est objectivement dangereuse qu'elle sera qualifiée dacte illégal au sens de l'alinéa 222(5)a) C.cr.’”. D’autre part, la mens rea de homicide coupable commis en perpétrant une infraction statutaire objectivement dangereuse nécessite que le comportement reproché constitue un écart marqué par rapport a celui dune personne raisonnablement prudente qui aurait prévu le risque de lésions corporelles qu'elle faisait courir a la victime’®. Ainsi, contrairement a ce que prétend intimée”, ce n'est pas la culpabilité 4 'égard de infraction provinciale qui entraine la responsabilité criminelle, mais plutét le danger objectif lié a la conduite d’un accusé combiné a la prévisibilité objective des conséquences de l'acte ou a un écart marqué par rapport a la conduite adoptée par une personne raisonnablement diligente confrontée & la méme situation. [170] Dans un autre ordre d’idées, lintimée avance que, puisque l'acte reproché est legal dans d'autres provinces®, cela démontre que pour certains législateurs aucun risque de mort n’y est associé". Ainsi, absence d'un « permis dexercice » de la naturopathie au Québec n’augmenterait pas le risque de décés®. [171] Cet argument doit également échouer. [172] En effet, il est erroné daffirmer que absence d'un permis d’exercice (« license ») N’augmente pas le risque de décés. D’abord, cet argument est vicié, A premiere vue, par application de la mauvaise norme juridique, soit la prévisibilité de la mort. Ensuite, lintimée oublie que le corollaire de la réglementation est le contréle. Au Québec, ce «contréle » s'exerce principalement par le biais des ordres professionnels, dont la principale raison d étre est d'assurer la protection du public®*, En l'espéce, 'absence d'un organisme chargé d’assurer la qualité des services dispensés au public par un naturopathe et d'encadrer la formation professionnelle de ceux qui la pratiquent, augmente considérablement les risques qu'un incident grave se produise. De fait, un hypothétique « Ordre des naturopathes » aurait vraisemblablement pour mission dimposer des balises®® relatives a la formation continue de ses membres, aux régles d'asepsie et au consentement des patients, de méme qu’a Iélaboration d'un code d’éthique et de déontologie®®. L'absence de réglementation et d'un organisme de 7” Rc. Creighton, supra, note 10, paragr. 43; Charbonneau c. R., supra, note 12, paragr. 60. "A. c. Creighton, supra, note 10, paragr. 45; A. v. Haas (CJ), 2016, MBCA 42, paragr. 32. ® ALC.Q., paragr. 26. © Je tions toutes a souligner que Fintimée n’a jamais démontré qu’en date de injection, cette pratique était légale au Canada. 8 ALC.Q. paragr. 33 © ALCQ. paragr. 33. ® R.¢. Creighton, supra, note 10, paragr. 43 Art 23, al. 1 Cprot ® Art. 23, al. 2C.prot % Liintimée admet ne pas étre soumise a un code d'éthique et de déontologie approuvé par le gouvernement : Témoignage de Mitra Javanmardi, M.A., vol. 14, p. 5610-5611 500-10-005886-153 PAGE : 44 surveillance accroit, & mon avis, le risque de préjudice causé aux patients. En labsence dun tel contréle, ceux qui pratiquent lactivité agissent suivant les normes quiils déterminent eux-mémes trop souvent, comme en l'espéce, au détriment de ceux qui requiérent leurs services. [173] Enfin, je suis d’avis que déclarer inopérante la disposition du Code criminel portant sur homicide involontaire coupable dérogerait au principe de la séparation des pouvoirs. Selon la Loi constitutionnelle de 1867®”, le droit criminel est de compétence fédérale®, tandis que la réglementation d'une pratique professionnelle est du ressort des Provinces®, L'argument de lintimée invite la Cour a permettre a la Iégislature d'une Province de décriminaliser, a la grandeur du pays, une activité par ailleurs prohibée dans certaines provinces du Canada. Ce faisant, cette province s'accaparerait indiment le pouvoir fédéral de légiférer en matiére criminelle. [174] J'ajoute finalement que depuis prés d'un quart de sidcle, il est juridiquement reconnu qu'un acte illégal au sens ou 'entend 'alinéa 222(5)a) C.cr. peut découler d'une violation d'une loi provinciale® qui n'est pas de responsabilité absolue. Si le législateur fédéral était d'avis que seules les infractions aux lois fédérales devraient étre considérées Pour perpétrer un homicide involontaire coupable au moyen d'un acte illégal, nul doute quill aurait déja légiféré en ce sens. (175] En conclusion, jestime que les articles 234 et 236, de méme que le paragraphe 220b) C.cr., ne doivent pas étre déclarés inopérants, puisque l'ntimée fait défaut de démontrer que ces dispositions Iégislatives contreviennent aux droits conférés par les articles 6, 7 et 15 de la Charte. 8. LE REMEDE APPROPRIE [176] J'ai déja eu occasion de souligner les erreurs de droit commises par la juge relativement & la norme juridique requise pour déterminer l'état d'esprit requis pour commettre homicide involontaire coupable, a omission de conclure a la commission par ‘'intimée d'un acte illégal objectivement dangereux ayant causé le déces de la victime et un comportement représentant un écart marqué par rapport a celui que respecterait un naturopathe raisonnable dans les mémes circonstances. [177] J'ai aussi retenu qu'il est possible de conclure avec un degré raisonnable de certitude que ces erreurs de droit ont eu un effet significatif sur le verdict d’acquittement rendu sur le chef d’homicide involontaire coupable. ® Loi constitutionnelie de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict. c. 3, reproduite dans L.R.C. 1986, annexe Il, no 5. ® Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.). 30 & 31 Vict... 3, reproduite dans L.R.C. 1985, annexe Il no 5, art. 9127) ® Loi consttutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict. c. 3, reproduite dans L.A.C. 1985, annexe Il, no 5, ar. 92(13) ® Rc. DeSousa, supra, note 70, p. 956. 500-10-005886-153 PAGE : 45 (178] J'estime, par ailleurs, étre en présence de conditions exceptionnelles permettant de substituer au verdict d'acquittement une déciaration de culpabilité sur le chef d'homicide involontaire coupable [179] En effet, il m’apparait clairement que la juge aurait da, @ partir des conclusions factuelles incontestées, conclure que tous les éléments essentiels de infraction homicide involontaire coupable sont, en l'espéce, établis hors de tout doute raisonnable. [180] La situation en ce qui conceme le chef d’accusation d'avoir causé la mort de Roger Matern par négligence criminelle m’apparait toutefois étre différente. [181] En effet, la juge a erronément retenu que la norme juridique applicable a la détermination de l'élément mental de infraction était celle de I'écart marqué entre le comportement reproché et celui de la personne raisonnable placée dans la méme situation. Etait également inappropriée la prise en compte de la formation professionnelle de l'intimée et d’en faire un élément déterminant de sa conclusion selon laquelle la poursuite n'avait pas démontré, hors de tout doute raisonnable, que la conduite de Tintimée était « hors norme a tous les égards » [182] lest, par ailleurs, permis de conclure avec un degré raisonnable de certitude que ces erreurs de droit, qui portent sur un élément essentiel de I'infraction, ont eu un impact significatif sur le verdict d’acquittement. [183] J'estime toutefois ne pas étre, a cet égard, en présence de circonstances exceptionnelles permettant de substituer au verdict d’acquittement une déciaration de culpabilité d'avoir causé la mort par négligence criminelle. [184] La conclusion que la conduite en cause constitue un écart marqué et important en fonction de celle de la personne raisonnablement prudente nécessite, & mon avis, une évaluation globale de la preuve comprenant les faits contestés et incontestés en fonction de la norme juridique appropriée. Cet examen reléve de expertise du juge qui a Vopportunité de voir et d'entendre les temoignages et dapprécier la fiabilité et la crédibilité des témoins. Mais en espace, la juge a omis de faire cet examen approfondi de la preuve. Je ne m'estime pas en mesure de le faire a sa place. [185] C'est pourquoi, je propose de substituer au verdict d’acquittement une déclaration de culpabilité sur le chef d'homicide involontaire coupable et la tenue d'un nouveau procés sur le chef d'homicide coupable commis par négligence criminelle, tout en étant conscient qu'un verdict de culpabilité sur cette derniére infraction mettrait en jeu la régle prohibant les condamnations multiples®' puisque les deux chefs d'accusation visent & sanctionner le méme comportement de l'intimée ® Kienapple c. R., [1975] 1 R.CS. 729. 500-10-005886-153 PAGE : 46 [186] ly aurait, en conséquence, lieu de retourner le dossier a la Cour du Québec pour que la peine appropriée soit déterminée. Bayon CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.

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