Você está na página 1de 292

Universibé CafehoMque de Louvain

Faculté de Théologie
Institut Supérieur des Sciences Reiigieuses

LVL
20880

DIEU ET L'HOMME
Contribution de Raymundo Panikkan au dialogue
e n t r e le christianisme e t l'hindouisme

Deuxième Part;ie

Promoteur : Professeur J. RIES

Dissertation présentée en vue


de i'obtentlon du grade de
Docteur en Sciences reiigieuses
par

Robert SMET

Louvain-La-Neuve

ISBD
267

CHAPITRE IV

LE CULTE
268

"La véritable action est l'action cultuelle,


le culte n'étant autre que l'action qui
activise le mieux l'être, autrement dit le
re-connaît, le révèle, le découvre, le met
à nu" (l),

(l) R, PANIKKAR, Le mystère du ovilte. pp. 44-45.


269

INTRODUCTION

Notre propos, dans ce chapitre, est de cerner la notion de culte dans la


pensée de S. Panildcar, Nous ne pouvons envisager une analyse du culte dans
le christianisme comme telj à plus forte raison^ une comparaison entre les
deux mondes -l'hindou et le chrétien- sur le sujet. 11 faudrait aborder,
en effet, une exploration vétérotestamentaire, néotestamentaire, conciliaire,
théologique et liturgique d'une part et, d'autre ps,rt, analyser le Veda dans
son intégralité, comparer l'enseignement des Brahmana avec caltii des
Upanisad et ne pas faire abstraction du culte vécu concrètement par l'adepte,
•de l'hindouisme, en tenant compte des innombrables variantes à l'intérieur de
l'Inde et de l'île de Bali, par exemple (l).
Le culte serait, peut-être, la démarche de convergence entre les deux
pôles du réel - Dieuet l'homme- en mettant l'accent svir l'opus humanum. 11
n'y a pas de culte sans l'Absolu agent, sinon l'homme serait lui-même "capaci
té d'absolu", ce qui nierait l'Absolu; de plus, le culte n'est pas seulement
l'expression par l'homme de ses sentiments, même religieux. Si nous parlons
de la démarche de convergence entre les deux pôles du réel, c'est qu'il n'y
a pas culte sans l'Absolu, pas plus qu'il n'y a culte humain sans l'homme,
11 faut maintenir la "dualité", même si elle vise l'unification, le rappro
chement, la communion.

Nous insisterons sur l'opus humanum. Nous parlerons donc du culte his
torique, celui que nous pouvons déployer hic et nunc, 11 ne sera pas ques
tion de liturgie céleste proprement dite, bien que le thème soit riche et
analysable, tant du point de -vue hindou que du point de vue chrétien, à par
tir, par exemple, des passages concernant le sujet dans l'Apocalypse johannl-
que,

(l) Nous ne pouvons aborder pareille entreprise. Des travaux nombreux s'en
sont occupés. Par exemple, Worship and Rituai, spécialement l'article
Hindu Worship, Sacrifices and Sacraments, de M, DHAVAIÎOHY, pp, 81-126;
voir aussi R, DE SÎIET et J, NEU7ER, La quête de l'Etemel,19é7jauxaniticîLes
de A, HUART sur le calendrier et lés fêtes hindoues (pp, 154 - 1^4)»
sur les pèlerinages et les saints (pp. I65 - I76), et de R, ANTOINE, sur
rituels et culte (pp, 177 - "187)» sur les sacrements (pp, 168 - 198) et
le culte des images (pp. 199 - 215), Voir aussi S, LEVI, La doctrine
du sacrifice dans les Brahmanas, et M, BIARDEAU - CH. MALAIiOUD, Le sacri-
fice dans l'Inde ancienne.
270

Le culte, reconnaissens-le, est vme réalité complexe. Dans les reli


gions organisées, il se manifeste par des doctrines, des symboles, des rites,
des attitudes hiimaines extérieures et intérietires, il comporte des implica
tions morales et un aspect mystique. Il est tantôt individuel, tantôt com
munautaire, Le Nouveau Testament "offre plus de trente mots pour désigner
les actes concrets du culte, mais il lui manqie, comme à l'Ancien Testament, '
un terme exprimant l'idée de culte dans sa totalité" (l). L'idée de conver
gence nous est souvent proposée dans la recherche d'une définition* R. lyartin-r
Achard éctit : "On admet généralement que le culte a pour but d'établir et de
manifester, par ses symboles et ses rites, une relation entre l'homme et la
divinité" (2),., établissant "une sorte de circuit de forces vitales et mys
tiques dont les cieux ont tout autant besoin que les hommes" (3), M,P, Lacan
souligne la même dimension relationnelle (4),
On trouve aussi l'idée d'une infériorité de l'homme et d'une soumission
ou d'un hommage à Dieu, Le culte serait, par exemple, la "reconnaissance de
n'importe quelle espèce de supériorité ou d'excellence, accompagnée des mar
ques de respect qui l'expriment. Hommage religieux à Dieu, aux saints ou à
leurs images et reliques, etc«" (5)* Perspeotive identique chez L. Bouyer ;
"Au sens strict, honneur rendu à Dieu, spécialement dans la célébration pu
blique de la prière liturgique" (6).

On ne peut oublier non plus une donnée biblique constante qui, sans
être une critique du rite, insiste sur l'amour fraternel et sur la justice
dans la vie religieuse et, somme toute, dans le culte. Les prophètes juifs
et Jésus prolongent la révélation divine du décalogue mosaïque unissant les
deux tables de la Loi, la première parlant de la relation directe avecAdonaî
et la seconde des relations humaines (7).

(1) Encyclopédie de la foi, t, 1, p. 505,


(2) Yocabulaire biblique, p, 60,
(3) Vocabulaire biblique, p, 60,
(4) Vocabulaire de théologie biblique, cd, 236,
(5) Dictionnaire de la foi chrétienne, t, 1, col, 204.
(6) L, BOTJYER, Dictionnaire théologique, p, 178,
(7) Ex, 20 î 1 - 17| Is. 1 ; 11 - 20; Amos 5 ; 21 - 27; Michée 4 ; 9-11;
Jér., 7 : 1 - 15; Osée 6 5 6; I Sam, 15 : 22; ]\1at, 5 : 23 - 26; 7 : 12;
25 : 31 - 46; I Jean 2 ; 14; et la synthèse célèbre de lîat, 22 ; 36-4O,
271

Une autre donnée encore est celle de l^acte cultuel comme rappel, comme
actualisation et comme appel, "L'action passée commémorée est l'offrande du
Christ. On peut présentement s'y associer ce qui nous donne accès au sanctu
aire céleste"(îi). On aurait, ainsi, un acte opérant la "présentification"
d'une réalité antérieure archétypale mais situé, en même temps, dans une di
mension eschatologique où l'expérience finale de communion rêndra le culte
actuel superflu.

Tout en maintenant notre proposition de définition ; "le culte serait,


peut-être, la démarche de convergence entre les deux pôles du réel -Dieu et
l'homme- en mettant l'accent sur l'opus humanum", nous devinons la dimension
du sujet et ses facettes multiples où interviennent l'acte de Dieu agent,
l'expression par l'homme de ses sentiments, la réalisation céleste de l'homma
ge et de la communion, la richesse indescriptible des rites et des symboles
historiques, l'idée de l'infériorité humaine face à l'Absolu, les exigences
d'une relation humaine interpersonnelle de qualité, le lien, enfin, entre Ifex-
chétype, la "présentification" actuelle et la perspective eschatologique.

(l) M.F, LAÇAIT, Vocabulaire de théologie biblique, col, 24I - 242, avec réfé
rence à Hébr.^ 10 ; 19; Apoc, 5 s 6; 11 : 19; 4 ; 2 - 11,
272

§ 1 - LA DEFINITION DU CULTE

"Le culte est R. Panlkkar tente régu].ièrement de le définir et


cela, est nécessaire pour étudier un problème. Il faut s'entendre sur les
mots. Nous allons, dans ce paragraphe, suivre l'Auteur dans .les approches
qu'il nous propose. Ultérieurement, nous détaillerons les pistes principa.-
les, avant de tenter une synthèse.

Le culte est toujours un acte de la personne par lequel elle entre en


contact avec du transcendant, avec un ordre supérieur et cela pour donner ou
pour recevoir quelque chose de matériel ou de spirituel. Il est : "1'expres
sion d'une croyance", ou toute action himaine symbolisant une croyance", ou
"tout acte symbolique jaillissant d'une croyance particulière" (l). Si l'on
insiste svir l'activité de l'intelligence, il prend une forme intellectuelle.
Il est question de recueillement, de méditation, de contemplation. Si l'on
met l'accent sur l'acte du. coeur et de la volonté, on parle de dévotion,
d'abandon, d'amour et de louange. Si l'on mise sur les actes extérievirs, on
voit les fêtes, les danses, les célébrations. Si on centre l'attention sur
les actions constmctives de l'homme, le culte est identifié au devoir, au
travail, au service (2),
Même dans ce dernier cas, on doit sotlLigner la référence au transcen
dant, Le culte est "un acte qui transcende sa propre action symbolique", ou
"qui porte en soi une intention dépassant celle des personnes impliquées"
parce qu'il exprime une "cristallisation particulière de la foi"(3), soit
une réponse à la fol, ce qui suppose une certaine oonceptualisation de celles
ci et un ensemble de principes exprimant son message.

Le culte est donc la religion en action et constitue à ce titre "le


champ d'investigation théologique le plus important du christianisme et peut-
être de toutes les religions" (4). Il n'existe pas sur le seul plan trans
cendant, mais doit avoir, à notre niveau humain, des aspects distinctifs car
"si tout est culte, rien n'est culte" (5), La référence au transcendant
n'apparaît nullement comme désincamante ou coupée de notre vie.

(1) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, I9,


(2) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 20.
(3) R» PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 21, Même idée, p, 85,
(4) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 32,
(5) R. PANIKKAR, Le ciilte et l'homme séculier, p. 86,.
273

On perçoit qu'il y a une complémentarité entre le culte et la vie (l)j un


lien entre le culte et notre participation libre car "aucm rite n'est effi
cace en soi, s'il n'est pas relié à l'homme" (2), Le culte, à ce titre,
n'est pas tellement "l'affaire du théologien en tant qu'intellectuel" mais
"celle du croyant et de l'être humain complet en tant qu'être humain" (3),
Par le culte, l'homme se trouve lui-même. Il trouve à la vie son sens.
Il lui donne sa densité et, si l'on peut direj son élégance et sa profondeur,
"Le culte pourrait être défini comme étant l'ensemble des actes par lesquels'
nous exprimons notre sortie de la banalité" (4). Il serait "l'acte par le
quel la personne cultive son centre et, par conséquent, cet acte par lequel
la personne participe au coeto? de toute réalité, par lequel elle s'unit, au
niveau le plus profond, à tous ses frères et se trouve en communion avec l'u
nivers tout entier. Le culte est l'acte par lequel la personne dépasse non
seulement l'égoïsme et l'isolement, mais aussi l'activisme infructueux de ptxr-
re agitation et la superfioialité stérile d'une existence inauthentique" (5)1)
Par le cifLte, l'homme renoue avec la terre, le ciel, le cosmos, le monde des;
esprits, avec Dieu, Il signifie "la communion constitutive de l'homme avec •

(1) R, PMIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 88, La science occidenta


le ne porte-t-elle pas en elle "un pesant fardeau de valeur négative ;
matérialisme, impérialisme, maladies mentales, etc." ? Voir iSyâ e
Apocalisse, p, 12,
(2) R, PMFIKKâR, Le culte et l'homme séculier, p, 111.
(3) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 122,
(4) R, PAMIKKâR, Le culte et l'homme séculier, p, 128. "La célébtation com
porte un sens de la solidarité cosmique, dit l'Auteur, de la fraternité
humaine, et souvent d'un accompagnement divin en vertu duquel toutes nos
actions sont liturgiques, signifiantes, expressives, à la fois exprimant
ce qui est maintenant et créant ce qui doit être, La célébration est la
conscience des rythmes de la vie et de l'observance festive de leur re-
to-ur fréquent. Il n'y a pas de célébration sans retour. Ce qui arrive
à nouveau et régulièrement est l'objet correct de la célébration". Voir
The Vedic Expérience, p, 28, Cela ne valorise pas une conception cycli
que du temps, comme l'Auteur le précise, mais souligne qu'il faut un es
prit de célébration pour nous sortir de la médiocrité,
(5) R» PAHIKKAR, Le culte et l'homme séculier.
274

l'ensemble de 1»-univeis"(1), Il est essentiellement théandrlquo (2) et la


litnrgie est l'action de la personne entière entrepadse eareo la collaboration
dn monde divin et du monde matériel pour le bien de l'univers dans toutes
ses parties (5),
La recherche d'une définition de ce que nous avions décrit comme une dé- ,
marche de convergence entre les deux pôles du réel amène l'Auteur à parler de
la démarche de la personne qui, libérée d'un prométhéisme où la place de l'hoirf-
me est telle que le transcendant serait évacué, veut vivre avec toute la den-|
sité de son être, échappant à un quotidien qui ne serait à lui-même que son
seul horizon. Le professeur de Santa Barbara nous a parlé, respectivement, de
la nécessité é'une croyance, d'me activité de tout l'homme, avec son intelli
gence, son coeur, sa volonté, ses actes extérieiors. Il a souligné que la dé-?
marche cultuelle ne peut être ni coupée de la vie concrète, ni privée de IM-?
hesicn ! de notre liberté. Dans le culte, l'homme est en quête d'authenticité,
en quête de son être et de l'Etre,

Notis pourrions percevoir la démarche de convergence comme une opération


radicale. Le mot "opération" excluerait la passivité, l'absence ou le vide
destructeur. L'adjectif "radical® serait pris dans son sens premier, explici
tant le retour de l'homme à ce qu'il est dans ses racines ontiques, lorsqu'il
ne s'identifie pas à ses seuls projets, lorsqu'il ne vit pas à la seule surfa
ce de son agir phénoménal.

Le culte, ainsi compris, nous invite à ne pas limiter l'objectif de la


vie à notre fonction créatrice (mariage, profession, aménagement du territol?-
re, etc.), ou à notre vocation à la communion fraternelle (foyer, socialisa-'
tien, réalisation de l'idéal démocratique, amitié, amour, etc.), mais à enle?-
ver tous les obstacles qui poircraient empêcher l'Absolu d'habiter le relatif,
La soif d'Absolu n'est pas à opposer à la fonction créatrice ou fabricatrice,
ni à la vocation à la communion fraternelle. Ce sont des dimensions unies ou
qui doivent l'être. Le culte est un aspect de l'être. Il est un moyen
"d'abattre les obstacles qui nous empêchent la réalisation de l'être (4),

(1) E, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 22,


(2) E, PMIK3CAR, Le culte et l'homme séculier, p, 104»
(3) E, PAMIKKAE, Etatattva, p, 41» bne liturgie authentique devrait donc,
p, 42, embrasser les trois mondes ; le divin, le matériel, l'humain,
(4) E, PAEIKKAE, Le mystère du culte, p, 52,
275

Nous •pourrions terminer en rappelant clairement les divers éléments que


Raymmado Panikkar met dans le culte t

1) le culte comme acte d'une personne qui cherche m contact avec du trans
cendant 5

2) le culte comme expression d'une croyance et donc un acte qui suppose une
certaine conceptioalisation de la foi?

5) le culte peut prendre des aspects différents selon qu'on met l'accent sur
l'intellectuel, sur le volitif centré sur l'amoin:, sur l'aspect extérieur
et communautaire dans des célébrations, ou sur le serviee de l'homme?

4) l'importance du symbole et du rite dans l'expression de l'homo religiosus?


5) le lien entre le culte et l'existence concrète de l'homme;
é) la nécessité de la démarche libre;
7) la possibilité par le culte, d'échapper à l'activisme prométhéen et à la
banalité.

Après ce paragraphe d'introduction et après un rappel des fondements méta


physiques, nous suivrons l'Auteuir dans ce qu'il nous dit sur le culte dans les
régimes d'hétéronomie, d'autonomie et d'ontonomie (§ 3), s'ur l'évolution de la
notion du culte dans l'hindouisme (§ 4) sur ce qu'il appelle les "rubriques"
et les "nigriques" (§ 5)» sur les sacrements (§ é), sur le culte et l'action
(§ 7), sur la dimension mystique, avec la prière, la méditation et la contem
plation (§ s) et, enfin, sur le culte et le témoignage (§ 9)»
Pour la compréhension de ces perspectives nées à partir de l'Inde, nous
croyons devoir faire précéder les paragraphes annoncés par un rappel des fon
dements métaphysiques toujours sous-jacents (§ 2),
276

§ 2 - LES POm)EMEOT?S METAPHYSIQUE SOÏÏS-JACENTS

La perspective métaphysique panikkarienne n'est ni le monisme de Sa.nkara,


ni le dualisme hérité notamment de la Grèce et du Proche-Ori ent méditerranéen.

L'Inde, nous dit R, Panikkar, se passionne plus pour Li eu que pour le


monde (1), Elle est "tournée vers le tout en tant que tout" (2), Pour elle,
il n'y a pas l'WfcL et le multiple, mais l'Un connu et en tant^ que multiple.
"Le tout est toujours là" (5). Les êtres ont valeur comme p'arties du tout.
Ils sont hiérarchisés en fonction de leiirs densités ontologi ques différentes,
Chacun d'eux est reflet du supérieur. Le monde est, ainsi. le reflet, "une
expression du tout", le "tout morcelé qu'il s'agit de recomposer" (4).
En Inde, sat veut dire % "être". Dieu est. Lieu est 1.'Absolu, Brahman.
Les étants sont bhutani, soit devenus (5), Chez Platon, les choses et les

événements du monde sont des symboles ou des manifestations d'une réalité plus
haute et invisible qu'ils signifient. Les symboles ne sont pas le tout et les
choses sensibles nous ramènent à un plan supérieur, soit aux réalités intelli
gibles, Aristote, lui, veut sauver davantage la réalité des choses. Elles
sont en elles-mêmes. Elles sont et symboles et substances.

La philosophie platonicienne et la philosophie aristolécienne ont en com


mun la séparation entre le monde céleste et le mçnde terrestre et cette sépar
ration a survécu dans la culture occidentale. On devine le risque d'envisa
ger un monde subsistant en soi, autonome dans sa substance, [avec une différen
ce soutenue entre le Créateur et la créature.

(1) R, PAITIKKAR, Le mystère du culte, p, 50,


(2) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 3'1 •
(5) R, PANIKKAR, Le mystère du cxfLte, p, 31.
(4) R. PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 34. La même idée est développée
ailleurs. Voir For an Intégration of Reality, pages 20 |et 35» et la vi
sion cosmothéandrique prolongeant l'analyse du mythe de Prajâpati dans no
tre chapitre 2 sur Dieu,
(5) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 125. Voir aussi Der .zerbrochene
Krug, p, 556. Dans The Vedic Expérience, p. 56, l'Auteur écrit aussi :
"L'Un représente le sommet de la conscience mystique que l'Inde a dévelop
pé plus tard dans la philosophie advaitique, et l'Ouest dans la théologie
trinitaire'*,
277

Cette façon de penser ne nie pas la relation constitutive entre les deux pô
les du réel -le divin et inhumain- mais elle n'a pas le sovffîi premier de
la valoriser (1), i
La vision du monde peut être pensée sior d'autres données, R, Panikkar
nous présente sa perspective, L'Inde est en quête de la réalité et elle veut
la penser immuable et permanente. Alors que, pom? les deux! écoles grecques,
l'immuable est au-delà de la connaissance sensible, l'Inde perçoit toute chor
se comme "figure limitée et rétrécie de l'Absolu" (2), L'expérience védantir
que est "l'expérience d'une vision non-dualiste de l'être, une perceptiondeç
choses non comme objets (Dieu ne connaît pas d'objets), ni comme contenus,
mais en tant qu'attitudes et gestes de Dieu"(5), Au lieu de prôner l'analo
gie, à partir du réel observé, pour parler de Dieu, la chose est considérée
comme épiphanie de Dieu ou comme Dieu sous l'apparence de là chose présen
te (4). "Le symbole est théophanie, ou mieux encore, ontophanie" (5).
L'homme est "la partie visible de cette intersection où tous les ordres de la
réalité se croisent, il est le carrefour d'une réalité qiu. embrasse Dieu
jusqu'aux choses matérielles, en passant par tous les êtres" (6),
Dieu et la créature ne sont pas un au sens moniste, ni deux comme dans
l'option dvialiste (7)* L'être et les étants ne sont ni un, ni deux (s).

(1) E, PANIKKAR, Le mystère du culte, pp, 128 - 131, Voir aussi Der
zerbrochene Krug, pp,_ 55é - 57'1 et Le mystère du culte, pp, 133-1425
nous résumerons cette parabole de "la cruche cassée" dans ce chapitre au
paragraphe sur les sacrements,
(2) R, PANIKKAR,. Le mystère du ciflte, p, 138,
(3) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, I40,
(4) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 140.
(5) R» PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 141»
(6) R, PANIKKAR, Le mythe comme histoire sacrée, p, 3OI• L'homme est "ce
mésocosme, miroir de la réalité totale" dit l'Auteur dans The Vedic
Expérience, p, 4*1 •
(7) R» PANIKKAR, La faute originante, p, $6, Dans The Vedic Expérience,
l'Auteur dit aussi "la divinité est le support final de:l'univers" et
l'homme et le cosmos ne sont pas deux créations différentes"
( p. 61),
(b) R, PANIKKAR, Des Ishvara des Vedanta, pp, 447-448, Kein christlicher
Yoga, p, 44, etc.
278

Les choses sont symboles, non pas des copies de l'original., mais somme ses
impressions, comme les e2î)ressions d'un même et unique être. S'il reste tme
différence entre le symbole et le symbolisé, en oe sens que celui—là est ac
cessible et celui-ci inaccessible, toutefois, on n'est pas forcé de penser
le monde comme séparé de son principe (l).
Le monde est mâyâ. Ce terme peut signifier "illusion", mais sans qu'il
prenne nécessairement un sens péjoratif, "Illusion" viendrait du ludns la
tin, Le monde en tant que mâyâ est le jeu divin, le plaisir divin qui con
tinue (2), La réalité dernière serait l'Absolu, mais un Absolu que ne recou-r
vre pas entièrement le mot "Dieu", car l'Inde distingue un Brahman imperson
nel et un Brahman inférieur personnel (5), Cet Absolu n'est pas à côté de la
créat-ure, ni la créature à côté de son Créateur,

Hous avons tenu à comparer le dualisme occidental avec la pensée de


l'Inde et celle de notre Auteur, Une chose nous paraît claire, au terme de
ce résumé. Pour le professeur de Santa Barbara, le monde ne peut être pensé
en dehors de sa relation avec l'Absolu (4), même si le problème de cette re
lation n'est pa.s entièrement résolu. Dans la métaphysique panikkarienne, qui
est un essai parmi d'autres, nous constatons 1'antiprométhéisme de l'Auteur,
son sens de l'uinité de l'être, son refus de s'arrêter au créé pris en soi.
Il le dit clairement, "L'homme s'aliène et perd la dignité humaine
lorsqu'il se plonge dans le monde temporel comme si celui—ci était son am
biance unique" (5), Ou "une conception de l'univers qui ne serait que scienr
tifique laisse l'etre humain incomplet" (6), car le monde temporel n'est pas,
notre "ambiance unique" (7),

(1) E, PAUIKKAR, Christus und Indien, Jezus und wir, p. 116,


(2) J.B.CAEMM, dans The Theologyr pf Râmânuja, pp, II7 - 120 décrit ce thème
du jeu soit la notion de iTlâ,
(5) E, PANIKKAE, Christus und Indien, Jeaus und wir, p, 117.
(4) Voir notre chapitre 2, § 10, sur la vision cosmothéandrique, et l'article
For an Intégration of Eeality de E, PAEIKKAE que nous y résumons,
(5) E, PAUIKKAE, Le temps circulaire, p. 208.
(6) E, PANIKEAE, Le temps circulaire, p, 229.
(7) E, PMIKEAE, Le temps circulaire, p, 209.
279

Dans la conception panikkarienne, le culte est tributaire de la métaphy-r


sique. "Nous ne sommes pleinement que dans le culte" (l). Celui-ci est
théandrique, c'est-à-dire non pas "la dichotomie d'une initiative divine ac
cueillie par une réceptivité humaine" mais "l'expérience non-dualiste d'un
acte à la fois pleinement humain et suprahumain" (2), Le culte signifie
"la communion constitutive de l'homme avec l'ensemble de l'univers" (3), qui
est sacramentel (4). Il est l'enlèvement des obstacles qui entravent la réa
lisation de notre être (5). Il recompose le monde (6), Il est "une action
dense d'être, par laquelle l'homme se réalise, mieux, réalise son 'Soi' "(7).
Il est un'tremplin existentiel" pour parvenir à la perfection (s). Son sens
est "tout d'abord de permettre l'accès aux profondeurs immua.bles de l'exis
tence humaine" (9)» Pour une action sacrée, il faut la présence de la réali
té entière, dit ailleurs l'Auteur, soit le divin,le cosmique et tout l'hoirme'
avec son esptit pur, avec son corps, avec son émotion, afin que tout l'uni
vers vibre au son d'une prière authentique (10).
Nous retrouvons une affirma.tion déjà soulignée à un autre endroit de no
tre recherche, à savoir que l'Auteur, comme l'Inde dont il se nourrit, n'éta
blit pas des fossés mais multiplie les interférences entre la philosophie,
la théologie, la science et la mj^stique. Sa métaphysique comme celle de
Safikara et celle de Eamanuja, débouche sur la vie mystique. Il y .aurait ainsi
une philosophie hindoue, en q^ielque sorte, alors que beaucoup hésitent en
Occident, mises à part des exceptions comme E, Gilson et J, lîaritain, à par
ler de philosophie chrétienne, du. moins depuis que la Renaissance et les
siècles suivants nous ont habitués à distinguer recherche philosophique et ,
recherche théologique, pour ne pas parler d'autres recherches comme celles de
la science.

(1 ) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 32. R. PANIKKAR, dans Los diosesy


el Seîîor, p, 66, souligne volontiers l'importance de l'attitude liturgi-
que et de l'orthopraxie,
(2) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 104.
(3) R. PAlïIIKKAR, Le mystère eu culte, p,22,
(4) R. PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 23.
(5) R» PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 32.
(6) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 34•
(7) R. PAIflKECAR, Le mystère du culte, p. 36.
(s) R, PAiNIKKAR, Le mystère du culte, p. 52.
(9) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 122.
(10) R, PANIKKAR, The Yedio Expérience, p. 34»
280

La dichotomie platonicienne et aristotélicienne entre le monde terrestre


et le monde céleste, entre la cause ïrendèrenon causée, les causes secondes
et les effets contingents, n'a pas toujours poussé l'Occident à valoriser le
lien ontologique entre 1'Absolu et le relatif, sans toutefois l'ignorer tota
lement ou l'exclure» La tentation était grande, dans cette optique, de verser
dans l'hétéronomie . La Bible, elle-même, spécialement l'Ancien Testament,
a mis en évidence, le transcendantalisme diifin. L'islam a poussé la tendance
à l'extrême, du moins la pensée coranique officielle p)lus peut-être que la
mystique musulmane. L'Absolu fut perçu comme le Saint, le Très-Haut, le Tout-
Autre, l'Infini, ce qui est raisonnable, mais il le fut aussi parfois comme
un tyran, comme quelqu'un à redouter, avec les déductions que l'on devine.
En réaction, l'autonomie , au sens panikkarien, a voxilu "relever" l'homme et
l'ai rendre une dignité que certains jugeaient abolie da,ns le prostemement.

Aussi bien l'hétéronomie que l'autonomie peuvent être des conséquences


de la dichotomie précitée. Celle-ci est une base de recherche et d'analyse,
EUeriestpas la "seule possilie, La mystique, l'expérience mystique, la pensée
védantique aussi, préfèrent voir Dieti au début, au départ de la recherche.
Elles sont davantage attirées par les voies de l'immanence. Elles ne veulent
pas oublier "le Dieu intérieur" pour aller à la quête du "Dieu en dehors".
Non point'hdmire et crois en l'Autre", mais'l'Autre est ici, en toi, tout
proche, appréhende donc le réel avec ses yeux". Cette immanence, conduisant
toujours à une "religion religieuse", fait découvrir au croyant la "vraie
nature"des choses. Cette attitude contient "en germe une vision 'ontonomi-
que' des choses plus réfléchie, qui fa,it défaut à une autonomie extrémistë'(l ),
Si nous pouvons nous permettre une expression imagée, mais que nous
croyons juste, on a l'impression que la dichotomie de la métaphysique grecque
a atténué le "cantique des créatures". La Bible ne l'a pas voulu. L'idée
d'alliance, qui y est centrale, a souligné les signes, de l'arc-en-ciel noa-
ohique au "pro-phète", en passant par le Temple, l'Arche, la Thora, Jérusalem,
le passage de la mer des roseatix ou l'acquisition de la Terre promise.
Toutefois, cela étant, Israël a jugé devoir écarter les religions cosmiques
et ne s'est pas soucié de voir en elles un cheminement de l'homme vers
l'Absolu, pas plus qu'une étape du jeu d'approche de l'Absolu vers l'homrfle.
Et pourtant, dit l'Aute-ur, la transcendance n'exclut pas en soi l'immanence
et l'immanence n'exclut pas la transcendance (2),

(1) R. PANIiaCAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 132.


(2) R, PANIEICAR, The Yedic Expérience, p. 137*
281

Pour terminer, rappelons-nous la définition du «suite "comme étant l'en


semble des actes par lesquels nous exprimons notre sortie de la banalité"(l ),
intégrant la bhakti (2), la jnana (5), la contemplation aussi car "le silen
ce, la paix et la conscience ontologique de tout ce qui existe est nécessai
res" (4)1 mais aussi l'action intérieur^ extérieure, l'aide, l'amoin:, toute
l'activité de l'homme (5) qui embrasse le beau, le vrai et le bien (6),

(1 ) R, PMIKKAR, Le oid.te et l'homme séctilier, p, 128,


(2) R, PAMKECâR, Le culte et l'homme séculier, p, 125» L'Auteur y souligne
l'importance de l'art et de la musique.
(3) R. PARIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 125,
(4) R, PARIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 126,
(5) R, PAHIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 126,
(6) R, PAKEKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 127,
282

§ 5 - LE CULTE LMS LES EEGBIES D'HETEEONOÎŒE, D'AUTONOME ET D'ONTONOME

R, Paniklcar structm-e plusieurs de ses exposés sur les catégories d'hété-


^ -îf
ronomie , d'autonomie et d'ontonomie • Elles reviennent dans l'analyse du cul-r
te oomiae démarche de convergence entre les deux grands pôles du réel. Comment,
chez notre Auteur, cette démarche de convergence s'articule-t—elle ou peut-elle
être pensée dans les trois régimes précités, qui sont différents mais, en un
sens peut-être, complémentaires ?

I, Dans l'hétéronomie sacrée (l), le culte est relié au sacré, et celui-ci


est supérieur au profane dont il est distinct. Le profane sert le sacré.
L'homme est inférieur à Dieu, Il se soumet à la hiérarchie sacerdotale de
droit divin. Il admet la théocratie, la suprématie du chef religieux sur le
chef temporel, celle de l'Eglise sua? l'Etat, celle des valeurs spirituelles
sur les valeurs matérielles, celle de la théologie^ sur la philosophie, celle
de la philosophie sur la science (2),
Dans cette perspective hétéronome, le culte est l'acte le plus élevé de
l'homme. Tout, dans la vie, doit être organisé en fonction de cette primau
té.

Trois valeurs efficientes se présentent ici, soit l'adoration au plan


anthropologique, l'insistance sur l'éternité au plan métaphysique, l'accent
sur le sacrifice au plan cosmologique.

A, l'adoration. Elle présuppose un homme qtii se sait pécheur, contingent,


sans grande valeur, essentiellement dépendant aussi. Elle implique, en
deuxième lieu, la croyance en un Absolu personnel, prestigieux mais qui
peut aussi être bon.

(1) Pour la commodité de la lecture, nous nous contenterons de citer uuae fois
encore la définition panikkarienne de l'hétéronomie, soit ; "une conception
du monde, aussi bien qu'un degré anthropologique de nonscience, fondés sur
une structure hiérarchique de la réalité, L'hétéronomie prétend que les lois
régissant chaque sphère de l'existence proviennent d'une instance supérieureet
sont peut? ânsi dire responsables, en tout et pour tout, du fonctionnement de
tel être particulier ou de telle sphère de l'existence". Voir R, PANIKKAR,
Le culte et l'homme séculier, p, 47•
(2) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, pp, 50-51» La loi du Karma,
p, 82,
283

Il en découle que je suis sauvé si j'admets la présupposition et l'implica


tion précitées. Je puis alors m'engager dans les chemins complémentaires de
l'action (ou karma-yoga), de la connaissance (ou jnâna-yoga) et de la dévo
tion (ou bhakti-yoga).
Me voilà devenant un mystique, c'est-à-dire "un homme ayant réellement
découvert que Dieu se-ul est la Réalité vraie et permanente, l'Etre plénier,
la Perfection, la Réalité à la fois immanente et transcendante" (l). Le
sens de Dieu m'envahit, il pénètre mon être et ma vie. En un sens, je meurs
pour qu'il vive.

B, Sur le plan métaphysique, l'hétéronomie n'est guère portée à valoriser le


saeculum. Tout l'accent est mis sur le propre de Dieu qui, en l'occurence.
serait l'éternité. C'est "l'acceptation métaphysique de la réalité de l'é
ternité en tant que réalité hétérogène par rapport au temps" (2), La pers-
pective de cette éternité incomparable au temps peut me pousser à l'holo
causte, à m'abandonner et ce renoncement fondamental ne m'apparaît nullement
comme un suicide, étant donné lé tout à gagner qui n'est pas sans rappeler
le pari de Pascal,

0, Sur le plan cosmologique, la priorité est donnée au sacrifice. L'homme pose


des actes sacrificiels. Ce sont des actes cosmothéandriques dans lesquels
se développe une collaboration entre Dieu qui regarde vers l'homme et l'hom
me qui se tourne vers Dieu, De tels actes réalisent notre salut (3).
Dans ce contexte, souvent, on voit s'organiser un rythme liturgique
bien élaboré, un rituel préciSj détaillé, voire minutie'ux. Des excès peu
vent porter à la magie ou au formalisme, mais les excès ne découlent pas au
tomatiquement du contexte. L'histoire des religions, même du christianisme,
nous le démontre.

(1) R, PMIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 53»


(2) R, PANIKKâR, Le culte et l'homme séculier, pp, 55 - 54» L'Auteur est d'avis,
dans Religione e religioni, p, I69, que "la réponse que la religion apporte
à l'homme n'est pas un élixir atemporel sans lien avec l'existence temporel
le de l'homme",

(3) R, PMIKKAR, Le culte et l'homme séculier,pp, 54 - 56.


284

II, Dans le régime d'autonomie, la ycHôrisation du saeculum, de la personn^^


du libre arbitre, de l'indépendance, de la raison, etc.. nous situe dans une
réaction face au premier régime (l). C'est l'antithèse face à la thèse, A
la limite, c'est l'excès répondant à l'excès.

Trois termes efficients apparaissent, soit le respect au plan anthropo


logique, la temporalité au plan métaphysique et le service au plan cosmologi^
que,

A, Si Dieu n'est pas oublié -conséquence fréquente- il peut encore être


objet de respect. Le ciilte à Dieu s'exprime par le respect pour l'Absolu,
pour les desseins de l'Absolu et pour les hommes. Je lis les livres
saints,•je médite, je réfléchis. Le culte est réalisation de moi, il est
progrès vers une forme de plénitude par la lecture, la pensée, la médita
tion. J'arriverai peut-être même à une relation interpersonnelle avec
l'Absolu, "La bhakti, dans le sens de l'amour personnel, est ici la
norme" (2),

B, "La temporalité est l'élément métaphysique de cette attitude" (5). Je


vis dans le temps. Il colle à mon existence. Je le prends à pleines
mains. J'y "ek-siste" en plénitude, "à la première personne", riche demçn
passé, porté vers l'avenir, au coeur d'un présent qui peut tout changer, ^
Le temps est moins de l'ordre du quantitatif que de l'ordre du qualitatif,
A la limite', la mort ne serait pas d'abord ce quelque chose d'angoissant
situé au bout d'une ligne droite, un terme que je voudrais le plus éloigné
possible parce que en ai peur, mais elle serait le fait de ne pas vivre
hic et nunc avec intensité, ce qui engendre l'obsession d'une vie de

(1 ) E, PANIKEAE, Herméneutique de la liberté de la religion, pp, 61 -65 et


74» voir une description de l'autonomie dans Humanisme y Crus, pp, 210-
211,

(2) E, PANIKEAE, Le culte et l'homme séculier, p, 60,


(3) E, PANIKEAE, Le culte et l'homme séculier, p, 60, C'est nous qui souli
gnons le mot "temporalité".
285

qualité plutôt que celle d'une mort au terme d'un temps quantitatif et li
néaire (1).

C, Le service apparaît au plan cosmologique comme le troisième terme effir»


cient du régime d'autonomie, se substituant au sacrifice en hétéronomie.
Le culte, la liturgie, ce n'est plus l'holocauiste de l'homme, ce n'est plus
le rite, ce n'est plus "l'acte vertical", mais davantage le travail, le ser
vice, l'oeuvre du peuple, ce qu'on pourrait appeler "l'acte horizontal".
Je me mets au service de mes frères, je vetuc améliorer leur sort, faire va
loir leurs droits, lutter pour qu'ils aient toutes les chances d'une vie hu
maine, Je milite pour les droits de l'homme, je vais réaliser l'idéal démo
cratique, je vais vaincre les secrets de la nature et, povirquoi ne pas le di
re, assurer la praxis visant à résorber les aliénations marxistes, au moins
l'ignorance des lois de la nature, les inégalités sociales et économiques,
sinon ce qu'il y avirait d'opium dans les religions et dans les philosophies
spiritualistes.

"Le culte consistera dans la reconnaissance de notre dignité et de notre


rôle de collaborateurs avec le gionde entier, en vue d'instaurer une vie meil
leure sur terre" (2),

IIi;, Dans l'ontonomie théandrique, nous ne sommes ni dans 1'hétéronomie, ni


dans l'autonomie, ni dans une troisième conception, mais bien dans la synthèse
de la thèse et de l'antithèse. Tout y repose "sur le fait que l'univers est un
tout, qu'il existe une relation interne et constitutive entre toutes les par
ties de la réalité et que rien n'est détaché de l'ensemble" (5),
Ici encore, repérons les trois valeurs essentielles, soit la dévotion ou
l'amour comme exigence anthropologique fondamentale, la tempitemité en tant que
base métaphysique et la participation ou la mystique comme fondement cosmologl,-
que d'une conception ontonome du monde.

(1) Nous avons jugé utile de situer ici la convergence de l'analyse de la tempo
ralité en autonomie avec una comparaison de l'Auteur entre le temps linéai
re et le temps circulaire développée ailleurs tout en sachant que le temps
qualitatif et circulaire est impliqué dans les réflexions de l'Atiteur sur
l'ontonomie. Nous rappelons ici que Sénèque voulait aussi une vie plus in
tense que longue. Voir Traités philosophiques. De brevitate vitae,
pp. 52-55.
(2) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 65,
(3) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 66,
286

A, La dévotion ou l'amotu: d*abord» J'ad, en moi, cette tendance fondamentale


conètitutive de l'être h^umain. L'homme se donne. Il s'attache à nne cau~
se, à m idéal, à -une personne. Cela ne Ini est pas imposé du dehors, cela
n'émane pas d'une réaction autonome, cela jaillit de son être même. Rien de
valable n'est réalisé dans sa vie sans lui, sans sa participation intérieure^
sans l'engagement de son être (l). Cette première valetir soulignée par
E, Panikkar est essentielle. Bans cette perspective, la vie n'est pas ré
gie par un code tombé du ciel comme un aérolithe ou promulgué par un céna
cle de mandarins dont j'accepterais qu'ils pensent ma vie à ma place -ce
serait en quelque sorte vivre "à la troisième personne"- la vie n'est pas
non plus régie par la colère ou par une opposition fallacieusement démocra
tique et appelée pompeusement progressiste par des gens qui ont quitté le
banquet eucharistique parce que l'ancien menu leur paraissait aliénant, La
dévotion ou l'amour jaillit du coeur même de l'être, du iboi profond de la
personne, de la nature profonde de ce qui est,

B» La tempemité n'apparaît pas comme l'éternité réservée à Bieu, ni comme Iq,


temporalité réservée à l'homme. Bans l'ontonomie, rappelons-le, nous ne soip-
mes ni dans la thèse, ni dans l'antithèse, mais dans la synthèse. L'homme
porte en Ixii son passé en puissance et son avenir en espérance. Ce n'est
pas la boule de neige bergsonienne, à la limite aliénante, mais une "expé
rience seigneuriale du temps" dont notre Autevir a parlé et d'un temps perçu
comme circifLaire dont il fut question dans le deuxième terme efficient en ré
gime d'autonomie (2),

(1) E, PANIKKAE, Le culte et l'homme séculier, pp, 68 - 70,


(2) n'entrons pas ici dans la qiiestion de la qualité des représentations
circulaire et linéaire dii temps qui ont levirs ambiguïtés et dont le con
tenu peut varier d'un système à l'autre. Une eonception circulaire pour
rait, par exemple, mener certains à une conception cyclique de l'histoi
re, mais ce n'est nullement le cas chez notre Auteur, Nous avons déjà
expliqué antérieurement le thème de la tempitemité, A plusieurs repri
ses, nous l'avons vu, l'Auteur ne veut pas limiter la perspective à ce
que dit la réaction autonome. Bans Humanisme y Cruz, il craint une ato-
misation de la vie actuelle de l'homme,p, 55? il affirme que "la synthèse
ne sera pas industrielle", p, 57j il parle du "cancer scientiste", p.élj
en relation avec notre propos ici, il écritéternité n'est pas [futu
re", p, 70, tout en refusant un monde seulement natvirel, p, I73,
287

Centrons maintenant notre attention sur la participation ou la m^rstique,


qui peineraient être, au point de vue cosmologique "les mots clés de l'expé
rience ontonome" (l)o
Par mystique, dit notre Auteur, nous pouvons entendre ici ce contact immé
diat qui fera disparaître aussi bien la séparation entre le sujet et l'objet^
que la distance présente im.plicitement dans toute forme de diialisme" (2),
L'homme, en régime d'ontonomie, est perçu comme personne,non comme individu.
Il n'est pas seul, isolé, juxtaposé "par rapport à ", ou existant "parallè- :
lement à". Il est un élément du tout et le tout s'exprime par lui. Il exis-f
te un lien entre autrui et nous, comme entre le cosmos et nous en tant que ;
personnes. Je ne suis pas une pièce détachée sans laquelle la machine tonx-
ne mais un élément intégré dans la machine. Je ne suis pas un facteur "x"
autodéterminé, mais un visage dans leqviel le tout se reflète. Bien plus, je
suis une personne dans la mesure où je participe à l'ensemble, dans la mesure
où je communie avec l'ensemble du réel et le culte est cet acte même "parle^
quel nous exprimons, d'une manière ou d'une autre, la plénitude de la persoij-
ne humaine" (5). •
Le culte ontonome est ainsi l'expression de mon intégration au tout, com-r
prenant l'amour jaillissant de mon être, les émotions qui sont en moi, le
don de mon être. C'est le lieu géométrique où convergent et coopèrent la ma"
tière et l'esprit, le divin et l'humain, le corps et l'âme. L'aôte cultuel
est "tin acte qui nous permet de nous réaliser nous-mêmes et qui contribue à
l'accomplissement de l'univers" (4).
Dans le culte ainsi conçu, il n'y a pas un ritualisme non-signifiant ou
hétéronome. Il n'y a pas une mystique d'évasion faisant fi d'une théologie
des réalités terrestres, ni une activité prométhéenne de pires constructeurs
vivant leur fonction fabricatrice, ni pure création socialisante dans un
éthos strictement intra-mondain. Le culte est ainsi l'existence concrète
- compatible avec un monde sécularisé - et la mystique intègre autant le rî-
te que la corporéité, la relation avec autrui, l'action de service et de li^
bération, l'inhabitation dans la nature, pourvu qu'on ne s'ohmibile pas sur
une dichotomie métaphysique de type gréco-occidental, mais sur l'expérience
védantique de l'advaita et qu'on ait assez de pénétration pour percevoir les
convergences au lieu de centrifuger le réel.

(1) R. PARIKKAR, Le culte et 1 ' hoirane séculier, p. 72,


(2) R, PMIKK/iR, Le culte et l'homme séculier, p. 73.
(3) R. PAl^IKECAR, Le culte et l'homme séculier, p. 74.

(4) R. PMIKKAR, Le culte et 1'homme séculier, p. 75.


288

A ce prix, l'adoration n'est plus abdication humsnne, le saeculum n'est


ni méprisé ni saisi comme notre seul horizon, le rite n'est pas non-signi-
fi.ant mais expression du temple intérieur, le respect poiir l'Absolu n'a
rien de réducteur et le service est l'acte recomposant l'univers.

Au terme de ce paragraphe, nous proposerons quelques remarqu.es de con-


clusionï

l 1) Les trois régimes dont if fut question ne sont pas à considérer comme
des étapes successives repérables dans l'histoire. Ce n'est pas un ré-
simé de l'histoire des religions. On ne peut pas dire que l'humanité ror
ligieuse fut d'a.bord hétéronome, ensuite autonome et enfin, ontonome.
Ce sont trois mentalités différentes. Certes, nous conviendrons que la
réaction autonome vient, en principe, en tant que réaction, après une pé
riode hétéronome, mais les trois mentalités ont existé de tout temps et
c'est encore le cas aujoircd'hui,

2) Il faut souligner que chacune de ces mentalités a ses valeurs. Il ne


s'agit donc pas de dire qu'après dëux étapes provisoires et périmées, on
en vient, enfin, à la religion adulte. Chacun de ces états a ses pro
phètes, ses saints, dans toute religion et à toute époque,

3) Comme le dit l'Auteur, il faut voir que l'ontonomie n'exclut pas, mais
plutôt inclut, les deux autres régimes. Ce ne sont pas trois mondes sé
parés par des cloisons étanches. Chaque régime repère des tendances, fait
des mises en évidence, a ses points d'insistance, privilégie ses valeurq
et exprime des structures mentales. Mais on ne doit pas exclure l'ado
ration en ontonomie sous prétexte que la dévotion ou 1'amour sont pré
sentés comme première valeur efficiente dans ce régime, ni exclure le
service en autonomie parce qu?il est question de participation et de mys
tique en ontonomie. On se méfiera de toute schématisation et de toute
simplification.
Dans le prolongement de cette troisième remarque nous verrons donc le
culte assumer idéalement (a) l'adoration , le respect, la dévotion ou
l'amour, (b) l'éternité, la temporalité, la tempitemité et (c) le sacri
fice, le service ainsi que la participation ou la mystique.

Toutefois, ceci dit, n'oublions pas, en poussant ces associations, la


valeur ou l'intérêt de la distinction entre trois régimes différents qui cons
titue; xine idée-force du professeur de Santa Barbara, ainsi que nous l'avons
constaté à plusieurs repiises.
289

§ 4 - L'EVOLUTIOI DE M NOTION DE CULTE DAITS L'HINDOUISME

A. Introduction

Après avoir analjrsé le culte tel qu'il se conçoit en fonction des ca


tégories d'hétéronomiej d'autonomie et d'ontonomie, attachons-nous davantar
ge, maintenant, au culte dans l'hindouisme.

Bien des ouvrages fiorent consacrés au culte et au sacrifice (l). Les


indianistes se souviennent des pages de S« Levi, récemment rééditées, sur
le Dieu-sacrifice qu'est Prajâpati (2), à la fois le premier sacrifiant,
celui qui se donne et celui qui reçoit en premier le fruit du sacrifice (5),
Il montre le lien entre Prajapati, l'esprit et la voix (vâoQ) (4), Il
sent le sacrifiée répandu ou étendu partout (5), dans une incessante conti
nuité (6), unissant tous les êtres de l'ixnivers. Le sacrifice est "le lieu
où converge l'univers", qui "met en contact la terre et le ciel" (7), com-!
portant une période ascendante (ascension vers les dieux) et descendante
(retour vers la terre) (s), assurant une seconde naissance à l'homme (9), •
potirvu qu'il y ait chea lui la confiance (IO), la connaissance des lois
qui règlent les phénomènes du sacrifice (II), lequel est distinct de lama-?
gie, notamment par son caractère régulier et obligatoire ("2),

(1) R, GIRARD, La violence et le sacré, propose une explication des sacrifii-


oes dans le monde à partir de l'idée de violence car, pour lui "c'est :
la violence qu.i constitue le coeur véritable et l'âme secrète du sacré'}
p, 52. La thèse n'est pas éclairante pour l'hindouisme,
(2) S, LEVE, La doctrine du sacrifice, pp. 13 - 35»
(3) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, pp, 21 - 23.
(4) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, p, 31 •
(5) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, p, 77»
(6) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, p, 79.
(7) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, p. 80,
(s) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, p, 88,
(9) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, pp, IO6 - IO7,
(10) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, pp. IO9 - 110.
(11) S, LEVI, La doctrine du sacrifice, p. 122, Le rittiel est, du reste,
tellement complexe, p, 123, qu'il est souhaitable de se confier aux
prêtres, p, 127,
(12) S. LEVI, La doctrine du sacrifice, p, 129.
290

PoTor M, BIAEDKIU, le thème du sacrifice est le thème central des spécxi-,


dations qui structurent l'Inde classique (1 ) et il faut dans cette recherche,
accorder une importance particulière aux spéculations sur le Purusa. Elle
part de l'hymne au Purusa, le Purusasûkta, pris dans le Risç-sainhita, X,
» •

90 (2). Le Purusa désigne l'Absolu personnel et le principe immortel présent


«

au coeur de chaque individu. Ce Purusa, Homme primordial, représente et le


9

sacrifice et la victime sacrificielle, tout l'univers, le visibleet l^nviei»


ble et est le principe' organisateur des trois ibçndesjle oiel, la terre et
les-espaces inieimédiaires (3).
Lans le sacrifice, toujours selon M. Biardeau, on a l'abandon d'un bien
ou d'-un acquis pour l'offrande, d'un quelque chose qui est le substitut delà
personne, d'où une identification entre le sacrifiant et la victime (4)«
Cet abandon vise "la reconnaissance de l'interdépendance de touites les caté
gories d'êtres et de toutes les parties de l'univers" (5)» Cet abandon a
pour but l'obtention de plus grands biens et l'asstirance du bon fonctionne
ment du cosmos (6), Par exemple, les dieux, ayant reçu leur nourriture, en
voient ce qui est nécessaire à l'ordre cosmique, comme la pluie et la fécon-;
dité (7).

Le Purusa reste toujours un terpe définissant l'Absolu mais il désigne


aussi progressivement, l'homme et sa partie immortelle qui siibsiste dans la
délivrance. Il serait alors comme un synonyme d'atman (8). Les Upanisad dér-
————— • 9

passent le strict point de vue du brahmanisme dans le sens du renoncement et;


d'une intériorisation. Toutefois, il est ind-Û. d'opposer les Brahmana et leq
Upanisad en la «aatière. "Il n'y a peut-être jamais eu dans l'Inde, écrit

Madeleine Biardeau, une forme pure de religion sacrificielle, pas plus qu'une
forme pure du renoncement perçu comme rupture avec le sacrifice"(9).

(1) M. BIARDEAU, Le sacrifice dans l!Inde ancienne, p. 17»


(2) L'Auteur utilise la traduction de L, REHOU, dans Hymnes spéculatifs
Veda, p. 97, qu'elle cite dans Le sacrifice dans l'Inde ancienne, pp,14-T
15. R. PAHIKKAR traduit l'hymne dans The Vedic Expérience, pp. 75-76.
(3) M. BIARDE/i.U, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p. I6.
(4) M, BIARDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p. I9.
(5) M. BIARDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p. 20.
(6) M. BIARDEAU, Le sacrifice dans l'Inde a,ncienne, pp. 21 -22.
(7) M. BI/iRDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p. 24.
(b) m. biardeau. Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p. 56.
(9) M. BIxAEîDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p. 65.
291

En termes simples, d'tine part, les Brahmana ne se contentent pas d'nn acte
pnr et minutieux, indépendant de l'intention de celui qiii le pose ou qui le
demande et les Upanisad d'autre part, ne rejettent pas, au nom du. renonce-
c

ment et de l'intériorisation, la possibilité de l'acte extérieur. On a là


devix aspects qui ont formé l'hindouisme, deux pôles qui s'attirent et qu'on
ne peut séparer. Cependant, les Aranyàto systématisent des pratiques sans
doute issues de la doctrine antérieure du sacrifice mais dans le sens d'tme •
diminution de l'activité rituelle extérieure. Par exemple, on a moins le fey.
extérieur (Agni) ou l'offrande de substances,sinon la parole et le souffle(l ),
Dans l'hindouisme classique, le langage du sacrifice déborde le domaine
strict du rite sacrificiel et l'on a assez facilement le sentiment d'une dis-?

parition du sacrifice extérieur proprement dit (2), bien qu'il pxiisse y


avoir des s^irvivances védiques dans les rites de 3a bhakti (5),
Au-delà des recherches complexes sur l'évolution de l'hindoviisme, il
reste toujouers en Inde, poiir M, Biardeau, un lien entre l'homme et l'univers
dont il est une partie, "En un sens, l'vinivers manifesté n'est pas le
Purusa suprême, qui est toujours, dans sa forme propre, non manifesté, sans
forme; en un autre sens, l'univers n'est pas autre que lui, pviisqu'il émane
de lui, A l'homme 'microcosme' qui nous est familier, l'Inde oppose depuis
le début un univers "macranthrope*, un univers en forme d'homme; entretemps,
le Purusa-Sacrifice est devenu Yogin" (4). Il reste aussi une double polari
té sacrifice - renoncement, "L'idéal orthodoxe, écrit M. Biardeau, est dou
ble; une vie d'homme dans le monde tout ordonnée autour du sacrifice et du

dharma s'oppose à -ou s'achève en- une vie de renonçant, où l'adieu, à la


société s'exprime d'abord par l'abandon des sacrifices"(5), Si nous compre--
nons bien, il y a un lien entre ces deux éléments, soit d'une part, le lien
qui unit l'homme et l'univers et, d'autre part, la double polarité (la vie
dans le monde autour du sacrifice et la vie de renonçant comprenant un adieu

(1) M, BIAEDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p, 66,


(2) M, BliiJîDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p, 81,
(3) M, BUIEDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p, 82,
(4) M, BIARDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p, 108,
(5) M, BIAEDEAU, Le sacrifice dans l'Inde ancienne, p, 121,
292

à la société commençant par l'abandon du sacrifice); en ce sens, donc, tout


touame autour du sacrifice, du Purusa, de cette idée ou de cette réalité du
démembrement progressif, ce que Pl, Panildcar appelle les deux actes de la
création (l).

B, Perspectives panikkarienne

E, Panikkar ne se libre pas à une analyse détaillée d'une évolution du


culte dans le christianisme. D'une façon générale, il parle d'une sponta
néité du culte au début des religions, faisant place,ultérieurement, à une
certaine fixation rituelle qui n'est pas toujours indemne d'un distancement
entre, d'une part, l'acte accompli et, d'autre part, la compréhension par
l'homme et l'adhésion de celrâ-ci.

(l) Nous verrons que l'évolution observée par M. Biardeau rejoint celle
décrite par le professeur de Santa Barbara, Nous reviendrons aussi à ce
que celui-ci dit du Purusa, Avant de passer aux perspectives proprement
panikkariennes, soulignons combien cette perception de sacrifice nous
semble éloignée de celle de R, GIEAED, Pour lui, du moins dans La
Violence et le sacré, p, 85, "la religion, en effet, n'a jamais qu'un
seul but et c'est d'empêcher le retour de la violence réciproque". Les
sacrifices n^auraient pas pour objet principal de mettre en relation avec
les dieux (p, 131), ils ne sont pas une offrande à la divinité (p, 367),
le dénominateur commun aux différents sacrifices serait la violence in

testine, entre proches, violence que le sacrifice élimine en restaurant


l'harmonie dans les communautés et en renforçant l'unité sociale (p^k 22,
55, 38, 51, etc.), la société détoirmant vers une victime indifférente
et sacrifiable "une violence qui risque de frapper ses propres membres,
ceux qu'elle entend à tout prix protéger" (p. 17, p. 135, etc). D'où,
des affiimations comme "il n'est pas vin des phénomènes considérés dans le
présent essai qui ne se ramène à l'identité de la violence et du sacré"
(p, 360), Reconnaissons que GIRjlED parle "Un autre langage à propos du
Christ dans Des choses cachées, pp, 213, 214, 220 - 221, 229, etc.
295

Ce paragra.phe veut résumer sa pensée sur les étapes du culte, dans la


religion hindoue et la synthèse qui s^iit se situe plus sous un angle philoso-
phico-théologique que sur un plan strictement historique,

L'Autewc distingue trois phases !


\ *
1) le Veda, les Brahmana, le Karma-marga ;
2) les Upanisad et l'évolution moderne du jnana-marga ;
5) les voies de salut, la dévotion hindoue, le hhakti-marga *

1° La première phase.

Le karmsn, ou actior^ est souvent lié, en Indologie, à la théorie du


samsara (= traiismigration) (1) mais la doctrine du karman n'aurait pas eu
ce lien à l'origine (2), Le karman, dans la première phase, est "l'acte
sacrificiel, cultuel"..."Rien d'autre n'est karman" (3), A ce niveau, il
ne petit être réduit à une bonne conduite (ou orthopoïèsis) pas plus qu'à
une mauvaise conduite. Il s'agit de l'acte comme moyen de salut posé par
un homme qui a son centre en Dieu et qui, par l'acte cultuel, réintingre
sa plénitude primordiale (4). Rn tel acte, posé avec cette intentionna-
lité, est créateur et rédempteur. Il s'agit d'un "commerce ontologique
avec le monde divin" (5)« Le karman à la période védique est une "action
cultuelle" ou une "action chargée d'être et salvatrice" (6), On y insis
te sur le rite, sur le sacrifice et même sur "l'exactitude entitative
et objective des rites (7),

(1) Par exemple, voir MAHARISHI IL\HESH YOGI, La science de l'Etre et l'Art
de vivre, pp. I65 - 165»
(2) R, PAÎflKKAR, Le mystère du culte, p, 56, note I6, Historiquement, dit
l'Auteur, dans Spiritualità indu, p, 69, la théorie dti Karma n'a pas
des origines bien établies.
(5) R. PMIKKAR, Le mystère du. culte, p. 55»
(4) R. PAlïIKKAR, Le mystère du culte, p, 55.
(5) R, PAÎIIKICAR, Le mystère du culte, p, 56.
(6) R, PAILEKKAR, Le mystère du culte, p, 59. Dans l'univers védique, chaque
acte humain a la. structure théandrique d'un sacrement d'après Some
Aspects of Suffering and Sorrow in the Vedas, p. 395.
(7) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 61, Voir aussi Le mythe comme
histoire sacrée, pp. 268-269. Ceci est confirmé par M. DHAVAÎ40HY,
Hindu ¥orship. Sacrifices and Sacraments, p. 108,
294

même si on ne comprend pas toujours les sjnnboles utilisés (l).

(l) M, BHâVMOîIY, dans Hindu Worship, Sacrifices and Sacrements, décrit les
rites fondamentainc comme le ss^crifice du feu ou Agnihotra (pp. 85 - 85),
lié, avec le soleil, au circuit de la vie, les sacrifices à la nouvelle
lune et à la pleine lune ou Gâtuomiâsya, tous les qvxatre mois (pp. 86 - 87 \
le sacrifice du soma ou Agnistoma (pp» 97 ~ 98) objet d'interprétations
————— .•»

différentes, le sacrifice du cheval ou Asvamedha, peut-être leplUs impo


sant (p, 98), et les rites expia.toires ou Prâyacitta (pp,89 -92), desti
nés notamment à remédier axcc erreurs commises dans l'observance des rites.
Il souligne,au passage, (p. 90), qu'on n'y distingue pas totijours le pé
ché et d'autres maux comme la souffrance et que, si le sens du péché per
sonnel existe, il y est peu développé.
Concernant ces rites védiques, M, DHAVAIîOEY relève quelques points inté
ressants comme l'aspect marchandage (les hommes ont besoin des dieux, par
exemple pour la pluie et la santé, et les dieux ont besoin des hommes
poun leur propre nourriture), ou la sortie du chaos (les dieinc sortent le
monde du chaos par le sacrifice primordial et le sacrifice ultérieur em
pêche le monde de retourner au chaos)-, ainsi que l'importance de la paro
le qui "mène le sacrifice aux dieux" et de la foi dans l'efficacité du
rite, La pratique des vertus morales n'auxait été valorisée qu'ultérieu
rement (voir pp, 92 - 97)»
En plus des sacrifices védiques précités, il faut retenir encore les of
frandes multiples opérées dans des rites domestiques (pp, 97-98) et les
sacrements (SaAskâra) que l'auteur situe aux grands moments de la vie hu
maine, soit qu'il s'agisse des rites tournant autour de la naissance
(pp, 98-99)» 8.e ceux de l'initiation qui s'accomplissent à un âge variant
selon les castes (pp, 99-"102), de ceux du mariage (pp, 105 -106)ou des '
rites funéraires (pp, IO6-IO7), On reste frappé, dans ses analyses, par
la complexité et par la richesse des rites et des symboles, par l'omni
présence du mantra (dont nous reparlerons) et des discours explicatifs
(que R, PaniMcar appelle des "nigriques"), ainsi que par la religiosité
profonde de l'univers védique.
Enfin, p, 119, il souligne aussi que dans le contexte rituel des Brahmana,
la vie religieuse et morale est à la base, déjà, de la vie rituelle, "Il
y avait donc plus que du mécanique". Voir aussi G,B, PAPALI, Yédisme et
hindouisme classique, pp, 56- 59» 60-62, 64, Sur les sacrements ou
SaAskâra dans l'hindouisme, R, PANIKKAR propose vine abondante bibliogra
phie dans Spiritualité indu, pp, IOS-IO9, note 18,
295

2° La deuxième phase

Dans les TJpanisad, l'essence du oiîLte est moins l'exactitude du rite


»

et de son accomplissement que les dispositions humaines ou que l'esprit dans


lequel les rites; sont accomplis, ce qui ne suppose pas une élimination de
ceinc-ci (1).
Le l)u.t de l'homme est Brahman et le culte est l'acte posé pour attein
dre ce hut. C'est ceci qui est visé, par exemple, dans la méditation. Celle-
ci nous aide à rejoindre ce qus nous sommes. Elle ne nous conduit pas à re
connaître une vérité mais plutôt à la devenir. Elle est une "manière de di
vinisation" (2) et le"sommet de tout le yoga" (3). Par elle, les obstacles
s'estompent, la libération progresse, la rupture avec le "surnature]'îc'èeï
résorbe, plus que par la réflexion, l'étude ou l'exégèse des livres saints,
"Lieu préfère la libération au rite" (4)» Par elle, par la méditation, l'hom
me approche progressivement de son Soi pur, de son âtman, et donc de l'iden-^
tité Atman-Brahman,

Plus, peLit-être, que dans le culte védique antérieur, la pensée


upanisadique propose donc une catharsis qui vise à la libération, à la
moksa, La pensée philosophique védantine propose comme vin "sacrifice inté-
rieur" (5) le jnânâ-mârga , qui n'est pas à identifier à une activité discur
sive dé l'intellect, à une spéculation de type purement rationnel. Elle
peut même aller, c'est fréquent, vers une forme non-discursive . Par rap- .
port à la première phase, la phase upanisadique va donc dans le sens d'une
intériorisation (6),

(1) R, PAiriIÇEC/\.R, Le culte et l'homme séculier, p, 61, Lans Spiritualita


indu, l'Auteur définit les TJpanisad, p, 40» comme étant "un poème de
spiritualité intérieure". Les TJpanisad seraient en contimaité avec le
Yeda et le sacrifice védique mais dans le sens d'une intériorisation.
Le mouvement upanisadique débouchera ultérieurement sur la bhakti
(p. 41 ).
(2) R, PARIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 62,
(3) R» PANIKICAR, Le culte et l'homme séculier, p, 65,
(4) R. PiiîTIKITAR, The Bostonian Yerities, p, I46,
(5) R» PARIICKAR, Le culte et l'homme séculier, pp, 64 - 65, Voir aussi
pp, 92 - 94 sur l'Agnihotra intérievir,
(6) R, PARIKKAR, Vâc in the sruti, p, 4? Religions e religioni, p, 134.
296

=R. Panilckar observe qu'on risque, dans cette phase, de verser dans un
certain élitisme. Il constate aussi que l'Inde, présentement, opère une sé
cularisation simplifiante. Elle mise sur une éducation profane et scienti
fique ainsi que sur le travail profane. Toutefois, le tréfonds religieux
des millénaires fait que ce savoir et que ce labeur peuvent encore y ^rder
un caractère cultuel. Dans The Trinity and the Religious Expérience,
l'Auteur rappelle que l'Inde propose un type de spiritualité différent delà
spiritualité personnaliste que l'on retrouve dans le judaïsme, dans le clirisr
tianisme, dans l'islam, ainsi que, au sein de l'hindouisme, dans le bhakti-
mârga dont il va être question (l),

5° La troisième phase

Le bhakti-mârga, ou chemin de la dévotion, se présente comme la voie de


l'abandon, de l'amotir, dans une peré'perdiive personnaliste,

La multiplicité des foruies dévotionnelles n'empêche pas un point commuii


qui est "le don total de soi à la divinité",., le culte étant, ici, "avant
tout une activité essentiellement aimante" (2),

R, Panikkar nous propose une analyse des trois phases qu.'il a présen
tées, La première phase serait de type hétéronome : l'homme offre un cixLte,
il prie parce que Lieu le fait prier, parce que des préceptes sont avancés.
Le symbole rituel n'est même pas toujours compris par l'orant, "Inutile de
comprendre, il suffit d'exister et on est intégré" (5),

(1) R, PMIKKAR, The Trinity and the Religious Expérience, pp, 25-40; voir
siirtout pp, 21, 22, 25, 27-28, 29, 52, etc.
(2) R, PMIKKâR, Le culte et l'homme séculier,p. 69, M, LHAYMîORY, dans
Hindu Worship, Sacrifices and Sacraments, souligne qu'avec la Gitâ dis
paraît l'aspect commercial (do ut des) au profit de la dévotion et du dé
tachement (pp. 108-110), Après l'époque védique, on assisterait à une
intériorisation du culte. L'insistance est mise sur la concentration
s-ur Lieu, sur l'union heureuse avec Lui (p, 111 ), sur la méditation sur
Brahman inséré dans le lotus du coeur, approché par le Yoga, vénéré par
le culte mental (p, 112), Au-delà des divinités mineures, la vénération
du Lieu Suprême (pp, 112 - II3),
(3) R« PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 76.
297

"Le culte hétéronome de la. période védique entend faire du réel, entend bâ
tir le monde ou le faire surgis?, entend participer au processus théo-cosmi
que" (l).
La phase upanisadique veut davantage comprendre et constitue une réac-
tion autonome. L'homme se sépare du tout, il veut une participation cons
ciente au processus de sa libération (2), On veut comprendre les symboles,
on exige la"signifiance"des actes, on tient à la connaissance. "L'ontique
devient ontologique, et à partir de là, logique" (5).
l^îais l'Inde, malgré le prestige du Vedânta et l'influence du bouddhisme,, .

n'a jamais abandonné la bhakti et le tantrisme (4).


Notre Auteur donne ici une réflexion personnelle. Nous connaissons sa
préférence pour ce qu'il appelle l'ontonomie. Or, il constate que, d'une
part, l'Inde est restée de tendance hétéronome et que, d'autre part, le -ohri'p-
christianisme occidental est dans le creux de la vague autonome. Par le diar-
logue entre les deux univers, l'Inde pourrait donner une impulsion au chris
tianisme. Un tel dialogue pourrait "remettre en lumière le noyau ontonome
de la vraie religiosité hiomaine" (5)«
Dans l'hétéronomie, l'accent est mis sur l'opus operatum, "Dieu travail^
le à sauver le monde et à le tirer à lui" (6). Dans l'autonomie, on insiste
sur l'opus operantis (?)« Dans l'ontonomie, le service divin signifie et
seivice de Dieu et service de l'homme, soit démarche de convergence,
"L'actus operantis du culte y est requis, comme y est essentiel l'opus ope
ratum" (s). Le culte est "le serviaë divin qui unit objectivité et subjecti
vité, oeuvre divine et participation humaine, action et intention, matière
et forme, liberté de la grâce et collaboration humaine, en im mot Dieu et
l'homme, le Christ" (9).

(1) R, PANIIQLiR, Le ovilte et l'homme séculier, p. 77.


(2) R, PMIZKâR, Le culte et l'homme séculier, p. 77.
(3) R» PANIICRAR, Le culte et l'homme séculier, p. 77»
(4) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 78.
(5) R. PANIKKAR, Le cixLte et l'homme séculier, p. 79 ce dialogue pourrait
nous enrichir ; The Vedic Expérience, p. 4»
(6) R. PAHKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 80,
(7) R» PANIKK/iR, Le culte et l'homme sécuAier, p. 81.
(8) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 80,
(9) R. PAiNIKKAR, Le culte et l'homme séculier, pp. 80-81,
298

Plus loin, l'Auteur parle de oe motivement perpétuel où l'univers est


incrusté, venant à tout instant de Dieu et retournant à Lui, Dans ce mouve
ment, l'homme ne peut être seul, pas plus que Lieu, Il faut "l'aventure de
la divinité avec le monde qu'elle a produit" (l). A ce moment, il élève sa
pensée en soulignant la nécessité d'un médiateur dans le sacrifice reliant
les deux pôles du réel. C'est ce médiateur qui rend possible le sacrifice,
le retour en Dieu de la victime qui est constituée par tous les éléments du
cosmos, "Grâce à oe sacrifice, non seulement tous les mondes et l'homme peu-r
vent faire retour à leur lieu d'origine, mais d'ores et déjà naissent et
sont sauvés par celui qui donne à toutes choses de subsister" (2),

Dès le départ, l'Auteur a précisé qu'il visait moins un survol histori


que précis qu'une analyse philosophico-théologique. Ce souci premier ne le
dispense pas de connaître l'histoire ou les différentes tendances du culte
à l'intérieur de l'hindouisme (j), mais il ne le porte pas à "l'archéolo-
gisme", L'Atiteur ne se tourne pas vers le passé pour le pa,ssé mais pour le
présent et pour une investigation plus que phénoménologique. Il s'implique
dans son analyse. Il n'y reste pas neutre. Il ne se veut pas étranger ou.
extérieur à son discours.

Jamais, nous n'avons ressenti un jugement négatif ou méprisant pour


une phase de l'évolution qu'il décrit, mais souvent nous avons perçu ses pré
férences, ses options, ses suggestions et souhaits, Nous pouvons souligner
quelques aspects de sa réflexion,

1° R, Panikkar est soucieux de voir se pousuivre, se développer et s'exploi


ter le commerce entre les deux pôles dti réel, Rous voulions souligner, enoo-
la, qu'il n'opère pas ses analyses comme le ferait un historien "neutre"
des religions sc3?utant des formes cultuelles aussi froidement qu'on pour
rait étudier une poterie ou une momie, comme données du passé de l'homme,

2° Il est sovicieux de signifiance et de participation. Il souligne volon


tiers que l'acte posé doit être porteur de sens et tout autant que l'ad
hésion de la personne est requise pour le retour cosmique au lieu d'ori
gine.

(1 ) R, PAITIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 88,


(2) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 89.
(3) Pour un survol historique, voir Spiritualité indu, pp. 59 - I04,
299

5° Il marque une préférence pour la réaction upanisadique, à condition


4

qu'elle ne verse pas dans l'élitisme ou dans la froideur, ce qui est con
trôlé par la thalcti (1)9

4° Il est soucieux de convergence, au nom d 'une "religion religieuse".


Sa mystique ne rejette ni le rite, ni le symbole, ni l'acte extérieur.
Elle Intègre la méditation, la contemplation, la prière. Elle y associe
la dévotion pour un Etre Suprême qui n'est pas loin de nous,

5® Les différentes phases décrites constituent pour lui un vaste milieu


éducatif. Nous devons souligner cette perspective. Alors qu'Auguste
Comte distingue trois âges dans l'humanité, l'âge mythologique, l'âge mé
taphysique et l'âge ou l'état positif et qu'il les imagine successifs,
R. Panikkar, lui, e'il distingue trois phases dans le culte à l'intériein?
de l'hindouisme, ne veut pas opposer l'une à l'autre, l'hétéronomie védi-r
que à l'autonomie upanisadique5 au contraire, par l'ontonomie, il veut
intégrer, il veut souligner la complémentarité et cela, non pas seulemenj;
comme analyste, mais comme prospecteur.

Il ne vient pas juger une histoire qu'il n'a pas vécue mais il ne tient
pas à l'ignorer comme s'il ne lui devait rien, (2).

Approfondissons maintenant le thème du sacrifice. Nous pourrons ici


établir un lien avec ce que nous disaient, dans l'introduction de ce para
graphe, S. Levi et M, Biardeau. C'est le moment, autrement dit, de proposer
quelques ouvertures panikkarlennes aux mystère du Purusa, dont on ne peut
faire abstraction dans une recherche sur le ouAte dans l'hindouisme.

Comme le dit le professeur de Santa Barbara, le Purusa évoque "l'Homme


primordial, oeuvre des mains de Dieu ou première manifestation extradivine
du principe divin lui-même" (j). Nous retrouvons ailleurs des concordances
avec 1-îadeleine Biardeau, Notre Auteur parle aussi du Purusasûkta comme ex-
primant la substance du culte védique.

(1) R, PANIKKAR,dit,dans Religione e religioni, p, 26, que la vraie religion


serait moins dans sa forme externe qtie dans son esprit et son intention,
(2) L'Auteur dit, dans The Vedic Expérience, p. II4 î "Rien n'est plus lourd
que d'être obsédé par la modernité et de prétendre oubliacle passé",
(5) R, PANIKKAR, Lettre stir l'Inde, p, 64.
500

"Le Tout, décrit ici comme l'homme originel, est identique à son activité,
c'est-à-dire au sacrifice. Ce qui fait la vitalité du Tout, osera,it-on dire,
c'est le sacrifice. C'est par le sacrifice que le Tout 'est', c'est par le
sacrifice que le Tout se démembre, ou mieux, pour conserver la transcendance
du Purusa, im quart du tout va se découper en création ; il devient oeil,
soleil, souffle, vent -tout ce qui est- puis par le sacrifice la création
retourne au Purusa" et "les nombrevix autres sacrifices ne sont rien d'autre

qu'tine participation à ce sacrifice cosmogonique par lequel le monde s'élève


jusqu'à sa fin originelle" (2). Il s'agirait, par le sacrifice, de restau
rer l'abondance originelle perdœou éparpillée. Le sacrifice serait aussi
le lien ou le pont entre l'âtman comme désignant l'immanence divine et le
Purusa disant davantage la transcendance divine (2).
Au fond, il y a, pour l'Inde, une seule réalité : la divinité absolue
et infinie, une réalité essentiellement vivante, ad intra pour les trois
quarts de l'Absolu réservés aux processus intrinsèques intratrinitaires et
ad extra peur le quatrième quart engagé dans l'aventure de la divinité avec
le monde qu'elle a produit. Aussi bien ad intra que ad extra, l'ordre di
vin est fondé sur le sacrifice, soit sur l'oblation de soi, stir le don de soi,
car tout ce qui naît par le don de soi vit par le don de soi. Ce sacrifice,
don de soi, est aussi don en retour, restitution de l'être donné. L'homme •
participe ainsi, par le sacrifice, à l'oeuvre divine. Il s'intégre au sacri
fice cosmique. Il acquiett la vie étemelle. Lans cette conception, on
sent que Dieu ne s'ingère pas seul, sans nous, dans les affaires du monde et
qu.e l'homme, de même, ne peut rester seul, sans Dieu, pour remplir sa tâ
che (5).
En termes plus familiers pour nous, "le chrétien, dit R. Panikkar, cé
lèbre la liturgie non pas seulement pour louer le Seigneur et pour l'aimer,
ni même seulement pour accomplir ses devoirs religieux en compagnie de ses
frères ou po\ir se sanctifier et sanctifier les autres, il participe à la li
turgie dans le but d'offrir, d'accomplir le sacrifice libérateur, le sacri-^
fice qui. sauve le monde et pour lequel le monde a été créé, le sacrifice qui
inaugure le retour dit cosmos et commence à former déjà des cieux nouveaux et
une terre nouvelle.

(1) E. PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 84.


(2) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 85; voir The Vedic Expérience,
PP» 75 - 76, p. XZXVI.
(3) R. PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 88.
501

Nous sommes des coopératetccs de Dieu, des co-liturges de la même théurgië'(l ).


Le védisme part du caractère sacrificiel de toute réalité, Prajapati
crée le monde en se sacrifiant et, par après, le sacrifice régit la vie divi
ne, cosmique et humaine. Il est l'ohlation totale de ce qu'on a et de ce qvie
qu'on est. Il donne l'existence, la vie, l'espérance de la vie, l'être. Il
soutient l'univers. Tous les sacrifices, ainsi, actualisent le sacrifice
primordial et le célèbrent quotidiennement (2),
"Le monde est né d'iTn sacrifice et par an autre il meurt, c'est-à-dire
il renaît à la vie, il rentre en Dieu" (5). Le monde ne se soutient pas en
soi, pourrions-nous comprendre,c'est sans cesse Dieu qui se démembre et c%st
sans cesse qu'il se refait. Le processus cosmique est "un processus théo-
poiétique, il refait Dieu". L'homme est "une 'étincelle' divine, un moment
de la recréation de Dieu, un élément du sacrifice divin qui refait à l'inver
se la chute originante" (4)«
"Le sacrifice est le centre du monde, sa force, quii lui donne le courage
d'être ce qu'il est, ce qu'il sera, qtii supporte le cosmos et le maintient
dans l'existence. Le sacrifice n'est pas seulement une affaire humaine mais
un événement cosmique" (5)« Ainsi, dans tout acte liturgique, on serait au
centre de l'espace et du temps, on serait comme au nombril du monde et de
l'existence, comme au coeur vrai de l'Etre,

Tout ceci n'est; pas sans rappeler le mythe de l'inceste. En milieu hin
dou, il exprimerait non la création du monde mais sa re-création. Nous sen
tons un lien entre l'inceste et la rédemption dans un second moment de la
création, une fois que le monde est là (é).

(1) R, PANIKEAIi, Le nçrstère du culte, p, 162,


(2) R, PANIKKAR, Le mythe comme histoire sacrée, pp, 268 - 269,
(3) R» PAITIIQCAR, La faute originante, p, 85; The Vedic Expérience, p« 55.
(4) R. PANIKKAR, La faute originante, p, 85.
(5) R. PANIKKAR, vâc in the sruti, p. 12, Dans Spiritualita indu, pp„ 38-
39» l'Auteur parle du sacrifice védique comme de l'essence de la religion,
liée à la création du monde et au retoixr de celui-ci à Dieu, Le sacrifi

ce est "l'action théandrique par laquelle l'homme uni au cosmos est sau
vé", Par le sacrifice, le monde commence et s'achève. Thème de la créa
tion et du retour en Dieu, aussi p, 65.
(6) R, PANIKKAR, The myth of inoest, p, I36,
302

Dieu "redescend" et il vient assumer sa création pour l'incorporer à sa pro


pre vie, pour compléter l'acte créateur de la "chute originante", pour ra
mener les créatures vers leur fin ou faire participer la créature à la fé
condité divine, pour l'élever au rang de partenaire (l).
R, Paniklcar interprète le mythe de Prajapati comme exprimant le sacri
fice primordial de Dieu qui se donne pour permettre à d'autres d'être, puis,
dans une seconde éi)ape, on assiste comme à un mouvement centrifuge des créa
tures allant progressivement vers un état chaotique, vers l'entropie. Dans
une nouvelle étape, Dieu revient. Si l'on veut, l'enjeu du mythe ne serait
pas de dire aux hommes qu'ils doivent retourner vers l'état primordial con
sidéré comme un idéal mais de donner à tout être et à tous les hommes un sta-r

tut divin. Dieu ne serait plus seulement Dieu, ni l'homme seulement homme. •
Dieu et l'homme redeviendraient Purusa (2).
Le thème du sacrifice dans l'hindouism.e, par voie de conséquence, parai-
trait difficilement dissociable de celui du Purusa. Celui-ci semble complexe
et riche. Ainsi, en plus du survol des trois phases du culte dans l'hin- •
douisme, qui avait amené l'Auteur à soioligner l'importance du commerce entre
les deux pôles du réel, à faire appel à la signifiance des actes posés et à ^
la participation personnelle, à tirer aussi tous les enseignements de l'é
volution à travers les Brahmana, les Upanisad jusqu'à la bhakti, R. Panikkar
insiste, dans l'analyse du culte et du sacrifice, sur le thèm-e de Prajapati-
Purusa, sur le sacrifice conme acte de Dieu qtii se donne et comme acte de
l'homme qui fait retour à sa source. Il semble intéressant de soulignercetr-
te perspective chère à l'hindouisme et sans laquelle, selon des connaisseurs
comme S, Levi, M. Biardeau et R. Panikkar, nous accepterions une grave lacu
ne pour la compréhension de l'univers hindou.

Ceci explique l'importance que le professeur de Santa Barbara accorde


au sacrifice dans The Yedic Expérience, Quintessence du Yeda, le sacrifice
a connu en Inde tine évolution à travers les âges, mais il reste toujours une
action qui crée, agit, produit (5). Par le sacrifice primordial, Prajâpati
donne naissance à l'être. Par le sacrifice, il y a collaboration entre le
monde divin et le monde humain (4)» par lui, l'univers est préservé, il

(1)'R. PANIKKAR, The myth of incest, p. 130-159.


(2) R, P/\1TIKKAR, The myth of incest, p. I42. Voir aussi The Vedic Expérience,
p. 73.
(3) R. PMIKKAR, The Vedic Expérience, p. 347»
(4) R. PAIIIKEAR, The Vedic Expérience, p. 351 •
503

reçoit la vie et il garde l'espoir (l). Par lui, l'homme va vers le divin
et le divin vient vers l'homme (2), Par lui, le monde est sans cesse nou
veau (3). Par lui, sont possibles le salut et le saut vers l'autre bord (4),
An. premier acte divin sacrificiel correspond le second acte qui est humain,
en sorte que toute liturgie est un "re-faire" du monde, une reprise del%icte
créateur (5), par lequel le monde devient (6),
Plus qu'un spectateur dvi cosmos, l'homme dans le sacrifice, naît une
deuxième fois dans son échange avec le monde divin (7), Il s'unit avec le
tout de la réalité. Il restaure l'unité entre les mondes»

Dans cette somme sxir le Tédisme, l'Auteur rappelle, une fois encore com
bien le thème du sacrifice connut une évolution dans le sens d'une intério
risation par rapport au risque du ritualisme initial. Le sacrifice ne de
vient-il pas aussi, en effet, l'étude sacrée, la connaissance upanisadique,
la destruction du petit Purusa qu'est l'ego individuel, en ce sens que, par
le sacrifice,l'homme se sauve de son individualité (s) ? L'Auteur rappelle
à cette occasion, les trois phases précitées du culte (5), la troisième
ayant sa source plus chez les princes que chez les brahmanes et manifestant
une poussée progressive vers le Vedânta (10), les Upanisad l'enregistrant (11 )
avec le theme de 1'agnihotra intérieur (12), La Gita chercherait alors une
synthèse harmonieuse de l'action, de la connaissance et de l'amour et propo
serait un chemin supérieirc au sacrifice védique et à la connaissance privilé
giée par les Upanisad (13).

R, PAITIKKAR, Ihe Tedic Expérience, p. 352,


R, PAUIKEAR, The Yedic Expérience, p, 353.
R, PAtîIICKAR, The Vedio Expérience, p, 353»
R, PARTEICAE, The Yedic Expérience, p, 355»
R, PARIKEAR, The Yedic Expérience, p. 355»
R, PAILEKEAR, The Yedic Expérience, p, 358.
R, PAMIKKAR, The Yedic Expérience, pp, 388-389* La première naissance
est celle par les parents, la troisième est la mort.
R, PAUIKECAR, The Yedic Expérience, pp, 390-391.
R, PAMIKKAR, The Yedic Expérience, p, 402.
R, PAMIKICAR, The Yedic Expérience, p, 403»
R, PAMIKKAR, The Yedic Expérience, pp, 4O6 - 4O8,
R, PAMIKKAR, The Yedic Expérience, pp. 409> 417-418.
R. PAMIKKAR, The Yedic Expérience, pp. 424 - 425*
304

Sans entrer dans toutes les spéculations de l'Inde sur le Purusa, que
nons laissons aux spécialistes et qui ne rentrent pas dans notre recherche,
disons toutefois que le thème semble riche. Pensons aux "trois quarts ad
intra qui marquent l'attachement à la transcendance de l'Absolu, à son as
pect brahman ou nirguna. Le quatrième quart est celvii qui est engagé dans
la vie avec le monde et avec les hommes, et l'on retrouverait ici l'élément
atman ainsi que le thème de l'immanence. On perçoit Dieu tourné verslîiom-
me et l'homme tourné vers Dieu, On se rappelle ainsi la donnée du sacrifice
primordial, du premier acte de la création ou du "démem.brement" et celle des
sacrifices ultérieurs, multiples et quotidiens, envisa-gés comme le second
acte de la création et comme procesBus de remembrem.ent.
505

§ 5 - ISS "RUBRIQUES" ET LES "NIGRIQUES"

A, Perspectives panikkariennes

Nous venons de percevoir trois phases dans l'évolution du culte à


l'intérieur de l'hindo-oisme, La première insiste siat le rite, svir le sa
crifice, sur la qualité de leur accomplissement. La phase upanisadique
<l

met davantage l'accent sur l'intériorisation. La troisième phase accen


tue l'abandon, la dévotion et l'amour. La première est de type hétérono-
me, la seconde peut être comprise comme uine réaction autonome, la troi
sième est la synthèse, après la thèse et l'antithèse.

Dans le nouveau paragraphe qui commence, nous porterons notre atten


tion sur le souci de R. PaniMcar, le souci ontonome, de voir les gestes
et les paroles chargés de signifiance et d'universalité. C'est le but
premier, nous semble-t-il, de sa réflexion sur ce qu'il appelle les'ira-
briques" et les "nigriques".

On appelle "rubriques" les indications en rouge dans les livres li


turgiques. Elles concernent "les actes extérieurs accompagnant les actes
intérieurs du cvilte divin" (l). Elles doivent normalement aider l'homme s
religieux à s'exprimer, mais il leur arrive de servir d'écrans si elles
sont coupées du contenu réel et vécu des prières et si elles sont liées
de façon trop nette à un contexte déteoxainé et qui nous serait étrsaiger.
R, Panikkar est sensible à la rencontre des cultures. 11 parle du "défi
majeur" (2) que constitue l'universalism^, d'où la nécessité, pour lui, de
trouver des sjrmboles universels, ce qui est difficile mais pas impossible
étant donné que la nature humaine est une, oomme est une l'aventvire hu
maine (3).
L'Auteur considère que l'homme séculier n'admet plus la période,
qu'il appelle "mythopoïétique", où la divinité révèle elle-même la maniè
re appropriée de lui rendre un culte (4).

(1) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 102, Nous croyons bon


d'axer ce paragraphe sur ce livre de Raymundo Paniklcar parce que
c'est l'ouvrage qui exprime le plvis clairement les termes de "rubri
ques" et de "nigriques".
(2) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 101.
(3) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 99»
(4) R» PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, IO3.
306

Il n'admet pas davantage que le culte vienne du seul homme (l).


Entre l'hétéronomie et l'autonomie , il prône "l'expérience non-dua
liste d'un acte à la fois pleinement humain et suprahumain" (2),
Pour notre Auteur, quelles sont les exigences d'une bonne rubrique "î
D'abord, celle de la spontanéité, Ella suppose des symboles vivants, encore
ressentis comme naturels et ne nécessitant pas de savantes explications.
Cette exigence suppose aussi la pixceté du coeirc et l'authenticité de la part
de l'homme. Reprenant des catégories occidentales, le professeur de Santa
Barbara tient à ce que qu'on ne retienne pa,s seulement l'cpus operatum en né
gligeant l'opus operantis (3).
Outre l'exigence de la spontanéité, il souhaite également celle de l'u-
niversalité, soit l'utilisation de sjmboles iiniversels ou universellement
acceptables, car un symbole autre serait "sectaire" (4).
Après la spontanéité et l'universalité, Raymundo Panikkar veut la con
crétion, soit des symboles concrets où notre conviction est liée à notre ex
périence personnelle, et la continuité. Continuiité, d'abord, à l'intérieur
de la tradition et cela par souci pastoral autant que d'un point de vue
théologique (5), Continuité, ensuite, "avec les formes du. culte environnan
tes" (6). L'Auteur souligne également que des rubriques peuvent être admi
ses et pratiquées par des gens ne partageant pas nécessairement la même or-
thodoxie * . Cela fait que, si les rubriques sont bonnes, le nombre des par
ticipants peut dépasser celui des orthodoxes (7).
Au début, dit-il, les différentes religions n'établissent pas de dis
tance entre les rubriques et le contenu intentionnel ou ce qu'il va appeler
les'higriques". L'intention y a pris parfois le desHus, au point de menacer
l'aspect matériel et extérieior de l'acte.

(1) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier. p. 104,


(2) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier. p. 104.
(3) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, pp. 107-110.
(4) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier. p. 112,
(5) R. PAÏTIKKAR, Le culte et 1'homme séculier, p. 119.
(6) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 119.
(7) R. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 121.
307

Ensuite, l'intention a cherché, de plus en plus, des voies d'expression qui,


ultérieurement, par exemple aujourd'hui dans notre ère séculière, font pro
blème, voire ne passent plus (l).
Toutes les traditions religieuses émettent des règles et des canons
"en vue de cristalliser l'esprit et la pratique d'un culte authentique" (2),
L'Auteur croit observer que la plupart des rites fondamentaux sont aujour
d'hui contestés. C'est au nom de cette contestation qu'il prône la sponta
néité, l'universalité, la concrétion et la continuité.

Même si on peut les interpréter d'une manière restrictive, il propose,


comme symboles universels, le manger, le boire, la danse, la célébration, la
pénitence, le chant, la justice, l'amour, l'espoir, la foi, le désir et
l'amitié (5).
Ce qui compte, c'est de viser à la sincérité, au culte en esprit et en
vérité, à la signifiance de chaque acte posé ou symbolisant ce que nous
croyons et cette sincérité spontanée et presqu.'inconsciente n'est pas attei]>
te par de savantes déductions et des commentaires explicatifs compliqués.
Convaincus alors qu'une chose est vraie, nous arrivons à l'universalité et,
notre conviction étant dans notre expérience personnelle, notis atteignons la
concrétion.

Tout cela peut se faire sans idolâtrer le passé dans un fixisme scléro-7
sant et, en même temps, cela peut exister sans voir seulement le présent vé-i
eu peir la personne, car on risquerait de ne pas tenir compte de toutes les •
dimensions humaines. Cet aspect de la question implique de nouveau les exi
gences de continuité et de concrétion (4).

(1) E, PAEIIQiAE, Le culte et l'homme séculier, pp, 102-105. Il reste aus


si qu'un rituel vu de l'extériem? risque d'être mal compris et d'être
perçu comme magique, voir Some Aspects of Suffering and Sorrow in the
Vedas, p. 593.
(2) R, PAWIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 104. La critique du rite
accompli sans authenticité existe aussi dans l'hindouisme. Voir par
exemple, la Châgaleya ïïpanisad, pp. 8-12, trad, L, EEÏÏOU.
. . _ >

(5) -E, P/iNIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 115. "La célébration con
temporaine doit être spontanée, créatrice et authentique. Ni planifiée,
ni forcée'^ dit l'Auteur dans The Vedic Expérience, p, 29.
(4) E, PANIKKAE, Le cu-lte et l'homme séculier, pp, II7 - 118,
308

Il peut donc y avoir une tradition et laie évolution de la tradition, Nous


n'avons pas, par conséq,uent, à prôner la révolution du rite, ni la rupture
ou la totale discontinuité avec le passé de l'homo religiosus (l). On ne
doit pas tout recommencer à zéro. Le point de vue pastoral exige, du reste,
qu'on respecte ceux qui ont grandi dans des formes religieuses qui ont fait
leurs preuves et le point de vue théologique vient soutenir le point de vue
pastoral, dit R, Panikkar, car "le culte chrétien est souvenir aussi bien
qu'attente, et la fidélité chrétienne est orientée non seulement vers l'ave
nir, mais aussi vers le passé" (2).

Passons maintenant à la question des "nigriques", "Si les rubriques


expriment les cérémonies parce qvi'elles étaient écrites en rubrum, rouge, les
nigriques sont le contenu même, écrit généralement en nigrum, noir" (3).
Les textes écrits en noir dans les livres liturgiques qui sont pronon
cés ou priés, par une personne ou par une communauté, doivent être en rela
tion avec les rubriques dans la mesure du possible. Les nigriques,"textes
mêmes de l'acte cultuel" (4), sont nécessaires, mais aussi, selon l'Auteur,
trop souvent liées, comme les rubriques, à un contexte socio-culturel déter
miné, Le défi majeur de l'universalité s'adresse donc autant aux nigriques
qu'aux rubriques. Les nigriques aussi devraient, comme celles—ci, répondre
aux exigences de spontanéité, d'universalité, de concrétion, et de continui
té, afin de faciliter un culte qui soit une démarche marquée d'authenticité.
Les nigriques sont également associées aux rubriques pour assurer la
%ignifiance"de chaque acte pose, symbolisant ce que nous croyons» IJh problè
me leur est particulier. Les nigriques, de par leur nature, sont davantage
liées à l'orthodoxie, elles l'expriment, elles la disent, elles la proclament.
Si nous pouvons nous permettre un exemple qui n'est pas de notre Auteur, nous
pourrions imaginer une foule qui danse au début du printemps, lorsque les
premiers arbres fleurissent chez nous et que, pendant des jours plus longs,
la température se faxt plus clemente, faisant revenir les oiseaux migrateurs
et poussant chaque créature à chanter après m long silence hivernal.

(1) l'Tous pensons, par exemple, aux rites d'initiation de groupes américains
qui, sous le soleil et dans le Pacifique, reprennent le rite de l'eau,
(2) R, PAMIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. II9.
(5) R» PAIÎIKKAR, Le mythe comme histoire sacrée, p, 312,
(4) R« P/iPFIîŒAR, Le c"ulte et l'homme séculier, p, 102.
509

La ruLrique de la danse réunit tout le monde. Une nigrique sur la nature en


renouveau et en résurrection peut réunir tout le monde également. Mais la
nigrique "Christ est ressuscité" n'est pas admise et partagée par chacun.
Ou encore, la nigrique de la'présence de Lieu au coe^•lr du peuple humain peut
rétinir une fovile immense, mais pour les uns ce sera, dans la perspective
d'une religion cosmiqvie, le moyen de souligner la fusion de l'homme avec
l'univers et, pour d'autres, l'occasion de communier à des événements repé-
raHes de l'histoire sainte comme la résurrection du Christ il y a deux
mille ans, toujours actuelle, et qui les appellent à passer de la mort au pé-r
ché à la vie en Lieu, le temps fort d'une prise de conscience communautaire
et d'une métanoïa. La ru'brique sera peut-être identique, les nigriques se
ront différentes sans toutefois être toujours totalement étrangères.
R. Panilckar nous répète ici qu'une bonne rubrique peut réunir plus de parti
cipants qu'il n'y a d'orthodoxes,

L'Auteur imagine que certains participent aux rubriques sans adhérer


aux nigriques. Il admet que "le iituel possède une valeur en soi" (l) et
que les célébrations peuvent réunir des membres de religions différentes,
comme, en Inde et au Népal, par exemple, des Hindous participent aux fêtes
bouddhistes et réciproquenient. Les sanctuaires des uns, en effet, sont sou
vent imbriqués dans ceux des autres, comme à S;^ayambufnath au Népal. Lans
ce même pays, on a le paradoxe déconcertant de la. ICanya Kumari , 'déesse
hindoue" choisie au sein d'une famille d'orfèvres bouddhistes de Patan"(2),
L'usage du mandala et les techniques de méditation du Tantrayana sont éga
lement connus dans l'hindouisme et pourraient souvent l'être dans le chris- •
tianisme. On a là des rubriques identiques pour des orthodoxles différente^.

Face à l'évolution normale des religions, R, Panilckar aborde aussi le


problème de l'adaptation, A ce sujet, il parle des "transféreurs", c'est-
à-dire des gens qui vevilent établir des réformes dans les expressions reli
gieuses avec pour but de rendre le culte agréable, dans le souci de plaire
ou de séduire, avec l'objectif de raniener leiirs contemporains à la religion^).
Ils- veulent être à la mode, sans comprendre que rien n'est plus vite démodé
que la mode, sans savoir que celui qui épouse ae-ulement les iiées d'aujour
d'hui sera veuf demain.

(1) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 122,


(2) R. RIEPPEL, Népal, p. 60.
(5) R» PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 30»
51.0

Ils se lancent dans ce que notre Auteur appelle une "liturgie expérimenta
le" (l), A ses yeux, ils oublient que la liturgie était déjà vieillotte il y
a deux mille ans et que la crise actuelle se situe non pas seulement au ni
veau des formes, mais au niveau même du concept de liturgie (2), Il les con
sidère comme des iconoclastes dans la mesure où leur souci de plaire et de ré
cupérer les amène à balayer des rites qui ont survécu aux siècles, porteurs
de message et de densité, des rites qui avaient "valeur en soi" (3).

B, Quelques réactions

1, Rappelons synthétiquement quelques idées de l'Auteur.

1 ® Les termes de "rubriques" et de "nigriques" constituent un vocabulaire


utile et clair, nous semble-t-il,

2® Le souci d'une participation intelligénte, personnelle, directe au cul


te, supposant des rubriques et des nigriques rejoignent les personnes
et qui ne survivent pas seulement par archéologisme. Il est évident,
par exemple, qu'un coiors de liturgie ne peut se contenter de transmet
tre des rubriqu.es invariantes, de génération en génération, sans jamais
s'interroger sur la relation entre elles et l'orant,

5" Les qualités des rubriques et des nigriques qu'on se rappelle la spon
tanéité, l'universalité, la. concrétion et la continuité portent à ré
flexion et sont toutes qiiatre au service de la sincérité,

4° L'idée peut aussi être soulignée d'une souhaitable convergence entre


rubriques et nigriques. Une plus grande spontanéité paraît exister au
début des religions, mais, au rythme des siècles, au rythme de l'orga
nisation du culte, un distancement peut s'établir et se développer en
tre l'officiant et le simple orant, entre le symbole et l'homme» Celi4-
ci peut ainsi en arriver à "assister" plus qu'à "participer",

5° L'Auteur signale aussi une crise de rites, qu'il appelle "une crise des
intermédiares" (4). Les canons et les rites ne correspondent plus tou.-
jours au désir d'immédiateté, au souci d'expérience directe.

(1) R, PilIIKKAR, Le culte et l'homme séculier, pp. 51 - 32,


(2) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, pp, 56 - 57»
(3) R, PAMKKAR, Le culte et l'homme séculier, pp, - 37»
(4) R, PAfmCKAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p, 73 <
511

•La"connaissance des élites" (l) ne rejoint pas toujours de facto ce


qu'on expérimente personnellement ei cela se manifeste lorsqu'on est
dans une période où le souci d'une démarche personnelle dépasse'l'ac
ceptation d'une religion trop sécurisante pour ses membres (2). Il
nous met toutefois en garde contre la "liturgie expérimentale", contre
les transféreurs etle^lconoclastes" dont il fut question.

2, Après ce rappel bref, quelques réactions possibles.

1° Si un rite est non-signifiant, cela peut lui être reproché dans cer
tains cas, l'Eglise catholique s'en est rendue compte notamment depuis
le Concile Vatican II. îîais cela ne peut-il pas venir aussi du maté
rialisme ambiant ou simplement d'une insuffisante oonscientisation ?
Prenons un exemple quotidien, Nous donnons la main, le matin, à ce-ox
que nous rencontrons et avec qui un certain lien existe. Nous leur dir
sons "bonjour", mais, ce faisant, souhaitons-nous vraiment que le jour;
soit bon povir eux ? Dans ce cas, ce n'est pas tellement le rite qui
est en cause. Nous n'avons pas besoin d'un commentateur pour l'expli
quer. Ce qui est en cause, c'est le niveau de conscience de celui qui
accomplit le rite, au moment où il le fait,

2" L'exigence d'universalité ne peut-elle faire problème ?

Premièrement, ne risque-t-elle pas, en fin de compte, de nous amener


à confondre unité et uniformité ? Avec un mot d'explication,nous pour
rons comprendre les rubriques d'autrui sans nécessairement les appli-,
quer personnellement. Nous pouvons apprécier les offrandes de fruits
et de fleurs, chaque matin et chaque soir^ dans l'hindouisme balinais,
ou le signe de croix orthodoxe univsantj^ d'une part, le pouce, l'in
dex et le majeur (pour ra,ppeler la Trinité) et, d'autre part, l'annu
laire et 1 'a^uriculaire (pour rappeler les deux natures en Christ). Un
mot suffit pour nous faire apprécier que le Juif pieux prie la tête
couverte (pour se rappeler qu'il y a Quelqu'xm au-dessus de lui) ou
la position panindienne du lotiis, sans vouloir imposer tout cela chez
nous.

(1) R, PANIKKAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p. 75.


(2) R, PANIKKAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p. 74.
512

On peut dire aussi que les gestes, comme la parole, sont plus culturels
qu'on ne le pense parfois et que cela n'empêche pas l'universalité "catholi-
qiie" d'vine communauté qui vit les mêmes réalités sous des formes culturelle-
ment différentes. Entre l'universel uniforme et le sectaire pluriforme, il
y a donc une place pour un authentique pluralisme "catholique", sans lequel
il n'y aurait plus moyen de faire une liturgie parlante ni de procéder à des
adaptations (1).
Nous vivons justement, à une époque où le catholicisme postconciliaire veut
être juif avec les Juifs, grec avec les Grecs, chinois avec les Chinois,
bref, devenir indigène partout où il est, car nous comprenons, dans l'ère
P'ostcoloniale, que la même foi peut aller de pair avec le régionalisme de
ses expressions ou du moins de certaines d'entre elles. Chaque culture et
chaque époque a sa richesse propre et l'exigence d'universalité ne peut en
faire abstraction.

Notons que nor.s posons la question porn attirer l'attention du lecteur sur
le problème. Notre Auteur, quant à lui, est, bien sûr, ouvert au pluralisme.
Lorsque nous liai avons posé les questions suivantes ; "Le même symbole expri-
me-t-il la même chose d'une religion à l'autre ? La même rubrique recouvre-
t-elle la même chose ? Y a-t~il un schéma repérable de l'expression symbo
lique par les rubriques", il nous a répondu qu'il reconnaissait n'avoir pas
encore expliqué clairement le mot "symbole" mais que son effort pour une herr
méneutique diatopique visait à souligner que la connaissance symbolique est
enracinée dans le mythe de chaque pays en sorte qu'un symbole valable pour
tine culture n'a pas besoin d'être identique dans une autre culture.

Deuxièmement, ne peut-on mettre en évidence l'universalité à laquelle répon-?


dent les rites chrétiens dits de droit divin ? Il nous semble intéressant,
en effet, de souligner le fait que Jésus-Christ a choisi des rites et des
symboles "universels, compréhensibles pratiquement sous toutes les latitudes.
Nous pensons, par exemple, au rite de l'eau (2), à l'imposition de la main ou
des mains (5), aux symboles du pain et du vin (4), à l'onction avec de 1 hui
le (5), alors que le Seigneur n'en propose pas pour la réconciliation ni
pour le mariage,

(1) Voir à ce sujet, Vatican II, Ad gentes, ch, 3» 22| Sacrosanctum


Concilium, n® 4» 38, 40, 119.
(2) Jean 3 î 5.
(3) Actes 6 î 6| 8 : 17.
(4) Mat, 26 : 26-28; Luc 22 s 19-20; Marc 14 i 22 -25; I Cor, 11 s 23 -25.
(5) Jacques 5 s 14»
313

Nous croyons pouvoir dire ici que l'Auteur ne nie pas l'intérêt de notre mi
se en évidence des rites que nous appelons de droit divin et de leur univer
salité mais que, par son'Logocentrismë', il ne tire pas avec force et clarté,,
les conséquences, notamment en matière rituelle, de la pripordialité accor- ;
dée par les Chrétiens à la reconnaissance du Logos en Jésus de Nazareth,
ressuscité et Seigneior (l).
Troisièmement, l'exigence d'universalité, tant pour les nigriques que pour
les rubriques, peut-elle faire abstraction du milieu socio-culturel de leur
émergence ? Ce troisième point rejoint le premier mars nous voulons plus
qu'une répétition. La recherche d'un langage transculturel au nom d'un uni-
versalisme en marche ne devrait pas nous amener à une méfiance a priori vis-
à-vis de ce qui est socio-culturellement situé. En effet, le rite et la ni-
grique ou le "discours" qui commente la rubrique sont situés,le langage est
situé, le système sous-jacent l'est également, on peut en dire autant du my
the. Tout ce qui est hmain a un milieu d'émergence. S'il existe donc des
rites dont la signifiance est universelle, gardons-les. D'autres, certes,
peuvent être assez hermétiques et, par conséquent, créateurs de "sectes",
fiais les rites, en général, ne sont-ils pas liés à un milieu particulier et
le langage qui vise aussi à l'universalité ne peut-il donner des traductions
donnant au rite sa'bignifiance"pour le non-initié ? C'est à chacun de s'in-?
former, de questionner, de respecter l'autre, d'approcher tout phénomène re-^
ligieux respectueusement, "avec des gants". C'est à chacun de percevoir
l'intentionalité de tout homo religiosus, îlais, cela étant, il y aura tou
jours diversité d'expressions du sens du sacré, comme il y aura toujours di-^
versité d'expressions du savoir-vivre. Nous devrions éviter un marché com
mun mondial de la "pratique" qui déboucherait sur le syncrétisme, sur la mo-?
notonie, ou sur une navrante uniformité (2),
(1) R, Panikkar émet un joiu? l'hypothèse que le Christ ne nous laisse aucu-r
ne phrase dans sa propre langue pour ne pas nous lier à une langue, quel
le qu'elle soit. Voir The Bostonien Verities, p, I50. 'Peut-être pas
Vatican III, écrit-il, mais Jérusalem II est ce qu'il y a de plus ur- .
gent pour notre temps", p. 151> suggérant sans doute une ouverture du
christianisme à la symbolique des autres religions et cultures,
(2) Dans Religions e religioni, R, PANIKKAR dit clairement qu'une religion
incolore et uniforme s'adapterait mal à l'homme (p, I65), que l'unité
n'est pas l'uniformité (p, I85) et même que la multiplicité des reli
gions, au lieu d'apparaître comme un scandale ou une faillite, doit être
envisagée comme "une sitioation dynamique" (p, 201).
314

Notre Aute-ur ne nous contredira pas, nous l'avons dit, mais il nous semble
dangereux d'insister trop sur l'universalité, de même que sur la spontanéi
té, Ne peut-on, en effet, se demander ici dans quelle mesure un rite peut
être spontané ? N'y a-t-il pas justement rite quand il y a répétition,
"re-action" et donc, dans une certaine mesure, non-spontanéité (l) ? Dfe,ccord
pour que le culte soit un acte théandrique, un acte profond de ma, personne,
mais ma personne ne peut être "décultiorisée".

(l) R, PANIKECAE, dans The Vedic Expérience, p. 28, le reconnaît,


515

§ 6 - LB CULTE ET LES SACEîMITS

A, Introduction

Après les définitions que R, PaniMcar donne du culte, après un rap


pel des fondements métaphysiques sous-jacents qui nous a paru nécessaire,
nous avons suivi notre Auteur, successivement, dans son anal3'"se du culte
dans les régimes d'hétéronomie , d'autonomie et d'ontonomie, dans son in- ;
terprétation philosophico-théologique de l'évolution de la notion de cul
te à l'intérieur de l'hindoioisme, dans ses remarques sur ce qu'il appelle
les "rubriques" et les "nigriques", Yenons-en, maintenant, aux sacrements
qui ont, dans le catholicisn® une place centrale,

ITous savons que, progressivement, l'Occident a distingué, d'une part,


les signes sacrés institués par le Christ et qui sont sources de la grâce
ex opere operato et, d'autre part, les actions sacrées dont l'homme est
l'auteur, comme la prière, q\ii est un agir ex opere operantis. Petit à
peiit, dans la théologie orthodoxe et catholique, on prit l'habitude de
parler de sept sacrements, liés à l'Eucharistie qui est le centre de tout
l'ordre sacramentel (l). Cela n'empêche pas saiht Thomas de parler au.ssi
des "sacramenta naturae" (2), ni Yatican II de présenter l'Eglise comme sa
crement (3).

B, Perspectives panikkariennes

Dans l'approche proprement panildcarienne, noiis commencerons par l'ana


lyse de la parabole de la cruche cassée. Elle nous fera entrer dans la
pensée indienne, par comparaison avec la pensée occidentale. Pour Platon,
dit notre Autetir, la cruche est jtiste ce qu'elle est en tant que copie
d'une cruche supraterrestre et transcendante (4). Poiir Aristote, cette
idée de cruche est la forme de la cruche, forme .indestructible et qui peut
être représentée en toute ma^tière, La cruche sjrmbolise l'idée ou la forme,
Le symbole met ensemble la réalité transcendante et l'apparence présente :
tout est allégorie,

(1) TH, L'AQUIN, Sum, théol,, III a, a, 65, a, 3,


(2) TH. D'AQUIN, Sum, theol,, 1-2, 9, 102, a? 3, q. 60 et 61.
(3) Lumen gentium, ch, 1, n° 1,
(4) R, PiiNIKKAIi, Le mystère du. culte, pp. 133-I42 et Der zerbrochene
K^rug» pp. 556-571.
516

Si on casse la cruche, elle n'est plus. Pour l'Occident, l'idée de


cruche ou sa forme demeure, ' Pour l'Inde, la cruche étant hrisée, reste
l'identité de l'espace intérieur et de l'espace extérieirr. Ce qui reste
n'est pas l'idée de la cruche ou la forme de la cruche, mais l'espace sur
lequel reposent la matière et la forme, La cru.che en tant que cruche peut
être son apparence visible mais elle peut être aussi le vide, l'espace, l'esT
pace intérieur et sensible,

L'Inde veut approcher le réel comme immua,ble. Pour l'Occident, ce quii


est pe3Cmanent, c'est l'idée, c'est la forme ou la cause formelle représen
tant l'espace des choses. Pour l'Inde, c'est l'espace sous-jacent. Dans
la cruche, l'espace paraît limité, mais il n'y a qu'un seul et même espace.
"De même brahman semblant ainsi limité apparaît comme âtman, alors qu'en
fait tout n'est qu'un seul et même brahman" (l).
Pour l'Inde, la cruche n'est pas l'idée de cruche, ni cette oruche-ci,
car celle-ci, brisée, n'existe plus, ni l'idée de cruche car l'idée de cruche
n'est rien sans la cruche. Il fant donc briser et la crache matérielle et
l'idée de cruche. On obtient la cruche en la brisant par le sacrifice, soit
en la reconnaissant en tant qun brahman, soit en y renonçant. Par le sacri
fice, on réalise l'objet car ce qui reste est air, espace, éther, neti-neti,
brahman, "La cruche est le symbole 'cruche' de l'absolu, en tant qu'appari?-
tion -signe distinctif, voire oeuvre- non de l'idée de la cruche, mais de
l'absolu comme tel" (2),
Ainsi, les choses sont ce qu'elles sont, soit non seulement des choses,
ou des substances reflétant l'être, mais l'absolu lui-même dans sa manifes-J
tation, Ka connaissance de la chose doit atteindre le dernier sujet pour
être définitive, Yerse-t-on dans le panthéisme ? Non, dit R, Panikkar,
"Les choses ne sont ni quelque chose en soi, ni non plus tout à fait le né
ant, o'est-à--dire, illusion ou pur mensonge" (3)i Elles n'ont pas une va
leur symbolique (4) mais elles sont sjrmboles. Elles sont Dieu en tant que
symboles. Non des modes de la divinité, mais des réalités connues réelle
ment dans la mesure où nous les connaissons de la connaissance de Dieu et.

(1) E, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 136,


(2) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 158,
(5) R, PANIKICAR, Le nystère du culte, p, 159*
(4) C'est-à-dire, sans doute que les choses ne sont pas "une chose qui réfère
à une autre'l
317

comme en liii il n'y a pas de distinctions, "il en résulte que nous partici
pons aussi de son être, de sa divinité" (l). Il connaît les choses non en
soi, mais en lui, de lui, "Il se connaît comme 'choses' "(2). "C'est l'ex
périence d'une vision non-dualiste de l'être, tme perception des choses non
comme objets (Dieu ne connaît pas d'objets), ni comme contenus, mais en
tant qu'attitudes et gestes de Dieu" (3).
L'Occident part des choses pour parler de Dieu, par analogie, tandis
que l'Inde considère les choses comme Dieu lui-même "en tant qu'épiphanie,
en tant que ,,, chose, car la chose n'est rien d'autre que Dieu sous
1' 'apparence' de la chose présente" (4). Potxr l'Occident, le symbole est
"signe de ", ce qui suppose un sujet qvii a une connaissance imparfaite et
une !'pré-vision" de l'objet. Pour l'Inde, le symbole n'est pas un "signe
de", ni un moyen de connaissance, ni quelque chose de différent du. symboli-r
sé, mais bien la réalité elle-même non en tant que réalité mais en tant
qu'ontophanie, manifestation de l'être. L'homme qui connaît est perçu corn-»
me "contenant de Dieu" ou "symbole de la réalité absolue" (5).
Cette parabole peut nous aider à comprendre la notion de sacrement
chez Raym'undo Panikkar.

A ses yeux, Platon et Aristote ne suiffisent pas pour comprendre les sa-?
crements chrétiens. Pour Platon, les choses sont "Idéalsymbole" (6) en
tant que révélant une réalité "idéale" invisible. Pour Aristote, les .cho
ses sont "Realsymbole" (7), ce qui valorise la. substantialité des choses,
leur réalisme. Mais les deux mondes, le terrestre et le céleste, restent
séparés. L'immanence n'est pas valorisée dans la pensée occidentale.

Le professeur de Santa Barbara cherche une infrastructure intellectuel


le où le symbole est identique à l'original, ce qui n'est pas le cas dans
le platonisme ni dans l'ariêtotélisme.

Centrons notre attention sur l'Eucharistie, le seul sacrement chrétien


auquel notre Auteur applique son analyse.

1) R. PAMKKAR, Le mystère du culte, p. I40.


2) R, PiUlIKKAR, Le mystère du culte, p, I40,
5) R, PARIEICAR, Le mystère du culte, p, I4O; Los dioses y el Senor, p, 86,
4) R» PANIIQCAR, Le mystère du culte, p, I40.
5) R, PiiHIKEAR, Le mystère du culte, p. I42.
6) R, PANIKEAR, Der zerbrochene Krug, p. 559.
7) R, PANLIŒAR, Der zerbrochene Krug, p, 5éO.
318

Coirane sacrifice et comme sacrement, l'Eucharistie est identique à l'action


du Christ dans sa Passion, Seuls varient le temps, le lieu et la forme,
La messe est le symbole de l'acte du Christ et l'Eucharistie symbole du
Christ, Il s'agit plus que d'une imitation, puisque l'on insiste stir "ceci
est". Il s'agit également d'autre chose que d'ime répétition, car ce n'est-
pas un deuxième acte et la valeur de l'acte initial subsiste puisqu'il y a
plus que commémoration. C'est aussi plus qu'un "signe de". Il faut donc
percevoir uin symbole comme identique à 1'original tout en voyant la différenr
ce de temps, de lieu et de forme, ce qui, du reste, suppose la foi, La mesr-
se est donc la même action salvifique du Christ, elle est l'événement de la ,
rédemption dans sa totalité et le symbole est constitué dans la différence
de temps, de lieu et de forme (l), A propos de l'Eucharistie, l'Auteur y
voit aussi le commencement de l'anaképhalaiêsis (2), la continuation de
l'Incarnation et de la Résurrection dans le temps et l'espace (3), Elle ap
paraît comme l'anticipation de la gloire et 1'inaviguration des cieux nou-
veainc, servant à la divinisation de l'univers (4) et à sa résurrection (5).
Sans la foi, la messe n'est plus qu'un rappel, non un symbole. Il faut
cette foi pour que nous ayons prise sur le symbolisme. Si je vois la messe
comme une simple cérémonie, même religieuse, elle ne m'est pas ouverte comme
symbole. Si je la perçois comme sacrifice du Christ, elle devient sjrmbole
et donc je perçois la réalité fondamentale, c'est-à-dire que par delà les
messes, les lieux, les temps, les formes, le décorum, par-delà la multipli
cité des messes, je perçois le sacrifice du Christ (6), Au-delà de la re
cherche philosophique actuelle sur le symbole, il faut donc "me théologie
du symbolisme" (7), La pluralité serait le développement de l'Un originel
et tout développement serait une expression de l'original. Le symbole appa
raît comme un moment distinct et cependant inhérent à la réalité qui se ma
nifeste.

(1) R, PAlTIKKâR, Christianisme et hindouisme, pp. 143-144»


(2) R. PARIKKAR, Humanismo y Cruz, P. 358.
(3) R. PARIIOCAR, Humanisme y Cruz, p. 547.
(4) R. PAMKKAR, Hmanismo y Cruz, p. 339.
(5) R* PAMKKAR, Humanismo y Cruz, p. 552,
(6) R, PAMKKAR, Christianisme et hindouisme, p, 145»
(7) R, PARIKKAR, Christianisme et hindouisme, p, 14é, L'Auteur est heureux
ici de rejoindre K, RAHtlER, dans Zur Théologie des Symbols,
319

Oii la réalité est que Dieu se donne et que le culte est "la participation
de l'homme au dynamisme de retour à Dieu de la création, en d'autres termes,
une oeuvre divine" (l), plus opus Dei que opus hominum, L'Inde pourrait,
ici, aux yeux de notre Auteur, enrichir le renouveau eucharistique catholi
que en soxilignant le lien ontique de l'homme au cosmos, en prenant la nature
humaine dans son intégralité, en soulignant la signification transcendante
de toute antion humaine (2), le lien de toute action avec notre fin suprême,
le lien entre l'homme et l'Absolu, le primat de l'acte liturgique "plénier
et saint" qui est plus qu'une démarche de l'intellect (3), la liturgie com
me "contemplation active" (4), comme "acte sacral intentionnel" (5) où l'évé
nement actualisé requiert l'adhésion de tout ce que nous sommes, intellect
et affectivité compris, exprimée par l'Amen (6)»
La tâche primordiale du Christ "où incarnation, mort et résurrection ne
font qu'un tout inséparable, a été d'accomplir cette sainte action théandri-
que où l'homme -et la création- imite Dieu ontologiquement, c'est—à—dire
fait retour à Dieu et, comme une telle démarche suppose une participation de
plus en plus intime à la vie même de Dieu jusqu'à s'unir à lui, il devient
Dieu" (7). Le christianisme ne peut être compris sans Christ, il est plus
qu'une feltanschaumg, plus qu'un système en "isme" à côté d'autres systèmes.
Par conséquent, une redécouverte de la messe serait ici primordiale.
On ne réinvestirait pas seulement l'orthodoxie chrétienne mais aussi
l'orthopraxie, qui serait "l'existence sacramentelle et la conscience saceiv-
dotale" (s), la collaboration au salut du monde, ce par quoi le christianis
me peut rencontrer le mieux les autres religions qui, toutes, aspirent à l'ac
te théandrique parfait.

Par l'union au sacrifice du Christ, le Ghrétien'Sarore le monde, "assure


l'équilibre cosmiqvie". (9), maintient et manifeste l'Eglise, participe à la

(1) R, PAMIŒAE, Christianisme et hindouisme, p, I5I,


(2) R, PANIKEAR, Christianisme et hindouisme, p, I52,
(3) R» PARIKKAR, Christianisme et hindouisme, p, 153, Rote 20, l'Auteur ci
te saint Augustin et saint Thomas,
(4) R« PARIKEAR, Christianisme et hindouisme, p, 155»
(5) R. PANIKKAR, Christianisme et hindouisme, p, 155,
(6) R, PARIKKAR, Christianisme et hindouisme, p, 155»
(7) R» PARIKKAR, Cliristianisme et hindouisme, p, 158,
(s) R, PARIKZAR, Christianisme et hindouisme, pp, 159 ~ I6O,
(9) R. PARIKKAR, Christianisme et hindouisme, p, 162,
320

Sréation, offre le sacrifice qui inaugure le retour du cosmos en Dieu, le


remembrement de Prajâpati (l), A la lumière de l'Inde et des perspectives
que nous venons de résumer, nous ne pourrions comprendre un "croyant non-
pratiquant", pas plus qu'un "pratiquant non-croyant", lesquels passera,ient
à côté de la "liturgie intégrale", montrant, l'un, que la religion de cer
tains n'est plus qu'une simple orthodoxie, plus ou moins vague et théorique, :
ou un comportement moral qui a plus des principes que des idées et, l'autre,
que sa religion n'est plus qu'une attitude gardée à l'intérieiu? d'une tradi
tion sécurisante.

Nous voyons, ainsi, la vocation théandrique de l'homme comme dimension


essentielle pour comprendre l'Eucharistie, Notre Auteur, ici, ne part pas
d'une éxégèse biblique de l'institution de la messe ou de l'idée que le Christ
Jésus s'en faisait, dans les textes qui nous sont restés sur la question,
mais il cherche à comprendre l'Eucharistie avec les intuitions de l'Inde. On
peut certes faire remarquer que l'Auteur a connaissance de l'Evénement uni
que et central de la mort et de la résurrection du Christ grâce à la tradi
tion chrétienne fondée sur la narration néotestamentaâre qu'il éclaire ensui
te à partir de' la recherche sur l'Inde, mais également il est assez imprégné
de la pensée hindoue pour tenter de rendre pensables par Hindou des élé
ments du christianisme. Le problème est de sa-voir si l'aspiration à l'acte
théa,ndrique parfait et le voeu de remembrer Praja.pati peuvent être perçus par
un Hindou comme réalisés dans l'Eucharistie sans qu'il parte, lui aussi, de
l'Evénement en Jésus le Christ.

Nous comprenons l'Auteur lorsqu'il accorde vine prééminence au christia


nisme historique parce qu'il possède l'Eucharistie, lorsqu'il valorise le
sacrifice de Prajapati-Purusa, comme possédant le double dynamisme du "mouver-
- . ♦■■■

ment descendant du Tout vers la Terre, puis la restauration ascendante du mon


de dans le Tout (2), On est loin de la magie qui est "l'apparence dégénérée-
de toutes religions" (3)« Le sacrifice brOle la contingence et rachète la
créaturabilité (4), il reconstruit Prajâpati (5), lequel s'unit à la créature

(f) "Ce 'est pas pur hasard si dans le 'canon' du sacrifice du Christ du
rant la messe on s'en réfère à Abel, à Melchisédech et à Abraham" obser
ve l'Auteur, dans Los dioses y él Seïïor, p. 105.
(2) H, PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 49*
(3) R. PANIKEAR, Le mystère du culte, p. 113.
(4) R. PANIKEAR, La faute originante, p. 88.
(5) R» PANIEEAR, La faute originante, p. 77.
521

pour "perpétuer l'inceste, pour la diviniser, pour la faire parvenir à


l'unique fin que Dieu peut avoir : Lui-même" (l). Par le sacrifice, le mon
de devient Dieu (2), il rentre en Dieu (3). Le sacrifice mène à la réalisa
tion (4).
Parlant de l'Eglise comme peu.ple de l'alliance nouvelle et définitive,
R» Panikkar relève aussi deux temps forts dans la vocation sacerdotale du
6hrétien, à propos de l'Eucharistie, Celui, d'abord, où le Chrétien offre
le sacrifice q-ui crée, rachète et glorifie le monde, qui rassemble les pei
nes, les joies, les a-ctions et les vertus de l'h-umsuité pour les offrir au
Père sur la patène, A ce moment, le Chrétien étend les bras, embrasse le
cosmos, l'offre au Père, par le Christ, dans l'Esprit, A ce moment, le
Christ offre le cosmos à sa source. Le second temps fort, ensuite, est ce
lui où le Chrétien reçoit le sacrement. C'est le moment où Dieu nous accep
te et nous rencontre, où Dieu donne le Christ au monde à travers la commu
nion des Chrétiens, où Dieu se donne par les Chrétiens (5).

Relevons quelques points marquants de la pensée panikkarienne,

1° Notre Auteur centre tout sur l'Eucharistie (6), Il cite le baptême


mais il ne parle pas des autres sacrements catholiques et orthodoxes.
On ne peut certes utiliser l'argument du silence, souvent dangereux,
pour déduire qu'il les néglige. On doit, plus positivement, se rappe
ler que le septénaire sacramentel tridentin constitue une unité centrée
sur l'Eucharistie,

(1 ) R, PiiNIKKAR, La faute originante, p, 78.


(2) R, PANIKKAR, La faute originante, pp, 82 -83. "Les sacrements requiè
rent un concours humain et divin, individuel et social, mais aussi ma
tériel et spirituel", précise-t-il dans Humanisme y Cruz, p, 154.
(3) R, PANIKKAR, La faute originante, p, 85.
(4) R. PANIKKAR, Der zerbrochene Krug, p, 565.
(5) R. PANIKKAR, Relation of christians, pp. 332, 334* 338, 343» 348.
"Le christianisme, certes, comme religion historique, a la plénitude
de la relation divine - qui culmine dans la possession de 1 Eucharistie"
dit l'Auteur dans Hindouisme et Christianisme, p, 3» Voir aussiîlayâe
Apocalisse, p, I50 et Religions e religioni, p. I3I,
(6) "Je préfère participer à l'Eucharistie qu'étudier le Jésus de l'histoi
re" nous disait PLaymundo Panikkar, à Paris, le 16 septembre 1978,
322

2° L'Auteur est au fait de la théologie occidentale et il cite régulièrement


des termes qui nous sont familiers, comme opus humanum, opus operatum,
opus operantis, ex opere operato (l) mais sa source première n'est pas seu
lement l'Occident,

3° Dans "la cruche cassée", R, Paniklcar n'oppose pas notre monde à tin "immua
ble surhumain", distinct du monde phénoménal, car les choses ne sont pas
pour lui des sjTnboles en tant que signes d'un au-delà d'elles-mêmes mais
des symboles comme contenants de Dieu, identiques à l'original, les choses
étant manifestations de l'Etre,

4° La messe, en tant que symbole, par conséqueiit, par rapport au sacrifice


historique du Christ, n'est ni une imitation, ni une répétition, ni un
"signe de ", ni un rappel, mais elle est identique à l'original. Seuls va
rient les conditions de temps et de lieu ainsi que son aspect extérieur,

5° La foi est ce qui nous permet de percevoir l'identité de la messe avec l'o-
riginal, soit la messe comme symbole avec les variantes précitées,
6° Tout semble éclsrré par l'idée de remembrement de Prajâpati, par le dynamis
me descendant et ascendant a l'intérieur duquel se rèstaure le monde en sa •
source, La messe serait le sommet de ce dynamisme,

7° Prolongeant cette perspective, l'Auteur ne limite pas les sacrements au


septénaire sacramentel qui a pris forme dans le développement dogmatique
occidental jusqu'aux positions tridentines. S'il ne s'en prend pas au
septénaire -nous avons souligné qu'il ne fallait pas utiliser l'argument
du silence - il ne s'y limite pas, soulignant le lien ontique de l'homme
avec le cosmos,, la signification transcendante de toute action himiaine, le
non-dualisme fondamental et concevant toute notre existence comme théandri-
que dans un univers totalement sacrament.el,

Dieu, pour donner le salut, passe par l'ordre établi. Dans ce sens, il y a
des moyens ordinaires, nature]^ de conduire à lui les individus et les peu
ples , Dans l'Eglise, ce sont les sacrements, î^lais il y a aussi des sa
crements dans l'Ancien Testament et la nature. Par conséquent, dit l'Auteur,
"nous pouvons dire que le sacrement est le moyen ordinaire dont Dieu se sert
pour attirer les peuples à Ixii" (2),

(1) Il tient, dans Religions e religioni, p, 161, à soviligner que l'ex


opere operato n'a rien de commun avec la magie,
(2) R, PAUIKICAR, Hindouisme et christianisme, p, 6,
523

L'apport majeur de la recherche de R. Panikkar en matière sacramentel*


le apparaît dans son obsession du retovir du tout au Tout, dans son idée de
rédemption cosmique, de réintégration dans la source, de restauration en
globante, On poraîrait, croyons-nous, développer dans ce sens, par exemple,
une théologie du baptême, de la confirmation, du mariage et de la réconci
liation, Mais on tronquerait la dimension des ouvertures qu'il fait en
nous limitant au septénaire tridentin. Même la souffrance est un sacrement
universel, à ses yeux, un sacrement qui libère de la médiocrité car, sans
elle, l'existence, sauf pour les mystiqu.es et les saints peut-être, sorti
rait rarement de la médiocrité (1-), Il a mentionné aussi les sacrements de
la nature et ceux de l'Ancien Testament.

(l) R, PAITIKEAE, For an Intégration of Reality, p. 27. Sur la souffrance


dans les écrits védiques et les Upanisad, voir son article Some Aspects
» • ' ——

of Suffering and SorroM in the Vedas, pp. 38? - 598.


324

§ 7 - LE CULTE ET L'AGTIOï!

Le sacrifice et le sacrement constituent deux éléments majeurs de la


démarche de convergence entre les deux pôles du réel. Ils en sont comme un
élément "vertical". Cependant, ils impliquent Icgiquement un comportement
conséquent, soit un "aspect" horizontal", de même que la de-uxième table mo
saïque est liée à la première et que le premier commandement repris par
Jésus-Christ au chapitre 6 du Deutéronome ne peut être séparé du second.
Il nous paraît logique de poursuivre notre recherche sur le culte dans
la pensée de R, Panikkar en ouvrant un paragraphe s\ir "cuilte et action".
Rappelons la citation mise en exergue, au début de ce chapitre ; "La vérita
ble action est l'action cultuelle, le culte n'étant autre que l'action qui
activise le mieux l'être, autrement dit le re-connaît, le ré-vèle, le dé-cou-
vre, le met à nu" (l).

L'action dont il sera question, cela va de soi, n'est pas à confondre


avec l'activisme, avec le seul "aménagement du territoire" ou avec le pro
grès social en lui-même ou isolément. Il n'y a pas à envisager l'action, en
d'autres mots, en fonction de notre seule fonction fabricatrice ou de notre
seul appel à la communion humaine, I-îais ces deux dimensions sont englobées
dans la perspective plus large du cosmothéandrisme. Il ne s'agit pas non
plus d'une action imposée du dehors comme en régime d'hétéronomie au sens
panilckarien, ni d'une action à la limite prométhéenne comme en régime d'auto-
. * S
nomie pure,

Ayant vu le karman comm.e sacrifice, comme action sacrée par excellence •


et salvatrice, dans la période védique, comportant éventuellement le risque
de la magie ou d'une exploitation par la caste sacerdotale, notre Auteur
souligne la réaction upanisadique selon laquelle on arrive au salut et au
bonheur indépendamment, à la limite, des obser^/ances rituelles et des prêtres
car "c'est la vie entière qui est le rite menant au salut et au bonheur" (2)^
Les actions sacrées sont l'ensemble des activités humaines, non seulement '
dans le seul sacrifice comme dans le Rg Veda (5)j mais l'action humaine où
l'aspect moral l'emporte sur le seulement sacrificiel (4),

(1) R, PARIKKAR, Le mystère du culte, pp, 44 - 45<


(2) R, PANIHAE, La loi du karma, p, 219.
(5) R, PAtlIKKAR, La loi du karma, p, 211,
(4) R, PANIKKAR, La loi du karma, p, 215.
325

L'action reste théandrique même si elle est plus que liturgique au sens vé
dique. Il resterait^ de la première période védique, l'idée d'une action
"par laquelle l'humain et le divin collaborent afin de maintenir l'univers
et de lui permettre d'atteindre son but" (l), ce qui serait, a\xx yeux de
R. Panikkar, l'idée originelle exprimée dans le Yeda et les Brahmana.

L'action exprime la "solidarité cosmique" (2). Elle fait partie du cuIt


te comme démarche de convergence entre les deux pôles du réel. Le culte
est "l'action consciente qui transforme de l'intérieur la réalité elle-
même" (3), en dehors du sécularisme* et de la sécularité *. On peut donc,
d'tine part, intégrer le culte dans la vie humaine et, d'autre part, introduiT-
re la vie dans le culte, "Pour réaliser en plénitude ma vie humaine, je dois
vivre en communion avec mes semblables" (4) et dépasser la simple communica-:
tien par la communion,
y

Une idée déjà relevée de notre Auteur est que l'orthodoxie peut rassem
bler moins de personnes qu'une bonne rubrique. De même, nous pouvons entrer
en communion avec des personnes qui n'ont pas, par rapport à nous, la même
convergence intellectuelle, Nous pouvons poser des actes signifiants qui ac-;
complissent l'homme au-delà des divergences.

Il parle de 1'orthopoîèsis , La foi comporte \3n élément pratique et


volitif. Elle veut le bien. Elle implique un comportement moral, une vie
éthique sans reproche. Certes, elle est plus que du perfectionnisme. "Une
vie éthique sans reproche n'équivaut pas à une vie de foi" (5), JViais la foi
"informe" la vie par l'amoun (6), elle débouche sur \an agir, sur l'action
dans la quotidienneté de la vie.

Il y préfère le concept d'orthopraxie qtie nous allons reprendre en ten


tant de le préciser et d'en observer l'évolution dans sa pensée.

(1) R, PANIKKAR, La loi du karma, p, 216.


(2) R, PAlîIKICAR, La loi du karma, p« 219,
(3) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 81,
(4) R» PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 97, Le christianisme se
soucie de "la sanctification de l'existence ordinaire" dit l'Auteur,dans
Humanisme y Cruz, p. 152, valorisant les vertus classiques et soulignant
leur information surnaturelle.

(5) R» PANIKKAR, L'homme qui devient Dieu, p, 38,


(6) R, PANIKKAR, L'homme qui devient Dieu, p. 59.
326

En 1964» notre Auteiir parle d'une praxis où "le Chrétien collabore au


salut du monde ainsi que de lui-même" (1), Le domaine de 1'orthopraxie est
celui du mystère du culte, du sacrement. Par elle, le Chrétien s'unit au
Christ" pour sauver le monde, assurer l'équilibre cosmique, maintenir
l'Eglise vivante, prendre part à tous les actes divins, création comprise'(2).
Parltciper à la messe est donc orthopraxie pour le Chrétien (3). S'il aban
donne cette participation, il montre qu'il croit que l'orthodoxie est cadu
que et ±1 juge que son orthopraxie peut se limiter à un certain comportement
moral, oubliant, en cela, qu'une action "si honnête qu'elle soit, reste fi
nalement stérile sur le plan du salut, et que seule l'action cultuelle, ontor
logiquement liée à Lieu, a un sens rédempteur et une valetir existentielle
réelle" (4). Il y a donc, dans cette perspective, un lien entre l'orthodo
xie et 1'orthopraxie.

L'orthodoxie, cependant, est plus que l'adhésion purement intellectuel


le et servile à un système doctrinal imposé. Il faut dépasser ce type d'a;d-
hésien par une adhésion existentielle au Christ et cela, par la foi , et
donc, par l'orthopraxie. A ses yeux, la Bible va dans ce sens, elle vise plus
1'orthopraxie que l'orthodoxie. Elle "ne publie pas seulement un événement,
elle demande en même temps qu'on fasse bon accueil au message de salut
qu.'elle nous apporte" (5), et le christianisme se présente, dans cette ligne,
comme orthopraxie, comme la vie divine sur terre,

ÎTotre Auteur considère que l'Inde peut jouer le rôle de stimulant pour
une théologie intégrale, où la théologie n'est pas uniquement une science,
où la recherche intègre l'ascèse, vise à la divinisation, dépasse la spécula
tion, traite de l'agir, est du domaine du culte, veut assumer l'homme entier,
exprime la préséance de l'être vivant sur le savoir.

Un problème se pose, évide.mment, lorsque se rencontrent différentes ovil-


tures, religions, et philosophies. Quelle est la doctrine orthodoxe ?
Quelle doctrine peut prétendre avoir atteint son but ?

(1) E, PiUTIIŒAR, Le mystère du culte, p, I60,


(2) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, I6I,
(3) "Voir ce chapitre au paragraphe sur les sacrements,
(4)'R. PAUIKKAR, Le mystère du culte, pp. I63 - I64.
(5) R» PAUIKECAR, Le mystère du culte, p, I65, Los dioses y el Seîîor, p. 77;
ne faut-il pas dépasser le monde des essences pour déboucher sur l'exis
tentiel ? Yoir Humanisme y Crus, p,62. Ne faut-il pas éviter la "pneumolâtriej'
p. 65 ?
327

La base commune, lors de telles rencontres, deviendrait 1'orthopraxie soit,


ici "l'affinflation existentielle de vérités qui sont chrétiennes bien que
non encore cristallisées sous forme de dogmes" (l). Lorsque fait défaut le
dénominateur commun d'une convergence intellectuelle, il faut partir du prin
cipe que la vérité surnaturelle se révèle dans la foi et ceci est capital
car ce serait une perversion de penser que c'est ma foi qui dépend de mes
idées, alors qu'en réalité ce sont mes idées qui dépendent plus ou moins de
ma foi" (2). Il admet ainsi qu.'un Hindou est disciple du Christ, attaché à
l'Eglise, sans qu'il y ait une "orthodoxie achevée".

En 1966, dans L'homme qui devient Dieu, R, Paniklcar définit 1'orthopra


xie comme "l'art d'agir avec rectitude" (3) soulignant que, par elle, l'hom
me "s'achève, atteint sa plénitude, obtient sa libération, son but ultime,
quel que soit le nom qu'on lui donne" (4), au-delà des divergences doctrina
les et à travers un pluralisme de comportements. Par 1'orthopraxie, l'homme
vise une action qui marque son existence extérieure mais aussi qui façonne
la dimension intérieure de la vie, actualisant les potentialités de son être
et le conduisant vers son salut. Le professeur de Santa Barbara insiste sur
l'homme en tant que facteur de son propre destin,

A cette époque, en 1966, il reconnaît que sa pensée est encore "en voie
de développement" (5).

En 1975» Panikkar poursuit sa recherche sur 1 'orthopraxie (6), dans


une réflexion organisée en contexte de sécularisation. Ici, la convergence
intellectuelle joue nettement moins que dans les rencontres entre religions
telles qu'il en parlait, L'orthopraxie devient "l'accomplissement effectif
de l'action juste, conduisant l'homme directement ou indirectement vers son
plein épanouissement ou vers le but de sa vie" (7).

(1) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p, I67,


(2) R, PAITIKKAR, Le mystère du culte, p, I67, note 200,
(3) R» PANIKKAR, L'homme qui devient Lieu, p, 40« Nous nous servons de l'ou
vrage paru en 1969» déjà cité, dans la collection Foi vivante, mais l'ex
posé de 1966 a paru chez Aubier-Montaigne, Paris, 19^6, sous le titre
Mythe et foi,
(4) R. PANIKKAR, L'homme qui devient Dieu, p, 40.
(5) R. PANIKKAR, L'homme qui devient Dieu, p, 41•
(6) R, PANIKKAR, Worship and Secular Man. Nous citerons l'ouvrage dans la
version française parue sous le titre ; Le culte et l'homme séculier.
(7) R, PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 99,
328

Deux hommes doclirinalement séparés, peuvent ensemble poser des actes signi^i
fiants pour l'un et pour l'autre, sans s'excommunier. Ils peuvent compren
dre qu'ils participent "à quelque chose qui, d'une manière ou d'une autre,
nous transcende tous" (l), ce transcendant serait le "mythe de Dieu" plus que
"l'idée de Dieu" exprimée seulement par certains (2).
Le Chrétien doit chercher des formes capables d'exprimer son message
universel de libération, des foimies recevables par tous (5). Si les rites
anciens sont contestés, il faut prSner des actes spontanés comme cetix du
Christ, des "symboles vivants encore ressentis comme natiirels" (4), posés par
des êtres pvirs, soucieux de réconciliation, suivant l'Esprit , conscients de
ce qu'ils font. Si les rites anciens sont contestés, il faut en trouver qui
soient universels, concrets, sincères et sans rupture avec ceux qui nous pré
cèdent et avec ceux qui nous entourent.

Dans cette ligne, l'acte de l'homme devrait déboucher logiquement "dans


un engagement total et personnel en faveur des gens, des nations ou des ra
ces qui, d'une manière ou d'une autre, ont besoin d'^^ne main secourable pour
pouvoir mener une vie plus juste et plus humaine" (5).
La misère du monde est un "génocide par omission" (6), un "péché de
lèse-humanité" (7). On ne peut pas ne pas y penser, ni faire la révolution
pour la révolution, soit agir sans penser, ni y penser sans agir (s).

(1) E, PMIKIL&.R, Le culte et l'homme séculier, p, 99,


(2) R, PARIKKâR, Le culte et l'homme séculier, p. 100,
(5) R. PMIIQCAR, Le culte et l'homme séculier, pp, 101-102,
(4) R« PMIKKAR, Le ctilte et l'homme séctilier, p. IO7.
(5) R. PxiWIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 127» D,C, IRJLDER, dans
Panikkar's dialoog, p, 188, analysant quelques aspects de la pensée pa-
nilckarienne, explique que, pour le professeur de Santa Barbara, l'Eglise
a besoin d'une doctrine mais que le fait d'être chrétien ne se limite pas
à l'orthodoxie. Celle-ci a sa place dans l'orthopraxie, laquelle serait
elle-même plus qu'un comportement moral. Il parle d'un agir avec le
Christ, d'une existence sacramentelle et d'.une conscience sacerdotale,
Nous reconnaissons ici des perspectives paniMcariennes, certes, mais ne
sommes pas convaincus de retrouver toutes les nT;iances et lous les tâton
nements, ni aue la recherche sur l'orthopraxie soit achevée,
(6) R, PMIKKAR, Le temps circulaire, p, 209.
(7) R, Pi'ilTIKK/lR, Le temps circulaire, p, 210,
(8) R, PMIKRâR, Le temps circvilaire, pp, 227-228,
329

Celui qui visite l'autre qui est seul ou prisonnier, celui qui nourrit
son frère qui a faim, qui habille l'autre qui est nu, qui abreuve celui qui
a soif, celui-là est en orthopraxie même s'il ne perçoit pas le Christ comme
critère, même si son "comment vivre" ne repose pas explicitement sur un
"pourquoi vivre". Il serait, par son orthopraxie, en train de mettre enpra-r
tique l'ontonomie, de façon spontanée et libre, comme un estomac, nous di
sait un ôçur l'Auteur, peut très bien fonctionner et remplir sa fonction
sans le savoir,
\ S

En 1975} l'Auteur, dans Spiritualita indu, présente l'hindouisme comme


orthopraxie plus que comme orthodoxie (l), soulignant qu'on ne peut le com
prendre sans tenir compte de son aspect existentiel. L'orthopraxie est
"une action existentielle", plus qu'me orthodoxie ou une doctrine. Ce qui
compte, alors, c'est l'acte de foi plus qu.e la formulation de ce à quoi on
croit, c'est-à-dire surtout "un acte de notre être nu et supranaturel qiii se
lance vers le transcendant en raison d'une mystérieuse attraction" (2).

Soucieux dedarté, au terme de ce paragraphe, épinglons quelques points.

1° la recherche d'un équilibre entre action en contemplation, ou mieux,


entre rme dimension "verticale" et une dimension "horizontale" (3)5
2" la recherche d'un moyen terme entre, d'une part, une action imposée du
dehors à laquelle le Moi profond reste étranger et, d'autre part, m
activisme prométhéen ptirement technico-soientifique de type autonome;

3° le culte envisagé comme aation ou l'action comme cuilte, comme englobant


tout l'agir humain, comme générateur d'une communion avec les hommes
et avec le cosmos;

4° l'acte cultuel conçu comme pouvant tout envahir ; l'aide aux pauvres,
la réconciliation fraternelle, la recherche du beau, la musique, l'art
en général mais aussi le repas, la danse, la fête, la relation d'amitié,

(1) R, PAMIKEAR, Spiritualita indu, pp. 20 et 144.


(2) R. PAITKKAE, Spiritualita indu, pp. 19-20. Voir aussi Los dioses y
el Seîior, p. 8, 68 - 69 (l'être l'emporte sur la pensée en Inde, p. 75
(orthopraxis="la pratique d'une existence authentique"), p. 76 (moksa-
mârga. Il y signale que l'expression "chrétien non-pratiquant" serait
incompréhensible en Inde), voir atissi pp. 77} 78.
(3) Dans le paragraphe suivant, nous développerons cet aspect ou cette di
mension plus mystique du culte que nous appelons ici "verticale".
530

la lutte pçfur la démocratie, poiu:? l'Indépendance, pour la litierté, poiu?


l'alphabétisâtion, potir l'éducation, pour la paix, etc (l);
5° la nécessité aussi d'une référence au transcendant, car si tout est
culte, rien n'est culte.

Nous avons observé une évolution dans le concept d'orthopraxie. Nous


nous y sommes arrêtés plus longuement que dans notre chapitre 1, En fin de
parcours, dans un lexique de néologismes, nous découvrons la définition sui
vante "l'action juste, l'action ontologiquement plénière, l'action qui ap-«
porte le salut, et, en dernier ressort, l'action sacrificielle" (2).
Tout est-il clair ? Des questions viennent à l'esprit. Suis-je sauvé
par mon action ou par le Christ ? Y a-t-il "auto-rédemption" ou "hétéro-
rédemption" ? Qu'est-ce aussi qu'une action "ontologiquement plénière" ?
Que signifie "en dernier ressort" ?

Tantôt l'Auteur insiste sur 1'orthopraxie comme action droite dévelop


pant nos potentialités en fonction d'une fin qui nous paraît comme ultime.
Tantôt la dimension religieuse est plus nette. Il souligne que l'action
doit être ontologiquement liée à Dieu pour avoir un sens rédempteur. La
Bible et le Christ ont une place centrale dans son exposé sur 1'orthopraxie
chrétienne, en 19^4, mais, même lorsqu'il parle de la rencontre entre ..ehris-
tianisme et hindouisme, 1'orthopraxie reste "l'affirmation existentielle de
vérités qui sont chrétiennes bien que non encore cristallisées sous forme
de dogmes", et la foi reste essentielle (j). En 1975, s'il reparle de 1'or
thopraxie comme action juste conduisant l'homme directement ou .indirecte- •
ment "vers le but de sa vie", ce qui constitue la reprise des idées dévelop
pées dès 1966, il souligne moins la conscience de la présence du divin, com
me en 1964, et l'ouverture au transcendant nous paraît plus vague. N'y i
écrit-il pas, en effet ; "jusqu'à ces derniers temps, Dieu était un ssmibole
universel po^•lr la majeure partie de l'humanité. Aujourd'hui, 'Dieu' a ces
sé de l'être" (4) ?

(1) On pense ici à dé nombreux passages bibliques comme Mat, 7 S 21-23,


12.J 22 ; 37 - 405 25 î 31 -465, Is, 1 : 11 -20j Amos 5 : 21 -275 Mchée
4 : 9-11? Osée 6 ; 65 îîat, 5 î 23-26j I Jean 2;145 ou, tout simple
ment, la question de Dieu à Caïn en Gen, 4 î 9-10,
(2) R, PANHOGIR, Le culte et l'homme séculier, p, I50,
(3) R, PANIIQCAR, Le mystère du culte, p, I67, note 200,
(4) R, PANIKIAR, ÎLe cvilte et l'homme séculier, p, 114.
331

Paut-il nous inquiéter de cette évolution ? Oui, dans la mesure où


l'évolution de sa pensé impliquerait tine rupture avec lui-même dans ses éta
pes antérieures. Non, dans la mesure où la dernière étape prolonge les au
tres, En effet, il semble intéressant d'envisager une fraternisation entre
"incroyants" et "croyants". Il semble justifié aussi de mettre le mot
"incroyant" entre guillemets, étant donné que tout hoimne, en tant que cen
tre d'autocompréhension, constitue une étape du cheminement humain ou de la
démarche de convergence. Il semble positif de voir 1' 'àgir promotionnel"
humain envisagé globalement comme acte cultuel pourvu que, et la remarque est
d'importance, on n'en vienne pas à dire : "tout est culte, même sans Dieu ",
Si Dieu est avec tous, il n'y a pas de "sans-Dieu", pas "d'a-thées", et tout
"agir promotionnel" peut être ciilte. Si, par contre, on imagine un "culte
sans que Dieu soit", il n'y a plus de culte du tout. Le mot n'a plus de sen§
et on réinvestirait Notre Dame de Paris, comme le 10 novembre 1793» pour i- ^
naugurer un nouveau culte aussi nihiliste que celui de la Raison, culte qui
"devait pouvoir réunir les fidèles de toute obédience dans le minimum de foi-
déiste, acceptable par tous, en un Etre suprême, qui, en dotant l'homme de
raison, avait fait de lui le maître de la terre" (l). Nous savons qu'à l'é
poque, ce qui avait été dans l'idée naïve de quelques fanatiques prit, dans
son exécution,"un cachet nettement athée" (2),
Notre Auteur, c'est évident, ne veut pas réinvestir Notre-Dame dans
l'esprit de 1793» Il veut ouvrir les frontières apparentes entre "oroya,nts"
et "incroyants". Il veut valoriser la dimension cultuelle de l'acte quenou^
appelons "promotionnel" en tant que servant l'homme concret et que poursui
vant une fin ultime mais une fin ultime dont le croyant connaît le nom, dans
le sens de "co-naître" chez G, î-îarcel ou P, Claudel,

Toutefois, même en soulignant la continuité dans sa pensée et en refu


sant une rupture entre les étapes de celle-ci, certains en fin de parcours
ne resteront-ils pas STir leur faim, en ce qui concerne 1'orthopraxie ? Nous
pouvons comprendre 1'orthopraxie chrétienne pour le Chrétien, 1'orthopraxie
hindoue pour un Hindou, 1'orthopraxie musulmane pour le Musulman, 1'orthopra
xie marxiste pour le Marxiste, Dans ce cas, il existe des orthopraxies et
elles sont liées à des orthodoxies. Il n'y aurait donc pas une orthopraxie
tout court.

(1) Nouvelle histoire de l'Eglise, vol. 4» 1ère partie, le siècle des Ivimiè-
res et la révolution, par L, ROGIER, p, 179»
(2) Nouvelle histoire de l'Eglise, vol, 4, p, I79,
352

Peut-être pourrait-on dire, éventuellement, qu'elle serait quelque cho


se comme la vocation adressée à chacun de s'orienter vers ce qu'il ccneidère
comme étant son accomplissement intégral ? Il faudrait alors tenir compte
des initiatives de chacun, des influences subies et accueillies, de notre
participation. Ce serait comme une mise en pratique, en praxis, de l'onto-
nomie, I%is, alors, peut-on négliger la nécessité pour la personne de s'é
lever à une certaine connaissance, à une pensée, à une certaine orthodoxie?
A ce moment, ne doit-on pas davantage réhabiliter l'idée de vérité ? L'idée
d'une quête de la vérité ou d'un en-soi de la vérité ? Il faudrait alors
un discours, une parole, la quête d'une vérité considérée comme possible,
ïïe faut-il pas que chacun établisse un 'ce que je crois" ? Sinon, qu'est-
ce que le but de ma vie ? Qu'est-ce qui me dit que tel acte me pousse vers
mon accomplissement si je ne puis "dire" la moindre de chose de ce que peut
être cet accomplissement ? Qu'est-ce que donc que cet accomplissement, au
jourd'hui, maintenant, demain, pour moi, pour toi, peur nous ?
En plus, il semble important dans une recherche sur le rapport "culte-action
dans le monde" de parler du rapport entre une action symbolique et l'action
directement efficiente, ainsi que de la présence de la seconde dans la pre
mière, qui la manifeste et en assvire la profondeur humaine et divine, sinon
tout est culte et rien n'est culte, L'Auteur, croyons-nous, a vu le problè
me, on le sent régulièrement, même s'il ne l'explicite pas dans chaque pas
sage où il parle de l'action.
553

§ 8 - LA PRIERE, L/i lîEDITATIOÏÏ ET LA CORTEIvIPLi'.TXOR

Dans la recherche sur le culte, nous abordone ce qu'on pourrait appe


ler la "phase mystique". Si l'a,cte vertical peut être dévitalisé pa,r cer
tains, si, chez d'autres, l'agir se confond a.vec l'activisme, éventuelle
ment prométhéen, on comprend de suite l'importance d'une réflexion sur la
vie intérieure, sur la prière et sur la contempl8.tion. Ce pa,ragraphe nous
paraît occuper une place logique après une recherche sur le rapport "ovilte -
action dans le monde",

A, Introduction sur l'importance du sujet

Les trois termes de notre titre : prière, méditation et contempla


tion, ne recouvrent pas adéquatement une seule et même réalité. Toute
fois, ils ont assez de parenté pour nous permettre de les situer dans un
même paragraphe, ce qui évitera, le risque d'un éparpillement de données
apparentées,

R. Panikkar, comme beaucoup, regrette que l'Occident se donne à fond


dans ce que nous avons déjà appelé la fonction fabricatrioe, avec, dures-r
te, un sens étonnant de l'efficacité. Chez nous, la socialisation de la
vie peut, dit-il, entraîner "la perte de l'intériorité, la disparition
de l'intimité" (l), 11 parle de l'homme "conditionné, média^tisé, exploi
té, abusé par les Dieux, le destin, la nature, la société, les autres,
soi-même",,, par "l'obsession des développements",,, par "les innombra
bles réseaux qui nous relient, mais aussi qui nous lient, non seulement
aux autres mais aussi à la méga-machine que l'homme a construite et sans
l3,quelle ou en dehors de laquelle il ne veut plus vivre",,, dans la "vie
civilisée moderne, celle dite 'développée' " (2), 11 parle de "scaphan
dre technologique" (5) sans lequel l'homme ne peut plus vivre chez nous.

(1) R, PAITIKEAR, Lettre sur l'Inde, p, 56,


(2) R, PAUEKKliR,. Le mythe comme histoire sacrée, p, 315»
(5) R. PANIKEAR, Le mythe comme histoire sacrée, pp, 313-314, Rous rappe
lons ici une remarque déjà émise, à savoir que les Dieux, le destin, la
société et les autres ne sont pas de soi obstacles à l'intériorisation
pas plus que la socialisation, 11 peut y voir une approche écartelante
mais un certain type de rapport avec "les choses,les hommes et les
Dieux" peut nous libérer.
534

H, Le SatDC confirme : "La solution de la crise présente est seulement


dans l'approfondissement de la vie contemplative au sein de l'Eglise" (l),
Tïï® Merton regrette aussi nn certain christianisme moderne trop horizontali~'
sant (2), lïarco Pallis note dans la préface : "La croyance maintenant pro
pagée de tous côtés selon laquelle on ne peut approcher Lieu que par l'a
mour et le service des hommes est une des grandes erreurs de notre temps'O),
Nous venons de deviner, par ces quelques touches, l'apport possible de
l'Inde au vide que l'homme occidental commence de percevoir (4). Nous
voyons l'importance du paragraphe qui commence,

B, Perspectives panikkariennes

Povir R, Panildsar, le grand idéal brahma,nique est "une vie spirituelle


profonde dans un cadre de vie matérielle simple" (5)» Au service de cette
vie spirituelle profonde, que sont la prière, la, méditation et la- contempla
tion ?

L'Auteur s'inspire de l'évolution des Upanisad par rapport au sacrifice


védique, de l'agnihotra intérieur par rapport au sacrifice du feu ou
agnihotra extérieur (6), Il s'agit peut-être moins d'une substitution que
d'une intériorisation. Le sacrifice porte sur la découverte de la vraie na
ture de l'âtman en nous.

(1) H, LE SAUX, éveil à soi - éveil à Lieu, p, 9* Voir aussi KRISHNAMDRTI,


La révolution du silence, J, M, BECHANET, La voie du silence, p, 27, etq
(2) TH, lïERTON, Zen, Tao et Nirvana, p, 57«
(3) Préface au livre de TH, IIERTON, Zen, Tao et Nirvana, p, 8,
(4) Ce serait peut-être la naissance du futur "christianisme oriental" après
le "christianisme hellénisé" dont parle ¥, JOHNSTON, dans Zen et connais-
sa-nce de Lieu, p, 8,
R, GIRAIJLT et J. VERKETTE, dans Croire et dialogue, voient aussi un en
richissement possible entre l'Occidental qui voit d'abord le monde exté«?
rieur (p, 45) et l'Oriental le monde intérieur (p, 46)#
(5) R. PANIiaiAR, Lettre sur l'Inde, p, 50,
(6) R, PANIICKAR, Le mystère du culte, p, 95. Voir Mahâ Narâyana Upanisad,
' II 1 .I •
529» p» 135 î "C'est (donc) sur le (culte) mental que l'univers en
tier se fonde et c'est pourquoi on tient le (culte) mental pour l'ultime
fondement)". Voir Kausitaki Upanisad, II, 5» P* 33• L, RENOU y ajoute

en note 4» P. 34»qiie dans ce sacrifice intérieur " la respiration (médi


tée) tient lieu d'oblation et de rite".
335

Il y a "descente en soi, approfondissement, afin d'atteindre ce que cher»»


chaient les sacrifices anciens" (l). Cette évolution se réalise par la con
centration, par la prière, par la contemplation, par l'intériorisation,
"La prière est le culte sauveur parce qu'elle est l'oblation de l'homme" (2).
L'homme atteint son salut par et dans la prière. Par la prière, parce
qu'elle est le moyen poire a,tteindre la fin. Dans la prière, parce qu'en elle-
même elle est la fin.

Deux rôles lui sont reconnus 5

1) écarter les obstacles. L'une manière négative, d'abord, la prière aide


notre personne à distinguer l'étemel et le temporel, à réaliser un cer
tain détachement par rapport aux liens du monde dont nous avons parlé.
De manière positive, la prière a une fonction morale. Les conditions né
gatives sont remplies ou. acoomplies par la vie de prière. Il ne suffit ;
donc pas, si nous comprenons bien, de nous dire "ceci est négligeable ou
aliénant, je dois m'en libérer". Cette libération se fait par la prière
elle-même et non pas seulement par une décision ou par une résolution de
métanoîa (5).
2) nous faire découvrir ce que nous sommes, L'Inde accorde la supériorité
à l'ontologique plus qu'au moral. Ainsi, la prière "révèle réellement
ce qui était déjà présent" (4), Je me dépasse pour devenir celui qui
contemple, pour progresser vers la vision, pour voir ce que je suis, afin
d'être ce que je contemple (5),

(1) H, PAKEKZAR, Le mystère du culte, p, 94.


(2) R, PAKEÎQCAR, Le mystère du culte, p, 94. La contemplation n'a rien à
voir avec le narcissisme, rappelle-t-il dans The Vedic Expérience, p,73,
(5) R. PARIKEAR, Le mystère du culte, p, 95. Il souligne le rôle capital dé
la concentration aussi, pour la prière, dans The Vedic Expérience, p,42.
Elle aurait un effet même dans l'inconscient, si l'on en croit Religione
e religioni, p, 126,
(4) R.PAtTIKK7i.R, Le mystère du culte, p, 96, Voir S, SIAUVE, Axes, XI, 2-3-
4, 1978-1979, p. 75.
(5) "Il faut briser, dit L, KAP.filîI, la séparation ontologique entre 'mon être'
et 1' 'être du monde', entre le microcosme et le macrocosme, entre mon
âme et l'Ame, universelle, pour pouvoir réaliser l'identité (tadâtmya) de
l'âtman et du brahman". Voir introd, à Atmapûjopanisad, p, 4. Voir aussi
R, PAEIKKAR, The Vedic Expérience, p, 73.
556

Ainsi, l'adoration nous aide à vaincre ce qui fait obstacle à notre réa
lisation. C'est une action où tout notre être est impliqué, où le Moi
se réalise. Par elle, l'homme transcende le temps, marche vers sa
moksa, voit sa vie irradiée. Elle est un moyen vers la perfection et i
une fin, soit la perfection elle-même. M seulement prière, ni seule
ment connaissance, elle devient une action qui transcende la d^^alité,
une mort, une résurrection. Elle comporte un aspect sacrificiel. Elle
se situe sur le chemin ontologique et dynamique de l'homme avec le
divin (1),

Tout ceci, peut-être, est difficile à comprendre si l'on pense la priè


re comme une demande, une louange, tm merci, un acte pénitentiel ou comme
une proclamation de foi. Sans exclure ces aspects, la prière serait d'abord
silence, retour à soi, approche du moi pur de l'homme, recouvrement de
l'âtman. Elle comporte un "auto-sacrifice" ou une "oblation de soi au soi",
une "réalité intuitive" (2),

Ici, l'Auteur aurait pu, peut-être, développer le thème hindou des guna,
%

Il dit à un moment leur importance et distingue tamas (qui serait l'aspect •


obscur, inerte et matériel de notre être), rajas (l'aspect actif et viril)
et sattva (représentant la pureté et l'illumination en nous) (5), mais il
n'en reparle plu.s ailleurs, La théorie est cependant fréquente dans les
Upanisad (4)

(1) R, PAEIKEAR, The Yedic Expérience, pp. 555 - 355» Se libérer du "petit
soi" (ahamkarâ) pour retreviver le Soi (âtman),- dit-il dans The Yedic
Expérience, p. 80,
(2) R. PAÏÎIKKAR, Le mystère du. culte, p, 97, L'aspect demande et invocation
existe en Inde aussi, l'Auteur le montre souvent dans son ouvrage
The Yedic Expérience où il traduit et commente un grand nombre d'hymnes.
Il semble impossible, même, de comprendre l'Inde sans ses prières, ce
qui est peut-être le cas de toutes les religions.
(3) R* PAITIKICAR, Spiritualité, indu, p, 89, note I6,
(4) A, SILBURE définit guna comme suit : ce "n'est pas la qualité, l'attri-
but statique de la substance, mais une pioissance dynamique, qu'on peut
rapprocher de yoni, sovircxe jaillissante", voir Svetasvatara Upanisad,
p, 31» note 2. Yoir sur les guna, par exemple, la Svetasvatara Upanisad,
•V» 7j p» 69; Ganapati Upanisad, III, 6, p, 10; Maitry Upanisad,
^ ^ _ »—
Prapâthaka, YII, 1, p, 32; Mahâ Uârayana Upanisad, t, 1, YI, 209, P» 59»
voir ici les notes 209-210, p, 151, etc.
557

et dans la GÎtâ (l).


Nous ne pouvons envisager loi un exposé sur la méditation hindoue et
bouddhiste, les idées de R, Panikkar devant rester notre objectif premier.
Il est bon tou.tefois que le non-initié comprenne que méditation à l'Est et
méditation à l'Ouest, ce n'est pas une seule et même chose (2),

(1) Les trois guna sont réunies dans la Gitâ. par exemple en II, 45, p. 625
VII, 12, p. I50; 15-14, p. 1515 XIII, 15, p. 232; XIV, 5, p. 242; 9,
P. 245î 10, p. 2445 18, p. 248,• 25-25, pp. 250-251 ; XV, 2, p. 254î
XTII^ 2, p. 275; mil, 40, p. 299.
La Gitâ détaille chacune d'elles, soit guna sattva (voir XIV, 9, p.245;
11, p. 244; mil, 20, p. 292; 25, p. 295- 26, p. 294? 50, p. 295; 55,
p. 296; 56-57, p. 297), guna ra.ias (voir III, 57, p. 92; XIV, 9, p.245;
12, p. 245; 15-16, p. 246; *17, p. 247? 22, p. 25O; mil, 21, p. 292;
24, p. 294; 27, pp. 294-295? et 54, p. 296; 58, p, 297) et guna tamas
(voir XIV, 9, p. 245; 15-16, p. 246; 17, p. 247; 22, p. 250; mil, 22,i
p. 292; 25, p. 294; 28, p. 295; 52, p. 296; 55, p. 297.
Notre propos ne peut être de développer, dans notre recherche actixelle,
un expose sur ce que l'hindouisme a pensé et dit sur la théorie des trois
£Una. Nous en percevons l'importance et en devinons l'intérêt, l'Auteur '
noûs le confirme, avons-nous vu, mais nous constatons que le professeur
de Santa Barbara ne propose nulle part une présentation de cette pensée
qu'il nou.s annonce comme importante dans l'hindouisme,
(2) On peut trouver une bibliographie sur le sujet chez P. LEBAIL, dans La
découverte intérieure, pp. 115-II4 et 157-146. Rappelons l'importan
ce des postirces physiques appropriées, des techniques particulières de
respiration, du cadre où elle se pratique, dv. rjrfchme de vie simplifiée,
du silence, des endroits précis du corps sur lesquels la concentration
gagne à se porter. Le méditant est appelé à se libérer par sa médita
tion, de ses passions, de ses rêves, de ses soucis, de sa science, de
ses souvenirs, de ses projets, de ses obsessions, prenant ainsi ses dis
tances par rapport avi monde phénoménal et à une existence atomisée dis
persante et écartelante. Il y est aidé par la concentration sur des des
sins géométriques (mandala"). ps,r la répétition de mots, formules ou
hymnes (mantra). par la fixation sur une représentation préférée du di
vin, par des exercices de visualisation, par l'accession au quatrième
état qui est celui de veille sans pensées, le tout avec l'aide d'un gui
de expérimenté (guru). sans abandonner la lecture des litres sacrés
(sruti") et de la tradition (smrti). et sans quitter nécessairement l'en
gagement dans le ponde. Assez'rapidement peuvent se produire des effets
normaux (comme le ralentissement cardiaque, un accroissement de saliva--
tion, une relaxation mrsculaire profonde, une réduction de la respira
tion, un calme intérieur étonnant, etc.) et des effets paranormaux
(comme l'audition de "sons inaudibles", la vision d'objets, de personnes
et de couleurs, etc.). La régularité, quotidienne si possible, peut
transformer en profondeur la pensée, la relation humaine, le mode de vie,
l'action dans le monde, la vision du réel, les réactions physiques et
psychologiques. Le méditant sent progressivement tout un mouvement d'in
tériorisation, de découverte de son Moi profond. L'authentiques expé
riences mystiques peuvent se produire mais le méditant sera toutefois
prudent avant d'identifier ce retour à 1'atman comme une communion avec
l'Absolu comme tel, sans que celle-ci soit à exclure a priori. Voir
R.C, ZAEHNER, Inde. Israël. Islam, pp. 111-112; J, M/1.SSON, Valeurs re
ligieuses de l'hindouisme, pp. 175-177, etc. ——————
538

Le professeto? de Santa Barbara est discret, nous aernble-t-ll, stir la


question des tecliniques et des méthodes que le monde hindou et bouddhiste
pratique. Il parle relativement peu de la pratique concrète de la médita
tion, Peut-être suppose-t-11 que les procédés sont connus du grand public ?
Peut-être juge—t-11 Indispensable, aussi, la tradition orale dâ guru à dis
ciple à laquelle l'Inde est fort attachée? Peut-être, encore, considère-1-
11 qu'on ne parle pas de ces choses pour la bonne raison qu'on ne les com»-
prend qn.e dans la mesure où on les vit ?

La dimension "mystique" ou "verticale" et "Intérieure" du culte est


toutefois essentielle dans sa vie personnelle et cela transparaît dans ses
écrits. Ne faut-Il pas, comme symbole d'une existence authentique, la
"croix" de la verticalité dans notre temporalité (l) ? Ne faut-Il pas des
mements qui dépassent le temps et l'espace ? "Marche en ma présence et tu
seras parfait" comme 11 est écrit dans la Bible, comme le dit Yahvé à
Abraham, ce qui, ainsi que le retient la tradition, fit la perfection de Pèr^
des croyants (2),
Vivre la présence de Dieu est tine fin, et nous ne devons pas la confon-;
dre avec des moyens. Ceci constitue peut-être vin élément de réponse avix '
questions que nous posions cl-dessus, La présence de Dieu n'est pas seule-'
ment présence à sol-même, ou autoconscience, au sens de la perfection stoî-
que, ou absence de colère, ovi perfection humaine, ou comme un acte de mémol-?
re par oraisons jaculatoires. Il n'y a là que des moyens (3), Vivre la
presence de Dieu est plus qu'un sentiment, une sensation (4-)« Il ïie criti
que pas les moyens mais veut nous proposer davantage de lutter.contre la dls^-
perslon actuelle, de chercher une concentration c'est-à—dire d'orienter
tout sur un centre dont les rayons rejoignent la circonférence (5) afin de

(1 ) R, PANIKKAR, La presenza dl Dlo, p, 8, La sup;.rflclallté est ce qui em-r


pêche l'homme de célébrer, dit R, PANIKKAR dans The Vedlc Expérience,
p, 29» Le remède est la contemplation, l'amovir pur et une vie de prière.
Il écrit ce livre Imposant povir qu'il soit: vine Introduction à la prière,
pour vine vie qui n'est pas épuisée par l'action, "Il faut vivre ce que
j'enseigne" nous écrlvalt-11 en 1979 avant de se retirer un an en Inde,
(2) R, PANIKKAR, La presenza dl Dlo, p, 12,
(3) R» PANIKKAR, La presenza dl Dlo, pp, I6-I7,
(4) R. PANIKKAR, La presenza dl Dlo, p, 18,
(5) R, PAinKKAR, La presenza dl Dlo, pp, 20-21,
559

"redimentionner la vie" ; "ridimensionare la nostra vita (l), voir le super


omnia in omnibus.

"La méditaiion hindoue, écrit-il, ne prétend pas fixer l'esprit sur


l'objet bon ou mauvais, mais libérer la personne de la pensée elle-même«(2).
Ce qui oom.pte, en effet, ce n'est pas ce que nous pensons, mais ce que nous •
sommes, non pas ce que nous méditons mais la méditation elle-même, "c'est-
à-dire le repos de l'esprit en son fond-ement ineffable et inconnaissable"(3)^
car le silence est "la dernière étape qui précède l'union à Dieu" (4),
Le risque existe de croire que l'homme peut, par lui-même, par la pra-^
tique de la méditation, rejoindre l'Absolu, L'Auteur en est conscient. Sans
ambage, il affirme que la salut est toujours un don de Lieu, un acte surna
turel, Il sait que la terre en elle—même ne se donne aucun moyen de salut,
îîais il ajoute aussi que Lieu utilise des moyens naturels, historiques, des
lois oosmiquies, pour nous mener à Lui (5)» rappelant que la scolastique par
le des sacrementsde l'Ancien Testament et des sacramenta naturae (6),
Le but de l'homme est BralTman. Il est le but de la méditation delindq.
Elle nous fait atteindre ce que nous sommes, devenir ce que nous sommes,
elle nous divinise, elle est le sonnet du Yoga, Elle vient supprimer la rup
ture entre notre monde et le monde surnaturel. Elle est une "initiation li4
bératrice" et cela par le vide, par le sacrifice de notre intellect plus que
par la réflexion, l'étude ou la lecture des libres saiîits, sans les ex
clure (7),
(1) R, PAMIKKAR, La presenza di Lio, p, 58,
(2) R, PAÏÏIIŒAR, Lettre sur l'Inde, p, 18,
(5) R* PAÎflKECAR, Lettre sur l'Inde, p. 18, Méditer serait devenir ce qu'on
médite, dit l'Auteur dans The Vedic Expérience, p, 407»
(4) R. PiiMKXAR, Lettre sur l'Inde, p. 19, Voir aussi L'enseignement de
Râmakrishna, déjà cité, p, 154 (302), p. 411 (l255), P. 469 (1427),
p, 524 (1555), etc. On peut arriver, par la méditation, à l'attitude
extatique sans mouvement réflexif, dans un silence ontologique total no
te Raymundo PAIJIKKAR, dans The Vedic Expérience, p, 4I8,
(5) R. PAïïIKKIxR, Le Ohrist et l'hindouisme, pp. 80-81, Il dit aussi que ce
n'est pas le monde qui nous sépare de Lieu mais le péché. Voir Kein
christlicher Yoga, p, 45,
(6) R, PAMIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 81, renvoyant à TH, L'AQUIR,
Sum, théol,, 1-2, 9, 102, a; et 3, q, 60 et 61,
(7) R» PAMIKKAR, Le nystère du culte, pp, 62-63,
340

La contemplation pure en arrive à dépasser toute forme de dualisme.


Elle est la perception de l'identité âtman-Lrahman" (l). Rejoindre le Moi
profond serait comme rejoindre l'Absolu. "Le culte entier devient le culte
de l'Ego" (2), Les obstacles tombent, la catharsis s'amplifie, la moksa se
réalise. ———

Nous sentons, en tout ceci, l'influence directe de la philosophie vé-


dantine et de la théorie déjà citée de l'advaita. Nous voyons l'influence
des Upanisad. Nous percevons l'utilité, également, du rappel des fondements
métaphysiques sous-jacents et la nécessité de notre note brève à propos du
concept oriental de méditation.

Nous devinons aussi que la priere telle que nous cherchons à la décrire
peut être sans objet, que la distance entre le sujet et l'objet peut s'éva
nouir ou que, si un objet reste, c'est la divinité. Si l'homme peut commen
cer par une adoration de la divinité sous une forme sensible, ce n'est enco
re qu'une préparation, un auxiliaire, quelque chose de provisoire en atten
dant que l'image soit mise de côté (3)» l'étape suivante étant le repos, la
détente sans objet, sans buts ni directs ni indirects, le don de soi à
Dieu (4),
Le professeur de Santa Barbara se demande si l'on peut être chrétien
sans la méditation, si, sans elle, nous soipmes capables de nous accomplir.
Cette question illustre bien l'importance qu'il attribue à l'objet de ce pa
ragraphe, même s'il ne nous détaille pas les techniques et méthodes comme
on pourrait le souhaiter.

(1) R, PANIKEAR, Le mystère du culte, p, 64. Dans The Yedic Expérience,


p, 704» 1'Auteur distingue la méditation extatique svo? Brahman et plutôt
enstatique sur l'âtman,
(2) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 65, "Je suis toi, je suis moi et toi.
Comprends que tu es moi" dit la Baskala îîantra Upanisad, v.23 » p. 12,
(5) R« PANIKKAR, Le mystère du ç-ulte, pp, 98-99.
(4) P. PANIKKAR, Le mystère du culte, p, I70, La méditation est plus si
lence que parole, dit l'Auteur, dans Rtatattva, p, 58, voir aussi
Thelixgnity and the Religious Expérience, pp, 65 - 66.
341

Il est du reste convaincu qii^nn la matière, l'Inde peut aider l'Occident (l).
Nous avons besoin de "faire une retraite", de nous "arrêter", pour cé
lébrer le mystère de Dieu, du Christ, de l'Eglise, du monde et le mystère de
chacun de nous. C'est comme un fin en soi. "Seigneur, propose-t-il un jour
comme prière à des retraitants,puiasions-nous voir, devenir conscienis de la
réalité. Puissions-nous ne pas toujours vivre sans comprendre, ni sans voir,
ou en voyant et en comprenant seulement ce qui au fond est moins importan-y'(^ ).
L'Atitein: parle de l'espace sacré, intérieur et extérieur, du calme, de
la paxx, de la tranquillité comme dimensions religieuses, de l'expérience re
ligieuse comme expérience de communion où l'on se fond "dans le plus haut",
où "deux" n'a plus de sens (3). Ce n'est que par notre absence que l'Absolu
peut être présent (4), parce que "Quand on sait qu'on médite on ne médite
plus vraiment" (5).
Cette méditation a pour effet aussi de nous libérer du temps sans faire
de nous des êtres intemporels. Retrouvant notre Moi profond dans l'expérien-
de communion, nous échappons à la banalité, à la juxtaposition des phénomènes
et des personnes, à l'atomisation de l'existence. D'une part, en effet, ncus
ne serions pas combles par le seulement temporel, et, d'autre part, nous ne
le serions pas davantage par le seulement étemel (6).

(1) R. PANIKKAR, Le mystère du culte, pp. 168-169. La méditation est déva


lorisée dans le christianisme recent. Par le dialogue et la rencontre,
l'Hindou pourrait retrouver l'importance de l'action sociale et le
Chrétien celle de l'expérience d'une relation plus verticale et trans
personnelle* Voir Rtatattva, p. 58. Dans Humanismo y Cruz, p. 16C, la
priere est constitutive de la vie chrétienne.
(2) R. PANIKEAR, La presenza di Dio, p. 6. La spiritualité n'est-elle pas
une attitude de base chez l'homme qui est en marche vers sa fin ultime?
Voir The Trinity and the Religious Expérience, p. 9. Toute l'activité
de notre intellect doit surgir d'une plénitude intérieure, dit l'Auteur,
dans Humanismo y Cruz, pp. 6l et 75.
(3) R. PANIKEAR, Das erste Bild des Euddha, pp. 373 -376.
(4) R. PANIKKAR, Das erste Bild des Buddha, p. 38C,
(5) R. PANIKKAR, Das erste Bild des Buddha, p. 581.
(6) RPANIKKAR, Le temps circulaire, p. 245» Dans, The theandric vocation,
p. 70, il souligne la nécessité de se libérer de la "banalité can
céreuse" .
542

Libérés de la banalité, en état de communion, nous ne sommes pas pour autant


désincarnés ni détachés de l'actioné Nous revenons donc à un thème qui ne
nous est pas étranger, à savoir celui du lien entre l'action et la contem
plation, Il ne faut pas maximaliser celle-ci au point de neutraliser l'a
gir efficace, A côté du moine, il faut "l'attitude complémentaire du sécu
lier ... contemplatif dans son action" (l). On ne doit ni opposer l'action
à la contemplation, ni la contemplation à l'action, ni le moine au séculier,
ni le séculier au moine, ni Iferthe à lîarie. L'action, en effet, peut avoir
un fond contemplatif et une dimension théandrique. L'agir dépasse alors
l'actiylsme et la contemplation va plus loin que le simple regard (2). Le
culte est opus Lei et opus humanum, acte hvimano-divin, opus Christi (5).
"Si l'action n'est pas contemplative, elle n'est pas action, si la contemplar
tion n'est pas active, elle n'est pas réellement contemplation" (4)» C'est
ce que notre Auteur appelle "une expérience seigneuriale du temps" (5), où
l'homme est acteur et spectateur, actif et passif (6),
Il se réfère au cas du Christ dont l'agir n'est pas activisme pur mais
action sacrée, rite, sacrifice. Le Christ vient faire la volonté du Père,

R. PAJmgCAP, Le mystère du cult^, p. I9, S. SIATITE, dans Axes, XI, 2 - 5 r-


4f 1978-1979> explique que la réflexion sur une sagesse liée à une pra-j
3cis fut un thème important de la rencontre de Madras en 1971, qui débou4
cha sur la mystique, p. 48. Le rapport "théorie-pratique" prit des réso
nances spirituelles et devint le plus souvent le rapport "contemplation-
acftion". On parla donc de l'action purificatrice en vue de la contempla
tion et de l'action découlant par surabondance de la contemplation,
pp. 49-50,
(2) R, PAMKKAR, Le mystère du culte, p. 20. De même : contemplation et
action sont deux pendants d'une même réalité, dans La presenza di Dio,
p. 10. Si, p. 55, l'osmose entre notre vie de travail et celle de prière
est souvent assez pauvre, il faudrait, pp. 36-57, mir plus l'âme et le
corps, le divin et l'humain, l'action sacrée et l'action de chaque Jour.
(5) R. PAITIKICAR, Le mystère du culte, p. 21,
(4) R. PAÏÏIKKAR, Le mystère du culte, p. 22.
(5) R. PAWIKKAR, Le temps circulaire, p. 24^.. Son propre chemin,dit-il^'est
pas. d'abord l'action, ni seulement la contemplation, dans The ITheandric Voca-
Won, p. 68. Sa vocation a un aspect divin et mystique qui transcende tous les
liens horizontaux (p. 69).
(6) R, PAIIIKECAR, The Vedic Expérience, p. 409.
345

s'incarner, soit "accomplir cette sainte action théandrique où l'homme -et


la création - imite Dieu ontologiquement, c'est-à-dire fait retour à Dieu" (l).
Cette dimension théandrique, toutefois, où l'acte et la prière-contem
plation sont comme coalisés et s'interfécondent, ne s'improvise pas. Si
elle correspond à um réalité ontique fondamentale, celle-ci n'apparaît pas
de soi comme évidente à notre niveau de conscience. Pour y accéder, un dou
ble sacrifice s'impose, dit R, PaniMcar, celui du cosmos et celui de l'homme,
iQ,ue signifie le sacrifice du cosmos ? Tout ce que nouis vivons, nous le
vivons dans une communion qui englobe le cosmos. L'homme participe à la
symphonie cosmique. L'espace, le temps et les choses ont valeur sacrale.

L'espace, Il n'est pas cette distance mesurable,quantifiable, qui sé»


pare le corps ou les êtres. Il doit être perçu comme "une réalité sacrale"
soit "la dimension plénière des choses" (2), crééepar Dieu, prise radicale
ment, dans sa racine. Le culte opère une promotion du monde spatial vers
son terme qui est sa source. Dans l'espace sacral, le Temple est un point
fort où la racine ontique émerge, où se manifeste déjà "la sacralisation du
monde encore distant et séparé de Dieu", On a compris cela à toute époque.
Les sacralisations des grottes, des montagnes ou autres lieux sont, par consé
quent, tout autre chose que "simples fantaisies de primitifs" (5),
R, Panildcar souligne que "l'homme n'est pas un isolé même lorsqu'il recher
che la solitude" (4),
Le temps. Par le culte, on dépasse la natnire seulement temporelle.
L'ensemble cosmique marche vers son but et le temps devient ce qu'il appelle
"une question théologique" (5)» Dieu nous permet, par le culte, de libérer

(1) R, PiUilKKAR, Le mystère du culte, p, 158, Rotons au passage que le


Christ recherche souvent la solitude pour prier. Voir Marc 1 : 55^ 6 ;
46; Mat, 14 : 25î 19 : 13; Luc 3 : 215 5 ; 16; 6 : 12| 9 : 18, 28, 29j
11 : 1,
(2) R, PMIKKAR, Le mystère dû culte, p, IO3,
(3) R. PARIKKAR, Le mystère du culte, p, I05, Voir aussi Le culte et l'hom
me séculier, p, 87» Importance de l'autel comme point de rencontre.
Voir aussi Vâc in the sruti, pp, 11-12, "Cet autel est le centre du
monde" dit-il dans La presenza di Dio, p, 8,
(4) R» PMIKKA.R, For an intégration of Reality, p, 46,
(5) R» PMIICECAR, Le mystère du oiilte, p, 106,
344

ou d'accomplir le temps réel et de percevoir qu'il est toujours "eschatolo-


gique" (l).
Les choses. Le monde des choses est lui-même religieux. On sacrifie
des choses, on offre des choses, R, Panildcar rappelle que la sruti"divinise"
le feu, l'eau, la terre, le soma, l'autel, les pierres du pressoir. Il n'y
a donc pas de sacrifice purement immatériel (2),
Que signifie, ensuite, le sacrifice de l'homme ?

Par la méditation purifiante qui est l'objet de ce paragraphe l'homme


"entre en Dieu, y établit sa demeure et surmonte tout dualisme sans- tomber darjs
le m.onisme" (3)» Il n'y a donc pas une adoration aliénante de l'homme pros
terné devant m Très-Haut écrasant mais une union avec l'Absolu, Dieu se
donne. Il y a échange. L'homme fait de lui-même "l'offrande spirituelle"(4)
mais en se perdant en Dieu car "quelqu'un de trop conscient de lui ne peut
être instrument de Dieu" (5)« "Potir accomplir l'oeuvre liturgique il est in
dispensable de s'oublier soi-même" (6), Si bien qu' "en tant que sacrifice
plénier, l'homme est offrande, autel et sacrifiant" (?)•
La méditation donnerait donc accès axnc profondeurs de l'existence hu
maine, Elle nous met à l'abri de l'activisme, La primauté est donnée ,àune
action coopératrice de Dieu, Ce qui compte, c'est moins l'agir en soi que
l'action finalisée, devenue sainte, sacralisée, informée par une'bon-versiori'

(1) R, PANIIŒAR, Le mystère du culte, pp, 47-48 et 106, Il y a partout des


temps consacrés, Yoir aussi Le culte et l'homme séculier, p, 87 et
Temps et histoire dans la tradition de l'Inde, pp, 74-75»
(2) L'Auteur donne les références à la sruti dans Le mystère du culte, p,107»
(3) R» PANIKK/iR, Le mystère du culte, p, 109.
(4) R. PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 111,
(5) R, PANIKICiR, Le mystère du culte, p, 112,
(6) R, PAHIKKAR, Le mystère du culte, p, 112, C'est cela qui serait mention
né peut-être par la destruction du moi empirique par le feu pour rejoin
dre atman et Brahman dans la Katha-Upanisad, III, 2, p, 13» 'Celui qui
sacrifie à son âme s\irpasse ceux qui offrent toutes les Va'^tEss) sortes
de sacrifices" dit le Bandlaâyana Dharmasastra 15, dans la llahâ Nârâyana
Upanisad, déjà citée, t, 2, p, 85.
(7) R, PAWIKICAR, Le mystère du culte, p, 113,
545

continuelle à l'Absolu, et cette "conversion", cette information, cette sa


cralisation, cette sanctification, cette finalisation de notre être-au-monde
impliquent la méditation qui est communion à notre centre. Si nous pouvons
nous permettre une comparaison, disons qu'on peut rendre un caoutchouc plus
"beau en nettoyant ses feuilles, mais que l'essentiel est d'arroser les raci
nes et d'assurer des conditions propices à iBur déploiement. Le secret de
la fleur, de sa beauté et de son parfum, il faut le trouver dans sa commu
nion à la lumière mais aussi dans la vie qui monte de sa base invisible, La
méditation serait ce qui donne vie au caoutchouc et qui fait que l'oignon
de la tulipe est promesse de calice coloré, "Les racines ne produisent pas
des fleurs mais il n'y a pas de fleurs sans les racines" (l).
Trop d'êtres humains sont plongés dans leur travail et ne transcendent
pas l'espace et le temps. Ils ont conscience cPêtre des êtres humains mais
ils n'ont pas compris qu'ils sont plus qu'humains» Le contemplatif arrive,
lui, à une conscience prophétique de l'univers, il sent l'unité de l'Etre,
En lui le monde est "con-cèntré", La vocation théandrique de l'homme veut
harmoniser action et contemplation dans l'inité plus haute eatr© ces
deux dimensions de la vie (2),
Si .nous avons longuement parlé de la méditation, ou de la phase mysti
que du culte, c'est que le sujet en vaut la peine, "Le silence, la paix et
la conscience ontologique de ce qui existe est nécessaire", dit
R, Panikkar (3) et la bhakti est une dimension fondamentale du culte (4),
car le culte est "l'acte par lequel la personne cultive son centre et, par
conséquent, cet acte par lequel la personne participe au coeur de toute
réalité ,,, par lequel la personne dépasse l'activisme infructueux de

(1) R, PANIKKAR, The Vedic Expérience, p, 114»


(2) R, PANIIQCAR, The Theandrio vocation, p, 71» Comme le dit J,A. CUTTAT,
dans La rencontre des religions, pp. 57-38, la concentration, fruit du
yoga, développe en Inde .11intériorité (qui n'est pas l'introspection)
contemplative (différente de psychologique) et cela développe, dans l'or
dre spirituel, la primauté de la réalisation sur la théorie, de l'opéra-
tif sur le spéculatif, et de l'intuition sur le postulat,
R, PANIKKAR, dans The Yedic Expérience, p, 42, considère la concentra
tion comme capitale povir la prière, afin que, par celle-ci, l'homme
"ce microcosme, miroir de la réalité totale", p. 4I» unisse le divin,
l'humain et le cosmique, p, 42»
(3) R» PANIKKAR, Le culte et l'homme séctilier, p, 126,
(4) R,. PANIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p. 127»
546

pure agita.tion et la superficialité stérile d'une existence inauthentiguë^l),


On comprend l'attachement à la hhakti qui est "don total de soi à la divini
té", "activité essentiellement aimante" (2), un chemin, un mârga, qu'il faut
suivre jusqu'à sa fin ultime (5).
Dans la recherche de notre Auteior sur la prière, nous serions incom
plets si nous n'insistions pas sur l'importance de la parole, après avoir
souligné celle du silence.

L'intention humaine doit pouvoir s'exprimer dans des mots, par la paro
le, Celle-ci est médiatrice. Elle incame l'homme. Réalité théandrique,
la parole joue un rSle dans l'ascension spirituelle de l'homme et la prière
est "l'acte le plus authentiqu.e de l'homme, c'est-à-dire l'acte par lequel
il se révèle lui-même comme il est réellement et par lequel la réalité lui
est révélée" (4),
Issue du silence, chaque parole authentique peut paraître comme une
prière, par laquelle l'homme entre en contact avec le noyau profond du réel,
A ce niveau, la prière est active et passive, c'est quelque chose que l'on
donne et quelque chose que l'on reçoit, La prière apparaîtrait comme insé
parable de la parole et le silence interviendrait essentiellement pour l'in-
earprimahlê,. Il est comme une parole non dite qui garde toute sa valeur (5)»
"Lu silence jaillit la parole" (6) et "chaque mot plein est un acte liturgi-
que" (7).
La parole et le son jouent un rSle dans la prière comme expression dti
Moi pour le rejoindre et pour le dire. Ils sont moyens de communication et
de communion, L'hindoxiisme possède des prières innombrables et souvent très
belles. Le son, en tant que mantra, serait aussi porteur d'une force capa
ble de nous perter vers notre centre dans la méditation, celle-ci culminant

1) R, PANIKEAR, Le culte et l'homme sécvilier, p, I50,


2) R, PANHŒAR, Le mystère du culte, p, 69,
5) R, PARIKKAR, Le mystère du culte, p. "JO,
4) R« PAinKKAR, Vâc in the sruti, p, 5»
5) R, PANHŒAR, vâc in the sruti, pp, 5-6,
6) R, PANIKKAR, Ihe Vedic Expérience, p, 92.
7) R, PAUIKKAR, The Vedic Expérience, p, 9''•
347

dans le quatrième état (l), sans pensée ni son, qui est communion dans le si
lence avec notre centre et avec l'ATasolu, Le son serait tel un véhicule vers
l'intériorité, La hhakti apparaît alors comme dévotion, mais aussi comme
abandon, comme don aimant, abandon et don qui sont manifestés dans le sacri
fice, dans la prière, dans le silence de la méditation et de la contemplation*

G, Quelques réactions

1, Au terme de ce paragraphe, mettons en évidence quelques points.

1® L'Occident risque de se limiter à la science, à la technique, à ce que


nous avons appelé la fonction fabricatrice,

2° La prière écarte les obstacles qiai nous empêchent d'être nous-mêmes.


Nous avons jugé nécessaire d'expliquer la "prière-méditation" dans le
milieu de l'Orient,

3° Le prière est un moyen de purification du moi, conduisant vers le cou


ple upanisadique atman-brahman qui nous aide à dépasser tout dualisme
excessif,

4® La prière est un moyen de sacraliser le temps, l'espace, les choses et


l'homme,

2, Après ce rappel synthétique, formulons un regret, une question et •une mi


se au point,

1® L'abord un regret, L'Auteur ne nous propose pas un exposé clair sur


la distinction entre concentration, méditation, prière, visualisation
contemplation et bhakti.

(l) E, LESIMPLS, tîandukya Upanisad, dans l'introduction, pp, 3-4» distingue


l'état de veille avec pensée' (vaisvanara), l'état de sommeil avec rêve
(taijasa), celui du sommeil profond (prâjiîa) et celtii de veille sans pen
sée (t'urya). Voir Mand'ilkya Upanisad, 3-5» 9-1'l» 12; ICaryka I, 1-5,
10-18, 22, etc. A propos du mantra, dans The Vedic Expérience, p, 39,
R« PANIKKAR explique qu'il n'est pas une formule magique ni toujours tine
phï?ase logique. Le mantra est un moyen de relier les aspects objectifs
et subjectifs de la réalité, il est un son, un parole vivante, un ensem
ble de vibrations mais qui a aussi un message. Son efficacité serait
liée, notamment, à l'autorité de qui le transmet et à la préparation spi
rituelle de qtii le prononce. Sur le mantra "om'Jvoir le même ouvrage,
pp. 766-777. ~
548

Sans doute, n'était-il pas obligé de nous dire ce qu'on peut trouver
dans de savants traités sur la question ou ce qu'on peut découvrir sous
la guidance d'un maître. Sans doute, le professeur de Santa Barbara ne
treut-il pas être notre guru. C'est parfaitement son droite Notre re
gret, toutefois, subsiste mais il n'est pas une critique (l). Il n'en
reste pas moins, pour ses lecteurs, quelques imprécisions. La brève ini
tiation au concept oriental de méditation, que nous nous sommes permise
dans une note, ne pouvait lever totalement les anibiguîtés sans nous lan
cer dans le longs exposés alors que notre but était seulement de préci
ser que le terme "méditation" ne recouvre pas, en Inde, la même réalité
que chez nous. Elle serait, par exemple, souvent moins discursive que
nous ne le pensons en Occident,

(l) R, PANHKAR, dans La presenza di Bio, pp, 16-19, nous met en garde
aoissi, avec raison, contre le danger de confondre les techniques de
méditation avec la fin, alors qu'elles ne sont que dès moyens, La
remarque semble pertinente quand on pense à certains Occidentaux qui,
à la limite, réduiraient PATANJALI, le grand théoricien du yoga, à
n'être plus qu'un professeur de "gymnastique" d'origine exotique
ou de sophrologie pour personnes surmenées.
349

Reoomaissons, toutefois, que l'Auteur sait à l'occasion, nous donner des


explications intéressantes (l).

(l) Dans The Trinity and the Religiotis Expérience, R, PMIKKAR part du Dieu
des Upanisad qui n'est pas un Dieu perçu tel une personne qui parle, or
donne, punit, appelle et attend une réponse. On serait plutôt dans la
sphère de l'expérience atteinte, de l'union et de l'inmianenoe plus que
dans celle du dialogue, de la rencontre ou de la correspondance inter
personnelle, p. 29. L'immanence est privilégiée par rapport à la trans
cendance, p, 50» On ne parle pas, dès lors, à un Dieu immanent, p, 31,
car le .divin n'est pas un Dieu extérieur qui prend abri en moi, p, 32,
mais l'âtman identique au Bràhman, p, 32» Dans cette ligne, la prière
est donc plus silence qu'activité discursive, p, 34» Elle est contact
avec l'immanence de l'Absolu, p» 35» H est question de silence, d'aban
don, de non-attachement absolu, de refus de tout anthropomorphisme, p, 38,
d'union ineffable expérimentée, pp. 38-39* Dans Spiritualité, indu,
l'Auteur parle de contrôle mental (sama, calme, équanimité, sérénité),
de domination des sens (dama, autocontrôle, ascétisme), de renoncement
(uparati), de patience (titiksa), de concentration de l'esprit (samdhâna)
et de foi (sraddhE) , p. 81, ainsi que èe la disparition "sujet-objet"
dans la contemplation, pp, 82 -84» Le guru est indispensable, pp. 112-
11é, car "une vie religieuse n'est pas possible sans un maître spirituel'4
p» 116, L'Auteur distingue aussi, on l'a vu, le chemin de l'action
(karma-marga*"), le chemin de l'amour (bhakti-marga*) ou moyen de l'amour
dans tuae ligne personnaliste, et le jnânâ-mârgaf' pour lequel le divin en
vahit tout et où l'oraison n'est plus perçue comme pensée mais davantage
comme nudité totale, p, 145» Elus loin, il parle du rythme respiratoire,
p, 166, d'une participation du corps, p. I69, du son prononcé ou mantra,|
pp, 170-175, qui a comme un caractère sacramentel, q\ri est efficace
quand il est prononcé par un initié qui l'utilise dans des conditions
et dans des dispositions appropriées, p, I7I et q\ii facilite une identi
fication progressive avec son contenu, p, 172, L'Auteur parle aussi du
mandala ou yantra, pp, 175 - 17*5, des gestes liturgiques, pp. 177 - 178-
mudra - des postures du yoga ( ou âsana). Cela condviit à une spirituali
té moins conceptuelle, expérimentée, voulant englober tout l'homme,
soit -une spiritualité intégrale, p, 181, mais dont on ne peut décrire
phénémologiquement toutela variété, p, 182,
350

2" Ensuite, nous posons une question. Elle est complexe et, de plus, elle
est posée à l'Auteur mais tout autant à l^liindouisme. Nous veillerons à
la formuler en termes simples. Lorsque, dans la pratique régulière de la
méditation, l'homme se purifie de son "état grossier", lorsqu'il se libère
de ses .projets et de ses passions, lorsqu'il accède au'Quatrième état",
lorsqu'il passe à la visualisation, rejoignant pas à pas son âtman, son Moi
pur et profond, -ce qvii peut être •une expérience enthousiasmante et trans
figurante - est-il uni à Dieu, à ce moment-là, ou simplement se retrouve-t-
il lui-même ? Autrement dit, ce qui est rejoint, est-ce "Moi* ou "Lui" ?
Serai-je, en effet, capacité d'Absolu ? Même si, à ce moment, on a la
qmsi-oertitude de la présence béatifiante du Tu Absolu, ne doit-on pas se
méfier de soi-même, de ses impressions, de ses certitudes ? La conscienceî
de la présence peut être ce^ctaine, ma,is n'est-ce pas éventuellement une
conscience erronée ? Une question semblable ne peut-elle, du reste, être
posée lors de certaines manifestations étonnantes à l'intérieur de mouve
ments charismatiques ? Peut-être, est-ce la question de la métaphysique
occidentale et du transoendantalisme biblique à l'école védantine ? Peut-
être, est-ce la question d'une tradition métaphysiqtie de tendance d'ualiste,
dans la perspective platonicienne et aristotélicienne, à une autre tendance
ou tradition métaphysique, plus dans la ligne du Yedânta et sans doute d'une
partie de l'Asie, de l'Inde au Japon ? Peut-être aussi la réponse serait-:
elle à chercher dans le silence du Bouddha dont notre Auteur nous a parlé
déjà ?

Lorsque nous lui avons personnellement posé cette question, l'Aute-ur d'ai-
bord en fut heureux. Il souligna que l'expérience de soi n'est pas automar
tiquement celle du Dieu vivant, du. Dieu de Pascal, d'Abraham, d'Isaac, de
Jacob et de Jésus-Christ (l). Il exMerait -un danger de panthéisme, de
narcissisme (2), d'immanentisme, de circuit sur soi-même, de cercle fermé
et -une telle négation de la transcendance pourrait ne pas rejoindre ni la
conception chrétienne ni la conception hindoue. Cet aspect de sa réponse
ne lui paraissait toutefois pas stiffisant, bien qu'important» En effet,
nous disait-il, si Dieu est transcendant, il est aussi immanent, et il ci
tait le mot de saint Augustin sur le Dieu présent au plus intime de chacun.

(1) RC C, ZAEHNER, dans Inde, Israël, Islam, se demande effectivement,


p, 152, si l'on peut identifier l'expérience psychologique du Moi pro
fond avec celle de Dieu.

(2) R, PANIKKAR, The Vedic Expérience, p, 75»


351

Mais alors, comment ttre certain que l'on rejoint d'Absolu et comment se
manifeste cette certitvide et son expérience ? Le don de l'Esprit et 1'ex
périence de la vie entière pourraient nous indiquer que nous sommes dans la
bonne ligne. Dans la méditation, par ailleiirs, on ne serait jamais certain
que l'on 3:ejoint l'Absolu parce que celui-ci n'est pas objet de pensée ou
de réflexion. On serait toujours "dans le risque". On po^arrait arriver à
l'Absolu mais sans en être nécessairement conscient d'autant plus que la
conscience n'est pas le dernier mot de l'expérience et de la vie,

3 Enfin, faisons une mise au. point, dans le prolongement de notre question.
R, Panikkar parle de la "prière-méditation" de l'Orient, Il considère que
l'Inde peut enrichir l'Occident, Toutefois, il ne va pas unilatéralement
dans un sens. Il a valorise la bhalcti *, dimension fondamentale du culte" (1),
/ \

"fleurissement normal de la dimension personnaliste de la spiritualité"(2),


Le Pils, Lord, est Personne, Personne en relation. Lieu du théisme, et le
personnalisme n'est pas dans l'erreur en parlant de relation avec un Lieu
personnel (5). Le "Je suis celui qtii suis" va dans un sens personnaliste(4)«
"Le Lieu personnel est le but de la créatvire" note-t-il aille-urs (5). Ou
encore : "L'essence de la Religion présuppose un tu^je" (6), Il est donc
clair que l'Auteur, en proposant à l'Occident une expérience religieuse ins
pirée par exemple des Upanisaâ, n'exclut nullem.ent la prière comme relation
"je-tu", comme relation "frontale" inter-personnelle à laquelle nous habitue
le christianisme occidental et qu'on retrouve dans l'univers religieinc juif,
islamique et autre, hindou y compris (?)•

(1) R, PAlîIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 125.


(2) R, PANIKKAR, The Trinity and the Religious Expérience, p, 25,
(5) R* PANIKKAR, The Trinity and the Religions Expérience, pp. 51-53»
(4) R. PAITIKKAR, Los dioses y el Senor, pp. 55-58..
(5) R. PANIKKAR, Spiritualité indu, p, I46,
(6) R, PANIKKAR, Humanisme y Cruz, p, I56,
(7) Le recueil imposant de prières qu'est The Vedio Expérience nous le
provcve.
552

§ 9 - LE CULTE ET LE TEiïIOIGNAGE

A, Introduction

Nous nous permettons de situer le témoignage dans un chapitre sur le


culte. Quatre raisons nous guident, La première est que le Christ tient
au témoignage dans la vie religieuse de ses disciples. Les récits de la
résurrection peuvent poser beavicoup de problèmes et donner!|lieu à des exé
gèses très différentes, mais tout le monde est d'accord pour y voir des
"récits de mission", La deuxième raison est que les idées et que la ter
minologie panikkariennes sur le témoignage semblent intéressantes de façon
générale, La troisième est que cela paraît logique dans la mesure où la
relation entre les deux pôles du réel -le divin et l'humain- n'est pas
seulement une "affaire privée" et dans la mesure où l'intériorité de l'hom-r
me passe quotidiennement par de l'extériorité, dont le témoignage fait par
tie, comme le sacrifice ou l'action, La quatrième raison, enfin, est que,
pour l'Auteur, le témoignage fonctionne, grâce à la communion à la même
réalité dans le culte en tant que convergence entre les pôles du réel.

Dans le Nouveau Testament, les témoins sont souvent les témoins ocu
laires et auriculaires, ceux qui ont connu le Maître, ceux qui peuvent té
moigner de sa réstirrection mais aussi de ses paroles, de ses actes, de ses
gestes, de ses rencontres, de ses révélations, de sa personne. Le Christ
Jésus donne une mission de témoignage (l), et lui-même se présente comme le
téjnoin du Père, De même que le Père a envoyé le Fils, de même le Fils a
envoyé ses disciples comme témoins, comme poirteurs d'une bonne nouvelle.
Il veut qu'on se déclare pour l\ii devant les hommes (2), Nous ne dévelop
perons pas ici une étude exégétique sim les thèmes du témoignage, du témoin,
de l'acte de témoigner, dans l'Ancien et le Nouveau Testaments, Retenons
simplement que la démarche de convergence impliqtxe la mission de témoigner,
d'être porteur d' 'évangile", d'être le sel de la terre, la ville sior la
montagne, la lumière dans la maison (5) et le levain dans la pâte (4),

(1) Il envoie en mission (îîat, 10 ; 16| 28 t 19-20; Luc 24 : 47-48;


Mat, 28 : 18-20), Dès qu'on a l'expérience de la "rencontre"avec
Jésus ressuscité, on le dit (îîarc I6 : 10, 15, 15). Les Apôtres sont té
moins collégialement (Actes 1 : 22; 2 : 32; 5 s 15» 4 S 53; 5:52; 10:39;
13 :51)» Les témoins sont ministres de la Parole (Luc 1 :2),etc,
(2) Mat, 10 : 32
(5) l^lat. 5 : 15-15.
(4) Mat, 13 : 55.
553

B. Perspectives panildcarierines

E» Panlkkar divise l'histoire de l'Eglise en cinq périodes bien répara


bles - oefeî est un rappel - soit ;

1) celle du témoignage (jusqu'à Arius);


2) celle de la conversion (jusqu'au choc avec l'Islam);
3) celle de la croisade (jusqu'à la découverte de l'Amérique);
4) celle de la mission (jusquà la fin de l'ère coloniale);
5) celle du dialogue (aujourd'hui) (1),
C'est principalement sur cette dernière, étape qixe porte sa réflexion.
Il se demande, ici, dans quelle mesure le témoignage est compatible avec le
dialogue. Le dialogue est im échange de vues, il tourne souvent à confron
tation de convictions, il peut se développer aussi comme relation sur un
pied d'égalité entre interlocuteurs, L'Auteur souligne que le monde actuel
veut se baser sur le dialogue et que celui-ci doit rendre possibles le plu
ralisme, la coexistence, la démocratie, la justiqe, la paix et l'oecumér»
niame (2), Ife,is lorsqu'on est en état de dialogue, le témoignage est-il pos
sible ?

Eclairons la problématique sotilevée,

R, Pa^niMcar appelle témoignant celui qui témoigne. Le témoigné po^3r-


rait être la personne ou les faits pour lesquels on témoigne, mais aussi il
peut s'agir du témoin du témoignant, de celui qui est en face du témoignant,
L'Auteur, pour la clarté, stipule qu'il choisit ce deuxième sens, Nous ap
pellerons donc témoigné le témoin du témoignant. Le témoigna^ge est le con
tenu ou la signification de ce dont témoigne le témoignant (5),
La relation "témoigné-témoignant" nfest pas d'ordre dialectique, aux
yeux de l'Auteur, parce qu'elle ne relève pas de l'ordre du logos, de la
"connaissance épistémologique vérifiable" (4), Nous retrouvons au passage
sa méfiance à l'égard du langage humain. Il croit observer que le dialogue
actuel se libère de la tutelle de la dialectique, qu'il ne veut pas conqué
rir l'autre et l'amener à penser comme nous pensons. Il s'en explique.

(1) R, PAHUQCAR, Témoignage et dialogue, p. 3^7»


(2) R, PANIKKAR, Témoignage et dialogue, p, 3^7»
(5) R, PANIKKAR, Témoignage et dialogue, p, 574«
(4) R« PAIflKICAR, Témoignage et dialogue, p, 575»
354

"Le dialogue est foncièrement mon owertxœe à l'autre pour qu'il me dise et
me découvre mon n^the, ce que je ne peux connaître moi-même, ce que je con
sidère comme allant de soi. Le dialogue est une façon de me connaître et
de dégager mon point de vue à partir.d'une intériorité plus profonde qui
restait cachée en moi-même, et que l'autre éveille par sa rencontre avec moi
dans ce tréfonds qui nous dépasse' "Pris dans ce sens, le dialogue est
un acte religieux par excellence, car il reconnaît ma religatio à l'autre,
mon indigence individuelle, et mon besoin de sortir de moi-même, de me transr
cender pour me sauver" (l).
D'une part, il y aurait un dialogue dialectique qui fait confiance à
l'esprit, à la raison, aux arguments, qui peut conduire au jeu intellectuel,
à la controverse, à la polémique, aux disputationes et, d'autre part, le
dialogue dialogique ou dia,logal, Celtii-ci, davantage, fait confiance à l'au
tre, au coeux-, à l'intuition, à l'écoute, à la révélatign du moi par l'au
tre. La relation "témoignant-témoigné" serait de ce second type.

Dans le prolongement de ces considérations, le professeur de Santa


Barbara distingue encore le témoignage monologique qui refuse tout dialogue
et tourne 'bn circuit fermé" et, d'autre part le témoignage dialogal où no
tre expérience est fécondée par l'expérience de l'autre et réciproquement.
Le second type accepte "le témoignage de l'autre et cherche avec Itii à l'in
tégrer dans une nouvelle expérience non moins concrète mais plus englobante '
que celle du point de départ " (2).
Le problème maje^^r retenu par notre Auteur est celui qu'il appelle
d'une "communion mythique" ou d'une communion au même mythe (3)« Il consta
te qvie le témoignage existe encore aujourd'hui mais que l'on assiste à l'ef-r
fondrement de mythes comme ceux de l'Eglise et de la Patrie, Or, s'il n'y
a pas de communion au même nQrfche entre le témoignant et le témoigné, le té
moignage passe à côté. Celui-ci commence "quand le témoigné reconnaît que
le témoin témoigne réellement, affirme, dévoile, découvre, manifeste quel
que chose (le témoignage) qui n'est pas donné dans une relation dialectique

(1) R, PAWII3CAR, Témoignage et dialogue, p. 577-


(2) R, PAillKKAR, Témoignage et dialogue, p. 379*
(3) R, PAlîIKKAR, dans Hindouisme et christianisme, p. 4» note " sans com
munication, pas de kérygme, pas de proclamation de la Parole, pas de
transmission de la foi".
355

(en vertu d'un raisonnement) ni par une relation dialoêiqL'*^® (eu vertu
d'une confiance en l'autre)" (l). Il ne suffit pas que l'acte du témoigant
commence potir que le témoignage passe en tant que témoignage eu en tant que
contenu, que porteur de sans..

Ainsi, "le témoin ne nous dévoile pas une vérité que nous ne connais
sons pas" (2), Le martyr chrétien, par exemple, témoignerait de la vérité
chrétienne pour les seuls Chrétiens, du courage des héros pour les historiens
des religions,et de la religion comme opi-um du peuple et ennemie du progrès
pour le Marxiste (5).
Le témoignage n'attirait donc, po-ur R. PaniMcar, aricun sens hors de l'ho-,
rizon donné, hors de la culture où il se situe, hors d'une"copnunion mythi- :
quë' (4)» Cette analyse du phénomène manifeste qu'il est étudié dans une
perspective planétaire ou interculturelle et ncn plus à l'intérieur d'un
seul topos d'émergence.

L'Auteur croit pouvoir déceler fine faillite du témoignage et cette dé-


couverte le détermine à chercher un nçrthe englobant qui serait 1'"horizon
invisible et commun qui permet la communication" (5)« L'allergie si l'on
peut dire , au dialectique tentaculaire, lui fait ajouter que "le vrai té
moignant témoigne comme malgré lui, sans avoir, à proprement parler, l'in
tention de témoigner" (jS)-;. vouloir témoigner, en effet, implique vouloir
montrer, prouver à l'autre la vérité de mon témoignage, le convaincre.

(1) R, PAMIKKAR, Témoignage et dialogue, p. 381.


(2) R, PANIKKAR, Témoignage et dialogue, p, 382,
(3) J* CtUIÎTOR, Ce que je crois, pp. 52 - 53,. "Pour l'incroyant, je
suis un phénomène extravagant qui lui démontre une fois de plus l'infir-r
mité de l'intelligence humaine et sa tendance à l'aliénation ... je
suis un papillon afix ailes d'azur, mais de dessin bizarre, agréable à
capter, à étendre, à étiqueter dans la boîte où il range les folies, et
qui lui prouve la rémanence, chez les gens intelligents, des supersti
tions" .
(4) R, PANIKK/iR, Je crois, pp. 259 - 2éO,dit ! "Les formules de foi sont seule
ment intelligibles et donc valables à l'intérieur d'une certaine homogénéi
té culturelle. ildolâtrer une telle cfilture serait aussi faux que penser
qu'on peut se passer de toute culture. Relativité ne signifie pas relativismd''
(5) R. PAtîIKEAR, Témoignage et dialogue, p. 383»
(6) R, PANIKKAR, Témoignage et dialogue, p. 383.
556

1Ȏveiller, le convertir, parce que je suis convaincu que le contenu de mon


témoignage est aussi un "bien pour lui« Or cela même détruit le témoignage
qtii est *37épiphanie spontanée d*une expérience" (l)» "Ce n'est pas par la
raison ou le sentiment, mais par la vie que l'on témoigne, et on ne témoigne
que de sa propre vie" (2).
Au terme de ce résumé, nous voyons que, sans être totalement nouvelle,
la perspective de notre Auteur paraît personnelle et qu'elle éveille l'in
térêt. Le problème abordé est loin d'être simple.
Nous savons que l'Auteur se méfie de la raison, ou en tout cas qu'il
désire "la situer" (3), Nous connaissons son penchant pour l'humilité du
langage. Il nous a parlé également de la crise des intermédiaires (4)t
*
Nous connaissons son avis sur la tolérance , Nous avons entendxi ce qu'il a
dit de la perspective "moderne" où l'on veut "prendre sur soi la totaLité
des réponses et des responsabilités, qu'on attendait normalement de la reli-f
gion" (5), On sait combien il tient à la liberté en religion, une liberté ;
qui lui apparaît comme une dimension constitutive de l'homme,
La problématique du témoignage repose celle du témoignage du christia/-
nisme en milieu hindou et donc la question des relations entre christianisme
et hindouisme, R, Panikkar souhaite plus qu'une 'fco-existenc# (6), plus
qu'une rencontre doctrinale (?)• li faudrait rejoindre les principes fonda»?*
mentaux qui ont engendré les doctrines ainsi que la vérité existentielle que
celles-ci veulent exprimer (s). Il faut dépasser la "rencontre culturels*
le" (9) car ce sont non seulement deux cultures qui se rencontrent, mais
deux religions. Envisageons donc plus qu'une entreprise intellectuelle ou
qu'un règlement de questions pratiques mais une rencontre existentielle (10),

1) E» PAtTIKKAR, Témoignage et dialogue, p, 584»


2) R. PANIiaCAR, Témoignage et dialogue, p, 386,
3) Voir notre chapitre 1, article "raison",
4) R. PANHŒAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p. 75.
5) R. PAl^IIŒAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p, 74»
6) R. PANnCIttR, Le Christ et l'hindouisme, p, 24.
7) R. PAim^KAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 26,
8) R. PANIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 29,
9) R. PANIKICAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 51,
10) R. PMIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 53.
357

un in-esse plus qu'un oo-esse (l). Plus qu'une table ronde diplomatique,
il faudrait étreindre les deux religions dans vine synthèse personnelle,
"comprendre" autrui, s'incarner dans l'autre religion.

Il ne peut être question de vouloir engager un type de témoignage qui


viserait à convertir l'autre, à le conquérir, à le récupérer, à le manipu
ler pour l'investir, à faire du recrutement ou du "colonialisme religieiix".
Célà étant, il ne fa,ut pas non pltxs verser dans une espèce de religion in
forme, dans le syncrétisme, bien qu'un certain néo-hindouisme l'accepterait
peut-être (2), Nou.s devrions, d'une part, éviter un combat à la recherche
d'une victoire dans une perspective "impérialiste" et, d'autre part, échap
per à un espèce de marchandage de bas étage où chacun en viendrait, en quel
que sorte, à se renier. Ni conquête, ni reniement. Plutôt une rencontre
interfécondante perçue comme un événement religieux, oui, fondamentalement
religieux.

Le christianisme prétend à la catholicité, et il a raison, mais à quel


le catholicité ? Paut-il envisager l'exportation d'un système doctrinal,
liturgique, culturel, philosophique ? On devrait s'élever d'un étage et perr
cevolr le Christ comme point de rencontre ontologique, odmme le disent
saint Jean (5) et saint Paul (4). On aurait en lui plus qu'une "simple
plate-forme transcendante" (5), plus qu'un lien désincarné, on aurait une

(1) H, P/iNIKK/iE, Le Christ et l'hindouisme, p. 34•


(2) R. PMIKKAR, Le Christ et l'hindoxiisme, p. 38. Dans Los dioses y el
Senor, l'Auteur, une fois de plus, se dresse contre le colonialisme théor
logique (p. 1é). Si on ne peut demander à un continent de renoncer à
sa culture et à son âme sans "extorsion spirituelle, (pp. 20-21), il
faut dépasser l'attitude impérialiste (p, 47)» dépasser la pure trans
mission doctrinale (p. 66), d'autant plus qu'il y a toujours une trans
cendance de la réalité et de la vérité par rapport au lango.ge (p. 84) et
à la connaissance humaine déficiente (p. 89). Oublier les limitations
de la ratio ne serait-ce pas "le péché cxilturel de l'Occident" (p, 90)?
Dépassons donc la polémiqxie pour la rencontre existentielle (p, 115)»
et acceptons le monde en cheminement (p. 158) par la vertu mystique de
'H'
la tolérance (p. 137)»
(3) Jean 1 » 1 - 5, 9 - 13.
(4) Eph. 1 : 3 -13.
(5) R« P/iîriKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p. 39.
558

"chose théandriqvie", le Seignetu:, parce que le Christ parle de Dieu "quelle


que soit la forme que prendra la croyance ou la pensée de celui qui est ain~
si le "patient" du divin" (l)« Il faudrait comme "une double mort"» Le
Chrétien naît païen, mais il meurt et ressuscite peur devenir chrétien. De
même, l*Hindou est appelé à mourir et à ressusciter à une vie nouvelle.
Christianisme et hindouisme se rencontreraient alors dans la mort, dans le
renoncement à soi-même et dans l'aocepta,tion d*une vie nouvelle, détaxe "re
naissance", D'une part, l'hindouisme considère déjà que les deur religions
sont pareilles à deux fleuves différents partis de la même source et s'écou
lant finalement vers le même océan et, d'autre part, le christianisme peut,
lui aussi, découvrir et affirmer, avec les conséquences qui peuvent en décou
ler, et l'identité de la source et l'identité de l'océan.

Parfois, on a l'impression d'une impasse. D'une part, du cêté de l'hin


douisme, on semble accepter la'bo-existence"de religions-soetirs, avec toute-
fois l'idée, en plus, qtie l'hindouisme est étemel, sanâtana dharma ,
D'autre part, du côté chrétien, il existe la ceirtitude d'tine plénitude acquit
se et qu'on voudrait partager.

C'est l'Esprit de Dieu, dit H, Panilckar, qui est le lien où peut se si


tuer la rencontre, qui est l'élément commun aux deux religions, grâce auquel
le Logos vient à nous. Dès lors, il s'ensuit non une confrontation idéolo
gique mais l'ascétisme, la vie mystique, le détachement, le détachement par
rapport à nos schémas, à nos formules, à nos explications, le dépassement
d'une comparaison des religions pour arriver non à un système nouveau mais à
un nouvel esprit où la rencontre est un "acte religieux : un acte d'incama-r
tien et de rédemption" (2), une rencontre dans me foi dépoirillée, dans une i
pure espérance, dans m amour sumatxirel,

La foi dépoxiillée serait un don de Dieu par lequel je participe à la con


naissance que Dieu a de Ixii-^ême et de tout, un acte simple et vital, parle-;
quel je crois en Dieu, par lequel je goûte Dieu, ce qui dépasse les limites
du langage humain. L'espérance pure serait la conscience d'être pris par
Lieu, d'être déjà dans des cieux nouveaux où j'aura,is la prom.esse et une amor
ce de l'union avec l'Absolu, L'amour surnaturel nous fera,it voir le Christ
présent dans tout homme agissant. Il y aurait communion dans l'être, dans le
Christ, au Christ,

(1) R, PMIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 40»


(2) R, PjlNIiCKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 51«
559

"Le concept de témoignage chrétien est vin concept mystique et un con


cept trinitaire" dit aussi notre Auteur (l:). Il s'agit de révéler le Père,
C'est le pouvoir de l'unique Esprit, Le Chrétien est témoin dans la mesure
où il est uni au Christ et s'il ne.dresse pas en lui-même des obstacles à
l'Esprit, Etre témoin alors, ce n'est pas affaire de propagande, ni qu.es-
tion de relation publique, mais davantage un acte de foi, d'espérance et de
charité, dans l'Esprit, dans une transparence personnelle qui supprime ïes
obstacles à l'action divine,

C, Quelques réactions

1, Mse en évidence de quelques données de ce paragraphe,

1' Nous pourrions retenir les cinq étapes de l'histoire chrétienne distin
guées par notre Auteur (témoignage, conversion, croisade, mission et
dialogue) comme étant une synthèse originale. Pourtant, dirons-nous,
tout schéma schématise. En fait, il y a mission à l'ère apostolique,
conversion à l'ère des croisades comme actuellement, et le dialogue
n'est pas seulement un brevet contemporain, qu'on se rappelle certain^
Pères de l'Eglise, tout en reconnaissant que notre vingtième siècle se-
caractérise peut-être plus par une dimension planétaire des problèmes,
des recherches et des rencontres,

2® Nous retiendrons l'humilité du langage et des systèmes. Toutefois,


nous satirons aussi que toute critique Contre le langage est émise par
un langage, que toute relativisation du mot est établie par d'autres ,
mots, et que si l'on veut éviter le relativisme en soulignant la rela
tivité d'un ou de plusieurs systèmes, la rencontre interfécondante peut
engendrer un autre système, à la recherche d'une autre cohérence, au
point qu'ily aurait encore un système nouveau, ouvert sans doute, mais
un système tout de même, comme la rencontre d'une femme et d'un homme
différente engendre un enfant. Il n'y a interfécondation qu'à partir
du moment où il y a engendrement,

5® Nous retiendrons aussi la difficxilté de la relation entre témoignant


et témoigné dont il fut longuement question,

4° Pa,r conséquent, nous verrons une certaine insuffisance possible de la


aontreverse intellectuelle. Le Christ Jésus n'a utilisé la controverse

(l) R, PANIKKAE, Relation of ohristians, p. 540*


560

que âans la mesure où il y était amené par ses adversaires, Fa.ut-il


povir auta,nt abandonner tout affrontement intellectuel ? Cela n'est pas
évident, à nos yeinc, car c'est une chance donnée à l'homme de marcher
vers la clarté et de répondre à son désir profond de cohérence,
I

5° Nous retiendrons le dialogue dialogique comme moyen, par l'écoute de


l'autre, de nous comprendre nous-mêmes, de nous situer, de percevoir nos
présuppositions, nos préalables, et la relativité (non le relativisme)
de nos constructions, Nous voyoïis l'autre, par le dialogue dialogique,
nous éveiller à nous-mêmes. Il nous faudra, toutefois, revenir au pro
blème.

6® Il semble intéressant aussi de sentir la nécessité d'xine convergence


fondamentale en Christ et dans "le tréfonds qui nous dépasse" et cela
pour la relation "témoignant-témoigné",

7° Enfin, retenons la perspective d'une rencontre entre l'hindouisme et le


christianisme envisagée comme un événement religieux plus que comme une
démarche diplomatique;,, une conquête ou une démission.

2, Quelques prolongements et suggestions,

1) La mentalité oecuménique a,otuelle, qui prend forme dans les rencon


tres entre confessions chrétiennes, propose des principes et une structu
re mentale de plus en plus connus et acceptés. ITous les avons déjà ex
primés dans un autre ouvrage (l).

On pourrait résumer ce que nous y exposons en diaa.nt (a) qu'il ne


faut pas accuser aveuglément et sans discernement ceux qui, aujovird'hui,
ne pensent, ne sentent, ne s'expriment ni ne vivent pas comme nous|
(b) que les ruptures historiques ne sont pas à sens unique parce que les
responsabilités sont toujours partagées; (o) que, par voie de conséquen
ce, tout un vocabulaire nouveau doit naître lorsque nous parlons des au
tres et de nous-mêmes, et qu'un vocabulaire doit disparaître; (d) qu'il
est possible et nécessaire de repérer déjà ce qui nous unit, au lieu de
rester bloqués sur les "points litigieux"; (e) qu'en aucun cas, cependant,
nous ne pouvons oublier ce qui nous sépare encore, sous peine de nous
satisfaire d'une façade d'tmité; (f) que déjà, sans verser dans le syn
crétisme ou dans le minimalisme relativiste, nous pouvons nous féconder

(l) R, SMBT, Méditation sur le Royavane, pp, I69 - 175,


561

mutuellement, chacun ayant privilégié, par exemple, des éléments que


d'autres auraient mis en veilleusej (g) que, dès aujourd'hui, pour heau^
coup de choses, nou.s pouvons travailler main dans la main.

Nous sommes en train de dépasser, à ce niveau, croyons-nous, le sou


ci de "convertir l'e^utre". Chacun reste soi-même mais ouvert sur la
"révélation par l'autre". Le Concile Yatican II engage les Chrétiens, et
tout spécialement les Catholiques, à marcher dans ces perspectives, sans '
naïveté, sans simplisme, mais sans hésitation ni statisme (l),

2) Aptes les principes oecuméniques admis, de plus en plus, concernant


la, relation avec les Chrétiens non-catholiqixes et qui nous montrent qu'ori
ne peut plus parler de l'Eglise catholique comme d'une "Eglise non-réfor-»
mée", nous pourrions nous remettre à l'esprit les principes généraux pour
le dialogue entre personnes humaines. On ne peut jeter le discrédit sur ,
le dialogue. Qu'on se rappelle des documents importants sur le problème
du dialogue en général, qui n'est pas nouveau (2), Ici aussi, les prin-.
cipes sont connus, même s'ils ne sont pas toujours respectés dans le quo-r
tidien de la relation,

3) Nous croyons, avec R, Panikkar, que la communion "dans le tréfonds


qui nous dépasse" est capitale. Par exemple, l'enseignement religieux en
milieux scolaire suppose une sympathie ou une relation de qualité entre
le témoignant (le professeur) et le témoigné (une classe d'élèves). Le
"cours" de religion le mieux préparé, en effet, passe à côté des élèves
s'il n'y a pas au moins un début de "communion mythique". Mais ne peut-
on croire aussi au génie du verbe, à la force des mots, à la puissance
du langage ? Ne peut-on croire au dire humain, au discoxxrs clair et
structuré, un discours qui fait découvrir et qui situe l'éducation, par
exemple, sxir le parcoxn?s entre ce qu'on a et ce qu'on aixra, parcours où
les paroles porteront du fa?uit moyennant le préalable d'xxn certain "con
sentement" ou d'une convergence apéritive ?

(1) Yoir Lumen gentium, ch, 2, n° 15 - 16} Nostra aetate} Unitatis redin-
tegratio, etc,
(2) Yoir par exemple, D, PIBE, Bâtir la paix, Le Christ lui-même ensei
gne par dialogues., par exemple en Jean 4 : 5 - 415 1 -13? Mat, I9 î
16 - 22; Jean 18 ; 53 - 38} 9 - 11} 6 ; 25 - 58} Mat. 20 ; 20-28,
bien qu'on sente parfois dans ces textes, une insuffisance de "com
munion mythique" dont parle l'Auteur,
362

Bien sto, âutre chose est l'assimilation intellectuelle d'un.donné repé-


rahle, autre chose est l'adhésion au contenu de ce donné. C'est pour
cette raison notamment que certains se demandent si le. foi peut s'ensei
gner, Il reste qti'elle doit pouvoir se dire. Il ne faut pas non plus
qu'à force de laisser l'autre s'exprimer on en arrive à se "taire soi-
même", Ce qui est vrai dans le cas d'un dialogue intra-culturel -comme
un cours de religion, ou une catéchèse à l'occasion de l'administration
d'un sacrement- ne peut-il être vrai aussi dans le cas d'une rencontre
inter-culturelle ?

4) Ne peut-on aussi poser une question quant à l'effondrement de deux


mythes dont a parlé l'Autetir, ceux de l'Eglise et de la Patrie ? 33fe,hord,
le mot mythe n'est—il pas ambigu ? Ensuite y a—t-iLeffondrement des deux;
mjrthes précités ? Si nous prenons l'exemple de la Patrie, on peut être
tenté à prem.ière vue de parler d'effondrement. Toutefois, le problème
n'est pas simple ni le fait évident. D'une part, le civisme, chez nous,
petit s'exprimer autrement aujourd'hui qu'à l'époque de Verdun, mais il
reste, même en Occident, d'autres formes d'expression d'un sentiment ci
vique, Il semble aussi qu'une guerre ressusciterait, pevit-être rapidement,
des sentiments que nous croyons disparus. D'autre part, le culte de la
Patrie nous semble encore fort développé dans beaucoup de nations du monr-
de. Les exemples.sont nombreux et, du reste, pas toujours rassurants.
Si nous prenons l'exemple de l'Eglise, là aussi nous nous interrogeons
quant à l'effondrement du mythe. Un certain visage de l'Eglise n'est
peut-être plus accepté, encore que le fait ne soit pas général sur la plar-
nète, ^nais, de toute façon, il ne faut pas confondre l'Eglise ou le "my
the Eglise" avec un certain visage que prit l'institution à telle époque,
à tel endroit et à tel moment de son évolution.

3» Concluons maintenant ce paragraphe.

Dans le culte intervient le témoignage. Il est l'expression d'tme foi


vécue, d'une communion avec l'Absolu, l'expression d'une expérience de vie.
L'expression de l'expérience de l'un peut éclairer l'autre, Itii révéler ce
qu'il est, ce qu'il vit, ses présuppositions, et réciproquement. Si le dire
humain garde sa force et sa raison d'être, il n'est pas le tout de la rela
tion témoignant-témoigné, car, entre eux, il faut au moins un début de
"communion mythique". Celle-ci prend sa source en Dieu et elle est enri
chie par l'expérience de l'être de chacun, La relation apparaît donc comme
563

•un événement religieux réalisant un aspect du dessein -unifiant de l'Absolu,


*
quel-que soit le nom qu'on lui donne, quelle que soit l'orthodoxie ou
l'orthopoîesis dans laquelle on a grandi. Chacun est amené par l'autre,
dans le dialogue dialogal, à se transcender: soi-même, La faillite du témoi
gnage peut se résorber si l'on dépasse l'apologétique conquérante -l'apolo
gétique et la ratio restant cependant nécessaires peur chacun- pour accéder
à l'événement religie-ux. Il y a culte, par voie de conséquence, dans l'é
coute, dans la mort de soi pour "re-naître" par,l'autre, dans la communion
à l'expérience existentielle de l'autre, dans l'humilité du langage comme
aussi, disions-nous, dans le courage et la clarté du discours. De même que
"l'âme de Jonathan s'attacha à l'âme de David" (l), de même y a-t-il culte
quand l'âme de celui qui a l'expérience chrétienne de la relation avec Dieu
cherche à entrer respectueusement, et non par effraction, dans l'âme de cel-ui
qui vit l'expérience hindoue de la communion avec Brahman, et réciproquemen-l;
Même si Brahman n'est pas Yalivé, ils ont quelque chose de commun, il y a en
tre eux homologie-inon analogie- dans ce sens qu'ils jouent un rôle analo
gue dans les deux univers, le Chrétien et l'Hindou (2),

(1) I Sam, 18 : 1,
(2) R, PidTIKKAR, Indology as a cross-cultural catalyst, pp. 177 - 178.
L'homologie serait une sorte d'analogie existentielle et fonctionnelle
(= de fonction), comme le dit l'Auteur,
564

CONCLUSIONS

I, Dans tme première partie des conclusions de ce chapitre, notis croyons


utile de donner un résumé concis de la décotrverte réalisée en écoutant no
tre Auteur.

Après une introduction à son vocabulaire, nous avons suivi E. Panikkar


dans ses considérations sur l'Absolu, puis sur le Christ, Notre quatrième
chapitre se proposait d'étudier sa pensée svir le culte que nous tentions de
définir comme la démarche de convergence entre les de\3x pôles du réeX : le
divin et l'humain, définition que ne démentent pas les donsidérations de
notre Auteur.

Nous devions commencer par rappel des fondements métaphysiques sous-


jacents. L'Auteur a écarté le dualisme qui, dans ses excès du moins, évite
de soTjligner la relation ontique entre les deux pôles du réel, ainsi que le
monisme qui, à la limite, ne privilégie qu'un des deux pôles. Sans peut-
être résoudre adéquatement le problème de l'Un et du multiple, R» Panikkar
souligne la relation plus que la disstasis. Plus râmânujien par sa prise en
considération des étants, il propose, on peut en émettre l'hypothèse, une
réinterprétation de SaAkara, une affirmation du lien entre tout ce qui est.

Les catégories d'hétéronomie et d'autonomie - alla,nt plutôt, semble-^»


il, dans le sens de la dichotomie grecque et proche-orientale - et celle de
l'ontonomie- s'accordant plus avec le sens de l'unité de l'être- sont ve
nues pour expliquer des attitudes différentes de l'homo religiosus face à
son Absolu, quel que soit son nom, et dans son activité cultuelle.

Centrant alors la recherche sur l'Inde et l'évolution de son idée du


culte, nous avons vu notre Auteur rejoindre des indianistes comme S. Lévi,
M. Biardeau, M. Dhavamony, en soulignant, d'abord, la phase hétéronome du
Veda et des Brahmana, plus ritualiste peut-être mais sans être exclusivement
mécanique et exprimant de toute façon la profonde religiosité de l'univers
védique. En deuxième lieu, la phase des Upanisad qui constitue davantage
me réaction autonome qiii, sans oublier les acqtds antérieurs de la pensée
sur le sacrifice, mise sur l'intériorisation du culte, non sans courir le
risque, peut-être, d'm -certain élitisme. Et, en troisième lieu, le bhakti-
mârga où l'ontonomie, loin d'exclure les deinc phases précédentes, les assi
mile et souligne la relation harmonieuse possible entre les deux pôles pré
cités du réel. Cela permet à R, Panikkar de ne rien juger, ni renier, ni
rejeter, de souligner aussi la nécessaire présence ou participation dans le
365

culte, et, enfin, de s'engager lui-même en prenant position non comme sim
ple analyste du passé mais en tant que prospecteur poin: une interféconda
tion,

Notre Auteur propose alors des pistes sur detix éléments fondamentaux
de tout culte, à savoir les gestes et symboles, d'une part - sans que sa
pensée sur le symbole soit encore achevée— et, d'autre part, sur le dis^
cours explicatif les accompagnant. Il distingue, à ce propos, ce qu'il ap
pelle "rubriques" et "nigriques". Nous èentons, dans cette partie de sa re
cherche, son "obsession ontonomique" lorsqu'il souligne les qualités qu'il
attend des deux données considérées et qui seraient la spontanéité, l'uni
versalité, la concrétion et la continuité, au service de la sincérité, sans
méconnaître, au passage, la crise des intermédiaires, "crise cyclique sans
doute, mais particulièrement contemporaine.

Nous en sommes arrivés à la question des sacrements, La parabole de la


cruche cassée valorise l'immanence et est mise en regard de la dichotomie
grecque. Sous cet angle, nous semble-t-il, la distinction occidentale entre
le septénaire sacra^ientel et d'autres actes religieux apparaîtrait comme po
sant un problème épistémologique, car la distinction repose sur le cadre
dans lequel on pose la question. Si l'homme est une personne en relation
avec le tout, aux yeux de l'Inde, ne pourrait-on pas dire, en effet, que tout
opus operantis aurait toujours "quelque chose de plus que de l'humain" ?
N'aurait-on pas, alors, en quelque sorte comme deux ordres saoramentaires,
le premier, celui peut-être du musterion, qui serait divin, transcendant,
comme un "x" qu'on ne connaît pas et le deuxième, celui du sacramentum, se
rait une incarnation dans l'espace et dans le temps, comme l'explicitation
du musterion dans des situation concrètes, relevant de l'ordre delEnoama-
tion ? L'Auteur alors ne tire pas les déductions d'une primordialité de
l'identification entre le Logos et Jésus qui déboucherait sur la théologie
sacramentelle qu'élabore le christianisme notamment orthodoxe et catholique,
La question sacramentelle serait alors plus nuancée, plus complexe et en un
sens moins nette, L'Auteur est plus à l'aise pour traiter de l'Eucharistie
qui, dans la foi, apparaît comme le sacrifice étemel, comme la manifesta
tion, par delà la diversité extérieure, de la réalité d'un Lieu qui se donne
et du dynamisme du retour de la créature en sa source, comme l'acte théan—
drique ou cosmotheandrique par excellence, comme le remembrement de Pra.j^ati,
comportant un double mouvement de descente ét de restauration,

Lans ce djniamisme cosmothéandrique, l'action en général prend logique


ment sa place. Elle fait partie de la démarche de convergence dans la mesure
366

où elle n'est p3,s pur activisme, pure socialisation de la vie, simplement


prométhéenne ou exclusivement imposée du dehors ou d'en-haut. Elle peut ap
paraître comme élément de collaboration entre les deux pôles -ce qu'auraient
déjà pensé le Yeda et les Brahmana- soit dans le comportement moral, soit
dans l'acte liturgique proprement dit, soit dans toute action à laquelle on
croit, marquée de naturel, de spontanéité et de sincérité, génératrice de
communion entre Dieu, le Moi, les autres et le cosmos. Le problème reste po
sé, toutefois, de voir chaque' personne, en tant que centre d'autocompréhen
sion, accéder aussi à l'expression d'un "ce que je crois". Une activité de
pensée, la quête d'une certaine orthodoxie ou d'un certain en soi de la véri
té, supposant une vie intérieure, ne sont-ils pas nécessaires ?

Logiquement, nous débouchions sur l'aspect mjrstique de la vie. en tant


que cultuelle. Pour échapper à la "mégamachine" ou au "scaphandre technolo
gique", potu? écarter les obstacles à la réalisation et poiir découvrir ce que
nous sommes radicalement, dans nos racines, il fau.t la vie intérieure et la
méditation. Sans en préciser toujours les techniques, bien que les connais
sant et les utilisant, l'Auteur assure que l'Inde peut notis féconder par son
culte du silence, par le Yoga, par la contemplation pure, par le sacrifice
du temps, de l'espace et de l'intellect. En se libérant des tentacules de
l'activisme et de l'obsession d'efficacité, on dépasserait l'existence inau
thentique et cela pour réaliser une expérience seigneuriale de tout le vécu.
Il nous disait, toutefois, que le recouvrepent du Moi profond ne pouvait pas
être interprété avec certitude comme une expérience de fusion avec l'Absolu
- il parlait du danger de narcissisme et du "circuit fermé" - bien que celui-
ci soit à la fois transcendant et immanent. Le don de l'Esprit et l'irriga
tion de la vie entière par la méditation et la contemplation constitueraient,
sans doute des éléments pour fonder la foi ou la confiance en l'expérience
communiante.

Cette expérience réalisée et toujours en cours, l'action étant irriguée


par la contemplation et par le retour dans la profondeur cachée, l'homme se
rait aussi appelé à un rayonnement, au témoignage. Ici l'Auteur insiste,
avec raison semble-t-il, sur la nécessité d'un minimum de"communion mythiquë'
pour qu'existe la relation "témoigné-témoignant", laquelle, en effet, ne re
lèverait pas du seiil logos. Il faudrait miser plus sur 1 'interfécondation
possible d'expériences entre l'ego et l'alter et exclure toute forme de co
lonialisme, notamment par la dialectique.
367

ir» Dans xin deincième point de nos conclusions, nous voudrions émettre deux
propositions à dessein de mieinc situer la pensée de E, PaniMcar.

1) Notre Auteur nous paraît vouloir dépasser l'analyse technique des réa
lités abordées dans le christianisme et dans l'hindouisme. Par ceci,
nous voulons dire qiie le professeur de Santa Sarbara ne se livre pas, à
chaqiie occasion, du c6té hindou, à une analyse eschaustive et systématique
par exemple des sacrifices, des rites, des sjrmboles, des techniques de mé
ditation, et ainsi de suite,pas plus qu'il ne propose un exposé théologi
que de la recherche sacramentelle chrétienne ou une exégèse biblique
fouillée. Il sait ce qu'il ne dit pas, il en dit assez pour que nous le
sentions, mais il semble ne pas vouloir nous orienter vers un comparatis
me aléatoire ou, ce qui serait pire, vers un marchandage de vérités au
tour d'une table ronde en quête de compromis,
\

2) Notre Auteur part aussi de la certitude déjà perçue dans notre chapitre
sur Isvara ou le Christ etemel -qu'on se rappelle par exemple le para
graphe sur Melchisédech- qu'il y a un culte authentique dans toutes les
religions, qu'il y a partout des prêtres "frères de nos prêtres", qu'il
y a partout par conséquent une démarche, respectable parce que réelle, de
convergence entre les pôles de l'Etre, Il ne peut donc être question de
valoriser l'un au préjudice de l'autre, soit de "convertif l'autre à moi" ,
Au-delà d'un co-esse d'ignorance, de méfiance ou éventuellement d'agressir
vite, il perçoit la possibilité dt déjà l'existence aujourd'hui d'un in- ;
esse, car partout la vie peut être oosraothéandrique malgré les divergen
ces de doctrines et de comportements,

III, Il nous semble utile de comparer cette perspective panikkarienne avec


une pensée plus "Jésus-centrique" pour nous poser quelques questions ulté
rieurement .

Nous reprendrons le livre de E, Sohillebeeckx, le Christ sacrement ^


la rencontre de Dieu (1), De façon générale, la religion peut apparaître
comme "un dialogue de salut entre le Dieu vivant et l'homme" (2), Celui-ci
désire des rapports personnels avec son Dieu, mais cela ne Ivii est possible
qu'à travers le créé. Il lui reste souvent comme une nostalgie inassouvie.

(1) Lex orandi. Cerf, Paris, 19^7,


(2) E, SCHILLEBEECia, Le Christ sacrement, p, 11.
568

Le salut serait "l'acte même de cette rencontre entre Dieu et l'homme, qui
ne peut avoir lieu sur terre que dans la foi" (l). Serait sacramentelle
"toute réalité sujmatvirelle qui s'accomplit historiquement dans notre vid'(2)^
» 'sacrement» signifie en effet don divin de salut dans et par une forme ex
térieurement saisissahle, contestable, qui concrétise ce don s un don de sa"|
lut en visibilité historique" ... "L'amoin? de l'homme Jésus est en effet ;
l'incarnation humaine de l'amour rédempteur de Dieu, ttne venue de l'amovir de
Dieu en visibilité" (3), Le Christ Jésus apparaîtrait alors comme •l'adora-^
teur suprême du Père, la réalisation suprême et parfaite de toute reli
gion" (4). Sa place centrale est présentée de telle sorte qu'il y aurait
un'hprès-Pâques" qui n'existerait pas avant. "La grande effusion de grâce
ne pouvait avoir lieu qu'après sa résurrection des morts" (5) et le Christ
Jésus, d'après le Nouveau Testament, ne peut donner l'Esprit qu'après son
élévation" (6), Dans cette ligne de pensée "Jésus-centrique", les sacrements
apparaissent comme prolongeant teiirestrement le Corps du Christ car "Dieu,
nous propose toujours le Royaume des Cieux dans un habit terrestre. Il l'a
fait dans l'Ancien Testament", ce qui prolonge "la pédagogie de l'Eglise
sacramentelle" (7), Ces sacrements sont "exigés ultérieurement par la per
manence de la médiation de grâce de l'homme Jésus" (s) et sont "des rencon—:
très d'hommes sur la terre avec l'homme glorifié, Jésus, par le moyen d'une
forme visible" (9). Dans le prolongement de ceci, l'Eglise est "la présence
visible s\xr terre de cette activité d'achèvement du Christ dans et par son
humanité glorifiée", présence de grâce qui s'accomplit "par la fonction a-
postolique sur la base du caractère sacerdotal et par les fidèles sur laba-f
se de leur caractère de baptisés et de confirmés" (10), Un sacrement est"

(1) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, pp. 12-15.


(2) E. SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p. I4.
(5) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p. 23.
(4) E. SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p. 2é,
(5) E, SCHILLEBEECia, Le Christ sacrement, p. 49.
(6) E. SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p. 44.
(7) E. SCHILLEBEECÎQC, Le Christ sacrement, p. 53. Da perspective n'est pas
étrangère à R. PANIKKAR, il en parle explicitement dans Humanisme y Crus,
P. 154.
(s) E. SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p. 55.
(9) E. SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p. 56.
(10) E. SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p. 59.
569

donc alors xin acte officiel de l'Eglise, "un acte de salut personnel du
Christ céleste lui-même, dans la forme de manifestation visible d'un acte
fonctionnel de l'Eglise" (1), rendant visible l'acte sauveur du Christ ain
si que le culte et la sainteté de l'Eglise qui est son corps.

L'ex opere operato souligne qu'il y a acte du Christ ressuscité, d'où


l'importance à accorder, pour le Père Schillebeeckx, à l'institution des sa
crements par le Christ historique. Si Jésus meiort sur la croix pour le sa
lut de tous, dans chaque sacrement, qu'il a lui-mênie choisi et institué, on
a "l'acte de rédemption du Christ dans son application concrète à un homme
déterminé" (2), Quatre conditions seraient exigées (3), soit (a) du côté
de l'activité du sjrmbole même, la structure liturgique double (sacrement et
parole, parole et élément, chose et action), (b) du côté du ministre, l'in
tention de faire ce que fait l'Eglise et le pouvoir d'ordre éventuellement,
(c) du côté du sujet récepteur, l'intention de recevoir le sacrement, et
(d), fondamentalement, l'institution du sacrement par le Christ Jésus,
Comme tel, le sacramentalisme catholique (et au moins aussi orthodoxe) se
rait unique (4) et 1' 'brientation septiforme des actes sacramentels de
l'Eglise a été déterminé par le Christ lui-même" (5), soit qu'il en montre
au moins la signification, soit qu'il exprime explicitement cette volonté,
soit qu'on doive supposer sa volonté implicite à cause de la cout-ume aposto-r
lique immédiate,

Tout, et spécialement l'Eglise et les sept sacrements, repose sur le


Christ Jésus qui est le sacrement primordial dans l'optique que nous résu
mons, Si l'homme, donc, a toujours entouré de symboles sacrés les événe
ments marquants de son existence (naissance, mariage, etc.), "dans les sa
crements catholiques, la prière impuissante de l'homme va de pair avec la ré
ponse puissante de Dieu dans le Christ" (6), Toute action ou la vie entier^
peut prolonger la vie sacramentelle, lîême, par exemple, la rencontre avec
des hommes saints peut être sacrement de la rencontre avec Dieu, On ne peviij
malgré l'importance des sept sacrements, proposer une fuite pure et simple
dans la "liturgie" (7),
(1) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p, 67', C'est l'Auteur qui souligne,
(2) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p, 99».
(5) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p, IO5,
(4) E. SCHILLEBEECia, Le Christ sacrement, p. II5.
(5) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, pp. I3O-I5I,
(6) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, pp. 196-197.
(7) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, p, 259.
570

En bref| nous aurions l'Eglise comme point central de la présence du


Christ sur la terre. Dans ce centre, l'Eucharistie serait le foyer même de
cette présence du Christ parmi nous. De ce foyer partiraient les six autres
sacrements, La prédication viendrait dévoiler ce mystère central. Eclai
rés par les sacrements et par la prédication, nous verrions la sacramentali-
té se déployer dans toutes les directions, dans la vie •chrétienne enti'^>
dans les sacramentatix, dans le monde humain matériel et historique, tout en
tier sons l'action du Eurios glorieux. Toute réalité terrestre pourrait
être ainsi "quelque chose" dont le Seigneur se sert pour conduire les hommes
vers Dieu en Christ Jésus (l).
En comparant les perspectives panildcariennes sur le culte et la pensée
du Père Schillebeeckx^ choisi comme témoin d'une tendance centrée sur Jésus
Seigneur, nous voyons un grand débat possible, Nous nous contenterons, dans
le cadre restreint des conclusions d'un chapitre, de poser quelques questions
à l'une et à l'autre tendances.

A la tendance identifiant le Logos et Jésus et accordant au fondateur


du christianisme la primauté dont elle déduit les conséquences enveloppantes
que l'on sait, on pourrait demander : votre discours est-il inclusif ou
court-il le risque de l'exclusivisme (2) ? Tenez-vous compte à suffisance
de la présence active du Logos dès avant la naissance de Jésus ? Etes-vous
assez ouverts à l'action de Dieu à travers les siècles et dans toutes les
religions ? N'y a-t-il pas "majoration de Jésus" par rapport au Logos ?
Tirez-vous touites les conclusions de synthèses comme celles de Jean 1 : 9»
Col, 1 t 15-20, Eph, 1 : 5-14 ? Vous rappelez-vous les ouvertures patris-
tiques en la matière ?

A la tendance paniklcarienne et "Logocentrique", on pourrait poser les


questions suivantes t l'ouverture au topos de l'Inde et la reconnaissance
d'tm Dieu à l'action partout accordent-elles assez d'importance à lïncama-
tion, à la vie, à la Parole, à la Personne, à la Mort et à la Résurrection
de Jésus, au Jésus-Seignetir, au Jésus-Logos, identification que Jean n'hési
tait pas à opérer et que notre Auteur admet également comme nous le disions
dans notre chapitre sur le Christ ? Ou encore : que peuvent devenir le

(1) E, SCHILLEBEECKX, Le Christ sacrement, pp, 240-241,


(2) C,A, KELLER, Le Dieu des chrétiens et les dieux des religions, pp, 509-
525.
571

concept et la réalité de l'Eglise si l'on ne mise pas, au point de départ,


sur l'entrée de l'amour de Dieu en visibilité dans le Fils incamé, avec les
déductions logiques qu'on peut en tirer î Tenez-vous compte suffisamment
de la spécificité fondamentale du christianisme ? Dites-vous, avec assez
de clarté, que le septénaire sacramentel manifeste la nature historique du
christianisme et réalise la présence privilégiée de l'Absolu dans le contin
gent ? Acceptez-vous que le Verbe ne s'est pas fait tout homme mais homme
en Jésus de Nazareth et qu'il prolonge son Incarnation non point identique
ment dans tout symbole mais bien particulièrement dans des symboles détermi
nés librement et historiquement, ce qui tient davantage compte du paradoxe
de l'Absolu contingent du Verbe fait chair ?

S'il y a une dualité possible d'herméneutique, l'une, plus occidentale


et spécifiquement chrétienne, centrée svir Jésus, sur la Rédemption, sur
l'Eglise et les sept sacrements, et l'autre, panildcarienne et pltis accessi
ble à l'Inde, centrée sxir le Logos, svir la Création et sur le remembrement
de Prajapati, en tenant compte de l'acte cosm.othéandrique que tout homme
peut poser, si c'est là, peut-être l'expression la plus nette d'une herméneu-
tique diatopique , la reconnaissance de la divinité de Jésus le Christ est-
elle un obstacle à l'in-esse ? Comm.ent concevoir et entamer le dialogue en-r
tre l'hindouisme et le christianisme ?
5^23

CHAPITRE V

LA BENCONTEE INTRA-EELIGIEUSE
575

"Je suis parti comme un chrétien, je me sviis trouvé


moi-même comme un hindou et je reviens comme un
bouddhiste, sans avoir cessé d'être chrétien (l).

(1) R. PMIKKAE, Faith and Belief. p. 2.


574

imiioDucTion

Nous percevons,dans les conclusions du chapitre précédent, qu'un grand


débat est possible entre les perspectives "Logocentriques" et une pensée
centrée sur Jésus Seigneur, Des questions sont posées à l'une et à l'autre
de ces tendances. Nous sentons, par là même, qu'une réflexion plus élaborée
doit prolonger la recherche déjà faite, soit une réflexion sur le thème de
la rencontre entre les religions. Ce n'est plus simplement une recherche
sur l'oecuménisme groupant des confessions chrétiennes en quête d'unité.
Nous entrons dans ce que l'Auteur appelle 1' 'becumenisme catholique" ou
1' 'becuménisme oecuménique". Nous revenons ainsi au premier paragraphe de
notre chapitre sur l'Absolu qui traitait du "fait primitif" panikkarien î
l'universalisme ou la révélation universelle de l'Absolu,

Le présent chapitre se propose de présenter la pensée de l'Auteur sur


le dialogue inter-religieux qui serait, à ses yeux, un dialogue intra-reli-
gieux, "c'est-à-dire un dialogue intérieur avec moi-même, une rencontre dans
la profondeur de ma religiosité personnelle, ayant rencontré une expérience
religieuse à ce niveau véritablement intime" (l). Plutôt que de provoquer
une rencontre entre deux religions institutionnalisées ou un affrontement
entre deux théologies ou detix systèmes, il s'agira de poser l'acte religieux
*K"
qtii consiste à croire dans l'Esprit , dans l'Etre, dans Soi-même, dans
l'Autre, d'accueillir le Révélatem: omniprésent et de repérer l'expérience
humaine fondamentale, vécue dans des topoï différents,

Poin? cette notivelle étape, combien importante, nous suivrons le plan


suivant s

§ 1 - la religion;
§ 2 - les approches scientifiques des religions;
§ 5 - trois attitudes fréquentes dans la rencontre;
§ 4 ~ le dialogue dialogique;
§ 5 - l'homologie;
§ é - 1'épochè ;
§ 7 - la- vision panildcarienne de l'hindou.isme;
§ 6 - qu'est-ce que l'Eglise ?
§ 9 - la. catégorie de croissance ;
§10- la "théologie hindoue-chrétienne".
Nous tenterons alors de tirer quelques conclusions.

(l) R, PANIKKAR, E?pochè, in the Religiou.s Encounter, p, 40•


575

§ 1 - M EELIGION

Avant de parler dn dklogue intra-religienx; tel que R, PaniKfcar l'envi


sage, voyons comment il définit ^ religion,

De prime abord, la. qu.estion paraît assez simple, pour quelqu'un qui vit
dans une religion'institutionnalisée", avec ses structures, son histoire^
ses dogmes, ses conceptions morales et son culte bien établis. Connaissant,
par contre, le souci de l'Auiteuir de chercher me réponse qu.i embrg.sse le
plus d'hommes possibles, nous devinons que la réponse de l'adepte d'une re
ligion particulière risque de lui paraître étriquée, éventuellement sectaire.
Peuironpar honnêteté intellectuelle, définir la,religion à partir d'me re
ligion ? De toute fa.çon aussi, la religion me fois définie, il reste que
les religions continueront de se définir elles-mêmes,

La recherche de l'Auteur, croj^ons-nous, se situe à deuDc niveaux, D'me


part, il tente de repérer des constantes entre les grands mouvements qui
"font" le monde. D'autre part, il étuidie le dénominateur commm ou, pour
reprendre son expression, me "sphère traduisible" entre les ensembles qui
se présentent davantage comme religions.

Pour l'homme, dans le premier niveau , sa religion doit être ce mouve


ment qui pénètre la totalité de son être en reliant son existence la plu.s
profonde avec sa source, et la foi qui lui donne la liberté"(l). Toute re
ligion veut mener l'homme vers sa plénitude pour le"sauver", tantôt en in*-
sistant sur l'aspectdàctrinal, tantôt en mettant l'accent sur le com.porte-
ment moral ou la pratique des vertus. Dans les deux cas, elle vise "l'ac
quisition de cette valeur qui est le centre de la finalité humains" et, com
me telle, elle est liée à la praxis qui "serait cette activité de l'hopne
qui modifie et même façonne non seulement son existence extérieure, mais
aussi la dimension intérieure de sa vie" (2).

(1) R, PAÎIIKICAR, L'homme qui devient Dieu, p. 51. Dans Spirituali-^ indu,
pp. 15-18, on perçoit nettement l'influence de l'hindouisme, du concept
de dharma cosmique et personnel, qui conduit l'Auteur à souligner que la re
ligion est m chemin vers notre fin, "Rigoureusement, l'hindouisme
n'est pas une religion, mais simplement dharma" écrit-il, p, 18,
(2) R, PARIKSAR, L'homme qui devient Dieu, p, 41. La religion doit donc être
au se3?vice de l'homme et non l'inverse dit l'Auteur dans Rtatattva, p,42.
Dans Religions e religioni, l'Autetir parle de la religion comme la voie
qui mène l'homme à sa fin ultime, p, 14, et il la distingue d'une vague
religiosité commune aux re!%ions et désincarnée.
576

Le Royaume de la religion est "cette couche la plus profonde de l'existence


humaine où se joue notre destinée, où nos intentions essentielles s'expri
ment, où notre vie est réellement vécue et' où nos idéaux trouvent leur nour
riture" (l),
La religion est ime voie de salut, un moyen de libération, un chemin
par lequel l'homme marche vers son btit, vers sa destinée, ce qui peut varier
à l'infini d'un homme à un autre. La religion est "n'importe quel ensemble
de -moyens qui prétende faire parvenir l'homme au but de sa vie, quelle que
soit la façon de concevoir ce but" (2). Ceci voudrait dépasser d'anciennes
conceptions qui, par exemple, excluaient le bouddhisme^ du moins le bouddhis
me tel qu'il fut conçu par son Fondateur^et voudrait reconnaître des carac
tères religieux dans le communisme, dans l'humanisme et dans le sécularisme.
Aujourd'hui, la dimension religieuse s'exprimerait davantage par le voeu de
liberté et elle serait la voie qixL mène vers le salut, cel-ui-ci étant perçu,
de manière générale, comme 'la libération de toutes les chaînes de l'homme
pour l'épanouissement de la liberté" (5). On dépasserait, dans cette ligne
de pensée, une religion unifiante et sécuxisante pour l'homme, on chercherait
une religion plus personnelle aussi, non pas personnelle dans le sens d'une
exigence d'individ^ialité mais dans le sens que l'homme voudrait "prendre svir
soi la totalité des réponses et des responsabilités, qu'on attendait norma
lement de la religion" (4)» Cette évolution s'explique par deux facteurs
qui seraient, d'une part, la crise de confiance dans la foi des autres et
dans les intermédiaires que sont les prêtres, les parents, les théologiens,
les saints et l'Eglise par exemple et, d'autre part, corrélativement en un
sens, la volonté de l'homme de ce temps d'être forgeur de son propre destin
et constructeur de soi-même (5). Lans une discussion faisant suite, à Rome,
en 1968, à son exposé sur L'heniiéneutique de la liberté de la religion,
l'Auteur rés-ume en disant ; "j'appelle 'religion' tout ce qui a la préten
tion de libérer l'homme" (6), ajoutant ; "dans l'actuelle prise de conscience
(1) R, PANIKI{AR, Le culte et l'homme séculier, p. 97*
(2) R, PAMIKKjIR, Herméneutique de la liberté de la, religion, p. 67.
(5) R» PANIK3CAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p. 68, Ce se
rait notamment le souci majeur de l'hindouisme d'après P. PALLOH, dans
Pour un vrai dialogue entre chrétiens et hindous, p. 117»
(4) R. PAlîIKKAR, Herméneuiiqïie de la liberté de la religion, p, 74»
(5) R. P/îlTIKKAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p. 75•
(6) L'herméneutique de la liberté religieuse, p, 98.
377

dG l'h.'uraani'be •fcou'b aô^te au'tb.Gïi'bicjuGînen'fc lib3?G GS"fc considéré ei vécu coEniG


un acte religieux, donc sauveur si on a foi en lui" (l).
Si le "but de la religion est ainsi de sauver l'honiiïie, "cela nous porte
à découvrir que ce qui constitue le noyau de toute religion n'est pas une
doctrine mais un acte, même si cet acte est considéré être l'adhérence à une
doctrine", d'où le constitutif d'une religion ne serait pas d'abord l'ortho-
àoxie comme telle, mais 1'orthopraxie (2). "L'expérience religieuse est
toujours expérience de communion" (5), c'est-à-dire quelque chose d'existen
tiel. "Pour moi, la 'foi' dans n'importe quel 'complexe' ayant la préten
tion de «sauver' (communisme, humanisme accomplit la tâche que la foi
dans les religions traditionnelles prétend remplir, c'est pour cela q^le je
crois qu'un homme en bonne foi (comEie le dit le langa,ge commun) se sauve"(4)t
L'Auteur cherche une synthèse des intuitions profondes qui existent dans
différentes religions, différentes cultures, différents grands mouvements
qui 'font" le monde. Alors que la philosophie est "un sj^^stème de pensée, et
même d'action, qui offre une structure permettant d'atteindre la forme d'in-
tslligibilite la plus universelle", la religion serait "la croyance en un
ensemble de symboles qui exprime le sens ultime de la vie"X... "c'est le
chemin ultime, c'est—a—dire la voie, celle dont leê hommes croient qu'elle
conduit au salut (celui-ci est entendu chaque fois en relation avec la con-
ception de cette voie) t libération, plénitude, néant, etc." (5).
Nous retrouvons ces constantes dans d'autres passages. La religion
est la voie dont les hommes de bonne volonté croient qu'elle les mènera vers

(1) L'hermeneutique de la liberté £eligieuss, p. 99» Nous disons dès ce


moment que l'Auteur dépasse une réponse aussi lapidaire dans Religions
e religioni. Dès la page 15 de ce livre, il précise que dans toute re
ligion, il faut le divin (sous des formes variées), l'homme (plongé dans
le mystère de son existence) et un lien entre ces deux pôles. Voir
aussi, p. 122.
(2) R, PANIIOCAR, Le sujet de l'infaillibilité, p. 44O.
(3) R, PMIKICAR, Pas erste Bild des Buddha, p. 376.
(4) Hfermeneutique delà liberté religieuse, pp. 98 —99» Duns Los dioses yel
Senor, p.8, plus orthopraxie qu'orthodoxie,, la rëliiglon vise le salut.
L'hindouisme est une existence et un chemin, pp. 75-74, un moksa-
màrga, p. 76. "La foi est un acte, un dynamique", p. 78. L'Inde valo
rise l'attitude existentielle, p. 83.
(5) R. PiiNIKEAR, La philosophie de la religion, p. I94,
378

leva? libération, qu'elle leur donnera la joie, sans les séparer du monde (l).
Une conséquence logique de cette thèse serait qu'aucune religion organisée
- "positive""comme on dit parfois- ni que toutes les religions combinées
n'ont le monopole de la religion (2). Cette thèse aurait comme base théolo
gique que si Dieu veut sauver tous les hommes, il offre- à tous les occa
sions et les moyens de l'être. Les rebgiàns seraient nulles si elles ne vou-f
laient sauver (3). Dans cette conception paniM-cexienne de la religion, il
n'y aurait pas seulement les religions tra.ditionnelles mais, logiquement,
toutes les voies qui s'offrent aux hommes dans la recherche d'un idéal de
vie épanouie et libre (4).
Il sait que les religions d'hier, qui à certains peut-être paraissent
surannées,restent vivaces, mais il ajoute égalem.ent que de nouveaux chemins
s'élaborent dans un sens différent de celui des reliions traditionnelles (5) ,
tout en admettant que ces chemins nouveaux devraient éventuellement s'appe- i
1er "croyances", parce que voulant être des substituts et que, sur le plan
sémantique, ces nouveaux chemins ne seraient pas des "religions", vu les ré
sonances du mot religio. Aucune religion organisée n'ayant englobé toute
l'expérience humaine (6), il faudrait s'ouvrir au pluralisme, à la rencontre
des points de vue, dans une quête de la plénitude humaine ef savoir que, mê
me si ces chemins nouveaux veulent parfois biffer les religions, ils veulent
aussi sauver l'homme (7). De part et d'autre, on vit le pèlerine^ge existen
tiel de l'homme. De part et d'autre, on cherche une voie d'accomplissement,
partant d'une vision de l'homme hic et ninc -ce qu'il appelle le "predica-
ment" - et envisageant "Cine vision de son sta,tut final (s).

(1) R, PAMIKKAR, Philosophy as Life-Style, p. 2005 Phylosophy of Religion,


p. 250; Christ, Abel and Melchisedech, p. 771 Sûnyatâ and Plërôma, p. 78^
(2) R, PiiME{AR, Philosophy as Life-Style, p. 206, '
(3) R. PMIKKAR, Christ, Abel and Melchisedech, pp. 398-397»
(4) R. P/dîIICKAR, Le mythe naissant, p. 13.
(5) R» PAlJlKKliR, Have 'Religions' the monopoly on Religion ? p. 515.
(6) R, PANIKIiâR, Création and Uothingness, p. 351.
(7) R« PAÏÏIKKAR, Have 'Religions' the monopoly on Religion ? p. 516.
(8) C'est le thème de S^myatâ and Plêrôma, SI Silencio del Dios, et de
Humanisme y Cruz. La souffrance fait évidemment partie du predicament,
voir Some Aspect of S\iffering ans Sorrow in the "l^edas, p« 389.
579

De part et d'autre, on cherche les moyens pour dépasser le predlcament et


marcher ainsi vers le statut final» La religion serait la voie par laquelle
l'homme traite son predicament humain pour être conduit vers une voie meil
leure (l). Ainsi, nous pourrions dire que les religions et que les humanis-
mes veulent humaniser, les premières partant, par exemple, d'un predicament
où l'on voit l'homi'iie mortel et lui proposant la victoire sur ce statut fac- ,
tuel par la divinisation, les seconds réagissant contre tout risque de déva-
•X*
lLia.tion de l'humain et du temps. Le bouddhisme voudrait à la fois déoon-
ditionner l'homme de façon radicale, le libérer des questions -ultimes, vain-:
cre sa situation de souffrance et écarter ses rêves de survie (2),

Jusqu'ici, dans la recherche panikkarienne d'une définition de la reli-?


gion conçue de façon très large, nous percevons quelques constantes ;

1) la prise de conscience de la situation fondamentale de l'homme, l'élabo


ration d'une vision de l'homme tel qu'il se sent : par exemple inachevq
non-fini, pèlerin, "en marche vers"

2) la recherche du noyau, des racines, du fond intime de l'homme, et non


de sa surface^de sa "superficie" extérieure et cela afin de toucher à.
l'existentiel;

3) la volonté d'un dépassement , la quête d'une fin ultime, d'une plénitur


de, d'un accomplissement, d'un salut, ce qui peut toutefois prendre
des visages multiples;

4) l'importance de la, dimension personnelle de l'engagement et de la re


cherche, en lieu et place d'une installation dans un ensemble sécuri
sant.

A ce niveau de la recherche d'une définition, on pourrait voir le mot


"religion" recou-vrir les religions trs,ditionnelles, mais aussi, peut-être,
en un sens, le marxisme, l'humanisme, le sécularisme et le bouddhisme.

Une telle approche nous semble s'expliquer, chez l'Autetir, par plusieurs
objectifs.

1) Il veut, et novis yrommes habi-tués, ne pas voir dans la religion une sim
ple doctrine, un système en "isme", une pure structure rationnelle, ni^

j R. PANIKK/i.R, Sûnyatâ and Plêrôma,. p. 86.


(2) R. PANIKKAR, SÛnyatâ and Plêromâ, pp. 86-88,
380

dans la foi, l'adhésion non-conoemante, non-existentielle, purement céré


brale, à un ensemble d'affirmations dont il se plaît régulièrement à sou
ligner la relativité et l'incomplétude.

2) Il a le souci de libérer l'homme d'une vie superficielle, du "scaphan


dre technologique", de la "mégamachine", de la pure superficialité de l'ac
tivisme, de la construction prométhéemie, car il a peur des tentacules de
la science et de la technique (1), Il veut sortir l'homme de la banali
té (2).

5) Il a le souci, également, de"dés-isoler" les ccroyants des rendions


tra,ditionnelles, de repérer ce qui les unit entre eux et avec les autres
hommes que l'on appelle peut-être indûment païens ou "in-croyants", et ce
la afin de pouvoir embrasser le plu.s de monde possible et dépasser le
"provincialisme religieTUc" (3).

4) Il veut aussi proposer une ouverture des systèmes et des théologies,


leur proposer le risque existentiel ou le défi de l'^iniversalisme en mar
che, Il veut qu'on s'affronte à celui-ci (4). H propose aux théologiens
d'élaborer une théologie ouverte qui tienne compte davantage des expérien
ces des autres, des générations et des millénaires (5), parce que "l'uni-^
vers entier est une famille, un macroorganisme" (6), lié par le sang.
Cela nous situe, comme il le souligne, dans la perspective de Vatican iX?)»
où la théologie chrétienne ne pourrait plus être tournée seulement vers

(1 ) R, P/iNIKKRR, L'hoiame qui devient Dieu, p. 7O5 Le temps circulaire ,


pp. 228 - 229; For an Intégration of Reality, p, 54? Herméneutique et tra
dition, p. 370, dans la discussion qvii suivit son exposé Sur l'herméneuti
que de la tradition, etc.
(^) E, PAHIKECAR, Le culte et l'homme séculier, p, 128,
$) R, PAHIKKAR, Religions e religioni, p. 29.
(1.) Par exemple, R, PANIKKAR, Lettre sur l'Inde, p. 7s Le culte et l'homme
séculier, p. 101; Le mystère du culte, pp. 15-14? Philosophy of Religion,
p. 228; Un mythe naissant, pp. 9-10; Have 'Religions' the monopoly on
Religion ? p, 516; The Intra-Religious Dialogue, p, XVIII, etc.
(5) R, PMIKKAR, For an Intégration of Reality, pp. 19-20; Christ, Abel and
Melchisedech, pp. 395 et 399.
(6) R, PAHIKKAR, For an Intégration of Reality, p. 35.
(7);E, PAHIKKAR, Christ, Abel and Melohisedech, pp, 392 et 399.
581

l'intérletir d'elle-même, vers une réflexion méthodique de ce qui est con


nu (l) mais où les Chrétiens s'ouvrent à une conimunicatio in sacris qui
n'est pas l'intercommvmion sacramentelle mais une communion dans la, sphè
re religieuse où on la,isserait parler le Père par la voix de tous ses
fils (2).

5) Corrélativement, R, Panikkar se dresse contre toute prétention qu'aur-


rait une religion de s'arroger le monopole de la vérité, de se considérer
comme étant la seule vra.ie, ce qui, antérieurement, a mené hien des
croyants des religions traditionnelles à ignorer les autres, à les mépri
ser, à les anéantir, à les conquérir , sinon à les présenter comme des
oeuvres du mal, de Satan, de l'ignorance ou de la mauvshse foi. Il refur
se un pareil paternalisme (5).

6) Pondamentalement s,ussi, l'Auteur est inspiré personnellement par la ;


foi en Dieu qui agit partout. Dieu, qui reste l'Inexprimable, a-t-il
jamais laissé l'hoimae sans témoigner de lui-même ? h'a-t-il pas su.ivi
sans cesse ses créatures ? Le mystère, qu.i est depuis tou.jovirs, n'estr-il
pas que Dieu a sa joie d'être avec les hommes, de leur dire sa bonté, de
célébrer avec eux la divinité de l'amour et de donner un sens à la vie (4)?
Cela amène le professeur de Santa Barbara a dire que "l'homme ontologique-
ment a-religieux n'existe pa.s, pas plus que n'existe, en fait, une socié-7
té purem.ent 'naturelle' " (5)»

(i)R, PANIKECAH, Christ, Abel and Melchisedech, p, 594. H suggère, p, 597>


un Vatican III qui intégrera,it encore davantage le pluralisme religieux,
R, PANIKKAR, Christ, Abel and Melchisedech, pp, 401-402,
è)R, PiiN'IIIC/'iR, Le Christ et 11hindouisme, pp, 55? 69-705 The category of
grovrth, p, 120; etc,
(4)R, PldmŒAR, Paith and Belief, p. 15.
(5) R. PANIKKAR, Lettre sun l'Inde, p. 85. Il faudrait , dit l'Auteur,
dans Hindouismeebchristianisme, p, 2, dépasser l'idée de religion naturel
le qui rappelle le natxiralisrae des siècles passés, qui néglige la présen
ce du Christ dans toutes les religions et risque de réduire celles-ci
à n'être que des produits de l'esprit humain. Même opposition ^ con
cept de "religion naturelle" dans Maya e Apocalisse, pp, 214 - 217,
582

Il veut rejoindre la foi en un Dieu qu.i se dit partout, en un Christ qui


parle partout et qu'en aucun cas les Chrétiens ne pourraient monopoli
ser (l).

7) En ouvrant les systèmes, en proposant le risque aux théologiens, en


mettant en g8.rde contre les monopolisations, en proclamant un Dieu qui
agit partout, l'Auteur espère, enfin, une fécondation répiproque des uni
vers humains vivant la même expérience existentielle fondamentale (2),

Si l'on se limite airx définitions de la religion conçue ainsi de façon


très large, telle un moyen de mener l'homme vers ce qu'il considère comme sa
fin oui son accomplissem.ent, tout en comprenant les motivations principales
de l'Auteur, des questions doivent être posées. D'abord, dans quelle mesure
y aurait-il encore une différence entre la philosophie et la religion si
l'on sait que la philosophie cherche non seulement "la forme d'intelligibi
lité la plus universelle" mais ô.ébou.che aussi sur une interrogation concer
nant l'ultime, sur une morale ou sur une sagesse, ou encore qu'elle cherche
à éclairer l'homme et à lui proposer, en un sens, un salut et une orthopra-
xie ? De plus, si la religion est ce qui prétend libérer l'homme, est-ce
que tout ne risque pas de devenir religion, même ce qui serait ostensiblement
antireligieux ? Ou encore, si l'acte auquel on croit est authentique et
sauveur, ne risque-t-on pas de voir renaître un pélagianism.e camouflé où.
l'homme se sauverait par lui-même ? Si Dieu ne sauve pas l'homme sans l'hom
me, se pourrait-il que l'homme se sauve sans Dieu ? Ou encore, la forte
insistance sur l'initiative h-umaine n'est-elle pas préjudiciable non setile-
ment au mystère de la Rédemption mais aussi à celui de la Révéls.tion ? Rous
devons aussi nous demander ce que devient l'Eglise,

En entendant ces questions, nous sentons que la recherche n'est pas ter
minée, d'autant plxis qu'il n'y a pas seulement "la religion" mais aussi Jes
religions. Il est bon de repérer des constantes, inais il reste les reli--
^ons organisées. . •.

(1) R« DMIIŒT'Jl, Lettre sur l''Inde, pp, 9I -92? "Le Christ et l'hindouisme,
p, 40; Le mystère du cuîté, 'pp, 159» 198» 205; Le sujet de l'infaillibi
lité, p, 452, Eine Betrachtung ùber Melchisedech, p, 14; The Bostonian
Verities, p, 148? Christ, Abel and Melchisedech, p, 405; The rules of
the game, p, 56; The category of grovrfch, pp, II4» II6 et 122. L'expres
sion "religions non-chrétiennes, serait une expression inadaptée, dfeprès
La chiesa e le religioni del mondo, p, I70,
(2) R, F/AIIKIOIR, Le m.ystère du culte, pp, 125» 128s, 152, lé9-170, etc?
SÛnyatâ and Plërôma, p. 91•
385

Si, en effet, les grands mouvements qui "font" le monde ne peuvent se fermer
ni s'au.tosuffire, ils ne doivent pas s'autodétruire. Si -un dialogue doit
naître entre eux, cela suppose qu'ils subsistent.

L'Auteur se doit d'eJler plus loin et d'aborder ce qu.e nous avons appe
lé un 'becond niveau de la réflexion sur la religion". Dans de nombreux pas
sages, Dieu, est plus explicitement reqviis dans la recherche d'une définition,
Le professeur de Santa Barbara parle, par exemple, de la manifestation de
l'Unique qui se dévoile dans toute chose, appelant l'homme à voir tout sous
une nouvelle dimension, dans la sjTiiphonie cosmique, où il peut avoir la cons
cience du sacré, où il peut repérer le super omnia in omnibus, en s'ouvrant •
à l'univers, copne Pierre, jadis,dans la vision à Joppé (l). "Le Dieu per
sonnel est le but de la créature" (2) et"l'essence de la Peligion présuppo
se un tu-je" (3). Un livre entier est consacré à une investigation plus en
profondeur de la rel^ion et des religions.

Dans Religions e religioni, l'Auteur tente de repérer les dimensions


de la religion authentique qui devraient se retrouver dans toutes les reli
gions, "Une religion potir être complète, c'est-à-dire pour être tui lien par
fait —religatio - de l'homme avec l'Absolu doit être une réalité plxœidimen—
tionnelle, parce que si elle est dépourvue'd?un seul des nombreux aspects con
sidérés, nous n'avons plus une religion complète, mais seuJ.em.ent une repré
sentation partielle d'elle-même" (4).
L'Auteur distingue successivement :

1) une dimension ontique-mystique. Toute religion a pour but de conduire


tout l'homme vers sa fin, l'Absolu, Dieu, En elle, on peut réaliser
une expérience ineffable par laquelle "nous entrons en contact avec no—
tre être, qui se manifeste comme une parcelle divine de la semence divi
ne que nous sommes" (5)» Cela est réalisable dans toute religion authen
tique même si le système doctrinal de l'une ou l'autre est encore peu
élaboré. L'expérience mystique transcendante dépasse la parole limi
tée et la doctrine qui voudrait l'exprimer. De même, par exemple, un
Chrétien qui croit à la Création, et un Hindou, qui n'y croit pas.

(1) R, P.ùt^IIQC/iR, La presenza di Dio, p. 26,


(2) R, P/iïTIKKAR, Spiritualita indu, p. I46.
(3) R. P/iITIKElJî, Humanisme y Cruz, p. I56,
(4) R. PjUSIKRAR, Religions e religioni, p. 58.
(5) R. PAÏÏIKICAR, Religione e religioni, p. 66,
584

peuvent vivre avec une même expérience. C'est surtout dans la conceptuali-
sation qu.e la différence se crista.lliserait (l),

2, une dimension dogmatique-doctrinale. Utilisant ses facultés de connaissa,n-


oe que sont l'intuition^, la foi, la raison et l'imagination, l'homme veut
comprendre. Sa connaissance n'est pas une fin en soi mais un moyen de re
joindre l'être. Comme sujet connaissant, l'homme est situé dans des ensem
bles, il n'est pas une monade monolithique'. Sa religion lui apporte une
MeltanschauTOg qui liai est présentée comme devant servir à son salut moyen
nant une adhésion intérieure. L'hindouisme lui-même a des dogmes, même
s'ils ne sont pas tous écrits. Au niveau des dogmes, il faut repérer les
divergences mais aussi observer les convergences. On ne peut oublier que
la formulation humaine n'est jamais suffisante, dit l'Auteur, pour exprimer
tout le contenu réel. Le dogme est une symbiose d'un message spirituel di-r
vin avec une structure intellectuelle humaine. Les dogmes sont "l'incarna
tion d'une vérité divine dans des concepts humains" (2) et la critique d'une
formulation ne touche pas nécessairement au dogme. Les religions ont ain- .
si besoin d'une traduction intelligible mais ne s'identifient pas à une
doctrine intellectuelle (3).

3) une dimension éthique-pratique, La religion touche à l'aspect volitif de


l'homme et vise à opérer la réalisation. Elle possède ainsi un caractère
dynamique. Sa morale cherche une croissance existentielle et constitue un
élément important et fructueux pour le dialogue entre les religions (4).
L'acte compte, l'intention davantage. Les religions proposent à l'homme
une recherche de la perfection intérieure et personnelle ainsi qu'extérieii-
re, pratique et organisée, pour réaliser la richesse de l'intériorité mys
tique (5),

4) 'une dimension émotive-sentimentale. Si la religion n'est pas un sentiment,


elle tend à répondre à l'exigence affective de l'homme. Une religion froi
de et purement intellectu.elle ne peut prendre possession de tout l'homme
car i l a besoin d'un "contact chaud et concret avec le monde des

(1 ) R, PAlIIKILiR, Religione e religioni, pp. 60-75.


(^) R. P/iMI-QC/lR, Religione e religioni, p. 81,
R, PiJniQC/iR, Religione e religioni, pp. 75-85.
R. PAIîTKK/vR, Religione e religioni, p. 90.
^)R. PAimaCAR, Religione e religioni, pp. 85-96.
385

sentiments" (l). La naissance, la mort, le mariage et l'amoirr? apparaissent


comme des faits religieux, sans qu'on puisse accepter, pour autant, la théo
rie de la religion considérée comme pure projection des sentiments de 1 hom
me, On ne doit donc pas s'étonner de voir dans toutes les religions des
dévotions et une "sphère sentimentale" (2),

5) une dimension ecclesiastique-sociologique. Personne et pas seulement indi-


* —
vidu , l'homme a une vie communautaire. Il lui faut trouver un éq-uilihre
entre l'individualisme et le oomunismo. C'est par la communauté que l'hom
me peut croître et opérer la réalisation de son être. Entre lui et ses
frères, il y a une communauté de nature ainsi que des liens géographiques,
historiqu.es et raciaux. Sa religion n'est pas une abstraction. Elle s'in
carne et doit s'adapter à la structure sociologique dans lequelle l'homme
vit. Il serait, à ce niveau, utile de remarquer que des différences entre
les religions sont parfois simplement d'origine sociologique, La religion
a besoin d'une forme extérieure mais les formes peuvent varier (5). La
religion est un facteur culturel et la culture est un facteur religieux.
Rencontrer une culture, c'est aussi rencontrer une religion qui y corres
pond, tout en ajoutant que la rencontre des religions est plus que la ren
contre entre des cultures. Il est clair aussi que l'évolution d'une cultu
re entraîne une évolution de la relfeion (4).

6) une dimension corporelle-cosmologique. Le monde et l'homm.e appartiennent


l'un à l'autre et le cosmos vient de Lieu comme il y retourne. Bans le
vaste monde dont nous faisons tous partie, nous ne sommes pas seulement
âtman et la religion veut sauver tout l'homme. Elle comporte donc toujours
des "sacrements", des s^anboles, des sa&skâra, des rites, pour des raisons
sociologiques mais aussi parce qu'elle tient compte de la dimension corpo
relle de l'homme. Celui-ci, de plus, n'est pas seiilement en relation avec
son corps mais aussi avec tout l'univers, L'Auteur note au passage, que,
si la religion concerne l'aventure divine du monde, il n'est pas dit que
doive durer la fracture entre les religions traditionnelles et la science
moderne, La science n'a-t-elle pas aidé la religion à améliorer son pro
pre discours et ne peut-on souhaiter une collaboration (5) ?

(1 ) R, PMIIQvAR, Religione e religioni, p. 98,


(^) R, PAMIKKAR, Religione e religioni, pp, 96 ~ 101,
ê) R, PAÎTIHKAR, Religione e religioni, p, IO7,
(l-) R. PAlîIKîC/iR, Religione e religioni, pp, 101-110,
(5) R. PMIKICAR, Religione e religioni, pp, IIO-II5,
386

7) -une dimension angélique et démoniaque. Lniomme n'est-il pas, iimnergé dans


un "Univers invisible et "supra—teD^restre", avec des anges et des démons con
cernés aussi par le processus du salut ? Si ces êtres f"urent souvent cau
ses de déviations - comme la magie - la science nous a-ide déjà à dépasser
l'animisme et les aberrations ne semblent pas devoir sviffire à mettre de
côté une croyance traditionnelle et quasiment universelle en des êtres spiri
tuels, S'il est lié au monde matériel, l'homme n'est-il pas en relation
avec "Un univers spirituel (l)?

B) une dimension immanente-transcendante. L'homme est un être en devenir, un


non-essere-anoora et la religion vient participer à cet aspect itinérant (2),
La religion est liée à la nature de l'homme et à celle de Dieu, Plutôt que
de s'arrêter à une perspective autonome, il fsuidrait préférer l'ontonomie *.
La religion présente alors un caractère »bi-polaire" où interviennent l'ex
pression de la volonté de Lieu et la réponse humaine. Elle est un chemin
inte^al, absorbant le tout de l'homi'ne, y compris son inconscient, tout en
restant don de Lieu, Plus qu' 'hn hobby humain" (3), elle entre dans le des
sein divin. Elle est aussi en marche, eschatolûgique, ouverte à la conver
sion, à un approfondissement, au lieu d'être .un système clos ou un organis
me statique, tout en étant liée à la contingence de l'histoire (4)»

9) une dimension temporelle et étemelle. L'homme est dans le temps * et appe


lé à le transcender, La religion se propose à lui comme une rédemption du
temps qui apparaît comme une catégorie religieuse importante, La religion
tente de faire descendre l'étemel sur la terre; temporelle, elle a son his
toire, sa croissance. Elle vit l'évolution de l'homme. Elle existe potir
lui, mais elle n'est pas pour autant simplement terrestre, A côté de l'évi-
temité des anges et de la temporalité qui nous est propre, aussi longtemps
que notis sommes dans notre pèlerinage, la religion nous apprend que la vie
étemelle n'est pas seulement l'éternité. Participant à la vie de Lieu et
au temps, nous avons une existence tempitemelle (5)«

(1 ) E, PAlTHaC/i.R, Eeligione e religioni, pp, II5-II9,


(2) Le thème de l'homme itinérant est fréquent dans ce li"vre tout spécialement.
Voir Eeligione e religioni, pp« 59, 64, 88,. 89, 124, 127, 157, etc,
(^)E, PiïRTElCAE, Eeligione e religioni, p. 123,
(1) E, PillîIKEAE, Eeligione e religioni, pp, I2O-I34,
(5) E* PMIICKAR, Eeligione e religioni, pp. 134-141.
587

Toute religion authentique devrait comporter, d'après notre Auteur, ces


neuf aspects, même si, d'tme religion à l'autre,les accentuations se nuan
cent (l). Que penser ici de la survivance de religions multiples et diffé
rentes, se demande le professeur de Santa Barbara ? A une croissance histo
rique du genre huma,in pourrait correspondre une convergence historique dyna
mique des religions, sans réduire toutefois celles-ci à n'être que des fruits
de l'histoire (2), "La 'guerre sainte' commence d'être sainte et cesse
d'être guerre, parce qu'elle devient une lutte pour la sainteté" (5). Si
Lieu est unique, si le genre humain forme une unité, si l'homme et l'humani
té ont une nattire historique spécifique, on peut espérer que les religions
convergeront vers l'unité "suivant pas à pas le progrès de l'humanité vers
l'unité et son ascension vers l'Unique" (4), La multiplicité des religions
ne devrait pas être nécessairement un scandale ou l'indice d'une faillite de
l'entreprise divine. Elle ne serait pas une condition huimaine, naturelle et
inévitable - point de vue de certains Hindous - mais pourrait davantage ap^-»
paraître comme une situation historique dynamique.

Ainsi, nous avons perçu dévot niveaux dans la recherche d'vine définition
de la religion. Le premier s'attachait à repérer des constantes entre tous les
grands mouvements humains et entre tous les hommes, partant de levir predioa-
ment, en quête de l'ultime, de la plénitude, de l'orthopraxie, de la libéra
tion, de la réalisation, du salut tels qu'ils les conçoivent. Le second re
père les constantes entre les ensembles qui se situent davantage conme reli
gions et dans lesquelles, bien sûr, on retrouverait l'aspect dynamique, per
sonnel et existentiel d'une recherche, par l'homme, de son accomplissement
intégral, décrite dans le premier niveau.

(1) R, PAHIKKAR, Religione e religioni, p. I41.


(2) R, PAMKKAR, Religione e religioni, p« I65,
(5) R. P/ilîIKKAR, Religione e religioni, p, 1é8,
(4) R. PAHIEOlR, Religione e religioni, p, 185.
588

§ 2 ~ LES APPROCHES SCIENEIFIQUES DES IHilLIGIGNS

Abordée de façon scientifique, l'étude des religions se fait par des


approches différentes,

1)'L'approche socicicglique
Cette approche étudie les fonctions sociales àe la religion, son enraci
nement social, ou l'influence de la société sur la religion ou de la reli
gion, sur la société, etc., mais l'Auteur ne la décrit pas. 11/ se conten
te d'insister sur le fait que cette approche sociologique .est soucieuse
d'étudier les phénomènes religieux .par delà l'isolement où chaque religion
souvent les confine. Elle sait qu'on ne peut empêcher le passage des idées,
elle apprend la tolérance, elle relève les lois sociologiques des phénomè
nes religieux et les structures fondamentales des religions. Son ouvertu
re ne signifie pas syncrétisme et l'homme qui vit d'une religion ne doit
pas être étonné si l'approche sociologique lui montre que des phénomènes
religieux "de sa religion" se retrouvent dans d'autres religions (l).

2) L'approche historique
Si certains auteurs abordent le problème avec des préjugés, il reste que
l'histoire des religions montre leur importance capitale dans la vie des
peuples. Les travaux, en la matière, se multiplient aujotird'hui. Au-delà
des ambiguïtés possibles dans ces recherches, elle convergent pour poursui
vre un hiimanisme intégral et sont à encourager (2),

3) L'essai phénoménologique
La phénoménologie veut décrire les phénomènes religieux sans le moindre
esprit partisan. Elle repère les structures apparentées- Elle propose ;
Une vue d'ensemble. Cette méthodologie a un apport énorme. Déjà, elle
circonscrit la terre. Le problème est de savoir dans quelle mesure la
description d'un phénomène peut atteindre le fond des réalités ayant un

(1) R, PAHIKKAR, ^Philosophy of Religion, p, 222, L'Auteur cite ici, par


exemple, E, DURKHEIM, E. TROELTSCH, iî. IJEBER, G, LE BE/1.S, J. WACH,
G, MEHSCHIÏÏG, R, BELLAH, T. PARSONS, ¥, STARK, L. SGHIŒIDER, Il donne
"Une abondante bibliographie, pp. 24O-242,
(2) R, PAHIIg<AR, Philosophy of Religion, pp. 225 -224, Il cite A,J, TOYE3EE
et renvoie aux bibliographies de H, BOAS,
3^9

aspect notimenon. Autrement dit, le test phénoménologique peut-il aller au


coeur du fait religieux ? Ainsi, hien que la phénoménologie soit un essai
nécessaire, elle ne peut nous mener à une compréhension totale des re3.ir
gions (l).

4) L'étude psychologique
Par exemple, on peiit tirer profit d'une étude de la psychologie reli
gieuse, de la, psychologie des profondeurs, des recherches d'anthropologie,
des études sur le rêve ou sur le sjnabolisme. Ces études peuvent aider à
comprendre l'être humain et à assurer un apport positif d'annlj^se et de pé
nétration, N'est—il pas intéressant de savoir comment d'autres personnes
se concentrent sur des problèmes que nous rencontrons nous-mêmes ? La re
ligion touchant les profondetu?s de l'homme, toute recherche sur la psycho
logie humaine peut avoir de l'intérêt pour l'approche des religions (2)^

(i)R. PilNIKILiR, Philosophy of Religion, pp. 224-225. Il cite Yan LER LEEIA^,
¥.B. KRISTEMSSIT, K. GOLDANNER, P. EEILSR, M. ELLilLE, G. V/ILEtTGREN, W. JMISB,
J»A, GUTTAT, Dans The Trinity and the Religions Expérience, pp. 1 -2,
l'Auteur parle de la phénoménologie comparant des phénomènes, des structu- '
res et des doctrines, mais qui ne peut remplacer une philosophie ni une
théologie de la religion. Elle serait, comme telle, insuffisante pour pro
duire une interfécondation. Dans Religione e religioni, p. 48, il ajoute .
q^ie "le phénomène religieux a une natiire plus complexe que celle d'un pur
fait historique". Ce serait aussi un fait mystique. Pour lui, on ne pour
rait se satisfaire d'une description extérieure. A ce titre, p. 45, "un
chercheur a-relgieux ne pourra percevoir l'essence des faits religieux".
Ne peut-on ajouter, toutefois, que la phénoménologie va plus loin que la
description d'un phénomène observable de l'extérieur, en matière de reli
gion, pour tenter déjà de repérer les intuitions et les démarches que le
phénomène englobe ? L'Auteur ne suppose-t-il pas une phénoménologie s'ar-
rêtant au 'fait brut ", alors qu'elle tente aussi de repérer le "coeur" de
ce fait ?

(^)R, PANIKEAR, Philosophy of Religion, pp. 225-226, Il cite W. JAMES,


C.J, JUNG, A. YERGOTE, W. POLL, etc.
390

5) Le problème philosophique
Pour E. Panikkar, l'approche sociologique, l'intégration historique,
l'essai phénoménologique et l'étude psychologique ne remplissent pas les
besoins d'ime stricte philosophie de la religion (l). Celle-ci est affron
tée à des problèmes complexes et elle doit éviter des écueils nombreux,
Petit-on, par exemple, considérer comme universelles des catégories extrai
tes d'une philosophie d'une religion ? Peut—on actuellement trouver un
critère supra-culturel dans le pluralisme contemporain ? Que peut-on cons
truire à partir de ce qu'on croit constitutif de la nature humaine tiniver-
selle d'autant plus q^ie la philosophie relève de la culture plus que de la
nature (2) ? Le problème de la relation entre "philosophie" et "religion"
est-il résolu (j) ? Peut-on aussi aller loin a,vec une étude des structunes
sous-jacentes à la vie religieuse (4) ?
La philosophie devra être critique, prendre conscience de ses limites
et de ses présuppositions, veiller à prendre un sens muLticulturel plutôt
qiie de rester dans une seule sphère, tenir compte des diverses structures
d'intelligibilité et revendiquer la liberté de sa démarche (5).
La philosophie et la religion ne s'opposent pas, pour le professeur
de Santa Barbara, La vraie tension entre l'une et l'autre ne se sittie pas
entre deux rivaux mais entre deux éléments d'une seule et même démarche hu
maine, celle qui veut faire face à la préoccupation ultime de l'être hu
main (6).

(1 ) E, PMIKKAJl, Philosophy of Eeligion, p, 227,


(^) R, PANIKKAR, Philosophy of Religion, pp. 227-229.
^)R, PANIKKAR, Philosophy of Eeligion, p, 231 : "Si la philosophie est au
service de la religion, elle cesse d'être philosophie. Si la religion doit
obéir à la philosophie, elle n'est plus une religion",
4) R, PiiNIKKAR, Philosophy of Religion, p, 232,
6)R, PAiNIKKAR, Philosophy of Religion, pp, 232 -233, L'Auteur cite H. DWIERY,
H, LâlTG, A,K, EEISCîIâiniIR, \i,E, AENIij'TŒ', M, JÏÏNG et renvoi® pour les référen
ces bibliographiques à E, BELfZ et M, HAl'ÎEARA,
(6)R, PMIKK/dl, Philosophy of Eeligion, p, 233. J,A, CUTTAT, dans La rencon
tre des religions, p, 12, souligne qu.e si l'on étudie les religions de
l'extérieur on risque de ne pas parler de "l'essence même des religions"
mais "de leurs résidus anthropologiques, philosophiques ,, psychologiques ou
historiques". Il serait alors important, p, 13, de partir de notre propre
religion'bans laquelle je n'aurais ni connaissance ni expérience spirituelle
authentique','
391

La'îrupture"entre la philosophie et la religion est^du reste, relativement


tardive en Occident et l'on potirrait se sentir à l'aise, simultanémentj
dans 1'-univers religie-uxî et dia,^ l'univers philosophique (l),
L'Auteur veut, sans se faire l'avocat du syncrétisme, souligner que la
séparation ou que la compartementalisation des religions n'est plus possible
aujourd'hui. Elles doivent se stimuler réciproquement et s'inspirer mutuel
lement, pour trouver de nouveaux chemins et s'interféconder dans -un amour
réel (2), Fidèle à l'hindouisme et au christianisme, il vit, lui-même, de
la"douhle obédience", comme le dit M. ïïédonoelle (5).
Au--delà des approches scientifiques diversifiées, E. Panikkar veut ap
peler les hommes à -une rencontre plus en profonde-ur, plus existentielle que
scientifique, plus concemmlss que seu3.ement analytique et plus religieuse.
Il voudrait, sans l'exclure, dépasser le point de vue de l'érudit qui fait
de l'histoire des religions ou du savant qui est informé des recherches mul
tiples engagées sur le sujet inépuisa,ble des religions.. Au-delà des descripr-
tions, au-delà des approches scientifiques, quelle relation profonde pourrait
s'engager ? Est-il possible d'en arriver à comprendre les autres tels qu'ils
se comprennent ? Jusqu'où peut-on tenir compte de l'expérience religieuse
interne de plus d'une religion ?

(1) E, PAITIKKAE, Philosophy of Religion, p, 238, Il donne comme exemples


K, EAHKER, E, GU/JIDINI, ¥.G, SMIÏH, J,A. CUTTAT, W.E. HOCKIÎIG,
S, RALII/iIffilSI'TAIT, K. NISHITAÎHj H, KEISLBETS, G, ÏHILS, E,L, SLATEE,
E,C, ZAEE-EIES, etc. donnent aussi des éléments pour tme compréhension
des religions,
(2) E, PAEIIŒAE, Philosophy of Religion, p, 259*
(5) M, REBONCELLE, Philosophie de la religion, p. 210,
392

§ 5 - TROIS ATTITUDES PESQDEÎITES DMS LA EEITCONTEE

Au-delà des approches scientifiques, dans larencontre des religions,


l'Auteur décrit trois attitudes de hase.

La première est 1'exclusivisme. L'homme, dans cette attitude, considè


re que sa re]%ion est la vraie. 11 possède la vérité. Logique avec cette
croyance, il en revendiqiie l'exclusivité. Tout au plus est-il apte à admet
tre que les autres ont accès à des degrés différents de la vérité religieuse
et que, cela étant, leur honne volonté sAdant, ils se préparent, sans le sa
voir, à sa foi. Le "croyant exclusiviste" peut être un homme admirable.
Sa foi peut le mener à l'héroïsme, à la sainteté, au martyre le cas échéant.
A cette foi, il consacre sa vie, laquelle repose sur la confiance en l'Absolu,
en cet Absolu dont, en quelque sorte, il défend les droits sur terre. S'il
ne condamne pas les autres, il regrette qu'ils ne bénéficient pas de la mê
me grâce -sans se l'expliquer d'ailleurs- et il se sent responsable à levx
égard. 11 leur envoie des missionnaires. 11 leur prêche. 11 fait du pro
sélytisme.

On en convient, ce croyant peut avoir une réelle grandeur. Mais ne


court—il pas certains dangers ? ïïe sera—t—il pas facilement intolérant vis-
à-vis des autres ? Ne va-t-il pas rapidement s'imaginer qu'il n'y a qu'une
conception de la vérité et qti'une seule façon de la dire ? Ne sera-t~il
pas victime d'une certaine naïveté épistémologique ? N'est-il pas en train
d'oublier que l'homme interprète toujours et que le "reçu" n'est jamais sé-
parable de son interprétation (l) ?

(l) R, PMlEXâR, The Intra-Roligious Dialogue, pp. XIV" - XV.


593

De toute façon, le "croyant exclusiviste" paraît appelé à souffrir


quelque peti dans le monde actuel où il est affronté à la rencontre et for
cé de quitter sa "Splendid isolation" (l).
Le parallélisme a ses avantages dit R, Panikkar. Les frontières sont
bien délimitées. On échappe au syncrétisme et à l'électisme. Personne ne
juge personne. La tolérance remplit la terre, de la mer à la mer. îîais le
parallélisme a aussi ses inconvénients. ïï'oublie-t-il pas, d'abord, l'his
toire des religions ? Celle-ci, en effet, démontre, aisément et sous toute

(l) R, PAJHKKAR, The Intra-Religious Dialogue, p. XVI; Rtatattva, p. 11,


R, GIRADLT et J, YEPJïETTE, dans Croire en Dialogue, p. 18, mettent en
garde contre le triomphalisme. Rappelons ici la critique hindoue de :
l'exclusivisme chrétien signalée par M. DHâVAÎIOMY, dans L'hindouisme
moderne, p. 105, et la critique chrétienne d'un exclusivisme hindou,
p, 109, ou d'un inclusivisme hindou, p. 105. P, PALLOïï, dans Poin? un
vrai dialogue entre chrétiens et hindous, pp. 115-115 soujLigne trois
problèmes. Le premier est que l'Hindou se méfie du Chrétien qui fut sou
vent "colonialiste?'mens celui-ci sait denx choses ; d'ime part, le Chrisi^
est donné hors de l'institution chrétienne et, d'a\;tre part, le Christ
est la Voie, Vérité et 1^ Vie. Le deuxième est que si le Chrétien se
centre stu: le Christ Seigneur et Sauveur, acceptant un fait objectif et
historique, l'Hindou, de son côté, met l'accent sur l'expérience reli
gieuse, sur la vie intérieure (sans obsession dogmatique), sur la con
templation intérieure de la Réa,lité de l'Etre, plus qu'il ne s'arrête
à des contingences historiques. Le troisième problème est celui du lan
gage et "des systèmes d'équivalence qui n'étaient le plus souvent que
des approximations assez inexa.ctes et qui ont souvent obscurci le sens
particulier de ces concepts distincts". Il fauidrait donc "découvrir par
delà mots et concepts les convergences intimes et le sens vrai de ce
qu'ils entendent" (p. 115)* E« JUGIIET, dans Se faire conversation,
p, 242, pose la question suivante ; "Quand la foi se refuse à excluire
l'autre, serait—elle condamnée à l'annexer en tant que foi ?"
R, PAIŒŒXR s'oppose nettement à toute forme d' exclusivisme autant
qu'au syncrétisme. Voir aussi Spiritualita indu, p. 10 II faut, p. 12,
dépasser le colonialisme d'hier pour atteindre la compréhension et la
rencontre.
394

latitude, l'inter-influence et l'inter-fécondation des religions, ce qui


prouve qu'elles ne sont pas sur le meme chemin de l'ultime coupé dans le
sens de la longueur, h'y aurait-il pas aussi, dans le parallélisme, la pré
somption de l'autosuffisance de chaque tradition ? ÏT'opère-t-on pas une com-
partementalisation de la famille humaine qui est pourtant liée par le sang ?
La conversion éventuelle d'une personne à une autre tradition ne sera-t-elle
pas ressentie comme une trahison ? Est-on disposé, dans le parallélisme, à
un"apprentissage" mutuel ? N'exclut-on pas des problèmes fondamentaux, avec,
tout au plus, assez d'espoir et de patience poiir supporter les actuelles di
vergences (l) ?
L'Auteiir vient de décrire trois attitudes qui existent dans la rencon
tre entre les religions. Aucune d'elles ne reflète sa position personnelle
mais il montre des options possibles. L'inspiration hindoue qui le guide le
situe assez loin du particularisme de certains moments de la pensée biblique
lorsqu'elle avait peu le souci d'apprécier le cheminement religieinc des non-
Juifs et regardait movirir les prêtres de Baal dans le ravin du QishÔn (2),
Nous savons son universalisme fondam.ental, sa foi dans l'action universelle
du Logos et de l'Esprit, ses propositions sur la foi conrnie dimension consti
tutive de l'homme.

Concernant le Christ, notre Auteur n'opterait pas pour une pensée exclu-
siviste sous prétexte de sauver la spécifité dti christianisme, mais il ne
prendrait pas non plus une position qui abandonnerait cette spécificité. Il
affirme l'Incarnation du Verbe et partage la théologie néotestamentaire. Il
ne rejette rien de la foi chrétienne mais il privilégie me pensée où le
Christ est le Seigneur de l'univers et la base ultime de tout ce qui existe.
Il partagerait sans doute le point de vue de Y. lîaguin lorsqu'il écrit : "Dès
le point de départ, je dois être honnête et reconnaître que je considère le
Christ comme le Sauveur ultime de l'humanité entière (3), tout en ajoutant,
comme il le.dit dans la phrase mise en exergue à notre chapitre 3, "monpoint
de départ n'est pas peut-être la théologie chrétienne comme on l'entend tra-
tidionnellement, mais plutôt une foi, une foi nue, dirai-je, dans le Christ,
dans un Christ qui n'est pas absolument identifié avec Jésus de Nazareth"(4),

(1) R, PANIIOEAR, The Intra-Religious Dialogue, pp, XVIII-XIT. Su?oes attitude^


voir aussi Religions e religioni, p, 18,
(2) I Rois 18 ; 40s,
(3) Y, R/iGUIN, Botiddhisme, Christianisme, p, 7»
(4) R« PANINKAR, Le sujet de l'infaillibilité, p, 452,
395

Il est olair que notre Auteur ne choisit ni l'exclusivisme, ni l'inclu-


sivisme tels qu'il nous les a décrits, et, pas davantage, le parallélisme.
Celui-ci, par exemple, pourrait porter à une comparaison des religions, et
l'Auteur veut la dépasser (l). Il proposerait non pas un système nouveau
mais un nouvel esprit, en posant dans sa recherche un "acte religieux d'in
carnation et de rédemption" (2),
Afin d'éclairer sa position, il propose l'image de 1'aro-en-ciel. La
source de la lumière est blanche et il faut cette source pour qu'il y ait de
la lumière, A l'intérieur de l'arc-en-ciel, on observe toutes les nuances
des couleurs. Le vert n'est pas le jaune, liais, où finit le vert et où com
mence le jaune ? Irréligions ne seraient-elles pas comme les couleurs dif
férentes et complémentaires ? Ne voit-on pas les Aryens influencer les
Dravidiens ? Les Juifs apporter avix Grecs, les Hindous avix Mulsulmans, et
ainsi de suite ? Le ja,une et le bleu ne donnent—ils pas le vert ? Ne peut-
il aussi, ajoute le professeiar de Santa Barbara, y avoir des variations de
couleur à l'intérieur d'une même religion comme il y a des différences impor
tantes entre le Chrétien en Inde aujourd'hui et le Chrétien occidental du
dixième siècle ? Une religion ne serait-elle pas comparable à un faisceau de
la religiosité primordiale comme le vert et le jaune sont des faisceaux de la
lumière blanche ? La variété ne serait-elle pas la richesse, comme il faut
toutes les couleurs pour qu'il y ait l'arc-en-ciel (j) ?
Il propose aussi une autre comparaison, celle du modèle géométrique de
l'invariant topologique ou, dans l'espace, une forme se développe en trans
formations multiples. De même, les religions peuvent paraître inconciliables
sauf si l'on trouve un "invariant topologique". Ne peut-on émettre 1'hypo
thèse, suggère—t—il, que toutes les voies différentes viennent d'une expérien
ce humaine fondamentale mais transformée selon des lois à découvrir (4) ?

(1) E, GIHAULT, 0-t J, 1/EENETTE, dans Croire en dialogue, p, 21, mettent en


garde contre vine approche des religions qvii sera,it polémique, purement
descriptive et scientifique, concordiste (souvent pro-chrétienne) ou syn-
crétiste (souvent anti-chrétienne) et parlent d'approche dialogique,
J,A. CUTTAT, dans Introduction au livre de R.C, Z/iIiïfflER, Inde, Israël,
Islam va dans le même sens, pp, 9 à 25,
(2) R, PANIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 5I,
(5) R, PANIKKAR, The Intra—Religions Dia,logue, pp, XX—XXI, î'Iême image dans
Religions e religioni, p, 187,
(4) R. PANIKECzlR, The Intra-Religious Dialogue, pp, XXI-XXEI,
596

Ce modèle ne poin?rai"fc-xl offrir vin défi au chercheur, pouCTm qu'on ne tire


pas des conclusions hâtives ? La vision ne sera,it-elle pas une hypothèse
intéressante pour chercher une "convergence transcendante" (1) ?
Nous tovichons à un sujet importe.nt (2) et des questions novis viennent
à l'esprit assez logiquement. Si l'on peut être séduit par un langage imagé
-pensons à la comparaison de 1"arc-en-ciel - les problèmes ne naissent-ils
pas lorsqu'on sort de ce langage ? Par exemple, que faut-il entendre par
"convergence transcendante" ? Ou bien, si toutes les voies différentes vien
nent d'une expérience humaine fondamentale transformée selon des lois à décou^
vrir, ne peut-on avoir l'impression que la religion vient plus de l'homme his
torique que de Dieu et se demander, aussi, quelle place vont prendre, dans

(1) E., PANIZK/IR, The Intra-Religious Dialogue, p, ZXIII, Il propose vine


troisième comparaison, celle du languge, pp. XXIII -XXVII, mais comme le
langage est plus directement lié au dire et au dialogue, nous en repar
lerons dans l'analyse du dialogue dialogique,
(2) G,A, lŒLLEIl, da,ns Le Dieu des chrétiens et les dieux des religions
PP« 509-525} aborde la question. D'après cet Auteur, toute religion se
rait une ouverture à une transcendance et une réponse avix appels profonds
que ressent l'homoi-reLigiosus,p. 510, Le "divin" povirrait désigner "la
grandeur transcendante par référence à laquelle un groupe social ,., défi
nit son identité", p, 510» Lorsqu'une religion compare son divin (soit
le divin d'ego) au divin d'une autre religion (soit le divin d'alter),
p, 515} c'est pour le considérer comme identique, ou inférievir (d'oùguer
res, persécutions, colonisation, a,bsorption) ou supérieur (et on se lais
se assimiler) ou povir consid.érer que le divin en soi est toujours trans-»
cendant par rapport au divin perçu et décrit par qui que ce soit, ou en- •
core pour le jviger incompatible (la greffe est impossible), pp, 515-516;
Le professeur KELLSR voit le cliristia,nisme aàtuel attaché aux thèses qui.
assurent sa spécificité mais sait que ses communautés sont en contact
avec le concert mondial des religions. Le christianisme aurait une pensée
sée particulariste ou exclusiviste dans la mesure où il tient à garder
sa spécificité mais il serait ouvert aussi à une pensée inclusiviste et
universaliste, "Le Christ est le Seigneur de tout l'univers et la base
ultime de tout ce qvii existe. Il est le Logos du Tout, la raison d'être
des choses matérielles et spirituelles, leur origine et leur fin. Par
conséquent, le Christ est aussi l'origine et la fin de tous les phénomè
nes religieux", p, 522.
397

cet ensemble, la révélation biblique particulière, Jésus de Nazareth, Verbe


fait chair pour les Chrétiens, et l'Eglise ? Si l'on nous permet un jeu de
mots, la lumière blanche éclaire-t-elle le problème posé ,?

Si, néanmoins, on convient que les images précitées ne sont pas sans
intérêt, si l'on pense aussi au Verbe omniprésent, peut-on pa,rler encore de
"religions non-chrétiennes" ? E. Panikkar répond ici que l'homme actuel réa-r
git contre tout paternalisme, contre tout colonialisme, contre toute discri
mination et contre le complexe de supériorité de certains Chrétiens. "Si
'chrétien' est un terme positif, 'non-chrétien' ne peut être que péjoratif".
Parler de rendions non-chrétiennes, pex conséqiient, serait à ses yeux,une
expression malheureuse sur le plan psychologique (l). Sur le plan scienti
fique, il se demande si une religion peut être un critère pour évaluer les
autres (2). Sur le plan philosophiqtie, la distinction situe dans un dilemme ;
le Chrétien croit que sa religion est la seule vraie ou il ne le croit pas.
S'il le croit, il risque de dire que les autres sont fausses ou qu'elles sont
"non-religions". Pans le second cas, il ne peut justifier, dit l'Auteur, la
division qui en deviendrait arbitraire et qui ferait du christianisme un
point de repère et de discrimination tout en niant qu'il y ait un motif
objectif pour ce choix (5). Sur le plan théologique, si l'on admet des re
ligions non-chrétiennes, soit sans référence au Christ, celiii-ci 'ne sauve
rait que peu de monde et le salut ne serait consommé que par quelques uns.
L'universalité de l'Eglise serait incompatible qvec une pensée qui ne valori
se qu'une religion. D'une part, l'Eglise a une relation sublime et particu
lière, "una relazione sublime e particulare" avec le Christ et d'autre part,
toute religion serait ordinata a Cristo, le Christ agissant en chacune (4).
Tout homme qui adhère à sa religion adhère au Christ, même s'il ne le sait

(1) R, PANIKKAR, La chiesa e le religioni del mondo, p. I7I.


(2) R, PANIKKAR, La chiesa e le religioni del mondo, pp. I7I-I72,
(3) R* PANIKKAR, La chiesa e le religioni del mondo, p. I72.
(4) R. PANIKKâR, La chiesa e le religioni del mondo, pp. 172-173,
598

paSj et l'Eglise doit lui dire, comme• Pa^ul aux Athéniens : "ce que vous ado~
rez sans le connaître, nous vous l'annonçons" (l).
En fin de parcovirs, ra,ppelons que R, Panikkar, après avoir dépassé la
présentation des approches scientifiques des reliions (§2), envisage une
rencontre plus profonde entre elles. Dans cette entreprise, il décrit trois
attitudes observa,hles : l'exclusivisme, l'inclusivisme et le parallélisme.
Il n'en choisit aucune. Tu la complexité du problème, il use d'un langage
imagé qui ne résout pas tout mais n'en présente pa,s moins de l'intérêt. Il
voit la lumière de Dieu présente pa,rtout, il déduit que toutes les religions
sont "ordonnées" au Christ, mais reconnaît que le christianisme a une relation
"sublime et po,rticulière" avec Lui (2),

(1) R, PANIKKAR, La chiesa e le religioni del monde, p. I75, L'Auteur pro


pose les mêmes développements et arguments dans Relation of Christians,
pp. 304 - 305, Dans Hindouisme et christianisme, p. 2, il incline à
croire non "qu'il y ait une puissance de salut dans tout ce que comporte
l'Hindouisme" mais que l'hindouisme a "une place dans l'économie chrétien
ne du dalut". Signalons que, pour H. COX, dans La fête des fous, p. 211,
parler des "religions non-chrétiennes" paraît une expression arrogante
et peu scientifique.
(2) Il nous semble, cela dit, nécessaire de tenir au "sublime e particula-re"
tout en pouvant admettre le "ordinata", On peut être dans la vérité sans
que l'autre soit totalement et nécessairement dans l'erreur, mais, si
l'on sa,it que le Christ est présent partout, on reste guidé \par une ré
vélation particulière et prophétique que l'on trouve, comme Chrétien,
dans la tradition juive—chrétienne. Si le Chrétien peut comprendre qu'une
relfeion soit en Christ sans se référer explicitement à lui - mans ne se
rait-ce pas pour certavins une forme larvée d'inclusivisme ? - il dira
aussi que l'Eglise doit se référer, elle, consciemiBent, à Celui qu'elle
annonce. Peut-être devrait-on mettre "non-chrétiennes" entre guillemets
en panlant des autres religions ?
599

§ 4 - LE DlfiLOGTJE DIALOGIQUïï

Nous abordons Ici un thème important, L'Auteur y revient souvent pour


en donner progressivement une idée plus nuancée. Le dialogue dialogique
n'est pas un dialogue dialectique, c'est-^dire qu'il n'est pas un affronte
ment d'adversaires, de cultures, de systèmes, d'idées où chacun se heurte à
son partenaire pour s'affirmer, pour convaincre, poirr démontrer, sinon povn:
vaincre et pour détruire. Il ne remplace pas la dialectique mais il la com
plète (l).
C'est un acte religieux, au nivean même de la foi, non une dispute ra
tionnelle (2) ni un marchandage de dogmes (3); c'est aussi plus une relation
*
du mythe qu'-une relation ptirement de la raison * (4)«
/ \
Le dialogue dialecti
que n'est plus le setil, le dialogue se libère de la tutelle de la dialecti
que, il ne veut pas convertir l'autre à ce que nous pensons, il est "fonciè
rement mon ouverture à l'autre pour qu'il me dise et me découvre mon mythe.

(1) H, PANIKKAR, Témoignage et dialogue, pp, 377-37S; La philosophie de la


religion, p, 199» Philosophy as Life-Style, p, 205j The Bostonian
Verities, pp, 145» 150» 155 : "dialogical communication"; The Hindu
Ecclesial Consciousness, p, 199» Have 'Religion' the monopoly on Reli
gion ? p. 517» Rtatattva, p, 22; etc,
(2) R, PANIKK/i.R, L'hoimne qui devient Dieu, p, 20, Dans Spiritualita indu,
l'Autein: rappelle, p, 10, le danger d'une comparaison des religions et
des spiritualités qui peut séparer plus que rapprocher. Dans Hindouisme
et christianisme, p. 7» il répète que la rencontre des religions ne i^eut
être simplement rationnelle mais il ajoute "bien qu'une certaine connais
sance permette aux spiritualités en présence de dialoguer". De même,
J.A, CUTTAT, dans 1'Introduction à R,G, ZAEHNER, Inde, Israël, Islam,
veut plus qu'une discussion ou qu'une confrontation conceptuelle. Il
faut un "affrontement intérieur", pp, 58-59, "une confrontation existep-
tielle", p, 59.
(3) R, PANIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, I4. Chacun doit dire ce que
sa foi fondamentalement veut exprimer,
(4) R. FAHIKK/iR,Tolérance, idéologie et mythe, p, 202, E, EALLON, dans
Pour un vrai dialogue entre chrétiens et hindous, p, 112, souhaite qiion
cherche un terrain commun, de communes aspirations religieuses et parle
aussi d' 'hpproche dialogique". Ecoutons des deux côtés ce que Dieu a
dit à l'autre, p, II3,
4D0

ce que je ne peux pas connaître moi-même, ce que je considère comme allant


de soi. Le dialogue est une façon de me connaître et de dégager mon point
de vue à partir d'une intériorité plus profonde qui restait cachée en moi-
même, et qtie l'autre éveille par sa rencontre avec mol dans ce tréfonds qui
nous dépasse •.• Pris dans ce sens, le dialogue est vm acte religieux par
excellence, car il reconnaît ma religatio à l'autre, mon indigence individuel
le, et mon besoin de sortir de m.oi-même, de me transcender pour me sauver"(l).
Il fait confiance au coeur, il fait confiance à l'autre, et pas seulement
à l'esprit et aux arguaient s,

"Le dialogue dialogal est celui qui accepte le témoignage de l'autre et


cherche avec lui à l'intégrer dans une nouvelle expérience non moins concrè
te mais plus englobante que celle du point de départ" (2), Il repose "sur
•une véritable confiance réciproque dans l'autre, c'est-à-dire sur le fait que
l'autre est, tout autant que mol, source de compréhension et de perspectives '
originales" et il est alors "une véritable 'percée du logos' (dia ton logon)
atteignant ainsi cette autre sphère de 1'expérience humaine que seulement la •
confiance en l'autre en tant que autre (et non pas en ce qu'il dit) rend pos»?
sible" (5), Le dialogue ne serait pas seulement ou pas tellement dans ce^ '
que "je" dis ou dans ce que "tu" dis mais dans ce qui se passe entre "toi"''
et "moi" et dont personne n'a une connaissance préalable.

Acte religieux, "catégorie religieuse", et pas seulement moyen hmain


pour clarifier les opinions, le dialogue "doit devenir tin acte de religion,
un acte de fol (on sait que la foi vient en écoutant), une reconnaissance
mutuelle de notre condition humaine, et (que) par là il exprime l'interdé
pendance q\ii. nous constitue" (4); moyen de compréhension mutuelle, il est un
fait de vie religieuse authentique (5),
Pour voir un frère dans le voisin et pour comprendre dans le dialogue
dialogique ce que lui comprend, ce qu'il vit, ce qu'il a expérimenté, senti
et découvert, nous devons ainsi tenir compte de son univers intérieur et ten-r
ter de nous libérer de nos catégories et de nos présuppositions et seule,
peut-être, \ïne autre personne pourrait-elle nous montrer nos pré suppositions (é).
(1) R, PAKIKKAPl, Témoignage et dialogue, p, 577»
(2) R, PANIKECAR, Témoignage et dialogue, p, 579»
(3) R, PAKIKKAR, La philosophie de la religion, p, 199*
(4) R. PMTIiaCAR, Métathéologie ou théologie diacritique, p, 50*
(5) R, PAKIKIKAR, Philosophy of Religion, p. 258.
(é) R, PAtTIKEAR, For an Intégration of Reality, p. 38j Création and
Hothingness, p. 351.
401

Dieu sait si le dialogue entre l'hindouisme et le christianisme peut débou


cher facilement dans des préjugés et des ignorances (l).
Oh•po'i^^a'it arriver, à la lumière de l'advaita, à un dialogue qui serait
intra-religieux et non sevilement inter-religieux, ou, non plus seulement à
une rencontre entre un homme religieux avec un autre homme religieux qui pen
se autrement, à découvrir les mêmes problèmes vécus par l'un et par l'au-ire(2).
Dans la ligne de l'advaita classique, on arriverait à aimer l'autre non pour
lui-même, comme un objet, mais pour l'Absolu, comme un amant aime sa bien-
aimée sans s'arrêter à la distinction sujet-objet (3). L'advaita nous pous
serait hors de nous pour que nous nous retrouvions dans la personne à laquel
le nous nous sommes donnés. On voit tout dans l'Un. On a l'intuition de

toute chose comme non-duelle, comme n'étant pas deux avec le Seul et l'Uni
que. L'autre est dans Xa-mesiJire où il est aimé, où il est le récipient de
l'acte d'amour du moi absolu et on l'aime parce gu'il est brahman (4).
(1) E, PANIKKAR, Advalta and Blialcti, p. 299* Dans le passé, dit P. PALLON,
dans Pour •un dialogue vrai entre chrétiens et hindous, pp. 123 -124, le
dialogue a connu une évolution. D'abord, préjugés et malentendus empê
chaient toute collaboration et communion. Puis on a rêvé d'une rencon

tre où l'Orient apporterait sa spiritualité à l'Occident devenu matéria


liste et où l'Occident apporterait à l'Inde sa science et sa technique.
On a ensuite progressé ; des Hindous furent attirés vers le Christ et
son message, des Chrétiens, après une entreprise apologétique, firent de
la religion comparée et exprimèrent ce que Eaymundo PAHIKKAR appelle une
"théologie indienne-chrétienne". Aujourd'hui, depuis le Concile
Vatican II, un nouveau regard se développe parmi les Chrétiens, pp. 125--
127» G, THILS, dans Propos et problèmes, p. 26, parle de regard positif
et de changement de regard intérieur. Au sujet des malentendus,
R, PAITIKKAR suggère, par exemple, de ne pas opposer le monothéisme chré
tien au polythéisme des religions soi-disant "primitives", voir Los
dioses y el Senor, pp, 37-44 et de lever les équivoques sur l'hindouis
me quand on l'accuse de panthéisme, pp, 47-48, de monisme, p, 48, dfe,c-
oepter lÏTrénlité du monde,, pp, 48-49» de ne pas dépasser 1 'impersonna
lité de Dieu, pp, 49-51» ou de verser dans l'idolâtrie, p. 50, Voir
aussi S, SIAUVE, Axes, XI, 2 -3 -4, 1978 -1979, pp, 89 et IO6.
(2) R, PAITIKKAR, Advaita and Bhakti, p, 300 ; The Internai Dialogue, pp. 55-
5é*
(3) R. PAHimR, Advaita and Bhakti, p. 303.
(4) R* PAILEKKAR, Advaita and Bhahti, p, 304-305*
402

Le non'^id'vaitin risquerait d'aimer l'autre comme un ultime, avec à la


limite le risque d'idolâtrie. Le dualisme n'a-t-il pas connu parfois comme
un antagonisme entre l'amour de Lieu, et l'amour de la créature ? Ou n'a-t-il
pas insisté sur le fait qu'il faut aimer l'autre parce qu'il y a un ordre de
Lieu allant dans ce sens ? Lans l'advaita, l'amour fait aimer l'autre comme
une étincelle de l'Absolu, c'est l'amour même de Lieu po.ur le bien-aimé, La
personne apparaît comme la révélation de la descente concrète de l'Absolu di
vin. On aime ainsi sans un "pourquoi", sans un "à cause de", mais parce
qu'on découvre l'Absolu non comme un objet extérieur mais comme le sujet ai
mant en moi. Je t'aime d'un amour inclusif, absolu, unique. Les courants
de l'amour universel passent à travers toi et à travers moi, ainsi que dans
le"nous". Je suis l'amour de Lieu et je prends part à l'amour que Lieu te
porte. Celui qui aime et celui qui est aimé, en quelque sorte, dans la pers
pective advaitine, ne sont pas deux pôles se faisant face. Il existe, autre
ment dit, un pmcur cosmique, universel, dépourvu d'égoîsme, de caprice et de
concupiscence (l).
Certes, la réflexion sur le dialogue dialogique n'atteint pas toujours
la dimension qu'elle vient de prendre sous l'éclairage védantin, L'autres
perspectives sont encore proposées. Par exemple, paradoxalement, la parole
naît du silence. Celui-ci est peut-être, au départ, le seul terrain commun
entre les personnes et le langage -qui n'est pas le tout de la réalité hu
maine- viendrait mettre le silence en paroles. N'est-ce pas quand un mot
vient du silence qu'il exprime quelque chose, comme si la parole étai"t le sa
crifice ou l'auto-immolation du silence (2) ? Toute parole authentique n'est-
elle pas pleine de silence (3) *? Le silence apparaîtrait ainsi comme néces
saire au dialogue dialogiqtie.

S'engageant dans un tel dialogue, les religions poiorraient faire un pas


énorme de convergence. On poiu?rait "embrasser son frère sans réticence" (4).
Alors 'les frontières et les limites de l'identité personnelle deviennent moins
impénétrables, les incompatibilités s'évanouissent. Les malentendus et pré
jugés doivent encore tomber, des méthodologies de rapprochement et d'herméneu
tique doivent encore se forger.

(1) R, PANIICKAR, Advaita and Bhakti, pp. 506-3O8.


(2) R, PANIKKAR, The silence of the wprd, pp. 154~'156.
(3) R. PANIKKAR, The silence of the word, p. I63 où l'Auteur dit aussi "que
notre silence soit une matrice vierge" !
(4) R. PANIKKAR, Un mythe naissant, p. 9o
403

Le vrai dialogue exige non se-ulement une disposition d'accueil et d'écoute,


mais aussi une capacité,ou mâaela possibilité de comprendre; L'autre com
mence à devenir un autre pôle de nous-mêmes" (l).
Est-ce à dire que l'on chercherait uae "religion supérieure" capable
de transcender toxites les religions existantes ? Nullement, Le dialogue ne
doit chercher ni à vaincre, ni à construire une religion universelle mais à
résorber les ignorances mutuelles, à résoudre les incompréhensions inter
culturelles, à laisser les autres exprimer leurs perceptions dans leur pro
pre langage, afin de marcher vers un pluralisme qui se situerait entre une
pluralité sans relation et •une unité monolithique (2), Avec la fin de l'ère
coloniale, le dialogue dialogique serait la source de renouveau (5),
Il s'agira que l'on repère les intuitions exprimées inadéquatement par
les langages, même s'ils sont formellement variés et multiples. "Comprendre,
c'est être converti à la vérité que l'on essaie de comprendre" dit
R. Panikkar (4). Le dialogue peut percevoir la signification du langage
sans toutefois partager les présuppositions de celui qui parle. Il peut les
purifier et la tâche théologique et religieuse commence lorsque les deux

(1) R, PMIKKAR, Un mythe naissant, p. 12. E, JUGUET, dans Se faire conver-


sation, p. 248, note s "Quand deux ou plusieurs personnes parviennent
réellement à se coiran'uniquer quelque chose de le'ur expérience de foi et de
levir recherche de la vérité, chacune se.trouve intérieurement travailléq
par la parole de l'autre et engagée dans un mouvement qui ne saurait ex-^
dure a priori la conversion de son horizon". Ne peut—on cependant hé—;
siter quelque peu devant des expressions comme "embrasser son frère sans
réticence" ? Tout est-il si simple ? Le "moment de réticence" ne doit-
il pas se présenter ? Paut-il exclvire la possibilité d'un point de
non possumus ?
(2) R, PANIKKAR, The Intra-Religious Dialogue, pp. XXVII-XVIII.
(5) R, PANIKKAR, Rtatattva, p. 10.
(4) R, PANIKKAR, Eaith and Relief, pp. 7-9, montre, par exemple, que l'on
peut percevoir la pierre angulaire d'une vie dans l'affirmation de
l'existence de Dieu et celle d'une autre vie dans l'affirmation de la
non-exitence de Lieu. Des deux-côtés, il y a croyance à la vérité et
cette croyance peut engendrer un dynamisme authentique. Nous verrons
des cas semblables dans l'étude de l'homologie.
404

points de vue s'interpénétrent et qu'il y a soliloque intra^personnel, sans


pour autant abandonner notre croyance de départ. Le dialogue, alors, n'est
pas un outil académique ou un amusement intellectuel, mais nne "matière spi
rituelle" et "un acte religieux" qui engage la foi, l'espérance et la chari
té (l). Acte religieux parce que Dieu est le lieu ontique où mon identité
personnelle et celle de mon voisin coïncident et le seul lien qui me permet
te de l'aimer comme il aime son propre moi sans auc\me tentation de le défor
mer, Le problème est que je puisse embrasser la foi de l'autre sans renier
la mienne, que je puisse croire en ceux qui ne croient pas, ce qui serait \3n
problèm,e central pour l'homo religiosus d'aujourd'hui (2),
Le djrnamisme de la foi ne suppose-t-il pas que je puisse comme "sortir
de ma foi' pour l'enrichir ? Je ne puds éluder la foi de l'autre même si la
chose est exigeante et difficile (5). On pourrait distinguer la croyance
et la foi, celle-ci s'exprimerait par celle-là, mais aussi elle serait plus.
D'une part, dans un milieu homogène, les dogmes expriment auctoïritativement
la foi et sont souvent confondus avec elle, mais, d'autre part, dans un dia
logue en milieu non-homogène, on peut, dans un premier temps, penser que l'au
tre a de fatix dieux et qu'il baigne dans des erreurs, mais, dons un deuxiè
me temps, il est possible de trouver plus dans sa foi, de repérer des paral-
lélismes, de cerner des caractéristiques d'une autre religion susceptibles
de compléter la, nôtre, voire de découvrir que le but des deux religions est
le même (4).
La règle d'or de toute herméneutique n'est-elle pas que la chose inter-r-
prêtée doit se reconnaître même dans toute interprétation ? Ou encore, tou
te interprétation ne doit-elle pas rejoindre le point de vue du croyant de
l'autre religion, parce quîil n?y a pas de catégorie . immuable?

Il faudrait ainsi la coordina,tion de deux principes, dit l'Auteur,

1) Le principe d'homogénéité selon lequel seul le semblable peut compren


dre le sembla,ble, selon lequel aussi toute extrapolation peut mener à l'in
compréhension, selon lequel encore tout parallélisme est dangereux.

(1) R. PAÎTIKZAR, Faith and Delief, pp, 9-10.


(2) R, PMIKKAR, Faith and Belief, pp, 11-12.
(5) R, P/iMKK/JÎ., Faith and Belief, p, 15.
(4) R, PIRTIEIAR, Faith and Belief, p. I9, Dans Religione e religioni, p, 17,
il parle dvi nucleo identico.
405

La théologie traditionnelle en milieu homogène reste donc un travail pré


liminaire nécessaire (l) bien que n'étant pas toujours indemne du danger
d'exclusivisme. Elle doit se structurer parce qu'elle tend à exprimer
une religion telle qu'elle est vécue,

2) Le principe dialogique, qui est un autre principe de compréhension, re


père les présuppositions, il veut faire comprendre et l'autre et soi-même
mais il apprend à accueillir la lumière et la critique venant d'un rivage
étranger,

La coordination de ces deux principes, leur mise ensemble,sert à la


rencontre pourvu qu'elle distingue la doctrine philosophique et le nojran mê
me de la religion (2).
Ainsi, le dialogue dialogique, qui est différent du dialogue dialecti
que, "repose sur la supposition que personne n'a accès à l'horizon universel
de l'expérience humaine, et que seulement en ne postulant pas les règles de
la rencontre d'un seul cêté l'homme pourra avancer vers une compréhension
plus profonde et plus universelle de lui-même et par conséquent approcher de
façon plus étroite de sa propre réalisation" en vue d'une "fertilisation
croisée" (cross-fertilization) (3), Ainsi, à la croisée des chemins, on de
vrait dire qu'aucune tradition humaine ne peut être exclue et qu'aucune ne
devrait rester silencieuse.

En bref, le dialogue diaAogique n'est pas perçu comme une dialectique


setilement et il n'est pas non plus comme un jeu stratégique d'approche (4).
Il ne s'agit pas d'apprivoiser l'inévita,ble renard de Saint-Exupéry,

(1 ) Dans The Trinity a,nd the Keligious Expérience, p. 5> l'Auteur insiste sur
l'importance de la tradition, sur la nécessité d'une continuité avec le
passé et d'un développement harmonieux. Sans le principe d'homogénéité,
sans une bonne connaissance de la théologie chrétienne, le chercheur
court le risque de syncrétisme, dit R. PAITIEKAR, dans La Intégration del
Pensamiento, p, 248, J,A, CUTTAT, dans La rencontre des religions, insis
te sur la nécessité de partir de sa propre religion, "sans laquelle je
n'e.urais ni connaissance ni expérience spirituelle auithentique", p, I3.
(2) R, Pi'ilJIKKAR, The rules of the ^me, pp, 51 -52.
(3) R. PMIKKAR, SÛnyata, a^nd Plêrôma,p, 91 • On retrouve aussi l'idée que
l'un des deux partenaires ne doit jas fixer les "règles du jeu" da,ns
Métathéologie ou théologie diacritique, p. 49»
(4) Le même, ce doit être autre chose qu'une coexistence diplomatique et re
lativement passive, dit-il dans Maya e Apocalisse, p, 175*
406

Après s'être étudié et compris soi-même -voir le principe d'homogénéité et


la théologie traditionnelle- il faut se dire et laisser l'autre se dire.
Ce n'est pas une aimable conversation entre gens bien élevés autour d'une
tasse de thé, fiais bien pltis tin acte de foi en un Dieu omniprésent, un acte
de foi en moi, ijn acte de foi en l'autre. Gomme tel, c'est donc vin acte re
ligieux, où 1 'advaita peut même a,pporter sa lumière. Cet acte religieux me
fait aimer et "sentir" l'autre comme il se pense et comme il se "sent" lui-
même, il me met en question, il m'aide à me transcender, et l'expérience de
l'autre féconde mon expérience, La percée du logos (dia ton logon, dialogi-
que) permet, pourrait-on dire, à l'âme de Jonathan d'entrer dans l'âme de
David (l). Du silence de l'un et du silence de l'autre jaillit la parole au
thentique, où les fossés ae comblent et les montagnes sont aplanies (2), ce
ci ne devant pas mener, toutefois, à une religion informe. Chacun poursuit
un dialogue intra-religieux, il en fait vine affaire personnelle. Il met sa
confiance dans l'Esprit pour voir, pour affronter la condition hvmiaine (5),
Le dialogue intra-religieux, dit le professeur de Santa Barbara, est "un dia-t
logue intérieiu? avec moi-même, une rencontre dans la profondeur de ma relir- .
giosité personnelle, ayant rencontré une autre expérience religieuse à ce ni-»
veau véritablement intime" (4), Le dialogue intsK^ligieux serait intrar-reli-
gieux, où je me remsts en question et où je commence de cheminer. Le cher
cheur peut alors repérer ce que notre Auteur va appeler des homologies,

(1)1 Sam, 18:1, Yoir aussi Los dioses y el Senor, p, 14«


(2) L'image nous fait penser à la prédication de Jean le Précursseur en Luc 3 î 4 -6,
(3) R. PiUmCKAR, Philosophy as Life-Style, pp, 201 -202,
(4) R. PAlilKKAR, Epochè, in the Religions Encovinter, p, 40* S, JTFGUET, dans
Se faire conversation, soviligne, pour le dialogue, le danger de l'exclusi
visme, p,242, la nécessité d'être fidèle à sa propre foi _et de dialoguer, '
p, 243, dans un rapport d'égalité, p, 244, autant que de respect, p„245,
la difficulté particulière rencontrée par ceux qui se réfèrent depuis
longtemps aux sevils critères de la Bible et dvi Christ, pp. 245-246, la
possibilité pour eux d'être, par le dialogue, insérés dans un mouvement
vers vine vérité encore inconnue, p, 249> ce d'ut peut impliquer un certain
dépouillement, pp, 249-250, tout en devant rester plus enracinés dans
l'Eglise, p, 253. J.A, ffOxTAT, dans La rencontre des religions, insiste
pour qu'on sente les religions de l'intérieur, pp, 11 -13, pour qu'onadtet-
te -une .épochè provisoire,p. 31, pour qu'on vive à fond sa propre religion
afin d'enrichir la relation, p, 32, sans "xénophobie spirituelle" p,56,
à dessein de mieux "sortir vers l'autre", p, 42,
407

Au terme de ce paragraphe, posons quelques questions. Chercher m dia


logue plus que dialectique, rejoindre l'intériorité de l'autre, lui faire
confiance, vaincre les ignorances, supprimer les préjugés,, repérer les limi
tes du logos, voir un frère dans l'autre et l'embrasser sans réticence voir'
en lui, dans une certaine mestire, un autre pôle de nous-mêmes, distinguer le
noyau de notre religion et son emballage, poser m acte de foi en la présen
ce de Dieu dans le partenaire, tout cela est beau et louable. Mais jusqu'où
ira-t-on ? A quel moment faudra/-t-il dire "non possunus" ? Avec lone telle
profession de foi, ne va-t-on pas escamoter d'inévitablesdifficultés ?
Certains ne risquent-ils pas de verser dans une dangereuse naïveté qui négli
gerait les différences et les incompatibilités ?

Nous pouvons nous demander alors quel est le statut exact du discours
de notre Auteur» Est-ce une profession de foi proprement paniléÈarienne ou
plus ' Est-ce un voeu d'-unité qu'il formule ou une voie qu'il propose ? Ne
peut-il y avoir, en effet, comme une confusion entre le but poursuivi et les
moyens choisis ? Ne s'assied-on pas, en xm sens, comme si l'on avait trou
vé la solution, comme si on était aarsivé 3.u terme, comme si tout était réso
lu, alors que, peut-être, rien ne serait résolu ?

Si nous percevons, en bref, un discours enthousiaste,sans doute, tient-


il compte que les sentiers à parcovirir ne sont pas encore précis ni les m.on-
tagnes aplanies, ni les fossés comblés ? Si l'on peut em.brasser son frère,
est-ce vraiment sans réticence ? Si l'autre apparaît comme un autre pôle de
nous-mêmes, est-il nous-mêmes pour autant ?
408

§ 5 ~ L»HOMOLOGIE

La pratique du dialogue dialectique, dans l'analyse panikkarienne, amè


nerait les partenaires du dialogue inter-religieus: à comparer des doctrines,
des structures de pensée, des systèmes. Une telle comparaison voudrait se
faire parce que la clarté dans la rencontre est une valeur estimable. Un
tel dialogue peut entraîner des duroissemients, des polémiques, soit des af
frontements qui risquent de bloquer les esprits, de centrer l'attention sur
des présuppositions, des préjugés, des incompatibilités. On peut, dans cette
ligne, s'arrêter peu à peu en face d'uin fossé que l'on imagine infranchissa
ble, s'installer suir des positions à défendre comme des citadelles menacées,
accepter aussi inconsciemment des malentendus et des jugements, coller des
étiquettes, opérer des classifications qui pourraient se figer. Chacun alors
s'isolerait, chacun pratiquerait l'auto-défense po\n? s'affirmer, pour survi
vre, sinon pour conquérir. Nous dirons iciycependant, qu.e la recherche de la
clarté suipposB, à nos yeux, que subsiste aussi le dialogue dialectique et
qu'il peut rendre manifestes, croyons-nous, de graves divergences qu'on ne
peut gommer. Autre chose est d'admirer tel homme adhérant à tel système, au
tre chose est d'accepter ce système. Les interprétations ne peuvent-elles se
combattre et les positions s'avérer inconciliables ?

Par le dialogue dialogique, dit l'Auteur, sans se renier soi-même, sans


cesser de se dire, chacun fait confiance à l'être, à Dieu, à soi-même, et à
l'autre. On peut alors repérer des homologies. L'idée para,ît assea impor
tante pour faire l'objet d'xm paragraphe qui prolonge celui consacré au dia
logue dia,logique.

. Qp.'est-ce que l'homologie panildcarienne ? Elle n'est pas identifiable


à l'analogie (l), à la synonymie, mais elle "signifie que les notions jouent
des rôles équivalents, qu'elles occupent des places homologues à l'intérieur
de leurs systèmes respectifs. L'homologue est peut-être un genre d'analogie
existentielle fonctionnelle" (2).
(1 ) R, PANIKK/iR, La Integracion del Pensiamento, p. 2485 I-feyâ e Apocalisse,p.170,
(2) R, PANIKEAR, Œhe rules of the game, p. 35! "Homology means rather that
the notions plajr équivalent rôles, that they occupy homologous places
withim their respective Systems. Homology is perhaps a Kind of existen-
tial-functional analogy". Dans tîayâ e Apocalisse, l'Auteur dit qu'on ne
peut se limiter à un parallélisme doctrinal, pp. 158-159» ni se rencon
trer dans une ssmthèse culturelle qui serait inadéquate, pp. 139 - 141•
409

Par exemple,
- il est difficile
^ de comparer Pieu, le Père
^ avec Brahman(l)
et une comparaison entre Isvara et le Christ "peut s'avérer non seulement
dangereuse mais inadéquate" (2). Cependant, le Chrétien appelle le Christ
le Seigneur et l'Hindou appelle, lui aussi, Isvara le Seigneur, Il y a une
différence entre "Seigneur" et "Seigne\ir" mais pas une différence telle
qu'elle transcendrait toute analogie fonctionnelle ou qu'on pourrait nier a
priori le terrain commun, pas plus que niveler tout sans nuance (5).
De même Brahman est différent de Yalwé, Le contenu de l'un est diffé
rent du contenu de l'autre. L'un ne peut être la traduction de l'autre.
Les deux termes sont, en un sens, intraduisibles, mais il est en même temps
indéniable qu'ils jouent un rôle semblable dans des contextes différents(4).
L'idée de Brahman n'est pas l'idée théiste de Dieu, mis l'une et l'autre déi-
signent l'Etre, la Vérité, l'Ultime, l'Absolu (5). On aurait tort de croi
re à la synonymie ou à l'équivalence de termes utilisés dans des cultures
différentes (6) mais on peu.t observer leur homologie, soit une analogie exisr
tentielle et fonctionnelle (= de fonction)(7)»

(1) R, PAÎïIKICAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 98*


(2) E, PAHIKK/'IR, Le Christ et l'hindouisme, p. 100. L'Auteur, dans Rtatattva,
pp. 60-62, élargit les exem-ples ; alètheia n'est pas veritas,ou Warheit,
ou truth, de même qu'on ne peut traduire Brahman, sat, rta, charis,
dikaSosunè; pneitma, agape,eschaton, etc. Sur Isvara et Christ, voir
May5 e Apocalisse, pp. 351 -552. Problème identique des traductions inter
culturelles dans The Vedic Expérience, pp. 21-25.
(3) R. PAHIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p. 101, et p. I69, le Christ vi-:
vant n'est pas sor le m-ême plan que l'Isvara du Vedânta,
(4) R. PAMEEAR, The 3?ules of the game, p. 35? La loi du karma, pp. 207-208;
Indology as a cross-cultural ca,talyst, pp. 177-178; Los dioses y el
Senor, p. 31.
(5) R. PAHIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p. 144. Voir aussi Spirituali-
ta indu, p. 20,
(6) R. PAMKEAR, La loi du kaïma, pp. 207-208. Même a,vis chez .G, THILS qui,
dans Propos et problèm-es, p. 21, note qu' 'il est nécessaire 5éviter les
comparaisons superficielles, les similitudes sans significations". Voir
aussi P, PAIiLON, Pour un vrai dialogue entre chrétiens et hindous, p, 115.
(7) R» PAHIKEAR, Indology as a cross-cultural catalyst, pp. 177-178. The
Vedic Expérience, p. 24,
410

Comme l'Autevœ le signale lorsqvi'il parle de l'approche sociologigue


des religions, on ne doit pas être inquiet lorsqu'on observe des phénomènes
analogues à notre religion se retrouvant dans d'autres religions (l) pourvu
que l'ouverture dans le dieJogue dialogique, par exemple, ou que l'analyse
sociologique ne nous conduise pa^s su sjTicrétisme (2)« On peut, toutefois,
imaginer une fertilisation réciproque des religions qunnd émerge le fond de .
chacune, un fond que le langage n'est peut-être pas toujours apte à expri
mer.

Une fois repérées les présuppositions, chacun ne povirrait-il pas cher


cher le minimun qui a un sens povn? le plus de monde possible, tout en sa
chant que les mots, pris en eux-mêmes, peuvent être interprétés de façons
différentes ? Ainsi, nouvel exemple, chacun parle de salut. Pour les uns,
c'est le salut chrétien. D'autres p8J?leront de mokça, ou de libération des
aliénations dans un sens plus marxiste, ou de nirvana, mais l'expérience,
la relation et l'intuition pourraient repérer un dynamisme commun (j). De
m.ême n'j^ aurait-il pas une homologie, c'est-à-dire un rapprochement fonction
nel, entre nomos, dliarma et tao sans qu'il y ait traductibilité (4)?
L'Auteur sait que les religions paraissent souvent différentes et même
à la limite comme inconciliables. Il émet alors l'hj'pothèse qu'on pourrait
trouver ce qu'il appelle un "invariant topologique", L'hj^pothèse est que
toutes les voies humaines, malgré leur diversité, partent d'une expérience
humaine fondamentale et originelle qui se serait transformée selon des lois
restant à découvrir. Ainsi la constatation d'une homologie ou de ce qu'il
appelle aussi un "homéomorphisme" -qui représente une équivalence fonction
nelle découverte à travers une transformation topologique, soit liée au to- '
pos - entre Brahman et Dieu pourrait offrir comme un défi, pourrait ouvrir
bien des portes pourvu qu'on garde la prudence de ne jamais tirer des con- i
clusions hâtives (5). Si la vision est optimiste, si la prudence s'impose,
l'hjrpothsse ne serait-elle pas intéressante poixr chercher une convergence et
pour avancer vers la réalisation d'une communion (6),

(1) R, PiUUKKAR, Philosophy of Religion, p, 222,


(2) R. PMIKICAR, Philosophy of Religion, p, 223.
(3) R. PAIŒ<KAR, Por an Intégration of Reality, pp, 38 -39»
(4) R. PAMKEAR, Por an Intégration of Reality, p, 48»
(5) R. PAITIKKAR, The Intra-Religious Dialogue, p, XXII,
(6) R, PAMKKAR, The Întra-Eeligious Dialogue, p, XXIII,
411

Parlons un moment du problème de la relation religion-langage. Une


religion est un langage. Toute religion est complète en tant que langage
qui exprime ce qu'il peut exprimer. Elle peut évoluer aussi comme tout lan
gage peut évoluer. Elle peut être influencée comme tout langage peut être
influencé par d'autres langages. Si le langage, toutefois, n'est pas tou
jours traduisible, les religions paraissent avoir une"sphère traduisible"
parce qu'el-le pa.rtent d'tine expérience humaine originelle, elles se réfèrent
à elle, elles ont en commun, par exemple, le souci du bonheur des gens, ce
lui d'une victoire sur des obstacles, etc. Les termes par lesquels elles
s'expriment ne devraient pas être séparés du sens qu'on leur donne à partir
d'une expérience humaine totale car le mot n'est pas un simple objet mais la
cristallisation d'une expérience. Le problème linguistique, capital pour
l'étude des religions, serait pratiquement insurmontable en l'absence de cet
arrière-plan commun (l), L'homologie, si nous comprenons bien, ne serait donq
possible que moyennant cet arrière-plan comm'un, soit grâce à l'expérience
humaine fondamentale, grâce à ce que l'Au.teur appelle la "sphère traduisi
ble" des religions.

Voyons d'autres exemples. Le Chrétien dit croire au Dieu créateur, au


Christ sauveiiir et à l'Esprit Saint, Son affirmation est claire dans son lan
gage, dans sa tradition. Elle a un sens pour lui. Il ne peut se dispenser
de son credo, îîais ce credo formulé est un ensemble de phrases qui n'ont au.i-
cun sens pour l'athée. Celui-ci, en effet, dans ce qu'on appelle parfois Ife-
thâsme positif ou philosophique, part de l'affirmation de la non-existence de.
Lieu, Cette a,ffirmation est la pierre angulaire de sa vie. Dans les deux
cas, celui du Chrétien, celui de l'athée, les deux affirmations visent au
salut pour l'un et porir l'autre bien que ce salut soit autre chose pour cha-
aun. Elles sont l'indice d'un culte de la vérité. Chacun pourrait alors en
trer en dialogue dialogique avec l'autre et reconnaître qu'il peut y avoir
du vrai dans la vie de l'autre. Ainsi encore, l'un croit au Christ et l'au
tre à Krsm, Chacun est convaincu qu'il va au salut par sa foi et il peut •
arriver à incorporer le point de vue de l'autre dans la mesirre o\i il sait ce
que dit le point de vue de l'autre, même s'il ne partage pas ses présupposi
tions, Il n'y aurait pas, de part et d'autre, un abandon de la foi de départ
mais peut commencer ce que l'Auteur appelle le soliloque intra-personnel (2),

(1) E. PAÎFUCKAE, The Intra-Religious Dialogue, pp, XXIV-XXVII, Nous a,jou-


terons que le problème peut exister aussi pour les rites et les gestes.
Il y fait allusion dans The Vedic Expérience, p, 25,
(2) R, PAILTKKAR, Eaith and Relief, pp, 7-10»
412

L'homme foujcniralt alors -un effoirb entho-asiq.ste, désintéressé, audacietis^


plein de risques, pour comprendre l'autre de l'intérieur. L'Auteur parle
d'une "incarnation existentielle de lui-même et dé .l'autre, dans un autre
monde, qui inclut la prière, l'initiation, l'étude et la célébration (ou le
culte : worship), dans un esprit de foi. Il y aurait non pas une expérimen
tation mais ^me expérience (l). Distinguée de la croyance qui est plus liée
à un ensemble cultixcel, la foi se refuse à trahir le reste de l'humanité.
Elle prend le risque de sortir d'elle-même. Elle est portée par son dynamis
me, Si tu crois à Krsna,ôe crois en ta vérité, je sait que la vérité reli-
gieuse est subjective, je crois au Krsna de ta foi, je partage ton univers
• • •

vaisnava, j'ai comme une foi nue qui peut revêtir différants habits. Tu me
dis alors si je te comprends bien, je te dirai ensuite si je puis concilier
ma découverte avec ma foi au Christ, Alors, ou bien j.e cesserai d'être chré
tien parce que j'aurai trouvé plus en Krsna, ou bien je pourrai établir un
» • »

lien spécial entre le Christ et Krsna,un lien que l'un des deux partenaires,
. • • •

au moins, pourrait accepter (2), ïïne identité fonctionnelle ou une homolo-


gie pourrait être trou.vée éventuellement entre Krsna et Christ (3),
• • »

D'autres exemples sont envisagés. Celui notamment entre karma et histo


ricité, car chacun des deux termes "établit cet ingrédient temporel de l'être
humain qui transcende l'individualité" (4), On pourrait voir le principe
homologiqvie jouer pour le bouddhisme et le christianisme, car tous deux par- .
lent d'une ignorance et de la chute, d'une illumination et d'une rédemption,
de quelqu'un pour y remédier, le Bouddha et le Christ, du samsara et du

(1) Kous supposons que le terme "expérimentation" désigne une méthode scien
tifique d'observation en vue, par exemple, d'induire une hypothèse ou
une loi mais de toute façon dans une démarche qui n'engage pas la person
ne existentiellement, ce qui la distinguerait de 1,'(expérience,
(2) R, p/\HIKK/iR, Faith and Belief, pp, 12-14, Ne peut-on se demander si la
foi peut être simplement ce risque, ce dynamisme, cette "nudité" ? Nfest-
elle pas plus qu'enthousiasme, ou "saut dans l'autre" ? Est-elle seule-
m.ent effort enthousiaste ? Ne peut-on souhaiter qu'une "sym-pathie" a
priori soit prolongée par une question a posteriori ? Ne peut-on crain
dre que certains soient tentés par une "embrassade ingénue" ? Peut-on
sans risque distinguer foi et croyance ? On peut, au moins, s'interro
ger, semble-t-il,
(3) R, PANIKKAR, Faith and Belief, p, I5,
(4) Rè PANIKKAR, The rules of the game, p, 34»
415

cosmos où l'homme vit, d'me libération ou de quelqu'un qui montre le chemin»


Les deux expriment me expérience humaine universelle, celle de l'homme en
devenir, de l'homme pèlerin, partant d'une sitmtion existentielle loi et
maintenait - ce que l'Auteur appelle predicament-, visant un salut final et
cherchant des moyens pour dépasser le predicament pour monter vers sa fin (l),
Horaologie aussi entre sûnyati et plêrôma. Il y aurait ainsi des "analogies
ontologiques" (2) ou des "équivalences métaontologiques" (5)«
En résumé, par le dialogue dialogique, l'homme pourrait retrouver l'ex
périence religieuse profonde de l'humanité. Cette expérience se serait cris
tallisée dans des univers culturels différents. En eux, des termes remplis-,
sent des fonctions parallèles. S'ils ne sont pas traduisibles d'un topos à •
l'autre (christ n'est pas ÎCrsna, Logos n'est pas Isvara, sunyatâ n'est cas
pleroma, âme n'est pas atman, Yahwé n'est pas Brahman- etc.), l'expérience
religieuse et la religion, où ils se sont développés, auraient une "sphère
tradulsible , Pour repérer celle-ci, il faudrait entrer dars le monde de
l'autre, le faire mien, pour déceler les convergences possibles ou les homo—
logies et voir dans quelle mesiore l'autre peut m'enrichir ou dans quelle me—
stir? il serait actuellement compatible et incompatible avec ma foi personnel
le, a moins que je ne reste dans la foi de l'autre parce que je penserais
q^i'elle peut davantage m'enrichir.

Tout ceci, on le devine, n'est pas sans poser quelques questions. Dans
quelle mesure,par exemple, peut-on dissocier foi et: croyance, ou ce que nous
avons appelé (au chapitre 2, paragraphe 8, sur foi et logos) le "reçu" et le
"construit" ? Quand est—on sÙr qu'en relativisant un langage on ne relativi
se pas.aussi sa visée profonde ? Une théologie traditionnelle (voir le prin
cipe d'homogénéité) n'est-elle pas plus qu'un discours rationnel mais aussi
l'expression d'une expérience de personnes et de générations de personnes
dont on ne pourrait faire abstraotion sans risque profond ? N'y a-t-il pas ;
le danger, également, de mettre en question l'idée d'un "en soi" de la véri-:
té et de dire ; "peu importe ce que les choses sont en elles-mêmes, car ce qui
importe est ce qu'elles sont pour nous" ? Sans douite, la réponse à cette
dernière question serait-elle que la vérité est toujours une vérité en

(1) R, PAimCICfiR, Sunyatâ and Plêrôma, p, 79,


(2) R, PAMIŒAR, The categorsr pf growth, p. 118, comme entre Logos et Lord,
pp, 128 -129.
(3) R» PANTKKAR, The categor^r of growth, p, I54,
414

relation aveo quelqu'un, mais tout de même... ! Ou encore, la foi ne doit-


elle pas être plus qu'un élan du coeur, un sourire bienveillant dicté par
l'amour et le respect, ou une main tendue ? Si l'on peut observer des homo-
logies, réaliser des "rapprochements fonctionnels, si de tels rapprochements
pevivent être éclairants et féconds, sont-ils toujours possibles ? N'est-on
pas amené parfois, sinon souvent, à choisir et à devoir choisir ?

R. Panikkar sent que tout le monde n'est pas à même de réussir lone tellq
opération dialogique.. Il appelle à l'engagement et au. risqtie en théologie(1
il souhaite q^•le les religions osent affronter l'avenir (2), il afjScme qu'il
faut vaincre l'isolement et l'autosatisfaction (3) et que l'homme moderne
sait qu'il doit s'ouvrir au pluralisme (4). Il dit que le croyant quel qi^M
soit, ne peut, à cause de sa théologie, se séparer du reste de l'humanité(5)
et qu'il doit tenir compte de l'expérience religieuse de plus d'une reli
gion (é). Mais, en fin de compte, il reconnaît aussi que cela peut être dan
gereux, que tous n'en sont pas capables (7) et que celui qui croit perdre sa
foi ne peut s'y aventurer (s). Cependant, dirons-nous, ne po\irrait-on ajou
ter aussi que celui qui pratique le dialogue dialogique et repère les termes
homologiques va aussi, tôt oti tard, vouloir réaccéder à un logos clair, enri
chi probablement, mais clair, un logos logique si l'on peut dire, parce qu'il
n'est pas un meuble avec des tiroirs que l'on pourrait ouvrir et fermer, se
lon les heures et les situations et cela surtout s'il est un Occidental, ce
qui est un conditionnement important (et la liberté conas.te aussi à assumer
ses conditionnements) ? Peut—être pourrait—on alors penser à la pratique de
1'épochè, a une mise entre parenthèses provisoire des croyances propres pour
mieux communier à l'expériencefôndàmentale de l'auxtre î La chose ne serait-
elle pas une solution pour la rencontre ? Sans doute, il est difficile ou
dangereux^ à nos yeux^ d'isoler une expérience fondamentale et de la séparer de
ses médiations concrètes en dehors desquelles elle n'existe pas. Voyons ce
que l'Auteuj? en pense.
(1) R, P/iNII{EAR, The Bostonien Verities. p. 145.
(2) R, PANIKEAR, Philosouhy of Religion, pp. 237 - 238.
(3) R. PMIKEL/iR. !I!he oategorxrbf growth. p. II9,
(4) R» PANIKEC/iR, Le mx^the comme histoire sacrée, pp. 246-247. Le vrai, plu
ralisme ne serait pas de l'ordre du logos, il ne pourrait être accepté
idéologiquem_ent car il dépasse l'ordre conceptuel et le plan de l'idéolo
gie, présupposant la relativité radicale des constructions humaines. La
rencontre se situerait plus au niveau du "mythe" qu'à celui de la con
frontation des logoi,
R. PilNIKKAR, The rules of the game. pp. 27-28; Faith and Relief, p. 12.
R. PANIIŒAR, Philoâophy of Religion, p. 239.
17) R« PMIKKiiR, Faith and Relief, p. 12,
(8) R, PANIKKA.R, Faith and Relief, p. I4»
415

§ 6 - L'EPOCHE

Rejetant le relativisme, le minimalisme et le rédnctionnispe, l'Atiteur


est soucrietDc d'une "bonne approche des autres, sans exclusivisme, sans inclu-
sivisme, sans parallélisme. Dans cette entreprise, certains pre^tiquent une
épochè, considérant qu'il y a lieu' de mettre entre parenthèses leur propre
foi pour arriver à un dialogue fécond. Une telle attitude n'.at±ire pas
l'Auteur.

Ne serait-elle pas teintée de paternalisme, par exemple, dit-il ? J'ai


raison, j'ai ma foi, j'ai la vérité, plus qtie toi, mais tu m'intéresses, je
m'intéresse à toi, je fais taire mes convictions pour entendre et recevoir
les tiennes.respectueusement ... Notre Auteur observe que Ramakrishna et
De Nobili n'ont pas pre^tiqué 1'épochè lorsqu'ils ont essayé de pénétrer le
coeur des autres religions parce qu'ils considéraient q\ie leur religion était
assez profonde po\rc permettre l'embrassement (l).
Certes, 1*épochè peut partir d'une intention louable. Nous ne voudrions
pas, en la pratiquant, écraser l'autre de nos vérités. On tient à éviter
qu'un parti prédomine sur un autre. On pratique alors quelque chose de com
parable à un doute méthodologique. On y verrait l'avantage d'échapper au
souci apologétique ; sans abandonner ses croyances, on évite l'apologétique
au moment de la rencontre (2),
Pourtant, si louables que soient les intentions à la base de 1'épochè,
notre Auteur la rejette pour différentes raisons.

1) Elle serait, d'abord, psychologiquement impraticable. Si nous voulons,


en effet, dépasser la simple confrontation doctrinale et le dialogue

(1) R, PANIKEAR, Epochè, in the Religions Encounter, p. 41»


(2) R. PANIKICAR, The rules of the ganie, pp. 26-27. L'Auteur, au passage
au cas où les croyants, frappés de l'irréligion grandissante, se liguaient
po-ur une entreprise apologétique théiste, si le-ur attitude serait vrai-
ment religieuse. J.A, COTTAT, dans l'Introduction au livre de ZAEHîIER,
Inde, Israël, Islam, p. 20, admet une épochè, mais une épochè provisoire
car il faudra, dit-il, "rouvrir les parenthèses",
H, LE SAUX, dans La rencontre de l'hindouisme et du christianisme, p. 43»
cite HUSSERL pour lequel 1'épochè serait ""une certaine suspension du ju
gement qui se compose avec la persuasion de la vérité qui demeure iné
branlable" .
416

dialectique, dans un dialogue, nous voulons par le fait même, réaliser une
rencontre avec l'humain tout entier. Il n'est pas possible,alors, d'abstrai--
re nos convictions profondes car noiis n'aurions plus l'humain tout entier.
Par exemple, si notis croyons, comme Clirétiens, que Dieu a tout créé, cela
conditionne toute notre pensée, à moins qu'il n'y ait une rupture entre no
tre "connaissance" et notre "vie". Nous déduisons, logiquement, que tou.t
est bon -y compris la matière et le corps, comme dans la Genèse- que nous
sommes établis dans le jardin comme oollaborateiars du Jardinier , dotés d'iule
mission démitirgique, de talents à faire f3?uctifier, nous déduisons que la
vie, animale et végétale, est à respecter comme un don du Créateur, et ainsi
de suite. Pouvons-nous l'oublier pour et dans la rencontre ? Snsuite, l%,u-!
tre comprendrait-il qu.e nos affirmations sur le respect de la vie, sur le
travail, sur la procréation, sur le progrès, etc,,, émergent de notre con
viction profonde en la réalité ou au mystère de la Création (l) ?

2) L'épochè serait, en deuxième lieu, phénoménologiquement inappropriée,


La mise entre parenthèses d'une conviction profonde inhérente à notre foi
s'oppose à une description de cette foi. Comme telle, c'est une offense à
la phénoménologie. Celle-ci veut, en effet, la précision. Elle a pour but
de dévoiler les phénomènes par une description la plus objective possible.
Peut-on, autrement dit, laisser hors du dialogue ce dont le dialogue doit trai:-
ter (2) ?

5) Cette épochè serait philosophiquement défectueuse. En effet, le doute


méthodique est-il d'application lorsqu'il s'agit de vivre ses convictions
ultimes ? Ne serait-ce pas comme' une attitude suicidaire que d'adopter un
procédé pouvant montrer que nos convictions fondamentales ne seraient pas
fondamentales ? Toutefois, la mise entre parenthèses de formules, de

(1 ) H, PANIIQiAIl, Epochè, in the Religious Encounter, pp, 44-45.


H, PANIKKAR, Epochè, in the Religions Encounter, pp, 46-47» Nous rappelons
une remarque de notre paragraphe 2, La méthode phénoménologique ne s'arrête
pas à la description du "fait brut". Elle ne fait pas abstraction de la
conviction, celle d'autrui ou la mienne. Elle veut aussi faire comprendre
cette conviction car celle-ci fa,it partie de son objet. Par méthode, la.
phénoménologie peut la,isser en suspens la question de savoir si cette con
viction est fondée. Poser cette question serait sortir de la méthode phé
noménologique .
417

formulations, d'énoncés dogmatiques fixes serait autre chose que la mise


en veilleuse des convictions ultimes (l),

4) Elle est théologiquement faible, La foi, en êffet, est nécessaire pour


rencontrer l'autre sur le plan religieux, à telle enseigne qu'on ne peut
admettre une épochè qui supposerait l'inverse,, à savoir qu'on puisse ren
contrer l'autre religieusement sans la foi. Cela ne serait supportable
que si l'on a la certitude que l'autre, actuellement, ne serait pas capa
ble de nous comprendre (2),

5) Elle serait religieusement improductive. E. Panildcar suppose,ici,


qu'une telle épochè risque de détomire le sujet religieux du dialogue, de
nous laisser dialoguer en surface et non en profondeur, de mépriser l'au
tre par la supposition que je ne puis mettre carte sur table avec lui.
On pourrait aussi se demander dans quelle mestire cette mise entre paren
thèses de nos convictions, lorsque nous rencontrons l'aixtre, ne repose
rait pas sur une peur potir notre propre foi, peur de la voir vaciller,
basculer, s'étioler, s'ébranler, disparaître (3),

Nous voyons ainsi l'Auteur s'opposer à 1'épochè, alors que nous avions
émis l'hypothèse de 1'épochè au terme du paragraphe précédent. Il lui paraît
que cette méthode envisagée serait préjudiciable au dialogue religieux pro
fond, Celui-ci doit échapper ainsi a-u complexe de supériorité ou d'infério
rité, au relativisme, a,u réductionnisme, au minimadisme, au pa.ternalisme et
tout autant a la peur. Le dialogue doit nous aider à comprendre l'autre
avec notre foi et non sans elle (4),
Le professeur de Santa Barbara fait ici allusion à deux termes parti
culiers : le pistema et le noema. Le premier terme désigne le noyau de la

(1) R. PANIiaCAR, Epochè, in the Religious Encounter, pp, 47-48. Ne peut-on


ici se demander si la distinction panikkarienne établie dans cette der*»
nière phrase est évidente pour tous les croyants comme elle l'est,
croyons-nous, pour l'Auteur dans sa réflexion ?
(2) R, PAJJIKIvAR, Epochè, in the Religious Encounter, p, 48,
(5) R, PAMiaCAR, Epochè, in the Religious Encounter, pp, 48-50,
(4) Il ne faut pas mettre notre foi catholique entre parenthèses, mais l's.p-
profondir^ dit l'Auteur dans Eeligione e religioni, p, 21| voir a^^ssi
Ihe Trinity and the Religious Expérience, pp, 1-2,
418

religion intelligible par une phénoménologie réellement religieuse. Le phé


nomène observable d'une religionj le phenomenon, n'épuise pas la totalité de
la réalité religieuse. La phénoménologie de la religion n'atteint donc pas
le fond de la relfeion par une description du phenomenon brut. Il faudrait
donc que la phénoménologie de la religion soit une phénoménologie religieuse
parce que 'la croyance du croyant appartient essentiellement au phénomène ré-
ligieus" (l). Ce qu'il appelle noema serait ce qui apparaît en fonction de
l'interprétant extérieur. Le noema d'un sceptique étudiant la religion né
rejoindrait donc pas le pistema d'un croyant et rejoindre le pistema d'un
croyant présente une grande difficulté autant, cependant'qû'.un caractère
d'urgence (2), On voit pourquoi l'Auteur aborde ici cette terminologie par
ce que, si nous comprenons bien 1'épochè ou la mise entre parenthèses de
nos convictions profondes, dans la rencontre avec l'autre, et la même prati
que par 1'autre à notre égard, nous amènerait à repérer le noema mais non
le pistema (3).
La perception du pistema par l'un et l'autre des partenaires, engagés
dans le dialogue dialogique pratiqué sans épochè, peut entraîner l'un ou
l'autre, voire les deux, à changer leurs propres idées par la découverte de
nouvelles racines religieuses profondes. Le professeur de Santa Barbara
suggère la possibilité d'une mort et d'une résurrection.

Le Christ poxirrait mourir dans l'hindouisme pour y ressusciter (4)»


Le christianisme et l'hindouisme pourraient se rencontrer dans la mort, dans
le renoncement a soi, qxii n'est pas 1'épochè, dans l'acceptation d'une vie
nouvelle (5)« L'hindouisme ne possède—t—il pas un dynamisme interne qui
"le conduit vers ce passage particulier par la mort et la résurrection où
nous décelons l'oeuvre de son antaryamin" (6) ? Fe faut-il pas sacrifier

(1) R, PAJïIEEAR,. Epochè, in the Eeligious Enoounter, p, 51»


(2) R, PAIUKKAR, Epochè, in the Religpus Encounter, p, 51»
(3) Ceci n'est pas sans poser quelque problème, nous semble-t-il. Pour ex
primer simplement la question que nous nous posons à ce moment du dis
cours panikkarien, nous nous demandons faut être un Musulman pour
parler des Musulmans, ou une ferarne po\3r parler les femmes, ou un crimi
nel pour parler des criminels,
(4) R» PAIîIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 41»
(5) PAMKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 42,
(6) R, PAMKKAR, Le Christ et l'hindouisme, pp. 90-91»
419

sa propre vie peur atteindre me compréhension mutuelle et une fécondation


réciproque (1) ? Chacm ne doit-il pas naître à nouveau (2) ? Le prix de
la catholicité n'implique-t-il pas la kenosis, c'est-à-dire le fait de se vi
der soi-même de chaque forme particulière qu'elle serait tentée d'identifier
avec sa nature ? La foi demande à l'homme de mourir à lui-même et de ressus-^
citer à la vie (4) "i II faut toujours être disponible à la conversion, à
mourir dans sa foi en la transformant (5)« La croissance en religion, comme-
dans l'adolescence, n'exclut donc pas la révolution interne et externe, elle
ne dénie pas le processus de mort et de résurrection, au contraire (6).
lous percevons en tout ceci te fruit d'me option philosophique et religieuse
personnelle à R, Panikkar et qu'il décide de mettre en oeuvre.

Au refus de l'épochè^ vient se greffer le thème de la port mystique et


de la résurrection dans et par la rencontre. Cela suppose qu'me religion
n'est jamais à son terme et que tout homme est inachevé, tel m pèlerin en
marche vers autre chose, Nous touchons, en cela, m autre thème cher à
R, Panikl<ar, l'homme se sait non-fini, non définitif, non-absolu, non Lieu,
d'où la logique d'une ouverture qui est plus qu'une"capacité de l'intelligenr
ce comme faculté de l'infini".mais un fait d'expérience existentielle qui
impliqvie une reconneùssance d'indigence et une capacité illimitée de crois
sance (7)» Le Chrétien est responsable et pèlerin (S), Toute l'Inde admet
que ce monde n'est pas définiùf^ qu'il n'est pas maintenant la réalité ulti
me, c'est un dénominateur commun élémentaire et préalable à toute recherche
philosophique, à toute activité intellectuelle et spirituelle et ce préala
ble apparaît comme le firuit, tout autant, d'une vie spirituelle (9). En quel
que sorte, toute religion est inachevée (IO), comme tous les humains sont mi

(1) R, PAJHIQCAR, Philosophy as Life-Style, p, 201,


(2) R,. PiULEIŒAR, Métathéologie ou théologie diacritique, p, 48*
(5) R» PANIKKAR, The Hindu Ecclesial Consciousness, p, 205.
(4) R. PANIKKAR, Faith and Belief, p, 20,
(5) R., PANIKKAR, The category of growth, p, 125, Il parle de "vocation ké-
notique", p., 126, qui suppose 1' abandon de toute prétention sans quoi
notis ne répondons pas à notre mission,
(6) R, PANIKKAR, The category of gro^rth, p, I59,
(7) R» PANIKKAR, L'homme qui devient Lieu, pp, 55-56.
(o) R, PANIiaiAR, Le Clirist et l'hindouisme, p, 70.
(9) R. PANIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p. 129,
(10) R» PAiNIKKAR, Las erste Bild des Buddha, p, 378.
420

voie de devenir quelqvie chose qu'ils ne sont pas encore (l). Il faut faire
face au défi de conversion, rester sans cesse ouvert à la réalité, avoir foi
dans le passé et dans le présent, et demeurer pèlerin sur un chemin encore
vierge et nouveau pour nous (2), Le fait de notre inachèvement apparaît com
me line évidence qu'il n'est même pas besoin de démontrer (5).
Au te3mie de ce paragraphe, nor.s aurions plusieurs points à souligner,

1. L'épochè, bien que pouvant venir d'une intention louable de la part de


certains qui s'engagent dans le dialogue, ne peut être retenue, de l'avis
du professeur de Santa Barbara, pour àes raisons psychologiques, phénomé
nologiques, philosophiques, théologiques et religieuses.

2, Il faut rejoindre la foi de l'autre telle qu'il la vit et la sent, à


partir de son intentionnalité à lui, pour rejoindre non seulement le noema
mais aussi le pistema,

5. Chacun des partenaires peut être amené à un processus de- mort et de ré


surrection, de mort à soi et de résurrection par l'autre. C'est la loi
de la croissance,

4, Ces évidences naissent de l'expérience de nos limites, de notre inachè


vement, de notre pèlerinage, réalisée non seulement dans un syllogisme
intellectuel mais dans la vie spirituelle elle-même et dans la confiance
en l'autre,

lîous voiidrions alors poser quelques questions,

1, Ne peut-on admettre une épochè qui serait une certaine suspension du


jugement qui se compose avec la persuasion de la vérité qui depeure iné
branlable ? Ne poTorrait-il s'agir moins d'une mise entre parenthèses tel-t
le que l'Auteur la refuse que d'une suspension de jugement à partir de no-r
tre vérité tout en croyant que notre vérité est véritéî

2, La phénoménologie ne doit pas, croyons-nous, faire abstraction de nos


convictions ni de celles de l'autre. Elle décrit le "fait brut" mais la
description de la conviction des partenaires n'est-elle pas aussi son
objet, tout en refusant de sortir de la méthode phénoménologique, ce qui ie
présenterait si on vovilait établir que telle conviction est fondée, et,

(1) E, PANIKKAE, Have .'Relig4gns,' the moyopoly on Reli^ton^?, p, 515«


(2) R, PANIIŒAR, The j^es of the game, p, 27»
(5) R» PANIKKAR, SÛnyata and Plerôma, p, 88,
421

éventuellement, plus que celle de l'autre ? Il y aurait suspension de ju


gement non de la conviction»

3» Peut-on distinguer nos convictions ultimes et les cristallisations.dog^-


matiques qui les expriment, comme si celles-ci n^étaient à la limite qu'un
patrimoine culturel ? Ces convictions peuvent-elles être coupées de leur
cristallisation, comme s'il j avait la vie d'un côté et la pensée de l'au
tre, pareilles à deux tiroirs sans communication ?

4» L'ëpochè ou mise entre parenthèses provisoire n'est-elle pas tout de


même nécessaire du point de vue de l'histoire des religions et de la philoso
phie de la religion comme à l'intérieur de la phénoménologie ? Ne faut-il
pas y recouiir .pour aborder la.typologie, c'est-à-dire la science de l'élabo
ration des types facilitant l'analyse de la réalité religietise complexe et
permettant des classifications ? Une question importante est donc posée
tant par, ce que nous avons entendu sur le dialogue dialogique que sur la "non-
épochè" : l'option personnelle et existentielle de l'Auteur est-elle compa
tible avec, par exemple, le travail de M, Eliade ? Des deux côtés, certes,
il y aurait utilisation des mêmes matériaux, désir d'interpréter les mythes,
intérêt pour l'histoire des religions, mais on émettrait l'hypothèse que du
côté d'Eliade on aurait \3ne recherche n'ayant pas le soucri d'exprimer l'exisr
tence propre de son auteur tandis que R, Panikkar s'impliquerait davantage, •
se sentirait concerné par son dire, prendrait un risque pour sa personne et
poserait un acte religieux. Cela le pousserait à voir plus la phénoménologip
422

coiîime décrivant le phénomène tandis que lui refuserait toute dichotomie per
sonnelle dans î'ihveBt'i^ticai ).

(l) H,G, COWAIÏÏ), dans Panikkar's approaoh to interreligious. dialogue, distin


gue récemment chez notre Auteur quatre présuppositions i 1) le dialogue
entre les religions est aujourd'hui un impératif humain et religieux^
2) intellectuellement, aucune religion ne peut se vanter d'avoir déchif
fré pleinement le m.ystère de l'homme et de Dieu; 5) la liberté de pen
sée pour la recherche de la vérité doit être accordée à toutes les par
ties engagées dans le dialogue; et 4) les religions institutionnalisées
sont des structures sociologiques liées aux cuiltures et ne devraient pas
être confondues avec le niveau plus profond distinct de la "forme" de
l'expérience religieuse (p, I84). COWAED admet les trois premières maiq
émet les mêmes réserves que nous quant à la quatrième. Il voit aussi
trois principes panikkariens, soit I) qu'un véritable dialogue exige une
ouverture intellectuelle sans biais ni préjugés; 2) qulUfaut une grande
loyauté vis-àr-vis de sa propre religion, et 3) q'tJ-e le Christ est le ter
rain commun de rencontre ou le point de rencontre dans le dialogue inter
religieux, Il émet des réserves quant à la distinction entre les intuir
tiens sous-jacentes et leur cristallisation. Son désaccord est complet
quant à l'approche du Christ, mais nous pensons personnellement que sa
critique reste bloquée par des expressions panikkariennes, pas toujours
claires peut-être, mais qu'elle ne tient pas compte de tous les écrits
ni de toutes les affirmations du professeur de Santa Barbara dont il fut
question dans notre chapitre 3. COWAKD, enfin, parle des démarches prar*
tiques suivantes : 1) aucun dialogue inter-religieux ne peut porter du
fruit à moins d'être précédé par un dialogue intra-religieux entre les
partenaires; 2) le dialogue exige que ceux-ci aient quelque compréhen
sion des formes culturelles de l'autre et 3) il faut confiance mutuelle
et profonde honnêteté, p, 18é, Cet Auiteur nous semble insister trop sur
l'antériorité du dialogue intra-religieux sur le dialogue inter-religieux
où PANIKICAR paraît plus nuancé.
423

§ T - Là VISION PàNIKK/iRIEIWE DE L'HINDOUISÎÎE

Nous venons d'entendre l'Auteur reftiser la mise entre parenthèses des


croyances fondamentales dans la rencontre des religions, soit refuser l^poçhè.
Nous avons perçu qu'il s'agit de rejoindre le pistema et pas seulement le
Boema de cliaque croyant et qu'il faut courir le risque d'une mort pour une
résurrection. Cela étant, il semble donc utile et nécessaire de découvrir à
travers R, Panilckar, ce que serait l'hindouisme,

11 n'est pas question de proposer ici un exposé complet, Suir l'univers


hindou, nous disposons d'excellents travaux (l),
(1) On peut conseiller, par exemple, J, GONDA, Les religions de l'Inde, 1,
Védisme et Hindouisme ancien, Payot, Paris, 1962; L. EENOU, L'hindouisme,
Que sais-.je ? Presses universitaires de France, Paris, I966; M. BIARDEAU,
Clefs pour la pensée hindoue, Seghers, Paris, 1972; R.G. ZAEITNER, L'Hin
douisme, D. de BROmffiR, Paris, 1974l et Inde, Israël, Islam, Religions
mystiques.et révélations prophétiques, Desclée de Brouwer, Paris, I965,
J, HHIRBERg^lxd.tMaMté hindottg^ Albin Eichel^ Rarisv 19-72'îM,Qai'GÏÏIlffilR-, * .
Introduotion- à 1''hindouisme,, Crante, Paris, 1958; R, DE SMET, J, NEUNER,
La quête de l'Etemel, Desclée de Brouwer, Paris, I967, ou le dictionnai
re Hinduism. Routlage and Kegan Paul, London and Henley, I977, A titre
d'information, nous proposons le résumé de ce qui caractérise la pensée
hindoue pour M, DHAV/GICNY, dans L'hindouisme moderne^ pp. 94-96 soit :
1) "un intérêt universel et premier pour ce qui a valeur d'éternité,
pour la vie de l'esprit sous ses multiples aspects" avec toujoiirs la re
cherche d'un motif spirituel, la recherche religieuse et un souci d'expé
rience du divin, 2) l'attachement au sanatana dharma, à cette histoire cy^
clique où l'homme est appelé à vivre parfaitement pour finalement se fon-r
dre dans l'Absolu; 3) l'introspection, le souci de la vie intérieure, la
religion étant surtout, par conséquent, l'expérience intime du divin;
4)l'hbceptation de l'autorité de la sruti pourvu qu'elle s'enrichisse de
l'auto—experience, de l'amour et de la dévotion; 5) le culte de la paix
intérieure et durable, débouchant du reste sur une grande tolérance en
matière religieuse; 6) une attitude synthétique, ^Religion et philoso
phie, connaissance et conduite, intuition et raison, homme et nature.
Dieu et homme, apparence et réalité, tout cela est harmonisé qDar la ten
dance synthétisante de la mentalité hindoue", p. 96. R, PANIKECAR, .dans
Ifeya e Apocalisse donne lui—même une abondante bibliographie sur l'hin
douisme en général (pp. 365-368), sur l'hindouisme moderne (pp. 369 - 570),
sur la philosophie indienne {pp. 370-371), sur hindouisme-christianisme
(372-373), sur la mentalité indienne (p, 379),
424

Nous nous poserons une question simple : pour R, Panikkar, qui pratique la
double obédience - chrétienne et hindoue - selon le mot déjà cité de
M. Nédoncelle, globalement, qu'est-ce que l'hindouisme ?

D'abord, il lui apparaît non pas comme"und'religion ou un ensemble mo


nolithique et facile à décrire de par sa cohérence apparente, mais plutSt
comme un ensemble de traditions religieuses. Peut-on même lui donner un
nom, comme le font les Chrétiens et les Musulmans, tellement les formes sont
multiples ? L' 'Hindouisme" -utilisons tout de même le mot pour la commodi
té du discours- apparaît comme un ensemble souple, flexible, capable d'as
similer des données diverses comme une abeille fait du miel après avoir buti
né sur des fleurs multiples, capable d'évoluer sans cesse, depuis la nuit
des temps, où aucun nom de fondateur, du reste, ne peut être retenu (l).
Comme tel, il ne se présente pas avec un canon doctrinal, avec un cre-
<40 bien déterminé. Il n'a pas une obsession de l'orthodoxie, pas plus, cor
rélativement, qti'une peur de l'hétérodoxie. Il ne possède pas, non plus,
une autorité ou une ins-fâtùtion bien structurée qui se porterait garante de
l'orthodoxie comme dans l'Eglise catholique. Pas de Vatican, pas de conci
les, pas de listes de "livres à l'index", pas d'Inquisition, pas d'encycli
ques, pas de définitions de fide, pas d'anathèmes, pas de catéchismes avec
imprimatur, si l'on veut. L'hindouisme, bien incorporé à la vie du peuple,
aurait sa force dans sa diversité même, dans une multiplicité étonnante
d'inspirations, de traditions, de sectes, de maîtres spirituels, de commu
nautés, d'ashrams, de mystiques, sans lien formel (2),

(1) R, PANIKKAR, The Hindu Ecclesial Consciousness, p. 2005 îfeyâ e Apocalis-


se, pp. 4-55 Los dioses y el Seiior, pp. 67-68; Spirltualità indu, pp.g,
"IJj 59» 144; Etatattva, p. 8 et, p., 9, le iiot "hindouisme" ne serait pas
dans "l'hindouisme". Même vision des choses chez J.C, ÎÎANALEL, Editorial
de Jeevadhara, n® 49, p. 5; voir aussi Cardinal P. ÎÎARELLA, Avant-propos,
dans Pour un dialogue, p, 5; C,B, PAPALI, Tédisme et hindouisme classi-
que, pp, 8-9; M, DHAYAMONY, L'hindouisme moderne, p. 69; P. PALLON, 1
Pour un vrai dialogue entre chrétiens et hindous, pp, 115 et 118;
V, A, DEVASENAPATHI, L'hindouisme et les autres religions, pp, I67-I75.
(2) R, PANHaOR, The Hindu Ecclesial Consciousness, p, 201, Voir aussi
E, GATHIER, La pensée hindoue, pp, 10 et IO5 et R, C. ZAEHNER, Inde,
Israël, Islam, p, 22, où il est dit que chez l'Hindou, à nos yeux,
"l'absence de précision dans la croyance religieuse constitue une fai
blesse".
425

L'Hindou n'aurait pas la.consoience de faire partie d'un groupe au mê


me sens que le Msulman ou qu'un Chrétien : catholique, orthodoxe, anglican,
protestant ou autre. Il se sentirait simplement lié par un héritage reliiw
gieux qui est celui de l'Inde, historiquement et géographiquement, lié par
— "X* "H*
un sanatana dharma , par la "sruti et la smrti, par une réalité multisécu-
laire, voire sans commencement. Il démontrerait, par la STrrvivance du
sanatana dharma à travers les millénaires, malgré la mviltiplioité des groti-
pes et des tendances, qu'xmo "religion" est pensable sans une organisation
*
eoclésiastique rigide. Ce qui unit, c'est l'Esprit , c'est.l'acte de foi,
c'est le culte concret, c'est la religiosité quotidienne, c'est la recher
che. constante du noyau intérieur de l'être. Par voie de conséquence, 1 Hindou
apprênd aux croyants "pris" dans des institutions - comme "institutionnés" -
qu'on se doit d'accorder confiance et à l'Esprit et au peuple (1) et qu'il
n'est pas nécessaire, pour survisrre, de se "confier" à une institution bien
structurée, rassurante, pensa,nt à.la place de chacuîi, préméditant l'existen-?
ce de tous. Toutefois, il faut l'ajouter, l'Inde est aussi atta.chée, simtiln
tanément, à tine hiérarchie (2) mais dont la guldance ne dispense pas chacun '
de cheminement personnel, surtout depuis la réaction upanisadique dont nous
avons parlé,

Pour R, Panilckar, cet ensemble plus ou moins informel qu'on appelle


1' "hindouisme", qui fait partie du plan de la Providence (3), est un mode
de vie qui mène au mysticisme, qui conduit l'homme de l'Inde vers sa fin,
vers son accomplissement, vers son salut, vers la moksa et cela en suivant
le dharma hindou (4)» Sa complexité le rend également ouvert et tolérant,
L'Hindou respecte les autres religions qui sont ses soeurs et qui sont bon-^
nés dans la mesure où, elles qussi, conduisent l'homme vers sa perfection,
tout en croyant, lui, que sa religion est supérieure dans ses conceptions
théologiques et dans son expérience mystique. Le néo-hindouisme récent a,ccep-
tera,it aussi un certain syncrétisme si les autres religions en faisaient de,
même. Il supporterait une sorte de religion, sans contenu bien défini, te
nant compte de l'aspiration fondamentale de tous les hommes à marcher vers
la perfection, vers la plénitude, vers la béatittxde. On se rencontrerait dans
l'Absolu au terme du pèlerinage. On dirait alors volontiers -ou bien- que nous

(1 ) R, PiHTIKEAR, The Eindu Bcclesial Conscioxisness, pp. 201 -204; Algunos


aspeotos fenomenologicos de la, espiritualidad hindu actual, pp, 25-49,
(2) R, PAHIIŒAR, Lettre sur l'Inde, p, 315 Ilâyâ e Apocalisse, p, 212,
(3) a. PAHIKIC/\R, Lettre sur l'Inde, p. 82,
(4) R. PANUQCAR, Le Clirist et l'hindouisme, p, 34»
426

sacrifions nos différences, nos idées, nos conceptions et nos pratiques pour
nous laisser prendre par le silence, par l'amour, par la recherche de la vé
rité, par l'être, pour nous retrouver dans la soxirce (l)*
De toute façon, l'aspect non-dogmatique de l'hindouisme apparaît clai
rement (2), Il ne se sent pas moins comme une religion où l'Absolu est pré
sent, et donc comme une religion surnaturelle. Il ne pourrait admettre, en
aucun cas, d'être considéré comme étant "sans-Dieu" ou dans l'erreur aussi
longtemps qu'il n'aurait pas rencontré un Chrétien (5) car si Dieu est, au?-
cune société humaine ne peut être a-religieuse, indépendante ou sans lien
avec lui (4),
Face au christianisme-religion, qui repose sur des mandatés, sur des
"prophètes", sur des personnes considérées comme porteuses d'une parole ve
nue d'gAlleurs, prononcée par un "Très-Haut", fidèlement proclamée en litur
gie et transmise institutionnellement, l'hindouisme se présenterait aussi
conme marqué davantage par l'immanence que par la transcendance. Peut-on,
dirait-il, chercher Dieu en dehors sans trahir le Dieu intérieur (5) ? On
cherche l'Un, on cherche l'identité Brahman-atman, l'imEianence, l'unité, la
profondeur (6), tandis que le point de vue biblique serait pltis tourné vers
la transcendance, vers la différence entre le divin,et l'humain et vers la
recherche d'une vérité "descendue", IVIais Brahman n'est pas Yahwé, L'Inde
se passionne alors sur 1'oméga, sur l'homme parvenant à son but, sur Dieu,
sur l'être, sur le "tout en tant que tout", sur l'Un connu en tant que mul
tiple, car "le tout est toujours là" (7), On ne marcherait pas vers m îout-
Autre qui serait au-dessus d'une montagne dont on fait lentement l'ascensiori,
mais on chercherait plutôt à abattre aujourd'huii les obstacles qui nous

(1) R, PAUIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, pp, 56—L'hindouisme consi—


déreralt facilement que toute relgLcîn est bonne dans la mesure où elle
conduit vers la perfection, dit l'Auteur dans l'Sya e Apocalisse,
p. 144.
(2) R, PMIIQCAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 45*
(5) R. PATIIKIIAR, Le Christ et l'hindo-uisme,pp, 62-70,
(4) R. PAÏTHŒAR, Le Christ et l'hindouisme, p, I06,
(5) R. PAUIKKIiR, Le Christ et l'hindoviisme, p, 151» Nous renvoyons ici.aus
fondements métaphysiques sous-jacents expliqués antérieurement. Qu'on
se rappelle, notamment, la parabole de la cruche cassée,
(6) R, PANIIQCAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 143»
(7) R, PAtTIKKAR, Le mystère du culte, pp, 30 - 5'1 •
4^7

empêchent maintenant de réaliser l'être (l), de recomposer le corps morcelé


qui est le monde (2), de réaliser"son soi" (3). C'est aujourd'hui que l'homr
me, auteur du temps , peut "coopérer au retour des choses", poser "l'action
théandrique où l'homme et la divinité s'emploient ensemble à continuer le
monde, à rapprocher effectivement le mésocosme de l'univers divin, où mieux^
à le transformer en lui", se libérer du temps (4) et "s'insérer entièrement
dans la réalité définitive"(5).
Dans cette ligne, par exemple, la prière nous aide à nous réaliser.
Plus qu'une demande, ou qu'une liturgie pénitentielle, que la proclamation
d'\me foi ou d'une espérance, elle"révèle réellement ce qui était déjà pré
sent" (6). "Le processus va de la foi à la vision, cette dernière étant
actualisation. Dès que l'on voit, en est déjà ce qu'on contemple. L'intui
tion met un terme à la séparation sujet-objet... Voit-on la vérité ? On est
la vérité. Arrivé là, on n'a plus rien à 'être', plus rien à attendre.
On a atteint le salut par la prière" (7).
L'Inde-veut donc faire confiance à l'être. Si la vie a un sens, ce
sens serait là, tout simplement là, même si nous ne le connaissons pas, car
l'être existe sans la connaissance qu'on en a,= L'Inde a "son attitude fon-r
cièrement religieuse de repos dans le Fondement" (s). C'est-tout l'univers
qui est ainsi, pour l'hindouisme, une structure sacramentelle. C'est tout ^
l'univers qui a une constitution christophanique. C'est tout être contin
gent qui est une christophanie (9)« C'est à travers tout être concret que
le Logos se donne et se fait chair (10).
Cela suppose un profond sens du sacré (II) et un attachement au silen
ce. N'est-il pas "la:dernière ébape qui précède l'union à Dieu" (12) ?

(1) R. PANIKKAR, Le mystère du culte, p. 32.


(2) R. PANIKEAR, Le mystère du culte, p, 34.
(5) R, PlNIiaCâR, Le mystère du culte, p, 36,
(4) R. PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 51.
(5) R. PAiHIŒAR, Le mystère du culte, p, 52,
(6) R. PANIKKAR, Le mystère du culte, p, 96.
(7) R. PANIKKAR,. Le mystère du culte, pp. 96-97,

(8) R, PANIKKAR, Sur l'herméneutique de la tradition. p. 345»


(9) R. PANIKKffR, Sur l'herméneutique de la tradition, p. 559.
(10) R. PANIKKAR, Sur l'herméneutique de la tradition. p. 558.
(11) R. PANIKKAR, Lettre sur l'Inde, p. 5I,
(1-2) R. PANIKKAR, Lettre sur l'Inde, p, 19.
428

L'Hindou tient donc à échapper à la "perte de l'intériorité" ou à "la dispa


rition de l'intimité" (l). Sa recherche de la vérité suppose une complémen
tarité entre la raison* et la contemplation, tout en sachant qu'il y a'hne
intuition supérieure à la connaissance rationnelle" et qu'on peut aller plus
loin que la raison pour déboucher sur la religion, c'est-à-dire sur la con
naissance et la pratique des moyens qui conduisent au honlieur, à la libéra
tion et au salut (2), L'espace sacré extérieur et intérieur, le cadrae, la
paix et la tranquillité constituent donc des valeurs religieuses importan-^
tes (5), Le silence "n'est pas un vide sans bruit" (4) mais avec la prière,
un moyen de cultiver la présence de Lieu et de vivre dans un intuitus simple
qu'on ne peut toujours dire ou expliquer mais qui redimentionne la vie (5).
La foi de l'Hindou, "condition de l'amour", entretenant la conscience de
la présence de Dieu, empêche l'existence d'être mutilée comme elle le serait,
sans Dieu (6), Cette foi "n'est pas un luxe, mais une dimension anthronolo—
gique, annexe à la plénitude de l'être humain sur terre" (7). Relation on
tologique avec l'Absolu aujourd'htii, elle n'est pas non plus quelque chose
que l'on perd, La conversion ne consiste pas à trouver quelque chose qu'on
n'a pas ou à reconquérir quelque chose qu'on aurait perdu, comme une réalité
étrangère ou devenue telle, mais elle apparaît davantage comme "un retour à
1'intérierité qui nous permet de découvrir ce en quoi on croyait déjà d'une
façon inadéquate ou inconsciente"(s). La foi n'a qu'un objet, car il n'y
a.qu'un Absolu, qui est le terme ultime de 1'intentionnalité ontologique de
l'acte de foi (9) et comme telle, elle vient informer ±ovi±e la vie, elle

(1) E, PAHIIffiAR, Lettre siu? l'Inde, p, 56,


(2) R» PAHIKEAR, Lettre sur l'Inde, pp. 60 - 6l,
(5) PAHIKKAR, Pas erste Bild des Euddlaa, p, 574«
(4) R* PAÏÏIKEAR, Vâo in the sruti, p, 6,
(5) R. PAHIEKAR, La presenza di Dio, pp. 37-58,
(6) R, PANHvKAR, L'homme qui devient Dieu, p, 15,
(7) R» PAHIKKAR, L'homme qui devient Dieu, p. 18,
(8) R, PANIKEAR, L'homme qui devient Dieu, p, 26,
(9) R» PAHIKKAR, L'homme qui devient Dieu, p, 36,
429

vient modeler l'existence, elle vient régir le destin de l'homme (l).


N'étant pas adhésion purement cérébrale à une doctrine, n'étant pas non
plus un simple comportement qui ne sera,it pas porteur de sens, la foi hin
doue, qui entretient la conscience de l'imité de l'être ne souffre pas comme
l'Occident, d'une dichotomie entre la théologie, la liturgie et la piété (2),
Insistant sur l'adhésion libre et consciente de la personne (5) et sur le
culte comme démarche de convergence non imposée mais voulue -qu'on se rap-
y y
pelle l'hétéronomie , l'autonomie et l'ontonomie - la foi perçoit la reli
gion comme liberté (4) et l'Hindou, en elle, s'attache au Seigneur qui vit
dans le coeur de ceux qui. l'aiment (5).
En résumé, sans décrire l'hindouisme complètement et en détail comme
dans un ouvrage spécialisé, sans reprendre non plus le point de vue hindou
sur chaque problèm.e abordé, nous venons de "sentir" -si l'on nous permet le
mot— ce qu'est l'hindouisme pour H, Panikkar ou d'en avoir un aperçu global,

1) C'est d'abord moins un tout monolithique qu'un ensemble de mouvements


religieux sans lien formel, ni assimilation dans une institution unifiée
bien qu'il y ait en lui une hiérarchie et des traditions.

2) Il ne se présente pas comme un système doctrinal déterminé, garanti et


contrôlé par un magistère, mais coirnie une façon indienne d'être religieux,
liée § l'héritage de l'Inde, lequel est cristallisé dans la sruti, dans la
tradition vivante et notamment dans des mythes,
3) L'hindouisme est aussi un ensemble complexe qui a pour finalité avou.ée
de conduire l'homme vers sa plénitude et qui, dès lors, est tolérant pour
toute religion authentique qui poursuivrait le même but,

(1) R, PANIKICAR, L'homme qui devient Dieu, p, 39. La religion hindoue ne


peut être comprise, dès lors, si l'on ne tient pas compte de son caractè
re existentiel, comme l'Auteur l'observe dans Spiritualité indu, pp.19-20,
" ^ ' 1 - -- --
Plus qu'une doctrine, l'hindouisme est une orthopraxie ou "une action
existentielle et ontiquement dharmique" (p,20). Ce qui compte est l'acte
de foi plus que la formultion de ce à quoi on croit, soit 'tua acte de notre
être nu et supranatoxrel qui se lance vers le transcendant en raison d'une
mystérieuse attraction". Voir aussi Las Brahman der ïïpa.n.T!jiMen,p];^ ,182-188,
(2) R, PANIKKAR, Le mystère du culte, p,202. D'où l'insistance sur jnana"'^
bhakti * et karma *,

(3) R. PAtŒŒAR, Herméneutique de la liberté de la religion, pp. 72-73,


(4) R. PANIKKàlR, Herméneutique de la liberté de la religion, p, 57.
(5) R« PANIKKAR, Le mystère du cvilte, p, 203,
450

4) Religion snmattœellej l'hindouisme est conscient de la présence de


Dieu et tend même à insister plus sur la présence ipaanente que sur la
transcendance. Il se centre sur la découverte, ici et maintenant, de l'u
nité de l'être.

5) Tout être est donc perçu, en lui, comme sacramentel et christophanique,


mais cette conscientisation et cette vision cosmothéandrique s'entretien
nent et se développent dans le sileîice, la prière, la méditation, l'intui
tion, la dévotion, la lecture des Ecritures et le culte.

Si l'hindouisme est perçu de la sorte par l'Auteuir,,nous comprenons


combien il souhaite le convergence et le dialogue entre les religions après
des périodes d'isolement et d'ignorance, d'indifférence et de mépris, de
condamnation et de conquête, de coexistence plus pacifique et de communica-
bilatérale (1), Nous comprenons qu'il considère cette convergence et cette
rencontre comme inévitables, importantes, urgentes, dérangeantes peut-être,
nais aussi purifiantes(2). Nous comprenons qu'il puisse lui-même être à la
foi chrétien et hindou (3) et qu'il parle d'un dialogue intra-religieux et
pas seulement inter-religigieux (4). Nous comprenons son résumé autobiogra
phique (5) et son point de vue sur le Christ qui libère de toute religion au
sens restreint du mot (6), "Je suis parti comme un chrétien, dit-il, je me
suis trouvé moi-même comme un hindou et je iJeviens comme un bouddhiste, sans
avoir cessé d'être chrétien® (7).
L'Auteuir sait que l'hindouisme, par rapport au christianisme, a la pri-r
orité dans le temps mais ajoute ainsi qu'il est "le point de départ d'une
religion qui atteint son sommet dans le christianisme" par une mort et une
résuixcection» Il devra subir des transformations, il ne sera plus ce qu'il

(1) R, PANIKKAR, Un mythe naissant, pp. 10-12,


(2) R, PANIEEAR, Un mythe naissant, pp. 13-14»
(3) R» PANIKKAR, The Bostonian Yerities, p. I50,
(4) R» PANIKKAR, Philosophy as life-Style, p. 201 et Epoohè, in the Religions
Encounter, p. 40, etc.
(5) R. PANIKKAR, Paith and Relief, pp. 5-6.
(6) R. PANIKKAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p. 84.
(7) R. PANIKKAR, Paith and Belief, p. 2.
431

est mais "il deviendra xmeforae supérieure d*Hindouisme" (l) ou, connue il
le dit ailleurs; "L'hindouisme est le point de départ qui culmine dans le
christianisme" (2),

En conclusion, nous pourrions prolonger les lignes qui précèdent en di


sant que, au fond, cette façon d'être religieux particulière à l'Inde et
qu'on appelle l'hindouisme éclaire pratiquement l'ensemble de la pensée pa-
nildcarienne et il paraît important de le dire» Il faut noter que ses appro
ches ou ses perspectives résultent souvent de son option personnelle et de
son cheminement propre.

Le moment est venu, maintenant, de nous poser une nouvelle question et


de faire, à nouveau, un pas en avant dans notre recherche svir la pensée du
professeur de Santa Barbara, Si nous savons ce qu'il nous a dit de la re
ligion, du dialogue dialogique, de l'homologie, de l'époohè et de 1' "hin
douisme", gae devient l'Eglise ?

(1) R. PMIKI^AR, Hindotiisme et christianisme, pp, 7-8, G, THILS, dans


Propos et problèmes, p, 173> ajouterait qu'admettre le salut dans et par
les autres religions ne porte pas atteinte à la thèse chrétienne de
1' 'hbsoluité" du Christ,
(2) E, PMIKKAR, îCyâ e Apocalisse, p, 235*
432

§ 8 - QU'EST-CE QUE L'EGLISE ?

Notre propQs n'est pas d'élaUcrer m traité d'ecclésiologie mais de


voir oe que R, Panikkar pense du sujet, dans sa perspective personnelle et
universaliste.

Ce qui gène les Hindous, dit-il, à propos de l'Evangile, oe n'est pas


sa pensée morale ni même certains de ses dogmes mais le fait que l'Evangile
soit continué et interprété dans et par l'Eglise (l). 11 y aurait là un as
pect de monopolisation du Christ et de l'E\'"angile, dont nous avons parlé
déjà.

Or,le cliristianisme prétend à la catholicité. Le problème est de voir


comment et jusqu'où (2). "On ne doit pas identifier trop vite le christia/-
nisme comme religion avec l'Eglise d'un côté et le Christ de l'autre. Le
Christ n'est pas vemi pour fonder une religion mnis pour révéler l'Eglise,
une Eglise qui existait deja, depuis le commencement du monde s le Christ ne
se limite pas à l'action historique de Jésus de Nazareth, il opérait avant
Abraham, il disait avoir des ouailles qui n'appartiennent pas aux Apôtres, et
en plus il a déclaré être le principe et la fin, l'alpha et 1'Oméga, le pre
mier né de la création, le premier dans les trois mondes, eto " (j). Ainsij
ce n'est pas le christianisme comme religion qui peut prétendre à l'univer
salité, mais le Christ dans sa fonction de Sauveur, donc de Libérateur uni
versel, et l'Eglise en tant que réalité, théandrique elle aussi, où le salut:
se réalise" (4).

(1) E, PANIKEAR, Lettre sur l'Inde, pp. 91 -92,


(2) R, PMIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p. 35• Lans Hindouisme et chrisr
tia-gisme, notre Auteur rappelle que Dieu veut sauver tous les hommes et
leur donne donc les moyens de salut". "Si ces moyens ne se trouvaient quq
dans l'Eglise visible, tous ceux qui se trouvent en dehors ne pourraient
être sauvés. Or ils peuvent l'être. Si donc il est vrai qu'il n'y a pas
de salut hors de l'Eglise, cette 'Eglise' ne doit pas être confondue avec
ses apparences extérieures, ni avec l'adhésion explicite au christianisme.
Ou dans Spiritualita indu, p. 11 : "Présenter le christianisme comme une
ai^e religion est un péché de lèse-catholicité", 11 dit ailleurs, dans
Response to Harald Coward, p. I9I, que l'exclusivité chrétienne ne fut
jamais sa boisson favorite, pas plus que l'inolusivisme.
(3) R. PANIKKAR, Herméneutique de la liberté de la religion, p. 82.
(4) R. PANIKKAR, Herméneutique de la liberté de la religion, n. 83.
435

Le christianisme historique s'est organisé et, dans cette organisation,


il s'est donné un corps de doctrines, il s'est pensé et exprimé, Ne peut-
on se demander si ses schémas de pensée, disons méditerranéens, sont les
seuls possibles ? Ne peut-on envisager, autrement dit^ d'intégrer dans
l'Eglise des gens qui auraient des préambules et des schèmes d'intelligibili
té différents (1 ) ? Ne pourrait—on chercher une théologie dia,critique ou
•une métathéologie qui "suggère bien ceid;e attitude humaine générale, qui con
siste à transcender d'une part les constructions intellec-buelles édi:^es à
partir du contenu des différentes religions (théologies), et de l'autre, à
la fois le theos (Dieu) en tant qu'il définit l'objet auquel se rapporte cet
te attitude et le logos (parole) en tant qu'il est l'instrument dont nous
nous servons pour traiter cet objet" (2) ?
Pour E, Panikkar, donc, le christianisme est 1' "incama,tion sociale du,
message du Christ dans une culture particulière, qui reste une religion par
mi, les autres" (5). Toutes les religions sont-elles pour autant égales avec ;
des discours différents et des comportements divers ? Elles ne peuvent être
égales, répond l'Auteur, du fait qu'elles sont contradictoires. îlais, si
l'on parle des "religions non-chrétiennes" pour les distinguer du christia
nisme, l'Eglise ne devrait pas s'identifier avec une seule des religions
existant aujourd'hui sur la terre. En effet, si l'Eglise veut avoir un mes
sage pour tous, elle ne peut s'identifier avec aucune des sections de l'hu— '
manité. Si la religion est simplement une branche du savoir, le christianis
me est la religion éparpillée sur le globe, surtout en Occident, avec comme•
sources les Apôtres et Jésus de Nazareth, mais les théologiens ne devraient
pas négliger la relation avec toutes les religions. En effet, une religion
dans un moule méditerranéen ne peut envisager avoir valeur universelle et si
elle avait cette prétention, ce serait une manifestation, de colonialisme, '
L'universalité de l'Eglise serait donc à un niveau différent, L'Eglise est
universelle dans la mesure où elle partage la kenosis du Christ, da,ns la me
sure où sa nature déborde l'ordre historique, dans la mesure où elle est la
lumière, le sel de la terre et la semence qui va pousser dans des sols dif»»
férents, en sorte que les autres religions puissent se tourner vers le Christ
sans devenir pour autant des parties du christianisme. Ainsi, on devrait di
re que le christianisme est une religion mais pas l'Eglise, car elle serait

(1) PAILEKKAR, Métathéologie ou théologie diacritique,,.p, 4^,


(2) R, PANIKKAR, Métathéologie ou théologie diacritique, p, 47,
(3) R. PANIiaCAR, Christ, Abel and Melchisedech, p, 598, Yoir aussi Relation
of christians, p, 534»
454

plutôt ce mystère existant pour convertir toute religion au Christ (l).


Sans critique destructive, on pourrait donc voir l'Eglise d'une façon nouvel
le (2).
Nous avons parlé antérieurement des consé(|uences de la primordialité de
l'identification du Logos avec le Christ Jésus dans la théologie chrétienî-.-
ne (3), mais R, Panikkar se demande si l'Eglise est le fruit dejla vision
du fondateur, tel-que nous le pensons souvent en Occident, ou s'il ne faur*
toait pas élargir la perspective en voyant en elle le résultat du principe
de continuité ou d'incarnation, soit le fruit de la Providence qui agit toife
jours en tout homme, en sorte que, si le Christ est la semence, l'arbre se
rait plus que la semence, L'Eglise serait donc moins un ensemble lié à un
homme qu'un ensemble lié à l'Esprit et à un acte de foi transcendant, La
conscience d'être l'Eglise pourrait être mise sur le même pied que la cons
cience non d'être homme mais de faire partie de la famille de l'homme. Le
prix,de la catholicité impliquerait donc, pour l'Eglise, la kenosis, c'est-
à-dire le fait de se vider soi-même de chaque forme particulièàre qu'elle ten
te d'identifier avec sa nature. Ainsi donc, l'Eglise est sacrement, elle a
une structure sacramentelle, elle est le corps du Christ, pour parler en
termes pauliniens, mais le sacrement visible est l'aspect extérieur d'un
noyau intérieuaî qui est une âme vivante qui se manifeste dans autant de for-
m.es que Dieu veut en accorder pour la rédemption de tous (4). L'Eglise se
rait le peuple de Dieu, sans discrimination de races, de c\fLtures ni de re
ligions, car Dieu ne discrimine pas, du fait quie tout homme qui est mti par
l'Esprit est fils de Dieu,(5),
Nous devons.rappeler ici ume comparaison déjà étudiée auparavant.
L'influence de l'hellénisme sur le christianisme a poussé les Chrétiens, dit
l'Auteur à insister sur un Logos intelligible. De ce fait, dans le cas (June
révélation apportée par des"pro-phètes", on pet l'accent sur la nécessité
d'une institution interprétante et garante d'orthodoxie , L'Hindou, par
contre, n'est pas poirfce à admettre un Logos qui aura-it parlé une fois pour
toutes et nous aurait confié un message à transmettre sous contrôle

(1) R, PANIKKAR, Christ, Abel and Melchisedeoh, pp, 398-400,


(2) R, PANIKKjlR, The Hindu Bcclesial Consciousness, p, 199»
(5) Nous renvoyons à notre résumé de la pensée du Père SCHILLEBEECKX, pris
comme exemple type mais non isolé,
(4) R» PANIKKAR, The Hindu Ecclesial Consciousness, pp, 202-204,
(5) R» PANIKKAR, The Hindu Ecclesial Consciousness, p, 205»
435

d'Eglise (l). Pour lui, le Logos, plus qu'un message, c'est Q,uelqu'un qui
se donne à l'homme, à tout homme qui pose un acte de foi et d'accueil person<-
nels sans se fonder sur la croyance des autres ou sur la connaissance d'une :
herméneutique qui ne serait pas directe (2), Ce qui est transmis, ce serait
moins \xn message que Quelqu'un * Ce qu!on reçoit par tradition, c'est d'a
bord le Révélateur, (5),
L'Eglise apparaîtrait donc comrae un mystère, soit comme une réalité en
globante, plus que comme une institution repérable et limitée. Organisme
de salut, elle n'est pas comme telle coextensive à 1'Eglise-institution vi
sible aujourd'hui. Gomme Lieu veut sauver tous les hommes -nous avions pris
ceci comme "fait primitif" panikkarien au début de notre chapitre 2 - il
donne à tous le Révélateur et les moyens de salut. Ceux-ci doivent exister
dans toutes les religions, car le Christ s'y trouve (4),
Comme nous assistons aujourd'hui à une découverte de la conscience cos
mique en évolution, cela devrait entraîner un "développement de la religion",
une croissance en Lieux, une accession à une plxis grande ma,txirité religieuse.
Le même que le Christ Jésus n'a pas voxHu mettre son vin nouveau dans les
vieilles outres du judaïsme peut-être étriqué de son temps, de même, ne pour
rait-i^an imaginer, dans le même sens, dit R, Panildcar, qu'il y aurait aujour-i
d'hui xxne nouvelle mise à mort poxxr introduire, me fois encore, du vin nou
veau. (5) ? '

(1) R, PARIIvKAR, Sxxr l'herméneutique de la tradition, pp» 557-358,


(2) R, PAÎJUCKAR, Sur l'herméneutique de la tradition, p. 555,
(5) R, P/VMKICA.R, Sur l'herménexxtique de la tradition, pp, 561, 565,
(4) R, P/xNIIQCAR, Phe rules of the game, p, 5.6, L'Eglise, dit G, TIîILS, dans
Propos et problèmes, p, 189 n'est pas une communauté exclusive des moyens
de salut, mais elle reste la commxxnaxxté modèle?"qui exprime visiblement
et socialement la réalité chrétienne possédée invisiblement hors de
l'Eglise visible". Elle est le témoin qud dévoile avix autres, p, I70, le
dessein divinreconnaître l'oeuvre de Lieu dans les différentes re

ligions,
(5) R, PMIKKAR, The category of growth, p, 13é, Nous notons ici, toutefois,
que l'Autexu?, dans Rtatattva, p, 28, constatant le déclin de l'idée d'ins
titutions réglant la vie des gens, veut éviter qui'après m totalitaris
me institutionnel on tombe dans l'excès opposé. Il ne propose pas le
modèle de la souplesse asiatique car l'homme a besoin de s'insérer dans
des organismes vivants.
456

En résumé, notre propos n'étant pas, dans ce paragraphe, d'établir un


traité d'ecclésiologie ni de prendre partipour une théologie particulière
de l'Eglise, nous avons cherché à voir ce que celle-ci était aux yeux d'un
penseur dans le milieu hindou; La question nous était venue à l'esprit,
rappelons-le, après avoir exposé comment notre Auteur '^sentait" l'hindouisme^
Sa réponse, globalement, est que l'Eglise n'est pas à identifier seulement
avec l'Eglise institutionnalisée et bien repérable, telle que nous la con
naissons en Occident, mais plutôt comme le peuple des fils de Dieu, saisis
par l'Esprit , qui rencontrent le Logos présent partout et qui participent
aux moyens de salut prévus par Dieu sous des formes multiples.

Nous avons relevé, après sa présentation de l'hindouisme, qvie cette fa


çon indienne d'être religieux expliquait souvent la pensée panildcarienne,
Nous pourrions, au sujet de l'Eglise, poser aussi quelques questions, La
kenosis de l'Eglise suggeree dans les pages qui précèdent et l'ouverture prOf
posée ne risquent-elles pas de parler d'une Eglise trop "spirituelle", non i
encore incamée ? Une telle Eglise n'est-elle pas menacée d'être nulle ?
Si l'Eglise est un I^stère, n'est—elle pas aussi un îfystère manifesté (l) ? ,
Si cette manifestation n'est pas encore totale, ce qui est clair, ne peut—on
se demander si une théologie totalement négative ne serait pas, en quelque
sorte, comme une négation de la théologie ?

Pour être justes, nous dirons, en réponse, que , parfois, l'Auteur re


joint plus clairement la théologie qui nous est familière. Il parle du
Chrétien qui a une vocation sacerdotale qui est celle de tout le peuple chré
tien, le peuple élu- de Dieu qui a une mission universelle, le peuple qui,
après le pacte avec Israël, est celui du contrat nouveau et définitif (2) et
il affirme aussi,, avec fermeté, que le Clrrist a fondé l'Eglise (3).

(1) Voir G., THILS, Propos et problèmes, pp. I79 et R. PANIKKAR, dans
Religions e religioni, p. 20.
(2) R. PANIKKAR, Relation of christians, p. 342,
(3) R, PANIKKAR, Humanismo y Cruz, p. 256, note 8. Il souligne aussi que
l'Eglise n'est pas seulement la hiérarchie. "L'Eglise est l'Eglise,
dit-il p. 95, et la Hiérarchie est la Hiérarchie de cette Eglise, Corps
i^ystique du Christ", organisme vivant, p. 117, essentiellement dynamique
car "toute la vie est dynamisme, activité", p. 153.
437

En disant "la vie chrétienne est une aventure personnelle et collecti


ve sur la terre" (l), l'Auteur revient souvent aux thèmes théologiques de
la comm'union des saints et du Corps mystique du Christ, "Il est impossible
de vivre la vie chrétienne sans croire à la communion des saints, sans vi
vre la vie de l'Eglise" (2), "Le christianisme est essentiellement univer
sel, il est oonstitutivement catholique, oecuménique" (3). Le Chrétien s^en
trouve responsable du monde et ne peut être coupé des problèmes de cèlui-
oi (4).
L'Eglise ne peut—elle être pensée comme la vraie .communauté des saints ?
Les hommes y participent à trois degrés soit, premièrement, dans une cultu?-
pré-chrétienne, dans un chemin pas seulement naturel vers la plénitude;
deuxièmement, dans une culture para-chrétienne, qui ne peut s'ériger en
absolu et oublier son aspect incomplet, troisièmement, chrétienne,, ou est
cherchée aussi la fin ultime, unique et surnaturelle de la vie, mais qui
n'est ni complète, ni parfaite, ni uniforme, car elle garde de l'espace pour
la liberté et les défectuosités. Ainsi, si le salut est donné dans l'Insti
tution, il est aussi donné ailleurs (5)» "La communion des Saints est une
réalité, elle est la cristallisation définiti^â'e de la commtmauté de tous leq
hommes"(6), I

(1) R, PANIKKAR, Humanisme y Cruz, p, I54,


(2) R,. PAMKKAR, Humanismo y Cruz, p, I54,
(3) R, PANIKKAR, Humanismo y Crus;, p, 155.
(4) R, PAHIKKAR, Humanismo y Cruz, p, 158,
(5) R» PANIKKAR, Humanismo y Cruz, pp. 175-177. Ne peut-on se rappeler ici
les ouvertures de Vatican II, dans Lumen gentium, chapitre 2, n" I6 ?
(6) R, PANIKKAR, Httmanismo y Cruz, p, 325.
458

§ 9 - LA CATEGORIE DE CROISSAITCE

Le Christ ne sera jaraais totalement connu sur terre, sans quoi il fau
drait voir le Père. Cela étant, R, Panikkar veut écrire un livre qui soit
une étape de la recherche de l'huiûanité vers l'inconnu (l). Le Christ et
l'Esprit oeuvraient déjà avant Abraham et cela fait que le Christ eut des
précurseurs, des prophètes, dans l'alliance vétérotestamentaire, mais aussi
ailleurs, dans ce qu'on pourrait appeler l'alliance cosmique. Dès lors, il
y a une tradition à garder, multiséculaire, dépassant la tradition chrétien
ne et Juive, qui ne devrait pas déterminer l'homme vers un regard rétrospec
tif statique mais plutSt pousser "en avant le progrès des traditions humai
nes" (2), Ainsi, on en viendrait à dire que "la plénitude des temps est fon
te au.ssi des apports temporels provenant de toutes les religions" (3).
Toutes sont inachevées dans leur stade actuel d'évolution et le salut vient
par elles et en elles, mais, en un sens, il est encore à venir (4)»
Ne devrait^on pas prendre le risque existentiel d'une vie engagée dans
une orthopraxie , dans une assomption sans répudiation, dans une sjrmbiose
sans syncrétisme, où l'honme partagerait les expériences originales réali
sées dans les traditions chrétiennes, laïques, hindoues et bouddhiqxies (5)
sinon dans toutes les autres traditions, afin que les hommes pèlerins et tou
te la terre se rencontrent dans la croissance (6) ?
Nous partons ici à la découverte de ce que notre Auteur appelle la ca
tégorie de croissance. Bien des thèmes panikhariens nous y ont préparés.
Le "fait primitif" panikkarien est la manifestation universelle de Dieu,
qui n'élimine pas le caractère inépuisable de l'Absolu, La perception exis
tentielle du monde comme non-fini engendre la soif de connaître celui qu'on •
ne peut voir "que de dos", mais Dieu ne serait pas absent ni extérieur dès
le début du cheminement des âmes vers leur plénitude et leur accomplissement.
(1) R, PARIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p. 18,
(2) R, PAiriKKAR, Le mystère du culte, p, I7,
(3) R» PARIKECAR, Le mystère du culte, p, I50,
(4) R. PARIKKAR, Das erste Bild des Buddha. p. 378. Dans le dessein de Dieu,
dit l'Auteur, dans Religione e religioni. p. I30, toute religion a un as
pect eschatologique, est ouverte à la conversion, à l'approfondissement,
au lieu d'être un système clos ou un organisme statique,
(5) R. PiHIBXAR, Philosophy as Life-Style, pp. 200-201,
(6) R, PARIKKAR, Los dioses y el Senor, p. 131,
459

Si l'oîi s'interroge stir les relations entre le monde et Dieu, ils ne


seraient ni un ni deux, dit notre Auteur, et l'homme pourrait réaliser ime
approche existentielle et consciente de 1'Absolu a,u point qu'aucune société
ne serait fondamentalement a-religieuse. Dans cette approche, on peut voir
coexister dans le monde des états de conscience qtii pourraient s'appeler
l'hétéronomie , l'autonomie et l'ontonomie , trois points de vue qui ont
engendré notamment des perceptions différentes de l'Absolu et des conceptions
variées dvi culte que nous avons défini comme la démarche de convergence en- '
tre les deux pôles du réel.

Nous avons vu aussi la foi a,pparaîta:e comme question, comme acte, comme
dimension constitutive de l'homme, comme un dynamisme d'ouvertrire vers la
transcendance et pas seulement comme orthodoxie ou comme logos théologique.
Ainsi, le corps de Prajâpati, démembré par la faute originante ou le sacri
fice primordial du Purusa, est appelé à se remembrer par la réunification des
éléments éparpillés dans les cultures et dans les religions du monde. Le
tout est appelé à culminer dans une vision oosmothéandrique où rien ne serait
isolé de l'ensemble, ni la science de la philosophie oxx de la théologie, ni
la théologie de la mystique, ni une expérience religieuse d'une autre intui
tion fondamentale. Le cosmique ne serait pas coupé de l'homme, ni l'homme
de Dieu et du cosmos.

Dans cette démarche de convergence, l'Absolu est agent, Jiln lui, en ef


fet, d'une part, il y a une fane totimée vers lui-même et vers son mystère
intrinsèque et, d'autre part, l'aspect Dieu, Seigneur, Lord, qui engendre
les termes "homologables" de Logos, de Kurioa, de Christ, d'I^ara, qui
jouent une fonction parallèle dans des univers religieux différents. Dans
cette ligne, le Christ ne serait "pas absolument identifié avec Jésus de
Nazareth", ce qui est soToligné dans son aspect Logos, Pantocrator, Libéra-
tem? universel. Il ne pourrait, à ce titre, être monopolisé par les Chré«».
tiens, par le christianisme-institution ou religion, et l'on pourrait décou
vrir que partout l'homo religiosus souligne l'aspect sarx du Logos sans in
sister nécessairement sur le egeneto johannique, îî'a-t-il pas le sacerdoce
de Melohisêdech ? L'in(fcùition védantine d'I^ara ne peut-elle être "birée"du
côté du Christ comme si le Vedânta pouvait avoir un sensus plenior ? On
pourrait découvrir, au-delà d'une réflexion sur l'essence ontologique du
Médiateur Suprême, son action universelle dans le monde, à l'intérieur de
toutes les religions, dans le coeur de tout homme de bonne volonté. On ver
rait ainsi un Christ toujours sauveur et pas seulement le Christ sauva,n.t à un
moment donné et pour toujours.
440

Le culte serait la démarche de convergence entre les deux pôles du réel,


le divin et l'humain, partout où cette démarche s'accomplit. Il prendrait
des aspects différents, il connaîtrait diverses mises en évidence, L'hin-
doviisme ne montre-t-il pas, dans son histoire, .une croissance à travers la
phase des Brahmana, celle des Upanisad, jusqu'au bhakti-marga , à travers un
stade privilégia,nt l'opus operatum, un autre accentuant l'actus operantisj
un troisième insistant sur me colla,"boration entre les opéra ? On verrait
aussi me recherche d'miversalité, de spontanéité, de continuité, de con
crétion et de sincérité dans les gestes et symboles ("rubriques") et dans les
discours explicatifs qui les aoompagnent ("nigriques"),
Des"sacrements" aux grands moments de la vie humaine, des gestes vécus
et concrets et, au sommet, l'Eucharistie, viennent ainsi reconstituer le
corps de Prajapati, Partout, des actes rituels sont posés, depuis les rites
rigoureux, par exemples, de l'époque védique dans l'hindouisme, jusqu'aux
aortes de service et d'amour que d'autres privilégient, l'essentiel étant de
vivre en orthopraxie, dans me activité qui n'est ni imposée du dehors (hété-
ronomie), ni opposée à m code préétabli (autonomie) mais qui jaillit du
ooevir de l'homme et qui englobe tovite son existence, permettant à l'homme de
marcher, avec me pleine participation personnelle, vers son accomplissement
intégral (ontonomie).
Cette action, toutefois, bien que faisant partie intégrante de la démar
che de convergence entre les deux pôles du réel, doit être enrichie par me
dimension mystique de la vie, dans le silence, dans la méditation multiforme,
potrvant mener vers la contemplation et vers l'expérience profonde d'me si
tuation commmiante.

S'il a cette vie intérieure fécondante et cette activité jaillissant j


de son Moi profond, l'homme pourra atteindre me relation témoignaMb-témoi
gné avec tous ses frères, dans la mesure où ceux qu'il rencontre ne vivent
paq en surface mais en orthopraxie, dans la mesure donc où existe entre eux
me "commmion mythique" plus qu'me convergence de doctrines et de compo3>-
tements.

Ces rappels de données observées dans nos trois chapitres précédents


nous semblent utiles pour en venir à la catégorie de croissance, où la plé
nitude des temps est faite des apports temporels provenant de tous les hori
zons.
441

R, PaniKkar ne veut ni prendre la défense à tout prix de la chrétien


té, ni accuser de paganisme les autres recherches et les autres expériences
religieuses de l'humanité. Il ne veut pas,non plus,comparer ce qui se com
prend à l'intérieiu? d'une religion donnée par celui qui en vit avec ce qu'on
peut savoir d'une autre religion dont on ne vit pasj car la religion d^une
personne ne peut totalement être objectivée.

Ne pourrait-on, imaginer que le Christ est présent dans toutes les re


ligions du monde mais d'un monde où l'on aurait des degrés différents de réa-
lisatioç., d'évangélisation et de compréhension ? Si Jésus est un sommet,
n'y a-t-il pas tin "fait théandrique" primordial, qui est au travail partout •
et qui se trouve manifeste de la mer à la met (l), un fait théandrique pour
l'homme sans cesse itinérant (2).
On peut observer que des idées chrétiennes sont venues du monde juif et
du monde grec. Dans un deuxième temps, pourrait-on dire, le christianisme
a défini une doctrine sous la guidance d'une Eglise institutionnelle, lais
le système chrétien tel qu'il fut élaboré ne pourrait-il courir le risque
de l'autosatisfaction ou le danger de l'isolement ? Sans supprimer la place
capitale du Christ historique, de sa vie, de sa parole, de sa résurrection,
la croissance du christianisme ne pourrait-elle se poursuivre en permettant
à celui-ci de se laisser féconder par d'autres religions qui ont aussi ac«
cueilli le Révélateur et qiii, par conséquent, ne sont pas "seulement naturels
les"(3) ? La tradition chrétienne paraît, aux yeux de notre Auteur soviffrir-^
en effet, actuellement, d'un certain épuisement, pour expriiçer son message, •
Pour certains, les religions traditionnelles paraissent comme des reli
ques du passé, dans une certaine mesure, mais il reste que des croisements,
des interfécondations, que l'enjambement des limites philosophiques et cul
turelles et que les déûloisonnements pourraient donner un djnaamisme nouveau
et, ce qui plus est, favoriser une prétention à l'universalité. Notre
Auteur parle ici de l'issue vitale qui serait la catégorie de croissance (4).

D'abord, il faudrait une clarification terminologique qui consisterait


à trouver un langage qui serait signifiant pour tous les partenaires.

(1) R, PANIKKAR, The oategory of growth, pp, 114-116,


(2) R. PANIKKAR, Religions e religionl, pp, 59, 64, 88, 89, 124, 12?, 157, etc.
(3) R. PANIKICAR, The category of growth, pp, 118-118,
(4) R» PANIKKAR, The category fo growth, pp, 123 s ; Rtatattva, p. 24,
442

Tout homo rellgiosus semble déjà achïiettre un salut, un sauveur, une finali
té et la recherche a déjà réalisé des progrès appréciables (l).
Ensuite, il faudrait une théologie de la, religion. Cette théologie de
la religion ne devrait pas être la théologie d'une religion particulière.
Elle ne serait pas une théologie oubliant la dimension planétaire de la réa
lité, Elle ne serait pas tournée setûLement vers un passé particulieri II
est capital, au contraire, d'avoir une expérience interne des autires reli
gions qui dépasserait la phénoménologie des religions, laquelle est nécessai-j
re mais ne serait et ne pourrait être un substitut d'une théologie de la re-» '
ligion (2), Les religions, en effet, ne sont pas purement objectivables et
il importe de les expérimenter de l'intérieur, en un sens croire à ce qu'elles
disent, à ce que croient leurs croyants, car la croyance d'un croyant appar
tient à la religion (3). Cela évite les extrapolations, des jugements, des
comparaisons superficielles et la survivance des cloisonnements, L'Auteur
voudrait donc qu'on n'expérimente pas les religions "comme des rats ou des
plantes", comme il le dit, mais qu'on accède à l'expérience interne des au
tres religions que celle dans laquelle chacun est né. Il est possible, pour
lui, d'intégrer plus d'une religion,. Le même que les génies religieux de
l'humanité ont pu "fusionner" plus d'un courant religieux, de même cela se
rait encore possible aujourd'hui sans que chacm devienne poiar autant un

(1 ) Nous avons ailleurs résumé la recherche sur le nom des médiateurs, sur les
avantages et les inconvénients des termes "Christ" et "Logos", sur le ter-
meplus commode de "Seigneur". Nous renvoyons aussi nos lecteurs aux pa
ragraphes sur l'homologie, la religion et le dialogue dialogique. On ne-
peut ignorer non plus toutes les recherches sur les mythes, les croyance^
les rites et les symboles des religions. Les différentes approches scien
tifiques commencent ainsi à accumuler des données multiples, va,:ï^es;, sé
rieuses et précieuses,
(2')) R, PANTKKAR, The category of growth, pp, 131-152,
(3) Ne peut-on se demander si cela est possible ? Nous avons déjà fait re
marquer aussi que la phénoménologie veut être plus que la description
d'un fait brut et rejoindre 1'intentionnalité plus profonde. Cela nous
amène—t-il, pour autant, à croire à ce que l'autre croit et dit ? Quel
serait,ici, le sens du mot "croire" ? Le plus, ne peut-on se demander où
se situerait exactement la différence entre la théologie et la phénoméno
logie ?
443

nouveau fondateur de re]%ion (l).


La théologie et la religion, en effet, ne sont~elles pas pltis que des
matières d'archéologie ou de philologie ? Ne sont-elles pas tournées vers
l'avenir de l'homme, vers tine attente, vers du trans-humain et du sur-humain?
N'y a-t-il pas déclin s'il n'y a pas croissance ? La théologie ne doit-elle
pas risquer, plutôt que de se limiter à une imitation des anciens (2) ?
Ainsi, la croissance individuelle existe, la croissance cosmiqtie est en évo
lution, n'y aurait-il pas une croissance en Lieu ? La religion ne doit-elle
pas être comparée à une langue vivante en mutation constante plutôt' qu'à me
langue morte qui ne supporte pas d'erreurs (3) ? Le même que le sanhédrin,
dit R, Panildcar, a mis le Christ à mort parce qu'il percevait que Jésus était
plus proche d'une révolution que d'une évolution, de même n'y aurait—il pas
une nouvelle mise à mort s'il revenait, en ce sens qu'il n'introduirait, pas
plus aujourd'hui qu'il y a deux mille ans, du vin nouveau dans des outres an
ciennes (4),
Que serait,en clair, cette croissance que propose le professeur de
Santa Barbara ? Elle impliquerait et continuité et nouveauté, et développe-'
ment et assimilation réelle de choses venant de "l'extérieur". Elle exige
rait risque, confiance et liberté. L'homme deviendrait, par elle, un agent
libre qui peut, avec le monde, conduire l'histoire. On observerait alors son
dsmamisme. On ne reculerait pas devant les transformations, les révolutions,
les mutations. Les perspectives seraient prospectives. On s'ouvrirait vers
un futur plein de promesses mais encore inconnu, comme on ne connaît le terme
de la croissance d'un adolescent que lorsque cette croissance est teDxninée,
Il y aux=ait alors ce processus de mort et de résurrection dont nous avons dé
jà parlé. L'homme religieux, à l'époque actuelle des réformes et des contes
tations, ne pourrait ainsi fermer les yeux, grogner,.naniner son passé, igno
rer ses compagnons sur la route de la vie, croire qu'il n'a plus rien à

(1) R, PANIE2CAR, The category of growth, p, 155,


(2) R. FANIKKAR, The category of growth, p, I55, L'Auteur y parle du "déve
loppement dogmatique" mais se demande s'il n'est pas en deçà de ce qu'il
préconise en ce sens qu'il ne serait que l'explication de quelque chose
de déjà connu,
(5) Avec un clin d'oeil, si le lecteur nous le permet, nous dirons ici qu'on
peut être polyglotte mais qu'il est tout de même préférable de ne par
ler qu'une.langue à la fois,
(4) E* PANIKKAR, The category of growth, p, 150,
444

apprendre ou à découvrir. Il n'a pas le droit d'étouffer la semence gui


croîtj d'asphyxier les bourgeons humbles et personnels ni d'éteindre la mè
che qui fume (l).
Avec cette perspective, nous sortons des chem.ins connus, poiirprendre
"des sentiers vierges", selon l'expression de notre Aute\ir (2), Il coro.pare
ici le prêtre et le prophète, "La vie de l'Eglise n'est possible que dans
une lutte à mort entre le prêtre et le prophète", dit-il (3), Un homme relir
gieux porte sans doute le fkrdeau de la tradition et le trésor de ses ancêtres-
mais il n'est pas un représentant officiel parlant au nom des autres ou paj?
ouï-dire, car, si la dimension historique est nécessaire, elle n'est pas sufr
fisante (4)» D'une part, le prophète ne peut décider que telle chose est jus
te, il ne peut, non plus, construire une Eglise prophétique, il doit néan- ;
moins suivre sa vocation non-conformiste ou révolutionnaire, et d'autre par%
le prêtre ne peut ni condausner le prophète, ni négliger "la loyauté à l'é
gard des structures" et " la fidélité à l'égard du passé" (5), Le prophète,
lui, sans définir le futur, doit montrer la direction pour poursuivre son
ascension (6), même si son destin est d'être écrasé, éventuellement, entre
"the temple and the castle" (7). Tout en étant prêtre catholique, n'a-t-on
pas l'impression que notre Auteur serait plutôt prophète ?

Dans le prolongement de ces considérations sur la catégorie de croissan


ce, l'Auteur nous propose quelques perspectives complémentaires concernant
la rencontre des religions.

D'abord, il faudrait repérer la croissance de chaque religion dans le


passé, être familiarisé avec sa tradition et sa théologie jusqu'à leur état
actuel. Par exemple, dans l'hindouisme, il faudrait connaître les écrits

(1) E, PAÏÏIKKAR, The categoiy of growth, pp* 137-158, P, EALLON fait remaiv-
quer, dans Pour un vrai dialogae entre chrétiens et hindous, p, 116, que
l'hindoiiisme est déjà habitué aux interfécondations et aux osmoses dont
le professeur de Santa Barbara parle régulièrement en soulignant que le
christianisme n'échappe pas historiquement au phénomène,
(2) R, PANIKKAR, Le temps circulaire, p, 207,
(3) R, PANIKEAR, Le culte et l'homme séculier, p, 45*
(4) R» PAMKKAR, The rules of the garae, pp, 2-7-28,
(5) R, PAïïIKKAR, Le culte et l'homme séculier, p, 45»
(6) R, PAMÎŒAR, The category of growth, p, 137,
(7) R, PARIKKAR, The category of growth, p, 158.
445

védiques, mais aussi oeux d'Aurobindo et de Dayânanda sans ignorer l'influeur-


ce des deux grandes épopées hindoues - le Eamâyana et le Mahâbhârata - et
de l'hindouisme aujourd'hui, par exemple en Indonésie, en Europe et en
Californie, de même que, pour comprendre la Bible, dans le christianisme, on
ne pourrait s'arrêter à saint Jérôme (l). Il y aurait donc à connaître la
dimension historique des religions mais aussi à dépasser toute form.e d'ar-
chéologisme pour engager le dialogue et développer la créativité,

Ensuite, deus la rencontre entre les religions dont chacun connaîtrait'


l'évolution interne, il faudrait que la rencontre réponde à certaines con- ^
ditions. Nous avons déjà relevé la distance à prendre, du moins dans le
dialogae, par rapport à toute apologétique particulière en favein? d'une re-.
ligion qu'on voudrait défendre à tout prix, de même par rapport à une apo
logétique générale.que feraient les religions coalisées dans une sorte d'in-r
temationale théiste face à l'irréligion militante.

Dépassant ces rappels, l'Auteur ajoute qu'une telle rencontre ne doit


pas être un congrès de philosophie. En effet, le dialogue est plus que phi
losophique ou entre des philosophies, parce que les religions sont plus que
des doctrines ou parce qu'étiqueter une religion comme un catalogue de doc
trines tue cette religion (2), On doit percevoir non seulement ce que les
autres disent mais ce qu'ils veulent dire et rejoindre ainsi, dans la mesure
du possible, le point de vue du croyant lui-même (5).

L'Auteur considère aussi que cette rencontre ne peut pas être seulement
un symposium théologique. Le théologien n'est-il pas plus occupé, en effet,
à expliquer un donné plubôbqu'à pratiquer l'exploration ? La rencontre pré
conisée ne pose-t-elle pas aussi un problème nouveau auquel les outils théo-
logiques actuels ne seraient pas adaptés ? Si nous nous rappelons la tension
"prêtre-prophète", la rencontre ne devrait-elle pas avoir un"charisme pro
phétique" (4) ? La rencontre,qui serait d'un type nouveau, ne devrait-elle

(1) R, PANIKKAR, The rules of the game, pp, 28 —29,


(2) R, PANIKKAR, The rules of the game, pp, 29-31, Voir aussi Los dioses
y el Senor, pp. 7-8,
(5) Nous avons expliqué ce que l'Atiteur appelait par coordination du prin
cipe d'homog-énéité et du principe dialogique dans le paragraphe 4 de
ce chapitre,
(4) R* PANIEZ/'iR, The rules of the game, p, 34,
445

védiques, mais aussi ceux d'Aurobindo et de Dayananda sans ignorer l'influenr-


ce des deux grandes épopées hindoues - le Ramâyana et le Mahâhhârata - et
de l'hindouisme aujourd'hui, par exemple en Indonésie, en Europe et en
Californie, de même que, pour comprendre la Bible, dans le christianisme, on
ne pourrait s'arrêter à saint Jérôme (l). Il y aurait donc à connaître la
dimension historique des religions mais aussi à dépasser toute forme d'ar-
chéologieme pour engager le dialogue et développer la créativité,

Ensiiite, dsrs la rencontre entre les religions dont chacun connaîtrait


l'évolution interne, il faudrait qtie la rencontre réponde à certaines con- -
ditions, ÏTous avons déjà relevé la distance à prendre, du moins dans le
dialogue, par rapport à toute apologétique particulière en faveur d'une re
ligion qu'on voudrait défendre à tout prix, de même par rapport à une apo
logétique générale.que feraient les religions coalisées dans une sorte d'in-r
temationale théiste face à l'irréligion militante.

Dépassant ces ra.ppels, l'Auteiir ajoute qu'une telle rencontre ne doit


pas être un congrès de philosophie» En effet, le dialogue est plus que phi
losophique ou entre des philosophies, parce que les religions sont plus que
des doctrines ou parce qu'étiqueter une religion comme un catalogue de doc
trines tue cette religion (2), On doit percevoir non seifLement ce que les
autres disent mais ce qu'ils veulent dire et rejoindre ainsi, dans la mesure
du possible, le point de vue du croyant lui-même (3).
L'Auteur considère aussi que cette rencontre ne peut pas être seulement
un symposium théologique. Le théologien n'est-il pas plus occupé, en effet,
à expliquer un donné plutsôtqu'à pratiquer 1 ' explora.tion ? La rencontre pré
conisée ne pose-t-elle pas aussi un problème nouveau auquel les outils théo
logiques actuels ne seraient pas adaptés ? Si nous nous rappelons la tension
"prêtre-prophète", la rencontre ne devrait-elle pas avoir un"charisme pro
phétique" (4) ? La rencontre, qui serait d'un type nouvea,u, ne devrait-elle

(1) R, PANIKKAE, 'The rules of the game, pp, 28 —29,


(2) R, PAIHKKAR, The rules of the game, pp. 29-5'1* Voir aussi Los dioses
y el Senor, pp. 7-8,,
(5) Nous avons expliqué ce que l'Auteur appelait par coordination du prin
cipe d'homog-énéité et du principe dialogique dans le paragraphe 4 de
ce chapitre,
(4) R. PAllIEKAR, The rules of the game, p, 34,
44é

pas déterminer elle-même la . -manière et la méthode adaptées et faire émer


ger -une no-uvelle théologie (l)î
Une telle rencontre ne serait pas non plus une tentative ecclésiasti
que, Certes, la rencontre officielle entre les représentants des diverses
religions s'impose. Mais les dignitaires veulent préserver leurs traditions.
Ils doivent aussi considérer les croyants qui les suivent et qui leur accor
dent leur confiance. Ils veulent chercher des voies pour comprendre les au
tres mais ont-ils le droit et le pouvoir de chercher des solutions nouvelles ?
On peut prévoir une rencontre religieuse qui préparerait éventuellement la
voie à la "tentative ecclésiastique" mais qui en serait toutefois distinc
te (2).
L'Auteur, dépassant ces possiblités (congrès de philosophie, symposim
théologique, tenrative ecclésiastique), propose une rencontre dans la foi,
dans l'espérance et dans l'amour, tout en s'excusant de la connotation chré-t
tienne de ces trois termes, soit :

1) une foi qui désigne "une attitude qui transcende le simple donné, et les
formulations dogmatiques des différentes confessions" -soit aller vers
une rencontre où l'on aborde plus des réalités que des systèmes et où
l'on baigne dans le domaine essentiellement religieux (3);
2) une espérance qui opère contre •tout espoir, qui peut vaincre les obsta
cles et les limites de notre faiblesse ainsi que les variétés devue pro
fanes et qui agit "comme venant d'en-haut pour accomplir un devoir sacré"j

3) un amour qui serait une force nous poussant vers nos contemporains pour
'découvrir en eux ce qui manque en nous", un amour authentique qui ne cher
che pas une victoire et qui est passionné de vérité, "Il nous pousse à
la reconnaissance commune de la vérité, sans ignorer les différences ou

(1 ) R, PAIIEKIvAR, The rules of the game, p. 34,


(2) R, PAUIigCAR, The rules of the game, pp. 34-55,
(3) De nouveau, ne peut-on se demander s'il y a une opposition entre "foi"
et "formulations"? La dissociation est-elle non seulement possible mais
souhaitable ? Les systèmes sont-ils avec évidence toujours coupés des
réalités et du religieux ? He peut-on supposer ici une tendance hindoue
qui n'est pas plus universelle que la tendance intellectualiste d'une
partie de la recherche occidentale ? La foi doit-elle et peut-elle a-
voir l'obsession de cette "nudité" dont l'Auteur nous a parlé à plusieurs
reprises ?
447

en haamonisant les diverses mélodies dans une seule symphonie polypho


nique" (l),

R, Panildcar déduit quelques leçons pratiques de ce qui précède.

D'abord, il faudra,it, de part et d'autre, une solide préparation cul<-


turelle et théologique. En effet, on ne peut ignorer les différences cul
turelles, Il faut mettre carte sur table. On ne doit pas accepter l'épochè.

Ensuite, concrètement, la rencontre supposerait que le Ghrétien admettq


les points suiva,nts, qui, du reste, ne contredisent pas tout l'acquis de la ;
pensée chrétienne,

1) Le Seigneur n'est pas seulement Jésus, Le Logos est à l'oeuvre par


tout (2),
2) L'Eglise est l'organe de salut mais elle ne serait pas coextensive avec
l'Eglise visible (5),
5) La chrétienté organisée est une structure socio-religieuse, une reli
gion parmi d'autres, qui doit être jugée sur ses mérites, mais sans privi
lège de départ,

4) Dieu veut le salut d'e tous. Il n'y a pas de salut sans foi mais ni le
salut ni la foi ne sont le monopole soit des Chrétiens, soit d'un groupe
particulier quel qu'il soit,

5) Les moyens qui mènent au salut existent dans toutes les religions, car
tout homme de bonne volonté suit une religion particulière parce qu'il
croit qu'il trouvera en elle l'accomplissement ultime de sa vie.

(1) R, PANIICKAR, The rules of the game, p, 55. Voir aussi le Christ etlMn-
douisme, p, 52,, On peut apprécier l'appel optimiste de l'Auteur, mars
est—il un voeu personnel de sa part au davantage un procédé résolvant
les problèmes ? Un voeu ? Certainement, Un procédé résolvant tout ? Ce
n'est pas évident, nous semble-t~il. Pour qu'il y ait la symphonie, il
faut tout de même des partitions,
(2) Nous devrons nous demander, dans notre chapitre 6, si le Logos est à
l'oeuvre partout identiquement, ce qui n'est pas un problème nouveau en
théologie. Pensons à toute la théologie'du Logos,
(3) On peut évidemment se demander de quelle Eglise il s'agit. Purement spi
rituelle ? Mystère déjà incamé ? Peut-être faudrait-il parler plutêt
du Corps iy^stiqvie ?
448

6) Le Christ est le seiil médiatetir mais en étant présent dans chaque reli
gion authentique, quels que soient sa forme et son nom (l).

Il serait intéressant de confronter ces principes avec les Humaristes,


les Bouddhistes et toute autre croyance (2); Là se trouveraient ce que
l'Auteur appelle les'Règles du jeu".

Gela peut bousculer les habitudes de pensée, L'Eglise se mettrait en


question. Elle admettrait que le Christ est la semence mais que l'arbre est
plus que la semence et que la croissance est un fait. On se demanderait alors
si le rêve de Jésus correspond réellement aux rêves du Chrétien institution
nel d'aujourd'hui (3). Bout pourrait apparaître comme dans une même gravita
tion miverselle, comme l'écho de l'Absolu, dans l'économie de l'Esprit
Saint, On dirait que tout est en Dieu et, en même temps "pre-Dio", "pre-
essenza divina", soit "pas encore arrivé à", pas encore Dieu (4)» Le chris
tianisme ouvert pourrait alors penser à sa prétention à la catholicité et
l'hindouisme dominer son idée d'une simple coexistence avec des religions-
soeurs, tout en restant convaincu qu'il est la meilleure religion pour
l'Inde (5)» Le christianisme pcurrait admettre qu' 'Une foi qui prétend être
universelle, doit pouvoir inspirer, féconder, convertir des religions autres
que celles qui jusqu'à présent ont été le véhicule de cette foi" et qu'elle
"doit être capable de se greffer sur d'autres mythes" (6), Christianisme
et hindouisme pourraient, en quelque sorte, se marier, s'ils s'aiment, tout
en étant différents, comme un homme et une femme différents peuvent s'aimer
et avoir un enfant (7)»-. par le jeu de la fertilisation existentielle (s).

(1) Mais quel est, d'une part, le sens d'.une médiation du Christ invisible et
inconnue de ceux qui ignorent le Christ et d'autre part, le sens de la
médiation visible de Jésus—Christ ? Questions normales posées par les
Chrétiens,
(2) R, PANIKKAR, The rules of the game, pp. 36-37,
(3) R, PAîIIKKAR, The Hindu Ecolesial Consciousness, p, 202,
(4) R. PAITIKKAR, La presenza di Dio,. pp« 30-51.
(5) R. PANIKKAR, Le Christ et l'hindotiisme, p» 25.-
(6) R, PANIKKAR, La faute originante, p. 69,
(7) Intervention de Raymundo Panikkar dans Christus und Indien, p. 128,
(s) R, PAi^TIKKAR, Indology as a cross-cultural catalyst, pp. 178-179, C'est
le thème de la mort e-t de la résurrection des religions, y compris Itiindcuii
me, dont l'Auteur nous a déjà parlé. Voir aussi Los dioses y el Seïîor, p, 1
449

Si Dieu est unique, si le genre humain forme une unité, si l'homme et


l'humanité ont une nature historique spécifique, dit le professeur de Santa
Barbara, on peut espérer ou supposer que les religions doivent converger
vers l'unité "suivant pas à pas le progrès de l'humanité vers l'unité et son
ascension vers l'Unique" (l). La multiplicité des religions apparaîtrait
comme une "situation historique dynamique" (2), Sans renier la tradition,
il faut assimiler, petit à petit, de nouvelles valeurs et de nouvelles 1t>-
mières pour entrer dans un processus de croissance exigé autant par la foi
elle-même que par le kairos de notre temps (3), C'est le Corps jy^stique
qui se construit (4) avec l'homo viator et l'humanité pelerine (5),

(1 ) R, PMIKKAR,. Religione e religioni, p. 185.


(2) R, PANIKIC/iR, Religione e religioni, p. 201,
(5) R. PMIKKAR, The Trinity and the Religions Expérience, p, 5»
(4) R» PANIKKAR, Himianismo y Crus, p. 3O8,
(5) R. PMIKKAR, Humanisme y Cruz, p, 515.
450

§ 10 - LA THEOLOGIE HIKDOIJE - GHKETIENHE

Après tine longue période où les théologie'S. étaient juxtaposées et


donc isolées entre elles, la chrétienne d'une part et l'hindoue de l'autre,
on a élaboré ce que le professeur de Santa Barbara appelle une "théologie
indienne-chrétienne". Celle-ci était le fait de Chrétiens établis en Inde,
soucieux d'adapter la pensée de leur Eglise—mère au monde où ils arrivaient
et de traduire ainsi une foi et une croyance importées, à dessein de les
rendre plus recevables, La "théologie hindoue-chrétienne" pourrait consti
tuer une nouvelle étape. L'Auteur en parle à plusieurs reprises (l), mais
c'est en 1979 qu'il y consacre un long article (2),
Dépassant l'isolement antérieur et la peur du risque, allant plus loin
qu'une réflexion sur l'interaction possible entre la pensée chrétienne tra
ditionnelle et celle de gens adhérant à d'autres communautés dans le sens
d'une théologie indienne-chrétienne, le théologien pourrait chercher une
théologie qui tiendrait compte des vues intérieures aux différentes tradi
tions vivantes, non point pour créer une nouvelle religion mais pour ten
ter une investigation nouvelle pour les deux religions, destinée à favori
ser une saine croissance de part et d'autre (5).
Après l'essai pour habiller de façon indienne des dogmes chrétiens
"pré-définis", après l'effort de reformulation d'une croyance déjà cristal
lisée en Occident, après ce qui peut être perçu comme un monologue interne
pour la théologie chrétienne construite par des Chrétiens marchant sur une

(1) Par exemple, R,. PMIKEAR, The Eostonian Verities, pp. I48 - I5I,
La philosophie de la religion,, p. I97, ou Epochè, in the Religious
Encounter, p. 47. Sur le christianisme "importé" par les missionnaires
voir Kerygma und Indien, pp. 19-27. ,
(2) R, PARIKKAR, Rtatattva : a Préfacé to a Hindu-Christian Theology,
pp. 6-63.
(5) J.C, ÎIANALEL, Editorial, dans Jeevadhara, 49, 1979, PP. 3-4.
451

route à sens unique (l), la "théologie hindoue-chrétienne" en est à ses


cominencements, Elle est favorisée par une mentalité post-coloniale et par
la pratique du dialogue dialogique. Ce qui la rend davantage possible aus
si, c'est l'étude actuelle de l'hindouisme comme vraie relgion. C'est éga
lement la disparition de la peur de se perdre soi-même dans le dialogue,
La relation qui naît, dans ces conditions, peut dépasser la dialectique sou
cieuse de conquérir ou de détruire l'autre, elle peut entrer "dans l'âme de
l'autre", ainsi que favoriser éventuellement nne meilleure compréhension de
soi-même,

L'homme, à ce stade, n'est plus wi Hindou ou \an Chrétien qui se défend


mais quelqu'tin qui "déterre l'hnmanité commune", quelqu'un qui, sans qtiitter
ses traditions ni délaisser son langage culturel propre, cherche la source
des allégeances religieuses respectives et ce qoi peut devenir le meilleur(2),
(

A la recherche d'une théologie "hindoue-chrétienne", l'homme se lance dans


une aventure personnelle, il s'implique dans une mise en scène du mystère où.
nous sommes tous engagés et immergés, il réalise une "incarnation existen
tielle", il repère le fruit d'une expérience réelle chez ceux qui ont, avec
leur religion, autre ohose qu'une relation livresque. L'opération est moins
inteiHfiiéologique qu'intra-religieuse (5), Pour la personne, c'est sa foi qui
est en jeu, ce sont aussi son salut personnel, son intégrité, son espoir.

(1) "Le Christianisme a-t-il vraiment rencontré l'Inde ?" se demande


S. GIRAULT, dans Croire et dialogue, p. 67. J. MOFCHAHIH et H. LE SAHX,
dans Ermites des Saccidananda, pp. 50-51» s'interrogent :"A qui propose
l'enseignement du Christ, l'Hindou répond souvent î 'qui êtes-vous pour
témoigner du Christ, pour proposer valablement son enseignement ?Lfe,vez-
vous compris ? Avez-votis réalisé vous-même l'expérience suprême ? Avez--
vous eu part à l'expérience suprême du Christ, celle de son unité avec
le Père,en absolue transcendance de toutes les contingences de temps et
de lieu, de méthodes et de doctrines?" G.; THILS souhaite aussi un effort
d'indigénation qui dépasserait la pure exportation de conceptions et
perspectives purement occidentales : voir Propos et problèmes, p. I64.
Il faudrait, pp. 167-168, distinguer l'essence du christianisme et sa
forme germano-latine, R, PAlTIKKâR, dans Maya e Apocalisse, p, I5I, in
vite à distinguer unité et uniformité,
(2) R, PAHIKKAR, Rtatattva, pp, 12-15,
(3) R. PAIJIKKAR,,.Rtatattva, p.. I4.
452

son approche du mystère, et, parce que l'homme devient l'explorateur d'un
nouveau chemin, la théologie "hindoue-chrétienne" lui est vitale (l)«

Aucune tradition religieuse ne serâb auto suffisante, au sens où elle


épuiserait l'expérience universelle de l'homo religiosus et où elle donnerait
toutes les réponses. Chacune, cependant, n'est pas à considérer comme une
pièce d'une mosaïque à constituer. Elle contient en elle-même la semence de
l'humain et chaque personne apparaît comme un microcosme (2).
R. Paniklcar propose quelques parallélismes. Si l'on part de l'exemple
de saint Paul, on sait que ses données pour la théologie étaient juives mais
que sa morphè, sa forme, était hellénique. Son mjrthos était juif, son logos
était grec et nous vivons de la pensée paulinienne depuis deux millénaires.
Si l'on pourstiit le parallélisme de 1'interfécondation, on peut soulever les
influences arj'-enne et dravidienne sur le Veda, Ou encore, nul n'ignore ia
solution de continuité entre les deux Testaments bibliques. De mêm.e, ne
pourrait-on chercher une théologie qui serait valable et pour le Chrétien et
pour l'Hindou ? Re peut-on rêver d'un rejeton de deux théologies en un sens
parentes et d'une nouvelle prise de conscience éclairant les deiox religions
sans que naisse pour autant une nouvelle religion (3) ?
La théologie "hindoue-chrétienne" voudrait maintenir des polarités sans
nuire à une unité fondamentale. Avec patience et prudence, elle chercherait
une unité de base entre tous (4)» sans exclusive, mais aussi sans reddition
ni compromission. Certes, il est clair que peut exister le danger de voir
naître une nouvelle religion, comme ce fut le cas poux le bouddhisme, ou una
nouvelle Eglise, comme lors de l'éclosion du luthéranisme. L'histoire, in-'
discutablement, inspire à la circonspection, mais on peut également suggérer
un certain optimisme, dans la mesure où, aujourd'hui, nous sommes davantage
préparés à une vision pluraliste, moins accrochés à des totirs de Babel mono-r
lithiques et plus soucieux d'éviter les ruptures. L'optimisme, dans cette
entreprise, peut aussi reposer sur le fait qu'elle n'est pas une contestatipr}
une contre—réforme, une révolution, un mouvement animé par m réformateur
mais xuae démarche transpersonnelle, prenant forme dans notre kairos

(1) Ceci nous semble exprimer clairement l'option prise par le professeur de
Santa Barbara et que nous avons soulignée régulièrement,
(2) R. PAHIKKAR, Rtatattva, p. I6,
(3) R. PAIÎIKKAR, Rtatattva, p. 23. Sur les interfécondations dans l'histoire,
voir aussi Religions e religioni, pp» 176-180,
(4) Ce qu'il appelle une identico nucleo, dans Religions e religioni, p, I7,
455

contemporain nniversaliste (l). Dans ce temps qni est le nôtre, en pins,


nous sommes poussés au dialogue interféoondant par le fait que l'hindouisme
doit retrouver ses racines profondes et résister au "modernisme" sans en
être "blessé, par le fait que le christianisme connaît le "modernisme" qui
lui est endogène-neparle-t-on pas d'ère post-chrétienne ? - et par un cer
tain épuisement des ressources propres aux différentes religions. Le moment
serait propice pour que se réalise une fécondation mutuelle des deux expérien
ces fondamentales de l'humanité,

R, Panikkar souligne ici la difficulté que rencontreront^d'une parti


l'hindouisme qui jusqu'ici se considère comme le sanâ-tana dliarma et, d'autre
part, le christianisme qui se présente comme une religion universelle (2),
La théologie "hindoue-chrétienne" devrait tenir compte de cette double pré
tention, Elle ne devrait pas être une menace pom: l'une ni potir l'autre des
deux expériences fondamentales, mais plutôt offrir un défi en vue du renou
veau et de la purification de chacune.

Ces préambules étant clarifiés, l'Auteur part du postulait de la fol com


me dimension constitutive de l'homme dont il fut déjà question. Ici, quel
ques définitions lui paraissent nécessaires, qui sont en même temps des rap
pels pour nous.

1° la religion "est le chemin qui conduit l'homme de son predicament présent


à ce qu'il croit être sa destinée ultime : un sentier vers le salut ou la
libération. Ce sentier est fait d'une série de symboles, d'actions et
d'idées qui tendent à sauver ou à libérer l'homme. Généralement, une re
ligion se cristallise dans une tradition religieuse, parampâra" (3)î
2° la foi "est l'ouverture existentielle de l'homme, comme une de ses dimen
sions constitutives. Chaque homme est infini, non-fini, et capable d'être
satisfait par cette croissance, ce salut, cette libération, La foi est :
cette capacité 'infinie'" (4)5
5** l'acte de foi "est l'acte humain fondamental par excellence par lequel
l'homme répond à l'appel de la transcendance et remplit le vide provoqué
par cette ouverture. Ceci est l'acte qui sauve, qui libère l'homme" (5);
(1 ) R, PARIKKAR, Rtatattva, pp. 25-26,
(2)R. PANIKICAR, Rtatattva, p. 27.
(3)R, PARIKKAR, Rtatattva, p. 29.
(l-)R. PARIKKAR, Rtatattva, p. 29,
^)R," PARIKEAR, Rtatattva, pp. 29-50.
454

4° la croyance "est la prise de conscience intellectuelle globale de l'hom


me au regard de sa foi et le chemin par lequel il se voit lui-même capa^
ble de réaliser l'acte de foi" (l);
5° les croyances "sont les articulations de la croyance dans des affirma
tions intellectuelles" (2);
6° les dogmes "sont les croyances fondamentales telles qu'elles nous sont
données par la tradition, sanctionnées par l'autorité et formant un corps
de doctrines, l'orthodoxie" (3)5
7° la théologie "est l'activité humaine, dans une tradition, qui tente d'é
laborer une expression cohérente de la foi de l'homme comme elle est ma
nifestée dans un système de croyances et qui se résvmie en une croyance»
C'est l'aspect intellectuel de la religion" (4).

Ces précisions étant données, R. Panikkar aborde ce qu'il appelle


"the credal problem" (5). Au-delà des monologues juxtaposés, il apparaît que
des Chrétiens croient à des données hindoues qu'ils pensaient spécifiquement
chrétiennes et que des Hindous admettent des données chrétiennes qu'ils ima
ginaient jusqu'ici exclusivement hindoues. Il semble aussi qu'une religion
vivante doit être capable d'assimilation, de même qu'ime nourriture venant
de 1'extérieur de notre corps peut être convertie en nous, quelle que soit
son origine.

L'Autem: propose l'image des cartes. Poiu? un même territoire, des car
tes varient. Elles ne sont pas dressées à la même échelle, pair exemple.
Les unes sont globales ou générales, les autres limitées et précises.
Certaines donnent les fleuves et les reliefs, d'autres indiquent les routes
et les localités. Toutes parlent du même territoire. Elles peuvent être
différentes mais cela ne prouve nullement qu'il ne s'agit pas du même terri
toire, de même qu'une mélodie identique peut être transcrite sirr portées
avec des clés différentes (6). L'Auteur voudrait, par ces comparaisons,
souligner la flexibilité et la relativité des orthodoxies . Chaque religion

(1) R.» PMIKKAR, Rtatattva, p. 30,


(2) R, PAimaCAR, Rtatattva, p. 30.
(3) R, PAHIKKAR, Rtatattva, p. 30.
(4) R, PANIKKAR, Rtatattva, p, 30.
(5) R. PANIKKAR, Rtatattva, pp. 29-40.
(6) R, PANIKKAR, Rtatattva, p. 31,
455

fournit une orthodoxie, soit une carte ou une partition musicale, mais le
territoire des religions n'est pas identifiable aux cartes proposées aux
hommes pour leur pèlerinage.

Nous pouvons nous ouvrir aux croyances des autres au point qu'elles
nous paraissent crédibles quand nous les intégrons dans nos catégories, \3ne
fois que celles-ci se sont élargies.

Quelques exemples sont proposés,

1) La maternité virginale peut être perçue comme soulignant le lien qui


existe entre le divin et l'humain, comme manifestant le don du Fils du
Père par l'Esprit, comme valorisant la dimension dui Christ comme sauveur
universel et non pas sevilernent comme fils et sauveur d'Israël, comme expri
mant la sublimation du sexe,comme respectant profondément la matière face
aux tendances gnostiques et docètes, comme mettant en évidence à la fois
l'immutabilité du Père, l'Incarnation du Pils et l'importance de l'histoii'
re tout court. D'autres traditions religieuses parleront de l'étemel fé
minin, de la féminité de Dieu, d'une déesse, de la sakti, La question
n'est pas de chercher une traduction d'un concept dans une autre langue
mais de chercher un "mj'-the" plus large (1 ),
2) L'Inde croit à des créations et à des destructions successives du monde,
C'est afin de souligner la contingence du cosmos et le besoin de transcen-.
*
der le temps et l'espace poin? atteindre l'autre rive qui est celle de
l'Etre, De même la conception circulaire du temps soulignerait la conti
nuité cosnûque de notre être, l'immortalité ontologique d'un Moi qui n'est
pas limité à mon ego psychologique car l'homme n'est pas un ego éphémère
qui ne fait que passer sur la ligne droite des événements cosmiques. Cela
veut souligner que ce monde n'est pas un étalemient in;juste et cruel sur la
ligne du temps et que nous sommes pliis que "samsariques'bu "de passage" (2),

(1 ) R, PANIIQCAR, Rtatattva, pp, 32 -54» Développements parallèles chez


R.C, ZAliïîNER, Inde, Israël, Islam, pp, 297-298,
(2) R, PANIKEIAR, Rtatattva, pp, 34-56, Un enrichissement mutuel entre chris
tianisme et hindouisme serait possible ici également pour P, PALLON,
dans Pour un vrai dialogue entre chrétiens et hindous, pp, I4I -142,
Toute l'histoire est spirituelle en Inde et le temps gagne en stature
lorsqu'il est lié à l'éternité, dit V,A, DEVASENAPATHI, dans L'hindouisme
et les autres religions, p, I77,
456

5) La Trinité chrétienne peut apparaître aussi comme importante pour dif


férentes raisons :

a) éviter un monothéisme personnaliste aux traits anthropomorphiquesj


b) diriger notre attention vers le mj^stère ultime sans supprimer, ce fai
sant, "les dieux" et les êtres surhumains;
c) souligner le divin comme relation, communication infinie, donation to
tale, sacrifice et immolation, le libérant ainsi d'une substantialité
statique;
d) montrer que le divin est asat, le Père, la Source, qu'il est aussi sat,
le Pils, le Receveur, et que cette génération ontique ne se terminera
jamais (ananta, l'esprit, le Don);
e) mettre un terme au dilemme dualisme-monisme, car, par Tjin seul et même
acte, le Père engendre le Fils et crée le monde car tout est fait par
le Verbe de Dieu, comme le disent les Ecritures hindoues et chrétiennes;
f) montrer que le Créateur et la création ne sont ni un ni deux, soifLignant
non point l'apparente dualité entre le monde et l'Esprit mais l'aventu--
re spatiale et temporelle ad extra dans laquelle nous sommes engagés;
g) rappeler que, comme il y a place pour nous dans la vie trinitaire, on
peut affirmer la réalité dti monde sans affaiblir l'unicité du divin (l),

4) Quatrième exemple, celui du Icarma. La communion karmique met en évi


dence que nous ne sommes pas des monades ontologiques. Le karma, souligne
également, outre notre lien avec le tout, que nous sommes libres mais limi
tés, que rien ne nous appartient à nous seuls, que nos actes ont des consé
quences cosmiques puisque le monde est un ensemble de relations» Le karma
est aussi une tentative pour expliquer les inégalités et les souffrances
de l'existence, un moyen de mettre notre contingence en évidence, une pro
position pour mettre l'accent sur notre lien avec l'Absolu tout en disant
que nous en sommes distincts (2),

En proposant ces exemples, R, Panikkar ne prétend pas qu'il faille que


les Chrétiens croient pour eiDC au karma, à la circularité du temps au à la
succession des créations et des destructions du monde, ni les Hindous à la
Trinité ou à la maternité virginale, mais il voit que des chemins d'interpré
tation peuvent faciliter l'interfécondation et que, si .chaque mélodie est

(1) R« PAHIKKAR, Rtatattva, pp. 57-39«


(2) R, PAÎTIKKAR, Rtatattva, pp, 39~40» Voir aussi Religions e religioni,
p. 103.
457

complète en elle-même, on po'U2:a;aii; être amené à jouer dans une symphonie


divine toujours nouvelle^

Après avoir ï>arlé du "credal prohlem", le professeva' de Santa Barbara


aborde "the liturgioal question"^ Il y entènd la liturgie comme l'action
de la personne entière, entreprise avec la collaboration du monde divin,
d'une part et, d*autre part, du monde matériel, et cela pour le bien-être de
l'uMvers dans toutes ses parties (l).
Des liturgies perdent de leur force signifiante. Certaines se confi
nent dans l'isolement. L'exagération du temporel donne à certains cultes un
visage de sectarisme. Une théologie "hindoue-chrétienne" voudrait sauver
l'homme de la stagnation rituelle et revaloriser sa fonction liturgique, La
liturgie devrait apparaître comme l'activité oosmothéandrique qui, si elle
est authentique, embrasserait les trois mondes ; le divin, l'humain et le ma
tériel .

Dans cette perspective, une collaboration peut être envisagée entre .


l'univers hindou, l'univers chrétien et le monde séculier. Il ne s'agirait
pas d'inféoder l'homme à l'un de ces trois ensembles mais de mettreplttbêt
ceux-ci au service de l'homme, de même que le sabbat est fait potir l'homme
et non l'inverse (2),
Si ces trois ensembles sont juxtaposés, tout en ayant chacun des titres
de noblesse, si la pensée des théologiens devient pvirement théorique aussi,
coupée de la prgixis, il s'impose, dans ce temps de .détresse où beaucoup vi
vent dans des conditions de sous-développement, qu'on propose à l'homme une
libération non seulement pour 1'après-vie, mais pour le présent, une libéra
tion qui tienne comptedbn ordre et divin, et humain, ^ cosmique (3).
On lui proposerait une activité oosmothéandrique où il y aur^ une lut
te poun la justice mais aussi ces célébrations dont le peuple a toujours
besoin. On garderait les grandes fêtes des uns et des autres, on explicite
rait le sens des célébrations, on créerait des réjoviissances communes, on
réfléchirait aux buts communs, on chercherait un langage convergent.

Sur le plan de l'approche mystique, que pourrait proposer une théologie


"hindoue-chrétienne" ? R, Panildcar considère la Irirâté comme fondement de

(1) R, PANIKKâR, Rtatattva, p. 41.


(2) Marc 2 27 cité par l'Auteur,
(3) R» PAMIKEAR, Rtatattva, pp. 42-44*
458

la pensée et de la vie chrétienne et l^Advaita comme fondement d'vine grande


partie de l'Inde(l), L^un et l'autre de ces dogmes expriment une expérien
ce profonde, une intuition de hase. Dans une expérience directe et person
nelle, dans une connaissance mystique, il est possible de goûter, d'expéri
menter la réalité fondamentale exprimée par les de\nc doctrines élaborées
dans chacune des traditions. La même opération pourrait être réalisée pour
le karma et l'Incarnation,comme poiu? Dieu et Brahman (2).
La théologie "hindoue-chrétienne" viserait ainsi à mettre en relation
des intuitions communes. Une étude devrait souligner les non-contradictions.
Or, dit R, Panikkar, ce qui nie la Trinité, c'est la négation de la Trinité,
et non l'advaita, et, de même, de qui nie l'advaita, ce n'est pas la Trinité
mais la négation de l'advaita (3), Tout en étant fidèle à sa tradition pro
pre, l'homme pourrait expérimenter quelque chose de la tradition et de l'in
tuition de l'autre afin que, progressivement, les eaux des deux religions
commencent de s'unir et les murs d'hier de s'estomper. Les deux dogmes ne
visent-ils pas à suggérer l'ineffabilité du mystère ultime, à maintenir que
la compréhension de celui-ci dépasse nos catégories de pensée, à éviter aus
si une conception monolithique et statique du divin, à souligner une rela
tion entre l'univers, nous-mêmes et le pôle divin, ainsi qu'à tenter de ré
soudre l'impasse de l'Un et du multiple ? Advaita et Trinité, alors, ne se
raient pas des antipodes (4).

(1) L'Auteur signale toutefois que l'hindouisme comme religion n'est pas à
identifier avec la doctrine de l'advaita, voir Religione e religion!,
p. 83,
(2) Nous renvoyons ici à notre paragraphe sur l'homologie dans le présent
chapitre. Dans Spiritualita indu, p, 10, E, PAEEKKAR note que la base
commune entre la spiritualité chrétienne et celle des autres religions
"est encore un terrain vierge pratiquement et à explorer",
(3) E, PADIKKAR, Etatattva, p. 46.
(4) E, PANIKKAR, Etatattva, p, 58, Cela ne signifie pas toutefois, à nos
yeux, que tout soit résolu. Les comparaisons entre l'Inde et la théolo
gie trinitaire chrétienne nous laissent personnellement sur notre faim.
Les auteiors ne prennent du reste pas tous le même point de départ. Il
serait hasardeux de partir de la Trim^ti (Brahma, Siva, Yisnu), Déplus,
certains s'inspirent du Saccidânanda (H, LE SAUX par exemple),et d'autres,
de la réflexion sur Brahman et I^ara (comme notre Atiteur),
459

Dans sa réflexion stu: la théologie "hindçue-chrétienne", l'Auteur a-


borde enfin des considérations lingtdstiques. Le langage est appelé à ex
primer les intuitions des deux religions sans faire violence à l'une ni à
l'autre. Plus qu'un nouvel idiome ou que la création de néologismeé, ce se
rait dit-il, comme une nouvelle façon d'être humain mais qu'il n'explicite
pas (1). ,
On peut montrer aisément la difficulté des traductions, Dharma n'est
pas devoir. Il existe des nuances entre alètheia, veritas, warheit, truth.
De même, Brahman, sat, pneuma, agapè, eschaton, etc. sont difficilement uti
lisables, sans déformation, hors de leur milieu d'émergence (2), Le problè
me est donc difficile de trouver un langage intelligible par tous et qui ne
"déforme personne", un langage aussi qui traduise des expériences profondes,
La science aurait ici moins de difficulté peut-être à définir ce dont elle
parle, L'Auteur exprime néanmoins le souhait que "les oppositions dialecti
ques peuvent devenir les polarités créatives" (3) et que les Ecritures pren
nent dans 1'interfécondation un sensus plenior (4),

Nous venons de nous mettre à l'écoute de ce que R, Panikkar écrit en


1979 siir la théologie "hindoue-chrétienne". On est sensible à son voeu de
voir des polarités créatives et de tenir compte des expériences de l'Inde
plus que ne le faisait peut-être ce qu'il appelle une "théologie indienne-
chrétienne", On entend son appel à une aventure personnelle. On peut être
ouvert à la recherche d'une interfécondation nouvelle, prolongeant des in-
terféoondations observées dans l'histoire religieuse, et au fait que des
circonstances actuelles de notre kairos nous y poussent.

Nous pourrions toutefois ajouter qu'une grande prudence s'impose et que


des questions surgissent en l'écoutant. Sans votiloir développer ici ce qui
apparaîtra plus clairement dans les conclusions de ce chapitre ne peut-on,
par exemple, se demander si les ressources chrétiennes autant que les hin
doues sont tellement entamées, voire épuisées ? Ne risquerait-on pas de nous
considérer comme des minorités frappées de décalcification et en quête de re
producteurs ? Ou bien encore, si l'on parle de la flexibilité des orthodo—
xies, ne va^t-on pas oublier que nous avons le Christ-Seignein? comme critè
re ? Autrement dit, pour reprendre ses images, si nous disposons d'une pais-
tition musicale avec des clés différentes, ne connaissons-nous pas le compo
siteur ? S'il existe des cartes différentes d'un même territoire, la carto
graphe ne s'est-il pas manifesté ?
(1 ) R, FANIKKAR, Rtatattva. pp. 60-62,
^2^ R, PANIKKAR, Rtatattva. p, 65, '
(3) R» PANIKKAR, Los dioses y el Senor, p, 112,
460

CONGLÏÏSIONS

Au début de ce chaptre, nous ne nous sommes pas arrêtés à la présenta


tion des approches scientifiques des religions. Sans refuser une ouverture
au sujet, il nous a paru que, si R, Panikîcar s'y intéresse, sa recherche
originale porte ailleurs, ÏTous ne sommes pas restés longuement sur les trois
attitudes appelées l'exclusivisme, l'inclusivisme et le parallélisme. Elles:
sont connues. Elles existent. Mais ce n'est pas à leur analyse ni à leur
critique que l'Auteur se consacre le plus et ce n'est pas dans leur descrip
tion qu'il apporte une théorie de la rencontre entre les religions. Or,
c'est justement celle-ci que nous cherchons dans ce chapitre consacré audia-r
logue intra-religieux.

Si des conclusions ne doivent pas répéter purement et simplement ce qué-,


a déjà été dit, elles peuvent néanmoins commencer par quelques mises en évi
dence synthétiques.

Une première donnée qui peut frapper le lecteur et qui nous semble im
portante est que personne n'est appelé à se renier en vue du dialogue entre
les homines religiosi. Etre ce qu'on est, sans démission ni répudiation.
Nous avons une foi ? Soyons-y fidèles,dit l'Auteur, Nous vivons dans une
tradition ? Ehtretenans-la. Nous grandissons dans un monde particulier qui,
a sa théologie ? ï?aisons-en l'étude. Nous possédons nos croyances ?
Approfondissons-les et réconcilions sans cesse:• le connaître et le vivre.
Nous adhérons à une religion ? Que notre fidélité soit solide et notre com
portement conséquent. Le principe d'homogénéité a grande valeur. Accordons
notre attention, donc, à l'histoire du topos qui nous a engendrés, observons
l'évolution de ce milieu éducatif à travers les siècles, étudions nos Ecri-
tures et le tradition qui les a portées jusqu'à nous. Soyons pleinement ce
que nous sommes. Osons le dire, osons nous dire. Refusons l'épochè puis
qu'elle apparaît psychologiquement impraticable, phénoménologiquement inap-:
propriée, philosophiquement défectueuse, théologiquement faible et religieux
sement improductive. Osons mettre carte sur table dans le dialogue et soyons
assez clairs pour que l'autre puisse rejoindre notre pistema comme nous ten
tons de repérer le sien. Nous ne pratiquerions pas le dialogue en laissant
l'autre monologuer.

Une deuxième donnée est que, si nous monologuons, l'autre ne peut dia
loguer avec nous. Tenir à ce qui, pour nous, est l'ultime et le faire sans
aucune démission , sans la moindre restriction mentale ni aucune mise entre
4él

parenthèses de nos convictions, cela n'équivaut pas à un isolement, ni à


une<3austration dans une tour d'ivoire; Si l'on refuse la compartementalisa-?
tion des hommes et des religions dont ils vivent et qui les veulent libérer,
ce doit être pour un "pliis-être" qui sera le cadeau du "nous" qtd s'établit;
L'entreprise qui commence n'est pas une stra^tégie d'approche, ni un affron
tement dialectique, ni une croisade conquérante. Elle consisterait à voir
avec les yeux des autres, à entendre avec leurs oreilles, à penser avec leur
cerveau, à aimer avec leur coeur, à les sentir comme un autre p6le de nous-
mêmes, Ramàkrishna et De Eobili ont, eux aussi, considéré que leur religion
était assez profonde pour permettre l'embrassement, La foi en un Dieu uni-^
que qui se révèle à tous, la confiance dans l'Esprit, l'accueil du Révéla
teur, la vie dans le peuple des fils de Dieu, qui est la famille de l'homme^
ne peuvent-ils nous amener à être, en même temps, totalement indemnes de la;
peur pour notre religion et confiants dans une certaine mesirce, à l'égard
des autres, même vis-à-vis de ceux qui ne croient pas ? Cette fol et cette
confiance ne suffisent-elles pas pour refuser aussi l'isolement séculaire et
pour bannir désormais toute croisade organisée en vue de construire une unif
ié monolithique plus que jamais impossible ? Cette foi et cette confiance,-
aussi, ne doivent-elles pas déposer en nous un malaise immense au cas où-noçs
nous installerions dans l'acceptation d'une pluralité sans relation ? Ainsi,
sans aucune démission personnelle, nous nous sentons appelés à affronter
l'universalisme en marche, non point comme on se heurte à une menace ou à •dn
adversaire, mais comme on assume un fait, plus encore, comme on accueille
l'événement d'un kaîros contemporain, L'universalisme n'est pa s, en effet,
un pis-aller ou un mal inévitable mais bien une grâce et une tâche, ÎT'est-?
il pas animé par la présence d'un Dieu tourné vers le monde ? N'est-il pas
celui d'un Dieu vraiment catholique qui, à l'inverse du soleil, regarde si4
multanément la planète sous toutes ses faces ? La Terre n'a pas de face ca
chée pour Dieu et le remembrement du corps de Prâjapati ne se fait pas avec
la moitié de ses organes. Partout s'épanouit la présence du Logos, partout
il y a un Evangile, partout existe l'économie de l'Esprit, car Dieu ne dis
crimine pas,

R,. Panikkar attend que nul ne se renie. Il invite ensuite à la con


fiance en l'autre au sein de notre kaîros. En troisième lieu, il nous ap
prend à être conscients que nous sommes tous sur le même chemin. S'il y a
des degrés divers de compréhension, de conscientisation et d'évangélisation,
il reste qu'une même expérience humaine fondamentale nous réunit et qui est
révélée à chacun par le dialogue dialogique, dans la foi, dans l'espérance
462

et dans l'amovœ. Il la décrit par des touches successives qvii ahordent dé


jà la sphère traduisihle des religionst

L'homme part de la vision q^i'il a de lui-même, de sa situation présen


te telle qu'il la perçoit, il part de son predicament* Ce départ est con
cret, existentiel, vital. Le là, il cherche à dépasser cette situation pour
marcher vers sa fin, vers son but, selon l'idée qu'il s'en fait. Il est à
la quête de l'uitime, Lans cette recherche qui le concerne personnellement,
il connaît un dynamisme puissant. Le voilà dépassant le niveau d'une exis
tence banale, sans relief, superficielle. Il a le culte de la vérité. Il
a le goût du bonheur, Lans la liberté, il souhaite atteindre la plénitude
et l'accomplissement. Si sa foi n'est peut-être pas encore une réponse, ellp
est déjà une question et un acte.

Le meilleur moyen de ne plus avancer étant de se croire arrivé, l'homme,


mû par son dynamisme interne, se sait inachevé, pèlerin, en marche vers quel
que chose d'autre et de meilleur. Il sait aussi que sur son chemin il ren
contrera des obstacles et qu'il devra les vaincre. Il fait un choix entre
la voie large et facile et le sentier étroit et escarpé qui mène à la vie (l ).
C'est toute sa personne qui est engagée. Le son silence, jaillit la ^
parole authentique. Il ne se satisfait pas d'un corps de doctrines qvii se- .
rait devenu \ai alliage d'abstractions. Il ne se laisse pas prendre par les •
mots,par le tout—fait, car il sait faire sauter la couche coutumière pour
répondre à l'appel de l'authentique. Il ne se contente pas de croire par
-A-U contraire, il se laisse saisir par ce quelque chose ou par ce
Quelqu'un qui informe sa vie, qui la modifie, qui la façonne, qui la marque
en profondeur. L'adhésion libre à sa démarche et le retour à l'intériorité
le poussent à adopter un comportement concret qui a un sens à ses yeux pro
pres et le font vivre en ontonomie et en orthopraxie.
S'ouvrant aux autres qui vivent et pensent autrement que lui, l'homme
peut alors comprendre qu'il est marqué par son topos, que son frère vit dans
un autre milieu d'émergence, que son logos et celui de l'autre sont donc re
latifs. Il ne verse pas pour autant dans un relativisme qui négligerait la
recherche de la vérité, mais, dans cette recherche, il dépasse l'exclusivis—
®®f l'inclusivisme et le parallélisme. Il sent que son frère vit une démar
che similaire à la sienne. Il ne traduit pas son mot par le mot de l'autre
mais il sait que des terme homologiques existent, c'est-à-dire que des ter
mes remplissent des fonctions analogues dans les différents univers.

(1) Mat. 7 ! 13-14.


465

Conscient que tout homme de honne volonté est engagé dans une même
expérience d'être, cet homme sent avec les autres comme un début de "commu
nion mythique". S'il ne jjartage pas les pré suppositions des autres, s'il
n'adhère pas à toutes leurs croyances, s'il n'adopte pas totis leurs compor
tements, il sait déjà que tous marchent sur le même chemin^ L'Hindou, le
Musulman, le Chrétien, le Bouddhiste et le îlarxiste pourront peut-être re
connaître cette expérience, ce cheminement semblable, si on demande leur avis,
Tous partent de leur predicament, recherchent un accomplissement,partagent
un dynamisme profond, rêvent au bonheur, luttent contre les obstacles, s'en
gagent personnellement, vivent de convictions personnelles, ont le culte de
de la vérité, recherchent l'authentique, voient leur vie modifiée par ce
quelque chose ou par ce Quelqu'un qu'ils cherchent, adhèrent librement à leur
démarche et sacrifient leur silence pour une parole vraie. Tous perçoivent :
un jour la relativité du langage de leirr milieu et sentent qu'une croissance
est possible dans la rencontre, dans la perception des homologies et que
leur expérience gagne à être fécondée par l'expérience des autres. Tout ce
la est possible, pense R, Panildcar, et les hommes de bonne volonté pcurront
peut-être le reconnaître un jour, dans leur "soliloque intra-personnel",

Mous arrivons à une quatrième donnée synthétique. Il y a la religion.


Il y a les religions. Aucune n'a le monopole, mais elles existent toutes.
L'auteur nous a proposé une vision globale de 1' 'hindouisme" et une ouvertu
re planétaire de l'idée d'.Eglise, Il nous demande de dépasser le congrès de
philosophie, le symposium théologique et la tentative ecclésiastique qui
pourront toutefois avoir lieu un jour. Il nous invite à prendre des sentiers
vierges, à écouter la symphonie du monde et à considérer l'arc-en-ciel,

A travers ses propositions, nous sentons R, Panikkar marqué par cette •


façon particxfLière d'être religieux, tjrpique à l'Inde, et qu'on appelle
l'hindouisme. Il veut poser un acte religeux, celui de croire à l'Esprit,
à l'Etre et à l'autre, d'accueillir celui qu'il appelle le Révélateur cosmi
que, de repérer l'expérience himaine fondamentale dans des topoi différents.
De là, nous semble-t-il, il prend une option personnelle reposant qur l'ex
périence de son propre cheminement, englobant sa recherche d'universalisme,
son expérience et celle des autres, sa quête de salut comme libération de
toute chaîne, son engagement. Il applique une orthopraxie personnelle.
Mais, ce qu'il propose, est-ce une voie précise ? Sont-ce des moyens déci
sifs ? Trouvons-nous simplement vin voeu légitime ou va-t-on jusqu'à cerner
464

un chemin clair et distinct ? Le cas de sa propre profession de foi peut-


il être généralisé ?

Il semble que beaucoup de ses positions soient le fruit d'une décision


philosophique et religieuse personnelle (l). On peut la décrire phénoméno-
logiquement, mais dans quelle mesure est-elle vraie et fondée ? Les "sen
tiers vierges" qu'il pratique et son statut de "prophète" plus que de "prê-*
tre", pour reprendre ses expressions, ne semblent pas déboucher sur une clar
té suffisante à laquelle on peut tenir. Par exemple, le Christ agit-il de
façon identique dans toutes les religions du monde ? Comment situer la mé
diation du Verbe étemel incamé dans Jésus—Christ ? Le dialogue dialogique
ne risque-t-il pas de goirjner des incompatibilités face auxquelles il faudrait,
têt ou tard, dire ; "non possumus" ? Le repérage des homologies, intéres
sant et potentiellement fécond, ne peut—il conduire à négliger le devoir de
choisir et de trancher à certains moments ? L'ouverture du concept d'Eglise
ne minimise—t-ellepap,dans certains textes du moins, le fait que le mystère
eccle'sial est déjà manifesté et incamé ? Peut-on, en soi, distinguer la
mise entre parenthèses des dogmes cristallisés et la mise en veilleuse des
convictions ultimes ? La définition de la religion comme traitement du pre—
dicament vers une voie meilleure peut—elle se passer d'une référence expli
cite à un transcendant auquel l'homme peut dire ; "tu" ? Ces problèmes sont-
ils résolus par les images de l'arc—en—ciel, du modèle géométrique de
1' 'invariant topologique", des diverses cartes d'un territoire identique ou'
des partitions d'une même mélodie avec des clés différentes ?

Il est intéressant, nul n'en disconviendra, de voir le problème reli


gieux global abordé à partir d'une structure mentale différente de celle de
l'Occident chrétien. On trouve, dans ce discours, une interpellation directe
à la quête de l'Etemel avec laquelle nous sommes familiarisés dans la tradi
tion juive—chrétienne, Toute recherche sincère et profonde,surtout de cette
envergure, gagne à être abordée avec respect et attention, avec un a priori
favorable, mais on sent, à ce niveau de notre investigation, la nécessité de
comparer la pensée de R, Panikkar avec celle d'autres chercheurs affrontés
aux mêmes problèmes. Ce sera l'objet de notre sixième et dernier chapitre.

(l) R, PMIKICAR, dans The Trinity and the Religions Expérience, p, 2, recon
naît qu'il s'embarque dans une "soliloque sincère", qu'il joue sa
"partition" mais en vue d'une possible symphonie.
CHAPIîRIC VI

poims DE REPEPiES
4é6

"Peut-être pas Vatican III, mais Jérusalem II serait


ce qu*il y a de plus urgent dans notre temps

(l) R, PARIKKAR, The Bostonian Yerities, p. 151.


46?

lîITROLUCTION

En nous fixant coinme objectif , l'étude de la relation entre Dieu et


l'homme, dans la pensée de E, Panildcar, avec au centre la médiation du
Christ, dans la perspective d'un dialogue entre le christianisme et l'hin
douisme, nous avons voulu limiter notre recherche, Dous ne pouvons envisa
ger tout le dialogue déjà établi tant dans le monde hindou que dans le monde
chrétien.

Bien des penseirus intéressants ne sont donc pas abordés (l). Bous ne
proposons pas un savant traité sur le dialogue en général entre l'univers
hindou et le monde chrétien où il faudrait faire la recension de toutes les
expériences de rencontre dans les ashrams ou ailleurs, ainsi que procéder à
l'analyse d'une littérature actuellement immense. Bous ne verrons pas non'
plus des traûtés comparatifs même intéressants (2),
En accord avec R, Panikkar, nous avons porté notre attention sur trois
thèmes majeurs de sa recherche ; Dieu, le Christ et le culte. Bous avons
débouché sur la description de sa réflexion sur le dialogue intra-religieux.
Le sujet précisé, les perspectives clarifiées, nous nous proposons, dans une
nouvelle démarche, de situer la pensée panilckarienne en regard d'autres re-,
cherches, et, ici aussi, un choix s'impose, avec les sacrifices liés au fait
même de tout choix, •

Bous proposons le plan suivant. Le premier paragraphe nous résumera


le point de vue de Vatica,n II sur le dialogue entre les différentes religions,
soit la parole officielle de l'Eglise catholique. Bous ajouterons, en notes,
des commentaires émis par le Secrétariat pour les non-chrétiens. Dans le
deuxième paragraphe, nous suivrons la recherche de Monseigneur G. Thils,
théologien, expert au concile, spécialisé en ecclésiologie et en dogmatique
chrétienne. Bous lirons plus attentii^ement son ouvrage consacré aux propos

(1) On peut penser, par exemple, à RAM MOHAM ROY, KESHAB CHABDRA SEB, SRI
RAMAKRISHBA, S^/ZAMI VIVEKABAKDA, MAHATMA GABDHI, SARYEPALLI RADHAKRISHBAB,
K, SUBBA EAO, BRAMABABDHAB BPABDHYABA, APPASAMY,- CHEBCHIAH, CHAKKARAI,
MARK SHBDER EAO, P.D,. DEVABABDAB, H, LE SAUX, J, MOBCHABIB, '
K» KLOSTEEMAIER, J,A, CIJTTAT, ,etc. Sur la vision hindoue du Christ,
R«,PABIKKAR, dans Maya e Apocalisse, donne une bibliographie pp. 377 - 378.
(2) Par exemple, R, DE S^ŒJT et J, BEUBER, La quête de l'Etemel,
468

et problèmes pour une théologie des religions non-chrétiennes. Le troisiè


me paragraphe nous mettra en contact avec un autre penseiar catholique,
R, G, ZABHtîER, historien des religions, spécialisé dans la recherche compara
tive.

Nous prenons ces trois points de vue pour mieux situer la pensée panik-
karienne à l'intérieur de l'immense recherche actuelle réalisée par le chrisr
tianisme et, plus particulièremen•t^pea^^catholicisme.
469

§ 1 - LE CONCILE VATICAN II ET LES RELIGIONS N0N-CH1.ŒTIENNES

Dans ce paragraphe s"ur la parole officielle de l'Eglise catholique, nous


voudrions relever les éléments importants pour notre étude. Six documents
conciliaires concernent notre propos,

1, Le 21 novembre 1964» la constitution Lumen gentium présente l'Eglise com-


me'le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union in-t
time avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain", soulignant l'urgence
de sa mission dans ce tem.ps où les relations entre tous les hommes s'ampli
fient (n° 1), Dieu a un dessein universel de salut dans lequel l'Eglise,
annoncée en figures dès l'origine, préparée en Israël, établie en ces temps
qui sont les derniers, marche vers sa fin et vers la gloire (n° 2). Au
centre de ce dessein de salut, le Christ (n" 5) et l'Esprit (n° 4)* La
résurrection du Christ et l'action de l'Esprit constituent le Corps du
Christ où "les sacrements unissent au Christ souffrant et glorifié" (n°7)*
Ce corps n'est pas seulement une commvinauté spirituelle, il est aussi un
ensemble discernable aux yeux et organisé (n° 8),
Si depuis toujours et partout, "Dieu a tenu pour agréable quiconque le
craint et pratique la justice", il reste aussi qiie "le bon vouloir de Dieu
a été que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparér-
ment, hors de tout lien mutuel; il a voxilu au contraire en faire un peuple!'.
Cela explique et l'alliance avec Israël à qui il se révèle et l'alliance
nouvelle en Jésus-Christ, Dieu veut sauver tous les hommes, mais il éta
blit, au milieu d'eux, le peuple des baptisés, qui forment une race élue,
ont un sacerdoce royal et constituent une nation sainte, "instrument de la
rédemption de tous les hommes"(rf9)»
Ce peuple cherche l'unité dans la diversité (n° 13)» On y appartient à
des degrés divers, selon qu'on est catholique (n" 14)f chrétien non-catholi
que (n° 15) et non-chrétien, voire athée sincère (n°l6).
Le n® 16 de ce chapitre 2 de la constitution est un texte célèbre au
jourd'hui, Il insiste sur le fait des moyens de salut et de la proximité
de Dieu par rapport à tous les hommes qui, sans faute de leur part, cher
chent "Dieu d'un coeur sincère et s'efforcent, sous l'influence de sa grâce,
d'agir de façon à accomplir sa volonté telle que le^1r cronscience la leur
révèle et la leur dicte".

Cela n'empêche pas l'ordre de la mission de subsister (n° I7), mission


q\d. s'impose à la hiérarchie (n° 18 à 29), aux lâbs (n° 50 à 58)» aux
470

religieiTE (n° 43 à 47)j tous appelés à la sainteté (n° 39 à 42) et marchant '
vers la plénitude eschatologique (n° 48 à 51 )•

2« Le 21 novembre 1964» le décret sur l'oecuménisme,' Unitatis redintegra-


tio, rappelle combien la division des Chrétiens fait 'obstacle à la prédica-r
tion de l'Evangile à toute créature (n" I) (1). Le document présente
l'Eglise, avec sa hiérarchie et ses sacrements institués par le Christ, com
me "seul troupeau de Dieu, comme un signe levé à la vue des nations" (n® 2)(^).
Les Chrétiens sont divisés, certes, mais déjà unis partiellement (5).
A propos des Catholiques, le décret revient à l'idée d'appartenance
plénière (n° 3)5 tout en reconnaissant pour eux la nécessité d'une plus gran
de fidélité, d'une rénovation, même dans la formiilation de leur doctrine
(n° 6) et d'une conversion .intérieure (n® 7). Us devront toutefois conti
nuer à exposer clairement leur doctrine (n° 11) et se méfier de toute légè
reté et de tout aèle imprudent qui seraient néfastes à l'unité (n° 24),

3. Le 28 octobre 19^5» la déclaration sur les relations de l'Eglise avec


les religions non—chrétiennes, Nostra aetate, est un temps fort de la ré
flexion conciliaire sur le sujet qui nous occupe.

(1) La recherche de l'unité entre les Chrétiens a donc pour motif notamment
l'évangélisation des non-chrétiens. Voir G, THILS, Le décret sur l'oe-
»• • III I

cuménisme, p. 30* Le Cardinal E, KOÏÏIG, par ailleurs, ajoute que la me


nace de l'incroyance et de l'athéisme militant rendent normale une pri
se de contact entre les religions et le christianisme, dans Nostra
aetate (Documents conciliaires. Centurion, p. 200),
(2) Comme le souligne G. Q?HILS, dans Le décret sur l'oecuménisme, p. 38,
l'ecclésiologie sous-jacente Implique des liens spirituels mais aussi
des liens de structure visible, Que le Christ reste la pierre angulaire
n'affecte pas, évidemment, la structure hiérarchique (pp, 42-43), tout
en sachant qu'il y a des éléments d'Eglise hors de l'Eglise catholique
(pp, 46-47). Si 1' on ne peut donc identifier le Corps mystique du
Christ avec la seule Eglise catholique (p, 49), en gardera néanmoins
l'idée des divers degrés d'appartenance (pp, 50-51, 57-58), Il ne
faut pas voir ici de l'exclusivisme, ni de la monopolisation, car on peut
appartenir au peuple de Dieu sans être encore de façon plénière incorpo
ré à l'Eglise (p, 59),
(3) La parenté entre les Chrétiens baptisés, comme le souligne Mgr, THILS
dans Le décret sur l'oecuménisme, p. I77, est plus éclatante déjà actuel
lement qufevec les Hindous, les Mustilmans, les Bouddhistes et les Juifs,
471

L'imivers» aujourd'lnai, multiplie les relations et l*Eglise y ressent


la tâche de promouvoir l^unité et la charité ainsi que de chercher les élé
ments communs entre tou.s. Dieu est l'unique source et l'unique fin et' sa
bonté est à la mesure de son dessein universel de salut (n" 1) (l).
Le n® 2 est capital. Depuis tou;3ours^ observe le Concile, l'humanité
sent qu'il existe une force cachée, reconnue parfois comme divinité suprême
ou comme Père (2), Liées à la culture évoluante, les religions du monde
(1) Le Cardinal P, KOWIG, dans l'Introduction à Nostra aetate (Documents
conciliaires. Centurion), p, 201, fait remarquer que, dans le passé,
"la religion n'a cessé d'apparaître sous le visage du particularisme qui
cause la séparation, la haine et la guerre", mais il pose aussi la question
importante qui suit s " lïEglise peut-elle jouer ce rôle de dialogue sans
abandonner le caractère unique de sa révélation, donnée une fois pour tou
tes, et l'affirmation de sa propre nécessité pour le salut des hommes"?
Deux vérités fondamentales, p. 202, doivent alors être mises en évidence.
D'abord, il faut annoncer Jésus-Christ, tout en respectant la liberté de.
chacun. Ensuite, sans admettre ime autre économie de salut à cêté du
Christ, l'Eglise sait que "parce que, dès le commencement de son histoire
l'humanité est ordonnée au Christ, des hommes qui sont fidèles en toute
bonne foi à leur vocation peuvent, de cette manière, participer au sa
lut du Christ". De .la sorte, les non-chrétiens ne seraient pas pour nous
comme des étrangers.
(2) "^religion est en quelque sorte inscrite en nous comme une structure
constitutive de notre être" dit G. THILS dans les religions non-chrétinn-
nes, p» 15» et cet élément qud nous est intérieur se cristallise et s'or
ganise extérieurement dans une religion. Pour J, DOUEMBS, dans Lecture
de la déclaration par un missionnaire d'Asie, p, 100, le théologien doit
" Imposer silence à des formulations et Opinions reçues pour 'écouter'
les semences du Yerbe et les religions non-chrétiennes, étudier le rêle
joué par celles-ci dans le plan de salut, chercher les critères de dis-?
cemement des préparations divines et appliquer l'analogie de l'inspira
tion aux 'prophètes' païens, car l'Esprit est à l'oeuvre dans toute la
Oréation'J L'Eglise est en relation réelle avec les religions du monde
"sur le plan de l'expérience religieuse et, plus profondément, même dans
un domaine échappant souvent à la conscience actuelle, dans les aspira
tions de l'homme et, en avant, en sa fin à laquelle le Christ l'attire"
^ 102)., Pour H, MAinUER, dans Lecttire de la déclaration par un mission—
naire d'Afrique, les différentes religions sont "un moment de l'unique
économie de salut voulue par Dieu" (p. 159)»
472

cherchent à donner anx questions fondamentales de l'homme qui sont posées


dans les religions et les philosophies^ des réponses toujours plus affinées,
dans un langage sans cesse plus élaboré.

Parmi elles, l'hindouisme cherche ;

1) à scruter le mystère divin;


2) à foionir des efforts pénétrants en philosophie (l)i
5) à libérer l'homme de l'angoisse par ;
a) l'ascèse (2);
b) la méditation profonde (3);
c) le refuge en Dieu avec amour et confiance (4).
4) à proposer des voies comportant des doctrines, des règles de vie et
des rites sacrés,

Face à l'hindouisme, l'Eglise ne rejette rien de ce qui peut s'y trou


ver de vrai et de saint. Elle respecte sincèrement modes de vie, règles et
doctrines qui, au-delà des divergences d'orthodoxie, apportent un rayon de
la vérité qui illumine tout homme (5). îîais elle doit aussi annoncer le
Christ qui est la voie, la vérité, la vie, en qui les hommes trouvent la
plénitude de la vie religieuse, en qui Dieu s'est réconcilié toutes choses
et elle l'annonce tout en reconnaissant, en préservant et en faisant progres
ser les valetirs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent ,

(1) Notamment par la recherche sur l'Un et le multiple, sur l'Un en nous,
sur le Moi profond, sur "l'identité" avec Dieu, différente toutefois,
en Inde, de notre intimité (du Je) avec Dieu (le Tu)»
(2) On pense ici au karma-yoga* (bien qu'il connût une évolution),
(3) Ceci fait allusion au jnâna-yoga*«
(4) C'est le chemin de la bhakti *. On pense particulièrement à Ramânuja et
à la Gitâ,
(5) G, THILS, dans Le décret svir l'oecuménisme, pp. 83 -84» montre qu'on ne
peut oublier l'oeuvre de l'Esprit dans ceux qui ne sont pas catholiques,
une oeuvre qui peut nous enrichir et nous aider "à faire atteindre plus
parfaitement le mystère même du Christ et de l'Eglise", J, MSSON, ré
fléchissant sur les implications du dialogue dans Dialoguer ; comment ?,
pp. 146-160, invite à reconnaître l'autre comme un égal, à ne pas per
dre chacun sa propre foi, à développer une connaissance mutuelle et à
relever les points communs déjà existants.
475

ohez les autres (n° 2) (l), "Le devoir de l'Eglise, dans sa.prédication, est
donc d'annoncer la croix du Christ comme signe de l'amour universel de Lieu
et comme source de toute grâce" (n° 4)«
Puisque Lieu est le Père de tous les hommes^ les Chrétiens auront donc
le souci de s'opposer aux théories et aux pratiqties discriminantes quant à •
la dignité humaine et aux droits qui découlent de celle-ci (2),

(1) G, THILS, dans Les religions non-chrétiennes, pp. 16-17, rappelle que
toutes les religions, y compris le christianisme, ont leurs imperfec
tions, mais que, dans les religions non-chrétienn^il en est de plus
grandes qui apparaissent quand on voit "tout ce qui manque à ces reli
gions lorsqu'on sait ce que le Christ a voulu pour sa religion, le chris
tianisme" : doctrines incomplètes, rites cultuels qui n'équivalent pas
à nos sacrements, sacrifices qui ne peuvent rivaliser avec l'Eucharistie,
révélations lacunières. S'il y a donc, p.20, "un dessein universel de
Lieu pour l'humanité et une 'voie universelle' du salut, il reste néan-;
moins qu'il existe un ordre "normatif institué par le Christ pour le
temps de l'Eglise, Et les bienfaits spécifiques de l'économie sacramen-
taire ne seront jamais partagés par ceux qui n'ont pas reçu le Baptême",
Ceci dit, on peut faire valoir, à côté de l'alliance avec Israël, une air
liance universelle, une alliance en Adam et Noé, "alliance qui concerne"
le destin religieux de toute l'humanité"et que cette tendance théologi
que, en elle-même, n'est ni de l'indifférentisme, ni une théorie de
l'équivalence des religions, ni du syncrétisme,
(2) Comme dit A,M, HEKEil, dans l'Introduction à Nostra aetate (Unam Sanctam),
p, 12, Vatican II montre une Eglise qui ne cherche plus à vaincre ni à
absorber les autres religions mais à les connaître et à les comprendre,
"Toutes les cultures du monde se rencontrent, elles se doivent le respect
et la considération". Tous les pays, p, 15, sont "en voie de conversion"
et le Chrétien ne devrait pas opposer ceux du dehors et ceux du dedans,
car en un sens, "le monde entier apparaît comme le "dedans* de l'homme
chrétien", îlais le dialogue n'est pas dmple, toutefois, comme l'analyse
de E, JUGUET, dans Se faire conversation, pp, 24I-256, Parlant du Père
MONCHMIN, P,R, GREF, dans Une patience géologique, écrit :"Le\3x univers,
sans communication possible : tel fut le drame d'un grand spirituel,
l'abbé Manchanin, qui avait voué sa vie à la connaissance de l'Inde-
plus, à la communion avec elle. Or, plus il va dans ce sens, essayant
de se faire indien avec les Indiens, plus il perçoit le mur qui les sé
pare" ,
474

Ils veilleront à éviter toute vexation opérée envers les hommes en raison
de leur race, de leur couleur, cte leur classe ou de leur religion (n° 5)«

4t Dans la constitution Dei Yerbum sur la Révélation, le 18 novembre 19é5>


Vatican II rappelle ce que nous avons appelé le "Jésus-centrisme" et ses con--
séquences (n° 2), Si Dieu, comme créateur, donne de lui-même un témoignage :
dans les choses créées, il veut ouvrir aussi "la voie d'un salut supérieur"*
Si, depuis Adam, il accomplit in dessein universel de salut -un salut qu'il'
donne à tous ceux qui le recherchent par la fidélité dans le bien- il tient
aussi à contracter une alliance particulière avec Israël pour préparer
1'Evangile (n° 3)« Ainsi, après avoir parlé par les prophètes, Dieu envoie
son Fils, Verbe étemel qui éclaire tous les hommes et qiii se fait chair
en Jésus-Christ, pour inaugurer l'économie nouvelle et définitive (n° 4)»
Fruit de la grâce et des secours intérieurs de l'Esprit, la foi apparaît
alors comme une confiance en ce Dieu personnel et comme xme réponse à la
Révélation (n° 5)«
D'une part, Dieu peut être connu "avec certitude par la lumière naturel
le de la raison humaine à partir des choses créées" et, d'autre part, dans la
Révélation, il révèle ce qui est inaccessible à la raison (n° 6), Il faut
donc privilégier la révélation du Christ, transmise par les Apôtres, inscri
te dans les Evangiles, confiée aux évêques (n° y) et que l'Eglise transmet
avec le soutien de l'Esprit (n° 8), La sainte Tradition, la Sainte Ecriture
et le Magistère de l'Eglise sont ainsi liés (n° 9 et 10), Dans cet ensemblp,
l'Ancien Testament reste normatif (n° I4). Bien qu'incomplet, il est un té
moin de la pédagogie divine (n° 15). Cet Ancien Testament est dévoilé dans'
le Nouveau et celui-ci est déjà caché dans celui-là (n° 16), Il est donc nor
mal qu'on édite et qu'on annote la Bible pour les non-chrétiens (n° 25).

5. Le 7 décembre 1965» dans Ad gentes, le décret sur l'activité missionnai


re de l'Eglise, les Pères conciliaires prolongent leur réflexion.

L'Eglise est reprise comme sacrement universel de salut, comme devant


tendre à évangéliser le monde afin que les hommes constituent une seule famil-
et un seul peuple de Dieu (n° 1), Si le décret admet que le dessein univer
sel de salut se réalise secrètement dans le coeur des hommes, dans des initia
tives religieuses qui sont des orientations vers le vrai Dieu, dans une pré
paration à l'Evangile, il ajoute que, en plus. Dieu s'est fait chair et que
ce qu'il accomplit pour le salut doit être proclamé partout (n*^ 3).
475

L'action de l'Esprit est antérie-ure à la glorification du Fils mais elle se


manifeste singulièrement à la Pentecôte et, depuis, pafr les Apôtres et
l'Eglise, celle-ci préfigurant l'union des peuples dans la catholicité de
la foi (n" 4)» L'Eglise n'ignore donc pas le dessein universel de salut,
bien plus, elle est à son service (n° ?)•
Ainsi, ce qui est bon et déjà semé dans le coeur des hommes, dans des
rites et dans des civilisations, ne doit aucunement périr mais être purifié
et élevé (n° 9)* Dans cet effort d'indigénation, il faut découvrir partout
"avec joie et respect les semences du Verbe qui s'y trouvent cachées", il
faut repérer les richesses qui, partout, sont dispensées par Dieu, poirr les
éclairer par l'Evangile et pour les libérer (n° 11). Voilà donc l'Eglise
collaborant avec l'humanité entière poiir améliorer le monde -dans un es
prit de service, non de domination- mais on ajoutera que le progrès ne peut
se limiter purement à une amélioration matérielle du sort des hommes (n®12).
Les Eglises locales donneront un témoignage propre qui soit un signe
qtii montre le Christ et remédieront au fait que certains pourraient être dér
tournés de l'Eglise ®du fait qu'ils ne peuvent s'adapter à la forme particu^
lière que l'Eglise y a revêtue" (n° 20),
Comme dans l'économie de l'Incarnation, les Eglises doivent assumer
"pour un merveilleux échange toutes les richesses des nations qui ont été
donnéesau Christ en héritage" (1), Elles doivent emprunter à leurs coutumes
et traditions, à leur sagesse, à leur art, à leurs disciplines, tout ce qui
peut contribuer à glorifier le Créateur, à mettre en lumière la grâce du
Sauveur, Elles doivent trouver comment la foi y peut chercher l'intelligen
ce et voir dans quelle mesure ce qu'on trouve ailleurs peut faire mieux con
naître la revalation divine (n® 22), Il y a lieu ainsi de valoriser le pa
trimoine de tous les peuples et d'approfondir, par exemple, les idées intir
mes conçues par eux dans leurs traditions sacrées concernant Dieu, le mondp
et l'homme (n° 26),
Dans cette tâche immense, on devine l'importance d'une bonne préparation
au dialogue avec les religions et les cultiires non-chrétiennes et l'importan
ce de l'histoire et, de la science des religions (n° 34)» On peut donc louer
ceux qui font "avancer par leurs recherches historiques ou

(1) G, IHILS, dans Le décret sur l'oecuménisme, parle d'une "assomption de


la diversité" (pp, 78-79)»6t d'une "assomption de ce qui est 'assimilable'
par le christianisme" dans Les religions non-chrétiennes, p, 9«
476

scientifico-religieuses la connaissance des peuples et des religions,' aidant


les prédicateurs de l'IVangile et préparant le dialogue avec les non-chré
tiens" (n° 41).

6« Le 7 décembre I965, bignitatis humanae, la déclaration sur la liberté


religieuse, exprime que Dieu a fait connaître au genre humain la voie du sa
lut et de la béatitude, l'unique vraie religion dont il est dit î "nous
croyons qu'elle subsiste (1) dans l'Eglise catholique et apostolique à qui le
Seigneur Jésus a confié le mandat de la faire connaître" (n® I); Tout hom
me doit chercher, sans contrainte,la vérité (n® 2), Le dialogue et l'échange
permettent a tous d'exposer aux autres "la vérité qu'ils ont trouvée ou pen
sent avoir trouvée, afin de s'aider mutuellement dans la quête de la vérité" •
(n° 3), Liberté donc pour l'expression de la foi des personnes et des gruu-
pes religieux (n® 3)» Sans nous attarder sur les considérations positives
du Concile sur les relations avec les Etats et sur la revendication à la li
berté religieuse pour l'Eglise et pour les autres religions (n® 6), nous
voyons l'Eglise présentée comme "maîtresse de vérité" dont la fonction est
"d'exprimer et d'enseigner authentiqueraent la vérité qui est le Christ".
L'Eglise recommande donc a ses membres d'aller "avec sagesse au—devant de ceux
qui sont au—dehors"? "Il faut donc prendre en considération tant les devoirs
envers le Christ, Yerbe vivifiant,, qui doit être annoncé, que les droits de Ja
personne humaine et la mesiire de grâce que Dieu, par le Ohrist,a départie
à l'homme, invité à accueillir et à professer la foi de son plein gré"(n°14).
En ce temps du pluralisme et des rencontres planétaires, la liberté de
tous doit être respectée pour que s'établissent des relations pacifiques et
que règne la concorde dans l'humanité.

Après ce survol de six documents conciliaires concernant partiellement


notre recherche sur le dialogue entre le christianisme et l'iiindoulsme, nous
pourrions synthétiser quelques idées-forces,

1° Toile de fond permanente, l'alliance noachique (ou la visée universalis-


te, ou le dessein universel de salut) est en relation avec l'histoire parti
culière du salut dans la tradition prophétique "Juive-chrétienne : celle-ci
est au service de celle-là.

(1) Nous croyons devoir attirer l'attention sur le terme "subsiste" préféré
au terme "est".
47T

2° Tout ce qui précède l'Evénement ea Christ n'a de sens que dans le


sommet de l'histoire du salut et de la révélation qu'est l'Incarnation du
Verbe en Jésus-Christ,

3° Entre l'Evénement et l'Avènement, cette Incarnation s'actualise et


se prolonge dans l'Eglise avec les éléments liés que sont la Tradition,
l'Ecriture Sainte, les Sacrements et le Ilagistère, au sein d'un peuple
sacerdotal,

4° L'oecuménisme entre Chrétiens est au service de ce que R, Panikkar


appelle "l'oecuménisme oecuménique" ou "l'oecuménisme catholique" (l),
5° Dans la recherche de l'unité, tous ont vtn effort à fournir, dans la
liberté, Catholiques y compris,

6° ,11 existe différents moments de la conscience religieuse de l'himianir


té î soit l'antique et survivante perception d'une force cachée, la mon
tée vers le monothéisme, le prophétisme biblique nettement théiste, le
Christ et l'Eglise,

7° Dans le concert des religions, l'hindouisme prend une place parti


culière et on y décèle des rayons de la lumière du Verbe, des semences
du Verbe, Cette observation ne doit en rien affecter la proclamation de
la Bonne Nouvelle spécifiquement chrétienne, parce que l'existence de la
preparatio" evangelica et des elementa rellgionis hors du christianisme,
ainsi que le respect qu'on leva? doit, ne peuvent être préjudiciables à la
mission des baptisés du monde,

8° Il faut assumer, purifier, élever ce qu'il y a de bon "ailleurs"


mais en référence au critère central qu'est le Christ, Verbe étemel en
Jésus-Christ,

(1) "En fait, les oeouménistes ne connaissent qu'tin seul oecuménisme"


dit Mgr», G, THILS, dans Le décret sur l'oecuménisme, p, 35,
478

§ '2 - ICR. G, TIIILS ET LA THEOLOGIE LES HELIGI0H5 HOH-CHRETIEHHES

Sans analyser l'oeuvre entière du théologien louvaniste, même celle


qui touche à l'oeouménism.e entre les confessions chrétiennes^ nous croyons
utile d'entendre Mgr. Thils sur les propos et problèmes de la théologie des
religions non—chrétiennes» Nous entendrons ainsi la voix d'un spécialiste
de la dogmatique et notamment de l'ecclésiologie.

Mentionnant le schéma connu qui distingue d'une part la religion juive-


chrétienne qui est la révélation surnaturelle, avec son caractère absolu et
exclusif dans le Christ et, d'autre part, la connaissance naturelle de Lieu
qui "s'épanouit normalement en culte et en religions plus ou moins pures"(l),
G, Thils se demande si les autres religions n'ont pas "quelque authentique
révélation" qui ne porterait pas préjudice au caractère absolu et exclusif
du christianisme. Le problème, convient-il, est complexe. Si l'on connaît
l'universalisme présent dans la Bible et la pensée patristique (2), si l'on
est conscient de l'existence des saints hors de la tradition juive—chrétien-^
ne (3), si l'on considère les autres religions avec un "regard positif",
avec un "changement de 'regard intérieur' " (4)j 011 admet que "le Verbe de
Lieu étend son influence sur toutes les créatures" (5) et l'on peut réfléchir
théologiquement sur les religions qu'on appellera néanmoins non—chrétiennes
même si c'est "une manière encore bien imparfaite de s'exprimer" (6),
Le problème des religions non-chrétiennes n'a pas toujours bénéficié du
changement de regard intérieur dans le passé (v)» mais des théologiens ont
déjà réfléchi sur le rapport des religions avec le Logos divin, la tradition
primitive et la révélation biblique (s), acceptant l'idée que Lieu prépare
diverses voies pour le salut de l'humanité et développant à partir de cette
base, une ligne optimiste de réflexion.
(1) G, THILS, Propos et problèmes, p. 10.
(2) G, THILS, Propos et problèmes, pp, I4-I8,
(3) G, THILS, Propos et problèmes pp, 18-21,
(4) G» THILS, Propos et problèmes, p. 26,
(5) G, THILS, Propos et problèmes, p, 26,
(6) G, THILS, Propos et problèmes, p, 27. Ce serait une expression inadaptée
d'après H, PAHIKKAE,La chiesa e le religioni del mondo, p. I70,
(7) G, THILS, Propos et problèmes, pp, 40-43* L'Auteur se réfère à plusieurs
reprises à l'exemple de H, KRAEMÊiiR, La foi chrétienne et les religions non-
chrétiannes,
(e) G. THILS, Propos et problèmes, pp, 48 - 49* Ear exemple Clément d'Alexandrie,
pp. 49 et 66,.
479

1. La distinction entre l'histoire spéciale et l'histoire tiniverselle du salut


est théologiquement défendable.

Si toute l'histoire du salut culmine en Christ, qi "l'élément central


qui la constitue dans sa totalité, c'est le fait de l'existence, des gestes
et des actes de Jésus-Christ : fait unique précisément, epipha±, et qui
s'inscrit dans l'histoire, sub Pontio Pilato" (l), il y a donc une histoire
spéciale en Israël et dans l'îiglise, Ifeis n'y eut-il pas des alliances au
tres que celles-là, avec Adam, Noé, Melchisedech et Henooh ? Ne peut—on rer
connaître que l'histoire du salut commence à la Création (2) ? Il semble
qu'on peut considérer "comme hautement vraisemblable qu'il existe un dessein
divin salvifique universel", la question est de voir sa portée, son contenu
et son incarnation dans une religion (3)»

2, On peut distinguer aussi révélation universelle et révélation particulière^).


Si Dieu peut parler explicitement et si l'Eglise peut formuler et trans
mettre le message divin, un appel peut passer aussi par wie révélation cos
mique et par la connaissance de la raison (5)» bes éléments de révélation
peuvent être proposés à l'humanité entière, ou à certaines régions du monde,
hors de la révélation ;)uive-chrétienne, des éléments qui sont aussi dans Iq
révélation particulière. Les éléments de cette révélation, dans la vie

(1) G, THILS, Propos et problèmes, p. 60.


(2) G, THILS, Propos et problèmes, pp. 63-64. Voir aussi pp. 68 - 72,75 ~ 78.
(5) G, THILS, Propos et problèmes, p. 72, idée qui revient plus fermement
dans la conclusion, p. 79. Voir P. VALLON, Pour un vrai dialogue entre
chrétiens et hindous, pp.113'-'l'15.
(4) G, THILS, Propos et problèmes, pp. 84-118. La révélation serait "la
parole de Dieu qui enseigne et atteste" dit N. IHNG, dans l'article
Révélation, Dictionnaire de Théologie Catholique, t. 13,001.2586. Daps
la Révélation, il y aurait une parole, un acte, par lequel quelqu'un
communique quelque chose à autrui, un acte qui dévoile une vérité ouune
réalité, une parole qui doit "s'adresser à quelqu'un et appeler en quel
que sorte son adhésion, sa foi, eu égard à l'autorité de Celui qui par^
le», dit G, THILS, p. 85.
(5) G* THILS, Propos et problèmes, p, 88. Les théologiens sont tentés de
parler ici de vérités naturelles, ce qui est peu favorable à l'idée d'une
révélation universelle, mais "Dieu a pu révéler les principes naturels
de la religion et de la morale', p. 89»
480

Intériem-e des individus ou dans les religions, pourraient venir, dit~on,


du Logos spermatikos, de la tradition primitive, des emprunts à la Bible,
d'une grâce particulière de Dieu,ou du cosmos (l)é
Si le Logos total est le Logos divin révélé dans le Christ, la. notion
de Logos spermatikos peut ouvrir la voie à une certaine révélation univer
selle (2.^., La théorie d'une tradition ou d'tine révélation primitive, faite
aux premiers hommes, et dont des vérités seraient restées vivantes, théorie
notamment du XIXème siècle, n'est pas inacceptable en elle-même mais elle
ne paraît pas reposer actuellement sur des preuves suffisantes pas plus que
l'hypothèse des emprunts à la Bible (5). Si, par ailleurs, on admet que
Lieu donne sa lumière à des individus, par illumination intérieure personnel
le -tout en sachant qu'ils influenceront leur; religion- cela éclaire^il
le problème de la théologie des religions non-chrétiennes (4) ? On peut ausr
si ne pas exclure la possibilité d'une révélation positive par des prophè
tes (5).
Mgr, Thils, parlant de la loi inscrite dans le coeur dit qu'il "serait-
irxédL de croire à une loi inscrite au coeur de l'homme et qui poursuivrait :
sa tâche, dégagée de toute influence surhtimaine ou divine" (6), Parlant de
la création et du message cosmique (7), comme premier élément de l'histoire,

(1 ) G, THILS, Propos et problèmes, pp. 92 -95» Dans la mesure où il y au


rait réponse, il y a\irait foi, même si, çà et là, elle est à peine con-
ceptioalisée, même si elle comporte des erreurs, même si cette foi n'a
pas encore une stature parfaite,
(2) G, THILS, Propos et problèmes, pp, 96-98» L'Auteur se réfère ici à
JUSTIN, La question reste de savoir si cette semence déposée en l'homme
vient de la raison dont le Logos est la source ou d'une révélation,
(5) G, THILS, Propos et problèmes, p, 100,
(4) G, THILS, Propos et problèmes, pp. 102-104,
(5) G, THILS, Propos et problèmes, pp. IO6-IO8, Le problème serait aigu
pour le fondateur de l'islam, postérieur à Jésus-Christ, Nous ne pou
vons débattre ici du problème de la qualité prophétique de Muhamms.d, qui
nous paraît complexe et ne relève pas de l'objet de notre recherche,
(6) G, THILS, Propos et problèmes, p, 112, Ceci rejoint la théorie du
Logos spermatikos.
(7) G, THILS, Propos et problèmes.
481

du salut, le théologien louvaniste se demande dans quelle mesure elle est


un moyen par lequel Dieu se révèle, parle et interpelle.

3. Quel est le lien des religions avec l'histoire universelle du salut et avec
la révélation universelle ?

"Nous supposons acquis, dit l'Auteur, qu'il existe un double en mode


mineur de l'histoire spéciale du salut et de la révélation particulière"(l),
Il serait normal qu'à un dessein universel de salut correspondent des ins
titutions religieuses. Les religions peuvent être une réponse au message
cosmique et susciter une attitude d'attente, d'accueil et d'espérance (.2).
"L'ordre voulu par Dieu est que l'homme ait 'une' religion, une 'voie' de
salut par laqixelle et dans laquelle II accomplira sa révélation progressive
et l'oeuvre du salut" (5)* Mais alors, est-on sauvé malgré, dans ou par
les différentes religions ?

Certains théologiens diront : "malgré", L'Auteur dit : "danè",,,


"sans hésiter en ce qui concerne les grandes religions historiques" (4) et
ajoute par, au moins pour l'hindouisme, admettant que "Dieu agit par ce cul
te, par ces rites, par ce code doctrinal et moral, et qu'il agit, non per
accidens, mais par des moyens qtie l'on doit nommer valables et recevable^(5).
Il y aurait donc une légitimité des autres religions (6),
Si elle sont un moyen ordinaire de salut parce qu'elles sont majoritai
res et parce que Dieu a ordinairement un dessein universel de salut, elles
ne seraient toutefois pas équivalentes. Elles ne mènent pas toutes à Dieu
dans les mêmes conditions, L'Auteur rappelle ici que la voie de la reli
gion juive-chrétienne vient d'une révélation particulière et qu'elle figure
dans une économie spéciale de salut, tandis que les autres religions relè
vent de la révélation universelle et de l'économie générale du salut. Certes,
elles ont leurs défauts et leurs lacunes, mais, poxir les expliquer, il n'y
a pas lieu d'insister sur l'influence du démon, de la malice humaine ou
d'une malédiction, comme certains l'on fait antérieurement. On parlera plu
tôt de l'imperfection nâtive des personnes et des institutions humaines -ce

(1) G, THILS, Propos et problèmes, p, 122 et p, 187»


(2) G, THILS, Propos et problèmes, p, 125, Il se réfère à A, CHAYASSEdans
Eglise et apostolat, p, 58, pp, 43 - 44,
(3) G, THILS, Propos et problèmes, p, 131»
(4) G, THILS, Propos et problèmes, p, 132,
(5) G, THILS, Propos et problèmes, p, 133»
(6) G, TMLS, Propos et problèmes, pp, 133 -135.
482

qui vaut aussi pour le christianisme- et de l'imperfection due au fait que


les religions non-chrétiennes n'ont pas les prérogatives et la perfection
de l'économie chrétienne (l). Cette irnperfection-ci aurait, pour traits
spécifiques, par exemple ;

1) que l'économie universelle exprime des données surnaturelle^ rares, frag


mentaires, imparfaitement garanties, d'où des incohérences et des indéter-,
mina.tions quant aux contours des doctrines et des rites; ^
2) que la révélation cosmique est plus diffuse, qu'elle groupe moins leshom-,
mes institutionnellement et qu'elle peut laisser l'homme s'arrêter en che
min à la créature ou à des "dieux inférieurs" sans; aller jusqu'à la trans-?
cendance;

5) et que le salut vient du Christ seul, ce qui crée un problème dans les re
ligions où la grâce de Dieu est à peine esquissée et où, par conséquent,
on risque davantage de s'en remettre aux oeuvres légales et aux imperfec
tions rituelles (2),

4. Comment penser la relation entre les religions non-chrétiennes et le chris


tianisme ?

Les religions non-chrétiennnes sont encore actuellement légitimes car


"aussi longtemps qu'il n'y a pas obligation à embrasser le christianisme,
le régime ancien continue à s'imposer" et il est'Voulu par la Providence"(3j),
Il ne suffit pas que le Christ soit connu pour que cela change, encore faut—:
il qu'il soit reçu comme suffioienter credibilis (4). Kon seulement légiti
mes, les religions sont appelées à persister car, dit G, Thils, si l'Eglise
doit croître pour rassembler l'humanité, rien ne dit que ce sera le cas
avant la Parousie, en sorte qu'on peut imaginer la persistance d'un plura
lisme religieux posant, du reste, un problème à la pastorale missionnaire(5),
Lès lors, on observe différents avis sur la signification théologique
des religions. Pour les uns, elles expriment la pédagogie divine. Ce serait
i

la tendance de Clément d'Alexandrie, Il est alors question de

(1) G, ÎEILS, Propos et problèmes, pp, 140-141»


(2) G, THILS, Propos et problèmes, p, 142,
(3) G, THILS, Propos et problèmes, p, 147»
(4) G, THILS, Propos et problèmes, p, 155»
(5) G, THILS, Propos et problèmes, pp, 153 -155»
485

prepaxatio evangelioa, thème riche mais complexe (l)« h^autres ont vu la ma-^
nifestation d'vine opposition institutionnelle au Royaume, Une autre possi
bilité encore ; occasionnellement et pour un temps, les religions pourraient
être des instruments de Dieu, en ce sens qu*à travers elles. Dieu ;Jugerait
la religion juive-chrétienne, la secouerait, la rappellerait à l'ordre,
"On ne peut excl"ure cette possibilité" dit Mgr. Thils (2),
Par ailleurs, on pourrait chercher également un fonds commun. M, Eliade
proposerait de s'informer à partir de la situation anthropologique de l'hom
me parce que "ces substructures conduisent les hommes à se former uniformé
ment les mêmes représentations sjnnboliques fondamentales" (5), les archétypes
engendrant les symboles et se retrouvant dans les mythes et les rites reli
gieux.

Dans une perspective eschatologique, le théologien pourrait voir les rer


ligions marcher vers une unité finale et définitive. En attendant, on obser
verait ailleurs, en dehors du christianisme, des elementa religionis consti
tuant déjà une unité entre les religions, comme on peut repérer des elementa
ecclesiae pour exprimer la réalité ecclesiale présente au-delà de l'aire de
la communion catholique romaine (4).
Si le théologien se réfère au dessein universel de salut, il peut consi
dérer que ce dessein ne reste pas en l'air, mais qu'il s'exprime dans les re
ligions, lesquelles seraient des voies et des voies qui s'imposent à ceux
pour qui le christianisme n'est pas encore suffioienter oredibilis. Un plu-^
ralisme s'avérerait ainsi légitime (5)«

Il apparaît aussi que le christianisme aurait à fournir un effert d'in-r


digénation. Il devrait repérer ce qui lui est essentiel et le distinguer dè
son emballage plus relatif, L'indigénation dépasserait la simple exportation

(1) G, THILS, Propos et problèmes, p, I56,


(2) G, THILS, Propos et problèmes, p, 157«
(3) G, THILS, Propos et problèmes, p, I60,
(4) G, THILS, Propos et problèmes, pp, I6I -162.
(5) G, THILS, Propos et problèmes, pp, I65-I64,
484

de conceptions et de perspectives occidentales (l) et elle ne serait en au


cun cas du syncrétisme. Certes, la prudence s'impose, "Autre chose, dit
Mg' . Thils, serait de vouloir'ÎBfflioniser* toutes les conceptions religieuses
pour arriver à une religion universelle",,, "en tout ce qui concerne la re
ligion, en effet, les chrétiens se trouvent en présence d'une donnée histo--
rique qui vient des prophètes, du Christ et des Apôtres, et qu'ils ont à
respecter avant tout" (2),
Le théologien devrait admettre aussi que les non-chrétiens peuvent ap
porter quelque chose en rappelant aux Chrétiens des valeurs mises en veil
leuse chez ceux-ci, en les aidant à comprendre même certains dogmes et prin
cipes moraux, en enrichissant, par leur apport propre, des rites saoramen-
tels, en découvrant des aspects particuliers de spiritualité, "Telle est
sans doute la voie de l'avenir® conclut le théologien louvaniste (3)«

(1 ) G, THILS, Hropos et problèmes, p, 168 : "il est certain, en effet, que si


le christianisme se présentait à l'Orient avec le seiiL message authenti
que du Christ, sans imposer une certa-ine façon occidentale de le penser,
et de le vivre, et s'il assumait de fait, dans l'unité du Christ, toutes
les formes légitimes d'interpréter et de vivre ce message, la catholici
té serait plus pleinement réalisée dans sa dimension visible et socialeV
Ceci rejoint-il ce que Raymundc Panikîcar nomme la théologie "hindoue-
chrétienne" distincte de la théologie "indienne-chrétienne"?
(2) G, THILS, Propos et problèmes, p, I65.
(3) G, THILS, Propos et problèmes, pp. 166-167« Le même Auteur, dans La
"théologie oecuménique", souhaite un climat d'accueil personnel, sans im
poser ses vues, en respectant pleinement l'altérité de l'autre, p, 44»
"Respect, non point une discrétion qui ne cache que l'indifférence.
Respect,., parce que je pressens surtout que la rencontre sera déterminante
pour ma propre condition", p, 45» Pfe-is il y aura une "tension exaltante
entre l'invocation qui m'introduit à le. rencontre d'autrui et la fidéli
té confessionnelle qui appelle inévitablement une référence à une norme,
et donc une appréciation", p, 4^, car "il n'y a de théologie oecuméni
que que confessionnelle, mais renouvelée par la confrontation existen
tielle", p. ,49» On verra dans sa propre croyance, pp. 50-51» ce qui est
superflu ou relativisable, pour rester ouvert à vin renouvellement des
perspectives, d'autant plus, p. 70, qu'on ne peut identifier une Eglise
avec un système théologique, l'Eglise catholique connaissant, du reste,
une pluralité à l'intérieur d'elle-même, p, 65.
485

5. La relation entre le christianisme et les autres religions.

Dans la rencontre, le christianisme ne peut négliger que le Christ et


l'Eglise "possèdent quelque chose d'unique, d'absolu, d'exclusif dans le do-i
maine de la religion et du salut". Lire que le salut peut être reçu dans et
par les autres religions ne doit pas porter atteinte à cette "ahsoluité",
Tovit non—chrétien peut être sauvé par le Christ et être, en conséquence, en
rapport avec lui, avoir la vie de la grâce, ae situer dans la communion' des
saints et cela parce qu'il est fidèle aux rites, au culte et à la doctrine
de sa religion^ "dans la mesure où ceux-ci sont des biens réels d'origine dir
vine : le Logos spermatikos, le Yerbe révélateur, un envoyé de Lieu" (l).
Lans son contenu, le christianisme perçoit le mieTUC le Père, qui envoie,
son Pils, lequel sauve par la croix, et il soviligne plus clairement que l'a-r
mour donné par Lieu anime toute la religion (2), Il sait ainsi que 1 ' IncaiVr
nation crée une relation nouvelle avec Lieu et qu'elle se prolonge dans une
institution comportant une certaine structure pour organiser la rencontre
personnelle (3).
Lans l'histoire du monde,, le christianôjae, par rapport aux autres relir
gions apparaît comme la voie du salut, plénière mais toutefois pas unique
ou exclusive. L'affirmation "hors de l'Eglise pas de salut" a donc à la fois
sa profondeur religieuse et ses limites. Si l'institution existe comme moyen
privilégié de salut, il reste que tous les hommes sincères participent à la
vie divine par l'action de l'Esprit car "il n'y a pas deux justifications,
ni deux Esprits Saints, ni deux charités (4)» L'adage "Extra Ecclesiam
nulla salus" devrait donc être compris dans le mystère total de l'Eglise (5)
et.on pourrait conclure que l'Eglise est la voie par excellence de salut mqis
qu'il en existe d'atitres. Ou, si l'on veut, hors de l'Eglise, pas de salut,
mais, hors de l'Eglise, on peut être sausré.(6).
Ainsi, le christianisme est "la religion qvii représente adéquatement,
quant à ses éléments constitutifs nécessaires et qviant à sa signification

(1) G, THILS, Propos et problèmes, p-, 174.


(2) G, THILS, Propos et problèmes, pp. 175-178.
(3) G, THILS, Propos et problèmes, p, 179.
(4) G, THILS, Propos et problèmes, p. 180,
(5) G, THILS, Propos et problèmes, p. 179. R. PAMIKKAH nua.nce aussi l'ada
ge dans Religione e religioni, pp. 33 -34» 4'1.
(6) G, THILS, Propos et problèmes, p, 184.
486

essentielle, ce que le Christ a voulu lorsqu.*il fonda ujae institution de sa


lut" (l). En égard à cette affirmation du caractère complet, avec une nuan
ce de plénitude, que l'on a dans le christianisme, lés autres religions pré
sentent un certain inachèvement, une condition "inchoative", elles apparais
sent comme des préliminaires utiles voire nécessaires, elles constituent des
voies, elles expriment une pédagogie divine providentielle, elles contien-i»
nent des valeurs qui trouvent leur accomplissement dans le christianisme,
elles sont des économies moins parfaites, par rapport à l'économie du salut
idéale et normative, elles en sont, dit lîgr, Thils, un "double en mode mi
neur" (2),- Elles ont des ébauches, des flous doctrinaux, des normes de coi>-
duite positive, des miracles, me mystique, une sainteté. Les non-chrétiens
sont comme des personnes à qui il faudrait dévoiler les réalités divines
auxquelles ils participent déjà (3). Face à ces religions, l'Eglise, ainsi,
serait la communauté non exclusive mais modèle "qui exprime visiblement et
socialement la réalité chrétiennne possédée invisiblement hors de l'Eglise
visible" (4). Elle serait le témoin qui dévoile le dessein de Dieu,
Dans les rencontres et dans le dialogue, il ne faudrait donc pas abandqn-
ner l'évangélisation. Car il reste "qu'il existe un ordre normatif institué
par le Christ pour le temps de l'Eglise, Les bienfaits spécifiques de l'é-^
conomie sacramentelle ne seront jamais participés par ceux qui n'ont pas re^
çu le Baptême réellement. On ne peut oublier cet aspect du christianisme
lorsqu'on parle des 'chrétiens ànomymes' " (5).

Pour la clarté, relevons quelques points importants de ce paragraphe.

1° La révélation biblique poussé le croyant à s'ouvrir à l'miversalisme


mais il trouve en elle une norme et une plénitude.

2° A l'égard des autres religions, plus qu'hier, beaucoup de théologiens


optent aujourd*h\ii pour une perspective "optimiste".

(1) G, THILS, Propos et problèmes, p. 186,


(2) G, THILS, Propos et problèmes,pp. 186 - 187.
(3) G, THILS,. Propos et problèmes, p, 189.
(4) G, THILS, Propos et problèmes, p. 189».
(5) G, THILS, Propos et problèmes, pp, 194 - 195. L'Auteur préfère toute
fois que l'on parle de christianisme latent plutôt que de christianisme
anonyme (p, 194).
487

5° Dans la rencontre et dans le dialogue^' -un certain nomDre de points doiT


vent alors être soulignés si l'on veut éviter une détotalisation de la to
talité ;

a) la distinction entre l'histoire spéciale et l'histoire universelle


de salut;

h) la distinction entre la révélation particulière et la révélation uni


verselle;

c) 1' 'àbsolulté" du Christ Jésus et le caractère unique de la révélation


biblique, de l'Institution chrétienne et des moyens de salut qui vienr
nent du Père par le Christ, dans l'Esprit et dans l'Eglise visible; '
d) l'action de l'Esprit et du Verbe en dehors de la tradition juive-
chrétienne qui fait des autres religions un "double en mode mineur",
en marche vers une plénitude, vers un achèvement, vers l'Evangile;
e) les arguments théologiques à l'appui tels que l'universalisme du des
sein divin, le Logos spermatikos, le salut lié à l'acte créateur, la
loi dans le coeur, la logique d'une cristallisation de ce don dans
des manifestations et des religions, le fait du christianisme qui
n'est pas toujours pour tovis sufficienter credibilis, la pédagogie
divine, la preparatio evangelioa, la liberté de Dieu de choisir les
instruments, d'éclairer les personnes, de mandater des prophètes, de
déposer des elementa religionis et de donner à tous les moyens de
salut.

Ainsi, 1'alliance avec Abraham et ses descendants et la nouvelle alliance


en Jésus—Christ ne sont en rien une négligence de l'alliance adamique et noa-
ohiqToe d'une part, et, d'autre part, l'universalisme du dessein de salut n'é-
dulcore par le don ni la mission du peuple sacerdotal à la tête duquel rayonne
le Logos incamé en Jésus-Christ, avec les conséquences logiques, dans l'his
toire, de cette identification
48&

§ 5 - R, G, ZAEHNER lîr LE DIALOGUE ENTRE L^IIIDOUISMS ET LE GHRISTIMIStîE

Après avoir entendu la païole officielle de 1*Eglise catholique expri-


mée au Gonoile Vatican II, après avoir suivi la pensée d'un ecclésiologue ^
gyj» pg pT^ohlèïïie qui nous occupe, écoutons maintenant ce que dit R»G« Zaehnen^,
nn historien des religions spécialisé dans la recherche compara^tive, Nous n^
reprendrons pas ici son livre sur l'hindouisme (l) mais nous serons plutét
attentifs à la comparaison qu'il propose dans un autre ouvrage (2).
Dans l'Introduction à Inde, Israël, Islam de R,G, Zaehner, J,A. Guttat
distingue, en religion comparée, une approche polémique (3)» "une approche
descriptive (4), "une approche concordiste (5), mais l'option de R,G, Zaehnep.'
serait ce qu'il appelle l'approche dialogale.

(1) R.G^.ZASENER, L'hindouisme, Desclée de Brouvrer, Paris, I967.


(2) R.G. ZAEHNER, Inde, Israël, Islam, religions mystj^ques et religions pro^
phétiques, Desclée de Brouwer, Paris, 1965. Nous prolongerons les idées;
de Zaehner par celles de J.A, GUTTAT, dans La rencontre des religions. ;
(5) J.A, GUTTAT, Introd. à Inde, Israël, Islam, p. 8-11 ; cette approche
est liée au colonialisme, paraît peu chrétienne, exclut plus qu'elle
n'inclut, pense "contre" plutôt que "avec", confond le spirituel et Iq
culturel, pratique l'apologétique et proclame des anathemes»
(4) J.A.GUTTAT, Introd, à Inde, Israël, Islam, pp. 11-14 : approche "scien
tifique" qui déhuite au XVIII ème siècle. Axée, par exemple, sur la lin
guistique comparée, réalisée souvent par des agnostiques, elle n'atteint
pas toujours l'intériorité des religions et devrait davantage s'ouvrir
au: îîiystère .et au Transcendant, GUTTAT; pense à M, MULLER, E. BDRNOUEE,
GROSSMAN, S. LEVI.
(5) J.A. GUTTAT, Introduction à Inde, Israël,, Islam, pp. 14 - 17. Cette
approche cherche à ramener à un dénominateur commun la masse des phéno
mènes religieux, avec une tendance pro-chrétienne ou anti-chrétienne,
selon les cas. Elle tend à niveler des données hétérogènes, à escamoter
différences et contrastes. On la trouve assez souvent, aussi, dans les
religions mystiques de l'Asie, Elle refuserait peut—être la possibili
té "que l'unité transcendante des religions soit un mysterium futuri
dont Dieu seul possède la clef, un Secret qu'il se réserve de dévoiler
à l'homme lorsque 'les temps seront accomplis' " (p. 15). J.A. GUTTAT
pense ici à R, GUENON, P. SGHUON, A. lîOXLEY, VIVEKANAIUDA,
A.K, GOOîiARASWANr, au théosophisme et à l'occuiltisme.
489

Dans cette'.approche, on veut pouvoir se taire pour écouter l'autre,


afin de le comprendre tel qu'il se perçoit. On admet une épochè pour ne
pas juger, mais, toutefois, une épochè provisoire car il faudra "rouvrir les
parenthèses" et donner sa propre réponse, fécondée sans doute par les autres^
mais se.ns sjmcrétisme. On espère aussi le même type d'écoute chez les par
tenaires (l), bien que, souvent j "tout se passe ,,, comme si la foi au
Christ était la seule qui soit capable de se sentir assez stlre d'elle-même
pour avoir l'atidace de s'effacer pour un temps deva,nt une autre forme d'adhér
sien totale à l'Absolu" (2),
"Loin du provincialisme des misssionnaires de l'ancienne école, de
l'humanisme scientiste et des spéculations concordistes" (3), le livre de
R,C, Zaehner veut mener de front une foi chrétienne prête à accueillir tous
les élans spirituels non-chrétiens, Zaehner tient à dépasser la pure obser
vation de la science positive, à faire autre chose qu'une confrontation con
ceptuelle et cela en vue d'une confrontation intérieure et existentielle,

J,A, Cuttat ayant introduit et situé le professeur d'Oxford, voyons les


idées-forces de ce dernier,

1® Il fe^udtait distinguer religion prophétique et religion mystique soit


par exemple, la religion sémitique et la, religion indienne (5). Nous pro
posons ici la comparaison qu'il établit et, pour la clarté du discours,
nous juxtaposerons les points de vue sur deux colonnes.

(1) J,A, COTTAT, dans Introd, à Inde, Israël, Islam, pp, 20-22.
(2) J,A, CTJTTAT, dans Introd, à Inde, Israël, Islam, p, 22, L'Auteur ren-
voi-e ici à son ouvrage The oonsrergent Mnd : Towards à Dialecties of
Religion,
(3) J» A, CUTTAT, dans Introd,. à Inde, Israël, Islam, p, 59,
(4) J,A, CUTTAT, dans Introd» à Inde, Israël, Islam, p, 59.
(5) R.C, ZAEm^, Inde, Israël, Islam, pp. 72-81, R, PANIKKAR dans Religions
e religioni, compare aussi deux tendances dans l'esprit religieux, l'are
plus portéevers la transcendance (pp. 29-32), l'autre vers la vie inté
rieure, l'immanence et l'introspection (pp, 28-29),
490

Religion sémitique Religion indienne

prétention à la vérité grâce à la - indifférence plus grande par rap-'


révélation; port aux dogmes et plus grande dis
ponibilité à reconnaître la vérité
dans toute manifestation religieu
se;

- importance de prophètes mandatés - attachement aux sages cherchant un


qui proclament un message reçu; chemin qui mène au fondement immor
tel de l'âme (l);
- dénonciation de l'erreur; - propension à la tolérance et au dé
sir d'accepter l'autre;

- croyance dans le Tout-Autre; - recherche du Royaume au-dedans de


nous (2);
- attachement à un Dieu bon, créa - il importe peu de croire à un Dieu
teur, en qui on vit, qui nous personnel ou impersonnel, il faut
rend capables de le connaître et surtout découvrir l'Absolu ennou^
nous conduit vers la vision car nous savons alors que là se
béatifique de lui-même; trouvent la vie étemelle et notre

félicité (5);
- la vérité est une et indivisi - la vérité a plusieurs aspects,
ble; elle peut être regardée sous dif
férents angles;

- risque d'idéologie; - recherche d'un mode de vie;

(1 ) Pour R, PAÏÏIKKAR, le Christ agirait en eux comme le remarque R, GIRADLT,


dans Croire -en dialogue, p, 70»
(2) D'après R. GIRAULT, Croire en dialogue, p. 69, l'Inde mise moins sur l'ap
prentissage d'un message que sur l'appel du dedans. Voir aussi P. PALLON,
dans Pour un vrai dialogue entre chrétiens et hindous, pp. 115-115»
(3) J.A. CUTTAT, La rencontre des religions, p. 17 î "l'universalité trans
cendante du divin" est difficile à décrire adéqtiatement par qui que ce
soit, voir aussi M.DHAVAMOI']Y, La recherche du salut dans l'hindouisme,
pp. 208-210.
491

danger de fanatisme,' de persécu toutes les religions sont des voies


tion, de guerre menant vers un but unique. Il faut
trouver le fondement le plus intime
de notre âme (l), par conséquent au
cune intolérande;

Dieu attire comme un aimant, et recherche de la paix intérieure, de


on va vers lui; la sérénité, du calme des passions,
du détachement, du dépassement des
désirs;

le Christ sauve du péché par sa Bouddha montre comment nous sauver

souffrance et par la Croix; du monde;

la révélation est consignée dans le Veda contient la vérité primor


un livre envoyé par Dieu, écrit diale concernant l'homme, l'univers,
par les auteurs souvent repéra- l'âme, la nature des choses. Le
bles et situés dans l'histoire Veda est une vérité impersonnelle
d'un peuple; et un ensemble anonyme;

l'homme est composé d'une âme et la théorie du samsara (ou transmigra


d'un corps, il sait qu'il sur tion) souligne l'aspect temporaire
vivra (bien que la révélation en de l'union corps-âme. Deux mondes
f'Û.t tardive). Il ne rejette existent ; l'étemel (de l'esprit)
donc pas la matière et attend sa et le monde du changement incessant.
résurrection; Il faut chercher à se séparer de ce
qui est périssable;

importance de l'aspect person importance de la destruction de


nel de Dieu efc dechaque être hu l'ego pour être sauvé;
main (avec l'idée aussi de mou
rir à soi-même);

(l) J«A, GUTTAT, La rencontre des religions, p. 16 souligne la continuité de


l'hindouisme, depuis quatre mille ans, quant à la capacité de l'homme de
se transcender lui-même. Il parle de vocation à l'intériorité, d'aptitu
de à rentrer en soi-^ême. C'est,dit-il, "une dimension commune à toutes
les mystiques, y compris la mystique chrétienne" (p, I7). C'est, pour
nous, l'occasion de souligner la dimension mystique des religions prophé
tiques.
492

- line relation est possible entre - la personnalité étant illusoire,


notre personne et le Dieu, per i l faut se laisser absorber dans
sonnel 5 l'Absolu ou se découvrir soi-

même dans l'Absolu, dans l'Un sans


second. Importance de l'expérien
ce mystique, de la fusion, de l'ex
périence d'éternité, et suppression
de la dualité sujet-objet pour at
teindre m type de connaissance --à
laquelle ne peut arriver la conna-is -
sance discxirsive (mais ce n'est pas
pour autant l'union avec le Dieu
théiste);
- le prophète parle au nom de - on souligne l'aspect mystique et
Dieu; intérieur de la religion (avec des
exceptions dans l'hindouisme popu
laire) mais cette exp)érience mysti
que est incommunicable;

- le prophète parle de la relation - le sage dit " renonçons au monde


entre l'Etemel et nous; po\3r participer à un ordre étemel" ;

-• le prophète sait que l'Etemel - le mystique est immergé dans l'éter


parle par Itii; nel, il fait un avec lui;

- le prophète exprime des exigen - le mystique ne formule pas d'exigen


ces et attend l'obéissance; ces et montre seulement vine voie;
- Israël en vient, bien que tardi - l'Inde recherche l'étemité présen
vement, à l'idée d'immortalité te en chacun de nous^.
et de jugement posthume^.

Ainsi, dit R,G, Zaehner, "Israël et l'Inde sont les 'tjrpes' de toutes
les grandes religions" et un problème jaillit dans le dialogue entre ces deux
mondes, à savoir "l'étemelle pierre d'achoppement, Jésus-Christ, qui préten
dit être le Eils du Très—Haut" (l)» Nous y reviendrons, avec l'Auteur, dans
le troisième point de ce paragraphe.

(l) R,C, ZAEHNER, Inde, Israël, Islam, p, 81, Nous n'aborderons pas ici les
considérations du professeur d'Oxford sur l'Islam ni sur Zarathustra.
Yoir J,A, CUTTAT, La rencontre des religions, p, 20,
495

L'Inde apporte tine contribution à la recherche religieuse.


L'abord, on peut souligner l'importance de l'intuition mystique, ^La
philosophie indienne va prendre po\n? thème la relation de l'Un et du multi
ple, et la possibilité de restaurer iWité primordiale grâce à l'intuition
mystique" (l). S'il y a parfois un risque de panthéisme dans le fait de
souligner que le monde n'est pas distinct de Lieu, il n'y aurait pourtant pa^
pur panthéisme, en ce sens que l'Absolu transcende le monde par les trois
quarts de lui-même qui sont immortels (2).
En deuxième lieu, il faut rappeler la méditation hindoue, qui atiraifc ses
parallèles dans l'hésychasme, dans la répétition du nom d'Allah chez les
Soufis et les mystiques musulmans, par exemple. Le résultat désiré, consciem
ment ou inconsciemment, serait de vider l'esprit de toute pensée qui puisse
le distraire, afin de permettre que le divin, ou ce qui est tenu pour tel,y
pénètre librement. Il y a là une école de concentration ou de préparation
positive dont les techniques et les résultats présentent un intérêt réel,
que J,A, Cuttat nous rappellera (5)»
Lès lors, ne serait-il pas regrettable . que des comm'unautés religieuses
(parmi lesquelles aussi les Eglises d'Orient), soucieuses de mysticisme et
valorisant des techniques de concentration et de préparation, vivent separees
d'un Occident plus préoccupé d'ordre et de clarté et réciproquement ? N'y
a-t-il pas, d'une part, le risque de parler d'une révélation qui parfois se-,
rait coupée d'une expérience directe et,d'autre paart, le problème d'une ex-|
périenoe qui, coupée de la révélation, peut conduire a des exoestou a des*
aberrations î '?L''absenoe de précision dans la croyance religieuse, dit
Zaehnerj. constitue une faiblesse" pour l'Hindou, .aux yeux duquel la religion
est surtout affaire d'expérience (4)« L'Inde, d'ailleurs, convaincue que les
vérités suprêmes sont inexprimables, manifeste une grande tolérance et s'e—
tonne de nos querelles dialectiques (5)»
En troisième lieu, bien que l'évolution de la recherche sur le Brahman
n'arrive pas à la conception juive—chrétienne de la divinité, les penseurs ,

(1) R* G» ZAEHNER, Inde, Israël, Islam, p, 89,


(2) R, G, ZAEHHER, Inde, Israël, Islam, p. 90, Référence est faite au
Pumsasûkta dont nous avons parlé déjà,
(3) R, G,* ZAEEfflER, Inde, Israël, Islam, pp. 111 -112,
(4) R, G, ZAEHNER , Inde, Israël, Islam, p, 122,
(5) R«"G, ZAEHNER, Inde, Israël, Islam, p, 125»
494

hindous ont l'obsession d'affirmer que le phénoménal multiple ne peut être


ce qui est fondamental.^ Ils tentent de souligner les relations entre le moi
isolé et le monde, d'où une prise de oonsoienoe du Moi profond et de la res
ponsabilité personnelle, ce qui est une étape impressionnante pour l'homme,
dit Zaehner,dans laquelle il est cherché un quelque chose qui transcende 1 in
dividualité et qui soit étemel (l). Ils en arrivent à garder la transcen- ^
dance mais en mettant fort l'accent sur l'immanence. Dans la réflexion sur •

le couple Brahman-âtman, on insiste svœ le Grand Soi qui maintient l'univers,


qui transcende la matière et que le monde ne peut connaître et, à la fois,
sur ce Soi qui est un agent interne et demeure en toutes choses. Simultané
ment, il est autre que toutes les choses et toutes les choses sont comme son
corps (2), Jamais, cependant, on ne trouve une notion compatible avec le
Dieu biblique personnel, qui agit pour son peuple, qui fait irruption dans
l'histoire, révèle son dessein, conclut des alliances et se dit lui-même com*»^
réalité objective (5). Dieu, pour eux, ne serait jamais tout à fait hors dq
l'mivers. Il est "ce qui pénètre toutes choses" (4), ce qui ne va pas sans
des passages confus et ambigus.

En quatrième lieu, l'Inde recherche l'expérience mystique. Sa moksa.


ou voie de libération, cherche la dissolution de l'ego, "l'expansion de la
personnalité délivrée dans une mesure telle qu'elle renferme et embrasse tou
te la Nature", expérience écrasante, dit le professeur d'Oxford, et qui, pajc
la fusion Sujet-Objet, apporte une joie indicible, La question est, certes,
de savoir si l'on peut identifier l'expérience mystique en Inde et celle qui
existe dans le théisme et, spécialement, dans le christianisme (5),
Ainsi donc, l'Inde rappelle au monde l'importance de l'intuition mysti
que, de la méditation, de la transcendance et de l'immanence divines, ainsi
que de l'expérience mystique , Bien des préaeptes moraux du Sermon sur la
montagne figurent aussi dans ses écrits. On perçoit, dans sa recherche, une
évolution ou une tendance vers le monothéisme, avec parfois l'idée de la grâ
ce, Mais, par contre, on peut se demander si cette même pensée de l'Inde'

(1) R,G, ZAEHIER, Inde, Israël, Islam, pp, 125 - I27,


(2) R,C, ZAEEîNER, Inde^ Israël, Islam, pp, 154 - 136,
(3) R,C.,ZAEHI!îER,' Inde, Israël, Islam, p, I40, Ceci malgré le théisme pré
sent, par exemple dans la Svetâsvatara Upanisad et dans la Gitâ,
(4) R,C, ZAEEINER, Inde, Israël, Islam, p, I42,
(5) R.Cg, ZAEHRER, Inde, Israël, Islam, pp. 146-I47, 152.
495

développe •un iiamanentisme indemne d'ambiguïté^ siron manque d'obsession dog


matique ne l'entraîne pas dans une tolérance relativiste, si elle s'ouvre
suffisaimnent à la notion de personne (pour Dieu et po\rt? l'homme), à celles
de la survie individuelle, de la contingence par rapport à l'Absolu, de ré
vélation envoyée par un Etre qui parle à l'homme et qixL Se dit (l)« On peut
se demander également si l'Inde comprend bien le sens de la matière (2), du
coi^ps et de notre vie actuelle comme étape intermédiaire, avant la Parousie,
si elle perçoit le temps comme un progrès vers autre chose (3), si elle pous^
se assez loin son investigation sur le problème du mal (4).

Quelle serait la spécificité du théisme biblique et, surtout, du christiardsr


me ?

Si le christianisme est une foi universelle, dit Zaehner, "il ne peut


survivre qu'en prouvant qu'il est capable d'intégrer non seulement tout ce
qui, chez Platon et Aristote, est susceptible d'être assimiilé par les Chré- :
tiens, mais encore tout ce qui, da.ns les religions orientales, semble tendre
vers le Christ" (5)» "A moins que je ne me trompe lo'urdement, dit—il ails-
leurs, tous les courants que nous avons essayé de retrouver dans différentes
religions ne se rejoignent qu'en un seul point ; la religion de Jésus-
Christ" (6).

(1) R,C, ZAEEŒIER, dans Inde, Israël, Islam, p. 225, observe que la Cita ne
se présente pas comme révélée par ira Dieu situé hors de l'homme. Elle
constitue plutôt une révélation de ce qui est latent dans l'homme". Il
explique, p, 268, que le souci de l'Hindou de réaliser l'expérience d'ain
mode d'être étemel plus que d'une rencontre avec, un Toi étemel et oljec-
tif ne pousse pas la pensée à sentir l'utilité du prophétisme. Ce qui
peut paraître une force de cet univers hindou peut aussi être un aspect
incomplet,
(2) R.C. ZAEI-MER, Inde^ Israël, Islam, pp. 199-200,
(5) R.C, ZAEIiHElR, Inde, Israël, Islam, pp, 201 -202, Comme se le demande
R, GIRAULT, dans Croire en dialogue, p, 69, 1'lïide a-t-elle le sens de
la création, celui de la communion avec Dieu et entre les hommes, et
développe—t—elle •une théologie des réalités terrestres et de la montée
humaine avec ses aspects techniques ?
(4) R.C, ZAEHNER, Inde, Israël, Islam, p, 246,
(5) R.C, ZAEtlîIER, Inde, Israël, Islam, p, 267,
(6) R.C, ZAEHNER, Inde, Israël, Islam, pp, 284-285,
496

Si l'on veut repérer la spécificité du christianisme, on la trouve


moins dans sa morale c^ue dans la folie de la Croix, dans "la doctrine de
la rédemption par un sacrifice humain sanglant et la Résurrection du
corps" (l), dans un Christ aussi qui n'accomplit pas seulement la Loi et
les prophètes d'Israël, mais aussi le prophète de l'Iran (2) et les sages
de l'Inde (5), Il faut donc s'en tenir à la réstirrection de Jésus-
Christ, au Christ Dieu fait homme, au Christ qui, ressuscité, ne disparaît
pas tel un Bodhisattva mais qui fait de sa résurrection le gage de la no
tre, du Christ qui s'incarne, réalisant dans l'histoire l'incarnation
du Dieu suprême dont l'Inde parle en Krishna, mais dans des mythes (4)»
Il s'ensuit une sanctification de la matière et du corps, une théologie
conséquente du sacrement (5)» valorisation de la personne humaine aus^
si, dont le but est "l'accomplissement de son 'moi' individuel en union
avec la Déité" (6), une consécration de l'Eglise que le Christ a fondée
et une prééminence de sa révélation (y)»

J,A» Cuttat développe une pensée similaire à celle de R.C, Zaehner,


L'Ancien Testament, dit-il, présente l'originalité de croire à un Dieu suprê
me et unique qui veut l'univers» Il s'ensuit l'idée de Création alors que
l'Orient et l'Antiquité voient le monde davantage comme manifestation» D'une
part, il est question d'un Etre personnel qui fait oeuvre délibérée, d'autrq
pau?t, on paxle d'émanation nécessaire, d'un Principe métaphysique imperson-^
nel, d'un Infini non-ma.nifesté« D'un côté, s'opposant au polythéisme et •la •
l'immanent!sme, le monothéisme révèle un Absolu qui est Personne, et de l'au
tre, l'Orient présente et cherche plutôt un Absolu impersonnel, supra—person
nel, transcendant, personnel seulement dans quelques uns de ses aspects et
manifestations. "L'univers et Dieu y forment une espèce de totalité non ms-r
nifestée en son essence et manifestée en ses effets, ou, plus exactement, upe
Bi-TJnité à la fois infinie et finie, étemelle et temporelle". Ce monde esjt
alors, par conséquent, "le reflet d'une Eternité co-existante" (d)i

(1) R»C. ZAEHÎiER, Inde, Israël, Islam, p» 286»


(2) L'Auteur parle ici de Zarathustra.
(3) R»C» Z/iEHRER, Inde, Israël, Islam, p. 290.
(4) E»C. ZAEHHER, Inde, Israël, Islam, pp. 294-295»
(5) R»C» ZAEHDER, Inde, Israël, Islam, pp. 2,97-298»
(6) R»C» ZAEHÏIER, Inde, Israël, Islam, p. 302.
(7) R.C, ZAEHNER,, Inde, Israël, Islam, p. 507.
(8) J»A, CUTTAT,. La rencontre des religions, pp. 25-26,
497

Comme manifestation, le monde est "dégradation inévitable", comme création


il devient "croissance providentielle", montée vers le Créate-ur, avec nne
valorisation du temps et du monde comme histoire (l).
L'ambassadeur se demande alors : "la perspective monothéiste de 1®Occi
dent est-elle compatible avec la perspeotive'"«e^^e^^^'^ l'Orient'(2^ ?
Il faudrait à la fois sentir les divergences pour éviter le syncrétisme et
souligner les convergences entre devix dimensions complémentaires de l'himani-r
té, pour autant qu'une perspective puisse inclure l'autre sans la mutiler (3).
L'une part, la mentalité orientale pourrait, à première vue, difficilement
incorporer la perspective monothéiste sans la priver de la transcendance per-j
sonnelle de Lieu, de la gratuité de la grâce et de la valeur suprême de l'a-,
mour et, d'antre part, il semble que la perspective monothéiste pourrait
plus fanileraent inclure la perspective orientale sans la détruire, mais en là
surélevant (4).
Une solution souhaitable serait que nous approfondisaons notre religion
pour assimiler et pénétrer le noyau possible des autres univers. Par exem
ple, dit Cuttat, "éblouis par les concomitants extrinsèques de l'Incarnation
- civilisation occidentale, psychologie individualiste, philosophie aristotér
llcienne, pouvoir politique, etc, - ils (5) n'ont pas vu que la grâce du
Christ peut se manifester directement dans 1' 'Eglise invisible" Les
Occidentaux n'ont pas réalisé concrètement la dimension omniprésente du
Verbe incamé" et les Orientaux "n'ont pas découvert explicitement que l'^-i
tériorité extrême de l'Esprit culmine dans la transcendance extrême du Créa
teur" (6), Il y aurait donc à éviter une intériorité sans transcendance qui
peut mener au ritualisme, au fidéisme et au moralisme, a,insi qu'une transcen
dance sans intériorité qui peut faire verser dans la quiétisme, dans le gnos-
ticisme et dans l'amoralisme (7).
Le la, rencontre peut naître une féconda,tion mutuelle, L'Inde peut nouq
apporter les techniques eu l'art de la concentration, fruit du yoga,

(1 J.A, CUTTAT, La rencontre des religions, pp. 26 -27.


(2 J,A, CUTTAT, La rencontre des religions, pp. 28-39.
(5 J.A, CUTTAT, La rencontre des religions, pp. 29-30,
(4 J,A, CUTTAT, La rencontre des religions, pp, 30-31,
(5 Cîest-à-dirs les penseurs chrétiens,
(é J,A. CUTTAT, La rencontre des religions, pp, 52 -33,
(7 J.A, CUTTAT, La rencontre des religions, p, 34«
498

favorable à l'intériorité comteniplative (l)» Il s'ensuivrait ime valorisa


tion, dans l'ordre spirituel, de la réalisation sur la théorie, de l'opéra-
tif sur le spéculatif, de l'intuition sur le postulat* L'Orient nous rap
pellerait alors que l'aspiration mystique est inhérente à la vocation humaine
au lieu d'être un luxe (2), Il nous montrera,it l'aspect pré-conceptuel (et
non anti-conceptuel) de la foi (j)» réconciliant'homocentrisme"et théocen—
trisme, intériorité et transcendance (4),
L'Occident qui valorise le temps dans le plan créateur de Dieu pourrait
inclure l'Orient dans sa vision et se demander dans quel sens "le destin des
âmes orientales est, lui aussi, christocentrique" (5). • Il y aurait, en ef
fet, dans l'Orient, quelque chose confié au Fils par le Père, qui préfigure
le Verbe et qui débouche sur son Corps mystique (é). Il y a en effet, pour
Cuttat, une histoire "de la présence du Lieu personnel aux coeurs des non-
chrétiens" (7).
Une autre remarque intéressante de l'ambassadeur, lorsqu'il revient à
l'analyse de Eamalcrihna ; "xm s'aperçoit sans peine, dit-il, combien la ten
dance orientale d' 'unir poxir dissoudre ' appelle un correctif si le dialogue
entre les religions ne doit pas dégénérer en monologue" et ce correctif se
rait la tendance occidentale de " ' distinguer pour unir' qui caractérise la
spiritualité occidentale" (s), L'Auteur voit ici deux tendances antinomiques,
soit contraires sans être contradictoires. "Nous appelons 'antinomie' une
opposition dont les termes demeurent incompatibles dans l'ordre naturel et
ne se révèlent complémentaires que dans l'ordre surnaturel" (9)» La rencon
tre des deux types de religions met en évidence l'antinomie de 1'intérioritq

(1) J.A, GUTTATj La rencontre des religions. p« 3T,, L^Auteur établit une dis
tinction entre "intériorité" et "introspection" ainsi qu'entre "contem
plative" et "psychologique".
(2) J.A. CUTTAT, La rencontre des religions, p. 39,
(3) J.A». CUTTAT, La rencontre des religions, p. 40.
(4) Le Christ est "l'union totale de la pleine intériorité et de l'absolue
transcendance" dit CUTTAT, dans La rencontre des religions, p. 44»
(5) J.A, CUTTAT, La rencontre des religions, p. 44,
(6) J.A, CUTTAT, La rencontre des religions, p. 45.
(7) J.A, CUTTAT, La rencontre des religions, p. 46.
(e) J.A. CUTTAGJ, La rencontre des religions, p. 75-74.
(9) J.A, CUTTAT, La rencontre des religions, p, 75,
499

et de la transcendance» Si, d'une part^ l'Occident distingue trop, il y a


risque de fanatisme. Si, d'autre part, l'Orient se complaît dans son génie
mificateur, il risque de verser dans le tolérantisme et dans le syncrétis
me (l).
On ne peut, poursuit-il, tolérer que les religions soient réduites 'là
••

CM
00
des points de vue purement subjectifs dépourvus 00COde 'données' objectivement
connaissables" (2), Le cliristianisme, alors, présente un aspect nouveau et
unique. En Christ, "la présence objective d'un être pleinement humain est
la clef et la porte de ce qui est pleinement divin" (3), Christ est la voie,
est la vérité. En lui, la transparence du visible A l'Invisible est Infinie,
La foi dans le Christ "devient la faculté d'entrevoir, à travers un autre
homme, la réalité vue par Lieu et -dans les limites assignées à la créationr
Lieu lui—même tel qu'il Se voit, et ce, par le seul acte de regarder parles;
yeux du Christ, de contempler 'avec' Lui" (4),
Ainsi, l'homme parle d'une Yoie innaccessible et d'un Nom indicible pai;
nature, même pour les plus hauts des contemplatifs, mais le Verbe, en s'in- •
camant, les a rendus "cheminables et articifLables par grâce, même pour le
moins doué des humains" (5)* La volonté de Lieu qui vient vers l'homme dans
le Verbe incamé rend possible ce qui ne l'est pas à la volonté de l'homme
s'élevant vers Lieu, L'Incarnation "comble et suimonte les plus profondes
intuitions extra—chrétiennes" (6), Si, d'une part, l'Orient nous rappelle
notre vocation "naturellement surnaturelle" (7), le Christ enseigne à l'hu-.
manité, par exemple, que l'Absolu divin est personnel. Le Christ, par sa
résurrection, restatœe notre corps comme temple de l'Esprit, comme enceinte
de l'intériorité et comme ouverture à la transcendance (s). Le Christ,dans
la logique de la tradition juive, rappelle l'auto-révélation de Lieu comme
Personne, non comme Léité impersonnelle (9) , Il proclame l'homme créé

(1 J.A. CIJTTAT, La rencontre des religions. p. 75.


(2 J.A, CUTTAT,. La rencontre des religions, p. 79.
(5 J «A, CUTTAT, La rencontre des religions. p. 80.

(4 J,A. GUTTAT,, La rencontre des religions, p.

(5 J.A. CIJTTAT, La rencontre des religions, p. 85.


(é J ,A, CUTTAT, La rencontre des religions, p. 85.
(7 J,A. CUTTAT, La rencontre des religions, p. 86,
(8 J.A. CUTTAT, La rencontre des religions^ p.

(9 J ,A. CÏÏTTATj La rencontre des religions. p. 95.


500

comme personne. Il annonce qu^une relation est possible entre la Personne


divine et la personne h-umaine (l), H situe 1*homme devant Dieu, car il ne
suffit pas de mettre l'homme dans sa profondeur à lui. On dépasse ainsi
l'idée d'un principe impersonnel dans la perspective orientale du monde pei>r
çu comme manifestation, et l'idée d'une Tradition immémoriale est supplantée'
par celle d'une révélation dans le temps, La foi m.onothéiste est différente
de l'intuition intellectuelle, le sage n'est pas le saint, la délivrance •
n'est pas la résumcection (2),

(1) J,A, CUTTAT, La rencontre des religions, p. 95«


(2) J,A,CUTTAT, La rencontre des religions, p, 96,
501

CONCLUSIONS

Le Ooncile Vatican II, parole officielle de l'Eglise catholiq-ue et


Monseigneirc G, Thils, ecclésiologue, dogmaticien et expert au Concile, nous
apparaissent, d'une part, ouverts a l'universalismè^ dépassant des perspec
tives theologxques exclusivistes, inclusivistes, intolérantes, négatives,
tronquées, particularistes à propos des autres religions du monde et cela en
vue de dégager un regard neuf et optimiste à leur égard et, d'autre part, fer
mement attachés aux conséquences d'une religion que Zaehner appelle prophéti
que, sans pour autant, disons—le encore, développer une théologie fermée ou
sans risques"» Zaehner et Cuttat, sans renier certes le deuxième aspect de
la recherche théologique chrétienne, veulent nous faire sentir davantage
l'atmosphère —si l'on peut ainsi s'exprimer- des religions appelées mysti
ques par le professeur d'Oxford» Comme le Concile Vatican II, mais peut—être
plus explicitement, Zaehner et Cuttat souhaitent que le christianisme, déjà
fécondé par la pensée platonicienne et aristotélicienne, le soit à l'avenir
aussi par l'hindouisme» Aux yetix de Cuttat, il serait peut-être même plus
facile au christianisme de bénéficier de cette fécondation nouvelle que po\ir
l'hindouisme, bien que ce ne soit pas totalement impossible pour celui—ci»
Il nous a parlé des tendances antinomiques, soit contraires mais non contra
dictoires»

A ce moment de notre recherche, il nous est plus aisé de situer la pen—


sœ paniKkarienne,

R» Panikkar est informe de la théologie chrétienne, dans son évolution


historique et dans ses développements récents»

Connaissant les mises en évidence et les mises en veilletise, il semble


que, par conviction personnelle et pour interpeller ses lecteurs, il opte de
valoriser ce que nous avons parfois mie en veilleuse et qu'il préfère ne pas
privilégier de façon unilaterale, sans la nier toutefois, cette spécificité
du christianisme à laquelle nous tenons»

Ainsi, sans nier l'alliance abrahamique et la nouvelle alliance en


Jésus-Christ, le professeur de Santa Barbara valorise l'alliance adamique et
noachique. Sans nier le Christ incarné, il souligne le Logos étemel et omni
présent, n marche sans hésiter dans oe que Mgr» Thils appelle une perspecti
ve optimiste à l'égard des religions du monde. Dans cette ligne, il parle
plus de l'histoire universelle du salut que de l'histoire particulière du sa
lut, il rappelle la révélation universelle plus qu'il n'explique la
502

révélation particulière, il s'attache à l'action planétaire du Verbe et de


l'Esprit plus qu'il ne s'arrête seulement à l'Evénement spatio-temporelle- '
ment situé en Jésus-Christ et il utilise les arguments théologiques de l'u».
niversalisme du dessein divin, du Logos spermatikos, de la rédemption commenr
çant dès la Création, de l'antaryamin, de la pédagogie divine, de la liber
té de Dieu et du fait que tous reçoivent de lui les moyens de salut (l).
Si nous nous rappelons la différence entre l'hérésie monophysite qui
proclame la divinité du Christ et nie son humanité dans le docétisme et la
tendance monophysite qui insiste plus sur la nature divine que sur la nature
humaine sans toutefois la nier (de même qu'on peut distinguer, en christolo-
gie, l'hérésie et la tendance nestoriennes), ainsi eommes-nous portés à dire
que R, Panikkar ne tombe pas dans l'hérésie mais qti'il s'installe dans une
tendance et une tendance différente de celle de la théologie chrétienne tra
ditionnelle, du moins dans son ensemble.

Il nous dit, en cela, qu'il n'y a pas simple stratégie à l'égard de


l'hindouisme et nous pouvons y voir une foi qiii lui est propre, le résultat
d'un cheminement personnel, le fruit d'une adhésion profonde, la conséquence
d'm risque existentiel. La perspective particulière de l'Auteur est à res-?
pecter, on en conviendra. Encore faudra-t-il voir, dans cette ligne, jus
qu'où on peut aller trop loin.

Les vues de J,A, Cuttat sur les approches polémique , descriptive et


concordiste rejoignent celles de R, Panikkar, mais l'approche dialogale de
R,C, Zaehner que Cuttat décrit dans l'Introduction à Inde, Israël, Islam
semble assez différente du dialogue dialogique du professeur de Santa Barbara,
Pour Zaehner, l'identification Logos - Jésus-Christ et les conséquences qui
s'ensuivent restent primordiales, allant ainsi dans le même sens que le Conp
cile Vatican II, que le Père Schillebeeckx, vu antérieurement et que Mgr.
G, Ihils, Ce que disait Raymundo Panikkar, en effet, sur le dialogue dialo
gique était moins net. Nous l'avons expliqué dans notre chapitre précédent

(l) L'Auteur sait aussi reconnaître que l'alliance avec Israël est unique,
tout en ajoutant que Dieu peut agir à travers des traditions religieuses
différentes. Voir R, PANIKKAR, Le Christ et l'hindouisme, p, 1é9, Il
sait qu'Israël a un privilège et une place particulière qu'il ne veut
pas minimiser. Voir The Trinity anà the Religions Expérience, p, 25 ,
Il distingue "1'automanifestation divine en Jésus-Christ" et le révéla
tion hindoue qui serait davantage le fait d'une illumination interne liée
à la médiation de la sruti. Voir Spiritualita indu, p, 56,
503

et ne jtigeons pas nécessaire dV revenir.

R.C. Zaehner, ensuite, a proposé une distinction claire entre les reli
gions mystiques et les religions prophétiques. Cette clarté complète les
approches de G, Thils et cela nous aide à mieux repérer les racines hindoues
de R, PaniKkar qui expliquent beaucoup de ses idées coupe ;

1) sa prudence face aux cristallisations dogmatiques dont il souligne la re


lativité j

2) son ouverture à toute manifestation religieuse sincèrej


3) sa tolérance, prudente toutefois;
4) l'importance, à ses yeux, d'une expérience mystique personnelle et d'une
participation, d'unè adhésion de la personne;

5) la nécessité d'accepter un pluralisme philosophique, théologique et n^rs-


tique;

6) sa recherche des homologies repérant les intuitions convergentes et cher


chant la sphère traduisible des religions;

7) ses exposés sur le problème de la révélation;


s) sa métaphysique sous-jacente où Dieu et le monde ne sont ni un ni deux,
voulant ainsi dépasser les excès du panthéisme et du monisme, tout en sou
lignant plus la relation que la distance entre Dieu et le monde;

9) le souci de dépasser^une pensée purement discursive par le chemin de l'ex


périence et de l'intuition;

10) l'importance du silence et de la méditation qu'il prône poxir les autres


et qu'il pratique lui-même;

11) la difficulté de privilégier dans son discours à l'Inde un Christ absolu


ment identifié à Jésus-Christ;

12) le fait, qui ne va pas sans un certain flou dialectique, de créer des néo-
logismes (comme "ontonomie","orthopraxie", "homologie" "dialogue dialogir
que", "théologie hindoue-chrétienne") ou de changer le sens de certains
termes qui nous sont familiers (comme "Eglise", "catholicité", oommunicatio
in sacris, "sacrement" etc).

Ceci étant dit, il serait trop simple de dire que R, PaniKkar est hin
dou, donc comme on ne peut affirmer ; "Untel est écossais, donc il est-
avare", Si les racines hindoues de notre Auteur sonbrepérables, il faut
504

soToligner en pins nne option personnelle^ spécialement en matière ohristolo-


giqne, S*11 sait -il le dit clairement- que Jésus-Christ est Dieu et que
cette affirmation entraîne des conséquences logiques que la théologie • oc
cidentale privilégie, il ne fait pas de cette certitude son "fait primitif" ;
autour duquel s'organise le système cohérent qui nous est faMlier; Il part
davantage du "Logocentrisme",

Il se défend, en cela, d'opérer une stratégie d'approche pour apprivoi-


ser l'Inde, Il le croit. Il le veut» Mais, cela étant, n'est-ce pas aussi
une stratégie d'approche vis-à-vis de l'Hindou qui répugne à voir un Christ
limité dans le temps et l'espace ? En plus, c'est une option personnelle
qui, sans détotalisation fondamentale du "reçu" biblique, veut partir du
topos de l'Inde, Mais, dans quelle mesure une herméneutique diatopique par
tant de ce que Zaehner appelle une religion mystique est-elle compatible,
sans risques, avec une religion prophétique ? Ou, pour poser la même ques
tion en d'autres termes, une fois exposée une herméneutique du Christ à pa2>-:
tir d'un topos de religion mystique, comment R, Panikkar, vis-à-vis de ses
frères, transformés déjà par le-ur mystique profonde, par leur intuition, par
le-ur expérience personnelle, par leur expression rituelle, mais envahis éga
lement par leurs sages et leurs mythes, marqués en plus, par une absence
d'obsession dogmatique, comment,disions-nous, R, Panikkar pratiquera-t~il pour
dire aussi l'herméneutique du Christ basée sur le "fait primitif" de la théo
logie chrétienne, de telle sorte qu'un pont nouveau relie l'Orient et
l'Occident ? La question nous paraît fondamentale.

On ne potirra arguer,, q ce momentj du fait que cette théologie "Jésus -


centrique" est purement méditerranéenne car elle est simplement chrétienne,
et chrétienne en Afrique, chrétienne dans la Cordillère des Andes, chrétienne
dans les communautés de l'Inde qui ont reçu l'antique évangélisation. Cette
théologie n'est pas celle d'un topos sémitique et grec. Si une théologie
"hindoue-chrétienne", indigène à l'Inde, peut dépasser une théologie
'Indienne-chrétienne", qrii fait plutôt figure de produit d'importation, il
faut aussi que cette théologie notamment chrétienne,continue de le rester,.
Ainsi, ce qui est probablement résolu dans la vie du professeur de Santa Bar
bara est loin de l'être, sans doute, dans la vie de ce\ix qui le liront à l®st
et à l'Ouest, Si le christianisme peut assumer beaucoup des intuitions de
l'Inde, celle-ci est-elle prête à assumer la spécificité inaliénable du chris
tianisme sans laquelle il n'y a pas de christianisme î

Devant les positions panikkariennes, les réactions vont en sens divers,-


505

Certains seront négatifs, avec une certaine dureté (l)« D'autres reconnaî
tront que le professeur de Santa Barbara n'a pas une pensée révolutionnai
re (2), D'autres encore, prudents, se poseront des questions (3)* Sans en
trer déjà dans les conclusions générales de notre travail, nous voudrions
proposer ici quelques considérations,

1. D'abord, R, Panikkar prend le risque existentiel de ce que


M, Nédoncelle appelait la "double obédience", l'obédience à une religion
de type prophétique, selon l'expression de Zaehner, et l'obédience à une
religion de type mystique. Gomme le dit E.G, Mulder, notre Auteur ne se
contente pas de parler en géné3?al du dialogue entre le christianisme et
l'hindouisme -sujet sur lequel la littérature est déjà immense- mais il
se situe dans le dialogue, il l'engage, il est "à l'intérieur" (4) et il
présente l'avantage de connaître convenablement les deux religions (5), ,
Le problème est d'envergure, nous en conviendrons.

D'une part, il est normal qu'un croyant héritier de la tradition


juive-chrétienne privilégie un Dieu personnel, un homme qui est le "tu"
de ce Dieu, l'amour entre ce Dieu et cette personne humaine, une révéla
tion par mandatés ou "pro-phètes", une liturgie de la Parole, un droit
divin, une histoire sainte, une irruption de Dieu dans le temps, l'Incar
nation, un donné intan#>le, des dogmes, une Eglise instituée et organi
sée, une hiérarchie, des éléments normatifs apparaissant dans des événe
ments repérables, dans des personnes, dans des textes, dans une histoire
célébrée par des fêtes. Tout cela est le firuit d'une logique et se

(1) P, HACKER^ dans sa critique de Kultmysterium in Hinduismus un Christep-


tum, pp, 569-577» Cette critique prend poTor base des citations qui ne
reflètent pas l'ensemble de l'oeuvre panikkarienne, elle ne considère
pas l'hindouisme comme un monde vivant et donc évoluant et elle n'aborde
pas le sujet d'une manière susceptible de repérer les propositions poten
tiellement fécondes et d'accepter les ouvertures rendant possibles les
interfécondations, P, HACKER paraît plus favorable à une théologie
"indienne-chrétienne" que "hindoue-chrétienne",
(2) P, MOLIRARIQ,L'evangelizzazione delle culture e delle religioni nella
esperienza e negli scritti di Raymond Panikkar, pp, 519-541» voir no
tamment p, 322,,
(3) D,C, MUIDER, Raymond Panikkar's dialoog met het hindo&îsme, pp, I86-I98,
(4) D,C, MDLDER, Raymond Panikkar's dialoog, p, 186,
(5) D,C, ÏIULDER, Raymond Panilokar's dialoog, p, 197»
506

retrouvej bien que sous des formes diversesy dans les religions dites a^ra-»
hamiques, et, principalement pour nous, dans le catholicisme.
D'autre part, il est normal que quelqu'un qui, tout en étant chrétien,
comme R. Panikkar, connaît de près la vie religieuse multiséculaire de
l'Inde, soit frappé par la richesse des rites, des mythes, des expériences
mystiques, des symboles, des recherches philosophico-religieuses, des livres
hindous et de la sainteté de l'Inde. Dieu ne demande à personne d'être aveu^r
gle ou de mauvaise foi. Il est normal que ce croyant mette 1'accent sur
l'universalisme d'une certaine révélation et d'un certain salut, sur le Logos
qui ne parle pas seulement par Jésus de^''^zareth (ce que son milieu n'esrb
pas encore entièrement disposé à accepter bien que l'attirance de l'Inde vers
le Christ soit connue), suc le sacerdoce universel de Melchisédech et du
Christ Seigneur, sur l'alliance cosmique, adamique ou noachique, sur le fait
que nulle religion n'est purement naturelle, sur l'omniprésence active de
l'Esprit, sur la valeur religieuse profonde du Yeda, sur l'intérêt des re
cherches d'intériorité, d'intuition mystique et d'expérience religieuse au
thentique en Inde (notamment), sur le refus de colonialisme des uns par rap
port aux autres, sur les qualités et les exigences, sans en oublier les dif
ficultés, d'un dialogue qui peut s'ouvrir entre la tradition chrétienne et
l'hindouisme. Il est compréhensible que cet homme ne soit pas porté à partir
des spécificités du christianisme, sans toutefois pouvoir dire qu'il les re
nie ou qu'il les tait, de même que les héritiers de la, seule tradition juiye—
chrétienne ont souvent misé unilatéralement sur les spécificités légitimes
de leur foi au risque souvent —les exemples ne manquent pas— de verser daps
l'exclusivisme, dans l'intolérance, dans l'ignorance des autres, avec un com
plexe de supériorité et de conquête, menés par un certain unilatéralisme de
leur logique propre.

On pourrait suggérer l'image selon laquelle R. Panildcar tente de faire


tenir ensemble les deux axes d'une croix, celui d'une religion prophétique
et celui d'une religion mystique, avec le Christ au centre, rayonnant sur le
monde.

2. La perspective panikkarienne générale est à nos yeux, repétons—le, une


tendance. Elle ne" nouis a pas paru être une négation ou un refus de la ten
dance juive—chrétienne. Comme telle, cette tendance tente de repérer les
ouvertures déjà réalisées, met en avant les textes bibliques qui la légiti
ment -ceci paraît essentiel- elle privilégie ce que d'autres mettent en
veilleuse, elle ne détaille pas avec obsession ce que les autres privilégient
507

parfois unilatéralement, mais sans l'exclure. La perspective panikkarienne


générale ne nous semble donc nullement détotalisante in se mais constitue
indéniablement un appel adressé à la tendance juive-chrétienne autant qu'un
acte de foi, une option personnelle de l'Auteur et une option qui entraîne
une certaine logique.

Il est assez normal qu'une tendance soit tendancieuse. Il reste qiielle


compoirte également des ambiguïtés, du flou, des manques de clarté, ainsi que
certaines audaces. C'est le résultat de trois facteurs assez faciles à com
prendre et à repérer,

a) L'enracinemerthindou de R, Panikkar, car l'Inde n'a pas l'obsession dogma-


£que. Le discotirs panilckarien n'est pas marqué par le "virus de la li
gne droite"

b) Le fait d'une recherche nouvelle sous beaucoup d'aspects, une recherche


toujours en cours et donc une recherche qui tâtonne, qui propose, qui
suggère, qui est en voie de développement, qui est un jalon entre un pasr
sé parfois ambigu et un avenir à construire,

c) Le fait qu'il s'agit de problèmes fondamentaux, de sujets philosophiques


et théologiques, rejoignant la mystique et l'intuition, par conséquent
des sujets parfois moins facilement définissables que ceux de la science
positive . rr'est-il pas plus facile de donner la forravile de l'eau que de
définir l'homme, de décrire une fleur que d'exprimer l'Inépuisable, d'a
nalyser des réactions chimiques en laboratoire que d'expliquer les rela
tions entre l'Un et le multiple'J

3, La perspective panikkarienne est aussi nouveauté, et donc espoir et ris


que, Après des siècles d'isolement et d'affrontement, le Professeur de
Santa Barbara nous propose une quâte qui part d'un topos différent de celui
de l'Occident et s'efforce d'aller plus loin qu'une théologie indienne-chré
tienne, A priori, pourrait-on dire, cette investigation est à la fois dan
gereuse, parce qu'elle suit des sentiers vierges, comme il le dit, et inté
ressante parce que nouvelle, apéritive et interpellante.

Son option implique un risque existentiel et personnel et, de là, elle


exprime un voeu, une espérance, une foi, un dynamisme, un appel, une attente,
La recherche alors a la droit à l'hypothèse, à l'erreur, au risque, à la
"provisoireté", à la dynamique du provisoire, L'Auteur pose une question-e^-
et une question est un projet. Ce projet ne reste pas en l'air, il le prend
508

en mains. Il n'unit pas de façon naïve tout le monde au banquet, mais il


invite chacun à prendre déjà l^apéritif qui existe et cela avec l'espéran
ce eb la foi que peut avoir quelqu'un qui a mangé aux deux tahles avec appé- ;
tit et qui sait que le maître du festin est le même de part et d'autre.

On pourrait souligner ainsi l'aspect prophétique d'une telle démarche,


R, Panikkar n'est pas un simple "transmetteur", tout en connaissant la tra^
dition juive-chrétienne et la tradition hindoue. Il n'est pas un prêtre
- au sens panikkarien que nous avons vu- faisant un symposium théologique,
compromis par ses ouailles. Il est un prophète. Non pas un homme d'école^
mais davantage un explorateur, H ne se contente pas décrire et de jiixta-
poser ensuite, il recherche des convergences d'intuitions fondamentales. Il
ne prêche pas, il n'argumente pas froidement en dialecticien, il cherche plur»
tôt à deviner, à se demander si, à proposer que, à suggérer de, à sentir.
Il tente aussi de repérer en quoi sa foi chrétienne peut assumer, élever,
faire mourir et ressusciter son obédience hindoue et ce que son obédience
hindoue peut apporter à sa foi chrétienne telle qu'elle se cristallise chez
nous,

4, Que penser du malaise voire de l'énervement que le discotirs paniTdcarien


peut engendrer chez certains S L'Hindou n'aura-t-il pas l'impression que le
professeur de Santa Barbara "tire" l'hindouisme et ses écrits vers le chris-f
tianisme (1) ? Le théologien chrétien n'aura-t-il pas la sensation de ren—'
contrer des vues trop qjtimistes, parfois apparemment simplificatrices au re-i
gard de la sagesse chrétienne qui nous est familière ? Que penser aussi de;
néologismes pas toujours clairs et du changement de sens de termes occiden-;
taux ? Peut-on, sans difficulté, entrer dans l'option d'un autre, partager
sa décision philosophique, théologique et mystique, accepter son discours
parfois moins syllogistique, travaillant parfois par comparaisons et images,
par argumentation parfois tcuffue, par des schémas plus attendus en mathémaf-
tique qu'en théologie (2) ?
Nous répondrons par des questions. Ne peut-on penser à l'inévitable
fardeau des précurseurs dans différents domaines, comme Pasteur, Galilée,
Darwin, Garrigou-Lagrange, ou autre Lom Lambert Beauduin ? Quel est le pros
pecter sans ambiguïté ni accident ? Justin,Clément d'Alexandrie, Origène

(1) D,C, ]yiIILDER, Raymond Panikkar's dialoog, p, 197*


(2) R, PANIKKAR, Rtatattva, pp, 50, 52, 55, 55.
509

Tertullien sont des grands noms mais sont-ils complets ? Sont-ils tous
indemnes d'ambiguïté voire, parfois, d'hérésie ? On se réfère pourtant à
eux, on les cite, éventuellement cum grano salis, mais aussi respectueuse
ment, parce qu'ils ont leur message, leur intuition, leur sagesse propre, j
parce qu'ils sont des jalons. Thomas d'Aquin, malgré son équilibre et son
prestige, échappe-t-il au phénomène ? Pe^it-on être aveuglément thomiste,
aristotélicien, platonicien ou plotinien ? Certes non» Il n'existe pas de^
système imrfait. Chaque grand penseur dépose une parcelle de vérité. Il
est un chaînon dans la démarche du Geist. Notre Auteur aussi. Il est un
moment du Geist, un chaînon, quelqu'un qu'on citera, qu'on nuancera mais
qui, nous le croyons, fera date dans la recherche.

Dans l'évolution religieuse et culturelle de ce temps, il pose à tous


une question. Dans notre monde sécularisé, il appelle les religions à faire
un nouveau pas en avant et propose à l'homme de repenser son essence et sa
relation avec les choses, avec les personnes et avec les expériences existen
tielles de toute l'humanité. Il suggère à l'hindoviisme de dépasser la stag
nation , Il demande à l'Occident de vaincre l'indigence d'une civilisation
efficace mais prométhéenne. Il admet que le christianisme peut se laisser
féconder par l'Inde comme il le fut par le monde grec et sémitique. Il
lance un vigoureux plaidoyer en faveur des choses, des gestes et des person
nes face à l'intellectualisme, au matérialisme, â l'activisme, au statisme,
à l'isolationnisme. Il ne se dérobe pas à l'affrontement de l'universalisa
me en marche. S'il repère dans l'hindotiisme des consonances évangéliques
plus riches parfois qiie dans la sagesse grecque que nous avons assimilée,
peut-on le lui reprocher ? S'il refuse d'enfouir le talent reçu et s'il
veut, au contraire, le faire fructifier, n'est-ce pas louable, plutôt que
de considérer comme tolérables les compartementalisations de l'humanité en
marche ?

Avant d'aborder les conclusions générales de notre travail, nous ter


minerons ce chapitre en proposant une image sous forme de question. Dans
la nouvelle fresque de la Terre qui prend conscience de ses dimensions uni
verselles, R, PaniKkar n'est-il pas comparable à un nouveau îîichel-Ange en
conflit avec les questions et les étonnements de Jules II dans une nouvelle
Sixtine à la voûte de laquelle il s'agit de peindre le dessein planétaire
de Dieu ?
510
SYNTHESE ET CONCLUSIOH
511

SYNTHESE ET CONCLUSION

Avant de se retirer en Inde, en 1979 et 1980, R. Panikkar espérait que


cette recherche ferait connaître ses idées principales en Occident; Nous
allons donc chercher d'abord à mettre en évidence ce que nous croyons être
les lignes de force de sa pensée, celles, du moins, qui rentrent dans le pa?o-r
jet annoncé dans notre introduction, stir Dieu, sur l'homme et sur la relation
entre eux, A cette fin, nous opterons poTir des vues sjnithétiques et nous
nous dispenserons de références maintenant connues de nos lecteiirs,

I, A propos de Dieu ...

1. Sans nier la place l'Israël et la valeur de son théisme personna


liste, qu'on peut trouver ailleurs, par exemple au sein de l'hindouis-
me, dans les écoles de la bhakti et dans une partie de la Cita, sans
exclure non plus ce que Mgr. G. Thils appelle une histoire spéciale du
salut et une révélation particulière, R. Panikkar suggère que l'homme
de ce temps réinvestisse, plus en profondeur et de façon plus explici
te, le trésor religieux du dessein .universel du salut. Dieu est 'Dieu-
pour-tous" et non celui d'une minorité chrétienne de plus en plus mino
ritaire. C'est le message de l'alliance dans la Création, de l'alliap-
ce adamique et noachique, de l'alliance avec Melchisédech et dans le
Pils.,

Tout en restant l'Inépuisable pour l'homme pèlerin sur cette terre,


l'Absolu se révèle et sauve, de toujours à toujours dans -et non mal
gré- les religions du monde. Aucune d'elles n'épuise le tout de l'e:?c-
périence religieuse humaine. Aucune d'elles ne petit s'arroger le mono
pole de la vérité, de la bonté ni de la sainteté. Chacune est dans le
plan de la Providence. Rien n'échappe sur terre à cet Absolu qui enr-
vahit tout. Tout a une dimension abyssale et participe au mystère de
l'Etre.

Au-delà de l'isolationnisme théologique, au-delà du colonialisme


intellectuel et spirituel, au-delà des mentalités poDrbant les noms
d'exclusivisme, d'inclusivisme et de parallélisme, au-delà des expres
sions imparfaites de "fausses religions" ou de"religions non-chrétien
nes',' au-delà de tout provincialisme religieux, l'universalisme fondar»
mental du regard porté sur le monde à partir de cette approche de
l'Absolu fait comprendre que la Création et que la Rédemption ne sont
pas une faillite au profit d'une minorité d'élus et au préjudice de
512

l'Immense majorité de l'hximanité, ''lieu-pour-tous" est à l'oeuvre partout.


Il n'attend pas l'arrivée du croisé ou du missionnaire povir "pratiquer l'in
ceste" et féconder sa créature,

2, L'Absolu ne peut être dit adéquatement. Il est au-dessus de tout lan


gage terrestre. Humilité et relativité du discours humain I On ne prend
pas possession du Transcendant, Pour l'homo viator, l'Absolu garde son as-^i
pect n-umen, mystère apophatique, nirguna, nomen innomabile, "le Père silen
cieux et inaccessible", Brahman aux trois quart non manifestés, asat, saisis-
sable seulement par le dos, neti neti, unique et immuable. Cela explique
le silence du Bouddha. Gela relativise la puissance de la dialectique. Une
théologie négative, apophatique ou suréminente s'impose souvent. On valo-7
rise l'intuition et l'experience nystique. La spiritiialité de type personna
liste n'apparaît pas comme la seule possible et elle ne satisfait pas l'en
tièreté de nos contemporains,

loi, l'Inde peut, à l'avenir, enrichir l'Occidant, mais l'une et l'au


tre sont des chemins, des voies, des marches vers, en attente d'interfécon
dation, dans l'éspérance d'une croissance, par une mort et une résurrection,

5. Cela dit, faut-il penser l'Absolu comme coupé du monde ? Nullement.


A l'inverse d'une pensée méditerranéenne de tendance dualiste insistant sur"
la dichotomie entre l'homme et le monde matériel d'une part et Lieu, d'autre
part, l'Auteur, dans la ligne de l'Inde et de l'advaita, souligne la relation
entre les pôles du réel,

L'Absolu ne souffre pas une hétérogénité absolue, une substantialité


statique, une personnalité théorique. Tout est en Lieu mais Lieu n'est pas'
chaque chose.

Ni monismev dualisme. Ni panthéisme, ni matérialisme. Ni pure


transcendance, ni pure immanence. Ni confusion, ni absence de relation,
"Ni un, ni deux", L'Un et le multiple sont engagés dans une commune aventu
re, Il existe un lien ontique entre tout ce qui est et ce lien est consti
tutif de l'être. Tout est "ex-pression" de l'Un, Le monde est a Léo et
in Léo,

Par voie de conséquence, on pourrait soiiligner l'immanence plus que la


transcendance, ou la relation plus que la distance, relation entre le Père,
le Pils, l'Esprit, le monde et l'homme. Il faudrait parler de l'incessante
communication entre les sphères du réel, du "cosmothéandrisme".
513

Si tout est "uni-vers", un Dieu coupé du monde et sans relation n'a


pas plus de sens qu'un monde coupé de Dieui L'homme doit dépasser sa créa-
turabilité car il est plus que "de l'homme" et rien n'est a-religieux ou pu
rement naturel, ÎTous ne sommes pas des monades isolées et Dieu n'a pas à
être pensé en soi mais en relation. C'est le quatrième quar-è de l'Absolu,
Prajapati se démembre et se remembre. Le sacrifice créateur primordial se
prolonge dans le sacrifice des siècles comme le second acte de la création
qui est retour à la Source unique, orientation vers l'ultime, dont tout est
"l'expression",
I
Par sa vision non-dualiste, par sa redécouverte de l'unité radicale de
l'être, par le dépassement des réductions détotalisantes et des diastasds,
voici l'homme échappant à la suffocation dans le fini. Dieu est dans son
coeur. L'homme le rejoint en recouvrant 1'âtman et en laissant s'épanouir
1'antaryamin dans son Moi profond qui est parcelle de l'Absolu, étincelle de
l'Un, Après la solitude et le démembrement, Prajâpati vit de l'intégration
et pratique l'inceste.

Affronté au problème de l'Un et du multiple, R, Paniîckar sent la rela


tion entre les pôles du réel, plus peut-être qu'il ne la résout dialectique-r
ment. Nous le percevons incapable de graviter autour du seul monde, dans lé
cosmocentrisme de l'homme primordial, ni autour du seul homme, dans l'anthro
pocentrisme du moment économique. Il veut nous inviter, dans le moment ca
tholique, à repérer le caractère d'inépuisabilité de chaque être et à par- :
tager sa vision théanthropooosmique,

4, Si Dieu est l'inépuisable et si le monde et l'homme sont engagés mysté


rieusement dans le dynamisme divin de la relation constitutive de chaque
être, ne peut-on dépasser l'aspect impersonnel et "asaf de l'Absolu ?

Le théisme bibliqvie le fait, L'Inde également, dit l'Auteur, Il y a


un rapport "x" entre le Brahman et nous. Le Dieu des tendances théistes de'
la bhakti et de nombreux passages- de la GÏtâ ou de la Svetasvatara Upanisad,
c'est le Pils, le "de-Dieu", le Lord, Ce Dieu personnel, celui de la dévo
tion, de l'amour, c'est Quelqu'un, sat, créateur, Pantocrator vivant et su-
prahistorique, alpha et oméga, Logos qui a une analogie ontologique avec vâc
et sabda. Image du Père, absolu concret et vivant, ens realissimum, source
de tout être, proche du Brahman masculin - lequel est différent du Brahman
neutre - révélateur du Père, engendré de Dieu, "ex-pression* de Dieu, ce de
quoi, jpar quoi,vers quoi tout existe, proche d'Adonaî, du Enriôs, du Dominus,
514

premier issu des profondeurs de Brahman, aspect personnel de l'Absolu, grâce


du Seigneur,

Isvara représente cette intuition en Inde et il aurait une analogie


fonctionnelle avec le Logos et le Christ, mais un Christ qui agit dans toute
la Création, dans toutes les religions, dans le coeur de tout homme,
l'antaryajnin, celui qui agit en nous, libérateur universel. Dieu opérant.
Dieu qui appelle à l'union, un Christ q-ui appartient à Dieu se-ul plutôt
qu'au christianisme, un Christ que nul ne peut monopoliser paroe que tous en
ont le bénéfice, comme il est intelligible par la fruti* ainsi qu'il est lu
mière qui ill-umine tout homme dans le Prologue johannique.

Les Chrétiens le reconnaissent révélé et apparu en Jésus - ce que linde


n'admet pas encore- mais il agit partout, il eut des précurseurs dans l'An
cien Testament et ailleurs. Ce n'est pas "seulement Jésus". Prêtre de l'ai-?
liance cosmique actif dans toutes les religions, totale adéqtiation au Père '
dans l'éternité et au monde dans la mesure ou celui-ci se dirige vers sa fin
qui est aussi sa source -tout être n'a-t-il pas une constitution christopha-
nique y?- il est Quelqu'un, une Personne, Quelqu'un q\ii vit et donc plus
qu'm message, plus qu'un verbum mentis, agissant par tous les prêtres dumon-
de mais singulièrement par les prêtres catholiques et orthodoxes - frères de^
autres— présent dans l'Eglise, dans la vie des hommes et, au sommet, dans
l'Eucharistie.

Le Christ est donc sarx, même si l'Auteur n'insiste pas autant que saint
Jean sur le egeneto ou sur le eskènôsen, même si l'Auteur ne met pas l'accent
sur les conséquences, déduites dans la théologie chrétienne, de 1'identifica*
tien entre Logos et Jésus, sans toutefois nier cette identification , comme ;
nous l'avons vu.

Dans le Pils, Dieu a donc un aspect personnel. En lui la transcendance-


de Brahman est sauvée. En lui est l'issue au dualisme séparatiste , Il
peut être approché existentiellement parce qu'il est tourné vers le monde.
Par lui, Dieu n'est ^jamais loin. Caché depuis toujours et depuis toujours
vivant et proche, il n'est pas un Absolu lointain et immuable. En lui. Dieu
est perçu comme en relation et il ne se perd pas dans une substarifelité sta-'
tique,

II, A propos de l'homme ...

1. Rappelons, d'abord, la situation de l'homme au milieu des trois mondes :


le divin, le cosmique et l'humain. La raison, mais aussi 1 ' expérience vécue
515

existentiellement - et les Ecritures Saintes le rappellent à tons - amènent •


- - *
l'homme an Brahma~jijnasa , à s'onvrir an mystère de l'existence, de l'nlti-
me, de l'Un, L'homo viator se perçoit comme capacité illimitée de croissan
ce, engagé, à partir d'nn predicament concret dans un dynamisme qni le dépas^
s e et 1 ' envahit.

Se percevant comme la partie visible on se croisent tons les ordres de


la réalité, la réalité qni embrasse tont, point de rencontre des dimensions
cosmiqne et divine, lié à la terre et an divin, l'homme est appelé existen
tiellement à dépasser sa créatnrabilité, à vivre en tempitemité, à se .sitner
an-delà de la nécessité physiqne, dn scaphandre technologiqne, de l'activis
me infmctnenx de pnre prodnctivité, an-delà de la mathématisation dn monde
et dn prométhéisme antonome. Le monde temporel n'est pas son ambiance uni- .
qne. Tourné vers Lien et vers le monde,lié à l'nn et à l'antre, l'homme ap
paraît comme christophaniqne et sacerdotal. Il est pins qn'nn animal doné
de raison car cette perspective réduit et son animalité et sa divinisation, -
Son lien ontologique avec le divin et le cosmiqne ne peut que l'engager danq
le théandrisme conscient, on le réel a toujours une dimension matérielle,
une dimension de conscience et une dimension de mystère,

2» La situation de l'homme fait qne la foi lui est constitutive, ce n'est


pas d'abord la foi comme bonne réponse, on la croyance par onî-dire, mais
la foi comme question, comme dynamisme, comme éclatement vers l'ultime, com
me ouverture existentielle an transcendant. Ce n'est pas comme tel, un luxe
réservé à un club bourgeois détenteur de la vérité, ce n'est pas non plus
une croyance particulière - elle est même compatible avec un pluralisme in
tellectuel et moral (ce qni n'équivaut pas an chaos)- c'est une dimension
discrète, silencieuse, intérieure, qni remonte à la surface de mille façons
et qni témoigne de ce qni, dans notre profondeur, dépasse infiniment l'homme,
L'Auteur donne la primauté à la foi en tant que dynamisme, en tant que déve-r
loppement des potentialités de chaque être. Elle est désir, projet, dépas
sement du predicament, chemin -comme la religion- vers la fin, présente en
tous, voie de salut, moyen de réalisation, moksa-mârga, en bref, orthopraxioi
Cette accentuation marquée, l'Auteur sait aussi que la foi est liée à
une croyance, qu'elle a un contenu culturel, qu'elle a besoin d'un véhicule
intellectuel, mais il ajoute qu'elle est plus que conceptualisatign, qu'elle
dépasse la dictature d'une culture ou d'un système et qu'une foi différente
de la nôtre peut être salvatrice. Par-delà la dogmolâtrie, la religion doit
transmettre un Logos vivant, le Révélateur, et non seulement une
516

hermeneutiqiie * , m contenu doctrinal, une réalité noétique, me gnose, m


système fermé, me orthodoxie qui ne vainc pas toujours le verbalisme, l'ouï-.
dire et le point de vue des intermédiaires institutionnels, La foi admet-
*
tra que la raison soit au rendez-vous de l'existence authentique mais elle
sera plus que rg^tio, pour rester aussi intuition, affectivité, cheminement,
adhésion et dynamisme. En cela, nous l'avons dit, on perçoit"me influence
sensible de l'âme hindoue,

5® L'homme devrait vivre en ontonomie , L'home religiosus approche le mon


de, l'existence et le divin avec des structures mentales différentes. Les
ms vivent en hétéronomie , Eace à m Dieu dont ils soulignent la sainteté,
ils se perçoivent pécheurs et mortels, ils se prosternent, ils adorent, ils
obéissent, ils se soumettent.à des. institutions hiérarchiques. Conscients â,e
la provisoireté de d'aujourd'hui, ils tendent vers le post-temporel, ils mi-,
sent plus sur la première table mosaïque sans nécessairement négliger la se-j
conde et ils s'en remettent à l'Absolu qui est, à le-urs yexix, le maître in-J
contestable de l'histoire. D'autres vivent en autonomie , Debouts, cons
cients de leur dignité, ils prennent le saeculum au sérieux, ils collaborent
activement à l'édification du monde, ils militent pour les droits de l'hom-
âie et ils luttent pour que s'instaurent des conditions meilleures d'existen
ce pom tous, La vie leur apparaît riche de densité. Ils la prennent à
pleines mains.

En ontonomie , l'homme n'est ni prosterné devant m tyran lointain au


quel rien n'échappe ni soumis à des institutions qui pensent sa vie à sa
place, il n'est pas debout non plus, dans me attitude de révolte, d'activis
me ou d'iconoclasme. Ainsi le Glirist, pleinement Dieu et pleinement homme,-
ni plus l'un que l'autre, apparaît comme le type même de la parfaite réalisa
tion de 1'ontonomie,

Ni abdication, ni révolte, SEL hétéro-rédemption, ni auto-rédemption.


Ni obsession du post—temporel, ni suffocation dans le fini. L'homme ontono^
vit son dharma, son être, son existence. Il allie action et contemplation.
Il ne fuit pas dans l'ermitage ni ne s'anéantit dans l'usine. Les deux sont
dans sa vie. Poussé par le dynamisme interne qui Itil est constitutif, l'hom
me sȎpano\iit au. carrefour des trois mondes,

III, A propos de la relation entre Dieu et l'homme ,,,

1, H, Panikkar valorise la relation entre les deux grands pôles plus que
la distance. Nous avons régulièrement perçu me métaphysique sous-jacente
517

à la pensée panikkariennei Elle est non-dualiste, marquée par l'advaita.


Tout èst de Dieu et en Dieu, Il existe un lien ontologique entre tout et
entre tous, le réel est manifestation de l'Absolu -pensons à la parabole
de la oruohe cassée- et on l'approche connue iimntiable, Tout est attitude et
geste de Dieu, La chose est Dieu sous l'apparence de la chose présente, ,
Elle est ontophanie, elle est manifestation de l'être. Dans un souvenir
d'advaita, on soxxligne les convergences.

L'homme, ainsi, est appelé à prendre conscience d'une expérience non-


dualiste de son acte à la fois humain et supra-humain, à demeurer au carre-
foucde l'être, La vie est culte dans la mesure où elle est vécue comme rela
tion libre et consciente entre le divin, le cosmique et l'humain, comprenant
l'esprit, le corps, l'émotion, la philosophie, la science, la mystique, l'in
tériorité, les relations, les actions, l'amour.
"Devenu", contenant de Dieu, l'homme est invité à sentir que toute son
action a une signification transcendante, qu'elle a un lien avec sa fin su
prême, Dans la synthèse de l'hétéronomie et de l'autonomie, l'homme peut
alors vivre en ontonomie. De son moi profond, avec une participation inté
rieure, dans l'engagement même de son être, l'amour qui lui est consécutif
jaillit de lui—même sans lui être imposé. Il vit en tempitemité. Par la
participation ou la mystique., ayant dépassé la séparation ou la distance en
tre le sujet et l'objet, il se perçoit comme un élément du tout.

Jailli du coeur même de sa personne, lié à la vie quotidienne, démar


che libre qui le fait exister pleinement, en quête de son être et de l'Etre,
le situant au milieu des trois mondes, son culte ontonome exprime son inté
gration dans le Tout et fait coopérer son corps et son âme, le divin et l'hu
main, la matière et l'esprit, sa raison et ses émotions. Il est alors com
me le Christ dont l'oeuvre est humaine et divine,. Son agir intègre sa cor—
poréité, ses relations, sa lutte pour le service et la libération, son inha
bitation dans la nature. Il n'y a plus, dans sa démarche, ni rites'inon-signi-
fiants, ni mépris du saeculum, ni évasion. L'homme dépasse, par son théan-
drisme, la banalité, la pure agitation, la médiocrité, la superficialité
d'une existence inauthêntique, Cultivant son centre, il vit au coeur de la
réalité, il participe à tout "l'univers", il renoue avec Dieu, le cosmos, les
esprits et les autres hommes.

2, L'orthopraxie semble être la vocation de chacun à s'orienter vers ce


qu'il considère comme étant son accomplissement intégral. L'action ne doit
pas être imposée du dehors comme en hétéronoraie, ni se dresser comme une
518

révolte autonome et prométhéenne^ ni se confondre avec l'activisme, mais elle


reste ontologiquement plénière, acte de notre être nu et supra-naturel qui
se lance vers le transcendant en raison d'une mjrstéEieuse attraction,

La religion apparaît d'abord comme orthopraxie et elle ne devrait pas


être pensée en dehors de son aspect existentiel, bien que cet aspect ne soit
pas le tout de la religion. Il faut avoir le souci d'une théologie intégrale
qui soit plus que science, La vie entière n'est-elle pas rite, chemin vers
le salut,: la réalisation, le bonheur, la plénitude ? Soucieuse de voir col
laborer le divin et l'humain pour maintenir l'univers et lui permettre d'at
teindre le divin, exprimant ainsi la solidarité cosmique et transformant le
réel, 1'orthopraxie peut rassembler, à ce niveau, des gens adhérant à des or-r
thodoxies différentes, façonner leur vie extérieure et intérieure, faire de
l'homme le facteur de son destin, le conduire à participer à quelque chose
qui nous transcende tous.

Comme telle, 1'orthopraxie englobe tout l'agir humain en tant que géné
rateur, de coimnunion entre tous les hommes et avec le cosmos. Elle s'exprime
dans l'aide aux pauvres, dans la réconciliation fraternelle, dans les arts
et la recherhce du beau, dans le repas, la danse, la fête, l'amitié, dans la
lutte pour améliorer le sort des hommes, dans une convergence morale déjàgra,n-"
de entre les différentes religions.

Elle s'incarne dans des actes vivants, ressentis comme naturels, posés
par des êtres purs, manifestant une fraternisation entre tous, car il n'y a
pas de "sans—Lieu" ou d'êtres purement nat\irels. Les gestes sont; posés, des
symboles sont" utilisés. Ils ont valeur en soi. Ils accompagnent des actes
intérieurs. Ils sont compatibles avec des orthodoxies différentes, exprimées
dans des nigriques , mais elles doivent toujours tendre à la sincérité et à
1'authenticité,

Au-delà de la distance parfois grandissante, au fil du temps, entre le


rite et l'intention porteuse de sens,dominant la crise des inteaanédiaires,
1'orthopraxie a un souci de vérité, d'expérience personnelle, d'immédiateté,
d'une participation intelligîKrbe et personnelle. Elle a soif de cohérence,

3» L'Inde propose à l'homme une dimension mystique. Elle connaît une spiri
tualité de tj'pje personnaliste dans plusieurs de ses mouvements et de ses li
vres sacrés. Elle propose aussi une spiritualité d'un autre type, qui nous
est peut-être moins familière.
5i9

PoTir écarter les obstacles à notre réalisation^ po-ur faire découvrir


ce que nous sommes, poioriévéler ce qui était déjà présent, pour irradier la
vie, pour transcender les dualités, pour nous situer sur le chemin ontologi-
et dynamique de l'homme avec le divin, pour redimeiitionner l'existence, pour
vaincre la superficialité, sommet du Yoga poxir nous diviniser, pour suppri
mer les ruptures entre nous, le monde et la totalité de l'Etre, pour nous
l'ondre dans le plus haut, pour nous libérer de la banalité, de l'atomisation
de l'existence, du seulement temporel qui est alors transcendé et du seule
ment étemel, la méditation nous situe au carrefour des trois mondes.

Le son, la parole, le mantra, les hymnes sont essentiels. Ils sont les
véhicules de l'intériorité. L'action n'est pas dévaluée mais enrichie parce
que, par la méditation, tout est "con-centré" et nous émergeons comme coopén
rateurs du divin.

En elle-même, la méditation apparaît surtout comme intériorisation,


comme recouvrement de l'âtman, comme descente en soi, comme moyen vers notre
fin, et comme notre fin elle-même, tremplin vers la moksa progressive, re
pos en Dieu, Initiation libératrice, elle fait percevoir 1 ' identité brahmanr
atman , elle résorbe la distance entre sujet et objet. Le calme, le silencé,
la tranquillité intérieure, la paix, l'espace sacré extérieur et intérieur
sont de valeurs religieuses. Par l'agnihotra intérieur, par le sacrifice :
du tempsde l'espace, des choses, de nous-mêmes, de notre pensée, la médi
tation rend l'Absolu présent par notre absence. L'homme peut alors promou
voir le monde spatial, sentir la dimension plénière des choses, rendre l'ac
tion contemplative et la.parole authentique. Le quatrième état vient privi
légier l'immanence, "favoriser l'inceste" et développer notre immersion dans
le divin.

Une spiritualité qui ne se manifeste pas en relations inter-personnel-


les peut nous aider à nous laisser pénétrer par le dynamisme divin et par la
relation ontique. Si cette spiritualité peut séduire ceux qui sont marqués
par une crise de la conception personnaliste de Dieu, elle n'est toutefois
pas la seule. Le kazma-marga * , le bhakti-mârga et le jnânâ-mârga * sont
en effet des tendances complémentaires rendant évidente la recherche par
l'homme d'un lien avec sa source,

4. Le sacrifice est au centre de la relation entre l'homme et Dieu.

Dieu n'est pas seulement Dieu, ni l'homme seulement l'homme. Dieu se


donne et l'homme fait retovir à sa source. Un quart du Tout se démembre dans
$20

le sacrifice primordial créatein: de Prajâpati-Pomisa, Par le sacrifice des


, • ♦.

siècles s'opère le retotœ à la scurce. Il est participation à l'oeuvre di


vine, Dans le processus théopoïétique -qui refait Dieu- l'homme est "co-
liturge", coopérateur de 1'Absolu, Il renaît en Dieu, Il recompose l'union
entre le divin, le cosmique et l'humain. Le sacrifice est un événement cos
mique ,
c

Toutes les religions du monde aspirent à l'acte théandrique parfait.


Dans l'Eucharistie, le christianisme rejoint donc les autres religions dans •
leur aspiration la plus profonde.

Obsédé par l'idée du retour du tout au Tout, de la rédemption cosmique,


de la réintégration dans la Source, de la restauration englobante,
R, Panikkar valorise le sacrifice qui est essentiel à l'hindouisme et la
réalité de l'Eucharistie qui est centrale dans le christianisme, Opus Dei
et opus hominum, le sacrifice est l'action théandrique où la création et
l'homme imitent Dieu ontologiquement. Dieu se donne et l'homme devient
Dieu, Il exprime sa vocation théandrique, L'Eucliariètie vient ainsi réali-j-
ser le mouvement descendant du Tout vers la Terre et la restauration ascen- ;
dante du monde vers le Tout, Le Chrétien y offre le sacrifice qui crée, rar
chète et glorifie le monde, et il reçoit le sacrement où Dieu se donne au
monde, La séparation dialectique entre le monde et l'immuable surhumain se-
résorbe. L'Eucharistie remembre Prajâpati, elle assure l'équilibre oosmiqué
en brûlant la contingence et la créaturabilité, elle fait aller les êtres
vers l'unique fin de Dieu qu'est Dieu lui—même, elle fait "se perpétuer
l'inceste", elle mène à la'idéalisation ontique". Elle est développement de
l'Un, "ex—pression" de lîoriginal en Christ, le sommetdu dynamisme de descen
te et de retour,

lY. A propos du dialogue entre l'hindouisme et le christianisme. ...

1. Le dialogue dialogique. Ce n'est pas un affrontement dialectique, ni


un congrès philosophique, ni un symposium théologique, ni une tentative ec
clésiastique, Dans la foi,!'espérance et l'amour, le dialogue dialogique
est un acte religieux par lequel l'homme s'ouvre à son frère et à son expé
rience vécue. Sans mettre sa croyance entre parenthèses, l'homme pose un
acte de foi en Dieu q-ui est présent dans l'autre, il repère les présupposi
tions des uns et les siennes propres, il observe les parallélismes,les con
vergences, les homologies ou analogies fonctionnelles, il tente de rejoindre
521

le plstema au-delà du phenomenon. Dans la relation où l'homme embrasse son


frère en lui accordant sa confiance, il reconnaît sa limitation personnelle,
il fait acte d'humilité, il prend conscience aussi de son interdépendance.
Il entre en dialogue avec lui-même -un dialogue intra-religieux- il mevœt
et ressuscite, il se laisse féconder par un amour universel qui englobe cha
cun en Dieu, il prend le risque existentiel de 1'interfécondation. Il met
en jeu son salut personnel, son espoir, son approche du mystère et il sait
que tout le monde est en pèlerinage sur le même chemin. Il ressent que tout
se situe dans une même gravitation universelle, dans l'identique économ.ie de
l'Esprit*, dans une pre-essenza divina, pre-Dio,

2, La rencontre entre les religions suppose iine recherche scientifique où


interviennent la sociologie, l'histoire, la phénoménologie, la psychologie
et la philosophie, îlais elle peut aller plus loin. Le concert immense des
religions n'est-il pas, en effet, comme une situation historique dynamique ?
La plénitude des temps, la croissance, la construction du Corps î^ystlqu.e ne
peuvent-elles pas s'acquérir par l'apport temporel de toutes les religions ?

A cette fin, il faudrait que les règles du jeu ne soient pas données
seulement par une des parties en présence, La croisade prendrait fin. Le
complexe de supériorité disparaîtrait et, avec lui, l'exclusivisme intolé
rant, l'inclusivisme orgueilleux, le parallélisme comparatif et juxtaposant,
le colonialisme conquérant, mais sans pour autant qu'on puisse verser dans,
le syncrétisme amorphe ou dans le relativisme néantisant.

La tâche présente des risques -l'histoire le montre— mais notre temps


est, aux yeux de R, Panikkar, un kairos pom: repérer l'unité de base entre
les religions, pour sentir le nucleo identioo, pour dégager les polarités
créatives et les non—contradictions, L'Auteur rêve alors d'assomption sans
répudiation, de symbiose sans syncrétisme, de croissance par interféconda
tion grâce aux autres religions qtii, elles aussi, ont le bénéfice du Révéla
teur, Le "prophète" doit être capable de moiirir et de ressusciter, d'allier
continuité et nouveauté, de marcher sur des sentiers vierges et d'assimiler
ce qui vient de l'extérieur, comme le corps humain le fait avec sa noiirritu-
re,

3» Dans cette rencontre, l'hindouisme apparaît comme un ensemble complexe,


signe de vitalité religieuse. Il se caractérise aussi par son obsession de
l'existentiel, du vécu, plus que par son souci dogmatique, tout en ayant aus
si des dogm.es*. Il est un mode de vie qui conduit au mysticisme.
522

Sanâtana dhaima^lié à la sruti * intemporelle plus qu'à des prophètes man


datés, il est imprégné de l'immanence divine plus qu'il n'est en quête de la
transcendance. Il ne centrifuge pas le réeli II ne sépahe pas Iiieueb le
monde.

Avec un sens profond du sacré, dans un univers qui lui apparaît auréo
lé d'une structure sacramentelle, riche de la présence active du Révélateur
vivant, l'hindouisme conduit l'homme au repos dans le Fondement, au silence^
à l'intériorité, à l'expérience mj'-stique. Il serait dans le plan de la
Providence comme un point de départ dont le sommet se trouve dans le chris
tianisme. Est-il, du reste, une religion non-chrétenne ?

4. Le christianisme historique repose sur des prophètes, il est informé par


des événements historiques, et, en premier lieu, par le Christ Jésus, Le ce
fait, découlent, pour les Chrétiens, des réalités institutionnelles et saor^
mentelles, au sommet desquelles se situe l'Eucharistie.

Le Chrétien fait partie du peuple de Lieu, il accomplit une mission uni


verselle, il prolonge le pacte avec Israël par un contrat nouveau et défini^
tif. Sa vocation est sacerdotale. Il est prêtre de l'univers, il offre le
sacrifice pour le monde et pour le monde reçoit le sacrement. On doit sou
ligner qu'il est conscient de son rôle, parce qu'il est l'ohjet d'un appel
personnel pour créer, racheter et glorifier le monde et construire active
ment le Corps ])''^stique.

S'il peut comprendre que le moule méditerranéen qui l'a façonné n'est
pas le seul et qu'il peut l'enrichir, s'il se sent inséré dans le peuple
des hommes saisis par l'Esprit de toujours à toujours, il peut construire upe
catholicité en Lieu, méditer avec Pierre à Joppé et préparer, peut-être,
Jérusalem II,
Après un résumé des^ idées principales développées par notre Auteur et
en restant dans le cadre de notre projet, nous voudrions prendre nos distan
ces et nous interroger. Ce n'est pas ici le lieu de reprendre in extenso
les questions qui ont jalonné notre découverte des perspectives panihkarien-
nes» Nous voudrions simplement poser quatre questions qui nous paraissent
fondamentale s,

1° L'hindouisme peut-il aujovird'hui se reconnaître à chaque coup dans la


présentation qu'en fait Eaymtindo Pa,nikkar ? Il nous semble, en effet,
que, dans son herméneutique diatopique*, le professeur de Santa Barbara
reste fort occidental, au moins dans son langage, car sa terminologie est
523

souvent chrétienne, même s'il ne garde pas toujours à chaque mot le sens
que l'Occident lui donne, L'Inde est-elle préparée à cette terminologie ?
§ue penseront le brahmane et le sâdhn des termes de "grâce", de "sacremenf^
de "rubrique"*, de "nigrique" *, mais plus encore, de"îrinité"^ de "Logos"^
de "Rédemption", de "Christ", de "Fils", d"Eglise"...! Il est clair pour- : -
tant que ce langage chrétien n'est pas utilisé par l'Auteur seulement à u-i^
sage interne, pour un discours intra-culturel méditerranéen, mais qu'il
s'adresse à un auditoire notamment hindou, La perspective d'une théologie
"hindoue—chrétienne" peut donner des espérances, mais elle commence à peine
et il faudrait la prolonger avec la participation d'orientaux moins occi
dentaux, ainsi que R, Panikkar le souhaite l\ii-même explicitement à un mo
ment, comme nous l'avons indiqué,

2° Si l'Auteur tient à une herméneutique chrétienne orthodoxe et s'il


n'opère pas de réduction du donné qui nous est familier en Occident, est-il
évident que le christianisme va se reconnaître sans interrogations dans le
discours panikkarien ? Par exemple, le mot "Incarnation", que l'Auteur dis
tingue clairement de l'avatar hindou, a-t-il toujoirus le même sens que chez
nous et le même sens dans chaque passage ? De plus, l'Auteur valorise-t-il
suffisamment les réalités chrétiennes- qui paraissent être plus que des oon-^
ditionnements culturels— comme celles de la révélation prophétique norma-:
tive, du dépôt apostolique, de la justification par la naissance, la Passion
et la Résurrection de Jésus le Christ, de l'histoire sainte où Lieu fait ir^
ruption à des moments privilégiés, de la personnalité du Père et de ItEsprit,
de la marche vers l'Avènement eschatologique du Christ, de l'expérience mys
tique chrétienne, de l'impact cosmique du 7 avril 3C sub Pontio Pilato, des
conséquences de l'identification Logos-Jésus ? Cu encore, voit-on nettement
en quoi le christianisme est l'aboutissement d'un cheminement dont l'hin
douisme serait le point de départ ? En quoi y a—t—il sommet ? Est—ce, par-
exemple, dans le simple fait que nous soyons conscients de l'appel personnel
adressé par le ^vélateur ? I/fe-is, comme nous ne pouvons pratiquer l'épochè,
cette conscience de l'appel peut-elle exister sans affirmer le moment unique
de l'Evénement en Jésus le Christ avec la logique conséquente qui s'impose?
Si, enfin, le Chrétien ne doit pas hésiter à investir le thème biblique de
l'universalisme, est-il évident que le Fils agisse et se révèle dans l'Ancien
Testament et dans les religions du monde de la même façon qu'il le fait en
Jésus le Christ et dans le prolongement sacramental et ecclésial de son
Incarnation ? Il nous semble, en matière ohiÎBtologique, que R, Panikkar
a toujours tenu à exprimer ce qui est essentiel au christianisme mais que son
524

insistance unilatérale sur certains thèmes qvii ne sont pas ceux que privilé
gie une théologie "Jésus-centrique" -et pas seulement "Lo£o-cent£itue" -
interpelle nos penseurs d'une part mais peut, d'autre part, les inquiéter.
En effet, ne peut—on s'attendre en la matière à voir davantage mis en avant
le discours chrétien traditionnel ? Si l'Auteur refuse l'épochè, s'il veut
une interprétation orthodoxe, s'il tient, comme il le dit, à réaliser autre
chose qu'une démarche diplomatique vis-à-xis d'un hindouisme attaché à la
théorie de l'avatar, n'y a-t-il pas, tout de même, en fin de compte, une
stratégie d'approche ? Si, effectivement, il y a autre chose qu'une straté
gie d'approche, le prix n'est-il pas trop élevé ?

Troisième question fondamentale, l'Auteur ne demande-t-il pas plvis le


risque existentiel et l'ouverture de la théologie au christianisme qu'à l'hin
douisme ? Nous avons été frappés, à de nombreuses reprises,par l'influence
de l'Inde sur jEîaymundo Panikkar, Qu'on se rappelle, par exemple, la théolo
gie du Père, la relativité du langage et de la ratio, la flexibilité du
dogme la préférence portée à 1'orthopraxie * plus qu'à l'orthodoxie "5^ la
spiritualité non personnaliste, la primauté du Logos comme Personne pliitêt
que comme message, la confiance en la démarche de l'homo religiosus plus que
dans les intermédiaires et les institutions. L'Auteur en cela, sollicite
plus le christianisme que l'hindouisme, Demande-t-il, en effet, à ce de3>»
nier, de s'ouvrir non seulement à ses mythes*mais aussi à l'histoire sainte
et à la révélation particulière ? Lui demande-t-il de dépasser l'avatar,
alors qu'il"tire "le Christ vers Igvara*plus qu'Isvara vers le Christ du
christianisme manifesté en Jésus ? S'il repère la convergence de l'idéal
moral du Christ et de l'Inde, que beaucoup ont dé^à soulignée,, tout spécia
lement én Inde du reste comme nous l'ayons dit, demande—t—il à l'hindouisme
si l'originalité d'une religion n'est pas plus dogmatique que morale ?
Après tout, transmettre le Révélateur n'est—ce pas aussi transmettre la
Revélàtich-rendue manifeste lorsque le Révélateur sarx egeneto kax eskènôsen
en' ufflin ' , car è alètheia dia Jèscu Christoû negeneto ?

Quatrième question enfin î l'Auteur, dans le dialogue intra-religieux,


propose—i>.il son choix personnel ou davantage une voie d'oecuménisme* appli
cable par d'autres-? Nous l'avons entendu suggérer d'embrasser nos frères
sans réticence^ de les percevoir comme des autres pôles de nous-mêmes, de
les regarder avec les yeux d'un amour imprégné d'àdvaita, de croire en ce à
quoi ils croient,, de rejoindre leur pistema,. mais dit-il à un moment qu'on
peut,, quelque part, exprimer un non uossumus ? On peut dépasser le dialogue
525

dialectique débouchant stu? une apologétique ne convainquant souvent que les


convaincus d'avance, on peut explorer la veine probablement pleine de pro
messes du repérage des homologies, on peut souffrir de la juxtaposition sé
culaire des démarches religieuses de l'humanité, on peut trouver intoléra
bles les fossés sans ponts et prendre un certain risque existentiel, mais
ne doit-on pas reconnaître à la fois la sainteté de l'autre et la distance
qui nous sépare encore ? Il semble clair que la démarche oecuménique doit
souligner les convergences, les points franchement communs et dès lors nous
déterminer à nous rencontrer et à oeuvrer déjà main dans la main, mais ne
serait-ce pas naïveté et simple façade si, ce faisant, on mettait en veil
leuse, pour l'ignorer, ce qui est litigieux ?

Ces quatre questions nous paraissent essentielles et nous voulions les


reprendre dans nos conclusions. Est-ce à dire que le cheminement panikkarien
n'apporte pas beaucouip ? Loin de là, Nous devons donc mettre en évidence non
pas tous les apports panikkariensmais, ici aussi, les principaux d'entre eux»

1° Notre Auteur d'abord, nous fait connaître l'hindotiisme en le sentant ^e


l'intérieur. Son ouvrage The Yedic E^cperience, par exemple, est un monu
ment à la gloire de 1' Inde et le Chrétien peut y trouver une mine pour son
propre cheminement. Il paraît aujourd'hui indispensable d'être ouvert à
l'universalisme et- impensable d'ignorer le monde religieux de l'Asie, C?est
une chance pour nous si, pour le découvrir, nous avons sur notre route un
frère qui nous révèle l'Inde en la vivant^ Si l'on peut dire, Raymundo
Panikkar ne ramène pas de l'eau du Gange comme,un touriste, avec des diapo
sitives, mai s il la boit et il s'y baigne,- -

2° Alors que certains comparent des religions mystiques et, prophétiques-


avec érudition et perspicacité, alcrs" que d'autres pensent qu'un dialogue
est possible et souhaitable avec des univers religieux différents profonds
et respectables, B., PaniMcar prend le risque et à le courage d'entrer dans
le dialogue et de jeter des ponts^ Il ne se contente pas de parler, il ne
se satisfait pas de dire j, ?'il,.faudrait", non, il prend des sentiers vier
ges,, il se fait pèlerin^ il pose un apte de-foi, d^éspérance, d'amour, il
accomplit une,, démarche religieuse, même s'il est conscient que certains le
jugeront assis encre deux chaises,.ni tout-,à fait d'un côté, ni tout à fait
de. l'autre. ¥ ,
526

3® Le professeur de Santa Barbàra nous fait vivre dans une pensée fondamen
talement religieuse, A l'Occident tantôt marqué par le dualisme dichotomi
que greoo—sémite, tantôt obsédé de produirej de transformer et de possédeir
ou tournant en rond dans 1'intra-mondain et l'anthropocentiJisme à la limi
te suicidaire, il vient, avec le soutien d'un sous—continent entier, noiis
proposer une métaphysique non—dtialiste, nous suggérer une vision oosmothéan-r
drique, une unification de l'existence de l'hommej qu'il soit philosophe ou'
savant, ermite ou lac,oôb homme est situé au coeur des trois mondes, inséré
dans le jeu divin - lila - et dans la relation ontique avec le Tout,

4° Raymundo Panikkar nous pousse à "ek-sister". Une théologie abstraite,


un discours savant, une impeccable orthodoxie, une révélation énoncée avec ,
une perfection qui la met à l'abri des Inquisitions et des procès rom.ains,
cela fait-il de l'homme un être religieux ? Uous ne sous-entendons pas que
les théologiens chrétiens soieïib peu religieux, ni que leur théologie soit
aliénante, mais il est clair qu'il est possible de connaître son catéchisme
par coeur tout en étant peu avancé dans le chemin de la réalisation, Jésus
n'a-t-il pas pris à partie certains scribes et docteurs de la Loi ? Le
professeur de Santa Sarbara vient alors nous parler d'adhésion libre, d'en
gagement personnel, de vie théandrique, du dynamism-e de la foi*comme ques
tion, d'ontonomie de réalisation, d'orthopraxie et cela nous paraît ap
préciable ,

5® L'Auteur vient aussi nous inviter à l'intériorité. Pour nous sauver de


l'éoartèlement, de l'activisme, des tentacifLes de notre fonction fabricatri-
ce, l'Auteur, tout en prenant le saeculum au sérieux, et peut-être parce
qu'il le prend au sérieux, appelle l'homme à retrouver, dans sa vie, une di
mension mystique. Elle n'est pas ignorée du christianisme mais elle est en
vahissante et omniprésente dans l'hindouisme. Que le dialogue puisse ici
nous enrichir est a nos yeux évident. Même les techniques présentes dans
une spiritualité non personnaliste peuvent donner goût à une intériorité et
à une expérience divinfeante,même si elle n'est pas, croyons-nous, à identi
fier trop vite avec l'expérience mystique chrétienne, comme l'Auteur nous
le disait,

Panikkax obsédé par la foi en la révélation universelle de Dieu,


Certains en ont j-'iJe avant lui, parfois du bout des lèvres, du reste.
D'autres n'en on- pratiquement pas tenu compte. Il faut savoir gré à l'Au
teur de nous éveiller, dans le kairos qui est le nôtre, à la chance qui nous
est donnée de bénéficier d'une inter-fécondation et d'une possibilité de
527

croissance en Dieu par l'accueil du don de l'Absolu à l'humanité entière.


Il faut savoir gré aussi à l'Auteur, dans la même ligne, d'approcher avec
des gants et dans un regard de foi toute démarche authentique accomplie
par l'homme, même sécularisé et "athée", parce que l'Esprit*et le Christ
sont en lui, parce qu'il n'est pas sans-Dieu, a-religievix, simplement natu
rel, même si tous nos frères n'ont pas encore aujourd'hui une totale converr
gence dogmatique et morale avec nous. L'option de l'Auteur, en cette matiè?
re, est à la fois pastorale et dictée par sa foi résolument monothéiste et
pas seulement monolâtre.

Enfin, l'Aviteur invite le christianisme à repérer son essence et à en


vivre. Si la relativisation du discours logique établi en Occident nous a
posé quelques questions, si nous tenons au langage clair parce qu'une foi
qui ne peut pas se dire risque de s'étioler, il reste qu'on doit chercher
à distinguer l'essentiel et l'accessoire, le "reçu" et le "construit", la
réalité fondamentale et l'énoncé qvd veut l'approcher, le révélé intangible
et les emballages relativisables. Tâche difficile, sans doute. Périlleuse
aussi. Mais tâche nécessaire car, tout de même, il est vrai que nous pre
nons quelque_fois notre discours trop au sérieux, qu'il y a entre le ciel
et la terre plus de choses que dans nos liirres, comme le disait Hamlet, et
que la statue du Bouddha demeure inachevée.

Après avoir résumé les principales idées de l'Auteur à propos de Dieu,


de l'homme, de leur relation et du dialogue entre l'hindouisme et le christia
nisme, nous avons posé quatre questions. Bous venons de souligner les princi
paux apports pahildcariens. Il paraît important, enfin, de situer épistémologi-
quement le discotirs du Professeur de Santa Barbara.

D'abord, l'Auteur est—il un philosophe, un théologien ou un mystique,


si l'on voit les sujets qu'il aborde et la façon dont il le fait ? Cette ques
tion nous met dans un certain embarras. Nous rappelons ici le débat suscité
par Ramanuja et résumé par J,B, Carman (l). Certains analystes oii commenta
teurs en font un théologien en considération de son attachement à la s^ti*.
D'autres voient .en un philosophe, en sotilignant son respect pour les
sens et la perception, en constatant les connotations intellectuelles ou le

(l) J,B, CA1^I''IAN, The Theology of Râmânuja, pp., 199-211,


528

contenu intellectuel des Ecrltiuces, en décelant la présence d'une tradition


et d'une épistémologie indiennes dans les écrits râmânujiens. îfeis aussi,
n'est-il pas un mystique, si l'on sait que le penseur du XII ème siècle ne se
contente jamais d'étudier un "manuel" mais qu'il veut faire acte religieux,
opérant comme une '"dévotion en prose" ?

Si la philosophie est l'étude des problèmes existentiels et fondamen


taux de l'homme à la liimière de la seule raison sans l'aide de la foi ou
d'une révélation, comme parfois on la définit chez nous, ni Eamânuja ni
Panikkar ne seraient philosophes, étant donné leur respect pour les Ecritu
res, le rôle qu'a po ir eux la foi et l'importance de leur expérience mysti
que, Si la théolcg.- e est une science des Ecritraes, de la révélation et de
la tradition religieuse, pouvant être, à la limite, coupée d'une vie mysti
que ou d'une experience religieuse fondamentale, pouvant, en un sens, être
un acte de l'esprit et non un acte religieux, ni Râmânuja, ni le professera?
de Santa Barbara ne seraient théologiens,

La question posee est difficile parce qu'elle est posée à partir de


l'Occident pour parler de personnes situées dans le milieu de l'Inde et qui
ne connaissent pas comme nous les distinctions mises en évidence depuis quelr-
ques siècles dans notre topos (l). Peut-être faut-il trouver la réponse
chez l'Autein? lorsqu'il dit qu'il veut "philosopher théologiquement" (2),
parce que "la philosophie en Inde est toujora?s théologie" (5) ?
le discours panikkarien, en deuxième lieu, nous paraît marqué par deux
réalites fondamentales. D'une part, l'auteur a comme une obsession de la
dimension planétaire de la recherche, parce qu'il croit au "Dieu—pour—tous",
parce qu'il sent qu'il existe aujourd'hui une planétarisation de la vie,
parce qu'il sait les méfaits de toute forme d'isolement et la relativité (3?une
culture ou d'une organisation conceptuelle. L'autre part, il veut rester
ouvert à l'évolution ininterrompue du monde, de l'humanité, du Geist,
Dans cette perspective, le professe\n? de Santa Barbara est conscient
qu'il doit tenir sa place. Il sait qu'il vit un kairos dans lequel il

(1) R, PMIKKAR, La Integracion del Pensiamento, p, 247, Humanisme y Cruz,


pp, 12-15, ]\1aya e Apocalisse, pp, 36, 38, 40 - 41, 43, 44 - 45^ 66,
355» LI, BIARBEAU, Théorie de la connaissance et philosophie de la pa
role» p. 21, Clefs pour la pensée hindoue, p, 212, etc,
(2) R, PAHIKEAR, Le temps circulaire, p, 207,
(3) R, PAMKKAR, Spirituali-t;a indu, p, I46.
529

accepte une responsabilité. Si l'on se rappelle combien les Catholiques


ou les Chrétiens d'Occident ont pensé et proclamé leur foi de façon grecque,
sémitique, "méditerranéenne", si l'on sait combien nous avons exporté -le
dire n'est pas juger- une façon "européenne" de vivre, d'exprimer notre foij
si l'on sait que nos missions ont accompli une action brillante, constructi-
ve, irremplaçable, profondément bénéfique, souvent dans le sacrifice quoti
dien et dans la sainteté, mais non sans parfois un certain "colonialisme"
culturel -qu'on se rappelle les problèmes rencontrés par les Pères Ricci,
Lebbe, de Nobili - ne peut-on dire, une fois encore,que le projet panikka-
rien de penser chrétiennement à partir du topos de l'Inde doit susciter chez
ses lecteurs un a priori favorable ? Notre recherche a développé ces obser
vations et fait voir jusqu'où peut mener la quête de l'Etemel réalisée par
quelqu'un qui boit à deux sources, tout en sachant qu'il n'y en a qu'une (l),
quelqu'un pour qui "la rencontre de l'hindouisme et du christianisme ne se
situe pas au niveau des doctrines mais au niveau existentiel où se retrouve
une fin identique ; la divinisation de l'homme et son vinion avec l'Absolu'(2),
Ce rêle qu'il a à jouer est original. Comme il le dit : "cheminer par
mcapropre compte et par des sentiers vierges" (5). Ce n'est pas le sentier
de l'Occidental qui veut "se traduire" pour être cofltpris par son frère
d'Orient, Il faut, à ses yeux, aller plus loin que ce qu'il appelle un "do-
cétisme social hindou facile" où l'on chercherait à parler et à se comporter
pour "faire indien" (4)» Ce n'est pas le sentier deoeltii qui compare deux
cultures, deux langages, deux pMlosophies, deux théologies ou deux religions.
C'est, peut-être, le sentier vierge de l'Hindou qui vit son christianisme
sans quitter l'hindouisme et du Chrétien qui vit l'hindouisme sans quitter
le christianisme.

Dans ses sentiers vierges où il chemine, il utilise une méthodologie


personnelle. Ce serait, par exemple, une recherche pour une théologie plus
"hindoue-chrétienne" qu' "indienne-chrétienne", explorant vin langage capar-
ble d'exprimer les intuitions des traditions sans les "violenter, cherchant,
dans le dialogue dialogique, une possible interfécondation, tentant de réa
liser une rencontre où les règles du jeu ne seraient pas fix^par une des
parties en présence.

(1) R, PMIKK/IR, La faute criginante, p. 69,


(2) J, RIES, Rencontre des croyances et religions de l'Inde, p, 258 et
R, PANIKKAR, Temps et histoire dans la tradition de l'Inde, p, 85,
(3) R, PANIKIOIR, Le temps circulaire, p, 207,
(4) R» PMIKKâR, The Hindu Ecclesial Consciousness, p, 202,
530

Dans ses sentiers vierges; l'Auteur fait preuve d'une grande liberté.
Liberté faoe au discours hindou traditionnel -ne serait-il pas, par exem
ple, védantin sans être à propremerit parler safikarien ni râmânujien ? - et
liberté face au langage théologique traditionnel de 1^Occident, Il dit l'ê
tre tel qu'il le sent et non tel que la "pensée sur l'être" aurait pu le fi
ger dans les écoles. Il ne veut pas, en cela, que la raison pensante soit
un obstacle à l'Esprit. La rencontre, en effet, est pour lui, vm acte reli-
gieijx plus qu'wie querelle dialectique.

Sa méthodologie ne serait pas tine épistémologie donnant priorité au sii-


jet connaissant sur l'objet connu conme s'il s'enfermait dans sa spéculation^
en faisant fi des expériences pratiques, des données observables, des tradi-|
tions, des mythes, des acquis, du dialogue et cela pour s'isoler dans ses
certitudes internes et purement subjectives. Son épistémologie n'est pas,
d'autre part, une activité de connaissance purement empirique où l'objet
connu dicterait tout au sujet connaissant, lequel n'interviendrait pas dans '
le discotirs par souci d'une objectivité impossible et froide. Il "inter
vient" et sa pensée se comprend sur la base d'vine rencontre entre, d'une
part, un sujet dont le point de vue est celui d'un prêtre catholique ayant
grandi dans le topos de l'Inde et, d'.autre part, d'un christianisme et d'tin
hindoxiisme apparaissant sous un angle nouveau.

Notre Auteur aussi n'est pas un Occidental en réation autonome contre


une situation hétéronome. H ne prêne pas le respect, la temporalité et le
service par opposition à l'adoration, à l'éternité et au sacrifice. H ne
prône nil'être-à-Dieu dans nne mystique d'évasion, ni 1 'être—au-monde dans
me perspective prométhéenne. A ce titre, il ne divinise pas la "raison*
seule", coupée de l'intuition et de la mystique, il ne privilégie pas mila-
téralement m énoncé, m dogmeme herméneutique * invariante, m système,
me orthodoxie * , me orthopoièsis *, me irubrique située ou me nigrique
intraculturelle, A ce titre, il ne part pas d'me conception linéaire du
temps*qui déterminerait des perspectives plutôt occidentales sur le progrès,
sur l'action, sur la mort, sur la liberté, sur l'avenir, sur les questions
ultimes, et, en fin de compte, sur la vie actuelle. Il est m indien, fief
de l'être et m indien non-colonisable. Il tient à vivre intensément 1'au
jourd'hui, avec la coalition des forces de la raison, mais aussi de l'intui
tion, de la vie mystique, de la prospective, de l'expérience humaine vécue
a la première personne, des réalités supra—rationnelles, de toutes les forces
de la vie. Il veut être homme et m homme qui accueille l'être à pleines
mains. Ni m feu rouge face à l'Occident, ni m feu vert face à l'Inde, ni
f3l

•un fe-u orange hésitant entré les devix autres, mais plutôt une absence de
feu..

Au-delà de ces Images, Eaym-undo Panildcar juge quHl vit en ontonomie*


et en orthopraxie *, Il s'engage dans sa recherche avec foi, dans le risque,
avec amoxn?, avec conviction intérieure, parce qu'il veut "participer". Sa
correspondance entre son être profond et l'être rencontré semble être fina
lement sa spiri-bualité, Certains jugeront peut-être qu'il est tel un kami
kaze de l'unité et de l'intégration. Nous espérons, qviant à nous, avoir ex
prime clairement "une pensee souvent difficile. Nous avons veillé, dans cet'te
tache, à rester en sympathie avec la recherche panikkarienne, sans un parti
pris ni de dénigrement ni d'assentiment inconditionnel. Gela nous parais
sait nécessaire pour faire connaître ce qvl finalement est le cheminement
personnel de notre Auteirc, le fruit de son option propre et de son risque
existentiel vécu dans la foi.
i
552

BIBLIOGRAPHIE

lé Oeuvres de Raymmido PAHIKECAE

A, Livres

B» Articles

II, Livres et articles cités d'autres auteurs

III, Ouvrages collectifs utilisés


U.. .. -i'-' I II "i II

IV, Upaaisad citées


«

V, Documents de Vatican II utilisés


535

I. Oeu"Vïes de .Bagnmgidp .PÂglKKAR.^

A, Livres.
/
- F.H. Jacobi y la gilosofia del sentlmiento, Sapientia, Buenos Aires,
1948.

- Aotas del Congrese Inteniaoional de Filosofia ,Barcelona, 1948,


Consejo Superior de Invesbigaciones Cientificas, Madrid, 1949,
3 volumes, édités par R. P/dlIlïïîAR".
y X y
"" oonoepto de naturaleza. Analisis historiée y metafisico de un con-
oepto, Consejo Superior de Investigaoiones Cientificas, Madrid, 1951.
Prix "Menendez y Pelayo" 1946. Réédité à Madrid, C.S.I.G., en 1972.

"* founding of the Kashmir state. A biography of l^fefaarajah Gulab


Singh 1792-1898, G. Allen et TJhwin, Londres, 1953»

" Aa India : Gente. Gultura. Greenoias, Rialp, Madrid, I96O. Prix


national de Littérature en Espagne en 196I.

- Patriotisme y Gristiandad<j..v. Rialp, Madrid, I96I,


y

- Ontonomia de la Gienoia. Sobre el sentido de la Giencia y sus reli>-


ciones con la Pilosofia, Gredos, Piadrid, I96I.

- Humanisme y Gruz, Rialp, Madrid, 1963.


- L'inoontro delle religion! del mondo oontemporaneo. Mbrfosooiologia
dell* ecumenismo. Ede Intemazionali Sociali, Roma, 1963»
- Die vielen Gottor une der eino Herr, Beitrage zum okumenischen
Gespraoh der Weltreligionen, 0,¥. Barth, Weilheim, 1963»
- Lettre sur l'Inde, Gasterman, Tournai, 1963»

- Kultngrsterium in Hinduismus und Ghristentum. Ein Beitrag zur ver^^


gleiohenden Religdonstheologie, Karl Albar, Ereibur et Munchen,
1964.

- Religions e Religioni, Moroelliana, Bresoia, I964.


- Ghristus der Unbekannte im Hinduismus, Raber Verlag, Luzem et
Stuttgart, 1965*
- Religlonen und die Religion, Max Hueber, Munchen, I965.
Religion y religionss, Gredos, I^Iadrid, 19^5.
- Mayâ e Apocalisse. L'inoontro dell' Induismo e del Gristianesimo.
Abete, Roma, I966.
554

—L'Indla, Popalazione, cxilt-ura e eredenze, Ifercelliana, Brescia^ 1966.

Teonica y Tiempo. La teonocrdnla, Coltimba^BTxenos Aires, 1967*


—Offerbarving imd Verkundigen; Indlsohe Briefe, Herder, Preiburg, 19é7.
-Kerygma viM Indien. Zut? heilgeschichtliohen Problematik der christ-
lichen Begegnimg mit Indien, Reich Verlag, Hambdrg, 1967*

—Los dioses y el sënor, Colianba, Buenos Aires, 1967»


—La gioia pasquale, La Locusta, Vicenza, 19^8.
—Ibe TTnknovm Christ of Hindtiism, Larton, Longman and Œ'odd, London, I964
et 1,968.

—L'homme q.ui devient Lieu, la foi dimension constitutive de l'homme,


Aubier, Paris, 1969*

—El silencio del Ijass. Un mensaje del Buddha al mundo aotual. Contrir-
bucion al estudio del ateismo religioso, Guadiana, Madrid, 1970*

—La presenza. di Dio, La Locusta, Vicenza, 1970»

—Le mystère du culte dans l'hindotiisme et le christiaxâsme. Cerf, Paris,


1970.

—Ihe Trinity and World Religions, Icon-Person-%stery, Ihe Christian


Literature Society, Madras, 1970*

—El Cristo desconocido del hinduismo, Marova, Madrid et Pontanella,


Barcelona, 1970*

-Misterio y Revelacion. Hinduismo y Christianisme t encuentro de dos


oulturas, Marova, Madrid, 1971»

-Cometas, iPragmentos de un diario espiritual de la postguerra,


Suramerioa, îîadrid, 1972.

-Limensioni niariane délia vita, La Locusta, Vicenza, 1972.

—Le Christ et l'hindouisme. Une présence cachée, Centiirion, Paris, 1972.

—Phe Trinity and the Religions Expérience of Man. Icon~Persoi>'%stery,


Larton, Longman and Todd, London et Orbis Books, New York, 1975 et 1975»
\ S

—Spiri^xialita indu. Linéamenti, Moroelliana, Brescia, 1975«


-Worship and Secular Man. An essay on the liturgical nature of Man,
considering Seoularization as a major phenomenon of our time and
•Worship as an apparent fa,ct of ail times. A study towards an intégral
anthropology. Larton, Longmann and Todd, London and Orbis Books,
New York, 1975 et 1975*
535

- Il Cristo soonosoiuto dell* indiûsmoj Vita e Pensiero^ Milano, 1975»


- Le 0131te et l'homme sé0VLli.er, Seuii, Paris/ 1976.
- îlhe Vedlo Expérience. Mantramanôari;.fciAnthology of the Vedas for
Modem Jyiaji and Contemporary Célébration, University of Califomia
Press, Los Angeles et Berkeley, et Darton, Longman and Todd, London,
1977.

~ %th, Faith and Hermeneutilcs,. Patilist Press, New-York^ 1978»

- The Intra - Religions Dialogue, Paulist Press, New York, 1978.

B, Articles.
/ /

" stigaoion, dans Revista de Pilosofia, Tx°2 et 3, Consejo Superior de


Investigaciones Cientifioas,Madrid, 1942, pp. 389 - 398.
/ /
- Los prodnctos quimicos : su Intervencion en la ourtlcion de las pieles,
Piel 9/10, Madrid, 1944, PP. 72-75.
- El indeterminismo oientifico, dans Anales de Eisioa y Quimioa, Madrid,
1945, XLI, 396.
/
- El sentido quimico de la industria de la piel, Piel, n° 29, Madrid,
1946, pp. 11-16.
- Max Planok.(l858 - 1947), dans Arbor, n° 24, Consejo Superior de
Investigaciones Cientifioas, Madrid, 1947, PP» 387-406.
- La unidad fisica de tiempo, communication au Gongreso Inteaaaacional de
Pilosofia (Barcelone, 4-10 octobre 1948), Madrid, 1949.
- IJna oautela a los historiadores espanoles, dans Arbor n° 69 - 70,
Gonsejo Superior de Investigaciones Cientifioas, Madrid, 1951,
pp. 112 - 113.

- Sind die KattioLiteken katl^iasfa ?Ll)aa-'Corpfcts unli^. seij^ .GHeafer^daag Ntet >aad
Wahrheit, 7, Ereiburg, 1952, pp. 649 - 655.

" La evolucion del patriotisme en Oçoidente, dans Sapientia, 1953,


pp. 283 - 293.

- Le concept d*ontonomie. Proceedings of the XI th. International Congress


of Phil.osophy, vol. 3, 182 - 188, Bruxelles, 1953.

- Freiheit und Gewissen, dans Neues Abendland, 1, Munchen, 1955,


pp. 25 - 32.

- Die existentielle Phanomenologie der Wahrheit, dans Philosophisches


Jahrbuok der G§rres - Gesellsohaft, Mlinchen, 1956, pp. 27 54»
536

" l'anthropologie du prochain^ Actes,du 8èmê congrès des Sociétés de


Philosophie de lan^e française, l'homme et son prochain^ Presses
Universitaires de Prance, Paris, 1956, pp; 228 - 231.

- Uoes Indian Philosophy need Re-orientation ? dans Bastt and West, YII,
1, 1957.

" ^he Sanctity of St. John of the Croas and of St. Teresa dans Prabuddha
Eharata, Vol, III, Almore, Mayavatl, 1957, PP* 1 - 6.
- The Iheologioal Basis for Chrlstian-non^Christian oo~operation in Social
Thou^t and Action, dans Religion and Society, V, 1, Bangalore, Mars,
1958.

' Bine BetraohtTmg tîber Melohisedeoh, dans Kairos, I, 1959, pp* 5 - 17*
" Keine Christlioher Yoga, aber Yoga ist eine noohoffene ohristliche
Propâdeutik. dans Kairos, II, i960, pp. 44 - 45.

• Konferenzen der "Pax Bomana" in Manilq, dans Kairos, II, 196O,


pp. 106 - 107. Compte-rendu sans avis personnel stir le Congrès de
Manille.
/
• la integracion del pensamiento fllosofioc y religioso de la Indla,
Orbis oatholious. Barcelona, n® 7, 1960, pp, 1 - 7,

• Um das religiose Gespraoh, dans Kairos, II, i960, p. 180 (lettre au


Dr "7EREN0).

' Toleranz ttnd Christenheit, in dem Sammelband desselben


Titels. ïïnremberg, Abendlandische Akademie, I96I, pp. 117 - I42,
la ^mpitemidade la Misa como 'consecratio* temporis', dans Sanctum
Sacrificim, Proceedings of the V Congreso Sucaristico Uaoional,
Zaragoza, I96I, pp. 75 - 93*
Der Ishvara des Yedanta und der Chrlstus der Trinitât : ein philoso-
phisches Problem, dans Antaios, II, I96I, pp. 446 - 455.
Hinduismus und Magie, dans Eaiiros, III, I96I, pp. 112 - II4.
Das Brahman der ïïpanisaden und Gott der Philosophen, dans ICairos, I96I,
1/2, pp. 182 - 188.
la espiritualidad hindu, dans Muestro Tiempo, 88, X,. I96I, pp. 1181 -3'207,
le fondement du plxiralisme herméneiitigue dans l'hindouisme, iia.riFi
Demitlzzazlone e imagine, Gedam, Padova, 1962, pp. 243 - 269*
Porme e orisi délia spiritualita oontemporanea, dans Studi Cattolioi,
n° 33, juin 1962, Roma, pp* 9 - 23..
557

- Einfïïhrung in die indisohe Weltanschauung dans Stimmen der Zeit,


Munchen, 170/9» 1962« • »

• I^"fcrôd"U2lone alla Teofisica, Giviltà delle Ifecohine, novembre 19^5» Rome,


pp. 28-32.

' oonsidoraoion teologioa sobre les medios de oomm'unjLcaoion social,


dans Atlantida, n° 1/4, juillet - août 1965, PP« 455 - 441•

• ^9- Oonfidenoia. Analisis de m sentimiento, dans Revista Espanola de


Ellosofia, Consejo Superior de Investigaciones Cientificas, I-îadrid, 1965,
pp. 43 - 62,
/
• El espiritu religioso del pueblo castellano, dans Ruestro Tiempo,
n° 111, sept. 1963, pp. 3-16.

• Hindoiûsme et christianisme, dans Mitte me, 5, I963, pp. 1-9.

• Hindiiism and ohristianity, dans Student World, Genève, LV, 3, I963,


pp. 304 - 323.

• Communication sur l'Inde face à l'athéisme de l'Occident, dans L'athéisme


tentation du m.onde, réveil des chrétiens ?, Cerf, Paris, 1965, pp. 55 57.

Isvara of Yedanta and the Christ of the Trinity as a philosophioal


Pro^em, dans Atti XII Congr. intem. Piles., X, n° 50, pp. 153 - I60.
/ /
' integracion del pensamiento filosofico y religioso de la India, dans
Criterio. Buenos-Aires, 36, I963, pp. 247 - 248.

' Ber zerbroohene ICrug, sur indisohen Symbolhaftigkeit, dans Ant3,io3, IV,
1963, pp. 556 - 571.
Sur l'herméneutique de la tradition dans l'hindouisme pour un dialogue
avec le christianisme, dans Ermeneutica e tradizione, Vrin, Paris et
Istituto di studi filosofici, Roma, I965.
Sull' ermeneutica délia tradizione nell' Induismo. Per un dialogo con
il cristianesimo. dans Humanitas, (19), 1964, pp. 955 - 983.
Bas erste Bild des Buddha. Zur Einfûrung in den buddhistischen
Apophatismus. dans Antaios, VI, I964, pp. 575 - 585.

Bie Begrundung des hermeneutischen Pluralimu.s in Hindtâsmus, Kerygma


und Mythos VI, Band II, Entmythologisierung und Bild. Hambourg -
Bergstedt, I964.

Morale du mythe et mythe de la, morale, dans Bemitizzazione e Morale .


Aubier-Montaigne, I965, pp. 595 - 415.
Advaàta e bha±ti. Lettera da Vrindabam, dans Humanitas, 1965, :.v'(2ô^ •
pp.,991-4001.
558

' Relations of Chrlstians to .their Honr-Christian Surromdlngs,' dans Indien


Ecolesiastical Studiesé' vol. 4» mars - avril, 1965» pp« 305 - 548»
repris dans Christian Révélation and World Religions^ Bums et Oates,
Londres, 196?» pp» 145 - 184.
Letter from Holy Monnt Athcs, dans Sobomost, London^ 1965» vol. IV,
n° 12, pp. 726 - 751.
La probleaatica de 1' "aggiomamento" monastioo, dans Visioni attiiali
snlla vita monastica, Montserrat, 1966, pp. 221 - 230,
La ohiesa e le religioni del mundo, dans I-I'uimanitas, février - mars 1966,
pp. 168 - 175.

Ihe Eviropean University Tradition and the Renascent World CoLt'ures, A


Challenge to the Eviropean ïïniversity. Geneva, World Connoil of Clinrches,
Christian Presenoe in Higher Education, Basel, I967» PP» 72-87.
Dialogue between lan and Ray t Is Jésus Christ unique ?, dans Iheoria to
lifaeory, vol. 1, janvier I967» PP. 127 - 157.

La fa,ute originante, dans le mythe de la peine.Aubier-jytontaigne, Paris»


1967.

Ihe rela,tion of Christians to their Non-Christian Surroundings, dans


Christians Révélation and World Religions:^ Bums and Oates, London, I967»
pp. 145 - I84.

Ogni autentica religione ê via, di sa-lvezza, dans Incontro tra le reli


gioni, Documenti Wuovi, l'bndadori, Rome, I96B, pp. IO7 - I23.
Ihe Internai Dialogue, Ihe Insufficiency of the So-called Phenoinenolo-
gical "Spochè" in the Religious Encounter, dans Religion and Society,
vol XV, n° 3, Bangalore, 1968, pp. 55 - 66, repris dans fce Intra-
Religious Dialogue, pp. 39 - 52.

L'herméneutique de la liberté de la religion. La. religion comme liber


té, dans Herméneutique de la liberté religieuse. Aubier-î'biitaigne, Pori^
I96B.

loward an Ecumenical Iheandrio Spirituality, dans Journal of Eçumenical


Studies, 5, I96B, pp..,507 - 534.

Algunos aspectos de la espiritiita'addad Mndu. Por La espiritualidad


Comparada, vol» III of La perfeooion Cristiana». Vida y leoria, Plors,
1969» pp. 455 - 542.
Ihe people of God ant the oities of Man, dans People and Cities. Collins,
Pontana Books, London, I969» pp. 190 w 221,
559

- Metatheology or Diaorltioal Theology ag Fundamental ilheology, dans


Concill'um, vol. "VT, n® 5» Nljmogen, jxdn 19^9} PP» 21 - 27.

••«-Christia,nity and the ¥orlds Religions, dans Christianxty. Punjabi


TJniversity, Patiala, 19^9» PP# 78 - 127.

- -La silence et la parole. Le soiirire du BoudcOaa, dans L'analyse du lan


gage théologigue, le nom de Pieu, Aubier-Montaigne, Paris, 1969,
pp. 121 - 154.

- The Alternative. A Kairologioal Méditation on the Ail India Seminar on


the Church in India, dans The Examiner, Bombay, Avril, I969, pp. 1-4»

- Cristianismo y Ouititras, Diocionario Salvat, Baroelona, 1970.

- Die ZiAcunft kommt nioht spater, da,ns Yom Sinn der Tradition, O.H. Beck,
îlunchen, 1970, PP» 55 - 64.

- >îemeskehendes enhed menneskelicndes splittclse, dans Nordisk Ilissions-


Tidsskrift, n° 81, vol. II, Goponhagen, 1970, pp. 92 - 98.

- Je crois, dans Parole et Tlission, Cerf, n° 50, mai 1970, Paris,


pp. 253 - 260.

- The Myth of Incest as Symbol for Rédemption in Vedio India, dans T^pes
of Rédemption, E.J. Brill, London, 1970, pp. 150 - 145.

- Pe y creenoia. Sobre la. experiencia multireligiosa. Un fragmente auto-


biografioo objectivado. Homenaje a X/iVIER ZUBIRI, vol. II, Editorial
Moneda y Crédite, ï'îadrid, 1970, pp. 455 - 459f Ôti-s nous citerons d'après
la pagination de The Intra-Religious Dialogue, pp. 2 - 23.

- The Ways of West and Eo^st, dans New Dimensions in Religious Expérience,
New York Alba House, Staten Island, 1970, pp. 69 - 95.

- Le sujet de l'infaillibilité. Solipsisme et vérification, dans L'in


faillibilité, son aspect philosophique et théologique, Aubier-Montaigne,
Pa,ris, 1970, pp. 121 - I34.

- Advaita and Bhakti» Love and Idontity in a Hindu-GIiristian Bialogue,


dans Journal of Ecumenical Studies. Spring, Philadelphia, 1970, vol. 7,n°2,
pp. 299 - 309.

- Indology as a Gross-GulturoJ. Gatalyst, dans Numen. vol. XVTII, fasc. 3,


1971, pp. 175 - 179.

- Christ, Abel and lîolchizedech, dans Joevadhara, vol. V, Kerala,


septembre - octobre 1971, PP. 591 - 405.

- Eaith, A constitutive dimension of l'îan, dans Journal of Ecnmenical


Studies, vol. 8, n° 2, 1971, PP» 223 - 254.
540

- Hiilosophy of Religion in tho Gontemporgjy EnoovintGr of Cultures, dans


Contemporary Philosophy : A Survey, La Nnova Italia Editrice, Eirenze,
1971, vol. IV, pp. 221 - 242.

• Il mossagio dell'India di ieri al monde di dans Eilosofia,


vol. XSII, n" 1, Torino, janvier 1971» PP« 3 - 28,

• Nirvana and the Avaroness of the Absolute, dans Ihe God Expérience,
Essays in Hope, Newman Press, New York, Toronto, 1971, vol, II,
pp. 81 - 99.

• The Rnlos of the Game in the Religions Encountor, The Joiimal of


Religions Stttdies, vol. III, n° 1, Punjahi University, Patiala, Spring,
1971, pp. 12 - 16, repris dans Tige Intra-Religious Dialogue, pp. 25 - 57
(pagination que nous utiliserons).

' du Karma et la dimension historique do l'homme, dans la théolo-"


gie de l'Histoire. Herméneutique et eschatologie, Aubier-Montaigne,
Paris, 1971, pp. 205-230.

Lie Philosophie in der geistigen Situation dor Zeit, proceedings of the


International Gongrcss of Philosopher, Herdor, ¥ian, 1971, pp. 75 - 87,
^M-tireligious Expérience. An objectified Autobiographioal ITragment,
dans /inglican Thoological Eeviow, vol, III, n° 4, octobre I97I. Voir
s-i^ssi Faith and Belief, dans The Intra-Religious Lialogue, pp. 5 - 6,
"Super hano petram". Lue principi ecclesiologici : La Roccia e Le
Chiavi, dans Legge e Vangelo. Lisoussione su una legge fundamentale
per la Ohiesa, Paideia, Brescia, 1972, pp. 135 - 145.
Tho Moaning of Christ's Name in tho ïïniversal Econoroy of Salvation,
Evangolization, Lialogue and Levelopment dans Locumenta Missionalia.
5, Roma, 1972, pp. 195 - 218.
The Thnandric Vocation, dans I^fonastio Studios, n° 8, printemps, 1972,
pp. 67 - 74.

The God of Silence, dans Indian Joircnal of Theology, XXI, n° 1 et 2,


janvier - juin 1972, pp. II6 - I24.

Sunyata and Pleromo, : The Buddhist and Christian Response to the Hiunan
Predicament, dans Religion and the Humanizing of Man, Waterloo, Cana-da,
1972, pp. 67 - 86, repris dans The Intra-Religious Lialogue, pp. 53 - 74.
Témoignage et dialogue, dans Le Témoignage. Aubier-Ifontaigne, Paris,
1972, pp. 367 - 588.
54i

• Some Aspects of Sufferlng and Sorrow in the Yeda-s, dans «Teevadhara,


vol 2, sept- oct, 1972, n° 11, pp, 58? - 398.
_ y/-
• Vao in the Sruti, dons God's Word Among Men (Papers in honotir of
îb:, J, Putz), Vidyajyoti, lew Delhi, 1973, pp. 3 - 24.
• Ihe mirage of the Fu.t"ure, dans Teilhard Heview, vol. VIII, n° 2, juin
1973, London, pp. 42 - 45.

• Action and Contemplation as Catégories of Religions ITnderstanding, fein


Cnrrents in Modem Ihroti^'it, The Center for Integrative Education,
New Rochelle, 'novembre - décembre 1973> pp. 75-81.

• Apologie de la Scholastique, dans Diogène, n° 85, juillet - septembre


1973, pp. 105 - 118.

• Philosophy and Révolution. The Text, the Context and the Texture,
dans Philosophy East and ¥est, vol. III, juillet 1973» pp. 315 - 522.

' Monologo oon Vicente Fatone, dans. Obras Complétas de Vioente Eatone,
Sudamericana, Buenos Mres, 1973, vol. II, pp. 195 - 218.
Tolérance, Idéologie et JV^ythe, rinns Démythisation et Idéologie, Aubier-
Montaigne, Paris, 1975, pp. 191 - 206.

The Category of Groxrfah in Comparative Religion ; A critical Self-


Examination. dans The Harvard Theological Review, Harvard 'Dhiversity,
janvier 1973, vol. 66, n° 1, pp. 113 - 140.
The Silence of the Word ; Non-dualistic Polarities, dans Gross-Currents,
vol. XXIV, n° 2 - 3, Summer-Eall, 1974» PP. 154 - 171.

Have 'Religions' the Ifonopoly on Religion ?, dans Journal of Eoumenical


Studies. vol. X$, n° 3» 1974» PP. 515 - 517.
The Hindu Boclesial Oonsciousness. Some Ecclesiological Reflections,
Jee'yadhara. vol. XXI, mai - juin 1974, pp. 199 - 205.
Toward a typology of Time and Temporality in /incient Indian Tradition,
dans Journal of Ecumenical Studies, vol. XXTV, n° 2, avril 1974,
pp. 161 - 164.

Le mythe comme histoire sacrée. Sunahshepa : un mythe de la conf^i'^Tmi


humaine, dans Le sacré, Aubier- Montaigen, Paris, 1974, PP. 243 - 315.
Hermeneutik der religiosen Ereiheit ; Die Religion als Preiheit, dans
Kerygma unà Mythos, VI,Band V, Herbert Reich, Hamburg, 1974,
pp. 118 - 136,
542

- Steed~ThDagji?ts:: in Cross-Ctilt'iœal Studies, Pensées dans la probléma-


tique plnricult-urelle , dans Monclianini VIII, 3-5, cahier 50, ^nin -
décembre, 1975, PP« 1 - 73•

- Singularity and Individuality, Tlie double Principle of Individuation,


dans Revue Internationale de Philosophie, n° 111 - 112, fasc. 1-2,
1975, pp. 141 - 166.
- Verstehen als ïïeberzevigstein, dans Neue iuithropologie, vol, 7,
Georg Thieme Verlag, Stuttgart, 1975, PP. 132 - I67,
- Le mythe naissant, introduction à Le Bouddha et les deux: bouddliismes,
Jacques Langlais, Pides, Montréal, 1975»

- Some Rotes on Syncretism and Eclecticism Eelated to the Growth of


Human Consciousness, dans Religions Syncretism in Antiquity. Essays in
Conversation with Goo Widengren, Scholars Press, Missoula, Montana, 1975,
pp. 47-62,

- The Mutual Fécondation, Pontifical Institute of Théologie and


Philosophy, Alwaye, Kerala, 1975, pp. 9 - 11.

- Contribution of Christian Mbnasticism in Asia to the ïïniversal Ghurch,


Bangalore, India, 1975, ot dans Cistercian Studies, n° 2, Vanves,
Prance, 1975, pp. 73 - 84,

- Le temps circulaire î Temporisation et Temporalité, dans Temporalité et


aliénation, Aubier-Montaigne, Paris, 1975, PP. 207 - 246,

- El présente tempitemo, Una apostilla a la historia de la salvacion y


a la teologia de la liberaci^n, dans Teologia y mundo contemporaneo,
Homenaje a K, EAHNER, Universida,d Pontificia, de Comillas, Madrid, 1975,
pp. 133 - 175.

- Temps et histoire dans la, tradition de l'Inde, dans Les cultures et le


Temps, Collection bRESCO, Payot, Paris, 1975, PP. 73 - 101,

- La visione cosmoteandrica ; il senso religioso emergente dal terzo


millenio, dans Vicchi e Ruovi Lei, Valentino, Torino, 1976, pp. 521 -544

- La sécularisation de l'herméneutique, le cas du Christ s fils de l'hom


me et fils de Lieu, dans Herméneutique de la sécularisation, Aubier-
Montaigne, Paris, 1976, pp. 213 - 248,
- Création and Rothingness, Création ; ex nihilo seinon in nihilum,
Rothingness ! ad quem sed non a quo, dans Thelogische Zeitschrift,
Vol, in honour of Professor E, BURI, Jahrgang 33, Basel 1977,
pp. 344 - 352.
545

- Eine tinvollendete Symphônie, dans Erinneruhg an Martin Heidagger,


Neske, Pfiallingen, 1977» PP« 173 - 178;

- The Hew Innocence, dans Cross-Cnrrents, vol; XXVII, n° 1^ printemps


1977, pp. 7 - 28.

- J'Ian as a Rittial Seing, dans Ghioago Studies,XVI, 1, printemps 1977,


pp. 7 - 10.

"• The Time of Death of Time. An Indian Reflection dans lia réflexion svir
la mort, Ecole Libre de Philosophie «Piéton», Athènes, 1977,
pp. 102 - 121.

- La philosophie de la religion devant le Plucalisme philosophique et la


plijralité des religions, dans Philosophie de la religion, Aubier-
Montaigne, Paris, 1977, Pp. 193 - 201,

•" idéologie y myto, dans Lialogos, n° 79, janvier - février


1978, Mexico, pp, 4-10,

- The bostonian Verities : A Comment on the Boston jlffirmations, dans


Andover Mewton Quaterly, janvier 1978, vol, 18, pp. 145 - 153.

- Man and His Spirituality, Poinjm for Correspondence and Contact, New York,
vol. 9, n° 2, janvier 1978, pp. 58-61.

- Alternatives to Modem Cultures, dans SSae V^hole Earth Papers - Yoices


from India, vol, I, n° 5, hiver 1978, pp, 14 - 15.

- Philosophy as Life-Style et Philosophie als Lebensstil, dans Philosophes


critiques d'eux-mêmes, Peter Lang, Beme-Prankfurt am Main- Las Yegas,
vol. rv, 1978, pp. 197 -r 207»

•" Atatattva ; A Préfacé to a Hindu—Christian ITheology, dans Jeevadhara,


janvier - février 1979, vol, IX, n° 49, pp. 6 - 65,

Ajoutes bibliographiques

"• Some words instead of a resnonse. Cross-Currents. XXIX, 2,1979,


pp. 193 - 19é.

" Ihe Myth of Plircalism t the tower of Babel, dans Cross-Currents, XXIX,
2, 1979, pp. 197 - 230.
544

II»• Livres et articles cités d'autres auteiirs.

liKHILM/jUDA, Hindu view of Christ, dans Christiaaiiy. L.W. McKIM,


Ilew York, I964,

ASVELD, P., La pensée religieuse du jeune Hegel, Publications universi


taires de Louvain, Desclée de Brouwer, Louvain-Paris, 1955',
AÏÏBEET, R,, Le problème de l'acte de foi, données traditionnelles et ré-
sultats des controverses récentes» Edit. ¥amy, Louvain, 1948.
AUROBIRLO, Shri, .Bhagavad-G-ita. coll. Spiritualités viv».ntes, Albin-
lîichel, Paris, 1970» trad» et commentaires.
BENOIT, P., Passion et résurrection du Seigneiir, Cerf, Paris, I969,
BERBLIEEP, N., Esprit et liberté. Paris, 1955.
BIAELEAU, l^eleins. Théorie de la connaissance et philosophie de la pa
role dans le bralimanisme classique. Mouton et Go. et Ecole
Pratique des Hautes Etudes, Paris-La Haye, I964.
BIARBEAU, ïfedeleine. Clefs pour la pensée hindoue, Seghers, Paris, 1972.
BLJCDEiiU, Madeleine et MlLAMOHD, CH., Le sacrifice dans l'Inde ancienne.
Presses Universitaires de Erance, Paris, I976.
BOISM/iHI), M.E. et L/iMOUILLE, A., L'Evangile de saint Jean, Cerf, Paris,
1977.

BOUÏER, L», Dictionnaire théologique, Desclée, Tournai, 19^5.


BOUYEE, L,, Le Pils étemel. Cerf, Paris, 1974.
CARî'XAN, J.B., The Theology of Hamânuja, An E'ssay in Interreligious
Understanding, Yale Univorsity Press, New Haven and London,
1974.

CHAYASSE, A., Eglise et apostolat. Casterman, To\3mai, 1955.


CHOEDAT, J.L., Jésus devant sa mort. Cerf, Paris, I97O.
CONGAE, M.-J., Jalons pour une théologie du laîcat. coll. ïïnam Sanctam.
Cerf, Paris, 1954.

COPIESTION, P., Hisfcoixede la philosophie, la Grèce et Eoire. Casterman,


Tournai-Paris, I964,
COX, H,, La fête des fous. Bompiani, Milan, 1971.
CEEN, P.E,, Une patience géologique, dans Lumière et Vie, n" 157,
avril - mai, 1978.
545

CUTTATy J.A., Introduction, dans Inde, Israël, Islam, religions aiystigues


et révélations
I >.1
prophétiques,
^ >a in) '•> »
Desclée de Bxçvoifex, Paris, 1965*
CUTTAT, J.A,, La rencontre des religions, suivie d'^Dae étude sur la spi
ritualité de l'Orient chrétien, Aubier-Ifontaigne, Paris, 1957*

d'AQUIîI, TH., Sonime théologique.

DECHAIŒlTj J.M., La voie du silence, Desclée de Brower, Paris, 19^3»


LEVASEN/iPAIHI, Y.A., L'hindouisme et les autres religions, dans Pour tm
dialogue avec l'hindouisme, publié par le Secrétariat pour les
non-chrétiens, Ancora, Milan-Rome.

JûElkVMîOlWf M., L'hindotilsme moderne, dans Poxir un dialogue avec


l'hindouisme, publié par le Secrétariat pour les non-chrétiens,
Ancora, Milan-Rome, pp. 69 - 111.
DHAViilOîY, M., Hindu Worship ; Sacrifices and Sa-craments, dans Studia
Mlssionalia, ¥orslrlp and Ritual, Rome, 1974» vol, 23,
pp. 81 - 126.

DODL, C.H., Le fondateur du christianisme. Seuil, Paris, 1970»


DOUENES, J., Lecture de la déclaration par un missionnaire d'Asie, dans
Les relations de l'Eglise avec les religions non-chrétiennes,
coll. ïïnam Sanctam, Cerf. Paris, 1966, pp. 81 - 117»
DDMEIGE, G,, La foi catholique. Orante, Paris, I96I.
DTJï'IERY, H,, Philosophie de la religion, tomel. Presses Universitaires de
France, Paris, 1957»

DUQJJOG, CH., Christologie, essai dogmatique, 1, L'homme Jéstis, Cerf,


Paris, 1968.

DUQUOC, CH., Christologie, essai dogmatique, 11, Le I^fessie, Cerf, Paris,


1972.

ELIADE, M., Traité d'histoire des religions, Payot, Paris, I968.


ELIADE, M., Histoire des croyances et des idées religieuses, 1, De l'âge
de la pierre aux mystères d'Eleusis, Payot, Paris, 1976-»
EALLOH, P., Pour un vrai dialogue entre chrétiens et hindous, dans Pottc
un dialogue avec l'hindouisme, publié par le Secrétariat pour
les non^-chrétiens, imcora, Mlan-Rome, pp. 112 -- 145.»

GAMHl, M.K., The message of Jésus-Christ, A.T. lîingorani, Bombay, 1963»


GATHIER, E., La pensée hindoue. Seuil, Paris, I96O.
546

GIEABB, H,, La violence et le sacré, Grasset, Paris, 1972,

GIEAKD, G,, Les choses oaohées depuis la fondation du monde, Grasset,


Paris, 1978,

GIRATJLT, R, et VEïfflETIE, J,, Croire en dialogiie, Lroguet et Ardant,


Limoges, 1979*

GOKLA, J,, Les religions de l'Inde, I, Yédisme et Hindouisme ancien,


Payot, Paris, I962,
GREGOIRE, E,, Hegel Peurbaoh, Institut Supérieur de Philosophie, Vrin,
Louvain-Paris, 1947»

GUIRLINI, Ré, Ereiheit und ïïnabanderliohkeit, dans Unterscheidung des


Christliohen, Grîinewald, Mainz, I963.
GUILLET, Jé, Jésus devant sa vie et sa mort, Auhier, Paris, 1971,
GHITTOH, J,, Ce que je crois^ Grasset, Paris, 1971.
HABACHI, R,, Cdmmencements do la créature, Centurion, Paris, I965,
HâCiCER, P,,- Kultmysterium in Hinduismus und Christentum, dans
Theologisohe Revue, n° 6, I967, coll, 370 - 377,
HEHRI, A.M,, Introduction à Les relations de l'Eglise avec les religions
non~oIirétiennes. coll, ïïnam Sanctam, Cerf, Paris, I966,
HERBERT, Jé. L'enseignement de RâmiRrisfana, paroles groupées et annotées,
coll. Spiritualités vivantes, Alhin-Michel, Paris, 1972.
HERBERT, J., Spiritualité hindoiie, iilbin-îîichel, Paris, 1972,
IMG, H,, article Révélation, dans Lictionnaire de Théologie Catholique
(LTC), t. 13, coll, 2586,
JOHAînJS, p,, Vers le Christ par le Yedanta, I, i^ankara et Eâmânuja,
Muséum Lessianum, Louvain, 1932,
JOH/iHHS, P,, Vers le Christ par le Yedanta. II, Yallabha. Muséum
Lessianum, Louvain, 1933.
JOHANHS, PLa pensée religieuse do l'Inde, Yrin-ïïauwelaerts, Paris-
Louvain, 1952,

JOHHSTOH, W,, Zen et connaissance de Lieu, coll, Christus, Lesolée de


Brouwer, Paris, 1973,

JUGHET, E,, "Se faire conversation", dans Etudes, août - septembre,


1979, pp. 241 - 256,
547

KELLER, G,A,, Le Dieu des chrétiens et les dietix des religions, dans
Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses, 4» 1976,
pp. 509 ~ 525.

iCELLER, G,A,, Religion personnelle et négation de la personne chez les


mystiques hindous et imilsumans, colloques de la Société
E, Renan, Gontre interdisciplinaire d'études de l'évolution
des idées, des sciences et des techniques, Orsay, 1977»
pp. 79 - 91.

KELLER, G,A,, IX^stique chrétienne et mystiques non-chrétiennes, dans


Theologische Zeitschrift, 34» Basel, 1978,pp. 163 - I7I.
KOnIG, E., oardlpàl. Documents conciliaires, Genturion, Paris, 1965»
vol. 2, pp. 199 - 221.

KRAEMER, ïï., La foi chrétienne et les Religions non-chrétiennes,


Reuchâtel, Lelachaux et Riestlé, 1956.
KElISIîAiy[URTI, J., La révolution du silence. Stock, Paris, I97I.
LAGAR, M.P., article gulte dans Vocabulaire de théologie biblique, cerf,
Paris, 1970, coll. 236 - 242.
L/lGCFIBE, 0,, L'Absolu selon le Yedanta, P. Geuthner, Paris, 1937»
LAL/ilEDE,^ A,, Vocabulaire de la philosophie, Paris, 1962.
LAVELLE, L., De l'acte. Aubier, Paris, 1946^
LE SAUX, H., Sagesse hindoue, mystique chrétienne, du Vedanta à la
Trinité. Genturion, PariSj 1965»
LE SATJX, H,, La rencontre de l'hindouisme et du christianisme. Seuil,
Paris, 1966.
LE SAUX, H,, éveil à soi - éveil à Dieu. Genturion, Paris, 1971»
LEVI, S,, La doctrine du sacrifice dans les Brahmanas, Presses
Universitaires de France, Paris, I966.
MAH/iRiSHI ÎI/IHESH YOGI, La science de l'Etre et l'Art de vivre, Laffont,
Paris, 1976.
MAHALEL, J.G», Editorial, dans Jeevadliara, Janvier - février, vol. IX,
49» 1979» pp. 3 - 5.
tîAlîGEL, G., Homo viator, Aubier, Paris, 1943.
548

ffiiEELLA., P., cardinal, Avant-propos, dans Povir un dialogue avec


l'hindonisme, publié par le Secrétariat pour les non-chrétiens,
Ancora, Plilan, Rome.

MSSOIT, J», Pialogggi: t comment ? , dans Bulletin, 6, I987, PP« 146- I60.
MUEIER, H,, Lecture de la Déclaration par un missionnaire d'Afrique,
dans tes relations de l'Eglise avec les religions non-
chrétiennes, coll. Unam Sanctam. Cerf, Paris, I966,
pp. 119 - 160.

MERSGH, E,, Le Christ, l'homme et l'univers, Desclée de Brower, Paris,


1962.

tlERTGN, ŒŒï,, Zen, Tac et Nirvana, Payard, Paris, 1970*

MOLUTARIO P,, ♦L'evangelizzazione delle cultura e delle religions


nella sperienza e negli scritti di R. Panildcar, dans
Testimonianza, n*" 144| 1972, pp. 319 - 341.

MONCHANIîr,' J, et LE S/iUX,* H»,' —Ermites


- p—
du Saccidananda,
riT~i -|~ ' ' Il
Casterman,
Tournai, 1956.

MORCH/dnP, J,, Mystique de l'Inde, mystère chrétien, Payard, Paris,


1974.

ÏIULDER, B.C., 'Raymond PaniMcar's Bialoog met het Hindoeisme, dans


Gereformeers Theologisoh Tydschrift, août 1969, pp. 186 - I98,
ITEDONCELLE, M», Philosophie de la religion, dans La philoso-
contemporaine, La Huova Italia Editrice, Pirenze, 1971.

ORAISON, M,, Morale pour notre temps, Payard, Paris, I964.


PAPALI, C.B., Védisme et hindoiiisme classiqtie, dans Pour un dialogue
avec l'hindouisme, publié par le Secrétariat pour les non-
chrétiens, Ancora, Mlan-Rome, pp. 7 - 68.
PASCAL, B., Oeuvres complètes. Pléiade, Gallimard, Paris, 1954t

PIRE, L., Bâtir la paix, Marabout, Verviers, I966.

QUIGTJINER, M., Introdtustion à l'hindouisme, Orante, Paris, 1958.

RADHAERISrlHAN, S., East and West in Religion, London, 1949.


RAGUIN, Y., bouddhisme, christianisme, Epi, Paris, 1973.
RAMâCHANDR/i. RAO, D.S., The New Testament, dans The Great Sriptures,
T.M.P. Mahadevan, Madras, 1956.
549

HAMMïlISHiM,G,C., OSie Gospel of. Bairiakclshria, The Vedanta Society, . -—


ÏTow York, 1947.

HASHER, K., Zur Théologie des Symbols, dans Schriften ztu? a?heologie. lY,
Benzinger, Einsiedeln - Zurich - Koln, I96O,
MtER, K,, Vorbeaerkungen zum Problem der religiosen Eceiheit. dans
Theologische Eragen heute. Hueber. Munich , I966.
REETZ, D., «Baymond Panikicar's Theology of Religion dans Religion and
Society, Bangalore, Sept, I968, XV", 3, pp. 32-54,
HEGAMEY, P.R., La croix du Christ et celle du croyant. Cerf, Paris, I969.
PJilROÏÏ^ L., Hyrjnes spéculatifs du Veda^ Gallimarè, Paris, I956,
L»» B'Hindouisme, coll. Que sais-je ?, Paris, I966.
RET—IESaiET, TH., Croire, 2 vol., Broguet et Ardant, Liiaoges, I976 et
1977.

HBEîTEL, R., Népal, Solar - Air Erance, Paris, 1974.


RffiS, J,, Rencontre des croyances et religions de l'Inde, da* s Revue
théologique de Louvain. 1978, fasc. 2, pp. 236 - 243,
RIES, J,, Histoire des religions, phénoménologie, herméneutique, un re-
gard sur l'oeuvre de mrcéa Eliade. dans Cahier de l'Heme.
n° 35, Paris, 1978, pp. 81 - 87,
S^JITRE, J.-P., L'existentialisme est un humanisme. Nagel, Paris, 1946,
SCIÎILLEBEECKX, E,, Le Christ sacrement de la rencontre de Dieu, coll.
Lex Grandi, Cerf, Paris, I967.
SCHMAUS, M,, Katholische Bogmatik, Hueber, Munich, 1938,
SCHUON, P., De l'unité transcendante des religions. Seuil, Paris, 1979,
SCHDRE, E., Les grands initiés, Perrin, Paris, i960,
Be brevitate vitae, Traités philosophiques, Gamier, Paris,
1955, II.
SHELLEY, P.B., Proaéthée délivré. Aubier-Montaigne, Paris, 1942.
SI/i.ïïVE, Suzanne, hindouisme et christianisme en dialogue, dans Axes,
^,2-3-4, 1978 - 1979,
SMET, H.,. Méditation sur le Royaume, ProcTore, Namur-Bruxelles, 1978.
550

SPAMEUT, M. et LIEBi'EET, J,, article Logos, dans Catholicisme, hier,


aujorad'hni, d.emain, Letcuzey et iiné, Paris, 1975» vol. 7*
THILS, G., La "théologie oectgaéniq.ue", notions-formes-démarches,
Bihliotheca Ephomeridiim Lovaniensim, vol. WI, ¥amy, Louvain,
1960.
THILS, G., Les religions non-chrétiennes, dans coll. Le ooncile vous
parle, n° 5, revue Pidélité, Bruxelles, 19^5.
THILS, G., Propos et problèmes de la théologie dos religions non>-
chrétiennes, Gasterman, Tournai, 19^6.
THILS, G., Le décret sur l'oecuménisme, Desclée de Brouwer, Paris, 19^6.
TILLIGH, P., Religion and Secular Culture, conférence de 1946, publiée
dans The Protestant Era, Chicago, 1946»

TGUILIiEUX, P., Introduction aux systèmes de Marx et Hegel, Desclée,


Toixcoai, 1960.

V/iRILLON, P., Eléments de doctrine chrétienne, 2 vol., Epi, Paris, I96O


et 1961.

YBRGOTE, A., Réciprocité du temps et de l'éternité, dans Temporalité et


aliénation, Aubier-Montaigne, pp. 93 - 94»

7ESCI, U.M., Il dialogo corne atto religioso. Incontro con il folosofo


indiano Rayaund Panildgar, dans Rocca. 2, 1972, pp. 15 - 17®
VIVEKâHAHDA, S., The complété Works of Swami Yivekananda, Advaita
Ashram, Almora, vol. IV.

ZAEHHER, R.C., The Convergent Mnd î Tomrds a Dialecties of Religion,


Routlege and Kegan Paul, Londres, 1965.

ZAEHNER, R.C., Inde, Israël, Islam, Religions Eiystigues et révélations


prophétiques, Desclée do Brouwer, Paris, 1965.
ZAEHNER, R.C,, L'hindouisme, Desclée de Brower, Paris, 1967»
551

III, Ouvrages colleotifs utilisée,

- Qtoistus und Indien, Jésus load Wir, Ein GrosprSoh in Roei ûber "Jyiayâ
e Apocalisse", dans Kairos, I968, X, pp, 115 - 132,
- Diotiomaire de la foi chrétienne. Cerf, Paris, I968,
- Didtioimaire de Théologie Catholique, Paris, 1909»

- Dictionnaire enoyolopédique de la Bible, Brepols, llTArhnout-Paris,


1960.

- Encyclopédie de la foi. Cerf, Paris, 1965, tome 1,


- Herméneutique et tradition, Aubier-iYIontaigne, Paris,

- Hinduism, Routlage and Kegan PauL, London and Henloy, 1977»

" théologique, Cerf, Paris, 1957 ©"fc 1955, tomes II et III,


- L'analyse du langage théologique, Aubier-tlontaigne, Paris, 1969,
- La quête de l'Etemel, approches clorétiennes de l'hindouisme, Descléo
de Brouwer, Muséum Lessianum, Paris, I967,
- ^ Coran, Gamier-Planmarion, Paris, 1970»

" J^'63{prossion du sacré dans les grandes religions, I, Proche-Orient


ancien et traditions bibliques, Coll, Homo reliffioaus. Centre
d'histoire dos religions, Lottvain-la-Heuve, 1978*

- L'heméneutique de la liberté religieuse, Aubier-Montaigne, Paris,


1968.

- L* infaillibilité, AubieivMontaigne, Paris, 1970»

- ly^he et foi, Aubier-Montadgne, Paris, 1966, pp, 45 - 63,


- Hostra Aetato, les relations de l'Eglise avec les religions non chré
tiennes, Coll, ïïnam Sanotam, Cerf, Paris, I966,
- Houvello Histoire de l'Eglise, Seuil, Paris, 1966,vol, IV,
- Philosophie de la religion, La îTuova Italia Editrice, Eirenze, 1971»

- Religions, thèmes fondamentaux pour une connaissance diadogique.


Secrétariat pour les non-chrétiens, /incora, Rome, 1970»

•" Oecuméniq'ue de la Bible, Les Bergers et les l'iiages - Cerf,


Paris, 1972,

- Une introduction à la foi catholique, Idoc-Erance, I968,


552

- VooaT3tilcu.re bibliguo, Roncontrej Lausanne, 1969»


- "Vocabulaire de théologie "biblique, Cerf, Paris, 1970,

rv, Upanisad citées,


1 —

•• iitereya Upanisad, Adrion-Ife,isonneuve, Paris, 1950. Introd. et trad,


de L. SILBTJBÎI. '

- Athorvasira Upanisad, Adrien-Maisonneuye, Paris, 1952, Préface et


comni. de B, TUBIlrf,

*" Atmap^épanisad; Adrien~Maisonneuve, Paris, 1974. Trad. et comm. de


L, lO'iPANI,

- Baskala-Mantra Upanisad, Adrien-Maisonneuve, Paris, I956.


- Brabmabindûpanisad. Adrien-MaJLsonneuve, Paris, 1952, Préface et trad.
de B, rOBINI. '

- Brhad-Aranyaka Upanisad, Les belles lettres, Paris, I967. Trad. et


notes de E, SMABT.

- Châgaleya Upanisad, Adrien-tîaisonneuve, Paris, 1959. Préface de


L. EENOU.

- Chândogya Upanisad, Les belles lettres, Paris, I97I. Introd. et


trad. de E, SEMET,

- Bevi ïïpanisad. Adrien-Maisomeuve, Paris, 1971, Oonm. de


J. de TAREHIŒ.

- Ganapati Upanisad, Adrien-Maisonneuve, Paris, I965,


- Isa ïïpanisad. Adrien-Maisonneuve, Paris, 1945.
- Kaivalyopanisad, Adrlen-44aisonneuve, Paris, 1952. Intr. et comm. de
B. TTIBm,

- Katha Upanisad, Adrienr-Maisonneuve, Paris. 1943.

- Kausltaki ïïpanisad, Adrien-îîaisonneuve, Paris, 1978. Trad. et comm,


de L. EEHOÏÏ,

- Kéna ïïpanisad, Adrien-îlaisonneuve, Paris, 1943»


- Mahâ Kârâyana ïïpanisad. de Bocoard, Paris, I96O, tomes 1 et 2. Trad.
et ooiiim. de de "V/iBEHNE.
555

- Maitry ïïpanisaA, Adrlepffeisonnewe, Paris, 1952.

- ÏÏpanisad, Adrien-Ifeisomeuve, Paris, 1944* Introd. et trad.


do E. LESniPLE.'
- Miaidaka Upanisad, Adrien-î-îaisomeuve, Paris, 1943,

- PrHmgnihoti^ Upanisad. de Boooard, Paris, I96O,


>' Prashm ïïpanishad, Le Goucrier du Livre, Paris, I97I, Trad, et comm,
de P, LEMIL,

"• PrasmÏÏpanisad. Adrien-I-bisoimouve, Paris, 1978, Trad. de J. BOUSQÎJET,


- Sarya3aropaniga,d, Adrien-jyiaisomeuve, Paris, 1952, Préface et comm, de
B. TUBira,

- Sir ïïpaniahads ma.jeures. Le Courrier du Livre, Paris, 1971. Trad, et


comm, de P, LEBAIL,

- Svetâgvatara. ÏÏpanisad, Adrien-l^iaisomeuve, Paris, 1978, Trad,


A. SILBBM,

- Taittirûya Uparisad, Adrien-Maisomieuve, Paris, 1978, Trad, B, LESIMPLB,

V, Docments de Vatican II utilisés,

- Ad Gentes (Décret sur l'activité missionnaire de l'Eglise),


- Bei YerTjtan (Constitution sur la Révélation).
Bignitatis humanae (Béolaration sur la liberté religieuse )«
- Lumen gentium (Constitution sur l'Eglise),
- Rostra aetate (Béolaration sur les relations de l'Eglise avec les reli
gions non-chrétiennes),

" Orientalium ecclesiamm (Bécret stœ les Eglises orientales catholiques),


- ïïnitatis redintegratio (Bécret sur l'oecviménisme).

Ajoute bibliographique

H, G, CO¥AEîB, Panikkar's approach to interreligious dialogue, dans


C£bss-cûrcetrfca. xxfac. "2. T979, pp. 195-196,
554

TABLE DES m'IEEES

Introduction générale II

Biographie de Eaymundo Panikkar III

Chapitre 1 : Les concepts et leur expression, quelques clefs


pour comprendre la pensée de Raymundo Panikkar 1

Introduction 2
1. Autonomie 3
2. Bhakti-yoga (ou marga) 5
3. Brahma^.ji .inâsâ 8
4« Bralima-.inâsâ 9
5. Démythologisation i1
6 . Dogme "12
7. Esprit Shint 14
8, Poi 15
9» Herméneutique 17
10, Hétéronomie 21
11. Individu (et personne) 23
12, Is'vara 24
13. Jnânâ-yoga (ou mârga) 26
14» Sarma^yoga -tou mârga) 27
15» Méditation 29
16, Moksa -(oti approche hindoue de la libération) 30
17,î'tythe 34
IB.îfythème 37
19» fîythologomène 38
20, Oecuménisme oecuménique (ou catholique) 38
21, Ontonomie 41
22, Orthodoxie 45
23, Orthopolèsis 48
24, Orthopraxis (ou Orthopraxie) 49
25, Raison 5I
26, Sanâtana dharma 57
27, Sécularisation 58
28, Sécularité 58
29, Sruti 59
30,Temps 61
31, Tolérance 55
Conclusions gg
555

Chapitre 2 ; l'Absolu 71

Introduction 75
§ 1 - L'universalisme ou la manifestation universelle de Dieu 75
§ 2 ~ L'Inconnaissable ou l'Inépuisable 81
§ 5 - Brahma-jijnâsa ou le désir de connaître Dieu 85
§ 4 - La contingence et le "Dieu des philosophes et des savants" 90
§5-19' 3:elation entre le monde et sa cause 94
§ 6 - Dieu dans les régimes d'hétéronomie, d'autonomie et
d'ontonomie 115
§ 7 - La foi comme question 120
§ 8 - Foi et Logos • 128
§ 9 - Le mythe de Pra.jâpati 159
§10- La vision cosmothéandrique I46
§ 11 - Le mystère trinitaire 155
Conclusions 175

Chapitre 5 î Isvaxa,, le Logos, le Christ, Jésus de M^aEsareth 18é

Introduction 188

§ 1 - L'évolution de l'herméneutique du Christ 190


§ 2 - La théologie du Logos 206

§ 5 - Melchisédech et le Christ 220

§ 4 - I^ara et le Christ 251


§ 5 - Le Christ sauveur 240
§ 6 - Le Chrétien dans le monde 254
Conclusions 260

Chapitre 4 s Le culte 267

Introduction 269
§ 1 - La définition du culte 272
§ 2 - Les fondements métaphysiques sous-jacents 276
§ 5 - Le culte dans les régimes d'hétéronomie, d'autonomie et
d'ontonomie 282

§ 4 - L'évolution de la notion de culte dans l'hindouisme 289


§ 5 - Les "rubriques" et les "nigriques" 505
§ 6 - Le culte et les sacrements 515
§ 7 - Le culte et l'action 524
§ 8 - La prière, la méditation et la contemplation 555
§ 9 - Le culte et le témoignage 552
Conclusions 5^4
556

Chapitre 5 s La rencontre intra-religiense 572

Introduction 574
§ 1 - La religion 575
§ 2 - Les approches scientifiques des religions 586
§ 5 - Trois attitudes fréquentes dans la rencontre 592
§ 4 - Le dialogue dialogique 599
§ 5 - L'homologie 4O8

§ 7 - La vision panikkarienne de l'hindouisme 425


§ 8 - Qu'est-ce que l'Eglise ? 452
§ 9 - La catégorie de croissance 458
§ 10 - La théologie hindoue-chrétienne 450
Conclusions 46O

Chapitre é : Points de repères 465


Introduction 467
§ 1 - Le Concile Vatican II et les religions non-chrétiennes 469
§ 2 - Mgr, G, Thils et la théologie des religions non-chrétiennes 478
§ 5 ~ R»C, Zaehner et lè dialogue entre l'hindouisme et le chris
tianisme 488
Conclusions 5OI

Synthèse et conclusion 510

Bibliographie 552

Table de matières 554

Você também pode gostar