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Héléne Tierchant & Bernard Cherrier DES ABFILLES DE CHILDERIC AUX ZEBRES DU BARON DE ROTHSCHILD LABEILLE Crest en 1653 que les abeilles font irruption dans l'histoire, toutes ailes bourdonnantes. En mai de cette année-la, le curé de l'église Saint-Brice de Tournai décide de restaurer le pavage de sa sacristie. Et en creusant le sol, voila qu'un magon tombe sur une vieille bourse en cuir d'ou s'échappent de bien curieuses monnaies. Puis c'est un sceptre que l'on déterre. Une épée et une francisque. Et un squelette humain. Miraculeusement intact, il porte l'un de ses doigts un anneau sigillaire qui permet de l’identifier sans l'ombre d'une hésitation comme Childéric I”, fils de Mérovée et pere de Clovis. Un roi dont on ne savait jusqu’ici presque rien, sinon qu'il était décédé en 481, a Tournai, capi- tale des Francs Saliens a ’époque. Mandés sur les lieux, les archéo- logues poursuivent les fouilles, et volent de surprise en surprise. Lauguste dépouille avait été inhu- mée dans un manteau de velours pourpre constellé de joyaux, et ils vont encore découvrir dans la fosse prés de trois cents abeilles en or, aux ailes incrustées de grenats! Abeilles en or, inerustées de grenats, trouvées dans la tombe de Childérie I". En 1653, Tournai fait partie des Pays-Bas espagnols. Leur gouverneur s’empresse done de transférer ce pré- cieux mobilier funéraire a Vienne. Mais l'empire des Habsbourg vit des heures difficiles. Léopold I" est jeune, inexpérimenté, et son grand voisin ottoman en profite. Larmée turque envahit la Hongrie, arrive aux frontiéres de l'Autriche, et elle aurait poursuivi son avancée si la France n’avait dépéché en urgence un contigent de 8 000 soldats aguerris. Pour remercier Louis XIV de cette aide inespérée, Léopold lui fera don du trésor de Childéric. Et en 1665, les insectes d'or s'envoleront pour Paris. Stockés au Cabinet des médailles et antiques (actuelle Bibliotheque nationale de la rue de Richelieu), ils retombent dans Voubli, jusqu’a ce que Napoléon « perce > sous Bonaparte. Vivant Denon, directeur du musée du Louvre et égyptologue distingué, suggére au futur empereur d'inserire Vabeille dans la nouvelle héraldique. Et ce pour deux raisons. LA RUCHE DU FRANGAIS D’abord elle est de temps immémo- rial le symbole de la royauté: sur les stéles de Basse-Egypte, le nom des pharaons était toujours précédé par un hiéroglyphe en forme d’abeille. Et puis n’était-elle pas aussi lem- blame des Mérovingiens? L’adopter donnerait une légitimité incontes- table au régime, rattaché par ce biais a la plus ancienne des dynasties de France. Le 2 décembre 1804, jour du sacre, Napoléon I* arborera donc un manteau de velours pourpre parsemé d'abeilles en or. Dix ans plus tard, Restauration oblige, les lys de la monarchie rem- placeront les abeilles impériales. Mais si elles disparaissent de l’iconographie officielle, ces derniéres vont encore défrayer la chronique. Dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831, des cambrio- leurs s'introduisent dans le Cabinet des médailles, et s‘emparent du trésor de Childéric. Malgré des investigations tous azimuts, la police ne retrouvera que deux des petites abeilles mérovin— giennes. Des mois plus tard. Dans un sac jeté Ala Seine. Fondée parle Roi-Solei! en 1680, la Gomédie-Frangaise va choisir pour embléme une ruche autour de laguellevolette un esaim d‘abeiles. Ges derniéres personnifient les acteurs qui euorent ensemble la réussite du thédtre, comme le proclame la devise inserte sous le rucher: Simul et singulis—< Tous pour un, un pour tous >. Ce blason historique a traversé les sidcles, et orne aujourd hui le balcon de la célébre salle Richelieu. GHLOURE NATIONALE NAPOLEON. LAIGLE Ce grand rapace, a l'envergure impressionnante et a la vue percante, perche son nid sur les rochers escar~ pés, et chasse en solitaire. La légende prétend qu'il est capable de voler vers le soleil sans cligner des yeux. Aussi est-il un symbole de puissance depuis T'Antiquité. Les Grecs voyaient en lui Vattribut de Zeus le maitre de V'Olympe, les Latins celui de Jupiter — Vhomologue latin de Zeus. Et pour les chrétiens, l'aigle est associé a l’évan- géliste Jean, auteur de l’Apocalpse. Insigne des légions romaines, Vaigle allait orner le blason des empe- reurs romains germaniques, fils spi- rituels des Césars, Et en l'adoptant a son tour, Napoléon s'inscrit dans la lignée de Charlemagne, ce roi des Francs qui avait été sacré empereur d’Occident en décembre 800. Liaigle figurera done dans I’hé- raldique impériale, aux cétés de Vabeille mérovingienne. Mais comme embléme militaire. A partir de décembre 1804, il ornera la hampe des étendards de la Grande Armée. L’Aigle étant le surnom populaire de Napoléon, Frangois Charles Joseph Bonaparte, fils de Il’Empereur et de Marie-Louise, sera Mais « Napoléon II > ne prendra jamais son envol. Exilé a Vienne au Jendemain de Waterloo, élevé a la cour des Habsbourg dans le palais de Schénbrunn, et devenu officiel- Jement duc de Reichstadt, il succom- bera a la phtisie en 1832, a lage de 2Qians. Sa tragique destinée devait inspi- rer a Edmond Rostand, dramaturge vedette de la Belle Epoque, une piéce qui connut un succés phénoménal au tournant du xx* siécle. I] est vrai que c'est la divine Sarah Bernhardt, 56 ans a la création, qui incarnait le jeune prince. En travesti! Gravure populaire célebrant Ia victoire d’Austerlitz le 2 décembre 1805, Lliglespabolique dent parecer seres Ia médaille de Is Légion d’honneur LALLIGATOR De sa vie, Henry Wickham n’a jamais autant transpiré. Mais ce n'est pas la faute a la touffeur tropicale. Le climat brésilien, le Britannique y est habi- tué: voila des années qu'il arpente la forét amazonienne en quéte d'orchi- dées rares qui font l'orgueil des serres de Kew Gardens. En cet été 1876, sile botaniste transpire tant surle méchant vapeur qui assure la liaison de Manaus a Belem, cest d’angoisse. Car pour une fois il ne raméne pas des fleurs, mais deux alligators naturalisés. Exporter des reptiles empaillés n'a rien d'illicite. Wickham a pour- tant refusé de les remiser dans la cale. Iles gardés auprés de lui surle pont, et il lui tarde d’étre a bord du schoo- ner qui le conduira en Angleterre Les missionnaires portugais du XVII sigele avaient remarqué que les Indiens recueillaient la seve d’un arbre de la famille des euphorbia- cées, "hévéa — kau-tchu en langue tupi. Aprés avoir chauffé ce latex, ils en faisaient des balles pour les enfants. Mais il faudra attendre le XIX* siécle, et les travaux de Charles Goodyear, pour que les Occidentaux s'inté- ressent & leur tour au caoutchouc. Et, la demande allant alors croissant, les prix ne cesseront plus de flamber. Londres ne tarde pas A réagir. LAngleterre posséde en effet dans le sud-est de l’Asie de vastes territoires au sol et au climat équivalents & ceux de V’Amazonie. Sans doute pourrait-on y acclimater I’hévéa. Mais, désireux de préserver son monopole, le Brésil a interdit l'exportation des graines de cet arbre, sous peine de mort Crest alors que les services spé- ciaux de Sa Gracicuse Majesté ont songé a Wickham... Grassement rémunéré, le botaniste a fini par accepter la périlleuse mission. Avec Vaide des Indiens, il a réussi a collec- ter 70.000 graines d’Hevea brasiliensis. Comme on n'est jamais assez pru- dent, il les a enfermées dans le ventre de deux petits alligators, tués par ses amis Tupis et empaillés a la hate. Et cest dans cette cachette qu’elles vont gagner Belem, puis Londres, sans éveiller de soupgons. Arrivées a destination, les graines seront mises & germer dans les serres de Kew dont on a sans pitié expulsé toutes les orchidées. Quatre ans plus tard, les premiers arbrisseaux pour- ront étre transférés en Malaisic. Et les hévéas s'y adapteront si bien que dés la Belle Epoque le caoutchoue d’Ex- tréme-Orient supplantera celui de Manaus sur le marché international. Modéle en platre réalisé en 1894 par Louis-Ernest Barrias pour le bronze destiné au Muséum Les Nubiens, ou les chasseurs d'alligator VANE Contrairement au cheval, l’ane ne paie guére de mine. Si le pre~ mier se fait tantét destrier tan- tot palefroi, étalon ou mustang, le second reste une béte de somme. Un Maitre Aliboron, pour paraphraser Rabelais. Ainsi est-ce sur le dos d’un ane anonyme que chemine Sancho, le valet de Don Quichotte, tandis que le seigneur de la Mancha, lui, monte une jument — et qu'importe si c'est une < rossinante >! Tétu, méchant surtout quand il arbore un pelage roux, lache quand il vous décoche un coup de pied alors que vous étes a terre, le pauvre qua~ drupéde a bien piétre réputation. D’autant qu'on ne manque pas de le dire stupide, d’ou V'apparition du bonnet d’ane sur la téte des cancres et l'expression « ane baté ». Soldats allemands équipant Teurane d'un masque a gaz pendant Ia Grande Guerre. Lvanesse du mage Balsam acrétée par un ange bran- dissant une épée. Miniature du Maitre du Prautier royal XIIP sidcle Gest a un philosophe du Moyen Age que l’ane doit cette mauvaise image. Prenez un Ane aussi affamé qwassoiffé, placez-le a égale dis- tance d’un seau d'eau et d’un picotin davoine, que feral’animal ? demanda un jour a ses étudiants Jean Buridan (1295-1360). Le Sorbonnard sou- tenait que la béte se déterminerait selon son libre arbitre. Mais la pos- térité a retenu qu’incapable de choi- sir entre boire et manger, l'ine de Buridan allait se laisser mourir et de faim et de soif! Pourtant, mille faits plaident en faveur de V'intelligence de l’ane. Gomme en témoigne l'histoire de l’anesse de Balaam. Au service de Balak, le souverain de Moab, le mage Balaam regoit l'ordre d’aller au-devant des Hébreux qui s’apprétent & envahir le royaume. Et de les maudire pour les en dissuader. I] enfourche done son Anesse. Or, voila qu’a mi-che- min, l'animal s'immobilise et flé- chit les genoux. Balaam brandit son gourdin. Et, sous la gréle de coups, la béte se met soudain a parler, pré- tendant qu’un ange, armé d'une épée, leur barre la route. homme s‘obstine. Mais, arrivé a destination, il bénira les Hébreux. Malgré lui. Et le Dieu d'Israél aura montré que, de Vhomme et de I’ane, le plus entété et le plus béte n'est pas celui qu’on pense. Avec le christianisme, continuera de se tailler la part du lion! Présent autour de la creche de I'ane Bethléem ou vagit l'Enfant Jésus, il servira de monture & Marie, quand elle s'enfuira en Egypte avec son nouveau-né pour échapper aux per- sécutions d’Hérode. Et plus tard, cesta dos d’ane que le Fils de Dieu fera son entrée dans Jérusalem le jour des Rameaux. ‘Au Moyen Age, dans plusieurs bourgs de France, avait liew au temps de Noél une curieuse Féte de l'Ane. Aprés avoir mené en procession un ane riche- ment paré, les poetes du cru rivalisaient d'éloges rimés, rappelant le réle que Vanimal avait joué dans la Bible comme dans les Evangiles. Mais au fil du temps, la cérémonie allait perdre toute conno- tation religieuse, virant au burlesque et au sacrilége. Et sous la pression des évéques, le roi Charles VII finira par interdire sa célébration. DE LA MANGEOIRE ALA BAIGNOIRE Les médecins faisaient autrefois grand cas du lait d’anesse, aussi nourrissant que celui de la vache, mais moins gras et plus sueré. Ilsle prescrivaient aux bébés délicats comme aux phtisiques. Et des troupeaux d’anes sillonnaient donc les grandes villes, délivrant a domicile la boisson souveraine. Jusqu’a la Grande Guerre, les aniers parisiens ne connai- tront pas le chomage. Pour la petite histoire, le lait d’anesse a aussi la réputation d’adou- cir et blanchir la peau des dames. Liimpératrice Messaline, qui mul- Uiplia les aventures galantes jusqu’a un Age avancé, au grand scandale des patriciens romains, se plongeait ainsi chaque matin dans un bain de lait d’anesse. Et, a l'heure du bio triomphant, ce produit de beauté naturel tend a revenir sur le devant de la scéne, séduisant & présent les écologistes branchées | LANE POLITICIEN Des quadrupédes et de la politique Aux Etats-Unis, Vane est Vembléme du parti démocrate, et Vélephant celui du parti républicain Smith le démocrate fat battu par Herbert Hoover en 1928. Il n'est pas prudent de narguer les habitants de !Olympe quand on est une simple mortelle. La belle Arachné Vapprendra a ses dépens. Cette jeune brodeuse de Lydie ayant osé prétendre qu'elle surpassait Athéna dans V'art de la tapisserie, la déesse releve le défi. Elles s'installent done toutes deux devant leur métier, s’attellent a composer les mémes motifs. Et c'est a Arachné que le jury va accorder la palme de la victoire. Uleérée, Athéna par lacérer l'ouvrage de sa rivale, avant de métamorphoser cette der- niére en un petit invertébré baptisé arachné — mot gree a l'origine du fran- gais « araignée >. commence Arachné tssant un filet, par Robert Testard, miniature du xv” siéele. a « peigner la girafe >? Qui connait le destin des dromadaires de Pourquoi d Bonaparte ou l'épopée des chauves-souris kamikazes? D’oii vient done cette statue de lion qui domine la plaine de Waterloo? Selon les époques ct les civilisations, les animaux ont servi d’emblémes au pouvoir, desym- boles de luttes ou de révolutions, de signes de ralliement pour les peuples, tout en restant des objets d'études pour les savants et d’éternelles sources d’inspiration pour les artistes. Lohistorienne Helene Tierchant et le journaliste Bernard Cherrier ont retrouvé la trace de to ies ces bétes, sauvages ou savantes, célbres ou obscures, qui ont défrayé la chro~ nique au fil des sigcles, et nous offrent un kaléidoscope d’ancedotes historiques, qui s‘accompagnent d'une iconographic étonnante et variée » © Sud-Ouest », Bernard Historionne et biographe, Helene Terchant a collaboné ‘aur pages « patrimoine et culture » de « Sud-Ouest Dimanche ®. He est Vauteur d'une vingtaine dou rages, parm lequels La Grande Histoire de la Comédie-Frangaise (2013). Journaliste ou quotid Cherrier a été enseignant a 'TUT de journa lisme de Tours et au GFP] de Paris. Tl a publié de nombreux owurages, dont un maticiewe Livre de Escargot ISBN: 97 38-770-0 MIM) 9 1782841 PRIX TTC FRANCE 2 =

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