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1. Menée de 1984 à 1995 en trois phases : 1984- 1986, la maturité du dispositif commercial algérien ;
1989-1991, la régression algérienne sous l’influence du FIS et l’initiative des commerçants Tuni-
siens ; 1993-1995, l’influence des migrants post-fordistes marocains et la mondialisation du dispo-
sitif commercial marseillais.
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faire parole, morale intermédiaire et unique, cette forme d’échange a produit des ré-
seaux particulièrement contrôlés, très « visibles et lisibles » dès lors que l’on parti-
cipe aux mobilisations, aux circulations qui déploient de façon souterraine
d’immenses richesses 2. Le commerçant de Marseille qui vend à une « fourmi » ma-
rocaine un chargement de produits électroniques illégalement importés d’Extrême-
Orient via l’Italie sait approximativement où sera livrée la marchandise une fois pas-
sées les frontières espagnoles, et qui l’utilisera. Pour le chercheur, l’accès aux ré-
seaux est simple : une introduction, un comparse que l’on trouve toujours avec quel-
que patience, et les accompagnements sont possibles. Tout, là, est affaire de proxi-
mité, et interposer quelque outil objectivant, magnétophone, questionnaire, prise de
vue, entre l’autre qui accueille et soi-même, est peu adapté à l’accomplissement du
travail du sociologue ou de l’anthropologue. Nous n’avons pas comme interlocu-
teurs des sédentaires avec qui entamer une relation longue de confiance, mais des
nomades, des passants que l’on effleure un instant, dont dépend l’invitation immé-
diate. Dès lors que l’accompagnement est possible, tout devient rapidement clair,
lisible : étapes, circuits, destinations d’un voyage singulier s’articulent sur les in-
nombrables voyages des autres fourmis, livrent la compréhension des usages, de la
socialisation, des espaces des circulations, des réseaux.
En 1993 je fis l’hypothèse que ces échanges de produits d’usage licite étaient de
nature (formes des réseaux, modalités du contrôle social, types de transaction) si dif-
férente de ceux de produits d’usage illicite (psychotropes plus particulièrement) que
l’on se trouvait devant deux types d’échanges économiques et sociaux antagoniques,
contrairement aux amalgames du sens commun et des exploitations idéologiques
médiatiquement entretenues à l’encontre des étrangers à partir de la confusion entre
les deux formes. J’entrepris alors une recherche sur un « segment » des espaces de
circulations que j’avais identifiés lors de mes premières investigations ; je le choisis
en fonction d’informations émanant de divers services d’État français et espagnols
qui désignaient la zone frontalière entre Barcelone et Perpignan comme axe de cir-
culation des psychotropes, mais aussi en fonction des informations locales donnant
Perpignan comme « laboratoire social » remarquable : les toxicomanies d’héroïne
chez les Gitans catalans, qui résident en sédentaires de part et d’autre de cette fron-
tière, étaient signalées à hauteur de 25 % environ des hommes de 25 à 45 ans, et des
formations communautaires de Marocains étaient désignées comme très actives dans
les économies souterraines de biens de consommation licite mais aussi de cannabis.
Enfin, Perpignan, ville moyenne, est un exemple de ces situations de basculement
hors des voies de notre entendement démocratique, hors des desseins de nos stabili-
tés républicaines : les indicateurs sociaux et économiques, tous excessivement alar-
mants, signalent une ville en rupture des destins collectifs urbains français. Les jeu-
nes en déshérence, de plus en plus nombreux (38 % des 16- 25 ans sans emplois ni
perspectives professionnelles), l’afflux de la pauvreté des autres villes ou régions,
2. Outre des travaux de Peraldi M. et Tarrius A., cités en bibliographie, on lira les articles de Ma
Mung E., Battegay A., Raulin A., Guillon M., Bredeloup S., de Tapia S., publiés dans la Revue Eu-
ropéenne des Migrations Internationales pour les recherches sur les initiatives économiques de
l’étranger. De jeunes chercheurs, souvent fédérés par les laboratoires Umr-Cnrs Migrinter de Poi-
tiers et Esa-Cnrs Cirejed de Toulouse, tels Gauthier C., Santelli E., Missaoui L., Mazzella S., Ben-
bouzid A.,..., développent de plus en plus explicitement une sociologie de l’étranger à distance
d’une sociologie de l’insertion.
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3. Passer et repasser les frontières entre « officialité » et « subterranéité » implique par contre une
claire détermination du chercheur : l’individu sans pouvoirs ni statut sociaux peut exprimer plus
que celui chargé « de dire » la parole – pensée d’État... vieille problématique de la première Ecole
de Chicago. D’autre part si la construction d’un cheminement de recherche vers l’identification de
formes sociales nouvelles implique que l’on soit peu fidèle aux orthodoxies théoriques, la démarche
empirique ne peut se déployer de façon débridée : l’identification de processus a particulièrement
guidé nos démarches, comme la production de néologismes négociés entre notions et concepts
« classiques ».
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deviennent opportunités, portes d’entrée. Dès lors comment produire des stratégies
d’immersion sans être emporté par les situations auxquelles on s’expose ? Lorsque,
à Barcelone, je traversai une place dans le Bario Chino en compagnie d’une jeune
dealer toxicomane gitan et que brusquement celui-ci me propulsa littéralement dans
les bras d’un trafiquant de rue sénégalais qui m’administra un long baiser – transfert
de quelques grammes d’héroïne d’une bouche à l’autre, qui étais-je ? sociologue,
anthropologue, trafiquant ? Le fait est que je tremblais, à l’idée de la voiture de po-
lice à quelques mètres, mais aussi devant mon impuissance à inclure cette situation
dans un projet raisonné. C’était une limite que j’atteignis alors et je ne savais si j’en
reviendrais, si toute ma curiosité de sociologue n’allait pas s’épuiser là. Pourtant cet
instant me permit ensuite d’aller très loin dans la connaissance de réseaux : il en-
chaîna une série d’opportunités, me propulsa dans des proximités nouvelles tramées
rapidement en milieu nouveau. Le deuxième problème résidait, au fur et à mesure de
ces explorations, dans la nécessité de dire, restituer, écrire : de ces lieux placés hors
de portée des désignations usuelles, on risque à tout moment de ramener de la dé-
nonciation, du stigmate, et de se « tranquilliser », pour le dire trivialement, en ré-
instituant une frontière encore plus étanche entre nos lieux et positions dans
l’officialité et les mondes, les situations expérimentés au-delà ou en deçà. Par contre
ces tensions ne se sont jamais présentées dans mes terrains concernant les économies
souterraines transfrontalières de produits d’usage licite.
Dans les réseaux de l’économie souterraine des produits d’usage licite, les
échanges, qui se nourrissent des écarts de richesse entre nations, court-circuitent les
normes, les règlements, les contrôles et toute la rationalité de nos hiérarchies inter-
nationales de la richesse. Ils dépendent pourtant de nos hiérarchies des richesses en-
tre États, mais se développent tellement en complément qu’ils suggèrent d’autres
formes économiques. Rendus possibles par le respect de la parole donnée, ils se dé-
ploient sans formalités administratives et sans écrits (Lantz P., 1977, de Radkowski
H., 1991) ; tels des mondes de l’oralité, temporalités, rythmes, séquences et flux or-
ganisent les contournements et les traversées de tous les dispositifs de frontière que
les États ont réifié en autant d’espaces administratifs, politiques ou techniques bor-
dés de frontières. Ils relient des villes de plus en plus éloignées, sans que s’atténuent
les liens sociaux et les modes de reconnaissance de ceux qui les entreprennent : œu-
vre de fluidité, ces initiatives ouvrent des brèches dans les hiérarchies internationales
des riches, dans l’ordre des échanges, dans lesquelles se ruent, de plus en plus nom-
breux 4, ces « petits migrants d’ici », afin d’être « notables là-bas » (Missaoui L.,
1996, Tarrius A., 1996, Ma Mung E., 1996, Charbit Y., Hily M.-A., Poinard M.,
1997).
4. Pour les seuls Marocains, de la phase migratoire « post-fordiste » à partir de la fin des années 80,
les passages de camionnettes chargées de produits à livrer au Maghreb ont cru de 4 000 en 1991 à
17 000 en 1993 et 42 000 en 1996 pour le seul poste frontière du Perthus.
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Parmi les populations maghrébines concernées, il faut distinguer d’abord les plus
pauvres, qui donnent couleur au quartier et qui s’impliquent dans les activités des
commerçants par des accompagnements de clients ou de marchandises. On repère
ensuite un petit nombre de familles commerçantes (les épiciers arabes) en voie
d’intégration dans la classe moyenne française : il ne s’agit pas véritablement
d’entrepreneurs des économies souterraines, mais elles assurent, par leur situation
mixte de destinataires de biens localement prélevés hors TVA (légumes, fruits,
viandes ovines) par des réseaux locaux et régionaux, la cohésion, l’articulation des
étages territoriaux entre les grands itinéraires internationaux et les espaces locaux
(Peraldi M., Tarrius A., 1995). Puis les entrepreneurs commerciaux qui, eux, gèrent
les flux d’hommes et de marchandises à longue distance : à Perpignan, étape entre
Marseille et le Maghreb, ils sont une vingtaine à organiser une population de milliers
de « fourmis » qui, au volant de leurs chargements de camionnettes, assurent les
transports vers l’Algérie ou le Maroc. À Marseille il y a enfin les clients qui font es-
cale, immigrés résidant en Europe ou habitant le Maghreb, autres « fourmis » qui
achètent et emportent les marchandises dans leurs bagages : de 400 000 à 700 000
chaque année de passage dans le centre historique, le quartier Belsunce jusqu’en
1992, puis aujourd’hui dans un quartier proche de la Porte d’Aix, transitent entre le
Maghreb et l’Europe, créant un chiffre d’affaire de l’ordre de 3 à 5 milliards de
francs français.
Pour caractériser les modes de vie de ces populations circulantes, on peut distin-
guer trois types de rapports aux sociétés d’origine et à celles d’accueil : diaspora,
nomadisme et errance. Le diasporique, tout en restant fidèle aux liens nombreux
dans de vastes territoires créés dans ses antécédents migratoires, se place en posture
d’intégration dans la société qui l’accueille, autant par les complémentarités mor-
phologiques (Medam, A., 1993), notamment en matière de travail, qu’il y développe
que par son entrée rapide dans les rôles liés à la citoyenneté. Le nomade se caracté-
rise par la fidélité à un lieu d’origine, souvent microscopique, l’absence de complé-
mentarité économique par rapport aux populations autochtones, mais une forte com-
plémentarité par rapport au lieu d’origine, et la mise à distance des perspectives
d’intégration. Son génie réside dans le savoir circuler et le savoir faire circuler en
ignorant ou en contournant tout ce qui fait frontière. Quant à l’errance, elle est cou-
pure avec la société d’origine et distance avec la société d’accueil : elle peut être
temps de préparation et d’apprentissage du savoir circuler. C’est dans cet état que se
trouvent bon nombre de personnes en situation irrégulière. Dès lors elles sont à la
merci des ‘nomades’ pour des phases de prise de risque important, aussi bien dans
les économies de produits d’usage licite que dans celles d’usage illicite. Les modes
de vie correspondant à ces trois situations sont à forte distance des économies et des
normes de l’officialité. Ils s’inscrivent dans des logiques et des stratégies de spatiali-
sation différentes de celles des aménageurs, des élus et de tous les décideurs offi-
ciels, pour lesquels ils sont illisibles : le rapport entre sédentarité et mobilité est en
effet en ce qui les concerne à ce point différent de celui des autochtones et de leur
quasi exclusive référence à la sédentarité pour faire œuvre de légitimité territoriale,
qu’ils apparaissent hors de portée des œuvres de stabilité caractéristiques de nos ra-
tionalités étatiques. En particulier, aux centralités historiques, économiques et politi-
ques locales se superposent des centralités différentes, dans l’espace des mêmes vil-
les, définies par les réseaux dans les vastes territoires circulatoires des échanges
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évoqués : l’espace des réseaux fait bien plus sens que celui des lieux de sédentarité
dans la mise en œuvre des divers échanges propres aux rapports de quotidienneté
comme à la construction des devenirs collectifs.
Les Gitans catalans sont, depuis le XIVe siècle, « les étrangers de l’intérieur ».
Manipulés par les élus locaux, depuis la perte de leurs métiers traditionnels et donc
de leur autonomie économique, dans les années 1950-1960, ils forment une main
d’oeuvre prête à tout pour leurs besoins électoraux. Ainsi sont apparus des
« médiateurs gitans », accrédités par les élus municipaux, mais utilisant cette protec-
tion pour toutes sortes de compromissions. Depuis le début des années 1980, la dro-
gue est devenue d’usage courant, chez les jeunes d’abord, puis dans l’ensemble de la
population masculine. Il en est résulté un taux élevé de contamination par le VIH et
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5. Les Gitans andalous partagent les mêmes références coutumières que les Gitans catalans, mais ils
parlent le castillan et connaissent toujours des pratiques de mobilité spatiale proches des diverses
formes nomades caractéristiques du monde tsigane. À Barcelone, les rapports entre Catalans non
Gitans et migrants de l’intérieur Andalous se sont traduits grosso modo par une localisation en pé-
riphérie urbaine des seconds : les rapports entre Gitans catalans et Gitans andalous accentuent en-
core ces caractéristiques et débouchent souvent sur des conflits ouverts entre les uns et les autres. À
Perpignan les rejets entre les deux communautés sont importants.
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Barcelone pour une semaine. Le premier soir tu étais sûr d’en trouver autant
que tu voulais. Elles nous montraient partout comme des toreros. Des habits,
du fric, et la piqûre, la came, pas besoin d’aller au port... Je voyais même pas
où elles faisaient le plein... Tu imagines, on quittait les Gitanes de Perpignan
qui couraient encore avec les pieds nus dans St Jacques et on trouvait ces rei-
nes... On leur disait qu’on voyait des reines et elles lisaient les journaux, les
images et surtout la télé... Elles ont voulu faire pareil, et les Arabes ont com-
mencé à nous les rafler, d’accord avec les vieilles, qui nous les enlevaient, si
on les approchait, en nous traitant d’impuissants et de drogués, de fainéants ».
Le taux de chômage des hommes de 20 à 55 ans est de 73 % et aujourd’hui leur
avenir ne présente d’espoir qu’à partir de l’action déterminée des femmes pour un
changement. Un mouvement lent, dissimulé, mais certain d’émancipation s’affirme
depuis deux décennies. C’est ainsi que les femmes, séparées en nombre plus impor-
tant année après année de leurs époux gitans qui se droguent ou les battent,
s’installent seules ou avec des non-gitans, en dehors des territoires communautaires.
C’est ainsi encore que les adolescentes, enfreignant les interdits coutumiers, parcou-
rent en petits groupes les lieux centraux, les espaces les plus publics de la ville, dans
les situations de plus grande mixité. Une crise en cache une autre : et l’exacerbation
des tensions autour des psychotropes n’a pas pour seule fonction de réactualiser et
amplifier la vieille dialectique de stigmatisation, de rejets de l’altérité entre Gitans et
non Gitans, mais encore de masquer le non désignable, de ne pas prononcer
l’indicible, c’est à dire la transformation de la base machiste des rapports intra-
communautaires. Dans ce contexte les unions entre femmes gitanes, déçues par un
premier et souvent bref mariage, et Maghrébins se multiplient, mais aussi les ‘fuites’
de jeunes Gitans, qui rejoignent les jeunes de toutes origines que la pauvreté associe
dans des squats et des rues du centre de Perpignan. Pour le dire rapidement, un
« sauve qui peut » se généralise à partir des jeunes Gitans : les uns, qui entrent très
tôt, treize, quatorze ans, à partir de l’usage du Subutex, dans les trajectoires de
consommateur d’héroïne, trouvent toujours quelques ressources dans les trafics de
survie économique en milieu gitan. Les autres se rapprochent des jeunes Marocains
et les accompagnent dans leurs aller-retours à travers l’Espagne, afin de négocier un
peu de cannabis et surtout des sociabilités nouvelles qui les éloignent du contexte
étroitement ethnique de la vie communautaire de leurs parents. Les psychotropes,
leurs usages ou désignations, sont omniprésents pour masquer ou afficher les trans-
formations des destins collectifs gitans. De nouveaux destins collectifs s’instituent
sous le couvert de la radicalité de la « crise » des psychotropes. La crise, en somme,
engendre sa propre résolution et la masque par son caractère paroxystique même.
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C’est entre 1990 et 1993 que, chez les Maghrébins, les départs féminins ont
commencé à dépasser ceux des hommes. La mobilité des uns comme des autres s’est
trouvée facilitée par la forte cohésion des branches familiales dispersées sur le terri-
toire national : les familles étendues dispersées sur le territoire national, voire euro-
péen, considérées comme archaïques, sont en réalité les plus adaptées à la situation
de crise économique contemporaine.
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Les femmes sont plus efficaces que les hommes dans la recherche d’un emploi
(Informations Sociales, 1997). Le « modèle de féminité » commun à tous les grou-
pes sociaux, mélange d’acharnement à faire de bonnes études, de capacité d’accom-
plir les démarches familiales très tôt à la place de leurs parents, surtout chez les jeu-
nes Maghrébines maintenues dans l’espace familial, et finalement de détermination
à trouver un emploi, s’oppose à l’attitude de la plupart des garçons qui attendent
qu’on s’occupe d’eux tout en définissant des espaces de liberté spécifiques dans
l’espace public. Sortis beaucoup plus tôt de la famille, ils demeurent au-dehors des
espaces institutionnels. La reproduction culturelle dans l’éducation des adolescents
maghrébins (filles à l’intérieur, garçons dans l’espace public) produit cet effet para-
doxal de favoriser l’insertion des jeunes femmes, leur aisance dans les rapports aux
institutions, et en somme leur liberté nouvelle.
Le rôle des garçons n’est pourtant pas à négliger : ils densifient leur présence
dans le centre de la ville et, exclus de l’économie marchande des loisirs, provoquent
une revitalisation des espaces publics, de la rue.
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Les catégories usuelles de l’analyse sociologique s’appliquent mal ici ; les no-
tions d’acteurs, d’intentionnalité, de stratégie, de trajectoire, y apparaissent peu op-
portunes, ou pour le moins insuffisantes à exprimer la complexité des négociations,
des transformations en cours : ces notions supposent un partenariat minimal avec les
institutions qui donnent sens à la référence citoyenne qui ne semble déjà plus exister.
L’écart entre nation et société s’exemplarise là (Dubet F., Martuccelli D., 1998). Un
discours sur les tendances fait défaut dans ce cas. Gitans, Maghrébins, ou de toutes
origines, ces jeunes traversent l’ensemble de la ville, se déploient dans ses rues et
sur ses places. Les analyses de R. E. Park concernant les aires naturelles comme les
« zones morales », c’est à dire conjuguant habilement les concentrations permanen-
tes et les rencontres à partir d’origines multiples (Hannerz U., 1983), ne sont pas de
mise : l’ordre des temporalités l’emporte là sur celui des emplacements, fixes ou
mobiles. Ces jeunes passent par, font route ensemble, horaire commun, mais n’insti-
tuent pas leurs présences dans des emplacements conquis durablement ou provisoi-
rement. Exit la forme réifiée des luttes urbaines, la problématique des emplacements
bien circonscrits de la ségrégation. La ville est plutôt pratiquée comme vaste champ
d’agrégations mobiles, qui débordent souvent d’elle-même. Les analyses d’Halbwachs
(1971) concernant des manifestations superposées de co-présences sur des territoires
communs ne rendent pas davantage compte de ces nouvelles formes. Quant aux
« espaces autres », hétérotopies selon Foucault (1994), s’ils signalent bien la dis-
tance entre univers de normes, le choix de la prééminence des marquages des espa-
ces sur les fluidités des temporalités ne nous permet pas de saisir des formes sociales
évanescentes dans leurs manifestations, mais significatives de profonds change-
ments par leur manifestation même. Tous les possibles sont là, dans la confrontation
proche entre ceux qui, trop pleins de certitudes, ne concèdent rien de leurs appétits
d’avoir et de pouvoir et ceux, en deçà et au-delà, qui contournent les volontarismes
et les mobilisations d’appareillages économiques, politiques et sociaux. Le dualisme
que suggère cette recherche est pourtant brisé en quelques lieux de la ville : autour
de l’usage de psychotropes, du cannabis en particulier, qui fédère parfois, en des es-
paces que Robert E. Park désignait comme « aires de mœurs », ces jeunes de la
« marge », et ceux du centre, étudiants, fils et filles de famille...
L’avenir de Perpignan, c’est-à-dire les formes mêmes du devenir démocratique
de nous tous, dans toutes les villes de France, est bien incertain en cette fin de siècle.
Alain TARRIUS
Université de Perpignan
altarrius@aol.com
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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Revues :
AGORA, 1997, Se faire de l’argent. N° 10.
ÉTUDES TSIGANES, 1997, Femmes Tsiganes. Vol 10.
INFORMATIONS SOCIALES 1997. La femme d’origine étrangère et l’emploi. N° 63.
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