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Une anémie aiguë chez un nourrisson

D. ARMENGAUD, CHI de Poissy/ Saint-Germain-en-Laye


Issam, un nourrisson de 13 mois, est adressé aux urgences par son médecin traitant pour
altération de l’état général et ictère fébrile.

Histoire clinique
• Issam est le premier enfant de parents consanguins au premier degré (cousins germains) sans
antécédents particuliers. Il est né au terme d’une grossesse normale, mais pendant laquelle une
dilatation bilatérale des cavités pyélocalicielles a été mise en évidence sur l’échographie
réalisée à la 21e semaine. L’accouchement a été eutocique avec un APGAR à 10. Le poids de
naissance était de 3 640 g, la taille de 52 cm et le périmètre crânien de 35,5 cm. Il n’avait pas
été noté d’ictère en période néonatale. L’échographie postnatale a confirmé l’existence d’une
dilatation pyélocalicielle. Cet enfant a présenté à 6 et 9 mois deux épisodes de pyélonéphrite ;
l’indication d’une correction chirurgicale d’un reflux vésico-urétéral bilatéral, confirmé par
une cystographie rétrograde, est discutée.

• À l’occasion d’un épisode infectieux rhinopharyngé initialement banal, avec fièvre aux
alentours de 39 °C, les parents se sont inquiétés de l’altération de l’état général de leur enfant
paraissant inhabituellement fatigué avec refus d’alimentation et une pâleur, motifs pour
lesquels ils sont allés consulter leur médecin qui l’adresse directement aux urgences.

• À l’arrivée dans le service, l’enfant est apyrétique (36,5 °C), mais présente une tachycardie
modérée à 143/min, avec une pression artérielle à 110/50 mmHg. Il est pâle sans troubles
hémodynamiques périphériques et présente un ictère cutané net sans prurit, ni purpura.
L’auscultation pulmonaire est normale, la fréquence respiratoire à 56/min, la saturation de
l’hémoglobine à 100 % en air ambiant. L’auscultation cardiaque est normale, sans souffle, ni
galop. Il n’y a pas d’hépatosplénomégalie, ni d’adénopathies périphériques. L’examen ORL
est normal en dehors d’une pharyngite. L’enfant n’a pas présenté de vomissements mais
quelques selles liquides, sans perte de poids significative. Le reste de l’examen, notamment
neurologique, est normal. Un bilan biologique est prélevé.
Quel diagnostic évoquez-vous ?

Hypothèses diagnostiques
• Le caractère aigu de cette anémie ne fait guère de doute au vu de sa manifestation récente et
de son retentissement clinique. La normocytose élimine, a priori, une anémie ferriprive,
diagnostiquée généralement sur l’identification de facteurs de risque et/ou sur les critères
biologiques que sont la microcytose et l’hypoferritinémie.
La présence d’un ictère pourrait poser la question d’une hépatopathie associée.
L’absence d’hépatosplénomégalie, mais surtout l’existence d’une hyperbilirubinémie non
conjuguée l’éliminent d’emblée et plaident en faveur d’un processus hémolytique,
intravasculaire, aigu (VGM normal), probablement à son tout début, puisqu’il n’y a pas,
encore, d’augmentation des réticulocytes.
La diminution du taux d’haptoglobine pourrait, s’il en était besoin, confirmer la nature
hémolytique de l’anémie.
• Des examens biologiques sont nécessaires afin de nous orienter vers une étiologie,
notamment avant la transfusion sanguine, qui s’avère indispensable à ce niveau d’anémie et
dans ce contexte hémolytique.

• Il est peu probable qu’il s’agisse d’une hémoglobinopathie :


– on peut d’emblée éliminer une thalassémie majeure (β°), de révélation beaucoup plus
précoce et en absence de microcytose ;
– on pourrait éventuellement évoquer une drépanocytose SS ou une double hétérozygotie
(SC, SD), qui dans ce contexte d’hyporéticulocytose, pourrait être associée à une infection à
parvovirus B19. S’il existe une consanguinité parentale, il n’y a aucun antécédent dans cette
famille d’origine marocaine en faveur de ces maladies récessives.

• De même, une maladie de Minkowski Chauffard pourrait être évoquée, mais l’absence de
splénomégalie, de microsphérocytose, d’antécédents familiaux similaires ou de splénectomie,
est en défaveur de ce diagnostic.

• Dans un contexte infectieux, avec une participation digestive, il est impératif d’éliminer la
possibilité d’un syndrome hémolytique et urémique, dont la micro-angiopathie
thrombotique est à l’origine d’une hémolyse extracorpusculaire « mécanique » extrêmement
brutale, et surtout d’une insuffisance rénale aiguë pouvant mettre en jeu le pronostic vital
(hyperkaliémie). L’absence d’hypertension artérielle, le taux normal des plaquettes, l’absence
de schizocytes sur le frottis sanguin demandé, la normalité de la fonction rénale et du
ionogramme sanguin permettent d’éliminer l’hypothèse du SHU.

• On doit se poser la question d’une hémolyse infectieuse :


– une origine bactérienne semble peu probable sur la seule clinique, car les germes
responsables d’hémolyse le sont dans un contexte grave, septicémique (colibacille,
streptocoque) ou pour des pathologies non rencontrées chez l’enfant (C. perfringens, syphilis)
;
– une étiologie virale est plus souvent rencontrée en période néonatale (herpes, CMV,
rubéole) ;
– une parasitose, en l’occurrence un paludisme, doit être évoquée, mais l’absence de voyage
outre-mer et la bénignité des plasmodium du Maghreb (P. ovale) ne vont pas dans ce sens,
tout comme l’absence de thrombopénie, et bien sûr la négativité du frottis sanguin.
• La possibilité d’une anémie hémolytique immune est à évoquer, mais souvent elle survient
dans un contexte plutôt « post » infectieux ; le diagnostic se fait avec un test de Coombs qui
permet de caractériser la nature de l’anticorps responsable (généralement IgG ou
complément). Il se révèlera ici, négatif.

• Exceptionnellement, une hémolyse toxique pourrait être évoquée dans un contexte


évocateur (piqûre de vipère). Dans un contexte plus chronique qu’aigu, on peut penser au
saturnisme… Les toxiques dangereux sont surtout liés aux activités industrielles et à des
médicaments inusités chez l’enfant (disulone, ribavirine)… À moins que l’enfant présente une
susceptibilité particulière comme celle que provoque un déficit en glucose 6
phosphodeshydrogénase (G6PD), qui est en effet l’hypothèse la plus probable dans ce
contexte.

Commentaire
• Le déficit en G6PD est une maladie génétique qui touche un nombre considérable d’êtres
humains (400 millions environ), principalement originaires du pourtour méditerranéen, mais
aussi d’Afrique sub-sahélienne, des Amériques, d’Inde et d’Asie du Sud-Est.
• Ce déficit peut se révéler dès la période néonatale par un ictère à bilirubine non conjuguée,
donc à risque de séquelles neurosensorielles, ou plutôt par une anémie hémolytique aiguë, se
révélant à l’occasion d’une infection, d’une prise médicamenteuse ou de l’ingestion de
certains aliments.
• La maladie se transmet sur le mode récessif lié à l’X : les garçons sont principalement
touchés (hémizygotisme), mais les filles peuvent être également concernées, soit parce
qu’elles sont homozygotes, soit parce que l’X qui est activé est celui porteur du déficit (l’X
non activé est identifiable comme le corpuscule de Barr). Plus de 150 mutations du gène,
localisé en Xq28, ont été identifiées et l’on distingue des formes plus ou moins sévères selon
les individus ou l’origine ethnique (plus grande gravité des formes méditerranéennes et
chinoises par rapport aux formes africaines).
• Le diagnostic peut être établi à la naissance par un spot test colorimétrique, tout comme par
la présence de corps de Heinz dans les hématies (cf. encadré). Le dosage de l’activité
enzymatique se fait par spectrophotométrie, avec un risque de faux négatif en cas de
réticulocytose élevée, ou, bien sûr, après transfusion sanguine.
• La prise en charge répond surtout au dépistage des sujets et des familles à risque, à la
contreindication ou l’utilisation raisonnée de certains médicaments (cf. tableau) et à
l’évitement d’aliments à risque (fèves, artichaut, lentilles). La reprise de l’interrogatoire des
parents d’Issam révèle une ingestion de fèves, probablement à l’origine de ce premier épisode
hémolytique. Cette légumineuse, qui a autrefois donné son nom a cette maladie (favisme),
contient des molécules oxydantes (divicine, isouramil, convicine) qui diminuent le contenu
des hématies en gluthation réduit et fragilisent ainsi les hématies (cf. encadré).
Évolution

Après prélèvement sanguin et détermination du groupe sanguin, avec RAI et Coombs


négatifs, Issam a été transfusé, sans problème particulier. L’hémoglobine est ensuite restée
stable avec, sur les NFS de contrôle effectuées 24 et 72 h après la transfusion, des taux à 10,8
et 10,4 g/100 ml et une réticulocytose respectivement à 74 000 et 94 000/mm3. Le dosage de
la G6PD montrait un taux à 188 mU/109 GR pour une norme entre 221 et 570 ; dans le même
temps, un dosage de la pyruvate kinase était contrôlé normal (9,9 UI/g Hb [N : 7,4 -16,4]).
Les consignes de prévention et de surveillance ont été données aux parents, ainsi qu’une carte
personnelle pour l’enfant (depuis peu, il est obligatoire de signaler la présence de fève ou de
farine de fève dans les produits alimentaires)

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