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approché pour réaliser une interview de moi en rapport avec mon nouveau livre Tête-à-tête en mer de Chine.
J’ai demandé à une amie Tchèque de retranscrire mes mots en français, pour les rendre disponibles pour ceux
qui me suivent.
J’ai fais une mise en forme et ajouté quelques photos pour rendre le tout plus digeste.
Bonne lecture
J’ai commencé à rencontrer à Okinawa des maîtres, des experts. Au début sans idée
précise, juste pour garder une trace de leur pensée, de leurs points de vue. C’est mon métier
d’ethnologue ça : recueillir, trier, traiter, conserver.
Et puis, au fur et à mesure, j’ai constaté qu’en Occident on parlait beaucoup de ces maîtres,
mais qu’on se connaissait rien d’eux, et qu’en plus on mettait en lumière toujours les mêmes.
Alors j’ai établi un plan précis de personnes à rencontrer, choisies aussi bien au niveau de
l’âge, que de la pratique, que de leur importance à Okinawa.
AMT : Parlez-nous de Tête-à-tête en mer de Chine
J-CJ : Vers la fin de l’année 2016, je voulais sortir un beau et épais
livre, avec trente interviews... Divers problèmes on fait que ce souhait
n’était pas réalisable en l’état... qu’il fallait attendre.
Là, nous sommes en automne 2018, les contraintes matérielles ont
fait qu’il est maintenant possible d’éditer le livre que je voyais dans
ma tête : avec des clichés couleurs pas dizaines, en grand format. Le
livre lui-même est presque en format A4. Il pèse plus d’un kilo.
Le papier est beau, la couverture est rigide.
Je pense que c’est le cadeau de fin d’année idéal pour les pratiquants, à offrir ou à se faire
offrir. J’ai travaillé tout l’été pour présenter un bel objet, que l’on a autant de plaisir à
contempler, qu’à lire ou qu’à consulter en détail.
AMT : Le titre, Tête-tête en mer de Chine, est assez intriguant... Pouvez-vous nous en dire
plus ?
JCJ : La mer de Chine, orientale pour être précis, est la mer qui symbolise Okinawa à mon
sens. Bien que sa population ne soit pas des gens de la mer, celle-ci à tout de même un
influence sur leur vie, qui est en premier lieu insulaire... même si de nombreux Okinawanais
ne vont jamais sur le littoral !
L’océan Pacifique, c’est autre chose. D’ailleurs, il y a une différente nette entre les villageois
selon qu’ils vivent sur une côte ou l’autre de leur île. C’est comme ça. Même le bruit des
vagues n’est pas le même : puissant et ravageur sur le Pacifique, il se fait doux et lancinant
sur la mer de Chine.
Et puis, Okinawa, ou plutôt les Ryûkyû, s’est construit en partie avec les échanges avec la
Chine, dans le Fujian, en passant justement par la mer de Chine.
Quand au mot « tête-à-tête », il fait bien ressortir la manière dont se sont déroulés les
entretiens : de façon privée, presque intime. J’avais à chaque fois (sauf pour un entretien) un
expert en face de moi, pour une sorte de dialogue cherchant le fond, dans une confiance
commune. J’estime avoir été chanceux d’avoir été ainsi accueilli à de nombreuses reprises,
permettant de recueillir des informations souvent d’ordre personnel, qui permettent au
lectorat de mieux comprendre ces maîtres okinawanais.
AMT : Le monde de l’édition est en crise, on le sait...
N’est-ce pas risqué de se lancer dans un tel projet ?
J-CJ : Il faut savoir prendre des risques... Si je n’étais
pas un peu aventureux, je ne serai pas parti sur l’Ile
Okinawa il y a bientôt quinze ans de cela, au milieu des
bases, sur une île par moment large de quelques
kilomètres,traversée tout les ans par des typhons, avec comme cerise sur le gâteau des soldats
des E-U qui font régner la loi du plus fort, en toute impunité, dans certaines parties de l’île. Le
tout avec le statut d’étranger, bien visible sur mon visage, qui impliquait de la discrimination,
et aussi le fait d’être assimilé à un Etats-Unien, ce qui dans ce contexte n’est parfois pas
agréable du tout.
Donc, j’ai quand même pris la température, grâce aux réseaux sociaux, et j’ai constaté que
ceux qui me suivent depuis des années maintenant et qui ont saisi ce que j’essaye d’apporter
avec mes écrits, étaient plus qu’intéressés par ce livre, même s’il représentait un coût certain
pour eux.
Là je viens juste d’ouvrir les commandes, qui dureront jusqu’au 12 novembre, et j’ai déjà
un nombre conséquent d’achat.
Car il faut savoir que les maîtres cachent ce qu’ils savent faire. On va me dire, « il y a
pourtant des démonstrations publiques ». Je répondrai que souvent les maîtres ne montrent
pas le revers de leur pratique pour rester à ce qui est immédiat, apparent (dualisme
umutii/kaagi en okinawanais). Et qu’en plus, ils confient parfois cette tâche à leur(s)
disciple(s).
On va aussi me dire « mais on voit des étrangers qui viennent à Okinawa pour découvrir
une école ». On effet, c’est une découverte, on ne leur montre en général que des choses dignes
du cours pour enfants. Pas plus. Les maîtres ne sont pas fous : ils n’ouvrent pas leurs savoirs
à de parfaits inconnus, qui en plus ne connaissent rien ou presque à leur pratique. Donc tout
cela reste dans l’apparent, l’officiel : umutii.
Donc je comprends tout à fait que certains ne m’ont pas proposé une démonstration, et de
toute façon, je n’étais pas venu pour ça.
Pour résumer, non ce n’est pas facile de rentrer en contact avec des personnes, qui sont
toujours sympathiques, et c’est encore plus difficile qu’elles acceptent de vous recevoir. Ce
n’est pas une faveur dont n’importe qui peut bénéficier, et c’est ce qui rend mon livre encore
plus précieux pour les passionnés du karate, et des arts martiaux okinawanais en particulier :
avec lui, vous aurez des informations, des anecdotes que vous n’aurez nulle part ailleurs !
AMT : Pour finir, pouvez-vous nous dire en quoi consiste vos activités. Et d’ailleurs, comment
vous définirez-vous ?
J-CJ : Vous voulez sans doute dire dans le milieu des arts martiaux okinawanais... Bonne
question ! Je ne sais pas trop. Chercheur ? Ce terme a été un peu galvaudé ces derniers temps.
Pour ma part, dans le milieu du karate, je n’en connais qu’un seul : Tokitsu Kenji. Et je ne dis
pas ça pour le flatter... car j’ai de nombreux points de désaccords avec lui, à commencer par sa
vision Yamato-centrée d’Okinawa (et donc de ses arts martiaux). Mais il faut reconnaître que,
LUI, il travaillait sérieusement, à commencer parce quand il écrivait sur le karate, il avait
des sources dignes de ce nom, c’est à dire en japonais. Il a apporté beaucoup au lectorat
francophone, c’était vraiment un bon passeur. Maintenant, il se consacre aux technique
chinoises, je crois.
Donc pour répondre à votre seconde question, je pense être passionné de la culture
okinawanaise et pour la faire connaître, j’emploie ses arts martiaux que j’aborde avec un point
de vue scientifique, de par ma formation.
Ensuite, concernant votre première question, on peut dire que je suis occupé. J’ai donc une
activité d’auteur : je publie des traductions (déjà trois recueils) que je mets un point d’honneur
à annoter et commenter. J’ai mené pendant des années ce projet d’entretiens qui se voit
finaliser avec Tête-à-tête en mer de Chine - Rencontres avec les maîtres okinawanais d’arts
martiaux, qui va sortir en novembre. Tout cela exige de se tenir au courant de l’activité
martiale okinawanaise, de rencontrer des maîtres, d’aller dans les dojos. Il faut aussi récolter
des documents.
J’enseigne également l’école Kônan et les Okinawan kobudô, de façon privée, mais aussi
l’occasion de stages en France. Dans ce cas précis, j’essaye toujours d’apporter un substrat
culturel pour faire comprendre la pratique à l’okinawanaise. On fait aussi appel à moi pour
des séminaires (des vrais, pas des stages qui se nomment ainsi pour une raison) pour donner
comme une formation aussi bien en théorie des arts martiaux okinawanais que sur la
civilisation ryûkyû (et japonaise si besoin). Enfin, je donne aussi des conférences sur des
thèmes choisis par les organisateurs, comme par exemple les différences entre le shurite de
Shuri et le shurite du chûbu, c’est à dire la partie centrale d’Okinawa. Avec les réseaux
sociaux, c’est facile de me contacter et on peut facilement mettre au point des thèmes
d’intervention. Je ne manque d’occupation !
Tête-à-tête en mer de Chine - Rencontres avec les maîtres okinawanais d’arts martiaux est
disponible auprès de l’auteur, via sa page facebook : Jc Juster