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ANTHROPOLOGIE / ETHNOLOGIE

Le tamis triste des chants


Sur les traductions altérées des événements
chez les Ayoreo du Chaco paraguayen
Alfonso OTAEGUI
Chercheur postdoctoral à l’Institut de Sciences Anthropologiques,
Université de Buenos Aires, Argentine
Résumé
Cette communication fait partie de notre recherche actuelle sur les rapports sociaux et les chants
profanes des Ayoreo du Chaco boréal paraguayen. Nous avons montré que l’organisation sociale chez
les Ayoreo n’est pas fondée sur des règles et des structures sociales rigides, mais sur l’évaluation
morale des interactions domestiques quotidiennes, où le discours structuré joue un rôle central. Dans
le présent travail, nous décrivons un chant biographique d’amour irade comme version altérée d’une
dispute pojnaquei et nous expliquons pourquoi cette « altération contrôlée » se rapporte à l’éthique
ayoreo de la convivialité, dans laquelle le concept de jnusietigai (« nostalgie ») est fondamental. Nous
suggérons que le chant est une « traduction intralinguistique » de l’évènement rapporté, vu que la
composition poétique reformule, contient et paraphrase l’interaction originelle.
Mots-clés
Ayoreo, chant, traduction, relatedness, nostalgie

The Sad Sieve of Songs


On Distorted Translations of Events
among the Ayoreo from the Paraguayan Chaco
Abstract
This paper stems from my current research on social relations and profane songs among the Ayoreo
from the Northern Paraguayan Chaco. I have shown that social organization among the Ayoreo is not
based on rules and rigid social structures, but on the moral evaluation of everyday domestic
interactions, where patterned speech plays a central role. In this opportunity I address a biographical
love song ‘irade’ as an intentionally distorted account of a dispute ‘pojnaquei’, and explain why this
‘controlled distortion’ is related to the Ayoreo ethics of conviviality, where the concept of jnusietigai
(‘nostalgia’) is fundamental. I suggest that the song is an ‘intralingual translation’ of the reported
event, given the fact that the poetic composition reformulates, contains and paraphrases the original
interaction.
Keywords
Ayoreo, song, translation, relatedness, nostalgia

1. Les Ayoreo, leur vie et leurs chants population des Ayoreo compte environ 5 000 indi-
Les Ayoreo sont d’anciens chasseurs- vidus, dont la moitié se trouve en Bolivie et l’autre
cueilleurs du Chaco boréal, dont la plupart tra- moitié au Paraguay. Les Ayoreo ont eu des
vaille comme ouvriers agricoles dans les fermes contacts avec des missionnaires et des mennoni-
autour de leurs communautés. Actuellement, la tes dans les années 1950 et dès lors, ils sont

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progressivement devenus sédentaires. Malgré le enregistrés sur des cassettes et, dans les derniè-
contact intensif avec l’homme blanc, les Ayoreo res années, à travers l’utilisation des téléphones
parlent encore leur propre langue, Ayoreode portables.
uruode (famille linguistique Zamuco). Nous
avons mené notre enquête ethnographique au Des tensions sociales et politiques émergent
sein de la communauté de Jesudi, située sur le fréquemment à l’intérieur de la communauté à
propos de l’administration des ressources, telles
chemin de terre qui marque la limite entre les
que le travail pour les mennonites, la vente du
départements de Boquerón et d’Alto Paraguay, à
bois et des produits artisanaux ainsi que la
75 kilomètres au nord de la colonie mennonite de
« chasse » aux projets des ONG (von Bremen
Filadelfia (Paraguay), de 2008 à 2011.
1994). Les Ayoreo – comme beaucoup d’autres
Dans cette petite communauté, composée de groupes des basses terres sud-américaines – ont
sept unités résidentielles, presque tout se passe à une tendance à la fission et à la migration comme
la vue de tous. La vie quotidienne se déroule stratégies principales pour faire face à la tension
généralement à l’extérieur des maisons qui res- sociale interne (Alexiades 2013). Jesudi, par
tent vides toute la journée. Devant la maison et exemple, a été fondée en 1989. Ensuite, dûes à
autour du feu, les femmes tissent leurs sacs de des fissions internes successives de Jesudi et de
fibre de caraguatá, les enfants jouent et les hom- nouvelles fondations, trois nouvelles communau-
mes s’assoient – quand ils ne travaillent pas. Ils tés ont été formées : Ogasui (1992), « 2 de enero »
restent là, boivent du tereré, parlent et chantent. (2009) et « 15 de septiembre » (2010).
Les nouvelles – travail, santé et commérages – Le concept de jnusietigai (« nostalgie ») est
circulent à l’intérieur des unités résidentielles, très pertinent dans la vie sociale des Ayoreo. En
entre elles et aussi entre des communautés éloi- fait, « manquer à quelqu’un » peut être décrit
gnées par le biais de la radio UHF, de messages comme un processus social, car ce n’est pas tout

Photo 1 : Archivo Centro Cultural del Lago (CCDL, Areguá, Paraguay)

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simplement qu’un individu ressente la perte ou celui dont on ressent l’absence ne se sent plus à
l’absence de quelqu’un d’autre. Des pratiques l’aise là où il est. La dynamique de la nostalgie fait
sociales spécifiques produisent des absences partie de l’éthique sociale ayoreo.
– par exemple, la migration après une dispute – Toutes ces informations sur les tensions socia-
et des genres spécifiques de la parole sont consa- les et sur ceux dont on ressent l’absence trouvent
crés à l’expression de cet état interne – comme les leur expression dans les chants. Chanter est un
chants irade. En dehors des migrations à la suite aspect constitutif de la vie sociale ayoreo à
de conflits internes, les gens quittent la commu- Jesudi. Les Ayoreo composent une grande diver-
nauté pour travailler dans des fermes éloignées sité de chants inspirés d’événements et d’émo-
pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. tions réels. Ils classifient les chants selon au
Cette mobilité donne lieu à des situations moins sept genres, suivant le thème de la compo-
d’absence et, par conséquent, de nostalgie. Les sition et l’état interne du sujet énonciateur. Tout
Ayoreo aiment souligner qu’« aux blancs, per- fait social remarquable dans la vie ayoreo peut
sonne ne manque », ce qui indique que selon eux être transformé en un chant, depuis la déclara-
ressentir une absence – et l’exprimer à haute tion de courage d’un guerrier victorieux jusqu’à
voix – est propre aux Ayoreo. Certaines pratiques l’expression ouverte de tristesse pour le décès
ont pour but d’éviter les circonstances qui d’un parent. Les hommes et les femmes chantent
mènent à la nostalgie, alors que d’autres sem- généralement pendant des heures le soir autour
blent renforcer ce sentiment. Il y a même une du feu, ou bien avant le lever du soleil. Quiconque
formule magique qui fait revenir quelqu’un qui peut interpréter n’importe quelle composition
est loin et dont on ressent le manque. Les vieilles qui lui a plu, contribuant de cette façon à la
femmes de Jesudi ont chanté cette formule pour diffusion de l’histoire racontée dans le chant.
inspirer chez leurs filles vivant ailleurs le désir de Ces chants circulent à travers les unités rési-
revenir à la communauté : la formule fait que dentielles et passent d’une génération à l’autre.

Photo 2 : Nostalgie – Jnusietigai (crédit : Alfonso Otaegui)

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Ces compositions sont envoyées comme cadeaux pour regarder les matchs de foot internationaux.
sur des cassettes et interprétées lors de visites Sa mère, Jnumi, n’est pas moins importante dans
occasionnelles à d’autres communautés. Cette la communauté : elle est l’architecte cachée de la
transmission et perpétuation des chants est structure sociale de Jesudi. Elle fait beaucoup
intentionnelle : « écoutez attentivement et imitez pour la stabilité sociale de Jesudi à travers l’admi-
mes chants » est l’introduction habituelle des nistration des couples : elle forme des couples,
messages enregistrés sur cassettes. elle met en garde les filles contre la prostitution,
Nous nous focaliserons sur les chants d’amour elle atténue les disputes des couples mais parfois
nostalgiques irade parce que ce sont les chants le elle encourage aussi un couple à se séparer.
plus souvent composés et, par conséquent, ils Comme elle était la femme du chef, elle était
constituent la base pour la mémoire sociale ayo- responsable de la distribution équitable des dons
reo. Ces compositions racontent généralement reçus de l’État ou des ONG.
des histoires d’amour tristes : un homme est Quand je suis arrivé pour la première fois à
abandonné par sa femme, une mère conseille à sa Jesudi en 2008, Tamocoi avait 30 ans et il était
jeune fille d’épouser un vieil homme pour qui elle marié avec Lucía. Ils avaient trois filles – Ijnamia,
n’a pas de sentiment, des conjoints se quittent Apala et Tu – et un fils – Fibai. Des disputes
alors qu’ils se souviennent du temps où ils particulièrement intenses entre ces conjoints
s’aimaient, etc. Comme ces chants ne produisent semblaient avoir commencé vers 2009. Tout au
pas d’effets dangereux – contrairement aux for- long de cette année, Tamocoi fut infidèle à Lucía
mules de guérison puissantes – ils peuvent être à plusieurs reprises, mais ces situations n’ont pas
interprétés dans n’importe quelle circonstance, abouti à leur séparation. D’après ce que Tamocoi
ce qui contribue à leur ample diffusion entre racontait à la fin de 2009, il n’avait jamais eu de
unités résidentielles et entre communautés. problèmes avec son épouse. Avant, tout allait
bien. Il avait dit cela après une série de disputes
2. Du fait au chant conjugales dont tout le monde avait été témoin.
Dans le but de comprendre le rapport entre un Cette construction d’un passé heureux en oppo-
événement et le chant qui le raconte, nous pré- sition au présent triste est un trait typique des
senterons un cas dont nous connaissions l’his- chants d’amour irade et des chants de deuil uña-
toire avant qu’elle ne devienne un chant. Nous cai. Selon Jnumi, la mère de Tamocoi, les dispu-
allons voir comment est présentée une sépara- tes et la séparation de ce couple étaient la faute de
tion dans un chant irade, comment elle est cons- quelqu’un d’autre. En effet, un Ayoreo avait
truite, et quels événements postérieurs y sont raconté une histoire ancienne à la radio : le mythe
associés. Le but de cette section est de montrer du renard, erapujnangue adode, dont la simple
que ce qui pourrait être considéré tout simple- énonciation est censée produire des effets. La
ment comme une affaire entre deux personnes a narration de ce mythe en particulier provoque
des conséquences sur le reste du tissu social de des infidélités et des séparations chez les Ayoreo
Jesudi. (Otaegui 2014). À cette époque-là, la sœur de
Les personnages de cette histoire sont Tamo- Tamocoi, Quenejna, a commencé à tromper son
coi1 – le fils du chef –, son épouse Lucía, sa mari avec un autre homme marié.
nouvelle épouse – qui n’est pas nommée dans le En octobre 2009, les épisodes d’infidélités de
chant – et la mère de Tamocoi, Jnumi. Tamocoi Tamocoi devinrent plus évidents et se produisi-
est un homme très actif à Jesudi : il s’entend bien rent même avec des filles de Jesudi. Tamocoi et
avec les patrons mennonites et sait trouver des Lucía se séparaient mais, quelques semaines plus
opportunités de travail. Tamocoi propose aussi tard, reprenaient leur relation conjugale. L’ins-
des projets collectifs tels que la vente du bois, tabilité du couple affecta le reste de la commu-
l’élevage du bétail ou l’installation d’une antenne nauté, en particulier dû aux déménagements
intermittents de Lucía entre l’unité résidentielle
de son père et celle de son mari. Parfois des
1 Tous les noms des Ayoreo ont été remplacés par des disputes nocturnes réveillaient toute la commu-
pseudonymes – même dans les paroles des chants – pour nauté : Lucía criait, Tamocoi partait dans la forêt
protéger leur intimité. tout seul, Tu – leur fille âgée de sept ans – pleurait

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et essayait de suivre son père ; ou bien Lucía se et fortement je ne sais pas quoi faire avec
rendait sur le chemin avec ses plus jeunes filles dicore, dicore est à l’intérieur de moi mais je
Apala et Tu, afin de trouver sur le bord de la route pense à la mère des enfants dans le passé
le camion qui pourrait les conduire dans une [Lucía]
autre communauté. Dans toutes ces occasions, 3 ga uengate yayipieraque jejogatipise uñaque dei
Jnumi intervenait contre Tamocoi. Elle répri- degüi quenejnaique
mandait son fils, ce qui le rendait furieux. La et fortement je pense à celle qui est dans une
séparation définitive eut lieu en 2010. Lucía autre communauté [Lucía]
quitta Tamocoi et s’installa dans une commu- 4 ga uengate que yiraja ñajeningo jeti ñijnina dicore
nauté voisine. Quand Lucia visitait Jesudi et y uñaque aja yoquidai tude uajate jeti ñijnina
restait quelques jours, elle se logeait à l’unité dicore,
résidentielle de son père. Tamocoi commença à et fortement je ne connais pas mes désirs, si [je
fréquenter une femme d’une autre communauté. veux] être avec dicore à notre communauté
fortement, si je suis avec dicore
Fin 2010, la situation était enfin stable. Tamo-
coi avait une nouvelle femme et Lucía de son côté 5 « mama, bajeo ? Dicore uñaque chi chata cucha-
pisagode ua to »
cherchait un autre homme. Tamocoi voulait s’éta-
blir à Jesudi avec sa nouvelle épouse mais Jnumi [Tamocoi à Jnumi] « maman, tu es d’accord ?
les a chassés. Jnumi a alors composé une chanson Dicore a dit qu’elle t’aidera à travailler »
à ce sujet entre juin et novembre 2010. « Pojna ñu 6 mu ñojninga : « que mayúo ga ñimo gotoraque »
dirica » (« il s’est fâché avec moi hier »), nous a dit ga mama uaqué tagupusu ñajenique uje chetaque
Jnumi avant d’enregistrer son chant sur notre dicore.
magnétophone, en novembre 2010. Dans ce mais [Jnumi à Tamocoi] j’ai dit « je ne veux pas
chant, Tamocoi se fâche avec sa mère Jnumi la voir » et [Tamocoi] « maman m’a mis beau-
parce qu’elle n’accepte pas sa nouvelle épouse. À coup en colère quand elle a rejeté dicore »
l’exception de trois phrases prononcées par 7 « Ijnamiane, ma ca moto uje ñijnora tu Ijnamia-
Jnumi, le sujet énonciateur de cette composition nate ? Ga gusu pitoningaique jeti jno uyu di ga
de Jnumi (le « je » du chant) est Tamocoi. C’est uate chicai yoquidai, que gapupe porojo dei yajei-
que »
toujours lui qui parle de ses désirs et de ses
frustrations à la première personne. Tamocoi est [Jnumi] : « Ijnamiane [« père d’Ijnamia »], tu ne
présenté comme quelqu’un qui ne peut pas pren- vois pas qu’Ijnamianate [« mère d’Ijnamia »]
est mon amie ? Et seulement si je meurs celle-là
dre de décision définitive : il veut aller avec sa [dicore] viendra dans notre communauté, je ne
nouvelle femme, mais la mère de ses enfants lui veux pas que celle-là travaille à côté de moi »
manque. Il cherche l’approbation de Jnumi, qui 8 a yositome ga « yudute uje chi Lucía suaque dei
rejette cette autre femme et refuse la nourriture siñeque que ñimoji dejatique utigo ga yijique ga
que son fils lui offre. Tout cela déclenche, bien yibagüi Nena iñoquijnai
sûr, la colère de Tamocoi, colère intense et pro- j’ai fait comme ça et [Tamocoi] « j’ai entendu
fonde tristesse à la fois. dire que Lucía est ailleurs [communauté de
Tamocoi pojna Jnumi (« Tamocoi s’est 15 de Septiembre] et je ne dors pas la nuit et je
fâché avec Jnumi ») suis allé chez le beau-père de Nena [Ijnamia]
irade par Jnumi Posijñoro (sujet énoncia- 9 ga ñaeque ‘Nena, angosia mayoquijnai ga yisi
teur : Tamocoi) bacatabia suaque uje yudute to uje Nené suque
chingoñu dipotac chocabode sui 15 urasabode’
1 Ñijnecaosiabide gajine ga yedosuabu ñajinga et j’ai dit [Tamocoi à Ijnamia] « Nena, demande
datei udo gajine uengate que yiraja yisocaique ga la moto à ton beau-père que je rejoigne ta petite
yacai ñujnusietigai ajeique mère, comme je l’ai entendu dire, Nené m’a dit,
Je chante ici et je raconte avec nostalgie ma qu’il y a des jeunes qui cherchent des femmes
grande colère et je ne sais pas quoi faire et la parmi les compatriotes de 15 [de Septiembre] »
tristesse reste dedans 10 e ñirique mu uengate que disiode dacatabiate
2 ga uengate que yiraja yisocai ome dicore, dicore pojnasia yu
tuaque deipise ñajenique mu yayipieraque que jno je suis arrivé mais fortement la mère des
jni disidacabode ore date case enfants s’est fâchée avec moi

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11 ga yayipieraque dói yujoaque dicore, dicore uaque 14 ga e ñiringo i Piradesia uengate ga mama pusi yu
ñango ome ñu i gate »

et je pense à celle-là, dicore, dicore, celle-là et je vais à Filadelfia fortement et maman m’a
m’a dit [qu’elle voulait vraiment être avec mis en colère
moi] 15 ga « que yagu baboade, asiome dicore ga tagu
baboteque. Ijnamiane, macamo uje que bé baodie
12 ga dicore uaqueñaque deipise ñajenique utigo uguchade mu babe ayoré quénejna uguchade ?
Ijnamiane, macamo ore imatañone ? Ijnamiane,
et dicore, celle-là est vraiment à l’intérieur de boto ga ajnina dicore, date, ore, gajine ga ñisiome
moi dans tout mon corps babode ome Lucía uaqueñaque gajine ga ore
chajni daquide i Pai Idai gajine. »
13 ga yii ga que yayipieraque dói poi disiode ore date
tuaque gajine ome jê yayipieraque que jno jni et [Jnumi] « je ne mange pas ta nourriture,
mama uaque uje ujnai dei gate ome Lucía, mama donne ça à dicore, qu’elle mange ta nourriture.
uaqué chopise jetiga uro Lucía Ijnamiane, tu ne vois pas que tu ne donnes pas
de choses à tes filles mais que tu donnes des
et je ne pense pas à nouveau à la mère des choses à des femmes inconnues ? Ijnamiane, tu
enfants mais je pense beaucoup à maman qui a ne vois pas qu’ils n’ont pas de vêtements ? Ijna-
l’ujnai [la tension artérielle] élevée à cause de miane, va-t’en, va avec dicore, sa mère, eux, et je
Lucía, maman celle-là, il semble que Lucía est donnerai tes enfants à Lucía, et ils retourneront
sa fille chez leur grand-père à María Auxiliadora ».

Photo 3 : Nostalgie – Jnusietigai (crédit : Alfonso Otaegui)

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Il y a trois aspects de ce chant sur lesquels nous pour Lucía et aussi qu’elle tenait beaucoup à sa
voulons attirer l’attention : la mise en évidence de belle-fille.
la migration, la caractérisation des deux femmes Le partage de la nourriture est une marque de
de Tamocoi et la nourriture comme moyen d’éta- socialité : c’est une manière d’établir un lien
blir des liens et de les couper. Dans ce chant, la social entre deux individus. Les membres d’une
migration est présentée comme une conséquence unité résidentielle établissent et soutiennent
attendue, une possibilité réelle – quelque chose leur lien communal par le biais de la co-résidence
qui arrivera tôt ou tard – et aussi comme la cause et le partage de la nourriture (Bórmida et Cali-
d’une forte tristesse. La migration est présentée fano 1978 : 93). Jnumi, d’un geste très fort et
comme le résultat final et inévitable d’une longue symbolique, rejette la nourriture offerte par
histoire de disputes et c’est justement cette cer- Tamocoi et lui demande de quitter l’unité rési-
titude que ce genre de chants contribue à instau- dentielle. Elle coupe ainsi avec Tamocoi les deux
rer. D’après cette composition, la conséquence types de liens sociaux principaux. De plus, Jnumi
du rapport entre Tamocoi et une autre femme refuse d’établir un lien avec sa nouvelle belle-fille :
provoque une double migration. D’un côté, Jnumi ne veut pas que cette femme travaille pour
Jnumi dit à son fils Tamocoi de partir, de quitter elle ou même à côté d’elle.
Jesudi. De l’autre côté, Jnumi donnera alors ses
petits-enfants à sa belle-fille et ils partiront à 3. Sur les traductions altérées
María Auxiliadora, chez le père adoptif de Lucía. Ces chants semblent avoir pour les Ayoreo un
À cette époque-là, Jnumi était très préoccupée degré élevé de « vérité » (ou une sorte d’« objec-
par cette possible migration. Elle était très triste tivité »), comme s’ils étaient des copies fidèles et
à l’idée de l’éloignement de ses petits-enfants – de authentiques de l’expérience rapportée. Ce degré
Tu en particulier. Jnumi reproche à Tamocoi de vérité attribué aux chants est essentiel pour
l’état déplorable dans lequel se trouvent ses leur emploi postérieur comme points de réfé-
enfants, sans nourriture et sans vêtements. La rence du comportement accepté et non-accepté.
famille de Tamocoi est présentée comme aban- Le répertoire de chants contient – sous la forme
donnée par celui qui doit subvenir à ses besoins. d’anecdotes – les manières d’être des Ayoreo
Le rôle de l’homme est illustré par son absence. (« ayoreo isocade »). C’est le réservoir de leur
Les deux femmes sont représentées très diffé- identité qui n’est pas fixée dans le passé, mais qui
remment dans le chant. Lucía est très appréciée est en adaptation constante. Dans ces histoires
par Jnumi – clairement exprimé à la ligne 7 –, biographiques chantées, les Ayoreo mentionnent
alors que la nouvelle femme de Tamocoi, par les mennonites, la migration due au travail ou à
contre, est appelée « dicore ». Dicore, au sens l’infidélité, le chasseur habile et l’ouvrier bien
propre du terme, est une sorte de démon noc- payé, les commérages des belles mères, l’emploi
turne. Par extension, on appelle ainsi pour plai- de l’argent et des téléphones portables, sur une
santer ceux qui sortent la nuit, généralement les note dominante de relatedness (Carsten 1995),
personnes infidèles, car « ils marchent silencieu- commensalité et réciprocité.
sement la nuit » quand ils entrent furtivement Ce degré de vérité s’appuie en partie sur la
dans les maisons de leurs amants ou quand ils méthode de composition. Le chant devient une
quittent leurs propres maisons en essayant de ne copie fidèle de l’événement à travers la mise en
pas réveiller leurs conjoints. À la ligne 13, Tamo- relief des mots énoncés. À partir d’un événement
coi dit que l’ujnai de Jnumi s’élève pour Lucía. tel que la dispute d’un couple, seuls les échanges
Ujnai est un concept complexe. Il se rapporte à verbaux sont extraits pour le chant. Un irade est
l’essence des esprits qui agissent dans les formu- conçu comme la répétition mot à mot des énoncés
les de guérison (cf. Lind 1974) et il est associé à originaux. Il n’y a aucune description de la situa-
la respiration – le souffle vital, la respiration tion générale dans le chant, tout est raconté à
agitée après l’exercice physique – et à l’air – la travers les mots de Tamocoi et de Jnumi. Ce
pression de l’air dans les pneus et la pompe à air dialogue est censé être répété par le compositeur
pour gonfler les ballons de foot. Jnumi disait que – Jnumi – exactement comme il a été énoncé la
cette phrase – une expression des temps anciens, première fois.
quand ils vivaient encore dans la forêt – indiquait Comme nous étions au courant des événe-
deux choses : que sa tension artérielle s’élevait ments avant qu’ils ne soient racontés dans un

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chant, certains traits et les conséquences possi- phrases, glosses, overtly imitates, or renders in
bles de la séparation nous ont paru exagérés dans ‘prose’ register a text in poetic register (verse or
l’irade. Premièrement, il semble que la sépara- vice versa), translation is in play. Once we intro-
tion d’un couple est inévitablement suivie du duce the sociolinguistic truism that all languages
départ de tous les membres de la famille. Deuxiè- have multiple registers, it becomes clear that
mement, les enfants sont décrits comme aban- intralingual translation is not only a fact of social
donnés (en fait, un autre chant à propos de cet life, but is, in effect, a design feature of language“
événement les présente comme des orphelins (2014 : 21). Cette puissante réflexion nous permet
affamés). Troisièmement, la totalité de l’événe- de comprendre la manière dont les chants font
ment semble plus grave que ce qu’il n’a été. Il est partie de la vie sociale chez les Ayoreo. Voyons le
vrai que les gens étaient préoccupés par ce couple développement de Hanks plus en détail.
et que leurs disputes étaient sources de commé- Hanks s’appuie notamment sur l’article célè-
rages, mais il n’est pas inhabituel pour les cou- bre de Jakobson, ”On linguistics aspects of trans-
ples chez les Ayoreo de se séparer – et même, lation“ (1971 [1959]). Dans cet article, Jakobson
quelques années plus tard, de se remettre ensem- définit la traduction intralinguistique comme
ble – et de continuer à vivre dans la même « une interprétation de signes verbaux au moyen
communauté. De plus, les deux unités résiden- d’autres signes de la même langue »2 (1971 : 261).
tielles – celle du père de Lucía et celle du père de Comme le dit Hanks, en reformulant Jakobson,
Tamocoi – sont les deux unités les plus impor- ”the intralingual translation of an expression
tantes à Jesudi, en ce qui concerne les ressources quite simply is its meaning“ (Hanks 2014 : 21,
qu’elles peuvent obtenir et gérer. Au cas où les italiques dans l’original). De cette façon, Jakob-
deux parents auraient quitté la communauté, les son met en rapport la traduction intralinguisti-
enfants auraient été accueillis et nourris dans que avec la génération de sens par le biais du
l’une ou l’autre unité – voire même dans les deux. développement d’interprétants (au sens de
Le chant exagère clairement la gravité des consé- Peirce). La traduction se trouve alors au cœur
quences possibles d’une séparation. même de la compréhension, de l’attribution de
Le chant est soi-disant la reproduction du dia- sens. Or, l’interprétance – en tant que phéno-
logue entre Jnumi et Tamocoi. Ce dialogue mène sémiotique – est trop générale pour être
– défini par Jnumi comme une pojnaquei « dis- conçue comme équivalente à la traduction.
pute » – raconte d’une manière synthétique l’his- Hanks propose alors deux contraintes nécessai-
toire de la séparation entre Tamocoi et sa pre- res – suivant Goodman (1978) – avant d’établir
mière femme Lucía. L’événement social le plus qu’une représentation est la traduction d’une
pertinent pour la communauté est la séparation, autre : la contrainte de la référence et la
ce qui est le thème du chant. Le dialogue pojna- contrainte de la paraphrase : ”The reference
quei est une manière de rendre cette situation constraint captures the fact that the translation
complexe en quelques lignes. La mise en relief stands for the source (...) The paraphrase con-
poétique sur les conséquences tristes et la qualité straint captures the fact that there must be some
synthétique de l’irade nous amènent à la question relation of similarity, analogy, or partial equiva-
du rapport spécifique entre l’événement original lence between source and target.“ (2014 : 23). La
et le chant. reformulation de Hanks nous permet d’aborder
Le rapport entre le chant et l’événement peut le chant irade comme la traduction intralinguis-
être mieux compris si nous prenons le premier tique de l’événement original.
comme la « traduction intralinguistique » du deu- Le chant est une traduction intralinguistique
xième, au sens de Hanks (2014). Les réflexions de du dialogue : l’irade reformule, se réfère à et
Hanks sur la traduction intralinguistique sont paraphrase le pojnaquei originel. Premièrement,
particulièrement pertinentes pour notre recher- le chant est une reformulation de la séparation
che, centrée sur le discours non sacré et les inte- dans un registre poétique. Plus spécifiquement, il
ractions domestiques. En fait, comme Hanks le
dit clairement, le phénomène de la traduction
intralinguistique arrive tout le temps : ”any time 2 ”an interpretation of verbal signs by means of other signs
a speaker reports the speech of another, para- of the same language“ (1971:261, notre traduction).

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ANTHROPOLOGIE / ETHNOLOGIE

est la transformation de certains énoncés en un qu’il n’a pas fourni de vêtements à ses filles alors
chant. Deuxièmement, le chant est pris comme qu’il a donné des choses à « des femmes incon-
une version fidèle du dialogue entre Tamocoi et sa nues » (ce qui veut dire : des gens qui ne sont ni
mère Jnumi (ce qui accomplit la « contrainte de la des co-résidents, ni des parents). La nouvelle
référence » : l’irade représente cette interaction- femme n’est même pas nommée, on fait allusion
là). Troisièmement, à l’exception des formules à elle d’une manière méprisante. Une mère
d’introduction, le dialogue est contenu textuelle- refuse la nourriture de son propre fils. Toutes ces
ment dans le chant. Une équivalence partielle situations « antisociales » sont décrites sur un ton
peut être trouvée entre la source – le dialogue – de nostalgie – jnusietigai. Ce trait poétique typi-
et la cible – le chant. que des chants de nostalgie d’amour irade est
fondamental dans la dynamique de la vie sociale
Même si le chant peut être décrit comme la
ayoreo. Les régularités du genre de chants gui-
traduction du dialogue, nous pensons qu’il y a une
dent l’interprétation de l’événement social.
altération entre l’événement originel – la sépara-
tion – et les représentations qui en résultent. Nous avons suivi une histoire depuis son début
Premièrement, nous avons signalé que les consé- jusqu’à sa transformation en chant. Nous avons
quences tristes de la migration et l’abandon des observé, d’un côté, que certains aspects et consé-
enfants – bien qu’elles ne soient pas complète- quences possibles de l’événement décrit étaient
ment impossibles – sont très peu probables. exagérés et, de l’autre côté, que le chant consti-
Deuxièmement, quelques détails du chant nous tuait une version très synthétique d’une longue
ont amenés à douter de sa précision, tel que celui histoire. Cette inconsistance apparente nous a
de Tamocoi nommant sa nouvelle femme amenés à l’analyse du rapport entre l’événement
« dicore », un terme méprisant employé plutôt par et le chant. Le rapport entre le chant et l’événe-
la mère de Tamocoi. Troisièmement, nous dou- ment est mieux décrit comme une traduction
tons que le dialogue originel ait existé – ou du intralinguistique – au sens de Hanks (2014). Un
moins dans la manière décrite. En fait, dans les chant est une reformulation de l’événement, il le
cas où nous connaissions l’histoire avant qu’elle représente et en contient les énoncés mêmes,
ne devienne un chant, nous n’avons jamais mais tout cela est en fait altéré. L’extension de
l’altération est en fait l’espace de l’interprétance
entendu les dialogues originels. Or, les dialogues
ayoreo (au sens de Peirce). C’est dans cet espace,
– la matière première des chants – ont effective-
dans cette altération systématique, que les régu-
ment eu lieu entre Tamocoi, sa première femme et
larités poétiques peuvent être insérées : des thè-
sa mère. De plus, tous les habitants de Jesudi ont
mes récurrents, des tropes récurrents sur la
fait des commentaires – ils ont produit des énon-
nostalgie contribuent à l’attribution de sens aux
cés – sur cette affaire. Cependant, il est possible faits et à l’établissement d’une éthique sociale de
que ce dialogue originel – cette version concise et la convivialité enracinée profondément dans les
synthétique – puisse ne pas avoir existé. Dans interactions quotidiennes et l’affectivité.
cette traduction intralinguistique particulière, la
source est en fait projetée par la cible. La traduc- Remerciements
tion – le chant – crée son propre original. Je remercie chaleureusement la Fondation
Cette altération n’est pas accidentelle ou aléa- Fyssen qui m’a permis de réaliser cette recherche
toire, et n’est pas due non plus aux subtilités de la au sein d’un environnement aussi chaleureux que
mémoire orale. L’altération est systématique et stimulant, le Département d’Anthropologie de
en accord avec l’éthique ayoreo de la convivialité. l’Université de Californie à Berkeley. J’aimerais
Nous ne faisons pas une équivalence entre « alté- remercier en particulier Monsieur le Professeur
ration » et « fausseté ». Nous croyons que cette William F. Hanks pour ses échanges motivants et
altération est un processus poétique nécessaire son encouragement tout au long de l’année.
destiné au renforcement d’une interprétation
spécifique des événements. Les conséquences Bibliographie
formulées dans le chant – migration, etc. – sont e Alexiades, M. (Ed.). 2013. Mobility And
des pratiques actuelles des Ayoreo, qui peuvent Migration In Indigenous Amazonia: Contemporary
mener, dans des cas extrêmes, à la dissolution Ethnoecological Perspectives. London : Berghahn
d’une communauté. Tamocoi est critiqué parce Books.

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ANTHROPOLOGY / ETHNOLOGY

e Bórmida, M. and Califano, M. 1978. e Otaegui, A. 2014. Les chants de nostalgie et de


Los indios Ayoreo del Chaco Boreal: información tristesse des Ayoreo du Chaco Boréal Paraguayen.
básica acerca de su cultura. Buenos Aires : FECYC. (Une ethnographie des liens coupés). Thèse de
e Bremen, V. von. 1994. « La significación del doctorat en anthropologie sociale et ethnologie,
derecho a la tenencia de la tierra para los pueblos Paris/Buenos Aires : EHESS/UBA.
tradicionalmente no-sedentarios del chaco para-
guayo », Suplemento Antropológico, 29 (1-2) :
143 – 162. 1. The Ayoreo, their life and their songs
e Carsten, J. 1995. ”The Substance of Kinship The Ayoreo are former hunter-gatherers from
and the Heat of the Hearth: Feeding, Personhood, northern Chaco, who mostly work as farmhand in
and Relatedness among Malays in Pulau Lang- ranches surrounding their communities. The
kawi“, American Ethnologist, 22, 2 : 223 – 241. population of the Ayoreo is around five thousand
e Goodman, N. 1978. Ways of worldmaking. people, half of them living in Bolivia and half of
Indianapolis, Hackett. them in Paraguay. The Ayoreo had contact with
missionaries and Mennonites in the 1950’s, and
e Hanks, W. 2014. ”The space of translation“,
since then they have progressively become seden-
HAU : Journal of Ethnographic Theory 4 (2) : 17 – 39 tary. In spite of their intensive contact with white
e Jakobson, R. 1971 [1959]. ”On linguistic people, they still speak their own language, Ayo-
aspects of translation“, dans Roman Jakobson. reode uruode (Zamuco linguistic family). I did my
Selected Writings II, pp. 260 – 266. The Hague, fieldwork in the community of Jesudi, situated on
Paris, Mouton. the dirt road dividing the departments of Boque-
e Lind, U. 1974. Die Medizin der Ayoré-India- rón and Alto Paraguay, 75 Km. north from the
ner im Gran Chaco. Hamburg : Arbeits-gemeins- Mennonite colony of Filadelfia (Paraguay)
chaft Ethnomedizin/ Renner. between 2008 and 2011.

Photo 1: Archivo Centro Cultural del Lago (CCDL, Areguá, Paraguay)

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ANTHROPOLOGY / ETHNOLOGY

In this small community, composed of seven due to successive internal fissions and new set-
households, almost every act happens in plain tlements, three new communities were formed
sight. Everyday life takes place outside the hous- out of it: Ogasui (1992), ‘2 de enero’ (2009) and
es, which remain empty almost all day long. ‘15 de septiembre’ (2010).
Women make their crafts –mostly caraguatá The concept of jnusietigai (‘nostalgia’) is highly
bags–, children play and men sit –while not pertinent in Ayoreo social life. In fact, ‘to miss
working– in front of the house or around the fire.
someone’ can be described as a social process, it
They stay there, drink the tereré infusion, talk and
sing. News –about work, health and gossip– is not merely the fact of an individual feeling the
circulate within and between households and loss or absence of someone else. Specific social
also between distant communities through UHF practices – such as migration following a dispute
radio, tape-recorded messages and, in the last – provoke an absence, and specific speech genres
years, through the use of cellphones. –such as irade– are dedicated to the expression of
Social and political tensions frequently arise this inner state. Besides migrating because of
inside the community concerning the adminis- internal conflicts, people also leave the commu-
tration of resources, such as working for the nity to work in distant farms for weeks or
Mennonites, selling timber and crafts and ‘hunt- months. This mobility provides the basis for
ing’ NGO projects (von Bremen 1994). The Ayo- situations of absence and, therefore, nostalgia.
reo, as many other groups from Lowland South Ayoreo like to point out that ‘white men do
America, have a tendency to use fission and not miss anybody’, implying that feeling the
migration as their main strategies to deal with absence of someone –and expressing it out
internal social tension (Alexiades 2013). Jesudi, loud–is something typically done by the Ayoreo.
for example, was established in 1989. Eventually, Certain practices are aimed at avoiding the

Photo 2: Nostalgia – Jnusietigai (credit: Alfonso Otaegui)

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ANTHROPOLOGY / ETHNOLOGY

circumstances leading to nostalgia, while other present a case in which I knew the story before it
practices seem to enhance this feeling. There is became a song. I will show how a separation is
even a spell to make someone who is far away depicted in an irade song and which following
–and missed– come back. Old women in Jesudi events are associated to it. We will see that an
have sung this spell to motivate their daughters event that could be described simply as a two
living elsewhere to return to the community (the people’s business has consequences in the rest of
spell makes the missed one not feel at ease the social fabric of Jesudi.
anymore where he or she is). The dynamics of The characters of this story are Tamocoi3 –son
nostalgia is part of Ayoreo social ethics. of the chief–, his wife Lucía, his new wife –not
All this information about social tensions and named in the song– and his mother Jnumi. Tamo-
people missing other people finds its expression coi is a very active man in Jesudi: he knows how
in songs. Singing is a constituent aspect of the to deal with Mennonite farm owners and to find
Ayoreo’s social life in Jesudi. Inspired by actual temporary work opportunities. He also proposes
events and emotions, the Ayoreo compose a projects like selling timber, raising cattle or
considerable variety of songs. The Ayoreo clas- buying a satellite dish to watch soccer games. His
sify the songs into at least seven genres, accor- mother Jnumi is no less important in the com-
ding to the theme and the alleged internal state of munity: she is the hidden architect of the social
the subject. Any remarkable social fact in Ayoreo structure of Jesudi. She does a lot for Jesudi
life can be turned into a song, from the declara- social stability by managing the couples: she
tion of courage of a victorious warrior to the overt arranges couples, she advises girls against pros-
expression of sadness for a deceased relative. titution, she eases couples’ fights but sometimes
Women and men usually sing for hours at night she also encourages a couple to split up. As she
around the fire, or just before dawn. Any Ayoreo was the chief’s wife, she was in charge of the even
can perform any composition he or she has heard distribution of donations received from the
and liked, contributing in this way to the diffusion government or NGO’s.
of the story narrated in the song. These songs When I arrived at Jesudi in 2008, Tamocoi was
circulate through households and communities 30 years old and was married to Lucía. They had
and are passed on from one generation to the three daughters –Ijnamia, Apala and Tu– and one
next. These compositions are sent as gifts in son –Fibai. They started to have serious argu-
cassettes and performed during occasional visits ments in 2009. Throughout that year, Tamocoi
to other communities. This transmission and was unfaithful to Lucía on several occasions, but
perpetuation of the pieces is intended: ”listen thesesituationsneverledthemtosplitup.Accord-
carefully and imitate my songs“ is the usual ing to Tamocoi in 2009, he had never had prob-
introduction in tape-recorded messages. lems with his wife before (he said this after a very
I will focus on the nostalgic love songs irade public and strong dispute with Lucía): everything
because they are the most frequently composed had always been fine. This depiction of a happier
songs and therefore, they constitute the basis of past in opposition to the sad present is typical of
Ayoreo social memory. These compositions irade love songs and uñacai laments. According to
usually tell sad love stories: a man is abandoned Jnumi, Tamocoi’s mother, this couple’s problem
by his wife, a young girl is advised by her mother was someone else’s fault. An Ayoreo had told an
to marry an old man she does not love, spouses old story on the radio: the myth of the fox (erapu-
split up while remembering the time when they jnangue adode). The simple narration of this myth
loved each other, and the like. As these songs do was believed to provoke infidelities and separa-
not produce dangerous effects –unlike the heal- tions among the Ayoreo (Otaegui 2014). In those
ing spells– they can be performed in any circums- weeks, Tamocoi’s sister, Quenejna, started to
tance, which leads to their wide diffusion across cheat on her husband with another married man.
households and communities.
2. From the fact to the song
In order to understand the relation between an 3All the names of the Ayoreo have been replaced by pseu-
event and the song narrating that event, I will donyms in order to protect their privacy.

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ANTHROPOLOGY / ETHNOLOGY

In October 2009, Tamocoi’s affairs happened 2 ga uengate que yiraja yisocai ome dicore, dicore
more often and even with girls from Jesudi. tuaque deipise ñajenique mu yayipieraque que jno
Tamocoi and Lucía would split up now and then, jni disidacabode ore date case
only to get together again some weeks later. The And strongly, I don’t know what to do with the
couple’s instability affected the whole commu- dicore, dicore is inside me intensively but I think
nity, especially with the intermittent moving of of the children’s mother [Lucía]
Lucía between her father’s household and her 3 ga uengate yayipieraque jejogatipise uñaque dei
husband’s. On occasions their arguments woke degüi quenejnaique
everybody up: Lucía yelled at Tamocoi, Tamocoi And strongly, I think of her who is in another
went off into the forest alone while his little community
daughter tried to follow him; or rather Lucía went 4 ga uengate que yiraja ñajeningo jeti ñijnina dicore
to the side of the road with her younger daughters uñaque aja yoquidai tude uajate jeti ñijnina
Apala and Tu and waited for a ride to go to some dicore,
other community. In all of these situations, And strongly, I don’t know my desires, if I (want
Jnumi intervened against Tamocoi. Jnumi repri- to) go with dicore in our community strongly, if
manded her son, which made him mad. Tamocoi I go with dicore
and Lucía separated for good in 2010. Lucía left 5 «mama, bajeo? Dicore uñaque chi chata cuchapi-
Tamocoi and moved to a neighboring commu- sagode ua to»
nity. Tamocoi started a stable relation with a [Tamocoi says to her mother Jnumi] ‘Mom, do
woman from another distant community. you agree? Dicore said that she will help you
At the end of 2010, the situation was finally with your work’
stable. Tamocoi had a new woman and Lucía was 6 mu ñojninga: «que mayúo ga ñimo gotoraque» ga
looking for a man. Tamocoi wanted to settle in mama uaqué tagupusu ñajenique uje chetaque
Jesudi with his new wife but Jnumi rejected them. dicore.
Jnumi composed a song about this situation in the but I said [Jnumi answers to Tamocoi:] ‘I don’t
middle of 2010. ‘Pojna ñu dirica’ (‘he got angry at want to see her’ and [Tamocoi’s words:] mama
me’), said Jnumi to me before singing for my made me very angry when she rejected dicore
recorder, in November 2010. In this song, Tamo- 7 «Ijnamiane, ma ca moto uje ñijnora tu Ijnamia-
coi is mad at his mother Jnumi because she does nate? Ga gusu pitoningaique jeti jno uyu di ga uate
not accept his new wife. With the exception of chicai yoquidai, que gapupe porojo dei yajeique»
three phrases uttered by Jnumi, the enunciative [Jnumi says:] ”Ijnamiane [‘father of Ijnamia’],
subject (the ‘I’ of the song) is Tamocoi. It is him don’t you see that Ijnamianate [‘mother of Ijna-
who speaks about his desires and frustrations in mia’] is my friend? And only if death takes me
the first person. Tamocoi is depicted in the irade away, only then that one [dicore] will come to
as someone incapable of making a choice: he our community, I don’t want her to work by my
wants to be with his new wife but he misses the side“
mother of his children. He seeks for Jnumi’s 8 a yositome ga «yudute uje chi Lucía suaque dei
approval, but she rejects her new daughter in law siñeque que ñimoji dejatique utigo ga yijique ga
working by her side and even rejects the food yibagüi Nena iñoquijnai
offered by Tamocoi. This triggers Tamocoi’s I did it like this and [Tamocoi’s words:] ”I heard
anger, which is as intense as his sadness. Lucía is elsewhere [the community of ‘15 de
septiembre’] and I don’t sleep at night and I
Tamocoi pojna Jnumi (”Tamocoi got angry visit Nena’s father-in-law“
at Jnumi“) 9 ga ñaeque ‘Nena, angosia mayoquijnai ga yisi
irade by Jnumi Posijñoro (speaker: Tamo- bacatabia suaque uje yudute to uje Nené suque
coi) chingoñu dipotac chocabode sui 15 urasabode’
1 Ñijnecaosiabide gajine ga yedosuabu ñajinga And I said [Tamocoi says to his daughter Ijna-
datei udo gajine uengate que yiraja yisocaique ga mia, also known as Nena]: ‘Nena, ask your
yacai ñujnusietigai ajeique father-in-law [for the motorbike] and I reach
I sing here and I narrate with nostalgia my great you little mother, as I heard, Nené told me,
anger, I don’t know what to do and the sadness there are young men looking for women among
remains inside the countrymen from 15 [de septiembre]

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ANTHROPOLOGY / ETHNOLOGY

10 e ñirique mu uengate que disiode dacatabiate 14 ga e ñiringo i Piradesia uengate ga mama pusi yu
pojnasia yu i gate»
I arrived but strongly the little mother of the And I go to Filadelfia strongly and mom really
children got angry at me made me angry
11 ga yayipieraque dói yujoaque dicore, dicore uaque
15 ga «que yagu baboade, asiome dicore ga tagu
ñango ome ñu
baboteque. Ijnamiane, macamo uje que bé baodie
And my ayipie brings [I think of] her, dicore, uguchade mu babe ayoré quénejna uguchade?
dicore, she told me [that she really wanted to be Ijnamiane, macamo ore imatañone? Ijnamiane,
with me] boto ga ajnina dicore, date, ore, gajine ga ñisiome
12 ga dicore uaqueñaque deipise ñajenique utigo babode ome Lucía uaqueñaque gajine ga ore cha-
jni daquide i Pai Idai gajine.»
And dicore, she is really inside me
13 ga yii ga que yayipieraque dói poi disiode ore date And [Jnumi’s words]: I don’t eat your food, give
tuaque gajine ome jê yayipieraque que jno jni it to dicore, so she eats your food. Ijnamiane,
mama uaque uje ujnai dei gate ome Lucía, mama don’t you see that you don’t give things to your
uaqué chopise jetiga uro Lucía daughters, but you give things to unknown
women? Ijnamiane, don’t you see that they
And I don’t think about the children’s mother don’t have clothes? Ijnamiane, go away and be
anymore but I think a lot about my mother, with dicore, her mother, them, and I will give
whose ujnai [blood pressure] is high for Lucía, it your children to Lucía, and they will go back to
really seems that Lucía is her daughter their grandfather in María Auxiliadora’

Photo 3: Nostalgia – Jnusietigai (credit: Alfonso Otaegui)

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ANTHROPOLOGY / ETHNOLOGY

I want to highlight three ideas of this song: the severs the two basic social links with Tamocoi.
link between separation and migration, the depic- Furthermore, Jnumi refuses to build up a rela-
tion of the two wives of Tamocoi, and food shar- tionship with her new daughter in law, as she
ing as a marker of sociality. Migration is presen- does not want this strange woman to work by her
ted as the expected consequence of a separation side.
–something that will happen sooner or later– and
also as the cause of a strong sadness. These songs 3. On distorted translations
reinforce the notion that migration is the inevi- These songs seem to have for the Ayoreo a high
table outcome of any long sequence of disputes. degree of ”truth“ (or some sort of ‘objectivity’), as
According to this song, Tamocoi’s dating another if they were true and faithful copies of the report-
woman provokes two migrations. On the one ed experience. This degree of truth attributed to
hand, Jnumi asks her own son to leave Jesudi. On the songs is essential to their later use as points
the other hand, Lucía and her children will have of reference for accepted and non-accepted beha-
to move to the distant community of María Auxi- vior. The repertory of songs encloses –in anec-
liadora. Jnumi was really worried about this dotes– the ways of being of the Ayoreo (‘ayoreo
second migration, as she was very fond of her isocade’). It is the depository of their identity,
grandchildren –especially the little Tu. Jnumi which is not fixed in the past, but is in constant
reproaches Tamocoi for the poor state of his adaptation. In these sung biographical stories,
daughters, who are in need of food and clothes. the Ayoreo mention the Mennonites, the migra-
tion due to work or infidelity, the skilled hunter
Tamocoi’s family is presented as abandoned by
and the well paid worker, gossip and mothers-in-
their provider. The role of the man is illustrated
law, the use of money and cell phones, on a
negatively by its absence.
background of relatedness (Carsten 1995), com-
The two wives are depicted very differently in mensality and reciprocity.
the song. While Lucía is beloved by Jnumi This degree of truth is based partially on the
–clearly expressed in line 7–, Tamocoi’s new method of composition. The song becomes a
wife is called ‘dicore’. Dicore is literally a night faithful copy of the event by means of focusing on
demon. The Ayoreo use the term figuratively to the uttered words. Out of an event such as cou-
refer jokingly to those who are unfaithful, ple’s dispute, only the verbal exchanges are
because ‘they walk silently in the dark’ when they extracted for the song. An irade is conceived as
sneak into their lovers’ houses, or when they the verbatim repetition of the original utter-
leave their own trying not to wake their spouses ances. There is no description of the general
up. On line 13, Tamocoi says that Jnumi’s ujnai situation in the song, everything is told through
is high for Lucía. Ujnai is a complex concept. It the words of Tamocoi and Jnumi. This dialogue is
is related to the spirits’ essence acting in a supposed to be repeated by the composer
healing spell (cf. Lind 1974) and is associated –Jnumi– exactly as it was uttered the first time.
with breath –the vital breath, the agitated breath- As I was familiar with the story before it was
ing after physical exercise– and air –air pressure referred to in a song, certain traits and possible
in tires and the air pump to inflate the soccer ball. consequences of the split up struck me as over-
Jnumi said that this line –which was an expres- stated in the irade. First, it seems that a couple’s
sion from the old times when they lived in the separation is inevitably followed by the departure
forest– meant that her blood pressure was high of all the members of the family. Second, the
for Lucía and also that she cared a lot for her children are depicted as abandoned (in fact, an-
daughter in law. other song about this event portrays them as
Food sharing is a marker of sociality: it is a way starving orphans). Third, the whole event looks
to establish a social link between two individuals. much more serious than it actually was. It is true
The members of the Ayoreo residential unit estab- that people were concerned about this couple,
lish and maintain their communal bond by two and their disputes were the subject of gossip, but
means: commensality and common residence it is not unusual for couples among the Ayoreo
(Bórmida and Califano 1978: 93). Jnumi, in a to split up –and even, some years later, to come
deeply symbolic move, rejects her son’s food and back together– and continue to live in the same
asks him to leave the household. In doing so, she community. Besides, the two residential units

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ANTHROPOLOGY / ETHNOLOGY

–Lucía’s father’s and Tamocoi’s father’s– are the relates intralingual translation to the generation
two most important of Jesudi, in terms of the of meaning by means of the development of
resources they can obtain and manage. In the interpretants (in the Peircean sense). Transla-
event that both parents had left the community, tion is, then, at the very heart of understanding,
the children would have been taken care of in any of the attribution of meaning. Interpretance as a
–or both– of these households. The song clearly semiotic phenomenon however, is far too general
overstates the gravity of the separation’s possible to be equated with translation. Hanks then pro-
consequences. poses two constraints –following Goodman
The song is allegedly the reproduction of the (1978)– to establish that one representation is a
dialogue between Jnumi and Tamocoi. This dia- translation of another: the reference constraint
logue in turn –defined by Jnumi as a pojnaquei, and the paraphrase constraint. ‘The reference
‘dispute’– tells in a synthetic fashion the story of constraint captures the fact that the translation
the split up between Tamocoi and his first wife stands for the source (...) The paraphrase con-
Lucía. The social event that is most relevant for straint captures the fact that there must be some
the community is the separation, and that is the relation of similarity, analogy, or partial equiva-
theme of the song. The dialogue pojnaquei is a way lence between source and target.’ (2014: 23).
of rendering this complex situation into some few Hanks reformulation allows us to address the
lines. The poetic emphasis on sad consequences song irade as an intralingual translation of the
and the synthetic quality of the irade lead us to the original event.
question of the specific relation between the orig- The song is an intralingual translation of the
inal event and the song. dialogue: the irade reformulates, refers to and
The relation between the song and the event is paraphrases the original pojnaquei. First, the
better understood if we describe the first as an song is a reformulation of the separation in a
‘intralingual translation’ of the second, in the poetic register. More specifically, it is the trans-
sense of Hanks (2014). Hanks’s remarks on formation of certain utterances into a song.
intralingual translation are especially relevant Second, the song is taken as a faithful account of
for my research, which focus on non-sacred the dialogue between Tamocoi and his mother
speech and domestic interactions. In fact, as Jnumi (which fulfills the ‘reference constraint’:
Hanks clearly puts it, intralingual translation the irade stands for that interaction). Third, with
takes place every day: ‘any time a speaker reports the exception of the introductory formulae, the
the speech of another, paraphrases, glosses, dialogue is contained verbatim within the song.
overtly imitates, or renders in ”prose“ register a Partial equivalence can be found then between
text in poetic register (verse or vice versa), the source –the dialogue– and the target –the
translation is in play. Once we introduce the song.
sociolinguistic truism that all languages have Even though the song can be described as a
multiple registers, it becomes clear that intralin- translation of the dialogue, I believe there is a
gual translation is not only a fact of social life, but distortion between the original event –the sepa-
is, in effect, a design feature of language.’ (2014: ration– and the resulting representations. First,
21). This statement is quite powerful to under- I pointed out that the sad consequences of migra-
stand how songs are part of social life among the tion and abandonment of the children are –al-
Ayoreo. Let us see Hanks’s development more in though not impossible– highly unlikely. Second,
detail. some details of the song lead me to doubt of its
Hanks starts from Jakobson’s classic article accuracy, such as Tamocoi’s naming his new wife
‘On linguistic aspects of translation’ dicore, a diminishing term rather used by Tamo-
(1971 [1959]). In that paper, Jakobson defined coi’s mother. Third, I doubt that the original
intralingual translation as ‘an interpretation of dialogue existed at all or at least in the way it is
verbal signs by means of other signs of the same depicted. In fact, in the cases I knew the story
language’ (1971: 261). As Hanks says, rephrasing before it was turned into a song, I actually never
Jakobson, ‘the intralingual translation of an heard the original dialogues. Dialogues –the raw
expression quite simply is its meaning (Hanks matter of songs– took place between Tamocoi,
2014: 21, italics in original). In this way Jakobson his former wife and his mother, without any

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GRP : fyssen JOB : annales29 DIV : 05⊕mp⊕Otaegui p. 17 folio : 25 --- 15/1/016 --- 12H23

ANTHROPOLOGY / ETHNOLOGY

doubt. Furthermore, all the people of Jesudi I have followed a story from its beginning to its
made comments –produced utterances– about transformation into a song. I observed on the one
this affair. However, it is possible that the origi- hand that certain aspects and possible conse-
nal dialogue –this concise and synthetic version– quences of the event described were overempha-
may have not existed. In this particular intralin- sized and on the other hand that the song con-
gual translation, the source is actually projected stituted a very synthetic version of a long story.
by the target. The translation –the song– creates This apparent inconsistence led me to analyze the
its own original. relation between the event and the song. The
The distortion is not accidental or random, nor relation between the song and the event is better
is due to the subtleties of oral memory. The described as an intralingual translation –in the
distortion is systematic and it goes in tune with sense of Hanks (2014). A song is a reformulation
Ayoreo ethics of conviviality. I am not equating of the event, it stands for it and contains its very
‘distortion’ with ‘falsehood’. I believe this altera- utterances, but all this is in fact distorted. The
tion is a necessary poetic process aimed at rein- extent of the distortion is in fact the space of
forcing a specific interpretation of the events. Ayoreo interpretance. It is in this space, in this
The consequences stated in the song –migra- systematic distortion, that poetic regularities can
tion– are current Ayoreo practices, which may be inserted: recurring themes, recurring tropes
lead, if carried out too far, to the dissolution of a on nostalgia help to attribute meaning to the facts
community. Tamocoi is criticized for not pro- and to establish a social ethics of conviviality
viding his daughters with clothes and for giving deeply rooted in everyday interactions and affec-
stuff to ‘strange women’ (meaning: people who tivity.
are neither co-residents nor relatives). The new
wife is not even named, just alluded to in an Acknowledgements
insulting manner. A mother rejects her own son’s I warmly thank the Fyssen Foundation which
food. All these ‘antisocial’ situations are de- allowed me to carry out this research in a wel-
scribed on the key of nostalgia –jnusietigai. This coming and stimulating environment, the
typical poetic feature of the nostalgic love songs Department of Anthropology at the University of
irade is fundamental in the dynamics of Ayoreo California, Berkeley. I would like to thank spe-
social life. The regularities of the song genre cially Professor William F. Hanks for his inspi-
guide the interpretation of the social event. ring exchanges and encouragement all year long.

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