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L’UNIVERS
HISTOIRE ET DESCRIPTION
DE TOUS LES PEUPLES
ASIE IIIMEAIKE
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'l'YPO(iUAt*lllh: DE FlUMIN DIUOT FUÉRES, FILS KT C“
111 E JACUU, V o(i.
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ASIE MINEURE
DKSCHirTKIS
l'Ut
CHARLES TKXIEK
IIK l'INSTITIT
PARIS
riKMIN DIDOT FKÈHES, FILS ET C'% KDITEUKS
IMHUMErUS ItE L*IN.SnTLÏ DE l UANCE
HUK JACOU, 5U
M UCCC LXll
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16APR.1994
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ASIE MINEURE,
DESCRIPTION
LIVRE PREMIER.
AVANT-PROPOS. — TRAVAUX DES VOYAGEURS MODERNES.
CONSEILS SUR l’ORGANISATION d’uN VOYAGE EN ASIE. — HYGIÈNE.
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. ,
3 - L’UOTYJiRS.
de ce jour que les voyages de l’Asie de- tance pour ceux qui veulent entrepren-
vinrent si nombreux et si fructueux. Si dre un long voyage dans ces contrées
l’on se reporte à la connaissance que les d’apprendre sutlisamraent de langue
érudits comme les géographes avaient turque pour savoir au moins compter
alors de l'Otient, on comprendra les couramment ; cela est nécessaire pour
immenses progrès que les sciences et les distances comme pour les dépenses.
l’histoire ont faits dans cette voie. La connaissance des monnaies et des
L’Angleterre comme l’Allemagne et mesures est des plus faciles à acquérir.
la Russie ont apporté leur tribut au On ne compte guère les distances que
tonds commun des connaissances de l’O- par heures de marche, sahat; un che-
rient, et cependant, malgré ce qui a été val au pas fuit six kilomètres dans un
fait, ou peut dire que cette étude n’est sahat; ceci résulte d’uu calcul fait
encore qu’à l’ctat naissant. Nous allons pendant plusieurs années. Un voyageur
résumer dans ce volume l’élat des con- qui veut parcourir l’Asie, nous enten-
naissances historiques et géographi- dons ici l’Asie depuis Smyrne jusqu’au
ques qui résulte des études déjà faites, golfe Persique , car les mœurs sont à
et nous signalerons les lacunes qui exis- peu près les mêmes dans toutes ces
tent encore et les espérances que fait contrées, doit avoir soin de se munir,
concevoir cette ardeur de connaître par l’intermédiaire de son ambassade
qui est un des cachets saillants de la d’un fermao impérial valable pour les
jeunesse d’aujourd'hui.- autorités des provinces qu’il veut visi-
ter. l’.es. gouverneurs des grandes villes,
(t i
'
en cuir, d’une petite tente, d'un lit des médeciusdu pays, tant leur ignorance
pliant avec quelques tapis, enfln d’une est grande ; mais maintenant dans pres-
cuisine portative, une marmite, des que toutes les villes on trouve des méde-
assiettesde fer battu et deux petits ton- cins européens. Ce sont les barbiers du
neaux pour l’eau. Les autres cantines pays qui se chargent de faire les sai-
contiennent les livres de voyage, les gnées ; ifs saignent ordinairement les
instruments, tels que boussole, lu- malades soit du pied soit de la main, et
nettes, et les objets qui servent à la laissent lemembre dans un bassin d'eau
spécialité des recherches que l’on veut chaude. Dans l'ignorance où ils sont
faire. Ainsi aujourd'hui, lu plupart de de l'anatomie, ils se hasardent rarement
ceux qui voyagent pour étudier les mo- à faire une saignée du bras dans la
numents ne manqueront pas d’emporter crainte d’un accident. On fera bien du
un appareil photographique; mais si reste, avant d’entreprendre uu long
l’on veut un bagage plus portatif, ilsufüt voyage, de prendre une consultation
de se munir d’une caméra lucida, petit écrite de son propre médecin qui don-
instrument qui offre les ressources les nera des conseils selon le tempérament.
plus étendues. Il faut aussi emporter Mais en route il ne faut pas négliger
un grand parasol de paysagiste qui sert les petites indispositions, que la fatigue
en même temps pour s'abriter dans les aggrave promptement, surtout les liè-
courtes haltes que l’on fait eu route. vres et la dyssenterie. Les insolations
doivent être soigneusement évitées, en
ayant soin de porter un chapeau à large
bord et de ne jamais stationner pour
dessiner ou écrire qu’à l’abri d’un parasol.
,
ASIE MINEURE. S
Le régime diététique est des plus toutes les populations champêtres. Les
simples :se conformer à la manière de mesures hygiéniques à prendre sont
vivre du pays. L’usage du vin du ta-
, des plus simples; excepté quelques can-
bac, du café n’a rien de nuisible. Ceux tons marécageux comme £phèse et
dont l’estomac pourra s’accommoder quelques embouchures de fleuves, le
du laitage sous toutes les formes trou- pays est d'une salubrité complète. Il
veront une ressource précieuse dans cet faut avoir soin de ne jamais dormir la
aliment. Les fruits sont généralement nuit en plein air pour ne pas contrac-
bons et très-abondants en Asie ; mais il ter d'ophtalmies et de ne pas dormir
faut savoir les choisir dans leur pro- en plein soleil. Les vêtements que l'on
vince natale. Les raisins de Smyrne doit porter ne diffèrent en rien de ceux
les poires d’Angora , les melons de que l’on porte en Europe; ceux qui sont
Cassaba sontd’un usage salutaire quand habitués aux vêtements de flanelle ne
on ne les prend pas par excès. Mais il devront pas les quitter à cause do la
faut s’abtenir autant que possible de chaleur; une ceinture de laine est un
toutes les solanées comme tomates mé- bon préservatif contre les refroidisse-
longènes et des concombres crus, dr>nt ments.
les indigènes font un usage immodéré. Nous devons, avant de terminer cette
Pour tout dire en un mot, le voya- question d’hygiène, dire un mot d'un
geur fera bien de ne pas s’écarter du fléau qui pendant bien longtemps a été
régime alimentaire qu’il suivait dans son un sujet d’effroi pour les voyageurs eu-
pays. Ceux qui ont l’habitude du thé ropéens ; nous voulons parler de la
peuvent en faire usage à toute heure peste, puisqu'il faut l’appeler par son
pour boisson habituelle; elle remplace nom. Lorsque nous sommes arrivé en
avantageusement le vin , qui est rare et Orient, nous venions comme tous les
médiocre dans l’intérieur. autres dans la persuasion que la fuite
Les salaisons ne sont pas un aliment seule pourrait mettre à l’abri de l’atteinte
sain ; on n'en trouve pas à acheter dans de la contagion; que le moindre attou-
l’intérieur, et celles qu’on emporte ne chement, le plus petit contact suffisaient
tardent pas à devenir rances. pour faire contracter la peste, et c'est
Ceux qui ne craignent pas d’augmen- dans ces idées, partagées du reste par
ter leur bagage pourront emporter une partie de la population franque de
quelques boites de conserves et de lé- l’Orient, que nous traversâmes plusieurs
gumes secs ; mais il est surtout impor- épidémies. Car de 1833 à 1842 la peste
tant de se pourvoir d’un sac de biscuits se manifesta dans les difl'erentes régions
qu'on appelle à Smyrne paximada pour de la Turquie d'Asie sous la forme de
le cas ou l’on ne trouverait pas de pain plus de trente épidémies dont quelques-
dans les haltes, et cela arrive fréquem- unes furent très-meurtrières. Les précau-
ment lorsqu’on entre dans les régions des tions que nous croyions devoir prendre
nomades. En effet ces tribus ne cuisent en voyageant ne nous mettaient pas tou-
pas de pain, mais préparent au mo- jours à l’abri du contact, et nous finîmes
ment du repas des galettes appelées par reconnaître que les dangers que
pita et qui ne sont autre chose que de peut présenter la peste ont toujours été
la pâte non levée , chauffée pendant fort exagérés. Notre expérience person-
quelques minutes sur une plaque de nelle ne suffirait certainement pas pour
tôle. On est toujours certain de trouver donner un conseil à ce sujet; mais de-
en route à s’approvisionner de viande puis cette époque les médecins du Caire
de mouton , d’œufs et de poules. Celui ont recueilli et publié des observations
qui prend goût aux préparations de lai- qui peuvent rassurer ceux que leurs pé-
tage que font les nomades se trouve régrinations conduiraient dans des con-
assuré contre toute privation; car trées où la peste se manifeste. Nous re-
dans toutes les tribus, comme dans les viendrons plus tard sur ce sujet, qui ne
villages, le lait est abondant. Ou le peut être traité d’une manière incidente.
consomme doux ou aigri; il prend alors La peste d’ailleurs ne se manifeste plus
le nom de youhourt, et (éit pour qu’à de rares intervalles et tend à dis-
ainsi dire la base de la nourriture de paraître de l’Orient.
6 L’UNIVERS,
Il un détail important à
est encore revenir ensuite au bord de la mer dans
question d’argent et celle
traiter, c’est la la Mysie, l’Æolide et la Carie.
du backckich, mot turc que les voya- La géographie pure exigerait (|ue
geurs apprennent bien vite à connaître, nous suivissions l'ordre des bassins des
et qui n’a pas d’analogue dans les au- fleuves; mais cette méthode a l’incon-
tres pays. Backcliich veut dire à la fois vénient de morceler l'histoire des pro-
présent, pour boire, bonne main, et ne vinces et de jeter le lecteur dans une
signifie pas seulement rémunération sorte de confusion. Nous pensons qu’il
d’un petit service, c’est une. libéralité vaut mieux étudier chaque province
gratuite que l’on attend de l’étranger. séparément ; les populations qui les ont
Mais comme le présent se borne ordi- successivement occupées ont formé des
nairement à quelque menue monnaie, groupes distincts qui seront mieux sai-
il n’est pas très-onéreux quand on sis par cette méthode, et les caractères
peut le donner sous cette forme ; voilà des monuments et des mœurs présen-
pourquoi il est très-important d’avoir teront un tableau plus complet.
avec soi une certaine provision de pias- Entre les œuvres d’art des Grecs de
tres et rie demi-piastres. l’Ionie, les monuments taillés dans le roc
Pour les fonds que l’on doit emporter de la Lycie, et les grottes grossière-
avec soi, les banquiers de Smyrne et de ment ébauchées de la Cappadoce, entre
Constantinople ont aujourd'hui beau- les villes de marbre par les
bâties
coup plus de relations qu’autrefois avec Grecs et les constructions gigantesques
les villes de l’intérieur. Il .'^ern donc des Lélèges et des Mèdes, la différence
possible de se procurer des traites sur ne vient pas seulement des races qui
Smyrne, Angora, Césaréc et Alep. les ont élevés, elle tient aussi à la for-
Ainsi organisée, nous conduirons mation du sol où vécurent ces diffé-
notre caravane dans les régions les rentes populations ; le caractère de l’ar-
plus reculées de la péninsule et lui dé- chitecture change avec la nature des
velopperons toutes les beautés de la matériaux que l'on peut mettre en œu-
nature et de l’art qu’elle renferme. vre. Les premiers édifices en brique et
en pisé furent bâtis dans les plaines de
la Chaldée et de la Babylonie, et le dé-
CHAPITRE III.
faut de bois de construction dut con-
duire les habitants à inventer la voûte
DIVISION DE l’OUVBAGE. pour couvrir leurs monuments. Les
contrées montagneuses où la roche est
Les géographes anciens ne parais- tendre et facile à travailler offrirent
sent pas avoir adopté de plan fixe dans aux populations troglodytes des repaires
les descriptions de l’A.sie Mineure qui commodes, et les grands rochers cal-
sont parvenues jusqu’à nous. Strabon caires de la Perse et de la Médie furent
commence par la province centrale de pris comme le livre impérissable où
la Cappadoce, et marche de l’est à les conquérants d’alors firent graver
l’ouest sans s’attacher à un ordre mé- leurs exploits.
thodique. Scylax fait le tour rie la La fine et précise architecture des
presqu’île depuis le Pont jusqu’à la Grecs n’aurait jamais orné les villes
Cilicie nous le suivrons dans son pé-
;
et les colonies anciennes si d’inépui-
riple. Pline et Mêla suivent une mar- sables carrières de marbre n’eussent
che contraire. Les géographes modernes fourni d’abondants et de riches maté-
ont adopté plus volontiers, dans la des- riaux aux artistes d’Europe ou d’A-
cription de la presqu’île d’Asie, l’ordre sie. Si les vallées où coulent de grands
des provinces du septentrion au midi ; fleuves ont souvent servi de frontières
c’est en effet ordinairement par la Bi- aux États, elles ont rarement arrêté
tbynie que presque tous les voyageurs conquérants la marche de
l’essor des ;
qui ont décrit le pays sont entrés dans ne doit donc en tenir compte
l’histoire
l’Asie Mineure; nous adopterons la que dans le cas où elles ont réelle-
même marche. Nous étudierons la Bi- ment formé une barrière entre des*
thvnie et les firovinces centrales pour raceji distinctes . comme lit le fleuve
,
ASIK MlJjEÜRE. - ^
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8 L’XJWIVERS.
fleuve Halys pendant cent vingt-huit nom à la totalité de TAsie actuelle;
ans , non compris le temps de l’invasion mais comme dans leurs connaissances
des Scythes (I, 130). Les Perses qui géographiques ils n’avaient aucune idée
s'étaient soustraits à la puissance des bien précise de ce que nous appelons
Mèdes furent, depuis la défaite d’As- un continent, ils ont étendu le nom
tyage, les maîtres de l’Asie {ibid.). » d’Asie de proche en proche à mesure
Ces mots, haute et basse Asie, sont qu’ils ont avancé dans l’intérieur. Les
employés par Hérodote (i) pour dési- Lydiens le connaissaient déjà, et il est
ner les contréessituées à l’est et à l’ouest probable qu’il leur était venu des peuples
e l’Halys. En parlant des campagnes de l’Asie moyenne; voilà pour le conti-
de Cyrus et d’Harpage dans le pays situé nent entier. Le nom d’Asie Mineure
entre Sardes et la Lyrie, il s’exprime n’apparaît nulle part dans l'histoire
ainsi « Tandis qu’Harpage subjuguait
: ancienne ; sous l’empire romain cette
l’Asie inférieure Cyrus lui-même por-
, contrée est désignée sous le nom de
tait la guerre dans l’Asie supérieure. » province d’Asie; elle comprend les pays
La limite qui séparait ces deux contrées situés au nord c'est à-dire en de([à
,
varia à différentes époques; elle fut fixée du Taurus , mais elle n’avait pas d'ap-
d’abord au fleuve Sangarius, puis à' pellation distincte. Strabon se contente
l’Halys (2). Il ressort de toutes ces ci- de la nommer La Chersonnèse fl) en
tations que si dans la très-haute anti- opposition avec tout le continent a’Asie.
quité la contrée appelée Asie avait porté Le nom d’Asie Mineure n’apparaît
un autre nom, cette tradition était com- dans l’histoire que sous les empereurs by-
léteinent effacée de la mémoire des zantins. On disait alors la petite Asie (2).
ommes, et que déjà six ou sept cents Dans les divisions de cette province en
ans avant notre ère. ce nom était appli- rtièmes l’empereur Constantin Por-
quée toute la partie connuedu continent. phyrogénète lui fait prendre la déno-
Cela ressort des vers du poète Mimnerme mination de Thème Anatolique, d’où
cité par Strabon (3). Cet auteur, parlant est venu le nom d'Anatolie et par cor-
de l’expédition des Æoliens qui chas- ruption de Natolie, qui se trouve sur
sèrent les Léièges du territoire d’É- plusieurs cartes. Ces deux derniers
phèse, s’exprime ainsi : « Après avoir noms commencent à tomber en désué-
quitté Pylos.... Nous arrivâmes par mer tude, et sa dénomination d’Asie Mineure
en Asie, objet de nos désirs » ; or le poète est généralement adoptée pour désigner
Mimnerme passe pour avoir été contem- la Chersonnèse d’Asie.
porain de Solon; il écrivait donc dans
le septième siècle avant notre ère. Pau- CHAPITRE IV.
sanias, racontant les circonstances du
départ des Ioniens sous la conduite de DIVISIONS DE l'ASIE MINEUBE A DIE-
Nilée, fils de Codrus, mentionne les di- FÉBENTES EPOQUES.
verses tribus grecques qui l’accompa-
gnèrent ; —
« ils se rendirent sur des Un pays qui a été peuplé et colonisé
vaisseaux en Asie » (4). Ces événe- — par tant de tribus de races différentes
ments se passaient dans le onzième siècle abordant de tous les points de l’horizon,
avant notre ère; or si à cette époque l’A- a dû nécessairement, dans le cours des
sieeüt portéun autre nom, l'auteur n’eût siècles, subir de nombreuses et impor-
pas manqué de le dire comme il le , tantes modifications dans ses divisions
dit pour les villes et les provinces. territoriales. Cependant il est un fait
Vouloir remonter plus haut dans les an- attesté par Homere, c’est que, avant la
tiquités grecques serait se jeter dans guerre de Troie, les principales provinces
des conjectures. Il est possinle que les étaient déjà constituées en corps d'État,
nouveaux colonq n’aient pas étendu ce en d’autres termes les grandes migra-
tions thraces venues d’Europe pour s’é-
(i) Hérod., liv. IV, 45. tablir dans la presqu’île avaient eu lieu.
(a) Hérodote, I, 7 a; VI_, 43.
(3) XIV, 634. ( 1) Strab., XIV, 664.
( 4 ) Pausanias, I. VII, ch. a. (») Voy. Paul Oruie, I. I", cb. II.
ASIE MINEURE. 9
Si nous voulons rechercher quelles- fu- l La Bithynie.
rcut les divisions de la contrée anté- La Paplilagonie.
rieurement à ces migrations , nous en Le Pont.
Àu nard ;
sommes réduits à rassembler quelques L’Honoriade.
faits épars dans les anciens écrivains, L’Hellénopont.
qui nous apprennent, il est vrai, que du I Le Pont Polémoniaque.
nord et de l’est de grandes invasions
eurent lieu à diverses époques antéhcl- Les trois dernières en furent détachées.
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•
’L’UiMVKRS.
La CiBYBATiQUK, ctief-lieu Cibyra,
longueur de ciny c'eut soixante mille
de Phrygie; elle compte vingt-cinq
pas, sur trois ceiit vingt-cinq mille ville
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ASIE MINEURE. tV
’
Cette lacune est comblée par Pline le CHAPITRE VI.
Jeune, <|ui, comme gouverneur de cette
province, résidait à Niconiédie. ASIE DIVISÉE EN THÈMES.
On voit que dans cette répartition
des gouvernements les noms des an- Le nom de thème, qui fut donné à
ciens peuples et les limites des an- ces divisions territoriales, vient du
ciennes provinces sont tout à fait lais- mot grec qui signifie position. Le
sés de côté, comme si déjà l’empire
thème anatolique, qui plus tard donna
avait voulu tenter une fusion entre les
son nom à toute la contrée, Anatolia,
différentes races. Cet état de division
Anatolie, d'«à l'on lit par abbréviatjon
en Juridictions ayant chacune son ma-
Natolie, n’est cependant pas le plus éloi-
gistrat particulier fut cependant modifié
gné vers l’orient ; mais, comme le fait
sous le règne de Vespasien, qui sépara
observer l’empereur Constantin Por-
une partie de l’Asie pour en faire le phyrogénète, qui a laissé un traité des
gouvernement qu’on appela l’Asie pro- thèmes de l’empire byzantin ce nom ,
consulaire. Une loi de l’empereur An-
fut donné à la province eu égard à sa
tonin établit en principe que cette
po.sition vis-à-vis de Byzance ; mais ce
modification fut faite à la demande des
thème est au couchant de la .Mésopota-
peuples d’Asie, ad desideria Âsia-
mie et des provinces de l’est.
norum, et à cette époque on ajouta les
Iles à l’Asie proconsulaire; la ville
THÈME I ANATOIQUIE.
d’Éplièse fut déclarée première métro-
pole. Ceci ne paraît pas avoir rien changé
au.x limites des juridictions, mais aug- Le thème anatolique est habité par
mentait l’autorité du proconsul sur cinq peuples divers ; il commence à la
chacun des départements. Avant l’em- petite ville de Mérus(l) appartenant à la
pire d’Alexandre Sévère chaque pro- province de Phrygie salutaire. Il se pro-
vince eut son préfet particulier ; cepen- longe jusqu'à Iconium et se termine au
dant depuis Vespasien jusqu’à Antonin pays des Isaures vers le Taurus; cette
le proconsul d’Asie paraît avoir eu une contrée est aussi appelée Lycaonie, où
inspection générale sur toutes les pro- se trouvent les montagnes froides ( le
vinces d’Asie et une juridiction plus Taurus ) ; le versant nord de la Pam-
particulière sur la province proconsu- phylie en fait aussi partie.
laire et sur les îles de l’Hellespont. Dans La région intérieure du thème ana-
la suite le vicaire du diocèse d’Asie par- tolique comprend la Pisidie et la partie
tagea cette inspection Ces divisions de la
.
de la Phrygie capatienne depuis Acroï-
haute administration politique ne chan- nuin jusqu’à Amorium. La Carie et la
gèrent rien aux anciens chefs-lieux de Lycie en forment les limites maritimes.
juridiction civile dans lesquels on con- Ce thème est donc compris dans les
tinua à rendre la justice. Mais sous limites suivantes. II commence à Mé-
Constantin tout le territoire de l’empire rus, frontière du thème Obséquium, s’é-
19 L’UNIVERS.
maient un nombre de troupes indé- Magnésie ,
Tralles , Hiérapolis , Co-
terminé. lossæ (t), Laodicée, Nyssa, Stratoni-
Les cinq nations qui composaient le cée, Alabande, Alinda ,
Myrina , Téos
thème anatolique étaient les Phrygiens, Lébédus, Philadelphie (2).'
Sinope.
Phrygiens , les Dardaniens que l’on
appelle aussi les Troyens. Il contenait
THEMES lit DES THKACIENS.
les villes suivantes :
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, ,
ASIE MINEURE. |3
Ce thème n’a pas non plus reçu son THÈME vin CHALDIA.
nom d’un lieu particulier ou de quel-
que peuple célèbre, mais tout simple- Ce thème est ainsi nommé des an-
ment des bucellaires, qui sont des agents ciens Perses venus de la Chaldée. La
inférieurs chargés de la subsistance inétropole est Trébizonde, ville grecque
des troupes (des vivres, pain, selon l’ex- ainsi que l’atteste Xénophon. Dans
pression usiiée aujourd'hui. ) On ap- l’intérieur sontcompris des pays ap-
pelle bucellus (1) un petit pain rond partenant à l’Arménie Mineure, comme
et plat ;
le garde pain s’appelle cella- leprouveqt les noms seuls des contrées.
rius. La Celtzène, les Syspérites et Gœza-
I.,es peuples qui occupent ce thème num, dont il est fait mention dans l’É-
sont les Maryandiniens et les Gâtâtes. criture au quatrième livre des Rois. Les
Il commence a la ville de Modrena, con- Assyriens ayant réduit en servitude
fronte rOptimatum, remonte vers la les habitants de Samarie les transpor-
métropole d’Ancyre et s’étend jus- tèrent prèsdu fleuve Gœzaniim. Le pays
qu’aux coulins de la Cappadoce et au fut appelé Chaldée par les Perses pour
château de Saniana ; tout ce territoire se rappeler leur contrée natale, d’ou ils
est occupé par les Galates. ont été appelés Chaldéens (2).
T, es Galates, colonie des Francs, ar-
rivèrent en Asie du temps d’Attale, roi THÈME XI DE SÉBASTE.
de Pergame et de Nicomède, fils de Zi-
pcetès; ils occupèrent le pays jusqu’au thème de Sébaste commence à
rovaume de Pont et jusqu’à la ville la petiteArménie; il prit son nom de
d’Héraclée et au fleuve Parthénius. Sébaste (César), qui honora du même
Dans les terres ils s’étendeut jusqu’au titre plusieurs villes de l’Asie.
fleuve Halys. Il n’en est donné ni la nomenclature
Les villes de ce thème sont ; des villes ni celledes frontières.
Ancyre, inétropole des Galates, Clau-
diopolis. métropole des Maryandiniens (i) Déjà nonimre dans l'autre Ibème.
Héraclée, Pruse (sur l’Hypius), Teium. (a) Les thèmes IK de Mésopotamie et X
Colonea ne font point partie de la pres-
(i ) Lillér. buuchcr. qu’île.
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14 L’UNIVERS.
THIeME Xn DE LYCANDVS. THÈME XIII DE SELEUCIE.
nienne Azotus, vint soit comme trans- est la ville de Tarse, patrie dé l’apotre
fuge, soitcomme ami, touver l’empe- Paul.
reur Léon, et ayant reçu le comman- Séleucie n’eut d’abord ni le titre de
dement des troupes, sous le titre de thème, ni même celui de préfecture;
præ/ectus agminis , s’en alla faire la c’était un simple château avec une ve-
guerre aux Bulgares. Mais il fut battu dette pour sun'eiller les incursions des
et disparut ainsi que Théodose , le pro- Sarrasins qui possédaient Tarse; mais
tovestiaire de l’empereur. l’empereur Romanus, qui augmenta
L’Arménien avait avec lui un ami les frontières de l’empire, eu fit une
nommé Mélias, qui s’échappa sain et préfecture.
sauf du combat, et comme il était fait Cette ville reçut son nom de son fon-
à la vie d’aventures, il rassembla une dateur Séleucus Nicanor. Ce district fut
poignée d’Arméniens, alla s’emparer de aussi appelé Décapole , parce que, outre
Lycandus, rebâtit la citadelle et restaura Séleucie, il contenait dix villes, sa-
les ruines de la ville. La contrée, réta- voir :
blie dans son ancien état, fut rendue Germanicopolis , Titiopolis, Domé-
aux Arméniens. Comme elle était fer- liopolis, Zénopolis, Néapolis, Clau-
tile et admirablement pourvue de bons diopolis, Irenopolis, Césarée, Lauza-
pâturages, elle fut classée parmi les dus, Dalisandus.
thèmes et devint une des belles prétures Danscette dernière ville on conserve
par les soins et le courage de Mélias. le bouclier du saint martyr Théodore,
Le nom de la ville est d’origine armé- suspendu à la voûte du temple.
nienne. On raconte que l’empereur
Justinien, parcourant les provinces de THÈME XIV DE CIBYBBHA.
l’Asie Mineure arriva h Lycandus. Le
promeus de la ville, magistrat muni- Le thème de Cibyrrha commence à
cipal, était si riche en bétail, qu’il offrit mer Orientale
Séleucie, située sur la , et
à titre d’hommage à Justinien dix trou- finit au couchant dans les parages de
peaux de mille brebis variés de couleur Milet, de Jassus et du golfe de Bargylia.
et divisés de la sorte ; Il s'étend chez les Andaniens où est si-
Mille noires, mille blanches, mille tuée Mvlasa, ville très-célèbre, la villede
grises, mille mélangées, mille rous- Bargylia, Myndus , Strobelus, Halicar-
ses, mille couleur de belette, mille nassé, patrie d’Hérodote, où l’on voit
jaunâtres, mille marquées de noir, le tombeau de Mausole
mille rouges et mille dorées, qui rap- En marchant vers l’orient on trouve
pelaient, au dire des Grecs, la célèbre le golfe Céramique et la ville du même
toison d’or. L’empereur accepta avec nom. A l’extrémité du rivage est la ville
joie, et fit inscrire sur la porte de Ly- de Cnide; en continuant vers l’orient
candus une inscription qui est une sorte on trouve le golfe OEdemus, le port
de jeu de mots. de ï.aryma, situé ep face de llle de
L’auteur grec ne donne pas les noms Synié. La région maritime appartient
des villes principales du thème de Ly- aux Rhodiens, qui possèdent des arse-
candus. naux En traversant de l’autre côté, on
ASIE MIKEURE. 13
trouve la célèbre ville de Telmissus, lui échut en partage. Ce sont ces noms
ensuite Patare et Xautbus, patrie du qui sont encore usités parmi les Turcs,
peintre Protogène, puis cette ville de et les anciennes conscriptions territo-
Lycie exhalant l'odeur des parfums, riales sont à peu de chose près celles
c’est Myra, la ville du bienheureux des pachalik d'aujourd’ hui. Chaque di-
saint Nicolas dont le corps laisse exha- vision territoriale porte le .nom de
ler des parfums comme l’indique le saudjak.
nom de la ville (1). De là on voit le Le saudjak de Broussa avait reçu
fleuve Phoenix et la ville du même d'Othman le nom de Khodawenkiar.
nom, puis Phaselis; ville célèbre et La divisionmoderne de l’Asie Mineure
Attalia, fondée par Attale Philadelphe. est donc aujourd’hui classée ainsi qu’il
Ensuite Sylœum puis Perga, ville cé- suit:
lèbre, Sidé repaire des pirates et Seigé, La Bithynie, sandjak de Khodaiven-
colonie de Lacédémone. kiar.
La montagne et le château d’Anemu- La Mysie, Kara-si.
rium, ensuite Antioche seconde et ,
La Lydie, Saruk Khan.
Cibyrrha, la ville dont le thème a pris Mæonie, Aidin.
son nom vulgaire et sans renommée. ) Carie, Mentesche.
On trouve ensuite Sclinus, petite ville La Lycie, r i
Tekké.
avec un fleuve de même nom, puis le La Pamphylie, |
souvent montrés rebelles aux ordres des continents pour être frappé de la
des empereurs. L’ile de Rhodes est si- particularité que présente la forme de
tuée au voisinage de ce thème qui, re- l’Asie Mineure. Toutes les grandes
gardant en même temps le nord et le presqu’îles du globe, tous les grands
midi affecte la forme triangulaire d’un caps sont en effet tournés vers le pôle
A. Il est peuplé par une colonie do- sud, le cap de Bonne- Espérance,
rienne venue du Péloponnèse et qui se comme le cap Horn, l'Italie comme
prétend de la race d’Hercule. :
'
la Grèce ou la presqu’île indienne.
L’AsieMineure seule se détache du con-
DIVISION DE l’ASIE SOUS LA DOMI- tinent, en se dirigeant de Test à l’ouest.
NATION OTTOMANE Ses côtes sont baignées par les eaux de
trois mers qui diffèrent entre elles au-
Après la chute de l’empire byzan- tant par leur étendue que par leur ca-
tin, les princes seidjoukides se parta- ractère physique ; enfin le relief de la
gèrent les différentes provinces et cha- presqu’île , la forme et la direction de
cun d’eux donna son nom à celle qui ses montagnes, viennent pour ainsi dire
se grouper pour faire de cette partie
(ï) Les saints dont le corps exhale des de l’Asie une terre exceptionnelle.
huiles parfumées étaient appelés Myroble- La presqu’île que nous connaissoM
tés; — il
y a une sorte de jeu de mots sur le aujourd’hui sous le nom d’Asie Mi-
nom de la ville de Myra. - > neure ou d’Anatolie est cette partie du
,
16 L’UNIVERS.
grand continent asiatique rehfermée rendaient pas bien compte de la courbe
entre le 24° 35' et le 55° dené de lon- qui ferme la côte de la Lycie, et pre-
gitude orientale. Les côtes de la partie naient leurs mesures en suivant les
nord appartenant à l’empire ottoman sinuosités de cette côte. La forme gé-
se prolongent jusqu’au 39‘ degré. nérale de la presqu’île est certainement
Én latitude, le cap Anemour,qui est la conséquence des nombreux soulève-
la plus sud, passe par le 36°
terre le ments des montagnes qui ont sur» à
degré, et au nord, le promontoire de différents âgesgMiogiques ; mais fac-
Siuope passe par le 42° degré H minu- eu aussi une
tion des feux souterrains a
tes. Kl le est baignée au nord par le part énorme dans la constitution de ré-
Pont-Euxin, le Bosphore et la Propon- gions entières.
tide; la mer Égée baigne ses côtes occi- Néanmoins, malgré l’effet des terri-
dentales; la région du sud est limitée bles tremblements de terre dont nous
>ar cette partie de la .’lléditerranée que voyons de nos jours l’action désas-
fes anciens appelaient mer de Rhodes treuse , nous persistons , malgré l’opi-
ou de Cilicie. nion de quelques géologues , basée du
Ducôté de l’orient, les limites de reste sur une traoition de l’antiquité,
l’Asie Mineure ont été très-variables et nous persistons à croire au syuchro-
sont ntoins faciles à déterminer. Stra- nisipe des bassins des mers. Ainsi pour
boii et Anollodore inclinent à penser nous le Bosphore comme les Darda-
ue. tout le territoire qui est à l'orient nelles et le détroit de Gibraltar appar-
e la ligne tirée d'Amisus à Issus, ou tiennent, comme les éléments constitu-
de Samsoun à Scandéroun, doit être tifs, à la période géologique actuelle.
regardé comme n’appartenant pas à la Nous pouvons même aflirmer, que si
presqu’île.Trébizonae et son territoire depuis notre époque géologique, la
en seraient alors exclus. La distance forme du Bosphore a été modilire ce ,
qui sépare ces deux points , d’après canal a été plutôt rétréci qu’élargi , car
Ératosthène, a trois mille stades de tout le terrain qui avoisine les îles
700 au degré, soit 554 kilomètres, 865 Cyanées d’Europe et celles d’Asie, est
mèt.; cette mesure est loin d'être exacte. formé par des terrains de trachytes
Les géographes modernes ont étendu qui se sont épanchés dans la mer. Les
le territoirede l’Asie Mineure à l’orient bassins des mers conserveraient selon
de l’Halys; c’est le cours de l’Euphrate nous depuis cette époque leurs limites
qui en forme la limite à l’orient. Jusqu’à respectives si leurs rivages n’étaient
la hauteur de Malatia et d'Eguine; en- soumis à une loi géologique appartenant
suite la frontière s’incline à i’est pour à la troisième période ; nous voulons
venir rencontrer la mer Noire à l’est parler de la loi des atterrissements.
de 'l'rébizonde. L’erreurdes anciens sur
la forme réelle de l’Asie Mineure est ALLUVIONS DES FLEUVES.
d’ailleurs bien excusable; car il n’y a
guère que soixante ans que les obser- Si l’on examine la tradition conser-
deBeauchamp et celles du com-
vations vée par quelques historiens, ou ne man-
mandant Beaufort ont donné à l’Asie quera pas d’exemples pour prouver l’ir-
Mineure savéritable forme en l’élargis- ruption ou la retraite des eaux marines
sant d’un degré. Danville avait bien sur certaines côtes; mais partout où
senti la difficulté, mais n’avait pu la ré- nous avons été à même de vérifier cette
soudre. Strabon compte 3,500 stades assertion, nous avons reconnu l’effet
de Chalcédoine à Sinope, soit 647 34, normal desalluvions. Pour mettre cette
tandis qu’en réalité il n’y en a oue 520. vérité en évidence , nous nous conten-
Il compte 5,000 stades de Rhoaes à is- terons de prendre pour exemples quel-
sus, soit 554 865, tandisqu’iln’yaque ques ports fondés sur les bords de la
125 milles géographiques. Il fait cepen- Méditerranée qui nous permettront
dant la remarque très-exacte que Amisus d’établir avec certitude le mouvement
et Issus se trouvent sur le même méri- de retrait, et en même temps les causes
dien. L’erreur des anciens géographes de la retraite des eaux de la mer.
provient sans doute de ce qu’ils ne se Les ports de Cymé, de Miiet, de
ASIË MINEURE. 17
Pompéiopolis , sur la côte d'Asie, Bip- polis ; ce port est aujourd’hui entière-
pone et Carthage sur la côte d’Afrique, ment comblé. Ici les eaux douces ont
,
nous donnent des jalons pour mesurer une propriété incrustante qu’on remar-
la marche des alluvions sur ces côtes, que dans prevue toutes les rivières de
et nous pouvons constater d'autre part la côte. Ainsi , le port de Pompéiopolis
que les ports situés loin des embouchu- est rempli par une véritable roche , et
res des neuves ont continué d’étre fré- les blocsde «lionnes ou autres débris
quenté par les navires. qui sont épars dans cette masse, sont
Les hommes des premiers âges , les
Babyloniens, les Egyptiens, les Assy- £a rivière de Douden, que les anciens
riens , qui avaient , plus que nous, eon- appelaient Catarrbactès , parce qu’elle
servé une impression profonde des se précipite dans la mer d'une grande
temps diluviens, s’étant établis sur les hauteur, jouit au plus haut degré’ de
borcls des grands fleuves de l’Asie ou cette propriété incrustante. Tout le ter-
de l’Afrique, avaient pris toutes les pré- ritoire de son parcours est converti en
cautions imaginables pour se mettre à véritable rocher qui englobe les plantes,
l’abri des inondations. Les travaux qu’ils les restes d’animaux, et les couvre d’une
exécutèrent dans ce but étonnent notre couche calcaire.
imagination, et nous serions tentés de En continuant le périple vers l’ouest,
les regarder comme fabuleux, si, chaque on arrive dans la province de Lycie qui
jour, les études faites sur ces contrées offre d’immenses et magnifiques ports
n’apportaient la preuve la plus évidente dans un état parfait pour le mouulage
de la véracité des historiens de l’anti- des navires : le port de Marmarice, ce-
uité, et si l'on n’était souvent à même lui de Macri ; les ports de Myra , Phel-
e vérifier, sur le sol même, la réalité ius Antipbilo : c’est qu’id le 'Taurus do-
des travaux entrepris et menés à leur mine la côte presque verticalement et
fin. les eaux n’ont pu charrier de limon
Le golfe d’ Alexandrette, qui était dans dans ces ports.
l’antiquité un port aussi salubre que Nous avons souvent entendu les marins
commode, n’offre plus sur son rivage et les géographes se demander pourquoi
que des marais pestilentiels; l’effet na- la côte d’Asie et la côte du nord de
turel des vagues apportant nécessai- la Méditerranée étaient si riches en ex-
rement sur cette côte tous les détritus cellents ports, tandis que dans tout son
que contiennent les eaux a suffi en quel- parcours la côte d’Afrique n’en offrait
ques siècles pour opérer cette métamor- pas un seul digne de ce nom. Yod la
phose. véritable raison : le continent Africain
La province voisine, que les anciens a été dans l’origine aussi écbancré que
appelaient la Cilicie champêtre , est une le continent d’Asie ; mais sous l'influence
immense étendue de terrains d’atterris- des atterrissements et surtout, car
sement qui sont couverts de la plus ceci est une cause majeure, sous l’in-
abondante végétation. Plusieurs rivières, fluence des vents du Nord qui régnent
le Sarus , le Pyramus , le Cydnus ,
ar- sur cette côte pendant huit mois de l’an-
rosent ces contrées et continuent de née , le mouvement de la mer loin d’en-
l’accroître en étendue. Ce mouvement lever la moindre parcelle de sable, les
des terres est déjà apparent dans l’an- accumule sans cesse sur le rivage. Tout
tiquité Entre la ville d'Adana et la mer, ce qui existait de ports, golfes ou échan-
sont de vastes inaremmes qui se sont crures, a été peu à peu comblé, tandis
formées depuis cette époque. La ville que la côte d’Asie, abritée par ses hautes
de Tarsous, qui était maritime dans montâmes est restée dans l’état où elle
l’antiquité , ne reçoit plus maintenant fut créée.
de navires , et le fond de la mer s’est Si nous remontons vers le Nord en
tellement exhaussé que les navires sont suivant la côte , nous trouvons un des
obligés de mouiller à Mersine, à deux exemples les plus curieux de la puis-
lieues de Tarsous. sance des atterrissements pour changer
A l’ouest de Tarsous , il
y avait un la surface d’un pays. Nous voulons parler
port romain, dans la ville de Pompéio- de la villedeMilet, une des places mari-
2* Livraison. (AstG Mineuse. T. U. 3
, ,,
L’UWIVERS.
Milet avait quatre ports , dont un seul de voir les eaux prendre une direction
pouvait contenir une flotte entière ; elle en sens inverse du cours du fleuve et
fut fondée onze cents ans avant J.-C., former des noeuds qu’il est impossible
et sous Alexandre elle jouissait encore de déterminer exactement parce qu’ils
de son pouvoir maritime. Mais Milet sont toujours variables. La nature du
était située à l’embouchure du Méandre, terrain, qui est composé d’un sable argi-
et ce petit fleuve, dont le sinueux par- leux, se prête à ces jeux de la nature,
cours est devenu proverbial, a sufli pour et comme le sol de la vallée du Méandre
anéantir complètement cette mère de est presque entièrement couvert de praj-
quatre-vingts colonies. Il jj a un fait re- ries , d’herbes fines , le -cours de la ri-
marquable, qui parait avoir été oublié : vière s’y dessine d’une manière saisis-
c’est que les sinuosités du Méandre sont sante qui a frappé tous ceux qui ont par-
essentiellement variables. Dans l’espace couru ces rives. Une autre ville, Priene,
de deux ou trois ans, la direction des située dans le voisinage du fleuve, et
eaux change plusieurs fois, et, sans enfin Iléraclée du Latmus, placée au
abandonner positivement la ligne géné- fond d’un golfe du même nom , partici-
rale de son parcours, le fleuve se prati- paient aux privilèges des villes mariti-
que à droite et à gauche d’innombrables mes. Le Méandre, en charriant des sa-
lacets qui finissent par former des lits bles, a peu à peu comblé le port de
nouveaux. Priène , celui de Milet, et a fermé l’en-
Toutefois Strabon(l) mentionne un trée du golfe de Latmus, de manière à
usage des Ioniens qui prouve que cette en former un lac qu’on appelle aujour-
observation avait déjà été faite par les d’hui Oufa-Baü. Milet est a plus de deux
riverains du fleuve. On raconte, dit-il lieues dans les terres, et une île, l’île de
qu’on intente des procès au Méandre Laile, assez éloignée jadis du continent,
toutes les fois qu’il change les limites a été englobée dans les atterrissements,
des champs en rongeant les angles de et ne se retrouve, plus aujourd’hui.
ses rives, et que en est convaincu,
s’il La ville maritime d'flphèse a eu le
on le condamne à des amendes qui sont même sort que Milet. Son port est au-
prises sur, les péages. jourd'hui comblé par les alluvions du
Le Méandre coule depuis la ville de Caystre.
Yéni-Cheher jusqu’à la mer, dans une Un autre fleuve de l’Asie Mineure
masse de terrain meuble dont la puis- l’Hermus, qui se jette dans le golfe de
sance n’est pas connue, mais qui dé- Smyrne , joue à l’égard de cette ville le
»asse de beaucoup la profondeur de son même rôle que le Méandre à l’égard de
Îit. Dans les grandes crues , quand le
Milet. Les masses énormes de limon
courant est devenu rapide , les eaux ra- u’d charrie ont formé une large bande
vinent peu à peu le rivage, qui , presque e terrain sur laquelle est assise la ville
partout, forme une falaise verticale. de Ménimen; mais, de plus, il forme
Dans les endroits où il y a un remous, à l’entrée du golfe de Smyrne un banc
la falaise ruinée peu à peu, s’écroule, et dont l’étendue augmente de jour en
le fleuve s’enfonce dans un coude qu’il jour, et , si des travaux de draguage ne
creuse incessamment. Ce mouvement sont pas exécutés dans un bref délai
des ondes va ensuite frapper la rive op- on peut prédire le moment assez rap-
posée qui est ravinée de la même ma- proché où les vaisseaux ne pourront
nière de sorte qtie les eaux se creusent plus aller mouiller à Smyrne. Bien plus,
,
ASIE MINEURE. 19
port de Cvzique qui pourrait s’ouvrir Toute la plaine qui forme le bassin
pour abriter une flotte. Suivons un inférieur des fleuves est basse et maré-
moment la même loi sur tout le littoral cageuse. Cette pointe sablonneuse et
sud de la Méditerranée ; nous trouvons le delta des Kizil Irmak forment les
partout des mouillages forains, excepté deux pointes extrêmes de la baie de
dans la baie d’Oran ; tandis que sur la Samsoun , sur le golfe d’Amisus,' à la-
côte nord, nous comptons la Spezzia, uelle les anciens donnaient une éten-
Gênes, Villefranche , Toulon, Mar- ue exagérée. Cest la partie la plus
seille et d'autres encore jusqu’à Gibral- saillante au nord et la plus accidèntée
tar. Ceci n’est certainement pas l’effet de toute la côte; un autre golfe plus
du hasard. large et non moins profond 'suit im-
I.a côte occidentale de l’Asie Mineure, médiatement celui d’Amisus; 'c’est la
étant fortement accentuée, présente en baie de Sinope dont la pointe ouest
même temps l’un et l’autre des deux très-saillante est formée par une pres-
phénomènes, c’est-à-dire des golfes qu’île rocheuse Bnuz tépe bouroun qui
larges et profonds comme ceux de engendre l’excellent mouillage de Si-
Smyrne, de Jassus et d'Halicarnasse, et uope ,
le seul port de toute la côte.
en même temps des golfes comblés A partir de Sinope jusqu’au mouillage
comme ceux de Latmos et de Cymé. d’Érégli , la côte s'infléchit au sud en
décrivant un arc de cercle. Le cap
2 ,
, ,
lonsivfiftâ.
20
est le point grands lacs africains ne peut agir avec
Kérembé autrefois Carambis Aumi
courbe ; ensuite autant de puissance sur la cote.
le plus saillanide cette
pointe d une vovous-nous de grands golfes , Je golfe
vient Amassera, située à la Mou-
Bender de Nicomédie, celui de Cius ou de
sinuosité du rivage, et enUn terres
une dania entrer profondémentdans les
Erégli, l’ancienne Héraclée, avec époques des pre-
et rester, comme aux
presqu’île peu saillante. vierges de tous les détritus
miers âges
La côte forme ensuite une courbure ,
et donnent passage à quelqnes ruis- ue par des tempêtes locales peu re-
seaux. Tout ce groupe de montagnes outables pour les navires.
est entièrement volcanique ; ce sont les Nous n^avons aucune donnée pour
laves en s’épanchant dans la mer qui établir jusqu’à quel point la physiono-
ont formé celte côte. mie delà côte nord du golfe de Smyrne
a pu changer depuis l’antiquité ; mais
les aliuvions de rHermus sont si abon-
CHAPITRE IX.
dantes qu’elles modifient presque à vne
d’œil les lignes de la côte en formant un
CÔTE OCODENTALE. delta qui s’avance incessamment vers
la côte opposée. Cette grande plaine où
L’autre corne du golfe d’Adramytte l’Hermus traîne ses ondes tranquilles
est loin de ressembler à la précédente. a dû à une période reculée être une an-
Un groupe d'iles que les Grecs appellent nexe du golfe de Smyrne ; et il fut un
MoscoNisi(lestles aux Veaux) découpent temps où le groupe accidenté de Pho-
les abords du continent comme une den- kia se présentait comme une lie; mais
telure au milieu de laquelle les barques cette forme des terres a dû précéder
comme les gros navires trouvent un de beaucoup tous les âges historiques.
abri. En continuant le périple au sud, La côte sud du golfe est aussi accentuée
le golfe de Tchanderli, autrefois de que celle du nord est plane. Le cap
Pitane. EtaUikos Kolpos, succède à Mêlas est composé de roches volcam-
celui d’Adramytte; c'était l’ancien port ues et de laves noires ; plus loin ce sont
de Pergame et ici la côte n’a pas changé es trachytes rougeâtres qui ont valu
de physionomie depuis l’antiquité. Il son nom a la ville d’Erythræ , la ville
n’en est pas de même des parages qui Rouge. En avançant dans le golfe on
suivent : tout ce qui fut autrefois le aperçoit deux pitons jumeaux d’une
golfe de Cymé toutes les terres sur les- formé régulière que les Turcs appellent
quelles s’élevaient les villes de Myr- Iki kardach (les oeux Frères) et qui sont
rbina Néonticbos etd’Ægé ont tellement bien connus des navirateurs français
changé de physionomie qu’il est im- sous le nom des Mamelles. Un certain
possible à l’observateur de suivre sur nombre de petites fies et notamment
,
a
;
reste comment le golfe de Bargylin est plus sûr de la côte. Il est vrai que cet
resté longtemps ignoré des rares na- avantage est balancé par un immense
vigateurs qui remontent le golle de inconvénient ; un seul navire mouillé à
Jassus ou Hassein ..alé si. Car ces l’entrée peut bloquer le port , et dans
parages sont à peu près déserts et ne ces dernières années la flotte ottomane,
sont Iréqueutés que par quelques bar- qui avait eu l’imprudence de se retirer à
ques du pays; l’entrée du golfe de Bar- Marmarice fut bloquée par un vaisseau
gylia, qui lui-même est une anttexe de de Mehemet-Ali qui gardait la pa,sse.
celui de Jassus, est masouée par une Après Marmarice s’ouvre le vaste et
grande île ; de sorte qu’elle n’est pas magnifique golfe de Macri, qui fut une
aperçue du large. C’est en nous diri- possession des chevaliers de Rhodes.
geant par terre d’Halicarnasse vers Un grand nombre d’îles en défendent
Jassus que nous retrouvâmes ce l’entrée contre les vents et la mer. Une
golfe. île longue , qu’on appelle encore aujour-
Le cap Krio, si célèbre dans l’anti- d’hui l'tle des Chevaliers, le sépare pour
quité sous le nom de Triopium pro- ainsi dire en deux bassins; celui qui
moutorium, forme la corne méridio- est le plus avancé dans les terres est
nale des terres du golfe de Cos (|ui l'ancien Glaucus Siuussurle bord du-
prend son nom del’ile voisine. De nom- quel était la ville de Teimissus. Ici
breuses baies s’ouvreul de part et d'au- nous retrouvons le phénomène ter-
tre, parmi lesquelles il laut compter restre des alluvions sous un aspect nou-
la baie deBoudroum ou d'Ilalicarnausse. veau, c’est-a-dire que non-seulement
Les terres du cap K-rio sont tellement la vallée qui s’étend à plusieurs ki-
échancrées que tout autour de l’isthme lométrés daiis les terres a été entière-
dorique les navires trouvent des abris ; ment comblée par les alluvions ; mais
il en est de même du golfe de Svmé.
1rs monuments antiques comme les
Aussi les anciens Cariens étaient-ils de tombeaux et les magasins qui étaient
liardis navigateurs et des pirates redou- Jadis au bord de la mer, sont aujour-
tiibles. d’hui baignés par les flots et enfoncés
à une certaine profondeur. Ce mouve-
ment ne peut être dû à un exhausse-
ment des eaux de la mer; car il se re-
A&teiYftNEORE. 193
trouverait marqué sur toute la côte , U parages de l’Oe Kakara l’ancieilne Do-
faut donc l’uttribuer à un abaissement lichiste. Cette lie longue et rocheuse
local du terrain Nous remarquerons plus est séparée du continent par un canal
à l'est le même pliéuomène, tandis qu’au qui ira pas un kilomètre de large; le
port de 'Wathi près d'Antiplieilus les continent lui-même est découpé en
monuments antitmes occupent encore une dentelure profonde qui engendre
près du rivage leur position primi- plusieurs petits ports, notamment le
tive. port Tristomo, dont le nom antique est
Toute la côte depuis Macri jusqu'à inconnu. Le canal de Kakava offre le
l’iie de Kastellorizo forme une suite plus beau mouillage du monde pour
non interrompue de saillies et de re- une flotte entière ; le fond est de roche
traites motivées par les contreforts ou et partout on atteint le fond par douze
acrotères du Taurus qui descendent ou quinze brasses. Les nombreuses
jusque dans la mer. Il faut noter dans constructions antiques s’élèvent tant sur
ce nombre la saillie appelée yèdi bou- rtle que sur le rivage et offrent, bien
roun par les Turcs, Uepta Kavi par les plus accusé, le singulier phénomène que
Grecs ou en français les Sept-Caps. On '
ASIE MINEURE. 35
parer les lies et les continents; mais fondeur d’environ 0°40', soit quinze
il n’en est pas moins vrai que toute lieues selon la direction nord-est. La
cette contrée gagne h vue d’œil sur la ville de Scanderoun est située sur la
mer, et les barres formées à l’embou- côte orientale, au sud d’une petite anse ;
chure des neuves engendrent ces étangs le mouillage est abrité des vents du
qui sont comblés à leur tour. large par les terres environnantes. C’est
Le Pyramus, après avoir charrié des au cap Kanzir que se termine le périple
monceaux de sable qui ont obstrué de l’Asie Mineure; tout le reste du lit-
son embouchure, a pris son cours plus toral appartient à la Syrie.
à l'est et s'est creusé un nouveau lit qui Ce rapide coup d’œil jeté sur les
s'ouvre près du cap Karatasch. Sur côtes de la presqu’île montre jusqu’à
toute cette côte les navires ne sauraient quel point le prolil de son littoral a été
.
trouver un mouillage, tant elle est hé- inodilié non-seulement par les grands
rissée (le bas-fonds sablonneux. phénomènes géologiques qui ont pré-
Nous devons dire aussi que le long cédé l’arrivée des premiers habitants
de cette côte, et notamment au mouil- mais encore par l’effet du travail des
lage de Mersyn, près de Tarsous, ce alluvions. Depuis les époques histo-
qui a contribué le plus à gâter le mouil- riques, plusieurs lacs, des golfes, ont
lage, c'est l’habitude séculaire des marins été comblés par les terres amoncelées
qui viennentsur lest pour faire des cbar- et sont devenus des terres habitables.
eements sur cette côte et qui jettent Un calcul a été fait duquel il résulte
leur lest dans la mer. En effet, des que l’Asie Mineure depuis l’époque de
,
sondages opérés par un marin fran- Strabon, s’est augmentée d’une surface
çais ont ramené des pierres travaillées, égale à la moitié d’un département de
jes bri(iues et une quantité de pro- la France. Il sera donc toujours im-
duits hétérogènes qui prouvent que le portant pour ceux qui voudront s’oc-
fond sur cette côte n'est rien moins que cuper de questions de géographie an-
naturel. L'ancien lit du Pyramus est en cienne de tenir compte de cés modi-
,
ASIE MINEÜRE. 37
même chatne. Pline (1) ne lui en tions anciennes qui ont beaucoup plus
donne pas moins de vin^ différents de précision. Ije nom même du Taurus
parmi lesquels les plus connus sont l’I* est aujourd’hui complètement oublié, et
maüs, le Paropamisus, le Pariadrès, chaque groupe porte un nom particu-
le Caucase. Strabon le divise en cinq lier.
groupes parmi lesquels il compte le
mont Zagros de Perse. Ammien Mar- CRAOCS.
celin et Paul Orose lui donnent cinq
noms qui diffèrent de ceux des autres .'//< dagh.
géographes. Ptolémée ne lui en donne
pas moins de vingt-deux dans l'étendue A l’ouest de la vallée du Xantbus s’é-
de son parcours et Pomponius Mêla lève le massif gigantesque de 1 Akdagh,
dit sagement que les Grecs avaient le Cragus, qui domine toute la Lycie
l’habitude d’appeler ces montagnes les et dont la hauteur atteint 8,000 mètres.
monts Cérauniens. Son sommet est presque toujours cou-
Depuis que la géographie de ces con- vert de neige et ses rameaux s'étendent
trées est mieux étudiée, on a reconnu dans une direction diagonale selon le
que cette longue suite de montagnes nord-ouest et le sud-est. Au nord il
n’appartenait pas à la même chatne; fait sa jonction avec le mont Cadinus
mais pour les anciens c’était toujours au inoven d'un plateau qui n’a pas
le Taurus, c’est-à dire le pays monta- moins de 600 mètres au-dessus du ni-
gneux par excellence , et sous ce rap- veau de la mer. Il se relie, à l’ouest,
port ils étaient dans le vrai. avec le mont Massicytus qui domine la
Pour le continent qui nous occupe, le baie de Telniissus ou de Macri , et ses
mont Taurus prend naissance dans la acrotères méridionaux forment les caps
province de Lycie au sud ouest de l’A- de Phinéca et de Chélidonia.
sie, c’est-à-dire dans le groupe deCragns Pour bien classer ce groupe lycien
ui domine, la baie de Telniissus, et qui, d’après l’ancienne géographie, nous
e nos jours, porte le nom de Akdagh éprouvons une certaine difficulté, pré-
(la montagne Blanche). Le mont Mas- cisément à cause des documents variés
sicytus s’élève à l’ouest de cette monta- que nous ont laissés les géographes.
gne et fait partie intégrante du groupe. Ainsi Strabon (1), Pline (2), Sénèque (S)
Des vallées presque inextricables se croi- n’hésitent pas à placer le mont Chi-
sent en tous sens dans ces hautes ré- mère dans le Cragus même et dans le
gions; la plus longue et la mieux dessi- mont Solyme, qui en est proche.
née est celle du fleuve Xanthus que les D'après la description de Strabon, il
habitants appellent Kodja tchaî, la mat- faudrait donner le nom de Cragus à
tresse riviere. On sait combien, dans tout le massif qui est à l’est du fleuve
ces régions, les nomenclatures géogra- Xanthus, et toutes les autres monta-
phiques données par les habitants sont gnes qu’il nomme ne seraient que des
arbitraires et incertaines ; les montagnes différentes régions du groupe principal.
changent de nom
presque dans chaque Toute la région qui est a l’ouest du
district: les fleuves dix fois dans leur olfe de Marri appartenait aux Rho-
parcours. Ce sont presque toujours des iens ; c’est la région appelée Peræa et
dénominations prises de la couleur des que &:ylax appelle le pays des Hho-
roches ou des eaux : la montagne blan- diens.
che rouge jaune ; aucun souvenir des
, I.a ville et le mont Dædala appar-
,
noms historiques n’est resté dans le tenaient aux Rhodiensf4); mais la mon-
pays ; et il n'est pas rare que les habi- tagne faisait partie de la Lycie, c’est-à-
tants d’un même village n’aient plu- dire qu’elle est regardée comme appar-
sieurs noms pour désigner la même tenant au Taurus.
montagne. Aussi serait-il à désirer que
les géographes européens conservas-
i) Slraboii ,
XIV, 665.
sent autant que possible les dénomina- Pline V, a-.
ï) ,
38 L'UNIVERS.
« le mont Dædala vient l’An-
Après nom. On l’appelle aujourd'hui Taktalu'
ti-Cragus, montagne coupée à pic, puis (montagne des planches), parce qu’il y
le mont Cragus avec ses huit cimes et a une scierie pour débiter les bois.
une ville de même nom. C'est dans ces La région nord, dont les cimes s’éche-
montagnes que la fable place la Chi- lonnent parallèlement à la mer, est le
mère, et l’on voit à peu de distance une mont Climax, qui descend jusqu’au ri-
vallée nommée Chimæra et dont l’ou- vage. Lorsque du port d’Adaba on est
verture commence dès le rivage de la témoin du coucher du soleil derrière
mer (I). » Cette description embrasse ces montagnes, le spectacle est des plus
donc toute la largeur de la Ljcie puis- majestueux. Chaque plan de montagne,
que nous sommes arrivés a la côte chaque sommet se dessine dans la va-
orientale. Strabon nomme en effet les ieur bleue , et l’on peut à loisir compter
fies chélidoniennes qui terminent cette fes échelons du mont Climax, qui se
côte; ce qui ne l’empêche pas de mettre présente comme un escalier gigan-
dans la même région le mont Olympus tesque pour atteindre les hauteurs de
ou Phœnicus, et tout à fait au même la Lycie. Voilà selon nous le groupe qui
endroit le mont Soiyma (2), près de doit porter les noms do Cragus et d’An-
Phasélis dont la position est bien con-
,
ti-Cragus. Ce dernier était ainsi nommé
nue, et toujours dans la même région le parce qu’il se présentait d’abord aux
mont Climax (échelle), qu’ Alexandre navigateurs qui venaient de l’ouest
franchit avecdifhculté,etdans ce nombre Si nous reprenons les définitions des
nous devons encore trouver place pour auteurs grecs et latins, nous trouverons
le mont Massicytus (3), avec une ville qu'elles sont toutes d’accord pour at-
du même nom. Pour faire concorder tribuer le Cragus à la Lyeie et non
cette topographie avec l’état du pays il la chaîne qui court plus vers l’est.
est clair que nous devons restreindre les Étienne de Byzance le désigne comme
différents groupes et les faire rentrer montagne de Lycie qui prit son nom
l’un dans l'autre. Aussi l’Anti-Cragus d’un fils de Tréniilus et de la nymphe
est la montagne qui s’élève à l’est du Praxidice. Il s’y trouvait des grottes
golfede Macri, et qui projette sept consacrées aux dieux champêtres. (Steph.
promontoires dans la mer; on donne )Byz. V. Cragus). Ovide(l)nomme ensem-
aujourd’hui à ce massif le nom turc ble le Cragus, les villes de Xanthus et
de Yedi bournuu. Ce groupe est li- de Lymira, qui en étaient voisines.
mité à l’est par la vallée du Xan- Pline (2) ne mentionne le Cragus que
tlms , Kodja tchaï. Le massif suivant comme un promontoire ; mais il le met
qui est limité à l’est par la courte et dans la Lycie près du mont Massycitus.
abrupte vallée de Phinéca, est le mont Une seule autorité a pu porter quel-
Massicytus, aujourd’hui Ak dagh. Il ues géographes à supposer que le nom
comprend un certain nombre de som- e Cragus était donne à quelque chaîne
mets notamment le Sousousdagh (mon- de la Cilicie ; c’est la mention faite par
tagne sans eau); ensuite vient la So- Ptolémée de la ville d’Aiitiochia ad
lyma mons appelé tantôt Almaludagh Cragiim qui appartenait à la Cilicie ; ce
du nom de la ville voisine, tantôt Ya- qui est confirmé parles médailles. Mais
lynizdagh (montagne solitaire). Strabon donne l’explication de cette
Le versant oriental du mont Soiyma difficulté (3) en mentionnant sur la côte
donne naissance à la vallée d’Alaghir de (iilicie un écueil qui avait aussi le
tchaï , qui forme la limite entre la côte nom de Cragus. « Puis Cragus. rocher
orientale et le dernier groupe ; enfin la (Petra) voisin delà mer, escarpé de tous
bande montagneuse comprise entre côtés. > On voit que ce n'est pas le nom
mer est divisée en deux
cette vallée et la d’une montagne. Selon Bochart le nom
iar le cap Avova. La région sud est de Cragus serait, comme celui de "Tau-
fe mont Olympus avee la ville du même rus, d’origine sémitique, et viendrait du
laisser passer les eaux de la rivière Dou- la province de Pisidie ; mais pour l’a-
den ; une des passes se trouve au sud nalyse géographique sommaire que
d’Aglasoun (Sagalassus); c’est l’ancienne nous faisons, nous sommes contraint
passe de Termessus qu’Alexandrea en- de nous en rapporter uniquement aux
levée avec peine. Le caraclère de ces noms anciens ; car les noms modernes
montagnes se présente de la même ma- ne sont que confusion.
nière dans tout le parcours de la côte. Dès que le Taurus a donné passage
Du côté du sud, ce sont de hautes cimes au fleuve Mêlas, il se rapproche de Ta
qui s’élèvent de quinze cents à deux mer et constitue pendant une longueur
mille mètres au-dessus de la mer. Vues de près de cent cinquante kilomètres
du côté du nord, ce ne sont plus que le rivage même de la mer, dans laquelle
des collines, tant le plateau intérieur il vient plonger en grandes falaises
conserve de hauteur, de huitàneuf cents abruptes. Il est impossible de joùir d’un
mètres. spectacle plus grandiose et plus saisis-
sant lorsqu’on navigue en rangeant les
CHAPITRE XII. terres de la Cilicie. Le point culminant
83 L*OmVERS.
aberrations que dans la branche paral- MONT AMANUS ET MONT HHOSUS
lèle à mer; mais la formation des
la BEILAN DAGH.
montagnes est des plus variées et très-
difficile à déflnir : ce n’est plus le cal- La chaîne de montagnes qui borne
caire alpin dont bien connu
l’âge est à l’est le golfe d’Alexandrette se com-
des géologues, c’est un mélange de pose du mont Rhosus et du mont
schistes d'argiles de diverses époques
,
Amanus, connu aujourd’hui sous le nom
et de roches qui ne sont pas encore de BeTlan dagh. Cette chaîne court
étudiées; mais nulle part on ne voit ap- dans la direction du sud au nord ; elle
paraître le granit ni les rochers à base forme avec le Taurus un angle aigu
de feldspath ; les terrains volcaniques dans lequel s’enfonce le golfe d^Alexan-
y sont très-peu étendus ; ce sont les drette.
schistes irisés et des roches d’un noir Le mont Rhosus occupe la partie
de jais qui au premier aspect ont méridionale de la chaîne. La hauteur ne
l’apparence de houille ; mais hélas on dépasse pas dix-huit cents mètres. Il se
est bien vite détrompé. L’Anti-Taurus termine au! sud par un grand promon-
après avoir formé comme une barrière toire qui est marqué sur les cartes sous
ue l’Euphrate franchit en écumant le nom de Raz el kanzyr ( le cap du
epuis la latitude de Malatia jusqu’à Cochon ) ; entre l’Amanus et le Rhosus,
celle (le Bir ou de Biradjik, l’Anti-Tau- il
y a une dépression qui donne accès
rus file sur la rive droite du fleuve dans l’intérieur ; la ville de Beïlan est
pour aller regagner les montagnes de située à l’entrée de ce défilé, qui était
l’Arménie. Alors il n'est plus de notre connu sous le nom du passage de l’A-
domaine. Nous pouvons donc résumer manus.
ainsi les diverses branches de cette chaîne du Rhosus s’étend jusqu'à
I-a
longue chaîne. la latitudede la ville de Skanderoun ; là
se trouve un autre passage qu’on ap-
chaIne du taubus. pelle aujourd’hui Beli Boghaz.
Ce mot Beli, qui se trouve assez
I" Croupe Cragus, comprenant :
fréquemment dans les noms de lieux ,
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ASIE MINEURE. 3S
Cette presqu’île rocheuse est entourée dans une plaine très-fertile ; elle est do-
>ar une grande plaine d’alluvion sur minée par une montagne où il y a une
faquelle s’élèvent trois Ilots de roche. carrière de fort beau marbre blanc. »
Il est clair qu’à une certaine époque Les montagnes qui dominent Qali-
toute cette plaine faisait partie du carnasse s’abaissent dans la mer eu
golfe et que les alluyions apportées par formant plusieurs caps, parmi lesquels il
deux petites rivières ont comblé la partie faut remarquer le cap Triopæum où
haute. était située Cnide. Ici la roche est com-
Une autre singularité à signaler, c’est posée d’un poudingue calcaire dans un
l’entréedu golfe même, qui est barrée ciment sablonneux ro^eâtre, qui n’est
par une grande lie, et a puche les propre à aucun emploi.
montagnes viennent se profiler de ma- On pourrait considérer ce pays mon-
nière a cacher complètement l’entrée tagneux comme un des contreforts sep-
du canal. A droite, c’est-à-dire à l’est, il tentrionaux du Taurus <mi se rattache
semble qu’ily a une passe ouverte dans au mont Cadmus, le Baoa dagh d’au-
laquelle le navire u’a qu'à se lancer ; jourd’hui, qui s’élève à 1,850 mètres au-
mais c’est là qu’est le danger pour ceux dessus du niveau de la mer. Cette mon-
qui ignorent ces lieux; car une barre tagne, composée de calcaire, tantôt
de sable ferme tout à fait ce passage. compacte, tantôt marneux, pourrait ap-
Il faut donc pour entrer dans la baie de partenir aux terrains de l’âge de la craie
Marmarice louvoyer entre la grande et du calcaire compacte qui compose le
île et l’ilot (1) et toujours ranger la côte Taurus et la plupart des lies de l’archi-
ouest. La constitution géologique de ces pel. Ses ramifications s’étendent vers le
montagnes parait d’une époque anté- sud, où nous avons franchi un col au sud
rieure a celle du mont Taurus. On y delà villede Deniziy quiest à 1377 m..
reconnaît des marbres sacdiaroïdes de de hauteur absolue.
différentes couleurs, des serpentines en Le versant norddu Baba dagh donne
couches assez puissantes et des roches naissance au Lycus et nous transporte
calcaires avec (les pénétrations d'autres dans les plaines du Méandre. Mais
roches siliceuses dont nous ne saurions nous avons encore à étudier deux i-haiues
déterminer l’âge. qui forment le flanc méridional de cette
Le revers septentrional du mont vallée, le mont Latmus et le mont
Phœnix se rattache aux montagnes de Grius (2).
la Carie, qui ne constituent pas de
chaînes très-élevées, mais qui forment (i) XIV, 658.
(») Slr»b., xrv, 835.
0} Voir la carte.
,
ASIE MINEURE. 3â
tagne des Cinq-Doigts. C’est une des plus Le Messogis du côté de l’est offre une
élevées de la enatne ; mais si l’on en juge assez faible élévation, parce que la val-
par la fonte rapide des neiges au prin- lée du Méandre s’élève insensiblement
temps, son altitude ne doit pas dépasser jusqu’au plateau de la Phrygie.
quinze cents mètres. La plus importante des villes qui oc-
De l’autre côté du lac court une
chaîne d’un ordre secondaire et qui for- (i) StraboQ, XIV, 035.
8.
36 L’UNIVERS.
cupeat les pentes est Tralles, aujour- le Lethæus, qui coulait à Magnésie, et
d'hui Aïdin qui est à l’entrée d’une val- l’Eudon, qui coulait à Tralles.
lée profonde, coupant la montagne dans Une branche occidentale du mont
la direction du nord au sud. Ensuite Messogis se détache dans la direction
vient la ré.gioa fertile qu’on appelle le du nord et donne naissance à la chaîne
marché aux hgues, Nosly bazar. C’est du montPactyas, qui contieutles chaînes
cette province qui fournit les ligues con- secondaires, le mont Prion et le mont
nues sous le nom de figues de Smyrne. La Thorax (1).
beauté du pays a bien sa contre-partie Le mont Pactyas est la chaîne que
dans les affreux tremblements de terre l’on franchit pour aller de Smyrne à
^ui ont ravagé la contrée à différentes Éphèse ; c’est sur le versant nord de cette
époques. Pourtant dans ces régions on montagne que l’on trouve les ruines de
n’observe aucune trace de terrains vol- Métropolis.
caniques. Le mont Messogis vient s’a-
mortir à la côte en formant une mon- MONT PBION.
tagne élevée et arrondie; c’est le mont
Mycale, si célèbre dans l’antiquité. On La chaîne du mont Prion court pa-
l'appelle aujourd'hui Samsoun dagh; rallèlement au mont Paetps et forme
q’est aussi le nom du reste de la chaîne la côte méridionale de l’ancien golfe
qui descend jusqu’au Méandre. d’Éphèse, aujourd'hui comblé. Les crê-
tes dénudées et rocheuses de cette
UONT HYCALB. montagne qui se détachent sur le ciel en
rofondes dentelures qui lui donnent
Le mont Mycale se présente du côté f apparence d’une scie, r-pitnt en grec.
de la mer comme un cône régulier à Pausanias (3) lui donne le nom de mont
sommet tronqué. Ses ramifications des- Pion, ainsi nommé, dit-il, à cause de la
cendent du coté du nord et forment le fertilité de son sol, du mot grec r.iuiv,
mouillage de Scala Nova et les ondu- gras, fertile. Mais tous ceux qui ont vu
lations montagneuses qui entourent le cette montagne conviendront que la
détroit de Samos. Strabon (1) décrit eu dénomination de Strabon lui est bien
ces termes le mont Mycale « Après l’em-
: plus applicable, car ses sommets se pré-
bouchure du Méandre vient le rivage sentent aux yeux comme une falaise dé-
au-dessus duquel sont la ville de Prièue chirée. Nous devons ajouter cependant
et le mont Mvcale. Cette montagne, qui que Pline donne également le nom de
est couverte de bois et abondante en gi- Pion à la montagne sur laquelle Êphèse
bier, s’incline versl’tle deSamos,et forme étaitbâtie,« attoUitur monte Pione{3).^
au delà du cap Trogilium un détroit Le revers méridional du mont Prion,
d’environ sept stades (1,308 mètres). » composé de nombreuses vallées bien
Cette distance est trop petite; mais le arrosées, va se rattacher au mont Tho-
restedela description peutencores’appli- rax, qui domine la vallée du fleuve L»-
querau mont Samsoun. Le mont Mes- thæus où était àituée Magnésie du
sogis, selon le géographe Théopompe (2), Méandre. Le mont Thorax se présente
s'étend depuis Celænæ jusqu’à Mycale; du côté du sud comme un cône arrondi
en sorte que cette montagne celle qui
, à son sommet. Ses flancs renferment de
avoisine Celænæ et Apamée, est habitée belles carrières de marbre qui ont servi
par les Phrygiens , une autre partie par à bâtir la ville de Magnésie et plusieurs
des Mysi et des Lydiens, le reste par monuments d’Éphèse. La position des
des Cariens et des Ioniens. monts Pactyas et Thorax est fixée par
Le revers nord est plus abrupte et Strabon de la manière suivante. « Le
(4)
plus accidenté que le versant sud. 11 premier lieu que l’on rencontre en
est sillonné par des vallées plus pro- sortant d’Éphèse est Magnésie sur le
fondes, qui donnent naissance à de pe-
tites rivières autrefois célèbres, comme (i)Slrab., XIV, 633.
(a) L 7, cil. V.
(i) XIV, m>. (3) Liv. V. cil. ay.
Sliab., XIII, () XIV, 646.
ASIE MINEURE. 37
Méandre; on l'appelleainsi parce qu’elle table; mais c’est de ses flancs nord que
est située près de ce fleuve ;
mais elle est sort le Pactole, qui déjà du temps des
encore plus près du Lethæus ,
qui vient Romains avait perdu de sou antique re-
du moût Pactyas des Ëphésiens. Ma- nommée. Nous nous étendrons dans la
gnésie est située dans une plaine au partie historique sur les recherches que
pied du mont Thorax, où fut cruciGé le nous avons faites sur le régime de ce
grammairien Daphylas. » fleuve. Un petit lac, situé presque au som-
Le revers septentrional de la mon- met de la montagne, en forme la source
tagne n’offre pas un caractère aussi et rochers de gneiss et de mica-
les
tranché; il s’abaisse rapidement vers la schiste fournissent encore aujourd’hui
grande vallée transversale où coule le à ses ondes les parcelles de mica qui
Caystre. donnent au sable cet aspect brillant.
Le mont Tmolus est à nos yeux le
CHAPITRE XIV.
MONT TMOLUS.
Le mont Tmolus est la chaîne qui
K
premier noyau , l’ossature de toute
c est cette chaîne qui, d’après
’
île ;
forme le revers septentrional de la val- du Taurus était encore englouti dans les
lée du Caystre. 11 se rattache, à l’o- abîmes terrestres. Le Tmolus est en ef-
rient, au mont Messogis par des ondu- fet composé de granit et de roches pri-
lations, qui se prolongent jusqu’au mont mordiales; c’est une rareté en Asie Mi-
Cadinus; de sorte que cette montagne neure que nous ne retrouverons guères
forme comme le nœud où se réunissent qu’à l’Ma et à l’Olympe. L'aspect de la
plusieurs chaînes ; c'est peut-être à cause montagne offre tout le cachet, séduisant
de cela que les Turcs lui ont donné le pour le peintre, des contours accidentés
nom de Baba dagh (le Père des monta- que présentent les rochers granitiques..
gnes). Peut-être dans quelques-unes de ses ra-
Le mont Tmolus était célèbre dans mifications pourrait-on signaler quelques
l’antiquité par ses excellents vignobles, lambenux calcaires; mais nous n'en
dont il ne reste plus aujourd'hui que de avons pas rencontré. Dans les redons de
faibles traces dans les villes de Baindir. la villede Tapoë, l’ancienne Ilypoepa,
et de TapÔe (1). Strabon le dépeint le granit passe tout à fait au schiste
comme étant couvert de forêts (2) dont micacé. Le versant nord commande la
il ne reste plus que le souvenir. On plaine de Sardes, où coule le fleuve Ber-
voit encore sur les flancs de ses val- mus. Tous les contreforts de ce côté
lées des restes de forêts de chênes qui sont composés d’agglomérats de cailloux
ont été incendiées et dont les troncs roulés, de fragments de gneiss et de
charbonnés restent comme les tristes té- sable; c’est à un de ces contreforts
moins du passé. Le mont Tmolus est qu'appartient le massif sur lequel s’é-
appelé aujourd'hui Bouz dagh (monta- levait la citadelle de Sardes. Le Tmo-
gne de la Neige), parce que c'est sur ses lus ou Bouz dagh commence à se dé-
sommets que la ville de Smyrne et les irimer en s’approchant de la mer et
villages environnants viennent s’appro- faisse entre lui et le mont Pagus une
visionner de neige. Il s’étend de l’est à large vallée qui conduit dans la vallée
l’ouest dans une longueur de cent vingt du Caystre. Au nord, le long de la chaîne,
kilomètres environ. Aussi la phrase s’étend la vallée de Bournabat, à l’entrée
que les traducteurs français prêtent à de laquelle est située la ville de Smyrne.
Strabon (3) « Le mont Tmolus est
: Nous devons mentionner aussi un pays
assez ramassé », ne nous paraît pas montagneux qui forme la barrière nord
exacte. Le Tmolus du côté du sud ne de la vallée de Bournabat. Cette chaîne,
donne naissance à aucune rivière no- dont l’altitude atteint à peine la hau-
teur de quinze cents mètres, appartient
(i) Pline, liv. V, cIk ag. en entier au système crétacé c’est dans ;
néens ont dans leur pays le fleuve Mê- montagne Rouge). Au sud sont les mon-
lés dont les eaux sont excellentes; près tagnes de Téos, de Claros et de Colo-
de sa source est une grotte où Homère, phon en calcaire gris qui approche du
dit-on, composait ses poèmes. • I-es marbre, et au nord la vallée de Bour-
grottes que l’on montre aujourd’hui ne nabat.
sont pas à la source du fleuve, cesontdes
excavations peu profondes dans la ro-
che calcaire, et qui n’ont rien de remar-
CHAPITRE XV.
quable. Le versant oriental de ce rameau
(lu Tmolus est couvert d’une forêt assez MONT MIMAS.
touffue dans laquelle est le célèbre ro-
cher où se trouve gravé le portrait de Le groupe qui forme la rive méri-
Sésostris. La jolie ville de Nymphi , cé- dionale du golfe de Smyrne est re-
lèbre par ses plants de cerisiers, est si- marquable par deux montagnes coni-
tuée au pied de cette montagne. Ces ques, égales de forme et de dimension
différentes chaînes nous ont conduit que les navigateurs fram^ais appellent
jusqu'au bord de la mer au golfe de les deux Mamelles et les Turcs Iki Kar-
Smyme. Nous avons à examiner lesgrou- dach {les Deux Frères). Au pied de
pes montagneux qui l’entourent et qui ces montagnes sont situées les sources
ont servi d’asile aux premières colonies chaudes mentionnées par Strabon (1)
ioniennes qui vinrent s’établir en Asie. et par Pausanias (2). Les Clazomé-
<<
L’étude de ces montagnes offrirait niens, dit-il, ont une source chaude où
un puissant intérét'au géologue, attendu ils rendent une espèce de culte à Aga-
trouver des formations de tous les âges, Les ruines de Clazomènes sont en
depuis les granits jusqu’aux roches vol- effet situées dans le voisinage. Pausa-
caniques du terrain tertiaire. La forme nias donne le nom de Marna au pro-
de ces montagnes se présente sous des montoire voisin de Téos; ce serait alors
traits grandioses et saisissants, qui se la pointe du port de Sighadjik.
gravent facilement dans la mémoire du Pline (3) attribue au mont Mimas
navigateur. foute l’étendue de cette presqu’île et
Nous suivrons pour notre étude la lui donné deux cent cinquante mille pas
ligne de la chaîne (lu Tmolus. La mon- d’étendue. Il ne mentionne pas les Ma-
tagne qui domine la ville de Smyrne est melles, qui sont cependant fort remar-
le mont Pagus près duquel Alexandre quables.
est censé avoir eu une vision (2). Pli- A l'ouest de ces montagnes il y a
ne (3) lui donne le nom de Martusie. entre les golfes de Smyrne et de Téos
Dans cette même contrée on trouve le ou de Sighadjik un abaissement de
mont Martusie adossé à Smyrne { a tergo terrain qui avait donné à Alexandre
Smyrnæ), et dont les racines vont join- le Grand la velléité de faire couper
dre celles du mont Olympe. Tout cela l’isthme, dont la longueur est de sept
n’est pas très-exact; car entre les mon- milles romains (4). 11 voujait ainsi faire
tagnes de Smyrne et l’Olympe, il y a de une île de presqu’île d’Érythrée et du
la
grandes vallées sans compter celle du mont Mimas. Mais ce projet n’a pas
Mélés dont l’auteur vient de parler dans même eu de commencement ; du moins
le même chapitre. Le mont Pagus ou il n’en reste aucune trace. 11 s’est con-
Martusie est presque conique; il est en-
A SJlî' MINEURE. 3»
jours, et l’on doit savoir gré à M. Tchi- comme point de comparaison avec l’é-
tat moderne,tel que l'on peut l’ob-
hatchef de l’avoir si bien décrite, au
prix de beaucoup de fatigues (3). server aujourd’hui.
Nous commencerons par les extraits
de Strabon, qui a puisé dans les écrits
(i) Él. r>y/. V. Oargaru. de Démétrius de Scepsis, et qui s’attache
(î) Jsic Mineure , I. l, |i. 4^*^-
plus particulièrement aux détails topo-
graphiques.
La meilleure idée topographique de
''
eû D; ogle
,
ASIE MINEURE. 41
ce qu’on appelle vérilablementla Troade plaine, à la même distance oue \' Ilium
doit être prise de la position de l’Ida. recens, située entre ceS extrémités, tau-
Cette haute montagne se dirige vers le dis que l’ancienne Ilium était placée
couchant et la mer occidentale, en se au lieu où commencent ces bras. Ce
repliant aussi un peu vers le nord et demi-cercle renferme la plaine simo-
vers la côte septentrionale qui est celle sienne, que traverse le Simoïs et la
de la Propontiue, depuis le détroit d’A- plaine scamandrienne, où coule le Sca-
bydos jusqu'à l’Æsepus et à la Cyzi- mandre. Ces deux plaines sont séparées
cene. l’une de l’autre par un long col qui, s’é-
L’Ida a plusieurs extrémités qui s’a- tendant en ligne droite depuis l'ilium
vancent en forme de pieds qui lui actuelle, adossée à ce même col, jusqu’à
donnent la figure d'un scolopendre ; les la Cébrénie , forme avec les deux bras
deux dernières sont du côté du septen- ci-dessus décrits la figure de la let-
trion, les hauteurs près deZéléia, et tre e(i>.
du côté du midi le cap Lectum. f.es T.e mont Ida a été qualifié par Ho-
premières se terminent dans les terres mère de montagne abondante en sour-
un peu au-dessus de la Cyzicène, à la- ces à cause de la quantité de fleuves
ueile Zéléia même appartient aujour- qui en sortent.
’hui ; mais le cap I.ectum s'avance Une colline dépendante du mont Ida
jusqu’à celte partiedela mer Égée qu’on et nommée Cotylus, est à environ 120
traverse pour aller de 'fénédos à Les- stades au-dessus de Scepsis; de cette
bos. Il parle (Hamère) ici fort à propos colline sortent leScamandre, le Graiii-
du Lectum en le considérant comme que et l’Æ.sepus (I).
une portion de l’Ida et comme le pre- Étienne de Byzance cite en ces ter-
mier lieu où l’on arrive de la mer pour mes le mont et la ville de Gargara :
ties du mont Ida voisines de la Cénré- met chauve et dénudé de l’Ida portait
n ie se détachent deux bras qui s’avancent le nom de Phalacræ. Ce mot, dit-il,
vers la mer,
dans la direction de
l’un désigne le sommet de l’Ida, ne produi-
Rhœtium, l’autre dans celle de Sigeum, sant aucune plante à cause de la neige et
et forment comme un demi-cercle dont de la glace, mais qui est tout à fait dé-
les extrémités se terminent dans la pouillé. Toutes les montagnes privées
>
'..-C-Oglc
42 L’UNIVERS.
de végétation portent le nom de Plia- sur la côte dans une longueur de dix ou
lacræ. Selon Diodore de Sicile, la mon- douze kilomètres. C’est sur le penchant
tagne de l’Ida tire son nom d’Ida, fille de ces pitons qu’est située l’ancienne
de Melissée, roi de Crète ; c’est la plus ville d’Assos. Toute la montagne est for-
haute de celles qui dominent l’Helles- mée de trachytes rouges très-durs et
pont; on y remarque, au milieu, un an- qui ont presque l’apparence du por-
tre où l’on dit que les trois déesses fu- phyre. C’est de ces carrières inépuisables
rent jugées par Pâris. On prétend — que les Grecs ont tiré les matériaux des
aussi oue ce fut dans l’Ida que les dac- monuments d’Assos; la solidité de cette
tyles iaéens étaient établis, et que, ins- roche est à toute épreuve ; mais le ton,
truits par la mère des dieux ils furent ,
d’un violet foncé, est triste à la vue, et
les premiers à travailler le fer; enOn on sa dureté, jointe à sa nature cristalline,
observe dans cette, montagne un phé- empêche de donner à la pierre aucun
nomène qui lui est propre. Ici Diodore poli. On remarque autour de la ville de
décrit un phénomène d’optique causé très-grands amas de scories de fer ; d’où
par le lever du soleil, et qui de nos jours viennent ces scories? ce n’est certaine-
peut encore, être observé dans ces splen- ment pas la pauvre population du vil-
dides matinées caniculaires, quand les lage de Beyram qui a jamais exploité
brumes de la montagne se dorent des des mines. Il est plus probable que ce
rayons du soleil naissant(l). Pomponius sont lus vestiges des exploitations anti-
Mêla rapporte les mêmes phénomènes ques commencées par les Léièges et
en les exagérant (2). contiuuées par les Grecs. Les scories
Nous pouvons maintenant parcou- sont très-riches en fer, et forment des
rir cette longue chaîne recherchant à rognons agglomérés épars sur le sol.
identifier lesnoms modernes avec les I.a formation volcanique s’appuie
noms anciens. L’extrémité de la chaîne à l'est et au nord sur le terrain grani-
de l’Ida vient s’amortir dans la mer tique, Derrière ce premier étage de la
au cap Baba, qui est l’ancien promoii- montagne s'élève la belle chaîne du
toriiim Lectmn. On peut mouiller Garsara, jadis séjour des dieux, appelée
sous les terres du cap, abrité par une aujourd’hui Kaz dagh (la montagne de
jetée qui s’avance d’une vingtaine de l’Oie ). Les Turcs sont très-portés à dé-
mètres dans la mer; elle est formée poétiser les noms.
de grosses pierres accumulées sans Le Gargara se rattache à une autre
beaucoup d’art et ne peut défendre les chaîne orientale dont les sommets for-
navires contre les vents de l’ouest. ment un demi-cercle, et la courbure de
r.e petit village de Baba se présente à cette chaîne est tournée vers l’ouest,
mi-côte; on y remarque un pauvre ca- c’est-à-dire vers la plaine de Troie. Les
ravansérail et une petite mosquée, et contreforts de cë grand cirque de mon-
un petit fort est bâti sur une pointe tagnes s’abaissent insensiblement vers
qui s'avance dans la mer. Les monta- la plaine, et tout ce relief topographique
gnes qui forment le cap Baba sont dé- rappelle assez bien la forme que nous
nudées à leur sommet et se présen- avons représentée plus haut. Les ma-
tent sous des contours très-accentués; gnifiques forêts de chênes qui couvrent
la roche nue de couleur jaunôtre sort le flanc de ces montagnes et qui don-
de terre en forme de pic ;
la partie nent naissance à ces minces ruisseaux
moyenne est couverte de quehiues jadis si renommés font de ces vallées
broussailles. Ce cap forme la corne sep- un séjour plein de charmes pour le
tentrionale du golfe d’ Ad ramytte. foute voyageur qui attache quelque prix aux
la côte court dans une direction est et souvenirs de l’antiquité.
ouest. La seconde chaîne que nous avons
Les terrains calcaires que l’on ob- mentionnée, et qui se rattache au Gar-
serve au cap Baba font bientôt place gara , était le mont Cotylus, qui encla-
aux terrains volcaniques qui s’étendent vait la plaine de Cébrenie; c’est dans
ces vallées qu’étaient situées les villes
(r) Diodore, XVII Ç. de Scamandrie et de Scepsis et les mi-
(a)Liv. I, r. iS. nes d’argent qui étaient exploitées dans
ASIE MINEURE. 43
ogle
,
44 L’UNIVERS.
au fleuve Saiigarius aujourd’hui Sak- chait à la hauteur de Trébizonde avec
karia l’un des plus longs de l’Asie Mi- les monts Thechès. Ce que nous pour-
neure et dont le volume d'eau paraît rons en dire trouvera mieux sa place
avoir singulièrement diminué si l’on ,
dans la description des provinces qu’ds
s’en rapporte aux descriptions des his- traversent.
toriens (I).
Les ondulations de terrain qui se CHAÎ.NES DU CENTRE.
manifestent entre ces montagnes et la
mer sont bien déOnies par les Turcs, qui Si l'on voulait établir une théorie des
ne leur donnent pas le nom de dagh, montagnes du centre comme les anciens
montagne, mais celui de tépé, butte. géographes l’ont fait du mont Taurus
Toute la côte sud du Bosphore de Thrace on pourrait dire que l’Olympe de Mysie
est généralement basse et peu ondulée: joue au nord le même rôle que le mont
il n’y a que la montagne ihi Géant Cragus de Lycie au sud; c’est-à-dire
(temple de Jupiter Urius), qui s’élève en qu’il forme comme la souche de toutes
face du golfe de Buyukdéré et qui les chaînes qui sillonnent la partie cen-
présente une masse assez importante; trale de la presqu’île.
mais il faut penser que sa base baigne A l’ouest il .se rattache au mont Ida
dans les eaux de la mer. Son revers par une suite de soulèvements continus.
méridional est déjà beaucoup moins Il se dirige au sud par le Tuuinandji
ASIE MINEURE. 45
plupart des petits fleuves de la côte sud mais toutes les montagnes qui viennent
se composent d'une manière analogue. s’appuyer sur ses flancs appartiennent
On peut dire qu'il n’y a que le Méaiidre au système caîcaire et à l’argile. Aussi
et le Cayslre qui coulent régulière- la contrée située entre Brou.ssa et Ku-
ment dans leurs vallées respectives en tayah se présente-t-elle sous des traits
longeant tranquillement les montagnes uniformes et monotones, l^a ville même
qui dirigent leurs cours. Ainsi le pas- de Kutayah est dominée par une mon-
sage d’un fleuve du continent à la mer tagne crayeuse. Toute la plaine envi-
n’est-il pas le moins du monde l’indica- ronnante est dépourvue de végétation.
tion d’une vallée supérieure. Il suffit Le Mourad dagh offre un tableau tout
de jeter les yeux sur la carte d’Asie pour différent. Ses pics, hardiment découpés,
voir combien le cours des rivières est se dessinent sur l'horizon. De vastes
tourmenté et par conséquent combien forêts et des vallées profondes offrent
le relief du terrain est diflicile à peindre aux nombreuses populations nomades
d’une manière intelligible. La chaîne des retraites d’été appelées yaéta aussi
ou plutôt le massif de l’Olympe niysien fraîches que salubres. Le Mourad dagh,
s’élève rapidement a peu de distance vu des hauteurs de Kédiz grand ,
de la mer de Marmara, et c’est du côté yaéla qui est situé à 1,100 mètres au-
du nord qu’il présenté le plus imposant dessus de la mer, se dessine comme une
aspect. L'histoire de l’Olympe est tel- chaîne courant de l’est a l’ouest. Mais
lement liée à celle de la ville ue Broussa du côté du sud ses contreforts des-
que ce serait rompre l’unité du tableau cendent en suivant le cours de l’Her-
que de les séparer l’une de l’autre. mus presque jusque dans les parages
Nous nous contenterons ici de grouper de Koula De nombreuses villes de la
les chaînes qui se rattachent au massif Phrvgie Épictète se cachent dans les
de l’Olympe et qui contribuentà former replis du terrain et sont aujourd’hui
,
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,
LIVRE II.
LA BITHYNIE.
(
3 ) Apollod. Bibl., liv. I, ch. TIII,
§ 20. tur., liv. V, ch. XXX; Apollonius de Rhod.,
(4 )
Scboliasla Pariseitsia ad Apollon. Rho- Argon., liv. II, ch. II. p. 118. Schœfer.
dienseni. Argon., liv. II, ch. II, p. 118, (4 )
Sirabon. liv. XIU, p. 586 ; Hérod.,
Scbasfer. liv. I, ch. CXLVI.
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,
48 L’UNIVERS.
niens et les Ioniens; ceux-ci se fixèrent brement , ne fait mention ni des Bithy-
dans la région occidentale de l’Asie niens, ni des Thyniens, dont la puis-
Mineure, et les Dryopes vinrent dans la sance s'est accrue dans la contrée au
Bébrycie et s’établirent sur les rives de point d'absorber tous les autres peu-
la Propontide. Quant aux limites des ples. Hérodote affirme que les Bithy-
territoires occupés par ces différentes niens sont Thraces d’origine; qu’ils
peuplades, il serait superflu de vouloir sont venus des bords du fleuve Stry-
les déterminer d’une manière positive moii , qu’ils ont été chassés de leur pays
car Strabon remarquait qu’elles ont par les Teucriens et les Mysiens, et que
subi tant de variations, et que la Bitby- ces derniers envoyèrent eux-mémes une
nie a été occupée par des peuples si dif- colonie en Asie (1).
férents, que les géographes déjà renon- Cette invasion des peuples de la fa-
çaient à l’éclaircissement de cette ques- mille thrace dure pendant plusieurs
tion si difficile. siècles. Les Phrygiens paraissent avoir
Après la mort d’Amycus roi des Bé- ,
été les premiers, puisqu'ils ont pénétré
bryces, tué par Pollux (I), les Argo- plus avant dans l’intérieur du pays.
nautes bâtirent un temple en l'honneur C’est en transportant le nom delà mète
du dieu qui leur avait donné la vic- patrie dans la nouvelle contrée qu’ils
toire (2). De leur côté, les Bébryces venaient occuper, que les différentes
élevèrent à la mémoire d’Amycus un familles de colons ont jeté une grande
temple qui n’était éloigné que de cinq confusion dans la géographie de ces
stades du Nympliéon de Cbalcédoine. contrées. Ou trouve des Phrygiens, des
Un laurier d’une grandeur extraordi- Mysiens, des Bithyniens, des Thyniens
naire avait crû prcs de ce temple. 11 et des Tliraces en Europe et en’ Asie.
avait la vertu de rendre invincibles au Le scoliaste d’Apollonius de Rhodes
jeu du cestc ceux qui avaient mâché dit : 11 faut observer qu’il y a deux Bi-
() Théop., p. 3ia, cd. MUIIer. (5) Kuvtalhe, Oilyss., liv. III, ». 366.
(7
Bibliolh. d'Apollod., liv. I, ch. VIII, 6 ) HéVodole, liv. I, ch. Cltl.
(
§^3. { 7) Hérodote, li». I, ch. CVI.
50 L'UNIVERS.
(lurent, chassés à leur tour par les Mè- Nous croyons que ces documents sur
(les , laisser quelques tribus vagabondes les ancieiis peuples qui ont occupé la
au milieu des montagnes de la Paphla- Bitbynie sont les seuls qu’on doive re-
gonie ctdu Pont, c’est-à-dire des monts garder comme positifs. Strabon lui-
Pnryadres et Orminius (1). Cette suppo- même a éprouve tant de difficulté à
sition est couürmée par Strabon .« Quant bien faire eoiinaitre leur origine, qu'il
aux Caucones, dit-il , qui, selon quel- termine sa description en disant Telle :
ques auteurs , occupaient la côte à l’est était donc la disposition de ces lieux et
(les Mariaudynieus jusqu'au fleuve Par- de ces peuples. Elle ne ressemblait
thénius , et qui possédaient la ville de guère à celle que l'on voit aujourd'hui.
Tieiuni , les uns leur donnent une ori- Il faut cliercher cette différence dans
gine Scythe, les autres les regardent les diverses révolutions qui ont tantôt
comme une peuplade sortie de la Ma- séparé, tantôt confondu les peuples,
cédoine, d’autres encore comme des suivant la volonté des maîtres, qui n'ont
Pélasges. On prétend aussi qu'ils avaient pas toujours été les mêmes ; car, après
lenr demeure dans le pays qui s'étend la prise de Troie , ces pays passèrent
depuis Héraclée et les Manandyniens successivement sous la domination des
jusqu’aux Leucosyriens que nous nom- Phrygiens , des Mysiens , des Lydiens
mons Cappadociens. On trouve le peu- des Éoliens, des Ioniens , des Perses et
ple des Caucones aux environs (^e des Macédoniens et en dernier lieu
,
sont confondus avec les Bithyniens (2). dix mille arriva à Chrysopolis (3).
Ces défaites successives n’affaiblirent
(1) Ptolémée, Géog., V. cependant pas le courage des Bitliy-
(2) Apollodore oous apprend que du niens , qui tentèrent constamment de
temps d'Ântycus, roi des Bebnces la My-
, s’affranchir de la domination des Per-
sic était gouvernée |»r Lycus, uls de Dascy- ses, et malgré les embarras continuels
lii.s
,
qui fut secouru par Hercule coulro que le satrape Phaniabaze leur suscita
Auiyciis. Dans celle guerre, Hercule tua
Mygdon, frère d'Amycus et roi d’une por-
tion de la Bébrycie qui reçut de lui le nom
,
(i) Héiodole, liv. I, ch. CXXVUI.
de Mygdouie. (Bîbl, AtioU., Uv. II, cb. V, (a) Diodorc, liv. I,ch. LXXXII.
s V-) XcDupb., Hut., liv. lU, cb. O.
,
ASIE MINEURE. 51
lui prêtant secours, de .se débarrasser épousa une femme nommée Étazéta,
d’une amitié onéreuse. En ouvrant les qui traita les enfants du premier lit avec
portes de l’Asie à une poignée d’hom-
mes qui arrivaient pour fonder un em- (i)Slrab.,liv. xir, ch. IV.
pire ,
Nicomède fit preuve d’une poli- (î) Memnon apmi Pholium
, , p. 720.
tique sage. D^à les émissaires des Gau- (3) 281 à 240 .-iv.
lois avaient fait une descente sur les (4) Meiiiiioii, apiid Phol.. p. 724.
ASIE MINEURE. 53
cès ; il mourut après un règne de trente- pas les entreprises de son père Kico-
cinq ans , en désliéritant ses enfants du mède ,
travaux commencés pour
et les
premier lit, au profit de Prusias, fils fonder et embellir les villes restèrent
aîné de sa seconde femme. suspendus.
Bitliynie,et unaccommodemeut eut lieu et en fit vendre les habitants, après l’a-
sous les auspices de la république d'Hé- voir ruinée de fond en comble (3). La
raclée. Ziélas s’établit dans la partie
orientale delà province. C’est peut-être
(1) Hérodote, liv. V, diap. CXXÜ.
à cette époque que remonte la division
(2) Suivant Apollodoix- ( itildlotb., lib. tl;,
en première et deuxième Bithynie, qui la villede Ciiiv fui fondée par l’Argoiiauie
ne fut pas cependant très-usitée. Polypliéme , qui, à $ou l^‘luul' de Colchidr,
descendit à terre avec Hercule. Se trouvuul
(1) Mémo., apud Phol., p. -24. abaudouiié sur la cote, il fonda la ville de
(2) Vcrho ZvjXa. Cius, et s’en fit roi.
3 Folylic
( ) , 709.
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,
54 L’UMVERS.
ville de Myrlée, fondée par Myrlus, avait tenté de l’assassiner; la guerre fut
chef des CÔlophoniens , fut également décrétée, et Prusias employa, mais en
saccagée par Philippe. Les Rhodiens vain, son influence auprès'des envoyés
alliés (leces deux villes, se liguèrent de Rome pour détourner la républi(|ue
avec Attale 1", et déclarèrent la guerre d’un pareil projet. (170 av. J.-C.) Pour
au roi de Macédoine. Prusias qui avait ,
rendre son intervention plus utile à son
épousé A pâmée, (ille de ce prince, reçut beau-frère, Prusias attaqua Euinène,
en présent le territoire des villes con- et porta la guerre dans les États du roi
quises ; il rebâtit Cius, et lui donna son de Pergame, qui fut ainsi contraint de
nom. La ville fut appelée Prusiade, et, rester en Asie Mais ces événements
pour distinguer de la ville du même
la servaient mieux la politique de Rome
nom, au pied de l'Olympe, on
située que n’aurait pu faire une guerre directe.
l'appela Pruse sur mer. La ville de Les Romains attendaient que les rois
Myrlée prit le nom d’Apamée reine de ,
d'Asie se fussent suffisamment affaiblis
Riihynie et femme de Prusias. Ce fut, les uns par les autres, pour les attaquer
suivant Étienne de Byzance fl), îsico- ensuite ouvertement.
niède Épiphane qui donna à la ville de Les armées de Prusias remportèrent
Myrlée le nom de sa mère A pâmée. sur celles d'Eumène de nombreux avan-
Lorsque les Romains déclarèrent la tages; elles durent ces succès moins à
guerre à Philippe, Prusias ne soutint l’hahileté de leurs généraux qu’aux con-
pas son allié, et laissa le roi de Pergame seils d’Anuibal, qui, errant et proscrit,
passer en Grèce pour porter du secours s’était retiré à la cour de Prusias, père
aux Romains. Profitant des dissensions de Cynægus. Le général cartiiaginois
suscitées
)
entre des États qui pouvaient combattit lui-même la flotte d’Eu-
voir d’un oeil jaloux l'agrandissement de mène (I) et mit ses vaisseaux en fuite.
la Bithynie , Prusias résolut d’étendre Des services aussi éclatants ne purent
ses frontières du côté de l’Orient. Il cependant détourner Prusias de fa plus
entreprit le siège d’Héraclée , l’une des lâche trahison. Eumène s’était plaint
principales places de la Paphlagonie, aux Romains de la conduite de ce
et qui fut annexée au royaume de Pont prince ; déjà la république était l’arbitre
par Mithridate. Blessé pendant le siège, suprême auquel se soumettaient les
ilrenonça aux conquêtes , et finit tran- monarques d'Asie, quand la voie des
quillement sa vie après un règne de ,
armes n'était pas assez prompte.
quarante ans, laissant la couronne (2) Quintius Flaminius envoyé du sé- ,
(
2 Til. l iv., XXXIl, ch. :i4; XXXTII, Hamiibalis tanliini Uinudiis... > Plinii A'atu-
ch. 3o. ral. Histor., lib. V, rap. XXXII.
,
.
ASIE MINEURE.
Prusias , obligé de rendre à Euniène atteindre Nicomède, qui laissa cepen-
les provinces conquises, entreprit le dant son trône à un Gis du même nom
voyage de Rome pour tâcher de se
,
Ce prince, sous le nom de Nicomède III,
concilier, par sa présence , les intérêts soutint d’abord une guerre contre son
du sénat. Mais l'attitude suppliante frère Socrate, protège par Mithridate;
qu’il prit en abordant le Capitole, la ce motif seul lui valut l’alliance des
bassesse de ses supplications , lui furent Romains, qui le rétablirent plusieurs
plus défavorables auprès des fiers répu- fois sur son trône. Depuis ce moment
blicains que la conduite hardie qu’il la Bithynie fut acquise aux Romains,
avait tenue en attaquant leurs alliés. et, quelques années plus tard, Nico-
Renvoyé avec mépris, il revint en Bi- mède, en mourant, les institua ses hé-
thynie pour se venger sur les rois de ritiers. Cependant, ils n’entrèrent p'a.s
Pergame, et déclara de nouveau la sans combattre en possession de leur
guerre à Attale II, successeur d’Eu- héritage, et Mithridate mit une nom-
mène; il le vainquit, et s’empara de sa breuse armée en campagne pour dé-
capitale ; mais les Romains le forcèrent fendre la Bithynie, qui fut soumise,
de nouveau à restituer cette ville à son malgré ses efforts, par Silanus, Lu-
souverain légitime. Des soulèvements cullus et Cotta. Ce dernier avait établi
survenus en Bilhynie forcèrent Prusias son quartier général à Chalcédoine,
à s’enfuir à Nicoinédie ; son fils Nico- pendant que Lucullus assiégeait Aparaée
mède vint l’attaquer, à la tête des ré- et Pruse; cerné dans la ville par Mithri-
voltés , dans sou dernier refuge. Après date, qui avait armé une flotte nom-
l’avoir fait assassiner, il fut proclamé breuse , il fut secouru à temps par son
roi , et reçut le surnom de Philopator. collègue (1).
Les premières années de son règne se La dynastie des rois de Bithynie doit
passèrent dans une paix profonde. donc être établie de la manière sui-
vante :
HICOHBDE il.
avant J.*C.
Bias, régna de 378 à 328
L’alliance de ces monarques avec les Zipoetès, — 328 à 281
rois grecs, et leurs relations continuel- Nicomède I"', — 281 à 246
les avec les princes asiatiques les plus Prusias (Zelas) — 246 à 232
renommés par leur faste, donnent lieu Prusias I*', — 232 à 1!>2
de croire que la cour des rois de Bithy- Prusias II, — 192 à 149
nie n’était pas moins brillante que celle Nicomède II, — 149 à 92
des Attale et des Séleucides. Mais la
Bithynie a été trop souvent envahie et
Nicomède III, — 92 à 7*
saccagée, pour qu’on puisse espérer d’y
retrouver quelque monument impor-
LA BITHYIUE BÉOUITE EN PBOyiNCE
tant qui date de l’époque où elle n’etait
KOMAINB.
pas soumise à la domination étrangère.
Dès lors, ce pays, converti en pro-
vince romaine tombe sous le gouver-
mCOMÈDE III. ,
I
Pi. :
, ,
M L’UNIVERS.
EMPEBEUBS BYZANTmS. en mettant le siège devant les villes
qu’ils occupaient. Les soldats de Pro-
De tous les combats qu’excitèrent les cope, qui étaient à Nicée, purent
ferres civiles, il n'en est pas de plus néanmoins faire une sortie, et vinrent
important que celui qui décida du sort inquiéter l’armée de Valens qui en-
de l’empire entre Licinius et Constantin. tourait Chalcédoine. La fuite sepic mit
La flotte du premier avait été battue l’empereur à l’abride leurs poursuites ;
devant les murs de Byzance; presque il se sauva par le lac de .Sophon
tous ses vaisseaux et cinq mille soldats u’Ammien Marcellin (1) nomme lac
avaient péri. Il passa secrètement à 3 e Sunon. Il est clair que l’auteur latin
Chalcédoine , et eut bientôt réuni autour ne veut pas parler du lac Ascanias :
de lui une armée de cinquante mille car tout le territoire de Nicée était
hommes; mais Constantin, sans lui occupé par les eunemis, tandis que Ni-
donner le temps d’assembler des forces comédie tenait pour l’empereur. Cet
plus considéraules, traversa le Bosphore événement, qui augmenta le nombre
et engagea la bataille, qui se donna sur des partisans de Procope , lui donna les
les hauteurs de Chrysopolis, aujour- moyens de poursuivre le siège de Cy-
d'hui Scutari ; tout le champ de bataille zique , mais ne lui ouvrit pas pour cela
est occupé aujourd’hui par le vaste ci- le chemin de l’empire. Attaquée par
metière des musulmans, qui s’étend de- Valens dans la plaine de Nacolia , en
puis la ville Jusqu’au pied du mont Plirygie, son armée fut vaincue, et le
Boulgourlou. général lui-même, arrêté dans sa fuite,
Pendant les règnes .suivants, l’em- eut la tête tranchée par ordre de l’em-
pire, balancé entre des victoires et des pereur, dont la vengeance ne s’arrêta
revers , soutint presque constamment pas là, car plusieurs des villes qui avaient
des guerres lointaines , et la Bitbynie pris le parti de Procope eurent leurs
ainsi que les provinces limitrophes, murailles rasées. Aussi, lorsque les
jouirent d’une sorte de tranquillité, que Perses, sous la conduite de Cliosroès,
des soulèvements partiels ne parvinrent firent une invasion en Bithynie, il leur
pas à troubler. Julien à peine monté
,
fut facile de s’emparer des villes ainsi
sur le trône , se Bt gloire de réparer les démantelées. Aux irruptions des Perses
édifices des principales villes qui avaient succédèrent celles des Cotlis et des
été endommagées par des tremblements Scythes, qui n’avaient pas pour usage
de terre. Partant de Nicomédie,il tra- de faire une guerre en réglé, mais dont
versa l’Asie pour aller faire la guerre le seul but était de descendre sur la
aux Perses. Son successeur, Jovien, côte pour piller les habitants et brûler
couronné dans Ancyre, ne vit pas même ce qu’ils ne pouvaient emporter.
comme empereur les murailles de Malgré la persécution qu’elle avait
Constantinople. Valentinien, l’un de éprouvée sous les règnes des empereurs
ses tribuns, avait été appelé d’ Ancyre en Dèeeet Dioclétien, la religionchrétienne
Bithynieparun parti puissant qui,' d’ac- se répandit arec rapidité en Bithynie;
cord avec l’armee, l’élut empereur dans du moment qu’elle trouva uue pro-
la ville de Nicée. A peine investi de cette tection près du trône, les fidèles cou-
dignité, il se rendit à Nicomédic, et vrirent de monastères et d’éulisc.s les
associa son frère Valens à l’empire. Le environs des villes et les penchants des
grand concours de partisans qui s’é- montag.'tes. Toutes les vallées de l'O-
taient réunis autour des nouveaux em- lympe virent arriver des anachorètes
pereurs ne put cependant étouffer les ui formaient des disciples fervents et
prétentions de Procope, allié à la famille évoués.
impériale. Malgré la présence de l’em-
pereur, il s’empâta de Nicée et de Chal- DOMINATION MUSULMANE.
cédoine. La mort de Valentinien sur-,
venue sur ces entrefaites, fit passer Les autres parties de l’Asie Mineure
l'empire sans partage entre les mains étaient depuis longtemps tombées entre
de Valens, dont le premier soin fut de
poursuivre avec vigueur les rebelles, (i) Lib, XXV! ,
c. 8.
,
ASIE mine:ure. 57
les mains de la race musulmane, qui leur était dévolu à eux et à leurs des-
avait formé des royaumes et des prin- cendants. C’est là l'origine de la puis-
cipautés indépendantes; mais la vigi- sance des dérébeys (I), dont le gouver-
lance des empereurs byzantins avait nement, tout à fait féodal, fut pendant
éloigné jusque-là des frontières de la plusieurs siècles d’un si grand secours
Bithynie les hordes des émirs et des a la puissance des sultans. Quelques-
califes. Haroun-al-Rachyd, qui s’était uns de ces fiefs, donnés pour un certain
emparé d'Angora , et dont l’avant-garde nombre d’années, rentraient, a l’extinc-
était venue presque à Héraclée , s’était re- tion du titre, sous le pouvoir de la
tiré, parsuite d’un traité signéavecl’em- Porte. Les guerres particulières que se
pereur(l). I^es Seidjoukides , d’ailleurs livrèrent ces beys, les vexations de
constamment eu guerre avec d’autres toute espèce dont ils accablèrent non-
princes musulmans, avaient mollement seulement les chrétiens, mais encore
attaqué la Bithynie, lorsque ToghruI, le les différentes tribus musulmanes qui
chef de la dynastie d’Osman, voulant venaient camper dans leurs districts,
aussi conquérir un empire pour les siens, contribuèrent à anéantir les derniers
marcha droit vers l’ouest, et vint mourir éléments de civilisation et de commerce
sur les bords du Sangarius, en montrant dans cette contrée. Un des grands
à son fils Orkhan les hauteurs de principes de la politique du sultan
Broussa. Ala-Eddin, sultan seldjoukide, Mahmoud était de réunir sous un prin-
lui avait donné en apanage toutes les cipe unique et absolu le gouvernement
terres qu’il pourrait conquérir au delà de l’empire. La puissance des dérébeys
du Sangarius. La prise de Broussa, fut attaquée , et ceux qui étaient dans
dont les Osmanlis firent leur capitale le voisinage de. Constantinople furent
en Asie, amena la chute du pouvoir obligés de se soumettre. Aujourd’luii
des empereurs en Bithynie. Des guerres la Bithynie est gouvernée par des pa-
infructueuses, un pouvoir précaire, ne chas, qui reçoivent tous les ans l’in-
peuvent être considérés comme la vestiture à l’époque du Beyram. Ou
marque d’une domination. Plus tard, n’entend plusparler de ces soulèvements
lorsque les armées des croisés vinrent hardis qui mettaient en feu des pro-
occuper ces contrées, les Osmanlis, vinces entières, et maintenant Turcs et
quoique vaincus, ne furent Jamais com- chrétiens, courbés sous le même niveau,
plètement chassés, et la prise de Cons- jouissent, de la part des autorités, sinon
tantinople, en couronnant les efforts de la meme bienveillance, du moins
de deux siècles, cimenta pour jamais la d’une tranquillité relative.
domination musulmane.
Lorsque le sultan Orkhan détermina CHAPITRE III.
les limites de la province nouvellement
conquise, il donna les noms de ses FaONTlÈBËS DE LA. BITHYNIE.
lieuten.mts aux principaux districts
dont ils s’étaient emparés. Ainsi, le pays Le royaume de Bithynie. formé du
des Thyniens fut appelé Khodja-Ili , et démembrement de plusieurs peuples
l.a partie occidentale de la* province eut naturellement des frontières varia-
reçut le nom de Khodawenkiar; les bles; néanmoins, du côté de l’ouest,
fiels que l’émir s’était réservés autour les limites furent constamment lixée.s
de rOlvmpe furent appelés Sultan- par le Rbyndacus. Du côté de l’est, il
OEni.Mais le sultan ne gardait pas pour fut longtemps borné par le cours du
lui seul les terres conquises, et les plus Sangarius (2) ; mais après l’adjonction
braves de ses émirs recevaient des por- du pays des Mariandyniens , il s’é-
tions de territoire qui devaient au tendit jusqu’à Héraclée, et même jus-
trésor public, outre une redevance en qu’au Parthénius, c’est-à-dire , jusqu’à
argent, un certain nombre d'hommes la limite extrême du territoire de Cau-
armés ; le gouvernement de ces districts coues. Cette Thrace qui est en Asie,
(i) De Hammer, Histoire de l'empire ot- (i) Déréliey, liey de» vallées.
iomaftf tonie L (a) Strabon, liv. XII, p. 54r.
, ,
£8 L’UNIVERS.
dit Xénophon, commence ii l’embou- terminées par la chaîne de l'Olympe,
chure du Pont-Euxin et s’étend jusqu’à qui est presque parallèle à la cote de
Héraclée. Elle est à droite de ceux qui I Euxiii
, et qui étend ses ramiGcations
naviguent vers le Pont ; de Byzance à dans la Paphlagonie jusqu’au Pont et au
Héraclée il y a une journée de naviga- fleuve Halys.
tion pour une trireme dans les plus
longs Jours (1). IIONOBIADE.
Les frontières déterminées par Stra-
bon sont un peu différentes. « La Bi- Vers cinquième siècle , Théodose II
le
tbynie est bornée à l’orient par les Pa- détacha de la Bithynie une vaste portion
phlagoniens et les Mariandyniens , et dont il forma un gouvernement parti-
par quelques-uns des Épictètes ; au culier qui fut appelé Honoriade , du
septentrion par le Pont-Euxin, depuis nom de, son oncle Honorius. Héraclée
l’embouchure du Sangarius jusqu’au reçut le titre de métropole et devint le
Bosphore qui sépare Byzance de Chal- lieu de résidence du gouverneur (1).
céduinc; à l’occident, par la Propon-
tide , et au midi par la Mysie et la
,
PAn.XGES DU nOSPHOBE.
Phrygie surnommée Épictète , laquelle
est aussi appelée Phrygie Hellespon- La partie de la Bithynie qui est bai-
tique (2). » gnée par la mer a été de tout temps la
Sous la domination des Romains , les mieux connue et la plus peuplée. Les
limites de la Bithynie furent un peu vastes ports que forment les sinuosités
changées. Toute la côte, dit Strabon de la côte attiraient , avant la fondation
(la partie droite du Pont-Euxin) ,
était de Byzance le commerce de la Grèce
,
l’orient. Au sud , les frontières sont dé- en ce lieu que la fable place l’aventure
d’Hylas enlevé par les nymphes.
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ASIE MINEURE. 69
60 L’UNIVERS.
principes avaient dirigé les artistes de Neptune, fonda une ville
fut déclaré Pis de
ce pays. Il n’est pas probable que le <àlaquelle il donna son nom , et le goliè
style de l’architecture phrygienne , dont lui-méme prit le nom de la ville. Le.s
on retrouve quelques exemples, ait été Mégariens arrivèrent en Asie vers le
pratiqué long^mps par les Bithyniens conimencement de la dix-septième olym-
qui, voisins des côtes de la mer, et en piade, c’est à-dire sept cent douze ans
relations constantes avec les colonies avant J.-C. Memnon (I) rapporte le
grecques, durent suivre dans leurs arts passage suivant « Astaensétait habitée
:
rimpre.ssion que donnait aux peuples par une colonie de Mégariens au com-
d’Asie le génie hellénique. mencement de la dix-septième olym-
Tous les monuments de l’antiquité piade; ils donnèrent à la ville le nom
que l’on rencontre en Bithvnie sont de d’Astacus pour obéir à l’oracle, en mé-
l’époque romaine. Presque'tout ce que moire d’un certain Astacus, l’un des
les princes byzantins avaient bâti aiec Spartes habitant de Thèbes. » Si en effet
une rapidité qui témoignait plutôt du la ville d’Astacus fut détruite par Lvsi-
désir de. jouir vite que de faire des maque,elle ne dura que pendant iine
choses durables, a été anéanti par ériode de quatre cents ans, et les
suite des guerres, des tremblements tie abitants furent transportés à Nico-
terre et des renouvellements qu’a mo- inédie par le fondateur de cette nouvelle
tivés une domination nouvelle. Les ville (2). l.a prospéritéde la colonie nais-
débris épars de ces temps reculés, de- sante ne tarda pas à porter ombrage aux
venus plus rares de jour en jour, acquiè- chefs indigènes, qui attaquèrent et sou-
rent encore plus de prix aux yeux de mirent les nouveaux colons. Dédal-
l’historien qui les conserve avec respect, sès, le chef de la dynastie bithynienne,
comme les derniers témoins d’une bril- incorpora dans ses États les deux villes
lante époque. Les contrées moins favo- grecques, et Astacus tomba sous les
risées de la naturel dont les sites sau- coups de Lysimaque pendant la guerre
vages, héri.ssés de rochers, ont clé que ce prince livra à Zipoetès. Cet évé-
dédaignés par les populations modernes, nement doit être placé entre 328 et 324
nous offriront une plus ample moisson av. J .-C., cette dernière date étant celle
d'antiijuités; mais nous avons cru de- de la mort de Lysimaque. l.e succe.s-
voir recueillir scrupuleusement les mo- seur de Zipoetès, Nicomede L'', appela
numents byzantins de Bithynie ,
qui dans la nouvelle capitale qu'il venait
ne brillent' paspar la perfection du de fonder les débris de la population
style, mais qui se rattachent par des d’Astacus; ce qui n’empécha pas cette
liens précieux à notre histoire nationale. ville oe se relever en partie de ses ruines,
tout en laissant à Nicomédie la supré-
CHAPITRE IV. matie qu’elle avait conquise.
Pausanias (3), en décrivant les objets
NICOMÉniF. MÉTROPOLE. d'art conservés dans l’enceinte d’O-
ASTACllS. OLBIA. lympie, mentionne une statue d’ivoire
de Nicomède 1", roi de Bithynie « qui
Lorsque les premiers colons grecs a donné son nom à la plus grande ville
arrivèrent sur les côtes d’Asie, ils choi- de ce royaume, car Nicomédie s’appelait
sirent le.s sites les plus favorables pour anciennement Astacus ».
le développement ilu commerce et de
C’est du moins l’opinion de Strabon;
l’agriculture. Les Mégariens remontè- mais il n’en est pas moins vrai que
rent la Propontide et s'établirent au longtemps après cette époque Astacus
fond d’un vaste golfe situé à l’entrée du est mentionnée par plusieurs auteurs
Tous ces lieux étaient alors sans nom ; (r) Meinuon apiid Pholiiim, cli. XXI.
lechef de la colonie, nommé Astacus, fils (a) Strabon, XII, 563.
d’Olbia, qui en sa qualité de navigateur (3) Liv. V, cb. la.
ASIE MINEURE. 61
ogle
,
62 L’UMVKRS.
lorsqu’elle fut arrivée an plus haut degré Près des égouts et dans le terrain qui
de prospérité. Une grande portion de est occupé aujourd'hui par l’arsenal , ou
ces murailles plus de deux
s’élève à voit les débrisd’un môle qui, semblable à
mètres au-dessus du l.es tours,
sol. celui de Pouzzoles, était formé d’arcades
demi-circulaires, sont construites en comme un pont. Cette invention des
pierres de petit appareil , qui indiqueut Romains avait pour but de laisser un
évidemment un ouvrage romain; mais passage aux courants sous-marins qui
les soubassements sont formés d’é- entraînant avec eux du sable et du li-
normes blocs de pierre calcaire, restes mon , auraient bientôt comblé les ports
de la construction primitive. Ces mu exposés à leur action. Ce môle était bâti
railles descendent dans l’intérieur de de briques et couronné de larges assises
la ville moderne. On les reconnaît fa- de pierre. Les piles des arclies sufG-
cilement au milieu des maisons; Nico- saieut pour rompre l’impéluositc des
médie étant fondée sur une colline de vagues. Les débris de cette construction
de grès, elles ne peuvent se confondre sont encore baignés par les eaux de la
avec les roches naturelles. mer; mais la portion la plus considé-
F.n descendant du côté ouest de la rable se trouve au milieu d’un terrain
colline principale, les murailles se per- qui n’existait pas du temps de l’an-
dent bientôt au milieu des jardins et cienne Nicomedie. En effet, le golfe
des groupes de maisons. Cependant, de d’Astacus est soumis aux mêmes lois
distance en distance, on remarque des que tous les autres golfes qui commu-
murs de soutènement construits en niquent avec des plaines. Des atterris-
grands blocs , qui formaient sans doute sements considérables ont été formés
de magnifinues terrasses sur lesquelles par les eaux des torrents, qui ont charrié
étaient situées les habitations. Le der- les terres sur lesquelles sout bâtis
nier mur de ce genre est au pied de la maintenant les arsenaux de la ville
colline de l’ouest. 11 était à cette époque turque.
situé au bord de la mer; il est bâti de Non loin du môle, et sur la der-
briques , etsoutenu , de trois mètres en nière terrasse, se trouve une construc-
trois mètres ,
par de grands contre-forls tion dont la destination n’est pas facile
de pierre, entre lesquels s’ouvraient à expliquer. C’est une plate-forme dont
les égouts, qui étaient aussi au bord de l’élévation varie de cinq à deux mètres,
la nier. Ces égouts sont encore en par- sur la pente du terrain. Elle est bâtie
fait état de conservation
, et annoncent en grands blocs de pierre, appareillés
les débris d’une opulente et vaste cité. avec le plus grand soin, et forme un
Ce sont de grands canaux dans lesquels carré de vingt et un mètres cinquante
un homme peut marcher debout. Ils centimètres de côté , sur trois desquels
pénètrent horizontalement dans l’inté- sont placés des avant-corps carrés. On
rieur des terres. On conçoit, pour lu ne voit aucune trace de porte ni d'es-
ville de Nicomédie, la nécessité d’avoir calier autour de ce massif qui est assez
eu des égouts nombreux et bien entre- bien conservé. Le couronnement est
tenus. Située sur la pente d’une colline formé de grosses pierres ponant une
rapide, sur un terrain très-ondulé, elle moulure et percées d'un trou carré,
eût été exposée aux ravages des eaux comme si elles avaient dû supporter
pluviales, comme on le remarque au- une grille. Sa situation dominant la
jourd’hui dans la ville moderne. baie conviendrait beaucoup à un temple;
Par la seule observation de ses mu- mais ce terre-plein paraît avoir été
railles et des rares débris de l’ancienne primitivement inaccessible de tous côtés.
ville, on peut rapporter les ruines de Ni- Etait-ce le piédestal de quelque colosse
comédie à trois époques différentes, l’é- ou de quelque trophée, c’est ce qu’il
poque de la Bithynie indépendante, l’é- est impossible de décider.
poque romaine et l’époque byzantine. Ni- La ville de Nicomédie fut richement
comédie ne resta pas longtemps au haut dotée par les rois de Bithynie (J). Nico-
de la colline; ses habitants se portèrent
naturellement vers la mer où les appe- (i) Animieii Marrrllin lui dotiiie le litre
laient le commerce et la navigation. de mère des villes de riilliyiiie (liv. XVII,
ASIE MIM'.URE. 63
mède l’orna de monuments somptueux qui avait reçu des embellissements con-
et l’éclatde sa cour attira dans ses Etats sidérables, et l'on voit dans ses lettres
non-seulement les princes ses voisins, à l’empereur (jtielle était sa sollicitude
mais séduisit le plus illustre des Ro- pour le bien-être de la province qu’il
mains, qui dut regretter plus d’une fois administrait. Parmi les projets de tra-
le trop long séjourqu’i 1 fit chez N icomède. vaux publics que le préteur de Bithynie
Les empereurs romains , maîtres de .soumettait à Trajan, il en est un qui est
la Bithynie, traitèrent les habitants exposé en détail dans une de ses lettres
plutôt en alliés qu’en peuples conquis. à l’empereur (1 ). Pline songeait à joindre
Des routes somptueuses furent ou- à la mer par un canal le lac de Sabandja,
vertes dans toutes les directions , des éloigné de Nicomédie d’une distance
ports furent creusés , des canaux même d’environ trente kilomètres; d’autre
entrepris pour mettre les provinces part ce lac aurait pu être Joint au fleuve
en rapport direct avec les villes mari- Sangarius, et la navigation aurait pu se
times. L’exploitation des forêts qui faire directement entre la mer Noire et
couvraient la Bithynie fut un des points le Nicomédie sans avoir à passer
golfe de
qui attirèrent le plus l’attention des le Bosphore. Le chemin était abrégé de
préteurs. Le luxe des constructions tout le circuit de la presqu'île des Thy-
commençait à se répandre dans Rome, niens. Ce projet avait reçu de la part
et l’Europe ne suffisait plus à fournir d’un roi de Bithynie un commencement
les matériaux précieux dont les patri- d’exécution ; mais il parait, malgré l’ap-
ciens embellissaient leurs riches villas. probation que Trajan envoie à Pline (2),
L’île de Proconnèse offrait une mine qu’aucun travail ne fut exécuté.
inépuisable de marbre blanc; mais la Pendant que Pline visitait quelnues
passion des roches précieuses et rares villes de son gouvernement, un violent
augmentait à mesure qu’elle se trouvait incendie éclata à Nicomédie et détruisit
satisfaite. Les arsenaux de PJicomédie, non-seulement plusieurs maisons par-
riches en matières premières, fournis- ticulières, mais encore deux édiuces
saient des navires qui transportaient publics, le temple d’isis et la Gérousie
jusqu’en marbres de prix , les
Italie les ou palais du sénat. A cette occasion
jaspes colorés et les métaux qui ser- Pline proposé à Tïajan d’établir une
vaient pour la décoration. IN'icomédie communauté de surveillants pour pré-
proGtait, pour ses constructions, du venir les incendies; mais l’empereur,
voisinage de tant de carrières magni- auquel les conférences des chrétiens
Gques le mont Dindymène de Cyzique
; étaient déjà suspectes, refuse l’autori-
lui fournissait des granits, la vallée du sation, en faisant remarquer combien
Sangarius de» jaspes, les terrains vol- cette province à déjà été troublée par
caniques de Lynissa des matériaux plus des sociétés de ce genre (3). En effet,
grossiers, mais non moins solides. I.a à peine les premiers chrétiens eu-
pierre calcaire employée dans les con- rent-ils prêché la doctrine du Christ
structions était tirée des montagnes qui dans ces contrées, que de nombreux
sont en face, de l’autre côté du golfe, adeptes se réunirent à eux. Pline, qui
car le sol de la ville et les environs ne résidait à Nicomédie, usa avec modé-
sont composés que de grès. ration du pouvoir que lui donnait l’em-
Pline, nommé préteur de Bithynie pereur pour poursuivre les sectateurs
sous le règne de Trajan , parle avec les de la nouvelle doctrine.
plus grands éloges de Nicomédie (1), Il mentionne dans ses lettres les
bains , les aqueducs les forums et les
,
fet , dans plusieurs capitales de l’empire les matériaux de ‘marbre des monu-
les bonneurs divins. ments furent taillés a nouveau pour
Dans la lutte qui s’engagea entre être employés dans d'autres édifices.
.Septime-Sévère et Niger, la ville prit Un hôtel des monnaies, un arsenal,
parti pour le premier. Elle resta tou- des fabriques d'armes, des palais pour
jours fidèle à rempereur, et parmi les sa femtne et pour sa fille, furent élevés
monuments de son règne on trouve par ses ordres, et les habitants, ap-
une portion d’inscription qui doit avoir pelés par corvée, travaillaient à leurs
appartenu à une statue élevée en l’hon- frais à ces constructions gigantesques,
neur ce prince par ordre de son fils
(le qui ne s’élevaient qu’aux dépens des
Caracalla; elle est gravée sur un pié- nabitations de la ville. Tous ces édi-
destal dont la partie inférieure manque; fices, construits à la hâte, ne résistèrent
mais on peut la restituer d’après une pas à l'effort des siècles. 11 est même
inscription identique qui existe dans les probable que, pour la plupart, ils ne
ruines de Synnada. Ces monumentssont furent pas achevés. Dioclétien, en
postérieurs à la prise de Ctésiphon par quittant la résidence de Nicomédie,
Sévère. coupa court à une fortune aussi im-
prévue. La cérémonie de son abdication
A 1.1 bonne Fortune, la ville (honore)
l’enipn enr César Mare Aiircle Anionin An- eut lieu l’an 305 de J.-C., dans la grande
gmte, pirnx, sébasie, la ii' année de .sa
plaine située à l’est de Nicomédie. Il
pniss.inee tribnnilienne,
consul, sons reni- monta immédiatement en litière, et se
ppiTiir César .SepiimeSévcre, pieux, Perlinax, retira à Salone pour v finir ses jours.
auguste , vainqueur de l’.Arabie , de l'Adia- Ce fut ,î Nicomédie, en 30:5, que
liéne, des Parlhcs , très-puissant et nuiitre commença la persécution contre les
de la terre et de la mer. chrétiens. Galcrius vint trouver l’em-
Cette inscription est de l’an 202 de pereur dans celte ville, et obtint, par
notre ère, l’année du premier consulat ses instances, que les moyens les plus
de Caracalla, et la onzième depuis que rigoureux seraient mis en usage pour
son père l’avait as.'ocié à l’empire. forcer les fidèles à abandonner leur foi.
Héliogabale (218) partant d’Antioche L’église cathédrale fut le premier édi-
fice qui supporta la fureur du peuple :
pour se rendre Home s’arrêta à N’i-
,i
rédiUce sacre put seule empêcher l’em- composèrent des poèmes pour chanter
pereur d’exécuter son dessein. L’évêque les derniers jours de Nicomédie.
saint Authyme eut la tête tranchée. On Libanius, dans sa Monodie, écrite
trouve dans une grecque de la
église vers l’an 354 (1), chante ainsi la ruine
Mysie une que nous rap-
inscription de Nicomédie : « INicomédie , naguère
porterons quandnous examinerons encore une ville, mais aujourd'hui
cette province, et dans laquelle est rentrée dans la poussière, doit être
mentionné un évêque du même nom pleurée par moi en silence. Tant d’édi-
qui administrait le diocèse de Scaman- fices publics et privés qui faisaient l’or-
dria. nement de la ville croulèrent les uns
Engagée dans la guerre entre les Ro- sur les autres! depuis la citadelle jus-
mains et les Perses, iNicomédie souffrit qu'aux jardins, tout s’abîma; les pré-
des maux inouïs lorsque les derniers toires et les tribunaux , la multitude de
vinrent assiéger Clialcédoine (1). Quel- temples, la masse des thermes, le magni-
ques années plus tard , les Goths , arri- fique palais, et le théâtre, qui suffisait
vant par le canal du Bosphore, s’em- pour illustrer la ville.
parèrent de Clialcédoine (:!), et cette « Le soleil était à peine arrivé à son
conquête inattendue leur fournit des midi. A ce moment les dieux gardiens de
armes et des provisions de toute es- la villeavaient abandonné les temples,
pèce. De là ils marchent sur JNicomé- et sombrait comme un navire
la ville
die,et, guidés par un transfuge, ils sans pilote; les murs tombaient sur les
parviennent à se rendre maîtres de la murs, les colonnes sur les colonnes, les
place. Tout ce que cette ville renfermait toits sur les toits, les fondements même
de richesses tomba en leur pouvoir; les étaient détruits; le théâtre s’écroula
monuments publics furent livrés aux le premier avec fracas. Alors l’incendie
flammes, et ce que le feu ne détruisit commence; les toitures propagent les
ias fut rasé quelque temps après, flammes le Cirque lui-même, plus solide
;
Ïorsque les barbares se trouvèrent obli- que les murs de Babylone, est détruit;
gés de lever le siège de Cyzique. les animaux affamés errent à l’aventure;
Cependant tous ces désastres étaient les portiques, les musées le temple des ,
facilement réparés; car, malgré les Grâces et des Nymphes et le grand bain
expressions exagérées des histbrieus, qui portait le nom de l’empereur (2)
il esc probable que les villes dont ils tous ces édifices disparaissent, et le
mentionnent la destruction n’étaient peuple au milieu de ces désastres erre
ias complètement ruinées; mais lorsque comme des fantômes. »
fes phénomènes naturels se joignirent à La relationd’Ammien Marcellin, dans
tant d’invasions et de revers, N icomédie sa description du tremblement de terre
vit sa fin approcher, et tout le luxe de qu’éprouva Nicomédie, nous fait con-
ses édifices disparut en un seul jour, naître un grand nombre d’édifices qui
anéanti par un terrible tremblement de seraientignoréssans lui. « Dansces jours
terre. En examinant la nature de la de désolation, dit-il, d’horribles tremble-
contrée, on est d’autant plus étonné ments de terre ont ravagé la Macédoine,
de voir qu’elle ait souffert de si vio- l’Asie et le Pont, et par leurs secousses
lentes secousses, que rien, dans ses répétées ont anéanti un grand nombre
environs, ne décèle une grande force de villes et de montagnes. Et au milieu
des feux souterrains, à peine si l’on de tant d’affreuses calamités, nous de-
voit près de la mer quelques affleure- vons rappeler la ruine de Nicomédie,
ments de terrains volcaniques. Ce fut métropole de la Bithynie , dont je vais
dans le quatrième siècle que la ville eut donner un vrai et succinct récit :
lu foudre et excité les vents des quatre partie de sa prospérité passée (I). Pro-
l'oins du monde, on entendit le bruit cope s’étend avec complaisance sur les
efirayant des tempêtes et le fracas des nombreux monuments dont l’empereur
Ilots débordés ; à cela se joignirent des dota cette ville c’étaient encore des
;
(i) Amm. Marcell., lib. XVII, cap. VII. {%) F.f>hl. XIV, lib. X.
, ,
ASIK MliSETIRF., 67
sur les briques , était un bloeage com- occupait. Elle est toujours une des villes
posé de chaux et de ciment la deuxièuie, ; les plus importantes de l’Asie Mineure;
un mélange de charbon pilé et de chaux ;
sa population peut être évaluée à 30,000
et la troisième était un stuc fort dur, âmes, reparties de la manière suivante :
727 de l’hégire, ou 1326 de notre ère, que le karatch ou capitation étant établi
après les efforts inutiles que fit Ka- par tête, et recueilli par les tchorbadji
loioannès, frère de Marie Paléologue, ou primatsde chaque nation, on parvient
pour défendre cette place. Après la ainsi, en divisant l’impôt sur un plus
prise de Constantinople par les Latins, grand nombre de têtes, à en alléger le
les princes Comnènes vinrent résider à poids, et les gouverneurs devant re-
Nicomédie. mettre au trésor le montant des impôts
Presque toutes les églises furent con- établis suriinnomhredonnéd'liahitanis,
verties en mosquées par le sultan Orkbau. sont enclins à donner un chifre moindre
Néanmoins, Nicomédie conserva tou- our qu'il reste une partie notable de
jours dans l’Eglise grecque les privilèges f impôt perçu, dans leurs caisses.
et l'importance d’un siège épiscopal ; et Le principal commerce de Nico-
dans les grandes fêtes de l’Eglise de médie est le bois et le sel. On a utilisé
Constantinople , l’évéque de Nicomédie les vastes marais qui sont au fond du
marche à côté de celui de Nicée immé- , golfe, pour établir des salines qui sont
diatement après le patriarche. On con- d'un grand produit. La fabrication du
serve dans l’église de Nicomédie plu- sel est entre les mains des particuliers ;
sieurs reliques, parmi lesquelles on le gouvernement se réserve la dîme do
remarque le bras de saint Basile ren- sel fabriqué I.e commerce de bois est
fermé dans une châsse d'argent, qui a libre, à la charge de vendre au gouver-
la forme d’un bras et qui est richement nement de choix qui
les échantillons
ornée de rubis et de perles. peuvent être iitilesà la marine. Mais cette
La moderne Nicomédie est appelée liberté est chèrement achetée par les
par les Turcs Isnikmid par suite de charges qui pèsent sur les habitants; car
cette corruption de langage qui a altéré les Rayas comme les Turcs qui s’occu- ,
les noms des anciennes cités. Isnikmid pent du commerce des bois, doivent four-
n’est qu'une portion de ces mots grecs : nir en corvées les ouvriers nécessaires au
e!ç Nizo[jn5osiav. service de la marine. Le gouverriemeùt
Le grand vizir Koupruli a fait établir alloue une journée de cinq piastres pour
à Nicomédie des arsenaux maritimes qui les ouvriers de ces chantiers; mais cette
ont longtemps fourni les galères et les somme est rarement payée intégrale-
caravelles les plus estimée- de (ionstan- ment et nul n’oserait là réclamer du
,
C8 L’UNI VERS.
plus ancienne mosquée était au-
La cadence du style turc primitif date
trefoisune église grecque qui fut con- du règne du sultan Osman, qui envoya
sacrée par le sultan Orkhan au culte de en Italie des artistes pour étudier les
rislain. Le plus grand temple musulman monuments de l’Occident c’était l’é- :
a été bAti par Pertew pacha , grand vizir poque où l’école du Bernin était à son
du sultan Soliman le Grand, et qui resta apogée.
pendant sept ans à Mcomédie comme A leur retour, ils introduisirent dans
gouverneur. Cette mosquée est près du les constructions les modèles d’un art
port à l’entrée de l'arsenal Sinam , qui
: italien déjà dégénéré , et encore abâtardi
en fut l’architecte, imita dans de moin- en passant dans des mains qui ne le
dres proportions la mosquée que le comprenaient pas. Le faible reflet de
sultan faisait bâtir à la même époque à l’art des Arabes fut totalement éclipsé,
Constantinople, et qui porte le nom de et l’art des Turcs tomba au degré où
Soliman. Le même areliitecte construisit nous le voyous aujourd’hui.
des bains et un caravanséraï. Ces mo-
numents, en rapport avec le commerce CONSTITUTION DU SOL AUX SNVIBONS
et la population de la ville, n’offrent DE NICOMÉDIE.
cependant rien de remarquable comme
œuvre d’art. Il n’y a plus de traces du Les collines sur lesquelles est bâtie
magnifique palais que le sultan Mou- de Nicomédie sont un embran-
la ville
rad IV Gt bâtir h Mcomédie, et qui était chement de la chaîne qui forme la côte
entouré de jardins splendides. Les nord du golfe et dont le mont Maltépé
palais que les premiers sultans firent est le jioint culminant; au nord elles se
construire en Asie Mineure, celui de rattachent au mont Sophon ou de Sa-
Broussa et celui de Magiipsiedu Si vins, bandja.
ne sont plus que des amas de décombres. Le terrain calcaire bleu qui constitue
L'arsenal impérial d'où sortirent Jadis le sol de Scutari cesse bientôt pour faire
les vaillantes galères qui tinrent en place à des roches à base de quartz, et
échec les marines de Gênes et de Ve- le grès rouge finit par dominer. Cette
nise, aujourd’hui désert et ruiné, ne nature de roche s’étend jusqu’au bassin
peut plus servir à la construction des du Sangarius. Dans riiitérieur de la
Sâtiments d’un fort tonnage; car les at- ville, il se présente sous la forme de
terrissements formés peu à peu au fond stratifications bien distinctes inclinées
du golfe. Ont comblé la darse et rendu de 30 degrés à l’est, les couches ont
le mouillage impraticable pour les grands environ deux mètres d’épaisseur. Elles
vaisseaux. sont séparées par des lits de cailloux de
Si les ruines de Nicomédie , exami- quartz et de jaspe qui dans la partie su-
nées en détail, ne sont plus pour périeure de la colline ont à peine la
l’antiquaire qu’un souvenir vague et grosseur d’un pois, et en descendant les
confus d’une civilisation effacée; si l’ar- couches intercalaires et les cailloux aug-
tiste ne trouve rien qu’un sentiment mentent d’épaisseur, de sorte qu'à Ta
pittoresque dans les constructions éle- base de la colline elles forment avec la
vées par les Osmanlis, la nature s’y. roche mémeun poudingue à gros noyaux;
montre toujours vivace, m'ande et ma- bientôt le grès rouge disparaît et lé ter-
jestueuse ; les collines ombragées de té- rain est entièrement composé de cail-
réblnthes , les vigoureux et noirs cyprès loux.
qui entourent les demeures des morts La base du terrain des deux autres
les jardins verdoyants qui embellissent collines est également (le grès rouge;
chaque maison , donnent à la ville iin mais daus la partie supérieure il est
aspect général de richesse et de gaieté stratifié par un calcaire marneux à cas-
qui s’évanouit quand on entre dans sures conchoîdes d’une dé.>agrégation
l’intérieur. Les nombreux cimetières facile. Ces couches sont recouvertes par
placés près des mosquées renferment une véritable marne, qui s’étend indéfi-
quelques monuments qui datent de l’é- niment vers l’est. Nous avons donc ici
|Mque où l’art des 'Ûircs puisait ses l’origine du terrain de grès rouge qui
inspirations dans l’école araoe. La dé- forme une partie du sol de la province.
ASIE MINEURE. <)9
ASIE MINEURE. 7i
par Mustapha BostaDdji, chef des jardi- dans les terres (1), Pierre Gilles donne
niers du sultan Mourad 111. au village moderne le nom de Dacibyssa
On arrive après une lieure de marche Tous les itinéraires mentionnent cette
au village nommé Mahallé-ul- Alime (le ville comme lieu d’étape; ce qui prouve
quartier des aimées) qui n’offre rien de qu’elle existait encore sous l’empire by-
reinaruualile. zantin. L’itinéraire d'Antonin place Li-
Guébizé, dont le nom u’est autre byssa entre Chalcédoine et N icomedie de
qu’une altération de Ly bissa, est située à cette manière :
sorte :
Tables de Peutineer.
Terre Lj hisse engloutira le corps
De Aiinilial, i|iiaiKl l'ime en sera hors. Gulcedoniu.
uigitized '
Google
L’UNIVERS.
inière étape après Constantinople. Ici le
selon Pline, éloignée de soivante-deax
rivage est très-accidenté et se découpe
mille cinq cent pas de Nicomédie I).
enuneinflnité de promontoires. On ar- (
Les fondateurs de Byzance ayant été
rive enfln au pied d’une montagne
d’où consulter l’oracle pour lui demander
la vue s’étend sur toute la
capitale; en quel lieu ils devaient fonder
c’est le Maltépé, c’est-à-dire la colline une
ville : Allez, leur répondit-il
du trésor. On raconte que bien des re- , établissez-
vous devant la ville des aveugles. Cette
cherches inutiles ont été faites à sa satyre contre les habitants de Chal-
base pour retrouver des trésors ima- cédoine fut répétée par Mégabyze
ginaires; c’est le point culminant d’une (2)
général perse. Ces gens-là, dit-il,’
petite chaîne de collines qui va aboutir
étaient donc aveugles pour avoir
a la mer. .Maltépé est à seize kilomè- été
choisir un territoire si ingrat lorsqu’ils
tres de Scutari et à douze de
Chalcé- avaient devant eux une contrée si
doine; ce lieu paraît marquer l’empla- ma-
gnifique. Byzance en effet fut
cement de Pélékanon ; mais ce n’est fondée
dix-septans après Chalcédoine.
qu’une conjecture, car il ne reste aucun Sous le règne de Darius Chalcédoine
indice sufQsant pour s'assurer de cette lut souiT)ise ou pouvoir dps
position. Pprs6S.
Pharnabase s’empara de la ville, et après
avoir réduit tous les jeunes gens à l’état
CHAPITRE VI. d eunuques, il hsenvova à Darius.
Polyen raconte la manière dont les
CHALCBDOINE. Perses s’emparèrent de la ville (3). Ils
creusèrent un souterrain de quinze
L’ancienne Chalcédoine est située stades qui avait son entrce sur le
entre Scutari et Kadi-Keui,dans la plaine flanc
dune colline et qui pénétrait sous les
qu’on appelle Dogliandjilar méidani murailles jusqu’à la [ilace du marché.
(la place des Fauconniers). C’est aujour- Une nuit que les assiégés étaient dans
d’hui le champ de manœuvres des Jo plus grande quiétude,
les Perses en-
troupes cantonnées à Scutari. Au fond trerent par le souterrain'et la ville
d’une petite baie formée par la pointe fut
prise.
de Kadi-Keui se trouve le jardin de Pendant la guerre entre les rois Pru-
Haïder Pacha avec une fontaine om- sias et Philippe, les Rhodiens, d’abord
bragée par un magnifique platane. allies des .Etoliens ensuite de Phi-
Dans l’antiquité
cette fontaine portait lippe,s’emparèrent de Lysimachie, ville
le nom de source d’IJerinagoras.
de Troade, ensuite de Cius et enfin de
Kadi Keui, c’est-à-dire le village du Chalcédoine.
juge, s’élève sur l’emplacement de l’an-
Dans la guerre contre Mithridate,
cienne Chalcédoine dont les ruines
celte dernière ville fut prise par le prê-
même ont disparu, et qui ne vit plus que teur Aurélius Cotta,76 ans avant J.-C.
dans les souvenirs historiques.
Lorsque Mithridate devint de nouveau
Chalcédoine fut fondée l’an 1575 maître de la Bithynie, il marcha contre
avant J.-C. par Archlas, qui conduisait
Chalcédoine; Cotta se retira dans la
une colonie de Mégariens. Elle prit son place, et laissa Nudus, le
nom du fleuve Chalcédon, qui arrose la commandant
de la flotte, occuper la plaine devant la
plaine voisine, et qui lui-même tenait
ville.Chassé de cette position, ce der-
son nom soit d’un fils de Saturne, soit nier voulait se retirer vers les portes
du fils du devin Chalcas. Les autres mais dans
;
le tumulte de la retraite, il
traditions découlent probablement de
perdit beaucoup de monde
l’oracle local, qui avait une grande cé- (4).
La garde des portes lit descendre
lébrité. Il était placé dans le temple
d’A- du haut des murailles un panier dans
pollon et n’avait pas moins d’autorité
que l’oracle de Delphes.
(i) Pline, I.V,c. XXXII.
Cette ville reçut aussi les noms
de (a) Hérod., IV, it\.
Procérastis et de Coipusa, sans doute
à (3) Pulyanus, S(ratag., VII,
causede sa position devant la Corne d’or, XI, 5, ap.
Ha m mer.
qui est le golfe de Byzance, Elle
était. (K) Appieii ,
BeU. Mithr.
,
ASIE MINEURE. 73
lequel furent hissés Nudus et quel- nèse et en partie ruinée mais l’invasion
;
ques ofriciers ; le reste fut mis en dé- des Scythes dans le courant du troi-
route. Mithridate, qui ne perdait au- sième siècle, sous le règne de l’em-
cune occasion , vint le même jour se pereur Gallien , porta le comble à ses
placer avec sa flotte devant l’entrée du malheurs; la ville fut entièrement rasée.
ort, brisa les cliatnes qui le fermaient, Constantinople venait à peine d’être
rdla quatre vaisseaux ennemis, amarra fondée, quand les Goths firent une ir-
le reste, au nombre de soixante , à la ruption août lesravage.s furent réparés
suite des siens, tandis queCotta et Nii- par Cornélius Avitus.
diis qui se trouvaient dans la ville ne Dans la vingt et unième année de son
pouvaient opposer aucune résistance; règne, hî 28 juin 320, jour de la Saint-
dans cette action, Mithridate ne perdit Pierre, Constantin lit détruire les tem-
que. peu de monde. ples de Chalcédoine , ou les convertit
Pierre Gilles emprunte à Denys de en églises. L’oracle d’Apollon fut en-
Byzance un récit qui montre à quelles glouti sous les décombres, et le temple
fourberies avaient recours les devins de de Vénus fut transformé en église de
Cbalcédoinepour attirer la foule à leurs Sainte-Euphémie. Cette égli.se était si-
prétendues révélations. tuée dans le faubourg du Chêne (Drys ).
Un faux devin, nommé Alexandre, C’était le plus brillant quartier de
s’étant associé ii Byzance avec un cliro- Chalcédoine ; c’est là que Rufin, le mi-
nographe diffamé nommé Coccouas nistre favori d’Arcadius, possesseur de
avaient remarqué que les trésors pleu- richesses immeii.ses, avait fait construire
vaient dans les temples de Delphes, une splendide villa, qui englobait telle-
Claros, Delos, et que l'art de la divi- ment les constructions environnantes
nation donnait de grands profits; ils que tout le quartier était appelé Rufi-
entreprirent de fonder eux aussi un Dopolis ; elle s’élevait sur la colline qui
oracle. Cocconas préférait Chalcédoine avait favorisé la prise de la ville, par les
comme un lieu fréquenté par les mar- Perses. Ses colonnes de marbre pré-
chands. Alexandre penchait pour une cieux se iniTaient dans les eaux du Bos-
ville de Paphlagonie nommée Aboni phore. L’or et les mosaïques ornaient de
Teichos des murs d'Abon), et son avis somptueux appartements, et Rufin, quoi-
l'emporta. Ils partirentdonc pour Chal- que non baptisé, avait faitbâtirune église
cédoine, et imaginèrent de faire dé- sous l’invocation des apôtres Pierre et
terrer près du temple d'Apollon des Paul. Toutee luxe etec^s démonstrations
tables de bronze [lortant une inscrip- religieuses plaisaient a Théodose, dé-
tion dont le sens était que bientôt Es-
: fenseur ardent de la foi orthodoxe. L'em-
culape avec son père Apollon arriverait pire d’Orient était infecté d’arianisme
dans le royaume de Pont, et s’établirait depuis Valens; les ariens triomphaient;
uuiis la ville d’Aboni Teichos. La fraude le désordre était dans f Église; chaque
fut assez bien concirtée pour que le église avait sa règle, et les evêques se
bruit (le cet événement se répandit lançaient mutuellement des anathèmes.
rapidement dans la Bithynie et arrivât Le polythéisme profitait de ces dissen-
usqu'à la ville, qui s’empressa de faire sions, et les sacrifices païens se multi-
Ilôtirun temple à Apollon. Cocconas pliaient. Rufin, n’étant encore que néo-
resta à Chalcédoine, distribuant les ora- phyte, s’était déclaré avec vigueur pour
cles avec succès. On pense, ajoute le clergé orthodoxe ; mais il ne pouvait
Pierre Gilles, qui rapporte ce fait d’a- rester plus longtemps sans entrer dans
près Lucien, que les tables de bronze le giron de f Église, et le jour où le
trouvées dans les fondations des murs monastère et le temple qu’il avait fait
de Chalcédoine, quand Vnlens les lit bâtir furent achevés, la dédicace en fut
démolir, remontent à cette époque. faite avec une splendeur inusitée, et
Elles contenaient quelques vers hexa- Rufin reçut le baptême le 24 septembre
mètres annom^nt à Byzance des évé- 394. Les evêques furent mandes des di-
nements sinistres. vers diocèses de l’Asie; un concile de
Chalcédoine fut assiégée par Alci- dix-neuf prélats procédas la dédicace et
biade pendant la guerre du Pélopon- au baptême- Les anachorètes de la Thé-
j.git:;sd y VjOOgle
74 l.nUNIVERS
baïdeet de l’ÉgypU* avaient été appelés ; ment en face. L’ensemble des cons-
ils étaient arrivée sons la conduite de tructions se composait de l'église et de
leurs abbés couverts de peaux de chèvres, deux vastes mona.-tères avec des por-
d’autres presque nus, les tdieveux et la tiques et des promenoirs. C’est la qu’en
barbe en désordre ; ils rappelaient les l’année 451 se tint le concile contre
Bosci ou anachorètes broutans, qui vi- l’héresie d’Kutycnès et qui prit son
vaient dans les montagnes de {'.esarée. nom de la ville ou il eut lieu, lliéro-
La cuve baptismale était entourée d'un clès chasse Chalcéeoine parmi les \illes
rideau de pourpre, et Kufin y ilescendit de la PoHlica prima, et lui assigne le
soutenu par Aininonius, le célébré suli- premier rang parmi les évêchés de la
taire du Pont. province.
Trois fois on lui plonttea la tête dans Dans seconde année du règne de
la
l'eau b.iptismale, et au sortir des fonts, Justinien, en 56 , le 21 mars, le général
1
Ainmonius lui donna l'acculade. De ri- sarrasin Almunzar s’empara d'un fau-
ches eulotties (les présents baptismaux) bourg de Cbalcédoine, et le réduisit eu
furent envoyées aux principaux habi- cendres. C'est de ce moment qu'une
tants de Cbalcédoine. (>tte cérémonie croyance s'établit dans Chalcédoiue (|ue
fut illustrée par l'homélie de Gréftoire le vingt et unième jour du mois était
de Nysse, plus que par la pompe théâ- un jour malheureux. On se rappelait
trale qui raccompa<!uait. Ce fut pour de sinistres événements arrivés a cette
ainsi dire le dernier éclat de la splen- même date
deur de Cbalcédoine (I). L'invasion des Perdes suivit à peu
Sur le promontoire Heroeon s'élevait près la même marche que celle des Sar-
un somptueux p.dais qui appartenait rasins ; ils se présentèrent devant Chal-
à Théodose ce ;
lieu était célèbre chez cédoiue, la cinquième année du régné
les Byzantins. C’est de là que Théodose d'Heraclius, eu 715, et comme ils lie
écrivit aux chefs des ariens de Constanti- pouvaient pas s'en rendre maîtres im-
nople, qu’ils eussent à rentrer dans la médiatement, ils laissèrent un corps
commuiiion de Nicée ou à abandonner d’observation, et aniiee d'après ils
I
les églises dont ils étaient en po.sses- l'emportèrent (I). Enfin la ville étant
sion. Une assemblée de ces sectaires tombée entre les mains des Turcs peu
ayant eu lieu, les ariens se soumirent de temps avant la prise de Constanti-
à la sentence de Théodose et quit- nople, ils détruisirent les derniers ves-
tèrent les qu’ils possédaient
édifices tiges de ses riches monuments pour
dans la ville, pour
s’installer dans ceux bâtir dans leur nouvelle capitale des
du faubourg. D’après cette maxime mosquées et des bains. Aujourd'hui on
qu’ils avaient adoptée Si vous êtes per-
: cherche en vain remplacement de ses
sécutés dans une ville, retirez-vous (fans murs et de ses édifices ; n ais la fon-
une autre. taine d'Hermagoras continue de ra-
de .Sainte-Kuphémie. décrite
I.’église fraîchir le sol ; et le petit lleiive Cbaleé-
par Évagrius (2). fondée comme nous don, sous le nom peu poétique de
avons dit par Constantin, était distante Kadi-Keui-Souiou , porte toujours ses
de deux stades { 368 m. )du Bosphore, eaux à la mer après avoir arrosé quel-
sur le penchant d’une colline dépendant ques jardins.
d’un faubourg de Chalcédoiue. On Pierre Gilles vit détruire les derniers
avait voulu que les fidèles qui se ren- vestiges du pàlais de Burin,quifiit plus
daient à l’eglise pussent en même tard occupe par Bélisaire. I,es pierres
_
n'entendent pins que la voix du mollah qu’ils ne tombent pas sur d'antiques
qui leur crie cinq mis par jour // n'est : fondations. Tous les fragments qu’on a
aanlre Dieu que Dieu, et Mahomet est mis a découvert datent des temps by-
son prophète.... Jusqu’à ce qu'un trem- zantins; il y a longtemps que le dernier
blement de terre ou une révolution vestige de la ville grecque a disparu.
inattendue leur donne une autre desti- Les médaillés qu’on exhume à de rares
nation » ! intervalles sont aussi du bas empire ; il
Les anciens écrivains attestent que est même difUcile de s’en procurer.
les habitants de Chalcédoine ne se dis-
tinguèrent jamais dans les lettres ; mais
LA FONTAINE ZABBTA.
ils s'adonnaient avec ardeur à la pêche
(les thons et des pélamides, et étaient
devenus très-adroits dans l’.irt de fa- y aurait aux environs de Chalcé-
Il
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*
76 L’UNIVERS
Le faubourg de Drye ou du Chéiie avait navires (jui traversaient le Bosphore en
pris son nom d’un chêne gigantesque venant du Pont-Euxin. Une flotte de
qui en faisait l'ornement. On disait alors trente voiles sous deux commandants
le faubourg de Ruphin. veillait à la sûreté du port. 1.106 partie
de ce port fut comblée, lorsque la ville
CHAPITRE VII. de Clialcédoine fut détruite, et l’autre
partie, sous les empereurs byzantin.s,
CHRYSOPOLIS. — SCUTABI. — tlSKU- pour empêcher les barbares d’y trouver
DAH. un refuge. Les derniers vestiges de ce
port disparurent au commencement du
A dix stades environ de Clialcédoine seizième siècle lorsque la lille du sultan
et dans le territoire appelé lilialcedo- Soliman lit bâtir la mosquée qui porte
nia (t) SC trouvait l'arsenal des Clialcé- son nom. Quelle (lue fut son impor-
doniens, qu'on appelait Clirysopolis, et tance commerciale du temps des Grecs,
dont l'cniplaceinent est occupé par la Chrysopolis ne subit aucun accroisse-
ville moderne de Scutari, nomniee tJs- ment pendant le règne des rois de Bi-
kudar par les Turcs. La ville s'élève sur thynie. Strabon ne la mentionne que
une pente douce au pied du mont Roiil- comme un village dépendant de Chal-
gourlou, du haut duquel on jouit du cédoine. Son nom acquit quelque célé-
plus magnilique panorama qu'il soit brité, parce, que c’est dans le voisinage
possible d’imaginer ; en aucun lieu de de Chrysopolis que Licinius fut vaincu
la côte la vue du Bosphore et de Cons- par Constauiin en l’an 324, et la dix-
tantinople ne se développe d’une ma- neuvième année de son règne. Licinius,
nière aussi splendide. prisonnier, fut conduit à Thessalonique,
L’antique tihrysopolis était, sous où il eut la tête tranchée. Le nom de
l’empire des Perses, le lieu où se ver- Scutari, qu’on ne trouve pas dans les
saient les tributs levés sur les peuples auteurs anciens, vient sans doute de ce
delà presqu’île; c’est de laque lui vint que cette ville renfermait un corps des
le nom de la ville d'Or. Etienne de sciitahi, porte-boucliers, equi/es primi
Bvzance, (|ui rapporte les traditions des scularii , créé avec les sagUlarii par
Grecs, nous les montre lidèles à leur ha- l’empereur Valens. Ils précédaient le
bitude de faire dériver tous les noms des corps des seconds scutaireset se trou-
villes et des peuples de quelque héros vaient sous les ordres du maître des mi-
de leur race; selon cet auteur Chry- lices pour l’Orient (1). Selon M. deliam-
ses, lils de Chrvseis et d'Agamemuon, mer, le nom uskudar est perse et cor-
fuyant la persécution d’/Egiste et deCly- respond au mot de astandar, que Xeno-
tPinncstre, se retira en Asie, et mou- phon emploie pour désigner les courriers
rut en ce lieu, où il eut sa sépulture. En impériaux, les angari des Perses.
commémoration de ce fait, la ville fut
appelée Chrysopolis. Quoique le voisi- LES COURUIEHS EN ORIENT UaNS
nage de Byzance ait toujours été un l’antiquité ET DE NOS JOURS.
obstacle à l’accroissement de cette ville,
comme elle se trouve être le point de I,es Perses «avaient établi «à Chryso-
l’Asie le plus avancé du côté (le TEu- polis une station de courriers qui por-
ropc, elle fut toujours un lieu de tran- taient les ordres dans tout l’empire, et
sit assez fréquenté Les Dix mille, après cette institution fut soiuneusemcnt con-
avoir quitté Trêbizonde, s’arrêtèrent servée par l’empire romain. Auguste
pendant sept jours à Chrysopolis pour imita les Perses en établissant une cor-
poration de veredarii ou courriers qui
y vendre leur butin (2). Les Athéniens
s’étant emparés de Chrysopolis, l’en- avaient des stations tous les cinquante
tourèrent d’une muraille, et en tirent milles. Là on trouvait non-seulement des
une place où se versait l’argent prove- chevaux de rechange, mais encore de.s
nant des dîmes perijues sur tous les voitures h deux et à quatre roues qui
pouvaient porter jusqu’à mille livres.
(i) Xéiiopbon, VI, 6, 36.
(«} Xéaoph., I. 6. (i) Notice (Iv l'F.iiipirc, p. Sp.
ASIE MINEURE. 77
Le nombre des animaux, chevaux ou mu- nie (t). Cette institution des angari ou
lets, qui devaient être attelés était fixé des postes publiques commençait à dégé-
par des règlements (1); les voitures à nérer sous l’empire by7.antin,'les auber-
deux roues ne pouvaient porter que cinq gistes, par faveur ou à prix d’argent, ob-
cents; le cheval de poste ne portait tenaient la faculté de servir les cour-
qu’un excédant de trente livres l’été ; riers, et ils louaient leurs chevaux à tout
on attelait huit mules et.l'hiver dix; les venant. Le mauvais entretien des routes
voitures à deux roues étaient attelées de rendait inutile l’emploi des chariots;
trois mules. Valentinien défendit de se le désordre se mettait dans l’adminis-
mettre plus de trois personnes dans ces tration quand les Turcs se sont rendus
dernières voitures (2). Outre ces trans- maîtres du pays. En leur qualité de peu-
ports, il y avait des chevaux de course ples cavaliers et nomades, leurs princes
appelés veredi qui franchissaient ra- n’ont pas laissé tomber en désuétude
pidement de grandes distances (3). La une dans laquelle le cheval
institution
selle et la bride ne devaient pas excéder joue principal rôle. Aux mansiones
le
le poids de soixante livres sous peine r'omaines succédèrent les mensil-bané,
d’amende. Chaque station devait être que le sultan Soliman organisa d’une
garnie de vingt chevaux et jamais elle manière régulière. Lasdiploma délivrés
ne devait être vide. Les patriciens affi- par le préfet du prétoire furent rempla-
chaient un grand luxe dans l’équipage cés par des bouyourdi délivrés par le
de leurs montures ; les mors et souvent pacha, et les agents seuls du gouverne-
les brides étaient dorés ; enfin un vété- ment avaient le droit de se servir des
rinaire payé par la commune était at- chevaux. Mais dans cette institution des
taché à rétablissement. transports, le commerce n’était pas ou-
Chaque année le nombre des chevaux blié; les routes, mal entretenues, il est
était renouvelé par quart, et c’était la vrai, autant par incurie que comme
province qui avait la charge de les rem- question de défense, ne pouvaient plus
placer. Par le moyen de ces courriers, les servir aux voitures, et la rheda des La-
nouvelles se répandaient avec la plus tins , dont les Turcs ont fait le mot
grande célérité ; des esclaves se tenaient nraba, la voiture, finit par devenir en
constamment prêts pour seller les che- Asie un objet de curiosité. Mais en re-
vaux des greniers bien approvbionnés
; vanche ils ont mis un grand soin à fon-
servaient non-seulement aux chevaux de der des établissements magnifiques sous
poste, mais encore aux cavaliers qui le nom de caravanséraî, c’est-à-dire pa-
voyageaient par détachement. Les em- lais des caravanes. Ces établissements
pereurs eux-mêmes faisaient usage de contiennent au rez-de-chaussée de vastes
ce moyen de transport. Titus tomba écuries, des magasins pour les marchan-
malade dans une maison de poste. dises et au premier étage des chambres
Les particuliers pouvaient faire usage pour les voyageurs. Il y a ordinaire-
des postes impériales moyennant une ment une dotation attachée à l’établis-
permission du præfectus prætorio, qui sement pour défrayer le personnel, et les
délivrait des diplômes. Pline, préteur de caravanes sont reçues moyennant une
Bithyuie, parait avoir été tres-diflicile très-minime redevance. Les caravan-
pour délivrer ces permis de poste, et il séraïs sont classés parmi les fondations
écrit à Traian qu’il n’en donne que dans pieuses, comme les fontaines eties hospi-
le cas d’absolue nécessité. Lui-même, ces, et la création d’un tel édificedispense
lorsqu’il parcourait sa province, ne voya- un musulman du voyage de la Mecque.
geait pas à cheval mais dans des voitures Aux angari des Persans, aux cererfa-
;
c’est ainsi qu’il se rendit d'Éphèse à rii des Romains a succédé chez les Turcs
Pergame. Mais ce voyage le fatigua beau- une corporation qui tenait de près à
coup, et il se rembarqua à Pitane, le port celle des janissaires et qui cependant
de Pergame pour se rendre en Bithy- existe encore, c’est le corps des tatars,
qui sont considérés comme courriers du
(i) L.S, G)d. Tli. cabinet pour porter les ordresde la Porte.
(a) L. 19 , 3o, Cod.TlieoJ.
(3) Procop., De Uello Pers., lib. a. (i) Pline, liv. X, Un. XVIII.
7fi L’ÜNIVF.flS.
Non-seulement ils ont le droit de pren- stations étaient sur les sommets Isamo.s,
dre dans cha(|ue mensil liané les che- Ægylos, Manias, Kyrizos, Mokilas (t),
Nuux qui leur sont nécessaires; mais sommet du mont
et la dernière sur le
dans les villages ou même sur les routes Auxent (Boulgourlou), où était le monas-
nul cavalier n'oserait refuser de troquer tère des Acœmites (qui ne dorment. pas).
son cheval contre celui d'un Tatar en Ce dernier point correspondait directe-
mission, quitte à retrouver sa monture ment avec le ^lais. Il est fait mention
dans la maison de poste prochaine. Les de cette télégraphie dans l'histoire by-
tatars sont reconnaissables à leur cos- zantine au sujet de l’empereur Mi-
tume particulier; ils portent un grand chel I|1 en 842. Ce prince, abandonnant
béniche, sorte de robe rouge avec le fez, les soins de l’empire, se livrait avec em-
et tout l'attirail de campagne ne les portement aux jeux du cirque. Un cour-
quitte jamais; nous voulons parler des rier du palais vint au moment des cour-
armes de toute sorte et des accessoires ses lui annoncer que les Sarrasins ve-
de la pipe. naient d’envahir une des provinces de
l’empire. Il lit écarter cet importun et
TÉLÉGnAPniE CHEZ LES BVZANTI.XS. ordonna d'éteindre les feux qui dans les
temfis d'alarme avertissaient tous les
Indépendeminent de cette transmis- pays situés entre Constantinople et Tar-
sion terrestre des ordres impériaux, les sus (2).
souverains de iSyzance avaient établi Le promontoire de Scutari forme la
une ligne de télégraphie aérienne véritable limite entre le Bosphore et la
nocturne entre Tarsus et la vdle de Propoiitide; c’est à cette place que, se-
Sciitari. La première station était placée lon la tradition des Grecs, la vache lo
sur le mont lioulgourlou Ce système de aurait traversé la mer; aussi le cap de
signaux correspondait avec Constanti- Scutari était-il appelé Damalis ou le cap
nople, soit à la tour des vedettes (t), de la Vache. Si l’on veut chercher une
soit à la tour du centenier voisine du source historique à ce nom de Damalis,
palais. L’invention de ces signaux re- il faut franchir plusieurs siècles et ar-
monte aux plus anciens temps histori- river à l’époque d’Alexandre. Philippe
ques. I.a prise de Troie fut annoncée à de Macédoine assiégeait Byzance qui
,
la Grèce' par des signaux nocturnes qui était défendu par Charès, général athé-
se répétèrent de proche en proche sur nien. Sa femme Damalis étant morte
les sommets de toutes les montagnes (2). pendant le siège, les Byzantins, pour
Les Gaulois connaissaient le même reconnaître le.-- services que leur avait
moyen de correspondance; mais l’or- rendus Charès, élevèrent un tombeau à
ganisation régulière des signaux télé- Damalis sur le cap de Scutari et dres-
graphiques ne date oue du neuvième sèrent une colonne portant la ligure em-
siècle de notre ère. Ils furent perfec- blématique d’une vache (3).
tionnés sous le règne de Théophile par Scutari est du petit nombre des villes
Léon le Philosophe, évêque de Thessa- d’ Asie qui n’ont pas vu leur prospérité
lonique. I.a nécessité de connaître les déchoir avec la domination musul-
mouvements des Sarrasin^ avait fait or- mane. Faubourg de Constantinople
ganiser ce service les feux étaient dis- coinme elle l'était de Chalcédoine, c’est
^
posés de manière a former des chiffres toujours le lieu de casernement des
qui correspondaient à des phrases; huit principales troupes réunies autour de
stations étaient établies entre Tarsus et la capitale, et de magniliques casernes,
la capitale. La première à Kola dans qui s'augmentent tous les jours, peuvent
le voisinage de Tarsus (saus doute recevoir des corps d’artillerie et de ca-
Kulek-Boghaz )(3), une seconde sur les valerie.
du mont .'\rgce(4i. I.es autre-
hniiteiirs Autant par esprit de religion que
(i) Coliorles vigiliiim.
(i) Ksdiyle, /1j>omemiion, v. aSi, i85. (i) Aujourd’hui inconnu.!.
(3) Voyez page 3i. (») Cibboii, régné de Michel.
(4) Cüiitimialor Tlu'ophanis, IV, § 35, ap (3) Codin d’après Deiiys de ltyzance(Ua-
Hauinier, loc. cil. malis).
ASIE MINEURE. 79
pour plaire aux troupes cantonnées h .àla vie civile, n’en sont pas moins regar-
Sciitari, la plupart des sultans ont con- dés commedes fondations pieuses. Nous
tribué à embellir Suulari de plusieurs voulons parler des bains et descaravan-
monuments remarquables ; les lontaines serais. Ces derniers édifices sont dignes
y sont décorées avec gortt et de nom- d’une ville qui est la première place :1e
breuses mosquées rompent, par la forme transit entre l’Asie et l’Europe, ils sont
«légante de leurs coupoles et la multi- nombreux et largement installés. Ou
plicité de leurs minarets, l’uniformité est toujours certain d’y rencotitrer des
des lignes du paysage. Moins voisine de caravaneurs arméniens pour des voyages
Coustaniinople, Sciitari passerait pour de long cours; ils sont aussi disposes à
une ville remarquable. partir pour la Perse et l’Afganisian que
pour Its environs de Smyrne mais
;
vent dans les (juatre angles. Cet édili e t.'intino|ile attachent un certain prix à
est situé sur une éminence non loin dti l’idée d’aller reposer où re|K)sent leurs
inarclié aux chevaux (at bazari) et do- ancêtres, et font transporter leur dé-
mine presque toute la ville. pouille mortelle à .Sculari. Cependant
Différentes sultan<s et princesses ont le grand cimetière n’est pas décoré de
suivi le même exemple et ont orné la monuments somptueux, de chapelles
ville de Sculari d’éiiilices religieux, de sépulcrales ou Turhéh, comme on en
tekkès ou couvents de derviches et voit un grand nombre à Constantinople.
d’hospices pour les pauvres. Tous ces Autrefois la dignité du mort était indi-
monuments ont été bâtis à une époque quée sur sa tombe par la forme du tur-
où l’architecture turque abandonnait ban qui couronnait la pierre tumulaire;
l’ecole arabe, dont elle avait été un re- aujourd’hui c’est le simple fez qui in-
flet original, pour se jeter dans l’archi- dique la sépulture des grands comme
tecture bâtarde qui n’est ni musulm.tne des marchands. Les tombeaux des fem-
ni chrétienne. La mosquée de Sélim III mes sont décorés d’une simple inscrip-
en est un exemple déplorable. Quoique tion au milieu de laquelle est sculpté
bâtie eu marbre et décorée avec un cer- un cyprès la tête penchée ; c’est le sym-
tain luxe, on ne trouve ni dans son en- bole de l'âme qui s’est envolée au ciel.
semble ni dans les details de ses. orne' Une fois le mort déposé dans la tombe,
ments rien qui rappelle plutôt l’orient la famille vient quelquefois rendre vi-
que l’occident; c’e.stun style qui n’a pas site a la sépulture ; mais le tombeau
même pour lui l’originalité de la bar- reste sans gardien sous la protection
barie. Les princes musulmans qui ont de la piété publique, sans que jamais on
doté la ville de Scutari de tant de mo- songe à sa réparation ou à son entre-
numents religieux n’ont pas oublié d’y tien. Aussi quoique le cimetière de Scu-
joindre ceux qui, bien que se rapportant tari date de rétablissement des Turcs
80 I/UNIVF.RS.
dit-il, parce que le dernier des empe- garde où stationne un poste. Déjà du
reurs byzantins, fuyant sa capitale pour temps de P. Gilles on croyait que l’in-
se retirera Jérusalem, pourra dans son térieur de ce petit fort était alimenté
palais de Bryas entendre les cris de dé- par une source d’eau vive; mais il est
sespoir des habitants. constant qu’il n’y a qu’une citerne qui
Il fut construit par les empereurs Ti- reçoit les eaux pluviales. Les Turcs ra-
bère et Maurice, qui bâtirent aussi le content au sujet du nom de l’édifice,
palais de Damatrys, où se trouvait le la Tour de la Fille, une histoire roma-
boisdeConsiantin l’Aveugle, fils d’Irène. nesque d’une princesse qui y fut déte-
Le port d’Eutrope, ainsi nommé du nue; c’est sans doute ce conte qui a
protospaihaire de l’empereur Constan- motivé de la part des Européens le nom
tin, qui le lit construire, était voisin de de Tour de Léandre, quoiqu’elle n’ait
ces lieux. rien de commun avec l’événement poé-
Les princes byzantins avaient pris les tique dont .Sestos fut le théâtre.
mœurs des Orientaux avec lesquels
ils étaient en communication constante, CHAPITRE VIII.
et le goût des jardins appelés Paradis
chez les Perses, s’était introduit chez les LES ILES DES PRINCES. DAIHONISI.
Grecs; ils étaient établis de préférence
sur la côte d’Asie ; le palais de Damatrys Les Iles des Princes forment un pe-
était entouré d’un vaste parc rempli de tit archipel peu éloigné de la côte de
gibier, où les empereurs et les princes Bithynie et à l’entrée du golfe de Nico-
leurs allaient se livrer à l’exercicede
fils médie ; les Grecs les appelaient Daimo-
la chasse. Tous ces palais ont disparu ; nisi (les Iles des Génies). Il est assez
mais les fontaines qui les arrosaient cir- difficile d’identifier avec les noms mo-
culent encore au milieu des jardins des dernes les nombreuses îlesqui sont men-
Turcs. tionnées par Pline (I) sur toute la sur-
face de la Propontide ; nous ne pouvons
LA TOUR DE LÉANDRE. reconnaître que l’île Proconnèse ou de
Marmara, l’MedeBesbicusouCalolimno,
A quelques encablures du rivage, et legroupe des Iles des Princes. Ces
dans voisinage de Scutari, s’élève une
le dernières sont mentionnées sous les
tour de construction moderne, que les noms suivants: Élée, les deux Rliodusse,
Turcs appellent Kiz-Koulé-si (la Tour de Érébinthe , Mégalé, Chalcite et Pityode.
la Fille), et qui est connue des Européens Le caractère de chacune de ces îles,
sous le nom de Tour de Léandre. Elle leur position respective, permettent de
est bâtie sur un écueil à fleur d’eau. se reconnaître dans cette sèche nomen-
clature.
(i) Anonyoïi, Pais lit, liv. III, p. 5g,
ap Kaiuliii'i. (i) Pline, liv. V, ch. XXXII.
ASIE MINEUSE. SI
Comme ces Iles sont nommées, d'a- Les des Princes > furent ainsi
lies >
près leur position à l’égard de Chalcé- nommées par les Byzantins, parce que
doine, Élée s’identifie arec Proté ou la durant toute la pénode de cet empire
première. Étienne de Byzance (I) cite elles furent couvertes d'églises et de mo-
ce passage d’Artémidore. * En partant nastères qui servirent de lieux de re-
du cap Acritas , après avoir navigué traite forcée ou volontaire à un grand
cent dix stades (2), on arrive au cap nombre de princes détrônés ou chassés
Hyris. Il y a dans ce voisinage l'ile Pi- de la cour.
tyode, une autre Ile nommée Chalcitis,
célèbre par ses mines de cuivre, et une PBOTK.
autre tie nommée Prota; de là à la ville
de Chalcitis
y
il a quarante stades ( sept . L’empereur Romain Diogène, qui fut
kilomètres et demi). Les deux Rhodusse prisonnier de Alp-Arsl.in, recouvra sa
sont aujourd'hui Rhobito et Anti- liberté moyennant trois cent soixante
Rhobito, très-voisines l’une de l’autre; mille pièces d’or, pour venir expirer
Chalcitis n’a pas changé de nom ; c’est comme prisonnier religieux dans un
l’île de Chalki. Pityode est Pita; Eré- mon.Tstère de l’tle de Proté, qu’il avait
binthe est alors Antigone ; car l'ile de fondé (I). Cent trente ans auparavant
Megalé, la plus grande de toutes, est cer- l'empereur Romain P'' avait éprouvé
tainement l’ile du Prince, qui a donné un sort semblable. Renfermé par ses
son nom à tout le groupe. La distance fils dans un monastère, il y unit ses
donnée par Artémidore sert à fixer les Jours.
positions du cap Acritas, qu'il faut Le plus ancien cloître de l’ile de
placer dans le voisinage de Scutari. > Proté uit bâti dans la première année
Les noms turcs diffèrent complète- du neuvième siècle ; c’était une prison
ment de ceux donnés par les Grecs ; les d’État aussi bien qu’une maison reli-
difQcnItés que nous avons signalées gieuse, et chaque révolution accomplie
pour la nomenclature des fleuves et des dans Constantinople fournissait un
montagnes se retrouvent encore dans contingent au personnel des moines du
celles des villes. Il en est plusieurs qui, couvent. Les successeurs de Nicéphore
même aujourd’hui, portent plusieurs furent rasé.s et renfermés dans le cou-
noms, les uns turcs, les autres grecs, et vent de cette lie ; il arrivait quelquefois
d’autres donnés par les marins étran- que ceux des reclus qui n'avaient pas eu
ers. L’archipel des Princes est connu les yeux crevés ou arrachés trouvaient
es Turcs sous le nom de Kizil Adalar moyen, à l’occasion de quelque révolu-
(les lies Bouges). Cest aussi le nom de tion de palais, de jeter de coté la haire
l’ile Prinkipo, la plus grande du groupe. pour reprendre la cuirasse.
Elles doivent donc être classées d'après
la nomenclature suivante (3) : ÀIVTIOONE.
ASIE MINEURE 83
que Mégalé a pris le uom de l’üe du de Satyrus fut cpnstruit par le patriar-
Priuce (I). Otte île fut, comme les au- che Ignatius.
tres, le théâtre de ces revers de for- La petite île d’Oxeia est voisine de
tune si communs au moment de la Platée. Sou nom, quisjgnilie, rude âpre,
chute de Byzance, et il semblait que est bien d’accord avec son aspect désolé.
les princes et les impératrices ne fissent Les autres ne soutque di s rochers
îlots,
bâtir des monastères que dans la pré- où séjournent pendant la belle saison
vision de leur chute. L’impératrice Irène, quelques familles de pêcheui;s.
dont le règne jeta un si vif éclat, ter-
mina ses Jours dans un monastère de CHAPITRE IX.
Prinkipo, et l’impératrice Zoé, forcée de
prendre le voile, fut uu moment ren- PABAGES UE LA MER NOIRE. LE MORT
fermée dans cette île par Michel Cala- GÉANT.
fate. Mais elle en sortit bientôt pour
remontersur le trône. L'usurpateur fut La montagne située sur la côte d’Asie
privé de la vue et renfermé à son tour immédiatement en face du golfe de
dans le monastère de Sergius. Buyukdéré est connue de tous les navi-
Aujourd'hui ce petit archipel a perdu
g iteurs qui traversent le Bosphore. Les
tonte son importance stratégique au Turcs lui donnent ie nom de Yorus
point de vue de l’attaque et de la dé- dagh on l’appelle aussi quelquefois
;
l.a po^se!>slon de ce
barbares ; mais ils s’enfuirent à l'arrivée
crer des iifliamles.
luuBtemps un ohjel de con- des Goths et livrèrent Chalcédoine qui
territoire fut
ha- fut mise au pillage.
testation entre les Byzantins et les
La première apparition des Russes
bitants de Clialeédoine. Prusias finit par
mais dans le Bosphore eut lieu en 866 ; ils s’a-
S eu rendre maître et s'y forlifla;
le rendre aux Byzan- vancèrent jusqu'au Hiéron. Us revin-
il fut contraint de
avait en- rent une seconde fois en 94î, dans la
tins avec tmi* les objets qu’il
tuiles , et vingt-troisième année du règne de l'em-
levés du temple , les bois , les
pereur Romanus , brûlèrent Sténia_, la
les caissons.
tradition conservée par hotte grecque, et s’emparèrent de Hié-
**D^'nrès*ia
ron;enliniisarriveTent jusqu a Byzance.
Diodore de Sicile, les Argonautes re- S em-
Galsia, s cm-
J- Âiaitt arrivés h Génois. maîtres de Galata,
I .es Génois,
V 6 n 9 fit d6 Colchos , éisnt 8rri\és ô
l.es
parèrent du Hiéron, et y construisirent
remboucbure du Bosphore, y sacrifiè- encore aujour-
le château dont on voit
rent aux douze dieux. Le temple
pa-
consacré a Jupiter d'hui les ruines. L’écusson de la répu-
rait avoir alors été
blique de Gênes subsiste au-dessus de
la
l’autre dieu
et à Neptune; car l’un et
porte d’entrée.
étaient honorés dans l'Hiéron du Bos- em-
phore (IJ. Pausanias.vainqueurdeMar- Au delà de ce château jusqu a I
venir nicher;
fjn:iici c’est à cause de ce
,
-- fait —
que les Grecs lui ont donné le
nom de
composés de grondes pierres de. taille
que les'furcs enlevaient pour les porter cap a.
fl roiistanlinonle. Après ce cap vient la tour de «édée
Mcaee
qui se présente sous la forme d un ro-
Ce remnart de Bvzance ne put arrê-
ter^esŒnns de^ barbares.*^ En 248 Sher arîondi et dans le vo.|upage sont
une descente les Cyanées d Asie
de J -C. les llérules firent
au moyen d’une Botte de cinq
cents , senter l’avpect singulier
jaaïuuca, et vinrent
barques, assiéger Glirysopo- •
d’Europe. Strabon esUme à vingt stades
. v_ ^1.^* nAoevl ilc lu-
naval ils fil. distance entre ces deux écueils.
lis; mais après un combat
la
La ville turque s’élève au milieu des arbres), couronnent les montagnes L'ex-
jardins sur le penchant d’une colline ploitation des bois est une source in-
qui était couronnée par l’acropole de cessante de travail, et de nombreuses
Priise ; c’esteiicorc la résid.’ncede l'agha. immunités sont accordées aux paysans
i.es inurailles de l’ancienne ville, en- bûcherons en compensation des char-
core conservées, se prolongent en par- ges que leur impose le goiivernemeut-
tie sur la colline et en partie dans la Le bétail est nombreux; mais dans ces
plaine. Elles sont de diverses époques pays trop humides, le mouton ne pros-
et l'on observe même quelques parties père pas aussi bien que dans la région
qui sout faites avec des débris de mo- des hauts plateaux. La nature sylvestre
numents antiques. Une des portes attire est peu différente de celle de l’Italie,
surtout l’attention ; elle est composée mais infiniment plus belle et plus abon-
d’énormes pierres, et l'architrave qui dante que celle des eûtes de Provence.
la couronne est d'une seule pièce et n’a Le goût de la marine n’est pas très- ré-
pas moins de quatre mètres de long; pandu dans les villages d'alentour, et
mais les fortes dimensions des pierres les Turcs paraissent plus disposés à se
ne suffisent pas pour donner le cachet livrer aux travaux des champs.
de la haute antiquité; cette porte ne pa-
rait pas antérieure aux murailles ro- CHAPITRE XL
maines.
A l’exception du théâtre, dont la co- tTIXÉBAlBE DE NICOMÉDIE Al) LAC
téa ou salle, creusée dans le flanc de DE SABANDJA (SOPHOK).
la colline, est assez bien conservée. Il ne
reste que des débris des autres monu- La route de Nicomédie à Sabandja se
ments; les gradins du théâtre sonj en- dirige vers l’est. On cotoie d’abord les
core en partie à leur place; le prosce- salines,qui peuvent avoir deux kilomè-
nium est détruit et l’on ne peut le res- tres de long sur huit de large. Ici les
tituer que par conjecture. Les buissons collines cessent de suivre les contours
qui couvrent le sol, les hautes herbes de la baie pour se diriger vers le nord,
qui envahissent les monuments anti- et forment ainsi une large vallée qui a
ques sont un obstacle à des recherches environ huit kilomètres d’étendue et
superOcielles; mais il est certain que dont la culture est riche et variée. Après
des fouilles entreprises en cet endroit six kilomètres de marche, on traverse
qui n’a jamais été exploité comme car- sur un pont la petite rivière Xérès, qui
rière donnerait lieu a des découvertes va se jeter dans le golfe. Pendant les
intéressantes. Il ne faut pas oublier que vingt-quatre kilomètres que l’on par-
moins une ville a eu d’importance dans court de Nicomédie à Sabandja on ne
les temps modernes, plus on doit es- quitte pas cette vallée, on marche tou-
pérer d'y faire des découvertes d’anti- jours sur le terrain d’alluvion qui ren-
quités. fenne peu de cailloux; il est arrosé par
M. Boré, dans sa correspondance, fait un certain nombre de ruisseaux oui des-
mention d’une ancienne statue de la cendent des montagnes du nord; de là
Vierge qu’il aurait découverte dans un sa grande fertilité. Tout porte à croire
jardin. Il est à croire qu’il aura con- ne dans la haute antiquité, le régime
fondu quelque statue antique avec la es eaux de ces régions était tout à fait
représentation de la Vierge; car non- différent. Le Sangarius, dont le cours
seulement ce n’est pas dans l’usage de moyen est del’est a l’ouest, devaitsuivre
l’Église d’Orient d’avoir des figures de la ligne des montagnes de Sabandja et
ronde bosse, mais on peut dire que bien
peu de bas-reliefs chrétiens ont ré- (i) E. Boré, Correspond., 197-000.
,
VSi>i)M»îiKURE. »7
venir déboHclwr dans le «olfe de IN'i- dénué Sophou (I). Le lac de Soplion a
coinédie en traversant la dépression du reçu dans Bas-Empire différentes dé-
le
lac de Sabandja , comme le Rliyndacus nominations; Aminien Marcelliu l’ap-
traverse le lac Apollonias (1). Les allu* pelle le lac de Sunon, Sunonensis la-
vions ayant exhaussé le terrain entre le eus (2); Aune Coninéne lui donne le
lac et le golfe, le fleuve fut forcé de nom de Baana (3). Il est séparé, de la
prendre qu'il suit aujour-
la direction ville par des jardins assez étendus. Sa
d’hui, et Sangarius alla se jeter dans
le longueur est d'environ dix kilomètres,
la mer JNoire, en
laissant des marécages et sa largeur n’en a pas plus de six. Du
qui marquent son ancien lit. côté de Sabandja c’est-à-din; de la
,
Nous ne pouvons développer pins longue (i) Cédrénii.s, II,|i. 6 x 8 , ffU/. mêlée.
nuint nu sujet qui demanderait un mémoire (a) Amniien Marc(dlin, tiv. XX.VI,ch. viii.
spécial; nous recommandons celte question
(3) X, a8a.
ans voyageurs géologues qui visiteront oacb Broiivsa,
celte (4) Uiibtick auf einer Reise
province.
(5) Pliue.le((.. liv. X. loti. 4.
ogie
,
ts L’ÜNIVERS.
geâtre qui contient du fer hydraté. Lea Justinien a commencé d’y faire un
eaux du lac en minant constamment la pont, et il s’applique avec une telle ar-
base des collines ont causé des éhoule- deur à cet ouvrage , que je ne doute pas
ments qui ont taillé prest^ue .à pic le ter- qu’il ne l’achève en peu de temps (I). »
rain de la rive; cependant de distance en L’ouvrage fut en effet terminé dans
distance s'ouvrent de petites vallées dont la trente-quatrième année du règne de
la verdure contraste agréablement avec Justinien, c’est-à dire en 561 de J.-C.
ce sable aride. D’après Paul Diacre, on détourna le San-
Bientôt on abandonne les bords du garius de sou lit pour exécuter la fon-
lac pour entrer dans des terrains ma- dation des piles.
récageux mais cultivés; ce n'est qu’au Constantin Porphyrogénète rappelle
bout d’une heure que l'oii rencontre la en ces termes la coustruciion de ce mo-
petite rivière qui sort du lac de Sabandja nument. • Le thème Optimatumesttra-
etqu on appelle Kdissou; elle passe sous versé par le fleuve Sangarius, dont les
un pont romain d'une seule arche, et rives sont jointes par un pont digne
tourne ensuite vers le sud. A peu de d’étre vu. Il fut bâti par l’empereur
distance de la, on franchit une colline Justinien, qui ne sera jamais assez glori-
de grés rouge, et l’on arrive au pont fié. Sur une des pierres du pont est
truire sur ses rives des châteaux pour ses, qui paraissent servir de lit à l'argile.
surveiller les ennemis. Les abords du La nature des cailloux roulés par les
pont furent laissés dans l’abandou ; torrents indique que ces terrains no s'é-
les marécages comtnencèrent à se for- tendent pas fort loin ; car les ruisseaux
mer et le neuve peu à peu changea la cliarient üe nombreux fragments de
direction de son ht. quartz et de serpentine.
Les culées du pont sont assises de Après neuf kilomètres de marche, on
part et d'autre sur des collines de grès se retrouve sur le terrain de grès rouge
rouge dont l’inclinaison concorde. Du de la même formation que le^ collines
côté du lue elles forment uii éperon qui du pont de Sabandja, et sans doute le
res.serre le défilé par où les eaux s’é- même que l'on retrouve à Nicomédie.
chappent pour aller au Sangarius. Après avoir frauchi cette colline, la na-
Attenant à la culée orieutale du pont, ture du terrain et du pays change su-
on remarque une construction encore ,
bitement ; on descend dans une vallée
bien conservée qui se compose d’un
,
profonde enclavée dans des montagnes
certain nombre de salles voûtées; tout presque à pic, composées d’un poudin-
est bâti en pierres de grand appareil gue dans letjuel il entre des cailloux de
comme le reste de l’édifice, fl y a lieu quartz et de jaspe, et d’une roche blanche
de regarder cette annexe comme une sta- analogue à la baryte sulfatée. Le ciment
tion de veredarii, ou une de ces maisons naturel qui uuit ces différentes natures
de poste qui jalounaient cette grande de roche n’offre aucune solidité , de
voie jusqu’aux contins de la Cilicie. sorte qu’elle se désagrège facilement,
Après avoir traversé le pont, on re- et ses parties coustituautes vont se ré-
joint la route qui se dirige au nord-est, pandre dans le lit des torrents.
et l’on arrive au petit village de Ada-
bazari (le Bazar de l’ile), ainsi nommé (i) Flutarch., </« 1, p, 34.
d'un Ilot formé par deux branches du (a) Prononcei Ghéiveb.
90 L’UNIVKRS.
Le cours du fleuve qui arrose cette d’antiquité pour être certain qu'elle oc-
vâllée, grossi par les eaux et la fonte cupe la situation d’une ville antique ; il
des neiges, vient chaque année ronger a sur la grande place plusieurs dé-
peu à peu la hase des falaises, qui s’é- ris de sarcophages, et un autel orné
croulent en élargissant la vallée. Il n’est de palmettes sur lequel on lit en grands
nous pensons cependant qu’il est dif- nombreux disséminés sur les collines
férent du fleuve Gallus cité Pline (1), vertes animent le paysage, dont le fond
duquel les Galles, prêtres de Cybèle, secompose des sommets resplendissants
avaient pris leurnom ; ce dernier fleuve de l’Olympe. Tant desilence et de soli-
doit couler aux environs de Pessi- tude ont succède aux marches guer-
nunte. rières des nations. Cet amas rouge de
Le Gallus qu’on appelle Lefké sou briques , c’est Nicée où se sont battus
prend sa source dans le versant orien- avec acharnement presque tous les
tale de l'Olympe ; on l'appelle Bedrè anciens possesseurs du sol, les Ro-
tchai, il coulé vers l’est, rassemblant tous mains comme les Byzantins, les mu-
les cours d’eau secondaires et notam- sulmans et les croisés, et maintenant
ment celui qui s’échappe du lac d’Ai- à peine l’habitant de ces lieux sait-il le
neh gheul (le Lac du Miroir), voisin nom de cette ville qui fut si chèrement
de la petite ville du même nom dont le disputée. En descendant dans la vallée
site répond à celui d’Angelocomé des du lac, on arrive, après une heure de mar-
Byzantins ; enfin il va se jeter dans le che, à un ancien camp retranché en rui-
Sangarius à l’est de Lefké. Dans leur nes. C’est une enceinte carrée flanquée
habitude de confondre ensemble tous de tours; l’endroit paraît abandonné. Les
les cours d’eau, les Turcs, donnent aussi habitants donnent à cet endroit le nom
à cette rivière le nom de Sakkaria (le de Kara eddin (la Religion noire). C’est
Sangarius), ce qui a pendant longtemps un des anciens camps construits par
apporté beaucoup de confusion dans les croisés pendant qu’ils assiégeaient
l’hydrographie de cette province, Nicée.
Aineh gheul est une villede trois mille
habitants dont la principale industrie CHAPITRE XIV.
consiste dans l’exploitation des forêts,
lis cultivent aussi de la soie, qui se vend MCÉE.
sous le titre de soie de Broussa. Sa si-
tuation sur la grande roule de Constan- Nicée, l’ancienne capitale de la Bi-
tinople à Kutavah la rend assez floris- thynie, célèbre à tant de titres dans les
sante. annales des chrétiens, aujourd’hui dou-
De GeTveh à Nicée en ligne directe blement déchue du rang qu’elle occu-
on compte quarante-huit kilomètres, on pait comme place de guerre et comme
laisse Lefké au sud. La première poste métropole, n’offre plus dans son en-
est à Ak serai, douze kilomètres, la ceinte que les débris épars de la cité by-
valléedu Sangarius qui s’étend à perte zantine; mais l’importance et la conser-
de vue est peuplée de nombreux villages vation parfaite de son système de dé-
composés chacun de quinze ou vingt fense en font un des lieux les plus in-
maisons. On fait une courte halte à téressants à étudier, pour l’intelligence
Mécridjé, huit kilomètres. A partir dece de la poliorcétique ancienne, et des
point on abandonne le bassin du San- sièges nombreux que cette ville a sou-
garius pour entrer dans celui du lacAs- tenus contre les Arabes, les Grecs et
canius ou de Nicée. En sortant de Mé- les Latins.
cridjé, on franchit un col élevé ; le ter- Comme point stratémque,Nicée com-
rain de grés rouge que l’on n’a pas mande la grande vallée dans laquelle
quitté jusqu’à Ak serai fait place à une est situé le lac Ascanius , l’un des plus
nature de roches schisteuses etde mica- grands de l’Asie Mineure , et défend le
schiste. col qui sépare le bassin du Sangarius
Arrivé au haut de la montagne, un du bassin de la Propontide. Aussi les
splendide spectacle se déroule aux re- premiers peuples qui , venant de la
gards. Le lac de Nicée étend à l'horizon Thrace.se sont établis dans la Bithyiiie,
sa nappe argentée; de loin en loin, des ont dû nécessairement choisir de préfé-
groupes d'arbres indiquant des villages rence un point si important et si facile
ombragent le tableau, et les troupeaux à défendre. Séparé au nord du golfe
de Nicomédie par la chaîne du mont
(I) Liv. V, ch. 3. Arganthonius , et défendu au sud par
sd ûv oglf
,
93 L’UNIVERS.
les contre-forts inférieurs de l’Olympe, puisqu’elle la portait encore vers l’an
le bassin du lac a été de tout temps cé- 120 de J.-C. A cette époque, elle était
lèbre par sa fertilité; mais les anciens le lieu de résidence des proconsuls;
avaient déjà remarqué ^ue la pureté de sous Néron, Caius Pétronius (I) ; sous
l’air ne répondait pas a la beauté du Hadrien, Sévère, qui depuis fut em-
pays, et que les habitants alors, comme pereur; sous Trajan, Servilius Cal-
aujourd’hui, achetaient pardes maladies vus, y exercèrent cette dignité. Constan-
épidémiques les avantages du climat (I ). tin, en témoignage du respect pour le
Suivant Etienne de Ityzaoce (2), elle fut premier concile général qui s’y était as-
dans l’origine colonisée par les Bottæi semblé (2), affranchit Nicée de la juri
qui lui donnèrent le nom d'Aiicora diction de Nicomédie. Mais l’empereur
C’AyxûpT]). Mais un a peu de docu- Valens, qui persécuta les chrétiens de
ments sur cette ville du temps de la cette contrée, lui enleva le titre de mé-
Bithynie indépendante ; il n’est pas même tropole pour le rendre déGnitivement à
bien certain qu’elle ait existe à cette Nicomédie. C’est sans doute alors qu’elle
époque; car, selon Strabon, son origine dut l'effacer de ses monuments, commé
est moins ancienne. Elle a été fondée nous l’avons vu dans les inscriptions ci-
par Antigone, Gis de Philippe, qui la tées plus haut.
nomma Jntigonia; ce qui ferait re- Les tremblements de terre qui rava-
monter son origineà l’an 3 là avant J.-C., gèrent cette partie de l’Asie, à différentes
époque où Antigone devint maître de époques, n’épargnèrent pas la ville de
toute cette partie de l’Asie, après la Nicée. L’empereur Hadrien , vers 1 20 de
mort d’Eumèiie. Après la chute d’An- J.-C. (3), rebâtit les murailles, et Gt cons-
tigone, la ville tomba entre les mains de truire les deux portes de marbre blanc
Lysimaque, qui l’appela Nicée, du nom qui existent encore au nord et à l’est.
de sa femme, Glle d'Auti|iater. ,Sous le règne de Valérien, en 259,
Voilà à peu près tout ce que nous sa- les Scythes, qui avaient fait invasion m
vons de l’origine de la Nicée grec(|iie, Bithynie, prirent et pillèrent Nicée; de
dont l'histoire avait été écrite par Mé- la, iis se airigèrent vers Cyzique, mais
nécratès, cité par Plutarque dans la vie furent arrêtés par le fleuve Rhyndacus,
de Thésée. Quoique Strabon donne à subitement grossi par les pluies; ils brû-
Nicée le titre de métropole, Nicomédie lèrent Nicomédie et Nicée, qu’ils s'é-
lui contesta toujours ce privilège, et taient d'abord contentés de ravager. Le
l’antipathie qui existait entre ces deux séjour de ces barbares en Bithynie ne
villes semanifesta dans plusieurs occa- fut pas de longue durée, et les villes
sions; ainsi, dans la lutte entre Niger qui avaient souffert de leurs invasions
et Sévère, Nicomédie s’étant déclarée se relevèrent bientôt de leurs ruines. On
pour ce dernier, Nicée, par haine pour employa dans la consiniction des murs
les Nicomédiens, embrassa le parti de les débris des édifices que les Scythes
son adversaire, et les deux villes pri- avaient renversés; les plus beaux frag-
rent' les armes pour soutenir les chefs ments d’architecture, les stèles et les
Les rois de
qu’elles avaient choisis (3). iiédestaux qui contenaient les actes pu-
Uithynie habitèrent constamment cette filics de la ville et qui mentionnaient les
dernière viUe, dans la(|uelle se trouvait services rendus par les citoyens, furent
leur palais. Dans les médailles frappées employés pêle-mêle avec, les matériaux
sous les empereurs, Nicée n’est point bruts. Les colonnes des temples, cou-
désignée comme métropole: cependant chées comme des pièces de bois, servi-
plusieurs inscriptions tracées sur les rent à affermir les fondations des tours
portes semblent attester qu’elle prenait ébranlées par les machines. Peu à peu,
ce titre sur ses monuments publics. tout ce qui restait de l’ancienne Nicée
Il paraîtrait que Nicée conserva cette disparut de sou enceinte et fut remplacé
qualiGcation pendant plus d’un siècle, par des édifices bâtis à la hâte, qui ne
rappelaient, ni par leur goût ni par la Il n’existe plus rien des thermes de
solidité de leur construction, les inonu- Justinien, et les grands bains bâtis par
inents élevés à la belle époque de l'art. les sultans , abandonnés à la dévasta-
L’empereur Claude II , trente ans tion et à l'incurie, ne sont plus que des
plus tard, éleva les deux portes qui exis- ruines ajoutées à celles qui jonenent le
tent aujourd'hui au sud de la ville sol de Nicée.
et n l’ouest du côté du lac; les inscrip- La célébrité que Nicée s’était ac-
tions qu'on lit encore sur les architraves uise par les deux concilesqui se tinrent
lui attribuent la reconstruction des mu- ans son enceinte , la plaça toujours
railles. au premier rang des métropoles ecclé-
[.'époque brillante de la ville de Ni- siastiques. Favorisée de toutes les ma-
cée est celle où la religion chrétienne, nières par les empereurs grecs, elle
protégée par l’empereur, prit son essor devint le principal objet des attaques
et sortit victorieuse des persécutions du des conquérants arabes, qui, arrivés
paganisme que les chrétiens dissiilents comme chefs de tribus errantes dans le
tentaient de renouveler. Le premier sud de l’Asie Mineure, avaient en peu
concile œcuménique, dans lequel trois de temps fondé un État dont la puis-
cent dix-huit évéques déterminèrent les sance devint redoutable an vieil empire
actes de la foi catholique , lixèrent le de Byzance. Sous tes premiers califes,
temps de Pâques, posèrent les bases de les Arabes s’avancèrent en vainqueurs
la discipline ecclésiastique, et con- Jusqu’à Héraclée de Bithynie, et ne se
damnèrent l'hérésie d'Arius ; ce cé- retirèrent qu’après avoir signé avec les
lèbre concile se tint , non pas dans empereurs byzantins des traités qui
une église, mais dans le palais im- accordaient aux musulmans de grands
périal. avantages. Mais la paix ne fut pas de
Sous le règne de Valens, la ville longue durée, et leurs armes victorieu-
souffrit encore des atteintes d’un ses vinrent se briser contre les rem-
tremblement de terre qui endommagea parts de Nicée, qui, malgré les échecs
ses publics; ils furent re-
édifices réitérés qu’elle avait éprouvés, était en-
construits par la libéralité de l’empe- core la place forte la plus redoutable
reur (l). de toute la contrée. Les empereurs
Sous le règne de Justinien, la ville Léon le Philosophe et Constantin Por-
reçut des embellissements considéra- phyrogénète, son fils, qu’il avait eu de
bles , et les temples détruits furent Zoé, sa troisième femme, élevèrent les
rempl.ncés par des églises et des mo- murailles de marbre arec les tours qui
nastères. Procope nous apprend que se voient au nord-est de la ville , et
cet empereur fondu plusieurs établis- constatèrent par une inscription leur
sements religieux pour les hommes et victoire sur les Arabes, vers 9 12.
pour les femmes. Il restaura le palais Ces succès éloignèrent pour quelque
qui avait été presque entièrement dé- temps les entreprises des Arabes ; mais
truit, et rétablit un aqueduc mis hors vers le milieu du onzième siècle fl 074),
d’usage par la vétuste; c’est prubable- Soliman le Seidjoukide, sultan d'Ico-
ment'celui qui apporte encore aujour- nium, conquit Nicée, qui lui fut cédée
d'hui ses eaux dans la ville par la porte en toute propriété par l’empereur grec,
de Lefké. Nous savons, par le même Nicéphore Botoiiiates; il y établit sa
auteur, c|ue Justinien fit construire des résidence. Les deux fils de Soliman,
thermes près de l’hôtellerie des cour- s’étant, à la mort de leur père, échap-
riers (2). L’importance de cet établis- pés de la prison où ils étaient retenus,
sement ressortait du grand nombre de se rendirent à Nicée, où ils furent re-
routes qui, de tous les points de l’em- çus avec tous les honneurs dus au sang
pire, venaient converger vers cette ville. des sultans, et le gouverneur de la ville
la remit entre leurs mains, comme un
(i) Chronicott Paschale, page 557, ôd. de bien qui leur appartenait par droit de
Bonne. naissance. Kilidj-Arsian , l’atné des
(a) y«redariorum Diversorio Procope, deux frères, voulant augntienter la po-
de ÆdificiU. pulation de la ville et lui rendre son
,
94 L’UNIVERS.
ancienne importance, fit rassembler les riches débris de monuments anciens
femmes et les enfants des -hommes qui épars sur le sol, pour que cet art, créé
étaient en ttarnisou dans Nicée, et leur dans le but de suppléer à la disette
ordonna de venir habiter la ville (I). de matériaux destines à l’ornement
C’était un usage qui se perpétuait de- pût subsister dans cette contrée. La
puis les anciens conquérants, de trans- fabrique de Nicée fournit également
porter par une simple ordonnance les de .ses produits à Constantinople , et
populations d'un district dans un autre. un poète persan était attaché a l’éta-
I.«s sultans dépeuplèrent ainsi Méli- blissement pour composeï les inscrip-
tène, qui, sous Justinien, était une des tions reproduites sur les émaux (I).
plus grandes villes de la seconde Ar- Nous arrivons maintenant à l’époaue
ménie, et en transportèrent les habi- où l'histoire de Nicée efface celle aes
tants à Constantinople. C’est depuis autres villes de l’Asie, par le rôle impor-
ce temps que la nation arménienne est tant qu’elle joue dans les annales du
devenue si nombreuse dans cette capi- christianisme.
tale. 1,’arrivée des croisés en Bithynie, en
Nicée se ressentit bientôt du goût 1005, fut signalée par la malheureuse
pour les arts qui distinguait les princes expédition de Pierre l’Ermite et de
seidjoukides, et elle commença à voir Gauthier sans Avoir. A son départ de
fleurir dans ses murs une ère nouvelle Constantinople, l’armée s’embarqua sur
de civilisation arabe. Rivaux des ca- des vai.-seaux que lui avait tournis
lifes de Bagdad et de Cordoue , ces l’empereur grec, et se dirigea vers Ni-
princes rassemhlaieut à leur cour tous coinétlie , où elle séjourna peu de
les hommes distingués dans les arts et temps. Elle alla ensuite dresser son
dans les sciences. L’élan qu’ils don- camp aux environs de Kemlik, l’an-
nèrent à l’art de construire ouvrit bien- cienne Cius, appelée Civitot par les his-
tôt une phase nonvelle et une route in- toriens des croisades, et que les Grecs
connue où se jetèrent les artistes orien- appellent aujourd'hui GMo. C’est de ce
taux. Ils avaient appelé de l’Arabie et point que l’armée, parcourant les bords
de la Perse les astronomes et les poètes. du lac, exerça ses déprédations sur le
Ce fut aussi a cette contrée qu’ils de- territoire de Nicée. Les soldats enle-
mandèrent des artistes pour élever les vaient le gros et le menu bétail appar-
élégants éditices ornés d’émaux dont tenant àdes Grecs serviteurs des Turcs.
l’antique empire de la Chine, avait ré- Le pays était gouverné alors par So-
pandu peu à peu le goût dans l’Asie liman le Jeune, surnommé KilidJ-Ars-
occidentale. Ils marchaient, emprun- lan (1).
tant toujours aux peuples chez lesquels Le succès des Latins encouragea les
ils s'établissaient quelque chose de Teutons à tenter une entreprise sem-
leurs arts et de leurs usages, mais con- blable; s’étant rassemblés au nombre de
servant comme par instinct le type trois mille hommes d'infauterie, ils
d’ornementation créé par les Arabes et prirent la roule de Nicée, et vinrent at-
fondé uniquement sur les règles de la taquer une ville située au pied d'une
géométrie. montagne, à quatre iivlles environ de
L’art d’émailler la faïence, si utile Nicée. Guillaume de Tyr ne nomme
pour orner des monuments construits point cette place, mais il atteste que c’é-
dans les plaines de la Cappadoce, où tait un point fortifié et capable de ré-
le marbre sont très-
et la pierre à bfttir sister à une attaque; en effet, il fallut
rares, fut transporté à Nicée. Celte fa- toute rimpéluosiié des Teutons pour
brique donna quelques produits qui vaincre les efforts des habitants, qui
furent employés à la décoration des furent presque tous massacrés. .Soli-
inonuineuts. Nicée et Broussa en ont man , apprenant le succès des chré-
conservé des traces ; mais la Rithyuie tiens , rasseinblaquinze mille hommes,
était trop riche en matériaux de toute et revient à Nicée pour chasser les
espèce, en marbres blancs et veinés, en
(i) Moui’adgf&-n*Oiisson, t. III.
(i) Alexiade, lib. VI, cap. II. (a) GuîUauiue de Tyr, liv. I, p. 66»
, ,,
ASIE MINEURE. 9â
Teutons du fort qu’ils occupaient (l). droite de l’est à l’ouest, tandis que du
Les prodiges de courage de ceux-ci ne côté du nord la côte est bien plus si-
peuvent éloigner les Turcs, qui Gnis- nueuse et les montagnes plus escar-
sent par mettre le feu à la porte du pées.
château et par entrer dans la place. La nouvelle de la défaite des Teu-
Les hardis auteurs du coup de main tons arriva cependant au camp de Civi-
sont massacrés sans pitié; deux cents tot, et plongea les pèlerins dans la
jeunes gens sont conservés pour l’es- consternation ; niais bientôt le déses-
clavage, et tout le reste périt par le poir fit place à la soif de la vengeance,
glaive. et une multitude sans ordre vint as-
Sur la route directe de Nicée à Ghio saillir la tente de Gautbier-sans-Avoir,
on ne trouve aucune trace du château qui résista longtemps , mais finit par se
mentionné dans Guillaume de Tyr; mettre à la tête des siens , et marcha
mais, en remontant à quatre milles a avec deux cent cinquante mille hom-
l'est dans la grande vallée qui conduit mes sur Nicée pour surprendre Soli-
au Sangarius , on reconnaît près du vil- man. Le sultan, averti par ses espions,
lage Kara cddinun vaste camp retranché sort rie la ville et se cache dan.s les dé-
ou cassaba de forme carrée que nous ,
filés des montagnes formant les contre-
avons décrit plus haut. II y a lieu de forts du mont Olympe. Surpris par les
croire que les Teutons, dans leurs ex- Turcs les croisés' sont massacrés , et un
,
la rive sud du lac soit une ligue presque Bouillon , de Tancréde et de Bobémond,
faire le siège de Nicée. Soliman Kilidj-
Arslao, sultan d’Iconium, l’un des plus
(i) Albert d’Aix, liv. I, p. a6.
(a) Les historiens des croisades n’ont pas
célèbres princes seidjoukides , étendait
laissé assezde documents pour que l'on puisse alors son pouvoir sur la majeure par-
déterminer d'une manière positive la posi- tie de l’Asie Mineure. Au moment où
tion du château appelé Excrogorgnnv par le il avait été informé de la marche des
moine Robert, Exorogorgum parGuiberl de croisés , il s’était rendu chez les princes
Nogent, et Xeiigordon par Anne Comnéne. ses voisins , et leur avait persuadé que
La distanre de quatre journées de Nicomé- sa cause était celle de tout l’islamisme.
die n’est |>as une donnée suffisante , puisque Il en avait obtenu des renforts considé-
nous ignorons quel chemin suivaient les rables (1) et des secours en argent et en
croisés, et qu'ils peuvent avoir employé matërirl. Mais avec une grande intel-
,
mais il ditqn'il étaitsilué an pied d'iine mon- les défilés de l'OIympe avec une troupe
tagne à quatre milles environ de Nicee. Il d’environ cinquante mille soldats sur
parait que ce passage a échappé à M. de lesquels il comptait pourattaquerà dos
Hammer quand il a discuté la position les chrétiens. Il mit d’ailleurs tous ses
d’Ttxnrogorgum , qu'il place à Ak-Son , ville soins à prémunir Nicée contre un long
située sur le versant nord-est de l’Olympe siège. Toutes les fortifications élevées
et séparée du bassin de Nicée par une chaîne,
de montagnes d’un accès difficile. (i) Guillaume de Tyr, liv. U, p. laS.
,, ,
9H LTJNIVEnS.
par lea empereurs grecs avaient été mond de Saint-Gilles, et est repouasé
mises en bon état, et la triple ligne de après des prodiges de valeur. Les chré-
circonvallation qui défendait son en- tiens, non moins barbares que leurs
ceinte flt l'admiration des croisés, et, ennemis , coupèrent les têtes des morts,
loin de les intimiiler, redoubla leur et les jetèrent dans la ville à l'aide de
courage. Un large fossé communiquant leurs machines.
avec lé lac était toujours rempu d'eau La ville était investie de trois côtés,
et le revers du cdté de la place était et les chrétiens veillaient jour et nuit à
défendu par un ag^er flanqué de tours, ce qu'aucun convoi de vivres ou de
formant un chemin couvert de seize munitions ne pût être introduit dans
mètres de large en avant du rempart Nicée. Mais à l'ouest les murs étaient
lequel avait dix mètres de hauteur sur baignés par les eaux du lac Ascanius,
une épaisseur de quatre mètres. De dis- qui offraient une communication facile
tance en distance, des tours de dix-neuf avec le dehors. Les chrétiens , n’ayunt
mètres de hauteur et de dix mètres de à leur disposition ni barques ni bateaux,
diamètre protégeaient la muraille et le se trouvaient dans l’impossibilité de ré-
chemin de ronde qui circulait tout au duire la ville par la famine. Soliman
tour de la ville. lui-même prenait souvent la voie du lac
La forme de la ville est irrégulière pour aller voir sa femme et son fils
etson grand axe se dirige du nord au qu’il laissait dans la place pour mieux
sud toute la partie sud est défendue
;
encourager les assiégés à résister aux
par le lac, sur lequel il n'y avait pas croisés.
d'embarcations. La porte du Nord con- Plusieurs semaines s’étaient écoulées
duisait vers le mont Ai^anthonius, sans que les croisés eussent tenté un
dont les collines sont boisées et cou- assaut; chaque jour on inventait des
vertes de jardins. La porte de l'est machines pour renverser 1rs murailles.
s'ouvre sur la grande vallée qui forme Parmi les princes les uns dirigeaient les
le prolongement du bassin du lac, et la balistes, les autres fabriquaient des bé-
porte du sud communique avec la route liers de fer pour battre en brèche les
qui conduit à Broussa par la montagne. remparts , mais !e génie des Sarrasins
'Toutes ces portes étaient défendues par ne le cédait pas à celui des Francs. Les
un double rang de tours et par des che- portes avaient été fermées avec soin
mins tortueux que formaient les res- par des herses de fer glissant dans des
sauts de l’agger, et qui forçaient l'as- rainures, et les murailles garnies de
saillant de passer immédiatement sous machines de toutes sortes écrasaient les
les traits de la place. Telle était la ville assiégeants sous des Quartiers de roche,
que les chrétiens vinrent assiéger au ou enlevaient avec nés crochets de fer
nombre de six cent mille fantassins et les combattants qui s’approchaient trop
cent mille cavaliers cuirassés. Le duc près des murailles et les laiss'iient re-
,
dans les défilés situés au sud du lac résolus à s'emparer de Nicée , pour ne
( il occupait probablement le territoire pas laisser entre les mains de leurs en-
de Yenicbeher ) , voulant dégager les nemis une place aussi importante , se
abords de Nicée occupés par les chré- décidèrent à pousser le siège avec vi-
tiens, s’élance sur la troupe de Ray- gueur. Deux seigneurs croisi's, Henri
,,
ASIK jMllNKURli;. 97
Ogif
, , ,
98 L’ÜNIVERS.
Cette flottille était sous les ordres du pour fuir par le lac; mais elle fut ar-
capitaine Butumites, que les historiens rêtée avec son fils , et livrée aux princes
des croisades appellent Tatin et qui croisés. C’est alors que les musulmans
était particulièrement attaché à la per- envoyèrent des députés à Godefroi pour
sonne de l’empereur. T/rrsque les mu- traiter de la reddition de la place ; Bu-
sulmans virent les murailles du côté du tumites, qui avait reçu des instructions
lac cernées par les barques des chrétiens, secrètes de l’empereur Alexis, pénètre
leur courage comment^a à les abandon- dans la ville, et décide les Ottomans à
ner. Du côté des chrétiens, au contraire, rendre de préférence la ville à l’empe-
l'attaque fut poussée plus vigoureuse- reur. Cette proposition fut acceptée,
ment; le côté du midi, c’est-à dire de et les princes croisés virent sans envie
la porte de Yéni cheher, où comman- une trahison qui les privait du fruit de
dait le comte de Toulouse, était remar- leur victoire. Mais, sous le rapport po-
quable par une tour d’une grande élé- litique, ils avaient atteint leur but :
vation; près de là se trouvait le palais car, devant s’enfoncer dans l’intérieur,
des sultans, qu’Anne Comnène nomme ils étaient sûrs de ne pas laisser sur
irolité de leur repos pour réparer tous A la chute de Tempire des SeldjoB-
fes dommages de la veille. Un des as- kides , les Osmanlis s’emparèrent rapi-
saillants, Lombard de naissance, pro- dement de leurs anciennes provinces.
pose enfin de construire une machine Orkhan eut d’abord à se rendre maître
au moyen de laquelle la muraille sera des places de Broussa et de Nicée,
sapée sans danger pour les assaillants. dont son père avait préparé la conquête.
Les chefs des croisés lui fournissent A cette époque, Andronic le Jeune ré-
l’argent et les matériaux nécessaires gnait à Constantinople (1330). La prise
et bientôt les Turcs voient une tour de de Nicée n’offrit pas à l’armée ottomane
bois, dont la hauteur égale celle des moins de difficultés qu’à celle des croi-
remparts , s’avancer lentement , et venir sés, et la marche du si^e fut exacte-
s’appliquer contre la muraille, sans que mentla même. Orkhan s’empara des pe-
les combattants qu’elle contient soient tits forts construits dans les plaines en-
exposés aux traits de la ville. La mu- vironnantes , et bloqua la place assez
raille est minée ;
les pierres de la base étroitement pour que les habitants,
sont remplacées par des pièces de bois, pressés par la famine, songeassent à lui
et bientôt le feu, consumant ces sup- ouvrir leurs portes. Il s’empara du fort
ports, amène la chute du rempart, qui de Karatekin, voisin de Nicée , ce qui
s’écroule en entraînant la tour, objet acheva d’intercepter toute communica-
d’une attaque si bien combinée. Cet tion avec le dehors. Enfin, les habi-
événement acheva de démoraliser les tants, épuisés par des assauts multipliés
assiégés, d’autant plus que la femme et par un blocus de plusieurs années
de Soliman voyant sa retraite menacée
,
par la chute de la tour, fit une tentative (i) Art de vérifier les dates, p. 44$. ^ >
,
ASIE MllNEURE. 99
traitèrent de leur reddition, dont les nien fit construire la grande église de
conditions fiirent acceptées par le sul- Sainte-Sophie, à Constantinople, en 538,
tan. La garnison pouvait sortir avec ses toutes les grandes églises reçurent la
bagages, et se retirer à Constantinople, forme d’une basilique. On peut citer, à
près de l’empereur, et les habitants qui l’appui de cette opinion, le monastère
resteraient à Nicée, en acceptant la loi de Saint-Jean-Stuaius, qui subsiste en-
du vainqueur, conservaient la liberté core dans cette ville, et réglise de Beth-
de pratiquer leur religion. Ces conditions léem bâtie par l’impératrice Hélène
,
foule au-devant du sultan, 'qui fît son dont la date est certaine. Ces églises
entrée triomphale par la porte de Yéni sont formées par deux rangs de colon-
cheher. nes intérieures, supportant une toiture
La première pensée d’Orkhan fut d’é- en charpente. Au fond de l’église est
lever des mosquées et d’établir des éco- l’hémicycle (to pijpa), où était placé
les religieuses. Plusieurs églises appar- l’autel. Cette forme primitive a été imi-
tenant aux Grecs furent converties en tée de la basilique ues anciens, où se
mosquées ; on remarque encore aujour- tenaient les assemblées ( ixxXr, mai ). Plu-
d'hui les ruines de l'église appelée sieurs de ces ^lises de premier style
Agilia-Sophia, qui était, comme la mé- n’étaient que d’anciens temples, dont
tropole de Constantinople', consacrée à l’intérieur avait été élargi en entourant
la sagesse du 'Verbe incarné. Toutes les d’une muraille la colonnade du péri-
peintures et les mosa'iques représentant style. Ce ne fut qu’à l’imitation du chef-
des sujets religieux, tous les versets des d’œuvre d’.Anthemius que les architectes
livres saints inscrits sur les murailles d’ime époque postérieure à Justinien
furent détruits et recouverts de chaux, construisirent des églises à coupole.
et on leur substitua des sentences du L’église de Sainte-Sophie est un monu-
Coran , dont il reste encore aujour- ment trop peu connu et trop peu étu-
d'hui de nombreux vestiges ; mais de- dié car c’est de sa création que date
,
puis plus d’un siècle, depuis la dé- une ère nouvelle pour l’architecture by-
chéance complète de la ville de Nicée, zantine. L’église d’Aghia-Sophia à Ni-
cette mosquee même est abandonnée ;
cée était couverte par un dôme en pen-
la coupole s’est écroulée, et tout le dentif sur un plan carré. Ce caractère
quartier environnant n’est plus qu’un seul indique qu’elle est plus récente
amas de décombres. que la seconde moitié du sixième siècle.
Nous pensons donc que l’église qui exis-
ÉGLISE DE SAINTE SOPHIE. tait à l’époque du premier concile devait
être, comme toutes les autres, en forme
Les voyageurs ont souvent cherché de basilique. Il nous reste trop peu d’é-
les traces de l’église illustrée par le léments pour baser une opinion sur l’é-
grand concile œcuménique qui déter- tendue et la position de cette église,
mina les actes de la foi catholique, et mais il ne faut pas la chercher parmi
posa les bases de la discipline ecclésias- celles qui subsistent encore. Il n’est pas
tique. PaulLucas avait cru reconnaître certain d’ailleurs, que le premier con-
cette église
dans les ruines du théâtre cile général, qui s’assembla le 19 juin
romain que l’on observe encore dans 325, se soit tenu dans une église; l’em-
la partie sud-ouest de la ville. Cette
pereur Constantin, qui le présida en
opinion n’a pas besoin d’être discutée. iersonne, n’était pas encore baptisé. Se-
M. de Hammer croit que l’église d’A- fon ['Histoire des conciles (1), le saitit
ghia-Sophia est la même que celle où synode se tint dans le palais impérial.
se tint ce premier concile. Mais pour L’empereur, pour honorer les évêques,
ceux qui ont suivi les phases de l’archi- prit sa place au milieu d’eux sur uu
tecture byzantine depuis Constantin siège d’or fort bas. Ce palais devait être
jusqu’à la chute de Constantinople, il le mênje qu’occupaient les préteurs ro-
est lacilede déterminer les limites chro- mains et les empereurs grecs, et qui
nologiques des différents styles d’ar-
chitecture. Jusqu’à l’époque où Justi- (i) Tome I, page ao3.
7.
100 L’UNIVERS.
était au rentre de ta ville. Mais les ca- tellement malsain pendant l’été, que
rartères de l’église d'Aghia-Sophia se le métropolitain est autorisé à habiter
rapportent parfaitement à eeux des mo- la ville de Gbio. Les habitants n’ont
numents du huitième siecle, et, par d’autre industrie qu’un peu de jardi-
conséquent, il ne serait pas impossible nage et la récolte de la soie. Quelques
que le second concile, qui se tint en 787, familles grecques fabriquent des tissus
s'y fdt rassemblé. qui se confondent dans le commerce
Orkhan lit élever à Nicée le premier avec ceux de Broussa.
imaret (hospice pour les pauvres) que
lesOttomans aient construit dans cette ClIATITRE XV.
partie de l’Asie; mais les sultans seld-
joukides avaient déjà créé, dans la par- LES MUES.
tie orientale de l’Asie Mineure, de ces
fondations pieuses où l’on distribuait Tant de maîtres divers, tint de sièges
aux pauvres et aux vieux soldats des vi- et de catastrophes , ont apporté trop
vres et des secours. Ces monuments de changements dans la forme de l’en-
recevaient toujours de la piété du fon- ceinte de Nicée, pour qu’on puisse es-
dateur, ou des donations particulières, pérer d’y rien rencontrer qui date de la
un revenu en immeubles destiné à l'en- Nicée de Lvsimaque, ni même de celle
tretien de l’établissement. Ces biens, d’Hadrien. Du temps de Strabon, la
désignés sous le nom de vakouf, con- ville avait seize stades ou deux mille
sistaient en terres conquises sur les neuf cent quarante-quatre mètres de
chrétiens, en bazars et en bains, dont circuit; le pied de ses murailles était
la location revenait à la mosquée de la- baigné par les eaux du lac, qui la d^
quelle les imarets dépendaient généra- fendaient du côté de l’ouest. I,e géo-
lement. graphe grec remarque, en outre, que
Un des soins du sultan Orkhan après ses quatre portes pouvaient être aper-
la conquête de Nicée fut d’organiser çues d’une pierre située au milieu du
l’administration, et de déterminer les gymnase. Ce gymnase avait été com-
limites ou sandjaks nouvellement con- mencé un peu avant l'arrivée de Pline
quis. Nicée fut déclarée capitale du en Bilhynie, pour remplacer l’ancien
sandjak de Kodjà-Illi mais, sous Ma-
; édifice- que le feu avait détruit. On le
homet II, le chef-lieu fut transporté à reconstruisait sur un plan beaucoup
Nicomédie, et ce fut le signal de l’anéan- plus vaste, mais Pline blâme beaucoup
tissement de Nicée. l’architecte. Il trouve que l’édifice est
Aujourd'hui la villë de Nicée est gou- irrégulier, et que les parties en sont
vernée par un mutzellim ressortissant mal ordonnées, et, d’après l’avis d’un
au pachalik de Broussa. architecte, il pense que les murs ne
La ville moderne, appelée par les Turcs pourront soutenir la charge qu’on leur
Isnik , corruption des mots grecs it{ destine, quoiqu’ils aient vingt-deux
Neixalav , occupe la partie centrale de la pieds de large, dimension prodigieuse
cité byzantine. En entrant par la porte pour un monument de cette espèce (I).
de I.efké, on parcourt un grand espace Le peu desolidité des édifices de Nicée
planté en jardins, avant d’arriver a la tenait particulièrement à la mauvaise
ville moderne, dont les maisons bâties qualité du terrain, qui, composé
d’argile offrent l'aspect le plus miséra- d’atterrissements, n’a pas la solidité
ble ; la rue principale, formant le ba- nécessaire pour soutenir de lourdes
zar, est la seule dont l’aspect soit un masses.
peu vivant. I.a population grecque ne Au premier coup d’œil, on serait
dépasse pas douze a quinze cents âmes, tenté de croire que les murailles n’ont
et habite un quartier séparé, voisin de pas changé de forme, car les portes se
l’église actuelle, dont le métropolitain trouvent encore aujourd’hui aux extré-
tient sous sa juridiction tout le pays mités de deux axes qui se coupent à
environnant, depuis Ak-séraï , à l’est, angles droits. Mais, ainsi que nous l’a-
jusqu’à Ghio, à l’ouest, et jusqu’à Yéni
cheher, au sud. Mais Tair de Nicée est (i)PliD., lib. X, lettre XLV III.
1
ASIE MINEURE. 101
vons observé, les remparts sont beau- mètres de largeur, et l’intérieur des
coup plus modernes, et renferment de murailles est un béton composé de gros
nombreux débris de monuments an- sable et de cailloux. Généralement,
ciens le système de défense, un des
-, l’appareil des murailles est eu assises
plus complets et des mieux conservés réglées ; mais, soit caprice des ouvriers,
de toutes les villes de l’Asie Mineure, soit pour donner plus de solidité à
est encore presque entier; il se com- certaines tours, on en remarque quel-
pose d’une enceinte fortifiée, flanquée ques-unes dont les assises sont ajustées
de tours demi-circulaires, c’était le obliquenrent pour former une espèce
itiœniiim ou rempart des Latins. En d'épi ou d'ajustement bizarre. Dans
avant du mœnium et à une distance de plusieurs endroits la muraille est ap-
,
seize mètres s’élève une deuxième en- pareillée avec trois assises de moellous
ceinte également flanquée de tours, dis- et deux assises de briques alternant. Il
posées en échiquier devant celles du n'existe point d'inscription qui nous
rempart, et qui défendaient les abords apprenne à quel règne remonte la cons-
du fossé. C’était Vaqqer des fortifica- truction des murailles , mais le sys-
tions anciennes qui, dans le principe, tème général de défense est tellement
était tout simplement composé des semblable à celui de Constantinople,
terres du fossé rejetées du côté de la qu’on doit penser que ces deux villes
ville. Plus tard, l'ag"er fut une fortifi- ont été fortifiées à la même époque,
cation construite , défendue par des c’est-à-dire, dans le courant du qua-
tours qui correspondaient aux inter- trième siècle.
valles des tours du mœnium. Enfin, le Du côté de l’orient, les murs suivent
fossé, vallum, dont la largeur est au- une ligne droite dirigée du nord au
,
jourd’hui indéterminée par suite des sud , depuis l’angle sud jusqu’à la
ébouiements, complétait la défense de porte principale, qu'on appelle encore
la ville. Des canaux communiquant aujourd'hui porte de Lefké ou de Leucæ.
avec le lac servaient à inonder le fossé Cette muraille est défendue par vingt et
dans les cas d'attaque. Les tours et les une tours.
murailles de l’agger sont moins élevées La tour de l'angle sud-est est fendue
que celles du mœnium, afin que les dans toute sa hauteur ; elle ne porte
machines placées sur le sommet des néanmoins a l'extérieur aucune trace
tours du mœnium puissent agir aussi de l’effet des machines. A la hauteur
près que possible de l’enceinte des mu- du rempart contient une grande
elle
railles. Les tours de Nicée, engagées chambre voûtée et éclairée sur la ville.
dans le rempart de la largeur d'uu dia- On peut facilement cheminer sur le
mètre, ont une saillie égale à ce même parapet dans toute la longeur des
diamètre , c’est-à-dire qu’elles sont murailles. Le chemin de ronde est
formées par un cercle tangent aux mu- pavé de grandes dalles de marbre, ex-
railles et relié par deux plans perpen- traites des monuments anciens. On re-
diculaires. Ces tours ne sont cependant marque surtout un grand nombre de
pas toutes égales ou semblables, car ou piédestaux de l'",!!» de hauteur sur
eu voit quelques-unes qui n’ont de o,hG de large, et qui portent tous des
saillie que les deux tiers d’un diamètre, bases de colonne attenant au même
et d'autres qui sont carrées mais ces
;
bloc, et, de part et d’autre, des arrache-
dernières sont d’une époque plus ré- ments de marches. Il est évident que
cente. Elles ne sont pas également es- tous ces piédestaux ont appartenu à un
pacées; il y en a qui n’ont que dix mè- même monument, qui devait être cons-
tres d’intervalle d'axe en axe, d’autres truit dans la forme d’une basilique. On
ont jusqu’à vingt-cinq mètres. compte soixaute-quatre piédestaux d’é
La construction générale des mu- gale dimension ,
qui proviennent évi-
railles est eu briques, qui ont de trente demment du même heu. Les autres
à quarante centimclres de longueur sur blocs sont des morceaux d’architrave,
une largeur de vingt-cinq à trente. Le. des stèles sépulcrales et d’autres débris
ciment qui les relie est très-épais; le lit sculptés. .Sur ce chemin de ronde était
de mortier a de deux à trois centi- placé le parapet avec le.s créneaux. Une
102 L’UNIVERS.
tours df celte muraille est surtout re-
dt's On arrive à la plate-forme supérieure
marqualile la grande chambre avait été
;
de la tour par un escalier pratiqué
murée il
y a plusieurs siècles, et n’a été dans l'intérieur de la muraille. Cette
ouverte ([lie vers l’année 1834. Elle of- plate-forme est défendue par des cré-
frait dans toute leur intégrité les disposi- neaux qui subsistent encore. Au dehors,
tions intérieiireset la décoration. Dans les tours de Nicée sont complètement
de la tourest une ro-
la partie inferieure unies , sans ressaut ni mâchicoulis. La
tonde voûtée, nui servait sans doute de ligne qui joint la porte de Leucæ à la
magasin pour les machines. Ou arrive porte du Nord ou de Constantinople
sur le rempart , par un escalier ex- (Stamboul-Kapou-Sou) suit une ligne
térieur, dans une salle des gardes de sinueuse, dont la direction générale
plain-pied avec le chemin de ronde, et est nord-est et sud-ouest. Il
y a dix-
également circnilaire et voûtée. Elle est neuf tours dans cette partie, et une po-
éclairée par deux fenêtres fort étroites terne de marbre donne accès dans l'in-
ou harbacanes, qui communiquent avec térieur de la ville. Vers la pointe nord
deux cellules ménagées dans l’intérieur on remarque une longue portion de
des murs (I). Chacune de ces cellules a muraille dans une longueur de deux
deux niches avec un banc pour les ve- cent quatre-vingt-quatorze mètres, toute
dettes. Ce qui donne à celte tour un bâtie en marbre blanc. Elle est défen-
intérêt tout particulier, ne sont les due par trois tours carrées également
peintures qui décorent la salle des gar- en marbre, et ornées d’une corniche à
des; elles sont exécutées à l’encaustique denticules. La muraille porte onze as-
nir le stuc qui recouvre les briques. sises de 0“’,50 de hauteur, et la tour
Ces peintures représentent des prêtres vingt assises. La hauteur de la corniche
ou des saints, oont la tête est ornée est de 0“,56, et supporte un rang de
d’un nimbe d’or, et qui portent des créneaux. L’appareil de cette construc- |
costumes en usage dans l'ancienne li- tion est fait avec soin , aussi quelques
turgie. Quelques-uns avaient leurs voyageurs ont-ils regardé, cette portion
noms écrits, selon l’usage byzantin, en des murs comme un de la Nieée de
reste
colonne verticale. Une grande figure Lysimnque ; mais du côté de la ville cet
de saint George, monté sur un cheval appareil est infiniment moins soigné;
gris, était trop endommagée pour qu’il on voit une inscription dont les carac-
soit possible de la retracer; le cheval tères taillés en relief à la manière des
portait aux jambes des anneaux ornés inscriptions arabes , attestent une épo-
de pierreries. La voûte de la salle est que de décadence; elle est tracée en cinq
peinte en bleu avec des étoiles en rouge. lignes sur une table de marbre de l"',80
Ces peintures portent tous les carac- de longueur, et placée à sept ou huit
tères de l’art du douzième siècle; mais mètres au-dessus du sol. Un jardin
on sait que les peintres byzantins ont nouvellement planté et entouré de murs
plus que tous les autres cherché à con- attenant aux remparts intercepte la cir-
server un type déterminé dans leurs culation sur le chemin de ronde inté-
figures religieuses, et que même à rieur. Il faut entrer dans le jardin pour
notre époque les tableaux des Grecs voir l’inscription.
.sont copiés sur ceux du moyen ,'ige. Il
Ici est le trophée de mort des euneoiis et
serait aonc difficile de dire positive-
des Sarrasins couverts de honte;
ment à quelle époque remontent ces
nos empereurs fidèles au Christ , Léon
Ici
peintures. A
peine cette tour fut-elle
et Constantin,
ouverte, que les Grecs s’y transpor-
Ont réparé la ville, et, à cause du mauvais
tèrent eu foule, et couvrirent les mu- état de l'ouvrage.
railles d’inscriptions qui détruisaient Ont élevé depuis les fondements la tour
ces curieuses peintures ; il est à crain- des Centeniers,
dre que d’ici à quelques années elles ne Qu’ils ont achevée dans l'espace de sept
deviennent tout à fait méconnaissables. ans. Panéus, fifs du patrice Flavius Kuro-
palale , a (présidé).
(i)X'ojer Asie Mineure, t. 1'*', plan-
che X. De la porte de Constantinople à celle
Die .
,
saillants qui donnent une grande force trouvent encore placées vers les quatre
'
ville aux croises , et par là encore ville de Nicée a élevé les murailles et le.s a
''
eû D; ogle
,
106 L1JNIVERS.
Claude n’y est pas nommé eu qualité de grande partie, et cependant inachevé,
consul. Ce sont les mêmes magistrats a déjà absorbé, m’a-t-on dit, plus de
qui ont présidé à l’érection de ces deux dix millions de sesterces (1,937,600
ortes, râi n’avaient rien de remarqua* francs); et je crains que cette dépense
le sous le rapport de l’architecture. ne soit inutile. De grandes fentes se
sont manifestées par suite des affaisse-
IHTÉRIEUR DE LA VILLE. ments, soit à cause du terrain qui est
humide et mou, soit à cause de la nnau-
En entrant dans
l’intérieur de la ville, vaise qualité de la pierre, qui est mince
on de l’aspect de tristesse et
est frappé et sans consistance. Il y a lieu de déli-
de désolation répandu sur ces lieux. bérer si on l’abandonnera ,
ou même
L’espace compris entre la porte de s’ilfaut le détruire, car les appuis et les
Yeui cheher et le bourg moderne d’is- constructions dont ou l’étaye de temps
nik est occupé par des jardins, du mi- en temps me paraissent peu solides et
lieu desquels s’élèvent c,à et là quelques fort coûteux. Des particuliers ont pro-
masuresappartenaut à d’anciennes cons- mis nombre d'utiles accessoires, des
tructions turques, l-n se dirigeant un basiliques autour du théâtre et des ga-
peu vers le sud, on aperçoit quelques leries dans la partie supérieure (por-
arcades élevées sur un tertre entouré de ticus supra caveam ); mais ces tra-
broussailles. Ce sont les ruines d’un vaux sont ajournés depuis qu’on a sus-
théâtre antique qui est aujourd’hui pendu la construction du théâtre. >
presque entièrement enfoui sous terre. L’empereur répond à Pline « Cestà:
Il est du petit nombre des théâtres de vous qui êtes sur les lieux d’examiner
l’Asie qui ne sont pas adossés à une et de régler ce qu’il convient de faire
montagne; lacaoea que forment
aussi, relativement au théâtre de Nicée Le
les gradins, n’étant soutenue que par théâtre achevé , n’oubliez pas de ré-
des voûtes , s’est-elle affaissée en plu- clamer des particuliers les accessoi-
sieurs endroits. La courbure du théâtre res qu’ils ont promis. » Ce n’est pas se
regarde le nord ; la scène a soixante- jeter dans des conjectures très-hasar-
dix-neuf mètres de diamètre ; mais il ne dées que de regarder les ruines qui
reste plus rien de cette partie de l’édi- existent comme celles du théâtre bâti
lice. Les vomitoires, dont la voûte sup- par les soins de Pline. L’appareil étant
portait les gradins , sont bâtis en gros en pierre de taille , il est à croire que
Llocs de pierre calcaire , unis sans ci- l’ancienne construction a été démo-
ment, et paraissent remonter à une lie pour faire place à celle que nous
époque assez reculée. Dans ce qui reste voyons.
de la construction générale de cet édi-
fice , on n’observe rien qui ne rentre MONUMENTS MUSULMANS.
dans les dispositions connues. Aussi,
dans un pays où les théâtres antiques Le sultan Orkhan, pour répandre et
sont si nombreux et si bien conservés, affermir les principes de l’islamisme,
celui-ci mériterait-il peu d’attention, avait fait construire dans la ville plu-
s’il ne rappelait des souvenirs histori- sieurs édifices religieux, que nous nous
ues, car il est probable que le théâtre sommes contentés de mentionner,
ont nous voyons les ruines est le même parce qu’ils sont ruinés et ne présen-
que celui qui fut. commencé par les ha- tent que peu d’intérêt sous le rapport
bitants de Nicée pendant que Pline de l’art. Pour imiter l'exemple du sul-
était préteur de Bithynie , et qu’il de- tan, plusieurs de ses lieutenants éta-
manda l’autorisation de réparer ou d’a- blirent aussi des fondations pieuses, et
chever. Il est certain que si ce n’est pas créèrent des waUoufs pour leur entre-
le même l’emplacement, du
édifice, tien. Chacun croyait faire une action
moins, n’a pas changé. Pline s’exprime agréable à Dieu en consacrant une part
eu ces termesdanssa letlreàTrajan(l) ; du buliu, soit au culte de l'islam, soit
« Le théâtre de Nicée, bâti en très- au soulagement des pauvres. Ainsi
outre \^stnédrécés (écoles religieuses),
(i) C. Plinii Epist., lib. X, XLVIII. où les jeunes gens étaient instruits gra-
,
tintement ou moyennant une faible re- cades latérales sont formées par des
devance, il y avait des cuisines publi- barrières de marbre , découpées à jour
bliques ( imarets ) et des bains entre- avec une délicatesse extrême. Au-dessus
tenus aux frais d’un fondateur, qui de la porte , on lit cette inscription
étaient ouverts aux pauvres à certains dont les caractères sont gravés en re-
jours et à certaines heures. Ce zèle re- lief, selon l’usage des musulmans :
lui élève une maison dans le Paradis. » très-rapide, conduisant à une espèce de
L’édihce que nous décrivons a cela de pavillon, où se place le mollah pour
remarquable qu’il doit être regardé, les instructions religieuses; cette chaire
non comme une œuvre des artistes turcs, porte le nom de Minnber.
mais comme le dernier vestige des arts
des Seidjoukides dans l’occident de l’A- ÉGLISE GRECQUE.
sie Mineure.
L’édifice est quadrangulaire; il a Malgré tous tes efforts des musul-
26 mètres de long sur 12 ™,74 de mans ,
ils ne parvinrent pas à anéantir
108 L’UNIVERS
n:)le du quartier grec ,
et ,
malgré les du lac, ou se trouve sur l’ancienne voie
nombreuses réparations qu’elle a subies, qui traversait toute l’Asie, et allait des
il est facile de voir que sa construction côtes de la Propontide aux confins de
remonte au delà du douzième siècle. la Syrie. Cette route francJiissait le
La nef est couverte par une coupole qui Sangariu.s sur le grand pont de Sa-
était ornée de mosaïques, aujourd'hui bandja; elle passait par Pessiiiunte, et
en partie détruites; mais l’hémicvle du delà s'inclinait nu sud pour aller gagner
fond conserve encore toute sa décora- la Pisidie, en traversant la Cappadoce.
tion primitive. Dans la demi-coupole C’est encore la voie la plus fréquentée
qui le couronne, on voit une figure de par caravanes qui viennent de Bag-
les
la Vierge portant l’enfant Jésus ; de part dad et de la .Syrie ; mais depuis long-
et d’autre sont des anges revêtus d’un temps on ne songe plus h l’entretenir
riche costume orné, de pierreries et de ou a la réparer. L’état de dégradation
perles, et qui portent un étendard. où se trouvent les routes de l’empire ot-
Le premier vestibule ou narthex con- tonian est une des marques les plus
serve aussi quelques tableaux en mo- évidentes de l’incurie et de l'impré-
saïque. Au-dessus de la porte principale, voyance de radministration des pro-
on remarque une figure de la Vierge vinces, qui se trouvent forcées de con-
les mains étendues, et vêtue d’un inan- sommer sur place leurs produits, et ne
teau bleu. Cette mosaïque est à fond peuvent tirer qu’à grands frais les den-
d’or, et dans le champ du tableau on lit rées du dehors. C’est surtout en voyant
ces mots : le soin que mettaient les anciens à" ou-
vrir des communications faciles et di-
.Soigneur, secours ton serviteur Nicépliore,
rectes entre tous les points de l'empire,
palricc, préposé au vestiaire, et grand été-
riar<|uc.
que l’on peut juger du contraste entre
les deux époques et de la déchéance où
On sait que charge de vestiarius ,
la ce pays est tombé. Dès les premiers
qui correspond à ceHe de chambellan, temps de la conquête , les Romains ou-
était une des hautes fonctions de la cour vrirent une voie de communication entre
de Byzance. La charge d’étériarque,qui les villes d’Apamée et de Cius. places
s’exprime en latin par comitum dux, maritimes assez importantes et l’inté-
appartenait aussi à un des grands offi- rieur du pays. Elle fut réparée par
ciers du palais. Le nom de Nicéphnre, Néron, qui fit trancher un rocher dont
inscrit sur la principale porte de l'église, le prolongement interceptait la route.
est probablement celui du fondateur; Ce rocher est connu des habitants sous
mais on a négligé d’inscrire la date de le nom de Sari-Kaïa (la pierre jaune);
<
ASIE MINEURE. 109
couverts de nombreux villages et de fequel elle repose est de toute autre na-
maisons de campagne ; tout cela a dis- ture ; c’est un banc de schiste.
paru, ruiné par les sièges et les guerres La route de Bech tasch quitte les
civiles. On ne reconnaît aucun vestige collines pour se diriger au milieu des
de la nécropole. 11 e.xisle cependant au cultures de vignes et de mûriers; la vé-
nord, et à quatre kilomètres de la ville, gétation est magnifique dans cette ré-
un monument qui date du règne de Tra- gion comme dans tous les environs de
jan et qui mérite d’étre vu ; c’est la pyra- Nicée.
mide de Cassius, connue dans le pays sous Bientôt on retrouve les montagnes,
le nom de Bech tasch (les Cinq pierre.s). mais arideset pelées. Un grand soubas-
On trouve facilement à Nicée des guides sement sur lequel on arrive par un es-
(jui connaissent ce monument. calier de quatorze marches est entière-
La route suit d’abord les rives du lac ment taillé dans le roc; c’était sans
et se rapproche des collines qui bornent doute l’emplacement de quelque petit
l’horizon du côté du nord-est. Elles temple ou d’un autel de carrefour.
sont de formation jurassique, entre- En cet endroit la montagne est com-
coupées par les lits de schiste la roche ; posée de roches (le marbre blanc, mais
est un calcaire gris blanc compacte et d'une qualité médiocre; il est imprégné
un peu cristallin ; elle se présente en de particules cuivreuses qui forment
niasses non stratifiées, s’élevant en fa- des taches verdâtres. On arrive bientôt
laises presque verticales. C’est la meme dans une grande plaine au milieu de
formation que, l’on rencontre déjà à Ak laquelle est la pyramide, ou plutôt l’o-
serai et qui paraît ss prolonger sur bélisque de Cassius. Ce monument est
toute la côte nord du lac. construit en calcaire gris de la contrée.
On a employé cette roche qui est Il se compose d’un soubassement carré,
presque aussi belle et plus dure que le couronné par une corniche, sur lequel
marbre dans presque tous les monu- s’élève l’obélisque, de forme triangulaire;
ments anciens de la ville. ce qui n’est pas d’un goût très-pur. La
A une demi-heure de distance hors hase porte une mouluredans le style atti-
des murs, sur les flancs de la colline, ue.L’obélisqueétaitcomposédesix blocs
se trouve un sarcophage antique de e pierre; mais le couronnement est
grande dimension ;
il a 2*" 60 de large tombé; il ne reste plus que cinq assises.
I ,
110 L’UNIVERS.
Voila pourquoi les Turcs appellent ce mes. La chaîne du sud, qui est comme
monument Bech tasch. la première ceinture d’un des plateaux
Le côté qui regarde le couchant est de l’Olympe, est couverte d’une végé-
parallèle à la face du piédestal , au- tation alxmdante et alpestre qui donne à
dessus de la plinthe de l’obélisque, on cette région un aspect des plus riants.
(.
,
ASIE MINEURE. m
les hérons, les cigognes et les pélicans des eaux stagnantes. Dans tout ce long
appelés par les Turcs Saka Kouch parcours à peine traverse-t-on quelques
(l’Oiseau porteurd’eau).Ungrand nom- ruisseaux qui portent au lac un maigre
bre d’échassiers, l’avocette, la spatule tribut. Bientôt cependant on rencontre
prennent leurs ébats sur la plage, sans un cours d’eau qui va se jeter dans l’an-
s’elTrayer de la présence de l’homme cien fleuve Ascanius, qui sans ce sup-
qui les laisse jouir en paix de cette na- plément courrait risque d’être à sec une
ture sauvage. La végétation des collines partie de l’année; en effet, d’après les
n'est pas moins intéressante que la renseignements fournis par les habi-
faune; les arbres des pays méridionaux, tants,le fleuve qui sort du lac, autre-
l’arbousier, le myrte, le laurier, attei- ment dit la rivière de décharge, ne
gnent des proportions inconnues dans coule qu’à certaines époques, environ
nos contrées. L’agnus castus, arbuste six mois de l’année, quand les pluies
jadis consacré à Junon , commence à ont exhaussé la surface du lac. Cela se
faire son apparition il couvre des ré-
;
conçoit vu la rareté des affluents qui sont
ions entières dans le sud et dans l’ouest sur la rive sud.
e la province. Sa petite fleur bleue et On l’a vu rester à sec pendant plus
d’une odeur de poivre sert à purifier d’une année.Voilà pourquoi il n’y;a pas
l’atmosphère ; les anciens lui donnaient de moulins sur ses bords quoique son
le nom d’agnus castus, parce qu’ils cours soit assez rapide.
croyaient que ses petits fruits, pris en Ces deux cours d’eau peuvent être
infusion, entretenaient la chasteté. Les facilement identifiés avec leurs an-
branches servaient pour fouetter les en- ciennes dénominations. La rivière du lac
fants. est sans aucun doute le fleuve Asca-
On traverse de temps à autre de niiis et l’autre serait le fleuve Cius, ce
grandes plantations de mûriers et d’o- qui donnerait raison à Pline (t) qui
nviers ; plus loin c’est un vallon planté fait des fleuves Cius et Ascanius deux
en haute fûtaie de châtaigniers et de cours d’eau différents.
platanes les sentiers serpentent sous les
-,
arbres. PYTHOPOUS.
Mais les villages ne paraissent pas ;
ils sont situés loin de la route et à mi- C’est dans cette région d’Ascanie
côte; c’est tout le contraire de l’Eu- qu’il faut placer la ville de Pythopolis,
rope où les habitations se rappro- fondée par Thésée mais il est dinicile
;
chent le plus possible des voies fré- d’en déterminer la position à moins
quentées. qu’on ne la mette sur l’emplacement
Le lac parait encaissé dans un bassin même de Nicée qui n’existait pas en-
de poudingue dont les couches, peu in- core. Si l’on s’en rapporte à Plutar-
clinées, plongent sous les eaux. Avec que (2), qui emprunte ce fait à Méné-
moins d’attention on pourrait se croire crate, historien de Nicée, Pythopolis au-
sur la trace de quelque voie romaine ; rait été fondée par Thésée dans le voi-
c’était en effet la ligne qu’elle suivait. sinage du lac Ascanius dans les circons-
Les montagnes s’avancent peu à peu tances suivantes Soloïs, ami de Thésée,
:
jusqu’au bord du lac ; c’est là que des s’étant jeté dans la rivière voisine par
travaux furent exécutés par ordre de suite d’un désespoir amoureux, Thésée
l’empereur Néron pour ouvrir un pas- désespéré donna au fleuve le nom de So-
sage ; la roche est dure et compacte loïs ; c’est le fleuve Ascanius. De plus,
comme dans les montagnes de l’est. pour obéir aux conseils de la Pythie, il
Après vingt kilomètres de route, la londaen cet endroit une ville qu'il nom-
chaîne qui encaisse le lac s’en éloigne; ma Pythopolis. D’après ce récit il fau-
les eaux ont moins de profondeur et drait chercher cette ville dans le voisi-
commencent à laisser croître des joncs et nage du Uc. Pline (3) la met au nombre
d’autres plantes aquatiques. Le terrain
est uni et marécageux ; mais comme le
(1) Liv. V, ch. 3a.
.sol estcomposé d^un sable fin, la route (aj Plutarque, Pïe de Théeét.
est encore praticable même au milieu (3) V, 3a.
113 L’UNIVERS.
des villes détruites. « Les villes dePy- Cependant le nom de Cius subsista
thopolis, Parthénopolis, et Coryphaiite toujours, et l’on peut dire que c’est celui
ont péri. • On doit en conclure que cette qui a prévalu ; car le nom moderne de la
ville et celle que le.s historiens byzan- ville que les Grecs appellent Ghio n’est
tins nomment Pythia sont deux places que l’altération de l'ancien nom Kios.
tout à fait différentes. Nous parlerons Les croisés, qui avaient fait de ce port
de cette dernière an sujet des bains de leur principal point de débarquement
Brnussa. en Asie, lui donnaient le nom deQvilot,
Étienne de Byzance, qui mentionne et pour compléter la multitude de noms
les deux places (1) , Tlierma et Pylho- que cette petite ville a reçus depuis l’an-
polis, en fait deux villes différentes, tiquité, les Turcs l’appellent Guemlek,
puisqu’il place celte dernière d.ansla My- ce qui veut dire cJiemise, parce que c’est
sie. Ce canton appartint en effet primi- de cette ville que viennent par transit les
tivement à la Mysie. chemises de soie que l'on fabrique à
Broussa.
CHAPITRE XIX. La position de la moderne Cius est
I
des plus heureuses ; le beau golfe de
.Moudania développe ses flots bleus
ClUS, GIIIO.
devant les maisons bâties en amphi-
théâtre, et derrière la ville s’élève le
La petite ville de Gbio, l'ancienne
mont Arganlhonius, célèbre dans l’anti-
Cius, est située au bord de la mer sur
quité par la du jeune Hylas, favori
fable
le revers oriental d’une colline dépen-
dant du mont Katerli; elle n’occupe d’Hercule, qui, au moment où la flotte
qu’une très-petite partie de la ville an- des Argonautes était mouillée dans le
port , descendit à terre pour puiser de
tique; l’ancien port est aujourd'hui
l’eau et fut enlevé par les nymphes.
comblé et converti en jardins ; mais le
port moderne offre un excellent mouil- Nous avons rapporte la tradition con-
un arsenal où l’on cons- servée par Apollodore qui attribue à
lage et contient
de grands navires. Polyphénie la fondation de Cius; celle
truit
Cius est une des pins anciennes villes de Strabon est différente; c’est l’Argo-
de la contrée, puisqu’elle passe pour
naute Cius , autre compagnon de Jason,
uni, revenant de la Colchide, s’arrêta
avoir été fondée par Cius, l’un des Ar-
gonautes à son retour de (iolcbide (2). dans ce port et fonda la ville à laijuelle
Cette ville, placée à l’entrée d’un golfe
il a donné son nom (I). Les Grecs ai-
bien abrité, en communication avec le maient beaucoup celte fable d’Hylas (2),
et le souvenir de cet événement se per-
lac Ascanius par la rivière du même
nom , devint bientôt un lieu d’entrepôt pétua parmi les habitants de Cius, qui
instituèrent une fête nocturne appelée
considérable , attira dans sou sein de
nombreux colons grecs. C’est pour cette Oribasie, pendant laquelle on courait
raison qu’elle fut aussi regardée comme par la montagne en portant des flam-
uue colonie des Milésiens. On connaît neaux et en appelant Hylas.
peu de chose de ancienne de
l’histoire Le nom d’Hylas fut donné à la source
et au ruisseau "près duquel on suppose
Cius qui paraît n’avoir jamais été qu’une
place de commerce. Philippe, fils de Dc-
quele jeune Argonaute avait disparu. Ce
métrius, après avoir détruit Cius et Myr-
cours d’eau, qui est qualifié fleuve par
la plupart des géographes anciens, est
léa, ville voisine, les donna toutes deux à
Prusias, fils de Zélas qui rebâtit la ville
encore ignoré aujourd’hui (3).
et lui donna le nom ae Pruse. Pour la Le mont Arganlhonius qui domine la
ville fut ainsi appelé d’Arganlhonis,
distinguer de celle qui existait au pied
de l’Olympe, en l’appela Pruse sur mer femme de Rhésus (4); c’est une monta-
Prusa ad mare. Les habitants de Pru- gne , boisée et découpée par de longues
siade vécurent en paix avec les Romains
et en reçurent quelques privilèges. ([I Stral)., XII ,
loc. rit.
(a) 'Viig., Kcl., 6.
(i) Kl. Byz., V. Tlicnua, Pylhopoliv. (3) Pliiic, V, 3a. .Sliab., loc. cit.
(») Sirab., XII, 563. (4) Et. Byz., j4rgmUhon!t.
ASIK MllSEtJRË. US
vallées
,
qui s’étend le long de
la Pro- BOUTS DE onio a-bboussa.
(lontide. La
de Ghio forme une
rivière
ligne de séparation bien tranchée entre La route de Ghio à Broussa se dirige
les deux natures de roches qui consti- droit vers le sud ; du moment qu’on a
tuent ces montagnes ; celle qui domine passé la rivière, on commence à monter
la villede Ghio ofhre de nombreux gi- et l’on ne quitte plus le pays monta-
sements de serpentine et de marbre gneux. I-a route est belle et très-prati-
cipolin dont on faisait des colonnes. cable, parce qu’elle est fréquentée par
Les restes d'antiquité les plus re- les chars qui portent des bois de l’O-
marquables dans l'ancienne Gins sont lympe à l’arsenal de Ghio. Le transport
les murailles, qui datent certainement se fait au moyen d’attelages de qua-
de In fondation de la première ville ; torze à seize bœufs ; lorsqu’on emploie
elles s'étendent depuis l'acropole , où les buffles on n'en met que six. Ces
est aujourd'hui la demeure de l’agha , animaux sont en Asie beaucoup plus
jusqu'à la baise ville; leur construction grands et plus forts qu'en Italie ; leurs
en blocs assemblés à joints irréguliers cornes sont un objet de commerce con-
dans le style pélasgique est des plus sidérable à Constantinople.
remarquables. I.es dimensions de cha- Sur toute cette partie de la route, la
que pierre ne dépassent pas un mètre nature est tout à fait à l’état sauvage.
carré; la face de la pierre est à bossage On franchit des collines rocheuses cou-
et les joints sont régulièrement aplanis vertes de végétation. A dix kilomètres
au ciseau. environ de la ville, on descend dans un
On doit faire observer que cet appa- vallon qui était autrefois coupé par une
reil seul n’est pas une condition de très- énorme muraille d’appareil pélasgique ;
hautc antiquité , car il a été pratiqué le milieu a été démoli pour faire passer
iar les Romains; mais de leur temps la route; cette muraille se prolonge à
f'intérieur du mur était rempli en blo- droite et à gauche jusqu’au sommet de
cage uni avec du mortier; tandis que chaque colline ; elle est bâtie en pier-
dans la haute antiquité il n’y a jamais res de grande dimension assemblées à
de mortier employé dans la construction joints irréguliers, et porte tout le cachet
des murailles. Pour nous conformer à d’une haute antiquité. Placée ainsi loin
l’expression reçue, nous appellerons pé- de toute ville, on ne peut que supposer
lasgiques les constructions à joints irré- qu’elle a été élevée pour séparer deux
guliers que nous aurons à décrire, mais peuplades, peut-être les Doliones et les
sans attacher à cette expression une Mysi. Ces murs frontières, Ænw ou do-
autre idée que celle de la forme des suræ. sont assez dans les habitudes de
pierres et non pas d'antiquité. ces temps, et la muraille qui existe en
Les monuments romains sont presque cet endroit ne parait pas avoir eu
tous détruits. C’est ce qui a lieu dans d’autre destination. Il serait intéressant
toutes les villes qui ont conservé leur de savoir où sont les points d’attache ;
population. Mais les fouilles faites pour peut-être en suivant son parcours se-
ta construction des maisons mettent rait-on conduit à quelque découverte.
souvent à découvert des fragments d’ar- Après avoir franchi un second col, on
chitecture. On a retrouvé dans un descend dans la vallée du INiloufer, que
de la ville moderne
jardin en dehors l’on passe sur un pont de hois. Les
remplacement d'un temple dont les sommets de l’Olympe se développent à
colonnes entières mais couchées sur le la vue dans toute leur majesté; le pay-
sol sont en marbre cipolin; elles ont sage de Broussa, vu du côté du nord,
6™ 64 de longueur; les chapiteaux corin- est des plus magnifiques qu’on puisse
thiens sont en marbre blanc. Malheu- imaginer.
reusement les habitants s'empressent
d’utiliser dans leurs constructions tous
BOUTE DE HOUDANIA A BROUSSA.
les fragments d’architecture qu’ils ren-
APAHEA MYBLBA.
contrent. Voilà pourquoi les inscriptions
sont si rares à Ci us.
Myriea était située au fond du golfe
du même nom et à peu de distance à
8* Livraison. (Asik Minkure.) t. II. 8
.
114 L’ülsrVEBS.
une colonie de
l'ouest de Cius; c'était sous celui de Seguino comme celui de
Colophon qui prospéra pendant quel- Moudania sous celui de Montagnac
ques années comme indépendante.
ville On trouve à Moudania une maison
Mais elle fut prise et détruitepar Phi- de poste assez mal administrée, où l’on
lippe, roi de Macédoine, fils de Dénié- peut prendre des chevaux pour se rendre
trius, père de Persée, et qui donna son à Broussa ; la route n’est que de vingt
territoire à Prusias, roi de Bithynie, son kilomètres. On commence à monter
gendre. Ce prince la rétablit et lui donua au milieu des jardins qui bordent la
le nom d’Apamée, sa femme. côte; le pays n’est pas très-accidenté, et
Myriéa prit sou nom de Myrlus, chef quoique la terre paraisse propre à toute
de la colonie des Colophoniens; enfin sorte de culture, le pays est a peu près
Étienne de Byzance (I) dit que c’était désert et la terre en friebe. Ën descen-
le nom d’une amazone. Le nom d’A- dant la dernière colline, on arrive au
iamée fut le seul qui subsista pendant bord de la rivière Niloufer, qui sépare
fa période romaine. la plaine de Broussa des terres des
T.,es habitants conservèrent le droit Apaméens.
d’administrer leurs affaires (2) ; dans La rivière Niloufer, qui traverse la
quelques circonstances seulement ils le plaine de Broussa , prend sa source sur
remettaient entre les mains du procon- le versant est de l’Olympe et entoure
sul. comme d’une ceinture tout le pied de la
La ville de Moudania, qui occupe montagne, recevant tous les cours d’eau
l’emplacement de l’ancienne Apamee, qui en descendent, et notamment le
est située au bord de la mer. Ses mai- Gœuk déré, qui est le plus considéra-
sons blanches s’élèvent sur le penchant ble ( I ). Le cours de cette rivière est très-
d’une colline et sont entourées de jar- encaissé et souvent dangereux ; elle va
dins d’oliviers et de vignes. On ne trouve se jeter dans le Rhyndacus, à huit kilo-
aucun vestige d’antiquité , et l’ancien mètres au-dessus de son embouchure en
port est complètement détruit. Mouda- longeant au sud le lac Apollonias. Nous
nia est le principal point de débarque- ne connaissons le nom ae cette rivière
ment des navires qui font le transit qu’à partir du quatorzième siècle, et
entre Broussa et Constantinople ; il est nous eu sommes réduits aux conjectures
préféré à celui de Ghio parce que la sur son nom ancien. Cependant les
route qui conduit à Broussa est plus géographes modernes sont assèz d’ac-
praticable. cord pour l’identifier avec le fleuve
Les principales ressources de Mou- Odryssès, d’après ce passage de Stra-
dania consistent eu huile, blés et fruits ; bon (2) tiré d’Hecatée. • Après la ville
il n’y a aucune industrie. d’Alazia est le fleuve Odryssès. Il Vient
Les bâtiments mouillent pour ainsi de l’occident, du lac Duscylitis, traverse
dire en pleine côte ; le golfe, qui fut la plaine de Mygdouie ët va se jeter
successivement appelé de Cius , de Myr- dans le Rhyndacus. >
lén, portait dans le moyen âge le nom De tout ce passage le Niloufer ne
de golfe de Polimeur; il est diftlcile de remplit réellement qu’une seule con-
savoir pourquoi, car aucune ville de ce dition , c’est de se jeter dans le Rhyn-
nom nA jamais exi.sté. dacus. « Il vient de l’occident » est
Un peu à l’ouest de Moudania, sur
(i) La belle Niloiirer, remmedii cummaiidant
la côte , se trouve le village de Siki (des
de Biledjik, (omba an pouvoir d'Osman, qui
figues), ainsi nommé à cause des nom-
a’était emparé de re ehiteau. Dans le partage
breuses plantations de figuiers qui l’en-
du butin la captive fut donnée par le ndtan à
tourent. C’était jadis une petite ville
.son fils Orkban, lequel, charmé de sa. beauté,
avec une église grecque dédiée à saint l'épousa, et en eut un OU, qui fut Mourad 1*’.
Michel. Près du rivage est une belle Kn souvenir de ce mariage , les compagnons
source qui arrose quelques jardins. Sur d’Osman donnèrent le nom de Niloufer (Né-
les cartes anciennes ce nom est défiguré nuphar) au petit fleuve qui Uaverse la plaine
de Broussa , et son nom byzantin est reste
(i) V. Myrloca. ignoré.
(a) Pline, t.eii., liv. XtVI. (a) Strab., XII, 5&o.
ogie
ASIE MINEURE. 115
une expression vsfnie qui n’est que re> de cette villé à cinq cent cinquante ans
lative;
mais surtout
il ne sort du environ avant notre ère. Ce document a
lac Dascylitis puisqu’il descend de l’O- été contesté non sans raison par tous les
lympe. Cependant comme aucun cours écrivains modernes gui ont traité cette
d’eau notaole ne vient dans ces parages nestion. Il est ainsi conçu. « La ville
se jeter dans le Rhyndacus, tout en con- e Prusa, située au-dessous de l’Olympe
sidérant le passage de Strabon comme en Mysie, aux frontières de cette contrée
teu exact, on s’est accordé pour donner et de la Phrygte a été fondée par Pru-
Îe nom d’Üdryssès au Niloufer d’au- sias, qui lit la guerre contre Crésus.
jourd'hui. C’est une ville bien gouvernée -Étienne
Nous traiterons cette question plus de Byzance attribue la fondation de
en détail eu parlant du »c Dascylitis. Prusa à un roi du même nom qui fut
contemporain de Cyrus, ce qui ne di-
CHAPITRE XX. minuerait en rien l’antiquité de la ville
de Pruse.
BBOUSSA. PBUSA AO OLYMPUH. Pline lui assigne une autre origine.
I Selon cet écrivain , elle fut fondée par
>
«.ItT .1 / C)
(i) XII, 564, J. .
(i) X, 85.
St.
,
116 L’UNIVERS
Prusa paraît avoir atteint le plus haut sion , à condition toutefois que le ter-
degré de prospérité, grâce à la bonne rain n’ait pas reçu la consécration re-
administration du gouverneur de la ligieuse à laquelle il était destiné.
Province , qui n’était autre que Pline le Il résulte de cette correspondance
Jeune. Il était assisté dans l’exécution qu’il n’est nullement question des eaux
de ses grands projets par Nymphydius thermales , dont les sources sortent de
Rufiis lé primipilaire (1), son ami et son terre assez loin de la ville. Il faut arriver
ancien compagnon d’armes. Tous les à l’époque byzantine pour en trouver la
soins du gouverneur, après avoir réglé première mention dans les écrivains an-
les affaires d’administration et de G- ciens.
nance , avaient pour but de faire cons- Il ressort des lettres de Pline, que la
truire des édiOces somptueux et d’utilité ville de Prusa était décorée de tous les
publique. Nous avons au sujet d’un bain monuments qu’on retrouve habituelle-
construit à Prusa une suite de lettres ment dans les ruines des villes romaines
intéressantes de Pline à Trajan, qui peu- d’Asie, un gymnase, des thermes , un
vent donner une idée des précautions agora, et des portiques publics. Par
irises par le gouvernement au sujet de une autre lettre (I) nous apprenons que
fa construction des édiGces municipaux. la ville possédait une bibliothèque
« Les Prusiens, écrit Pline à Trajan, renfermant la statue de Trajan, placée
ont un bain vieux et en mauvais état. probablement au milieu d’un portique.
Ils voudraient le rétablir, si vous le per- A partir de cette époque, il existe une
mettez. Je crois, après examen, qu’il est lacune de six cents ans dans l’histoire
nécessaire d’en construire un nouveau de Broussa.
et il me semble que vous pouvez leur
accorder leur demande. Les fonds PYTHIA.
pour le construire se composeront , d’a-
bord : des sommes que j’ai obligé les
St les eaux thermales paraissent avoir
particuliers à restituer, et puis de Par-
été négligées par les Romains, elles at-
lent qu’ils avaient coutume d’employer
tirèrent l’attention des souverains de
a l’huile du bain, et qu’ils ont résolu
de consacrer à la construction. C’est ce Byzance, et une petite ville du nom de
que, d’ailleurs, semblent demander, et Pythia fut fondée dans leur voisinage
la beauté de la ville, et la splendeur de
immédiat. C’est au village de Tcbékir
votre règne.Trajan accorda la permission
guéh qu’jl faudrait placer l’ancienne
Pythia. Étienne de Byzance en fait
de rebâtir le bain, pourvu que cet ou-
vrage n’imposât aucune charge nouvelle mention en parlant des eaux chaudes
aux habitants. Dans une autre lettre (3) de l’Asie en même temps que de Do-
rylée (3). » II y a également un Therma
Pline annonceà l’empereur qu’il a choisi
pour rebâtir l'ancien bain l’emplace- en Bithvnie qu’on apjielle aussi Pythia ;
ment d’une maison qui avait été léguée ce sont les bains royaux de Prusë. «
à l’empereur Oaude dans le but de Procope mentionne en ces termes la
ville de Pythia sans dire quelle était
construire à cet empereur un temple
sa position à l’égard de Prusa « Dans
environné de portiques. Ce monument
:
n’ayant pas été exécuté, Pline écrit à un endroit de la Bithynie qui s’appelle
Trajan : > Si vous daignez, seigneur, ou Pythia, il y a des sources d’eau chaude
donner maison ou la faire vendre
la
dont plusieurs personnes et principale-
aux Prusiens, ils en seront reconnais- ment les habitants de Constantinople
tirent un notable soulagement dansleuis
sants. Je me propose de construire le
bain sur le même terrain, et de l’en- maladies. Justinien a laissé en cet endroit
tourer de portiques et d’exèdres ou de des marques d’une magniGcence toute
royale en faisant bâtir un superbe pa-
sièges. Cet ouvrage sera , par sa magni- y
lais et un bain pour l’usage du public
Gcence, digne de la splendeur de votre ;
règne. «Trajan accorde enGn la permis- de plus il y a fait conduire par un ca-
(0 '»• (0 X. «5.
(») X, 7®. (i' V. Therma.
,
nal des eaux fraîches a6n de tempérer la gire, les princes de la dynastie seld-
chaleur des autres. » joukide avaient envahi plusieurs pro-
Du temps de Constantin Porphyro- vinces de l’empire grec. ToghruI bey
génète Pythia avait pris le nom de So- petit-GIs de SeIdjouk, contracta une al-
teropolis (la ville du Sauveur). liance avec le calife successeur de Mah-
Selon Zonare, c’est là que Constan- moud le Ghaznévide , et mourut en
tin est tombé malade il se fit trans-
: laissant le pouvoir à son neveu Alp
porter dans sa ville d’Ancyron, où il Arsian, qui, le premier, étendit au delà
mourut. de l’Euphrate la renommée des tribus
Les souverains comme les patriciens turcomanes.
de Byzance continuèrent dans la suite L’empereur Romain Diogène régnait
de fréquenter les eaux thermales, et ces à Byzance, lorsque les Turcs se ruè-
voyages étaient pour eux l'occasion de rent pour la première fois sur les villes
déployer tout le luxe de leurs équipages. de l’Asie Mineure. Césarée fut prise et
L’impératrice Théodora, femme de Jus- pillée, et l’avant-garde des futurs pos-
tinien, alla, en l’année 525, prendre les se.sseurs du Bosphore s’avança jusqu’au
eaux chaudes de Prose avec une suite mont Olympe. Seifed Dewîet, prince
de quatre mille serviteurs. de la dynastie de Hamadan , assiégea
Broussa en 924, la prit par capitulation,
BHOliSSA BYZANTINE. et la Gt démanteler, mais non pas raser
entièrement; car plusieurs tours et une
Mais les années s’écoulaient. Au luxe grande partie des murailles portent le
et a l’indolence des Byzantins devait caractère d’une époque antérieure.
bientôt succéder le bruit des armes, les Une heureuse expédition, entreprise
cris de guerre ; une nation dédaignée et pendant le règne d’Alexis Comnène en
presque ignorée de ses maîtres superbes 1097, amena de nouveau les musul-
avait vu naître un homme qui devait mans sous les murs de Broussa , qui
changer la face de l’Asie romaine. fut prise et pillée; mais les musulmans
Mahomet, vainqueur des empereurs se retirèrent de nouveau.
byzantins en Arabie et sur l’Euphrate, Lorsque les Latins se furent emparés
avait révélé à tant de tribus insoumises de Constantinople, les princes byzan-
le secret de leur force. Chaque ville prise tins, pour repousser ces nouveaux en-
était pour se.s guerriers l’occasion du nemis, n'hésitèrent pas à faire alliance
p.artage d’un butin considérable. Il n’en avec les princes musulmans. Théodore
fallait pas davantage pour appeler au- Lascaris, despote de Remanie, s’étant
tour du nouveau prophète toutes ces liéavec le suit.ui d’Iconiurn, s’empara
peuplades disséminées dans les steppes de Broussa, qui fut en vain assiégée par
de l’Asie antérieure. Aux Arabes qui les Latins.
avaient ravagé l’Osrhoëne et la Mésopo- Le château, qui passait alors pour
tamie succédèrent les tribus turques, une place imprenable résista à toutes
dont le nom était à peine connu des les attaques, et la place resta entre les
Byzantins. C’est alors que commença mains des Grecs jusqu'à la paix en
ce duel de trois siècles qui devait linir 1214.
par l'anéantissement de Pempire de By- La mollesse que les habitants .avaient
zance. montrée dans leur défense contre les
musulmans excita la colère de l’em-
CHAPITRE XXI. pereur Andronic. Il punit les principaux
iiabitants en livrant leurs biens au pil-
INVASION MUSULMANE. lage, et Gt périr ou exiler un grand nom-
bre d’entre eux. C’est par cès moyens
Dans la série d’événements qui s'ac- violents qu’il se maintint à Broussa Jus-
complirent pendant la période du qu’à ce qu’il eût reconquis son empire
dixième au quinzième siècle, nous ne sur les Latins.
mentionnerons (|ue ceux qui se ratta- Nous sommes arrivés aux derniers
chent directement à l’iiistoire de jours de la Prusa byzantine. Les musul-
Broussa Dès le troisième siècle de l’hé- mans vainqueurs voüt régner en mal-
IIR L’UNIVERS.
1res sur la plus belle ville de la ermtrée, autre monastère auquel il donna son
et en faire la base de leurs attaques nom.
eontre la capitale des Byzantins. Orkhan, une fois maître du trône,
Vers l’an 1300, Krthogrul laissa le songea à poursuivreses conquêtes ; c’est
gouvernement entre les mains de son alors qu’il entreprit la campagne contre
(ils Osman, qui ne perdit pas de vue les Nicée et Nicomédie. Son zèle religieux
grandes destinées de sa race. A peine s’accroissant en proportion de ses vic-
eut-il mis ses troupes en état d’entre- toires, il ordonna la construction de
prendre de nouvelles expéditions, qu’il plusieurs mosquées, et appela dans son
reprit avec vigueur le siège de la ville nouvel État des artistes persans qui in-
( 1307 ).
Deux de ses généraux, Ak Ti- troduisirent à Broussa la fabrication des
mour, qui était le propre neveu du sul- fa’iences émaillées. A la mort du sultan,
tan, et Balnban, reçurent l’ordre d’é- son corps fut déposé dans la chapelle fu-
lever deux forts dans la plaine pour in- nèbre où reposait son père ; la voûte, dé-
tercepter les communications de la place corée de lames d’argent , était désignée
avec la mer. Ak Timour établit le sien sous le nom de Gumuschli Koubhé.
du côté des bains, c’est-à-dire vers Mourad l*', successeur d'Orkhan, fut
l’ouest ;
Balaban occupa les bords de la déclaré sultan en 1360. Il se montra aussi
rivièreNiloufer,qui coule dansla plaine. zélé que ses prédécesseurs à élever des
Pendant prés de dix années, les garni- monuments publics.
sons de ces forts se bornèrent à inter- Le palais qu’il fit construire sur la
cepter tout commerce entre la ville et colline qui domine la plaine de Broussa
la mer, jusqu'à ce qu’entin Osman, de- est aujourd’hui complètement ruiné.
venant vieux résolut de diriger toutes
,
Mais au milieu des décombres on peut
ses forces contre Broussa. encore reconnaître les dispositions pre-
Ils’empara en 1317 delà ville d’É- mières. Les habitations n’étaient pas
drenos,la démantela, et alla placer son groupées en un seul corps de biiti-
camp à Bounar bachi, en resserrant la ments ; c’était une suite de kiosks plus
ligne du blocus. ou moins étendus disséminés dans des
Le commandant de la ville se pré- jardins. Le palais du sultan Sélim à
iarait à une vigoureuse résistance, Andrinople est disposé de la même ma-
forsque l’empereur Andronic lui envoya nière, et lorsqu’on visite le palais des
l’ordre de capituler. Il obtint un sauf- schah de Perse à Téhéran et a Ispahan,
conduit pour les habitants, qui se ren- on ne peut s’empêcher d’établir une
dirent à Gbio, une autre Prusa, qui de- comparaison avec l’en-semble du palais
vait aussi devenir la proie des musul- de Darius à Persépolis, et de conclure
mans. que, chez les monarques d’Orient, la
Osman, le fondateur de la dynastie coutume d’avoir des habitations clair-
des Osmaiilis, ne jouit pas longtemps semées dans des jardins est restée la
du fruit de sa victoire; il mourut en ap- même depuis l’antiquité. De somp-
prenant l'entrée de son fils Orkhan tueux jardins arrosés d’eaux courantes,
dans les murs de Brussa en 1326. Le dont il ne reste plus que les rigoles des-
corps du premier sultan fut déposé séchées, entouraient les élégantes ha-
dans la chapelle de l'ancien château de bitations du palais de Mourad. Les his-
Brou.ssa, qui fut convertie au culte de toriens ottomans nous ont laissé les
l’islam. Il avait reçu du sultan Ala Ed- plus brillantes descriptions de cette ré-
dyn l’investiture ae la principauté de sidence, que les successeurs de Mourad
Karadja hissar, et mourut sultan des se sont plu h embellir et à augmenter.
Ottomans. En 1380 eurent lieu dans ce palais
A l’ouest des thermes de Kaplidja, les noces de Bayazid lldirim, (ils de
on voit encore le monastère et le tom- Mourad avec la iille du prince de Ker-
beau de santon Abd-ul-Mousa qui mian. Les ambassadeurs de tous les
avait accompagné Orkan dans toutes princes de Aïdin, Mentesche, Gasta-
ses expéditions. Lalaschin, un des meil- mouni, Karaman apportèrent a la jeune
leurs généraux du sultan, et qui servit mariée de riches présents en châles et
sous Mourad U’, fonda en 1330 un en chevaux. Édrenos bey, rénégat grec,
,
offrit cent esclaves grecsdes deux sexes, du sultan Mourad, Djem, frère du sul-
les plus beaux de sa nation. Dix d'entre tan Bayazid, se déclara comme un com-
eux portaient des assiettes d’or remplies pétiteur au trône des Osmaulis. Bayazid
de ducats, des vases de parfums, des ai- était en Europe , et le prince Djem
guières d’or d'un travail précieux. La aidé de quelques partisans , put facile-
jeune mariée apportait en dot les clefs ment s'emparer de Broussa. Le sultan
des villes d’Erzinghani, Taoucbanli, Si- ne daigna pas marcher en personne
maul et Kulayab. contre sou frère rebelle. Une faible ar-
Le Gis de Mourad, étant monté sur mée attaqua les troupes de Djem dans
le trône en 1389, Qt entourer la ville de les plaines du Yéni cheher et les mit
firoussa de nouvelles fortilications; en déroute. Peudant ce temps les ja-
mais la suitede son règne fut loin d'étre nissaires se livraient au pillage de
d'accord avec ses brillants débuts. Broussa. Djem, poursuivi par Bayazid,
Après la bataille d’ Angora, Broussa fut alla demander asile au prince, d’fco-
envahie, en 1402, par les troupes de niuin ; mais, ne se trouvant pas assez en
Timour; les écoles et les mosquées sûreté dans celte ville, il se relira près
furent saccagées et lorsque les géné-
, du grand maître de Rhodes. La suite
raux eurent partagé les trésors qu'ils des aventures du prince Djem est
avaient trouvés dans la ville, ils la li- étrangère aux événements de l’Asie ; il
vrèrent aux flammes. A la prise de la mourut à Naples en 1495. Une am-
ville les trésors de Bayazid turent dis- bassade ottomane fut envoyée à Naples
tribués aux soldats ; les objets précieux pour demander les restes mortels du
étaient innombrables; les soldats mesu- prince Djem ;
ils furent apportés à
raient au boisseau les perles et les Broussa et déposés dans un tombeau si-
pierres précieuses. tué dans l’enceinte des souverains, (,'e
admirable nature, dans toute sa sauvage métropolitain de leur culte qui egt su-
majesté, dédommage amplement celui bordonné au patriarche de Constanti-
qui a tenté cette excursion. nople. Le sort de l’Église chrétienne à
Les habitants jouissent avec calme Broussa est dés plus misérables. Privés
mais avec un plaisir extrême de toutes de tous les monuments religieux qui .
les beautés que la nature a répandues avaient été construits par leurs ancê-
autour de la ville, il n'est pas un des tres, les chrétiens ne jouissent aujour-
versants de l’Olympe qui n’offre aux d’hui que de pauvres églises qui au
yeux quelque point de vue euchanteur. dehors se distinguent à peine des mai-
Toutes les essences de la plaine et delà sons particulières.
montagne, Içs cèdres et les cyprès, le Le quartier turc occupe la partie cen-
prise nouvelle à la vue d’arbres gigan- vers à soie ; c’est surtout le mûrier mul-
tesques qui portent plusieurs siècles ticaule qui est préféré. Les habitants
sur leurs cimes altières. Le pied de ces regardent sa feuille comme plus nour-
forêts est entouré d’une large ceinture rissante et ils signalent cet avantage
de verdure plus sombre et plus épaisse; articulier, c’est que pour la nourriture
ici ce n’est plus la nature seule, c'est es vers, on n’arrache pas lafeuille, qui
l’agriculture et l’industrie qui veillent à arrive toujours un peu flétrie dans la
la production de ces arbres exotiques. magnanerie; mais on coupe les jeunes
tiges qui atteignent quelquefois la lon-
CHAPITRE XXlll. gueur de deux ou trois mètres. T.a
feuille arrive alors fraîche et intacte ,
ÉTAT MODEKNE. —INDUSTBIE. — avec toute sa sève et tout son parfum ;
COMMEBCE. elle nourrit mieux le ver, et lorsqu’il est
prêt à monter, il trouve dans la tige qui
Les maisons de Broiissa sont bâties fui a servi de nourriture un appui tout
dans le genre de celles de Constanti- prêt pour y établir son travail.
nople, c’est-à-dire que le bois domine On ne compte pas moins de sept espèces
dans la construction. Les rez-de-cbaussée de mûriers dont un botanisteseul pourrait
sont ordinairement bâtis en moellon et en faire la distinction; toutes ces variétés
brique; mais les façades sont extrême- prospèrent également aux environs de
ment simples. L’intérieur se compose Broussa. Les mûriers couvrent de leur
d’un vestibule donnant accès à un es- ombre les bords des ruisseaux, et for-
calier ordinairement de marbre; c’est ment les haies du chemin. Ils semblent
au premier étage que sont les apparte- avoir retrouvé là leur climat natal;
ments d’habitation ; ils donnent tous sué aussi, par la beauté et l'abondance de
un vestibule ouvert appelé kayat, sorte ses soies, Broussa est-elle devenue une
de salon d’été où se tient la famille pen- ville renommée dans le monde entier.
dant les beaux jours. Au milieu est uA Les soieries qu’elle fabrique se répan-
bassin d’eau vive, la ville étant en pente dent dans tout l’empire turc, mais sont
vers le nord. Quelle que soit la direction peu connues en Europe. Les velours de
dans laquelle s’ouvre la grande fenêtre soie forment au.s.si une branche impor-
du vestibule, les maisons de Broussa tante d’industrie que la concurrence
jouissent toutes d’une vue magniOque, d’Europe finira bientôt par anéantir.
soit des gorges sauvages de la mon- L’industrie des soies, qui a rendu
tagne, soit des vastes horizons de la Broussa si célèbre, n’occupe aucune
plaine. grande manufacture; les ouvriers,
Le quartier des chrétiens occupe la comme ceux de Lyon , travaillent en
régiou de l’est. Les Arméniens et les chambre. Les fabricants lenr donnent
Grecs sont placés sous la juridiction d'un un poids donné de soie, qu’ils doivent
fXt by i^iOOglc
,
L’UNIVERS.
reudre ouvrée, avec la différence que il
y a cinquante ans, on remarquait une
comporte le tissage. On fabrique aussi hausse considérable dans le prix des
luie étoffé de soie que nous connaissons suies; aujourd’hui, malgré 1a concur-
sous le nom
de brocard ; c’est un ma- rence des soies de Lyon et de celles de
gnilique tissu orné de Heurs d’or. Les Chine, les prix se maintiennent. On es-
^
* time à cent mille pièces le montant de
Turcs l’appellent du sélymieh parce
qu’il fut inventé du temps du sultan l’exportation de la soie ouvrée.
Sélim 11 ne se vend guère que pour l’u- 11 y a aussi à Broussa quelques fa-
.sage des harem de Constantinople. On briques d’étoffes de coton, et notam-
sait qu’il n’y a pas de nation au monde ment de serviettes et de peignoirs pour
ui fasse plus de dépenses pour le luxe le bain. Les serviettes sont d’un tissu
e leurs femmes. de peluche extrêmement commode pour
Ces étoffes de soie blanche, alternati- sécher la peau ; les foutha ou serviettes
vement rayées de bandes opaques et bleues dont on s’entoure le corps sont
claires et qui sont assez répandues à composées de larges bandes iie soie
Paris maintenant, sont aussi de la fa- rouge et jaune sur un tissu de coton.
brique deBruussa. Elles servent pour L’usage des bains est si général en
faire les chemises des femmes, et des Orient que ces deux seuls articles sont
gandoura ou chemises pour la sortie du l’objet d’un commerce considérable.
bain. Les coussins pour les sofas sont
aussi l'objet d’une industrie considé- CHAPITRE XXIV.
rable; on peut en avoir une idée eu son-
geant que dans tout l’empire musul- LES EàDX.
man le sofa est le seul meuble en usage ;
c’est la chaise, la table et le lit des Orien- Un des caractères les plus saisissants
taux. de la ville, celui qui frappe d'abord le
Les soieries de Broussa sont peu con- nouvel arrivant, c’est la variété et l’a-
nues en France, où elles ont été long- bondance extrême des eaux qui sur-
temps prohibées; elles jouissent de cet gissent de toutes parts , eaux froides
avantage qu’elles peuventselaver comme eaux tièdes, eaux glacées de l’Olympe,
des foulards. Le dessin est assez uni- eaux bouillantes des sources minérales.
forme; il consiste en grandes bandes de Les possesseurs byzantins comme leurs
diverses couleurs entremêlées de petites successeurs les musulmans se sont plu
guirlandes de Heurs. La rayure est le à les aménager de la manière la plus
fond du dessin le plus goûté en Orient; agréable pour l’u.sage des habitants.
c’est ce qu’on appelle pour les étoffes Les fontaines ne se comptent pas et
Tchiboukieu (en nâtons) ; on n’aime pas chaque maison a dans son vestibule un
les jeux de fond comme nos fabricants bassin avec un jet d’eau courante et
ont l’habitude d'en faire; dès longtemps limpide pour l’usage de la famille. Ce
cette observation a été faite à la cham- n’est pas seulement pour les usages do-
bre de commerce de Lyon, qui s’éton- mestiques que les eaux de l’Olympe
nait du peu de débit des étoffes de fournissent aux habitants le cristal de
Lyon en Orient. Depuis que les fabri- leurs ondes, les rui.sseaux descendant
cants ont adopté les dessins orientaux de la montagne sont divisés en mille ca-
)our leurs cotonnades comme pour naux divers dans les jardins de la ville
feurs soieries ,
le débit en est plus con- et contribuent à leur donner cet aspect
sidérable. Pour les châles de rlnde, le verdoyant et riche qui frappe d’abord
dessin rayé est aussi très-godté; on ap- les regards. Malheureusement, de nos
pelle ces châles Fermaïch ; les châles Fer- jours, l’entretien de ces canaux laisse
niaïcli sont très-connus à Paris ; on les a désirer, et les eaux se répandent sur
confond pour le nom avec les châles de les routes et dans les parties déclives du
Cachemire. sol et forment souvent des lagunes ma-
La soie brute fut de tout temps l’ob- récageuses.
jetd’un grand commerce d’exportation. On compte à Broussa trois cours
On estime à plus de trois mille quintaux d’eau principaux; c’est plus que des
métriques la quotité de la récolte. Déjà, ruisseaux , ce ne sont pas des rivières.
,
r,e premier s’appelle Bounar bachi (la l’Olympe, et coule vers la ville par une
tête de la source), le second Ghoeuk déré large vallée, la seule de la montagne qui
(la valléecéleste), et le ruisseau de Akts ait son ouverture vers le nord-est. Il
chaghlan. forme de nombreuses et abondantes
Bounar bachi est situé dans le voi- cascades qui, au moment de la fonte des
sinage immédiat de la vieille ville. Les neiges, présentent un spectacle pitto-
eaux sortent de terre avec assez d'abon- resque et imposant. Un pontd’une seule
dance pour former un ruisseau rapide arche, et surmonté d’une galerie cou-
qui coule dans un bassin entouré de verte comme certains ponts de la Suisse,
platanes et de hêtres. C’est le lieu de est jeté sur la vallée, et joint le quartier
rendez-vous le plus fréquenté pendant arménien au quartier turc. (Voy. pl. 41.)
la belle saison ; plusieurs échoppes de
café étalent à l’entour leurs divans de CHAPITRE XXV.
nattes et leurs escabeaux bariolés , où
les habitants viennent s’aæeoirpour sa- LES EAUX THEBMALKS.
vourer la pipe et le narguileh ; les bouf-
fons de toute sorte , les jongleurs de Toutes les eaux thermales auxquelles
toutes les nations font de ce lieu le Broussa doit sa renommée surgissent
théâtre de leurs tours, et à certains jours, d’un des contreforts inférieurs de l’O-
le soir, la promenade s’illumine, et aux lympe dans la région occidentale de la
réjouissances du matin succède les re- ville. Le terrain dans lequel elles
pren-
présentations théâtrales, c’est-à-dire des nent naissance est composé de calcaire
marionnettes dont le langage plus que de schiste et de grès tertiaire. Rien à la
libre n’effraye cependant pas la grave surface du sol n’annonce qu’à aucune
société qui les écoute. époque des phénomènes volcaniques se
Les eaux du Bounar bachi étaient soient manifestés dans cette région;
du temps de la splendeur de Brous», mais aujourd’hui l’on sait que la chaleur
conduites par des canaux souterrains interne du globe est la seule cause de
dans le palais du sultan Mourad, et là, la haute température de certaines eaux,
rendues à la lumière , elles circulaient et les sources qui sont conduites entre
dans des canaux de marbre au milieu de les couches gémogiques à une certaine
jardins enchanteurs dont il ne reste profondeur dans le sein de la terre en
plus que le souvenir. sortent infailliblement à une tempéra-
Un grand pilier de maçonnerie, situé ture élevée sans que pour cela la con-
non loin du palais , est regardé par les trée où elles apparaissent ait jamais
habitants comme le premier Sou -Térazi présenté un caractère volcanique. Si
qui ait été construit en Turquie. Cette quelques sources thermales d’Auvergne
méthode de conduire les eaux a été, se- et d’autres contrées ne sont pas dans ce
lon leur opinion transportée d’Égypte
, dernier cas, on peut en citer une infinité
où les Arabes la pratiquent de temps d'autres qui surgissent de terrains
immémorial. Les eaux sont conduites crayeux ou calcaires dont la formation
par des tuyaux de poterie jusqu’en haut n’est nullement dueaux terrains volcani-
de ces piliers , qui sont creux , et elle ques. On compte à Broussa sept sources
reprend alors une nouvelle impulsion principales, quatre dans la plaine au
pour arriver à son but (1). Malgré l’é- pied de l’Olympe, et trois sur le dernier
tat d’abandon et de ruine où se trouvent contrefort de la montagne. Les quatre
aujourd’hui la plupart des édifices pu- remières sont Eski Kaplidja (l’ancien
:
blics, le système d'hydraulique est le ain chaud), Yeni Kaplidja (le nouveau
seul qui paraisse intéresser la ville et le bain chaud), Keukurdli (le bain sulfu-
seul qui soit encore bien entretenu. reux), et celui de Kara Mustafa qui porte
Le ruisseau de Ghoeuk déré prend le nom de son fondateur.
sa source dans les hautes régions de Les thermes sont divisés en trois par-
ties; la première, qui sert de salle (ren-
(i) Osystème d'hydraulique a été décrit trée dans laquelle oh quitte ses vête-
ments et l’oii se prépare au bain s’ap-
eu détail par le général AndréoMy (Cont- ,
dans tout l’édiQce. Autour de cette salle de plaques de marbre de diverses cou-
sont disposés des cabinets ou cellules leurs. Les niches sont surmontées de
dans lesquelles on peut prendre son bain coupoles sculptées dans le godt oriental.
en particulier; mais la généralité des Le bain de Kski Kaplidja, le plus an-
•baigneurs se tient dans la grande salle. cien de tous, est certainement celui qui
La salle d’entrée forme un grand carré est mentionné par Etienne de Byzance
couvert par une voûte en pendentif, comme un des bains royaux de la By-
éclairée par de nombreuses fenêtres. Au tbynie. Les eaux sortent de terre à la
milieu une fontaine de marbre composée température de 80 degrés; elles sont re-
de plusieurs coupes répand une nappe nommées parleurs vertus curatives. Le
d’eau fraîche ù fusage des baigneurs. grand dôme est un ouvrage du sultan
C’est un des charmes de ces établisse- Mourad I", qui embellit la ville de
ments de trouver l’une à côté de l’autre Broussa de tant de monuments magni-
et avec la même abondance l’eau cbaude fiques.
et l’eau froide sortant presque des Sous la grande salle sont des souter-
mêmes tuyaux, elles nouveaux arrivés, rains voûtés par le.squel; les eaux sont
qui ne se rendent pas bien compte de distribuées dans les différentes parties
la nature des eaux thermales, s’étonueut de l’édifice.
d’un phénomène dont l’explication est Elles arrivent dans la grande salle par
si simple. des canaux qui les déversent dans des
Dans l’avant-salle le baigneur ne man- coquilles de marbre et de la circulent
que pas de trouver, comme en tous les pour l’usage des baigneurs Dans cha-
lieux de réunion en Orient, lecafédjï, qui cun des angles de la salle sont des cel-
lui présente à son arrivée sa pifie et le lules destinées aux baigneurs de distinc-
café, et à sa sortie le miroir incrusté de tion.
nacre dans lequel le tchilébi, l’élégant Le bain de Yéni Kaplidja ou le nou-
Turc, donne un dernier coup d’œil à sa veau bain est le plus riche et le plus re-
toilette. C’est sur le miroir que le bai- marquable de tous; il est situé sur la
gneur dépose la modeste rétribution que pente inférieure de la montagne entre
touchent les baigneurs; car les bains la ville et l’ancien bain. Les salles sont
sont dotés d’une fondation pour que le couvertes par des coupoles recouvertes
public en puisse jouir gratuitement. de plomb. Toutes les voûtes intérieures
Tout autour de la salle sont disposées sont revêtues de faïences et de plaques
des estrades garuies de rideaux et de de marbre percées de polygones qui lais-
coussins sur lesquels s’installent les bai- sent tomber dans l'intérieur une lu-
gneurs ; etilest curieux de voir le calme, mière douce et uniforme. Une inscrip-
le silence et le recueillement qui rè- tion tracée sur une plaque émaillée ap-
gneut daus cette enceinteoù les baigneurs prend que ce bain a été construit par le
se réunissent souvent par centaines. grand vizir de Soliman le Grand, qui
La salle tiède est aussi de forme car- éprouva le bienfait de ces eaux. Il se-
rée; elle est chauffée par des tuyaux rait oiseux de rapporter tous les contes
souterrains qui portent au dehors les qui se débitent au sujet des cures opé-
eaux de la source principale. Au milieu rées dans les thermes de Broussa ; mais
est une estrade de marbre sur laquelle nous ne pouvons nous empêcher de
s’asseoit le baigneur avant d’entrer mentionner un fait curieux dont nous
dans l'étuve. La troisième salle, dans la- fûmes témoin. Le bain de Yéni Kap-
quelle sont les sources chaudes, est cou- lidja possédait, au dire des Turcs, la
verte par une coupole éclairée par un pierre à renfoncer les douleurs ; c’était
grand nombre de polygones fermés par un bloc de trente centimètres environ
des verres convexes. Un robinet de de diamètre en pierre de serpeutine, et
bronze, placé en face de l’entrée, donne ayant à peu près la forme ovale d’une
ASIE MINEURE. 13S
inconnue, elle était revenue d’elle-méme khun, où résident des derviches. Il n’y
se réintégrer dans le bain. a pas en réalité plus de douze grandes
On dit que le milieu de la grande mosquées qui aient un caractère monu-
salle était autrefois décoré de fîgiires de mental ; elles sont toutes l’ouvrage des
lions en marbre qui répandaient l’eau sultans de Broussa, et depuis la prise
par des conduits placés dans leur gueule ; de Constantinople, aucun, nouvel édi-
mais cette imitation de la fontaine des fice religieux n’a été construit.
lions de l’AI-Hambra est aujourd’hui
détruite. CABACTÈBE DE LA MOSQUÉE TUBQUE.
Le bain de Keurkurdii est d’une cha-
leur intense (90” centin.) et ses eaux Il y a longtemps qu’on l’a dit ; les Os-
Les premiers lieux de priere chez les une salie quadrangulaire décorée ou non
Arabes furent simplement des enceintes de colonnes à l’intérieur, mais toujours
carrées sur un côté desquelles était uue couverte par une voûte ou pendentif
pierre debout qui indiquait de quel edté éclairée par de nombreuses fenêtres. Le
I fallait se tourner pour faire une prière harem précède la mosquée, et les nom-
valable. f./>rsque les Arabes, devenus breuses fontaines coulent aux alentours
maîtres des villes, voulurent construire de l’édifice pour l’usage des croyants.
des Djami (lieu d’assemblée), ils Orent Cette loi de l’architecture musulmane
de vastes portiques entourés de pilas- est générale et absolue, et on ne peut
tres ou de colonnes; au milieu était uue citer aucune mosquée postérieure à la
cour qu’on appela harem , c’est-à-dire prise Constantinople qui soit bâtie
rie
étaient nombreux dans les villes ro- Jje minaret, cette haute tour qui s’é-
maines ou byzantines. L’imam ou plu- lève devant la mosquée et qui donne
tôt le muezzin montait sur la terrasse aux villes d’Orient un cachets! original,
et convoquait le peuple aux heures de n’â rien dans sa construction ni dans sa
la prière. forme qui permette d’établir sur l’édi-
Un grand nombre de mosquées arabes fice auquel il appartient aucune donnée
et turques, bâties sur ce plan, subsistent chronologique.
encore daus le monde musulman. Les Les plus anciens minarets, ceux du
musquées du Caire, celles d’Adana, de Caire, ont la forme des tours carrées di-
Tarsous, la grande mosquée d’Alger, minuant d’étage en étage; ceux du Ma-
celle de Tlemcen en sont des exemples. roc et de l’Algérie sont aussi des tours
Toutes sont antérieures à la prise de carrées sans aucun ornement. Il faut
Coustautinople. Plus lard, les Arabes aller vers l’Orient pour rencontrer les
ayant converti en édifices religieux quel- premiers minarets en forme de colonne
les églises byzantines, on construisit ronde et élancée comme ceux qui ac-
es mosquées sur le modèle de ces compagnent les mosquées de Constan-
églises ,
c’est-à-dire que la grande salle tinople. Cette forme paraît avoir été im-
de prière fut couverte d’une coupole et portée chez les Turcs par les architectes
le harem forma uue cour en avant de persans qui eux-mêmes l’avaient imitée
l'édiilce. Dans les mosquées de cette des minarets de l'Inde. C’est, divent les
époque, qui commence avec l’empire des Thaleb, Mahmoud le Ghaznévide qui
Seljoukides , le pendentif n’est pas en- est l’inventeur de cette forme de mina-
core bien accuse. La coupole est basse ret. Les Mongols et le prince Djihan
et n’est pas éclairée par des fenêtres, et schah, qui bâtit à Tabriz cette magni-
les ornements sont encore de style arabe. fique. mosquée émaillée , l’ont transMr-
On peut citer comme exemples de ce tee en Perse, où elle est d’un goût géné-
genre d’édiiiee quelques mosquées d’I- ral. En effet rien n’est plus élégant que
conium, 1a mosquée du sultan Mourad ees colonnes surmontas d’un léger
et celle du sultan Bayazid à Broussa. kios(|ue, qui enupent les ligues horizon-
Chose curieuse, la ville de Constantinople tales des villes musulmanes, ('.ette forme
se contient pas un seul modèle de ce de minaret a si bien été adoptée par les
genre. Mais lorsque la capitale de l’em- Turcs qu’ils n’en ont jamais bâti que
pire byzantin tomba entre les mains sur ce modèle ; quelques minarets des
des Osmaulis, Mahomet II, comme l’ou mosquées de 'Tarsous et d’Adana sont
au culte de l’islam la ca-
sait, convertit des imitations de ceux du Caire.
thédrale de Sainte-Sophie. Dès ce jour Telle est la règle générale qui peut
toutes les mosquées qui furent cons- permettre à l’observateur de classer au
1. '.O
ASIE MINEURE. 137
premier coup d’œil un monument reli- lève à hauteur d’appui un bassin de
gieux des musulmans. Nous pourrions marbre alimenté par une fontaine per-
entrer dans d’autres détails sur la forme pétuelle, et des poissons privés nagent
de l’arc et la décoration mais ce serait
, avec sécurité dans cette eau limpide.
étranger au sujet de ce livre. Pour empêcher les oiseaux d’entrer dans
Nous devons cependant faire cette le temple, l’hypètre est couvert par une
remarque pour ceux qui s’attachent à grille ae bronzé. Les murailles du pour-
l’étude des monuments orientaux, c’est tour sont percées, à hauteur d’imposte,
que l’arc aigu des Turcs , n’est pas une de fenêtres qui correspondent à chaque
ogive comme nous l’entendons, c’est-à- travée ; elles sont ^lement fermées par
dire formée par deux arcs de cercle, mais des grillages.
c]est_un arc plein ceintre dont la partie La forme générale de l’édifloe est,
aiguë est formée par deux tangentes. comme on le voit, d’une grande sim-
Il est une dernière observation a faire plicité et dénote un art tout primitif.
sur l'architecture des Turcs, c’est qu’ils La niche appelée raihrab est tournée
ont rejeté complètement l’arc en fer à du côté du sud -sud-est, puisque c’est
cheval, c’est-à-dire à centre surhaussé dans cette direction que se trouve la
qui fut pratiqué par les Byzantins et Mecque.
adopté par les Arabes , parce que cette Les mollahs parlent avec admiration
forme d’arc manque de solidité. Tous de la décoration première de l’intérieur
ceux qui ont étudié les monuments de de ce temple; tous les piliers étaient,
l’Espagne et du Maroc savent combien disent-ils, oorésjusqu’à l’imposte, et sur
cette forme d’arc a été généralement em- cette dorure serpentaient des arabes-
ployée. ques entrelaçant les sura (chapitres) les
plus renommés du Koran. La chaire à
OULOn DJAMI. rêcher, que l’onappelle minnber, était
f œuvre a’un sculpteur arabe très-re-
La grande mosquée, Oulnu DJami, est nommé. Aujourd’hui ce luxe a disparu ;
élevée, sur le plateau central de la ville; un badigeon blanc recouvre tous les pi-
elle domine tous les quartiers envirou- lastres et des chiffres formés de lettres
uants, et forme comme le centre de pers- mystérienses, qui représentent les di-
pective du tableau pittoresque que pré- verses vertus d^Allah, sont les seuls or-
sente l’ancienne capitale des Osmanlis. nements qui peuvent distraire l’œil du
Les mosquées sont ordinairement dé- dévot musulman.
signées par le nom de leur fondateur ; Deux grands minarets s’élèvent à
mais celle-ci ayant été construite par droite et à gauche de la porte principale;
trois sultans n’â reçu que l’appellation ils ont la forme de colonnes cannelées;
vague de Ouloii Djami. le chapiteau est remplacé par une ba-
Elle fut fondée par le sultan Mou- lustrade à laquelle on arrive par un es-
rad 1"', continuée par Bayazid, fils de calier intérieur. On voit encore sur la
Mourad, et terminée par Mohammed I''', balustrade du minaret de droite le
neveu de ce dernier prince, ce qui ne ihon qui, partant du penchant de l’Ô-
les a pas empêchés de bâtir en leur fympe, amenait les eaux Jusqu’à cette
propre nom trois mosquées qui subsis- plate-forme pour l’épancher ensuite en
tent encore. Oulou UJami forme iin gerbes dans l’intérieur du temple.
large quadrilatère d’environ cent mètres
Outre la porte principale, la mosquée
de cAtè, divisé à l’intérieur en vingt- a deux autres portes, celle qui est des-
cinq compartiments, formés par autant tiuée au sultan quand il vient faire sa
de piliers. Chacun de ces comparti- prière, et celle qui porte le nom de
ments est couvert par une coupole , à Mékéméh Capou si la porte du tri-
(
l’exception de celui du milieu, qui reste bunal ).
à ciel ouvert pour donner de l’air et de
la lumière à tout l’intérieur. C’est ce qui
représente, dans les anciens édifices de
ce genre, l’hypètre ou harem. Au mi-
lieu de cette petite cour intérieure s’é-
138 L’UNIVERS.
CHAPITRE XXVII zantine. La façade a un certain rapport
avec celle du vieux palais à Venise.
MOSQUÉE DU SULT.iN BAYAZID. Au rez-de-chaussée cinq arcades ogi-
vales donnent accès à un long portioue
La mosquée du sultan Ildirim ^ya- ou iiarthex. Des barrières de marbre
zid est située dans le faubourg oriental sculptées à jour ferment les quatre ar-
au milieu d’un bosquet de cyprès et de cades latérales.
platanes ; elle est remarquable par la Le premier étaçe, .qui s’ouvre égale-
niasse de sa structure autant que par la ment sur un portique est aussi éclairé
simplicité de sa forme. L’entrée est pré- par cinq grands arcs en ogive divisés
cédée d’uii vestibule couvert par une par des fenêtres géminées dont les arcs
toiture de charpente On entre ensuite
sont supportés par une colonne unique.
I.e chapiteau est dans le goût byzantin ;
dans une avant-salle peu éclairée, à
les ornements des frises sont sculptés
droite et à gauche de laquelle sont des
cellules pour les lampes et les différents en feuilles de vigne et de lierre qui
ustensiles de la mosquée. Il n'y a qu’un rappellent tout à fait le ciseau grec.
seul minaret d’une forme extrêmement
L’intérieur de la mosquée présente
simple. une disposition unique en Orient. On
mosquée se contruisait en arrive dans la iief par un vestibule obs-
Celte
même temps que la grande mosquée cur; de sorte que l’on est frappé de la
impériale ; aussi les travaux furent-ils lumière qui règne dans l'intérieur. I.Æ
sou vent interrom pus. Sur ces entrefaites, centre de la nef est couronné par une
le sultan lui-même tomba entre les coupole surbaissée. Le vestibule d’en-
mains de Timoiir à la bataille d’An- trée donne par un double escalier accès
gora.et l’édifice religieux resta inachevé. au premier étage, où sont disposées des
Cependant la grande nef couverte par cellules pour les desservants et les étu-
diants de la mosquée. Le même édifice
une coupole et deux salles contiguës
out été entièrement terminées et sont sert ainsi de temple et d’école.
Les marbres les plus variés, refouillés généralement désignée, par les habi-
avec une délicatesse sans égale, ornent tants, sous le nom de Yechil Djami
les murailles extérieures. La porte est ( la
mosquée verte ), à cause de la cou-
entourée d’une longue inscription mélée leur verte des faïences qui la décorent.
d’entrelacs et de feuillages qui contient Jadis le minaret et la coupole brillaient
le premier sura du Koran. Trois années aussi des couleurs de l’émeraude ; mais
entières ont été employées à la sculp- le temps et le manque d’entretien ont
ture de cette porte ; chaque lettre est effacé peu à peu cette brillante parure,
en haut relief et la plupart des carac- et là, comme dans tous les édifices mu-
tères et des rinceaux sont entièrement sulmans, la décadence et la ruine sem-
dét.'ichés du fond. blent présager à l’Orient de nouvelles
Une inscription qui fait partie des destinées,
ornements de celte frise rappelle en ces
termes nom du fondateur Sultan
le : CHAPITRE XXVIII.
Mohammed 1% fils dusiiltan Bayazid
fils du sultan Mourad I"'. TOMBEAUX DES SULTANS.
L’intérieur du monument se compose
d’une double nef couronnée par aeux Dans le quartier de l’ouest, près de la
coupoles. Les murs sont revêtus de mosquée du sultan Mourad, se trouve
faïences émaillées qui donnent beau- l’enceinte consacrée à la sépulture des
coup d’éclat et de richesse à cet en- premiers sultans osmanlis. Ce sont des
semble dont les lignes sont cependant chapelles sépulcrales construites sur un
fort simples. L’ameublement d’une plan carré, octogone ou hexagone et
mosquée ne comporte que la chaire de généralement couvertes de coupoles.
l'imam à laquelle on arrive par un es- Elles sont au nombre de huit, et renfer-
lier de douze marches ;
c’est le minnber, ment les dépouilles mortelles du sultan
la tribune du muezzin ou mahlil, sorte Mourad, Mehemet Mouradi Sounni
d'estrade supportée par des coloonettes ; Mourad I*''(I389). C’est un monument
le mihrab ou niche centrale est en mar- fort simple dont la coupole est soute-
bre rouge entourée d’une frise sculptée. nue par quatre colonnes byzantines.
Dans chaque mosquée turque, on re- Les mollahs chargésde la garde du tom-
marque à droite et à puche du mihrab beau montrent encore avec orgueil son
deux énormes chanoeliers de bronze casque de bataille, entouré d’une mous-
supportant des cierges d’une grosseur seline en forme de turban, et dont le
et d’une hauteur exceptionnelles. Le poids est tel que bien peu d’hommes
grand soin des imams est de conserver pourraient le conserver longtemps sur
ces cierges (tout en les allumant le la tête. Le seul signe extérieur qui in-
vendredi} depuis l’époque de la fonda- dique la sépulture est une grande bière
tion de la mosquée ; aussi dès qu’ils sont de marbre ouverte et remplie de terre,
brûlés jusqu’au tiers inférieur, on refond aux quatre coins de laquelle sont placés
la cire qui reste avec d’autre cire pour quatre cierges de cire d'une hauteur
en fabriquer un nouveau cierge avant que remarquable et entretenus religieuse-
le précédent n’ait été entièrement con- ment.
sumé ; c’est ainsi que se perpétue le Le sultan Mourad fit aussi construire
flambeau qui fut allumé par le premier un médrécé ou école avec une fondation
fondateur. pour entretenir un certain nombre de
Du sommet de la coupole pen- docteurs.
dent des chaînes de bronze qui sou- La même enceinte renferme au.ssi les
tiennent des lustres de difiéreiites for- cendres de DJeni sultan, plus connu
mes et des œufs d'autruche rapportés sous le nom de Zizim, les peintures de
par des pèlerins de la Mecque. Le lu- cette chapelle et les étendards qui déco-
minaire est des plus simples ; il consiste rent la sépulture du fils de Bayazid,
en godets de verre dans lesquels l’imam sont soigneusement conservés. L’autre
entretient une mèche avec un peu sépulture, renfermée dans le même
d’huile. tombeau, est celle du sultan Moussa,
La mosquée de Mohammed 1*''
est qui disputa le trône à son frère.
Liwaüon. 'Asie Minecbe )t, II. 9
, .
130 L’ÜNIVERS.
Les autres chapelles sépulcrales sont CHAPITRE XXI\.
consacrées à Aïnischa et à Courloii,
deux GliesdeBayazid,etau sultan Mous- l’olympe de MYSIE.
tafa.
Dans le fond de l’enceinte sont les Pour l'étranger qui arrive par mer
tombeaux du derviche Kalgourlou, d’une sur les côtes de la Bithynie, te mont
princesse Mariam, fille d’un sultan et de Olympe présente le plus impo''ant spec-
deux Qlles de Moussa. Le sultan .Maho- tacle. Couvert de neige une grande par-
met II et ses successeurs sont enterrés tie de l’année , entouré d'une ceinture
à Constantinople. de forêts sombres et séculaires, cette
montagne apparaît comme un colosse
TOMBEAU d’OSHAN. qui écrase le pays d’alentour ; aussi les
Le tombeau d'Osman, appelé par les anciens n’en ont-ils jamais parlé qu’a-
Turcs Daoud Monnstir (le monastère vec une sorte d’admiration respectueuse.
de David , est une ancienne église Il est généralement désigné, par les écri-
grecque dédiée à saint Elle. L’édilice vains grecs et romains, sous le nom
est circulaire comme tous les monu- d'Olympe de Mysie. Du côté du nord
ments consacrés à saint Élie. La nef cen- c’est-à-dire de la mer, il se présente
trale est surmontée d’une coupole sou- comme une montagne à double som-
tenue par quatre colonnes de marbre met. Sa hauteur, qui parait considéra-
gris. Un narthex formant galerie pré- ble., ne dépasse pas en réalité 2,235 mè-
avaient été envoyés par Ala-Eddin, sul- mation calcaire de marbre blanc. Ce
tan d’Iconium ils consistaient en un
; qui au premier coup d’œil lui parut une
tambour et un chapelet, tous deux de anomalie géologique, lui fut bientôt ex-
dimension peu ordinaires. Ces reliques pliqué par un examen des terrains en-
turques ont été consumées dans l’incen- vironnants. Il reconnut (|u’à une époque
die de 1804. très-ancienne ,
ces terrains avaient été
Lk^gle
,
bouleversés par quelque commotion sou> pourrez imaginer de quelle fertilité doi-
terraine et que le granit qui recouvrait vent être les vallées, et comment les
la formation calcaire n’étaitautre chose forêts peuvent s’y multiplier avec une
qu'une masse énorme déplacée par ce luxuriante majesté.
tremblement de terre. I.es vallées orien- Aussi on peut dire que peu de forêts
tales de la montagne sont en partie teuvent être comparées à celles de l’O-
granitiques et en partie composées de fympe pour la richesse des essences et
trapps, dont les formations acquièrent la belle venue des arbres. Le chêne et
une grande étendue. Du côté de l’ouest le hêtre y acquièrent des proportions
011 reconnaît, surtout aux abords des inusitées ; le châtaignier y réussit moins
eaux chaudes, des grès rouges tertiaires bien quoiqu’il se multiplie avec abon-
dont quelques-uns offrent des teintes dance. Mais le hêtre offre à chaque pas
entremêlées de veines plus pâles , et qui au voyageur qui veut s’aventurer dans
pourraient être employés dans les cous- ces solitudes presque impraticables des
tructioiis, s'ils étaient susceptibles d’ac- sujets d’une merveilleuse beauté. Ce
quérir uu certain poli. En somme cette fait est très-remarquable an point de vue
masse énorme ne présente que très- de la persévérance des espèces végétales
peu de ressources comme carrière de dans les régions qui leur sont propices.
pierres à bâtir. Les pierres employées En effet il y a deux mille ans déjà que
dans la construction des mosquées sont c’était une observation antique on pré-:
apportées du bord de la mer ; le sol n’of- tendait que les Mysiens qui étaient ve-
fre qu'un travertin de qualité médiocre, nus s’établir en Bithynie, alors terre
ui est employé pour les remplissages phrygienne, avaient donné à la contrée
es murs, et il est peu d’édifices publics le nom de Mysie, parce qu’en leur lan-
pour lesquels on n’ait emprunté le se- gue mysos simulait un hêtre.
cours de la brique, comme offrant plus Parcourons maintenant la montagne ;
de durée et sans doute plus d’économie visitons ses vallées, ses pâturages et ses
que toutes les pierres que produit le sauvages habitants.
pays. Broussa étant située sur le penchant
Le marbre même quia servi à la cons- même de l’Olympe , on ne peut sortir
truction de plusieurs mosquées n’est pas de ta ville du côte du sud sans se trou-
tiré des vallées de l’Olympe ; il est ap- ver immédiatement dans ime des val-
porté de nie de Marmara, carrière iné- lées, qui remonte presque jusqu’au som-
puisable qui a servi déjà à bâtir plusieurs met. Cependant il n’y a qu’une seule
villes et qui servira encore pendant plu- route fréquentée pour arriver au som-
sieurs siècles. metde la montagne, c’est celle de Gœuk-
La forme générale de l’Olympe se déré (le vallon céleste), qui coupe la
présente topographiquement comme un ville en deux parties du côté de l’est.
cône à base elliptique couronné par un Après être sorti de ce côté, à peine
double sommet. a-t-on fait une demi-heure de marche
Du côté du sud les contreforts s’a-
, qu’on se trouve au milieu d’un majes-
planissent pour former de vastes pla- tueux amphithéâtre de rochers caché
teaux où se réunissent les eaux de tous par l’ombre épaisse d’arbres séculaires,
ces versants, pour former deux fleuves parmi lesquels on distingue le noyer,
et plusieurs lacs. De ce côté, les acro- le châtaigner, le hêtre et le chêne. Le
,
tères de la montagne sont beaucoup chemin serpente le long d’un ravin pro-
plus prononcés ; la nature avait besoin fond et dangereux ; c’est la dépression
de soutenir cette immense masse grani- supérieure du Gœuk-déré, la vallée la
tique; ce sont autant de petites chaînes plus célèbre de l’Olympe , celle dont
qui descendent du sommet dans la l’aspect est le plus grandiose, surtout
plaine et forment dans leur intervalle au moment de la fonte des neiges lors-
des vallées arrosées par des cours d’eau ue les torrents roulent avec les blocs
perpétuels, dont la source est dans les e granit les troncs des arbres déra-
neiges de l’Olympe. Couvrez ce sol cinés. En continuant à monter environ
vierge de l’humus des végétaux accumu- une heure , on arrive à un plateau ou-
lés pendant des milliers de siècles, vous vert de trois côtés ,
et dominé au sud
».
133 L’UNlVKftS.
par une immense muraille de ruchers. nos tentes d’Europe ; les autres présen-
De ce point on peut d’un coup d’œil tent l'aspect des huttes des Indiens;
Rompter les vallées de l’Olympe ; à droite elles sont rondes et couvertes par un
le Cœuk-déré; à gauche, dansuuepro- toit bombé comme une coupole. Ces
tbndeur incalculable, les contreforts qui dernières sont couvertes de peaux de
s'étendent jusqu’au mont Argantho- chèvres ou de vaches; elles sont par-
nius, et au loin la mer, qui forme l’ho- faitement closes, mais d’un transport
rizon du tableau. difficile. La muraille est faite d’un treil-
lis de roseaux qui se replie sur lui-
CHAPITRE XXX. méme et se roule; la calotte est d’un
grand embarras pour les changements
LKS NOMADES DK l’OLYMPR. de yaëla; elle s’emporte tout d'une pièce.
La première station que l’on fait sur
C’est sur ce plateau que commencent le plateau de l'Olympe a lieu chez le
les habitations d'été des Turcomans ap- kéhaya ou chef des 'Turcomans ; il est
pelées yaéla. Le yaëla Joue un grand là au centre de ses administres, qui oc-
rôle dans la vie des nomades d'Asie ; cupent les différents versans de la mon-
chaque tribu a sa demeure d’eté déter- tagne. Chaque yaëla se compose d'une
minée, et aucune autre ne viendrait l’en viugtaine de familles, qui ont leurs
déposséder. Ce sont des pâturages placés troupeaux eu commun. Le chef de tous
sur les versants des montagues, dans ces nomades, qui porte le titre de Yuruk
des endroits frais et bien arrosés. Cha- Agha-si (Tagha des nomades), faitsa ré-
cun s'y bâtit une hutte, ou y dresse une sidence à Muhalitch, oit il vit entouré de
tente. L'hiver on descend dans les ré- ses rustiques courtisans.
gions chaudes, ou guermesir. Chacun Ces nomades habitent la région
cultive un petit coin de terre et fait moyenne de la montagne depuis les fo-
paître ses troupeaux. Nous avons vu rêts de hêtres jus(iu’à la région des sa-
dans diverses régions de l’Asie un bien pins. lis s’élèvent rarement au-dessus
grand nombre de ces tribus turcoinanes, de ce niveau quoique la montagne soit
et nous pouvons aflirmer que partout couverte d'un gazon fin comme le ve-
nous avons trouvé l’aisance et le con- lours; ces pâturages ne paraissent pas
tentement. Aussi quelle sérénité sur convenir à leurs troupeaux. Cette popu-
ces visages, quel accueil sympatique est lation, qui anime le paysage pittoresque
fait à l’étranger qui arrive. Ils ne con- et sauvage de l’Olympe, ne laisse pas
naissent d'autre autorité que celle de que de causer des dégâts notables que
leur Ak-sakaI ( barbe blanche) ou an- Tineurie du gouvernement de Broussa
cien ; ils payent très-peu de chose au ne songe pas a empêcher. L’exploitation
gouvernement, et l’on peut dire que pas des bois se fait sans aucune méthode,
un d'entre eux ne changerait sa tente et pour abattre un arbre les bûcherons
pour la plus belle habitation de la ville. en détruisent plus de dix. Quant aux
Ces tribus lurcomanes sont très respec- nomades, comme ils jouissent du droit
tées des Turcs des villes, parce qu elles d’usage, de pacage, d’abattage sans
sortent de la noble souche de la tribu aucune restriction, on les voit couper à
du mouton noir, dont faisaient partie les plaisir les plus beaux troncs pour en
princes seldjoukides. tandis (|ue les tirer un profit minime; de plus cette
Turcs Osniaulis sont de la tribudu mou- habitude, invétérée chez la plupart des
ton blanc, qui fut longtemps feudataire montagnards non-seulement de la Tur-
des Seldjoukides. quie mais du monde entier, d’incendier
Les Tourouks, c'est-à-dire Turcomans les jeunes plants pour récolter du gazon
nomades, se construisent au yaëla des Tannée suivante, fait qu’une partie
cabanes de bois et de branchages. C'est notable des forêts de l’Olympe a subi
ce que les Algériens appellent des gour- l’épreuve du feu , et alors les arbres qui
bis; ils ont aussi deux sortes de tentes, ont été sauvés végètent rabougris et
lesunes en laine noire, faites de poil de chétifs. Les troncs carbonisés, au con-
chèvre ou de laine de mouton ; celle-ci traire, résistent à tout agent naturel de
se plante au moyen de piquets comme destruction, et l’on parcourt de vastes
,
espaces couverts de ces pieux noirs et en liberté ; car on peut facilement arri-
cbarbonnés qui ont un aspect lugubre. ver à cheval jusqu’à cette hauteur. Des
L’exploitation régulière des Imis se broussailles de pin et de genévrier que
fait de préférence sur les pentes orien- les guides ont apportées servent à allu-
tales de l’Olympe, qui sont moins abrup- mer le feu où se prépare le repas cham-
tes, et où les transports sont relative- pêtre qui doit précéder l’ascension. Il
ment plus faciles; mais quelle industrie ne faut pas plus d'une heure pour arri-
primitive I Des chars dont les roues sont ver au sommet, et si l'on a été favorisé
des ais mai joints , et à peine arrondis par un ciel serein , la majesté du spec-
crient sur des essieux de bois auxquels tacle qui se déroule aux regards sufBt
tient un timon d’une longueur démesu- pour faire oublier les fatigues de la jour-
rée. Dix à douze paires de bœufs tirent née. Une grande partie de la carte de
avec lenteur une bille de hêtre qui de- l’Asie Mineure se développe sous les
mande cinq ou six jours pour être des- yeux du spectateur; la vue s’étend au
cendue dans le pays plat. Les fondriè- sud jusqu’aux vallées supérieures du
res formées par les roues et les pieds Rhyndacus, à l’ouest jusqu’à la ïroade,
des animaux arrêteut journellement la et au nord l’azur de la mer découpe la
marche du convoi. côte en mille golfes profonds dont les
Ces bois sont généralement transpor- échancrures sont rendues encore plus
tés jusqu’àNicomédie, où ou les embar- sensibles par la perspective. Les îles de
que pour Constantinople. Cependant, .Marmara , de Besbicus se de.ssinent
sur la pente occidentale, il s'est fait comme des points dorés sur le bleu de
une grande exploitation ; mais les forêts la mer. et à l’horizon du tableau on
de ce côté sont fort apauvries. Le seul aperçoit à l’aide d’une lunette les dômes
souvenir de res travaux subsiste dans le et les minarets de Constantinople.
nom d’un village qui s’appelle Odunli Ceux qui ne voudraient pas organiser
keui c'est-à-dire le village du bois; c’é-
, une caravane spéciale pour taire l’as-
tait l’entrepôt des bois coupés dans les cension de la montagne pourraient se
forêts. joindre aux convois qui partent presque
La région des prairies qui succède à toutes les nuits de la ville pour aller
celle des sapins n’a rien qui là dis- chercher la neige au sommet. La neige
tingue des sommets alpins des autres est coupée en grands blocs dont deux
montagnes. Une quantité de ruisseaux, font la charge d’un mulet, et le convoi
alimentés par la fonte des neiges, tra- redescend en ville vers neuf heures du
cent leurs méandres sur le gazon ténu. matin.
I.es habitants appellent ces ruisseaux Le sommet de l’Olympe se divise,
Kerk bounar (les quarantesources). Déjà comme nous l’avons dit, en deux pitons
à cette hauteur la neige reste dans les qui forment un plateau de plusieurs
anfractuosités pendant la plus grande hectares d’étetidue.
partie de l’été. Sur celui de l’est, on voit les ruines
Les rochers verticaux qui semblent d’un édilice en pierres sèches qui parait
supporter le sommet de la montagne af- avoir étéune chapelle ou un monastère;
fectent les formes les plus bizarres. Ce mais rien dans sa construction ne per-
sont de hautes falaises de granit qui se met de lui assigner une époque déter-
dessinent en murs crénelés, eu colonnes minée.
prismatiques qui présentent la silhouette Du temps des empereurs byzantins,
de murs écroulœ et de châteaux en las vallées de l’Olympe devinrent le re-
ruine. fuge d’une foule d’anachorètes qui
Ici commeuce l’ascension du dernier fuyaient le tumulte de la capitale. Là,
mamelon de la montagne; partout la comme au mont Athos, les cellules ac-
neige remplit les crevasses; mais le che- compagnées de chapelles se. multi-
min ne présente aucun danger. C’est or- plièrent à l’iiiGni. L’empereur Constan-
dinairement au pied du dernier pic que tin Porphyrogénète fit un pèlerinage a
les guides turcomans font arrêter les l’Olympe , et y répandit d’abondaiites
voyageurs qui tentent l'ascension de la largesses. On citait parmi les plus cèle
montagne. Ou laisse les chevaux paître bres monastères l’abbaye de Medice,
iS4 LTJMVERS.
fon<lee sous Constantin Copronvnie par quer que les habitants de l’Olympe, qui
l'al)l)ésaint ISicéphore sous l’invoca- vinrent demander du secours à Crésus
tion de saint Serge et sous la règle des contre les ravages du sanglier, étaic nt
Acœiiiites (qui ne dorment point). Ce des pasteurs comme ceux que nous
noiiastèrc devint le refuge de plusieurs voyons aujourd’hui. Si l’on s’en tient
prélats orthodoxes durant les persécu- au récit de Strabon (t), les brigands
tions des iconoclastes. de l’Olympe n’étaient pas gens de peu ;
Moins heureux que leurs frères du ilsavaient des châteaux forts situes au
moût Athos, les moines de l’Olympe milieu d’épaisses forêts, et les Romains
furent chassés ou exterminés par les eurent plus d'une fois à compter avec
Turcs, qui s’emparèrent de Broussa. eux, témoin ce Cléon qui, deson village
Néanmoins la montagne conserva le natal, Gordiu Cômé, faisait une ville
souvenir de ses anachorètes et encore sous le nom de Juliopolis en l’honneur
eujourd’hui le fier Olympe est connu de son ami Jules César. Il posséilait
des Turcs sous le modeste nom de dans l'Olympe un château nommé Cal-
Chéchirh dagh^a montagne du Moine). lydium et son pouvoir était assezétendu
Lorsque l’islamisme se fut établi dans la pour faire pencher la victoire du côté
contrée, les dévots musulmans reprirent du parti qu'il embrassait. 11 quitta fort
les traditions des cénobites chrétiens et à propos le parti d'Antoine pour se
fondèrentdans la montagne des santons mettre dans celui d'Auguste qui l'en
qui attirèrent de nombreux visiteurs. récompen.sa en lui donnant la grande
I..e sultan Orklian bâtitau lieu appelé prêtrise de Comana, et l’investiture du
Goetik binar un couvent pour le der- gouvernement de la province de Mo-
viche appelé Kéïkii Baba (le père du rena dépendant de l'Olympe et de la
cerf). Cette retraite, encore très-tréquen- Mysie Abrettene.
tée par les pèlerins, s’élève à l’est de la Dans aucune des vallées de la mon-
ville. tagne un ne trouve de vestiges de haute
Plusieurs sultans ne dédaignèrent antiquité ; les seules ruines que Ton ob-
pas d’aller en personne y faire un pèle- serve sont des temps byzantins. I.es
rinage et la tradition cite de préten- sangliers de.^ceudant du sanglier my-
dues prédictions faites par de célèbres sien errent en paix au milieu des forêts
derviches qui se seraient accomplies où ils trouvent une nourriture abon-
de point en point. Là comme dans bien dante dans les châtaignes, les faînes et
d’autres lieux de l’Asie les religions adop- les glands qui jonchent le sol. et comme
tent les endroits célèbres des religions les musulmans n’ont garde de les tou-
ennemies. Le christianisme remplaça cher ni même de les chas.ser, ils mè-
par des églises les temples des païens, nent dans ces lieux la vie la plus pai-
et l’islamisme planta son croissant sur sible.On ne cite aucun animal féroce
les ruines chrétiennes. Partout le culte faisant son séjour dans TOlympe; quel-
nouveau cherche à remplacer le culte ques chats sauvages, le loup cervier
aboli. L’antiquité n’eut pas moins de fort rare et un petit léopard que les
respect pour la reine des montagnes Turcs appellent Caplan, sont les seuls
d’Asie; cependant le mont Ida était animaux destructeurs dont il soit fait
plus spécialement désigné pour y placer mention ; aussi le gibier abonde-t-il dans
le séjour des dieux. les vallée.s.
L’Olympe passait alors pour être ha- Le bétail de TOlympe comme celui
bité par des tribus féroces et des ani- de bien d’autres pays montagneux offre
maux redoutables. C’est dans les vallées un aspect peu satisfaisant. Nous voulons
du sud que le sanglier mysien, célèbre parler des bœufs, car les moutons s'y
dans l’histoire de Lydie, avait son re- reproduisent avec une grande abon-
paire; c’est là que s’accomplit la tra- dance et leur chair est d’une excellente
gédie de la mort d’Atys, (ils de Crésus, qualité. La laine est fine et sert à fabri-
tué par Adraste, neveu du roi Midas. quer ces tapis célèbres en Europe sous
Le récit d’Hérodote (I) semble iudi- le nom de tapis de Smyrue, quoiqu’on
ASIE MINEURE. 1
1S8 LTINIVERS
Kara Ali, filsd'AlKOuldap.Osinaïulonna aujourd’hui ; on ignore d’où ils ont été
«n mariage au vainqueur une fille grcc- tirés (t); peut-être en cherchant hieil
(|ue qui faisait partie du butin de Ca- Irouvertwt-on que Maignine est la cor-
lolimuo. ruption de Vagnitis, village qui est situé
Ou mouille, dans la petite baie de à la pointe sud de l’île.
Calolimno par dix brasses de fond; les
rivaRes de File sont eu effet irès-accores CHAPITRE XXXII.
et plongent rapidemeut sous les eaux,
l.a région nord est formée par une
LA VILLE DE DASCYLIU.M ET LE LAC
montagne escarpée qui se relie à celle
UASCYLITIS.
du sud par une crête très-étroite. La
majeure partie des terrains est formée
d'argile sableuse dans laquelle sont in-
Il
y a dans la détermination positive
tercalés des couches de grè.s friable.
du lac et de la ville de Dascyliuin un
Le village du même nom que File est curieux problème de géographie et
d’histoire à résoudre. Les écrivains de
assis sur la corne nord d'une baie peu
étendue; il a un aspect de propreté et l'antiquité n’ont laissé qu'un calios dans
les documents qu'ils ont recueillis sur
d'ai.sance peu ordinaires dans les villes
d'Orieiit ; les maisons sont blanchies a ces lieux; l’examen du pays n’a encore
la chaux et bâties en pierre ; Fîlot ne
mis aucun observateur moderne sur la
produit d'autre bois que quelques oli- trace de la vérité, ün ne peut cependant
viers. douter que la ville de Dascyliuin n’ait
Le terrain de File se compose de existé puisqu’elle était le chef-lieu d'une
Fest a l'ouest; cette roche au sommet de fois par les historiens de l’époque
des monlagues est fortement colorée en romaine qu’on ne peut douter de son
ro.se. Le calcaire est recouvert par une existence. A-t-il disparu ou faut-il le
138 L’UMVERS.
navigable à d'assez grands bateaux. Lu- de roiympc, à environ quinze kilo-
cullus fil tirer à terre un des plus mètres de la mer. Sa forme est trian-
grands, et le fit traîner sur iin cbariut gulaire et son pourtour estimé de
i
ville des lièvres ), petite ville assez po- ans son cours inférieur, il reçoit de
puleuse adossée au revers méridional l’ouest une rivière considérable qui
du Toumandji dagh, un des contre- s’appelait Megistus ou Macestus, et au-
forts sud-est de l'Olympe. La plaine de jourd’hui .Sou sougherlé. Nous n’avons
Taouchanli est bien cultivée et ren- pas parlé du nom moderne du Rhynda-
ferme plusieurs villages. En traversant ciis; on peut à peine dire qu’il en a un,
cette plaine le fleuve prend son cours c’est-à-dire qu'il en change à chaque
vers l'ouest et le nord-ouest, pour village. Dans les hauts plateaux on l’ap-
contourner le massif de l’Olympe, dé- telle rivière de Thafdère; plus loin c’est
bouche dans la plaine aux environs du fa rivière de Taouchanli ; enfin au petit
1'
.
ASIE MINEURE. 141
doute parce qu’il était le cours d’eau le quai en solide maçonnerie qui s’élève de
plus considérable de la Mysie Abrettèue. plus d’un mètre au-dessus de l’eau ; la
Le Macestus prend sa source dans le forme de l’Ilot est un rectangle terminé
lac de Siinaul, près du village du même par un liémicycle. Les restes qu’on re-
nom et dans le voisinage duquel M. Ha- marque dans son enceinte se composent
milton a déterminé la positiou d’Ancyre de colonnes et de pans de murailles qui
de Phrygie ; ce qui constate l’exactitude ont sans doute appartenu au temple
de Strabon, le lac est alimenté par des d'Apollon ou peut-être de Diane ; l’ilot
sources abondantes. Au nord du village s’appelle aujourd’hui Kiz-Ada si (l’îlot
de Kilissé keui se trouve une gorge de la fille ou de la vierge). Est-ce un
étroite par laquelle l’eau du lac s’é- souvenir de la divinité grecque ?
chappe avec impétuosité et forme une On cite un grand nombre de médailles
cascade au milieu des rochers, (^e ruis- de cette ville , tant autonomes qu’impé-
seau est la source du Macestus. Dans riales; le revers porte quelquefois la
toute cette région, il porte le nom de figure du fleuve Rhyndacus couché et
Simaul tchaï, arrose les plaines volcani- appuyé sur une urne; c’est le symbole
ques où sont situés de nombreux vil- aÀpoUonia ad Rhyndacum, epithète
lages. En passant près de la petite ville donnée à cette ville pour la distinguer
de Sou sougberlé, il en prend le nom, des autres du même nom. D’autres
u'il conserve jusqu’à Muhaliteh ; enfin médailles portent au revers la figure
e cette ville à la mer, après la Jonction d’Apollon près duquel est un trépied.
des deux rivières, le fleuve prend les noms Le temple d’Apollon dont nous avons
de Muhaliteh tchaï et de Sou sougherlé. parlé est représenté sur une médaille
Tout le territoire arrosé par le Maces- de Caracalla ; il est à quatre colonnes,
tus appartenant à la Mysie Abrettène et ce qui s’accorderait assez bien avec la
à la Phrygie Épictète, nous les décrirons nature des ruines que l’on observe dans
en même temps que cette dernière pro- nie.
vince. Il faut que les habitants de la ville
Mcomédie; ce privilège a maintenant leva cette place, qui ne fut jamais re-
passé à Ghio. Il n'y a à Apollonie prise par les Byzantins.
u’une pauvre église’à peu près aban- Il ne parait pas que dans l’antiquité
jeunes chrétiens convertis a l’isla- ville i|ui elle-même est située à l'en-
misme. Si l'on compare son état actuel trée d'une vallée et entouree de nom-
avec le tableau qu’en fait un ancien breuses plantations de mûriers.
voyageur, on doit convenir qu’elle est Le tombeau du sultan est une cha-
bien déchue aujourd’hui, car le lac pelle sépulcrale dans le genre de celles
n’est plus qu’un marais et les maisons qui furent depuis construites à Broussa,
tombent en ruine. et que les Turcs appellent Turbé. Ce
Paul Lucas décrit en ces termes la genre de .sépulture, qui n'est ni romain
route qu’il lit pour se rendre à Yéni ni chrétien, a été importé dans l'Asie
cheher. « Nous partîmes de Nicée le Mineure par les Seidjoukides qui eux-
25 au matin: nous eûmes le lac à main mêmes en avaient pris le modèle chez
droite et nous le côtoyâmes pendant les Mongols. Le tombeau du chah
une bonne heure et demie; ensuite nous Koda Benda à Sultanieh, en Perse, en
commençâmes à monter de fort hantes est un des plus beaux exemples. Dans
montagnes; le chemin nous en parut la plaine de Césarée et aux environs
des plus rudes et nous dura prés de d'Iconium on observe un certain nom-
deux heures; au plus haut sommet bre de ces tomlieaux du temps des .Seid-
nous nous reposâmes environ une joukides et qui sont comme le type des
heure dans un village appelé Uerbent Turbés des Turcs. Le tombeau d’Erto-
défilé ) qui n’est habité que par des glirul s’élève au milieu d’une planta-
( le
Grecs ; enlin nous descendîmes par une tion de cyprès et de platanes et offre
pente fort douce dans une plaine des
plus agréables, et après y avoir marché (i) l.ucu, t. I, p. 7a.
ASIE MINEURE. I4i
cée et Lefké, est de grès et de calcaire, jours chez les peuples orientaux le sym-
change complètement dans les parages bole de la conquête.
de Sultan auni. On commence à ren- L’empereur byzantin s’avança jus-
contrer les roches volcaniques qui an- qu’au centre de la Phrygie pour repous-
noncent le pays brillé de la Catacecau- ser au delà du fleuve ces hordes qui
inène. menaçaient d’envahir ses États. Les
Grecs, qui menaient avec eux comme
CHAPITRE XXXV. auxiliaires plusieurs corps de troupes
étrangères, remportèrent des avantages
LES TURCS s’établissent EN ASIE. marqués; ils reconquirent plusieurs
laces fortes déjà occupées par les Tur-
Boghra Khan, chef des tribus de la omans. L’armée, qui comptait plus de
grande Bucharie, fil alliance avec les cent mille hommes, n’avait à combattre
tribus turkomanes, et leur permit de que des tribus qui connaissaient à peine
s’établir sur son territoire. Leur chef, la discipline, mais chez lesquelles le
du nom de Seidjouk, s’appliqua pendant courage indomptable tenait lieu de toute
une période de trente années à intro- tactique. La victoire fût sans doute res-
duire l’organisation militaire parmi ces tée du côté des Byzautins, si les corps
peuples qui étaient primitivement pas- auxiliaires n’eussent commencé à faire
teurs. Ils s’engagèrent sous les ordres défection. Alp Arsian accourut lui-même
de plusieurs princes de l'Asie centrale, au secours de ses tribus menacées , et
et contribuèrent à de nombreuses ex- se précipita à la tête de quarante mille
péditions jusqu'à ce qu’ils se sentissent cavaliers sur l’armée byzantine, qui
assez forts pour tenter par eux-mémes éprouva une défaite complète. L’empe-
la conquête des régions de l'occident reur Romain Diogène fut fait prison-
déchirées par des dissensions intestines. nier, et racheta sa liberté par une ran-
Cet esprit de conquêtes fut soigneuse- çon de cent mille pièces d’or et la pro-
ment entretenu par les dynasties seid- messe d’un tribut de cent soixante mille
joukides, qui pendant un siècle acqui- livres d’or.
reutsuccessivemeut les contréesdu Fars, C’est ainsi que les Turcs apparurent
de Damas et d’Alep et y répandirent la en Asie Mineure eu conquérants avides,
religion de Mahomet. portant partout le carnage et la destruc-
Toghrul-bey, petit-fils de Seidjouk, tion et ne songeant au peuple qui habi-
contracta une double union avec le ca- tait ces riches contrées que pour le ré-
life successeur de Mahmoud le Ghaz- duire en esclavage.
uévide, et mourut en laissant le pouvoir Alp Arsian mourut en laissant le pou-
à son neveu Alp Arsian, qui le premier voir a son fils Melek-Sebah. Ce prince
étendit au delà del’Euphrate la renom- abandonna à son cousin Suleiman, ar-
mée des tribus turkomanes. rière-petit-fils de Seidjouk, la domination
:•dire vers la capitale de l’empire by- et rendu impossible, cette lutte entre
zantin. Tout le territoire conquis par deux races rivale<; renaissait avec plus
Ertoghrul aux environs de Broussa, les d’acharnement et allait se résoudre
plaines de Yéni cheher, d’Aineh gheul et cette fois en faveur des tribus asiati-
de Sughud lui furent données en lief par ques la question posée à la guerre de
;
BOLI.
L’ancienne voie militaire franchissait
la montagne dans le
voisinage de la
Boli a remplacé l’ancienne ville de
occi-
ville de Tourbali , sur le versant Bithynium qui fut depuis appelée Clau-
dental du Tchourounlou dagh (2), h peu diopolis c’est la dernière syllabe de ce
de distance de la petite ville de Mu-
;
(. '.oogle
ASIE MINEURE. 149
Bithynium était située dans le canton commerce avec la Perse, qui jadis pas-
jig;'.ij2d yA.,OOglf
, , , ,
150 L’UNIVERS.
province.*, encore moins celle des dio- Cette partie orientale de la Bithvnie
cèses politiques, n'avait rien de commun ne le cède à l’autre ni en fertilité ni en
avec celle des patriarcats et cette di-
,
beauté du territoire ; les forêts n’en sont
vision du pays resta longtemps ren- ias leseul ornement; les arbres fruitiers,
fermée. dans les limites du pouvoir ec- fes innombrables vergers qui entourent
clésiastique. Mais l’empereur Andronic produisent une
les villes et les \illnges
Paléologue, ayant donne une déclaration heureuse diversité. Tous les fruits de
pour regler le rang des métropoles sou- l’pAirope V réussissent à merveille, et
mises au patriarcat de Constantinople, quelques fruits des climats plus chauds,
établit entre les villes une sorte de hié- comme le pistachier, sont cultivés
rarchie qui subsista jusqu’à la ruine dans les jardins, mais tous les arbres
complété du pouvoir chrétien eu Orient. de ce genre, qui bordent les chemins
Ces écrivains ecclésiastiques ont soi- et les collines, peuvent tromper un œil
gneusemeut conservé les noms des évê- peu attentif; cVst le faux pistachier,
ques, des métropolitains et des pa- qui se multiplie à l'infini dans pres-
triarches qui ont régi l’Eglise sous que toutes les régions de l’Asie Mi-
l’etnpire de Byzance; et les documents neure.
u’ils nous ont transmis .sur les villes I,a hauteur moyenne de tous ces
’Asie sont d’un grand secours pour la plateaux, qui varient entre cinq cents et
géographie de cette époque. mille mètres au-dessus de la mer, n’est
Ca déclaration de l’empereur An- pas favorable à la végétation de l’o-
dronic est conservée dans l'ouvrage de ranger ni du citronnier. L’olivier ne s’y
Codin , et nous aurons occasion d’y re- montre qu'à un état peu prospère;
courir quand nous décrirons les an- mais la pêche, la poire, l’abricot et la
ciennes villes. cerise prouvent par leur belle venue
Les neuf premières métropoles d’Asie qu’ils sentent l’air de leur pays natal.
étaient : Les frontières de l’ancienne Bitliyiiie
passaient entre le Billœus et le Par-
Césarée . Ancyre 4.
thenius.
5. Si l’on continuait sa route
Éphése , Cyzique 6. l’est, on arriverait à la ville des
vers
7.
Nicomédie, Sardes,
Nicée, Chalcédoine.
Hammamiu
8. ( des bains ),
située sur ce
dernier fleuve. Nous étudierons la partie
Héraclée
orientalede l’Honoriade quand nous
La moderne ville de Ghérédeh offre parcourrons le royaume de Pont.
le tableau d’une assez grande activité
industrielle et commerciale. Le grand SYNECDÈME DE HIÉBOCLÈS.
nombre de troupeaux de chèvres qui
sont nourris dans la province lui four- La section du syneedème de Hiéro-
nissent la matière première du maro- clès,comprenant la Bithynie Pontique,
quin, qui s’exporte en quantité notable ; sous le gouvernement d’un consulaire,
la mégisserie des peaux de mouton est contient seize villes, classées de la ma-
aussi assez active. La ville est entourée nière^uivante :
épars qu’en monuments ; c’est le sort netus, qui était située sur le golfe de
des antiquités dans les pays qui n’ont Nicomédie, non loin du cap Posidium
pas été complètement abandonnés. et à vingt-huit milles de Nicée. Cette
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ASIE MINEURE. I.ll
ville est souvent mentionnée par les manière conjecturale ; Regodoviæ n’est
écrivains byzantins. Étienne de Byzance cité que par Hiéroclès et reste tout à fait
la regarde comme une colonie phé- inconnue ; quant à la ville de Regetatæos,
nicienne. Elle fut renversée par un nous n’hésitons pas à l’identilier avec la
tremblement de terre et il n'en est plus Totæum de l’étinéraire d’Antonin.
question depuis cette catastrophe (I). Ce préfixe Rege, qui dans Hiéroclès
Basilinopolis qui était sur le versant
,
précède les noms d’un grand nombre
méridional de POlympe et qui occupait de villes comme Regesalamara (1), Re-
peut-être l’emplacement de Biledjik ou gemnezus ,
Regemauricium , Regetro-
Beleconie. chada (2), Regedoara (3), etc., est un
Cæsarée et Neocæsarée sont deux annexe qui ne s'explique par aucun
surnoms honorifiques donnés à un si mot grec et dont les auteurs antérieurs
grand nombre de villes qu’on ne sau- aux byzantins n’ont point connaissance.
rait en retrouver la trace quand elles Il faut le regarder comme une altéra-
ne sont pas autrement distinguées par tion du mot Kegio que les copistes
les auteurs. grecs ont confondu avec le nom de la
Nous avons appelé l’attention des fu- ville
turs observateurs sur le site de Dascy-
lium qui a toujours été déterminé d’une (i) Pamphylie.
(a) Galatie.
(i) Cedrenus , 45;. (3) Cappadoce.
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ASIE MINEURE. fU
des Tencriens sur les penchants de fondant aucune ville et aucun centre de
rida et du Gargare, et s’ils ne sont plus population.
nommés dans les traditions plus ré- Nous avions sous les yeux un tableau
centes , sont confondus
c’est qu’ils se de ce genre de vie nomade des peuples
avec les populations plus nombreuses. du Nord lorsque nous rencontrâmes
,
Voilà tout ce qu’on peut recueillir de cette tribu russe établie aux bords du
probable sur les Mysiens primitifs. Il Rhyndacus (1). Cette existence se com-
n’est pas certain qu’ils aient bâti des prend dans une contrée abondante en
villes, au moins n’en est-il pas fait pâturages, couverte de forêts, fournis-
mention durant toute la période où ils sant avec abondance le gibier et le pois-
sont les seuls maîtres du pays. Autant son. Il faut qu’en définitive cette contrée
les Pélasges et les Léièges étaient cons- soit bien propice à la vie nomade pour
tructeurs hardis et actifs, autant les qu’elle y reparaisse après dix siècles
Mysiens paraissaient-ils peu disposés à de domination grecque ou romaine. Si
s'enfermer dans l’enceinte des murailles. les Turcs demeurent dansdes villes, c’est
Leur costume sauvage consistait en un qu’il les ont trouvées toutes faites; mais
bonnet de peau de renard et eu une tu- toutes leurs aspirations sont pour le
nique recouverte d’ane espèce de surcot, grand air et la vie de la tente. A vec quelle
appelé zéira, les jambes garnies de bottes joie les voit-on aux approches de la
de peau de daim, une courte sagaie celle saison abandonner les villes pour
et une lance à la main , pour arme dé- aller s’installer au bord des fleuves sous
fensive, un petit bouclier, tel est le ta- la verdure des arbres et vivre là au mi-
bleau qu’en fait Hérodote (1). On y lieu de leurs chevaux et de leurs mou-
reconnaît plutôt le type du guerrier tons, tantôt sous des tentes de peaux,
nomade que celui d’un cultivateur et tintôt sous des huttes construites à la
d’un colon sédentaire. hâte, mais qu’ils préfèrent aux habi-
Le Mysien s’est mélangé avec les tations des villes. Le yaela, la demeure
races habitant avant lui la tJiersonnèse fraîche, est le temps heureux de la vie
d’Asie. Le peuple lydien, confondu du Turc. L’étranger qui arrive dans une
sous le nom de Méones ou Moeones avec ville pendant cette saison croit entrer
les Mysiens, finit par acquérir la supré- dans une nécropole ; toutes les maisons,
matie sur cette race inculte, et par la tous les bazars sont fermés; à peine
soumettre à sa domination. Sous le trouve-t-on un seul individu auquel
régne d’Alvatte, père de Crésus, la est confié la garde de la ville. Cela n’a
puissance lydienne s’étendait sur la pas lieu surJe littoral où le commerce
Mysie , et du temps de Gygès, les rois retient la population; mais plusieurs
de Lydie régnaient sur le territoire de villes de l’intérieur et surtout le plus
Troie. Si nous devons assigner une date grand nombre des villages ont conservé
à la première invasion mysienne en cette habitude. H n’y a pas tant de chan-
Asie Mineure, nous avons pour base la gement qu’on le croit entre la haute
colonie conduite par ïeucer, qui vint antiquité et les temps actuels de l’Asie;
s’établir dans la Troade vers le com- la civilisation grecque y a porté l’éclair
mencement du quinzième, siècle avant de son génie ses arts et sa poésie , la
,
notre ère, et qui fit alliance avec les puissance romaine sous sa main de
Mysiens pour aller subjuguer la fer y a maintenu une sorte de gouver-
Thrace. nement à la surface; mais l’Asiatique
Antérieurement à cette époque, cette de pur sang dédaignait toutes ces splen-
partie de la presqu’île soumise de nom deurs et n’aspirait qu’à vivre en con-
aux rois d’Assyrie, était de fait ouverte tact avec la nature sauvage et superbe,
aux incursions de tous les peuples voi- sans autre souci qu’une indépendance
sins et notamment des Scythes, qui la de fait qu’il a conservée sous U despo-
parcouraient avec leurs femmes et leurs tisme de ses brys ou de ses sultans.
troupeaux , exerçant leurs déprédations
sur les peuplades sans défense , mais ne (i) Voy. cil. XXXIV.
fS4 L’UNIVERS
CHAPITRE II. lympe, les troupes d’Orkhan s’emparè-
rent de neuf principautés appartenant
TOPOGBAPniB ANCIENNE. aux sultans d’Iconium. L’un des fils de
Karasi, nommé Aldjan-bey, régnait en
Pour étudier la Mysie telle que les Ro- Mysie; l’autre, nommé Tourtoum , se
mains la trouvèrent constituée, nous sui- ligua avec Orkhan, à condition que celui-
vrons les indications du géographe grec; ci lui donnerait le canton d’Adrainytte;
nous ne considérerons comme Mysie pro- cette convention fut conclue. C’est ainsi
prement dite que le pays compris entre que la Mysie tomba sous le joug otto-
les deux fleuves Rhyndacuset Æsepus; man.
la l’est conservera le
contrée qui suit a Les îles de la Propontide qui appar-
nom de Troade; la Mysie Pergamène tiennent à cette province ne tardèrent
et l’Elaïtide formeront le royaume de pas à subir le même sort, et les Byzantins
Pergame. Le territoire conquis par les se trouvèrent complètement expulsés de
colonies æoliennes, qui fut aussi déta- ces parages.
ché de la Mysie, conservera le nom d'Æo- Si l’on fait exception de Cyzique, la
lide. Dans la haute antiquité tout ce province de Mysie ne posséda sur le
territoire était soumis aux monarques continent aucune ville remarquable , et
troyens ;
car Homère fait commencer dans les temps modernes les habitants
la Troade au fleuve Æsepus,
et la pro- ne se distinguent par aucune industrie
longe Jusqu'au Caïcus (1); cette région particulière. La vigne, comme au temps
s’appelait aussi la grande Mysie (2), et des Romains, est touiours la culture
subsista dans cet état jusqu’à l’arrivé privilégiée parmi leshwitants. L’olivier
des Æoliens en Asie (3). ne réussit (jue médiocrement sur les
L’Æolide s’étant formée d’un démem- côtes, et sa culture est à peu près nulle
brement de la Mysie, cette dernière dans l’intérieur; les pâturages nombreux
province se trouva resserrée dans les et variés sont la plus grande ressource
bornes que lui donne Strabon. des tribus; c’est là ipie commence à se
A la chute de la monarchie lydienne, développer cette belle race de moutons
les Perses s’emparèrent de la Mysie
,
et a large queue, indigène en Asie, et qui
Darius la lit entrer dans la troisième fournit avec une extrême abondance la
satrapie, qui comprenait les llellespon- laine, la graisse et la chair. Cette queue
tiens, les Phrygiens, les Thraces d’Asie, est comme un appendice de la peau du
les Paphlagohiens, les Maryandiniens dos ; elle se compose d’une masse de
et les Lydiens ; iis payaient soixante ta- graisse qui pèse plusieurs kilos. File
lents. Dans la division de la Mysie sous est employée en concurrence avec le
les rois asiatiques, la Mysie hellespon- beurre pour préparer les aliments. On
tique échut à Antiochus et fut annexée a soin ae la battre dans l’eau courante,
à l’empire de Syrie; après les guerres et d’en ôter les filaments charnus; elle
entre les rois de Bithynie et ceux de prend tout à fait l’aspect du beurre.
Pergame, les Romains firent remettre
à ces derniers princes toute la région MONTAGNES ET EtEUVES.
occidentale; enfin sous l’empire elle fit
partie de l’Asie proconsulaire. Du temps Toutes les chaînes de montagnes qui
d’Héraclius, elle fit partie du thème Op- traversent cette province vont se rat-
timatum et fut soumise au métropoli- tacher au groupe principal de l’Ida
tain de Cyzique. (Kazdagh), qui donne naissance aux
A la chute de l’empire seldjoukide, nombreux cours d’eau de la Mysie. Les
Orkhan, vainqueur en Bithynie, attaqua fleuves Æsépus et Granique descendent
le fils du prince de Karasij Turcoman du mont Cotylus qui appartient au sys-
qui régnait en Mysie. Partant de l’O- tème de rida, et qui est situé à cent
vingt stades au-dessus de Scepsis. L’Æse-
(i) Sirabon, XIII, 58i, pus doit être, par conséquent, le pre-
(a) Plol., liv. V, ch. a. mier fleuve oue l’on rencontre à l’ouest
(3) Pomp. Mêla., liv. I, i8. — Pline, de la presqu'île de Cyzique. Il est .sou-
liv. V, ch. XXX. vent cité par Strabon lorsqu’il s’agit de
ASIE MINEURE. 155
LA CYZICiNB. —
MILETOPOLIS. — niens sont autorisés à peindre leurs mai-
sons en ocre jaune ou en brun.
HUHALITCH. Il
y a quelques années le gouverne-
ment turc voulut faire de Muhalitch
La ville de Mubalitch est située sur une sorte de chef-lieu de division mili-
une hauteur voisine de la rivière Sou taire, en y réunissant plusieurs corps du
Sougherlé;elle se distingue par un air Nizam Djedid (les troupes régulières] et
d’aisance qui est la conséquence de l’ac- le Rédili-Mansouré(la garde nationale);
tivité industrielle et commerciale de descasernes et uuparc d’artillerie étaient
ses habitants; il est vrai de dire que sur le point d’être installés sous l’auto-
lamajorité appartient aux communions rité d'un mouchir ( général de division ).
chrétiennes des Grecs et des Arméniens; Toutes ces inovations marchent ordinai-
mais cet exemple n’est pas sans in- rement très-lentement ; la création des
fluence sur la nation turque, qui se livre mouchirats ou divisions militaires pa-
rait être restée en cours d’exécution.
LAC HANYAS. — FLEÜTB TABSIUS. Tasch kapou (la porte de pierre); on lui
donne aussi le nom de Demir kapou (la
Le lac de Miletopolis, qui portait aussi porte de fer). Ce nom est extrêmement
le nom d’ÂpImitis, appartenait au pays répandu dans les pays musulmans. On
des Apbnéens ; il estsituédans l’intérieur le retrouve en Algérie comme dans le
des terres et à plus de douze kilomètres Taurus ou dans les Balkans.
de la mer. Nous avons vu qu’il ne peut
être assimilé avec le lac de Dascylium. POEMANINUS, MANYAS.
Il reçoit les eaux d’une petite rivière
venant de la vallée de Kara déré et qui Le village de Manyas occupe le site
peut être assimilée avec l’ancien Tar- d’une aucienne ville qui parait, d’après
sius. En effet cette rivière ne pouvait se les Judicieuses observations de M. Ha-
rendre à la mer puisque tous les cours inilton, être l’ancienne Pœmaninus.
d’eau qui se Jettent dans la Propontide Cette dernière ville est en effet portée
sont connus et identifiés avec leurs sur la carte de Peutinger sous le nom
noms antiques. On pourrait peut-être altéré de Phemenio, lequel a été converti
considérer le Tarsius comme une an- en Manyas d’après rhabitude qu’ont
cienne branche du Granique. Son cours les Turcs de tronquer les noms anciens.
était extrêmement tortueux. Strabon re-
I.a situation s’accorde également avec
marque en effet qu’on le passait jusqu’à les itinéraires qui placent Pœmaninus
vingt fois sur la même route; il le com- sur la route directe entre Cyzique et
pare au fleuve Draco qui arrose le ter- Pergame; ce qui convient à cette lo-
ritoire de Nicée (I). Toute cette partie
calité.
de la Mysie n’offre pas un aspect aussi L’acropole de la ville antique est si-
riche que la contrée voisine. Mais les
tuée sur une colline qui se rattache par
grandes plaines couvertes de gazon sont un col fortifié aux collines voisines , une
particulièrement fréquentées par des forte muraille dout la construction ne
tribus nomades qui nourrissent de gran-
peut être antérieure h l'époque byzan-
des quantités de bestiaux. Les collines tine défend les appruclies du côté du
sont généralement boisées , et si les es- sud ; les murs sont composés d’une
sences n’ont pas la merveilleuse beauté quantité de débris antiques de piédes-
des forêts de rOlympe, leur exploitation taux et d’architraves. On voit des co-
n’en est pas moins fructueuse, et la ma- lonnes placées horizontalement comme
rine turque y recherche les bois courbes
dans les murs de Mcée. Cette disposi-
que produisent différentes variétés de tion en effet très-remarquable, suffit
chênes Qt surtout le chêne à Valonée (2), pour mériter à cette place le titre de
qui est répandu dans les vallées du ville très-bien défendue que lui donnent
mont Ida.
les Byzantins.
La petite ville de Sou Sougherlé, qui Le pays environnant s’appelait comme
donne son nom à la branche occidentale Pœmaninum (1) ; elle est men-
la ville
du Macestus, est tombée aujourd’hui à tionnée comme ville de garnison. Le
de simple village. On peut encore y
l’état
culte d’Eisculape, qui dans toutes ces ré-
admirer les ruines de deux belles cons- gions était pratiqué simultanément avec
tructions seldjoukides; ce sont des ca- celui d’Apollon (2), était surtout en
ravanseraïs dans le genre de ceux qui
honneur à Pœmaninus. L’orateur Aris-
jalonnaient les routes du temps des
:
158 L’UNIVERS.
catalof^e des villes donné par Pline (i) en Afrique, forment-elles des dépôts
citent la ville de Pœinnninus. Sous les considérables de concrétions calcaires
premiers sultans, ce territoire faisait Les indigènes ti’en font point usage pour
partie des domaines du prince de Karasi, boisson ;
ils se contentent de se tremper
et Manyas parait avoir sous son gou- dans ce bain rustique qu’on a bâti loin
vernement joui d’unu certaine impor- de la source, car la chaleur de ces eaux
tance. Une mosquée et un ancien cou- est très- voisine de l’eau bouillante et elles
vent de derviches existent encore dans sortent de terre avec une extrême abon-
un état d’ahandon; ces deux édilices ont dance et en formant plusieurs jets au-
été construits avec les matériaux de mo- dessus du sol. Les dépôts calcaires
numents plusanciens. Les débris de mu- augmentent en hauteur et en étendue,
railles et quelques fragments d’inscrip- à mesure que les eaux s'élèvent; le pont
tions sont les seuls vestiges de rancieune naturel comme celui de Saint-Allyre et
cité. celui de Hierapolis n’a pas manqué de
se former par-dessus le cours d’eau
LES SOUBCBS CHA.UDES. produit d’une autre source encore plus
abondante. La formation de ces phéno-
La petite ville de Singherli est voi- mènes naturels est facile à comprendre :
.sinede sources thermales remarquables à mesure que les concrétions calcaires
et par leur volume et par leur chaleur s’avancent au bord de l’eau, le courant
exceptionnelle; elles se trouvent à la la- emporte toutes celles qu’il peut attein-
titude du lac Manyas et sur la route dre, tandis que les concrétions supé-
d’Edreuos à Cyziquê. On ne saurait dou- rieures s’ax’ancent insensiblement pour
ter que ce ne soient les mêmes sources atteindre l’autre rive.
mentionnées par l’orateur Aristide (2). Les montagnes d’où sortent ces sour-
I.orsque le pays est couvert de neige, ces bouillantes sont de formation vol-
la vapeur d’eau s’élève en colonne blan- canique, mais d’une époque voisine des
che, et le sol d’alentour tranche par sa trachytes c'est-à-dire de première pé-
,
couleur noire avec les terrains environ- riode. Cette petite rivière minérale, après
nants. avoir circulé autour de ses nombreuses
Les Turcs appellent ces sources Illidja ; collines, prend son cours vers l’ouest et
c’est un nom qu’ils donnent assez com- va se jeter dans le (leuve .Esepus
munément aux eaux thermales. Un petit
bain creusé dans le sol et une salle de CHAPITRE IV.
construction rustique composent tout
l’établissement. Les eaux sont amenées l’Ile de pbocownèse.
d’une distance de près d’un kilomètre
par un canal de dérivation qui circule Les observations des géologues mo-
le long des flancs de la vallée et qui est dernes ont sufGsamment prouvé que
assez considérable pour faire tourner cette tradition qui attribue l’ouverture
plusieurs moulins. du Bosphore et des Dardanelles a l’ac-
Les sources sortent de terre en plu- tion des eaux de la mer Noire est entiè-
sieurs points et forment une atmos- rement dénuée de fondement ; nous
phère de vapeurs qui aide facilement à avons parcouru dans toute leur étendue
les trouver. Les eaux, douces au toucher ces deux célèbres détroits, et nous avons
et légèrement salées et piquantes, ren- reconnu que l’apparition des roches
ferment des principes de magnésie et volcaniques à l’embouchure de la mer
surtout un excès d’acide carbonique Noire a plutôt contribué à rétrécir l’en-
qui s’évapore au contact de l’air et trée du Bosphore. La constitution des
laisse à nu les parties calcaires qu’il îlesde la Propontide que nous ynons
tenait en dissolution. Aussi les sources d’observer, et celle de la pres^’île de
d’illidja, comme celles de Broussa, de Cyzique, dont nous parlerons oientôt,
Uierapolis et de Uammam Meskoutim démontrent que ces terrains sont con-
temporains des premières révolutions du
(i) Liv. V, ch. 3a. globe ; enfin , dans les roches tertiaires
(a) Arùlid., Sacr. Orat., IV, p. S69. et crayeuses qui constituent les bofds
,
du détroit des Dardanelles , on ne re- clature des îles et îlots qui entouraient
connaît aucune trace de rupture appa- la grande Proconuèse (1). « Les îles
rente qui permette de supposer que ces devant Cyzique sont d’abord Elaphon-
terrains ont jamais été réunis. Cétait nesus, nommée aussi Neuriset Procon-
une sorte de manie chez les anciens de nèse, d’où se tire le marbre de Cyzique,
supposer des catastrophes de ce i^enre, ensuite les îlesOphiusa (des Serpents)^
pour expliquer la présence des îles dans Acanthus , Phoebe, Scopele, Porphy-
les environs des continents, et par con- riones, Halone, avec un château, Del-
séquent la formation des détroits : phacie, Polydore; Artacæon avec une
la même cause est assignée aux dé- ville; K cette dernière n’appartient pas
troits de Gibraltar et de Messine , et à l’archipel de Marmara , mais est voi-
comme nous l’avons vu plus haut (1), sine de la presqu’île de Cyzique.
à la formation de i’ilot de Besbicus. Les Il est impossible de pouvoir identifier
observations du général Andréossi (2) toutes ces îles, dont quelques-unes ne
sont parfaitement d’accord avec l’état sont que des rochers nus, avec les
actuel des connaissances géologiques; noms donnés par l’auteur latin. Trois
on ne peut expliquer le récit de Diodore îles seulement sontaujourd’hui habitées.
de Sicile que par cet amour du merveil- La grande île de Marmara, l’île de Rab-
leux qui dominait toujours dans les tra- bi, et la troisième, qu’on appelle Pacha
ditions des anciens. liman, le port du Pacha.
L’Hellespont, aujourd’hui détroit des Pour expliquer le passage de Strabon,
Dardanelles , a dû son nom à la fille il faut supposer que l’ancienne Procon-
Colchide avec son frère Phryxus , périt la grande île de Marmara, qui s’appelait
dans les flots. La longueur de TUelles- d’abord Elapbonnèse.» Dans celle-ci, on
pont est de douze lieues marines , et trouve une ville et une vaste carrière
dans sa partie la plus étroite il n’a pas qui fournit du marbre blanc fort estimé,
plus de quatorze cents mètres. Toute la car les plus beaux monuments de ce
côte d’Asie qui est baignée par ses eaux pays, surtout ceux de Cyzique, sont faits
appartient a la petite Mysie, et a reçu de ce marbre. » Il en est en effet trans-
des Grecs le nom de province de l’He‘l- porté sur tous les points de la côte où
lespont. Des villes nombreuses et riches existaient des villes grecques. Les Milé-
peuplaient ses rivages, et l'entreprise siens qui avaient établi une colonie dans
de Xerxès , qui le traversa sur un pont cette île (2) étaient sans doute en pos-
de bateaux, est à jamais célèbre dans les session de ces exploitations fructueuses.
fastes de l’antiquité. Nous savons par Vitruve (3) que le pa-
I.’ile de Proconuèse, la plus grande lais de Mausole à Halicarnasse était
de la Propontide, est située au nord-est construit en briques etrevétu de dalles de
de la presqu'île de Cyzique et dans le marbre de Proconnèse. Les débris du
méridien du fleuve Æisepus ; connu d’a- tombeau de ce prince qui ont été décou-
bord sous le nom d’Elaphonnesus , l’île verts récemment et qui sont aujour-
des Cerfs, elle fut colonisée par les Phé- d'hui déposés au musée britannique,
niciens; les Grecs, qui vinrent ensuite sont en marbre blanc qui nous paraît
s’y établir, distinguèrent deux îles du ideutique avec celui de Marmara. Les
même nom , l'ancienne et la nouvelle frises représentant des combats d’ama-
Proconuèse. La plus grande de ces îles zones qui sont restées longtemps encas-
est celle qu’on appelle aujourd’hui Mar- trées dans les murs du clikeau de Bou-
mara, et lu plus petite porte le nom de droum sont aussi du même marbre.
Rabbi ; la nouvelle Proconuèse était si- C’est par erreur que les écrivains qui
gnalée comme ayant un bon port (3;. se sont occupés de lithoiogie ancienne
Pline se contente de donner la uomen- ont signalé le marbre de Proconnèse
Di
, ,
cette saison, vont jusqu’à la mer; des visée en vastes salles, où l’écho se joue
platanes nains couvrent ses bords. Une de mille façons. Ici chaque carrière ne
multitude de plantes et d’arbustes en parait pas avoir fourni plus de vingt à
fleur donnent quelque agrément à cette trente mètres cubes, après quoi elle était
vallée, dans laquelle, cependant, il n’y abandonnée ; et cependant, depuis le.s
ogle
163 L’UmVERS.
briques intercalées (I). Une seule fe- marbre fut appelé par les anciens ê/ar- ;
nêtre, dont le cintre est en briques, mor Thasium. Pline (1) dit que le mar-
existe encore. On n’v voit aucun ornement bre de Thasos était d’une couleur moins
sculpté.Il est diflicile de dire si c’est un bleuâtre que celui de Lesbos; les sar-
palais ou une forteresse. De grands ra- cophages que j’ai observés en grand
deaux atUicbés sur la plage servent à nombre dans l’ile de Thasos sont d’iin
embarquer les marbres que l’on porte marbre statuaire blanc , d’excellente
à (Constantinople. qualité, moins pailleté que celui de Mar-
En continuant la route vers le sud, mara et ressemblant à celui que les
,
on arrive aux carrières que l’on exploite antiquaires sont convenus d’appeler
actuellement elles sont entourées de
: ijrechetto, expression qui n’offre au-
collines de recoupes, au milieu desquel- cun sens la pâte de la roche est assez
:
les sont établies quelques cabanes de compacte. Il est certain que ce marbre
forgerons, qui font et réparent les outils était en grande estime chez les Romains,
des ouvriers. Ces carrières sont situées puisqu’il est souvent cité par les au-
à NO mètres environ au-dessus du ni- teurs (2). Pausanias (3) assure qu’il
veau de la mer ; ou a établi une grande n’avait pas moins de prix aux yeux des
pente avec des débris de marbre. Les Athéniens qui en tirent faire deux statues
blocs sont portés jusque-là sur des rou- en l’honneur de l’empereur Hadrien,
leaux, après quoi on les abandonne à et les placèrent dans le temple de Jupi-
leur propre poids. On y exploite en ce ter Olympien.
moment des blocs peu considérables, Le inarbre de Lesbos, mannor Les-
des dalles et des pierres de tombeaux hium, était d’une couleur plus plombée
pour Constantinople. Le marbre est (|ue celui de Thasos. Les carrières doi-
d’un blanc éclatant, saccharoïde, à cas- vent être cherchées dans la partie sud
sure franche et sonore. Ou détache au de l’ile, vers le lieu appelé vort Olivier;
ciseau le bloc de la montagne , après c’est là que se trouvent les gisements
(luoi on l’enlève de son lit par le moyeu calcaires tout le reste de l’île est vol-
:
D«.
,
PropoDtide, et aller mouiller à Artaki, précipite par une gorge rocheuse dans
petite ville située sur la côtesud-ouestde le lac Manyas. Ce cours d’eau prend
l’île de Cyzique. Quand on veut s’y ren- sans doute naissance dans les collines
dre par terre, il faut .remonter jusqu’à qui bordent la mer de Marmara , qui
Muhalitch et de là faire route vers le sud font face à l’extrémité orientale de la
La petite ville de Aïdindjik est éloi- presqu’île de Cyzique.
gnée ae huit heures de marche de Mu- Dès qu’on à quitté Deblé keui, la
halitch ; on commence à descendre le route prend une direction plus nord. On
Macestus jusqu’à sa Jonction avec le continue de monter graduellement sur
Jlhyndacus; la route se dirige d’abord un terrain couvert de gazon, dont la
ouest-nord-ouest à travers une riche pente est au sud. De hautes collines
plaine couverte de plantations de mû- s’élèvent du côté du nord et du nord-
riers ; on traverse ensuite sur uu bac ouest, au-dessus desquelles on aperçoit
une petite rivière assez profonde mais les moutagnes de Cyzique. Bientôt la
peu rapide, appelée Kara déré sou qui nature des roches change; on a aban-
sort du lac Manyas, éloigné d’environ donné le terrain volcanique, et l’on ar-
quatre heures de marche. Le petit vil- rive sur le terrain de marbre cristallin
lage de Kara-Keui est situé sur la rive qui compose les collines de droite, mais
droite de la rivière; le coup d’oeil de qui est recouvert par plusieurs bancs
cette plaine est champêtre et pittoresque d’argile diversement colorée.
et offre le tableau d’une riche végétation. On arrive enfin , après huit heures
La vigne sauvage est suspendue en de marche, dans les jardins et les ver-
festons aux branches des arbres et le sol gers d’.àïdinjik et l’on entre dans une
est couvert des fleurs les plus variées. vallée bien cultivée qui descend douce-
La route continue dans cette direc- ment vers la mer dans la direction du
tion jusqu’àce qu’on rencontre une ligne nord-nord-ouest.
de collines, après avoir franchi quelques Aïdinjik est située sur les collines de
cours d’eau descendant des moutagnes l’est et contient environ cinq cents
boisées qui sont dans l’éloignement. maisons presque toutes turques. C’était
On traverse ensuite une vallée étroite autrefois le chef-lieu d’un district ap-
qui s’étend au loin à droite, et l’on ar- partenant à un (les émirs compagnons
rive au village appelé Doughau hissar, de Toursonn. Cette petite ville avait à
(le château du faucon). Une tour cons- cette époque une certt^ine importance.
truite sur une éminence s’eleve au mi- On y voit encore six mosquées et des
lieu du village. En continuant dans la bains publics. Dans presque >^ous ces
même direction, ou traverse une autre édifices on a employé comme matériaux
ligne de monticules qui forment la côte bruts des fragments d’architecture
orientale du lac Manyas. tirés des ruines de Cyzique. Aujour-
Un cimetière turc, qui se trouve sur d’hui les transactions commerciales et
la droite, contient quelques fûLs de surtout le trafic avec l’intérieur ayant
colonnes brisées. La route passe sous pris une autre direction, cette petite
un arc surbaissé, construit en pierre, et ville est tombée daus un état d’abandon
l’on observe quelques restes d’une et de pauvreté.
chaussée qui indique le passage d’une Un village appelé Erméni keui est
ancienne route. Les collines jusqu’à situé tout à fait sur la côte, et daus le
Acha bounar sont généralement dénu- voisinage de l’isthme se trouve le vil-
dées et stériles. Le village d’Acha lage de Panormo. Mais ces deux en-
bounar contient une vingtaine de mai- droits n’offrent aucune ressource et les
sons , et autour de la fontaine on re- étrangers sont obligés d’aller demeurer
marque un amas de marbres brisés et dans la petite ville d’Artaki, située sur
quelques belles corniches. Si.x kilo- la côte occidentale de l’ile de Cvzique-
mètres plus loin, au pied d’une autre La route d’ Aïdinjik à Artaki longe
ligne de collines se trouve le village de les bords de la mer. Toute cette région
Deblé keui, dans le voisinage duquel on est couverte de vignobles et de grands
traverse un ruisseau qui coule du nord arbres fruitiers. On traverse ensuite
au milieu d'un terrain accidenté et se risthme sablonneux qui joint Cyzique
,
Its4 L’UNIVERS.
sol qui renferme une notable quantité ment sur cette particularité que la mon-
de feldspatli décomposé. Iæ vigne est tagne qui forme’ le centre de l’île n’a
soignée avec beaucoup d’intelligence; qu’un sommet. Vue du côté de la ville,
elle est taillée chaque année contraire- elle se présente en effet comme un
ment aux usages de presque tous les cône légèrement aplati sur ses flancs;
pays méridionaux, qui laissent pendre mais, dans sou travers, ce cône se divise
la 'vigne en festons le long des arbres en plusieurs groupes, dont l’un domine
et chaque taille du cep est couverte par la ville d’Artaki. Le sommet de la mon-
une petite couche de bitume tiède qui tagne est couvert de bois, ou plutôt de
empêche l’évaporation des sucs de la broussailles, parmi lesquelles se re-
plante; mais la qualité du vin ne ré- marque l’arbousier, térébinthe
le le ,
pond pas à celle du raisin, les habi- chêne, le laurier et l’olivier sauvage.
tants n’usant que de procédés impar- Nous avons vainement parcouru les
feits, les tonneaux sont presque inconnus vallons supérieurs ,
et questionné tous
et la récolte est vendue l’année même les bergers que nous avons rencontrés ;
de la production. nous travons obtenu aucun indice de
ruines qui auraient pu exister dans les
ARTACE. CVZIQUE. lieux élevés de la montagne, où les an-
ciens plaçaient le temple de la Mère des
L’île de Cyzique appartient au petit
dieux. Partout nous avons retrouvé le
archipel qui occupe le milieu sud ue la
granit comme base du sol ; le marbre
mer de Marmara. Toutes ces îles ont calcaire gris n'apparaît que dans les
été formées dans la même période géo- contre-forts du côté du village d’Artaki,
logique Le soulèvement du granit a compose presque entièrement les
et
fait surgir le marbre blanc, et en
deux rochers , dont l’un porte spéciale-
quelques endroits le calcaire schisteux ; ment le nom de l'île d'Artaki.
c’est-à-dire que ce soulèvement appar-
Indépendamment des deux grands
tient à l’époque de transition. Le granit
ports formés par le golfe d’Artaki et
et le calcaire se retrouvent dans les
celui de Panormo, à l’est et à l’ouest
montagnes de la côte, et paraissent du nouvel isthme, l’île de Cyzique en
se rattacher aux contre-forts inférieurs
a deux autres , l’un appelé Tarrliodia
du mont Ida. Les versants septentrio- ou plutôt RIiMlia (và P(i)8ii) (les Gre-
naux de cette montagne sont de gneiss
nades), où peuvent se réfugier les pe-
et de micaschiste ; les volcans n’appa-
tits bâtiments pendant les orages, si
raissent que sur son revers sud. Mais
fréquents sur la Propontide. Nous y
ces crêtes sont la limite du terrain pri-
avons mouillé avec la Mésange pen-
mordial , car toute la côte de l’Hel-
dant les coups de vent de l’équinoxe
iespont, ainsi que les de la
terrains
de 1835. Le fond est de bonne tenue;
plaine de Troie jusqu'au promontoire
mais les cartes marines étaient alors
Lectum (Baba), appartiennent au sys-
fort inexactes ; on ne pouvait trouver ce
tème tertiaire très-récent ; il en est de
port qu’à l’aide d’un bon pilote. L’autre
même des atterrisements considérables
port, situé à l’est de la presqu’île, por-
qui ont changé la forme des côtes , et
tait anciennement lenomdeParnormo,
qui peuvent être rangés parmi les ter-
qui lui est commun avec un grand
rains contemporains. Le détroit qui sé-
nombre d’autres ports en Asie et en Eu-
parait du continent l’ile de Cvzique a
rope. Aujourd’hui les bâtiments n’y
d’abord été assez considérable ; mais
mouillent plus. Le nouveau village
peu h peu les terres charriées des mon-
tagnes de part et d’autre ont rétréci cet
espace , de manière que les Grecs ont ;j)XII, 575
, ,
très-grande antiquité ; elle est mention- être considéré comme un des plus
née deux fois par Hérodote (t) et no- beaux restes de l’ancienne Artace
tamment dans la guerre des Perses. peut-être antérieur à l’invasion des
Les Phéniciens , dit-il, après avoir mis Phéniciens. Il parait dès lors constaté
le feu dans tous les lieux qui avaient que cette ville était bien dans l’ile
été abandonnés par leurs habitants , se même de Cyzique , mais non pas dans
ortèrent sur Proconnèse et Artace, et rilot qui commandait la rade, et qui
rûlèrent ces deux villes (2). La mon- d’ailleurs est seulement capable de con-
tagne qui domine le port et l’ilot voisin tenir un château.
portaient aussi le nom d’Artace (3). Dans un autre Ilot, qui n’est à vrai
C'était, dit-il, une colonie des Milé- dire qu’un rocher, il
y a une source
siens; elle était distante d’un stade de vénérée- des Grecs, qui lui attribuent
Cyzique (4). Cette distance est trop différentes vertus ; on l’appelle Ayasma
courte nous comptons sur notre carte
: (la Fontaine sainte). Il est question dans
du golfe 9,375 mètres jusqu'à la pointe quelque auteur ancien d’une fontaine de
de Cyzique appelée Bal-Kiz. Pile de Cyzique, qui avait une certaine
La ville d’Artace était sur un cap s’a- célébrité (1); peut-être est-ce l’origine
vançant vers le sud-ouest, et l’îlot du de la renommée que celle-ci a conservé
même nom n’en est séparé que par un jusqu’à nos jours parmi les Grecs su-
étroit canal. Pline (5) mentionne eu perstitieux.
même temps cette ville et ce port, Le golfe d’Artaki est aujourd’hui
mais comme n’existant plus de son complètement abandonné de nos na-
temps. Il est possible qu’à une certaine vires, qui ne trouvent plus aucune
période , la -prospérité de Cyzique ait sorte de chargement à faire dans cette
absorbé complètement ces petits postes, contrée déserte.
qui avaient dd souffrir horriblement En suivant les sinuosités de la côte,
pendant la guerre de Mithridatc. Ce- on traverse plusieurspetits cours d’eau
pendant sous les empereurs byzantins, qui descendent de la montagne sur le
et même avant cette époque , Artace penchant de laquelle est bâtie Cyzique,
acquit une certaine importance, et et que les Grecs appelaient Arcton-
pouvait présenter quelques monuments Oros (la Montagne aux Ours), peut-être
de marbre. Les fortifications qui sont avec autant de vérité que le rocher Ela-
dans i’tle, et qui ont été décrites par phonnesus.
Pococke et Lucas comme des restes
magnifiques d’ouvrages grecs, ne sont CHAPITRE VII.
que des tours byzantines, si ce n’est
génoises , faites avec de riches débris BUINES DE CYZIQUE.
d’architecture provenant sans doute de
Cyzique. On y voit des colonnes can- Les ruines de Cyzique sont aujour-
nelées à la grecque , des blocs de cor- d’hui tout à fait inhabitées ; au delà des
niches encore intactes, employées murailles et sur la hauteur, il existe
comme matériaux bruts. I.es tours un village d’une douzaine de maisons,
sont à bossages, et ont bien résisté; appelé Hammamii, qui possède en com-
mais les courtines sont en démolition munal la de l’enceintc de la
totalité
complète, et plus d’un musée pourrait ville. On
peut suivre le pourtour des
murailles depuis la grande tour octo-
(r) Liv. IV, fh. XtV. gone, située à l’angle sud-ouest, jusqu’à
(i) Liv. VI, ch. XXXIIL l’extrémité orientale, qui est très-voisine
(3) Strahoii, XII, 576 ,
(4) Sleph. Byz. V. Ariace. (i) Fons Cupioidinis, Pline, liv. XXXI,
(5) Liv. V,ch. XX.XII. ch. II.
166 L’ÜNIVKRS.
de l'isthme. Une source limpide et de s’étendaient jusqu’au fleuve Æsepus;
très-bonne eau sort de dessous un mur l'île portait alors le nom de Dolionis.
antique ; un plataiie l'oinbrage de ses I.orsque les Argonautes
y abordè-
rameaux vigoureux c’est l’endroit
: rent (I), Cyzicus en était roi; il possé-
que les indigènes appellent Ral-Kiz- dait la contrées située, entre les fleuves
^ra'i (le Palais de la Fille du Miel ). Ce Æsepus et Rhyndacus jusqu’au pays
nom de Bal-Riz est fort répandu en des Dascyliens. Ce prince avait donné
Asie; il paraît que les légendes musul- son nom à l’île et à la ville il était fils;
vestiges ; il faut nous en tenir à la des- terre, fermé par deux ponts (-5).
cription des monuments romains, ou
plutôt chercher à les retrouver dans les (i) Appollodore, liv. II.
débris informes qu’ils pr^entent au- (a) Pline, liv. V ch. xxxtx.
;
ments était remis entre les mains de qui est particulière à la ville de Cyzique.
trois architectes qui avaient l'inten- Les Cailles étaient aussi au nombre de
dance des armes , des machines et des six cents. Chaque collège était pré-
greniers. Après la mort d’Ale.xandre sidé par un andionte qui prenait le titre
elle tomba sous le pouvoir des rois de d’Épistate, et quelquefois de Boularque,
Pergame mais ;
elle conserva ses pri- ainsi que le témoigne une inscription.
vilèges et son gouvernement, et les Les Phylarques , présidents de tribus ;
marbres nombreux qui sont parvenus l’Asiarque, chargé de présider aux
jusqu'à nous nous lont connaître en jeux communs de l’Asie; le Gramma-
détail toutes les magistratures qui teus ou chancelier, étaient des charges
composaient son administration. Le ue l’on retrouve dans les monuments
gouvernement était entre les mains du e la plupart des villes asiatiques.
sénat et du peuple ; et pour suivre les Mais ici les souvenirs d’.Athènes sont
coutumes d’Atheues, première métro- plus nombreux que dans aucune autre
pole des Cyzicéniens le peuple s’était
,
colonie. Tel était le système d’adminis-
divisé en six tribus, dont quatre por- tration au moment où éclata la guerre
taient les noms des tribus athéniennes, de Mithridate.
lesGéléontes, les OEnopes,les Argades, Ce prince attachait une importance
les Hoplètes, les Ægicores et les bores; extrême à se rendre maître d’une ville
elles parvenaient successivement, dans et d’un port qui commandaient l’Ilel-
des temps réglés, au gouvernement et à lespont et tout le pays inysien. Il arriva
la Prytanie (2). à l’improvi.'.te devant la ville avec une
Dans le principe, les habitants de armée de cent cinquante mille fantas-
Cyzique supputèrent le temps d’après sins et une nombreuse cavalerie, et
l’année ionienne, divisée en mois lu- occupa d’abord la montagne Adrastée,
naires; un peu plus tard ils prirent située en face de la ville, là où est
l’année macédonienne , et finirent par situé le temple d’Adrastée (1). Ce mo-
adopter l’année solaire des Romains. nument est également mentionné par
On remarque dans leurs mois plusieurs Strabon (2), et d’après ses paroles on
noms identiques avec les noms des pourrait croire qu’il était, sinon dans la
mois athéniens. On pense que l’année ville même, du moins dans le faubourg.
des Grecs asiatiques commençait à l’é- Il est probable que Mithridate occupa
quinoxe d’automne. L’année 'civile de. les collines qui s’étendent parallèlement
Cyzique était compo.sée de mois io- à la côte sur le continent.
niens, athéniens et macédoniens, et Les Grecs avaient déjà perdu trois
(le (|iielques autres qui lui étaient par- mille hommes et dix galères dans une
ticuliers. rencontre qu’ils avaient eue devant
Indépendamment des corps du sé- Chalcédoine f3). Mithridate , voulant
nat et du peuple , la ville Je Cyzique profiter de sa victoire, divisa son armée
avait plusieurs magistrats dont les noms en dix camps, et bloqua la ville par
étaient communs avec plusieurs autres terre et par mer. C’est alors que Lucul-
villes de l’Asie. Les fastes se comp-
(1) Philarch. in Lucullo.
(1) rlonis, III, 5. ( 2 ) XIII, 258.
(
2 ) Cayliis, marhres de Cyzii/ue, t. II, r. (3) Vüv. piiRc 73.
,
168 LTINIVERS.
lus transporta des barques du lac Das- Cependant Cyzique eut a passer
cylitis dans Propontide, et parvint
la quelques moments terribles sous le
à faire entrer quelques soldats dans la règne de Tibère. Ayant négligé le ser-
ville pour soutenir le courage des as- vice du temple d’Auguste, et condannné
siégés. Mithridate avait fait construire aux ceps quelques citoyens romains ,
des balistes et des tours mobiles pour elle fut dépouillée de ses privilèges (1 ) ;
attaquer les remparts. Les péripéties mais sous le règne suivant, ils lui furent
de ce siège ont une ressemblance frap- restitués; elle fut nommée N’éocore
pante avec celui que soutint Nicée di.\ Hadrienne Olympienne, et les grands
siècles plus tard. jeux de l’Asie furent célébrés dans son
Une violente tempête s’étant élevée, enceinte. Le titre de Néocore n’appa-
détruisit tous les apprêts de l’assaut, et ralt pas sur les monuments de Cyzique
notamment une tour de cent coudées avant le règne d'Hadrien : une inscrip-
de hauteur, qui était l’ouvrage d’un tion de 'I hyatire fait mention d’un Ari-
Thessalien nommé Niconides : néan- gnotus, néocore de la très-illustre
moins ces pertes ne décidèrent pas Mi- métropole de Cyzique. Le second néo-
thridate à lever le siège. On chercha à corat lui fut clécerné par l’empereur
pratiquer des mines , dans l’une des- Marc-Aurèle Autonin Caracalla ; elle
quelles Mithridate lui-même faillit pé- prit alors le titre de Philosébaste. La
rir. La prévoyance de Lucullus parait ville était dotée d’un prytanée, d'un
à toutes les éventualités son armée
: gymnase, d’un théâtre, de plusieurs
était bien approvisionnée , tandis que la temples, parmi lesquels s’élevait le
famine exerçait ses ravages dans celle temple bâti en l’honneur de l’empereur
de Mithridate. Plusieurs tentatives Hadrien et qui passait pour un des
,
malheureuses flnirent par épuiser sa plus vastes temples de l'Asie; les co-
iatience, et Lucullus le força de lever lonnes avaient quatre aunes de circuit
fe siège et de se retirer dans le royaume et cinquante de hauteur (2) ; il portait
de Pont. pour inscription Au dieu Hadrien ;et
:
Asie, où ies peuples se piquaieut d'ai- ruines, il eut un songe à la suite du-
mer les jeux plus littéraires. Il n'existe quel il se décida à entreprendre une
que deux amphithéâtres en Asie, l’un campagne en Europe.
à Cyzique , et l’autre à Pergame. Marc-
Antoine faisait exercer dans la première CHAPITRE VIII.
de ces villes une troupe de gladiateurs
qu’il se flattait d’offrir en spectacle à ÉTAT ACTUEL DES BUINES.
Rome aux jeux de la victoire. Après la
victoire d’Oetave , ces gladiateurs res- La grande tour de Bal-Kiz paraît
tèrent attachés au parti d’Antoine ; ils avoir commandé la tête d'un des ponts
se retirèrent en Syrie, où iis périrent qui étaient jetés sur l'étroit canal de
tous (I). Diverses inscriptions men- Cyzique; ou remarque un grand mur
tionnent des troupes de gladiateurs qui qui se rattache à la tour, et qui se di-
combattaient dans les jeux de Cy- rige à angle droit vers l’est. Il ne paraît
zique (2). Nous savons que de sembla- ias que les murailles se soient étendues
nouveaux chrétiens. Des édits de Tliéo- laquelle est placé l’amphitliéâtre, qui
close et de Justinien ordonnaient la s’appuie sur les deux mamelons infé-
démolition des temples du paganisme. rieurs. Il n’est guère possible que dans
Sous le règne de Gallien, les Hérules l’antiquité ce ruisseau ait eu un autre
pillèrent Cyzique; plus tard, les Scy- cours ; par conséquent , il passait sous
thes et les Goths y exercèrent leurs l’arène de l’amphithéâtre , ce qui me
ravages. porte à penser qu'elle était construite
Après la division des grandes pro- en bois. Les découvertes nouvelles jus-
vinces, faite par Dioclétien , Cyzique tifient chaque jour cette opinion, et l’on
fut métropole de la province d’Helles- finira par reconnaître que les arènes
pont, qui comprenait trente-trois villes. ont toutes été construites de la sorte.
Des empereurs de Constantinople y Les vomitoires sont au nombre de
établirent un hôtel et une fabrique de trente-deux; la plupart de ceux du rez-
monnaies. Mais en 943 elle fut pres- de-chaussée sont encore conservés ; ils
que entièrement détruite par un trem- sont construits eu blocs de granit à
blement de terre. Cependant elle con- bossage ; mais cet ouvrage est très-peu
serva encore un certain nombre d’ha- soigné , et annoncerait plutôt l’époque
bitants. de Gallien que celle des Antoniiis. Tous
Le fils du sultan Orkhan, gouverneur les massifs aes voûtes sont faits en blo-
de la province de Karasi , l’ancienne cage; les impostes sont à peine indi-
Mysie, fut saisi d’admiration à l’aspect quées par des pierres en encorbelle-
des ruines de Cyzique. Les colonnes ment ; en un mot, cet édifice est indigne
brisées, les marbres épars sur le gazon de la renommée de Cyzique. Il n'y avait
lui rappelèrent les débris du palais de pas de portique extérieur; les vomi-
la reine de Saba, Bal-Kiz (3), élevé par toires conduisaient directement aux
Salomon, et les restes d’Istakar et de précinctions. S’il reste encore quelques
Tadmor. S’étant endormi dans ces vestiges de ce monument, comme des
murailles, 011 doit l’attribuer unique-
(il Dion Cassius, lib. U, p. 447 .
ment à la nature de.s matériaux, qui
(•i) Caylui, /éntiqiiilés, Ionie U, aiy. n’étaient pas propres à être utilisés , soit
(3) Hanuner, Histoire de t em/jire otlo- pour les constructions modernes, soit
num, loin, I. pour fabriquer des boulets.
retrouvons dans ces tristes restes le dernière catastrophe dont elle ne s’est
forum et le temple mentionnés par l’o-
rateur Aristide, qui a laissé de ces mo- (i) Pline, üv. XXXVI, ch. i5.
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,
m LTJNIVERS.
Cet orateur vivait sous le règne d’Ha- de l’arène. D’après le caractère des
drien ;
il a laissé un discours composé constructions supérieures aussi bien
uniquement en l’honneur de la ville de que de la direction des eaux, on peut
Cyzique, et ses expressions peuvent naturellement conclure que cet édifice
donner la plus haute idée de la richesse a été dans certaines circonstances con-
et de la prospérité de cette ville. verti en naumachie. Les fondations de
« Son étendue, dit-il, pouvait suffire l’amphithéâtre sont faites avec des ma-
non seulement pour une ville mais en- tériaux presque bruts ; mais il reste suc
core pour une nation. —
Les rivières , les murailles plusieurs traces qui indi-
les lacs , les étangs qui couvrent son quent qu’elles étaient revêtues de pla-
territoire sont si nombreux que si l’on ques de marbre.
voulait s’établir sur leur rivage, on n’au- Le village de Hammamli (des bains]
rait pas moins de villes sur les bords est situé dans l’angle supérieur de l’an-
des lacs que sur le rivage de la mer et rientie ville; la plupart des maisons
dans l’intérieur des terres. » sont construites avec des blocs de marbre
Le forum était consacré à tous les et des fûts de colonnes arrachés aux édi-
dieux, et au milieu s’élevait uu temple fices antiques.
qui parait avoir été un des plus magni- En descendant du côté de l’est, on
liques édifices de fantiquite. L’orateur suit pendant quelque temps la ligne
continue ainsi « Ce temple s’élève au-
: des murailles; mais il est difficile d’eii
dessus des bâtiments d’alentour, et il reconnaître le pourtour exact. Enfin
n’est besoin ni de phares ni de signaux par une route tortueuse et difficile , on
pour guider les navires qui entrent dans arrive aux ruines du théâtre, presque
nos ports. Ce monument, qui absorbe entièrement couvertes par des arbustes
toute l’attention, montre en même temps et des broussailles qui forment des
la richesse de la ville et le noble esprit masses de verdure Cet édifice, selon
deses habitants. On peut direquechaque toute apparence de construction grec-
pierre dont il est iiâti est égale â uu que , est dans un tel état de destruction
temple et que le temple lui-même avec que remplacement du proscenium , la
son péribole est égal à une ville. forme de la cavea et quelques substruc-
« Les constructioiisqui sont au-dessous tions informes sont seuls visibles ; il
du sol sont aussi dignes d'être admirées ne reste pas un seul bloc de marbre en
que le reste; il y a des souterrains avec place. On reconnaît ça et là de longues
des galeries qui circulent tout autour murailles et des fondations diverses;
de féditice et qui font partie de ce bel mais tout cela est tellement caché par
ensemble. • les broussailles qu’il est impossible de
Pline (1) fait mention d’un temple déterminer leur forme primitive.
de Cyzique dont les Joints des pierres Le terrain, composé d’alluvions, qui
étaient tous ornés d’une couronne d’or, jointl’îleau continent est bas et maréca-
et un milice iilet d’or cachait la jonction geux ; la lagune couverte de roseaux
des blocs de marbre. Uu tremblement qui s’étend a l’est occupe probable-
de terre a renversé tous ces édilices dont ment remplacement du principal port
il reste à peine aujourd'hui quelques de Cyzique, séparé du bord de la mer
vestiges. par une ligne de collines de sable ac-
L’amphithéâtre est situé au nord de cumulées par les efforts combinés des
ces substructions, à cheval sur une vallée vents et des vagues. A son extrémité
boisée au nord de la plaine où sont les nord il y a uu long fossé dirigé de l’est
principales ruines de la ville. Un cer- à l’ouest et rempli d’eau, et un mur
tain nombre des piliers et des contre- de construction très-solide fortifié avec
forts a cédé sous l’action du temps; mais des tours sur sa face nord.
il
y en a encore sept ou huit debout à La communication avec la mer est
l’ouest de la vallée. La forme elliptique interceptée par des sables accumulés;
de l’édifice est encore bien dessinée. il est à croire que c’était là l'entrée des
Un petit cours d'eau coule dans l’axe galères qui devaient être conduites dans
le port intérieur. Immédiatement au
(i) l.lv. XXXVI, «11. ij. nord de ce port, il
y a une in^sse de.
,,
ruines qui sont probablement les ves- dépouillées et si elles sont moins visitées
tiges d’ediflces publics. par les voyageurs archéologues que
On reconnait les traces d’un aqueduc celles du littoral est et sud de la pres-
entre les collines inférieures et rextré- qu’île.
inité sud de l’isthme et de la ville ; le
petit ruisseau qui coule dans la vallée CHAPITRE X.
de l’amphithéâtre était insufüsant pour
les besoins de la population. Les col- CÔTES DE l’bELLESPONT.
lines granitiques sont de nature à
fournir peu de sources., et les habitants Non loin de l’embouchure de l’Æsé-
ont été contraints d’aller chercher celles pus , il
y a une colline au sommet de la-
qui sortent des terrains calcaires , la quelle s’élevait le tombeau de Mem-
végétation ne pouvant être entretenue non, et dans le voisinage était le bourg
que par d’abondantes irrigations. de Memnon.Les faits relatifs à ce héros
Lorsque Pocoke visita les ruines de étaient déjà controversés par les écri-
Cyzique, il reconnut encore l’emplace- vains de l’époque romaine ; les uns le
ment de l’Agora ; c’était une place de font venir d’Egypte, les autres de Perse.
cent pas de large et de quatre cents pas Pausanias (1) semble vouloir accorder
de long. On y voyait les ruines d un les deux opinions en disant qu’en effet
grand édifice avec un portique d’ordre Memnon était de race étliiopienne, mais
corinthien et plusieurs galeries souter- qu’il vint au secours de Troie en par-
raines. Toutes ces constructions sont au- tant de Suse après avoir soumis toutes
jourd’hui dépouillées de leurs marbres. les nations qui étaient sur sa route.
Cette destruction méthodique qui a Hérodote fait évidemment allusion à
étonné presque tous ceux qui ont vi- ces événements lorsqu’il dit à 'propos
sité les ruines des villes de l’Hellespont du monument de Nymphi (2) : « 11 y en
est due à une ancienne habitude du a quiconsidèrent ces monuments
gouvernement turc, qui approvisionnait comme des portraits de Memnon
avec des boulets de marbre les châteaux mais ils se trompent étrangement. »
des Dardanelles. Les batteries des châ- Memnon, qualifié de fils de l’Aurore,
teaux d'Europeet d’Asie sont armées d’é- n’était autre qu’un prince assyrien qui
normes pièces de canon dans lesquelles vint au secours de Troie et ne put ar-
un homme peut entrer. On les appelle river que vers la fin du siège.
Bal-yeme^ (qui ne mange pas de miel); Les oiseaux de Memnon qui, selon
les bal-yemez étaient chargés avec des la fable, venaient tous les ans donner
boulets de marbre de plus de soixante- des soins au tombeau de Memnoti et
dix-centimètres de diamètre; les pièces l’arroser avec leurs ailes après les avoir
d'un moindre calibre étaient également trempées dans les eaux de l’jEsépus
approvisionnées de boulets de marbre. les oiseaux de Memnon continuent de
Pour suffire à une pareille consomma- voler le long des rivages de l’Helles-
tion, des ateliers étaient établis dans pont. A une certaine époque de l’an-
les ruines de presque toutes les villes née, des troupes d’une espece d’alcyon
anciennes de la côte ; on voit encore à parcourent avec la rapidité de la flèche
Alexandrin Troas des boulets qui ont l’Hellespont et le Bosphore. Jamais on
été abandonnés comme défectueux, au ne les a vus se poser ni sur terre, ni
milieu des masses de recoupes demarbre. sur les eaux ; les marins et les habitants
Peut-être s’étonnera-t-on que ces ate- du rivage appellent ces oiseaux les âmes
liers n’aient pas été établis dans l’ile de en peine. •
Marmara, qui aurait pu fournir du La ville de Priapus était située à
marbre à tous les canons du Bosphore; quinze milles environ de la presqu’île
mais les Turcs préféraient utiliser de de Cyzique et à l’ouest de l’embouchure
vieilles ruines inutiles et ménager leurs du fleuve Granique ; elle fut fondée par
carrières pour les constructions de la les Milésieus-ou selon d’autres témoi-
capitale.
Il ne faut pas s’étonner après cela si (() Liv. X, cil. 3i.
les villes de l’Hellespont sont tout à fait ta) Liv. II, io6.
.
174 L’UJSIVERS.
gnages par les habitants de Cyzique. dateur souvent décerné dans les ins-
Priapus était renommee comme sta- criptions à des proconsuls ou à d’autres
tion navale (I) ; elle se rendit a Alexan- magistrats. On admirait à Parium un
dre après la bataille du Granique (2). autel d’une forme siu^lière , dont cha-
Un village du nom de Karaboga occupe que côté était long d'aune stade ; il était
le site de l’ancienne ville ; mais on n’y du genre appelé Bomos, c’est a-dire
rencontre aucun vestige d’antiquité. Le en forme pyramidale. C’était l’ouvrage
cap Karaboga abrite le port contre les d’IIermocréon, qui avait décoré ce mo-
vents du nord, et la presqu’île le défend nument avec magnificence. Aujourd’hui
du côté de l’est. Le dieu des jardins, il n'en parait pas de vestiges ; mais
Priape, dont le culte fut transporté peut - être des recherches attentives
d’Ornéae, ville voisine de (’^rinlhe, mettraient-elles à même de reconnaître
donna son nom à la ville asiatique. remplacement de ce monument unique.
Si la ville de Priapus n’a pas subsisté Les ruines de Pariuin se reconnais-
Jusqu’à nos Jours, nous pouvons du sent encore au lieu nommé Kamarès (les
moins nous faire une idée de la fertilité Voûtes); les murs étaient construits
de son territoire et de la richesse de ses en blocs de marbre sans mortier. Un
campagnes ; car toute, la côte depuis Cy- grand nombre d’édifices enfouis, des
zique jusqu'à Lampsaque est cultivée restes d’aqueducs et de citernes témoi-
en vignobles qui pourraient donner un gnent qu’elle Jouit d'une certaine im-
vin excellent mais les Grecs et les
;
portance jusqu’à la chute de l’empire.
Israélites, qui ont conservé le privilège
de la)
fabrication , emploient des procé- CUAPlfRE XL
dés tellement imparfaits qu’il n’est pas
possible d'en obtenir de bons produits ; Lampsaque. abydos.
ce sont les vignes de Priapus qui avaient
été données en usufruit à Thémistocle Lampsaque commandait l’entrée de
pour l'usage de sa maison (3). La l’Hellespont; elle était pourvue d’un
premièrecause de la décadence de Pria- bon port et renommée par la fertilité
pus doit être attribuée à la prospérité de son territoire. La fondation de
deParium, qui fut colonisée par les habi- Lampsaque remonte aux temps fabu-
tants de Milet, d’ Kry thrae et de Paros (4) leux antérieurs aux premières migra-
Pline (5)pcnseque la ville de Parium tions curojiéennes ; son premier nom
même quecelle qu’Homère nomme
est la était Pityæssa. Les deux frères Pbo-
Adrastée. Strabon place cette ville sur bus et Blepsus, nés à Phocée et descen-
le promontoire qui sépare Priapus et dants de Coilrus, pendant leur séjour à
Parium. Lorsque les rois de Pergame Parium rendirent service au roi Man-
,
obtinrent du peuple romain cette partie dron, qui régnait à Pityæssa. Ce prince
de la Mysie , en dédommagement des engagea les deux frères à envoyer daus
conquêtes que les rois de Uithyuie ses Etats une colonie grecque, qui vint
avaient faites sur eux, ils prirent soin en elfet s'établir sous la conduite de
de fortifier le port, qui était plus vaste Phobus. Menacés d’une trahison de la
que celui de Priapus, et les habitants part des Bebryces, ils furent sauvés par
de cette dernière ville furent trans- Lampsucé, fille du roi, et en recon-
férés à Parium. Deux inscriptions re- naissance de cet événement, ils don-
cueillies par Spou donnent à cette ville nèrent à la ville de Pityæssa, dont ils
le titrede colonie romaine (6). L’em- s'étaient rendus maîtres , le nom de
perenr Marc-Aurèle y lit de grands Lampsaque (I). La population de cette
travaux ; ce qui lui valût le titre de fon- ville s’était augmentée des ruines de
Pœsus, située entre Lampsaque et Pa-
(i) Thucyd., VIII, 107 ;
Slrab.. XIII, 587 . rium. Le culte du dieu Priape y était
(
3 Arrien,£f^. Alex., I, i3. aussi répandu qu’à Priapus même et, ;
vèrent chargés de fournir les garnisons Xerxès marchait de Pergame sur Aby-
de ces nouveaux châteaux. dos, il avait à sa gauche les villes de
On a cherché en vain dans la mo- Rhœtée et de Dardania et à sa droite
derne Lampsaki quelque monument les Teucriens Gergithiens.
qui attestât son ancienne magnificence. Percote, mentionnée plusieurs fois
Dans le commencement du dernier siè- par Homère, était située sur le fleuve
cle, on y voyait cependant encore quel- Practius et à trois cents stades de Pa-
ques antiquités, et Wheler a observé rfum ; elle était voisine de la mer, et
des ruines qui n'existent plus de nos paraît avoir subsisté jusqu’aux der-
jours; il trouva plusieurs colonn&s nières années de l’empire romain. On
de marbre et des inscriptions qui identifie l’ancienne Pcrcote avec la pe-
dataient du temps des Antonins. L’u- tite ville turque de Bergan Kalé si.
sage de faire des boulets de marbre, La ville d’Arisbé était au sud de
qui s’est perpétué pendant trois siècles Percote ; elle appartenait aux Milylé-
chez les Turcs , a été plus pernicieux niens (2) ; mais il est à croire qu’elle
pour les villes de la Propontide que tous doit sa fondation aux anciens Darda-
les ravages qu’elles avaient subis anté- uiens ; car elle était déjà florissante au
rieurement. Aujourd’hui depuis Mou- ,
temps de la çuerre de Troie. Deux vers
dania, l’ancienne Apamée jusques y ,
de l’Iliade reunissent les noms de ces
compris Alcxandria Troas, il n’existe villes autrefois célèbres. « Les guer-
pas un bloc de marbre ancien. Cepen- riers qui cultivaient les champs de
dant les Turcs avaient sous la main Percote et du Practius, qui habitaient
l’île de .Marmara et ses inépuisables Sestos Abydos et la noble Arisbé sui-
carrières; on ne comprend pas qu’ils vent (3) Asiiis, le fils d’Hyrtacès. •
aient préféré établir avec beaucoup Celte ville, dont l’emplacement est au-
de peine des ateliers partiels dans vingt jourd’hui inconnu, subsista jusqu’à la
localités différentes. fin de l’empire romain elle est men-
;
En suivant sur la côte la nomencla- tionnée par Pline, qui la place sur la
ture des villes donnée par Strabon, côte (4). •< En dehors du golfe s'étend
nous devons rencontrer au nord de la côte de Rhœtée où sont les villes de
Lampsaque le port et la ville de Pœ- Rhœtée, Dardanie et d’Arisbé. »
sus, déjàcitéedans l’Iliade (I). Ces deux Abydos, la plus célèbre de toutes le.s
villes étant l’une et l’autre colonies villes de ces parages, ne subsiste plus;
de Milet finirent par réunir leurs po- mais on est autorisé, d’après les détails
pulations et Pœsus disparut. Colonæ, topographiques donnés par divers au-
petite ville située dans l’intérieur des teurs, à placer cette ville près de Bogliaz
terres, était aussi colonie ionienne. bissar sur le cap qui s’avance dans le
Le territoire situé au sud de Lamp- détroit.
saque appartenait à la ville de Ger- La position d’ Abydos relativement à
gitlia, fondation des anciens Teu- Sestos est bien déterminée par ce pas-
criens (2). Elle était bien fortifiée et sage de Str abon (5) « La distance qui
;
Sépare ces deux villes d’un port à l’au- certainement quelques-uns qui n’ont
tre est d’environ trente stades (.5,520 pas une destination funèbre.
mèt. }, le zeuçma ( passage) est du côté L’armée perse mit sept jours et sept
de la Propontide (au nord) par rapport nuits à franchir le détroit ; ce tableau ae
à Abydos et du côté opposé (au sud)
,
l’invasion des Perses en Europe, con-
par rapport à Sestos. Près de cette der- servé par Hérodote, fait passer sous nos
nière, il y a un lieu nommé Apobathra yeux toutes les populations de l’Asie oc-
où était attachée l’une des extrémités du cidentale avec leurs noms, leur costume
pont. et les détails les plus précis sur leur
Si l'on s’en rapporte à l’opinion de origine; c’est sans contredit un des
Strabou, Abydos aété fondée par les Mi- plus brillants passages et un des plus
lésiens, du consentement de Gygès, roi instructifs que nous ait transmis ce
de Lydie, qui était maître de tout le père de l’histoire (1).
pays ; mais on ne doit entendre par là Abydos eut grandement à souffrir
qu'une reconstruction de la ville, puis- de l'avantage de sa position dans le
qu’elle existait déjà du temps de la voisinage de l'Europe; Darius, de
guerre de Troie. Abydos était à égale retour de son expéuition contre les
distance entre Ilion etLampsaque,é^oi- .Scythes, fit brûler cette ville en même
Rlléede cent soixante-dix stades, environ temps que quelques autres villes de
31 kilom., de l’une ou de l’autre de ces rUellespont, de crainte que ces peuples
deux villes. ne fissent à leur tour une expédition en
Lorsque Xcrxès passa d’Asie en Asie et ne proGtassent des avantages
Europe, il choisit Abydos comme le que ces villes auraient pu leur offrir
lieu le plus rapproché du continent comme base d’opérations (2).
européen. Cette distance n’étant que Peut-être faut-il accueillir avec ré-
de sept stades, le point de jonction fut serve ce fait mentionné par Strabon
désigné dans la suite sous le nom de et qu’Hérodote passe sous silence.
Heptastadium et le passage sous celui L’incendie d’Abydos aurait dû avoir
de Zeugma. lieu au retour de Darius dans la Cher-
Xerxès, voulant contempler l’en- sonnèse d’Asie ; or, au moment de la
semble de son armée, fit élever par révolte des Ioniens, Dercylildas de
les habitants d’Abydos un tertre sur Sparte, avec un faible contingent d’in-
lequel on plaça un trône de marbre. fanterie, fut envoyé dans la province
Du haut de cette éminence, le roi de d’Hellespont pour engager les Abydé-
Perse assista à un combat naval dans niens à Ibire défection (3) ; mais il fut
lequel les Phéniciens de Sidon rem- devancé par Daurisès, lieutenant de
portèrent la victoire (1). Darius, qui, avec une promptitude peu
Nous devons faire remarquer ici l’u- habituelle aux Perses, se rendit maître
sage répandu chez les princes et les rois des villes de Dardanie, Abydos, Per-
de l’Orientde faire élever des tertres pour cote , Lampsaque et de Pœsus ; cha-
indiquer le centre de leurs camps,faire cune de ces villes fut prise en un
danter leurs étendards et comme dans jour (4).
fa circonstance présente, pour passer la La possession d’Abydos , constam-
revue de leurs troupes. Ces éminences, ment disputée pendant les guerres entre
qui sont assez communes en Assyrie et les Perses et les Grecs, échut tantôt aux
en Perse, sont connues des habitants Athéniens tantôt aux Lacédémoniens ;
sous le nom de trône (Tact ) ; les Turcs mais cette ville résista avec énergie aux
les nomment tépé. Nous les appelons forces de Philippe, fils de Démétrius,qui
tumulus d’après la dénomination ro- ravagea les côtes de la Propontide et in-
maine. Le fait que nous signalons ici cendia la plupartdes villesqui refusèrent
prouve que tous les tumulus que l’on de se soumettre. Les plus terribles me-
observe en Asie n’ont pas été des tom-
beaux et parmi ceux qui sont répandus (t) Hérod., 1. VII, 60.
dans la plaine de Troie, il s’en trouve (3) Strabon, XIII, Sgt.'
(3) Thucidide, liv. VIII.
(i) Hérodote, I. VII, 44. (4) Hérodote, 1. V, 117 .
12° Livraison, (Asib Minsdbe.)
, ,
178 L’tlNlVERS.
naces ne purent décider les habitants distinguer des peuplades voisines par
d’Abydos à ouvrir leurs portes à rcn- quelque caractère spécial, mais nul ne
nemi déclaré des colonies grecques, et peut compter combien de périodes de
ils préférèrent périr jusqu’au dernier
siècles se .sont écoulées avant que ce
(i) Tite-Live ,
liv. XXX , eh. 17 . yoyez .m
aussi Polylip, H'ialor.^ tiv. X'V. (i) Voy. Curtius Griesische Gesiehte,
(a) Siep. Byz., V. Abydi. tome I*’. Les Gaulois en Asie, par Texier,
(3) yoy. aussi sur Aky Jos Tourneforl, Revue des Deux Mondes, août 1841. Cari.
Letl. XI; Lucas, Trtfiaiime Voyage, lomel*'', RitleTf Brdkunde, tome IX, 1 8* partie ( Die
|i. lâtCharlos de.Sl'nt-1'Wil, dragy, ^Sacrée Gatîicr in Kleinasien, dans lequel cet article
est traduit et développé.)
P-
n I
ASIE MINEURE. 179
instinctif de son origine asiatique et par tagnes qui portent le nom de Dyndimène
conséquent son droit naturel à l'oc- sont consacrés aux divinités que les
cupation totale ou partielle des terres Grecs aussi bien que les Pélasges ont ho-
de l’Asie. norées comme dieux nationaux. l,es fils
Si les Grecs n’avaient conservé au- des Pélasges se sont établis en Attique
cune tradition au sujet de leur pre- en méme’temps qu’ils occupaient les
mier établissement dans la contrée à la- côtes de la Chersonnèse d’Asie ; rien ne
quelle ils ont donné leur nom, il ne leur s’oppose donc à ce que l’on considère
restait non plus aucune notion de leur les Pélasges et les Grecs commeun seul
séjour dans un autre pays; bien plus, et unique peuple, comme une même
ils se regardaient comme autochtones, famille sous deux noms différents;
tout en admettant que leurs prédéces- mais le côté saillant du caractère des
seurs avaient commencé par défricher Pélasges, cette activité qui les pousse à
les forêts,
détruit les bêtes féroces et former des établissements dans tous
desséché leurs marais. Ces prédécesseurs les lieux où leur race peut se développer,
ils les appelaient Pélasges ; c’étaient les finit par s’effacer sous l’influence pure-
premiers habitants de la Grèce ; il n’y ment hellénique, et lorsque l’histoire
avait aucun lieu du continent ou des commence à recueillir quelque tradition,
îlesoù le nom des Pélasges ne fût pro- les écrivains grecsne trouvent qu’un jeu
noncé comme celui du premier peuple de mots pour nous peindre cette race
venu dans ces parages ; or les Hellènes puissante, ils ne nous laissent pour tout
se trouvaient lies à leurs prédécesseurs renseignement que ce mot :« Nous les
autant parleurs croyances que par leurs appelons Pélasges parce qu’ils sont er-
mœurs. S’il n'est pas possible de démon- rants comme les Pél argues (2) ».
trer cette parenté à l’aide de documents C’est cependant cette race d’origine
historiques, toutes les traditions con- arienne qu’il faut regarder comme
duisent cependant à regarder les Grecs les ancêtres des Grecs. Partout où
comme uue branche de cette race qui les Pélasges se sont établis en Asie
s'étendit à l’occident dans l’Italie et la comme en Europe nous voyons la race
Sicile et à l’orient sur toutes les côtes et grecque s’asseoir et prospérer; leurs
dans les lies de la Chersonnèse d’Asie. Ce migrations commencent pour ainsi dire
que les Grecs disaient des Pélasges se lie avant l’origine des sociétés et avant que
tellement aux origines de leur propre les peuples se soient formés en nations
race qu’on peut considérer l’une et l’autre distinctes. Les terres d’Asie étaient
nation comme une seule famille et non livrées au premier occupant ; aussi dès les
pas comme deux races distinctes. En premiers temps les Pélasges vont-ils oc-
effet il n’y a aucune tradition pélasgique, cuper la Thrace , les rivages de la Pro-
aucune divinité pélasgique que l’on
puisse mettre en opposition avec les (i) Strabon, liv. V, a»i.
traditions helléniques. Le Jupiter, le (2) Cigognes. Strabon, I. V, p. •»< et
Ils s’attachent à la terre par le labou- elle avait fondé la ville de Dardanie.
rage et l’élève des troupeaux, cons- L’époque de l’arrivée de Dardanus
truisent des villes et deviennent les sur les côtes d’Asie est trop reculée
ancêtres de cette race d’où sortirent les pour qu’il soit possible de la déterminer
trois branches de la famille hellénique. d'une manière tant soit peu probable,
Les Pélasges , comme leurs ancêtres llomèrc (I) estime qu’il s’était écoulé
ariens, rendaient un culte à une divinité cinq générations entre Dardanus et
incorporelle sans templeet sans statues ; Priam, et Platon marquait l’arrivée des
ils l’appelaient et la regardaient
Zeus Dardaniens dans la seconde période
comme les sommets des mon-
habitant après le déluge (2), lorsque la race hu-
tagnes. Quand voulaient la représenter
ils maine commençait à peupler les som-
en rapport avec les hommes, elle recevait mets élevés des montagnes, faisant
le nom de Dypatros ou Jupiter, et le Ju- ses demeures dans les cavernes des ro-
piter pélasgique inspirant une sainte ter- chers et dans les antres creusés par les
Cyclopes. Dardanie fut bütie « lors-
reur était honoré dans les forêts et fai-
sait sa demeure dans un chêne sacré. Ce qü’llion avec son peuple immense n’était
premier vestijje du culte des nations pas encore, et qu’on habitait au pied
ariennes se répand aussi bien dans les de rida arrosé de sources (3) ».
Dw:'r,o; V
,
pelée lepays des dattes. Chez les peuples ils s’établirent dans la Cilicie, et, tan-
de l’ouest, ces marchands navigateurs, tôt comme pirates, tantôt comme tra-
qui apportaient sur les marchés les fruits fiquants, ils s’emparèrent de plusieurs
du dattier et surtout le vin de palme ports de la Lycie. Il en résulta dans
récoltés dans leur pays , étaient gé- cette contrée une population mélangée
néralement appelés < les hommes du de deux races qui , sous le nom de .So-
pays des dattes ». —
Les Pélasges et les lymes, apparaît aux premiers âges de
Hellènes, qui connaissaient lo palmier la poésie épique.
sous le nom
de Phœnix , ont donné le Sans s’étonner de voir les Iles et les
nom de Phéniciens à ce peuple, qui ven- côtes occupées par une race blanche,
dait des dattes, et qui venait du pays des les Phéniciens lièrent avec ces incon-
dattiers. Cettedénomination estdevenue nus des relations commerciales , et en
générale et est restée en usage chez les étrange de cette amitié, ils obtenaient
Romains et chez les modernes, elle est la faculté d’établir sur les côtes des pê-
purement grecque, et n’a rien de sémiti- cheries du coquillage qui fournit la
que. Quelques historiens modernes assi- pourpre. On peut faire remonter l’ori-
milent le nom des Phéniciens à celui de gine de ce commerce aux temps les plus
Philistins, et vont Jusqu’à les confondre reculés.
avec les Pélasges, en faisant dériver l’un Hérodote commence son histoire
nom du sanscrit yalakska
et l’autre par un vivant tableau des origines
(hommes) blancs (i). Le langage d’Argos (1), où les navires étrangers
comme les mœurs des Phéniciens prou- apportaient les produits des manufac-
vent d’une manière évidente qu’ils tures phéniciennes, assyriennes, et de la
étaient de race sémitique; ils avaient basse Égypte; les marchandises étaient
puisé éléments de leur civilisation
les exposées sur la place pendant cinq ou
dans pays de Babel et d’Assur et lors-
le six jours ; c’était la semaine du marché,
qu’ils atteignireotles rivages de laMédi- qui était clos le septième jour selon
terranée, ils étaient déjà initiés aux pre- les habitudes des peuples sémitiques.
miers éléments de la navigation, connais- Mais aux relations pacifiques se mêlaient
sant, d’après les Cbaldéens, la position de souvent des faits de piraterie qui exci-
l’étoile polaire, ils avaient parcouru en taient des troubles passagers. Les
tous sens cette mer sur laquelle ils ne Phéniciens n’avaient pas tardé à com-
recotitraient pas de rivaux; mais en prendre que le bénéfice le plus clair
abordant dans les îles et sur les côtes, u’ils pouvaient rapporter des marchés,
ils trouvaient là une population agglo- e l’Orient, les marchandises de re-
mérée avec laquelle ils établissaient des tour, comme on dit aujourd’hui , con-
relations commerciales. sistait dans le trafic des esclaves , des
Resserrés dans leur pays entre la mer jeunes gens et des jeunes filles amenées
et la côte, les Phéniciens n’avaient du pays des races blanches. Aussi, au
trouvé d’autre développement de ter- commerce licite de cette nature ils
ritoire que dans les contrées d’outre ajoutaient quelquefois la ruse et la vio-
mer; ils avaient bâti Byblos, Sidon et lence. Les marchandises exposées sur
'fyr; c’étaient leurs dépôts de marchan- le tillac des barques attiraient à bord les
dises et le siège de leurs fabriques; mais curieuses filles des îles, et le bateau fai-
des rivages de la Phénicie on apercevait sant force de rames s’éloignait de la côte.
les sommets des montagnes de Chypre, Cependant l’arrivée des marchands de
et dans la belle saison le trajet était fa- dattes était pour les peuples de la Cher-
cile avec leurs barques légères qu’ils sonnèse le signal d’un grand mouve-
appelaient leurs chevaux (3). Chypre, ment commercial; ils livraient le pro-
où ils avaient porté leurs dieux et leur duit de leur sol ,
les métaux exploités
commerce, devint comme le centre de dans mines de l’Ida par les mysté-
les
leurs expéditions vers les pays de l’ouest ; rieux Dactyles , les fers du Gargare
l’airain deTautalis, les noix de teinture,
(i) Cf. Schœinaun, Griechiscke Àlttrlltu- la valonuée dont abondent les forêts de
mer, lome l*', p. 4.
(a) Hippi, StraboQ. (i)Hérod.,liv, I,cb. t,
L’UNIVERK
' I
l'ida, le rhamnUs dont la graine donne première invasion est antérieure a celle
la teinture jaune. Kn compensation, des Dardanieiis, puisque ces derniers
les marchands phéniciens échangeaient n’arrivèrent dans la Chersonnèse que
les produits manufacturés de l'Egy'pte deux cents ans environ avant la fonda-
et Je la Phénicie les vêtements de tion de Troie. I>es Teucriens sont les an-
pourpre qui ont conservé le nom de cêtres des Pœoniens, tribu nombreuse ré-
couleur phénicienne », les casques à pandue sur une grande partie des deux
aigrettes q^ui plaisaient tant aux Darda- continents; ils ont occupé les bords du
nieus, les ooucliers et les cnémides ou- Pont-Kuxiuet les côtes de la Cberson-
vrages des Cariens et des Cabalès on ; nèse d’Asie, l’illyrie, la Macédoine, où on
leur concédait en outre le droit de pêche les désignait sous le nom de Macédo-
sur la côte, et par suite le droit de foudçr niens Pœoniens ; ils furent au nombre
des factoreries, qui devinrent des villes des alliés de Priam, mais ne furent pas
phéniciennes. C’est ainsi qu’ils fondèrent soumis à son empire; ils appartenaient
Proneelus dans le golfe Astacène, con- à cette grande nation tbrace ou pelasge
voitant déjà les heureuses situations de qui fournit à l’Asie mineure toute sa po-
Proconnèse et de Cyzique , qu’ils rava- pulation non-sémitique. Aussi peut-on
gèrent plus tard quand la guerre fut dé- regarder les Teucriens et les Dardanieiis
clarée entre les Perses et les Grecs. comme appartenant à ces tribus des bords
Avec le goût du luxe et des vêtements du Danube qui, venues séparément s’éta-
de pourpre, lès Phéniciens transpor- blir en Asie, se sont retrouvées et réu-
taient sur ces rivages le culte de leurs nies plus tard . Les Teucriens ont précédé
dieux. L’Hercule phénicien est parent les Dardaniens en Asie, et lorsque ces
de l'Hercule grec, et le culte d’Apollon derniers arrivèrent, il se forma une al-
Lycien, institué d’abord à Patare, est liance intime des deux races qui retour-
pratiqué sur les côtes de la Propontide nèrent en Europe pour y faire les ex-
dvec le concours des populations des péditions dont Hérodote nous a con-
deux races. servé le souvenir.
L’exploitation des forêts de l’Ida et
de l’Olympe attirait toujours un con- , CHAPITRE XIV.
cours nouveau de navigateurs; ils trou-
vaient dans les forêts de la Chersonnèse CAKIENS. — LÉLEGES — EYCIENS.
des éléments qui leur manquaient dans
toutes les autres colonies pour l’entre- Les Cariens, peuple mélangé , étaient
tien de leur marine. Tout en traQquant navigateurs et pirates comme les Phéni-
avec les peuples non-sémitiques, non- ciens ; ils se rattachaient par eux aux fa-
seulement il ne s’opérait aucune fu- milles sémitiques de la Crète et par leur
sion entre les deux races, mais des ini- parenté avec les Pélasges et les Léléges ;
mitiés s’accumulaient qui devaient dans ils tenaient aux races établies dans
les âges suivants se manifester par des l’ouest, les Mysiens et les Lydiens. De
hostilités ouvertes. Partout, pendant la ce mélange était résulté une langue bar-
guerre des Perses , on voit les Phéni- bare, qui n’était pas comprise des Grecs,
ciens les plus actifs auxiliaires des en- répandue dans la presqu'île
et qui s'était
nemis des races grecques, et leur marine de Lycie. Chez les Grecs des âges sui-
innombrable est mise au service de Da- vants, les Cariens passaient pour au-
rius pour ravager les villes des côtes (1), pratiquaient le culte de
E
tochtones. Ils
’a ce qu’enün les victoires d’A- J upiter, qui était celui des Pélasges, et le
dre délivrent les colonies grecques culte d'Apollon, auquel ils se disaient
ü h
ASIK MINKURK. 18i
caon des artistes pour élever les monu- l’Asie un empire florissant qui se con-
ments les plus sacrés. Les villes de Lycie fondit avec le royaume de Priam.
formaient autant d’Etats confédérés, et Cet empire c’est la Phrygie, dont les
c’est dans le développement de cette traditions religieuses et historiques se
science politique que se manifeste le perdaient dans les obscurités du passé;
mieux l’esprit du peuple lycien. aussi les historiens grecs regardaient-
La conformité des noms lyciens ils les Phrygiens comme la plus an-
liances des Minyens avec Lemnos, ceux La ruine de Troie arriva avant l’é-
des Thébains Cadmiens avec la Sa- tablissement des colonies ioniennes ;
mothrace, et par-dessus tout l’alliance cependant il y avait bien longtemps
dePersée, fils de Danaë, prince d’Argos que les Ioniens étaient en relation de
et de Corinthe, avec la Lycie, pour commerce et de politiqueavec les Phé-
comprendre les intérêts variés et con- niciens et les Egyptiens; mais ils n’a-
traires gui agitaient ces populations. vaient sur les côtes d’Asie que des éta-
Aussi proioadément qu’on peut pé- blissements précaires. Le développement
nétrer dans les origines de l’histoire que prit la race grecque donna nais-
du peuple grec, on acquiert la convic- sance aux profondes inimitiés qui exis-
tion que la différence entre les temps tèrent de tout temps entre les Grecs et
pélasgiques et helléniques résulte de les Asiatiques; les premiers de pacifi-
ce fait les premiers sont dominés
: ques Péla^es sont devenus les belli-
par les infiuences extérieures et ne sa- gueux Hellènes et les envahisseurs de
vent pas résister à l’absorption lors- ; I Asie Mineure. Le souvenir de la guerre
que la nation grecque commence à de Troie entretient chez eux cet esprit
se constituer, l’esprit d’individualité de conquête, et le récit des hauts faits
et d’autonomie devient tellement do- de leurs ancêtres ravive d’âge eu âge
minant que les Grecs se plaisent à le sentiment de leur valeur personnelle
croire que le monde entier sort de et de leur autonomie.
leur race et n’existe, pour ainsi dire, Quoi de plus grandiose que ce ta-
que par leur bon plaisir; c’est alors bleau de la chute de Troie qui aux
,
u’ils cherchent à secouer toute in- traditions les plus vivaces réunit les
uence étrangère et tout pouvoir qui beautés tragiques les plus émouvantes.
n’émane pas d’eux-mémes; ce qui ne Puissance, gloire et richesse se réunis-
peut se faire sans des luttes incessantes saient dans cette race dardaniennedout
et de sanglants combats. C’est alors l’origine remontait à Jupiter. Quel spec-
ASIK MINEURE. 187
188 L’UPIVERS.
Lechevalier a reconnu que la distance pour un des plus anciens monuments
entre ces deux caps était de six mille èpigl'aphiques de la langue grecque. Au-
mètres ou trente-deux stades, mesure jourd’hui tous ces débris sont dispersés,
conforme au texte de Pline, mais qui et il est difficile de reconnaître même
est double dans Strabon. C’est une remplacement du temple.
erreur du géographe. Déjà les atter- La ville d’Achilleum était située dans
rissements étaient sensibles du temps le voisinage de Sigée, et non loin sans
d’Uérodote, car il les compare à ceux doute du lieu où fut enterré le héros
du Delta d’Pgypte. La majeure partie qui lui donna son nom.
du Delta est une conquête que les Le tombeau d’Achille, ou plutôt le
Égyptiens ont faite sur les eaux. L’es- tertre que d’un commun accord les an-
pace entre les montagnes qui domi- ciens ont regardé comme tel, s’élève
nent Memphis parait avoir été un sur le cap Sigée, à l’endroit indiqué
golfe de la mer, à peu près comme a par Homère, et le tombeau d’Ajax est
pu l’être le pays qui existe entre Ilium, placé à la pointe opposée sur le cap
Teuthrania, Éphèseetles campagnes du Rhœtée. Si l’opinion de quelques anti-
Méandre (1). » quaires tend à ranger ces deux monu-
A la pointe sud de l’embouchure de ments dans la classe des constructions
l'Hellespont, dans la mer Égée, s’élève æoliennes, il n’en est pas moins vrai
un cap qui fut dans l’antiquité occupé qu’ils occupent la place des tombeaux
par la ville de Sigée , cité æolienne et que daus les anciennes traditions ils
fondée après la ruine de Troie par Ar- sont toujours considérés comme cou-
chæanax de Mitylène. Les nouveaux vrant les cendres des héros de V Iliade [i).
colons prirent les pierres de l'ancienne L’embouchure du Simoïs, qui forme
Troie pour construire leur ville, et aujourd’hui une lagune marécageuse,
allèrent chercher leur marbre dans l’ile séparait autrefois le golfe en deux par-
de Proconnèse, qui était déjà peuplée ties. Dix stades environ avant d’ar-
et puissante. Peu de temps après leur river à la mer, ce petit fleuve recevait
établissement, les Mytiléniens furent les eaux du Scamandre, dont les sour-
chassés par les Athéniens conduits par ces étaient voisines des portes de ia
Phrynon. Les Sigéens étaient com- ville.
mandés par Pittacus, l'un des sept Les bien accentués de cette
traits
sages de la Grèce. Les deux peuples topographie n’ont pas suffi pour con-
terminèrent la guerre en prenant pour server intacts les souvenirs des lieux.
arbitre Périandre de Corinthe (2); Les Le cours du Scamandre a été détourné,
Athéniens s’étant de nouveau emparés et ses eaux vont aujourd’hui, par un
de Sigée, Pisistrate en donna le gou- canal creusé de main d’homme, se
vernement à son fils Hégésistrate. Cette jeter dans la mer Égée. Son nom fut
ville était célèbre par un temple de Mi- transporté au Simoïs. Il en résulta une
nerve qui subsista longtemps, quoi- confusion inextricable dans les tradi-
qu’elle eût été abandonnée de ses ha- tions et dans 1a topographie de cette
bitants :In promontorio quondam Si- contrée.
geum oppidum (3). Il est à croire que Cependant, en remontant le cours do
cette destruction doit se rapporter au plus grand de ces fleuves, on reconnaît
temps de Lysimaque, qui voulut donner l’exactitudede la peinture du poète et
à la nouvelle Ilium une population nom- l’erreur des écrivains romains qui ont
breuse. copié Déinétrius de Scepsis. Les marais
Les voyageurs Chandler et Revett qui existent encore dans la plaine, et qui
trouvèrent encore à Sigée de nombreux sonrformés par les eaux du Mendéré
débris du temple, et copièrent l’ins- les hauts rochers de trachyte dont il
cription du pilastre (4), qui passe baigne la base, les vallées profondes et
ascendantes qui conduisent jusqu'à ses
Hérodote, liv. Il, chap. lo. sources, tout révéla à la sagacité des
f i)
(a) Strabon, liv. \II, 599.
(3) Pline, liv. V, chap. 3o. (i) yoyet Lechevalier, tome II; Choi-
( 4 ) Chishull,
Inscriptiones anlÎQUai, seul Gouffier, Voyage de ta Grèce, tome II.
ASIE MINEURE. 1S9
voyageurs Chaudler et Lechevalier que courent à prouver que ce sont bien les
ce' petit fleuve ne pouvait pas être ie sources du Scamandre décrites par
Scainaudre, maigre la conformité de Homère , et près desquelles se réunis-
son nom moderne Mendéré avec le saient les dames troyenues.
célèbre fleuve troyen. Le Scamandre se jetait dans leSimoïs
à peu de distance de la ville d’Ilium
CHAPITRE XVI. Recens , et dans l’antiquité cette place
n’était éloignée de la mer que de douze
PLAIRE DE TBOIE. ILIUH BECENS. stades ; on reconnaît encore aujourd'hui
le point de jonction des deux fleuves à
Avant d’entrer dans la plaine de Troie, un affaissement de terrain assez sen-
où son cours forme de nombreuses sible ; bien plus, des voyageurs attestent
sinuosités, leSimoïs se trouve resserré que dans la saison pluvieuse le nouveau
entre deux collines escarpées. Sur le canal déverse une partie de ses eaux
versant ouest de l’une d’elles est bâti dans l’ancien lit du Scamandre. Quel-
le village de Bounar-Bachi. Ce déOlé ques auteurs se sont appuyés sur un
communique à une autre plaine dans passage de Pline, qui cite le vieux Sca-
laquelle sont de nombreux villages, qui, mandre (Palæ-Scamander), pour sup-
selon les géographes de la Troade, oc- ioser que ce canal était antérieur à
cupent presque tous des positions an- f'époque romaine et font remonter à là
,
tiques. Au delà de cette plaine sont les séparation des deux affluents la trans-
contre-forts inférieurs de l’Ida et ie position de noms oui a trompé les écri-
mont Cotylus, dont les noires forêts de vains de l’antiquité. Hérodote lui-même
pins ombragent les sources du Simoïs. semble avoir confondu les deux fleuves
En remoutaut le cours du véritable en parlant du passage de Xerxès et de
Scamandre, on ne tarde pas à arriver son armée dans la plaine de Troie. I.a
aux sources du fleuve, situées au pied plupart des critiques conviennent que
de la colline de Bounar-Bachi, dans un tout ce qui est relatif à ce passage se
bouquet de bois de tamaris, de Oguiers et rapporte à la ville d’ilium Recens, et
de saules. Les eaux sortent d'une masse non pas à l’ancienne Troie , qui était
de poudingue calcaire, et forment un ruinée et déserte (1).
bassin dont les bords sont entourés de A partir des sources du Scamandre,
fragments de granit et de marbre. Ces la colline sur laquelle est bâti ie village
eaux sont chaudes en hiver, et exhalent de Bounar-Bachi s’élève par une pente
une épaisse fumée. Il ne peut exister rapide jusqu’à une hauteur de plus de
aucune incertitude sur l'identité de ces cent mètres au-dessus du cours du Si-
sources avec celles décrites par Homère ; mols. Les rochers sont à pic du côté
elles déterminent parfaitement l'empla- de la vallée, et forment une défense na-
cement d'Ilion, et les observations faites turelle. Voilà l’emplacement d’Ilion,
sur la colline de Bounar-Bachi n'ont reconnu d’un commun accord par tous
faitque conflrmer l’exactitude du poète. les critiques. Il n'est aucune partie de
(
i) Nous ttün voyage Jait dans U Lsvant (i) SIrahon, Xnr, 5gî.
en i8i6 et 1817; Paris, Firinin Oidot, in-8°, (a) Tite-Live, liv. XXXX^, ch. 43;
)>. lat. XXXVH, eh. g.
,
minait sur la plaine. Le tombeau u’ilec- niser son excursion dans la ville des
tor, couvert de pierres, devait se trouver Dardanelles, résidence des consuls; on
dans l’enceinte ou dans les environs de peut V trouver facilement des guides et
la ville ; celui de Mvrina était en face et des chevaux.
tout près des murailles; celui d’Æsietès Cette ville , que l’on assimile à Tan-
était à quelque distance de la ville, et cieiine Dardania , a complètement
assez à portée du camp des Grecs pour perdu son ancien nom chez les indi-
que de son sommet on pût en distin- gènes; les Turcs l’appellent Tchaiïak
guer les mouvements. Le tombeau d’I- Kalési (le château des assiettes), à
ius se trouvait sur la route qui condui- cause d’une fabrique de poteries assez
sait du camp à la ville : le tombeau com- renommée dont les produits s’expor-
tent dans presque toutes les fies. Ils
(i) Voy. Li'chevalier, Voyage delà Troade. se distinguent par la forme et par le
Cliuiseul Goiiflier, yoyage f>ittoret<)iie de la
Grèce, Leake, Geogr, oj Ana Sltnor, etc. (i)LecLevaliei', Voy.de la Troade, 1. 11,63.
J
ASIE MINEURE, lU
vernis ; il y a des modèles qui ne man- bois, et après avoir visité le site de
quent pas d’élégance. l’ancienne Troie, on va faire halte à
Halil Elly, premier village où Fou Beyrhainitch , résidence d'un mut-
fait halte, est éloigné d'environ trente- zelüm.
sept kilomètres des Dardanelles. Il Cette petite ville est située sur une
est situé au milieu d’une plaine cou- colline qui domine une vaste plaine
verte de débris d'antiquités ; mais au- bien cultivée au milieu de laquelle ser-
cun éditice n'est debout. La distance pente le Scamandre.
entre Halil Elly et Enal est de qua- En remontant le cours du lleuve,
rante-trois kilomètres ; on passe par le on arrive au village de Eiïvadjik, situé
village de Giaour Keui, et l'on arrive à sur les pentes de l’Ida. Les sources
ïchibl.ic. du Scamandre sont à une distance
Tchiblac, gros bourg éloigné d'en- d’environ dix kilomètres de ce village ;
viron treize Kilomètres de ce dernier l’eau surgit avec impétuosité d’une ou-
village, est sur la rive droite du Sca- verture carrée que présente le ro-
mandre ; il passe généralement pour cher, et forme une cascade au milieu des
être situé sur l'emplacement d'Ilium blocs éboulés. D’autres sources, qui
Recens. sortent de terre dans le voisinage,
Au milieu d'un terrain boisé sont viennent encore augmenter le volume
dispersés de nombreux vestiges de des eaux. Cette partie du mont Ida
monuments, des colonnes et des ruines n’offre pas les beautés sévères de l’O-
de temples. lympe de Mysie , mais elle mérite ce-
Les murailles, dont on suit faci- pendant d'étre visitée. De ces pla-
lement le pourtour, sont regardées teaux élevés on aperçoit d’un seul
comme des ouvrages de Constantin. coup d’œil toute la contrée et les lies
Dans le cimetière turc se rencontrent voisines ; il n’est pas d’autre lieu d’où
de nombreux fragments d’architecture, l’on puisse si bien se rendre compte
mais aucune inscription. Le tumulus de cette topographie de la plaine de
qui s’élève dans le voisinage du bourg Troie.
est regardé comme le tombeau d’ilus. La formation volcanique dominante
De Tchiblac on se rend à EnaT, grand sur tonte la côte sud de la Troade
villagede deux cents maisons où l’on commence à se montrer sur les pentes
trouve des bains, un caravanseraï, et de l'Ida, et se prolonge presque dans la
une mosquée. plaine. Au village de Arabler Keui et
Enaï occupe la position de l’an- de Sarmousaktclii Keupri, on remar-
cienne Neandria , colonie æolieone que des piliers de basalte de formes
dont le territoire renfermait la plaine très-régulières; les indigènes emploient
de Samonium. Cette ville était située ces colonnes naturelles pour faire des
entre i’Uamaxitus et la nouvelle llion, pierres tumulaires.
ce qui s’accorde bien avec la position d’E- Le mont Gargare, qui s’étend au sud-
naî. Au sud de ce village et sur la rive est de la chaîne de l’Ida, renfermait
gauche du Mendéré se trouvent les dans ses nombreuses vallées quelques
ruines d’un château que les indigènes villes anciennes qui ne sont pas encore
appellent Tcliigri ; il occupe l’emplace- bien déterminées.
ment de la ville de Cenclireæ, où l'on Cette partie de la montagne s’appe-
croit qu’Homère séjourna pour étudier lait région cébrenienne ; la ville de
la topographie de la Troade. La for- Cébrène était la capitale. Le fleuve Sca-
teresse Cenchreæ fut destinée par les mandre formait la limite entre ce terri-
empereurs byzantins à renfermer les toire et celui de Scepsis.
prisonniers d’État; elle fut prise par Sur un des contreforts du mont
f’émir ïoursoun et réunie aux do- Gargare, appelé Kourchounlou tépé
maines de ce compagnon d'Orkhan. ( colline de plomb ), on retrouve les
On voit encore les ruines de ce châ- ruines d’une grande ville qui est do-
teau. minée par un ancien hiéron, lieu
Pour se rendre à Bounar-Bachi on sacré, formé par une enceinte rectan-
passe le Scamandre sur un pont de gulaire, composée de grosses pierres
iZ* Livraison. (Asie Mineubb. 1 T. II. I*
igitized by Googie
,
194 L’UNIVERS.
assemblées sans ciment et sans le se- haute parüedel’Ida(l). • Cébrène n’était
cours du ciseau. Un cercle de pierres donc pas en plaine; voilà pourquoi l’on
l>rutes rappelle les monuments drui- peut supposer que les ruines de cette
diques de l’ancienne Gaule, et des ville peuvent se trouver dans le Kour-
clidiies séculairesqui ombragent ce.s vé- chouiilou tépé.
nérables restes de l'antique religion font
penser a la similititude du culte qui CHAPITRE XIX.
unissait tous ces peuples primitifs.
l>tte enceinte était sans doute consa- ALBXXNDBIA TBOAS. ESKI STAM-
crée il la grande-mère idéeniie si vé- BOUL ( 2 ).
nérée dans ces régions. Les vestiges de
la ville, situées mi-côte dutépé, datent Les successeurs d'Alexandre vou-
presque tous de l’épuque romaine; on lurent a l’eiivi répondre à reiitliousiasnie
y remarque d’anciens bains et plusieurs de leur prince , et imiter sa générosité
salles couvertes de stucs assez bien con- à l'égard des descendants des Troyens.
servées. Des fragments d’arcbiteclure Antigone, à l’exemple de Lysimaque,
et une foule de débris de poteries, de fonda uue ville dans la Troade, au bord
tuiles et de terres cuites couvrent le sol. de la mer Égée, et l’appela Aiitigo-
Cette ville est-elle l’antique Cébréne? nia (3); mais, au partage de l’empire
Aucune inscription n’est encore venue d’Alexandre. Lysimaque lui donna le
en donner la certitude. nom d’Alexandria et elle reçut le sur-
,
Nous savons par Xenoplion que nom de Troas, pour la distinguer des
cette place était très-bien fortifiée, et autres villes qui portaient le nom d’A-
qu’elle résista a l’attaque de üercil- lexandrie. Selon l’usage des anciens fon-
lydas, général lacédemonieii. Une pe- dateurs des villes, on peupla la nouvelle
tite rivière, nommée Cébrenia, allait se colonie avec les habitants de Néaudria (4),
jeter dans le Scainandre. C’est sans de Cébrene (5), Sigée (e) et autres villes
doute le Kaz dagli tcbaï qui coule au de la plaine de Troie, l.ysimaque y
pied de ce mamelon. transporta les habitants de Ténedos
On peut ensuite redescendre le qui demandèrent c« changement comme
mont Ida par Clietme et se rendre a une faveur (7). Dans la guerre d’Aiitio-
Adramytte; cette excursion exige un peu chus, elle se distingua par sa fidélité
plus de quatre jours. aux Romains , qui lui accordèrent tous
Les limites de la Cébrénie sont assei les privilèges dont jouissaient les villes
difficiles à déterminer d’après les an- d’Italie une des plus flo-
et elle devint
,
ciens géographes; car les uns la bornent rissantes colonies de l’Asie Mineure (8).
au Scainandre, les autres l’étendent Les villes de la Troade se convertirent
jusqu'à la Dardanie. Si l’on s’en rap- de bonne lieure au christianisme, sous
(1)
porte à Pline (1), la ville d’Alexandria l’influence directe de la parole de saint
Troas aurait fait partie de la Cébrénie. Paul, qui visita presque toutes les places
Il est préférable de s'en tenir à la cir- importantes de la Mysie. Cette ville est
conscription donnée par Strabon(2). La désignée dans l’Écriture sous le nom de
Cébrénie commençait au-dessous de la Troas ( 9 ). Saint Paul, étant venu à
Dardanie et s’étendait jusqu'à la .Scepsie, Troas en l’an 52 de l’ère vulgaire , eut
c’est-a-dire jusqu’au mont Cotylus (3), une vision pendant la nuit un homme :
dont elle est séparée par le fleuve Sca- lui apparut , et le supplia de venir se-
mandre. Les Cébréuiens furent eu
guerre perpétuelle avec les Scepsiens Stralwu, XIII, 607.
(1)
jusqu’à ce qu’Antigone les établit les
(2) I/anciemie Coustantiuuple-
uns et les autresà Alexandrie de Troade. Pline, liv. V, ch. 3 o.
( 3)
Palæcepsis était située au-dessus de (4) Enaï.
Cébrène près de Polichna « vers la plus ( 5)
Kourcbouulou tépé. . ,,i
(6) Jénilier. ,
(
3 ) Voyez page. (9) Jet. Jp., XX, 5 , 6.
Il
Digii^
ASIE MINEURE. 19i
(^rir les cbrétieosde Macédoine. Saint les voyageurs. Il est fâcheux de voir un
Paul s’embarqua donc à Troas, et passa si beau monument enseveli sous les
dans cette province. Il avait demeuré buissons, quand on pourrait à peu de
sept jours à Alexandrie, et y avait si- frais eu faire l’ornement d’une place pu-
gnalé sa présence par la résurrection Ûiqne.
d’Eutycbus. A son départ, il avait laissé Les carrières d’où ont été tirées les
chez un nommé Carpe quelques babils colonnes d’Alexandrie sont situées à
et quelques livres qu’il pria Timotbée huit kilométras de cette ville et dans le
de lui apporter à Rome en l’an 6ô. La voisinage du village de Gaïkii. Au mi^
mort de saint Paul arriva en 66 (I). lieu d’une vallée sauvage on reconnaît
Il est peu de villes anciennes qui aient encore les traces des anciennes exploi-
été aussi souvent visitées par des voya- tations, et l’on voit gisant sur le sol sept
geurs européens, et c’est pour ainsi dire colonnes de la même dimension que
la première sur laquelle se soit exercée celles que nous avons signalées dans le
la sagacité des antiquaires. Pierre Relou voisinage du port; le diamètre à la base
la visita dans le seizième siècle, et l^ie- estde l'"6*et la longueur du fût est de
tro délia Valle le suivit de près. Ces dix mètres, i
(1693) lit enlever d’Alexandrie une troisième fois mouiller sur la côte de
grande quantité de colonnes pour orner Teoici pour observer en détail les ruines
la cour intérieure de la mosquée de d’Alexandria Troas et tenter de lever ,i
Validé sultane, sa mère. On y remarque uni plan, général de la. ville. '
les marbres les plus précieux, entre l'La goè'lettc Va .Mésange mouilla dans
autres ce jaspe varié qui est appelé par le voisinage de l'ancien port; mais cette
les lapidaires brèche universelle d’É- station , e.vpesée à: tous les vents du
'
gypte. Ces deux colonnes, d’un prix ines- large, oe ipouvaiti être que de peu de
timable, sont placées à droite et à durée. .iq
(•) Spon et Whelei-, yajagti^ .li forêt de chênes occupe toute l’étendue
13 ,
.
196 L’ILMVKKS.
des ruines; des arbres vigoureux crois- quelconques ; de sorte qu’il a sufH de
sent dans les inlersiices des pierres, et l'action de la végétation pour renverser
des buissons inextricables couvrent toute les plus épaisses murailles.
l'étendue du sol. Le monument qui attire le plus les
Le port, vers lequel je me dlriiteai regards s'élève au-dessus des ruines de
d'abord, était composé de deux bassins, la ville et présente de loin l’aspect
,
l’un pour les batiments, l’autre pour le d’une arcade immense; mais, en appro-
radoub. Les dispositions de cet établis- chant, un reconnaît que ce u’est qu'une
senient inaritime m'ont paru avoir été petite partie d’un édilice considérable
prises avec un certain art, comme dans sur la destination duquel les antiquaires
la plupart des ports romains. Deux sont partagés les uns le regardent
:
môles, dont les vestiges existent encore, comme des thermes, les autres comme
s'étendaient vers le large; ils étaient un gymnase. Il me semble que les uns
couverts de portiques , et l’on voit en- et les autrespeuvent facilement être mis
core les deini-coloniies deslinéesà amar- d'accord ; car un gymnase renferme né-
rer les navires. Les môles sont en blo- cessairement un apodyterium, un hypo-
cage; les revêtements ont sans doute caiistum, des salles chaudes et tièdes,
disparu. Au fond de ce premier bassin enlin tout ce qui constitue un bain (I).
est une large ouverture qui conduisait Les eaux jouaient un grand rôle dans les
d.ms In darse: mais les broussailles exercices de la jeunesse romaine, et
épaisses (|ui l'entourent ne permettent iiellequefdt sa destination, cet édilice
pas de reconiiaitre les traces des remises evait recevoir une dérivation de l’a-
des galères, des magasins et des autres queduc.
dispositions usitées dans les ports an- L’entrée principale paraît avoir été
ciens. tournée du côté de l'est, c’est-à-dire vers
Pour entrer dans la ville, nous sui- la terre. Une vaste galerie occupe toute
vîmes la ligne des murailles, qui sont la longueur du bâtiment; elle est d'un
Digifc -, :
ASIE MINEtlRE. 197
sont toutes couvertes de débris et occu- pour les habiiaiits de la Troade (2);
pées par une végétation vigoureuse; et mais Lvsima(|ue l’ayant frappé d’un
après une heure de marche, nous arri- impôt, le sel cessa de se former. Ce
vâmes sur le penchant d’une vallée au changement ayant étonné Lysimaque,
fond de laquelle coule un ruisseau dont il abolit l’impôt, et le sel commença à
les rives sont incrustées de dépôts salins. se former de nouveau. On peut expli-
Les sources thermales sortent d'un ro- quer ce fait sans admettre un prodige ;
cb. 4.
lüf) L’UNIVERS.
aiAPlTRfc X\i pas du même avis ; car selon son opi-
nion lee Cariens sont autoclithones.
LE GOLFE o’aOBAMVXTIUM. Ce serait vainement qu’on voudrait
tirer de tous ces récits une conclusion
Le promontoire de Lectos et la crête qui ne fût pas démentie par d’autres
de l’idu qui vient y aboutir forment la uits. Un mot de Strabon me mit sur la
limite naturelle entre la Troade pro- voie de recherches à faire eu Carie, qui
prement dite et les proeinees du sud ont été couronnées , je crois , d'un
qui ont ete soumises >aux l'royens du plein succès aussi, dans la descrip-
:
temps de leur puissance, mais qui, de- tion de cette province, aurai-je a re-
puis la chute de leur capitale, ont été venir sur les établissements que les
considérées comme incorporées à l’Æo- Lél^es ont formés en Asie, et dont les
lide. I vestiges auraient subsisté jusqu'à nos
Avant l'arrivée des colonies {grec- jours.
ques, ce pays appartenait aux Lélé^es, Tout belliqueux et barbares que les
peuple sur lequel les écrivains anciens anciens Léiéges aient apparu aux pre-
nous ont laissé- assez de documents miers colons grecs, il n'en ressort pas
pour exciter vivement la curiosité ; mais moins de leurs traditions que ces peu-
malbeiirensement ces notions sont si ples ont construit des villes et des châ-
incomplètes, qu’on peut à peine suivre teaux redoutables, et que ces construc-
ces peuplades guerrières dans leurs tions remontaient à la plus haute anti-
nombreuses migrations. Pausanias (1) quité.
nous apprend qu’un prince du nom Le canton qu’ils habitaient à l’épo-
de Lelex régna sur la Laconie à une que de la guerre de Troie était situé
époque très-reculée; il est considéré sur les versants de l’Ida. Leur ville
comme enfant de la Terre, autrement principale, nommée Pédasus, s’élevait
dit autocbthone. C’est lui qui donna sur les bords du fleuve Satnioeis, qui
son nom aux peuplades léléges, qui paraît être le même que le Touzla-
apparaissent à différentes époques de Tchaï (I). Elle était déserte au temps
rhistorre, tantôt en Thraee, tantôt en de Strabon, et son emplacement même
Troade, et sur les autres points de la était ignoré. On sait cependant qu’elle
côte d’Asie. Hésiode, cité par Stra- était dans les hautes régions de l'Ida.
bon <2), attribue a Locnis la gloire » Il habitait la ville élev^ de Pédasus,
d’avoir réuni en une peuplade les Lé* sur les rives du beau Satnioeis (2). » En
léges, • que la sagesse infinie de Ju- suivant littéralement la géographie d’Ho-
piter tira du sein de la terre pour en mère , on doit placer les Léiéges immé-
taire lessufets de Deucalion ». Ces tri- diatement après le cap Lectos.
bus errantes sont assimilées parStrabon On donne aussi au golfe d’Adramyt-
aux Cancones, dont l’origine remonte tium le nom de golfe d'Ida, parce que
également aux premiers temps de l’his- la colline qui remonte, du cap Lectos
toire asiatique. vers lemont Ida se trouve au-de.ssus
Aristote l.'i) avait écrit sur les mi- du commencement de ce golfe, où, sui-
grations de ces peuples, sur leurs mé- vant Homère, habitaient d’abord les
ianses avec les Cariens; il est d’accord Léiéges. (iette topographie est.très-
avec Pausanias pour admettre qu’ils exatde. Les Giliciens auraient été plus
ont habité pendant quelque temps le reculés vers l'intérieur du golfe , s’ils
continent de la Grèce européenne ; ce- ont en habité la ville d’Antan-
effet
pendant Strabon, précisément dans le dros, place d’une certaine importance,
même pas.sage, nous fait connaître que située sur la côte, et dont l’origine est
dans antiquité certains auteurs ont
I incertaine (3). Elle aurait été fondée
regardé les Léiéges comme le même par les Pélasges ou par les Æoliens.
peuple que les Cariens. Hérodote n’est Elle a été, suivant d’autres historiens,
occupée pendant cent ans par les dm- divisent en plusieurs groupes de mon-
inériens d'où elle prit le nom de
, tagnes, dont les caractères sont parfai-
Cinimeris (1). Cette ville a été un siés;e tement tranchés. Le plus célèbre et
épiscopal, et Zosime, sou évéque, sous- le plus important est le mont Gargare,
crivit au concile de Constantinople , situé immédiatement au-dessus de
sous Agapit et Ménas. Pline (3) nous l^ctos. Nous avons vu les terrains vol-
apprend qu'elle fut primitivement ap- caniques commencer aux sources
pelée Édonis. Antandros, Edonisprius chaudes de la Troade; l’action des
rocata, deiiide Cinimeris. feux souterrains a soulevé toute la côte
Le port Aspaneus était dans le voi- du golfe. Partout ce sont des scories
sinage ; c’est là qu’on apportait les bois et des dépôts de laves très-abondants,
de la montagne pour la construction recouvrant les terrains ignés plus an-
des navires (3). I^s ruines d’Antan- ciens, les trachytes et les porphyres.
dros se trouvent dans l’angle nord-est Ces éludes appellent encore l’attention
du gol^; on y a découvert plusieurs du géologue : il est intéressant de dé-
inscriptions (4). Toute la côte nord du terminer quel est le centre de ces
golfe d’Adramytte est presque en ligne épanchements qui s’étendent depuis
droite; à peine avons-nous trouvé un ce cap jusqu’au centre de l’Asie Mi-
mouillage pour la Mésange; il n’y a neure, et dont 011 retrouve des trace.s
pas d'apparence d’ancien port ni d'ar- dans tout le nord de l’tle de Méiéliii.
senal pour y placer Aspaneus; rien La minéralogie de cette contrée fut
n’indique Astyra , bois et temple de dans l’antiquité l’objet de recherches
Diane. Bien plus, Adramyttium, qui, importantes et variées. Sans parler des
selon Strabon, est placé tout près de ce mines d’or d’Astyra, dont le gisement
lieu : jtXrjolov ÿ £Ù0ù{ ’ASpapiTtiov, avec était déjà perdu du temps des Ro-
un port et un arsenal, est bien loin mains, bn trouvait dans les environs
dans les terres. Tous ces terrains ont d'Assos une pierre qui était particu-
changé d’aspect, sans doute par suite lièrement employée pour faire les cer-
des atterrissements du fond du golfe ; cueils, et qui avait la propriété de con-
maintenant les navires mouillent en sumer les chairs, d’où on lui donna le
pleine côte, et l’Adramytte moderne est nom de pierre sarcophage. Il était bien
située à plus d’une lieue dans l’intérieur. naturel de penser que parmi les tom-
Après avoir parcouru toute la lon- beaux antiques, qui sont nombreux
gueur du golfe pour bien reconnaître aux environs de la ville, j’aurais re-
la topographie générale, la Mésange trouvé un échantillon de cette pierre.
vint mouiller dans une. petite crique Or tous les tombeaux d’Assos sont en
appelée Sivridji Liman. La côte est pierre volcanique, et particulièrement
tellement accore, que le capitaine fut en trachyte. 11 existe, en effet, cer-
obligé d’envoyer une amarre à terre; taines laves imprégnées de substances
il n’est pas probable que le port d’As- salines, qui pourraient avoir une action
sos, dont il est souvent fait mention, sur les corps qu’elles renfermeraient.
ait été situé en ce lieu. Nous étions à J’ai observé à Milo des laves conte-
l’ouest de la montagne d’Assos, et je nant une notable quantité d’alun (sul-
descendis à terre avec les officiers, fate d’alumine); mais la vertu de ce
pour me rendreà cette ville, qui dominait sel est précisément de conserver les
le petit port à plus de trois cents chairs plutôt que de les anéantir. Les
mètres. sels vitrioliques et arsénicaux ont la
Les versants méridionaux de l’Ida sè même propriété ; je ne puis reconnaître
dans les trachytes des tombeaux d’As-
sos la pierre sarcophage, et j’avoue qui
(«) Cf. Ptol., liv. V, ch. a.
(a) Liv. Il, eh. 96. sur ce sujet mes recherches n’ont eu
(3) Virgile, Æii., III, 5. Strabou, 3C.III,
aucun résultat satisfaisant, car l'obser-
606. vation me conduit à un résultat diamé-
(4) roy. choi'ieul,f'oyage de la Grèce, tralement opposé, savoir, la conserva-
tome II, p. 79. Boêckh, Corpus Jiucriptio- tion des corps dans des pierres volcani-
sum, Ionie III [Addendn), ques imprégnées d’alim.
200 L’UNIVERS.
J’ai le filateau de la ci-
observé, sur couverts de verdure. De temps à autre
tadelle d'Assos, de grandes quantités j’aperçus des fondrières dont les parois
de scories ferrugineuses dont j’ai rap- sont .soutenues par des blocs de basalte
porté de nombreux eebantillons. Il est verticaux, qui tendent à la forme pris-
clair qu'à une époque inconnue il a été matique.
établi en ce lieu des fourneaux de J'arrivai bientôt à un grand chemin
forge. J’avais d’abord pensé que ces pavé qui n’est autre chose qu’une des
,
maison royale; mais le philosophe et en décrivant les ruines des villes, que
son ami Xénocrate quittèrent prudem- les ouvrages des premiers habitants
ment Assos et l’Atarnée, et les Perscsy aient été défigurés ou remplacés par
rentrèrent en vainqueurs. des constructions mesquines des temps
Assos suivit la destinée de toutes postérieurs. La ville d’Assos n’offre
les villes de ces parages du gouverne-
:
pas ce désavantage , et Ton peut étu-
ment de Lysimaque elle passa sous,
dier dans ses murailles le plus bel
celui des rois de Pergame, et les Ro- exemple de construction hellénique
mains en prirent possession à la mort que les siècles nous aient conservé. La
d’Attale. III. Cette ville a produit quel- ^rfection de cet ouvrage est telle
ques hommes célèbres dans les let- comme art et comme genie militaire
tres Strahon nous a conservé leurs
;
ancien , que les Romains n’ont rien
noms. A côté de la statue d’Aristote, trouvé à y ajouter ou à en retran-
on montrait dans le temple d’OIympie cher.
la statue de Sodamas, citoyen d’ Assos, Tous les murs sont construits en
le premier des Æoliens,” dit Pausa- grands blocs de trachyte, sans mortier
nias (I ), qui ait été couronné aux jeux ni ciment (I).
olympiques.
(i) Je parle souvent du trachyte dans la
Assos reçut la visite de saint Paul
description des villes. Je dois dire aux per-
et de saint Luc , lorsque ces apôtres
sonnes étrangères à la géologie que le Ira-
vinrent prêcher dans la Troade. Une chyleest une roche seaiblab'e au porphyre;
église des premiers siècles atteste que le elle eu a l'aspeci et la dureté, et ne s’en
christianisme s’y établit de bonne disliugiie que par des caractères niiuéraio-
heure. Assos devint une ville épisco- giques |>eu apparents. Il n’y a pas longtemps
que les géologues ont séparé les uarhyles et
(i) Lit. VI, oh. i. les porphyres.
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,
303 L’UNIVKRS.
En commençant le tour des mu- ai pas retrouvé de traces. On remonte
railles par l’angle nord
on observe , vers le nord , jusqu’à une porte encore
d'abord un petit bastion carré d’une assez bien conservée , mais qui n’avait
construction différente des murs. Il est ni le luxe ni l’importance de la pre-
bâti, partie a joints irréguliers (cyclo- mière. Çette porte est aussi placée au
péens), partie en assises régulières, fond d’un angle rentrant ; ce qui
mais en gros blocs à bossages; il a prouve que cette disposition a été
0"',G0 de large sur tl™, 10 de long. prise par système, et en effet cela s’ex-
La tour qui en e.st voisine est demi- plique.
cimilaire ; son diamètre intérieur est Les murailles du nord-est ont com-
de 7“,20, et le mur est épais de plètement disparu; je pense qu’elles
L’appareil de ces murailles est unique auront été employées dans la construc-
dans l’antiquité. Elles sont composées tion des tours du moyen âge qui cou-
de deux parements reliés par des par- ronnent la citadelle.
paings ; mais l’intervalle entre les Un mur. d’une épaisseur moindre
deux parements est creux. L’entrée de que les remparts extérieurs, joint le |
la tour est une arcade en plein cintre, pied de l’acropolis et l’angle rentrant
'
circulaire; toutes les autres sont car- la ville en deux quartiers distincts.
rées. C’était un usage chez les Perses, qui
Le piton de l’acropole forme en ce lieu se retrouve encore dans les villes per-
une croupe autour de laquelle on a fait sanes modernes. Il y a certaines par-
tourner les murailles. Toutes les tours ties de la ville où les remparts forment
sont construites dans le même sys- terrasse. Ils sont alors percés de dis-
tème ; un fortin domine l’angle nord- tance en distance de canaux de l".30
est de la ville ; ensuite les murailles de hauteur etde0™,20 de largeur, pour
reviennent vers le sud jusqu’à la po- donnerissue aux eaux. Toutes les pierres
terne. sont à bossages et appareillées avec le
Le grand chemin qui est tracé le plus grand soin.
long de ce mur est le seul qui soit La longueur totale du périmètre de
sur un plan horizontal aussi a-t-il
: la ville est de 3,103 mètres.
été choisi pour y placer les tom- Les mesures sont prises à partir de
beaux. De nombreux sarcophages, l’angle nord-ouest de la ville, à la brè-
tous du style grec, c’est-à-dire avec un che qui se voit dans le rempart.
couvercle à oreillettes, sont encore en
ilace. Iis ont tous été ouverts ; mais CHAPITRE XXIV.
fes couvercles rompus sont restés sur
porte de la ville est a l’extrémité de la Tantôt les portes étaient au fond d’une
voie des tombeaux. Je la décrirai plus enceinte carrée ou circulaire , dont les
bas. cornes étaient défendues; tantôt la
le même soin, et sont prescfue partout disposées les portes d’Assos. La porte
conservés, excepté dans la partie basse principale est au nord-ouest de la ville;
de la ville , où l’action inces.sante des elle se compose, en plan, de deux tours
eaux de la montagne les a emportés. carrées formant une saillie égale à leur
Un autre fortin, diagonalement opposé épaisseur, entre lesquelles s’ouvre la baie
au premier, mais plus étendu, défend de la porte. Une petiteenceinte, dont le
la pointe sud de la ville. J’ignore s’il mur ne s’élève que de quelques mètres
existait des portes de ce côté : je n’en existe encore au côté de la ville. On
.
quité ont conservé et leur nom et une geance des Perses; ils furent tous massa-
population nombreuse. crés par Arsace, lieutenant de Tissa-
La moderne Adramytte compte en- pherne (I). Les rois de Pergame héri-
core aujourd'lini plus 'de huit mille ha- tèrent du territoire d’Adramyttium qui
bitants ; elle est le chef-lieu d'un sand- leur fut concédé par les Romains après
jak et fait un commerce considérable la défaite d'Antiochus. Adramyttium,
avec les autres villes et les Iles voisines. de gré ou de force, s’attacha au parti
Son territoire, largement arrosé par des de Mithridate, et pour obéir à l'ordre
sources et de nombreux cours d’eau, qu’il avait donné, aans un accès de dé-
produit de l'huile, du blé, des ligues, mence, d’égorger tous les citoyens ro-
de la soie des laines et du tabac. Les
,
mains, son lieutenant Diodore Gt as-
familles grecques et turques y sont sassiner tout le sénat des Adramyltiens,
dans des proportions à peu prés égales. et pour éviter la vengeance des Romains
La ville est situéeen plaine; elle n'a Gnit par se laisser mourir de faim dans
oint de murailles ; les maisons sont la ville d'Amasie. Les Adramyttiens,
âties en bois selon la mode de Cons- accusés d’avoir trempé dans ce crime,
tantinople et de Smyrne et sont pres- envoyèrent à Rome Xénoclès, un de
que toutes situées au milieu de jardins leurs plus célèbres orateurs , pour plaider
où la vigne se mêle aux autres arbres leur cause devant le sénat
fruitiers. Des oliviers d’une hauteur pro- Quoique la ville d’ Adramyttium n’ait
digieuse bordent le chemin qui conduit jamais été citée comme place de guerre,
de la ville à la mer et donnent à tout néanmoins, du temps (les Ro-
elle avait
le pays l’aspect le plus champêtre. Adra- mains,
)
un port et un arsenal dont il ne
inytte n'oifreaucun vestige de monu- reste plus de vestige. est à croire qu’à
Il
ment ancien ni moderne, les mosquées cette époque elle était beaucoup plus voi-
s'y distinguent à peine des autres ha- sine de la mer qu’elle ne l’est aujour-
bitations ; en un mot de tous les sou- d’hui ; les torrents et les alluvions ont
venirs des temps passés Adramytte n'a^ formé une partie du territoire qui la
conservé que son nom ; elle passa dans' sépare de la côte. Une petite rivière ap-
une obscurité profonde toute la période pelée Ak-sou charrie une quantité de
du moyen âge, et n'éprouva qu'un léger limon qui se dépose sur le rivage. Si en
contre-coup des événements sinistres effet Adramyttium occupe l’emplace-
qui désolèrent cette côte au moment de ment de l’ancienne Pédastis , cette ri-
la révolution grecque. vière représente le Satnoeîs souvent
La fondation de la ville d’Adramyt- mentionné par Homère (3).
tium remonte à une antiquité très- Dans le fond du golfe et non loin
reculée. et selon la tradition conservée d’Adramyttium nous devons mention-
par Pline (I), elle serait antérieure à ner la ville d’Astvra avec un temple de
celle de Troie, si en effet on doit l'i- Diane Astyrène situé dans un bols .sacré
(3)
dentiGer avec l'ancienne Pedasus, ville propriété des habitants d’Antandrns.
et (4)
des Léléges. Lorsque tout ce terri- Ce lieu est aujourd'hui inconnu; on
toire fut soumis aux rois de Lydie, iourraiten retrouver l’emplacement sur
un frère de Crésus, nommé Adramys fa côte nord du golfe. Près d’Asiyrn
rembellit de monuments et lui donna il
y avait un lac nommé Sapra plein
son nom. C’est ainsi qu’elle passa pour de gouffres et dont les eaux se déchar-
avoir été fondée par les Lydiens. Adra- geaient dans un endroit du rivage hordé
inytte reçut une colonie d’Athènes et de rochers; toutes ces indications per-
re.sta dans l’alliance des villes de la mettraient de retrouver le site d’A,s-
Propontide, dont elle suivit presque tyra (4).
toujours la fortune. T.es Athéniens y Le promontoire de Pyrrha opposé à
transportèrent les habitants de Délus Lectum formait la corne sud du golfe
lorsque cette lie fut soumise à la puri-
Geation. Mais la révolte d’Athenes (i) Paiii^anias. V, 27 .
ogie
30S L’UNIVERS
d'Adramyttium ; il était éloigné de cent tout ce pays fut le théâtre des premières
vingt stades ou vingt-deux kilométrés expéditions d’Achille.
de ce dernier cap et se distinguait par
un temple de Vénus. Le cap Canæ ou CHAPITRE XXVI.
ACgæ, qui donna son nom à la mer
Egée, formait la du
golfe Elaï-
limite HECATONNÈS8. PITANB.
tique. Canæ était une petite ville des
Locriens ; elle était située au pied d'une Dans le détroit entre Lesbos et le
montagne entourée au midi et au cou- continent il a un petit archipel
qui
y
chant par la mer (I). offre un excellent mouillage; ou l'appe-
La cdle du golfe Ëlaïtique était con- lait dans l'antiquité Hécatonnèse qui
est interprété de deux manières par les
nue sous le nom de Acté (rivage) des
Mityléniens, la plupart des villes de écrivains anciens. H tenait son uom
cette région ayant été fondées par les d’Apollon Hécatéus, ou ce nom signi-
habitants de cette Ile. fiait tout simplement les cent lies. Il est
Pline mentionne plusieurs autres rii connu des marins modernes sous le nom
yières qui des hauteurs du Gargara se deMosco Nisi (les Iles aux veaux). .Atar-
jettent dans le golfe d’Adramytte no- née, dont l’emplacement estaujuurd'hui
tamment les rivières Astron, Carmalus, inconnu , donnait son nom à un terri-
Eryannus, etc.; mais il estimpossible, à toire étendu dont la fertilité était pro-
défaut d’autres renseignements, d’en verbiale. Cette ville a conservé quelque
déterminer la position exacte. Il eu est célébrité parce qu’elle fut le lieu de ré-
de même du fleuve Evenus qui sidence d’Aristote pendant que sou oncle
four-
nissait de aux habitants d’Adra-
l'eau Hermias gouvernait le pays. Elle fut
niyttium (2), sur les bords duquel
et ensuite donnée aux habitants de Cbio
de Lyrnessus,
était située l’antique ville pour les récompenser de leur trahison
détruite pendant le siège de Troie; ce envers Pactyas, qui fut livré par eux
dernier fleuve venait du sud , puisqu’il entre les mains de Cyrus. H est vrai que
coulait prés de l’ancienne Pitane. dans la suite ces insulaires eurent hor-
telle était la puissance de la poésie ho- des vivres et enlever les moissons de
mérique sur l’esprit des peuples grecs, l’Atamée ; mais ce pays était occupé par
que le nom de ces deux villes resta tou- Harpagus, général perse, qui livra un
jours attaché au territoire qu’elles ont combat dans lequel Hvstiée fut pris et
occupé, et ces contrées ne furent Jamais mis à mort dans la ville de Sardes (2).
désignées que sous le nom des plaines Malène, qui fut témoin de la défaite de
de Thébé et de Lyrnessus, Strabon ce général, était située au sud d’Atarnée
croyait que de son temps il existait en- et sur la rivedroitedu Calque. Ici s’ouvre
core quelques vestiges de ces deux une grande vallée courant de l’est à
villes; il place la première à soixante l’ouest qui sépare la Mysie de l’Æolide.
stades au nord et la seconde à quatre- Toutes les villes placéesau nord du fleuve
vingts stades au midi d’Adramyt- appartiennent à la première de ces pro-
tium. vinces; mais sous le règne des rois de
Selon Strabon, les deux villes de Pergame ces frontières furent confon-
Chrysa et de Cilla étaient situées dans dues ; nous conserverons l’ancienne ex-
le voisinageimmédiat d’Adramyttium ; pression géographique.
Un peu au nord de l’embouchure
(i) Strab., XIII, 6i5.
(a) Strab., XHL 614. (i) Hérodote, liv. I, ch. 16 1.
(3) //., VI, 4i5. (a) Hérodote, liv. VI, ch, a8.
,
Grèce du joug des Ottomans. Lesbos et et après avoir reçu les eaux du fleuve
Cliio, qui ont payé de leur sang ces pre- Sélinus qui vient (|u mont Pindasus et
mières tentatives d’affranchissement passe à Pergame, on l’appelle Bergamo
attendent encore l’heure de leur déli- tchaï . 11 reçoit encore les eaux de deux
vrance. petites rivières, le Mysins venant des
Kidonia, dont le nom turc est Aïvali montagnes au nord de Pergame et le
(la ville des Coings) fut fondée dans
,
Cetius qui prit son nom des Cétiens,
nie voisine, mais à une époque inconnue. sujets de Télèphe (1). Une partie du
Les habitants, presque tous Grecs, se bassin inférieurdu Caïque portait le nom
transportèrent sur le continent et bâ- de plaine Apia, célèbre autrefois par sa
tirent une ville du même nom. Adonnés fertilité. La route de Pitane (Tchan-
à la marine et au commerce, ils ne tar- derli) à Pergame suit les bords du
Caïque ; elle est bornée au nord par une
(i) Sirab.,XIII, 614 .
(») Banduri, Anonyme de Comt.\ u I". (i) StraboD, XIII, 6i5.
::08 L’UNIVKRS.
chaîne trachytique qui forme les der- semblance frappante. IVouscroyons donc
niers échelons du moût Gargare; la dis- sans forcer en rien les traditions his-
tance entre Tchauderli et Pergame est de toriques que ces deux tumulus doivent
viugt kilom. La montagne du chAleau être cousidérés comme les tombeaux
domine toute la vallée et s'aperçoitd’une d’Augé et d’Andromaque. C’est une
distance de plus de vingt kilomètres. tout autre question de savoir si en réa-
lité ces deux héroïnes ont reçu leur
CHAPITRE XXVIl. sépulture en ce heu ; nous voulons seu-
lement dire t|ue ces deux tertres sont
PEBOAME. ceux que du temps de Pausanias on
considérait comme leurs tombeaux.
A de la ville de Pergame
l'entrée Si l’on s’eu rapporte à la citation de
s’élèvent deux monticules couverts de Pausanias, Pergame a été fondée par
verdure et qu’au premier coup d’œil on le héros, lils d’Andromaque, nommé
reconnaît pour être deux tumulus éle- Pergamus, et la veuve d’Hector retrouva
vés de main d'homme. Ils sont en tout dans ce nom un souvenir de la citadelle
scmblaliles a ceux de la plaine de Truie ; troyenne. Mous |>ouvons croire cepen-
ils n’offrent à l’extérieur aucune trace
dant que ce nom de Pergame a uue
de construction. L’un d’eux porte le racine étrangère à la langue grecque,
nom de .Maltépé; il a environ soixante Perg ou Rerg, qui siguiGe montagne.
mètres de haut et cent quarante mètres Il sê retrouve aussi dans le nom de
de diamètre ; l’autre est d’une dimension Perga, ville de Pamphylie qui est situee
un peu moindre. Ces monuments, qui exactemem de la même manière que le
datent de l'âge héroïque, nous parais- Pergama de Troie, et la ville de Per-
sent avoir été clairement désignés par game. Rien longtemps avant que le site
Paiisanias et se rattacher au nom et à la de Perga fût retrouvé, un critique avait
fondation de Pergame. soupçonné que cette ville devait occu-
Après la mort d'Hermione, Pyrrhus per un lieu élevé, et cette conjecture
épousa Andromaque, dont il eut trois s’est vériüee (I). Les premiers siècles de
). Après la mort de Pyrrhus, ses
lils ( 1
l’existence de Pergame se perdent dans
se séparèrent, a Pergamus, accompa-
lils les ténèbres de l’antiquité; la première
gné de sa mère Andromaque, alla cher- meniiou, qui remonte aux temps histo-
cher fortune en Asie, et s’étant arrêté riques, se trouve consignée dans le récit
dans la Teuthranie, où régnait Arius, de Xéiioplion (2). Ge général trouva
il tua ce prince dans un combat singu-
chez les frères Gorgion et Gongyleune
lier, se mit à sa place et donna son nom généreuse hospitalité, et partit de Per-
a la ville. On voit encore, car Andro- game pour faire une excursion chez les
maque l’avait accompagne, leurs tom- Perses , maîtres de la contrée.
beaux dans la ville. « Le même auteur (2)
fait au.ssi mention du tombeau d’Augé, CHAPITRE XXVIll.
mère de Tèléphe, qui se voyait à Per-
game. La description qu’en fait l’auteur OJtteiNK nu ROYAUME DE PERGAME.
grec est aussi explicite que possible — PHILÉTÉHE. — EUME.NK.
et se rapporte parfaitement au tu-
La position formidable du château de
mulus qui s’élève à l’entrée de la ville.
Pergame avait été remarquée par Lysi-
•t Et encore aujourd’hui le tombeau
maque, qui le choisit pour y déposer
d’Augé se voit à Pergame, qui est au-
ses trésors, estimés 9,000 talents ou
dessus du Calque; c'est une butte de
47,000,000 de francs; il en conGa la
terre (/.wfra YÏ?) entourée d’un soubas-
garde à Philétere de Tium en Paphla-
sement de pierre. « Ce sont presque les
gonie (3). Ce personnage, qui d’un poste
mêmes paroles qu’Hérodote emploie
pour décrire le tombeau d’Alyatte et en
(i) Voy. Pline, éJ. de 1770, Irad. de
effet les deux monumeuts ont uue res-
Poiminel, liv. V, cli. 3 a.
(a) Anal)., X'II, 8, 4.
(i) Paiisanlas, liv. I, eiiap. m. ( 3 ) Siraboii, XIII, 6t3, dit qu'il naquit à
(aj PaiiMiiias, liv. Vlll, cb. 4 . l'yaua en Cappaduce.
,
21U L’UNIVERS.
La puissa nce d’Âttale, accrue par cette EUHÈNE II.
\ictoire, le mit à même
de se mesurer
de nouveau avec les rois de Syrie, ses Euliiène II , fils d'Attale et d’Apollo-
ennemis naturels. Séleucus Céraunus nis de Cyzique, succéda à son père, et
marcha contre le roi de Pergame ; mais demeura l’allié des Romains dans la
soulevés firent une irruption en Syrie somme de quatre cents talents tant pour
et forcèrent Achæus, qui marchait con- ce qui lui était dû que pour le blé qu'il
tre Pergarae, de revenir sur ses pas. avait fourni aux rois de Syrie. Mais
Dans ces conjonctures la plupart des tant de prospérité finit par faire naître
villes de l'Æolide et de la Mysie firent le soupçon de la part de ceux mêmes
leur soumission ; les habitants de Téos qui avaient comblé de faveurs le roi de
et de Colophon envoyèrent les clefs de Pergame ; il fut accusé de favoriser en
leurs villes ; Cymé, Smyrne et Phocée secret l’ennemi des Romains, et comme
furent annexées au nouvel État, et le un ii’avait aucune preuve certaine, on
prince Attale fut proclamé roi. Il fit al- envoya Tib. Gracenus en Asie comme
liance avec la république de Byzance commissaire pour examiner la conduite
et sut également acquérir l’amitié des de ce prince. Aucune charge ne s’étant
Ahodiens. Cette ligue des deux répu- élevée contre lui, sur le témoignage fa-
bliques avec le nouveau roi avait pour vorable que le commissaire Gracchus
but de s'opposer à la tyrannie des princes adressa au sénat, les Romains rendirent
grecs, qui s’emparaient de toutes les à Eumène leur ancienne amitié.
côtes et imposaient des charges intolé- Les mauvaises dispositions de la ré-
rables au commerce maritime. Les rois publique avaient motivé un décret du
de Bithynie avaient pris part dans ce sénat en vertu duquel toutes les statues
conflit, et remportèrent d’abord quel- de ce roi seraient enlevées de la place
ques avantages sur le roi de Pergame; qu’elles occupaient dans les lieux pu-
mais comme ce dernier avait fait alliance blics. Attale, frère du roi, fit un voyage
avec les Romains contre Philippe de à Rome, et obtint la révocation du décret
.Macédoine (I), il se trouva en mesure Sous le règne de ce prince une ambas-
de résister à tant d’ennemis, et put se sade du peuple romain débarqua au
faire restituer les provinces qui lui iort d’Élée, et se rendit à Pergame dans
avaient été enlevées. fe but d’obtenir la permission de trans-
Philippe, qui faisait la guerre en bar- orter à Rome la statue de la mère des
bare plutôt qu’eu prince civilisé, dirigea ieux, qui se trouvait à Pessinunte.
un corps d’armée contre Pergame. Tous La ville de Pergame dut à Eumène
ses efforts dans l’attaque de cette ville un accroissement considérable ; il ré-
ayant été inutiles, il tourna sa rage para les ravages des dernières guerres,
contre les dieux ; il ne se contentait pas et construisit des monuments magni-
de briller les temples, il brisait les sta- fiques, qui existaient encore du temps de
tue.s ,
renversait les autels et arrachait Strabon; il fit planter et décorer le Ni-
jusqu’aux pierres des fondements. Les céphorium bâti par Attale. Polybe (I)
Ætoliens ayant fait la *paix avec Phi- et .Strabon (2) se contentent de men-
lippe, ce prince retourna en Macédoine, tiout)er ce lieu comme un ensemble de
et le roi Attale accomplit en paix un temples, de statues et de portiques sans
règne de quarante-quatre ans. Il réunit dire quelle était sa destination. Une ins-
sous ses lois tout le territoire qui s’étend cription que nous avons retrouvée sur
jusqu'à Adramyttium et Jeta les pre- le peuchaut de l’acropole de Pergame
miers fondements de la bibliothèque de nous fait connaître que le Nicéphoiium
Pergame. était un temple consacré à Minerve Po-
(i) Voyez les rois de Bylhiiiie, p. 3i. li) Uv. XVI, cil. I".
(i) Uv, xill, 6»4,
ASIK MiNEimt:. 1>11
liade et Nicéphore , auquel était attaché miniaturiste, qui mettait les titres, les
un collège de prêtresses (1). Nous pou- ornements arabesques; le corps
et les
vons présumer que cette inscription se des copistes turcs, appartenant à la classe
trouvait sur l’emplacement même de des oulémas, s’est opposé longtemps à
l’enceinte sacrée qui par conséquent dé- la propagation des livres imprimés.
pendait de l’Acropolis. C’est une erreur de croire que le Coran
Eumène fut réellement le fondateur contienne rien qui soit contraire à l’a-
de cette bibliothèque de deux cent mille doption de l'imprimerie.
volumes dont la perte est depuis tant Il est singulier que les Uomains, qui
de siècles regrettée de tous ceux qui ai- ont connu rem|>loi des cylindres, des
ment les lettres (2). Afin de donner aux sceaux, et des tessères gravées, n’aient
copistes les moyens les plus faciles pour jamais eu l’idée delà reproduction mé-
reproduire les œuvres littéraires, il créa canique de l'écriture; le manque de pa-
des fabriques de peaux préparées pour pier les a arrêtés dans cette voie plus
recevoir l’écriture, et qui depuis ce que toute autre cause.
temps-là ont conservé le nom de la ville
où cette industriea pris naissance, Ver- ATT A LE II.
gamenæ ckartx, dont nous avons fait
le mot parchemin. Le papyrus, dont on Eîumène mourut après un règne de
avait fait usage jusque-la', était cher et quarante-neuf ans, laissant la régence
d'une fabrication difficile. Les princes à son frère et le trône à son jeune fils,
grecs, maîtres de l’Égypte, qui produi- qui régna sous le nom d’Attale III. Il
saitseuleeetteplante, mettaient des obs- était fils de Stratonice, fille d Ariarathe,
tacles sans nombre à la sortie d’un pro- roi de Cappadoce. Attale II, Philadel-
duit dont la consommation allait tou- phe, frère d’Eumène, exerça en réalité le
jours grandissant; la fabrication du par- pouvoir suprême, mais peu s’en fallut
chemin acquit en peu de temps un dé- qu'il ne fût chassé du trône par Prusias,
veloppement considérable et aujour- roi de Bilhynie. Ce prince s’était em-
d’hui encore la ville de Pergame se dis- paré de Pergame et avait renouvelé les
tingue par l’habileté de ses maroqui- scènes de destruction qui avaient eu
niers. Les bords du Selinus sont cou- lieu du temps de Philippe. Mais les Ro-
verts de fabriques de tanneries et de mains forcèrent Prusias à faire la paix
mégisseries, et cette modeste industrie, avecle roi de Pergame et à réparer tous
qui dans le principe fut si utile aux let- les dommages qu’il avait fait souffrir à
tres, pourrait plus qu'aucune autre ré- la ville.
clamer des titres de noblesse, eu égard Attale, pour se venger de cet ennemi
à l’antiquité de son origine et à un implacable, suscita contre lui son propre
exercice non interrompu pendant plus fils Nicomède, qui le tua.
de vingt siècles. Attale devint alors assez puissant
On voyait encore il y a quelques an- pour rétablir sur son trône (1) Aria-
nées à Constantinople le bazar des co- rathe, son beau-père, roi de Cappadoce.
pistes, qui pouvait donner une idée de Il fut maître de la Pbrygie et de la
cette industrie dans l'antiquité et faire Pamphylie, et bâtit les villes d’Attalia
comprendre comment un livre en re- etde Philadelphie, auxquelles il donna
nom pouvait être reproduit avec une ra- son double nom d’Attale Philadelphe.
pidité relative assez grande. Les copistes Dans sa vieillesse il négligea les affaires
du Coran étaient si bien habitués au publiques, s’en rapportant à son favori
caractère et au format de ce livre que Philopœmen. Il finit par mourir empoi-
pas une ligne, pas un mot ne dépassait sonné par son neveu Attale Philumétor.
la page.
T.e livre écrit brut passait entre les ATTALE III.
mains du satineur, de là entre celles du
Le règne de ce prince n'est qu'une
. »•
1 4 .
,
•-1J L’UKIVERS.
palais qui ornaient l'acropolis; car fnrly-nine, and of llie Porlico twenly, (lie
le
sol de Pergame est volcanique, Pillais of which were four feel in diaraeler.
et la
Itis, liüwever, worlhy nf reniark, lhat lhe
pierre à chaux rare aux environs.
tori of the colnmns are .seniptured wilh
Le château de Lysimaque (I ) occu-
wrralhs oflanrel, and tlie Frizes bave deep
fiait le point culminant. Toutes les fon-
fesloons of the same, witb eagle.i, a mode of
dations existent encore, et dans cer-
décoration cbaractei'ising many édifices erec-
taines parties on voit encore des murs
ted in tbe days of Trajaii, who, it is ibere-
fore a fair supposition, was bnnoured by tbia
'
i) Slrd.nn, liv. XHt, |i. édifice.
,
tention. Sur la plate-forme qui est de 2° toutes les dispositions exigées par
chaque cdié du chevet de la basilique Vitruve pour les basiliques romaines
s’élève un édiGce circulaire, ayant sont parfaitement observées dans le plan
Il '",7 2 de diamètre, et des murailles de celui-ci; 3° il est possible que les
d'uue épaisseur de 2”“, 50 environ. chrétiens et les musulmans l’aient, à
Ces deux salles sont également bien une certaine époque, converti en un
conservées; elles .sont faites identique- temple de leur religion; mais sa cons-
ment sur le même plan. Au fond de truction , sinon antérieure aux temps
la rotonde est une retraite quadrangu- chrétiens, est faite du moins pour une
laire de même dimension que la porte destination toute romaine.
d’entrée, et deux autres portes de 2'", 60
de largeur sont percées sur l’axe per- CHAPITRE XXX.
pendiculaire à l’entrée. Une coupole
en maçonnerie couronne cette salle, l’amphitbbaxbe.
dont là hauteur totale est de I5'",82
jusqu’à la naissance des vodtes. Il ne Dans la partie ouest et en dehors
parait pas que dans l’intérieur il y ait de la ville actuelle, il existe une ruine
jamais eu de plafond pour diviser la étendue que les habitants appellent
salle en deux étages. Les portes prin- Gun-ghel-mess (ie 'jour n’y vient point),
cipales sont terminées en voûte qu’on à cause des galeries souterraines, dans
appelle anse de panier, et des blocs de lesquelles on peut encore pénétrer. Ce
marbre, encastrés dans le pourtour ex- monument , qui est souvent décrit
térieur, semblent accuser une décora- comme un cirque, est un amphithéâtre
tion qui a disparu. (1) dont les dispositions méritent d'être étu-
A la naissance des voûtes , en de- diées.
hors, était une ligne de modillons, et Il est établi sur un ravin profond,
la saillie qui apparaît au-dessous est dans lequel coule un ruisseau qui
un tore de marbre orné d’entrelacs. La forme un des affluents du Selinus ; et
rotonde de gauche , la plus voisine du toutes les dispositions que l'on ob-
fleuve ,
communique avec une salle serve encore dans l'édifice prouvent
souterraine, par le moyen d’un escalier que, dans certaines circonstances, les
en hélice. Cette salle est soutenue par eaux du ruisseau étaient arrêtées,
des piliers carrés; était-ce une prison et que l’arène, de l’amphithéâtre était
ou une citerne.’ subitement convertie en un vaste
On pourrait hasarder des conjectures bassin.
sans nombre sur la destination de ces Dans toutè l’Asie Mineure on ne
deux rotondes; mais leurs plans sont trouve que deux ruines d’amphithéâtre,
tellement en dehors des édiflces connus, l’une à Cyzique, et l’autre à Pergame.
qu’il est impossible d’en trouver une Il n’en exi.ste pas une seule dans le
seule tout à lait satisfaisante. I.es Grecs Péloponèse, et Athènes se refusa tou^
de Pergame appellent ces édifices 01 jours à élever un semblable édifice. Si
BQMOI, les autels; ce sont peut-être l’on met en parallèle les ruines de théâ-
tres qui se retrouvent dans chaque ville
(i) Vojfer, la planche 3o. ancienne, on sera convaincu que les
218 L’UiSiVEHS.
Romains out trouvé puiiout une répul- ou en suppliant réclamer de.s secours
sion extrême pour ces sortes de diver- du peuple romain, étaient toujours con-
tissements. Les stades, assez nombreux viés à ce spectacle ; et l’on vit un roi
en Asie, suflisaient pour les spectacles d’Arménie , Tiridate , descendre lui-
ui exigent de l'agilité, de l'adresse et même dans l’arène, et tuer de sa main,
U courage. Mais ce qu’on aura de la en présence de Néron, deux taureaux
peine à comprendre, c’est que ces furieux (1).
mêmes peuples , qui repoussaient les aujourd’hui démontré que tous
Il est
Jeux de ramphitliéâtre, ne se faisaient les atnphithéâtres de pierre sont pos-
pas scrupule de former des gladiateurs térieurs au règne des Césars, et on
pour aller vendre aux Romains. On
les pourrait aller même plus loin, et dire
appelait ces troupes familles de com-
: que le plus grand nombre de ces édiGces
battants. Marc-Antoine en lit exercer a été construit dans une période assez
avant de les envoyer à Rome, où il limitée, et que l’on pourrait renfermer
voulait les faire combattre aux jeux de en trois siècles.
la victoire npbs vobç èjiivfxiüuî iYûvaç. Le système d’appareil est le seul
Une inscription de Plie de Cos fait men- moyen déjuger l’époque de la construc-
tion de la troupe de gladiateurs qui tion d’un édifice sur lequel il n’existe
avait paru aux spectacles, sous l’ar- aucun autre renseignement; et dans
chontat de Lucius Paconianus. An- toutes les provinces de l’empire romain,
térieurement à l’établissement de la les amphithéâtres offrent entre eux une
puissance romaine en Asie , existait-il plus grande ressemblance qu’aucun
des confréries de gladiateurs qui fai- autre genre d’édilice.
saient leurs exercices aux funérailles En comparant un grand nombre
ou aux panégyries , ou bien les Ro- d’amphithéâtres, notamment ceux de
mains ont-ils transporté en Asie ces Nîmes et de Fréjus, de Cimiez (Cerae-
jeux qui faisaient partie de toutes les nelium), l’amphithéâtre Castrense de
grandes cérémonies (t)? On ne peut Rome, et celui de Rusicada en Afrique,
répondreàces questionsque par des con- on verra que les dispositions générales
jectures; mais tous les documents four- sont partout les mêmes, et la construc-
nis par les historiens tendent à prouver tion n’indique pas une différence d’un
que les premiers amphithéâtres de siècle entre eux.
pierre sont des ouvrages tout romains, L’amphithéâtre de Pergame peut
et dont l’orimoe ne remonte pas beau- être rai^é dans la même catégorie ; et
coup au delà du règne de Titus. Au- quoiqu’il soit eu grande partie dé-
guste avait eu le projet de faire cons- truit, il en reste suffisamment pour
truire un amphithéâtre en .pierre (2) ; qu’on en retrouve toutes les disposi-
mais ce projet ne fut jamais exécuté. tions.
Nous savons, au contraire, que plu- S’il est une chose qui prouve com-
sieurs amphithéâtres de bois s’écrou- bien les combats de gladiateurs étaient
lèrent ou furent incendiés, et causèrent peu goûtés en Asie , c’est la petite di-
de nombreuses catastrophes.' mension de cet amphithéâtre, dont l’a-
La construction des théâtres, au con- rène a les mêmes proportions que celle
traire, remonte presque aux temps hé- de Cimiez, petite ville ignorée de la Li-
roïques. Du moment que les combats gurie. Plusieurs auteurs, et notamment
d’athlètes furent organisés, la construc- Tacite (2), disent néanmoins que les
tion d’un édiGce pour jouir de ce spec- Romains ont pris des Étrusques les
tacle fut la conséquence de celle des combats de gladiateurs. Il ne reste en
théâtres; il n’est pas étonnant qu’aucun
Asie aucun monument écrit ou figuré
auteur n’ait pensé à signaler celte in- qui prouve que ces jeux aient été en
novation. Les rois d’Asie, allant en amis usage avant l’invasion romaine.
L’amphithéâtre de Pergame est dans
(i) foy. l’inscr. du la dédicace du tem- une position qui mérite a’étre étudiée,
ple d’Auguste à .\ucvre, Jsie Mineure,
t. 1". (i) Dion Cavsius.
.Suéliiue, ïn l''rsnnsiar:t>, cap. X. i'i) AunnUs, liv. XtV, ch. ïo.
ASIE AHiNEl'RE.
jj^icu (ju’il toucourt à prouver que quera dans le plan que les ga s du • i
les spectacles aquatiques faisaient né- grand axe ne sont pas semblables. Ce
cessairement partie des divertissements qui prouve que ces galeries ont donné
que l'on offrait au peuple avec les chas- de tout temps issue au ruisseau, c’est
ses et les luttes d’hommes et d’ani- qu’il existait à droite et à gauche de’
maux. chacune d’elles des couloirs qui con-
Le grand axe de l’arène a seulement duisaient dans l'arène. Il n’est pas pos-
51 mètres de longueur, et le petit axe sible que cette arène, convertie en nnu-
37 mètres. L’épaisseur des construc- machie , ait présenté assez de surface
tions est partout de 43 mètres de large, pour y donner des joûtes ; on devait se
ce qui donne 136 mètres et 138 pour contenter d’y faire combattre des ani-
les axes extérieurs. La différence n’é- maux amphibies, des crocodiles, des
tant que de 8 mètres, le monument hippopotames, que d’habiles nageurs
devait paraître circulaire ; et le grand allaient attaquer au milieu des eaux.
nombre de gradins , qui , déduction Quelquefois des troupes de nymphes,
faite des précinctions , devaient s’é- jouant de la conque marine , venaient
lever au moips à trente, diminuait en- varier les exercices nautiques.
core pour l’œil les dimensions de l’arène.
Les constructions du portique d’en- LE CHXTÈBR BE MABBRE.
ceinte sont extrêmement massives, et
les galeries se trouvent hors de propor- On conservait dans la grande salle
tion avec les épaisseurs des pilastres. d’un bain turc un vase de marbre de
La galerie du grand axe offre au con- grande dimension dont les sculptures
traire un développement inaccoutumé, avaient de tout temps attiré l’attention
tant dans sa longueur que dans sa lar- des voyageurs. Spon estun des premiers
geur. Cet axeest oriente, à peudechose qui aient signalé ce monument. Nous le
près, nord et sud ; la galerie du nord retrouvâmes en 1837 et vers cette épo-
(celle qui est à droite) se trouve pour ue le sultan Mahmoud lit hommage
ainsi diresuspenduesurl’abime. ra- Un e ce vase au gouvernement français ;
vin tres-encaissé, et dont les rives sont à il est aujourd’hui conservé dans uiie des
pic, se prolonge dans toute
direc- la galeries du Louvre. Ce vase est de forme
tion de l’axe, il est indubitable que ce ovo'ide sans base ni col ; il est entouré
large fossé était couvert par un plan- d’un bandeau sur lequel sont sculptés
cher de bois, car il n’existe aucun arra- douze cavaliers courant au galop. Des
chement de maçonnerie. cannelures et des entrelacs complètent
En pénétrant avec beaucoup de difû- la décoration, qui ne manque pas de
culté sous le sol de cette galerie, on ar- grâce. Les opinions se sont partagées
rive à une porte qui donne dans le sur la destination autant que sur la
vide. 11 fallait encore là un système d’es- forme première de ce monument. On
caliers ou de plans inclinés en bois. Il voit sur certaines médailles de Pergame
est probable que les gradins étaient de un vase d’une forme presque sphérique
même matière. contenant des palmes destinées aux
La
largeur des arcades est égale à vainqueurs des jeux. On a pensé que
celle des piliers, ce qui donnait à l’édi- tel avait été l’usage du vase de Pergame.
lice un aspect assez lourd. Toute la D’autres ont imaginé que le monument
première précinction était en contre- était incomplet et qu’il avait autrefois
lins du sol extérieur ; les galeries com- une base, un col et des anses; en un mot
muniquaient de deux en deux à cette que c’était un véritable cratère monu-
précinction. Les autres arcades don- mental comme les anciens avaient l’ha-
naient accès aux escaliers qui condui- bitude d’en dédier dans les temples ou
saient dans la partie supérieure. Il y d’en offrir en présent comme symbole
avait dans le pourtour de l’édiQce d’une alliance contractée. Les Lacédé-
quarante arcades, plus celles qui com- moniens, ayant accepté l’alliance pro-
muniquaient aux axes; mais les ar- posée par Crésus, Orent faire un cratère
cades du petit axe n’étaient aucune- d’airain orné jusque sur les bords de
ment distinguées des outres. On remar- figures sculptées, et voulurent en faire
LIVRE IV
ÆOLIDE — LYDIE.
CIIAPIÏRK PREMIER. ayant succédé à celui des princes troyei'.»
dans toute la contrée qui avait été ra-
!:T tBLISSEMBMT SES ÆOLIE.NS SUR vagée par les Grecs il est à croire que
,
loponnèse qu’il existait non loin de niers possédaient des châteaux et des
leurs côtes un pays accessible aux tri- villesfortiQés, notamment Larissa; mais
bus aventurières. Les compagnons ils avaient été fort affaiblis par la
d’Agamemnon n’étaient pas tous re- guerrede Troie (3). Les Grecs parvinrent
tournés en Grèce après la ruine de à les dominer, et les incorporèrent
Troie, après avoir erré sur ces côtes dans leurs nouveaux centres de popu-
inconnues , ils avaient fondé plusieurs lation. Les écrivains grecs remarouent
villes; Mnesthée et les Athéniens qui que le peuple pélasge finit par dispa-
l’av.-iient suivi sur la côte d'Asie avaient raître à l’époque où les Æoliens et
fondé la ville d’Élée. Les Æoliens, les Ioniens vinrent s’établir en Asie.
chassés de leur pays par les Thessa- Nous devons en conclure qu’il s’opéra
liens venus de Thesprotie (2), n’arri- une fusion entre les peuples de même
vaient donc pas dans un pays tout à race. Les I.éléges, au contraire, furent
fait étranger. Leur première migration repoussés vers le sud, et s’établirent sur
remonte à soixante ans après la guerre les frontières de la Carie, où on les re-
de Troie; elle est contemporaine du re- trouve dans les siècles suivants.
tour des Héraclides dans le Pélopon-
nèse. Le pouvoir des rois de Lydie (i) Hérodote, liv. I, ch. i5i.
(i) Hérodote,VIII, 176. Strabon, XIII,
(i) Hérodote, T'ila Homen. 6o3.
(i) Hérociolo, Vlï, t7<î. (H) Sirabon, XIII, Saa.
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222 L’UNIVERS.
Les premiers .Eoliens qui s'aven- eux le commerce était libre, et aucuu
turèrent sur les côtes étaient conduits droit ne grevait les navires à l’entrée
par l'entliile, fils d’Oreste.roi d’Argos. ou à la sortie du port. Ce premier essai
Ils s’étal>lirent dans l’ile de Lesbos, et de libre échange, tenté ily a plus de deux
cette île fut considérée comme la ca- mille ans, n’était pas du goût des autres
pitale des villes æoliennes (I). Les villes grecques. Aussi les Cyméens,
autres Grecs arrivèrent quelques années loin de trouver des imitateurs, étaient-
plus tard sous la conduite de Gras , pe- taxés de béti.se et d’ignorance par
ils
de Pentliile (2) et s’établirent
tit-lils leurs voisins, et on inventait sur leur
sur cette partie du continent située compte cent histoires absurdes. Les
entre l’Ionie et la Mysie, à laquelle ils Grecs railleurs allaient jusqu’à dire
donnèrent le nom d’Æolide. qu’ils ne connaissaient pas un âne, et
Dans le dénombrement des villes æo- que la voix de cet animal retentissant
liennes donné par Hérodote (3), il en y pour la première fois avait fait fuir les
a une seule, Pitane, qui est au nord du habitants de Cymé (I). Cet état de li-
Caïque, c’est-à-dire en dehors du terri- berté du commerce maritime n’endura
toire de l’Æolide; les douze villes pas moins pendant trois cents ans. Les
æoliennes sont: Cymé, Larisse, Néon- frais nécessités par les guerres le firent
tycbos, Temuos, Cella, Notium, Egi- sans doute modifier.
rressa, Pitane, Ægæe, Myrina et Gry- Le sol de l’Eolide était d’une ferti-
nium. Une seule ville, Sniyrne, fut dé- lité extrême; les auteurs anciens van-
tachée de la ligne æolienne pour être tent aussi le sol de la plaine Apia ou
jointe h l'Ionie ; aussi ces deux pays de Pergame; mais le climat était moins
furent-ils en hostilité jusqu’au mo- sain que celui de l'Ionie, sans doute à
ment où les Perses firent une irrup- cause des nombreux marécages qui se
tion dans le.s Etats de Crésus. Alors les formaient déjà et qui ont été l’objet des
{leuples grecs se réunirent; les Eoliens remarques des historiens (2).
et les Ioniens envoyèrent à Sardes des La soumission volontaire des E2o-
députés pourofl'rir à Cyrus de se recon- liens à l’empire des Perses épargna à
naître ses sujets aux mêmes conditions leur contrée les désastres que souffri-
que les Lydiens ;4). rent à la même époque plusieurs villes
Le pays occipé par la confédération des côtes.
æolienne était en réalité renfermé Ils furent compris dans la première
cées de plusieurs milles dans la mer. sur ce marbre. C’est le seul monument
Une barre rte sable eucombre l’entrée épigraphique que nous ait offert la Sa-
du fleuve. Toute cette côte est absolu- line aux oies.
ment déserte, sans doute à cause de l’air Les Éléens croyaient que l’air du
pestilentiel qui émane de pays était tout à fait impropre à la
ces marais.
Il est difficile de se peindre l’aspect de
production des mulets ; ils envoyaient
ruine et de désolation que présente leurs juments dans un autre district
cette côte de l'Æolide; pas un bâti- pour les faire féconder par des ânes (1).
ment ne vient mouiller dans ces pa- Adéfaut d’autre raison, on attribuait ce
rages. fait à une malédiction particulière ; car,
selon la remarque d’Hérodote, il n’y
Jugeant impossible d’aborder par
mer, nous nous rendîmes à Pitane et là avait aucune cause apparente ni dans la
nous primes des chevaux pour aborder température ni dans aucune autre cir-
du côté de la terre.
coustance locale.
Une ferme turque où nous ne trou- Kitché keui , le village le plus voisin
vâmes que deux ou trois habitants, qui d’Élée, est abondamment pourvu de
même n’y passent pas sources et de fontaines; mais les mon-
la nuit ,
est la
seule construction de la moderne Elée ; tagnes environnantes sont arides et peu
peuplées; les habitants se procurent de
des forêts de joncs etdesouchet.s servent
l’eau au moyen de puits et de ci-
d'abri à une multitude d'oiseaux aqua-
ternes.
tiques des races les plus variées.
Il fallait pourtant fixer le nom mo-
A une lieue au sud de Ritché keui
derne de cette ville, qui vit si souvent on passe une rivière appeiée Kondoura
tchaï dont le lit a environ cent cin-
les vaisseaux romains apporter d’in- '
nombrables légions, qui fut témoin de quante mètres de large; il prend certai-
la richesse des Attalesct de la lutte dé-
tainement sa source dans la contrée
sespérée deMithridate. C’est à Élée que
volcanique de la Lydie; car les cailloux
qu’il roule dans son cours sont de na-
Scipion, resté malade au moment nu il
ture volcanique; ii nourrit une grande
entreprenait la guerre contre Antiochus,
quantité de tortues aquatiques. Ce
reçut de ce roi un présent bien cher, la
liberté de son jeune fils qui avait été
cours d’eau ne peut être que le fleuve
fait prisonnier en naviguant dans les
Xanthus à l’embouchure duquel était
située l’ancienne Myrina.
mers d’Eubée.
Tout souvenir de ces temps s’est La topographie des villes de l’Æo-
lide est exactement déterminée par.Stra-
évanoui. Elée s’appelle aujourd’hui
iion (2); on peut la résumer dans le ta-
Toiizia Kazleu (la saline aux oies) Quel- .
bleau suivant :
ques pignons de murs sont lee seuls Stnd. KÜom.
vestiges visibles de l’ancienne ville. de Pitane, embouchure
Nous découvrîmes cependant au milieu du Ca'ique 30 5,520
des joncs un bloc de marbre grisâtre Éléc 12 4,208
sur lequel nous lûmes cette inscrip- Grynium 30 5,520
tion ;
Myriiia 40 8,360
Le sénat et peuple ont honoré Titus
le
Cymé 40 8,360
Julius Qiiadratus, consul, proconsul de Neontychos 30 5,520
Crète et de Cyréne, envoyé de l'empereur Larisse 70 12,880
dans la province de Cappadoce, envoyé de
l’empereur et lieutenant général de Lyrie et (i) Héroilnle, liv. 1\, lo.
de Pamphylie , envoyé en Asie pour la '» XIU.
C.UU^It
324 L’UNIVERS.
La ville de Grvniutn fut d’abord jours restée au pouvoir des Perses.
fondée dans une ]le qui s'est trouvée La ville maritime de Myrina avait
par la suite réunie au continent. Elle un port et un arsenal dont les vestig.s
était célèbre par un temple d'Apollon ont disparu sous les alluvions. Selon P.
bâti en marbreblancetqui jouissait du Mêla cette ville a été fondée par My-
privilège d’avoir un oracle, comme la rinus, un des premiers chefs de colons
plupart des sanctuaires de ce dieu. Le qui arrivèrent sur cette côte. Strabon,
temple d’Apollon Grynéen était cé- plus attaché aux traditions homéri-
lèbre dans tout le monde grec; il est ques (I), prétend qu’elle fut fondée
cité par Virgile en deux passages dif- par l’Amazoue Myrina, qui est enterrée
férents (1). La ville deGryulum apparte- dans la plaine de Troie. Elle prit le
nait aux habitants de iMyrina, et du surnom de Sebastopolis (2), sans doute
temps de Pline, elle était déjà déserte. parce qu’elle fut reconstruite par la
Xénophon nous apprend que le roi de libéralité de Tibère (3) après le grand
Perse Artaxerxès lit présent de ces tremblement de terre qui ravagea
deux villes à Gongyle Erétlirien qui douze villes d’Asie et principalement
avait été banni de son pays pour avoir cellesde l’Æolide. Il a été remarque
favorisé les intérêts du roi de Perse (2); qu’aucune médaille ne mentionne ce
ce même Gongyle était déjà maître de surnom.
Pergame. Non loin de Myrina se trouvait un
Gryiiium fut prise par Parménion, et autre mouillage appelé Portus Arclii-
depuis ce temps échappa à la domina- vorum près duquel était un autel de
,
-4
ASIE MINEURE. 225
après que les Æoliens furent établis à trape de Lydie Artapherne marcha
Lesbos , et Sniyrne fut bûtie dix-huit sur l’Æolide et soumit toutes les
ans plus lard. Le commerce que fai- villes (1). Celte campagne était surtout
saient les peuples pélasges avec les entreprise contre Hystiée, qui avec ses
Phéniciens profita aux nouveaux colons, Lesbiens faisait des descentes sur les
qui étendirent leurs possessions au delà côtes de l'Æolide pour se procurer des
des limites de l’Æolide. Ils allèrent vivres. Cymé resta soumise aux Perses
exploiter les mines de fer du mont Ida jusqu’à la chute de Darius, et c’est dans
et fondèrent Cébrène (l"). Les Cy- son port que se retira le reste de la
méens étaient principalement adonnés flotte de Xerxès après la bataille de
au commerce et se rangèrent volon- Salamine (2). Pendant toute la période
tairement sous l’autorité des rois de qui suivit les sanglantes batailles contre
Perse. Us trouvaient dans cette nouvelle les Perses, jusqu’au moment où la ré-
position de grands avantages à se faire sistance de Mithridate et le soulève-
les courtiers du commerce intérieur ment d’Aristonic suscitèrent de nou-
de l’Asie avec les contrées de l'Oc- velles guerres, « les Cyméens restèrent
cident. tranquilles (3J. » Ce mot de l'historien
Cette soumission à la Perse ne les Ëphore, rapporté par Strabon comme
empêchait pas de conserver une cer- une raillerie, montre la grande diffé-
taine indépendance dont les Cyméens rence qui existait entre le caractère des
donnèrent la preuve dans une circons- Æoliens et celui de leurs voisins les Io-
tance importante. Le Lydien Pactyas, niens.
poursuivi par le satrape Mazarès, Successivement soumise aux rois de
après la prise de Sardes, vint cher- Syrie et à ceux de Pergame , Cymé
cher un refuge à Cymé Mazarès fit
: passa sous la domination romaine avec
demander le fugitif ; mais apres avoir ce dernier royaume; mais elle conserva
consulté l’oraclc des Branchydes, les toujours une apparence de liberté. Le
habitans refusèrent de livrer leur hôte, tremblement de terre qui ravagea
et lui facilitèrent les moyens de passer l’Æolide, sous le règne de Tibère, se
à Mitylène et de là à Chio; c’est dans fit également sentir à Cymé; elle fut
cette île que Pactyas fut livré aux Per- restaurée par la libéralité de l’empe-
ses, après avoir été arraché de l’asile reur. Apres la division des provinces
qu’il avait cherché dans le temple de faite par Dioclétien , elle fut compri.se
Âlinerve Poliade. dans la province d’Asie sous la métro-
Sous le règne de Darius Cymé fut pole d’Kphèse (4). Quelques inscrip-
complètement incorporée à la satrapie tions, tirées des ruines de Cymé, attes-
hellespontique et gouvernée tyranni- tent qu'elle était organisée aaministrati-
quement par des satrapes. Pendant les vement comme la plupart des villes
troubles fomentés par Aristagoras, fils d’Asie elle avait les conseils du sénat
;
l.‘>.
,
228 L’UNIVERS.
pylus et du lac qui surfit à sa place. soit que l’on place cette ville à Menimen
«'Et Sypilus fut englouti .sous le règne où à Guzel nissar, comme je l’ai pro-
de Tantale, et les marais ont formé des posé plus haut.
lacs. » Il revient sur ce sujet une se- L’emplacement du Hiéron est on ne
conde fois (t), et dit qu’il ne faut pas peut mieux déterminé, « sur le som-
regarder comme une fable ce qu'on ra- met de la montagne ; » enlin le lieu
conte du mont Sipylus et de son bou- de Pélops » se reconnaît
dit « le trône
leversement. Pline (2) fait allusion aux dans une localité voisine.
mêmes événements en ces termes : Pausanias (li revient encore sur le
« Ont été englouties les villes de Daph- sujet de la sépulture de Tantale, fils de
nus et d'Hermésia, et Sipylus, qui s’ap- Jupiter, en visitant les tombeaux d’Ar-
pelait autrefois Tantalis, capitale de la gos. « J’ose assurer, dit-il, que ce tom-
Wœonie. C’est là que se trouve aujour- beau n’est pas celui de Tantale, lils de
d’hui l’étang Salé. » Il est à remar- Jupiter; car j’ai vu son tombeau au
uer que Pline vient de décrire le golfe mont Sipylus, et c’est un monument
e Smyrne et Clazomène ; ces lieux remarqualile ( Otà; iÇiov ). » C’est pres-
n’en étaient donc pas éloignés, et c’est que la même expression dont se sert
de là qu’il reprend la suite de sa des- Hérodote en parlant du tombeau d’A-
cription : « En revenant de douze lyatte, qui était aussi un tumulus.
milles en arrière... » Le tremblement de terre de Sipylus
Dans un autre passage (3), il re- et le lac qui s’est formé sur l'emplace-
vient sur ces phénomènes géologiques : ment de la ville sont des faits trop gé-
« La terre en s'affaissant a englouti la néralement attestés, pour qu'il soit pos-
haute montagne de Cihotus avec la ville révoquer en doute. Pline( 2 )
sible de les
de Curis. Sipylus dans la Magnésie, et dit que l’étang {stagnum, bien dif-
antérieurement, dans le même endroit, férent de lacu.1 )
avait été nommé Salé.
la célébré ville qu'on appelait Tanta- Pausanias ,
après avoir développé sa
lis. » Le de Magnésie s’éten-
territoire théorie des tremblements de terre (3),
dait en effet jusqu’au Sipyle (4). ajoute Idée, ville située sur le mont
:
Paiisanias donne plus de détails sur Sipylus, fut abîmée de la sorte; l’eau
la topographie de Sipylus, et ces dé- qui sortit de la montagne engloutit la
tails sont tout à fait conformes a celle ville, et forma un lac (X(p.vri) que l’on
de la ville ruinée qui domine le golfe nomme Saloë.
de Smyrne (5). « Il y a plusieurs Il est une autre observation à faire
preuves du séjour de Tantale et de Pé- sur le texte de ce passage. Pour dési-
lops dans notre pays; on voit le port gner le lac Saloë, Pausanias se sert du
( Xi|jLijv) de Tantale, qui a reçu le nom mot At’pLVT), c’est le marais dont parle
de ce roi, et son tombeau, qui est re- Strabon; c’est aussi le lac Salé de
marquable. On voit aussi le trône de Pline.Ne doit-on pas en conclure que
Pélops dans le mont Sipylus; sur le dans un passage précédemment cité
sommet d’une montagne est le temple Pausanias a voulu parler d’autre chose
(lEpév ) consacré à la mère des dieux, ue du stagnum Sale. Gédoyn a tra-
Plastène. En passant le lleuve Hermus, uit le port de Tantale. En effet, dans
on voit à Temnos une statue de Vé- tous les lexiques, le mot Xipijv signifie
nus... » etc. un port; c’est le mot Xipv») qui veut
La de.scription de Pausanias est des dire un étang, un lac. On ne conce-
plus conformes, non-seulement à la to- vrait pas pourquoi Pausanias se serait
pographie des lieux, mais encore à la servi de deux mots qui ont un sens si
c.arte générale ; car de ce point, en sui- différent, pour désigner la même
vant la carte, on va droit sur Temnos, chose. D’ailleurs l’étang s’appelle .>7a-
gnum Sale ou Saloe mais non pas
(i) Liv. XII, p. 579.
stagnum Tantali. En disant Atp.T]v T«v-
(a) I.iv. V, ch. ag.
( 3)
Liv. II, cil. 41. i) Liv. Il, ch.ai.
(4)
.Sirahoii, XII, p. 571. i
a) Liv. V, ch. ag.
15 ) Liv. V, ch. i 3 .
( 3) Pausanias, Liv. 'VII, ch. a 4 .
,
iôr), a voulu parler de deux choses dif- pente douce voyant déjà à fleur de
,
férentes? Je crois donc, d’après l’ins- terre des traces de murailles. Cette pre-
pection des lieux, comme d’après le mière colline s’avance dans la plaine
texte de Pausanias, qu'il faut traduire : de Bournabat, et formait un cap avant
le port de Tantale. La position deTan- que les atterrissements eussent comblé
talissur la rive norddugolfede Smyrne le golfe. Près de cette colline, au sud,
expliquerait naturellement pourquoi s’élève dans la plaine une petite mon-
Pline, dans son chapitre 29, si sou- tagne'oblongue, jadis un îlot, qui fer-
vent cité, après avoir mentionné Cla- mait le port du côte de l’est. Tous ces
zoinène et les villes de la rive sud terrains sont encore marécageux, mais
passe iinniédialemcnt à la description de se dessèchent chaque année davan-
Tantalis. tage. En nous dirigeant au nord, nous
perdons bientôt les traces des mu-
CHAPITRE V. railles au milieu des rochers. Nous fai-
sons un demi-mille toujours en mon-
TOPOGRAPHIE DE SIPYLUS. tant, et nous arrivons sur un plateau
où nous trouvousies deux premiers tu-
Pococke est le premier voyageur qui mulus. •
ait parlé des ruines de celte ville et Le tumulus n° 1 est à fleur de terre,
des tombeaux qui l’avoisinent. Chandler entouréd’une assise circulaire, de pierres
les meiitioune d’après lui, mais ne leur brutes de 0'",80 de longueur sur 0“‘,60
a pas restitué le nom de Tantalis. J.e de hauteur quelques-unes sont en
;
tombeau de Tantale est cité par M. de saillie dans l’intérieur, et forment bou-
Sainte-Croix (I), qui rapporte ce fait tisse en dehors. Le diamètre est de
d’après Athénée « Les tumulusontété
: 18 mètres, il a été fouillé à une époque
transporiés en Grèce par les Phrygiens reculée; au centre, une dépres.siou de
qui avaient accompagné Pélops (2). » terrain indique la place de la chambre.
Est-il étonnant de trouver tant de tom- Le tumulus n“ 2, 12 dvgres à l’est
beaux de ce genre dans la ville de Pé- du précédent. Une assise a fleur de
lops? Un trait de plus distingue ces tu- terre en pierres brutes à joints régu-
mulus de ceux des Grecs c’est que les : liers. Dans l’intérieur, un amas de pe-
Grecs brûlaient les corps; les Phry- tites pierres ; dépression au centre; dia-
giens, suivant la mode é^ytienne , les mètre, 9“.
mettaient dans des sarcophages. Le tumulus n“ 3, à 1 10 mètres à l’est
Vers la lin de novembre 1835, l’a- du précédent. Il est sur le rocher nu.
miral Massieu de Clerval, commandaut L’intérieur, rempli de terre, s’élève à
la station , mit à ma disposition vingt 3 mètres environ. Une assise en
matelots du vaisseau le SuJ’fren, avec pierres brutes. Il est relié au suivant
des instruments et tous les apparaux par un mur en pierres sèches. Diamètre,
nécessaires pour faire des fouilles com- IT™.
plètes, et pour lever la carte de l’an- Le tumulus n° 4, semblable au pré-
cienne ville, distante de trois kilomètres cédent; diamètre, 17™.
Nous cheminons avec peine, au mi-
(i) Mém. de P Acad, du Inscr., t. II, lieu des rochers éboulés, pour arriver
p. 53a. à un plateau supérieur ; nous y voyons
(a) Athénée, Deipnos., lib. XIT, p, 6aS. trois tumulus de différents diamètres.
U. Acad., t. Il, p, 53i. Tumulus n° 5, assis sur le rocher.
230 ,
I. UNIVERS.
l’cii l'uil (iél>laypr l'interieur jiisnii'ii la front; preuve irrécusable que l’appa-
roche, dans laquelle un üarco|)iiage a reil isodomoH était employé dans la
été taillé. Dianlétre, 21 mètres. haute antiquité, en même temps que
Tumiilus u° 6. Deux assises en joints l’appareil en joints irréguliers. La
réguliers, parfaitement a|>pareillées ; il chambre est à petites pierres. Diamètre
reste des traces de la porte et du cou- du l\imulus, 13”',40.
loir qui conduisait à la chambre celle- : Tumulus n» 12, voisin du premier,
ci était voûtée en ogive, et faite de d’une construction analogue. Au milieu
petites pierres longues posées à sec. de la chambre est un sarcophage creuse
Diamètre, 16 mètres. dans le roc. Diamètre, 11 mètres.
Tumulus n® 7. Il est entouré d’un
double revêtement qui, d’un côté, a CHAPITRE VI.
sept assises régulières. Ce revêtement
paraît complet. Nous trouvons au pied TOMBEAU DE TANTALE (1).
des morceaux d’une doucine peu éviilee,
(|ui servait au couronnement du sou- Enfîn, à deux milles et demi du point
bassement (xprjzrSoç) sur lequel repose de débarquement et à moitié de la hau-
le tumulus ( xh )• La pointe était teur de la montagne, nous arrivons
couronnée par une pierre en forme de sur un plateau couvert de débris de
pomme de pin (ou par un phallus, constructions ce sont des amas de
:
sage; son épaisseur est de 2™,70. Seize serait là l’étang SaJoë, bien diminué,
murs rayonnant du centre à la
,
cir- il est vrai ,
atterrissements ;
par les
conférence , relient ce second mur cir- mais il en a tant d’autres plus grands
culaire à un troisième , dont l’épais- qui ont complètement disparu.
seur totale est de 3“,70, et qui forme INous gravissons, pourarriverà l’Acro-
le revêtement du monument. Pour pole, des rochers volcaniques verticaux
plus de solidité, ce mur est composé et aigus. ISous avons toujours marché
de deux parties, l’une intérieure, de au nord-ouest. Cette enceinte, bâtie
1"', <0 d'épaisseur, paremeutée des deux de pierres sèches de petit volume , s’ap-
côtés, Pt l'autre de 2"', 30, composée puie au sud sur une crête de rochers
de pierres d’un plus fort échantillon à pic ; elle a 5 mètres de hauteur. A
dont le parement extérieur forme le 100 mètres de là, toujours eu montant,
soubassement de l'édifice. Cette cham- on arrive aux propyltes de la citadelle;
bre est orientée nord et sud; toutes c’est la partie la mieux conservée de
les autres sont orientées est et ouest. l’édiGce. La porte a été entièrement
Il est impossible d’imaginerune cons- dégagée par les matelots; elle a 1“’,30
truction mieux entendue pour résister dans la partie inférieure; elle est in-
à l’action des siècles. Le dehors du clinée en pylône. Les quatre assises
cône était en grande partie conservé qui restent ont 2™, 35 de hauteur. L’ar-
quand j’ai commencé mbs opérations. chitrave, d'une seule pierre, a 2">,20 de
J’ai été obligé de le démolir, ainsi que long ;
l’épaisseur du rempart est de
la majeure partie du soubassement, 3 mètres ; il est composé de deux pa-
pour bien saisir ce système ingénieux rements de 1">,30 d'épaisseur chacun.
de construction. Tous les murs dont Après avoir passé la porte, on arrive
j’ai parlé sont noyés dans un remplis- dans un couloir oblique, au fond du-
sage en petites pierres, toutes à peu quel était sans doute un escalier pour
près de la même dimension et parfai- monter sur l’esplanade ; mais de grosses
tement réunies , quoiqu’elles n’aient pierres éboulées empêchent de voir cet
aucun ciment. Ayant la direction de endroit. Ce couloir était couvert par un
la pente et le diamètre:, il m’a été facile plafond de pierre. Dans une partie obs-
de déterminer la hauteur, et j’ai trouvé cure, on aperçoit un puits, sans doute
27">,60 pour la hauteur totale. Ce mo- le puits de quelque oracle.
nument sépulcral est certainement un L’esplanade de l’Acropolis est un ro-
des plus considérables de tous ceux de cher uni de 50 mètres en tous sens;
l’Asie Mineure ; il ne le cède qu’à celui c’est le point culminant de la montagne.
d’Alyaite, qu’Hérodote comparait aux On trouve dans les fouilles un grand
pyramides. nombre de fragments de tuiles à re-
A partir de ce tombeau jusqu’à la bord, mais aucun ouvrage d’art.
mer, on suit une longue muraille oui On voit encore en place un soubas-
se prolonge en serpentant par tous les sement rectangulaire de 30 mètres de
détours des rochers. Elle est composée côté, composé d’une assise de pierres
de deux parements en grosses pierres bien appareillées et taillées à bossage
posées a sec, avec un remplissage en qui a dû former le soubassement d’un
petites pierres; elle n’a que l"’,16 d’é- temple. Ces assises sont régulièrement
paisseur : c’était peut-être l’enceinte de orientées; tout porte à penser qu’elles
la nécropole. L’Acropolis est au cou- ont fait partie du temple de CyMle, de
chant, sur un rocher presque à pic, la mère Plastène. De l'autre côté de
et qui forme à peu près le tiers de la r Acropolis, le rocher a été taillé en talus
hauteur totale de la montagne. rapide , et un large fossé a été creusé
Au milieu d’une petite plaine qui pour défendre les abords du lieu sacré.
domine le tombeau de 'fantale se Il serait difdcile de réunir en un
trouve un lac qui a environ 100 mè- même lieu tant d'éléments divers un :
tres de diamètre, et qui parait alimenté lac, un tombeau une citadelle sur le
,
par des sources sortant de divers en- sommet d’une montagne, éléments qui
droits du rocher; tout le reste de la concordent trop bien avec les textes
montagne est d’une aridité extrême. Ce grecs pour que ces lieux ne sojent pas
.
339 L’UNIVERS.
It’s mêmes qui ont été décrits par les Mæoniens en Asie, n’oublie pas de dire
auteurs cités plus haut. chez les écri-
qu’il a puisé ces traditions
Pausanias les a vus ; ce n’est pas par v.iins nniionaux Xanthus de Lydie, et
,
oui dire qu’il en parle, et il est impos- Ménécratc d’Élée, dont le témoignage
sible de trouver plus d'accord entre la est d’un grand poids; il s’ensuit que
description et la réalité. la souche de la nation lydienne est ori-
Indépendamment des ruines que nous ginaire d'Europe.
venons d’observer, il existe encore des Ces migr.'itions eurent lieu longtemps
traces de murailles toutes bâties .sans avant la guerre de Troie, et d’après la
ciment et qui paraissent avoir appar- marche ordinaire de ces migrations, on
tenu à des édifices publies et à des mai- doit penser que les Mæoniens ont pré-
sons d’habitation. Dans toutes ces en- cédé les Mysiens dans leur installation
ceintes les angles sont arrondis et les sur le continent d’Asie. A défaut de
murs .semblent disposés de manière à renseignements plus précis sur l’arrivée
pouvoir être couverts en pierres et des Mæoniens, les chronologistes pla-
former des voûtes comme dans les an- cent cette migration dans la première
ciens monuments phéniciens de Malte. moitié du seizième siècle avant notre
Dans toute l’enceinte de cette an- ère. Déjà les Pélasges et les Léièges oc-
cienne cité on ne trouve |ias un seul cupaient certaines parties de la côte
fragment qui ait pu appartenir au se- occidentale, et les régions du sud étaient
cond âge de l'antiquité grecque; c'est habitées par des familles de race pbéni-
encore une preuve que cette ville est cienne qui étaient venues dans l’intérieur
restée inhabitée depuis la catastrophe par les ports de la Lycie.
qui l’a ruinée. Les Carieus, sujets de Minos, étaient
maîtres du sud-ouest de la presqu’île.
CHAPITRE VU. Il se fit une lusion de ces diverses po-
niens. Ils parlaient la même langue que dent sur les côtes de la mer vers Taus-
les Mysi ; laissant ces derniers s’établir chires, ville du territoire de Barka. »
sur la côte, les Mæoniens pénétrèrent Les Mæoniens s’unirent avec ces peu-
plus avant dans l’intérieur du pays, et plades, qui furent appelées Cabalès-
s’installèrent dans un canton fertile entre Mæoniens, ou I.azoniens ; on les retrouve
les fleuves Uermus et Méandre. Ce can- sous ce nom dans le dénombrement de
ton prit le nom des nouveaux habitants l’armée de Xerxès(2). Ces faits, qui ue
et fut appelé Mæonie. sont contestés par aucun des torivains
Strabon, qui expose la marche des anciens , servent à faire comprendre l’al-
liance intime qui existait entre les peu-
(i) Sliaboii, XIV, 66a.
(») Id.,XII, 57 ». (1) Hérodote, IV, 17 I
(3) HéruJule, VU, 74. (a) Hérodote, VII, 77.
ASIE MINEURE. 333
le sort des villes ioniennes lorsque donc avoir reçu son nom de Gygès, le
l'empire de T.ydie échut à la race des premier roi Mermnade, qui vivait à la
Mermnades. fin du huitième siècle avant notre ère.
Du temps d’Hérodote Cabalie était
la Aux des Pylémène s’était joint un
fils
rois lydiens qu’Hoinère appelle Méonès, les ruines se voient encore au nord est
et auxquels ceux qui sont venus après de la Pbrygie; Adramys, un des Dis d’A-
lui donnent le nom de Mæonès; les lyatte, père de Crésus, fonda la ville
uns pensent que ces Méonès et les Ly- (l’Adramyttium. Pylémène, le dernier
diens sont la même nation-, d’autres en souverain de cette dynastie, régna vers
font deux peuples différents la pre-
: l’an 12!iO avant notre ère; il est contem-
mière opinion me paraît la meilleure( t) o porain de la guerre de Troie et est cité
Un autre nis d’Atys.nomméCar, soumit par Homère dans l’Iliade (I).
et gouverna les Léiéges et les Cariens : Hérodote est le seul historien de la
c’est ainsi qu’on explique ce mot d'Hé- Lydie qui soit arrivé jusqu’à nous Xan- ;
rodote , « à cause de l’aflinité qui existe thus et iMénécrate ne nous sont connus
entre les Lydiens et les Cariens (2) » que par des fragments épars dans les
Comme chaque règne qui flnissait don- écrivains moins anciens, et nous pouvons
nait un dieu nouveau à ces peuples, les considérer comme véridiques, tant
nous voyons Car, le Dis d’Atys, adoré qu’ils ne sont pas en désaccord avec la
sous le nom du dieu Carus et associé au marche naturelle des événements histo-
culte du dieu Men, dans la ville de Ca- riques; mais souvent la fable se mêle aux
roura,sous le nom de Men Carus (3). La récits du père de l’histoire, et nous en
ville deCaroura était située sur les fron- sommes réduits à enregistrer les faits
tières de la Carie et de la Lydie, et fut qu’il mentionne .sans pouvoir discerner
célèbre sous les Romains par son école la plupart du temps ce qui est caché
niens : c’est l’origine de la nation étrus- princes atvades. Hercule fut amené cap-
que. Cette parenté entre les Lydiens et tif en Lydieet vendu àlareineOmphale,
les Italiques fut revendiquée devant le par ordre de l’oracle. Ce Ivéros rapporta
sénat, lorsque les villes d Asie sollicitè- de son expédition contre les Amazones
rent l’honneur d’élever un temple à Ti- une hache à deux tranchants qu’il avait
bère (5). Ce fait est aussi attesté par Ti- conquise sur Hippolythe, et la légua à
mée. Les Lydiens, dit-il, ayant passé ses descendants, qui la conservèrent
d’Asie en Europe s’établirent dans l’É- comme un signe de puissance. Ce sym-
trurie. On ne doit donc pas être sur- bole passa après la mort de Candaule
pris de retrouver dans l’un et l’autre entre les mains des Mermnades, Cariens
pays une certaine analogie dans les mo- d’origine, et on le retrouve sculpté sur
numents des arts; les tumulus de Cor- les monuments de la Carie, et surtout
neto sont des imitations de ceux de la sur le temple de Jupiter, Labrandéus,
plaine de Sardes, et les sculptures du comme le signe de la fraternité qui unis-
temple d’Assos représentent des sujets sait les Cariens et les Lydiens.
qui se trouvent reproduits dans les pein- Hercule eut d’une esclave de Jarda-
tures des monuments de l'Étrurie. nus un Dis nommé Alcée, dont lesde.vcen-
Le roi Manèseut un Dis, nommé Ac- dants régnèrent sous les Lydiens, paror-
mon, qui bâtit la ville d’Acmonia, dont d re de l’oracle , et furent la souche de la
dynastie des Héraclides, qui régna sur la
(r) SIrabon, X.III, 6a5. Lydie pendant vingt-deux générations,
(a) Hérudole, liv. I, rjS. dans l’espace de cinq cent cinq ans.
(3) Straboii, XII, 58o. Agron, Dis de Minus, petit-fils de Béliis,
(4) Hérodote, ibid.
(5) Tacili-, IV, (i) Homère, Iliad., XX, 3.35.
é.c: ;
1(
,
des villes dans la Syrie, la Palestine, pré- est arrosée par le Méandre; ses bornes
cisément dans un temps où la puissance à l’est sont, la Phrygie; au nord, la
assyrienne était dans tout son dévelop- Mysie ; au sud, la Carie. On l’ap-
pement. pelait jadis Méonie : elle est traversée
Quelques écrivains, se basant sur les par le mont Tmolus ou Timolus, cou-
traditions orientales, de préférence à vert de vignobles, qui donne naissance
celles des Grecs, ont supposé que les au Pactocle. (2). Le mont Messogis, pa-
Lydiens, enfants de Lud,sont sortis de rallèleau Tmolus, fait aussi partie de la
la Mésopotamie pour venir s’établir Lydie il forme le revers nord de la
;
dans la presqu’île ; c’est dans leurs rap- vallée du Méandre. » Du côté de l’est,
ports avec les Égyptiens qu’ils auraient nous savons avec certitude que la pro-
pui.sé l’idée d’honorer les grands hom- vince s’étendait jusqu’au fleuve Lycus,
mes en élevant des monuments compa- qui coulait à rouest de Colossæ et
rables aux pyramides cette opinion ne
: formait les limites communes de la
saurait être soutenue du moment que Lydie, de la Plirygie et de la Carie (3).
les Grecs sont d’accord pour regarder Il faut peut-être
y comprendre les villes
la langue lydienne comme étant d’ori- de Nysa, de Tralles et de Magnésie sur
gine européenne ; mais on ne saurait Méandre ; mais les auteurs ne sont pas
nier que dans leurs rapports avec les d’accord sur ce point. La Lydie est tra-
peuples sémitiques les Lydiens n'aicnt versée de l’est à l’ouest par le cours
subi une influence orientale, qui pour de l’Hermus qui reçoit le fleuve Hyl-
,
la dépravation des mœurs les assimile lus, appelé aussi Phrygius. La pro-
aux Babyloniens. Chez eux les jeunes vince de laquelle sort l’Hermus et qiK, à
lilles étaient autorisées à faire le métier cause de sa nature volcanique, reçut le
de courtisanes pour se procurer une
dot, et le continuaient jusqu’à ce qu’elles (i)Hérod., I, y3.
trouvassent à se marier :cet usage si [i) Pline, V, 3g.
étranger aux peuples de race européenne (St Kérodoip, VII, 3t.
336 L7JN1VERS.
nom de Catacécaumène, est considérée CHAPITRE X.
comme ayant fait partie de la Phry-
gie Épictete. Strabon (I) exprime son MONUMENTS.
embarras pour s'expliquer à ce sujet :
des maisons royales et des lieux de re- en excepter les tombeaux de la plaine
posa l'usage des voyageurs ; ces ét.ablis- de Sardes; mais, jusqu’à ce que ces mo-
semeutsexistent encore dans toute l’Asie numents aient soumis à une inves-
été
et la Perse, sous le nom de caravan- tigation spéciale, ils se présentent à nos
serai(palaisdes caravanes): les voyageurs yeux comme des tertres naturels.
y sont reçus gratuitement. La route pas- La destruction des monuments de la
sait continuellement par des lieux ha- Lydie s’explique facilement par les
bités;on comptait pour traverser la Lydie guerres acharnées et incessantes qui
et la Phrygie jusqu’aux rives du fleuve ravagèrent ce pays. C’est en effet sur ce
Halys vingt stations, qui comprenaient plateau central que se sont décidées la
quatre-vingt-quatre parasanges et demi plupart des grandes batailles d’où dépen-
de trente stades chacun, ce qui fait deux dait le, sort de ces contrées. La bataille
mille cinq cent trente-cinq stades; mais de Thymbrée, comme celles d’Ipsus et
on n’est pas d’accord sur la mesure du de Magnésie, et, dans le moyeu âge, celle
stade employé, les uns l’estiment à cent de Dorylée entre les croisés et les Mu-
quarante-sept mètres soixante-dix-huit. sulmans.
Le stade olympiqueétantdecent quatre- La constitution du pays , composé
vingt-quatre mètres quatre-vingt-quinze de larges vallées et de montagnes gra-
cent. nitique.s, n’offrit jamais aux Lydiens les
Le territoire de la Lydie
d’uneest éléments de cas constructions gigantes-
extrême fertilité, et la réputation de la ques ou de ces ouvrages taillés dans le
contrée se soutient encore malgré l’ctat roc par lesquels se distinguèrent d’au-
de décadence on est tombée l’agriculture. tres peuples. La brique était l’élément
Les vallées du Méandre produisent principal employédans les constructions.
presque touteslesliguesqui sous le nom Hérodote, qui ne manque pas d’observer
de figues de Smyrne paraissent sur tous les monuments desartsdans les pays qu’il
les marchés du monde, et si les vignes décrit, dit à propos de ce royaume (t) :
du Tmolus ne fournissent plus les vins « La Lydie n’oftre pas, comme certains
qui faisaient les délices du roi Pha- autres pays, des merveilles qui méritent
næus (2), les raisins secs de Lydie place dans l’histoire, sinon les paillettes
sont aussi un objet d’exportation con- détachées du Tmolus par le Pactole. >•
sidérable. Le coton des plaines de Kirk Il semble que le génie artiste des Lydiens
Agatch, les huiles d’olive et de sésame s’est plutôt porté sur l’exécution des
sont aussi des objets de commerce qui, objets fabriqués en matières précieuses.
joints aux articles de droguerie et de Les étoffes et les bijoux, les trônes et
teinture, faisaient de la ville de Smyrne les cratères d’or étaient le luxe qu’ils
unç des places de commerce les plus affichaient le plus volontiers ; mais pour
importantes de l’Orient. contenir ces somptueux mojtiliers le
palais de Crésus était bâti de briques
638. recouvertes de dalles de marbre, et les
(1) Sli-abon, X.III,
(2) Virg., Géorg., II, 97.
maisons des habitants de Sardes étaient
(
3 ) Uion. Holic., III, tÿS. (1) Uérod., I, 94.
sas L’UNIVERS.
le commerce d'exportation de l’Occident où les Grecs ne savaient encore fabriquer
se faisait par l’Intermédiaire d’étran- que de grossiers ouvrages de bronze.
gers, les Phéniciens et les Hellènes, qui Dans le huitième siècle avant notre
eu retiraient un profit eonsidérable. ère, Gygès envoyait à Delphes six cra-
Les Lydiens avaient laissé ces derniers tères d'or, du poids de trente talents.
peuples fonder des comptoirs sur la côte D’autres offrandes en argent furent en-
d’Asie leur avaient laissé acquérir de
,
voyées par le meme prince, et les Del-
l’importance; les colons de race hel- ph'iens les appelaient les Gygéades, du
lénique s'étaient reunis en confédéra- nom de celui qui les avait consacrées.
tion ils avaient ouvert des relations avec
;
Les artistes grecs initiés à la fabrication
les États voisins ; ils visitaient les mar- des objets en métal savaient donuer à
chés, achetaient les produits et s’instal- leurs produits un caractère plus délicat;
laient au milieu des indigènes pour mais c’est, à n’en pas douter, dans leurs
transporter les marchandises sur les rapports avec la nation lydienne qu’ils
marelles de la côte. piii.sèreut les premiers éléments d’un
L’ancieu peuple phrygien avait été art dans lequel ils ont excellé.
repoussé par i’mvasion' sémitique qui On est même en droit de supposer
venait du sud-est en Asie. Mineure et que les Grecs ont emprunté quelques-
ui s'établissait sous l’autorité des rois unes de leurs lois à l’empire de Lydie.
'Assyrie; il fut soumis à Ninuset dans Hérodote constate que les Lydiens
la suite aux rois de Lydie. étaient gouvernés par des lois qui dif-
Les Lydiens, malgré leur origine eu- féraient peu de celles des Grecs; il n’est
ropéenne , étaient plus étrangers aux pas probable que le grand empire de
Grecs des côtes que les Phrygiens mais
;
Lydie, qui florissaitdaiisun temps où la
cher, eux la culture des arts était bien Grèce était encore plougée dans la bar-
plus avancée que chez ce dernier peuple; barie, ait emprunte des lois à une nation
aussi les Grecs encore ignorants et in- qu’il connaissait à peine.
cultes puisaient chez les peuples d’O-
rient le germe de leur civilisation. CHAPITRE XL
Les Lydiens, qui avaient reçu de la
nature des dispositions remarquables CHUTS DES BOIS HERACLIDES DK
pour la poesie lyrique , enseignaient LYDIE. — AVENEMENT DBS MERM-
aux Grecs ces mélodies populaires qui NADES.
furent l'origine de l'élégie grecque, et le
mode mélodieux de la musique ly- Pendant les premières années de la
dienne fut transporté à Delphes et dans dynastie des Héraclides la puissance as-
le reste de la Grèce. syrienne n’avait fait que s’accroître , et
L’influence de la civilisation lydienne sous les descendanst de Ninus et de
sur celle des Grecs se fit sentir dès le Bélus la Lydie était sinon tributaire, du
temps des Héraclides, qui régnaient de- moins une alliée fidèle de cet empire.
puis Agron, fils de Ninus, petit-fils de L’influence des Assyriens sur les royau-
Bélus. Les Orientaux étaient déjà, comme mes de l’Occident, de l’Asie Mineure
ils le sont encore, très-experts dans l’art s’était manifestée au moment de la prise
de fabriquer les étoffes, de tisser la de Troie, puisqu'ils avaient envoyé le
laine et de travailler les métaux ; la fa- prince Memnoif eu secours du roi
brique des armes de luxe, les broderies Pnam. Les rois de Lydie, autant pour
kl’aiguille étaient dès les temps les plus se mettre en garde cofilre les Assyriens
reculés l’occupation principale des que pour veiller à leur sûreté person-
hommes et des femmes d’Orient; mais nelle , appelaient a leur service les
la découverte de mines de métaux pré- Grecs, qui commençaient à devenir nom-
cieux donna à l'industrie des Lydiens breux sur les côtes d’Asie , et ces der-
une impulsion inconnue avant eux. niers savaient profiter de leur position
Les trépieds et les cratères d’or et de dans le royaume pour gagner une in-
bronze sortis des ateliers de la Lydie al- fluence qui mettait entre les mains de
laient faire les ornements des templesles leurs chefs tous les ressorts du gouver-
plus renommés delà Grèce, à une. époque nement. Les Cariens étaient puis.saiUs
ASIK MlNKURi:. 239
étaient mêlés aux Grecs dans les villes de au milieu des camps retranchés qu’ils
la côte depuis Ephèse jusqu’à Phocée. avaient établis au moyen de leurs cha-
Chio et Érythræ formaient un autre riots; une autre troupe de nomades, les
groupe, dont les citoyens se reconnais- Trères, accompagnait les Cimmérieiis:
saient au dialecte, toutes ces popula- les premiers ont laissé dans la mémoire
tions étaient loin de vivre en parfait ac- des écrivains anciens une réputation
cord et les hostilités s’étaient souvent
.
de férocité incomparablement plus
manifestées par de sanglantes guer- grande que les Ciminériens ; ils ont tra-
res civiles, soit au sujet de l’élection versé la Lydie, et ont ravagé de fond en
de magistrats, soit par des tentatives de comble la ville de Magnésie sur le Méan-
tyrannie que voulaient imposer les par- dre (1); leur apparition en Asie causait
tis puissants. Les alliances que les chez les populations une profonde ter-
Grecs avaient contractées avec leurs na- reur, et a peine osait-on leur résister.
tionaux du continent, n’avaient au- Iæs Cimmériens s’emparèrent de la ville
cune valeur dans cette occurrence, et de Sardes; mais incapables de se rendre
rionie resserrée dans ses étroites li- maîtres de la citadelle, ils abandonnèrent
mites sur le bord de la mer ne devait leur conquête. Quelques voix cependant
compter que sur le courage de ses s’élevaient pour conseiller la résistance;
vaillants colons. Les villes dorieniies, Callinus à Ephèse composa des hymnes
resserrées par les Cariens, ne pou- pour réveiller le courage des citoyens.
vaient donner aucun subside; c’est dans Au même moment les Cimmériens fai-
des circonstances aussi défavorables saient irruption dans la ville ; mais, par la
pour la liberté des Ioniens que Gygès protection de la déesse, le temple fut
entra en campagne, il marcha contre préservé. Les Orientaux donnaient le
Sinyrne, la ville la plus détestée des Ca- nom de Sakai aux tribus scythes qui
riens; mais le courage de ses habitants habitaient les montagnes { Koh ) de la
sut faire face à un aussi pressant danger, Crimée ,
et ces hordes étaient connues
et les Lydiens furent repoussés. Colo- sous le nom de Kôh-Sakai, Scythes des
phon fut plus maltraitée, la ville tomba montagnes, d’où les peuples moscovites
au pouvoir de l’ennemi, et les habitants ont fait le nom de Kosaques.
ne conservèrent que la citadelle. I>es Cimmériens arrivés en Asie sous
son début lorsque Gygès mourut. Ardys dant les douze années du règue de Sa-
son successeur (670) continua la guerre
et s’empara de Priene , après une résis- (t) Straboii, XVI, 647.
ASIE MINEURE. 341
dyatte , ils fiirent expulsés par Alyatte, combat; la guerre se prolongea pendant
pere de Crésus, vers l’année 606 avant cinq années, et finit par un événement
notre ère. Sadyatte, fils d'Ardys, monta qui a eu un grwd retentissement dans
sur le trône en 631 , il régna douze an- rhistoire , et qui a causé bien des soucis
nées. Pendant toute cette période l’his- aux savants.et aux astronomes. Au com-
toire ne mentionne aucun fait remar- mencement de la sixième année, au
quable, c’est assez dire qu’il conserva moment où les deux armées étaient
les conquêtes faites par ses prédéces- au plus fort de la mêlée, une éclipse de
seurs, la Phrygie jusqu’au fleuve Halys soleil vint changer en nuit la lumière
était au pouvoir des Lydiens, et déjà on du jour, les Mèdes frappés de terreur,
pouvait écrire Halys amnis qui Ly-
: suspendirent le combat. C’était un usage
diam terminât (1). chez ces peuples de ne combattre qu’en
Lorsque Alyatte fils, de Sadyatte, plein jour; enrayés, par ce qu’ils regar-
monta sur le trône , la ligue ionienne daient comme un prodige, les Modes
était pour ainsi dire rompue; Milet res- songèrent à conclure la paix ; les princes
tait seule, mais sa puissance était telle de Mésopotamie furent chargés de la
que les Lydiens, inhabiles à la mer, ne négociation, et Alyatte en garantie du
pouvaient s’en rendre maîtres. Fidèles traité donna sa fille Arienis en mariage
aux vues de ses prédécesseurs, Alyatte à Cyaxare (1).
recommem^ la guerre contre les Ioniens, L’éclipse de soleil qui donna lieu à
s’empara de Smyrne, et entreprit la con- la paix entre les deux peuples a été le
quête de Milet. sujet des observations ae plusieurs sa-
Pendant onze années consécutives vants qui ne sont pas tombés d’accord.
Milet sut résister aux attaques des rois de Il doit en ressortir une date précise, qui
Lydie; enfin un secours inattendu arri- fixerait astronomiquement le règne
vait aux Grecs, et forçait les Lydiens de d’Alyatte et celui des princes qui ont
faire la paix avec eux. concouru au combat ; elle avait été pré-
L’apparition des Mèdes en de<^ du dite par Thalès de Milet. Pline place
fleuve Halys mettait en danger lexis- cette éclipse dans la quatrième année
tence même de l’empire de Lydie. Les de la quarante-huitièmeolympiade, soit,
Mèdes étaient maîtres de toute la haute selon Curtius (2), le 28 mai 585 avant
Asie, Ninive était tombée. en leur pou- notre ère alors Thalès aurait été dans
:
p.
(i) Lettre de Darius à Alexandre, ap. (
3) Voy. Hérodote, trid. de Miot, t. I;
242 .r>’UMVKhS.
iouieune un autre fils, nomméPantaléon ; ne fut pas oublié dans cette profusion
à peine arrivé sur le trône, Crésus le fit d’offrandes; le temples de Delphes et
mettre à mort avec ses partisans ainsi : d’autres oracles fameux avaient dans
se perpétuait dans la famille royale ces libéralités une part proportionnelle
cette haine des deux races qui fut la à la superstition du nouveau roi. Or-
perte des Grecs de l'Asie. gueilleux et craintif, comme les despo-
Alyatte mourut après un règme de tes d’Orient, Crésus étourdissait les
cinquante - sept ans. Il laissait un oracles de ses questions réitérées ; à peine
royaume florissant, dont la richesse sur- avait-il exerce quelque vengeance qu’il
passait celle de tous les peuples voisins. en demandait pardon à toutes les di-
Le peuple lui éleva un tombeau et chaque vinités , même à celles dont il savait à
classe de la population y concourut : à peine le nom cette faiblesse de caractère
:
cette œuvre les courtisanes lydiennes devait le conduire à sa perte. Les villes
y apportèrent la plus grande part. I..e grecques avaient vu d’un œil tranquille
tombeau d’Alyatte fut élevé en forme de l’avénement du prince lydien ; l’or de
tumulus; ce monument existe encore : ses mines s’écoulait lentement, mais
nous l’examinerons en étudiant la plaine sdreinent, entre les mains des Grecs
de Sardes. maîtres (le tout le commerce de ces
régions. Lphèse étant arrivée au plus
CHAPITRE XIH. bautdegréde prospérité, l’alliance royale
de Mêlas attirait sur elle la faveur du
BÈGNE DE CBÉSnS. monarque. Pandarus, son neveu, était
l’homme le plus influent dans les con-
Crésus succéda à son père Alyatte; ce seilsde la ville mais cette ville était
:
prince avait laissé cipq enfants : Ariénis, toujours libre, elle traitait d’égal à égal
sa première fille, mariée à Cyaxare ; la avec Crésus. Sa soumission pacifique
seconde était mariée à un des pre- . étant devenue impossible , Crésus pour
miers citoyens d’Éphése, nommé Mêlas. soumettre les fiers Epbésiens n’eut plus
Un de .ses filsc Adramys, fondateur de de ressource que dans la guerre.
ta ville d’Adramyttium, et dont il n’est L’expédition contre les Greosd’Éphèse
plus fait mention dans l'histoire ; et enfin fut la première entreprise de Crésus;
deux fils, issus de deux femmes d'Alyatte ; malgré les partisans qu’il avait dans la
le premier, Pantaléon, était fils de la ville , il fut obligé de l’assiéger, et déjà
femme ionienne; déjà du vivant de son les murailles cé(laient sous l’effort du
père il avait' réuni autour de lui un bélier , lorsque Pandarus eut la pensée
arti qui le portait vers le trône Crésus, : de mettre la ville sous la protection de
Is dela femme carienne, fut désigné Diane en reliant par une longue corde
,
par Alyatte pour lui succéder. Porté par le temple avec fa partie de la ville
le parti carien, il renversa facilement son contre laquelle l’attaque était dirigée :
compétiteur, et le premier acte du nou- cette distance était de sept stades. La
veau roi fut d'anéantir le parti ionien et ville n’en fut pas moins prise et Crésus
de confisquer les biens des principaux se contenta d’emporter un large tribut,
conspirateurs. Pour effacer l’impression mais laissa les Éphésiens se gouverner
fâcheuse que cette vengeance avait pro- par leurs lois. Toutes les autres villes
duite , il envoya de riches présents dans ioniennes tombèrent successivement au
les principaux centres religieux, et réta- pouvoir de Crésus ; mais , loin de leur
blit plusieurs colonnes du temple d’É- faire sentir un joug pesant , le prince
pbèse, qui avait souffert du temps des lydien s’efforçait d’éteindre les ancien-
Scythes. Il consacra des taureaux d’or, nes haines entre les différents peuples.
monuments dontncus pouvons avoir une Les artistes grecs étaient appelés à sa
idée en voyant les taureaux de Persépo- cour et travaillaient les métaux précieux,
lis et de Ninive. La beauté et la ricliesse que les mines du Tmolus'et d’Astyra
(le ces offrandes donnent la plus haute lui fournissaient avec abondance; ce
idée des progrès des arts dans cet empire court moment du règne de Crésus fut
de Lydie. •
:... la plus brillante période de l’Asie Mi-
Le temple ionien des Branebydes neure; les villes grecques étaieàtsoumi-
.11 T
ASIE MINEURE. Ui
ses, le commerce avec l'intérieur s’éten- sur le trône à la suite d’une révolution
dait jusqu’aux confins de la Babylonie et soutenue par les troupes grecques. Ces
delà Perse; toutes les richesses naturel- trois Etats comprenaient déjà que l’em-
les du pays étaient mises en valeur, et les pire de Perse prenait une attitude me-
Grecs profitaient de tout ce concours naçante à leur egard une ligue offensive
:
de circonstances pour faire leur éduca- et défensive pouvait seule les sauver.
tion de peuple intelligent; les arts de la Les Perses n’étaient pas seulement
musique et de la poésie puisaient à la les ennemis politques de ces trois
source asiatique des inspirations nou- royaumes et Cyrus ne s’annonçait pas
,
avait été sensible au présent fait par le mépris pour le ciulte anthropomor-
roi de l’or nécessaire pour élever la phique des nations de l’ouest, et la des-
statue d’Apollon ; aussi la proposition truction drs idoles était pour eux un
d’alliance faite à cette répunlique fut- acte méritoire : voilà pourquoi dans la
elle accueillie avec sympathie. suite de cette guerre ue la Perse contré
Crésus, maître de l’Asie d’une mer à l’Asie grecque Xerxès déploya sa rage
l’autre Jusqu’aux rives de l’Halys, avait autant contre les temples des Grecs que'
fondéun royaume plus vaste etplus glo- contre' leS Chertés des villes.
rieux que celui de Priant. Les villes d’Io- L’allianeé de ces troi^ peuples aidée
nie, actives, élégantes et industrieuses, de celles des Lacédémoniens aurait peut-
formaient comme sa couronne maritime ; être suffi pour arrêter le torrent des
mais cette loi fatale qui veut que rien ne peuples d^' l'Iran, si' Crésus dans son
reste stable dans les institutions humai- orgueil n’eût commis une faute irrépa-,
nes poussait Crésus , depuis qu’il pos- rable motivee.par la réponse ambiguë dé
sédait une marine, à convoiter les pays l’oracle.
d’outre-mer. Chypre, qui avait échappé à
'
la puissance assyrienne, était alors au cette histoire de t-ydîe, qui. malgré ïé'ê'
pouvoirdes Phéniciens enfin, entre l’Ha-
; lacunes qu’elle présente, nous offre en-
lys et l’Euphrate il y avait un vaste pays, core le tableau réuni de tout ce qui
qu’on appelle la Cappadoce, et qui était peut foire la glqiréd'un peuple, richesse,
sous la suzeraineté de la Perse le roi de
: puissance et pbésie.
Lydie songeait à conquérir l’une et Crésus, persuadé qu’il aurait bon mar-
daus Sardes
l’autre contrée et l’on criait : ché de l’armée perse, marcha éontre Cy-
« A Mazaca avec Crésus. » rus avec son armée lydienne et 'ses bbn^.
Les oracles interrogés s’étalent bien tingents de Grecs d’Asie.' Parvèn U aux
gardés de faire une réponse négative à rives de l'IIalys, il traverse ce fleuve avec
une question accompagnée de si riches son armée soit sur des ponts, comme le
présents. Crésus conçut le projet d'en- croit Hérodote, soit en divisant le fleuve
vahir la Perse, et en trouva facilelnent en plusieurs canaux faèiles "à passer à
le prétexte dans le désir de délivrer gué. La marche qu’il suivait en partant
son parent, Astyage, retenu captif par de Sardes était le nord-est ; il arriva au
Cyrus. bord du fleuve en longeant les monta-
Crésus songea d’abord à se créer des ges qui furent plus tard les limites sud
alliés ; il pouvait compter sur le secours de la Gàlatie dans la région où l’Halys
dés Babyloniens avec lesquels son forme un grand coude pour couler de
père Aly.qtie était déjà en bons rapports l’ouest au nord, et l’armée gagna la vallée
d’amitie; il avait aussi recherché l’al- du fleuve d’aval en amont; c’est ainsi
lianced’ Amasis,roi d'Égy ptç, qui comme
le dernier des Mermnacies étaff nionlté (i) Hérodote, I, i3i,
IS.
,
244 L’UNIVERS,
qu’il faut entendre les mots d'Héro- comme dit Hérodote, et non pas dans
dote (1). Thalès imagina de détourner leschamps de la Ptérie , car cette ré-
sur !a droite de l’armée le fleuve qui gion montagneuse n’offre pas de plaine
coulait à sa gaurhe. LUalys franchi, où puisse se développer une armée.
l’année lydienne se trouva dans la ré- Le combat fut sanglant, mais sans ré-
sion appelée Ptérie, pays montagneux sultat , et les deux armées se retirèrent
(]ui s’étend jusqu’à Sinope. On recon- chacune dans ses cantonnements.
naît sans peine le district situé entre la Crésus rentré à Sardes licencia ses
ville moderne de Youzgatt et les rives troupes, et songea à réclamer le secours
du fleuve, et dans lequel le village de de ses alliés pour la campagne pro-
Boghaz keui, le village du défilé, forme chaine ; mais, par une marche rapide,
le point culminant. Crésus s’y établit Cyrus fit entrer son armée en Lydie, et
ravagea les terres des Syriens (Cappa- la capitale même était menacée avant
Voilà donc la ville de Ptérium située être la cavalerie lydienne eut-elle dis-
sur la rive droite de l’Halvs, dans un persé l’armée de Cyrus , sans un strata-
pays montagneux, ruinée, dépeuplée et gème qui est resté célèbre.
complètement abandonnée. Depuis cette Harpagus,généxul mède, sachant com-
époque aucun historien ancien ne fait bien la \ue et l’odeur des chameaux ins-
plus mention de Ptérium ; néanmoins pire d’effroi aux chevaux, fit placer au
dans la table de Peutinger on trouve une premier rang de l’armée perse , une
ville du nom de Ptérami, située entre troupe de chameaux montée par des ca-
Néocésarée (Niksar) et Tavium (Nefes valiers. L’effet de cette tactique ne se
keui), précisément à la place qu’occu- fit pas attendre ; les chevaux de la ca-
pait Ptérium ; Hiéroclès mentionne cette valerie lydienne, effrayés à l’aspect des
même ville sous le nom de Pteamaris, chameaux , se ruèrent en désordre les
il est permis d’y voir le nom corrompu uns sur les autres, et prirent la fuite ;
de Ptérium. On doit ajouter que si les l’armée lydienne malgré des prodiges de
ruines de cette ville existent encore, il courage lut obligée débattre en retraite,
ne doit s’y trouver aucun monument et se retira dans les murs de Sardes.
postérieur à cette époque reculée , mais L’armée victorieuse investit la ville,
que tous au contraire doivent porter le qui fut prise après quatorze jours de
cachet de l’art oriental. Nous avons re- siège, et Crésus tomba prisonnier entre
trouvé ces ruines dans le territoire du les mains du vainqueur.
village de Boghaz keui, et nous les dé- Cest ainsi que s’écroula l'empire de
crirons quand nous serons arrivés dans Lydie, après une seule bataille perdue;
la Cappadooe (3). les peuples divers qui le composaient
Cyrus après avoir rassemblé son ar- ne firent aucune tentative pour s’oppo-
mée* envoya des émissaires dans l’Ionie, ser à la domination perse ; loin de là,
pour essayer de la détacher de l’obéis- les Éoliens et les Ioniens, à la première
sance de Crésus ; mais les Ioniens se re- nouvelle des victoires de Cyrus, s’em-
fusèrent à ses propositions les deux : pressèrent d’envoyer à Sardes des dépu-
armées en vinrent aux mains aux en- tés, pour offrir au roi de se reconnaître
virons de Ptérium ( Iv tj) iteTpIrj x“Pîl )i ses sujets, aux mêmes conditions que
leur avait accordées Crésus ; mais le roi
(i) Hérodote, liv. I"', yS. de Perse refusa , et les villes se prépa-
(a) Steph. Uyz., voyez Plérion. rèrent à la guerre pour défendre leur
(3) f'ajr. Ptérium et Boghaz keui. propre liberté
,
nombre de familles., et surtout celles des paré de Cymé, il marcha sur Nym-
artistes, étaient forcées de s’expatrier, ihæum, commandé par l’Albanais Adu-
et rentraient en Europe, où elles por- fas,gendre de l’émir; cette petite ville
taient le goût et les connaissances fut prise aprèsune courte résistance,
qu’elles possédaient dans les différents etMahomet se présenta devant Smyrne,
arts. L’émigration se répandit en Grèce, que Djounéid avait fait fortifier.
dans les iles, en Italie, et jusque dans Le grand maître de Rhodes, qui pos-
les Gaules. sédait le château des chevaliers, vint se
La Lydie devint une satrapie ou dé- présenter au sultan pour concourir à la
partement du vaste empire de Perse, prise de la ville. En effet, après dix
et désormais nous n’avons plus à enre- jours de siège, Smyrne lui fut remise.
gistrer que l'histoire de son territoire. Mahomet fit raser les tours et les murs,
Dans la division de l’empire faite par et la tour même que le grand maître
Darius, la Lydie et la Mvsie furent com- avait fait bâtir à l’entrée du port fut
prises dans la seconde satrapie, et rasée en une nuit. Le sultan motivait
payaient au trésor royal cinq cents ta- cet acte d'hostilité , sur ce fait que les
lents. Sardes fut le lieu de résidence chevaliers favorisaient la fuite des es-
du satrape, qui était plutôt un lieute- claves des Musulmans. Mais il assigna
nant du roi qu’un simple gouverneur. aux chevaliers un autre territoire dans
Alexandre, maître de Sardes, laissa aux la province de Mentesche pour y cons-
habitants les privilèges dont ils jouis- truire une autre forteresse (i403).
saient encore après la mort de ce prince. Djoiméid ne s’en maintint pas moins
La Lydie tomba sous le pouvoir d’An- dans le pouvoir qu’il avait usurpé, pos-
tiochus , et après la bataille de Magné- sédant plusieurs villes importantes dans
sie , elle fut annexée au royaume de l’intérieur des terres, et notamment
Pergame , et finalement devint une pro. Thyatire, dont il avait augmenté la dé-
vince romaine quand les États d’Eu- fense. Attaqué de nouveau, en 1424, par
mène furent légués au peuple romain. le sultan Mourad, il leva une armée
Pendant toute la période de l’empire qu’il n’eut pas le temps d’équiper, pour
romain et de l’empire de Byzance , la opposer une résistance suffisante aux
Lydie fit partie de la province proconsu- forces du sultan. Les deux armées en
lalre; elle fut enfin conquise par les vinrent aux mains dans les plaines de
hordes musulmanes. Thyatire. Battu dans cette rencontre,
Ala Eddin III fit une expédition en Djounéid se retira dans le château fort
Lydie, et la capitale fut soumise pen- d’Hvpsili Hissar, sur la côte d’Ionie,
dant quelque temps, moitié aux Grecs, en face de Samos ; les ruines de ce fort
moitié aux Musulmans, jusqu’à ce que existent encore, et portent toujours le
la garnison turque fut expulsée par les même nom.
Grecs , avec le secours des troupes de L-e général ottoman Chalil traversa
246 .ViJ^WVERS.
1 Hertnus, s'empara de, nouveau de sotmolitæ : la ville portait le nom de
Nymphæum ,
et rétablit sous l’autorité Mesotmolus ; elle est mentionnée dans
du sultan toutes les vilits de la cote, lanotice de Hiéroclès,; son emplacement
jusqu’à Éplièse. La défense d'ilysili estinconnu. Sur un des sommets de la
H.issar était confiée à Bayazid, père (te montagne, Strabon signale comme un
î)jounéid; pendant ce temps le uey re- monument digne d'être vu une vedette
belle était allé solliciter le secours du ou corps de garde en marbre blanc (I),
prince de Karamanie, qui ne lui accorda avec une exhèdre, sorte de galerie pour «
que cinq cents hommes, avec lesquels il s’asseoir. C’était un ouvrage des Perses.
revint dans sa forteresse , alors assiégée De cet endroit on découvrait les plaines
par liauisa-bey. Les troupes ottomanes d’alentour, et surtout celles du Caystre.
étaient hors d.état de livrer un assaut, Strabon détermine si bien la positiou de
la place étant constamment ravitaillée ce poste avancé, il est si probable qu’il
par mer; c’est alors que le sultan Mou- fut elevé après l'invasion ionienne et sur
rad sollicita le secours des Génois de la route suivie par les Grecs qui vinrent
Phocée, qui vinrent bloquer la place avec attaquer Sardes, qu’on peut espérer de
trois navires. Djounéid , à bout de res- découvrir les vestiges de ce monument.
sources, consentit à une capitulation L’armée ionienne avait pris des guides
avec Clialil, qui lui garantit la vie sauve à Éplièse, et remontant le Caystre elle
;
mais à peina se fut-il livré entre les franchit le Tmolus et vint tomber sur
mains des Ottomans , qu’il fut étranglé Sardes (2) : le poste d’observation aura
avec toute sa famiHe par les ordres de été construit après cette expédition pour
Hamsa-bey. Djounéid avait tenu sous garder le passage de la montagne ; il aura
son pouvoir, pendant vingt ans, toute dû par sa (losition élevée se trouver ga-
la Lydie et l'Ionie. 11 avait su, parla ranti d'une destruction complète.
ru.se et par la force des armes , tenir en Nous entreprîmes sans succès de re-
échec les armées des sultans. Ce nom, trouver ce monument en franchissant
presque oublié aujourd’hui, faisait trem- la montagne dans le méridien de Sardes
;
bler toute l’A-natolie, et les autres émirs cette course nous conduisit aux sources
étaient devant lui comme de simples du Pactole, qui n’avaient pas encore été
vassaux; enfin il périt en 1425, et tout observées, et sur le versant sud du Tmo-
le pays resta désormais soumis au pou- lus nous visitâmes les ruines encore
voir des sultans. ignorées de la ville d’Hypæpa.
En quittant la ville de Smyrne nous
CHAPITRE XV. fîmes route au sud pour gagner la val-
lée du Caystre, et nous Hmes notre pre-
BOUTE A THAVEBS LE TMOLDS.— VILLE
d’hyPJEPA. TAPOE. —SOURCES — mière halte au village de Fortouna, et
le lendemain nous partîmes pour Bain-
DU PACTOLE. dèr afin de gagner le haut Caystre. Cette
Le partie de la plaine est ineulte, sans on-
territoire de la Lydie, quoique fer-
tile etbien arrosé, était néanmoins dé- dulations, et couverte de buissons. De
pourvu de forêts et de grands arbres ; distance en distance sont elevés de pe-
aussi les satrapes avaient-ils clioisi de tits corps de garde couverts de feuillage
ASœ.^INElJRE. Î47
que, sur la partie sud d’un des ver^ani® constructions byzantipes qui ont appar-
au ïmolus; les maisons sont bâties en tenu à une église et à un monastère. La
argile rouge et en bois. Il y a environ petite église a la forme d’une basilique
dix mo8(|ué8s, mais deux surtout seule- ce qui caractérise les constructions an-
ment sont toutes en pierre; la plus im- térieures à Justinien.
portante est couverte en dôme et en- Le bourg de Caloé lieu de naissance
tourée d’un portique qui se détache sur de l’historien byzantin Léon le Diacre,
un rideau de cyprès. De nombreuses était situé dans'le voisinage d’Hypæpa
fontaines anrosent les rues. Le quartier et l’auteur grec le décrit comme une
turc est le plus populeux : il compte admirable r&idence, au pied du mont
plus de sept mille maisons ; les Grecs Tmolus.
sont au nombre de quaire-cents famil- Léon le Diacre était né en 930, et fut
Arméniens et l’historiographe de l’empereur Basile II.
les: il
y a aussi quelques
peu de Juifs. Le commerce des matières On peut, sans craindre de se tromper
premières, du grain, de l’huile, des grandement, identifier avec Caloé cette
peaux, est assez florissant. localité, dont nous n’avons pu savoir le
y
Le coton est la principale culture qui nom moderne; ces ruines ne sont pas
occupe les habitants de Baïndir. Celte éloignées de Yaka keui. Caloe a dll être
même année , ils en envoyaient au mar- embellie de monuments religieux d’une
ché de Smycne cent quarante-cinq bal- certaine importance :c’était un siège
octobre; il se sème en mai ; il faut pour sont des roches de gneiss très-micacé;
sa réussite des terres Itères et faciles le mica y est mêlé de parcelles très-
à arroser. Baïndir envoie aussi à Smyrné menues. Nous arrivons enfin à Demich,
de la soie, des figues et un peu de laine. grande ville éloignée de six lieues E.-
Nous apercevons enfin une petite ri- N.-E. de Baïndir, Demich coutieut un
vière couverte de roseaux c’est le
: peu plus de huit mille habitants; il y a
Caystre. Les anciens appelaient cet en- douze cents maisons turques, sept cents
droit la plaine Cilbiane; elle passait maisons grecques, et une quarantaine
pour très-fertile, et en effet de nos de maisons arméniennes. D'après cette
fours elle n’a pas perdu sa réputation ( 1 ) ;
tuperiores, H parle encore ailleurs des Cil -
(i) Eusiathe, dans son commentaire, vers biani y4gri. Strabon (liv. XIII, p. 619) dit
839, p. t4g, édition d’Oxford, sur Denys que la plaine Cilbiane (xi KtXStaviv vteiKov)
le Périégfte. était entre le Tmolus et le Caystre. C’est
Pline ( V , ch. ag ) met les sources du dans cette région qu'étaient situées les mines
Cavstre dans les montagnes qu’il appelle Cil- de cinabre qui appartenaient aux Éphéaiaus
liiana Jnga, et le même auteur nomme Cil- (Vitrave, liv. VII, ch. 8).
hiaui le peuple qui habitait aux environs. (i) Illiade, liv. II, 461.
Ou le distinguait en CUbiani iiiferioret et (a) Strabon, liv, XIII, p. 6x7.
, ,
248 L’UUrVERS.
estimation, elle est égale en étendue à CHAPITRE XVI.
celle de Baïndir. Un grand torrent des-
cendant duTmolus traverse la villedans HYP45PA.
toute sa largeur, et sert à l’irrigation
des rues. Kn 1840 on a bâti une grande Iji ville moderne qui remplace l’an-
église grecque, d’une assez belle appa- cienne Hypæpaest appelée par les Turcs
reuce ; une cotisation de 500,000 pias- Tapoè; mais les Grecs lui ont conservé
tres, produite par la nation grecque, son nom, eti’appellent aujourd’hui selon
pourvoyait aux principaux frais. La plus leur prononciation Hypipa.
grande partie des matériaux étaient tirés On ne saurait du reste avoir de doute
de la ville d’iiypæpa , qui n’en est éloi- sur sa situation , car elle est bien déter-
gnée que d’uné lieue. Les Grecs don- minée par Strabon (t). Il dit qu’en des-
naient une partie de leur temps pour cendant du Tmolus vers la plaine du
l’extraction des matériaux ; l’argent ne Caystre, on trouve la ville d’Uypæpa.
servait que pour payer la décoration, Cette petite ville est à une lieue N. -O.
une partie des bois et les ouvriers venus de Demich. Elle est souvent citée par
du dehors. Aussi l’aspect de l’édifice an- les auteurs anciens, qui lui donnent
nonce-t-il une dépense plus forte que toujours l’épithète de petite.
celle qui a été faite en réalité. « Le Tmolus, escarpé et d’une ascen-
Les ruines d’Hypæpa eurent beau- « sion pénible, s'abaisse en deux ver-
coup à souffrir de ces, constructions « sants;d’un côté vers Sardes, de l’autre
nouvelles, car ce qui restait d’édilices « il se termine à la petite Hypæpa. »
antiques fut complètement dépouillé Ovid., Métam., XI, 150.
de ses marbres pour décorer la nouvelle Hypæpa était célèbre par la beauté
église ; et tout ce qui n’a pu être trans- de ses femmes , qui se distinguaient sur-
porté, soit à cause de son poids , soit à tout entre les Lydiennes par la grâce de
cause de sa forme, a été brisé ou con- leurs danses (2). Le culte de Diane per-
verti en chaux, attendu que Demich est siuue ou d’Astarté s’y était perpétué
sur un terrain de gneiss, et que la pierre meme du temps des Romains. Pausanias
calcaire y est fort rare. Toutes les ins- raconte avec étonnement la jonglerie
criptions d’Hypæpa ont été employées d’un mage (3) , qui allumait sur un au-
comme dallage et comme revêtement tel du menu bois sans le secours du feu.
et aucun des prêtres n’a eu la curiosité Parmi les habitants d’Hypæpa il y avait
d’en copier une seule. une tribu qu’on appelait les Lydiens
On trouva dans les fouilles une statue persiques , sans doute à cause du culte
de Vénus, qui a été transportée à De- qu’ils avaient embrassé. Toutes les invo-
mich, et qui sert .à soutenir l’escalier de cations se faisaient en langue barbare
l’école grecque. Ce morceau de sculp- et inconnue aux Grecs. Hypæpa est
ture date des beaux temps de l'art. La placée sur la pente du Tmolus, aux
tête et le cou manquent, et l’on voit par abords d’une plaine élevée et entourée
la coupe des épaules que la tête avait de. montagnes ; son enceinte est coupée
été rapportée. Dans une muraille voi- par un ravin profond , dans lequel il
sine, on lit deux inscriptions qui vien- n’y a de l’eau qu’une partie de l’année.
nent aussi d’Hypæpa ; ce sont les deux Cinq ponts antiques étaient jetés sur ce
seules qui n’ont pas été dénaturées : ravin ; on eu voit trois qui subsistent
encore. En suivant la pente de la mon-
Nicopnlis, fille d’Arléniidore , avec
tagne du côté du nord, on reconnaît une
sou mari Hermolaüs , a élevé ce mo-
grande partie des murailles; elles sont
nument à sa fille Apliia.
construites en petits moellons de gneiss,
Cette autre inscription est des temps et ne paraissent pas remonter a une
chrétiens; elle sert de dallage dans la haute antiquité. La ville d’Hypæpa a
cuisine de l’école : été florissante, même sous l'empire
romain. Cette galerie se compose de un petit temple dont les colonnes sont
deux corridors parallèles de 4'°,30 de cannelées en spirale ; les murailles sont
largeur; le mur de séparation a l'°,70 bien conservées. Dans cette partie, on
d’épaisseur, renfermant dans sa cons- aperçoit encore une petite poterne.
truction plusieurs fûts de colonnes de L’étendue de la ville d'Uypæpa ne m’a
granit. Leur diamètre est de l‘°,30; ils pas paru différer beaucoup de celle d’un
sont bruts à la surface et espacés de grand nombre de villes anciennes; il
3"',92. Ces fûts de colonnes sont reliés faut croire qu’elle a été beaucoup aug-
par une muraille également en granit mentée depuis le temps d’Oviae. Je
mais faite de petits moellous avec des quittai ces ruines avec le regret de ne
arcs de décharge formant une sorte de pas les avoir visitées une aunee plus tôt,
jniche; les colonnes entrent dans le sol, car j’aurais trouvé ces édifices d’un meil-
qui est couvert de décombres, et pé- leur état de conservation.
nètrent par le haut dans l’épaisseur des Comme les voyageurs qui ont exploré
voûtes de la galerie. C'est évidemment cette région avaient toujours supposé
la substruction d’un portique dont les que Birghé était l’ancienne Hypæpa , ie
colonnes correspondaieiit aux fûts qui voulus visiter cette ville , éloignée lUe
sont dans la galerie ; D’après la dispo- deux lieues à l’est de Tapoè, afin de
sition du lieu , il est à croire que cette m’enquérir si elle n’était pas en effet
alerie appartenait à un temple, mais sur le site de quelque antique cité.
'une construction différente de ceux Les ruines d’Uypæpa ont aussi fourni
üigmzcd Dy ^JOOglt
a
3^0 L’UNIVERS.
à Birghé des colonnes, des chapiteaux teurd’homme. Cet arbre est, il est vrai,
et d’autres fragments de sculpture qui beaucoup plus jeune que celui de Cos,
sont enaployës dans les édiflces publics. mais il est infiniment plus beau ; tout
Mais la ville de Birghé ne renferme au- le corps du bois est sain , et ses bran-
cune construction antique ; elle est si- ches s’élèvent à une hauteur prodigieuse.
tuée sur un torrent qui descend rapide- Le gneiss se présente en rocs volu-
ment du Tmolus. Un pont d’une struc- mineux; le quartz est très-abondant :
ture pittoresque réunit les deux parties on en rencontre de nombreux morceaux
de la ville ; de beaux arbres ombragent épars sur la montagne. Après avoir
ses rues et ses maisons, peintes de diver-
: monté encore une heure, nous nous ar-
ses couleurs , lui donnent un aspect de rêtons près d’un café abandonné. J.
richesse et de gaieté que n'ont pas com- chaleur est très-forte, malgré la saison
munément les villes musulmanes. La avancée.
grande mosquée est couverte par une cou- Le paysage que nous avons devant
polede plomt) ; elle aun portique avec des les yeux est des plus magnifiques ; tout
colonnes de granit, dont les bases sont le Caystre se déploie à nos regards.
des chapiteaux antiques. Un voyageur Les nombreux villages de la plaine sont
anglais a pensé que le nom de Birghé cachés sous des bois d’oliviers, et de
avait été donné à cette ville à cause des l’autre côté la chaîne du Messogis, qui
tours (;:ûpYat) qui s’y trouvaient; mais commence à prendre une teinte violâtre,
il n’existe autour de la ville aucune termine l’horizon.
trace de fortification. Les beaux arbres dü mont Tmolus
Le 4 octobre, je quittai la ville pour forment un premier plan d’une riche
franchir le Tmolus. L’agha de Birghé couleur. Nous restons longtemps à con-
m’envoya des chevaux et mit à ma dis- templer ce magnifique tableau ; mais la
position plusieurs hommes de sa maison crainte de nous trouver de nuit dans
pour m’enseigner la route, car ces pas- la montagne nous fait presser le pas.
sages sont peu fréquentés , et passent Nous sommes dominés ^r un sommet
dans le pays pour offrir peu de sécurité conique et dépouillé de verdure; de
aux voyageurs. l’autre côté, la crête de la montagne,
paiement aride, se prolonge jusqu’à
CHAPITRE XVII. ierte de vue. Je promène en vain ma
funette sur tous ces sommets; c’est
PASSAGE DU MONT TMOLUS. pourtant en ces lieux que devait se trou-
ver cette vedette de marbre blanc bâtie
Nous nous dirigions au nord, en sui- par les Perses. Strabon indique assez
vant le cours du torrent qui traverse bien sa position , en disant que de ce
Birghé. Outre le grand pont de pierre, point on jouit du coup d’œil de la plaine
on a établi plusieurs petits ponts de bois de Sardes, et principalement de celle
|ui s’enlèvent lorsque les eaux sont trop du Caystre.
?ortes. Les montagnes qui dominent la Après avoir monté pendant une lieue,
ville sont plantées de noyers et de châ- nous arrivons sur un plateau formant
taigniers. Les cailloux du torrent sont un col de deux lieues de tour .N. -S., sur
des blocs de gneiss détachés de la pre- lequel est situé le village de Téké ; nous
mière montagne, qui n’est composée q^ue sommes arrivés au point de partage
de terrains d’atterrissements , de sable des eaux du Caystre et de l’Hermus.
rougeâtre et de cailloux de gneiss. Noos Le faible ruisseau qui arrose cette haute
tournons à droite dans un vallon qui vallée roule ses eaux sur un sable mêlé
sépare cette première montagne du de mica , qui ressemble à des paillettes
mont Tmolus , et nous commençons à métalliques. Des Isources coulent de
monter rapidement. Des fontaines abon- tous côtés, portant Wr tribut à ce ruis-
dantes et nombreuses coulent de tous seau ignoré aujourd’hui , et dont les ri-
côtés. Après une heure et demie de mar- clies.ses ont été bien souvent convoitées.
che , nous faisons notre première halte Nous sommes aux sources du Pactole,
sous un énorme platane, dont le pied a qui avant d’aller arroser la capitale de
douze mètres de circonférence à hau- la Lydie donne la fertilité à toutes les
,
ASIE MINEURE.
campagnes environnantes et anime un ne .'pouvions sopger à nous rendre à
paysage sévère et majestueux. Nous Sardes ce jour-la; nous avions encore à
avons fait pea de chemin, que déjà le traverser une vallée 'E.-O., formée par
ruisseau devient abondant, et peut four- une suite d’acrotères parallèles à la
nir de l’eau à des moulins dans un par- chaîne du Tmolus etdbOS fonués de ter-
cours de deux lieues. Jusqu’au bout du rains d’atterrissements. La lumière de
col de Téké, j’ai compté douze sources la lune ne pouvait pénétrer l'épaisseur
ou ruisseaux qui arrivent dans le lit du feuillage ; nous marchions dans une
du Pactole; tous ont de l’eau, même obscurité complète. Enfin nous nous
en été; pendant l’hiver et le printemps, trouvons au bas du Tmolus ; nous tra-
ce petit fleuve doit former un torrent versons un petit ruisseau qui va se jeter
considérable. dans le Pactole, dont les eaux bruis-
En quittant la plaine de Téké, il com- sant au loin troublent seules le silence
mence à tomber en cascade sur des blocs de ces solitudes.
de granit, et s’enfonce rapidement au Nous arrivons à Alectiane, hameau
fond d’un ravin étroit et profond. La de quinze maisons. Les poutres qui ser-
route quitte ici le lit du fleuve et monte
, vent de plafond à notre chaumière sont
en serpentant sur le flanc de la monta- noires comme de l’ébène. Nous allu-
gne. Les deux pentes de la vallée portent mons un cierge de cire jaune, seul lu-
encore les dernières traces des forêts qui minaire dont nous nous soyons pourvus
couvraient jadis la montagne ce sont ; à relise grecque de Baïndir. Les habi-
des chênes antiques, presque dépouillés tants sont meuniers et bûcherons ; ils
de feuillage etclair-semés au milieu des vont travailler à Sm^e et à Magnésie.
rochers. Ce sont les seuls indices de Cet endroit a toute fa fraîcheur des ha-
végétation qui subsistent dans ces meaux de la Suisse. Nous étions encore
lieux, car les rochers sont dépouillés de à mille mètres environ au-dessus de la
mousse et de broussailles. Derrière la plaine , qui était séparée de nous par
crête que nous avons au nord se trouve une chaîne inférieure parallèle au Tmo-
un petit lac qu’on appelle Gazocleu lus , et toute composée de terrains d’at-
lac aux oies; il donne naissance à un terrissements formés de sable rouge et
ruisseau qui va se joindre au Pactole. de cailloux de quartz. Cette montagne
Toute la structure de la montagne secondaire est complètement dépouillée
que nous avons parcourue est de gneiss de verdure. Nous la franchissons avec
et de granit, mais la formation de gneiss une certaine difficulté, et nous'nous
occupe la plus grande partie du versaut trouvons enfin sur le versant qui domine
méridional. la plaine de Sardes. Une partie déta-
La constitution géologique du Tmolus chée de cette montagne forme un cône
n’est pas en désaccord avec la tradition isolé sur lequel sont encore des cons-
de l’existence des mines d’or dans ces tructions antiques. Les Turcs donnent
parages. En effet, tout le versant sep- à cet endroit le nom de Kiz-konlé-si
tentrional de la montagne est composé (la tour de la fille). On sait qu’il ne faut
de terrains d’atterrissements formés d’é- attacher aucune importance à cette dé-
léments primitifs, le quartz et le gneiss nomination , qui se trouve appliquée à
qui servent de gangue à l’or. En suivant un nombre innni de vieux édinces. Ces
lecours de la rivière, j’ai examiné s’il ruines appartiennent à la citadelle de
ne restait pas quelques traces de ces Sardes, qui pouvait en effet paraître
anciens gisements, et j’ai consulté les imprenable à une époque où l’art de la
paysans pour savoir s’ils n’avaient ja- balistique était encore si peu avancé. En
mais découvert quelque pépite inétalli- tournant le mamelon du côté de l’Est,
que; mais j’ai descendu la montagne, nous rejoignons le. cours du Pactole,
convaincu que ces mineS du Tmolus qui a repris sa tranquillité première et
sont complètement épuisées , et qu’un coule lentement jusqu’à l’Hermus. Il
hasard inattendu pourrait seul mettre faut que le cours de ce dernier fleuve se
sur la trace d’un nouveau dépôt auri- soit considérablement rapproché de la
fère. ville de Sardes, car Strabon estime
La nuit était tout à fait arrivée, nous qu’il en était séparé par une distance de
,
9fi3 LTJISIVKRS.
CHAPITRE XVIII.
même fait; d’après Apollonius, histo-
rien de la Carie, Hyda était la résidence
d’Omphale , reine des Lydiens et fille
SABDBS. de Jordanus ; mais, poursuit cet auteur,
Léandre, surnommé Nicanor, lui donne
Lorsque nous descendions les pentes le nom de Sardes.
du Tmolus, éclairées par un resplendis- La citadelle occupe une colline d’un
sant soleil d’automne, nous avions de- accès difficile, mais dont nous ne pou-
vant les yeux une plaine vaste et nue, vons aujourd'hui connaître la forme
sans ondulations, sans la moindre cul- primitive c’est une branche avancée des
;
ASIE MINEURE. Ki
uipensent que l’inflnence orientale a révolte que sur un ordre de Cyrus tous
ominé chez les premiers rois de Lydie les Lydiens furent désarmés. Il leur fut
pourront y retrouver quelque analogie ordonné de porter des tuniques et des
arec les noms de certains rois assyriens, cothurnes; on n’enseigna aux enfanta
comme Sardan^-Apal. Ceux qui s’atta- d’autre art <|ue celui de la musique, et
chent de préférence aux traditions grec- tout fut mis en oeuvre pour anéantir
ques pourront se rapporter au mythe l’esprit guerrier de la nation. Les Ly-
a’Hercule , dont la fille Sardinie donna diens qui avaient suivi le parti de Pac-
le nom à l'iie de Sardaigne. tyas furent vendus comme esclaves et
Sous le rème d’Ardys, les Cimmé- Pactyas lui-méme fut livré aux Perses.
rieos, d^à maîtres d’une partie de l’Asie, Cette insurrection eut de funestes con-
s’emparèrent de la ville de Sardes ; la séquences pour les villes d’Ionie : Priène
citadelle senle leur résista ils restèrent
: fut prise et les habitants vendus à l’en-
en possession du pays jusqu’au règne chère.
d’Alyatte (1). Gygès augmenta le sys- Sardes u’en resta pas moins le prin-
tème de défense, mais depuis Candaule cipal siège de la puissance perse en
jusqu’au dernier des Mermnades, la Asie et la résidence du premier satrape.
ville royale des Lydiens put jouir des Sous le règne de Darius, Artapl»erne,
douceurs de la paix. frère du roi, fut nommé gouverneur de
Après la bataille deThymbrée Crésus, Sardes (1). Pendant la révolte suscitée
vaincu par Cyrus, se relira dahs sa ca- par Aristagoras, les Ioniens, aidés des
pitale, qui après une résistance héroïque forces athéniennes, partirent d’Éphèse,
tomba au pouvoir des Perses. La cita- franchirent le Tmolus et s’emparèrent
delle se défendait encore après qua- de Sardes, qui était toujours sous le
torze jours de siège, lorsqu'une circons- gouvernement d’Artapheme. La ville,
tance fortuite la fit tomber au pouvoir située en plaine , fut prise et incendiée;
des Perses. les maisons, qui n’étaient autre chose
La montagne de l’acropole avait paru que des cabanes, de roseaux, communi-
du cdté du Tmolus, et l’on
inaccessible quèrent le feu aux édifices publics, qui
avait négligé' d'étendre les fortifications n’avaient que des couvertures de bois
versle sud. 11 existait cependant un sen- léger; le temple de Cybèle, situé sur la
presque impraticable, par lequel un
tier, rive du Pactole , fut aussi la proie des
soldat lydien avait pu descendre et re- flammes. De ce moment date la destruc-
monter pour aller cnercher son casque tion complète des monuments de la
tombé par hasard. Sarde lydienne. Les habitudes des Perses
Ce mouvement n’avait pas échappé à de demeurer dans des maisons faites en
un soldat de Cyrus , nommé Héreade iisé ne durent pas changer beaucoup
qui suivit lés pas du lydien ,
et remon- fa physionomie de la ville pendant le
tant accompamé d’une troupe de Perses règne des Achéménides. Il faut ajouter
s’empara la citadelle. La ville fut
(le que la religion des Perses n’admettait
prise et livrée au pillage et à l’incendie. la construction d’aucun temple et d’au-
Depuis ce moment la ville de Sardes cune statue quelques Pyrées bâtis dans
;
Perse Tabalus, et chargea le lydien Pac- ville en un mot comme celles qui exis-
tyas de porter en Perse les trésors de tent de nos jours dans le bas Euplirate,
Crésus. Pactyas, loin de s’acquitter de daus lesquelles les gourbis arabes revê-
sa mission, souleva les Lydiens contre tus d’argile forment la plus belle partie
Tabalus , s’empara de la ville de Sar- des habitations (2).
des, et assiégea la citadelle, où Tabalus Xerxès avant d’entreprendre son ex-
s’était retiré. C’est à la suite de cette
coup d’œil ne parait être autre chose d’hommes pour recevoir les eaux lors
,
fait d’accord avec la description qu’en de sa base est entourée d'un épais gazon
a feite Hérodote, et qui nous fait con- et de terres éboulées qui ne permettent
naître ce monument comme le tombeau pas de reconnaître le soubassement.
d’Alyatte, père de Crésus. • On voit eu Du côté du nord le tombeau repose
Lydie, dit Hérodote, un monument qui sur un lit de calcaire marneux. La
ne le cède en rien par sa grandeur à masse du cône est composée de sable
ceux des Égyptiens et des Babyloniens; et de gravier, qui a été en partie en-
tombeau d’Alyatte : la base est
<^’est le traînée par les eaux, de manière à dé-
formée par un soubassement élevé, sut- former assez profondément le côté sud.
mouté d’un cône de terre amonwiée. On peut assez facilement arriver jus-
Il est l’ouvrage d’artisans, d’ouvriers, u’au sommet, où l’on trouve une fou-
etde courtisanes. » Au sommet de ce ation en pierre , et une des stèles dé-
monument on avait élevé cinq bornes crites .par Hérodote, mais tellement
de pierre sur lesquelles étaient gravées rongée qu'on n’y remarque plus le
des inscriptions qui indiquaient le tra- moindre caractère. Cette stèle a la
vailde chaque classe d’ouvriers (1). forme d’un phallus, ou d’une pomme
I.a circonférence du monument est de de pin semblable à celle qui surmontait
six stades deux plèthres, sa largeur de le tombeau de Tantale. Nous n’avons
avons pour la circonférence 1172 mè- sion où nous étions qu’un jour nous
tres (2); le diamètre d’un cercle de cette viendrions y opérer des fouilles. L'opi-
dimension est de 373 mètres, tandis nion de tous ceux qui ont examiné ces
que les treize plèthres de largeur don- tombeaux est que des fouilles archéolo-
nent 408 mètres il y a donc une erreur
:
giques y seraient très-fructueuses.
de 30 mètres sur le rapport des mesures Un très-grand nombre de tumulus
données par Hérodote aujourd’hui il est
: entourent celui d’Alyatte ; il en est ulu-
impossible de vérifier cette mesure , à sieurs qui sont aussi d’une grandeur
cause des terres accumulées à la base gigantesque; les autres, dont le nombre
du monument. dépasse cinquante, se présentent comme
des éminences couvertes de gazou. Les
y a dans le voisinage un grand
Il lac
toujours rempli ; les Lydiens lui ont Turcs appellent ce lieu Bin tépé, les
donné le nom de lac Gygée. La des- mille collines. On n’observe pas ici,
cription de Strabon ajoute peu de chose comme à Tantalis, les traces de recher-
à celle d’Hérodote « A quarante stades
: ches faites dans les temps anciens pour
(7 kil. 40) de la ville est le lac Gygée, dépouiller ces tombeaux; ou sait d’ail-
dont parle Homère, et qu’on a depuis leurs qu’à cette époque reculée les re-
nommé Coloé; près du lac on voit le cherches faites dans les tombeaux n’a-
temple de Diane Coloënne qui est en vait pour but que d’enlever les objets
,
grande vénération. Autour du lac Coloé d’or, mais tout ce qui consistait en va-
sont les tombeaux des rois ; du côté de ses , sarcophages et inscriptions était
Sardes est celui d’Alyotte c’est un
: abandonné dans la fouille même. L’im-
grand cône de terre surmontant un haut posant effet produit par l’ensemble de
soubassement de pierre. 11 fut construit cette vaste nécropole est bien d’accord
par le peuple de la ville , et eu grande avec ce que l’histoire nous dit de la puis-
partie par les courtisanes. Selon la tra- sance et de la richesse des rois de Lydie,
dition , le lac Coloé fut creusé de main qui pendant quinze siècles gouvernèrent
cet empire. Cependant cette pensée ne
(i) Hérodote, liv. I, y3.
paraît pas sufQsante au voyageur anglais
(*) Le slade étant de i8$ métrés, et le
tl '
.11 - .
- Î1
ASIE MINEURE 259
ment de leurs sépultures par des terres Ces Iles flottantes se retrouvent sur cer-
amoncelées : c’est du reste le genre de tains lacs et dans lesmêmes conditions :
monument qui se rapproche le plus de ce sont des roseaux agglomérés avec les
la nature primitive. Les Lydiens, chez autres détritus; nous avons vu des Iles
lesquels les Scythes et les Cimmériens de ce genre sur le lac SMfatare.près de
ont fait un long séjour, auront sans Tivoli, sur lesquelles plüsieiurs hommes
doute emprunté ce mode de sépulture pouvaient se promener ; c’étaieot en
à leurs sauvages conquérants. Hérodote, réalité de grands radqaux. Alexandre
après avoir décrit les cérémonies funè- pendant son séjour à Sardes fit recons-
bres chez les Scythes, ajoute « On élève: truire le temple de Diane Goloënne, situé
•fosuite sur le tout un tertre que l’on dans le voisinage du lac, et loi conféra
travaille à l’onvi à porter le plus haut en outre le droit d’asile;. Une' tradition
possible (2). » Les tumulus se retrou- faboleusè disait qu’aux fêtes de la déesse
vent dans toutes les parties de l’ancien on voyait les paniers danser (ti). Var-
monde; les races phéniciennes les ont ron (3) parait attacher aussi quelque
portés en Afrique, où l’on voit encore, créance à cette fable; il parle des ileades
sous le nom de Tombeau de la Chré- Nymphes, en. Lydie, qui s'agi taient .au
tienne le tombeau commun des rois
,
sonde ht "flûte et tournaient «n rond.
de Numidie, et dans le sud de la pro- Une inscription eftpiée par PeysoQ-
vince de Constantine le tombeau , non nell mentionne les dignités dont était
moins remarquable, connu sous le nom revêtue la prêtresse du temple aujour-
de Médracen. Les plaines de l’Assyrie d’hui l'emplaceihent de l’édifiee est in-
et de la Mésopotamie offrent un très- connu.- iii:,.';
(
i) > But that, and perhaps a considérable (î) Straboii , /uc. c/(. ,
treasure, might be discovered, if tbe barrows (I) VarroD, ûe rc rusuca, I. UI, cb- ty-
H’ereoftfxeà.» {Clmndltr, I, a6.) Et Uaniillnn :
r . ...
“ An undertaking, however, wbieb would
.
.
,I . - - •>>. - ' ’
probablv richly reward tbe speculator or ,
J7.
.‘C I
y Canylc
,
260 L^]N1VERS.
CHAPITRE XXII. phio était-il célèbre à l’époque Byzan-
tine comme lieu de plaisance des empe-
DE SUVBNB A SABDBS.
ITINSBAIfiB reurs. Andronic le jeune fit construire
— VILLAGE DE NYMPHIO, ANCIEN à Nymphæum un palais, qui existe en-
NYUPUÆUM. —
STÈLE DE SÉSÛS- core c’est un grand édifice carré, sans
:
les rumes de Sardes prennent une route premier est percé de six fenêtres. Sur
opposée à celle que nous avons suivie la face de côté est un grand espace vide,
et partent de Smyme en suivant la val- qui paraît avoir été occupé par une tri-
I^ de l’Hermus.Nous donnerons la des- bune ouverte. La construction et la dis-
cription de cette route, qui est plus di- position de cet édifice ont une grande
recte, et nous aurons occasion d’exami- analogie avec le palais de Constantin à
ner près de Nympbio le seul monument Constantinople. (Voy. pl. 51.)
anté-hellénique de la Lydie. L’autorité des princes byzantins lit
La route directe de Smyrne à Sardes place à celle des latins pendant une par-
est la même qui était suivie dans l’an- tie du quatorzième siècle, quand ces der-
tiquité; elle remonte la vallée du Mélès niers étaient maîtres de toute la partie
Un
vingt-buit kilomètres a l’est de Smyrne. fontaine de la place publique contient
Après avoir remonté dans toute sa lon- un bas-relief héraldique contenant des
gueur la plaine de Bournabat , on fran- paons, des fleurs de lys et un griffon
chit le col qui forme la ligne de partage passant: une inscription grecque endeux
entre les bassins du Mêles et de l’Her- vers mystiques n’est pas propre à donner
raus. La chaîne du Sipylus appelée Ma- quelque renseignement sur l’origine de
nisa dagh teste au nord , le Tmolus au ce bas-relief (1).
sud. Le col de Nif dagb relie les contre- Mais ce qui rend la ville de Nympbio
forts inférieurs des deux chaînes. Le un lieu de pèlerinage obligé pour tout
village de Nymphio, appelé Nif par les antiquaire qui veut connaître les monu-
Turcs, est sur le versant oriental du ments de l’Asie, c’est le bas-relief sculpté
col, dans une vallée qui reçoit les eaux dans le roc qui se trouve à quelques
de ce bassin et les porte à l’Hermus. kilomètres de distance de Nympbio dans
C’est le Nif tchaî, oui prend source la vallée de Kara bell. 11 üit découvert
à quelques milles à l’ouest de Nympbio, en 1839 et Immédiatement signalé à
suit son cours à l’est et va se jeter l’attention des savants.
dans l’Hermus. Nous n’avons aucun La première impression que produit
moyen d’identifier ce cours d’eau avec ce monument est sa ressemblance avec
quelque rivière ancienne, à moins d’y les bas-reliefs assyriens sculptés, près
voir le Qeuve Cryos ( froid) de Pline (I), de Beyrout, dans la vallée du Nahr el
qui était un des afQuenis de l’Hermus ; Kelb.
la limpidité des eaux du Nif tcbaï, ali- Il est taillé dans un rocher calcaire
menté par la fonte des neiges, convien- gris très-dur, à une hauteur de quarante
drait assez bien au fleuve Cryos. La mètres au-dessus du torrent.
vallée de Nympbio est couverte d’une Une niche en forme de pylône et
riche végétation. Les arbres à fruit s’y surmontée par un fronton sert de cadre
mêlent aux essences forestières, et for- à la figure. Sa hauteur est de 2“ 50 ;
ment des groupes d’une luxuriante ver- sa largeur en bas est de 2™ 50 et eu
dure; les cerises de Nympbio sont les haut de 1“ 90.
plus célèbres des environs de Smyrne; Le bas-relief représente un person-
les platanes et les sycomores atteignent nage armé, scupitéde profil, et regar-
des proportions inusitées : aussi Nym-
ni) Il a été gravé dans la Hetiue arcliéo-
(i) Piint, liv. 'V.aQ. togii/uc, auuèe i845.
,
dant du côté de l'OriStit. Sa coiffure Pour ceux qui voudraient objecter que
est conique et porte sur le devant un l’ajustement de cette figure n’est pas
ornement qui rappelle l’urœus des coif- tout à fait égyptien, Hérodote a soin de
fures égyptiennes; il' tient une lance faire observer que le costume du roi
dans sa main gauche et dans la main était moitié égyptien et moitié éthio-
droite un arc; dans sa ceinture est pas- pien. I.,es chaussures à pointes relevées
sée une sagaye; il porte pour tout vôte- ne sont pas en effet de style purement
Vnent une courte tunique striée obli- égyptien ; mais on en a retrouvé de sem-
quement ; sa chaussure est recourbée à blables dans des tombeaux d’Égvpte.
la mode asiatique. Tout cet ouvrage Du temps même d’Hérodote , l'opinion
est taillé en méplat sans modelé, et l’ac- ue cette figure pouvait être le portrait
tion des pluies a fortement agi sur le e Memnon était assez accréditée pour
rocher, qui présente une surface rabo- qu'il ait cru devoir la combattre; il la
teuse. En face de la figure et à la hau- repousse comme étant bien loin de la
teur dela tête sont quelques emblèmes, vérité.
parmi lesquels on distingue un oiseau Cette sculpture serait donc un ou-
et d’autres signes disposés comme des vrage du quinzième siècle environ avant
hiéroglyphes. Jésus-Christ, c’est-à-dire un des plus
Ce monument est situé sur l’ancienne anciens monuments de l’Asie Mineure
route qui conduisait de Sardes à Smyrne, qui aient encore été découverts. Un sa-
et tous les savants qui ont visite cet vant allemand, M. Kiepert, a visité ce
antique ouvrage, comme ceux qui en ont bas-relief en 1843, et a publié à ce sujet
examiné le dessin , ont été d’accord pour un mémoire (1), dont j'extrais les pas-
reconnaître le monument décrit par sages suivants, qui confirment mon opi-
érodote en ces termes « On voit
: nion :
aussi dans l’Ionie deux figures de Sésos- « Hérodote rapporte, comme on sait,
tris sculptées en pierre, l’une sur le d'après les récits des prêtres égyptiens
chemin qui va d’Éphèse à Phocée, l’au- sur les guerres de Sesostris , que ce
tre sur celui de Sardes à Smyrne. Cha- prince parcourut toute l’Asie anterieure
cune représente un homme de quatre jusqu’à la Thrace, et laissa dans le pays
coudées plus un spithame , tenant une des peuples vaincus des monuments
lance dans sa main droite et un arc portant son image, et des monuments
dans la main gauche , avec le reste de qui rappelaient son nom , sa patrie, et
l’habillement répondant à cette armure, le fait de la conquête. On sait aussi que
c’est-à-dire, moitié éthiopien et moitié quelques-uns de ces monuments sub-
égyptien. Sur la poitrine de la figure, sistaient encore du temps de l’historien
et allant d’une épaule à l’autre, on lit grec en Thrace, où lui-même les vit,
une inscription gravée en lettres égyp- un en Syrie, Palestine, et deux en Ionie,
tiennes, et dont voici le sens ; C’est moi sur le chemin q^ui conduit d’Éphèse à
que ces puissantes épaules ont rendu Phocée, et sur celui de Sardes à Smyrne.
maître de ce pays (1). ” Le spithame Il décrit ces derniers en détail. Ce récit
ayant la longueur d’une demi-coudée, de l’historien grec devait naturellement,
la figure décrite dans ce passage aurait malgré toute la véracité que l’on recon-
une hauteur de six pieds et demi c’est : naît à Hérodote, et qui s’est encore aug-
précisément la. hauteur de la sculpture mentée de nos jours, recevoir plus d’au-
de Kara bell. 11 y a cependant une va- torité quand les monuments mentionnés
riante : l’arc est placé dans la main par lui, du moins ceux qui subsistent
droite du roi , et la lance dans la main encore, seraient retrouvés , et qu’on se-
gauche ; mais à l'inspection de cette rait en état de porter un jugement sur
figure (2), on verra combien cette erreur l’authenticité de leur origine égyptienne,
est facile à expliquer. L’inscription pla- en s’aidant des travaux mooernes sur
cée sur la poitrine ne se voit plus; elle l’archéologie de ce pays.
aura été effacée par l’action du temps. « On ne saurait douter qu’à des épo-
et s’établit dans les terres du moût luitins dans l’Asie, reprit sur eux les
Eipylus c’est de là qu’ils prirent le
: Iles de Lesbos et les ports de l’Æolide
nom de Magnetes a Sipylo (2). Les his- établit à Magnésie le siège de son gou-
toriens se taisent sur l’origine de la ville vernement, et le conserva pendant trente-
de Magnésie du Sipyle ; elle ne com- trois ans, jusqu’en 1255. Déjà les tribus
mença à devenir célèjtre qu’après la musulmanes poussaient leurs incursions
mort d’Alexandre aucun temple au-
; ,
jusqu’aux confins de l’Asie Mineure ;
cune grande communauté reli^euse ne l’empereur Audronic II avait peine à
la signalait à l’attention des géogra- leur résister ; il réclama le secours de
phes. La victoire remportée par Lucius Frédérie,roi de Sicile, qui lui envoya des
Scipion contre Antiocbus, roi de Syrie, troupes catalanes sous les ordres de
força ce prince à abandonner toutes Roger de Flor, amiral de Sicile.
ses possessions en deçà du Taurus et ,
Les musulmans furent repousses ;
mit l’Asie Mineure sous la dépendance la discorde ne tarda pas à naître entre
des Romains ; mais ils ne s’emparèrent les Grecs et leurs auxiliaires. Les habi-
déGnitiveraent du pays qu’après la des- tants de Magnésie, irrités des violences
truction du royaume de Pergame. et des désordres que commettaient les
La bataille se donna entre Magnésie Catalans, se soulevèrent et égorgèrent la
et le fleuve Hyllus, sur la route de cette garnison. Ce fut en vain que Roger vint
ville à Thyatire. Antiocbus avait ras- en 1306 mettre le siège devant Magné-
semblé ses forcesdans cette dernière sie ; la résistance de la place fut telle
ville, et venait camper autour de Ma- qu’il se vit contraint de se retirer.
gnésie ; Scipion, en apprenant ce mouve- Dès l’année 1313, Saroukhan le Seld-
ment, Gt passer la rivière à son armée, joukide, qui donna son nom à la pro-
et obligea les ennemis de sortir de leurs vince, devint maître de Magnésie et de
retranchements et d’engager le combat. toute la côte d’Ionie : ce fut seulement
La position de Magnésie est telle en 1398 que la contrée devint posses-
qu’elle ne peut être en état de supporter sion ottomane. Le sultan Bayazid
un long siège ; elle se rendit aux Romains acheva de soumettre les villes de Lydie;
après la bataille, et depuis lors elle a eu mais après la batailléd’ Angora, en 1402,
une destinée politique assez obscure; Timour envahit la province. Les villes
de Smyrne, de Saraes, de Thyatire fu-
(t) Hum., //., II, 756 .
rent mises au pillage, et Timour ras-
• (a) Tacite, Annal., II, 47. sembla à Magné.sie toutes les richesses
,
964 LTJNIVERS.
qu'il avait accumulées. Après la retraite Le sultan Mourad III, en 1591 , fit
de Tiniour, Magnésie resta sous le élever à Magnésie un grand nombre d’é-
pouvoir ottoman ; mais de nouveaux difices d’utilité publique, un imaret, ou
soulèvements, les uns religieux, les au- hospice des pauvres, un Dehli hané, ou
tres politiques, mirent souvent en échec maison pour les fous, un bain, un cara-
milton (I) supposent que la ville de nom de Buyuk suret, la grande statue.
Tantalis était située.; nous avons montré La même montagne renferme un cer-
combien cette supposition est inadmis- tain nombre de chambres taillées dans
sible (3), puisque près de Tantalis était le roc, qui paraissent avoir servi de tom-
le port et le tombeau de Tantale. beaux.
La chaîne calcairese rattache à la for- Magnésie vue de la plaine offre tout
mation volcanique. A peu près au passage à fait l'aspect d’une grande ville; les
de la route entre Magnésie et Smyrne, nombreuses caravanes qui parcourent
une source assezabondante coule au pied les environs, le grand mouvement com-
de la montagne ; c'est dans le voisinage mercial qui se fait entre Smyrne et cette
de cette source, à vingt mètres environ au- ville donnent une grande animation au
dessus du chemin , que se trouve une paysage, et la montagne du Sipylus, qui
statue tailléedansleroc, et qui paraît re- s’élève verticalement au-dessus de la
monterà une très-haute antiquité. Tous ville, forme un fond de tableau d'une
les antiquaires sont d'accord pour y voir rare beauté aussi le panorama de Ma-
:
la statue deCybèle mentionnée par Pau- gnésie a-t-il été souvent mis en paral-
sanias,et qui passe pour être rouvrage lèle avec les plus beaux sites de l’Asie
de Brotée fils de Tantale (3). « Les Ma- Mineure. Sur un mamelon peu élevé se
gnésiens qui sont au nord du mont Si- trouve l’ancienne forteresse, qui aujour-
pyle ont chez eux sur la roche Codine d’hui tombe en] ruine. L’intérieur de la
une statue de la mère des dieux qui ville ne répond' pas à l’idée qu’on peut
est la plus ancienne de toutes. » s’en faire avant d’y entrer ; les bazars
Cette flgureest sculptée dans une sorte sont mal tenus; on a cependant cons-
de niche ; elle représente une femme truit il y a quelques années un vaste
assise et dans l’attitude de la méditation; caravau^raï qui répond à toutes les
mais les détails sont tellement corrodés exigences du commerce. La population
par le temps qu'on ne peut aujourd’hui s’élève à vingt-cinq mille âmes environ :
saisir que l’ensemble de l’œuvre ; les les Grecs comptent pour quatre mille et
eaux qui suintent du haut du rocher les Arméniens pour quelques centaines.
sur la tête de la figure, et qui donnent Les cimetières, comme dans la plupart
naissance à une foule de plantes, con- des villes musulmanes, sont des lieux
tribuent encore à en déformer l’en- de promenade l’ombre des cyprès at-
:
semble. Cette figure est de taille colos- tire le soir de nombreux visiteurs.
sale , et au premier coup d’œil on peut
l'estimer à six ou sept mètres de haut. CHAPITRE XXIV.
Pausanias et Strabon (4), qui placent
dans ces lieux la^fablede Niobe, croyaient PLAINE HYBCANIENNE.
peut-être voir dans cet antique ouvrage
la transformation de la fille de Tantale. Le champ de bataille entre Antiochus
11 semble que ces vers d’Ovide ont été et Scipion se trouve entre les deux villes
inspirés par la vue de cette statue : de Magnésie et de Thyatire. Tite-Live (1)
en marque la place en disant « Le con- :
26G [,’UJNIVBRS.
donnerait lieu de croire que Séleucus lièrent la conversion des Gentils et des
augmenta la ville de ïhyatire et lui Juifs, qui s’unirent pour pratiquer la
donna son nom , mais n’en fut pas réel- foi nouvelle. Sept villes principales de
lement le fondateur. On l’appelait aussi la Lydie méritèrent dès le premier
Kuhippa, c’est-à-direqui fournit de bons siècle le titre d’églises chrétiennes ;
ce
chevaux la:Mysie aux temps ho- sont Pergame, Éphèse, Sardes, Thyatire,
mériques était en effet célèbre par ses Philadelphie , Iliéropolis et Laodicée.
haras; ses prairies nourrissaient les Le livre de l’Apocalypse s’adresse à
innombrables cavales de Diomède. l'ange, c’est-à-dire à l’évêque de chacune
Selon Pline (1), le fleuve Lycus ar- de ces villes, et leur envoie les éloges
rosait les murs de Thyatire ; lès autres ou les malédictions que mérite tour à
géographes se taisent sur le nom de tour la conduite des nouveaux chrétiens.
cette rivière, qui parait n’étre autre Thyatire demeura fidèle au christia-
chose qu’un affluent de l’Hyllus. nisme ; mais depuis la chute de l’empire
Après la mort d’Alexandre, les Ma- de Byzance le nombre des chrétiens a
cédoniens vinrent en grand nombre toujours été en diminuant, et les écoles
coloniser ces régions , et chaque groupe grecques ont disparu l’une après l’autre.
.se distingua par le surnom du canton On doit penser que Thyatire fut con-
qu’ils occupaient. On compta donc les sidérée comme une place forte d’une
Macédoniens Hyrcaniens, les Macédo- certaine importance, du moment qu’An-
niens Nacraséens, les Macédoniens Ca- tiochus en Ut sa ligne d’opération contre
duènes (2) et ceux de Thyatire. Cette l’armée romaine; mais lorsque cette
ville après la défaite d’Antiochus fut ville fut réunie au royaume de Pergame,
réunie au royaume de Pergame. Pen- elle fut complètement effacée par cette
dant la périodie romaine sa destinée fut capitale, qui en effet présentait des
assez obscure; elle renfermait cependant moyens de défense infiniment plus puis-
dans son sein un corps de gouvernement sants.
complet, et les inscriptions font men- Dans le treizième siècle , l’empereur
tion du « très-puissant sénat et du Andronic, chassé de Pergame par
peuple de Thyatire ». L’empereur An- l’invasion musulmane, s’ébiit rétiré à
tonin Caracalla fit faire àes travaux Thyatire, et de cette place menaçait
y
importants, qui lui valurent le titre de Pergame, qu’il ne put jamais reprendre.
bienfaiteur et de restaurateur de la ville. Depuis que l’Asie Mineure est au pou-
Pendant son dixième consulat l’em- voir des Ottomans, Thyatire, comme
pereur Vespasien fit ouvrir aux environs point stratégique, a perdu toute son im-
plusieurs voies publiques. Il ne reste portance. La forteresse qui s’élève sur
plus aujourd’hui que des débris infor- une colline près de la ville, et que les
mes des monuments dont cette ville Turcs appellent le château blanc, Ak
était ornée, et parmi les inscriptions hissar, est aujourd’hui abandonnée et
qui ont été copiées par les anciens tombe eu ruine faute d’entretien. On a
vovagenrs Spon, Ricaut, il en est un été longtemps incertain sur la position
bien petit nombre qui n’aient pas été de l’ancienne Thyatire. Ricaut, consul
détruites. On voit encore dans le bazar d’Angleterre, et peu de temps après loi
quelques fûts de colonnes de marbre, le voyageur Spon sont les premiers qui
mais on ne saurait dire à quel édifice aient identifié cette ancienne ville avec
elles ont appartenu. la ville moderne de Ak hissar plusieurs
:
(
3) Id., ibid., 3o. plantations , qui donnent à la ville un
,
368 L’UNIVERS.
aspect des plus pittoresques. Le com- hautes montagnes ; on y remarque un
merce de cette ville consiste principale- assez grand nombre de fragments an-
ment en coton, qui est cultivé dans les tiques, parmi lesquels sontquelques ins-
plaines d’alentour, et en laine, tirée des criptions. Chishull a déterminé l'iden-
nombreux troupeaux que nourrissent les tité de Bakir et de Nacrasa, conOrmée
Turcomans de la montagne ; la popu- par une inscription commentant par ces
lation est estimée de huit à dix mille mots « Le sénat et le peuple des Ma-
:
moins l’attention de l’observateur qui sur un tel terrain (f). » Dans un autre
veut se rendre compte des ressources passage Strabon a déjà fait la même
agricoles du pays. La majeure partie de observation : « Dans Philadelphie, les
la population, que l'on estime à vingt murailles mêmes des maisons ne
mille âmes, est composée de Turcs les: sont pas sûres , car elles se crevassent
Grecs ne comptent que pour deux mille, presque tous les jours par l’elïet des
et les Arméniens sont en nombre in- secousses, en sorte que les habitants
signifiant. Les mosquées et les écoles sont attentifs à remédier par un maçon-
sont nombreuses, mais tous ces édifices nage continuel aux accidents causés par
sont d’une coustruction très-simple. la nature du sol (2). > Il est juste de dire
que Strabon écrivait sous le règne de
CHAPITRE XXVII. Tibère, et c’est précisément a cette
époque que l’Asie Mineure fut ravagée
PHILADELPHIE. par de terribles tremblements de terre,
qui se sont renouvelés, il est vrai, mais
Philadelphie est située à l’extrémité à de rares intervalles. Philadelphie fut
orientale de la Lydie, à vingt-huit mil- fondée versl’an 130 avantnotre ère ; elle
les de Sardes, non loin des versants du avait donc à peine 160 ans d’existence
Tmolus, dont elle est séparée par 'une quand Strabon écrivait; il y a 1830 ans
plaine vqui va eu s’élevant jusqu’au de cela, et Philadelphie existe encore.
pied de la moutague. Elle fut fondée par Le système de construction des
Attale Philadelphe, roi de Pergame, qui murailles et des monuments qui sont
,
lui donna son nom. composés d’un béton solide, revêtu d’un
La fondation de Philadelphie a été parement en petits moellons de gneiss,
motivée par sa position strat^ique elle
: a peut-être été choisi dans le but de
commande en effet l’^imbrancheinent des parer aux secousses du sol ; mais la
routes qui de l’orient conduisent d’une constitution géologique du pays laissait
part dans la vallée du Méandre et d’autre peu de choix dans la nature des ma>
partdans celle de l'ilermus, et les sièges tériaux; on ne trouve dans le mont
nombreux que Philadelphie eut à sou- Tmolus aucune de ces belles carrières
tenir prouvent que la position était bien dont on peut tirer des colonnes et d’au-
choisie. Un autre motif de créer en ce tres grandes pierres de constructiuii. Il
lieu un vaste centre de population était s’en suit que les ruines des anciens mo-
dû à l’extrême fertilité du pays , qui numents qui existent encore ne présen-
aujourd’hui même ne dément pas son tent que de grandes masses, aujour-
ancienne réputation. d'hui à peu près informes, et qui n’of-
Mais à part ces avantages de position, frent qu’un intérêt médiocre au point
Philadelpliie occupait un sol plus sujet de vue architectural.
qu’aucun autre à l’effet des tremble- La ville est bâtie sur plusieurs col-
ments de terre. Aussi Strabon et tous lines, et l’enceinte des murailles a la
les auteurs qui ont parlé de cette ville forme d’un grand rectangle preMue
paraissent s’étonner que les habitants régulier. L’ensemble des murailles
persistent à y demeurer. subsiste encore presque eu entier; il y a
• Philadelphie, dit Strabon, est on ne cependant du côté du nord une large
peut pas plus sujette aux tremblements breche qui forme l’entrée de la ville les
:
de terre, et les murailles des mai- anciennes portes sont dans un état de
sons s’entr’ouvrent à chaque instant; ruine complet. La muraille était défen-
c’est^ tantôt un quartier de la ville, due par des tours rondes , espacées de
tantôt un autre qui éprouve quelque vingt à trente mètres.
accident; aussi ne comprend-elle qmun A la seule inspection des ruines qui
petit nombre d’habitants il y a même
: subsistent encore, on peut conclure que
lieu de s’étonner que ce peu d’ha- jamais Philadelphie ne s’est distinguée
bitants aiment à rester dans une ville par la richesse et la beauté de ses mo-
où les maisons ne sont pas sûres,
et il est encore plus étonnant que les (i) Strabou, Xlll, 6i8.
fondateurs de Philadelphie l’aient bâtie (a) Id., XU, 579. '
-.1
270 L’UNIVERS.
Duments. Il y a lieu de croire que ses clergé est nombreux , et les cérémo-
murs de moellons bruts étaient re- nies religieuses s’y font avec un certain
vêtus de stuc et d’euduits qui ont dis- apparat.
paru; mais dans leur forme actuelle ou Les monuments musulmans sont
pourrait difficilement reconnaître leur aussi modestes que les monuments chré-
destination primitive il n’est pas éton-
: tiens ; on compte une vingtaine de mos-
nant que chaque voyageur ait pu les quées, dont les minarets blancs s’élèvent
attribuer selon sa fantaisie à d’ancien- au-dessus de la verdure qui les entoure,
nes églises ou à des temples romains. A etdonnent de loin à Philadelphie l’aspect
l’orient s’élève une colline, séparée de la d’une ville orientale par excellence.
ville par un ravin et couronnée par un La ville moderne est bâtie partie en
système de murailles appartenant à bois, partie en terre; les maisons sont
l’ancienne acropole. En examinant le couvertes en tuiles, et malgré leur pau-
système de fortifications , ou doit re- vre apparence elles renferment une iio-
connaître qu’il est bien inférieur à celui pulation active et riche. I.’extrême fer-
de plusieurs autres places de la même tilité du pays, les troupeaux nombreux,
importance, car en réalité Philadelphie et l’industrie des tisserands y répandent
était la clef de la Lydie. une grande aisance. La population , qui
Elle avait, il est vrai, un double mur était estimée il y a un siècle de sept a
en avant du front de la place
,
mais il huit mille habitants, ne paraît pas avoir
n’était pas, comme à Nicée, défendu par varié. La ville ne s’est pas étendue , et
des tours alternant avec celles de la dans l’intérieur des murs tous les quar-
muraille ; on voit encore en avant de la tiers sont suffisamment peuplés. Si les
ville des traces de murailles au niveau habitants de Philadelphie paraissent être
du soi, qui ont peut-être fait partie du très-négligents pour l’embellissement
système de défense. et l’entretien de leur ville, ils ont en
Philadelphie fut au nombre des villes revanche un luxe intérieur qui surprend
romaines d’Asie qui acceptèrent avec l’étranger admis dans l’intimité des fa-
empressement la foi chrétienne, et si milles. Le vêtement des femmes grec-
l’on en juge par les actes des martyrs, ues est des plus riches et des plus
les chrétiens de ces régions purent pra- légants il diffère de celui des femmes
;
tiquer leur culte avec assez de liberté. de Smyrne, en ce qu’il a un cachet plus
Elle mérita d’être mise au rang des oriental ; celui des femmes musulmanes
sept églises de l’Asie, et saiut Jean vint ne le cède pas, dit-on, en richesse à celui
lui-même pour
y révéler la parole de des chrétiennes.
Dieu. La conduite méritoire des chré- Les Grecs ont conservé à ceMe ville
tiens de Philadelphie est citée comme le nom de Philadelphie les Turcs Pap-
,
unes, qui nous apprennent que les jeux de Dieu, et ont conclu
signifiait la ville
communs de l’Asie se célébraient à que ce nom lui était donné en souve-
Philadelphie. nir de l’établissement du christianisme.
Les monuments de l’époque byzan- Les orientalistes, et notamment M. de
tine sont aussi pauvres que ceux de l’an- Hammer, n’ont pas commis cette er-
tiquité; lesGrecs comptent à Philadel- reur.
phie plus de vingt églises, mais il n'y Pococke commet une erreur sembla-
en a pas plus de cinq dans lesquelles le ble au sujet des truites de l’Olympe
culte soit pratiqué : ce sont les églises (en turc Ala-balouk, poisson blanc) :
'*
eo D. Ogle
xn L’UNIVERS.
CHAPITRE XXVlll. ments le quartz hyalin, dont les cris-
:
talie, et doDt les produits sont identi- terrains trachytiques ; mais les villes de
ques; ce sont taotot des cendres conte- la Lydie se sout élevées au milieu de vol-
nant des fragments de ponce noire et cans qui portent tous les caractères des
blanche, quelques cristaux de pyroxène volcans contemporains, et dont les érup-
et d’autres roches cristallines ignées, tions, quoique tout à fait effacées de Ta
qui, s'agglomérant par la suite des mémoire des hommes, ont dû avoir lieu
temps, ont formé ces bancs de roche à une époque assez rapprochée de nous ;
tenare, d’une épaisseur quelquefois con- car on trouve dans différentes direc-
sidérable, dans lesquels les peuples pri- tions des coulées de lave traversant,
mitifs , manquant sans doute d'autres dans la longueur de plusieurs milles,
moyens de construction, de chaux et de des territoires que la végétation re-
bois, se sont plu à creuser des demeu- couvre, et ne laissant dans toute l’éten-
res, des tombeaux et des temples. C’est due de leur cours que la désolation et
une chose qu’on peut observer a priori lu stérilité. Le territoire de Koula est
dans ces régions; les peuples qui ont surtout remarquable par plusieurs cô-
construit en appareil que nous appelons nes volcaniques, dont les parties consti-
pélasgique sont ceux qui vivaient dans tuantes ne diffèreut en rien de ce que
les régions calcaires; les peuples qui nous connaissons de plus moderne dans
habitaient des régions couvertes de tuf les coulées de lave.
volcanique ont, au contraire, creusé d’in-
nombraoles cellules qui , après tant de CHAPITRE XXIX.
siècles, sont encore l’étonneineut du
voyageur qui parcourt l’Asie. Tout le VOLCAN OE KABA SBVLIT.
pays qui citez les anciens portait le nom
de Catacécaumène n’est cependant pas La ville de Koula est bâtie au pied
entièrement couvert de produits volca- d’une montagne nommée Karadéviit,
niques. La vallée supérieure de l’Her- l’encrier noir, qui est le centre d’une
mus , en descendant de Kadi , offre çà éruption considérable, dont les épan-
et là des formations de roches crétacées chements se sont fait jour au sud dans
qui surgissent au milieu des trachytes toute la vallée , et passent sous le sol
et qui sont comme des Ilots s’élevant de la ville actuelle, qui est bôtie toute en
sur une vaste étendue de terrains ignés. lave noire, identique avec la lave de
On rencontre de plus , entre le bassin Volvic en Auvergne. La surface de ce
de l’Hermus et la vallée du Cogamus courant est composée de quartiers de
dans laquelle est située Philadelphie roche, dont quelques-uns cubent sept
des landes et des collines arides qui ou huit mètres ; ils sont quelquefois ac-
sont formées de terrains trappéens, cumulés et jetés les uns sur les autres
d’une constitution antérieure aux épan- comme les glaçons d’une rivière. On
chemeuts trachytiques , mais dont Vas- voit que l’action du feu a brisé des ro-
peot terreux et desséché les a fait con- ches déjà refroidies, et les a entraînées
fondre par les anciens avec les terrains nageant sur un nouveau torrent, qui
purement volcaniques. s’est Ggé comme une masse de scories
La province qui fut appelée par les sortant d’un fourneau ; ces laves con-
habitants Catacécaumène était située sur tiennent de petits cristaux de pyroxène
les frontières de la Lydie et de la My- et des filons d’obsidienne. Le refroi-
sie; il n’est donc pas étonnant que les dissement de la substance ignée a formé
anciens l’aient attribuée tantôt à l’une des fissures qui s’enfoncent sans doute
tantôt à l’autre de ces deux provinces; à une profondeur considérable , et qui
elleoccupeune partie notable de la Phry- ont donné naissance, dans l’intérieur de
gie épictete, tout l’orient delaPhrygie la roche, à des dédales et à des cavernes
salutaire. Jusqu’à la vallée calcaire de que l’on peut parcourir dans une cer-
Synnada , la ^inte septentrionale de la taine étendue. Ces fissures communi-
Lydie , en un mot tous les affluents su- quent entre elles par des conduits inac-
périeurs de l’Hermus et du Méandre, cessibles , qui sont parcourus par des
'foute la partie orientale de ce territoire courants d’air qui dans l’été sont extrê-
est presque entièrement composée de mement frais. Cette particularité est
phores d’eau pour les faire rafraîchir, asiatique du Bosphore, aux environs
La rupture de la roche dans une assez des lies Cyanées, dans la vallée de Der-
grande hauteur, observee dans ces ca- men-tchai, près de Trébizonde, et dans
vernes. fait voir que cette roche était la vallée de l’Iialys, en faisant
homogène; elle est d’un aspect gras et route
vers Césaree. Il
comme miroitant, semblable à du laitier ^ a aux environs dp
Kouin d'autres cônes volcaniques, l’un
de forge , parsemée çà et là de globules appelé Sandal et l’autre Dopos-Kal^
d’ebullitiou, noire, sonore et à cassure
au sommet desquels se voient des traces'
vitreuse. Du côté de la ville on observe
de cratère et des courants de lave qui
très-peu de cendres. Il ne parait pas que paraissent contemporains des coulees
ces laves se soient fuit jour par le cratere de Koula.
du sommet, qui est fort échancré, et qui I.e éône qui se trouvé près du village
semble beaucoup plus ancien que la de Sandal paraît avoir vomi des cendres,
coulée, car les flancs du cône sont cou- qui se sont converties en tuf, et qui
verts d’une végétation qui commence à
couvrent une assez grande surface de
poindre. Du côté du uoi^, les éruptions pays. En un mot, tout le terrain situé
ont été beaucoup plus considérables, et entre la rivière qui passe devant Phi-
ont eu lieu à des périodes très-distinc- ladelphie, et (|ui est rancien Cogamus,
tes. On suit avec intérêt, pendant plus
et le fleuve Hermus, est d’une forma-
d’un myriamètre, les traces de ces érup- tion volcanique analogue aux volcans
tions, qui, du point culminant d’où elles
existants; mais les terrains ignés s’é-
sont parties, se sont toutes diriges par tendent fort au delà vers l’est, jusqu'à
une pente rapide jusqu’au bassin de la ville
d’.Vfloum-kara-hissar ; là, ils
l’ilermus. Là, arrêtées par les eaux, appartiennent à la formation trachvti-
elles ont reflué, en formant une falaise qne. Cependant près d’Ousclïak,
qui surplombe au-dessus du fleuve, , dans
I endroit appelé,
llessler-kaia-si , on ob-
phénomène facile à expliquer ; car le serve un grand cratère, dont l’orbe est
contact de l'eau et des lavés bouillantes composé de lave violâtre, contenant du
brisait la masse, et entraînait les débris. feldspath décomposé, et roulée elle-
Les iaves ont été arrêtées par les col- même dans une pâté de cendre et de
lines de gneiss qui formaient la vallée
scories c’est Ce qu'au Vésuvè pn appelle
;
naturelle dans laquelle elles se sont ré- rapilH. La masse de ces dejéctions est
pandues; les crêtes de laves forment assez étendue, et s’élève à une hauteur
des blocs siabrupts, qu’il est impossi- d’environ 40 mètres; les couches for-
ble de traverser les coulées. Il n’y a pas
mées par les cendres sont horizontales,
une plante sur ce terrain , et les traces et les rocs du côté de la vallée ou du
du feu ont conservé toute leur aridité. cratère présentent une surface abso-
La hauteur du cône de Kaia déviit lument verticale. Au delà de l’Her-
est d’environ 500 mètres au-dessus de mus, la formation volcanique continué
la plaine, et la hauteur absolue deKoula ;
mais on ne trouve plus de lave de fu-
est de 803"‘, baromètre marquant
6, le sion Ce sont des tufs d’un gris jaunâ-
,
0,“‘70l, le thermomètre du baromètre tre, et qui s'élèvent en collines
29", 10, et le à parois
thermomètre libre 28,10, abruptes.
la hauteur du baromètre au bord de la A part les choses fabuleuses què
mer étant O", 760. La coulée qui s’é- Strabon se plait à rapporter, d’après,
tend jusqu’à l’Hemiu.s est roèmée dans
d’anciennes traditions (Ij, Strabon décrit
sa partie supérieure de lave* analogues en peu de mots la région catacécàuuiène
à la coulée du sud; màis, en suivant
d’une manière fort exacte; il luj, donne
le cours du fleuve, on aperçoit
çà et là en longueur cinq cents stades suc quatre
de.s traces de la formation nasaltique,
cents de large, soit_ quatre-vingt-douze
phénomène qui, selon quelques géolo- kilomètres et demi sur sbixante-qua
gues, est dil au refroidissement subit torze, c’est-à-dire qu’elle s’étend jusqu’au.
des laves. Je dois dire ici qu’en effet
je n’ai jamais observé de cristallisation
(ijSliak., XIII, (n6, 6i8,
ASIE MINEURE. 276
territoire de Kara hissar, où l’on ob-' noire, mais presque toutes les maisons
serve en effet , des phénomènes volca- sont ombragées par quelques arbres;
niijues très remarquables. Cette région les rues sont propres, et la population,
étaitdépourvue d’arbres, mais produi- active et industrieuse, paraît jouir d’uiie
renommé, connu sous le nom
sait un vin certaine aisance.
de Catacécauménite. Le canton était Koula est une ville de quatre a cinq
couvert de cendres et de scories noires. mille âmes la population grecque est en
;
l’effet des volcans dont les sources sont mille Grecs. Les Turcs , outre le com-
épuisées, il en donne pour preuve les merce de caravane , partagent avec les
trois gouffres distants les uns des au- Grecs une industrie qui a de l’avenir;
tres de quarante stades, et que l’on c’est à Koula que commence la fabri-
nomme les souflleLs , et au-dessus des- cation des tapis dits de Smyrue , et qui
quels on voit les cônes formés par des s’exportent jusqu’en Amérique. Les fem-
amas de laves. Dans les galeries natu- mes des Youronk en fabriquent aussi
relles formées par le refroidissement sous leurs tentes ce sont de petits tapis
;
circulent des courants d’air frais qui de L’abondance des laines jointe
prière.
soufllent au dehors. à laculture des plantes tinctoriales, la
Vitruve (t) connaissait bien cette ré- garance, le rhamnus, qui donne la
gion comme pays volcanique : un en ex- graine jaune, la valonnée et la noix de
portait de la pierre ponce. Les trois galle, qui donnent lenoir, et l’indigo,
cratères dont parle Strabon s’identident qui arrive par caravanes, telles sont les
parfaitement avec les trois cônes volca- matières premières qui ont permis de
niques des environs de Koula, le premier faire de la fabrication des tapis une in-
dominant la ville, le second observé dustrie toute locale. Il est curieux de
par M. Hamilton à sept milles à l’ouest remarquer que crtté région^ est restée
du premier, entre les villages deSandal et depuis les temps reculés en possession
de Megné. Le cratère est complet, et plu- d’un art qui faisait la célébrité de Lao-
sieurs autres cônes d’une période plus dicée.
ancienne s’élèvent aux alentours; le S’il ne reste â'Koùia aucun débris
troisième cône, d’une date plus récente, de monument’ d'architecture , la ville
est située à sept milles à l’est de Sanilal : abonde en fragments dè marbre de toute
ou l’appelleCaplaii alan, la dent du tigre ;
sorte, et dans plusieurs maisons grec-
il est composé de cendres et de scories. ques on conserve des bas-reliefs et des
Son cratère est le mieux conservé de sculptures en marbre qui ne sont pas
,
sus de la mer est de 780 mètres. qui contient une Inscription relative au
culte de cette divinité.
CHAPITRE XXX. « Le hiércdule Demas ayant institué
uné prière au soleil Ehala'tès, au Meii
KOULA. Tiaiuos et au Men roi, ordonne de s’y
conformer, sous j^eiue de reconnaître
La ville de Koula est agréablement l'effet de la puissance de Jupiter. » Cette
située, à la naissance d’une longue vallée ordonnance porte la date dé l’an 256
qui, de la base du volcan de Kara dévlit, ( desSéleucides), qui correspond à cin-
s’étend vers le sud. De nombreux mi- quante-six ans avant notre ère.
narets s’élancent au-dessus de la ver- D’après sa position sur les routes de
dure sur laquelle se détachent quelques Philaaelphie a Pruse, et de Cotyæuifi à
mosquées, dont les murs blanchis con- Pergame, il est à croire que Koula oc-
trastent avec l’aspect lugubre de la ville, cupe l’emplacement d’une ancienne ville,
qui est toute bâtie en pierres de lave mais aucun monument nautorise à l’i-
dentider définitivement avec quelque
(ï) Vitruve, liv. U, rh. 6. nom connu. Le nom de Koula kmué, :
18 .
•2l(i L’UNIVERS.
tour) est turc et assez moderne; il en d’où sort la source est entouré d'un mur
est question dans l’itinéraire du grand- composé de pierres de grand appareil,
duc Roger comme d’une forteresse. La réunies sans ciment : des murs de même
position de Clanuddn, marquée dans la style forment une enceinte qui suit les
table de Peiitinger sur la route de Phi- pentes du rocher.
ladelphie à Cntyæum et à vingt-huit Dans l’enceinte du bain moderne on
milles de la première, pourrait convenir trouve aussi plusieurs fragments d'ar-
à KjQula. chitecture; V/irea où se trouvent réunies
toutes ces ruines ii'a pas une centaine
CHAPITRE XXXI. de mètres d’étendue; elle est fermée
au sud par un rocher vertical, sur le
VILLES DE IA LYDIE AD NORD DE flanc duquel ont été sculptés plusieurs
l'hebmus. bas-reliefs,qui ont tous un caractère
religieux.Le plus grand et le mieux con-
La Lydie comprenait vingt-sept servé est sculpté dans une niche qui a
évéchés ou villes principales, qui sont environ I” SO de hauteur ; l’archivolte
mentionnées dans la notice de lliéroclès représente une guirlande de feuillage;
et dans celle de l'emijereur Léon. Quoi- au centre de la niche est sculptée une
que plusieurs des noms anciens soient figure semblable à celle du bas-relief
altérés, on les reconnaît facilement sous de Koula , représentant le dieu Lunus
leur forme nouvelle, ^ous avons à faire ou Men, coiffe du bonnet phrygien , et
connaître maintenant un certain nom- ayant derrière lui le croissant, attribut
bre de ces villes, qui occupaient la ré- de cette divinité. Le style de ce monu-
gion nord de la Lydie, et à appeler ment n’accuse pas une haute antiquité;
l'attention des géographes sur des rui- nous sommes porté a le considérer
nes qui ne sont pas encore classées. comme de la même époque que le bas-
Knula se trouve sur la route de ca- relief de Koula. qui porte sa date. Plu-
ravane qui va de Smyrne à Kutayah, à sieurs bas-reliefs, mais d’une plus petite
vingt-six heures ou cent cinquante ki- dimension, sont sculptés dans le même
lomètres de la première , ou remonte rocher on ne distingue plus que la
:
ensuite vers le nord pour gagner Oiis- masse des figures; l’un d’eux représente
chak l’ancienne route ne devait pas
;
un personnage couché, autour duquel
différer beaucoup de celle-ci , attendu sont réunies plusieurs figures d’hommes.
que cette région renfermait un certain Au nord de l’enceinte sont des restes
nombre de villes qui étaient forcément de voûtes , et sur la rivière un pont a
desservies par une route dirigée du sud- demi ruiné, qui paraît être des temps
ouest au nord-est. byzantins. Si Émir-Hammam occupe
En suivant cette direction on ren- remplacement d’une ville, elle doit
contre, à onze kilomètres au nord-est avoir été extrêmement petite : nous som-
de Koula, une localité qui mérite d'être mes plus disposé à y voir un établisse-
observée. Des sources chaudes mar- ment thermal et religieux comme ceux
quant 59 degrés centigrades sortent de de Caroura et de Charonium (I).
terre à quelques pas de la rive de l’Her- L’ancienne Silandns, siège épiscopal
mus, et forment un bain naturel connu de Lydie, occupait l’emplacement du
dans le pays sous le nom de Émir Ham- village moderne de Selendi , situé à
mam, le bain de l'émir. uarante-cinq kilomètres au nord-est
On y observe des restes de construc- e Koula, sur un des affluents de l’Her-
tions qui ont le caractère d'une haute mus, qu’on appelle Selendi-sou et plus
antiquité, mais l'emplacement paraît loin Aïneh-tchai; on trouve à Selendi
avoir convenu moins à une ville qu’à quelques inscriptions, mais aucun ves-
un de ces centres où la religion s'u- tige de monument ancien. Le pont jeté
nissait à la médecine pour la cure des sur l'Hermus à Émir-Hammam, servait
maladies , et dans lesquels les prêtres à établir une communication entre ces
étaient investis d’un double ministère: deux places.
les établissements de ce genre étaient
nombreux dans la contrée. Le bassin (i) .Slr»bon, KHI, 675; XIV, 349.
ASIE MINEURE. 37T
378 L’UNTVERR.
de grand appareil, réunies sans ciment; Léon relleappartenait au canton de Mœo-
i'Uue d’elles est couronnée par une nia et était située sur le bord du fleuve
frise àtriglyphes d’ordre dorique, chose Hyllus. Les ruines de Saïttæ ont été re-
inusitée dans les constructions nii iitaires. trouvées par Hamilton au lieu nommé
La baie de la porte est carrée et sur- Sidas-kale-si, à trente-trois kilomètres
montée d'une architrave; au-dessus est au nord de Koula près du village de
un arc de décharge ce système de cons-
: Injicler.
truction n’est pas d’accord avec l'archi- En partant de Koula on va droit au nord
tecture des temps helléniques; aussi jusqu’à la vallée de l’Hermus. on fran-
Arundell regarda-t-il cette porte comme chit le fleuve , et douze kilomètres plus
un ouvrage byzantin. Ce n’est pas l’o- loin ou traverse la rivière Ainelitcliaî.
pinion de M. Hamilton; les deux ob- La route suit une vallée latérale,
servateurs pourraient être d’accord en qui a quatre kilomètres de longueur;
admettant que ce monument a subi les ruines de Sidas-kalé-si s’étendent
quelques modilications à l’époque ro- sur un plateau ondulé entouré de,
colonnes amoncelés les uns sur les au- sont encore en place. La plaine est cou-
tres, ce qui suppose l’effet d’une chute verte de débris de monuments et de
soudaine plutôtqu’une destruction suc- fragments d’architecture d’une bonne
cessive; les ornements de cet édifice exécution ; plusieurs fûts de colonnes et
sont comparés par M. Hamilton à ceux des architraves de marbre jonchent le
de l’Erechteum d’Athènes (1). Au sud sol ; dans la partie orientale de la plaine
du temple sont les ruines d’un portique on reconnaît de grandes substructions
d’ordre dorique, avec des pilastres car- voûtées qui paraissent avoir appartenu
rés, dont quelques-uns portent encore à un temple : le tout est construit sans
leur architrave. Un peu plus loin un ciment. Le village voisin, nommé Inji-
autre portique est composé de deux cler, offre suffisamment des ressources
demi-colonnes accouplées à un pilastre pour l’antiquaire qui voudrait séjourner
carré : il en reste encore six en place. quelques jours au milieu de ces ruines.
Un édifice construit en f^ands blocs Unegrande rivière, du nom de Démirdji
de pierre s’élève à l’extrémité de l’acro- tchaï (la rivière des forgerons) coule
pole ; on reconnaît aussi l’emplacement près des ruines de Sidas-kale-si, et vase
d’un stade. Les restes de trois autres jeter dans l’Hermus. Or, comme il est
temples occupent une partie de l’cs- reconnu que la ville de Saïttæ étaitsituée
lanade en dehors de la porte. Cette entre l’Hermus et l’Hyllus, l’existence
rêve description suffit pour faire voir de cette rivière fait naître sur le véritable
que les ruines de Blaundus constituent cours de l’Hyllus une difficulté qui avait
un bel ensemble de ville gréco-romaine, déjà été pressentie par Mannert.
qui mérite d’attirer l’attention des ar- I.a bataille entre AntiochusetScipion
chéologues architectes. ayant eu lieu entre Magnésie etThyalire,
comment aurait-elle pu se passer près du
CHAPITRE XXXHI. fleuve Hyllus, qui est si loin de la. Ceci
tend à donner raison au passage de
SAÏTTÆ. — FLEUVE HYLLÜS. Pline qui fait du Hyllus et du Phrygius
deux fleuves différents, contre Strâbon,
Saïttx, comprise parmi les villes de
qui n’en fait ou’un seul(l).
I.ydie dan.s la notice de Hiéroclès, est
Le cours de l'Hyllus baignait les murs
inscrite sous le nom deSitæ dans celle de
(i) Hainilloii, lifsearches in >4sin (i) Mannert, Oco^raphietler Griechen nnd
t. I, p. 1 3^. Pâmer, t. II, ch. VIII, 376 Pline, liv. V,
. .3i
. ,, -
itauts furent massacrés. murs qui se reliaient avec ces arcs prou-
Andronic se tenait pendant ce temps vent qu’il y avait d’autres dépendances.
dans son palais de Nymphæum, et ne La ruine et l’abandon de l’ancienne
fit aucune tentative pour porter du se- ville sont dues à des causes qui sont
cours à Tralles. restées ignorées , peut-être à quelque
Lorsque les Seidjoukides furent une tremblement de terre. Pendant long-
fois maîtres de la Cappadoce , toutes temps les débris des monuments ont
leurs vues se portèrent sur l’occident jonché le sol ; mais le voisinage d’une
de l’Asie Mineure pour se mettre en ville populeuse est toujours funeste
relation avec la mer; les villes comman- aux anciennes ruines peu a peu tous ces
:
dant les grandes vallées tombèrent suc- fragments ont été enlevés, et mainte-
cessivement en leur pouvoir; Tralles ne nant on opère des fouilles pour extraire
put être défendue par les faibles empe- les blocs de marbre qui sont encore en-
reurs de Constantinople , et fut prise fouis. Les monuments de Tralles va-
par l’émir ATdin, qui la reçut en fief du riaient beaucoup dans leur système de
sultan d'Iconium, et lui donna son pro- construction ; les uns sont faits en petits
pre nom. moellons qui étaient recouverts de pla-
Comme position est en même
sa ques de marbre. On a enlevé le marbre,
temps forte et agréable, ou lui donna le mais les murailles sont restées, les ma-
nom de beau château; depuis ce temps tériaux n’étant bons à aucun emploi.
l’ancienneTralles s’appelle Aïdin Guzel- Ceux qui étaient bâtis en pierre de grand
hissar. —
Cachée sous ce nom, toute appareil ont été l’objet d’une exploita-
trace de la ville romaine fut perdue tion régulière, et les pierres ont été
pendant cinq siècles; et lorsque les voya- employées dans la construction des mos-
geurs modernes tentèrent d’en retrou- quées d’ Aïdin. Pour les débris de mar-
ver les ruines, ils se trouvèrent dans un bre, les Turcs les emploient ordinaire-
extrême embarras , résultant de l’incer- ment pour faire des tombeaux.
titude des itinéraires. On donna succes- Pendant bien des années, des fouilles
sivement à Guzel-hissar les noms de ont été opérées dans le but de recher-
Magnésie, du Méandre et de Nysa ce . cher d’anciennes sculptures et d’autres
n’est pour ainsi dire que de nos jours objets d’antiquité, et les fragments re-
que la position de Tralles fut bien dé- trouvés étaient presque toujours de la
, .
bâtie sur un monticule au-dessus du a pas plus de quatre cents occupas par
sol de la vallée , ce qui contribuait à la les Grecs. La ville s’étend en partie dans
pureté de l’air. la plaine, en partie sur les deux versants
La ville moderne d'Aïdin est une des de la vallée de l’Eudon , que l’on tra-
plus considérables de la province, elle versé sur deux ponts de pierre le quar- ;
est le rentre d’un très-grand traGc en tier de l’est est occupé par des tanneries
matières premières, comme en tissus de établies sur le bord delà rivière, et qui,
toutes sortes venant de l’intérieur ses: n'étant soumises à aucune surveillance
bazars sont vastes et bien achalandés. de salubrité, abandonnent leurs résidus
Dans la crainte des tremblements de au milieu de la ville, corrompent les
terre, les habitants ont construit leurs eaux de la rivière, et répandent l'infec-
maisons en bois ; mais ils s’exposaient tion au milieu de la population.
à un autre Héau qui a bien souvent ra- Au sud de la ville s'étend la plaine
vagé leur ville, sans pour cela les faire du Méaudre, dans uue largeur de vingt
revenir à des constructions mieux en- ou vingt-cinq kilomètres ic fleuve coule
:
(i) Slrabon, liv. XTV, 3i4de la trad. fran- confiance dans ces agents muets d’un
que. pouvoir supérieur.
,
L’arbre marabout, selon les Turcs, des pierres n’bnt pas lieu seulement chez
jouit par lui-même de ce pouvoir tantôt lesmusulmans ; Borlage, auteur anglais,
protecteur, tantôt redoutable; ce ne raconte qne les anciens monuments
sont pns des esprits, des Djinn qui sont allois de l’Angleterre jouissent aussi
ses ministres; ce ne sont ni le suc de scs e ce privilège. Dans quelques localités,
fruits, ni sa sève, ni ses feuilles, c'est on fait passer les enfants dans des pier-
un pouvoir immatériel, venu on ne sait res trouées, pour les empêcher de de-
d’ou, et finissant on ne sait comment. venir rachitiques, et les hommes de tout
On voit souvent près de ces arbres âge pratiquent avec confiance le même
une enceinte de pierres sèches, avec un remede pour la guérison des douleurs.
mirhab pour faire la prière ; quelquefois (Caumoht, cours d’archéologie, t. 1,
ces arbres privilégiés croissent non loin 119.)
de la koubba d’un santon. On pourrait T..a capitale de l’Islam n'est pas plus
croirequeces derniers arbres ont acquis à l’abri de cette superstition uue les
leur pouvoir du saint près duquel ils plus humbles villages il y a, clans la
;
demande , mais on compte aussi sur tourée d’une plaque de bronze, les at-
elles pour écarter les malelices. Comme touchements multipliés des adeptes ont
les arbres , elles ont un pouvoir tout à usé le bronze et usé la pierre.
fait abstrait; on ne leur demande pas de Une autre colonne maraboute se
remède en les prenant en poudre ou eu trouve dans la mos<quée de la sultane
potion , c’est une action toute morale Validé, qu’on appelle Yéni-Djami : c’est
qu’on attend d’elles. A Angora il y a la colonne qui soutient la loge du sultan.
une pierre maraboute contre les maux Elle est en marbre brocatelle jaune, et
de dents. du diamètre de 0,30 c., au plus; elle
Ce sont quelquefois des rochers na- ne se distingue ni par son antiquité, ni
turels, quelquefois de vieux monuments ;
iar sa matière :son office est de guérir
il en est de ces pierres privilégiées comme fes rhumatismes. On la tient embras-
des arbres: nul ne dit de qui elles tien- sée pendant quelques moments en fai-
nent leur pouvoir ni eommentil s’exerce. sant une oraison.
On y croit, on pratique et l’on ne s’in- A côté d’un pouvoir occulteet secou-
quiète pas du reste. Or, on peut voir rable qui se rencontre dans des objets
que dans quelques localités d’Asie cer- matériels, les montagnards de l’Asie re-
taines pierres jouissent de cette réputa- doutent un pouvoir contraire dont l’effet
tion depuis plusieurs siècles. ne se manifeste que par des maléfices :
Il y a à Tyane, au pied du Taurus, c’est le pouvoir du mauvais oeil ; les villes
une colonne qui est maraboute au pre- comme les campagnes y ont une foi
mier chef ; on vient de très-loin y faire absolue, et chacun croit à son effet sur
des pèlerinages, et comme c’est le pays les choses comme sur les hommes. 11
du fameux thaumaturge Apollonius est aussi impossible d’obtenir sur cette
qui sait si cette propriété magique de la superstition plus d’éclaircissements que
colonne ne date pas du temps de ce sur l’autre; on ne sait à quoi l’attribuer,
singulier personnage? La colonne de mais onest convaincu de son effet. Le
Tyane est surtout réputée pour arrêter mauvais œil peut avoir pour résultat
la fièvre; comme on ne peut y lier des de faire périr les troupeaux, de dessécher
chiffons, on les cloue dans les joints. la moisson ou de donner des maladies.
Ces pratiques superstitieuses au sujet Heureusement , il y a des moyens de
,
284 L’UNIVERS.
déjouer ce genre de maléfice c’est d'at-
; ces ne participent pas de ce pouvoir
tirer sur un objet indifférent le premier surnaturel, tandis que les habitants du
regard de celui qui jouit de la faculté nord ont peuplé de génies et de sylphes
du mauvais œil. Voilà pourquoi il n’est laplupart des sources situées dans les
pas uu champ, pas un jardin qui n’ait régions agrestes. Le christianisme n'a
dans un lieu apparent quelque objet in- pas mis fin à cette croyance populaire,
solite pour attirer le premier regard ; et il est plus d’une fontaine dont les
ordinairement c’est un crâne décharné eaux passent pour avoir plus d’effica-
de bœuf, de cheval, ou de chameau. Au cité lorsqu’elles sont distribuées par la
coin du toit d'une maison neuve on main du prêtre. Ce sont les fontaines
suspend un paquet de gousses d'ail ou que lesGrecs appellent Ayasma.
des feuilles de cactus ; au cou d'un cheval La classe et les pratiques des mara-
de prix on suspend une dent de lion ou bouts se trouvent répandues sur toute la
uelque amulette renfermée dans un terre de l’Islam, maislenom restespécia-
tui de marocain; les enfants portent à lement appliqué aux personnages reli-
leur turban, au milieu des sequins et des gieux de la terre de Mogreb, de l’Occi-
médailles qui leur servent de parure, dent. EnTurquie, ces hommes portent le
un petit étui d'argent dans lequel sont nom de derviches; eu Perse, le nom
renfermés des versets du coran c'est la
; de saïd ; mais il n'y a que cette différence
bulle, des temps antiques, et ici comme entre les uns et les autres.
autrefois les moyens d’exorcisme sont Les ziaretou lieux de pèlerinage étant
entre les mains des marabouts et des^ presque toutes le siège de l'habitation
derviches. ou le lieu de la sépulture d'un santon
Il est une autre singularité dont l’ex- célèbre, ces édifices religieux doivent
plication est encore à trouver, c’est que nécessairement avoir leurs analogues
chez les Grecs comme chez les musul- dans le reste de l’Orient ; en Perse, ou
mans, le nombre cinq est uconvenant, et
i les nomme imam zadé. Les institutions
ou ne le prononce pas sans demander auxquelles ils sont consacrés sont les
une sorte d’excuse les Grecs n’y man-
: mêmes dans toutes les régions. Leziaret
quent pas. A Smyrne surtout étendre la est un lieu de pèlerinage, dont la
main avec les cinq doigts ouverts c’est célébrité s’étend souvent fort au delà du
un signe de malédiction, on a soin d’a- territoire où il est situé. Il contient or-
jouter en étendant la main e 2« xà paxla- dinairement une école ou médrécé, où
oou, voilà pour les yeux; lesfemmes les jeunes gens de l’endroit font des
grecques abusent de ce moyen de études que nous pouvons comparer nu
coërcition envers leurs servantes, et droit et à la théologie chez nous; les
quand cela ne suffit pas elles les battent jeunes enfants sont admis dans le mek-
avec leurs babouches. toub ou école élémentaire , où on leur
Ou observe un usage qui est répandu, enseigne à épeler la langue du coran.
non-seulement dans toutes les contrées Dans la dépendance de l'édifice prin-
asiatiques,mais aussi en Europe et dans cipal, qui est toujours un tombeau ou
les Iles : c’est l’usage de jeter une une mosquée, imaret, ou hospice pour
pierre, en passant, sur le lieu où un les pauvres voyageurs. Il diffère du ca-
nomme a péri ; cet usage existe en Corse ravanséraï en ce que, dans le premier
comme en Bretagne, enTurquie comme établissement, 1rs nouveaux venus
en Perse. Les pierres accumulées par reçoivent gratuitement une ration de
les passants finissent par former des nourriture.
monceaux assez considérables. On ne Les dépenses occasionnées par ces
peut pas dire que ces pratiques, répan- frais de charité et d'instruction publique
dues dans tant de contrées diverses sont couvertes par les revenus des biens
ont une origine commune ; mais elles attachés à l’établissement, qui sont ap-
doivent avoir entre elles un rapport que pelés vacouf en Turquie. Les biens va-
nous ne saisissons pas. couf naissent, soit de donations, soit
Il est singulier que, dans ces contrées d'hypothèques non remboursées ; ce
où l’eau est une chose si précieuse et dernier système d’acquisition est celui
souvent si rare , les puits et las sour- qui profite le plus aux mosquées. L’ad-
vio< jIi
ASIE MINEURE. 3SS
ministration des vacouf est, en effet, au- pour modèle que des dessius découpés
torisée à prêter de l’argent aux pro- aux ciseaux, car c'est là le secret de
prétaires , moyennant un très - modi- tous ces dessins d’écharpes de mousse-
que intérêt, dont le payement n’est pas line et de couvertures de coussins qui
même exigé avec rigueur; mais si, à sortent des maisons turques pour pas-
la mort du débiteur, la créance n’est pas ser dans les bazars de Smyrne. Tous ces
amortie, le bien du défunt devient va- dessins fantastiques ,
qui plaisent tant
couf, c’est-à-dire propriété de la mos- à Paris, sont, disons-nous, découpés
quée. aux ciseaux dans du papier ou des mor-
Il
y a dans cette institution qui date ceaux d’étoffe, et brodés ensuite sur les
de plus de dix siècles quelque chose qui fonds au crochet, au plumetis, ou sim-
ressemble à celle du Crédit foncier. plement à l’aiguille. Les vêtements de
Mais, chez nous , la dette n’est pas uni- fêtedes femmes sont ordinairement ren-
quement attachée à la tête du débiteur fermés dans un grand bahut de bois de
et ne se liquide pas forcément à sou thuya ou de cèdre, fabriqué dans le
décès. pays et historié par des ciselures faites
Si les osmanlis déploient toujours au couteau.
un grand luxe dans ce qui se rattache à
leur sépuitu re,soi t que l’on construise des CHAPITRE XXXVI.
Turbé ou de simples tombeaux portant
les insignes du aéfunt , nous trouvons VILLES DE LVDIE AU SUD DU CAYSTBE.
chez les montagnards beaucoup plus de
simplicité dans la construction de leurs La ville de Tripolis, située sur la
dernières demeures ; ils ont à peine frontière orientale de la Lydie, était sans
quelques signes extérieurs que le temps doute une fondation des rois grecs qui
ne tarde pas à enlever; cependant les réunirent en un centre de population
terrains des cimetières sont toujours res- les habitants de quelques bourgs voi-
pectés et nulle construction profane ne sins (I). Pline est le premier auteur qui
saurait y être élevée. fasse mention de Tripolis : il la place
Les montagnards turcs aiment les dans le bassin supérieur du Méandre.
couleurs voyantes : néanmoins il y a Cette ville subsista jusqu’au déclin de
chez ces peuples un instict de l’harmonie l’empire, elle devint épiscopale et eut
qui n’existe pas chez les occidentaux ; une certaine célébrité dès les premiers
quel que soit l’assemblage des couleurs temps du christianisme; elle eut la vi-
et les formes d’ornement qu’ils adoptent sitede l’apôtre saint Barthélemy et de
pour leurs broderies et leurs tapis , on saint Philippe qui prêcha dans la Ly-
est étonné de ne pas retrouver ces tons comie.
criards et choquants dont nos tapis et Tripolis dut sa fondation aux mêmes
nos étoffes nous donnent trop souvent motifs stratégiques qui firent créer Phi-
le spectacle. ladelphie et fut comme cette dernière
Il faut croire que cette science de la l'objet des attaques réitérées des hordes
juxtaposition des couleurs est une fa- musulmanes; la ville tomba lorsque le
culté tout à fait instinctive chez ces peu- pays fut conquis, et la population survi-
ples, car, lorsque nousvoulonsles imiter, vante se répandit dans des lieux plus
nous n'arrivons qu’à fabriquer desobjets favorablement situés comme centres
choquants. Ainsi, depuis quelque temps, de commerce. Les villes de ces contrées
l’imitation des tapis de Smyrne est de- ont toutes dû leur fondation à l’une de
venue une industrie à la mode ; quelle ces deux conditions, leur avantage com-
différence entre le modèle oriental et mercial ou leur position militaire. Tou-
la copie française ! Les tapis d’Orient tes celles qui durent leur création à cette
sont cependant le produit d’une inven- dernière cause sont aujourd’hui détrui-
tion toute primitive; ils sont fabriqués tes et abandonnées, les premières jouis-
par des femmes qui ne gagnent pas plus sent encore après tant de catastrophes
de cinquante à soixante centimes par
jour; elles n’ont pour métier qu*un (i) Nysa fui créée dans les mêmes conds-
grand cadre où sont fixés les lisses et lions; Streb., XIT, 610.
sd ûv ogif
,
286 L’UmVERS.
des avantages qu’elles avaient au mo- les plus anciens sont en pierres de haut
ment de leur création. appareil.
Lu contrée étant soumise sans retour A l'est de la ville s’étcud une étroite
au pouvoir musulman, les habitants de vallée qui servait de nécropole ; les tom-
Tripolis allèrent s'établir dans des cen- beaux étaient de deux sortes, des cham-
tres plus en rapport avec leur e.\i.stence bres sépulcrales taillées dans le roc ou
nouvelle ; la petite ville de Bullada au des sarcophages de pierre avec des cou-
centre d’un territoire bien arrosé suc- vercles à oreillettes, le tout portant le
‘
tout cela forme un tableau aussi pitto- Atbymbrus comme leur fondateur (f).
reraue que peu attrayant. Nysa était ornée de nombreux monu-
Toutes ces campagnes d’une irrigation ments publics elle avait un théâtre
, .
IONIE.
Digitized by Vjopgle
29.) L’UNIVERS.
puisent une sève nouvelle et une régéné- devaient rester ennemis jusqu'à ce qu’un
ration que les Grees cherchent en vain .
pouvoir étranger leseût soumis au même
ù faire passer pour un essor spontané .|oug.
de leur génie. Les dieux de la Grèce ne D’ailleurs cette antipathie contre les
sont eux-mémes qu’une transformation races étrangères n’avait pas encore pris
des dieux de l’Égypte et de la Phénicie chez les Grecs ce développement qu’elle
transportés sur le sol de la Grèce. acquit au temps des luttes avec les Per-
Aphrodite apportée en Grèce n'est plus ses. Les poésies d'Homère mentionnent
Mylitta ou Astarté, c’est une flgure ré- toutes les peuplades asiatiques en pa-
générée qui a dépouillé tout ce qu’elle rallèle avec les Grecs, et ne les désigne
avait de sauvage dans son culte oriental. jamais sous le nom de barbares, il n'ap-
Ces combats incessants entre les na- plique ee nom qu’à la froction des Ca-
tions nouvelles qui tendaient à se former riens qui parlent un langage inintelli-
tirent naître entre les Ph'^niciens et les gible.
Grecs une haine implacable; aussi les
Phéniciens se montraient-ils toujours CHAPITRE 11.
les alliés des monarques qui faisaient
la guerre aux Grecs. Cet antagonisme SECOND AGE DES HIGBATIORS
s’éleva à son apogée sous le règne de IONIENNES.
Darius, au point qu'Hystiée put lui prê-
ter la pensée de donner l’Ionie aux Phé- Toute cette période des premiers éta-
niciens et de transporter les débris de blissements ioniens sur la côte d’Asie
la nation ionienne en Phénicie (I). n’a pour ainsi dire qu’une histoire, celle
Pendant toutes ces luttes entre les peu- de quelques troupeaux volés ou de fem-
ples navigateurs, les paisibles habitants mes enlevées; il faut arriver au temps
des côtes SC retiraientdans l’intérieur. Les où la métropoledes peuples ioniens prend
aventuriers grecs arrivaient dans le pays un intérêt politique à la colonisation de
sans femmes ni enfants, ils liaient avec l’Asie alors ce ne sont plus quelques
:
les indigènes des relations, fondaient enfants perdus de la Grèce qui vont à
de petites villes qui devaient recevoir leurs risques et périls tôter un terrain
plus tard un contingent de population incounu, ce sont les magistrats les dieux
nouvelle. Les premiers colons épousaient mémesqui présidentau départ des Grecs;
de gré ou de force les femmes indigènes les oracles parlent, et des ce moment
et il s’ensuivait des combats dans les- l'histoire recueille les faits et gostes
quels les Asiatiques avaient presque tou- des nouveaux colons, nomme leurs chefs
jours le dessous; les Cariens et les Lé- et enregistre les fastes des villes nou-
léges opposèrent une vive résistance aux velles. Éphèse et Milet, villes des Cariens
Ioniens quand ces derniers voulurent et des Léiéges oublient leur ancienne his-
s'établir sur cette côte mais le mélange
;
toire, et deviennent des villes grecques.
des races s’effectuait peu à peu, et les Les antiques sanctuaires des aborigènes
enfants des femmes cariennes enlevées dépouillent peu à peu leur physionomie
aux indigènes formaient un nouveau asiatique pour revêtir la forme et le ca-
germe de population dans lequel domi- ractère hellénique; les petits centres de
naient le génie et les in.stincts grecs. population, qui n’étaient comme chez
Les Ioniens arrivant en Asie n’y appor- les peuples primitifs qu’un abri pour
taient aucune croyance religieuse hos- renfermer en cas d’attaque les troupeaux
tile aux indigènes; bien plus, ils con- et les biens de la peuplade , deviennent
sentaient à reconnaître pour dieux grecs des villes populeuses et commerçantes
les divinités indigènes. Cette conformité auxquelles les colons grecs donnent les
de culte qui permettait aux Ioniens de noms qui leur rappellent leur ancienne
s’incorporer les populations asiatiques patrie.
u’empéchait pas les haines des vaincus Si nous avons eu quelquefois à déplo-
de se manifester quand l’occasion se rer le manque absolu de documents ori-
présentait les Cariens et les Ioniens
: iiiaux pour déterminer l’emplacement
es villes et les noms des fleuves ou des
(i) Réri’dote, liv. VI, .1. montagnes , nous n’éprouvons pas la
,
même diiliculté pour la géographie de leur contact constant avec les États grecs
rionie. Le texte de Strabon est en ce acheva de mûrir; mais des ter-
il fallait
genre un modèle de précision et d'exac- res aux nouveaux colons, et les anciens
titude ; aussi les voyageurs qui , avant possesseurs furent contraints de leur eu
nous, ont parcouru l'Ionie , ont déter- céder ; bien plus, ils allèrent jusqu’à en-
miné sans peine les villes et les lieux les lever les femmes de Carie, dont ils avaient
plus importants. Il restait une ou deux fait périr tous les parents dans la ville
lacunes nous avons tenté de les com-
: de billet (11.
bler en suivant pas à pas les indications
du géograplie grec. La première est re- CHAPITRE 111
lative à la positiond’Ortygie, l'autre à
remplacement de l’ancienne Smyrne. LEUBS BAPPOBTS AVEC LES BOIS
J’ai la persuasion que quiconque, con- • ]>B LYDIE.
naissant le pays, voudra lire attentive-
ment le texte de Strabon, se rangera de La puissance des rois de Lydie s’é-
cet avis. tendait alors jusqu’à la mer, et les peu-
I.es travauxde Chandler et de Cliishull plades que nous venons de nommer vi-
ont beaucoup abrégé les recherches géo- vaient, sinon sous la juridiction directe
graphiques qui restaient à faire de notre de ces monarques, du moins sous une
temps; mais comme ces savants, dont suzeraineté peu onéreuse. Les dynastes
le programme était tracé par la Société de Carie étaient particulièrement dans
des Dilettanti de Londres, affectaient un ce cas. Mais les rois de Lydie ne mirent
certain mépris pour les monuments an- aucune opposition à l'établissement des
té-helléniques, il y a encore à recueillir Grecs en Asie, sachant bien que c’é-
sur ce sujet bien des documents précieux taient autant de sujets qui leur arri-
pour l'histoire archaïque. vaient. Crésus soumit les peuples situés
Avant l'arrivée des Ioniens en Asie à l’occident de l’Halys, à l’exception des
toute cette côte était occupée par trois Lyciens et des Ciliciens (3).
peuples, qui ont joué chacun un rôle Malgré les facilités qui furent laissées
différent vis-à-vis des nouveaux colons. aux colons grecs par les puissants maî-
Les Pélasges, sans être absolument no- tres du pays rien ne donne une preuve
,
'
. - 1 , - -.il (i) HérodiBe, Ii«. 1, ch. 95..»
(ij Voy. chap. la. (a) Hérodote, liv. I, cb.
19 .
.
293 L'UNIVERS.
ces et de la beauté : les gymnases , les eux dans leur migration, et s’étaient
théâtres, les palestres. De pareils résul- mariés à des femmes de Carie, dont ils
tats ne s’expliquent pas seulement par avaient fait périr la famille; aussi les
la facilité que ^uvait présenter la main- Cariennes conservaient dans le cœur le
d’œuvre esclave ; comment parvenaient- souvenir de ce crime et refusaient de
ils à surmonter les difUcultés d’un pre- manger avec leurs maris et de les ap-
mier établissement, et les déceptions peler pnr leur nom (I). Cet événement
d’une mauvaise récolte , les épidémies, eut lieu à Milet, ville des Cariens, qui fut
les orages, les sauterelles, en un mot les occupé par Kélée;^ces derniers se reti-
mille fléaux qui attendent l’homme qui rèrent de l’autre côté du Méandre. Cy-
veut féconder une terre nouvelle.’ Il drelus, fils naturel de Codrus, bâtit la ville
faut reconnaître que , malgré toutes les de Myus, Andropompe celle de Lebedus
recherches des savants , il y a dans la dans un lieu nommé Artys; Andremon
civilisation antique un problèmequi n’est de Pylos celle de Colophon. Priène fut
pas encore résolu , et avouer que les fondée par Æpytus, fils de Nélée ; Teos,
Grecs nous surpassent infiniment sous fondée par Athamas, fut peuplée par les
ce rapport. Ioniens qui s’établirent'sous la conduite
de Nauclus elle reçut plus tard d’autres
:
ogle
, ,
Toutes de la confédération
les affaires Hérodote a soin de faire remarquer que
étaient traitées devant cette assemblée, ce genre de vêtement vient de la Cane :
qui fut imitée depuis par la confédéra- il fut sans doute introduit chez les Grecs
âon renouvelée des peuples hellènes quand ils eurent épousé les femmes ca
sous le nom dePanhellenium, dont l'em- riennes.
pereur Hadrien se déclara protecteur. Les peuples de la Lydie, qui n’avaient
Aux douze villes de l’Ionie vint s'ad- pas plus que les Perses, l’esprit des gran-
joindre celle de Smyrne,qui sollicita cette des entreprises commerciales , voyaient
faveur, comme étant un démembrement sans jalousie se développer la civilisa-
de celle d’Ephèse; elle appartenait d’a- tion grecque sur les confins de leur
bord aux yEoliens, mais les Colopho- pays. Ils n’avaient jamais eu de rela-
niens s’en emparèrent par stratagème, tions d'outre-mer, qu'avec les Phéni-
et les anciens habitants deSmyrne Rirent ciens et les navigateurs ioniens leurs
répartis dans les onze autres villes io- rivaux. Tant que régnèrent les rois de
niennes dont ils devinrent citoyens (U. Lydie, l’Ionie jouit d'une période de
H n’est pas un auteur qui ait parlé prospérité assez longue. Les rois faisaient
de l’Ionie sans vanter la beauté du ciel, de temps à autre quelque expédition
et les charmes du climat; c’est, en effet, contre les villes trop Hères pour payer
de toute l’Asie Mineure la contrée la tribut; mais à part ces orages passagers,
plus favorisée; les étés brûlants comme les Grecs se gouvernaient par leurs pro-
les hivers rigoureux y sont également pres lois et s’accommodaient de cette do-
inconnus. Le pays , entrecoupé de plai- miuatiou plutôt nominale que réelle.
nes et de montagnes, est arrosé par une
multitude de sources et de ruisseaux CHAPITRE VI.
qui portent partout la fertilité, l'oran-
ger et l’olivier semblent se trouver dans l'IOMB sous LES PEBSES.
leur terre natale et acquièrent des pro-
portions inconnues en d'autres pays. Il n’en fut pas de même lorsque les
commerciale (2). Les arts, les lettres, les Milésiens avaient traité avec Cyrus
les jeux de la scène devinrent leurs plus comme ils l’avaient fait avec les Mer-
chères occupations. La toilette des da- mnades.
mes ioniennes régla la mode des athé- Le parti national avait Phocée pour
niennes, qui adoptèrent la tunique de centre de ralliement, ce fut un citoyen
lin attachée sur l’épaule sans aiguille (3b de cette ville qui porta la parole dans le
sénat de Sparte pour demander l’al-
(i) Hérodote, liv, I, i 5 o. liance des Lacédémoniens. Ces derniers
(
3 ) Hérodote, liv. I, i53. envoyèrent a Phocée des ambassadeurs
(S) Hérodote, liv, I, 87, chargés de déclarer à Cyrus que Lacé-
,
!:!)4 L’UNIVERS.
Itimoiie se regarderait comme offensée avaient affaire à un peuple autre que
de toate attaque dirigée contre les villes les Lydiens.
grecques de l’Asie. Cynis ne parut pas Harpagus surveillait avec soin l’orga-
effrayé de ces menaces; d’autres interets nisation de son armée ; il avait réuni un
l’appelaient en Urient. 11 laissa à Taba- corps d’habiles archers et fait construire
lus, lin de ses généraux, la conduite de toutes les machines nécessaires pour
l’expédition contre les Ioniens; on n’avait les sièges. Il cernait les villes par terre
pas encore vu sur la côte un seul soldat et par mer et montrait dans la pratique
de Cyrus : sa grande armée s’était portée des mines une intelligence consommée.
sur Bactres. 'Foute l’Asie Mineure était Les bas-relie& de Ninive nous mettent
en fermentation ; la population des à même de juger aujourd’hui à quel
côtes était en révolte ; c’est en cet état point de science militaire l’art de pren-
de choses que Pactyas crut pouvoir se dre les places était poussé chez les peu-
rendre maître de la Lydie et de l’Ionie, ples de l’Asie anténeure ; plusieurs ma-
à peine soumises. La première, résis- chines, telles que le bélier, que l'on
tance ébranla sa résolution, et il s'enfuit croyait d’invention grecque, leur étaient
dans l’île de Cvmé. connues, et la réputation de Démétrius
Le seul résultat de cette révolte fut Poliorcète perd bien de son éclat, quand
de donner naissance à des hostilités on voit avec quel art les Assyriens, les
entre les Perses et les populations de la Mèdes et les Perses savaient prendre
côte. les villes.
Poursuivi d’Ile en île, Pactyas fut livré Au milieu de ce cataclysme des co-
par les habitants de Cbio , en échange lonies ioniennes, les citoyens des deux
d’un territoire situé enMysie. Les Perses villesTéos et Phocée aimèrent mieux
tirèrent un entre avantage de cet événe- aller chercher d’autres terres que de
ment : ce fut d’entrer en relation avec se soumettre à la tyrannie des Perses.
les habitants des Iles, auxquels ils étaient En effet, tout ce qui était grec était traité
jusqu’alors tout à fait étrangers. avec un mépris sans égal ; les hommes
Mazarès ayant rempli son but de pu- éminents étaient déportés, les autres
nir ceux qui avaient pris part aux siège attachés à la glèbe , ou forcés de servir
de Sardes, se tourna contre les com- dans les armées des Perses. Au siège de
plices de cette révolution. Les habitants Téos, Harpagus lit élever des terrasses
de Priéne furent réduits en esclavage à la hauteur des murs de la ville; les
etvendus à l’encan. Il fit une excursion habitants voyant que tout moyen de
dans la vallée du Méandre, qu’il ravagea ; résister était impossible, montèrent sur
la ville de Magnésie, qui se relevait à leurs vaisseaux, et abandonnèrent la
peine de ses ruines, fut livrée au pillage ville. Phocée, qui avait été le centre de
de l’armée. .Mazarès mourut à la suite la résistance ionienne et æolienne , reçut
de ces expéditions; Harpagus, allié du de la part d’Harpagus des propositions
roi , fut investi du commandement en de capitulatiou, qui furent rejetées , et
chef de l’armée de la côte. En faisant les Phocéens préférèrent quitter leurs
choix d’un tel homme, Cyrus indiquait foyers (1). Ces deux peuples furent les
qu’il attachait une grande importance seuls qui abandonnèrent leur patrie
à la guerre d'Ionie. pour se soustraire à la servitude; les
Les Ioniens montraient en effet au autres villes résistèrent, et tombèrent
roi qu’ils étaient autre chose qu’un peu- l’une après l’autre sous le joug des
ple de marchands, et qu’ils savaient re- Perses.
trouver de l’énergie quand la liberté Les révolutions dont l'Ionie étaient
était au bout de la lutte. Tant que l’in- le théâtre avaient presque entièrement
térêt seul de leur commerce fut en ruiné le commerce avec l’intérieur , et
question, la résistance fut médiocre; les Ioniens se voyaient dans l'obligation
mais en face du fanatisme des Perses de reprendre avec plus d’activité le
il n’y avait aucune transaction possible, commerce d’outre-mer. Amasis , roi
chaque ville devint une forteresse d’Égypte, avait épousé une femme grec-
qu’Uarpagus fut obligé d’assiéger et de
prendre : les Ioniens voyaient bien qu’ils (i) XToy. plus bas Phocée.
ASIE MINEURE. 295
i i
ue nommée Ladice ; il accueillit avec par des dissensions intérieures, fut pour
istinction les colons ioniens qui ve- la nation ionienne un temps de repos
naient dans son royaume soit pour s'é- pendant lequel elle put réparer les pertes
tablir, soit pour tratiquer. Il leur concéda qu’elle avait faites, fortifier de nouveau
la ville de Naucratis pour y fonder des ses villes, et relever les monuments
comptoirs , et des terrains pour élever détruits. Mais l’arrivée de Darius, fils
des monuments religieux. Les villes d’Hystaspe , au trône des Achéménides
confédérées d'Ionie et de Doride contri- ressuscita tous les dangers que courait
buèrent chacune pour sa part à l'érec- la liberté, ou plutôt l’autonomie des
tion d’un temple magnifique qui porta villesgrecques.
le nom d'Helleuium. Darius commença par établir une
Les villes d'Ionie, Cliio, Téos, Phocée nouvelle division de son empire en sa-
et Clazoniène avaient contribué à la trapies, dans lesquelles le territoire de
dépense; Milet, qui avait fait alliance l’Ionie fut incorporé; les tributs qui,
avec les Perses, et Priène, qui avait été auparavant, étaient payés sous forme de
ruinée, n’y participèrent pas. Amasis présents, furent dès lors exigés en ar-
régna de 569 a 526. La prise de Sardes ent, aussi les Perses, qui souffraient
eut lieu en 545 et la mort de Cyrus en e cet état de choses aussi bien que les
530. Très-probablement l’érection de Grecs, avaient-ils coutume de dire que
l'Hellenium eut lieu dans la période de Cyrus avait gouverné son empire comme
545 à 530 (1). un père, Cambyse comme un maître, et
Amasis avait en outra accordé aux Darius comme un usurier.
villesioniennes un privilège qui a quel- Il était de l’intérét de Darius de
que analogie avec celui qui fut accordé laisser grecques se remettre
les villes
aux compagnies françaises du Levant; des maux qu’elles avaient soufferts ; il
elles avaient seules le droit de fournir en tirait des soldats et des matelots.
les chefs des comptoirs de commerce C’est à ce moment mie la révolte d’A-
en Egypte. La nation phénicienne voyait ristagoras attira sur l’ionie la fureur du
cette concurrence avec d’autant plus roi. Cet événement capital dans l’his-
de jalousie que, sous le règne d’Amasis, toire de l’Ionie est soigneusement ra-
nie phénicienne de Chypre fut soumise conté par Hérodote.
par l'Égypte et rendue tributaire. A la sollicitation d’Aristagoras, les
Athéniens envoyèrent vingt vaisseaux
CHAPITRE VII. au secours des Ioniens la prise de:
296 LTJNIVEBS.
villes, et à cesser de recourir à la force. l’on en Ht une sorte de camp retranché.
Un cadastre des terres il’lonie fut en- La flotte grecque s’avança après avoir
suite établi , d’après lequel on régla les dépassé le temple des Euménides, de My-
contributions à payer au trésor du roi. cale jusqu’à l’embouchure du Scolopéis,
Cette division du territoire, telle qu’elle près de lanuelle est le temple de Cérès-
fut établie par Artapherne, subsistait Kleusine, liôti par Philiste, lils de Pasi-
encore du temps d’Hérodote; le mon- clès, qui avait suivi Nélée, Qls de Codrus,
tant de l’impôt était le même qu’avant lorsqu’il vint fonder Milet.
la rébellion (1). Léontichydès Ht en vain un appel
L’Ionie faisait partie de la première aux Ioniens pour les détacher du ser-
satrapie, qui s’étendait jusqu’à la Cilicie vice des Perses ; celte tentative eut pour
au sud, et jusqu’à la Troade au nord ; résultat de faire désarmer les Samiens,
elle payait quatre cents talents d’argent. que les Perses croyaient être d’intelli-
Le uanger commun avait fait taire les ;enceavec les Grecs. Sur ces entrefaites,
ressentiments des Ioniens et des Cariens ; fe bruit de la victoire de Platée se ré-
l’un et l’autre peuple s’étaient réunis pandit dans le camp des Grecs ; celte
our combattre l’ennemi des villes li- nouvelle ranimant leur courage, ils at-
res de l’Asie, et dans plusieurs rencon- taquèrent avec succès les Perses, qui
tres les Perses avaient éprouvé des dé- furent mis en désordre. Les Athéniens
faites sérieuses de la part des troupes ainsi que les troupes qui se trouvaient
ioniennes et cariennes. Un événement à leurs côtés ^ et qui formaient à peu^
mémorable, la bataille de Mycale, aurait irès la moitié de l’armée, s’avancèrent
jalousie des villes grecques n’eût fait tandis que les Lacédémoniens et le
naître des dissensions qui rappelèrent reste des forces qui les suivaient immé-
encore une fois les barbares sur les diatement , marchèrent par les monta-
terres ioniennes. gnes et le lit des torrents.
Les Samiens et les Ioniens qui avaient
CHAPITRK VIII. été désarmés attendaient l’occasion fa-
vorable pour abandonner l’armée perse.
l’iome sous xebxès. Dès que le camp retranché fut attaqué,
ils se précipitèrent au milieu des Grecs,
Les Ioniens avaient envoyé des dépu- qui les armèrent, et ils contribuèrent
tés à Léontycliydès, roi de llacédémone, au succès de la bataille. Les Milcsieus,
pour les prier de venir délivrer les villes de leur côté, sur qui les Perses avaient
grecques de la servitude des barbares ; compté pour les guider dans cette ré-
ce secours ayant été accordé, la Hotte gion inconnue pour eux , au lieu de fa-
grecque vint mouiller à Samos vers la ciliter leur fuite, ramenèrent les Perses
pointe de l'ile appelée les 'Calames, où par les défilés du Mycale sur l’armée
se trouvait un temple, de Vénus, et non des Grecs, et les Milésiens eux-mêmes,
loin du temple de .lunon. Il reste encore attaquant les Perses avec acharnement,
aujourd’hui une colonne et d’autres achevèrent la destruction de l’armée des
vestiges de ce temple, qui fut épargné barbares.
dans la destruction des édifices sacrés, Xerxès, en apprenant cette défaite,
ordonnée par Xerxès en souvenir des abandonna Sardes pour se retirer à
services que Polycrate avait rendus aux Suze ; mais avant de partir il donna
Perses. Ces derniers ayant en connais- l’ordre de démolir et de brûler tous les
sance de la Hotte grecque , mirent aussi temples des villes grecques d’Asie, ce
leurs vaisseaux en mouvement et vin- qui fut exécuté. Il en usa ainsi à l’ins-
rent, à l’exception des Phéniciens, mouil- tigation des mages, ennemis déclarés
ler au promontoire de Mycale pour se des temples et des simulacres.
rapprocher d’une armée de terre cam- La mort de Xerxès et la défaite de l’ar-
ce en eet endroit pour la défense de mée des Perses pouvaient offrir à l’Io-
P Ionie. On tira les vaisseaux à terre, et nie une occasion favorable pour secouer
à jamais la domination iranienne,
(i) Hérmlolc, liv. Vt, mais les dis.sensions qui s’élevèrent
,
donnèrent au successeur
entre, les alliés ordre comprit qu’il était tombé dans
de Xerxès l’occasion de recommencer un piège doré. Il lui était aussi impos-
la guerre. de faire la guerre à ses compatriotes
sible
que de refuser de défendre un prince
CHAPITRE IX. qui l’avait comblé de bienfaits; dans
cette cruelle alternative , il eut recours
BÈGNB n’ABT.iXBBXE. au suicide, et se donna la mort en bu-
vant du sang de taureau (f).
Artaxerxe monta sur le trône en 465 ; Thémistocle mourut en 461, la qua-
le fait le plus important de son règne, trième année du règne d' Artaxerxe ; c’est
(lui se rattache aux événements de l’opinion de Thucydide, adoptée par Roi-
ITonie, est l’arrivée de Thémistocle à la lin et par Curtius (ii). On lui éleva un
cour de Perse. Banni d’Atliènes, il cher- tombeau dans l’Agora de. Magnésie (3),
cha vainement un asile en Europe, et se mais plus tard ses os furent transportes à
vit forcé de passer en Asie pour se Athènes.
mettre à l’abri des poursuites des Athé- La jalousie et la rivalité, sans cesse
niens. Le roi de Perse avait mis sa tête renouvelées entre les villes grecques
à prix, et promis deux cents talents à d’Asie, donnaient aux Athéniens et aux
celui qui la lui livrerait. Nicogène, ami Lacédémoniens de continuelles occa-
de Themistocle, lui offrit un asile dans sions d’intervenir dans leurs querelles.
la ville æolienne d’Ægès, et lui facilita Samos et Milet se disputaient la posses-
les moyens de se rendre à Suze, caché sion de Priène , c'est-à-dire du grand
dans une de ces voitures couvertes ou centre religieux des villesd’ Asie. Athènes
kafèz dans lesquelles les orientaux, intervint en faveur de Milet, et Périclès
même de nos jours , ont l’habitude de vint assiéger Samos, qui fut prise après
faire voyager leurs femmes. Artaxerxe une résistance vigoureuse.
montra dans cette circonstance autant Pendant toute la durée de la guerre
de sagesse que de générosité : il fit à du Péloponnèse , les Athéniens tirèrent
Thémistocle un accueil distingué, le re- des villes grecques d'énormes subsides,
tint à sa cour, et lui 6t épouser une jeune qui , en appauvrissant le pays, nuisaient
fille appartenant à la plus haute no- a sa prospérité. Aucun développement
blessedu pays. n’était donné à la colonisation qucun ,
lant pas renouveler en personne les que le sang de taureau ne soit pas un poison,
malheureuses expéditions de ses prédé- (a) Thucydide, liv. I, ch. 1Î7, i38.
298 I/ITNIVERS.
Les efforts des Athéniens pour résister session où elles étaient de leur liberté.
à cette double alliance ne furent pas Les troupes de Xénophon étaient de
sans résultat; Alcibiade, vainqueur à retour de leur expédition de Perse.
Abvdos et à Cyzique, détruisit la flotte Dercellydas fut chargé du commande-
du Péloponnèse et battit sur terre l’ar- ment; il commença par déclarer la
mée commandée par Pharnabase. guerre à Pharnabaze, et entra dans
Les Lacédémoniens, alarmés des suc- l’Æolide.
cès d’Alcibiade, cbercbèrent à lui op- Zenis, grec de Dardanie, avait gou-
poser un chef capable de lui résister ; verné ces provinces scus les ordres du
Lysandre fut choisi, homme de mer satrape ; à sa mort, sa veuve Mania con-
autant que çéuéral d’armée. Lysandre serva le pouvoir, et sut maintenir sa pro-
se rendit à Éphèse, qu’on trouva dispo- vince sous l’autorité de la Perse.
sée favorablement à l’égard de Sparte; Pharnabaze traitait cette femme guer-
mais le satrape Tissapherne f.ivuri.sait rière avec la plus grande distinction.
en secret les Athéniens et leur procu- Elle paraissait à la tête de son armée
rait des subsides. montée sur un char, et accompagnait
Aussitôt que Cyrus le jeune, nommé Pharnabaze dans toutes ses expéditions.
gouverneur de l'Asie, ftit arrivé à Sardes, Mania futassa.ssinéepar .Midias, son gen-
Lysandre se rendit près de lui pour se dre, oui tomba lui-même bientôt après
plaindre du satrape ; il obtint du nou- sous les coups de Dercellydas.
veau gouverneur une augmentation de
paye pour les matelots mesure qui at-
, CHAPITRE X.
tacha les gens de mer au parti de Sparte
et qui jeta la consternation parmi les AGESILAS EN IONIE.
Athéniens. Lysandre ayant déposé le
commandement fut remplacé par Cal- L’anivée d’Agésilas en Asie vint ra-
licratidas, dont la science militaire éga- nimer le courage des Grecs ; ce prince
lait celle de Lysandre, et qui par sa con- réunit son armée à Éplièse, et pendant
duite privée s’était acquis l’estime de quelque temps fut uniquement occupé
l’armée et des citoyens. Lysandre ja- à l’exercer pour entretenir la discipline.
loux de sou successeur, renvoya a Saraes Les promenades militaires se termi-
les sommes qu'il avait reçues de Cyrus naient par des fêtes en l’honneur de
pour payer les matelots. Diane. I..es prisouniers per.ses étaient
En vain le général laoédémonien vendus à vil prix. Un jour Agésilas
fit-il le voyage de Sardes pour réclamer étant sur le marché montrait à ses sol-
la paye de éconduit de la cour
la flotte; dats les prisonniers dépouillés de leurs
du roi, Callicratidas revint sur la côte riches vêtements, et en présence de ces
pour reprendre le commandement de corps délicats, toujours enfermés dans
ta flotte. LTn suprême effort pour vain- leurs amples vêtements, il disait à ses
cre les Athéniens était la seule ressource soldats : voilà ce que vous combattez
ui lui restât. Le combat eut lieu près et indiquant leurs riches dépouilles,
es Iles Arginuses, combat célèbre, voilà pourquoi vous combattez.
dans lequel toutes les forces navales Le printemps venu ,
Agésilas publia
d’Athènes et de I.acédémone étaient u’il marcherait vers
la Carie, résidence
engagées. Callicratidas fut tué dans l’ac- e Tissapherne mais il avait préparé se-
;
tion, et Athènes remporta une victoire crètement une expédition contre Sardes.
complète. Tis.saphe.rne arriva trop tard au secours
Pendant les années qui suivirent cette de la place, les troupes grecques s’en
défaite des Lacédémoniens, le jeune emparerent , et ravagèrent toutes les
Cyrus avait entrepris son expéaition possessions des Perses. Le palais de Tis-
contre son frère Artaxerxe. Les villes sapherne fut incendié, et ses jardins dé-
grecques avaient pris partà cette révolte, truits. Ces événements expliquent pour-
et après la mort de Cyrus, craignant le quoi, malgré le long gouvernement des
ressentiment du roi, elles implorèrent Perses dans l’ouest de l’Asie , on ne
l’intervention des Lacédémoniens pour trouve aucun vestige des monuments de
le prier de les maintenir dans la pos- cp.s- peuples.
aSIE mineure. 399
'••Il
Agésilas, en qiiittaut l'Asie, fut regretté des temps meilleurs. Le gouvèrnement
de tous les peuples grecs, il emmena des Perses se contentait de lever des
Xénophon, qui laissa à Ëphèse chez le recrues et des impôts, et il laissait
Mégabyze, prêtre chargé de prendre soin aux Grecs tout l’essor du génie national.
du temple de Diane, la moitié de l’or Les arts et le commerce captivaient
qu'il avait rapporté de son expédition tous leurs instants; les monuments dé-
avec Cyrus, et en cas de mort, pour le truits se relevaient peu à peu, et le luxe
consacrer à Diane. inouï des satrapes était entretenu par
Une rencontre décisive entre les La- l’industrieuse imagination des artisans
cédémoniens et les Athéniens alliés aux grecs , habiles a travailler l’or, l’argent
Perses eut lieu près de Cnide ; la flotte et l’ivoire. Cette dernière matière était
des Lacédémoniens était commandée alors d’une extrême abondance en Asie;
par Pisandre , celle des Athéniens par l’usage constant d’entretenir à la suite
Conon. Ces derniers battirent les Lacédé- des armées de nombreuses troupes d’é-
tlémoniens et leur prirent cinquante ga- léphants, le commerce actif des Phéni-
lères; le reste se sauva à Cnide. A la ciens et des Grecs avec les peuples de
nouvelle de cette victoire, tous les alliés l’intérieur de l’Afrique, apportaient sur
de Sparte passèrent du côté des Athé- les marchés de Milet et de Smyme des
niens; plusieurs villes se rétablirent quantités d’ivoire que les Grecs tra-
dans leur ancienne liberté, et la puis- vaillaient avec habilité. On peut affirmer
sance de Lacédémone fut complètement que la galère d’ivoire aux voiles d’or,
anéantie en Asie. présent d’Ataxerxe, n’était pas faite par
Sparte, vaincue dans les combats, ne un artiste perse, ces derniers n’ayant
voulut pas laisser Athènes jouir tran- aucune idée de la construction des vais-
quillement du fruit de sa victoire, ni les seaux. Néanmoins nous devons consi-
villes révoltées de la liberté qu’elles dérer le travail de l’or et de l’ivoire
avaient recouvrée ; elle résolut de faire comme d’origine orientale, puisque ces
la paix avec Artaxerxe. matières étaient communes dans ces
.Antalcidas fut envoyé nu satrape Té- régions avant que les Grecs en aient
ribaze pour lui faire les propositions les connu l’emploi. C’est dans leurs rela-
plus avantageuses pour le roi. L’article tions avec les Perses qu’ils ont puisé ces
qui concernait les villes d’Asie portait connaissances , et cet art de faire des
que les lies seules jouiraient de leur li- figures d’ivoire dans lequel ils ont ex-
berté; toutes les villes grecques d’Asie cellé.
demeureraient soumises au roi, et toutes Le contact des Perses introduisait
les autres villes non helléniques joui- aussi chez les Grecs les modes orienta-
raient de leur indépendance. les ; on voyait dans Athènes les jeunes
Le roi retenait en outre la possession gens vêtus à la persane avec des robes
de nie de Clazomène La nouvelle d’un
. traînantes , entourés d’un cortège d'es-
pareil traité fut accueillie avec indigna- claves. Les Perses agissaient sur les
tion par toute la nation grecque ; mais, Grecs comme ces derniers ont agi plus
affaiblies par tant d'années de guerre, tard sur les Romains : c’est ainsi que, de
les villes u’Asie ne se jugèrent pas ca- roche en proche, l’art sérieux comme
pables d’opposer la moindre résistance, P art éphémère des vêtements précieux
Pt le traité d’.Antalcidas reçut son exé- se propageait d’orient en occident.
cution.
CHAPITRE XII.
CHAPITRE XL
l’abt ionien.
l'ionie apbès la paix d’ antalcidas.
La cour de Polycrate, qui se distin-
Les villes ioniennes , réduites à l’état guait surtout par son affectation d’orien-
de soumission où les avait placées la talisme , eut une grande action sur le
trahison des Lacédémoniens, abîmées et changement des modes grecques. Cos
ruinées paries révolutions intérieures, fournissait des tissus d’une finesse in-
n’eurent plus qu’à attendre patiemment comparable, et les tapis de Milet étaient
,
300 L’UNIVERS.
dans Athènes l’objet le plus convoité; satisfasse l’œil et l'esprit tout ensemble.
aussi, quand, sur le théâtre, un pauvre L’idée de couronner une colonne par
diable voulait parler d’un luxe impos- un chapiteau orné de volutes a été rnn-
sible, il souhaitait des tapis de Milet et testée aux Ioniens il est vrai que dans
:
qu’elle a produits; le temple d’Éphèse sion des races s’était opérée, les Cariens,
était, à l’exclusion du Partiiénon, placé leurs anciens ennemis, avaient combattu
au nombre des merveilles du monde. à leur côté contrôles Perses, et si la ville
Ce n’est pas un mince honneur pour les cariennede Milet se soumettait plus vo-
Ioniens d’avoir inventé un ordre d’ar- lontiers au gouvernement des satrapes
chitecture qui, depuis trente siècles, est ses colonies restaient amies des Grecs et
regardé par toutes les nations civilisées recevaient la protection d’Athènes.
comme le plus élégant des ordres c’est : Un lien plus fort unissait les villes
le seul qui ne souffre pas la médiocrité, grecques. Deux grands centres religieux,
et lès artistes modernes peuvent avouer le temple d’Éphèse et celui des Bran-
combien il est difficile d’imiter la ma- chydes attiraient une foule d’adorateurs,
jestueuse simplicité de la colonne ioni- non-seulement des pays voisins mais du
que. Les préceptes de Vitruve suivis continent et des îles. Le luxe des cé-
scrupuleusement ne suffisent pas pour rémonies religieuses, les statues et les
arriver à un résultat satisfaisant; les offrandes qui s’augmentaient sans cesse
Grecs seuls ont eu le secret de cet art, et stimulaient le zèle et le génie des ar-
parmi les monuments de l’art ionien qui
nous restent, il n’en est pas un qui ne (i) Hérodote, liv. II, 177. .
,
listes qui sortaient peu à peu des liens L’arrivée de Manlius fiit le signal
hiératiques pour donner à leurs divini- d’une domination nouvelle et encore
tés des formes plus en harmonie avec inconnue en Asie; mais jusqu’à ce que
le sentiment du beau. cette province vit fleurir l’époque tran-
Les jeux de la scèue qui accompa- quille et prospère des règnes d'Uadrien
naient les fêtes religieuses exigeaient un et d’Antonin, elle devait passer encore
éveloppement d’ouvrages d^art d’un par des épreuves cruelles. La guerre
autre genre , les poètes composaient des d’Aristonicus, dernier prétendant au
hvmneset desdytnyrambes, et les artistes trône des Attales, eut pour théâtre le ter-
élevaient des monuments où le peuple ritoire de rionie ; car Aristonicus avait
pouvait commodément s’assembler pour conservé plusieurs places fortes , et no-
assister à ces fêtes dans lesquelles la po- tamment Thyatire.
litique comme la religion faisaient les Les Éphésiens combattirent contre lu i
princi paux frais. Le théâtre dans les villes soit à la solde des Romains , soit à celle
grecques était pour ainsi dire une an- de Nicomède , roi de Bithynie qui
,
nexe du temple. Il n’était pas une seule voyait son royaume s’agrandir de ra-
petite ville qui n’eût soin d’élever l’un moindrissement de celui de Pergame.
et l'autre édiBce. Ce goût pour les 'mo- EnGn Aristonicus fut vaincu et envoyé
numents splendides était soutenu par la à Rome; les deux consuls moururent à
nature même du pays qui fournissait la suite de cette guerre.
des marbres varies de couleur, mais On par les efforts réunis des
voit,
armi lesquels les carrières de marbre Romains des Ioniens et des deux rois
,
liberté, relever leurs temples abattus et fût nécessaire d’en créer de nouvelles ;
les appeler à l’expulsion du dernier aussi nous ne trouvons pas dans l'Ionie de
Perse de l’Asie Mineure. villes portant un nom purement romain,
A partir de cette époque jusqu’à la comme il s’en présente en Phrygie
réunion de l’Asio à l’empire romain, l’Io- et en Bithynie. La généralité des noms
nie ne marque plus comme une région de villes d’Ionie est d'origine grecque ;
à part dans la presqu’île. Réunie selon le celles même dont
fondation est at-
la
caprice ou la politique des princes grecs tribuée aux aborigènes ou aux barbares
tantôt à la Lydie, tantôt à PÆolide ou à n’ont pas conserve leur première déno-
la Carie, les villes, libres dans leur gou- mination. Étienne de Byzance nous a
vernement intérieur, sont aujourd’hui conservé plusieurs variantes des noms
rangées sous le pouvoir d’un prince, des villes d’Asie. Ils sont surtout très-
demain sous celui de son compétiteur. multipliés dans la Carie et la Lycie.
Elles n’arrivent à faire partie d'un gou-
vernement stable et régulier qu’après la (i) StraboD, liv. XIV, p. 645.
constitution du royaume de Pergame.
. y
302 L’UNIVERS,
Byzance elle était incomparablement la Priène en Carie usaient d’un même lan-
plus riche province. gage; Éphèse, Colophon, I.ébédos, Téos,
Dans la province d’Asie, la notice des Clazomene et Phocée usaient d’un autre
Patriarcats place quarante-cinq villes dialecte; Erythræ et Chio se servaient
dont voici la liste :
' d’un même idiome; Samos en avait un
particulier (I). Ce passage de i’historicn
Éphèse. Thymbria.
grec montre que l’Ionie sest formée d’un
Hypatpa. Clazomène.
Magnésie du Sipy-
démembrement de la Lydie et de la Cane.
Tralles.
L’émigration régulière des Ioniens
Magnésie du Méan- lus.
130 avant J.-C. Les Lé-
Smyrne.
commença l’an 1
dre.
léges habitaient les territoires de Smyrne
Elæa.
et de Phocée, lesCariens occupaientcelui
Adramytium. Euaza.
de Milet et d’Éphèse : ces deux peuples
Assos. Arcopolis.
furent expulsés par les Ioniens, et allè-
Gargara. Algiza.
rent s’établir dans d’autres parties de la
Pitane. Auréliopolis.
Carie.
Myrrlnna. Valentinianopolis.
Après Tavénement de Constantin.
Teranos. Aninctum.
l’Ionie fut soumise à une nouvelle dé-
Nysa. Anæa.
marcation, et les villes furent classées
Métropolis. Arcadiopolis.
par évéchés sans cependant cesser d’ap-
Pergame. Nova-Aula.
partenir à la province d’Asie. L’Ionie
Priène. Ægea.
renfermait huit évêchés classés par ordre
Claros. Andera.
de préséance de la manière suivante :
(i) Sirabon, XIV, p. t>S3. Ælieii, Vaiiar. (9) 3 , 43 o stadei de 700 au de^ré font 4,
llist., liv. VIII, ch. 5 degres ou 98 lieue.^.
À
,
que des marécages où les habitants hé' dispersés dans les villages pendant l’es-
.sitent à passer une nuit; Erythræ est pace de quatre cents ans.
un désert rocheux Claros, Lébédus et
;
On célébrait à Smyrne une fête an-
Colophon sont absolument déserts, mais nuelle qu’on appelait les Éleuthéries,
cette situation si pittoresque dominant en commémoration dé la délivrance de la
la mer de Samos ne demanderait qu'à ville par le dévouement des servantes.
être habitée par une population agri- Les Lydiens assiégeaient Smyrne, et,
cole. Cet état désastreux des villes ne au moment de s’en emparer, ils contrai-
s’applique nullement à la fertilité du gnirent les habitants de leur envoyer
sol, qui est toujours la même les gras : leurs femmes. Ceux-ci, étaient sur le
pâturages des vallées du Méandre et du point de souscrire à cet ordre, lorsque
Caystre nourrissent encore de nombreux les servantes se dévouèrent pour leurs
troupeaux , et nous avons dit combien maltresses, et agirent de telle sorte dans
sont fertiles les vallées supérieures de le camp des Lydiens, que ceux-ci fini-
que la population était un démembre- entre la ville ancienne et celle qui exis-
ment de celle d'Êphèse : c’est du moins tait de son temps « il
y a le golfe de
;
304 L’UWIVERS.
inspiré uar Némésis, résolut d'établir Smyrne, passe pour avoir souffert le
une ville sur le mont Pasus où il , martyre dans le stade en l’an 166. Une
s'était endormi. L’orade de Claros, petite église grecque bâtie en ce lieu est
consulté h ce sujet, engagea les Smyr- aujourd’hui abandonnée.
néens à aller habiter la ville nouvelle, De tous les ouvrages exécutés par les
qui prit le nom de leur ancienne pa- rois grecs , il ne reste qu’une partie de
trie (I). l’ancien château ; c’est le soubassement
Mais le roi de Macédoine ne fut pas des tours du côté sud-ouest, qui est à
appelé à exécuter son projet. La cons- joints irréguliers , et la tour sud-ouest
truction de la nouvelle ville fut entre- jusqu’au tiers de sa hauteur. Elle est
prise par Antigone et accomplie par construite en bel appareil de trachyte
Lysimaque. rouge, qui lui donne l’apparence d’une
Smyrue fut donc fondée au nord du tour de porphyre. Le reste du château
mont Pagus, partie sur la montagne et est un ouvrage byzantin. Les autres
partie dans la plaine. Le fleuve Mêlés monuments sont en partie détruits;
que l’oracle avait nommé, coule dans mais on en reconnaît parfaitement les
la partie orientale de cette montagne, et ruines. Le stade s’étend de l’est à l’ouest
la ville s’étendit dans la plaine entre le un peu plus bas que le château. Les gra-
fleuve et la mer. Les plus somptueux dins étaient de marbre ; ils ont été em-
édifices ne tardèrent pas à être cons- ployés dans les constructions modernes.
truits, et les rues alignées et coupées à Toute la partie gauche du stade est
angle droit , et même décorées de por- soutenue sur des contre-forts qui exis-
tiques. La mémoire d'Homère, qui pla- tentencore ; il y ades niches demi-circu-
nait sur les rives du Mêlés, fut honorée laires et des cellules dont l’appareil est
,
furent construits dans la plaine. L’a- ne restait en 1836 que les deux parties
cropolis ,
le stade , le théâtre et les por- qui soutenaient jadis les gradins, avec
tiques s’élevèrent sur le penchant de la lés galeries qui conduisaient aux pré-
montagne. Le port, dont l’emplacement cinctions. Les gradins furent détruits
est occupé aujourd’hui par des habita- au milieu du dix-septième siècle; mais
tions, était un bassin que l’on fermait on voit encore très-bien le gall» du mo-
au moyen d’une chaîne. nument, et probablement ferait-on quel-
Mais la partie inférieure de la ville, ques découvertes de fragments dans les
établie sur des terrains d'atterrisse- maisons qui occupent le proscenium.
ments, presque au niveau de la mer, Mais ces ruines , qui attireraient encore
pour les eaux plu-
n’avait pas d’égouts les regards dans une ville d’Europe,
viales et les immondices; aussi, en sont laissées de côté en Asie, où tant
temps d’orage, les rues étaieut-elles de monuments mieux conservés ou plus
inondées et malpropres. Il semble que anciens rappellent l’investigation des
Strabon fasse en ce |>as$age la descrip- voyageurs.
tion de la ville moderne. Un peu plus bas que le théâtre, sur
Smyrne est une des villes qui concou- la limite du quartier juif, il y a dans la
rurent devant le sénat romain pour ville un espace vide gui est occupé par
avoir l’honneur d’élever un temple à un cimetière et plante de grands arbres.
Tibère, et elle l'emporta sur ses rivales: Tout autour de cette enceinte, il v a
il ne reste aucun vestige de cet édifice. des fragments de colonnes et de pilas-
Dès les premiers temps du christia- tres couchés dans la ma^nnerie, et deux
nisme, Smyrne se distingua par son ou trois pilastres carres et isolés sont
zèle pour la foi nouvelle, aussi, mérita- encore debout. 11 est probable que ce
t-elle le titre d’une des sept églises de sont les ruines d’un ancien agora, avec
l’Asie. Saint Polycarpe, son premier le portique quadrilatère qui l’entourait.
évêque et le patron des chrétiens de Les colonnes sont en marbre brèche
veiné de rouge et de blanc.
(ij PaiiMuias, liv. VU, ch. 6. I^es aqueducs et tous les restes de la
,
de Smyrne, dont la rédaction est à peu aussi cette ville fut-elle le théâtre des
près la même que celle adressée par luttes acharnées entre tous les pouvoirs
Antonin aux Aizamens. qui tentaient de s’établir en Asie. Smyrne
Il serait difficile de déterminer d'une était au pouvoir d’un bey nommé Tz.i-
manière précise le périmètre de l’an- chas ,
qui était maître de toute.s les
cienne Smyrne, les murailles ayant été places du golfe. Lorsque Jean Ducas
détruites depuis longtemps ; mais sa plus vint l’assiéger, elle se rendit , mais fut
grande étendue ne pouvait pas dépasser bientôt reprise par les Turcs, et les ha-
a l’est le vallon Saint-Anne, où sont les bitants furent massacrés.
aqueducs; à l’ouest, le versant du mont Aïdin émir qui donna son nom à la
.
ed ogif
, ,
siéger Smyrne; la ville fut prise, pillee le théâtre pour bâtir un khan ou bezes-
brûlée , les mosijuées détruites ;
la fu- téin (marché aux étoffes), long de
reur et le carnage u'épargnèrent per- quatre cents pas et tout voûté en pier-
sonne : femmes et fille.s ,
hommes et res de taille-, on trouva dans les fonde-
enfants, subirent leur part d’outrages. ments du théâtre un pot de médailles
On payait trois ducats pour diaaue de l’empereur Gallienetde sa famille;
prisonnier. Ln population , décimée , d’autre part on découvrit aussi une ins-
anéantie , se retira dans les masures qui cription qui fait mention de fempereur
étaient au pied du chSteau et la ville , Claude. Le. cirque était aussi bien con-
tombée dans le plus profond degré de servé que le théâtre; il avait deux Cent
misère, resta cependant la proie des cinquante pas de long et quarante-cinq
Turcs dont , le pouvoir grandissait in- de large; un autre caravanscral non
cessamment- moins somptueux que le bezp.stéin a été
DepuiscetteépoquelcGrand-Seigneur bâti dans le voisinage ; il est destiné aux
est maître de Smyrne , mais non sans marchands du Levant: on l’appelle Ma-
contestation , car à plusieurs époques la dama khan.
sédition et la révolte, fomentées par les
émirs, appelèrent dans cette ville les '
CHAPITRE XVIll.
troupes de l'empire. A part quelques in-
cendies et quelques têtes coupées , cela SMYRNE MODEBNE.
ne changeait rien à la physionomie de
la ville. La Smyrne d’aujourd’hui, étant la
Le
port, qui n’était qu’une petite premièreville d’Orieni où aliordent
darcepour lesgalères, avait été comblé d’ordinaire les voyageurs qui arrivent
parTimoiir; ce ne fut cependant qu’un d’Europe, présente aux yeux des nou-
événement de peu d’importance pour veaux arrivés le spectacle le plus animé
Smyrne ; son vrai port , c’est le vaste et le plus inattendu, tant est grande la'
golfe, qui offrirait une retraite à toutes variété des tableaux qui s'offrent aux
les Hottes du monde. Une si heureuse regards ; mais le premier moment d'en-
position ne pouvait rester aliandonnée : chantement passé, on est étonné de ne
peu à peu le commerce appela de nou- trouver aucun site qui mérite une se-
veaux liabitants ; on descendit dans la rieuse attention : la banalité de l’archi-
vallée; mais, par malheur, aucune pré- tecture moderne des Orientaux se révèle
voyance de l’autorité ne réglait les aligne- tout d’abord. Les mosquées et les au-
ments et les dispositions des quartiers. tres édiOces publics sont d'une construc-
De la montagne on se précipita sur le tion des plus médiocres: il n’y a pas une
bord de la mer, sans avoir la sagesse d’y petite ville de l’intérieur qui ne renferme
laisser un quai, dont le développement des monuments plus intéressaiirs.
eût fait de Smyrne la plus belle ville de Dan^ un autre ordre île recherches
l’Orient. les bazars sont des établissements qm
Tournefort, qui visitait la ville de méritent d’être visités; le quartier
Smyrne il y a plus d’un siècle, mentionne franc, qui est construit le long de la
plusieurs édifices qui n'existent plus de mer, renferme toute la population eu-
nos jours. Il signale un grand mur qu'il ropéenne de Smyrne; les Turcs demeu-
appelait le pomat’ium, et le temple de rent dans le quartier qui occupe la base
Cynèle ou selon lui l’Homerium, monu- de la montagne, les Grecs dans l’est de
ment carré qu’il compare au temple la ville ; une petite rivière qui prend sa
de Janus à Rome : cet édiGce était près source dans les bains de Diane, et qu’on
du Mêlés. C’était un petit bâtiment appelle pivièredesTeinturiers(ôoÿ(7(//ï),
carré, d’environ cinq métrés de côté, sé|>are le quartier frSDC de celui des
avec deux portes et au milieu une consuls. Les maisons sont- dans une
niche « où pouvait être l’efûgie d’Ho- situation agréable, ayant vue sur la mer.
mère ». Il y a tout lieu de croire d’après Ce sont ue légères constructions de
cette description que c’était un tom- bois, que l’incendie force de temps en
beau ; c’est peu de temps avant l’arrivée temps à renouveler. Les habitants ont
de Tournefort, en 1703, qu’on a démoli pris le parti de construire de la sorte
(I iiir.ti 11 t,
, ,
308 L’UNIVRnS,
pour se mettre à l’abri des tremblements sont construits en planches tellement
de terre de manière que pour se garantir
: minces, qu’il sufDt d'une étincelle pour
d’un fléau ils sc sont jetés volontaire- allumer un incendie.
ment dans un autre. La population Les alignements sont la chose dont
de Snivnie s'est fort accrue depuis on a le moins de souci , et chacun a le
un siècle Tournefort l’estimait à cent
: droit, selon son caprice, d’intercepter la
milleâmes, aujourd’hui elle dépasse cent voie publique par des.baraques, des amas
cinquante mille, dont la moitié est de de bois et des bâtisses de tous genres.
race turque, quarante mille Grecs, quinze Une des choses les plus nécessaires à
mille Juifs et dix mille Arméniens ; la la ville de Smyrne serait un beau quai,
population européenne est variable, et qui donnerait des facilités pour le débar-
tend toujours à s’augmenter sous un
: quement des marchandises et qui as-
gouvernement stable, et qui autoriserait sainirait ce quartier, appelé à juste titre
les étrangers à acquérir des biens-fonds, Tais Copriuls (les ordures), où sont
Smyrne serait une ville de trois cent construites cependant les plus belles
mille habitants. maisons des négociants et des consuls
Du temps de Tournefort, en 1702, les européens.
habitants de Smyrne conservaient le Ce quai est déjà construit dans une
souvenir de six tremblements de terre partie parallèle à la rue Franque, et
qui avaient causé de grands ravages ; le avec peu de dépenses, en achetant quel-
nombre d'inoendies est bien plus con- ques naraques de cafés, on aurait pu le
sidérables il n’est pas d’année où l'on
: coutinuer dans toute l'étendue de la
n'ait à déplorer qiieb|ue malheur de rade. Mais un habitant a imaginé de
ce genre. Le déplorable incendie de 1841 bâtir une maison assise au bord de la
a ravage la majeure partie des quartiers mer, et qui intercepte à tout jamais la
turcs et des bazars. Le quartier franc prolongation du quai ; car ni le gou-
a été épargné, il est vrai; mais en 1834 vernement ni les particuliers ne vou-
il avait été consumé en grande partie dront faire les frais d'acouisition de
de sorte qu’on peut dire qu’en l’es- cette maison pour la démolir. Le ter-
pace de six ans toute la ville a été rain dans cette localité coûtait en 1833
détruite par l’incendie. Ou ne peut con- S piastres (1 fr. 25®) le pick, c’est-
cevoir comment les habitants ne pren- à-dire quatre pieds carrés; il coûte
nent pas plus de précautions pour se aujourdtiui 20 piastres (4 fr. 50®).
garantir d'un fléau qui les menace sans C’etait un excellent calcul pour lus négo-
cesse et qu’on semble perpétuera plaisir ciants établis à Smyrne ; c’en était un
par les constructions les plus vicieuses. également pour le'gouveruement, car
Ainsi, dans un pays où le terrain est le bord de la mer étant ainsi occupé
presque pour rien, on s'obstine à cons- par des maisons et des baraques, la sur-
truire des rues tellement étroites, qu’un veillance de la contrebande devient im-
chameau chargé peut à peine y passer, possible. Les constructions qu’on avait
et de plus l'usage des chah-nichin , commencées il y a quelques années au
espèce de balcons ou fenêtres en sur- nord de la ville se sont multipliées ra-
lotnb , rétrécit tellement la rue par le pidement. Le quartier qu’on appelle
aut. que bien souvent le jour y pénétré Gut-Makallé (la rue des Roses) n’est
à peine, et les toitures .se touchent d'un plus le plus beau quartier de Smyrne,
travers de la rue à l'autre. L'autorité et la population européenne se trans-
turque ne se mêle en rien de la police porte peu à peu vers le quartier de
dis constructions, qui sont abandon- l’hdpital français, quiétaitautrefois isole
nées aux caprices des kalfats, espèces au milieu des jardins, et qui est aujour-
d’architectes grecs et arméniens qui d'hui entouré de maisons.
vivent dans la plus affreuse routine, et
qui au fond ne sont pas féchés de voir
de temps en temps le feu leur donner
occasion d’exercer leur industrie.
Tous les bazars que l’on était occupé
à rebâtir au moment de notre arrivée
ASIE MINEURE. 309
de la ville. Ensuite on passe un pont trente minutes nous passons une autre pe-
jeté sur un torrent qui esta sec dans tite rivière; enfin, à onze heures, nous ar-
rêté; c’est un des afOuents du Mêlés, qui rivons à Trianta, station où se trouvent
va se jeter dans le golfe de Smynie. un corps de garde et quelques khans.
Unclargevallée, qui a peu de longueur, Un grand platane ombrage la cabane
longe la plaine au milieu de laquelle est de feuillée où nous passons la nuit. La
situé le joli village do Boudja, où les rivière de Trianta ne se jette point dans
familles anglaises résident de préfé- le Caystre; elle a un cours particulier,
rence. Les habitants de Smyrne appel- et va se perdre dans la mer, entre Lia-
ient val Sainte-Anne cette dépre.ssion ros et Éphèse. L’ondulation de terrain
de terrain qui sépare du côté de l’est le qui sépare le bassin du Caystre de celui
mont Pagus de la plaine de Boudja. de la rivière de Trianta est presque in-
Un aqueduc du moyen âge, dont les sensible. Le lendemain, nous quittons le
arcades sont en ogive, traverse cette campement à six heures trente minutes,
vallée; les eaux qu’il porte à Smyrne L’horizon est borné au nord par la chaîne
sont très-chargées de sels calcaires, qui du Tmolus, au pied de laquelle sont si-
ont formé, de part et d’autre de l'aque- tuées les villes de Baïndir et de Démich.
duc, de grosses masses de stalactites. Nous suivons pendant quelque temps le
Cet endroit est très-pittoresque et sou- cours de la rivière, faisant route à 120 ° du
vent visité par les étrangers. compas, au milieu de buissons touffus.
/ Google
5lO L’UNIVERS.
Toute cette plaine est trè.s-marécageuse ; lianes perpendiculaires paraissent de
un a établi une chaussée au milieu des loin avoir été taillés par la main des
marais. Nous avons au N.-N.-E. un hommes.
grand village entouré d’arbres, nommé Après avoir dépassé le château, on
Fortouna; un peu plus au sud, quel- découvre au loin les montagnes qui en-
ques habitations forment le village de tourent la plaine d’Éphèse. I..a route est
Gourgoul. pratiquée le long du Caystre ; on rencon-
Nous prîmes un sentier qui mène tre dans une anfractuosité de rochers
un mamelon que nous
droit au sud vers une construction appliquée à la monta-
apercevions depuis le matin. On trouve gne, dont une partie a été travaillée de
dans son voisinage quelques débris d’ar- main d’homme. On voit les traces d’une
chitecture et un grand aqueduc en ruine, salle taillée dans le roc, et une niche assez
ui indique qu’une ville antique a existé grande; les ruines d’un aqueduc et quel-
ans cet endroit. Sur le revers S.-E. du ques murailles revêtues de marbre com-
mamelon, on voit un grand tumulus. plètent cet ensemble. Ces débris peuvent
Nous finies halte dans un café au bord avoir appartenu à un nyniphée ( Nup.-
d'une petite, rivière nommée Bounar- facav), qui fournissait ensuite de l’eau à
Sou (l’Eau de la Source), parce qu’elle l’.iqueduc; maintenant la source est tarie.
sort tout entière d’un rocher situé à Suivant toujours le cours du Caystre,
deux milles au nord. C’est cette source on arrive a un pont formé de débris de
qui alimentait Taqueduc. Nous n’avons monuments romains. Les arcades sont
l>as suivi la ligne directe qui mène de en ogive, l’n aqueduc était appliqué
Trianta à Éphèse, parce que les marais contre le pont. Ici le Caystre commence
formés par le Bonnar-Sou et les eaux à devenir plus large. Après avoir passé
de la plaine la rendent impraticable. le fleuve, nous nous trouvons dans la
On contourne la chaîne de montagnes plaine même d'Éphèse. Le courant tend
qui borne la plaine du côté de l’ouest. toujours à se porter au nord, en sui-
A neuf heures cinq minutes nous nous vant la chaîne des montagnes ; mais en-
trouvons encore au bord du Bounar-Sou, suite il traverse obliquement la plaine,
que nous passons à gué dans cet endroit. et, après s’être divisé en deux branches,
Non loin de là se trouve un ancien ci- il va se jeter dans la mer, près de la
metière, dans lequel on remarque des montagne du sud. La branche nord est
tronçons de colonnes, des corniches et de peu d’importance; on la passe faci-
d’autres fragments d’architecture, le lement à gué près de sou embouchure.
tout en marbre blanc. On voit claire-
ment tous les débris d’un éditice dori- CHAPITRE XX.
que.
A partir de ce point, nous marchons AÏASALOUK.
sur la pente, du coteau, pour éviter les
marais. Nous faisons une halte de quel- Aïasalouk est un petit village habité
quels instants au bord d’un ruisseau; par quelques familles turques, logées
et en continuant à suivre la chaîne des iour la plupart dans la partie sud de
collines , nous tiuissons par arriver au fa colline du château, au milieu des
bord du Caystre , qui coule dans une ruines et des buissons. Les ruines de
vallée d’un mille de largeur; les terres l’ancienne ville d’ Aïasalouk s’étendent
en sont assez bien cultivées. Nous aper- à l’entour; elles se composent d’un cer-
cevons de temps à autre de beaux champs tain nombre d’édidees couverts par des
de doura. Le côté gauche de la vallée dômes, qui ont été jadis des bains et des
est également formé par une chaîne de mosquées. Les pierres sépulcrales qui
collines calcaires. Nous marchons droit les enlonrent portetit presque toutes
au sud pendant une heure, jusqu’à un des inscriptions en caractères coufiques,
château ruiné, bâti sur un des sommets et toujours en relief, selon l’usage arabe.
les plus escarpés de la montagne ; les I-e château ,
la mosquée et l’aqueduc
habitants l’appellent Kiz kalé si (le suffiraient seuls pour donner une idée
Château de la Fille). Ici , les rochers de l’importance et de la grandeur de
château fait face à la mer. Dans l’inté- les princes chéiks ou émirs, n’ont le
.
rieur du château il n’y a que de misé- droit d’en dresser qu’un seul.
rables cabanes, une vieille mosquée et En montant le perron , on arrive dans
des monceaux de décombres. une cour au milieu de laquelle il y a une
La grande mosquée est située en &ce fontaine pour les ablutions. Du côté du
du Château, du côté de l'ouest; le côté nord il y a une autre porte, non moins
qui fait face au château est bâti de ornée, qui conduisait au château, et la
ierre, mais la façade est en marbre porte d’entrée du temple est placée dans
lanc. Les deux dômes étaient couverts l'axe perpendiculaire à celui des deux
en plomb doré et portaient à leur som- autres; mais elle est sans ornements.
met le croissant de l’Islam. Devant l’en- C’est une triple arcade mauresque, avec
trée se trouve une cour avec une fon- des colonnettes; il ne paraît pas qu'elle
taine et une vasque pour les ablutions; ait jamais été close par un vantail en
autour des mursseremarquent plusieurs buis.
fûts de colonnes brisées, qui sont les res- Dans une plinthe, de marbre, tout
tes d'un portique. Les trois portes qui près du pavé, on lit le nom d'un des ar-
couduiseiit dans la cour et les fenêtres tistes qui ont travaillé à l’édifice, mais
de la façade sont ornées de moulures il n’y a pas de date :
dans le style arabe, avec des inscriptious « Ce miiinber a été fait par le fakir
tirées du Koran en caractères arabes ri- « 'pauvre) serviteur de Dieu Ali, fils de
chement sctilptés. Les fenêtres ont des « Daoud, natif du pays de Chant ( Da-
châssis de bois, et sont closes par un treil- « mas). »
lis de fil d’archal. To .te la cour de la mosquée était en-
Toute cette mosquée a été construite tourée de colonnes de granit. Les quatre
avec d’anciens matériaux; les colonnes grosses colonnes de l’interieur n'ont pas
de grauit égyptien et tous les marbres d'égales dans les ruines d'Éphèse. On
qui décorent l'iniérieur ont été enlevés voit seulement quelques tronçons du
aux moiiumeiits antiques. même diamètre autour du monument
Le plan général de la mosquée est un qui passe pour être l’église de Saint-
grand rectangle coupé en deux parties Jean. Les deux colonnes qui séparent
égales, dont l’une forme la cour ( harem ), les pendentifs du centre sont de granit
et l’autre la nef {djami ). La façade, qui gris; les deux autres sont de granit
est encore intacte, est bâtie tout en mar- rouge; mais, par malheur, celle de gau-
bre blanc; la porte, a laquelle on arrive che n’est pas d'une seule pièce. On a
par un perron de ilix marches, est ornée employé par exception un cliapiteau an-
d'arabesques et d’inscriptions et cou- tique, d'ordre composite : tous les autres
ronnée de créneaux découpés dans le soin de style arabe.
genre de ceux des mosquées du (Jaire; Le voyage d’Ibn-Batuta (1) contient
les fenêtres qui éclairent la net sont car-
rées et surmontées d’arabesques indes- (i) Traduction de M. Reiiiaud, page :to8.
L’univers.
un passade assez curieux sur Éplièse il the
: car il y a solution de continuité
,
semblerait que l’église de Saint-Jean dans presque fous les groupes d’édifices,
aurait encore existé de son temps. Vers
et l’on peut à peine déterminer d’iice
la fin du seizième siècle, « nous
partîmes manière précise le périmètre de la ville
pour la ville d’Aya Solouk, cité grande, du côté de la plaine; les murs de Lysi-
ancienne et vénérée par les Grecs. Ici maque existent presque en entier sur la
il
y a une vaste église, construite en montagne du coté du sud. C’est préci-
pierres énormes; la longueur de chacune
sément à cause de ces difficultés que
est de dix coudées et au-dessus elles ;
chacun veut apporter son tribut de do-
sont travaillées de la manière la plus
cuments dans l’efude de cette ville,
admirable. La mosquée de cette ville
quitte à répéter ce que ses
ÿt une des plus merveilleuses mosquées prédéces-
seurs ont dit avant lui.
ou monde elle n’a pas sa pareille en
:
Aux tribus anté-helléniqnes qui ha-
beauté.
bitaient ces rivages avant l’arrivée
des
" C’était jadis une église appartenant Ioniens, nous devons ajouter les Ama-
aux Grecs; elle était * fort vénérée zones, qui se retrouvent dans les tra-
chez eux ils s'y rendaient de divers
:
ditions grecques depuis les temps les
pays. Lorsque cette ville eut été coii-
plus reculés jusqu’à l’époque d’Alexan-
ouise, les Musulmans firent de celte
dre; c’est-à-dire bien avant dans les
église une mosquée cathédrale. Les
murs temps historiques de la Grèce. Leur
sont en marbre de différentes couleurs,
première patrie était sur les bords du
et son pavé est de marbre blanc; elle
Pont-Euxin, et non loin des tribus no-
est couverte en plomb et a onze coupoles,
mades des Scythes et des Sarmates.
de diverses formes au milieu de cha- :
Toutes les recherches faites sur ces fem-
cune d’elles s’élève un bassin d’eau. » mes guerrières n’ont amené les savants
Il est possible que l'église de t-aint- qu’à l’aveu de leur impuissance d’expli-
lean ait encore existé à l’époque du
quer d’une manière satisfaisante ces
voyage de Ibo-Batuta, mais l'inspection
traditions grecques, et l’on est convenu
.seule des plans de la mosquée
prouve de les rejeter dans le domaine
de la
une c’est un monument musulman bâti fable. Mais la fable môme est presque
de fond en comble sous le régné du sul- toujours fondée sur quelque tradition
tan Sélim l’inscription du mirhab que
:
historique; il faut donc en arriver à
nous avons rapportée plus haut le admettre en Asie la présence d’une peu-
prouve suffisamment. plade qui aurait motivé chez les Grecs
le mythe des Amazones. Leurs
com-
CHAPITRE XXI bats avec les Grecs font le sujet des
chefs d’œuvre des sculpteurs les plus
BPHÈSE. renommés de la Grèce et de l’Asie et
;
c’est surtout dans cette partie de l’Ionie
La
plus ancienne ville et la métropole
que la statuaire s’est plu à célébrer leurs
de Ephèse. a bien souvent attiré
l’ionie,
hauts faits.
les regards des archéolosues et des
voya- Les Léléges et les Cariens habitaient
geurs; mais de bouleversement
l’état
le territoired’Êphèse lorsque Androclus
dans lequel se trouvent .ses ruines, les
monuments de tous les âges et de tous y conduisit ses colons ; déjà ce lieu était
vénéré comme le centre d’un culte très-
les cultes , formant des couches
super- répandu en Asie. Une statue de Diane,
posées, ont offert assez de difficultés
qui passait pour un présent de Jupiter
pour que l’étude de cette ville ait en-
lui-méme ( 1 ), avait été consacrée par
core besoin de nouveaux développe-
l’Amazone Smyrna dans un temple
ments. Les atterrissements et les marais ,
à la ville. Le culte de Diane était déjà de richesses , et jeta dès lors les fonde-
répandu parmi ces peuples lorsque les ments de cette grandeur et de cette ma-
Grecs arrivèrent; et selon Pausanias gniGcence qu’on y vit dans la suite (i;.
il était beaucoup plus ancien , car les Le territoire d’Éphèse forme une
Amazones vinrent y sacriGer quand pande vallée, qui s'étend de l’est à
elles furent vaincues par Hercule (i). l'ouest; elle est parcourue dans toute
Le temple selon Pausanias avait été sa longueur par le Caystre, qui entre
fondé par Crésus et Éphésus ; ce der- dans la plaine par l'angle N.-E. de la
nier avait donné sou nom^ la ville. Un vallée, tandis que l'angle S.-E. est oc-
certain nombre de femmes de race ama- cupé par la petite montagne que les
zone se joignit aux Léiéges et aux Ca- Grecs appelaient Lépré, et plus tard
riens. Une partie de ces derniers fut Prion. Le mont Corissus ferme la vallée
expulsée par Androclus; l'autre, lui du côté du sud , et se prolonge à l’est
ayant promis Gdelité, r'-sta dans la ville. jusqu’au mont Messogis. Du cdté de
L'ancienne Êphèse, qui portait le l'ouest, la vallée présente une large ou»
nom de Smyrne, était placée sur la verture,oùse développent aux regards la
pente du mont Prion, dans un endroit mer de Samos, les Iles , et les monta-
nommé Trachéia, qui se trouvait voisin gnes de Claros.
du gymnase. La ville qui fut fondée Sur la rivedroite du Caystre on voyait
par Androclus était près du temple de de vastes marais , qui existent encore
Âlinerve et de la fontaine Hypélée (2). aujourd'hui, et qu'on appelait les étangs
Après que les Ëphésiens eurent été Sélinusiens. Ces étangs produisirent de
soumis aux rois de Lydie , la ville d’É- grands revenus au temple de Diane. Il
phèse fut encore déplacée. On la cons- en fut dépouillé par les rois de Per-
truisit près du temple de Diane qui game; mais Artémidore, ayant été dé-
,
avait été bâti par les Ioniens, c'est-à-dire puté à Rome, obtint du sénat la res-
dans la plaine, et non loin des rives du titution de ces privilèges en faveur du
Caystre. temple.
Vers la Gn de la guerre du Pélopo- De cette immense ruine d’Éphèse il
leur quartier général à Éphèse, et leur la ferme des étangs du Caystre. La jetée
suite nonfbreuse de jeunes persans, ri- des Anales est à présent bien avant
ches et aimant le plaisir et le faste, ré- dans les terres par suite de l'ensable-
,
pandaient dans la ville le goût des ment du port, qui se continue sans in-
mœurs asiatiques. Le jeune Cyrus était terruption depuis vingt siècles. Des
à Sardes, afGchant un luxe éblouissant. barrages en roseaux mobiles sont instal-
I.es Grecs, soumis et traités avec dou- lés à l’embouchure du Geuve, et sont
ceur par les Perses , se laissaient aller ouverts à des époques déterminées pour
à cette vie de mollesse. C'est en cet état donner passage à des myriades de pois-
que Lysandre trouva la ville d'Éphèse; sons et surtout de mulets qui viennent
,
quand il vint comme amiral pour com- frayer dans les eaux douces. On ferme
battre les Athéniens, il trouva la ville alors le barrage, et la pèche s’effectue:
très-affectionnée pour Sparte, mais l’es- on prépare la poutargue avec des œufs
prit guerrier manquait aux habitants et de mulet. Cette pêche est affermée
les travaux publics étaient délaissés. quarante mille piastres au mutzellim de
Ayant conduit son armée à Éphèse, il Scala-Nova.
commanda qu’on y assemblât tous les Le changement notable qui s’est
vaisseaux de charge, y Gt un arsenal pour opéré dans la figure des terrains offre
la construction des galères , en ouvrit la plusgrande difGculté à l'antiquaire
les ports aux marchands, en abandonna pour reconstruire l’ancienne Éphèse,
les places publiques aux ouvriers, mit ou plutôt une des villes de ce nom
tous les arts en mouvement et en hon- car elle fut déplacée et reconstruite
neur, et par ce moyen il remplit la ville jusqu'à sept fois. Les ruines de tous les
âges sont répandues dans une vaste
(i) Pausanias, liv. Vit, cli. a.
(•) Strabon ,
liv. XtV ,
p. 640. (i) Plutarque, vie de Lysandre.
nii > L’UlSIVERS.
gue muraille, d'une magnifique cons- féraient rester dans la plaine aux envi-
truction en pierres de taille. On recon- rons du temple de Diane. Lysimaque
naît dans cet ouvrage le mur bâti par usa d un stratagème, gravement consi-
Lysimaque, lorsqu'il réunit les habitants gné dans Strabon il profita d’une pluie
:
d’Éphèse dans une seule enceinte. a verse pour faire boucher les égouts,
Le mur de Lysimaque est flanqué de de façon que la ville fut complètement
distance en distance de tours et de po- inondee (t); comme il ne trouvait pas
ternes, dont l'appareil est d'une excel- encore son enceinte de ville assez rem-
lente construction. Ce $ont les carrières plie, Lysimaque dépeupla la ville de
du mont Corissus qui ont fourni les Lebedus pour transporter les habitants
matériaux. Ils s’étendent de la partie à Éphèse, dans les nouveaux quartiers
ouest, dont je viens de parler, jusqu’au qu’il avait bâtis; aujourd'hui il ne reste
gymnase et au théâtre; c’est là, comme absolument rien des édifices de la ville
je l'ai dit, que devait se trouver la porte grecque tous les monuments qui exis-
:
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,,
SI6 LIJNIVERS.
CHAPITRE XXIV. On peut supposer que cet aqueduc ap-
portait à Ephèse les eaux de la fontaine
LES THERMES, LE GYMNASE. Halitée, mais il n’est pas le seul qui
approvisionnait Ephèse. On observe sur
l.es portiques qui entouraient le la route de Scala-Nova un autre aque-
tliéâtre et le stade conduisaient aux duc , dont les conduits sont à fleur de
Thermes et à l’Agora. C'est au bout d’un terre et qui apportait sans doute a
(le ces portiques qu'on voit les débris Éphèse les eaux d’Ortygie. Une autre
d’un grand temple d’ordre corinthien partie d’aqueduc reste dans un vallon
il était prostyle et tétrastyle il a été ; a trois kilomètres de distance d’Ephèse,
gravé dans l’ouvrage de M. de Choiseul. et est composée de deux étages d’arcades ;
Les grandes salles des thermt s sont on y lisait une inscription qui fait con-
aujourd’hui à ciel ouvert toutes les
: naître que cet aqueduc fut dédié à Diane
voûtes sont tombées; cet édilice était d’Ephèse, à l’empereur César Auguste, à
construit en pierres de jtetit appareil Tibere César, son fils, et au peuple d’E-
les murs étaient revêtus de stuc et de phèse : il fut construit par l’oilion.
peintures; non loin des thermes est un Les sépultures des Éphésiens étaient
petit odéon dont il reste encore en place placées le long duCorissus: ellesconsis-
quelques sièges, mais toute l’architecture taient pour la plupart en sarcophages,
extérieure est détruite. dont on voit de nombreux vestiges, mais
Le gymnase, qui appartient aussi au aussi en hypogées creusées dans le flanc
groupe d’edifices que nous avons décrits, de la montagne; ce ne sont pas des
est, il est vrai, dépouillé de ses marbres chambres sépulcrales, ce sont de lon-
et de ses ornements d’architecture; mais gues cases disposées de manière à y
il présente un ensemble complet, et peut glisser des cercueils; plusieurs de ces
lasser pour un des édifices de ce genre sépultures portent encore des ins-
fes mieux conservés. La décoration de criptions; elles sont très-voisines des
plusieurs salles consistait en peintures grands édifices dont nous avons parlé,
sur le stuc ; on en peut voir quelques et sontcomprises dans l’enceintede l’an-
traces , mais il était possible de discer- cienne ville.
ner encore quelques sujets lorsque les Le mont Prion contient des carrières
voyageurs Chandler et Chisliull ont de marbre, d’où furent tirés les maté-
visite ces ruines. Ils ont remarqué plu- riaux qui ont servi h l’embellissement
sieurs torses de statue qui sont aujour- d’ïiphèse. lA>rsque les Ephésiens son-
d'hui enlevés ou enfouis sous les décom- gèrent à construire le temple de Diane,
bres ; tous ces édifices sont situés autour leur première pensée fut de faire venir
du groupe du thé.^treet dustade; il
y en des marbres de Thasos, de Proconnèse ou
a quelques-uns appuyés sur la mon- de Paros; mais la dépense pour le trans-
tagne. port leur paraissait incalculable. Pourles
En suivant les traces d’une grande carrières du Prion, la grande distance où
rue bordée jadis de portiques on arrive de la ville, jointe à la
elles se trouvaient
à un marais qui fut une partie du port difficulté deschemins, présentaient un
d’Éphèse. Un peu plus loin est l’em- obstacle presque insurmontable. Pen-
houchure du Caystre; on voit une longue dant que les Éphésiens délibéraient sur
jetée en maçonnerie d’un bel appareil, cet objet, un berger faisait paître son
qui est saps doute la jetée du roi Attale. troupeau sur la montagne; deux béliers
Le long de la montagne voisine sont luttaient ensemble, lorsque l’un d’eux,
1rs remises des anciennes galères et voulant frap|ier son adversaire, alla
des barques de pêche. heurter avec sa corne le rocher voisin,
L’aqueduc est sur le côté opposé au dont il se détacha un éclat ; c’était un
château il part de la montagne, traverse
; marbre blanc d’une beauté incompa-
la plaine à l’est, et va jusqu’au mont rable. Le berger courut à la ville faire
Pactyas. Il est soutenu par un certain part de cette découverte; il y fut ac-
nombre de piles carrées, construites cueilli avec des transports de joie, et
avec d’anciens matériaux, parmi lesquels pour le récompenser les Éphésiens chan-
se trouvent de nombreuses inscriptions. gèrent son nom de Pixodore en celui
,
Les carrières du mont Prion méritent est représenté tant de fois sur les
d’être visitées : quelques-unes sont tail- médailles antiques que l’on ne peut
lées à ciel ouvert, d’autres sont creusées avoir aucun doute sur sa forme. Chacune
dans la montagne à une grande pro- de ses mains était soutenue par une
fondeur ; le sol est couvert de recoupes barre.de métal pour empêcher la statue
de marbre qui prouvent qu’elles ont été de vaciller. La déesse était couverte de
exploitées pendant un grand nombre vêtements somptueux, et devant elle
de siècles on voit aux alentours plu-
: était suspendu un voilé qui tombait du
sieurs blocs équarris, disposés pour être haut en bas de l’enceinte sacrée pour
enlevés. dérober la statue aux regards du pu-
blic, excepté pendant la durée des cé-
CHAPITRE XXV. rémonies.
LB TEMPLE. Le premier temple de Diane fut un
tronc d’arbre, dans la cavité duquel la
Le culte d’Apollon et celui de Diane, statue fut déposée ; ce sanctuaire date
dieux indigènes de l’Asie, était pratiqué d’une époque inconnue ; il fut recons-
en Ionie depuis les temps les plus recu- truit jusqu’à sept fois (I).
lés, et ces divinités avaient déjà des Le service religieux était fait par des
temples élevés en leur honneur long- prêtres tirés de divers pays, et qu’on ap-
temps avant l’arrivéedcs colonies ionien- pelait mégalobizes, nom' perse dont on
nes sur ces côtes, c’est-à-dire dans le dou- Ignore l’origine. Ces prêtres étaient eu-
zième siècle avant notre ère. Déjà les nuques; ils étaient assistés dans le ser-
Amazones vinrent des rives du Ther- vice du temple par un collège de prê-
modon pour sacrifier à Diane d'Éphèsê tresses, jeunes filles appartenant aux
dans son temple peu de temps après plus hautes familles et qui faisaient voeu
avoir été vaincues par Hercule, ce qui de célibat; elles pa.ssaient par trois de-
reporte cet événement aux premiers grés d’initiation avant d’arriver au titre
temps des Héraclides de Lydie (2). Le de iéréia prêtresse en titre. A leur re-
temple fut bâti par Crésus et Éphésus : traite, on leur assurait une pension et
ce dernier donna son nom à la ville, elles jouissaient de certains privilèges, si
qui fut peuplée par un mélange de l’on en croit Strabon (2).
Léiéges, de Cariens et d’Amazones. Le col lége de prê tresses survécut à celui
l.a statue de la déesse remontait à la des mégalobizes : en effet, une inscription
plus haute antiquité. Le consul Mucianus, de la Gn du premier siècle prouve qu’à
qui avait écrit un traité sur cette sta- cette époque le collège des prêtresses
tue, disait qu’elle était de bois de vigne; existait encore; elle est ainsi conçue ;
le sculpteur qui l’avait faite se nom- « En l’honneur d’Ulpia Evodia Mun-
mait Pandémius ; il vivait avant que les diané, prêtresse d’Artémis, Glle de Mun-
dieux Bacchus et Minerve ne fussent dianus et d’Evodia, petite-fille de Stra-
connus. On avait soin d’entretenir l'hu- ton et de Dvonisius, famille de laquelle
midité du bois en l’arrosant d’huile de sont issues des prêtresses et des cosmé-
nard, au moyen de trous creusés à cet tères, soeur d’Ulpia Straton, cosmétère,
.
(i) Vilriive, liv. X,ch. 7. (i) Hist. Aug. 78; JornaDdès,cb. 30.
(3) PausaDiBS, liv. VU, cb. 3. (3) SiraboD, XIV, 640.
,
SIS L’UNIVERS,
tère StratOD était chargé de la garde de dans cette œuvre par Métagene, et ils
ces ornenieuts.Une autre inscription, qui construisirent le temple d’ordre ionique.
se trouve comprise dans les matériaux de Pour le nom de celui qui construisit le
(ueduc (1). fait mention d'un dona-
l’a nouveau temple, Straoon le nomme
taire, parent de Lucius Pbœnias Faustus, Chirocrate et Vitruve (1) Dinocrate (2) :
qui a institué pour tout le mois qui ilssont d’accord l’un et l’autre pourdire
j^rte le nom de la déesse (2) , une fête que le même architecte bâtit la villed’A-
immunité et repos, uui a établi un con- lexandrie d’après les ordres d Alexandre.
cours en l’honneur d'Artémis, qui a aug- Abu d'éviter l'effet des tremblements
menté les prix dans les jeux publics, de terre, on choisit pour l’emplacement
qui a toujours consacré des statues en du temple un terrain marécageux et au
l’honneur ues vainuueurs. Mais tous ces lieu d’un béton, ce qui eût été bien pré-
honneurs sont rendus à Diane par des férable, on assit les fondations sur un
citoyens romains. lit de charbon pilé recouvert de peaux de
pitre que les colonnes de soixante pieds à la distance d'une flèche tirée d’un
de long étaient d’un seul morceau, tan- des coins du toit, ce qui faisait un peu
dis que celles d’Apollon Didyme sont plus qu’un stade. Marc- Antoine doubla
composées de tambours de marbre. 11 la mesure de celte distance , de sorte
en est ainsi du temple de Junon îi Sa- qu’une partie de la ville y était aussi
mos, ce qui diminue énormément la dif- comprise ; mais cette extension du pri-
ficulté de construction. Ctésiphon avait vilège ayant paru dangereuse fut sup-
renfermé ses colonnes dans un cliâssis primée par Auguste.
de bois, et comme le chemin des carriè- Malgré tant de détails donnés par les
res au temple était parfaitement aplani, historiens et les énormes dimensions
il n’avait plus qu’à les faire rouler c.omme de cet édifice, les vestiges ont tellement
les cylindres qui servent à aplanir les disparu que l’on en cherche vainement
allées. Les architraves étaient envelop- la trace ; aucun repère n’est donné pour
pées dans des bâtis ou cages cylindri- être guidé dans ces ténèbres, et le ter-
ques, et roulaient de la même manière. rain de la ville ayant été singulièrement
Le temple s’élevait sur un soubasse- modifié par les alîuvions, il arrive à quel-
ment de dix marches; au-de.ssous ré- ques observateurs de chercher l’era-
gnaient de vastes souterrains, où étaient ilacement du l'édifice là où jadis était
déposés les trésors de la déesse , et où fa pleine mer.
les familles déposaient leurs objets les
plus précieux, comme dans un endroit CHAPITRE XXVI.
inviolable. Les portes étaient de bois de
cyprès ; l’an 75 denotrt ère, lorsque Mu- SAINT P.AUL A ÉPHÈSK.
cianus visitait Éphèse, elles paraissaient
comme neuves , quoiqu’elles durassent Le séjour de saint Paul à Ëpbèse et
depuis près de quatre cents ans. Avant la lutte qu’il soutint contre les secta-
de les poser on avait eu soin de laisser teurs du culte de Diane sont sans
le bois sécher pendant quatre années contredit les faits les plus remarquables
pour qu’il ne. conservât point d bu- de l’histoire de cette ville. Le gouver-
midité (2). Le plafond et la charpente nement romain y était établi dans toute
étaient de bois de cèdre, et les marches la plénitude de sa puissance, et le culte
de l’escalier conduisant dans les com- de cette déesse, moitié grec moitié asia-
bles étaient de bois de vigne. tique, attirait des visiteurs de tous les
L’autel était presque entièrement rivages voisins.
rempli de sculptures de la main de Au milieu de ce grand concours des
Praxitèle (3). peuples divers qui venaient à Éphèse,
Le péribole du temple, comme celui les uns pour trafiquer, les autres par
de Junon à Samos (t), renfermait un dévotion à Diane, se trouvaient quel-
grand nombre de salles, dans lesquelles ques juifs qui avaient reçu le baptême
étaient les tableaux les plus précieux : de saint Jean-Baptisteet qui pratiquaient
on y admirait un portrait d’Alexandre un christianisme imparfait. C’est à ce
par Apelles. Les sculptures sans nombre moment que Paul arrive à Ëphèse, et
ni décoraient les portiques, les offran- ayant réuni quelques-uns de ses dis-
es de tous les princes de l’Asie accu- ciples, il ne tarda pas à reconnaître
mulées en ce lieu- devaient former un qu’ils étaient d’une grande ignorance
des plus beaux ensembles que l’imagina- touchant les mystères de la foi nouvelle.
tion puisse rêver. Paul les baptisa au nom de Jésus-Christ,
Déjà (ftrtemps des Amazones letemple et commença ses prédications dans la
synagogue sans que ces assemblées de
(i) Vili uve, liv. X, cli. 6 .
nouveaux convertis portassent ombrage
(a) Pline, liv. XVI, 3g. à l’autorité romaine. Le sujet de ces
(3) Siraboii , XI V, 64 t. instructions était toujours le même la :
(4) Id., ibid,, 636. révélation d’un Dieu unique et les verv.
S20 L’UNIVKRS
tus quedevaieut pratiquer les nouveaux certainnombre qui faisaient profession
chrétiens. de christianisme, et qui , effrayés des
Les Grecs comme les Juifs allaient anathèmes qui frappaient les pratiques
entendre la parole de l’Apôtre imgrand
: de sorcellerie, portèrenteux-mêrnes les
nombre d’entre eux se repentaient et se livres mystiques de magie et de nécro-
convertissaient, et cette abjuration du mancie sur la place publique et les
culte des idoles produisait dans Éphèse brûlèrent en présence du peuple. On fit
une grande sensation. ensuite l’inventaire des livres qui avaient
Paul fonda de la sorte une grande été brûlés; quelques-uns étaient rares
Église cbrctienne; des prêtres furent et d’un haut prix les manuscrits étaient
;
choisis et institués par lui pour la sur- alors peu répandus, et ceux surtout
veiller et la présider; celle Église ne qui contenaient des doctrines secrétes:
resta pas circonscrite aux murs du la aussi le montant de l’estimation s’éleva-
ville; les Juifs et les Gentils nouveilemeut t-ilà ciuquante mille pièces d’argent.
initiés répandaient la doctrine de Jésus- Cet événement eut un grand retentisse-
Christ dans toute la province dont ment dans Lphèse c’était une preuve
:
ciens et les exorcistes de l’Asie se ren- la Diane des Ëphésiens. Alors apparut
contraient dans ces réunions , qui de- le greffier de la ville, le grammateus,
vaient présenter le tableau le plus varié. magistrat attaché au temple , qui tenta
Le mois d’Artémisius correspondait à de calmer la foule , et par conséquent
la saison du printemps toute la ville; parla dans le même sens que les plus
était jonchée de fleurs ; les magistrats rands crieurs. Citoyens d’Ephèse, leur
nonimés cos métère et néocore étaient it-il,
y a-t-il quelqu’un qui ne sache
chargés, sous la prfeidencede l’asiarque pas que la ville d’Éphèse rend un culte
d’organiser ces cérémonies. Les courses particulier à la grande Diane, dont l'i-
du stade et les représentations scéniques mage est tombée des mains de Jupiter ?
formaient des intermèdes, où le peuple Puisqu’on ne peut nier cela , vous devez
se précipitait avec avidité. C’était contre demeurer en paix et ne rien faire incon-
toutes ces cérémonies que tonnait sidérément. Les hommes que vous avez
l’Apôtre des Gentils , et c’était pour les amenés ici ne sont ni des voleurs ni des
soutenir que Démétrius assemblait ses blasphémateurs de votre déesse. Si Dé-
ouvriers et ses confrères ; le commerce métrius et tous ceux qui sont avec lui
de Démétrius et des autres orfèvres de- ont quelque plainte à faire, les tribu-
vait être d’une certaine importance et , naux sont là pourrecevoir leurs plaintes;
|es prédictions de Paul étaient de nature mais il faut que tout cela se passe lé-
à les inquiéter. galement. Ces paroles apaisèrent le
Paul disait au peuple : Ce ne sont pas tumulte ; peu de temps après, Paul prit
des dieux, ces idoles que vous faites de congé de ses disciples, et partit pour la
vos propres mains ; et Démétrius ajoutait Macédoine.
pour ameuter les ouvriers contre l’en- Ce passage des Actes des apôtres noos
nemi de leur culte Ce n’est pas seule-
: représente au naturel une de ces émo-
ment votre industrie qui est en péril, tions populaires qui se renouvelaient
c’est le temple de la grande déesse si fréquemment dans les villes grecques;
Diane qui est tourné en mépris; celle et le lieu de la scène est tellement d’ac-
qui est adorée dans toute l’Asie verra cord avec les faits mentionnés dans le
su magnificence foulée aux pieds et son
culte aboli. La foule s’agitait en écou-
récit, qu’on m saisi du caractère de
vérité en même temps que d’exactitude
91« Livraison. (Asie Minechb.) T. II. 11
322 L’UNIVERS.
Pas un des personnages
qu’il présente. il s’empara de toutes les richesses con-
qui sont en scène n'y .ipparait hors de tenues dans 1 upistliodônie, et les Ut
propos tous les nngisirats qui parlent
: transporter à Rome. Cet exemple fut
sont bien, comme un dit aujourd'hui, fatal au temple d'Éphèse. Les Scythes
dans l’exercice de leurs fonctions. le inllcrent en 263, les Coths firent une
L’orfèvre Démétrius, à la tête de ses irruption eu Ionie sous le règne de Gai-
ouvriers mène l'émeute. I.es asiarques, lieu, et le temple fut ravagé.
ces magistrats électifs, dont les fonc- Lorsque la religion chrétienne eut
tions étaient toutes municipales, font été proclamée religion de l'empire, tous
dire secrètement à Paul de ne pas se les temples du paganisme, abandonnés,
mêler dans le tumulte; ils sont loin de sans entretien tombèrent peu à peu en
.
lui éire hostiles ; peut-être parmi eux y ruine. Le temple d’Ephèse était particu-
avait-il quelques chrétiens. Enfin parait liérement odieux aux chrétiens, car
le greflier de la ville ;
e'est encore un c'est là qu’ils avaient rencontré la plus
magistrat que nous retrouvons men- vive opposition de la part des prêtres ;
tionné dans une fouh* d’inscriptions aussi dès qu'il fut permis de dé nolir
grecques. La charge de gramniateus les édifices de l'ancien culte pour s’en
était éminente, elle se cumulait dans approprier les matériaux, tout ce qui
les temples de Diane avec celle de put être enleve, colonnes, statues, dalles
grand-prêtre (I). Legrammaleus apaise de marbre, fut arrache pour êtreemployé
le tumulte, et menace les récalcitrants aux usages civils; les empereurs eux-
de les traduire devant les tribunaux : mêmes douiiaient l'exeinpie, et Cons-
c’est ainsique finit cette sédition, basée tantin faisait main basse sur toutes les
sur une accusation grave, une atteinte œuvres d’art de l’Asie pour orner sa
portée à la majesté de la Diane Ephé- capitale. Lorsque Justinien fit cons-
sienne. C’était le premier symptôme truire Sainte-Sophie, Ephèse fut comme
de réaction contre le paganisme, qui de- une où l’un trouva des maté-
c.irrière
vait cependant durer encore pendant riaux tout prêts; les douze colonnes de
plusieurs siècles. marbre vert qui décorent la nef de
Sainte-Sophie furent prises au temple
CHAPITRE XXVII. d'Ephèse ; mais d’après leur dimension
I elles ne pouvaient appartenir qu’au pé-
DBSTBUCTION DU TEMPLE. ribole les colonnes du grand temple,
;
le plus célèbre monument de l’Asie ait tares fut réduit en cendres. Karasupasi
disparu au point qu’on ne peut même en s'étant retirédans la citadelle en soutint
retrouver la place. le siège jusqu’en automne; mais ne pou-
Kphèse était une ville trop considé- vant être secouru par son fils, il se ren-
rable pour n'étre pas exposée à son dit à Meolesché, qui remit le pays d’É-
tour aux ravastesdes maliométans. Anne phèse à Amir, et fit enfermer dans le
Comnène rapporte i|ue le» iiilidèles s’éiant château de Mamalus, sur les côtes de
rendus les maîtres d'Kphese, .sous le Carie. Karusap.isi , et ses principaux
règne de son père Alexis, il y envoya officiers.Alors Djounéid partit de
Jean Uucas, son beau-pere, qui délit Smyrne avec une galère, et fit savoir à
Tangriperme et Marace, uéuéruux des son père son arriiée à Mamalus. Les
mahométans. I..a bataille se donna dans prisonniers firent tant boire leurs car-
la plaine au-dessous de la citadelle; ce des, <|u’ils les enivrèrent; et, profitant
qui fait connaître que l.i plus belle de eetle ruse, ils desceudireiit avec des
partie de la ville était déjà détruite cordes, et se sauvèrent à Smyrne. Au
alors. Les chrétiens eurent tout l’avan- commeucement de l'hiver, ils entrepri-
tage :on lit deux mille prisonniers ; le rent le siégé d’Éphèse. Amir, à son tour,
gouvernement de lu place fut donné à se relira dans la citadelle. La ville fut
Petxeas. Il y a apparence que la cita- livrée aux soldats ; on y commit toutes
delle dont parle Comnène était l’ancien sortes de crimes et de cruautés. Au mi-
château de marbre abaiidomié. Théo-
, lieu de tant de malheurs, Djounéid se
dore Lascaris se rendit le maître d’É- réconcilia avec Amir, et lui donna sa
phèse, en I20B. Les maliométans y re- fille en mariage. Éphèse ensuite tomba
vinrent sous Anilronic Paléologue, qui entre les mains de Mahomet I, qui, ayant
commença à régner en 1283. Meiitescbé, vaincu tous ses frères, et tous les prin-
un de leurs princes, conquit toute la ces mahnmétaus qui l’embarrassaient
Cane; et Aniir, Ois d’Asin, prince de resta paisible possesseur de empire.
I
Smyme, lui succéda. Timour, après la Dejiuis ce temps Éphèse est restée aux
bataille d’Angora, ordonna à tous les Turcs ; son commerce a été trausporté
petits princes d’Anatolie, de le venir à Smvrne et à Scala-Nova.
joindre à Éphèse, et s’occupa pendant L’église de Saint-Jeau, bâtie par Jus-
un mois à Liire piller la ville et les en- tinien, n’était pas dans l’enceinte d’É-
virons. Après le départ de ce conqué- plièse; Procope(i)en détermine l’em-
rant, Djouiiéid, grand capitaine turc, placement sur use colline en face de la
fils de karasupasi
,
qui avait été gouver- ville, c’est-à-dire sur la colline d’Aïa-
neur de Sinyrne sous Bayazid , dé- salouk , ou sur celle de la mosquée. « Il
clara la guerre aux enfants d’Asin, qui y avait éii face d'Éphèse une colliue
s’étalent venus établir à Éplièse. Il ra- abrupte dont le sol était rocailleux, et si
vagea d’abord la campagne à la tête de stérile qu’il ne portail aucun fruit: les
cinq cents hommes ; ensuite il se pré- habitants y avaient autrefois bâti une
senti devant la citadelle avec un plus église en l'honneur de Saint-Jean l’a-
grand nombre de troupes, et l’emporta pôtre, surnommé le Théologien. Cette
facilement; mais, qtielque temps après, église était trop petite et presque ruinée
un autre Ois d’Asin, qui s’ap^lait par le temps; Justinien Va fait abattre
Amir, du même nom que son frère, entièrement pour en élever une autre,
qui venait de mourir, se joignit à Men- qui est si grande et si magnifique qu’elle
tesché, prince de (larie, qui l'accompa- peut être comparée à celle qu’il avait
gna à, Ephèse avec une armée de dix D'iiie auparavant à Constantinople «n
mille hommes. Karasupasi père de ,
l'honneur de tous les apôtres. »
Djounéid , commandait dans la ville où
ce même Djounéid , qui était dans (i) De ÆdificVa, Uv. V, ch. I",
Smyrne, n’avait ,lais.«é que trois mille
hommes. Malgré'la vigoureuse défense
des Éphésiens , les assiégeants mirent le
feu a la ville , et dans deux jours tout
ce qui était écliappé à la fureur des Tar-
M.
in L’UNIVERS.
CHAPITRE XXIX. culaire. Cette tour, enclavée des deux
côtés dans la muraille, faisait certaine-
BDINES DE PYGÈLE ; NÉAPOLIS- ment partie du rempart. Il faudrait re-
cberch:!r l’emplacement du temple de
Ea sortant de la ville d’Éphèse pour üiane Munychie(l) sur l’esplanade for-
se rendre à Scala-Nova, la route longe mant le point culminant de la ville, et
l’embouchure du Caystre et la jetée où l’on trouve de nombreux débris de
d'Attale ; elle tourne eiisuiteau sud, sans poteries et de tuiles ayant appartenu à
quitter le bord de la mer. des édifices publics. L’étendue de cette
Le Caystre se partage en deux bran- ville ne peut être bien appréciée, parce
ches pour sortir de la plaine d’Éphèse : que la colline où sont les ruines actuel-
l’une au nord , près clés étangs sélinu- les est prolongée par la grande route
siens, et l’autre au sud , vers les collines de Smyrne à Scala-Nova, et que tous
du Corissus. Celle-ci ne peut-être tra- les abords en ont été bouleversés. De
Tersée à gué ; il y a un bac. l’autre côté de la route, on trouve aussi
Le fleuve est assez près des montagnes quelques débris de poteries ; mais il n’y
pour que le passage entre la rive et les a pas de constructions hors de terre.
roches offre quelques difficultés; on se Pygèle fut fondée par quelques compa-
trouve ensuite sur une grande plage, qui gnons d’Agamemnon, qui furent onli-
va jusqu’à la mer. La route se dirige gés, à la suite d’une maladie contractée
vers le sud jusqu’aux montagnes qui dans une longue navigation, de descen-
sont les derniers contre forts du mont dre à terre, et y fondèrent une ville.
Corissus. On fait une demi-lieue sur Agamemnon consacra un temple à
le sable. Le pays est complètement Diane Munychie (2).
aride et désert. Après avoir fait une Pygèle n’ayant pas de, port n’a pas
lieue environ, on entre dans une vallée tardé à être abandonnée, et sa popula-
parallèleà la mer. On rencontre là tion a été absorbée par Éphèse et N'ea-
quelques ruines. Un grand aqueduc, polis.
dont la prise d’eau est ignorée, longe Ce territoire est encore, comme du
le flanc de la montagne. A gauche, il temps de Dioscoride, célèbre parla qua-
se sépare en deux branches ; l’une d’elles lité de son vin (3).
traverse la route sur un mur fort épais A une lieue plus loin , on descend
et d'assez mauvaise construction. On sur le bord de la mer, et on arrive
a employé, dans la partie supérieure, bientôt à Scala-Nova, l’ancienne Néa-
de vieux tuyaux de terre engorgés par polis.
le dépôt des eaux. Cette branche four- Néapolis était une ville qui apparte-
nissait de l’eau à la ville, dont on voit nait d’abord aux Éphésiens, mais qu’ils
les vestiges, que l'on regarde comme échangèrent avec les Samiens, contre la
ceux de l’ancienne Pygèle. ville de Marathésium Néapolis est re-
:
Il
y a en avant dans la mer un petit présentée par la ville moderne de Scala
cap, qui peut avoir formé jadis un port, Nova.
et quelques constructions byzantines Située au fond d’une baie et abritée
qui ont appartenu sans doute à des re- par un Ilot qui forme un excellent mouil-
mises de galères ; mais sur le continent lage, Scala-Nova a hérité de tout le
les ruines de la ville grecque sont plus commerce de la côte. L’île voisine est
considérables. On aperçoit une grande appelée par les Turcs CoucA ada si,
portion de mur longeant la mer et tour- nie de l’oiseau : c’est aussi le nom de la
nant à angle droit vers l’est. Ce mur ville. Les fortifications ne sont pas an-
est en gros blocs de marbre blanc à bos- ciennes c’est une simple muraille, qui
:
Les maisons s’élèveot eu amphithéâtre tes parts et les terres de la vallée ap-
et font face à la mer : la population partiennent à un monastère grec. Deux
grecque y est nombreuse , et habite le ou trois caloyers nous reçoivent à la
liaut quartier. Elle a une église assez descente de cheval, et nous apportent
bien entretenue qui est dédiée à Saint- des fleurs et des fruits. Ou ap^lle ce
Georges. Les juifs sont nombreux et lieu Dermen-dérè-si (la Vallée du
dans Taisance : ce sont les courtiers de Moulin).
tous les capitaines qui viennent à Scala- En s’enfonçant plus avant dans la
Nova charger du vin , de l’huile et des gorge, on aperçoit une église rustique
figues. Autrefois ce commerce était in- récemment construite. Un moulin à
terdit à la ville de Scala-Nova, pour ne eau fait entendre son bruit monotoue :
pas nuire à celui de Smyrne. Les compa- on se croirait dans quelque vallée de la
gnies commerciales du Levant y entrete- Suisse. torrent qui descend de la
naient cependant des agents consulaires ; montagne roule avec fracas au milieu
iis réclamèrent près de la sultane Validé, des débris des rochers, parmi lesquels
qui avait Scala-Nova dans son apanage, on remarque d'énormes blocs gro.'^sière-
et la ville fut autorisée a trafiquer de ment équarris. En effet, la profoudeur
quelques articles, tels que feves, haricots, du vallon a été autrefois occupée par
peaux brutes, que dédaignait Smyrne : une construction dont il reste des ves-
voilà comment les Turcs savaient en- tiges imposants ; ce sont trois assises de
courager le commerce. pierre de taille ou plutôt de fragments
de rocher qui formaient sans doute les
CHAPITRE XXX. fondations d’une grotte ou d'un nym-
ihée. On voit encore une partie circu-
OBTYGIE ET QUELQUES LIEUX ANTÉ- faire qui terminait le fond du uymphée.
HELLÉNIQUES DE LA COTE d’IONIE. Les eaux passaient sans doute par
quelque issue souterraine aujourd’hui
Quelques habitants de la Scala-Kova détruite. Ce qui reste de cet édifice
m'avaient informé qu'il existe, non rappelle les plus anciennes constructions
loin de cette ville, des ruines reqiar- des premiers Grecs. Près de l’église,
quables vers lesquelles nul voyageur on voit une colonne de granit qui ap-
n'a encore dirigé ses pas. Le 5 juin. J’or- partient évidemment à uneépoque moins
ganisai une caravane pour aller les ob- ancienne; en effet, les caloyers l’ont
server. trouvée sur la partie supérieure de la
Kous suivons d’abord route de
la montagne, et l’ont roulée jusque-là.
Seukié; au bout d’une demi-heure, nous I.es trois assises de pierre reposent
tournonsau nord, et nous franchissons sur un soubassement en saillie d’en-
plusieurs collines assez bien cultivées, viron 2 mètres et de même construction.
et pour la plupart couvertes de vignes. C’est là tout ce qui reste de cet antique
Tout ce pays est agréablement coupé. édifice. Il paraît que dès les premiers
Nous entrons ensuite dans une grande temps du christianisme quelque ana-
vallée, qui a son embouchure dans la chorète vint habiter ces lieux, et y vécut
mer de Samos, précisément eu face de en paix. C’ est du moins ce que men-
l’île. Cette vallée est arrosée par une tionne l’inscription placée sur la porte
petite rivière; sur le flanc est s’ouvre de l’église, qui fut bâtie en 327 , re-
une gorge de rochers très-pittoresques. construite en 1812 :
On aperçoit des fabriques nouvelle'* Une autre inscription, plus longue,
ment bâties ; de gros noyers et d’énor- mentionne les restaurations qui ont été
mes platanes forment des masses de faites récemment. Au-dessusde la porte
verdure au milieu desquels s’élèvent, on lit;
à droite et à gauche, des groupes
Cette éfitise, ensevelie sous terre depuis plu-
de peupliers ; les rochers taillés à pic sieurs années, a été dérouverle et déblayée
semblent défendre l’entrée du val- par un liouinie pieux, a lu suite d’un songe
lon : on ne saurait voir d’endroit plus qn'il eut en 1812. et dans lequel lui apparut
en ce même endroit la .Uere de Dieu.
sauvage , plus frais et plus agréable.
Elle a été rebâtie, depuis les fondements sous
Les constructions qui s’élèvent de tou- l’inspection et ladireclion du véi.éralile eféque
326 L'UNIVKRS.
mailre de la source, aux frais et par le se- ouvrages modernes. On y voit Latone
cours de pieux souscripteurs et sous les or-
dres d'Anthymui, Uls de Brueis? célèbre tenant un sceptre, et Ortygie , près d’elle,
parmi leu moines (rie ce mona>lère). un enfant dans chaque main (1)
A ceux qui approcheront avec piété on « On célèbre tous les ans à Ortygie
rrnroet la délivrance des âmes et des corps.
Mois de février 1814. une fôle ; la jeunesse, par un usage par-
ticulier, se pique surtout d’y donner
En remontant le cours du torrent, on des repas magniliques. Le collège des
trouve à gauche uue route taillée dans Curètesdonne aussi des repas, et célèbre
le roc au milieu des hroiissailles qui aussi quelques sacrifices secrets, u
,
conduit à une grotte profonde d’où Il ne reste plus rien de tous ces édifl-
s'échappe une source abondante. Une ces ; seulement on voit près de la porte
partie de la grotte a été excavée de main du monastère un débris de cymaise de
d’homme , et sur le flanc du rocher style grec parfaitement sculpté, et orné
s’ouvre un conduit d'aqueduc qui re- d'une tète de lion presque lirisée.
cevait la majeure partie des eaux de la Toute la topograpliie correspond par-
source. Ces eaux étaient portées à Rplièse faitement à la description de Strabon.
par le grand aqueduc, qui suit la si- Le ruisseau est le Cenchrius. Il va se
nuosité des mootagnes , et dont nous jeter dans la mer en face de Sanios. La
avons observé les débris dans la vallée montagne qui domine est le mont Sol-
de Pygèle. Depuis la prise d’eaujusqu’à missus. En ligne droite, ce lieu n’est
Epitese , les eaux parcouraient uu espace pas éloigné d’un myria mètre de la mer
de 6 myriamètres, toujours soutenues d’Éphèse et dans l’antiquité il portait
,
à 3& ou 40 mètres au-dessus du niveau une partie de ses eaux à cette capitale.
de la mer.
ne reste aucun document qui puisse
Il CHAPITRE XXXI.
apprendre quel était le nom de ce lieu
dans l’antiquité; mais la description de CHATEAU DE ITCHAKIB-ALY.
la côtepar Strahon contient le nom d’un
endroit qui n’a pas encore été déterminé, Pendant que nous prenions quelques
arre qu'on l’a toujours cherché sur le rafraîchissements sous une treille du
Eord de la mer. monastère, uu paysan s’approcha de
Le géographe grec s’exprimeainsi (1) : moi, et me dit qu’il connaissait dans
« Sur cette côte et un peu au-dessus le voisinage un ancien château qui n’a-
de la mer est Ortygie: c'est uu bois vait jamais été visité par des etrangers.
magnifique planté de tontes espèces d’ar- Après quelques questions qui me firent
bres, mais principalement de cyprès. penser qu’il s’agissait d’un ouvrage an-
Il est traversé par le Cenchrius
,'
dans tique, nous montâmes à cheval, et, fran-
lequel, dit-on , Latone se lava après ses chissant la iiiontaimequi s’élève au sud,
couches, a Or, c’est dans ces lieux que nous marchâmes pendant trois quarts
la fable place l'accouchement de ceite d'heure vers le sud-est par des chemins
déesse, l’antre où cet accouchement eut presque impraticables; enfin nous ar-
lieu, la nourrice des enfants ( nommée rivâmes au pied d'im pic isolé et aride,
Ortygie), et l’olivier à l’ombre duquel sur les flancs duquel ou aperçoit encore
Latone se reposa après le travail de des restes de construction grecque.
l’eufantement. Au-de-sus de ce bois est Une portion de murailles en gros blocs
le mont Solmissus, où l’on dit que les de pierre à bossage Joint deux parties
Curètes étourdirent (lar le bruit de leurs de rocher, et forme au pied du pic
armes Junon, qui épiait par jalousie les une sorte d’enceinte, dans l’intérieur
couches de l.atone , et par ce moyen de laquelle se trouve uu fragment de
parvinrent à les lui cacher. Il y a dans rocher qui a été taillé en escalier. C’est
ces lieux plusieurs temples, les uns an- par là que l’on monte à la partie su-
ciens, les autres construits plus tard. périeure du pic. Il se divise en deux
Dans les premiers se trouvent d’antiques pointes couronnées par des plates-for-
statues de bois; dans les derniers, des
(i)Voy. les médailles de Magnésie sur
(Ol.iv XIV, p. 639 . e Méandre.
iM O; ogie
,
mes. T/escalier a environ quarante mar- volonté aux habitants de la ville d’Uciice.
ches. La plate-forme inferieure n’offre en Achaïefl).
rien de remarquable. La plate-forme Tous les ans les députés de la con-
supérieure, à laquelle on arrive avec fédération se réunissaient au Panioniiim,
assez de peine, à cause d’une coupure et y discutaient les intérêts généraux de
naturelle du rocher, est en'ironnée par l'Ionie (2).
une construction. La muraille enluurait En sortant de la ville, je gagnai le
tout le sommet, et forme dans la partie bord de la merdans le golfe de Samos,
nord une es| èce de tour circulaire, au et je marchai longtemps sur le sable,
milieu de laquelle se trouve une exca- qui eu cet endroit éta'.I alors tin et
vation assez profonde, taillée dans le brûlant. J’apereevaisau loin une grande
rocher. Était-ce tout .'iinplement une foule sur le rivage, et je m’avançais
citerne ou le puits de queli|ue oracle ? tranquillement, suivi du cawas Méné-
Cette excavation est presque carrée, niet, lorsque cette foule se mit à pous-
plate-forme supérieure n’a pas plus ser de grands cris, qui ne m’arrêtereiit
de dix mètres en tous sens. Lorsqu’on pas , car je n’en connaissais pas le but.
est sur le sommet, on distingue fort Nous hâtâmes au contraire le pas de
bien trois lignes de fortilications qui nos chevaux , et nous nous trouvâmes
faisaientdece rocherun château presque au milieu d’une troupe nombreuse de
imprenable. Il ne reste aucune ins- femmes , les unes à moitié habillées , et
cription ni aucun fragment d’architec- les autres complètement nues. Il y en
ture. Toute cette ruine parait dater de avait de Juives, il’Annéniennes et de
la plus haute antiquité. Les bergers ap- Turques. Méhémet, s’apercevant du
pellent ce château Tichakir-Aly. INous désordre que nous apportions voulait ,
valléedu Cenchrius, que nous passâmes trop avancés, et nous préférâmes con-
un peu au-dessus de son embouchure. tinuer. La plupart des femmes se blot-
Les aqueducs qui portent de l’eau à tirent dans le sable, et celles qui étaient
Scala-Nova traversent la route. La prise vêtues les couvraient de sable et de
d’eau a une source differente de celle manteaux. Quand nous fûmes un peu
de Dermen-dérè-si , où sont les ruines loin, et que la confusion fut apaisee,
d’Ortygie. je demandai à une vieille negresse dans
quel but tout ce nioiide était réuni. Elle
m'expliqua que pendant le cours du
CHAPITRE XXXII. mois de septembre on vient de tous
les environs prendre des bains de sable
PANIOMUU. — LES BAINS DE SABLE. sur la plage de .Scala-Nova « C'est :
dans les faces des portes ni dans les nade massive entourée de douze tours
tours. La muraille suit toutes les sinuo- demi-circulaires. Le même terrain offre
sités de la montagne, et peut avoir 1 ,000 ainsi au voyageur deux châteaux cons-
ou 1,200 mètres de développement. Je truits à deux mille ans de distance, qui
ne trouvai la aucun vestige de l'art ro- sont là comme pour attester que le sort
main ni d’une époque postérieure. Aussi invariable de ce pays est d’être soumis
j’ai été longtemps disposé à regarder à une domination étrangère.
ces ruines comme celles de Pvgèle,
dont les historiens grecs attribuent la SITE nu FANIONIUH.
fondation aux soldats d’Agamemnon (I) ;
car, de toutes les ruines que l’on trouve Après ce château, on entre dans le
sur cette côte celles-ci sont certaine- territoirede Tchangli c’est une vaste
:
ment les plus anciennes; mais il vaut plaine, bien cultivée, située au pied du
mieux s'en référer à la topographie de mont Mycale et dans laquelle sont
,
Strabon, qui place Pygèle entre Ephèse plusieurs fermes et deux villages du
etScala-Nova,corre$pondantà l’ancienne même nom, dont le plus important est
Néapolis. Il resterait à déterminer le le Tchangli turc; l'autre est appelé
nom de cette place; nous sommes là- le Ojiaour-Tchangli , ou Tchangli des
dessus sans aucune espèce de rensei- Grecs.
gnement. Il est certain qu’antérieure- Chandler a bien déterminé la position
inent à toutes les villes dont les noms du Panionium à Tchangli, et depuis lui
subsistent encore, cette partie de l’Asie sir W. Gell a publié une inscription
a été conquise et habitée par des nations dans laquelle est mentionné le Panio-
qui ne nous sont plus connues que par nium.
leur nom , et par quelques exploits qui Le cap Trogile, près duquel il se trou-
pour les anciens Grecs étaient déjà per- vait, est aujourd'hui appelé Boudo :
dus dans la nuit des temps. Les Treres nord du canal de Samos
c’est l'extrémité
et les Lél^es ont ravagé ce pays , s’y du côté du continent. En parcourant
sont établis militairement, et Strabon les environs du village de Tchangli, si-
atteste que déjà de son teinj» on voyait tué dans la plaine, j^aperçus à mi-côte,
des fortifications abandonnées, que l'on au milieu des broussailles, une longue
attribuait aux Léiéges. Ces châteaux iso- muraille en appareil irrégulier, que je
lés, coustniits presque tous sur des ma- regarde comme le mur d’enceinte du
melons inaa'essibles , représentent le Panionium. C'est au milieu de cette en-
siège des garnisons de ces bordes con- ceinte et du côté de la mer que devait
se trouver le temple de Neptune Héli-
(ijPline, liv. V, >p. --Strabon, Uv. XIY, conius, qui aujourd’hui est complète-
(1. 169. ment renversé, et dont il ne reste plus
ASIE MINEURE. 329
de vestiges. Rieu n’aunoace aux alen- Milet ayant été comblée , il s’est formé
tours qu’il y ait eu des constructions. un lac, connu aujourd'hui sous le nom
Il faudrait rechercher dans la partie sud de lac Bail. A mesure que les éléments
si l'on ne trouverait pas des édifices des- de prospérité diminuaient, la population
tinés à loger les envoyés. C’est derrière se transportait dans d'autres villes , et
la montagne qu’est située la ville de les contrées environnantes devenaient
Priène, dont ce territoire était tout à fait désertes. La destruction du port d'É-
indépendant. phèse a amené la dépopulation de la
Les renseignements donnés par les vallée du Caystre ; et lorsque le com-
indigènes m’apprirent que dans le mont merce maritime de Milet fut ané.-inti , la
Mycale il existait plusieurs châteaux vallée du Méandre redevint déserte et
forts qui n’avaient jamais été visités par stérile, comme avant l’arrivée des pre-
les Européens. Sans compter faire là miers Grecs. Les monuments anciens
des découvertes imprévues, je me déci- ne furent pas démolis pour être em-
dai à parcourir cette partie de la mon- ployés dans de nouvelles constructions ;
tagne, qui jusqu’à présent était tout à ta solitude régna partout, et nous ver-
fait inconnue. Je me dirigeai d'abord rions peut-être encore debout ces beaux
vers un monastère situé sur un des pics édifices des plus belles époques de la
les plus élevés du Mycale, et éloigné Grèce si des phénomènes volcaniques
de toutes les routes frayées. En partant ne fussent venus compléter la destruc-
de Tchangli la route suit la pente de la tion et le bouleversement de ces con-
montagne, toujours ombragée par une trées.
épaisse forêt. Le sommet du Mycale L’Asie Mineure fut, plus qu’aucune
forme un plateau assez étendu où sont autre contrée de l’Occident, exposée aux
tes ruines de plusieurs petites églises tremblements de terre, et ces phéno-
byzantines; une seule est habitée par un mènes se sont renouvelés assez souvent
caloyer, qui vit au milieu de quelques de nos jours pour que nous ayons
familles de bûcherons. une idée des ravages qu’ils causaient
Les nomades vivent dans cette mon- quand la contrée était couverte de
tagne comme dans l’Olympe ; ils sont villes nombreuses et de monuments
occupés de la coupe des bois. magnifiques. Les anciens écrivains, tout
en conservant la mémoire de sembla-
CHAPITRE XXXllI. bles événements ont aussi cherché à
expliquer la cause inconnue qui leur
TBBMBLEHENTS DE TEHBB EN ASIE. donnait naissance, et parmi les phéno-
OESTBUCTION DES VILLES d’IONIB. mènes extérieurs qui les accompagnent
on doit dire que les observations des
Les plus grandes et les plus belles anciens ne manquent pas de justesse.
villes de la confédération ionienne, Pausanias s’étend longuement sur ce
Priène et Milet, étaient situées sur les sujet dans son septième livre. Les trem-
bords de la mer, et devinrent par la blements de terre, dit-il, sont annon-
suite des temps des ports considérables cés par certains pronostics, comme de
et florissants; mais les changements longues sécheresses, par des vapeurs ijui
survenus dans la configuration du pays, obscurcissent le soleil la lourdeur de
,
plus encore que les guerres et les in- l’atmosphère , des tourbillons de vent
vasions , privèrent peu à peu ces diffé- qui déracinent les arbres, et le dessè-
rentes cités de leurs éléments de pros- chement des fontaines, ce dernier symp
périté, et des douze villes de la con- tême est surtout exact , et nous l’avons
fédération ionienne il n’y a plus que observé nous- même. Ceux qui ont ob-
Smyme qui ait conservé son importance servé les tremblements de terre comme
cothroerciale. Tous les ports situés à Pausanias, en distinguent de plusieurs
l’embouchure des fleuves ont été com- sortes. Le plus doux (1) de tous, s’il y
blés, et les sables se sont accumu- a rien de doux dans un si grand mal, est
lés en si grande quantité , que le golfe celui dont l’effet est de faire pencher
d’Ëphèse a été converti en un marais
pestilentiel ; et l’entrée du golfe de (i) doux.
,
830 L’UNIVERS.
uii r.dilice d’un côte, oi decle\er par
lu constances que des fontaines augmen-
une seeoU'Se contraire. On
vu des co-
a taient leur débit, tandis que des fontai-
lonnes prèles à tomber se remettre sur nes situées a quelque distance taris-
leurs bases, des murs prêts à s’érrouler saient, que des puits débordaient, tandis
se redresser, et des poutres .se déplacer que o’autres puits étaient mis à sec: ceci
et reprendre leur position. La seconde s'explique par le mouvement d'ondula-
sorte est celle où les secousses sont si tion qui se manifeste dans les couches
continuelles et si violentes, que les intérieures de la terre la nappe aqui- ,
plus solides édifices s'écroulent comme fère se trouve en quelques lieux telle-
s’ils étaient battus par des m chines ment re.vserrée que les sources n’ont
de guerre. Il signale comme le plus plus d’écoulement, et celte contraction
dangereux de tous le. tremblement de la même nappe peut projeter au-
de terre qui se manifeste par des se- dehors l'eau des puits. Les vapeurs
cousses verticales, auxquelles rien ne sortant des fissures de la terre sont en-
résiste ; il compare assez bien ce mou- core un phénomène que quelques géo-
vement nu travail des taupes (i), qui logues ont révoqué en doute ; mais il
creusent sous la terre, l'enlèvent et la est attesté aujourd’hui par de nombreux
font boursoufler. Les villes maritimes témoins competents.
ont un autre danger à craindre , c’est
l’irruption des eaux de la mer. CHAPITRE XXXIV.
Dans le tremblement de terre d'Ué-
grand rôle dans ces mouvcmeuts du Tralles fut entièrement détruite (2).
globe :les puits et les fontaines modi- Sous règne de Trajan, l’an tl5 de
le
fient leur débit. Phérecyde ayant goûté notre ère, la ville d'Antioche fut ren-
l'eau d’un certain puits annonça qu’il versée, le consul Pédon y périt, et Tra-
jan lui-même n'échappa que par mira-
y aurait en cet endroit un tremblement
de terre (3). cle; une énorme multitude périt sous
Agatbias explique res phénomènes les décombres ; trois villes de la pro-
terrestres ,
de la même manière que scs vince d’Asie et deux de Galalie, peut-
prédécesseurs; il tut témoin du grand être Pessinunte , furent renversées. En
tremblement de terre qui ravagea l’ile 146, sous le règne d’Aiitoniii l’ile de,
(it Pline, liv. Vil, ch. a4- (i) Voy. Tacite, y/nna/«, liv. Il; Strabou.
(a) Voy. page aaS. MI; Pline, liv. Il, cb. 9 t.
Ian 300, sous le rèfme de Uionlétien, n’est pas étonnant que les historiens
Tyr et .sidon furent détruites; en 354, aient négligé d’enregistrer la ruiue de
365, Nicomédie; en 400, Constantinople quelques monuments abandonnés ; on
et les villes de la côte d’Asie. En 527, il ne saurait dire à quelle période il faut
V eut de grandes secousses à Antioche. rapporter leur destruction, mai» il est
Agalhias (i) atteste que Beryte fut tota- certain qu’ils furent ruinés par des trem-
lement détruite en 538; une incroyable blements de terre.
quantité de citoyens furent écrasés sous Si nous ne pouvons préciser l’époque
les ruines; la population survivante où eut lieu la destruction des temples et
émigra à Sidon. Alexandrie d'Égypte, des villes antiques nous pouvons du
qui n’avait jamais éprouvé de pareil phé- moins déterminer la direction qii’nsuivie
nomène, fut ébranlée; l’île de Cos ri-s- la secousse qui a renversé les plus beaux
senlit d'horribles secousses ; il n’y eut temples de l’Ionie, et la largeur de la
qu'une petite partie de la ville qui fut zone ébranlée. Les villes de Téos, (tia-
pre.servée la mer fit irruption dans les
:
res, Priène, Branchyde et ülagnésie
maisons, et enleva les meubles et les du Méandre sont situées sur une ligne
habitants. Agathias ajoute « Passant : dans la direction de l’esl-nord-est et
d’Alexandrie à Constantinople, j’abordai ouest-sud-ouest; toutes ces villes étaient
dans cette lie , et je fus témoin de ce ornées de temples de marbre blanc,
pitoyable spectacle on ne pouvait plus : presque tous d’ordre ionique. Tous ces
reconnaître l’emplacement des rues et monuments gisent aujourd’hui étendus
des places publiques. » sur le sol mais on voit que leur des-
:
3S3 T.XTNIVERS.
sa suprématie maigre les guerres qu'elle lespont et les fies de la Grèce ont vu
eut à soutenir avec ses puissants voisins ; en même temps fleurir une multitude de
vaincue et soumise, ils étaient encore tri- villes fondées par cette métropole. Pline
butaires (le son active population et de en porte le nombre à quatre-vingts :
son commerce immense; mais quand les Strabon se contente de citer learos et
forces de la nature, quand les sables Leros; dans l’flellespont, Liinure, Ahy-
charriés par le fleuve arrivèrent à dos, Arisbé et Pæsos ; sur la côte d’Asie;
combler ses ports, la richesse de Milet Artacé, Cyzique nous devons ajouter Si-
:
avec le même empressement leur nou- fut celui d’une ville commerçante et
veau libérateur. Milet, qui n'nferniait paisible; enfla, sous l'empire byzantin
dons ses murs upe forte garnison perse, elle fut, comme toutes les autres villes
refusa d'ouvrirses portes, et Alexandre, du littoral, l'objet des attaques réitérées
ne voulant pas laisser derrière son armée des tribus turques; mais déjà à cette
une place Wtile, se décida à en faire époque elle avait perdu toute impor-
le siège. Meinnon le Rliodieiiet le Grec tance maritime ses deux ports s'étaient
:
et continua sa marche triomphante (I). uinisons, faites avec des claies, sont ha-
Sous la régne de Ptolémée Phila- bitées pendant une partie de l'année
delplie,qui, outre l'Égypte, possédait par des pasteurs; mais une fois que les
aussi toutes les proviuers méridionales dioleurs se font sentir tout le pays de-
de l'Asie .Mineure, un gouverneur de vient désert.
la Carie, nommé Timarque, s’était em- Milet il l'époque où Aiasalouk était
paré de la ville de Milet et y exerçait la une. place de guerre doit avoir été une
tyrannie. Les habitants implorèrent le ville inusulmaiiü assez peuplée il reste :
événements dont elle fut le théâtre ap- ce qui pouvait le rendre intéressant; la
partiennent à l’histoire géuérale'de la masse entière du proscenium a été en-
contrée. Aucun monument remarquable levée, les colonnes, les chapiteaux et
ou célèbre ne fut jamais construit dans toutes les décorations ont disparu.
son enceinte; Pausanias se contente de Ce qui le distingue des autres théâ-
citer le tombeau de Nélée, qu'on voyait tres de l’Asie, généralement établis sur
à gauclie de la porte, sur le chemin qui le penchant d'une colline, c'est qu’il
oiene à Didyrae (2). Néanmoins les arts est isoléde tous côtés comme le théâtre
et l’industrie étaient arrivés à un degré deMarcellusa Rome; malheureusemeut
de perfection remarquable ; Pompoiiius la dëcoratiou extérieure a été enlevée
Mêla la mentionne « comme la ville la comme le reste, mais une grande partie
plus distinguée de l'Ionie par les arts des vomitoires et de la galerie circulaire
de la paix et de la guerre • (3). Pendant subsistent encore, mais sont remplis de
toute la période romaine le sort de Milet terre; plusieurs inscriptions ont été re-
cueillies dans le courant du siècle der-
(i) Arrieii, Exp. Alex., l, 18, ao. ’nier par les voyageurs qui ont vi.sité
336 LTJNIVERS.
Comme rette place est située sur la traversait la ville de Célenæ , arrosait
route qui d’Éphése ou de Scala-Nova lesdistrictsd’Apamée(l),d'Euménia (2),
conduit dans sud de l'Asie Mineure,
le de Bargylia (3), et du temps de Pline
on de la traverser; mais elle
est obligé venait se jeter dans la mer, a dix stades
n’offre aujourd'hui qu’un très-faible de Milet.
intérêt sous le rapport de l’antiquité. Plutarque , dans son livre des riviè-
L’action prompte et puissante du res (4), dit que le Méandre s’appelait an-
christianisme sur l’esprit mobile des ciennement Anabsnon, c’est à-dire qui
Grecs se lit sentir à Milet comme à retourne sur ses pas. C’est, dit-il, le seul
Kphése, et dès les premiers siècles de tous les Oeuves qui de sa source re-
l’Eglise nouvelle eut des adhérents nom- vient vers les lieux d’où il est parti. Il a
breux ; mais les schismes et les hérésies été ainsi nommé, poursuit cet auteur, à
y trouvèrent d’aussi fervents disciples. cause de Méandre, fils de Cercaplius et
Toutes ces luttes, obscures et aujour- d’Anaxibie,quidurantune guerrecoutre
d’hui oubliées, n’ont pas peu contribué la ville de Pessinunte promit à la mère
a la ruine^de cette ville. des dieux que s’il remportait la vic-
Sous les empereurs byzantins, elle toire, il lui sacrifierait la première per-
eut encoreun reste d’importance; car sonne qui viendrait le féliciter. Le
nous voyons les ruines de quelques hasard voulut qu’à son retour les pre-
dans le style de celles
églises grecques mières personnes qui se présentèrent à
d’Éphèse. Mais exposée comme elle lui furent Archélaüs son fils, sa sœur
l’était à toutes les attaques des hordes et sa mère. Malgré les liens du sang il
qui débouchaient par la vallée du voulut les faire immoler, et ensuite,
Méandre; en proie aux miasmes qui agité de trouble et accablé de douleur,
s’exhalaient de ses marais nouvellement il se précipita lui-même dans l’Anabæ-
formés, sa population se dispersa de plus non, qui fut ensuite appelé Méandre, à
en plus. Milet devint dans le douzième cause de lui. C'est ainsi que Timolaüs
siècle la propriété de l'émir Aïdin , qui raconte le tait, au dixième livre des Af-
résidait à Guzel-hissar ;
elle passa plus faires de Phrygie. .Agatocle le Saniien
tard dans l’apanage des Kara-Osman- en parle aussi dans sa république de
Oglou ; et aujourd'hui qu’elle est entrée Pessinunte. Mais Démostrate d’Apamée
dans les domaines de la Porte , ce n’est dit que Méandre ayant été choisi de
plus qu’un amas de huttes abandonnées nouveau général , dans la guerre contre
pendant une grande partie de l’année la ville de Pessinunte , et ayant vaincu
a cause du mauvais air, et qui ne pré- contre son attente, il partagea au.x sol-
sente plus rien qui puisse appeler l’at- dats les offrandes consacrées à la mère
tention. des dieux. La déesse permit qu’il perdit
En sortant de Milet du côté du sud , l’esprit, et que, dans un accès de sa
on marche longtemps dans un terrain manie, il tuât sa femme et son fils. Étant
nu et sablonneux; une petite éminence, revenu en son bon sens , il se jeta dans
également de sable, indi<;ue peut-être la rivière, qui en prit son nom.
l’emplacement de l’ile de Ladé, qui A l’époque romaine Milet n’était
avait un port, puisque c’est là que les déjà plus à l’embouchure du Méandre,
confédérés grecs s’étaient donné rendez- et une autre ville célèbre ,
Priène , qui
vous ce n’est qu’une conjecture, car
: fut fondée au bord de la mer, en était
on n’y retrouve aucune roche qui in- éloignée de 40 stades quand Pline écri-
dique que ce fut une lie. Ce fait seul vait. Le golfe de Milet se fermait peu à
peut donner une idée de la transforma- peu , et finit par être converti en un
tion qu'a subis ces rivages. lac d’ean saumâtre, qui porte aujour-
d’hui le nom de Oufa-Bali ; sa longueur
LE MÉANDRE. est de deux lieues environ.
cieux. L’antiquité de ces oracles se per- Évangélus. C'est de lui que descendait
dait dans les ténèbres de la fable, et tous la famille milèsieniie des Évangèlides.
les peuples de l'Asie se soumettaient à Toutes ces traditions remontaient à une
leurs decrets. antiquité très-reculée; mais comme ce
Le temple des Brancliydes , consacré sont des mythes purement grecs , il est
au culte d^Apollon, Didyinéen , était un douteux qu'elles soient antérieures à la
des plus célèbres de la contrée; il do- guerre de Troie. Macharéus vivait 1171
minait celui Je Claros, et ne le cédait ans avant Jésus-Christ. La réputation
en importance qu’à celui de Delphes. de cet oracle s'était étendue jusqu’en
Il étaitétabli sur la côte d’Ionie, non Égypte, et le roi Nécliao üt hommage
loin du cap Posidium, à vingt stades de à Apollon d’une partie du butin qu’il
la mer, et appartenait au territoire de avait conquis sur la ville de Cadytis en
Milet ; il étai t éloigné de cent quatre- Palestine, 616 ans avant Jésus Christ (l ).
vingts stades de cette ville (I). Crésus envoya au trésor des Bran-
Les Grecs font remonter l’établisse- chydes des offrandes aussi magnifiques
ment de cet oracle au héros Branchus que celles qu’il avait envoyées à l’oracle
favorid’Apollon, qui avait reçu de ce de Delphes; elles s’étaient déjà telle-
dieu des témoignages non équivoques ment accrues au moment où les Milé-
descendait de Macharéus
d’affection. Il siens se révoltèreut contre les Perses
le üelphien , qui avait tué Néopto- qu’elles pouvaient seules sufhre pour
lème (2). La prêtrise du temple était équiper une flotte. Hécatée de Milet,
restée dans cette famille ; de là que
c’est après avoir énuméré le nombre et la
l’oracle a pris le nom de Branchyde, puissance des nations que Darius pou-
sous lequel il était connu. La mère de vait leur opposer, proposa d’employer
Branchus ayant eu pendant sa gros- les richesses du temple pour armer des
sesse un soiïge dans lequel le soleil lui vaisseaux ; mais sa proposition fut re-
était apparu et lui était entré dans le jetée (2). Après la soumission des Mi-
sein , donna à son
Gis le nom de Bran- lésiens , Darius donna l’ordre d’incen-
chus (ppiyyoî, la gorge). Étant devenu dier ce temple. Peut-être fut-il restauré
jeune homme, il rencontra dans un à cette époque; mais sa ruine complète
bois Apollon, qui lui donna un baiser fut consommée par ordre de Xerxès,
et lui accorda le don de prophétie ; il Gis de Darius qui incendia tous les
,
éleva à ce dieu un temple, qui fut appelé temples de l’Iome. Les Brauchydes li-
Branchyde. Quant au surnom donné à vrèrent à Xerxcs les trésors du temple;
Apollon , les historiens ne l’expliquent et pour se dérober à la vengeance des
pas d’une manière très-chaire : les uns Grecs, ils s’enfuirent en Perse. I.e roi
S8K L’UNIVERS.
les établit dans la Sogdiane; mais par ses dimeusions (Méyiurov veùv tcSv
Alexandre les punit dans la personne K jvTcjiv); mais les Milésiens furent
de leurs descendants, en détruisant la obligés de le laisser sans couverture, à
ville où ils demeuraient, et en faisant cause de cette énorme grandeur (t). Ces
massacrer tous les Branchydes (I). paroles rie Strabon méritent d'être dis-
La fuite des prêtres d’Apollon ne cutées. Il est certain que le temple était
paraît pas avoir été fatale a l’oracle ;
sans toit; mais n'était-ce pas une dis-
car les Milésiens se mirent eu devoir position particulière à ce monument,
de construire un autre édiGce, qui comme à celui d’OIympie? C’est une
surpassât en grandeur et en magnili- uestion que nous examinerons eu étu-
cence tous les autres temples de la iant le plan de l'édifice. Pausauias se
Grèce. C’est ce monument qui e.st par- contente de dire Non terminé; oùx:
contemporain des temples d’Ephèse et tion d’un bourg; il y avait d’autres sécos
de Magnésie du Méandre; car le pre- ou édicules où se rendaient les oracles
mier, préservé par les Perses, n’avait et où se faisaient les cérémonies (2).
pas échappé à l'incendie. La construc- Dans le téménos s’élevaient des monu-
tion simultanée de tels édifices donne ments de tous genres , dédiés par la
la plus grande idée des richesses que piété des plus puissants princes; on y
possédait encore l’Asie, qui sortait ce- remarquait surtout un autel érigé par
pendant de crises si violentes. Hercule de Thebes , et construit avec
du mortier délayé dans le sang des
CHAPITRE XL. victimes. Mais sous les Romains , cet
,
pollon date du règne de ce prince. lyclète d’Argos (5). Le dieu était de-
Vilruve mettait ce temple au nombre bout, sa chevelure nouée et rejetée par
des quatre plus magmliques ouvrages derrière; il tenait à la main une lyre.
qui existassent dans la Grèce; les trois Un grand nombre de petites statues de
autres étaient le temple d’Éphèse, celui bronze, faites à l’imitation de l’Apollon
de Gérés à Eleusis, et le temple de Ju- Didyméen , étaient vendues aux adora-
piter à Olympie. Ces édifices, dit-il, teurs qui venaient consulter l’oracle,
mériteraient d’être admirés même dans comme à Éphèse ou vendait des figu-
le conseil des dieux (2). Mais un si bel
ouvrage ne fut jamais terminé; aujour-
(1) .Strabon, liv. XIX', p. 634.
d'hui même nous en avons la preuve. Sirabon rniploiaiil le niênie mol,
(2 )
Cela n’empêcha pas le culte d’Apollon (sécos)pour exprimer celle partie du temple
de fleurir de nouveau dans cés parages, que les Romains appelaicnl Cella , et les lieux
et les offrandes des rois vinrent encore réserves où se midaieni les oracles; c’étaient
enrichir son trésor. autant de petits temples dont il ne reste plus
Le temple surpassait tous les autres de trace».
unes dans les collections modernes; qu’on en trouverait encore des débris
mais le plus bel exemple connu est importants; mais chaque jour ces pré-
cette statue qui est exposée dans une cieux documents disparaissent, et
salle du Musée du Louvre, et qui a été presque toutes les inscriptions recueil-
trouvée dans la mer, près de Livourne, lies par Sherard , Chishull et Wheler
Il existe aussi au cabinet des antiques sont aujourd'hui détruites.
une petite figure d’Apollon Didyméen Les inscriptions relatives au personnel
d’une grande antiquité ; elle est mas- du temple sont nombreuses ; le prêtre
sive, mais très-endommagée. Les Bran- principal était le stéphanophore, qui
cliydes en fuyant avaient emporté la portait une couronne d’or dans les sa-
statue du dieu ; elle avait été déposée crifices, le prophète, qui donnait la ré-
à Ecbatane , en Médie; mais elle fut ponse de l’oracle. La garde du trésor
restituée par Alexandre; c’est peut-être était confiée à un préfet et à deux as-
seulement à cette époque que l’oracle sesseurs, les hydrophores, chargés de
retrouva sa voix. porter l’eau destinée aux sacrifices.
En effet pendant qu’.Alexandre était On voit dans les bas-reliefs du Par-
a Memphis, les députés Milésiens ap- thénon une scène d’hydrophorie sacrée,
portèrent quantité d’oracles annonçaut qui fait connaître comment cette partie
qu’Alexanare était fils de Jupiter et du sacrifice était pratiquée. Ces ministres
prédisant la victoire d’Arbelles, la mort du culte demeuraient dans le témén^os-
de Darius , et les mouvements qui sur- cependant la fonction d’bydrophorè
vinrent à Lacédémone. L'oracle de n’était pas permanente , et souvent
des
Didyme était muet depuis le pillage du offrandes étaient données au temple
temple par les Branchydes; la fontaine pour l’accomplissement de cette partie
Biblis avait disparu, mais elle se mon- des cérémonies.
tra de nouveau lorsque l'oracle reprit Le terrain qui avoisinait ce temple
ses prédictions (1). était considéré comme appartenant
à la
On ne saurait douter, d'après le té- divinité ,
etdans le traité entre les Ro-
moignage des deux écrivains que j’ai mains et Antiochus il fut rendu aux
cités, que ce temple ne soit resté ina- Milésiens, qui l’avaient abandonné
( 1 ).
chevé; mais comme les cérémonies re- La faveur dont Jouissait l’oracle
ligieuses y ont été célébrées pendant du temps des villes grecques ne se
plusieurs siècles, il est probable que maintint pas sous les Romains; cepen-
toute la masse de la constructiou était dant on retrouve encore l’empereur
faite. Hadrien honoré comme bienfaiteur et
De nombreuses inscriptions recueil- fondateur de ce lieu sacré.
lies eu ce lieu ont fait connaître l’orga-
uisation du personnel du temple; elles A Apollon Didyméen et à l'empereur César
Hadrien Auguste , olympien , sauveur et fon-
out été analysées par le docteur Chand- dateur.
1er, le premier qui ait mesuré ces
ruines célèbres (2). Il en est plusieurs Cette autre inscription , en associant
qui mentionnent les riches offrandes Apollon aux divinités d”Esculape et
en statues coupes d’oE, vases sacrés
,
d’Hygie, rappelle que les Milésiens
qui étaient données par les rois asia- avaient élevé des autels à Apollon Ou-
tiques. Les grands actes politiques, les lius, ou guérisseur.
traités, les victoires, étaient pour ces
\ Apollon Didyméen et à Ëaculape sauvenr.
princes des occasions de montrer leur et à Hygie.
munificence. Prusias Cynægus, roi de
Bithynie, y consacra également des of- L’empereur Julien, en essayant de
frandes. L’auteur anglais observe avec rétablir l’ancien culte, n’oublia pas le
raison que des registres réguliers de temple des Branchydes , et cet oracle
tous les dons faits au temple étaient reprit son ancienne célébrité. Il fit dé-
truire les chapelles chrétiennes qui
(i) Straboii, XVII, Siy.
'
(a) Antiquités iouicniu», iii-l'ul. (ij Tile-I.ive, XXXVIII, Jy.
22 .
ogle
,
340 L’UNIVERS.
étaient établies dans le voisinage (I); parait qu'il est de nouvelle fondation
mais le christianisme ne tarda pas à car du temps de Chandler, en 1765, les
triompher la ville de Milet se dépeu-
: ruines du temple étaient inhabitées, et
plait de plus en plus , et ce célébré le voyageur était obligé de coucher au
oracle rentra dans le silence et l’obs- villa^ de Ura, qui en étaitéloigné d’une
curité. demi-lieue.
La plaine qui sépare les ruines de la
CHAPITRE XLI. mer est couverte de broussailles et de
rochers à fleur de terre, qui rendent le
ETAT ACTUEL DU TEMPLE. chemin presque impraticable. 11 n’y a
aucun sentier tracé du village à la cote.
Les premiers voyageurs qui obser- Nous allâmes le soir même au village
vèrent ces ruines, dans les temps mo- avec les ofliciers de la Mésange. Tous
dernes, les trouvèrent complètement les habitants sont Grecs : il y a environ
écroulées. Spon et Wheler, en 1672, quarante familles; mais il y a quelques
tracèrent une esquisse du monument; années le village était plus considérable.
'une très-petite partie de la cella .subsis- Le temple s’élève au milieu du village
tait encore , avec un des pilastres dont comme une montagne de décombres
nous voyons aujourd’hui les magnifiques ou plutôt d’énormes blocs de marbre
chapiteaux ; mais tout le reste du temple renversés les uns sur les autres. Il est
n’élàit qu’un amas de décombres. Je facile de pénétrer sous ces marbres ac-
crois avoir établi que tous les temples cumulés; on peut alors observer de
de l’Ionie ont été renversés par un trem- beaux fragments sculptés qui se sont
blement de terre , dont les effets sont conservés intacts.
encore plus marqués dans celui des Iæ mur de la cella du temple existe
Branchydes , puisqu’il était plus colos- dans tout le pourtour; il a une hauteur
sal. Or, comme Julien consulte l'oracle moyenne de trois mètres; le parement
avant de partir pour sa campagne contre de fa cella est brut ; les pierres portent
les Perses, nous savons que le temple les boutons d’attente qui ont servi à les
existait encore au commencement du mettre en place. Le temple était diptère,
cinquième siècle. C’est donc dans la pé- et par conséquent décastyle. Il est
riode de 400 à 1,600 qu’il fut renversé; orienté est et ouest, mais avec une dif-
mais comme il se trouvait dans un pays férence de trente degrés au nord , si
désert, loin des grandes routes, il j’ai bien pris l’azimut.
s’écroula sans que la tradition ait re- .Sur l’emplacement du pronaos, la
cueilli le moindre détail sur cette ca- masse des décombres est plus considé-
tastrophe. rable: cela se conçoit, puisque le fron-
Le 15 juillet 1835, après avoir visité ton et toutes les colonnes du portique
les ruines de Téos, je vins mouiller avec doivent être accumulés en ce lieu. Trois
la goélette la Mésange au cap Arbora , colonnes sont encore debout deux au
:
l’ancien cap Posidium. Il n’y a aucun nord , voisines l’une de l’autre ; elles
ort dans les environs; la 'mer étant sont cannelées et réunies par une archi-
elle, capitaine mouilla en pleine
le trave; elles sont d’ordre ionique; les
câte, abrité par le petit cap qui forme chapiteaux sont bien conservés. L’autre
l’ancien port Panormus, aujourd’hui colonne est isolée du côté du sud ; celle-
impraticable. pas terminée, les tambours sont
ci n’est
Le temple est éloigné d’une lieue de bruts, et le chapiteau n’est pas fini.
la côte ; mais ses colonnes s’aperçoivent Toutes les autres colonnes sont ren-
du large , et servent de reconnaissance versées et tombées obliquement les unes
aux navigateurs. Cet endroit s’appelle sur les autres; on voit qu’une même
aujourd’hui Hiéronda, c’est-à-dire lieu secousse les a renversées, et qu’elles
sacré; il y a un village composé d’une n’ont pas été dérangées depuis; cepen-
vingtaine de maisons de pierre, un dant il manque sur le terrain toute la
moulin à vent, et quelques cultures. Il corniche et tous les chapiteaux.
Je n’imagine pas comment ces mor-
(i) So/omèoe, V, 639. ceaux ont pu disparaître; ils ne sont
Di<
,
pis enterrés ; car le sol actuel est de plus cet ajustement se présente si naturel-
de deux mètres en contre-bas du ni- lement pour le plan comme pour les di-
veau des bases ; et de tous les morceaux mensions, qu'on ne peut douter que ce
du temple , les chapiteaux sont ceux qui temple n’ait été de la classe de ceux que
peuvent le moins être employés à d’au- l’on nomme Hypèthres, ayant au mi-
tresouvrages. lieu une cour ouverte et (les galeries
Il fallut donc prendre les moyens latérales. « L’hypèthre, dit Vitruve (1)
pour mesurer les seuls chapiteaux qui est décastyle devantet derrière; du
existent, c'est-à-dire ceux qui sont en reste, il est comme
le diptère. » Or,
place, à une hauteur de vingt mètres comme octostyle, le tem-
le diptère, est
prendre avec un niveau une hauteur est décastyle. J’explique ainsi les paroles
correspondante sur une des colonnes de Strabon » On fut obligé de le lais-
:
corinthien publié par Chandler, et dont de bois ; ces figures sont vêtues de tu-
l'emplacement est déterminé par lui à niques plissées et relevées sur leurs ge-
l'entrée de la cella. I.e mur de la cella noux ; il y en a six sur la même ligne ;
offre, de distance en distance, des sail- les têtes ont été brisées.
lies qui paraissent avoir appartenu à des Une dépression de terrain semble in-
pilastres intérieurs ; cela indiquait un (i) I.iv. lit,
ordre de colonnes , et en effet , tout (a) l'or. pl. l8.
342
L’ÜNTVERS.
diijiierfjii en cei.
endroit il y avait un avoir eu d’autre illustration dans l’anti-
uide ; mais on ne Noiiaurune
trace ce quité que sa qualité de ville sainte ; elle
^(^üdlns^ou d'au'.re construction.
n'a jamais eu d'existence politique indé-
pendante, et son sort a toujours été lié
CHAPITRE XLII. a celui des autres villes d'Ionie. Lot»
que les rois de Lydie tournèrent leurs
PBIÈNE.
armes contre les villes grecques, Prièae
La fondation de Priène remonte ne put résister, et fut prise par le roi
à
Tppoqiie où les Cariens, les Léiéftes et Ardys. .Sous le règne de Cyrusla guerre
les Lyciens, étaient seuls maîtres du recommença contre les Ioniens; une as-
pays; cette partie de la côte était alors semblée générale eut lieu au Panio-
occupée par les Cariens, qui reçurent une nium ; Bias de Priène ouvrit un avis
colonie de Cretois et ne firent plus qu'un qui ne fut pas écoute p.ir les Priéniens,
peuple avec eux. Les Ioniens , sous la mais que d’autres villes, Téos et Phoçée,
conduite d’Audroclus, étant abordés sur mirent à exécution. Bias proposait aux
cette côte se rendirent maîtres de Milet, Ioniens de s’embarquer avec leurs famil-
et s’y établirent à demeure. Quelques les et leurs objets les plus précieux, et
années après, Androclus alla secourir d’aller s’établir en Sardaigne, où ils fon-
les habitants de Priène, qui étaient en deraient une cité unique qui compren-
guerre avec les Cariens. Ce chef fut tué drait toute l'Ionie. Les Grecs préférèrent
dans le combat, et les Ioniens rapportè- la guerre à l'abandon de leurs foyers.
rent son corps à Éphèse. Les Ioniens Thalès de Milet, qui descendait d’une
s’établirent ensuite à Priène et à Myus; famille phénicienne, avait ouvert un au-
ils étendirent leurs conquêtes et dépouil- tre avis :il proposait de n’avoir qu’un
lèrent peu à peu les Cariens de toutes seul conseil général, qu’ils établiraient à
leurs villes. Comme il y avait des Thé- Téos, ce qui n’empêcherait pas que les
bains parmi les Ioniens, Philotas Thé- autres villes ne continuassent à se gou-
bain et Æpylus Athénien, fils de Nélée, verner par leurs lois particulières. Aucun
furent les chefs de la colonie de Priène (I). de ces avis ne prévalut (I ).
Strabon regarde Æpytus comme le fon^ Priène resta soumise aux Persesjusqu’à
l'arrivée d’Alexandre, non sans avoir ses
dateur de Priène les colons thébaîns
:
conduits par Philotas ne seraient arrivés dissensions intestines et ses tyrans do-
que plus tard ; ces colons auraient donné mestiques , comme Milet et Éphèse. Elle
à Priène le nom deCadmé, par la raison souffrit cruellement sous le gouverne-
que Philotas, second fondateur de cette ment de Tabatès, général perse, et plus
colonie, était de Cadmée en Béotie. (2). tard de la part de Hiéron, un de ses
Priène, soit à cause de son voisinage du propres citoyens. Lorsqu’elle eut repris
Panionium, soit à cause de la noblesse son autonomie, elle resta attachée a la
de son origine, était en droit d’élire le confédération ionienne.
président des fêtes panioniennes, en La situation de Priène sur les pentes
l'honneur de Neptune Uéliconius. On abruptes du mont Mycale était trop in-
choisissait pour roi du sacrifice un jeune grate pour que cette ville fût jamais ap-
homme de Priène qui se chargeait du pelée à prendre un grand développe-
soin de la fête. ment, même quand elle était place ma-
On sacrifiait un taureau à Neptune : ritime. Dès (|ue les alluvions du Méan-
fice était agréable au dieu (3). On sup- sible aujourd’hui de reconnaître l’em-
pose que le nom du mont Mycale se placement des deux ports de Priène. L’un
rattache aux sacrifices qui se fai.saient des deux était disposé de manière à
dans les environs (4). Priène ne paraît ouvoir être fermé. Du temps de Stra-
on. Priène était déjà devenue une ville
(i) Pausanias, I. II, a. méditerranée (2) ; elle était à quarante
(a) Id., XIV, 636.
(31 Id., VIII, 3»4. (i) Hérodote, I. I, 170.
(4) Du mot guxâopat, mugir. (a) Sirabon. XII, 679.
ASIK MINEITRE. H43
tence assez obscure ; sa déchéance com- L’antique Priène est connue aujour-
plète fut consommée par l’établissement d’hui sous le nom de Samsoun hâte si :
de la religion chrétienne dans ces con- elle est absolument déserte. La ville
trée. Néanmoins on y observe quelques était bâtie surune des pentes abruptes
ruines d’églises, et plusieurs des évéques du mont Mycale, ayant au sud-ouest la
sont nommés dans les notices ecclésias- plaine du üîéandre, et h l’ouest la mer.
tiques. Les murailles, qui sont encore d’une
Priène appartenait à la province conservation parfaite, sont un bel exem-
d’Asie ; elle était sous la métropole d’É- ple de l’appareil hellénique connu
phèse ; son premier évêque, Théosébius, sous le nom de pseudisodomon; quel-
souscrivit au concile d’Éplièse ; .son se- ques parties sont en assises réglées et à
cond évêque Isidore fut représenté au
(i) Lequien, Oriens C.hri9tiaiiu.s ,
t. III,
344 L’UMVERS.
bossage. La pente de la montagne étant peu convenable pour la construction
très-rapide , l’intérieur de la ville est des temples ; il partageait cet avis avec
disposé en terrasses sur lesquelles s'éle- les architectes ’rharchésius et Hermo-
vaient les principaux édinces; la ligne gène. Aussi lit-il d'ordre ionique le
des murailles forme un grand triangle, temple de Priène (1). »
dont l'acropole occupe le sommet et Le temple qui s’élevait au milieu de
dont la base est parallèle à la plaine. l’aréa était périptère et hexastyle; il
La partie supérieure de l'acropole e.st avait six colonnes de face et onze sur
défendue par un grand ravin qui sépare les côtés; l’ordre était du style le plus
cette forteresse du reste de la montagne. pur, et ne brillait pour ainsi dire que
On est étonné de voir le sol tout hérissé par ses proportions : ce n’est que dans
de rochers comme si Jamais ces chemins les temps de décadence que la profusion
n’eussent été fréquentés par des hom- des ornements est venue altérer la pu-
mes; des escaliers rustiques, taillés dans reté des lignes.
le roc, conduisaient à l’enceinte, mais La frise était lisse et la corniche or-
ne sont pas beaucoup plus praticables. née de denticules et de palmettes ; au-
Cette partie haute de la ville ue pa- tour de l’édifice le terrain est Jonché de
rait Jamais avoir été occupée par des débris de colonnes et d’architraves qui
maisons. appartenaient sansdouteaii péribolo. De
En descendant de la citadelle, ou ar- la terrasse où est situé le temple, on
rive sur une grande esplanade où s’éle- descend par une pente rapide, qui por-
vait le temple de Minerve. Malgré l’état tait sans doute un escalier, sur la terrasse
de destruction où se trouve cet édifice, inférieure où était le stade et l’agora.
comme tous les morceaux sont encore Le stade, est parallèle au mur de la ter-
sur le sol, et que ce sont des blocs de rasse ; il n’a qu’un rang de sièges du côté
marbre de grande dimension, il est pos- quiregarde la plaine; la plupart dessiéges
sible de rétablir l’édifice dans 'toutes sont enlevés, mais on peut bien juger
ses parties. L’enceinte sacrée du temple de l’ensemble. L’agora ne se distingue
de Diane est dirigée de l’est à l’ouest; lus que par une enceinte Jonchée de dé-
on y arrive par des propylées de mar- ris, il n’y a pas une seule colonne de-
bre, dont le plan diffère peu des propy- bout dans Priène. Le reste de la ville
lées d’Athènes ; une façade avec quatre était occupé par des habitations; on ne
colones d’ordre ionique donnait accès à voit pas comment la ville communiquait
un vestibule soutenu par deux rangs de avec le port quand la mer était voisine.
pilastres, et du côte de l’enceinte un On encore lesyestiges d'un théâtre;
voit
autre frontispice, de quatre colonnes c'est le monument
le plus ruiné de tous.
faisait face au temple. 11 suffit de constater que Priène n’était
Le caractère d’architecture de cet pas privée d’un genre d'édifice qui se
édifice ne dément pas l’époque indiquée retrouve invariablement dans toutes les
par l’inscription, c’est-à*dire le temps villes de l’Asie, grandes ou petites.
où les arts de la Grèce étaient à leur L’ensemble des murailles qui presque
apogée. partout soutenaient des terrasses est ce
Le temple était l’ouvrage de Pythius, qu’il y a de mieux conservé ; des tours
l'un des architectes les plus savants de carrées s’élèvent de distance en dis-
l'antiquité. Vitruve (1), après avoir énu- tance. On compte aujourd’hui trois por-
méré les connaissances multiples que tes; il y en avait sans doute une qua-
doit avoir un architecte, ajoute ><:Py- trième dans le haut de la ville ; elles sont
thius, cet ancien architecte qui s’est toutes dans un état de ruine qui ne per-
rendu illustrepar la construction du tem- mettrait de bien les reconnaître qu’en
ple de Minerve dans la ville de Priène, faisant des fouilles.
avaitécrit un ouvrage surl'architecture, Les ruines de Priène ont été bien étu-
dont la perte est bien regrettable. Il diées par les architectes envoyés en Asie
était au nombre des architectes grecs par la Société anglaise des dilettanti;
(|ui pensaient que l’ordre dorique était mais cette mine précieuse d’architecture
,• Google
ASIK MINEURE.
grecque est loin d’être épuisée, et l’on aurait lieu de croire qu’il s’agit de deux
serait certain de faire des découvertes rivières différentes (1).
bien intéressantes si l’on visitait Priène
avec des moyens de remuer cette masse LRS BUINES np, PRIÈNE u’APRÈS
de blocs accumulés. MXNNEBT (5).
T. es tombeaux des Priéniens situés
dans le voisinage de la ville ont par leur Sur la rive nord et près de l’embou-
,
style une grande ressemblance avec ceux chure du Méandre, s’élevaifla ville de
des Éphésiens. Ce sont des excavations Priène, dont le territoire s’étendait jus-
faites dans le flanc de la montagne, dans qu’au fleuve. Priène n’a pas été long-
lesiîuclles on introduisait les cercueils; temps une ville maritime. Du temps de
un petit nombre d’inscriptions a été Ptolémée et de Strabon elle était déjà
copié par Chandler, le reste est iné-
éloignée de la mer; cependant Hérodote
dit. fait mention de la flotte que cette ville
Sanisoun kalé si est situé à quatre ou envoyait au secours des Ioniens (3), et
cinq kilomètres de Kélibesch, gros vil- Scylâx nous apprend qu’elle avait deux
lage uniquement habité par des Grecs ; ports, dont l’un pouvait être fermé. Les
un peu plus bas est un autre village du nombreux détours du Méandre du côté de
même nom, habité par les Turcs. Kéli- Myus devaient aussi se porter vers le
besch est à douze kilomètres de. Soukeui teiritoire de Priène.
ou Seukieh, gros bourg où réside l’agha Un enfoncement du golfe de Milet
qui commande le district. Ceux qui vou- s’étendait encore jusqu’à Myus à l’é-
draient visiter Priène feraient bien de poque romaine, et devait se prolonger
se munir d’un cawas a Seukieh, attendu jusqu’au voisinage de Priène; mais les
que les Grecs de Kélibesch sont assez marécages qui se formaient rendaient
hostiles aux étrangers. ces parages impraticables aux navires,
Un ruisseau considérable descend et peu à peu le fleuve portait son em-
du mont Mycale, et va se jeter dans bouchure plus au large vers l’ouest. Les
le Méandre. Plusieurs géographes sont ruines de Priène sont aujourd’hui con-
disposés à identifier ce cours d’eau avec nues sous le nom de Samsoun knié si,
le fleuve Gœsus, cité par Pline et par situées au pied d’une haute montagne, à
Mêla ; mais Hérodote en décrivant la ba- un mille environ du Méandre et un peu
taille de Mycale dit positivement (I) que plus de la côte maritime.
• la flotte perse quitta sa position, et s’a- Un petit fleuve qui s’appelle Kéli-
vança après avoir dépassé le temple des besch tchaï, et qui la plupart du temps
Euménides, de Mycale jusqu’à l’embou- est 0 sec-, coule de la ville vers le Méan-
chure du fleuve Gœson et du Scolopéis, dre; ce ne serait autre choseque le fleuve
près de laquelle est le temple de Cérès Gœsus de Mêla (4) , qui aurait eu sou
Éleusine, bâti par Philiste Gis de Pasi- embouchure dans la mer; mais aucun
' dès.» Or, comme la bataille de Mycale se observateur ne l’a encore reconnu.
donna sur le revers nord de cette mon- Priène était une colonie des Ioniens (5);
tagne, dans la plaine où était le Panio- elle faisait partie des douze villes de l’al-
nium (Tchangli), le Gœsus ne peut cou- liance ionienne, mais d’après Hérodote
ler dans la vallée du Méandre; c’est un elle appartenait à la Carie.
des cours d’eau qui se jettent dans la mer, Priène ne fut jamais une ville puis-
entre Scala-Nova et Mycale. sante Pt considérable; en 1230 les Turcs
Pline, qui décrit la côte en allant du s’emparèrent de la province.
sud au nord, mentionne d’abord le cap
Trogilia(2). Sur la partie de la côte nom-
mée Trogilia (le promontoire de My- (i) Voy. Mêla, liv. I, 17.
cale) est l’embouchure du fleuve Gessus, (1) Géographie der Grerchen und Rômer,
ensuite la Panionie. Le fleuve Gœson l. lit, î64.
346 I/ÜNIVERS.
CHAPITRE XLIV. Téos, fut mis à mort par le gouverneur
perse. 11 fallait qu'elle surpassât en ma-
MAGNÉSTK Dü MÉANDRE. TEMPLE — gnificence toutes les autres villes d’Io-
DE DIANE LEOCOFHRYNE. nie, de Lydie et de Phrygie, puisque le
satrape lui avait donne la préférence.
La ville de Mai^nésie était'située partie Réunie au royaume de Pergame, après
la chute d’Antiochiis elle reçut quel-
en plaine ot partie sur le penchant du ,
dans les ruines duquel se trouvent plu- jonchée de débris de marbre sculptés,
sieurs beaux fragments d’architecture. de corniches provenant du portique
L’édifice qui avait donné à la ville de d’enceinte.
Magnésie toute sa renommée, le temple Le sol du temple proprement dit est
de Diane Leucophryne était situé non également couvert de décombres, pro-
,
loin du gymnase, dans une enceinte venant de la chute des fûts de colonnes.
quadranguiaire, tout en marbre blanc. C’est sous cette première masse de dé-
Les anciens se sont plu ù faire tant de bris qu’il fallut chercher les frises tom-
descriptions de cet édifice , que les di- bées et englouties dans un sol argileux
mensions en étaient connues avant et tendre, qui a préservé les sculptures
célèbre Polycrate , l’ami d'Anacréon de mans pour faciliter notre voyage. Nous
ASIE MINEURE. »4T
périté progressive, nous avons arrêté dée, le dernier jour du mois de djémazi-
que le service des postes serait eonlié à oul-ewel 1258 (1842).
nos Moucliirs, qui nous rendraient
compte des recettes et des dépenses, ou X Pour traduction conforme,
a des particuliers qui offriraient de s’en K Le premier drogman du Consulat
charger par spéculation, eu déposant général del’rauce à SmyTne,
une somme proportionnée à l’impor- baron de Nerciat. »
tance de l’entreprise , de, manière que
le pays dem eurât libre de toute charge
TRADUCTION DU FIRMAN DF. VOYAGE
sous ce rapport. Ce genre de service est DE SMYRNE A SCALA-NOVA.
maintenant delinitivement organisé de
Scutari a Sniyrne, et de Constantinople « Très-illustres docteurs orthodoxes
jusqu’il Aiidrinople. Sur ces deux lignes, qui vous trouvez placés en qualité de
le tarif du clieval de poste est de deux juges, mouftis sur la route de Smyrne
piastres et demie par heure de route. Au aux lieux désignés ci-après, et vous,
delà de Smyrne et d’Andrinople jusqu’à administrateurs, membres des conseils
l’extrême limite de leurs territoires, le municipaux, etc., sachez que, l'ambassa-
prix de chaque cheval est de quatre- deur de France nous ayant exposé, dans
vingts paras par chaque heure de che- une note officielle, que M. Texier, bey-
min; et dans tout le reste de l’empire, zadé français , escorté de quelques com-
où les règlements nouveaux n’ont pas pagnons et de quelques serviteurs, dé-
encore reçu d’applicntion le tarif du
,
sirait voyager de Smyrne à Couch-Ada
cheval sera , comme par le passé, d’une Magnésie du Méandre, Aïdin et Den-
seule piastre h l’heure telle étant notre
: guizli, et qu’il demandait, en consé-
volotité suprême. Maintenant que cinq quence, un flrmau qui garantît la sécu-
voyageurs français de distinction vont rité de ces voyageurs , nous avons bien
se mettre en route de ma Sublime Porte voulu leur accorder le présent firman.
pour les lieux désignés plus haut, dans A son exhibition dans tous les districts
quelque district de vos juridictions qu’ils de vos juridictions respectives, vous au-
arrivent, vous aurez à leur fournir rez soin de les, faire voyager avec les
vingt-quatre forts chevaux , que vous plus grands égards, de les pourvoir des
leur ferez payer au taux des nouvelles vivres et des montures pour leur argent,
ordonnances," et vous leur délivrerez un au prorata de leurs besoins, et d’exercer
récépissé de ce qu’ils vous auront payé ; envers eux les lois de la révérencieuse
et vous vous garderez bien de faire" le huspitalité. Sachez-le ainsi , et gardez-
contraire. Vous éviterez également de vous bien d’y contrevenir, car nous en-
rançonner les indigènes nos sujets en tendons que’nos ordres soient exécutés
numéraire, comme en autres fournitu- sans la moindre infraction.
;
348 L’UNIVERS.
« Oonné à Constantinople, au com- vage. Les lianes qui se mêlent aux ar-
Miencemeiit du mois de djéinazi-oul- bousiers et aux chênes-lièges forment
eweJ 1258 ( 1843). • des berceaux de verdure impénétrables
Pour se rendre de Seala-Nova à Ma- au soleil. Arrivé au sommet de cette par-
gnésie, on peut suivre deux routes la : tie de la montagne, on reconnaît que la
première par Senkié; c’est celle qui est roche change de nature de longues stra-
:
nraiicable aux voitures; ou peut l’appe- tifications (le marbre blanc apparaissent
ler la route du sud; la seconde, pas- sur le liane de la vallée, qui réunit les
sant par Dernien-déré ou Ortygie, est eaux de tous les plateaux supérieurs,
à peine praticable aux cavaliers, il faut et donne naissance au Léthéus (1). On
franchir une des crêtes les plus élevées n’est pas, en ligne droite, h plus de six
du .Mycale pour aller chercher les sour- kilomètres d’Éphèse. C’est dans cette di-
ces du lleuve Léthéus, dont le cours .se rection qu’il faudrait chercher les car-
dirige vers la plaine de Maunésie. Cette rièies de marbre blanc découvertes par
dernière route n’a pas plus de douze à le berger Pixodore. Peut-être pourrait-
quatorze kilomètres de parcours qua- ; on y trouver l’autel d'Évangelus. qui
tre kilomètres jusqu’à Dermen - déré fut élevé par ordre des Éphésieus(2). Le
on monte ensuite, à travers des rocs cours du Léthéus s’augmente rapide-
élioulés , jusqu’à la partie haute d’une ment du tribut d’une foule de ruisseaux
vallée appelée Atchiova. au milieu de qui coulent de ces montagnes. Un peu
laquelle est un grand village. I..e som- avant l’arrivée dans la plaine de Magné-
met du col dont je viens de parler est sie, il traver.-e un village turc aban-
occupé par des constructions qui se con- donné, où sont de nombreux débris de
fondent tellement avec le rocher, qu’on colonnes, d’entablements, et tout ce qui
a peine h y distinguer le travail des constitue une station ancienne assez
hommes; ce sont des pans de murs importante. Mais il n’y a point d’ins-
composés de pierres hrutes, de dimen- criptions elles ont sans doute été, selon
:
diamètre. Comme cet endroit est com- gagné la plaine, forme des marécages,
plètement cerné par les montagnes, il dont l’étendue s’augmente chaque année,
n’est pas probable que ces antiquités et a Uni par chasser tous les habitants
aient été apportées d’ailleurs; néan- de ces districts.
moins, on ne saurait dire d’après la seule La route de Scala-Nova à Magnésie
inspection des lieux à quel ediGce elles par Seukié est établie sur une grande
ont appartenu, ni déterminer le nom dépression de terrain qui existe entre le
antique de l’endroit. Il y avait aux en- mont Mycale proprement dit et la par-
virons de Magnésie un temple très vénéré tie que fes anciens appelaient Pactyas.
de Dindymène ou Cybèle, dans lequel L’est véritablement le grand passage des
la lille de Thémistocle avait exercé la caravanes entre la vallée du Méandre
prêtrise. Ce temple n’existait plus du et le port de Scala-Nova.
temps de Strabon ; les ruines que l’on En quittant cette ville on contourne
,
voit près du village pourraient faire sup- le mamelon sur lequel est établi le châ-
poser que l’ancienne Magnésie (2) était teau, pour gagner le bord de la mer, en
située dans cette vallée. face dé l’île de Samos. On marche en-
Après le village on commence à mon- suite droit à l’est, jusqu’à une fontaine
ter de nouveau, marchant toujours sur d’eau minérale tiède, qui sort du pied
un sol de pierre calcaire, couvert de la
végétation la plus riche et la plus sau- liranche
(1) (feül iiicoiileülalilenieiit celle
(lu Mycale qui chez les anciens portait le
ogle
,,
350 L’ÜNIVERS.
aujourd’hui près du village de Guniuch. être comparée à celle d’Ëphèse. Toute
11 y a des sources chaudes, prés des- la crête du mont Thorax est courounée
uuelles existent encore des ruines d’un par une muraille en pierres de taille,
àlilice romain. Les habitants viennent ouvrage des rois grecs ; elle est defendue
de fort loin y prendre des bains. Ces de distance en distance par des tours
sources n’étant plus entretenues s’é- carrées. Les murailles descendent en-
panchent daus la plaine , et forment la suite dans la plaine et vont rejoindre
,
ment étaient reliés ensemble par des Strabon entend par le mot Eu ’ÿthmia.
ancres de fer scellées eti plonin Une Les colonnes extrêmes 1 et 8 s’ajustent
barre de fer entrait dans le chapiteau et avec les colonnes du portique latéral ;
l’architrave; des tenons étaient scellés l’entre-colonnement était de 2 mètres ;
dans chaque pierre de la frise , et les celles qui suivent , 2 et 7, sont placées
corniches étaient reliées de même. J’ai dans l’axe A\iptéroma; les deux au-
rapporté au musée du I^ouvre plus de tres, 3 et 6, sont dans l’alignement des
cent kilogrammes de fer et de plomb antes ; et enfin les deux colonnes du
tirés des ruines du temple. C’est ce sys- milieu, 4 et 5, s’alignent avec les deux
tème d’armature qui empêcha l’enta- colonnes qui étaient placées entre les
blement de se disjoindre lorsque l’édi- antes. Cet entrc-colonnement était plus
fice tomba, renversé par le tremblement large que tous lesautres, il était de 2'°25.
de terre; mais nous eûmes une peine Les deux frontons étaient tombés
infinie pour tirer les morceaux à mesure sans se disloquer. Mous n’avons pas
qu’ils se présentaient. trouvé de bas-reliefs dans celui de la
Il résulte de cet état de l’édifice, que façade. Celui du posticum offrait une
toutes les parties de l’entablement étaient particularité qui se rencontre rarement
contemporaines de la fondation , et que dans les temples antiques il avait dans
:
nulle pierre n’a pu être placée après le milieu une fenêtre, dont le pourtour
coup comme restauration. Chacune des était décoré d’un bandeau architravé;
pierres porte, comme repère, une lettre elle était destinée à donner de l’air dans
gravée sur le lit supérieur. La série les combles. Cela prouve, à mon avis,
commence à l’angle S.-E. par la lettre que le temple n’était pas bypèthre, car
A. Mous nous sommes assuré qu’aucune les combles, dans ce cas eussent pris
des pierres de la frise n’a été dérangée ; leur jour sur la cour intérieure.
de forts crampons de fer, scellés en Dans l’alignement du temple et du
plomb, tenaient le ehapiteau à l’archi- côté du posticum, on voit un massif de
trave et toutes les pièces de l’archi- maçonnerie de marbre, qui est trop
trave entre elles. La présence du fer ruiné pour qu’on puisse en reconnaître
dans un pareil édifice pourrait donner l’ordonnance. Les eaux des marais sont
quelques doutes sur l’âge de sa cons- plus profondes en ce lieu que partout
truction ; mais au Parthénon d’Athènes ailleurs. Mous y opérâmes cependant
les différentes pierres étaient également quelques fouilles , qui mirent à décou-
reliées en fer. Ou trouve des traces de vert une jambe d’une figure plus grande
scellement de fer dans des tambours que nature, en bas-relief: elle avait ap-
de colonnes qui n’avaient jamais été dé- partenu à un homme nu. On découvrit
placés. également le pied d’une statue defemme,
Presque toutes les bases, qui sont de chaussé d’un cothurne, et différents
style attique , restaient à leurs places débris de torses de marbre. Ce petit
respectives ; elles sont composées d’un édifice était carré. Les inscriptions en
seul bloc de marbre, et le tore est orné l’honneur de Nerva et de Marc-.\urèle
d’un rang de feuilles ou de rais-de- et une inscription impériale que je n’ai
cœur. Ces ornements varient sur chaque pu lire prouvent que cet édifice était
base. élevé en l’honneur de quelque empereur ;
Les fûts sont cannelés la colonne,
les autres inscriptions que j’ai copiées
composée de trois à quatre blocs de dans les différentes parties de l’enceinte
marbre. Les chapiteaux sont ioniques, sont toutes de consuls ou de pontifes.
etdu galbele plus parfait ; les ornements Dansles fouilles qu’on a faitesàAthènes
des coussinets sont variés sur les divers autour du Parthénon, on a trouvé,
chapiteaux. dans l’axe de l’édifice du côté de l’est,
I,a façade du temple était composée les débris d’un petit temple circulaire
de huit colonnes, dont les entre-colon- avec une inscription en l’honneur d'un
nements n’étaient pas égaux mais étaient
,
César. Ce temple occupe précisément la
espacés dans dos rapports qui s’accor- même place que le massif de maçon-
daient parfaitement avec les proportions nerie qui est dans le Téinénos de Ma-
(le la largeur de la cella ; c’est ce que gnésie.
352 [/UNIVERS.
L’inscription suivante est gravée sur les Amazones sont tantôt à clieval
piédestal en forme d’autel, à droite, tantôt à pied elles ont pour armes la
un :
reux. auguste, Marcus Aurelius .Stralonicps, de guerriers grecs qui ne seraient pas
et Silicion Hiéroclés, et Marcus Aurelius déplacés dans une figure destinée à être
Ophelilus et Aurelius. (Daph^ ilas, grands urè-
tres et écrivains, ont élevé (cette slalue). Cris- i.solée. Cependant il ne faut pas oublier
pas étant logiste et asiantue. que cet ensemble comprenait plus de
quatre cents sujets; il n’est donc pas
U ne inscription des plus importantes, étonnant que, vus à terre, examinés de
au point de vue de l’étude de l édilice, près l’un après l'autre, on trouve dans
se trouve gravée sur un fragment d’au- quelques parties des négligences de des-
tel; elle e.st malbeureusement incom- sin qui paraissent étrangères à l’école
plète; mais elle prouve d’une manière grecque. Il faut convenir que la counais-
incontestable que ce monument est sance de la sculpture monumentale des
bien réellement le temple de Diane édifices grecs d’Asie en est à son début.
Leucopliryne, bâti par Hermogène. Tous ceux qui ont pu comparer la frise
de Magnésie du Méandre avec celle de
Sous la stéphanophoried’Hécalodore, Apliro- Pbigalie ont été d’accord pour y re-
dise.... fille de Démocliarés, élalt devenue
prêtresse de Diane Leucophryne... connaître une grande analogie dans la
composition et dans l’exécution ; celle
Une autre inscription, sur laquelle se de Magnésie est à plus haut relief, car
trouve inscrit le nom de Diane Leuco- il
y a des ligures qui se détachent
com-
pbryne, a été rapportée par la Com- plètement du fond ; et l’on ne peut nier
mission, et est déposée dans les galeries >,ue certaines d’entre elles sont traitées
du Louvre. avec entente de la sculpture monumen-
tale, qui les place au premier rang
A la bonne Fortune... était devenue prêtresse
parmi les œuvres d’art de ce genre.
de Diane Leucopliryne...
Nous devons cependant signaler dans
Ces deux stèles étaient placées devant certaines parties une faiblesse d’exécu-
l’entrée du temple. tion qui déparerait un semblable édi-
Le sujet de ces sculptures représente fice, si elles étaient placées près de
au combat ; tous les Grecs sont a pied ; un monument que l’on croyait à tout
ASIE MINEURE. 353
d’Asie, lorsque des monuments qui sion barbare. On sait, de plus que les
ont été si rarement observés par des principaux monuments religieux n’ont
hommes compétents seront plus con- commencé à se relever de leurs ruines
nus, on reconnaîtra cette vérité, que je qu’à l’époqued’ Alexandre. Cette œuvre
lègue à d'autres temps. de restauration s'est continuée sous ses
Le passage, de Strabon n’est pas le successeurs, et les princes Attales ont
seul qui nous mette à même d’apprécier donné aux arts un essor que les Rô-
le jugement des anciens sur le temple mains n’ont fait que suivre. Comme
de Magnésie. Vitruve en parle avec un nous connaissons la date de la recons-
sentiment d’admiration assez rare chez truction des temples de Priène, et que
cet auteur, et il n’hésite pas à placer l'architecture de Magnésie a des rap-
l’architecte Herraogène au nombre des ports très-évidents avec ces derniers,
artistes les plus célèbres de sou temps, ilest naturel de regarder ces édifices
« Dans la de Magnésie , on
ville comme à peu près contemporains ; et
voit le temple de Diane Leucophryne. l’on peut, sanscrainte d’erreur, admettre
Si l'on en excepte le temple d’Ephèse, que le temple de Diane fut construit
ce monument par sa grandeur, par la
, dans la période de 330 à 300 avant J.-C.
richesse des offrandes par ses justes , On ne doit pas douter cependant que
proportions et l’art avec lequel il est l’ensemble des édifices sacrés de Ma-
coustruit , par l’ornementation du lieu gnésie n’ait été sujet à quelques chan-
sacré, surpasse, tous les temples d’A- gements, ou n’ait reçu des offrandes ,
sie ; et par sa grandeur il les surpasse dont quelques-unes consistaient en co-
aussi tous, excepté deux, celui de lonnes, autels, ou ornements d’architec-
Didyme et celui d’Éphèse. • C’est assez ture.
dire à quel point cet édifice était célèbre
en Asie ; or, s’il fût resté sans être ter- villes d’ionie au Sud du kbandre.
miné, Strabon n’aurait pas manqué de
le remarquer, comme il l’a fait pour le Toutela région de la vallée duMéandre
temple de Didyme. au sud de Milet formait, à l’arrivée des
L’enceinte ou le téménosdu temple Ioniens,un vaste golfe parsemé dlles;
était formé par une grande muraille en
pierre de taille , à bossages , qui se rat- (t) Tacite, Annales, liv. iii, ch. 67 .
.3.->4 L’UNIVERS.
aujourd'hui ce ne sont plus que des placement de ce bourg dans les marais
plaines marécageuses où les habitants qui bordent, au nord, le lac de Bafi.
construisent des huttes temporaires en Le mont Latmus (1) dont la base est
brandies de tamarisos. Les villes de baignée par les eaux du Méandre, a
iMyus , de Pyrrha , et d’Héraclée étaient donné son nom à la ville de Latmus,
des ports de mer, qui se sont trouvés qui fut ensuite appelée Héraclée. Elle
ensablés par des alluvions|etdéjà cette est brièvement mentionnée par les géo-
action du fleuve se faisait sentir dès graphes, mais n’a jamais joué un rôle
les premiers siècles de notre ère puis- marquant dans l’histoire. Les ruines
(ju'elle fut cause de la ruine de Myus. sont encore remarquables , et leur po-
On ignore aujourd’hui où fut placée la sition près du lac de Bafi est des plus
ville de Myus; elle occupait au pied du pittoresques.
mont Latmus un petit golfe, ou plutôt
une crique dépendant du golfe de Milet, à BUINES d’hÉBACLEE DO LATHOS.
trente stades environ de l’embduchure du
Méandre.Tûut ce territoirefut enlevé aux Héraclée est située à la base même
Oariens , cependant les Grecs regardent de la montagne, et le pied de ses mu-
Cydrelus comme le fondateur de Myus. railles baigne dans les eaux du lac.
Cette ville fit partie de la confédération Elles sont construites en pierres de
ionienne, et fut donnée à Thémistocle grand appareil , mais ont été en grande
par Artaxer.vc. L’existence de Myus ne partie restaurées sous l’em pire byzantin
tut pas de longue durée; les sables alors nue déjà Héraclée ne communi-
charriés par le fleuve ayant converti le quait plus avec la mer. L’édiflce le mieux
golfe en un vaste marais, les moustiques conservé est un théâtre, adossé à la
et d’autres moucherons s’y multiplièrent montagne , et dont le proscenium fait
de telle sorte que les habitants furent face au lac.Les gradins ont été enlevés ;
forcés de l’abandonner ; ils se retirèrent ilsformaient deux précinctions auxquel-
a Milet emportant avec eux leurs meubles les on arrivait par des escaliers à ciel
et les statues de leurs dieux. Du temps ouvert.
de Pausanias il ne restait plus à Myus I.a pente du terrain de la ville était
qu’un temple de Bacchus en marbre rachetee par des terrasses comme à
blanc. Pausanias ajoute que les habi- Priène; elles communiquaient entre
tants d’.\tarnée près de Pergame eurent elles par des escaliers taillés dans le
un sort pareil ceci explique pourquoi
: roc. Sur l’une des terrasses était située
les ruines d’Atarnée ont complètement l’Agora, sur l’autre sont les ruines
disparu (1). d’un petit temple prostyle, qui a été
A quatre stades de Myus se trouvait converti en église.
le bourg de Thymbria appartenant aux Les tombeaux de la nécropole d’Hé-
Cariens , on voyait dans le même raclée sont de deux genres différents ;
canton la caverne Æornuni consacrée les uns sont des caveaux taillés dans le
à Charon , du fond de laquelle s’exha- roc , les autres des sarcophages de pierre
laient des vapeurs pernicieuses (2), ou de marbre. La plupart des monu-
Les distances données par Pausanias ments d’Héraclée sont de l’époque ro-
et par Strabou seraient suflisautes pour maine, il faut en excepter quelques
faire retrouver toutes ces localités si parties des murailles, et les terrasses
l’on avait une base quelconque; mais de l’Agora. Héraclée participa aux luttes
comme elles sont comptées de l’em- soutenues par la confédération iouienne
bouchure du Méandre, on ne peut contre les rois de Perse ; elle secoua le
savoir d’où partaient les stades comptés. ioug de Xerxès après la bataille de Sa-
Le petit bourg de. Pyrrha était dis- lamine ; mais elle retomba peu de temps
tant de cent stades d’Héraclée du après sous le gouvernement d’Artémise,
Latmus „il était au Iwrd de la mer, reine d’Halicarnasse, qui enleva la ville
c’est-à-dire qu’on doit chercher l’em- par surprise. Elle, fit ensuite partie des
possessions de la reine Ada, qui fut
(i) Pmisaiiias. liv. VHjcli. a.
(a) SIraboii ,
XIV, (i) f'oy. liv. I", ch. 111, p. 35.
,,
l'Ionie le Latmus qui dominait Héra- et les Turcs appellent Oufa Bafi Ka-
dée ; Cicéron (2) le met en Carie : l’un poumoula. Il a six milles géographiques
et l’autre rappellent la fable d’Endymion de longueur, sa largeur est de d^eux
et de Phébé. Le Latmicus sinus prenait milles; il s’étend du nord au sud,
aussi son nom de cette montagne. borné d’une part par le mont Latmus
Les prédications de saint Paul à É- et de l'autre par un prolongemeut du
plièseet à Milet attirèrent dans la contrée inout Grius; il est très-abondant en
un grand uorabre de cénobites, qui poisson, et les habitants du village de
choisirent le mont Latmus comme lieu Bafi entretiennent quelques barques
de leur retraite. Chandler visita une pour la pêche. Ce sont de mauvais
chapelle située dans la partie la plus Bateaux plats composés de planches
inaccessible de la montagne; c’était clouées ensemble. Lb rive occiden-
un vaste rocher creux, dans Pintérieur tale du lac est plate et marécageuse,,
duquel était peinte, par compartiments, la rive opposée est au contraire bordée
l’histoire de Jésus-Christ. D’autres ta- de rochers de granit, qui descendent
bleaux religieux ornaient l’intérieur de jusque dans l’eau, et forment plu-
cette grotte. On lui signala un grand sieurs lies presque toutes couronnées
nombre d’églises dispersées dans plu- de fortifications byzantines. Vers la
sieurs endroits de la montagne; ces partie moyenne du lac est une lie plus
monuments n’ont jamais été visités grande, sur laquelle se trouvent les
par des Européens. Dans le moyen âge ruines d’un monastère \ avec une petite
le nom de Latmus disparaît complète- église ; il y a aussi quelques pierres an-
ment de l’histoire; il est remplacé par tiques. Enfin, sur le continent et tou- ,
le nom de mont Latros dans Curopalate jours sur la même rive , se trouve une
et dans Cédrenus c’est sous ce nom
:
série de vodtes de briques qui parais-
que la ville et la montagne sont inscrites sent avoir servi de remises de galères.
uans les notices ecclésiastiques. Toutes ces constructions militaires da-
En 862 les cénobites du mont Latros tent du temps oà le lac de Bafi eom-
étaient quelquefois les conseillers des muniquait avecla mer. Aujourd’hui il ne
empereurs, et plus tard Alexis Com- communique plus que par des lagunes
nèiie autorisa Cnristo-Doulos, abbé de impraticables; aussi les passagers qui
Latros . à bâtir un monastère dans l’ile abordent par eau dans ces parages
dePatmos. sont-ils! obligés de franchir avec beau-
Cet évêque avait sous sa juridiction coup de danger des marais fangeux qui
une vingtaine de monastères en Asie; les séparent du seul village existant
mais peu à peu ces couvents se fer- sur cette côte, le village de Sertchinn
maient dans la crainte des Turcs, qui composé seulement de gourbis de bran-
commençaient à devenir redoutables (3). chages; c’est cependant la demeure
d’un aghai De là à Milet on n’a plus à
parcourir qu’un espace de six kilomè-
-
7 en e ioglc
S5G L’UWIVERS.
dide, le lieu nommé Glaucé, par le naissance; ils le font naître à Délos ou
même historien, etGlaucia par Etienne a Ortygie, près d'Éphèse. Latone de-
de Byzance (t). Il en est de même venue mère va laver ses enfants dans
de Dromiscus (2) et de Perné la pre- r le fleuve Xanthus, qui coule en Lycie,
mière est sans doute la même que chez les peuples qui s’appelaient alors
Drymusa d’Étienne et de Thucy- Termiles. Latone dédia ce fleuve à
dide (3). Au nombre des villes inconnues Apollon et donna à la contrée le nom
de ces parages il faut nommer Thébæ de Lycie à cause des loups qui l’infes-
qu’Étieune de Byzance place au voisi- taient. Le loup devint le symbole d’A-
nage de Milet. pollon comme emblème de la nature
Au nord du Méandre était l’île de productive, et l’arc du dieu avait le re-
Ladé, célèbre par sa bataille navale , et doutable privilège d’envoyer aux mortels
le cap Trogilium dépendanldu Mycale, les maladies pestilentielles , attribuées
à la pointe duquel étaient trois îles, par les premiers peuples à la force
Trogilis, Pison et Argennuni. expansive du soleiL
Apollon est surtout regardé comme
CHAPITRE XLVIL le dieu qui répand les oracles : c’est la
cause de l'extrême popularité de son
VILLES DE LA PRESQU’ILE ERYTHRÉE. culte et des innombrables sanctuaires
lOLOPHON. — CLAROS. — LBBÉDDS. que fondèrent ses sectateurs dès la plus
haute antiquité.
Colophon,ville ionienne, dont les Pausanias, en parlant de l’origine de
ruines ont presque entièrement disparu, Claros , confirme que ce sanctuaire fut
tirait sa plus grande célébrité du voi- créé par les Crétois, et antérieurement
sinage du temple et du bois sacré d’A- ce pays était occupé par les Cariens.
pollon Clarius. L’antiquité de ce centre L’oracle deDelphes ayant décidé que
religieux devance les premiers temps les prisonniers thébains devaient être
de la civilisation hellénique. Il était embarqués pour aller chercher de nou-
déjà célèbre parmi les Grecs au temps v.elles terres , ces derniers vinrent
de la guerre de Troie; le culte d’Apollon, aborder à Claros; les Crétois voyant
pratiqué dans toute cette contrée, se arriver ces étrangers, les arrêtent et
rattawe à l’ancienne alliance entre les les mènent à Rhacius, chef de la colonie,
Lyciens et 1rs Troyens ; de là il s’est qui les accueille et les associe aux
répandu dans tout le monde grec en colons crétois.
passant par les lies. Nous voyons trois Rhacius épousa Manto, fille de Ti-
contrées d’Asie où le culte d’Apollon résias ; il fut père de Mopsus , qui chassa
est pour ainsi dire indigène : sur les les Cariens de la côte d’Ionie. A peine
côtes de la mer Égée , dans 111e de Crête les Grecs furent-ils débarqués sur la
et dans la Lycie. C’est une preuve de côte d’Asie , que l’oracle de Claros fut
plus que ces peuples avaient une ori- pour eux le but de pèlerinages religieux;
gine commune ; et l’on peut en inférer le devin Calchas s’y rendit à pied avec
que le culte d’Apollon a pris naissance Amphiloque pour lutter de science avec
en Crète et est passé sur le continent Mopsus (1); les traditions helléniques
avec les premiers colons crétois. Là il varient singulièrement sur l’histoire de
fut associe au culte d’Artémis, qui avait ce dernier. Quelques poètes placent en
été apporté des contrées d’Orient par Cilicie toutes ses aventures avec Cal-
les Amazones. C’est ainsi que ces deux chas; le poète Callinus (2) dit que
divinités se sont partagé l’adoration Calchas finit sa vie à Claros, et que ses
des peuples de la presqu’île. Cette va- compagnons s’en allèrent avec Mopsus
riété de traditions sur la naissance d’A- s’étaolir dans la Pamphylie. Sophocle
pollon prouve que las Grecs ignoraient attribue à Mopsus la fondation de
dans quel pays cette fiction avait pris Mallus en Cilicie, et dit qu’on voyait
près de cette ville le tombeau de ce
(i) EI.Byz., voc. 0/aucia.
(a) Pline, liv. V, 3i. (i) .Sirabon, liv. XIV, 64>.
(3) Et. Byz., vot, Drymusa. (a) Strab., XIV, 668.
I.'
J
,,
nidme contrée aurait été fondée par et même sa population , paraissent avoir
lui. été complètement sous la dépe.ndance
L’art de la divination n’était pas de Colophon, qui faisait partie de la
héréditaire à Claros; on prenait ordi- confédération. L'origine de cette ville
nairement un citoyen de Milet, homme remonte à l'arrivée de Codrus; elle
.simple et sans éducation ; on se bornait était à deux milles de la cdte, et son port
à lui dire le nom et le nombre des per- de mer, Notium, était relié à la ville par
sonnes (|ui venaient le consulter; il de longs murs. Colophon Joue un rôle
descendait alors dans une grotte où important dans les premières années
coulait une source d’eau pure dont il de l’établissement des Grecs en Asie :
buvait ; il répondait ensuite en vers elle fut assiégée et prise parles rois de
analogues au sujet qui intéressait cha- Lydie, et prêta son concours aux ha-
cun de ceux qui le consultaient. Virgile, bitants de Smyrne pour entrer dans la
Ovide et d’autres poètes ont chanté la confédération.' L'armée des Colopho-
brillante Oaros, abondante en vignes niens se distinguait surtout par sa ca-
le trépied prophétique rival de Del- valerie, aussi le proverbe : « Il a ajouté
phes (1). la cavalerie de Colophon, » signifiait
L’oracle conserva sa clientèle pen- il a employé tout ce qu’il faut pour le
tagne voisine de cette ville était aussi accordèrent-ils divers privilèges. Cette
nommée montagne de Claros : elle est ville n’était pas encore déserte dans le
comprise sous cette dénomination dans huitième siècle ; elle était épiscopale.
le catalogue des montagnes de Vibius Les Grecs prétendent que Tychicus,
.Sequester. Ælien parle de Claros ville qui fut compagnoi) de saint Paul fut ,
l’Iouie (2).
(î) Tadt., Ann., Il, 54.
(3) Loe. cit,
(4) I.iv.VII, ch. 3, 5.
(5) Ad lib. I, v. 3o8. (
1
)
Sirabcm ,
loc. cit.
(d) Æ'ieid., iiv, III, 300. (î) P.iii-aiiias, VII, ch. 3.
3Â8 L’UNIVERS.
La de Scyppium appartenait au
ville tent des temps byzantins ,
les vesUges
lerritoire des (k)lophonieus; elle fut d’une église et des murs de soutèiu-
fondée, selon Pausanias (1), par les ment d’une terrasse.
Clazoméniens, qui s’en étant dégoû- ,
Vitruve est le seul auteur qui fasse
tés, allèrent se fixer dans le pays où mention de la ville de Mélite , qui fut
ils bâtirent Clazoïnène. La chaîne des remplacée par Smyrne dans la confédé-
montagnes qui borde le lit du fleuve ration ionienne. Mélite fut ruinée par
Halésus était connue sous le nom de toutes les autres villes, qui se liguèrent
mont Cercaphus; il est cité par le scho- contre elle et lui déclarèrent la guerre
liaste de Lycophron un autre sommet ; à cause de l’arrogance de ses habitants.
portait le nom de mont Coracius (2). Quelque temps après, la ville de Smyrne
Lébédus, autre ville ionienne, était fut reçue à sa place par les villes ionieo-
à vingt milles géographiques â l'ouest nes, par une grâce particulière du roi
de Coloplion Strabon marque cent
: Attale et de la reine Arsinoë.
vingt stades (3). Cette ville était le lieu Le premier temple construit par les
de réunion de tous les acteurs de i’Iouie Ioniens fut dédié à Apollon Panionius;
jusqu’à l’Hellespont; on appelait cette il était d’ordre dorique , mais bientôt
confrérie la compagniedes Dyonisiaques. cet ordre fut abandonné pour faire
Bacchus étant considéré comme l'in- place à l’ordre ionique' dans toutes les
venteur et le protecteur des jeux de constructions de temples (1).
la scène , on célébrait tous les ans à
Lébédus des fêtes en l’honneur de ce CHAPITRE XLVIII.
dieu. Les entrepreneurs de spectacles
venaient à Lébédus pour former leurs BOUTE ÜE SMYBNE A CLABOS PAB
troupes; les réunions se faisaient pri- MÉTROPOLIS.
mitivement à Téos Attale les étanlit :
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.
on trouve à chaque pas des fragments c’est là que sont les ruines de Claros.
de colonnes d’architraves et de cor- Les murailles, bâties en grands blocs de
niches qui attestent l’ancienne impor- calcaire gris, sont encore en partie con-
tance de cette place. servées ; au milieu de la ville s’élève le
il
y a un chemin qui de Tourbali va soubassement du temple d’Apollon. On
droit sur la vallée du Caystre , c’est la peut juger de la magnificence de l’édifice
grande route de Smyrne à Konieh ; le iar les vestiges qui subsistent encore ;
lieu de halte est à Tyriah, grande ville fe temple était construit sur une espla-
commerçante et qui contient environ nade ae rocher taillé au ciseau ; il était
dix-huit mille habitants i presque tous orienté de Test à Touest. On peut sup-
turcs. Us étaient autrefois renommés poser, d’après sa dimension, qu’il était
par leur goût pour la guerre et for- , diptère et octostyle: Pausanias dit qu’il
maient les meilleurs contingents du ne fut jamais terminé.
.Sandjak d'Aïdin. Timour avait fait de Ce monument présente une particu-
Tyriah l’entrepôt de tout le pillage que larité, c’est qu’on n’arrivait au pronaos
ses troupes avaient effectue dans les que par un grand escalier place sur la
autres villes de la province. La ville est partie antérieure du temple, entre deux
acrotères.
(i)Oii dit de même ; Hanunamii, l’endroit En avant de Tacrotère droit il v a un
>iù il
y a des bains ; t anuehanlj, le pays où il puits très-profond, au fond duquel il n’y
y a des lièvres, etc. a pas d’eau.
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300 L’UNIVERS.
Au sud du temple est remplacement CHAPITRE L.
d’un théâtre dépouillé de ses sièges, et
(le nombreux débris d'autres moiui- RUINES DE LEBÉDUS.
nients.
T.es ruines de Lébèdus étaient à eent
GHOTTB DE MOPSUS. vingt stades à l’ouest de Colophon, et
à égale distance de Téos. L'emplacement
Sur la rive droite de l’Halésus, et dans de Lébédus comme nous l'avons dit
le voisinage immédiat de la mer, s'élève plus haut, est facile à retrouver, puis-
un haut rocher, à la base duquel est qu'il est signalé par la présence d'une
une grotte qui est, sans aucun doute, la source thermale. En quittant la vallée
grotte du devin Mopsus. Elle est assez de Zillé, on suit le bora de la mer à une
spacieuse pour être habitée par sept ou distance d’un kilomètre, on arrive au
huit personnes; dans l'angle du côté de lit d'une rivière qui est sans doute celle
la mer, on voit une masse énorme de de Mahaladji, et sur la rive gauche est
stalactites formée par la source qui a une source chaude dont les vapeurs
coulé pendant des siècles , et qui est s’élèvent dans les airs. Ces eaux sont
aujourd'hui tarie. Au fond de la grotte connues dans le pays sous le nom de
est un escalier naturel qui mène dans Ilidja, qui est commun à toutes les eaux
la partie supérieure; la nous avons thermales. La source forme un petit
trouvé avec étonnement un autel rusti- ruisseau qui va se jeter dans la rivière
ne, et un caloyer qui nous offrit de voisine. Deux salles rustiques, bâties
ire des prières pour notre heureux avec de l’argile , ont remplacé les an-
voyage. Un jeune enfant grec assista ciens thermes, qui réunissaient un si
le caloyer dans ses prières , en brûlant grand concours de visiteurs. Ces ther-
force encens sur l’autel. mes ont cependant laissé quelques ves-
Tout est solitaire aux environs de tiges, mais ce ne. sont que des pans de
Claros la foule des visiteurs ne vient
,
murailles informes. I.ébàl us paraît avoir
plus apporter d’offrandes au dieu du occupé la presqu’île qui forme l’angle
jour; mais quelques pêcheurs grecs, oriental de cette baie. On y remarque
qui cumulent quelquemis avec la pro- plusieurs murailles antiques, et le sol
fession de pirate, viennent de temps en est couvert de débris d’édiflees. Ces
temps mouiller sur cette plage, et le ca- ruines, comme celles de Claros. sont
lo^er de l’antre de Mopsus, tout en leur complètement désertes, à peine ont-elles
et loin de toute habitation. Le lende- cap avancé entre Téos et Samos, for*
main, au moment de notre départ, le mant une montagne conique , qui n est
que par
caloyer lit encore un sacrifice , auquel accessible, du côté de la terre,
assistèrent les Samiens. I.’enfant qui un isthme étroit. Du côté de la mer ce
remplissait les fonctions de thuriféraire sont des rochers inaccessibles et cons-
encensa Méhémet, les pirates, les voya- tamment battus par les vagues. Myoi>"
geurs, et nous dîmes adieu à Mopsus nèse est célèbre par le combat naval
la
et au divin Apollon , après avoir tou- qui eut lieu dans ces parages entre
Ro-
tefois rendu une dernière visite aux flotte du roi Antiochus et celle des
ruines de son temple. mains (190 ans avant notre ère),
dans lequel Antiochus fut vaincu.
c
ASIE MINEURE. &61
Il avait sur ce promontoire une pe- de se rendre ilsmontèrent sur leurs na-
y
tite ville où furent exilées les compa- vires et quittèrent le pays ; mais peu à
gnies d’acteurs qui avaient excité des peu les anciens habitants revinrent en
troubles dans Téos; mais la construction Ionie, et lorsqu’ Alexandre eut chassé les
du-cliâteau moderne de Hypsili bissar Perses, Téos devint une des villes les
a utilisé tous les matériaux antiques. plus riches et les plus florissantes de la
Non loin du promontoire d’Hypsili, contrée. Les ruines qui existent encore
est une île appelée aujourd’hui Pontico attestent que les Téïens étaient arrivés
Nisi; c’est juste la traduction en grec à un éminent degré de perfection dans
moderne du nom de Myonnèse l’un et ; la pratique des beaux-arts. Le nom seul
l'autre mot signilie en français l’ile d’Anacréon suffirait pour illustrer une
des Souris. C’est sans doute cette île ville, etdans le grand nombre de litté-
que Strabou désigne sous le nom de rateurs que Téos a produits, Apellicon
éspis, serpent, ou de Arconnèse, i’ile est celui qui a rendu le plus eminent
aux ours. Le territoire qui s’étend à service en conservant les œuvres d’A-
l’ouest de Myonnèse appartenait aux ristote.
Téiens; nous le décrirons en parlant de Fêtes Dionysiaques. Il n’est pas
Téos. étonnant que le culte de Bacchus eût été
en honneur à Téos plus <]ue dans aucune
CHAPITRE LI. autre ville d’Ionie. Pour les Grecs let-
trés celte divinité ne représentait pas
TÉOS. — ARBIVÉE DE LA COLONIE seulement l'abondance des récoltes et
GRECQUE. des produits de la vigne., c’était encore
le père et le propapteurdu dithyrambe
Téos était une ville earienne ; elle exis- et de la tragédie lyrique. Les fêtes de
tait avant l’arrivée des premiers colons Bacchus étaient accompagnées de céré-
hellènes, mais les habitants, moins om- monies poétiques auxquelles prenaient
brageux que leurs compatriotes, se mon- part une foule d’initiés. On ne peut met-
trèrent hospitaliers envers les Myniens tre en doute que la tragédie uttique n’ait
d’Orchomène, qui débarquèrent à Téos pris naissance dans le dithyramlie dio-
sous la conduite d’Alhainas. Cet accueil nysiaque. Le uomdedithyrambe comme
pacifique ne tarda pas à être connu eu fête en l’honneur de Bacchus est d’ori-
Grèce et attira dans la contrée des co- gine si ancienne, qu’on peut imaginer
lons ioniens qui vinrent sous la conduite qu’il est arrivé chez les Grecs avec la
d’Apœcus s’établir à Téos. Cette seconde connaissance et le culte de cette divi-
migration fut suivie, quelques années nité; il semble que le nom de dithy-
après, par une troupe d’ Athéniens et de rambe a été créé pour rappeler la dou-
Béotiens conduits les premiers par Nau- blenaissancedu dieu Bacchus; et lorsque
clus et les seconds par Hérès. Ces der- le peuple la célébrait par des chants et
niers venus furent reçus avec amitié des danses, les rhapsodes sont venus ajou-
par Apœcus. La popula'tion earienne se ter l’élément épique à ces fêtes popu-
trouva absorbée parla population derace laires, ils ont entremêlé les chants de
européenne et, à partir de ce temps, dialogue et de musique. Ce mélange de
Téos devint une ville grecque qui acquit cérémonies religieuses et de joie popu-
un rang important dans la confédération laire s’est ensuite formulé sous une
ionienne (1). forme plus poétique et non moins émou-
Téos était située sur une presqu’île vante; les initiés couverts de masques
faisant face à l’île de Samos. Elle acquit de fantaisie, vêtus en satyres et en silè-
bientôt assez d’importance pour être une nes accompagnaient les cortèges diony-
des premières villes que les Perses at- siaques en chantant et en dansant. Le
taquèrent dans la guerre acharnée qu’ils dithyrambe devenait alors une sorte de
firent aux villes d’Ionie. L’exemple des récitatif accompagné de gestes. Dans
habitants de Phocée fut suivi par les l’attente de la naissance du dieu, le poète
Téiens, et lorsque la ville fut sur lu point exprimait tous les sentiments d’espé-
rance et d’incertitude, qui se termi-
(i) Pausuias, Vil, 3. naient par des chants d’allégresse quand
362 ff’UNIVP:RS.
la naissance du dieu était proclamée.
de cité à Téos; plus tard ils allèrent s’é-
Jusqu’au poète Arion, le dithyrambe tablir à Lébédus. Les entrepreneurs de
fut mêlé d'improvisations qui étaient
spectacles, les asiarques et tous ceux qui
laissées aux inspirations des initiés, vin-
étaient chargés de présider ou d’organi-
rent ensuite les poètes dithyrambiques,
ser des fêtes publiques s’adressaient aux
qui mirent plus d’ordre dans ces com-
chefs de cette corporation qui envoyait
positions; ils inventèrent la forme anti-
des troupes d’acteurs dans toutes les
slrop'hique, qui était chantée tour à tour
parties du monde romain. Nous voyons
par deux moitiés du chœur. Le poète
les
a Vienne en Dauphiné une inscription
Tisias perfectionna cette forme poétique
qui constate que ces troupes venaient
enfaisantsuivrerautistrophe de l’épode, jusqu’en Gaule; elle e.st ainsi conçue.
qui était chantée par le chœur au repos, « Les acteurs d’Asie et tous
ceux qui
ün appela ce poète Stésichore parce qu’il appartiennent à la même corporation se
avait appris au chœur à se tenir tran-
sont élevés à eux-mêmes ce monument
quille. Le dithyrambe était accompagné de leur vivant (I). Telles furent les ori-
dans son exécution par l’harmonie phry-
gines du théâtre antique ; on ne doit
gienne, qui était surtout en usage dans
donc pas s'étonner de retrouver des
ces fêtes à cause de sou caractère émi-
monuments destinés aux jeux de la scène
nemment noble. Le mode lydien, plus mê.ine dans les plus petites villes, puis-
passionné, était réservé pour les céré-
qu'ils faisaient pour ainsi dire partie
monies qui s’accomplissaient autour des des cérémonies du culte.
temples ; c’est le poète Sacadas qui avait
posé les lois du chant épodique, dont
trois stances se mettaient après trois
CHAPITRE LU.
stances de l’harmonie originale.
SOULÈVEMBiNT DBS TÉIENS CONTBB
Telle est l’origine de la tragédie, qui,
aux
ATHENES.
de Baccbus, où l’on conduisait
fêtes
un bouc tragos ), a commencé par des
( Après désastres de Sicile les
les
poésies religieuses chantées en l’hon-
Té'iens tentèrent de secouer lejougd’A-
neur du dieu. Après les poètes dithy- lhéne.s en prenant parti pour les Pélo-
rambiques vinrent les poètes scéniques, ponésiens. Les Athéniens avaient bâti à
dont le plus célèbre est Thespis, qui doit
Téos une longue muraille qui séparait
s’étre inspiré des rhapsodes ou récita-
la ville du reste du continent; Stroin-
teurs des dithyrambes.
byochides, amiral de .Sparte, arriva de
Avec Thespis l'action devient moins .Samos et invita les habitants à se tenir
bruyante, les rôles sont plus tranchés tranquilles. Ceux de Téos ne voulaient
et les récitatifs du choeur mettent le
pas d’aliord accueillir l’armée de terre
spectateur en relation plus intime avec mais à la nouvelle de la fuite des Athé-
;
voit les vestiges, et qui datent du qua- mode pour embarquer les denrées Le
trième sièele avant notre ère. C’est aussi camp a’Autioclms était sur le continent,
pendant cette période que se construi- etun Rbodien avait fait voir le danger
sirent les temples dont on voit aujour- que présentait le mouillage de la flotte.
d'hui les ruines : Hermogène allait ou- Dès qu’on fut arrivé dans l’autre port,
vrir une ère nouvelle pour l'architecture soldats et matelots quittèrent leurs na-
ionienne , les arts et la poésie s’unis- vires pour embarquer les provisions
saient pour faire de Téos la ville la plus lorsqu'un paysan informa le préteur que
distinguée de l’Iouie. la flotte Je Polyxénidas était en vue.
Dans la guerre contre Antiochus les On sonna sans retard le retour à bord;
Téïens rendirent à la flotte romaine un la confusion fut extrême, chaque vais-
éminent service et la sauvèrent pour seau faisant force de rames pour sortir
ainsi dire d’une destruction complète. du port; la flotte romaine finit par ga-
Régulus, le préteur, qui commandait gner le large et put échapper à un im-
avec quatre-vingts vaisseaux dans ces mense danger.
mers,ayantapprisque la ville avait fourni Après la défaite d’Antiochus, Téos
des provisions à la flotte royale et avait avec toute l’Ionie passa sous le pou-
promis de fournir cinq mille amphores voir des rois de Per^ame ,
et sous l’em-
de vin pour son usage , fit voile pour pire romain ; elle ht partie de la Pro-
Téos, et vint mouiller avec toute sa flotte vince d’Asie. Lorsque le christianisme
dans le port qui est derrière la ville; il se répandit en Asie , les habitants de
envoya ensuite des troupes de débarque- Téos furent des premiers à se convertir,
ment avec ordre de ravager tout le ter- et du temps de Polycarpe, évêque et
ritoire desTélens. Les habitants, effrayés martyre à Smyrne , Oaplmus était déjà
des dommages que leur causaient les évêque de Téos. Selon les notices ecclé-
troupes, envoyèrent aux Romains à titre siastiques, on compte cinq évêques de
de suppliants des orateurs le front cou- Téos jusqu’au temps de Romain Argyre ;
vert et vêtus de longues robes. Mais le ce sont .Maxime, Gennadius, Cyrïll'e, et
;
préteur refusa de recevoir les députés à Sisinnius, qui fut évêque de Téos pen-
moins que les citoyens ne consentissent dant vingt-quatre ans (ij.
à donner aux Romains le même secours D’après l’état des ruines de cette ville,
qu’aux ennemis. on peut être certain que presque tous les
Pendant que les magistrats délibé- monuments antiquesontetérenversés par
raient avec le peuple, Polixénidas, un tremblement de terre; ils forment
amiral de la flotte royale, ayant fait des monceaux de décombres accumulés :
voile de Colophon avec quatre-vingt- ce n’est pas ainsi que les édifices se dé-
neuf navires et ayant été informé des
, truisent sous l’action lente des siècles.
propositions du préteur et de la position
que sa flotte occupait dans le port, CHAPITRE LUI.
conçut l’espérance de réduire la flotte
romaine, comme il venait de faire pour RDinES DE XBOS — STO.XDJIR. —
la flotte rhodienne à l’entrée du port SEVRI HISSXB.
Panorme à Samos. L’entrée du port de
Téos était si étroite que deux vaisseaux Téos était située sur la côte sud de la
pouvaient à peine y passer de front. Son presqu’île Érythrée. dans la partie la
Dut était de s’établir dans le détroit plus étroite entre le golfe de Smyrue
pendant la nuit, et avec dix vaisseaux de et la mer de Samos. La ville était elle-
s’assurer le promontoire pour inter- même bêtie sur un isthme formé d’une
dire la sortie aux navires, et avec des trou- part par la baie de Sigadiik à l’ouest,
pes de débarquement, d’attaquer l’en- et d’autre part par un golfe aujourd’hui
nemi par terre et par mer ; ce plan eut presque comblé qu’on appelait golfe de
réussisi les Télens, conformément à la Téos, à l’est de la ville : cesontees deux
demande du préteur, n’eussent consenti portsqui faisaient la puissance maritime
à embarquer les vivres et n’eussent fait
venir la flotte dans le port qui est en
avant de la ville et qui était plus com- (i) Lequieii, Urieris clir., I. III.
364 L’UNIVERS.
deTéos. Le port de Sigadjik est l’ancien lesantiquités ioniennes paraissent des
portus Gæresticus, dont nousavons parlé plus satisfaisants.
plus haut; c’est un des plus sûrs de la Le temple était hexastyleet périptère;
côte, mais son entrée est difficile. Ce avait six colonnes de front et onze
il
port fut primitivement occupe par les sur les côtés ; les colonnes étaient can-
ChalcidienS) qui vinrent s’établirsous la nelées : Hermogène en fut l’architecte.
conduite de Gérés ; c’est celui que les Le temple était au milieu d'une area
Romains appelèrent Gæresticus portus, entourée de portiques c’est du reste la
:
et que Strauun nomme Cherrœïdæ (I), disposition commune à tous les grands
il était situé au nord et à l’ouest de temples de l’Asie; les fondations du
Téos et distant seulement de trente portique sont à fleur de terre, très-peu
stades de la ville. de travaux seraient nécessaires pour
La ville moderne de Sigadjik est reconnaître complètement ce bel en-
hStie dans la partie orientale du golfe et semble d’un monument classique.
sur l’isthme où était Téos. Tous les ma- Le second édifice qui appelle l’atten-
tériaux de l’ancienne ville ont été em- tion est le théâtre, assis sur une des col-
ployés dans construction de la ville
la lines qui entourent la ville et dont la
moderne, elle est entourée de murs face est tournée vers le sud, contraire-
et défendue par un château délabré. ment aux prescriptions de Vitruve. Tout
Cette ville quoique moderne a été pour le proscénmmost détruit, et du haut du
les antiquaires une mine riche en monu- dernier gradin on jouit d’un magnifique
ments antiques. La plupart des ins- panorama; mais c’est une erreur que
criptions des Téiens ont été encastrées d’imaginer que les anciens spectateurs
dans les murailles, et se sont trouvées avaient pour fond de tableau la cam-
ainsi sauvées d’une ruine complète. L’a- pagne voisine et l’immensité de riiorizun :
bondance des carrières de marbre dans que serait devenue la voix des acteurs
le voisinage de Téos permettait aux ha- dans ce vaste espace? Il est démontré
bilans d’étre prodigues en monuments d'ailleurs par une foule de monuments
épigraphiques aussi peu de villes ancien-
: existant, que la partie qu’on appelle
nes de l’Asie en ont produit un aussi proscénium s’élevait jusque la hauteur
grand nombre, et il est certain qu’on fe- du dernier gradin, et de plus que le
rait encore des découvertes précieuses théâtre était couvert par un vélarium
en ce genre si l’on pouvait remuer les qui s’étendait sur l’orchestre et toute
énormes blocs des temples écroulés. Les la cavea. Cependant presque tous les
inscriptions de Téos méritent d’autant voyageurs qui visitent les théâtres anti-
plus d'intérét qu’elles contiennent pour ques s’extasient sur le panorama dont
la plupart des actes politiques et des jouissaient les spectateurs assistant aux
traités conclus avec les autres États. représentations. A Catane, c’est l’Etna
L'ancienne Téos est séparée du ter- qui est censé composer les intermèdes,
ritoire de Sigadjik par une légère émi- et sur la côte d’.Asie, ce sont les Spora-
nence qui enclôt presque toute la pres- des et le Taurus. Que l’on soit bien per-
qu’île. Les ruines du temple de Bac- suadé que le spectateur grec était dans
chus forment une masse énorme de la salle de spectacle presqu’aussi bien
décombres. Il est facile de retrouver clos que lus modernes dans les leurs, et
tous les membres principaux de l’ar- que les distractions du dehors ne ve-
chitecture de l’édifice. Les architraves et naient pas troubler les émotions de
les morceaux de corniche n’ont pu être la représentation.
enlevés ; les cimaises sont ornées de têtes Nous ne parlons du théâtre de Téos
de lions et de palmettes, les chapiteaux, que pour mémoire, car ce monument
d’ordre ionique, sont du plus beau style est dépouillé de ses sièges et de tous ses
et d’une grande simplicité; cet édifice a ornements ; son étude n’apporterait au-
été étudié eu détail par les architectes cune lumière nouvelle à ce que nous
anglais Chandler et Pars, et les plans savons déjà par l'examen des théâtres
qu’ils ont publiés dans leur ouvrage sur de la Pamphylic.
L’intérieur de la ville occupé par
(i) Str»bon, XIV, 643. des jardins et des plantations d’oliviers
ASIE MUIEURE. 865
est difficile à parcourir : on ne peut murailles ayant été détruites par Tis-
examiner un de ces murs en pierres sapherne, ont été reconstruites quand les
sèches qui séparent les propriétés, sans Téiens sont revenus habiter leurville : on
y découvrir une quantité de fragments a de plus réparé la grande muraille qui
d’architecture qui trouveraient leur séparait du continent le petit isthme
place dans un musée. sur lequel la ville étaitassise ; elle défen-
C’est une source de regrets pour l’a- dait le quartier de l’invasion des eaux
venir ces modèles de la plus pure ar-
: d'un petit ruisseau qui se jetait dans le
chitecture ionienne disparaissent l’un port du sud et qui a contribué à l’en-
après l’autre ; s’ils étaient recueillis dans sabler cette partie des murs est la mieux
:
lonnade qui peut encore être reconnue cubes taillés à facettes prismatiques
sur trois côtes; elle se compose de huit formant autant de tablettes ou de
pilastres eu marbre gris placés à dis- on ne saurait mieux les
petits escaliers,
tances égales, avec des demi-colonnes en- comparer qu'à d’énormes cristaux de
gagées dans les deux côtés opposés le: sulfate de soude; ils portent presque
côté nord est long de cent quarante et tous des fragments d’inscriptions latines
un pas et le côté de l’ouest de cent inintelligibles, on y lit surtout l’indica-
soixante. tion Loco 1111 jusqu’ici ceux qui ont
:
Les murs de Téos ont environ six voulu expliquer l’usage de ces blocs
kilomètres de circuit, on peut les suivre n’ont abouti qu’à des conjectures peu
dans tout leur parcours. Les anciennes satisfaisantes.
866 L’UWIVEBS.
Les grandes carrières d’où ont ètè côte sud de la presqulle. Il se terminait
extraits les marbres de Téos sont dans au promoutoire Corycéon, aujourd’hui
le voisinage de Sevri hissar, elles four- le cap Blanc à l’entrée du canal de Cbio ;
nissent tme rociie grisâtre et cristalline le port de Casyste était au nord de ce
ui appartient à la formation calcaire cap sur la côte occidentale de la pres-
e la presqu’île Érythrée. qmîle: Tite-Live(l) le nommeCorycua
Portus.
CHAPITRE LIV. Comme entre Érythræ et le cap
Corycus il n’y a que le port et la rade
LA presqu’île ERYTHREE. de Tchechmé^, on doit en couclure que
le port Corycus ou Casyste était à
La cdte qui s’étend de l’est à l’ouest Tchechmé.
depuisTéos jusqu’au cap Blanc est décou-
ée par un certain nombre de petites ÉRYTHRÆ.
aies peu connues même de nos jours,
dans lesquelles les colons grecs s’étaient La population primitive d’Érythræ
bâtis des places fortes de ce nombre: se composait de plusieurs fractions des
était Eræ, qui appartenait aux Téiens; divers peuples qui habitaient le sud de
vient ensuite le territoire des Oialcidiens, l’Asie Mineure; ils se joignirent aux
qui fut d’abord sous la dépendance des Crétois qui, sous la conduite du fils de
Téiens, passa ensuite sous la domination Rhadamante , vinrent coloniser cette
de la ville d’Érythræ, et la troisième partie de la presqu’île. On comptait dans
tribu des Érytliréens prit le nom de ce nombre : des Lyciens , peuple d’ori-
Cbalcitis ( ). Le cap le plus avancé vers
I mne crétoise ; des Cariens, anciens alliés
l’tle de Cbio est dominé par une mon- du roi Minos; des Pamphyliens, d’ori-
tagne peu élevée qui se. rattache à la ine grecque, mais qui après la guerre
chaîne du mont Mimas. La montagne e Troie avaient longtemps erré avec
s’appelait Corycus et le cap Argennum, Calchas, enfin d’un contingent d’habi-
Strabon estime à soixante stades la lar- tants venus de chaque ville d’Ionie sous
geur du détroit entre ce cap et l’tle de la conduite de Cnopus.
Cbio. Cette réunion, hétérogène en appa-
A partir de ce point la côte de la rence ne tarda pas à former un corps
,
terre restaient sans effet, lorsqu’un pé- ioniennes contre le pouvoir des Perses ;
cheur nommé Phormion fut averti dans elle fut souvent en guerre avec la ville
un songe que le radeau serait facile- voisine de Chio; mais la marine de
ment conduit à terre, si les femmes cette dernière ville était bien supérieure,
d’Érythræ voulaient le tirer au moyen et pendant un temps les Chiotes pré-
d’une corde tressée avec leurs cheveux. tendirent à l’empire oe la mer (1).
Pas une des Érythréennes ne se mettait Pendant la guerre entre Athènes et
en devoir de se conformer aux prescrip- Lacédémone, Érythræ tenta d’échapper
tions de ce songe lorsque les femmes
, à la domination d'Atliènes, mais sa si-
thraces qui hanitaient la ville sacri- tuation ne changea qu’à l’arrivée des
fièrent leur chevelure, et la statue du Romains en Asie. Elle embrassa le parti
dieu fut amenée dans Érythræ. On lui de Rome contre Antiochus, et reçut
éleva un temple dans l’intérieur de la d’éclafants témoignages de satisfaction
ville, et les femmes thraces avaient seules de la part du gouvernement de Rome.
le droit d’y entrer. Pausanias à sou Les monuments épigraphiques et nu-
voyage à Érythræ, vit la corde faite de 'mismatiques prouvent que cette ville
cheveux qui était conservée précieuse- continua de sunsister jusqu’aux derniers
ment. 11 décrit la statue d’Hercule temps de l’empire byzantin. Elle est
comme un ouvrage dans le goût des comprise dans les notices ecclésiasti-
anciennes statues ^yptiennes. ques au nombre des évêchés de la pro-
On voyait aussi à Érythræ un temple vince d’Asie. On ignore les causes de
de Minerve Poliade; la statue de la l’abandon de sou territoire, qui passait
déesse était de bois, et d’une grandeur pour fertile et abondant en vin. La po-
extraordinaire, assise sur un trône, et iulation moderne s’est agglomérée dans
tenant une quenouille des deux mains. Ïa petite ville de Tcheclimé, dont la
La têtu de la statue était surmontée de rade est aussi sûre, que celle d’Érythrœ,
l’étoile polaire. et qui est mieux placée pour les navires
Cette statue était l’œuvre du sculp- que les vents retiennent à l’entrée du ca-
teur Endæus, de même que les statues nal de Chio. Cet inconvénient était
des Heures et des Grâces de marbre moins grave dans l'antiquité quand la
blanc qui étaient exposées dans l’hy- navigation se faisait à la rame.
pœthre, c’est-à-dire dans la partie du r.a baie d’Éiythræ est défendue des
temple qui était découverte; c’est là vents d’ouest par l’île de Chio , et son
que Pausanias vit ces œuvres d’art. On mouillage était abrité par un groupe
doit conclure de ce passage de l’auteur d’îlots, que les anciens appelaient Hippi,
grec (11, que le temple de Minerve Po- les chevaux. Une petite rivière a son
liade était du genre que nous appelons embouchure dans cette baie, c’est l’an-
hypœtlire comme ceux d’Apollon Di- cien fleuve Aleus, qui, selon Pline avait
dÿme et d’Apollon Épicurius. la faculté de faire pousser la barbe.
La sybille d’Érythræ n’était pas moins
célèbre que les oracles de Branchydes CHAPITRE LV.
et de Claros ; mais elle se distinguait
de ces derniers en ce qu’elle prédisait UUIIXES n’ÉBYTHBÆ. — BHITBI.
l’avenir par inspiration , sans aucune
cérémonie préalable ; Strabon distingue Les ruines d’Érythræ conservent en-
l’ancienne sybille , et celle qui vivait du core le nom de Rhitri, qui est celui d’un
temps d’Alexandre, et qui fit connaître petit village grec bâti en dehors de l’en-
l’illustre origine du roi de Macédoine. ceinte de l'ancienne ville. Deux routes
Strabon ne dit pas si les prédictions de conduisent à Érythræ, l’une par A’ ourla
ces deux sibylles avaient lieu dans quel- et l’autre par Tenechmé : cette dernière
que sanctuaire (2). est la plus praticable.
La ville d’Érytliræ prit part à tous Tchechmé est une petite ville mo-
les soulèvements tentés par les villes derne qui tire ses revenus des bâtiments
qui viennent mouiller dans sa rade,
(i) Pausanias, liv. Vit, S.
(a) Strabon, XIX', 645; XVII, 8 s 4 . (i) Strabon, XFV, 645,
? on O loglc
,
368 L’UNIVERS.
lorsqu’ils sont retenus à l’entrée du ca- mètres. Du côté de l’est on entre dans
nal de Chio. Toutes les maisons sont la ville par une brèche où l’on recon-
bâties en pierres, blanchies à la chaux naît les vestiges d’une porte, mais un
et couvertes en terrasses. Quelques dat- montant seul est en place.
tiers plantés çà et là achèvent de lui Les murailles descendent ensuite
donner un aspect tout à fait oriental. dans la partie plane de la ville, et re-
On peut facilement trouver des che- montent une seconde ligne de collines
vaux pour se rendre aux ruines d’Éry- pour arriver à l’acropole , bâtie au nord
thræ, situées à vingt-deux kilomètres au sur sommet d’un mamelon.
le
nord de en longeant le bord de
la ville, I.erocher entaillé par banquettes ser-
la nier ;
route est très-accidentée, en-
la vait de fondation aux murailles dont
trecoupée de collines et de ravins for- la construction rappelle celle des murs
més par les contreforts du mont Mimas. d’Assos, c’est-à-dire que ces murs da-
En sortant de Tchechmé on con- teraient du cinquième siècle avant notre
tourne un mamelon assez élevé qui dé- ère près de l’acropole est une autre
:
fend la ville et la rade de l’action des porte tout aussi ruinée. L’acropole a
vents du nord; on descend ensuite dans été en grande partie réparée à l’epoque
un vallon où se trouvent des eaux ther- byzantine : on reconnaît dans les mu-
males avec un établissement rustique railles un grand nombre de fragments
fréquenté par les habitants de lu pres- antiques et quelques inscriptions.
qu’île; ces bains n’ont jamais été men- Avant de rechercher les derniers ves-
tionnés par aucun auteur moderne; ce tiges de l’ancienne Érythræ , nous de-
sont certainement les bains cités par vons nous arrêter un moment pour ob-
Pausanias comme existant près du
<• server la singulière conformation du sol
promontoire Macria , les uns creusés de cette ville, qui appartient à la masse
naturellement dans le roc au bord de la du mont Mimas, et qui représente en
mer, les autres faits de main d’homme moindres proportions la formation gé-
et fort ornés (I). » Un ruisseau qui nérale de la montagne.
n’a pas de nom aujourd’hui arrose la Érythræ est entourée de collines de
vallée des bains ; on est là à moitié route calcaire, marbre bleu , mais l’acropole
entre Tchechmé etÉrythræ on a encore
: et les bases de toutes les collines sont
à franchir deux ou trois côtes assez toutes composées de trachytes rouges ;
abruptes. En contournant les sinuo- on les retrouve a l’acropole sous forme
sités du rivage, on a sur sa gauche d’un mamelon isolé qui a surgi du mi-
la mer du canal de Chio et une inhnité lieu de la plaine. Non loiu de la ,
les ro-
de petites Iles qui se détachent comme ches calcaires apparaissent à la surface
autant de points lumineux sur le som- du sol, de sorte que l’expansion des tra-
bre azur delà mer. Quelquefois la route chytes de dessous lus roches calcaires est
domine de véritables précipices ;
enfin si visible, qu’on assiste pour ainsi dire à
on arrive aux ruines d’Érithræ qui pré- l’expansion des roches ignées, comme si
sentent l’aspect de la plus complète dé- elle avait lieu de nos jours; ce sont ces
solation. trachytes (lui ont servi à bâtir les mo-
L’assiette de la ville était très-forte : numents a’Érythræ. Tous les édifices
on peut encore suivre dans tout son étaient rouges, et le nom du fondateur
pourtour la ligne de circonvallation. Érythrus était on ne peut mieux en
Les murailles formaient presque un harmonie avec la couleur de la ville (I).
demi-cercle qui comprenait la largeur Du pied des collines de l’est sort une
de la baie d’Érythrœ; elles ont le carac- source abondante qui forme un petit
tère de la plus haute antiquité, .sont cours d’eau c’est le fleuve Aleus cité par
:
bâties en grands blocs de trachyte rouge, Pline ; un autre cours d’eau arrose le
entremêlés çà et là d’assises de pierre pied des collines du nord.
calcaire. Elles sont défendues par des Au centre de la ville est un exhaus-
tours carrées de très-solide construc- sement de terrain taillé en rectangle et
tion, espacées de vingt-cinq à trente formant une grande terrasse soutenue
Digià-
ASIE MINEURE. 369
de tous côtés par un soubassement de tures propres à être placés dans les
construction archaïque, partie en assi- musées. Mais l’étude de ces ruines faite
ses réglées, partie eu blocs à joints irré- au point de vue architectonique serait
guliers. Ou arrive sur cette terrasse par intéressante, attendu qu’elles surpassent
un ébouleineut du côté de l’est, où il y en antiquité celles de toutes les autres
avait peut-être un escalier. villes de l'Ionie.
I>a surface de l'esplanade est cou- La presqu'île Érythrée se termine au
verte de décombres, au milieu desquels nord par le cap Mêlas aujourd’hui le
on reconnaît les traces d’un édifice cap Kara bournou, cap noir, ainsi
carré et un morceau de frise dorique, nommé à cause de la couleur noire
des tambours de colonnes cannelées à des laves qui entourent la base. Au
la grecque ; on voit qu’on est sur l’em- nord de la rade d'Érythræ les na-
placement d’un temple, mais il ne sub- vires trouvent encore un refuge dans
siste pas assez de documents pour le une crique appelée aujourd’hui Egri
restituer comme celui d’Assos. Liman, le port oblique , bon mouillage
Tout porte à croire que sur cette ter- mais qui manque de fond, c’est l’an-
rasse s’élevait le temple d’Hercule cité cien Portus Phoeuicus. Lé cap Mêlas est
par Pausanias. On ne peut que soup- formé par une montagne abrupte et ro-
çonner à quel ordre il appartenait, puis- cheuse quelques villages modernes sont
;
en place, mais la plus grande partie mouillage du golfe, et les flottes euro-
qui pouvait servir comme pierres de péennes ont l’habitude d’y stationner en
taille a été enlevée; le château qui do- hiver il
:
y a une source abondante
mine la colline eu a absorbé une grande qui fournit une eau excellente.
partie.
I.es fouilles faites à Erythræ mettaient
à découvert un certain nombre d’ins-
criptions, et peu de morceaux de sculp-
24° Uoraiton. (Asie Miheubs.) '
. II. 24
37Ü L’UNIVERS.
CLAZOMÈNB. cents mètres de longueur elle est sou- :
U.
372 L’UNIVEttS.
était de deux cents stades ou deux mille rcut ;ils formèrent le projet de se rendre
374 L’UNIVERS.
CHAPITRE lAX. mains intercéda pour cette ancieune
alliée, et la iniix fut rétablie.
SIBGB DF. PHOCEF. Lorsque les Romains furent tran-
quilles possesseurs de l’Asie, toutes les
Le.sKomaiiis se décidèreat enfin à villes furent soumises à l’administra-
faire siège eu règle. Le préteur Éini-
un tion proconsulaire et perdirent leur
liiis Regillus coniinundait la flotte en physionomie originale; leur histoire sa
personne; il s’empara des deux ports confond avec celle de l’empire. Phocée
1 189 ans avant J. C.), et lan^a dans la dut se contenter du rôle de ville mar-
ville une proclamation pour inviter les chande, et son nom est a peine men-
Phocéens à se rendre. La réponse fut tionné pendant toute la période ro-
la même qu’au temps d’Harpagus : ils maine. Les ports se comblaient lente-
refusèrent. Le consul fit commencer les ment, et sa population l’abandonnait.
attiques des deux côtés du Lampter;
ce quartier était dégarni de maisons, CHAPITRE LX.
et des temples en occupaient presque
tout l’espace. On approcha le bélier, qui
FONDATION DF. PHOCÉE LA NECTB.
battit les murailles; mais les assiégés
.Sous les empereurs byzantins, Pho-
se défendaient avec acharnement les :
cée n’était plus qu’un 6ourg dont les
breches étaient réparées à mesure
murailles étaient détruites; la position
qu’elles étaient ouvertes.
était cependant importante , et une cir-
De nouvelles propositions de capitu-
constance fortuite y appela les Génois,
lation leur furent adressées; ils deman-
qui fondèrent à côté de l’ancienne ville
lierent cinq jours pour délibérer et ou-
une place forte qu’ils appelèrent la
vrirent enfin leurs portes. Les Komains
nouvelle Phocée.
entrèrent en ville, non pas en vain-
quenrs , mais en vertu de la capitulation.
Il
y avait dans le voisinage de cette
ville une montagne renfermant une
Aussi les soldats, qui comptaient sur
mine très-riche en alun, qui avait été
le pillage, commencèrent-ils à murmu-
découverte sous le règne de Michel Pa-
rer, ot plusieurs d’entre eux , malgré la
léologue, et dont l’exploitation était
défense de leurs chefs, se mirent à dirigée par des Italiens. Ils payaient
piller les maisons. Le préteur Émilius
à l’empereur grec une redevance an-
ras.semble autour de lui sur la place pu-
nuelle pour droits d'exploitation et
blique les citoyens de condition libre d’exportation. Lorsque cette contrée
et après avoir arrêté le sac de la ville,
fut en butte aux attaques réitérées des
il ordonna que toutes les propriétés pu-
émirs turcs , la sûreté des mineurs fut
bliques ou privées fussent respectées et compromise, et les Latins, de concert
rendit à Phocée son territoire, son gou-
avec les Grecs, élevèrent un château au
vernement et ses lois (1). iied de cette montagne, lui donnèrent
Après la défaite et l’expulsion d’An- fe nom de nouvelle Phocée et les maî- ;
tiochus, l’Æolide fut réunie aux États
tres de cette place, les nobles Génois,
du roi de Pergame. 11 est à croire que Andrea et Jacob Cataneo, conclurent
Phocée fut détaché de l’Ionie; elle est avec Sarukhan, émir de Lydie, moyen-
en effet comprise dans l’Æolide par le
nant un tribut de cinq cents ducats, un
géographe Ptolémée, qui ne pouvait traité qui fut exécuté pendant cent
ignorer que cette place avait fait partie quatre-vingts ans (1). La ville dePho-
de ITonie. cæa-Nuova, devenue une place impor-
Pendant la guerre contre Aristonic, tante , était gouvernée par un podestat
Phocée avait pris parti pour ce préten- génois, qui, au nom de la république,
dant, et s’était de nouveau mise en état jouissait d’un pouvoir illimité. C’est
d’hostilité contre Rome. Les consuls
ainsi rpTétaient organisées toutes les
qui avaient vaincu Aristonic marchaient colonies génoises sur les côtes de l’Asie
contre Phocée; mais la colonie de Mar- Mineure.
seille, alors puissante et amie dos Ro-
(i) DiiCiis, livre XXV, p. 90, ap. Haœ-
(i) Til-Liv., XXXVII, rh. ti. iner. Mut. ottomant.
Digitizt : t
,
Lorsque Mahomet I*' vint assiéger nommé Tachos, qui s’était révolté contre
Cyiné (1) le podestat Jean Adorno con- Artaxerxe et s’était retiré dans une île
clut avec le sultan un traité qui laissait voisine de la côte d’Æolide. Le ter-
aux Génois la libre possession de Pliocée ritoire de Leucæ était en effet une lie
la neuve , moyennant le paiement d’une qui fut dans la suite réunie au continent
somme de vingt mille ducats, qui de- par suite des alluvions. Les habitants
vait être effectué en dix années. Le sul- de Cymé et ceux de Clazomène se dis-
tan mourut sans que cette redevance putèrent la possession de cette ville,
fût soldée , et la république de Phocée et ils convinrent de s’en rapporter à la
fit avec le sultan MoUrad un nouveau décision de l’oracle de Delpties. Leucæ
traité , non pas en argent, mais en ma- serait restée une ville ignorée de l’his-
tériel de guerre. Les Génois donnaient toire ,
si elle n'eût été choisie comme
à Mourad six mille ducats sur l’arriéré place de guerre par Aristonic dans la
de l’ancien traité, et mettaient leurs guerre contre les Romains. (1) On en
bâtiments à la disposition du sultan reconnaît l’emplacement au village qui
pour transporter ses troupes en Europe, a conservé le nom de Lefké, mais il n'y
se faisant ainsi les auxiliaires des hor- a aucun vestige d’antiquité.
des musulmanes qui allaient ravager les Le territoire situé entre ce village et
terres des chrétiens. Les faits de ce l’Hermus appartenaità l’.Eolide,il a été
genre, qui se renouvellent fréquemment compris dans la description de cette
dans le cours de l’histoire ottomane province.
sont autant de taches à l’honneur des Telle est aujourd’hui cette terre
peuples qui s’en rend irent coupables. On d’Ionie autrefois si riche eu monuments,
voyait souvent des chrétiens se mettre couverte de villes nombreuses et uis-;
des musulmans, elles ont aussi à repro- peler sur cette terre l’activité et le tra-
cher à leurs ancêtres l’abandon dans le- vail, ce serait l’appel fait à la colonisa-
quel ils ont laissé les intérêts chrétiens. tion européenne ; maiselle ne pourrait
La petite ville de Phokia occupe l’em- se faire avec sécurité que si les Euro-
placement de Phocée la neuve; elle con- péens pouvaient devenir propriétaires en
tient une population de quatre à cinq Turquie au même titre que les étran-
mille âmes, qui est presque entièrement gers peuvent être propriétaires dans
adonnée à la marine ; les Turcs y sont les divers États de l’Eurojæ.
en majorité; on compte à peu près Pour compléter le chapitre des trem-
trois cinquièmes de race turque et deux blements de terre, nous insérons ici
cinquèmes de race grecque. Ces der- un fait signalé par le Précurseur d’A-
niers ont une petite église, les Turcs ont thènes, qui justine les observations faites
plusieurs mosquées délabrées. Les cime- par Pline et par Procope sur l’irruption
tières, qui sont hors la ville, renferment de la mer au moment des tremble-
plusieurs fragments d’architecture an- ments de terre (2) :
cienne ; mais nous n’avons observé au- <1 Le 26 décembre 1861, à huit heu-
cune ruine qui méritât une étude par- res trois quarts du matin , une se-
ticulière. cousse assez violente de tremblement
de terre, d’une durée de deux secondes
LEUCÆ. environ , et dont les oscillations parais-
saient venir de la direction sud-ouest,
La de Leucæ était sur le bord
ville a été ressentie à Athènes, où des crain-
de la mer, à l'ouest de Phocée. Elle tes sérieuses se sont immédiatement ré-
doit sa fondation à un général perse
(i) Voy. pag. * 1 ».
(tj Voy. pages aa5-3>6. (a) Voyez i)iii|i. \XXII,
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,
37« L’UNIVERS.
pandues au sujet d’autres localités plus élévation de deux mètres , menaçante
d’une fois déjà, et il y a peu d’années eu consétjuence , pour la basse ville.
encore , si désastreusement éprouvées. « L’ancienne Corinthe a vu dispa-
« A Fatras, la toiture de fa caserne, raître nombre de ses anciennes habita-
dans l’intérieur du fort, s’est effondrée, tions, abandonnées depuis le tremble-
sans entraîner toutefois d’accidents. ment de terre de 1852. Beaucoup de
Une maison à deux étages de la ville constructions, à la nouvelle Corinthe
liasse, située près du port, s’est écrou- ont été lézardées, et Calamaki n’a pas
lée entraînant dans sa chute quelques été préservé des mêmes épreuves.
magasins y attenant ; plusieurs autres a A Galaxidi et à Itea, sur la rive
il .liai-îifll' ifi"
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, ,
LIVRE VI
PHRYGIE. — GALATIE.
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3T8 L’UNIVERS.
cet auteur, donné leur nom à la contrée générale sur l’antiquité des Phry-
voisiue du Sangarius et à la montagne giens(l), mais qui, au total, n'a aucun
qui la domine. « Mais , dit Strabon , si rapport avec la date de leur émigration,
la transmigration des Phrygiens d’Eu- Les différentes contrées de la Mysie,
rope en Asie était postérieure à la guerre de là Lydie et de la Phrygie se trou-
de Troie , et que les Phrygiens qu’Ho- vèrent donc peuplées par des tribus
mère fait venir au secours des Troyens dont la souche commune était en Eu-
fussent arrivés du pays des Bérécynthes rope, et qui , par conséquent, se trou-
et de l’Ascauie d’Europe, quels sont valent naturellement disposées à se
donc ces autres Phrygiens qui avaient fondre entre elles,
campé sur les rives' du Sangarius, et On peut difficilement comprendre
auxquels Priam avait joint des troupes que les auteurs de l’époque romaine
en qualité d’auxiliaires.’ » Servius pa- aient mis en doute que l’émigration
raît partager le sentiment de Strabon : phrygienne ait précédé la guerre de
car il dit nue le mont Bérécynthe fut Troie, puisque les Troyens eux-mêmes
consacré à la mère des dieux, en mé- se qualifiaient de Phrygiens, et qu'il y
moire du premier prêtre de cette avait alliance entre eux et les princes
déesse (1). Nous savons, d’ailleurs, que de la Phrygie (2).Mygdou, qui condui-
le royaume de Phrygie était constitué sit en Asie une colonie de Thraees, était
longtemps avant la guerre de Troie, frère d’Hécube et père de Corcebus (3).
puisqu’à la suite d’une guerre entre Son tombeau existait encore du temps
Hyllus et Tantale, trisaïeul d’A^mem- de Pausanias (4) sur la frontière des
non, qui régnait à Tantalis, dans le Phrygiens et des Teetosages. C’est de
mont Sipylus (2), les descendants de ce ce chef que les Phrygiens ont pris le
prince, bannis de leurs États, allèrent nom de Mygdoniens.
chercher un refuge dans la Hellade, Nous pourrions lions étonner qu’Hé-
qui reçut de leurs compagnons le nom rodote ait songé à faire les Phrygiens
oe Péloponèse cent vingt ans avant la descendants des Arméniens, lorsqu’il at-
guerre de Troie. En dépouillant cette teste dans un autre passage que les
époque des circonstances fabuleuses Phrygiens étaient la plus ancienne na-
quila rendent obscure , en examinant tion du monde,
les monuments qui subsistent encore,
et dont l’identité est attestée à diffé- CHAPITRE II.
rentes époques par Strabon, Pline et
Pausanias , nous voyons que les ancê- invasion de sésostbis. — culte.
très d’Agamemnon
régnaient en Phry-
gie longtemps avant que la Grèce eût Longtemps avant l’arrivée des Pbry-
reçu les éléments de la civilisation, et giens, Sésostris avait conquis l’Asie Mi-
que les États de ces princes s’étendaient neure et était arrivé jusqu’aux rivages
depuis l’Halys jusqaà la mer Égée , et du golfe de Smyrne ; c’est là qu’il fit
jusqu’au golfe de l’Hermus c’est le
: graver cette stèle que nous voyons en-
nom que l’on donnait au golfe de Smvme core après vingt-cinq siècles. Dans le
avant que cette ville fût bâtie (8). Il est cours de ses conquêtes, il laissait
facile, du reste, d’accorder entre eux comme colons un certain nombre d’E-
les historiqns , en supposant qu’à des gyptiens qui se mêlaient avec la popu-
époques différentes, des tribus thraees lation du pays. Sésostris passa ensuite
sont venues se joindre aux premiers d’Asie en Europe, soumit les Thra-
colons , et augmenter ainsi le corps de ces et les Scythes ; c’est peut-être à la
la nation phrygienne. Hérodote rap- suite de cette invasion égyptienne que
porte un fait qui, tout en attestant la les peuples de race européenne, agités
naïveté de l’historien, n’est pas inutile dans leur propre pays commencèrent
pour faire voir quelle était l’opinion
(i) Lib. Il, a.
(r) In Ub. IX. Æneld. (a) Voyez pages 184, 186.
(2) Strabon, Hv. XÏI, p. 571, ( 3 ) II. III, 186.
3 yita Homeri, c. 2, ap. Herodot.
( ) (4) Fausaoias, I. X, ay.
--..-U )
i
,
aient trouvé une contrée complètement appelée Épictète. Les Mysiens prirent
déserte mais l’histoire est muette sur
;
les rivages de la Propontide et de la
les aborigènes qui ont occupé le pays mer Égée jusqu’au golfe Adramytte;
avaht les Phrygiens. Les peuples de la les colonies éoliennes s’établirent sur la
Rlésopotamie’et de la Syrie avaient ce- côte occidentale, de sorte que les rois
pendant envoyé des colons dans la de Phrygie se trouvèrent relégués sur
partie orientale de l’Asie Mineure. Les le grand plateau central qui s’étend
Médes étaient établis dans unedes vastes d’une part jusqu’à l’Olympe, et de l’autre
provinces de ce territoire, et lesLeuco- jusqu’aux montâmes de la Pisidie. Ce
syriens occupaient une partie de la fut là le royaume héréditaire des princes
Cappadoce et du Pont. Ces peuples de la dynastie de Gordius et de Midas.
avaient transporté en Asie le culte de Il comprenait une partie de la Lydie
plusieurs dieux syriens et persiques, la Phrygie Brûlée ou Catacécaumène,
ui se répandirent promptement jusque l’ancienne Mœonie, les sources du
ans la Phrygie. La Venus des Phé- Méandre et ses affluents , et le versant
niciens , adorée sous l’emblème d’une septentrional du mont Cadmus. A l’est
pierre conique, eut bientôt sa rivale du Sangarius ,
les Phrygiens s’étendirent
dans la pierre de Pessinunte , que l’on le long des frontières méridionales de la
disait tombée du ciel. On éleva aux Paphlagonie jusqu’aux bords de l’Halys.
dieux Men et Mithra des temples qui Au moment de leurs premières mi-
rivalisèrent de richesse et de grandeur grations ,
les Phrygiens, pressés par la
avec les centres religieux les plus célè- nécessité de se créer des demeures, pro-
bres. Cependant, la divinité qui fut fitèrent des éléments que la nature leur
principalement honorée par les Phry- offrait dans leur nouveau pays. Les
giens était Cybèle ou Rhéa. Cette divi-
(i) Adversùs gentes, lib. V.
(i) P. i8a, cb»p. XIV. (a) Lib. X, p, 470.
.
380 L’UNIVERS.
grandes falaises volcaniques, composées tiens, siûdèles à leurs usages nationaux,
de tufs tendres et faciles à travailler, auront certainement transporté dans
furent creusées pour y établir des cette partiede l’Asie le mode de sépul-
demeures , des temples et des tom- ture usité dans leur pays, aussi ne de-
beaux. Les premiers Phrygiens devin- vons-nous pas nous étonner de retrou-
rent en un mot peuple troglodyte, et ver dans ces antiques monuments des
après tant de siècles nous sommes éton- caractères qui rappellent ceux de l’É-
nés de In variété et du nombre infini de gypte, comme les colonnes courtes avec
grottes, de labyrinthes taillés dans le des chapiteaux en corbeilles et les por-
rocher, et dont la conservation est par- tes en pylônes, forme qui certainement
faite. Vitruve (1) suit la marche ascen- a été empruntée aux Égyptiens par les
dante de l’art de bâtir chez les Phry- Grecs.
giens. Ils se creusèrent d’abord des
sortes de tanières dans le sol friable ; CHAPITRE III.
ensuite ils surmontèrent ces demeures
d’un toit conique ; plus tard, le bois fut INFLUENCE OBIKNTALK. — MYTHE UE
employé dans les constructions^ mais MIDAS.
avec économie, car un des caractères de
la contrée est d’étrc totalement privée L’art de sculpture dut se rattacher
la
d’arbres ; les vallées du Sangarius sont forcément à l’École orientale assyrienne.
ombragées d’une maigre végkatiou on : L’emblème de la force, le Lion, si sou-
ne rencontre les forêts que dans la vent reproduit dans les monuments de
chaîne de l’Olympe phrygien. l’Assyrie et de la Perse, fut multiplié
Deux villes fârent fondées par les rois à l’infini dans le royaume de Phrygie,
Midas et Gotdius ; mais l’usage de con- et cette représentation, devenue popu-
fier aux rochers les souvenirs nationaux laire, fut imitée plus tard par les Grecs
ne fut pas abandonné, et nous retrou- et les Romains; chaque ville était dé-
vons aujourd’hui plusieurs de ces grands corée à profusion de tant de figures de
monuments conservés au milieu des lions que les ravages des siècles, la
solitudes. haine que les musulmans portent à toute
Les Phrygiens n’avaient pas apporté représentation d’hommes et d’animaux,
des contrées de la Thrace l’habitude de toutes ces causes de destruction n’ont
creuser dans les rochers la sépulture des pas pu tout anéantir, et l’on est encore
morts: ce mode d’inhumation fut, de- étonné du nombre de figures de lion en
puis la plus haute antiquité, pratiqué en marbre et eu pierre que l’on rencontre
Égypte; il est bien probable qu’il fut dans les anciennes villes de la Phr}'gie.
transporté en Asie par les colons qui Les autres branches de la sculpture, la
suivirent les armées de Sésostris. Ce ne décoration des vases et des meubles
sont pas d’ailleurs les seuls colons égyp- vinrent aussi d’Assyrie. Midas, fils de
tiens qui aient été établis eu Asie Mi- Gordius, se fit faire un trône, ouvrage
neure: plusieurs villes étaient surnom- d’un prix considérable, qu’il envoya eu
mées villes ég^'ptiennes, parce que l’an- présent au temple de Delphes (I), et qui
cien Cyrus y établit des Egyptiens qui, plusieurs siècles après, était encore un
étant venus pour les intérêts du roi objet d’admiration pour les Grecs.
d’Assyrie, passèrent au service de sou Il ne reste aucun monument de la
vainqueur; après la bataille, Cyrus leur statuaire phrygieune du temps des rois.
donna des villes dans le haut pap, les- On est porté à croire qu’elle avait puisé
quelles, pour cette raison ont été appe- ses inspirations à l’école d’Assyrie. Le
lées villes des Égyptiens ; il leur donna symbolisme oriental était répandu dans
encore Larisse et Cyllène dans le voisi- toute l’Asie antérieure, nous en avons la
nage de Cymé, et toutes ces villes, du preuve dans les monuments qui exis-
temps de Xén ophon, étaient encore pos- tent encore. Les Grecs cependant ne
sédées par leur postérité (2). Les Éq^yp- tentèrent jamais de l’expliquer et res-
tèrent, autant que possi ble, étrangers au.x
(i) Liv. <5 , cil. 1
C
,
exprimer la force ; les ailes , pour ex- pont, conduisant eu Asie les Brygès,
primer la promptitude ; la tête humaine, qu’il établit au bord du fleuve Sangarius ;
pour indiquer la sagesse. Mais cette tête mndant plusieurs villes, initiant ses su-
humaine ne suffit pas il a fallu l'affu-
; jets aux mystères des dieux de la Thrace,
bler de longues oreilles pour indiquer et laissant à sa mort un royaume flo-
l’attention soutenue, et de cornes pour rissant qui continue de prospérer sous
sa propre défense. une dynastie de dix rois dont Midas
Voilà donc, dans la même figure, les fut la souche.
cornes d'Alexandre le Grand et les La au contraire, nous le mon-
fable,
grandes oreilles de Midas qui apparais- tre comme un prince vivant dans la mol-
sent comme les symboles des qualités lesse, en compagnie des nymphes et des
que doit posséder un monarque. faunes et recevant d’Apollon une puni-
Les colosses de Ninive et de Persé- tion grotesque qui fait de ce roi la risée
polis étaieut-ilsconsidérés comme les de la postérité.
portraits du prince? C’est ce qu’il est Il
y a dans les deux phases de la vie
difficile d’affirmer; mais on peut dire de ce prince une contradiction qui n’a-
avec assurance qu’ils étaient le symbole vait pas même échappé à certains écri-
de royauté admis chez les Asiatiques,
la vains grecs , et qui tournaient la diffi-
aussi bien à Babylone que dans les au- culté en disant que les oreilles d’âne
tres villes d’Asie. Quoique nous n’ayons données à Midas étaient un emblème
pas dans cette dernière ville des monu- du caractère soupçonneux de ce prince,
ments aussi imposants , nous pouvons qui avait l’habitude d’entretenir beau-
citer un certain nombre de cylindres et coup d’espions. Mais je vais plus loin
de pierres gravées portant la figure d’un et je vais démontrer que la fable de
taureau à tête humaine que les Grecs
,
Midas est complètement apocryphe
ont aussi reproduit sur leurs médailles c’est-à-dire purement grecque et qu'elle
coiffé de la tiare et orné de cornes et a pris naissance longtemps après l’ex-
de longues oreilles. tinction du royaume de Phrygie, chez
C’est-à-dire enfin que, loin d’être un des Grecs ignorant les symboles de
emblème du ridicule et de la sottise, l’ancienne Asie, qui auront vu des sta-
les cornes et les longues oreilles ont été tues de l’ancien roi de Phrygie repré-
chez les Asiatiques l’emblème de la pru- sentées sous les attributs de la puissance
dence et de la force. C’est ce que les royale.
Grecs n’ont pas compris le moins du Gne statue du Musée britannique re-
monde; et il est curieux de voir les lon- présente, à n’en pas douter, la figure du
ues oreilles du roi de Phrygie devenir roi Midas (3).
ans les temps modernes l’emblème de
la sottise; c’est-à-dire qu’ils ont fait (i) Liv. t, cil. 7.
exprimer aux emblèmes asiatiques tout (a)XiXIV, ïg.
le contraire de ce qu’ils signifient. Ku- salle n° 35. Voyez aussi
(3) Troisième
sèbe, dans sa Préparation évangélique, Midas roi de Phrygie dans la Revue orien-
atteste que la reine de Phénicie, Astarté, tait et américaine, t. U, page aig.
,
382 L’UNIVERS.
Le roi de Plm’gie est couronné d’un Telle est,' à notre avis, l’origine du
diadème, et vêtu d'une tunique à larges mythe des oreilles d’âne du roi Midas.
manches ,
comme les portent les rois Les cornes et les longues oreilles ne
d’Assyrie et de Persèpolis. Sa figure est sont pas, chez les anciens asiatiques, des
calme et noble ; il est occupé à moduler signes de critique et de raillerie, mais
sur la fuite une de ces élégies dont il étaient considérées commedes emblèmes
était l’inventeur, et qu’il avait ensei- de puissance, de force et de sagesse.
gnées à son |)euple. Ce n’était pas pour Enfin, avec le génie léger et versatile
de vains plaisirs que le disciple d’Or- des Grecs, il ne faut pas s’étonner de
phée avait rendu la musique populaire voir une tradition ou un mythe dévier
chez les Phrygiens, il avait consacré de sa légitime signification, et être ex-
son art au culte des dieux et à l’apo- pliqué par une époque d’une manière
théose de sa mère. complètement différente de l’époque
« Ou rapporte que Midas, fils de Gor- antérieure.
« dius, pendant son règne, consacra
« le jeu de la flûte aux autels et aux CHAPITRE IV
« sacrifices ,
quand il voulait faire l’a-
« potltéose (le sa mère lors(|u’elle fut
, DYNASTIES PHBYGIKNNES.
« morte. » Suidas ,
suh v. IXEyo«.
Est-ce dans une occupation aussi Le premier chef de ces tribus phry-
grave, aussi solennelle que le sculpteur giennes auquel les historiens donnent
aurait eu la pensée de faire de ce prince le titre de roi fut , selon Suidas , un
C’est dans les rapports qu’ont eus in- Pont-Euxin, et vinrent s’établir à l’ouest
failliblement avec l’Asie orientale les de l’Halys (1), sous la conduite d’un
premiers Phrygiens qui se sont établis chef nommé Aemon, fils de Man ou
sur le Sangarius, que la civilisation Men. Cet Aemon fonda une ville de son
s’est introduite dans cette contrée aupa- nom , Aemonia , et après sa mort , il
ravant barbare. fut déifié. Cette ville subsista long-
Les Assyriens et les Mèdes l’avaient temps ; car elle est mentionnée par
occupée antérieurement et longtemps ,
Ptolémée, qui la place entre Juliopolis
après l’extinction de la monarchie phry- et Euménia , et par Étienue de Byzan-
gienne , le culte des mages s’était per- ce (2), qui cite deux places de ce nom.
pkué dans certains lieux et il était en- Mais les Saces ayant été expulsés par
core pratiqué du temps des Romains (1). les Perses (3), les descendants d’ Aemon
Il n’est pas surprenant que, dans la repré- se retirèrent nu delà de l’Arménie.
sentation de la royauté, les artistes phry- Le second roi de Phrygie porta le
giens aient adopté un symbole ()ui était nom de Midas ; il passe pour avoir régne
admis chez les peuples del’Asie centrale. à Pessinunte; ce qui assignerait une
L’artiste grec, auteur de la statue, très-haute antiquité à cette ville. Il
aura reproduit le type tel qu’il lui était donna sa fille la en mariage à Atys.
transmis par les plus anciens artistes ; Les princes Midas faisaient leur rési-
mais peu a peu la tradition est tombée
dans l’oubli, et les Grecs ont pris liltle about lUe real origin of nations , or re-
comme une critique un emblènae dont ceived withoul disrriminalion .such traditions
ils ne connaissaient pas la significa- as reached tliem on tbis bead. Cramer, Jm
tion (2). minor, t. II — 5.
(i) Strab., XI, 5i t.
(a) The Greeks coocemed themselves but (3) Strab. Id., ibid.
,
(Jence dans la ville de Midæum, sur les Il est bien difGcile d’établir la généa-
rives du Saiigarius, et les Gordius, logie des princes de ce nom , après le
dont le premier est célèbre par le char peu de documents qui nous restent; le
qu’il consacra dans le temple de Jupiter, dernier souverain indépendant fut Mi-
demeuraient à Gordium. Le premier das IV, qui se donna la mort, en voyant
Gordius était un laboureur, qui fut ses États envahis par les Cimmériens
nommé roi par le peuple pour obéir qui ravagèrent aussi la Paphlagonie.
aux dieux. I>es Phrygiens, voyant leur Son Gis Adraste, à la suite du meurtre
pays troublé par les séditions, eurent de son frère , se retira à la cour de Cré-
recours à l’orade, qui leur répondit de sus, et Gnit par s’y donner la mort,
prendre pour roi le premier homme désespéré d’avoir tué par mégaede Atys,
qu’ils verraient aller au temple de Ju- le Gis du roi (1).
piter monté sur un char. Le choix
tomba sur Gordius , qui consacra son CHAPITRE V.
char dans le temple de Jupiter; il at-
tacha au timon im nœud si artistement DOKINATION ÉTBA>GÈBE.
fait, que nul ne pouvait songer à le
délier, et qui fut tranché par Alexandre. A la mort de ce prince, l’empire
Midas , Gis de Gordius , régna sept cent tomba entre les mains de Crésus , qui
cinquante ans avant l’ère chrétienne. On ayant porté la guerre chez les peuples
raconte aussi ime foule de fables sur la qui habitent en deçà de l’Halys par- ,
jeunesse de ce prince , qui passait pour vint à les subjuguer tous , à l’exception
un des plus riches de la terre ; Strabon des Lyciens et des Ciliciens. A l’époque
dit qu’il possédait des mines d’or dans de l’invasion de Cyrus , ce prince gou-
le montBermius (1). On prétend que ce vernait la Lydie, la Phrygie, la Mysie
fut lui qui institua la coutume des et les côtes de l’Hellespont , jusqu’à la
chants funèbres, en renouvelant an- Carie (2), c’est-à-dire toute l’Asie cen-
nuellement ses lamentations à l’occa- trale. Lorque les Perses envahirent
sion de la mort de sa mère C’est en- l’Asie Mineure, l’armée de Xerxès,
core lui dont les richesses proverbia- après avoir franchi l’Ualys , entra en
les firent croire qu’il avait la faculté de Pnrygie , et alla camper a Céteuæ. De
tout changer en or. Ce prince laissa là elle marcha vers Sardes, qui fut
trois fils, Gordius, Anchorus et Otreus. rise et pillée, et la Phrygie réunie à
Ce fut de son temps, suivant Plutarque, F empire persan Gt partie, de la satrapie
qu'une partie de la ville de Célænæ fut de rUellespont. A cette époque, la ville
engloutie par un tremblement de terre. de Célænæ seule parut jouir de quelque
Le gouffre se referma lorsque, pour renommée; les autres capitales, Mi-
obéir à l’oracle , Anchorus s’y fut pré- dæum et Gordium , tombent peu à peu
cipité. Le même fait se retrouve beau- dans l'oubli , et Gnissent par être com-
coup plus tard attribué au Romain Cur- plètement ignorées. Pessinunte, comme
tius. Un autre prince de la dynastie de centre d’un culte répandu dans toute la
Midas régnait à Célænæ, qui fut pen- contrée , conserve toujours sa richesse
dant longtemps une des principales et sa population.
villes de la Phrygie. Ce fut Midas II qui La Pnrygie, une fois réunie à l’empire
réunit sous son empire toute la Phrygie. de Lydie , perdit toute importance po-
On ne sait rien de son r^e, ni de litique, mais conserva toujours son nom,
celui de son successeur. Midas III, Gis et ce nom auquel ne s’attachait plus
de Gordius, est mentionné par Héro- l’idée d’une nation,- a traversé toutes
dote (2) comme étant célèbre par les les révolutions qu'a subies la contrée
dons qu’il avait envoyés à l’oracle de pendant vingt-cinq siècles ; il a résisté
Delphes. On remarquait parmi ses pré- à toutes les divisions territoriales qu’ont
sents un trône qui passait pour un chef- imaginées les gouvernements de Rome
d’œuvre de sculpture. etde Byzance. Mais une fois la Phrygie
(i) Strabon, liv. XIV, p. 68o. (i) Hérodote, lib. I, rap. 4t et 4$-
(a) Lib. I, cap. XIV. (>) Lib. I, cap. XXXVO.
Googl
,
384 L’UNIVERS,
conquise, la nation tomba peu à peu Scopas, que l’on traversait sur un pout;
dans un complet discrédit. L’agricul- Procope nous apprend que Justinien le
ture était son unique occupation , les fit réparer (1).
renté avec Julien lui ouvraitl'accès aux parut devant les cohortes, et leur pro-
plus hauts emplois. Il servit d’abord mit en même temps dipités et riches-
comme secrétaire et tribun , mais à la ses. Il marchait entoure de soldats qui
mort de Constance, la révolution gui se élevaient leurs boucliers sur la tête du
fit dans les affaires éveilla son ambition ; nouvel empereur, de crainte que du
depuis ce moment il mit tout en œuvre haut des toits il ne fut accablé de tuiles
pour la satisfaire. et de morceaux de pierre. Le peuple ne
Lorsque Julien entra en Perse, Pro- témoigna ni joie ni répugance, cepen-
cône fut chargé à la tête d’un corps con- dant la pensée de la chute du ministre
sidérable, de la garde de la Mésopota- Pétronius réunit encore quelques nou-
mie; peu de temps après la mort de Ju- veaux partisans; aussi lorsque Procope,
lien, des émissaires répandirentadroite- monté sur le tribunal eut terminé sa
,
ment le bruit que Julien expirant avait harangue, il fut accuelli par les acclama-
désigné Procope pour son successeur. tions du peuple et proclamé empereur.
Les mesures rigoureuses prises par Pendant ce temps Valens était sur le
Jovien, le nouvel empereur, arrêtèrent point de quitter Césarée de Cappadoce
pour un moment toute tentative de pour se rendre à Antioche ; à la nou-
révolte; Procope lui-même recherché velle de ce soulèvement, il revint sur
et poursuivi par les émissaires de Jo* ses pas et se dirigea vers la Galatie.
vien, en fut réduit à se cacher dans les Procope, de sou côté, mettait tout
lieux les plus inaccessibles. Il parvint en œuvre pour asseoir sa domina-
cependant à gagner les terres de Chal- tion; les partisans de Valens étaient
cédoine, et s’y cacha chez son ami Stra- envoyés en exil; le prétendant savait
tégius, sénateur, qui lui facilitait les mettre à profit la présence dans son
moyens de se rendre secrètement à camp de la petite-hlle de Constance,
Constantinople. Il trouvait là un centre dont on vénérait la mémoire ; il faisait
de résistance aux ordres de l’empereur, promener en litière Faustine, mère de
il rassemblait les mécontents qui se cette enfant, et faisait valoir l’honneur
plaignaient des exactions de Pétronius, qu’il avait d’être parent de l’empereur
beau-père de Valens. Si la crainte arrêtait Julien. Les largesses qu’il distribuait
toute manifestation publique, les vœux aux soldats se composaient de pièces
secrets de la majeure partie de la popu- d’or frappées à l’effigie du nouveau
lation de Constantinople étaient de voir prince.
tomber un régime abhorré. A son retour en Galatie Valens fut
L’empereur Valens se disposait à se consterné des nouvelles qu’il recevait
rendre en Syrie ; déjà il était sur les de Constantinople, il osait à peine con-
frontières de la Bithynie, lorsqu’il ap- tinuer sa route, et était sur le point de
prit, par les relations de ses officiers, se dépouiller de ses vêtementsimpériaux
que les Goths étaient prêts à tomber comme d’un poids insupportable ; mais
sur les frontières des Thraces. Il or- il en fut empêché par ceux qui l’en-
sie, il fut arrêté que Procope serait Phrygie que l’on croit être la même que
déclaré empereur. Le nouveau préten- Midœum. Le fleuve Sangarius baigne
dant, maigre et décharné, et vêtu, faute cette place.
d’avoir, pu trouver un manteau impé- Lorsque les légions furent sur le
rial, d’une robe brodée d’or, dans le point d’en venir aux mains, Procope s'a-
goût de celles des officiers du palais, vança seul entre les deux armées, haran-
et portant une chaussure de pourpre, gua les troupes, et se présentant comme
livraüoH. (Asie Minbubb.)
386 L’UNIVERS.
légitime héritier de l’empire il rappela qui s’étaient vaillamment défendus^ et
aux soldats les serments qu’ils avaient nomma à un poste qui équivalait à celui
prêtés à leur souverain. Les troupes at- de préteur Uormisdas, descendant des
tendries par les discours de Procopc, rois d’Arménie, dont la famille avait
baissèrent leurs enseignes en signe de été amenée
à Constantinople. Procope,
soumission ,
se rangèrent de son enté, éblouipar cette victoire, perdait son
et le reconduisirent au camp au milieu temps a ranger sous son pouvoir des
des acclamations eu le nommant em- tetites villes d’Asie, pendant que Va-
pereur. fens, aidé des forces que lui avait ame-
Pendant séjour de Valens en Bi-
le. nées Lupicin, marcha sur Pessinunte,
thynie, le tribun Rumitalca , qui était qu’il fortifia sans délai contre toute at-
passé au parti de Procope, vint par mer taque imprévue. Il se disposait à mar-
à Drepanon , qui s’appelait alors flélé- cher sur la Lveie pour y attaquer Go-
nopolis, et de là s'empara de Nicée plus moaire ; mais les conseils de ses officiers
vite qu’on n’aurait osé l’espérer. le détournèrent de cette entreprise ils
:
Valens envoya Vadomaire, ancien roi agissaient incessamment sur l’esprit des
des Allemands pour faire le siège de cette partisans de Procope; Gomoaire lui-
place, et continua sa route vers Nico- même vint spontanément se réunir aux
médie. Il en sortit ensuite pour pousser troupes impériales.
avec vigueur le siège de Chalcédoine ; Valens, satisfait de ces renforts, passa
mais les assiégés résistaient vigoureu- en Phrygie pour attaquer Procope; la
sement. Valens, découragé et manquant bataille eut lieu aux environs de Na-
de vivres, se disposait à se retirer, lors- coleia.Le succès était encore incertain,
que ceux qui étaient dans Nicee, en lorsque le tribun Agilon passa avec ses
ouvrirent tout à coup les portes, détrui- troupes du côté de Valens. Toute es-
sirent la plus grande partie des ouvra- pérance de vaincre devenait illusoire :
ges, et .se hâtèrent, sous la conduite de Procope prit la fuite, et se cacha dans
Rumitalca, de prendre à dos et d’enve- les bois et dans lesmontagnes; il était
lopper Valens. L’empereur, prévenu à suivi de Florence et du tribun Barchalba.
temps, se sauva par le lac Sunoo (So- Sur la fin de la nuit, Procope, errant et
phon ) et les détours du fleuve Gallus ; découragé , fut saisi et garrotté par les
la Bithynie entière tomba au pouvoir gens de sa suite, et conduit , lorsque le
de Procope. jour fut venu, dans le camp de Valens,
Valens avait fui jusqu’à Ancyre; là qui lui fit trancher la tête.
il apprit que Lupicin arrivait de l’O- Les événemeuts qui mirent fin au
rient avec un corps considérable ; il en- formidable soulèvement d’une partie
voya Arinthée, habile général, pour ar- de l’Asie contre le pouvoir de Valens, se
rêter les ennemis. Cet ofQcier, parvenu terminèrent dans la contrée bornée au
à Dadastane, se trouva en présence nord par le cours du Sangarius, la
d’un corps commandé par Hypéréchius, villed’Eski cheher ouDoryléeà l’ouest,
qui jusque-là n’avait eu dans l’armée et Pessinunte à l’est. C’est dans cette
n’un poste subalterne. Arinthée dé- r^on que nous devrons rechercher les
aigna de combattre ce partisan , par- villes de Mideeum et de Nacoleia.
vint à le faire arrêter par ses propres Le pays désert et boisé où se sauva
soldats, qui le conduisirent garotté au Procope est le groupe montagneux où
camp d’Arinthée. nous avons retrouvé les tombeaux des
Pendant ce temps, Procope qui vou- rois de Phrygie; nous verrous si nous
lait s’étendre à l’occident, avait envoyé pouvons accorder la géographie mo-
un corps d’armée pour attaquer Cyzique, derne avec les faits historiques dont
qui tenait encore pour Valens. Les as- ce pays fut le théâtre. ,
Uigitizc -^.OO^lc
,
de Midas, dont Hercule punit les crimes par un pays accidenté , et en' ecoupé de l
(i) Athénée, lib. X, c. i. Suidas sub voce (i) Liv. VTI, 5o.
Alvepirnt- (i) Strabon, lib. XII, p. 5:7-
388 L’UNIVRRS.
dans la partie de la Phrygie à laquelle cachet particulier de la contrée. Cest
ils donuèreiit leur nom , les frontières en Phrygie que l’on aperçoit ces pre-
de cette grande province reculèrent vers miers travaux où l’homme primitif s’at-
le sud il’environ un degré, et ce qu’on taque à la montagne elle-même, pour
appela Phrygie Épictète se trouva être y creuser une demeure ou des tombeaux.
l’enclave comprise entre le cours du Les roches tendres des environs de Ku-
Sangarius au nord, la pointe sud de la tayiah furent très-propres à propager
Galatie à l’est, et le royaume de Lydie cet usage ; il en est de même des tufs
au couchant. Cette contrée, très-mon- volcaniques de la Phrygie centrale, qui
tagneuse, est aussi la plus boisée, et se présentent en grandes masses verti-
contenait un certain nombre de villes cales et homogènes, assez tendres |>our
qui n’ont pas complètement disparu. La être facilement attaquées par le ciseau.
chaîne qu’on appelle aujourd’hui Mou- Les premiers essais de ce genre remon-
rad dagh représente le mont Dindy- tent certainement à une antiquité très-
mène des anciens , sur lequel Cybéie reculée; néanmoins, au temps des chré-
avait un temple, et qui était surtout tiens, soit par suite des persécutions,
célèbre par une grotte que Pausanias soit à cause de la grande pauvreté du
appelle l’Antre de Steunos, et également peuple, on a la preuve qu’un grand
consacrée à cette déesse. Sur le versant nombre de familles ont vécu dans ces
septentrional de cette montagne se demeures souterraines, et y ont laissé des
trouve une grande plaine arrosée par le traces de leur cidte et de leurs sépultures.
fleuve Khyndacus, et qui n’est autre Quelques monuments de la haute anti-
que la contrée Aizanitis, dont la ca- quité, sculptés avec un art particulier
pitale était Aizani. Le cours du fleuve au pays, ont conservé des inscriptions
ipogele versant occidental de l’Olympe, en langue phrygienne, qui n’ont pas été
traverse une partie de la Bithynie, et parfaitement expliquées jusqu'à présent.
va se jeter dans la Propontidë en tra- On voit, néanmoins, que la langue des
versant le lac Apollonias. Sur le ver- Phrygiens sortait d’une même souche
sant septentrional du mont Uindymène que le grec.
était la ville de Cadi, aux sources de Le pays qui renferme le plus de mo-
l’Hermus, et dont le territoire, ra- nupients de ce genre s’étend du nord
vagé par les volcans, porte des traces au sud, depuis Cotvoeum , Kutayiah,
évidentes de nombreux tremblements jusqu’au .Méandre, sur une largeur d’en-
de terre. Ce sont ces phénomènes vol- viron dix lieues. Les grottes les plus
caniques qui ont fait donner à la con- curieuses se trouvent dans le territoire
trée le nom de Phrygie Brûlée. Cepen- de Nacoléia , 'près de Seid el Ghazi, et
dant, toute la contrée n’est pas com- occupent les flancs de plusieurs grandes
plètement volcanisée, et sur la rive vallées, aujourd’hui désertes et ombra-
gauche de l’Hermus on remarque des gées par de belles forêts de pins. C'est là
terrains de schiste noir qui donnent au que les habitants actuels établissent
sol un aspect encore plus désolé que les leurs demeures d’été, et construisent
volcans , puisque la végétation y est à des maisons qui sont en tout point .sem-
peu près nulle. blables à celles dont Vitruve (I) nous a
donné la description, et qui étaient com-
CHAPITRE VIII. munes en Asie. Après avoir couché
iarallclement deux arbres à terre, les
MONUMENTS FBIMITIFS. flabitants posent sur leurs extrémités
deux arbres égaux à l'espace qui sépare
Le versant oriental du mont Dindy- les premiers formant ainsi quatre cloi-
,
mène, près duquel étaient situées les sons dont les angles sont soutenus par
villes de Cotyœum et de Dorylée, est deux arbres verticaux. II remplissent
un terrain crétacé, complètement dé- les intervalles avec de la terre grasse;
pouillé de verdure. Aussi, les premiers la couverture se fait avec des pièces de
habitants ont-ils cherché à remplacer le bois posées horizontalement et paral-
bois qui leur manquait, par des cons-
tructions qui sont toujours restées le (i) Vitruve, lib. 11, cap. i.
ASIE MINEURE. 389
lèlemeut aux diagonales , formant ainsi blir leur demeure des tertres naturels.
une espèce de pyramide , qu’ils recou- Ne semble-t-il pas que ces habitudes
vrent avec des feuilles et de l’argile. se soient perpétuées dans l’antiquité, et
Au nord de la ville d’Ouschak, dans aient conduit les habitants à s’établir
le lieu nommé llesler kaïa si ,
qui dans les cônes naturels de la Cappadoce,
paraît correspondre à la position de l’an- qui seront l’objet d’une étude particu-
cienne Acmonia on voit un vaste cra-
,
lière ? Il y a encore beaucoup de villa-
tère, dont le fond est rempli par des ges qui ne sont pas construits avec plus
scories et des cendres, et dont les flancs d’art ; les maisons sont à moitié enfouies
intérieurs sont composés de tuf grisâtre, dans la terre ; mais les perches qui les
exactement semblable à celui de la recouvrent sont posées horizontalement,
campagne de Rome. I.a partie supé- et forment une espèce de terrasse faite
rieure du sol est recouverte d’une lave de terre battue.
violette contenant quelques cristaux de Le plateau central de la Phrygie s’é-
feldspath, et mélangée avec une pâte de lève à plus de douze cents métrés au-
cendres et de scories. Cette formation a dessus du niveau de la mer ; aussi, mal-
une hauteur de plus de trente mètres ; les gré sa latitude méridionale , l’oranger,
rocs du côté de la vallée pré.sentent une l’olivier et le figuier ne croissent-ils
surface absolument verticale, qui repose nulle part dans le pays. Strabon cite
sur une couche inférieure de cendres ag- un petite plaine (I) qui produisait des
;lomérées. C’est dans cetufquesonttail- oliviers; mais aujourd’hui on n’en
Îées certaines grottes, qui, à une époque trouve plus dans ces cantons. L’hiver y
reculée, ont dû servir d’habitations, car est quelquefois assez rigoureux, et on
on n’y trouve rien de ce qui est néces- voit la neige rester plusieurs semaines
saire pour les sépultures. Elles sont or- sur la terre.
dinairement composées de plusieurs La partie centrale du pays est occu-
pièces qui se communiquent entre elles, pée par un lac salé d’une grande éten-
et qui sont éclairées par des fenêtres. due, et que les anciens connaissaient
On voit aussi dans le voisinage des sous le nom de lac Tatta (2); ses eaux
chambres sépulcrales qui renferment sont tellement chargées de sel, que
des sarcophages. pendant l’été il se dépose sur les bords
Les montagnes du sud, qui dépendent sous la forme d’une croûte blanche. Il
de la Phrygie appelée plus tard Saiii- n’a pas une grande profondeur, car on
faris, et d'ans lesquelles se trouvaient remarque encore une chaussée cons-
les villesde Beudos, de Synnada et de truite sans doute au moyen âge et qui ,
les grandes plaines, à peine ondulées seaux qui arrosent la contrée car le ;
par quelques collines, qui forment la terrain , formant des ondulations irré-
Phrygie centrale, dont la ville princi- gulières, laisse épancher dans des di-
pale était Laodicée. Tout ce pays est rections différentes ses eaux, qui s’éva-
sans bois; aussi, dans l’antiquité, les porent pendant l’été.
Phrygiens avaient-ils l’habitude de creu-
ser leurs habitations dans de petits ter-
(i) Strabon, lili, XII, p. 577.
tres naturels , et d’y pratiquer des che- 568
(1) Strabon, lib. XII, p. .
390 LTJNTVERS.
CHAPITRE IX. tater ce fait avec plus de soin que je ne
l’eusse fait moi-même (1).
Après avoir franchi du sud au nord
SANGARIUS — SAKKARIA. branche méridionale du fleuve , mon
la
étonnement fut grand de me trouver
deux jours après sur la rive gauche
Ije ÿ'rand fleuve phrygien celui qui
, d'une grande rivière, q^ue les indigènes
dans son parcours réunit les eaux de nommaient encore SakKaria, c’est alors
tout le plateau de la grande Phrygie le , seulement que le mystère géograpiiique
.Saugarius. appelé aujourd'hui Sakkaria, me fut expliqué. Depuis ce temps plu-
est resté jusqu’à notre âge un des cours sieurs voyageurs ont fait connaître dans ,
d’eau les moins connus de l’Asie Mi- tout ses détails, le cours singulier de
neure. Dans l’ignorance ou l’on était ce fleuve qui reflète la conformation
de la constitution de ses nombreux exceptionnelle du pays.
affluents, la géographie historique ne .Strabon détermine d’une manière
pouvait faire un pas sans s’égarer; les assez exacte la position de la source du
villes anciennes placées dans le bassin
.Sangarius. « Entre Héraclée et Clialcé-
de ce fleuve restaient inconnues; nul doine coulent plusieurs fleuves, du
ne pouvait imaginer que le cours su- nombre desquels sont le Psillis, le Cal-
périeur se composât de trois branches pas et le Sangarius. Ce dernier prend
priucipales. l.es anciens géographes sa source dans un bourg nommé San-
avaient gardé le silence sur ce fait im- gla, à environ cent cinquante stades,
portant, et jiarmi les modernes, plus 27 kil. 70, de Pessinunte; il traverse la
d’un voyageur érudit avait longé le cours plus grande partie de la Phrygie ftpic-
du .Sangarius, sans se douter qu’il fût tète, et une partie de la Bifhynie, de
sur le bord d'une branche de ce fleuve. sorte qu’il n’est guère éloigné de Nico-
I.a géographie de cette partie de l’Asie
médie, de plus de trois cents stades,
Mineure restait dans une obscurité com- -âi kilomètre 50, à l’endroit où il reçoit
plète, que ni l’esprit judicieux de Dan- le Gallus (2), qui a sa source à Modra
lillc, ni lescombinaisons de Rennel ne dans la Phrygie Hellespontique. Le San-
pouvaient parvenir à dissiper le pre- :
garius devenu navigable borne la Bi-
mier faisait tomber dans un lac le cours tliynie vers la côte où il se décharge et
.supérieur on rivière d’Angora; le se- devant laquelle est l’île deThyuia(3). •
cond, au lieu de mettré la ville de Pes- Pline, qui parle plusieurs fois du .San-
sinunte dans la grande vallée près des garius ôl), ne dit jamais que ce fleuve
sources du fleuve , plaçait cette ville au est formé de plusieurs branches; il en
nord dans une vallée transversale. Le résulte ce fait, que, pour les anciens, le
colonel Leake, dérouté par les itiné- Sangarius n’avait qu une seule source
raires, plaçait Pessinunte sur la rive au bourg Sangia, et que les autres cours
uord du Sangarius, dans le voisinage de d’eau avaient des noms différents qu’ils
Bevbazar, et Gordium dans les régions n’ont pas mentionnés. Les modernes au
inférieures du plateau de Galatie. Voilà contraire, ne donnaient le nom de San-
où en étaient les connaissances géogra- garius qu’au cours d’eau stipérieur. Les
phiques de ces régions, lorsqu’on juin indigènes l’appellent en effet Sakkaria,
1834, je déterminai pour la première mais négligeaient la branche méridio-
fois l’identité de cette rivière avec le nale, qui est le vrai .Sangarius ; de la
Sangarius. Le résultat de ces oliserva- toutes les erreurs et les incertitudes des
tions fut d’abord la découverte de Pes- géographes.
sinunte, et l’explication d’une foule de Le Sangarius a porté différents noms
passages d'auteurs anciens qui jusqu’a-
lors étaient restés inintelligibles; eu un (i) Cari Kilter Erdkuiide, t. IX, p. 43o,
mot on pouvait dresser la carte de la 458-588. Haiiiilluii, Kescarrhes iu Asia Mi
Phrygie sur des bases toutes nouvelles. iior, I. I, 438.
I.e savant Cari Ritter, qui, dans ses ou- (ii 'Voyez page gt.
vrages, tient à rendre a chacun la justice (3) .Strabon, XII, 543.
qui lui e,st due, s’est attaché à cons- (4) Uv. V, 3a.
,
dans l’antiqnité’, les Grecs l'appelaient d’eau qui va se jeter dans le Sangarius
Sagaris ou Sangaris (1). Uésychius le il peut être identifié avec le fleuve Alan-
tagnes qui séparent les deux branches jaune qui, poli en quelques places par
principales de la Sakkaria (2). le pied des chevaux, présente les plus bel-
Sans pouvoir déterminer d’une ma- les couleurs ce calcaire forme des stra-
;
Sur le versant nord des montagnes de gheul, et on peut la suivre dans toute la
Bayat prend naissance un petit cours Phrygie Épictète jusqu’à Cadi ou Ghe-
diz a l’occident, et jusqu’au delà d'Eski-
cheher à l’est. Elle est cernée par les
(i) Plol., liv. V, ch. I. Arrieu de Ezp.
terrains volcaniques de la Catacécau-
Alex., liv. I.
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.'3'J4
’
L’UNIVERS. '
I.. M. •
.n. '
PHRYGIE ÉPICTÈTE.
-- -
n;-
ASIE MINEURE. 395
nunients par pur intérêt historique : il tospathaire était sans doute gouverneur
est probable que le tombeau du sou- de la province ;
Digilized by Google
SM LUinVERS.
Aucun vestige des monuments de Les femmes ne sortent que voilées;
l'ancienne Cotyoeum ne subsiste plus, ellesne mangent jamais avec les hom-
les pierres ont été employées pour élever mes, et ont leur appartement séparé, où
les édifices modernes: cependant, dans elles reçoivent leurs visites. Les famil-
les cimetières et les lieux abandonnés, les arméniennes catholiques n’ont pas
on trouve çà et là quelques pierres tu- un genre de vie différent. (Voy. PI. 46.)
inulairesdont le style se rapproche des
monuments d’Aiza'ni. CHAPITRE Xlll.
Au commencement de l’année 1833,
Kutayah ,
sortant tout à coup de son DE KUTAYAH A AIZANI.
obscurité séculaire, devint le point
de mire de toute la diplomatie euro- La ville d'Aizani occupe un des pla-
iéenne, et fit trembler sur son trône teaux les plus élevés de la Phrygle
fe sultan Mainhoud. Le fils de Mé- Epictète presque au point de partage
hémet-Ali, Ibrahim pacha, vainqueur des eaux qui se jettent , au nord dans
à Konieh des troupes du sultan avait la Propontide, et au sud dans le golfe
suivi sa marche triomphante jusqu'à de Smyrne, le Khyndacus d'une part
Kutayah; mais Ibrahim manqua à sa etl’Hermusde l’autre. Quand même le
fonune le jour où il fit halte dans cette baromètre ne viendrait pas apprendre à
ville. Il fallait qu’il vînt occuper les l’observateur qu’il se trouve a plus de
hauteurs de Broussa, qu'il fortifiât le mille mètres au-dessus du niveau de la
passage de Ak serai. A celte époque, le mer, la végétation du pays, la nature plus
secret de sa faiblesse n’était pas encore line et plus serrée ries graminées suf-
connu ; la Bussie n’eût pas osé l’atta- firaient pour le lui indiquer.
uer. I,es flottes réunies de France et La grande plaine qui s’étend à l’ouest
'Angleterre se tenaient prêtes aux de Kutayah est presque entièrement
Dardanelles, et le premier mouvement dépourvue de végétation ; cette région
des Russes aurait été le signal d’une sans bois s’étend sur la majeure partie
collision que tout le monde était d’ac- de la Phrygie et de l’Arménie, cette rir-
cord pour éviter. Ibrahim faisant halte constance est due sans doute à la haute
à Kutayah fut bientôt enlacé dans les altitude de ces plateaux.
filets de la diplomatie, qui elle-même La route de Kutayah à Aizani est
ne savait pas au juste ce qu’il fallait lui peu pittoresque, mais est des plus in-
demander. téressantes au point de vue géologique.
Ibrahim avait établi son camp à deux En sortant de Kutayah on se dirige au
lieues de la ville, dans le voisinage de sud-ouest en contournant la montagne
sources thermales ; à côté du camp s’était du château ; on franchit trois crêtes peu
formé le quartier des diplomates, qui élevées, et l’on traverse autant de plaines
venaient aussi prendre des bains. Ibra- qui paraissent avoir été autant de bas-
him donnait déjà des ordres dans toute sins lacustres, tandis que les monta-
l’Asie pour commencer des réformes gnes sont composées de roches d’une
urgentes; mais bientôt, obligé de battre nature schisteuse, formées de lames ei-
en retraite, il se retira avec son armée trêmement minces, suivant des ondula-
sur Konieh , et la diplomatie crut avoir tions variées, et roulées sur elles-mêmes
triomphé parce qu’elle avait prolongé comme les feuillets d’un livre. La rwhe
le chaos dans ce malheureux pays. contient de nombreux noyaux ovoïdes
La population de Kutayah dépasse de chalcédoine grossière; la marne
uinze mille âmes: les deux tiers sont crayeuse et le calcaire d’eau douce oc-
e la religion musulmane, l’autre tiers cupent l’étendue de tous les bassins.
est composé de chrétiens, arméniens ou On a encore une montagne à franchir
grecs. avant d’arriver au plateau d’Aizani;
Les premiers sont en possession de elle est composée de roches talqueuses
tout le grand commerce; leur vie res- qui donnent au terrain une couleurverte
semble en tout point à celle des Turcs ; et chatoyante; de nombreux rognons
les seuls ameublements de leurs maisons de jaspe sont répandus dans cette roche
se composent de divans et de coussins. C’est la dernière formation primordialf
' d by Coogh
,
dite éocène qu'on rencontre avant d'ar- probable, que pour rassembler ici le
river à Aizani; on retrouve ensuite le petit nombre de documents que nous
calcaire lacustre , dont les roches ont ont laissés les auteurs anciens. « Les
servi à la construction de certains mo- habitants d'Azanion.dit Hermogène (1),
numents d’Aizani. ayant vu leurs prairies inondées et frap-
Le plateau de Tchafder est bien cul- pMS de stérilité , et souRrant de la di-
tivé ; il produit surtout de l’orge : voilà sette , s’assemblèrent pour sacrifier aux
ourquoi les Turcs ont donné à la mo- dieux , qui restèrent sourds à leurs
erne Aizani le nom de Tchafder his- prières. Euphorbe, de son cdté, sacrifia
sar, le château de l’orge. Ce territoire aux génies un renard ( ouanos ) et un
est possédé par six villages placés à peu hérisson {exis), et il les apaisa si
près à égale distance les uns des autres ; bien , que la terre recommença à pro-
uatre sur la rive droite du Rhyn- duire des grains et des fruits en abon-
acus , qui traverse cette plaine du sud dance. Les habitants , en reconnais-
au nord ; ce sont les villages de Aoucher, sance de ce fait , choisirent Euphorbe
Hadji Méhémet keui
,
et Hadji keui ;
, pour leur prêtre et pour leur chef, et ce
Tchafder hissar à cheval sur le fleuve, fut à celte occasion que la ville prit le
et sur la rive gauche Sofou keui. nom d'Extianum, qui veut dire héris-
son-renard. Il semble que le mot Aza-
CHAPITRE XIV. nion soit venu de ce nom. »
D’après un passage de Pausanias, il
AIZA.NI. semblerait que les Azaniens de Phrygie
fussent originaires de l’Arcadie (2) ; ce
En citant Aizani parmi les prin- ui concorde encore avec toutes les tra-
cipales places de la Phrygie Épictète, itions, qui font peupler ces contrées
Strabon (I) ne donne aucun détail sur par des étrangers venus d’Europe ;
la position ni sur l'histoire de cette « Areas, dit-il, eut trois fils, Azan,
cité,
et les itinéraires anciens en indi- Aphidas et Élatus, qui se partagèrent le
quaient à peine la situation. Cependant, royaume de leur père. La part qui échut
la villedes Aizaniens est comprise dans au premier reçut le nom d’Azanée, d’où
les évêchés de la Phrygie Pacatienne au l’on dit que soVtirent parla suite les co-
cinquième concile de Constantinople. lons qui allèrent s'établir en Phrygie
Mais jusqu’à ces dernières années elle rès de l’antre appelé Steunos et du
Alt complètement oubliée par les his- euve Pencala. » Pausanias ajoute (3) :
toriens, les géographes et les antiquaires; « Ces Phrygiens, qui habitent les bords
on la rangeait parmi ces stations de peu du fleuve Peucella (sic), et qui sont
d'importance qui avaient complètement originaires d’Azanée, montrent la grotte
disparu de la surface du sol. Les vova- appelée Steunos, qui est circulaire et
geurs modernes qui avaient traversé la d’une grande hauteur. Ils en ont fait
Phrygie n’avaient recueilli aucun ren- un temple de la mère des dieux où la
seignement sur cette ville , dont les déesse a sa statue. »
ruines auraient une célébrité égale à La ville d’Aizani était la métropole
Mlle des plus beaux monuments anti- d’une contrée que l’on appelait Aizani-
ques, si elles étaient dans un pays plus tide. Quant au fleuve Peucella, il n’est
accessible et plus souvent visité. point connu, et tout porte à croire que
Hérodien. cité par Étienne de By- c’était le nom d’un affluent supérieur
zance (3), affirme qu’Aizani fut fondée du Rhyndacus. Les médailles les plus
par Aizen , fils de Tantale, et appelé communes de la ville d’Aizani portent
Azanoï, et par quelques autres, Azanion. la tête de Jupiter, coiffé du modius , et
Le même géographe rapporte une his- au revers un aigle les ailes étendues,
toire puérile recueillie par Hermogène, avec cette exergue lEPA BOVAH AIZA-
:
398 . -t
LTJNIVERS.
’Aïavoi dans le texte de Strabou, avait Il est à remarquer que cette ville,
fait penser au savant Mannert que ces dont l’étendue a uû être considérable,
médailles étaient fausses; mais la décou- et qui conserve tant de splendides ves-
verte des inscriptions et d'un grand tiges n’a gardé aucune trace de son sys-
nombre de médailles impériales rap- tème de défense ; on ne voit pas le
portées par différents voyageurs prouv e moindre débris de murailles ni de dis-
que l’orthographe du texte grec est position qui puisse ressembler à une
fautive. LesGrecs écrivent aiz/inoi (t). acropole. Mais l'usage de clore les vil-
et les I..atins ÆZAm. Nous avons adopté les était si général et en même temps
l’orthographe grecque. si important dans l’antiquité, qtt’on ne
Après avoir franchi les collines au saurait croire qu’une place qui a été le
pied desquelles est assise la ville deRu- centre d’une grande association reli-
tayah, on arrive sur un plateau qui est gieu.se , et qui certainement renfermait
le point culminant de cette partie de des ricliesses considérables en offran-
l’Asie Mineure, et qui d'après les ob- ,
des et en dépôts soit restée ouverte
,
servations barométriques (2) , est à aux incursions des bandits qui descen-
1085 mètres au-dessus du niveau de la daient de temps à autre dans les villes
mer. Une chaîne de montagnes court de Phrygie, et dont les chefs résidaient
de l’est à l’ouest dans la partie méri- danc lés châteaux de l’Olympe Mysieu,
dionale du plateau : c’est le Mourad où ils commandaient plusieurs villages.
dagh, autrefois le mont Dindyniène, C’est une remarque que l’on a fréquem-
dont lesdeux versants donnent naissance ment occasion de faire, da ns les ruines
à des fleuves qui vont arroser de vaste.s des cités antiques : quelquefois les mu-
bassins. Au sud coule l’Hermus, et au railles seules subsistent encore, comme
nord le Rhvndacus, qui traverse la ville à Antioche, Halicarnasse,Érythræ ,etc.,
d’Aizani. C'est dans les vallées supérieu- d’autres fois , les monuments les plus
res du mont Dindymène qu’il faudrait délicats ont traversé les siècles, et les
chercher cette grotte de Steunos , dont murailles ont disparu complètement.
il serait possible de retrouver les traces.
La destruction des remparts d’Aizani
Le plateau d’Aizani est composé d’un est un fait d’autant plus singulier, qu’il
sol crayeux, recouvert par une couche n’y a dans le voisinage aucune ville,
épaisse de terre végétale qui produit en aucun village important qui ait pu s’ap-
abondance toutes sortes de grains. roprier ses débris , et il n’est pas pro-
L’édiQce qui attire d’abord les regards able qu’il en ait été transporté à Ru-
est un temple de marbre blanc qui tayah, située à vingt-sept milles de là.
s’élève sur une vaste terrasse, et qui, Si l’on enjugeparles monuments qui
de constructions ,
ni de débris de mu- dins, d’exèdres et de statues , qui se
railles. Deux ponts de marbre tra- trouvent mentionnés à chaque instant
versent le fleuve ; ont cinq arches à
ils dans les descriptions de Pausanias. Le
plein cintre. La richesse des parapets qui temple lui-même, Aaos, était entouré
longent les quais n’a point d’égale dans d’un portique, Sfoa, généralement ou-
une autre ville antique; chaque pierre vert sur le Téménos, et qui séparait ce
porte des sculptures représentant , soit dernier emplacement de l'Area propre-
des faunes et des mascarons, soit des ment dite, où se faisaient les sacrifices.
chasses d’animaux sauvages. Lethéâtre, C’est au milieu de cette place que s’éle-
qui se trouve dans la partie septentrio- vait l’édifice sacré, iSaos, Sêeos, dont
nale de la ville, quoique d'une conser- l’entrée n’était permise qu’aux initiés et
vation remarquable , est loin cepen- aux prêtres. Le temple était lui-même
dant d’être un des plus beaux de l’Asie entouré de portiques, Peribolos, qui,
Mineure; la partie moyenne de l’hip- suivant le caractère du temple, étaient
podrome était ornée de deux Puleinar, plus ou moins larges. Cette disposition
ou pavillons destinés aux personnes de des grands édifices religieux n'est pas
distinction. Les gradins étaient de seulement pariiculière aux Romains et
marbre blanc, et les deux extrémités du aux Grecs ; on la retrouve dans les
stade étaient carrées. grandes pagodes de l’iiide dans les,
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400 L’UNIVERS.
dans certains temples périptères, est deux colonnes, et l’arrachement du
placé au fond de la Cella. La largeur du mur de refend donne la distance exacte
soubassement comprend le Naos et le entre l’extrémité de l’ante de la porte.
portique. Il reste aujourd’hui sur la Malheureusement, toute cette partie de
race occidentale six colonnes debout, l’édifice est ruinée, etil n’a pas été pos-
quatre faces , comme' il arrive au Par- surde des habitants ne les eût poussés
tliénon et à la plupart des autres tem- àdétruire cet édifice; les colonnes, étant
plus grecs périptères. On sait que cette d’une seule pièce de marbre blanc,
sorte de temple était rare en Italie , et étaient regardées par eux comme de la
du temps de Vitruve il n’en existait pierre fondue , et , pour le plus grand
point à Rome; l’invention du genre est malheur de l'éidifice; on croyait qu’elles
attribuée à Hermogène d’Alabande son : étaient pleines d’or. Pendant longtemps
but était de donner plus de largeur le vieux temple fut attaqué parles moyens
sous le portique pour les processions ordinaires , la pioche et le marteau ;
qui se faisaient autour de la Cella. rien ne transpirait des richesses qu’il
La Cella est assez bien conservée devait contenir, losqu’un Turc eut la
pour qu’on en retrouve toutes les dis- fatale idée de le démolir d’un seul coup.
positions particulières. Tout le mur Pendant bien des jours , les habitants
septentrional est intact , une partie du furent occupés à charrier du bois des
mur méridional et tout le Posticum. montagnes environnantes ; on en rem-
On voit, en examinant le mur du Pro- plit la Cella ; on entoura de fagots les
naos, que la Cella se terminait pardeux colonnes du portique, et l’on mit le feu
antes , entre lesquelles étaient placées à cette masse accumulée. Le marbre ne
ASIE MINEURE. 401
porté à croire que cet événement eut portions des temples grecs , elle est
lieu vers le commencement du dernier décorée d’un cavet et' d’uu quart de
siede. Du reste, la trace d’un feu vio- rond, et chacune des faces porte à sa
lent est restée empreinte sur l’iutérieur partie supérieure un rang de perles. La
des murs de la Cella , et prouve que frise, qui est d’un caractère particulier,
l'édifice n’a péri qu’à la suite d’uu in- est ornée de grandes consoles en forme
cendie. Il manque au temple, aujour- de volutes, soutenues par des feuilles
d’hui, trente et une colonnes ; les deux d’acanthe. Cet ajustement a tout à fait
qui étaient à l’angle sud-ouest gisent le caractère ionique et produit un
au pied de l’édifice ; deux autres qui très-bel effet. Pour ceux qui doute-
manquent à la face septentrionale se raient que le fragment trouvé près de
retrouvent également en avant du por- l’escalier appartint bien à la frise du
tique; mais des vingt-sept autres on n’en temple, il y a uuc preuve convaincante :
voit pas de vestiges. Or, ces colonnes, c’est que la distance d’axe en axe entre
étant d’une seule pièce , n’ont pu évi- les volutes est de 0"'C3-t, et que cette
demment être anéanties que par le feu. distance correspond positivement à la
D'après l’état actuel des ruines du tem- distance d’axe en axe de six des den-
ple d’Aizani
,
il est à croire cependant ticules de la corniche; d’où il suit que
qu’il n’était pas parfaitement complet chaque volute porte un denticule et se
loisqu’il a été incendié, car rien n^ex- trouve d’aplomb au-dessous d’un modil-
pliqueraitla chute de la corniche et de lon. L’intervalle entre chaque volute
la frise des faces du nord et du couchant. est orné de fleurons variés et se trouve
Aujourd’hui, les colonnes sont seule- également à l'aplomb de l’autre mo-
ment couronnées par l’architrave, et il dillon. Le même ajustement se retrouve
ne reste en place aucun morceau de dans l’architrave, l’axe d’un ove est à
frise et de corniche. J’ai la conviction l’aplomb de chaque volute.
que des fouilles opérées au pied de l’édi- La base de la colone est d’ordre io-
lice mettraient à découvert de nom- nique elle porte deux scoties séparées
:
breux fragments de sculpture. Tout le par un double filet et un gros tore dont
fronton occidental est probablement la courbure n’est point un arc de cercle
enseveli sous le sol voisin. comme aux bases romaines , mais une
,
I.e temple est d’ordre ionique, le courbe dont la rentrée est beaucoup
lût de la colonue est composé d’une plus forte en bas qu’en haut. La formede
seule pièce de. marbre de 8“520 de cette courbure est sans doute motivée
longueur; mais en
y comprenant la sur ce que la perspective déforme les
36< Livraison. (Asi« Minedbk.) r. ii. 2«
,
402 L’UJVIVERfî.
courbes engendrées par un arcde cercle. nom de l’empereur sout effacées, mais
On voit quelques colonnes couchées il résulte de l’inscription grecque que ,
dans l’esplanade qui entoure l’édifice ; c’est bien l’empereur qui écrit à Quiétus.
elles appartenaient au péribole, et
Copie d’une lettre d'Hadrien à Uuiétus.
avaient S"'440 de longueur sur O^OSO S’il ne parait pat que le champ dédié par les
de diamètre; elles avaient 24 canne- rois à Jupiter A.izaiiien toit divisé en autant de
lures, qui étaient remplies par un fuseau parcelles qu’on appelle cléros, il vaut mieux
observer, ainsi que tu le penses toi-méme, ce
cylindrique jusqu’à l°'84 au-dessus de qui se passe dans les villes voisines ; et si Met-
la base. Les colonnes étaient d’ordre Uus Modeslus en ordonnant qu’un impét fût
corinthien; elles formaient un portique levé sur ces parcelles, a déterminé quels élaient
les champs divisés en cléros. Il est juste qu'à
qui entourait le temple de toutes parts partir de ce temps ils payent l’Impôt. 11 a donc
ét fermaient l’espace que les anciens été ré||lé depuis ce temps qu’il iallait payer
appelaient Area. C’était une cour dans l’impôt ; mais si t’on cherche des retards...,.
laquelle se faisaient ordinairement les
Il est probable que l’expression dédié
sacrifices et les processions. Dans l’état
de ruine où il se trouve , le temple d’Ai-
par les rois, « dicatus à regibus, » dé-
signe les rois de Pergame, car les em-
zani est encore d’un grand intérêt, car
pereurs romains ^nt désignés dans ces
on sait combien les édifices d’ordre ioni-
inscriptions par les mots Imperatores
que sont rares dans toutes les contrées.
Il reste à déterminer l’époque à la-
Ou AÙTOXpdTOOEÇ (1).
quelle cc temple fut construit et la 4i-
Quiétus, au reçu de cette lettre, écrit
vinité à laquelle il fut dédié, question
au sénat et au peuple d'Aizani pour
faire connaître la uécision de l’empereur
facilement éclaircie par la lecture des
huit inscriptions grecques et latines
qui ordonne qu'un nouveau cadastre de
la contrée soit fait par un corps de géo-
tracées sur cette portion du mur de la
Cella que le temps a respectée. L’élé-
mètres et d’après lequel on déterminera
la cote de l^impôt des Cléri. C’est le
gance des colonnes , la légèreté de la
sujet de la seconde inscription, qui est
structure, donneraient à croire qu’il a
placée à l’extérieur du temple. Quiétus
été dédié à quelque divinité féminine
si les inscriptions n’étaient là pour at-
anuouce aux archontes qu’il a envoyé
tester qu’il fut élevé au plus sévère des
à Hespérus une copie de cette lettre.
dieux, à Jupiter Panhellenien, et tout le Avidius Ouiétua aux archontes au séoat et ,
•
/» - , .1 .' < <:
ASIK MI^EURE. 403
tsrd des effets de la sagesse de l’empereur .... encore le privilège d’avoir sa statue et
rai eijvoyé h Hes^rus une copie decette lettre.
son portrait ( ’AvSpidvToj xat Eîxdvoç ) ex-
Portes-vous bien.
posés dans Athènes et dans le lieu qu’il
ehoisirait Ces inscriptions se compo-
La seconde inscription latine est la
sent d’une déclaration de l'archonte
copie d’une lettre de Quiétus à IJespé-
par laquelle celui-ci est chargé de
Jason, d’une lettre écrite aux archontes
itis.
d’.Aizani, par !Nummius Menés, au nom
rendre compte de l’état des Cléri dans
le territoire sacré :
de l'aréopage , d’une autre lettre de
Titus, archonte des Panhelléniens, et
Copie d*uoe lettre de Qaiétos à H^pêrns. enfin d’une lettre de l’empereur Hadrien
Ayant appris que lamesuredes Cléros D*étalt
pas éf»i)e , et notre divin empereur ayant or-
lui-même, qui atteste les vertus d’Eu-
donné, diaprés sa consÜluUon, qu'il u’y eût ryclès. Ces inscriptions sont placées à
ni plus grande ni plus petite mesure dan» cette côté de celles que nous avons citées plus
région, qui est due dédiée a Jupiter Aizaoien,
va, mon cher Uespérus, informe-toi quelle e»t
haut, sur le nandeau du mur de la
la plus grande et la plus petite mesure dans Cella. INous ferons remarquer en pas-
cetie même région , et fais«le-moi connaître. sant que cette disposition architecturale
paraît être faite pour recevoir le-s actes
La troisième inscription latine est la de l’autorité publique. La traductiou
copie de la réponse d’Hespérus à Quié- grecque du testament d’Auguste à An-
tus, par laquelle le premier fait con- cyre est également placée eu cet endroit
naître les mesures qu’il a prises pour
d'ans l’Augusteum.
se rendre compte de l’état du territoire.
Le temple d’Aizani ne présente aucun
Otte inscription est malheureusement document qui fixe positivement l’époque
incomplète :
de sa construction, quoique les inscrip-
Copie d’une lettre de Quiétus a Hesperus. tions de ses murs soient toutes romaines
Ortaines affaires. Seigneur, ne peuvent être et du milieu du deuxième siècle de Jé-
unenées a leur fin que lorsque leur valeur a
sus-Christ; il y a encore dans son ar-
de fixée par la pratique, ('«inme vous m'aviei
rDiuinl de vous faire connaître la mesure des chitecture trop de reflet de l’art grec
Cleros dans le pays d’AUani, J’ai envoyé à ce pour croire que ce monument ne date
titjet des géométrea...
que de cette époque.
Les vastes constructions du péribole,
La plupart des inscriptions décou-
les ponts de marbre, l’eueaissement du
vertes dans les ruines d’Aizani ne font
Rhyndacus , tous ces travaux , dans
mention que du dieu Jupiter. Il n'est
lesquels l’art et l’utilité se prêtent un
pas probable que ia ville n’ait contenu
mutuel concours, exécutés d’un .seul
qu’un seul temple , mais tous les outres
jet et d’après une pensée unique, ne
se sont effacés devant la majesté de
paraissent pas devoir être attribués aux
cet édifice , et leurs vestiges inmnes ont
Romains, qui n’ont jamais eu de grands
disparu.
intérêts dans cette partie de la Phrygie.
Il existe près du fleuve Rbyndacus
une stèle sépulcrale qui était probable-
En effet, lorsque la bataille de Mâgiie-
sie eut fait tomber l’empire de l’Asie
ment dans le péribole du temple et qui
entre les mains des Romains, le terri-
était consacrée à un certain Ménophiie,
toire de la Phrygie était déjà fondu dans
prêtre de Jupiter.
les autres petits royaumes. Mais lorsque
Le séual et le peuple ont honoré Ménophiie les rois Attales s’emparèrent de (xdte
Hlsde Nicostrate, prêtre de Jupiter pour la rovince, l’adjonction de ce territoire
dixième fols , lequel s'est rendu utile à sa pa-
irie.
la monarchie de Pergame était pour
»(
26 .
404 ltjnivkes.
CHAPITRK XVI. milieu de ces tombeaux sont aussi des
autels funèbres décorés de sculptures
LKS PONTS BT LA VOIE DES TOH- plus ou moins riches, et qui étaient
BEAOX. sans doute destinés à porter des statues.
D’autres inscriptions tumulaircs se
Tousles monuments importants de trouvent en grand nombre, soit dans le
d’Aizani sont situés sur la rive
la ville cimetière turc, soit dans les champs
gauche du fleuve ; cependant, on trouve qui environnent le fleuve; elles ont
des restes assez nombreux pour être toutes été publiées (f ).
convaincu que la cité occupait les deux Le Théatbe. —
Il est situé dans la
du Rhyndacus; aussi pour com-
rives ,
partie méridionale de la ville , en partie
muniquer d’un quartier à l’autre, avait- creusé dans une colline et faisant face
on construit deux ponts de marbre au sud-sud-ouest; son grand diamètre
blanc ,
qui servent encore à la circula- est de 56 mètres, et la courbe de la
tion. Dans l’intérieur de la ville, le cavea forme plus d’un demi-cercle. Le
fleuve était encaissé entre deux quais mur qui contient les gradins est de
de solide maçonnerie, dont les parapets, marbre blanc, et forme avec la face de
comme nous l’avons dit , étaient en la scène un angle de six degrés et demi.
marbre blanc et sculpté. De l’autre côté On sait que les théâtres d’Asie diffèrent,
de la voie étaient placés des tombeaux dans leur construction, de ceux d’ Eu-
dont le caractère est particulier à la rope, eu cela que le mur de la cavea
Phrygie, qui trouvent leurs analo- est parallèle à la scène dans les théâ-
gues dans les grands monuments taillés tres latins. On ne trouve que deux
dans le roc , et qu’on suppose dater des exemples de cette dernière construction
monarques phrygiens. Les deux ponts en Asie ce sont le théâtre de Nicée et
;
sont construits sur le même plan; ils celui d’Aspendus. Les théâtres cons-
ont cinq arches de largeur inégale ; celle truits d’après le système grec sont néan-
du milieu a 6“ 50, les deux arches de moins presque tous postérieurs à la con-
culée 5“ 15; mais les terres de la rive quête romaine , et il en est bien peu qui
ont presque entièrement comblé ces soient antérieurs à l’époque d’Alexandre.
dernières, qui forment aujourd’hui des La salle nu cavea du théâtre d’Aizani
espèces de caves ; de plus , les barrages est assez bien conservée dans sa partie
établis sur le Rhyndacus ont exhaussé inférieure. Il y a seize rangs de gradins,
le cours de l’eau , qui monte jusqu’au- tous de marbre, dans la première pré-
dessus des impostes, et ne permet que cinction ; mais tout ce qui appartient a
difficilement de prendre ces relève- la précinction supérieure est complète-
ments. La largeur du pont est de 4“ 10, ment détruit.
et il reste de chaque côté 0" 70 pour Les gradins de la précinction supé-
l’épaisseur des parapets. Ou voit sur rieure s’avançaient jusqu’au droit du
l’extrados des voûtes, qui forme le seul parement des cellules, et le podium
dallage de ce pont , des traces de roues formait alors une sorte d’architrave. Le
de chars , qui datent certainement de rayon de l’orchestre, relevé avec le plus
l’antiquité , car les Aizaniens d’aujour- grand soin, nous a donné une longueur
d’hui ne font point usage de voitures. de 20® 480 ; et la largeur totale du théâ-
Les tombeaux aizaniens représen- tre est de 103® 52. Aux deux extrémi-
tent généralement un ædicule qui a tés du demi-ccrcle , il y avait deux
dans Te centre une porte à deux van- portes qui conduisaient de plain-pied eu
taux fermée par un cadenas. Il semble dehors de l’édifice, et qui correspon-
que ee soit la porte du séjour des daient à un escalier des cunei, partie
morts qui s’est à tout jamais refermée de gradins comprise entre deux esca-
sur le défunt. La partie supérieure de liers. Tout ce qui est relatif au jeu de la
ces ædiculcs est ordinairement compo- scène est assez bien conservé pour ex-
sée d’une espèce de fronton qui donne citer vivement l’attention d’un homme
à la silhouette du monument une res-
semblance frappante avec ces curieuses (i) f'ovi'Z Descr. île l'.-ls. Min., t. 1" i lo
sculptures de la vallée de Nacoleia. Au (-1 siiiv.
,
qui n'a vu que les théâtres de l’Europe; pagne, comme l’ont souvent dit dis
on peut excepter celui de Pompéi ; mais voyageurs et des antiquaires. Il semble-
la scène, il taut le dire, est bien rui- rait que le théâtre lies anciens ne se
née, si l’on compare cet édifice aux au- composât que de sièges pour les specta-
tres du même genre en Karamanie. La teurs, devant lesquels les acteurs ve-
partie de l'édifice consacrée aux jeux a naient réciter leurs pièces tout cela
,
peu d’importance ; elle est complètement en plein air, avec les distractions du
détachée du corps du théâtre. Le mur dehors, et exposé aux intempéries des
du proscenium est bâti en grands blocs vents et de la pluie. La salle de spec-
de pierres calcaires, et il était revêtu de tacle ,chez les anciens était au con-
,
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406 L’UNIVERS.
cades. Tout cela est maintenant telle- exposées, aussi la ville des Kédiz n’esl-
ment couvert par les décombres que ,
ellc intéressante qu’au point de vue de
nous n’avons pas jugé le plan que nous la géographie comparée.
en avons tracé assez complet et assez Laroute d’Aizani à Kédiz, tronçon de
satisfaisant pour le publier. Le stade , la grande route de Kutayah à Smyrne
dans son état actuel, offre une particu- est encore suivie par les caravanes, et
larité remarquable ; car, aux extrémités, Tchafdcr hissar est un lieu de halte.
on ne voit aucun vestige de construc- La roule de Kédiz suit la direction
tions, comme dans quelques hippo- du sud-ouest; on remonte pendant
dromes d’Italie. Depuis le pavillon jus- quelques kilomètres la rive droite du
qu’au théâtre , le stade a 98 mètres ; la Rhyndacus, en franchissant les collines
largeur du pulvinar est de 26™ 30, et calcaires qui forment le plateau deTchaf-
de l’autre part le stade se prolonge en- der, le pays prend un caractère plus
core dans une longueur de 98 mètres, agreste , ôn commence à rencontrer
ce qui lui donne pour longueur totale quelques clairières, et bientôt après une
221“ So. La largeur totale du stade est forêt de pins et de chênes verts; tout ce
de 46“ 40, et celle des pavillons de terrain appartient encore à la formation
18“ 32. Il avait départ et d’autre dix calcaire, mais les rochers ont un aspect
rangs de gradins , ce qui donne de la schisteux. Près du village de Sousouse
place pour 12,760 spectateurs en comp- (sans eau), la craie renferme de nom-
tant 0“ .60 par place. Il m’a été impos- breux rognons de silex recouverts d’une
sible de m’assurer si le milieu de l’a- croûte jaunâtre; ils sont abondants et
rène était séparé par une épine. On ne diposés par lits comme dans les falaises
trouve non plus aucune trace des metæ, de Normandie ; entraînés par les eaux,
ou bornes extrêmes. Tout porte a ils forment la majeure partie des cail-
croire cependant que cet édifice a servi loux dans lelitdestorrehs La vallée qui
pour des courses de chevaux et même donne naissance au Rhyndacus est de
de chars, comme tous les autres hip- schiste terreux gris, de la consistance du
podromes. trapp ; à droite et à gauche sont des es-
carpements couverts de pins, et d’où sor-
tent un grand nombre de sources c’est
CHAPITRE XVm. là que le ruisseau commence à prendre
,
existe encore daus quelque esuarpeiuent La ville est dominée par une monta-
de la montagne. gne volcanique et pointue sur laquelle
Apres avoir passé la ligue de par- un château, et plus aucienne-
était jadis
tage des eaux , ou commence à descen- ment saus doute l’acropole de CadI:
dre; au milieu de la forêt, une grande les habitants appellent cet endroit Raie
vallée venant de l'est est arrosée par un lechâteau. Qu voit quelques traces d’es-
faible ruisseau qui deviendra l’Hcrmus. dans le roc ; cette situation
caliers taillés
La nature du terrain change pour ressemble a celle de Cotyæum.
ainsi dire en même temps que la direc- Cadi est du nombre des villes qui fu-
tion des eaux ; on a laissé derrière soi rent peuplées par les colonies mAjédo-
les terrains calcaires, et l’on entre dans niennes. Pline (1) nomme les Macédo-
la région volcanique. Le pays qui se dé- niens Cadueni, c’est-à-dire habitants de
ronle aux regards appartient à la Phry- Cadi; sous les princes byzantins Cadi
gie catacécaumèue ; la forme des mon- fut épiscopale , Philippe son évêque
tagnes change en même tempe que la souscrivit au coucile quinosexte.
nature du terrain. Le pont sur TUermus en amont de la
La route contourne un grand cène ville passe chez les habitants pour une
volcanique dont les laves basaltiques construction très-antique ; mais c’est un
très-duree ont une cassure vitreuse et ouvrage du moyeu-âge avec un arc en
brillante; on ne reconnaît pas de coulée ogive. On a encastré dans le parement
de laves bien tranchée, mais le chemin des assises deux statues saus tete, l’une
passe au milieu de blocs dont la di- de femme vêtue de la stola , l’autre de
mension varie depuis -un mètre cube personnage consulaire.
{usqu’à trente mètres. Vn peu plus bas Le territoire cultivé est au-dessous
on reconnaît une véritable coulée dont de la ville dans la vallée de l’Hermus
on suit la direction jusqu’au bas de la ni s’élargit subitement et est couverte
OMotagne, là on retrouve l’argilo et le ’une abondante végétation; le fleuve
terrain calcaire qui existaient avant l’é- n’a pas en aval de la ville, plus de vingt
niptioa volcanique. , mètres de largeur, on le passe sur un
De ce point jusqu’au Kédiz, ce n’est pont d’une seule arche pour suivre la
qu’un chaos de monticules argileux et route de Smyme. Vue de ce pont, la
volcaniques. L’Hermus reçoit à son ville présente un aspect singulier ; elle
passage dans la ville le nom de Kédia est dominée à droite par deux hauts
tcfaaî, qu’il conserve dans tout son par- rochers qui surplombent et qui sont
cours. réunis par un édilice à arcades. Le mi-
Les montagnes sont noires et les naret de la mosquée se dessine sur le
maisons de Kédiz sont bâties d’argile ciel, et toutes les maisons basses et uni-
noirâtre et couvertes en terrasses; à formes se groupent sur les deux pentes.
peine peut-on, du haut de la montagne, Mais dans tout ce tableau il u’y a pas
faire une distinction entre les maisons un seul arbre : c’est bien vraiment l’en-
408 L’UNIVERS.
taie des Mysiens Ahbaïtes. Strabon(l) criptions grecques sont encastrées dans
la désigne comme une petite ville voi- les murs de la mosquée et des maisons
sine de Blaundussur les frontière de la du village, mais on n'observe aucun
Lydie. Elle est comprise par Hiéroclès vestige de monument. Synnaus ne doit
parmi les évêchés de la Phrygie Paca- donc plus être noté que comme point
tienne. I.a position de cette ville a été géographique; mais la connaissance de
déterminée par M. Hamilton (2) près cette position est importante, en ce
du village de Kilissé keui , à trois lieues qu’elle complète la connaissance de.s
au nord-ouest et près du lac qui donne villes anciennes de la Phrygie Épictète.
naissance au Simaul sou, sur une colline
voisine de l'extrémité sud-ouest du lac. CHAPITRE XX.
Cette colline est en partie entourée de
marais qui en rendent les abords diffi- TILLES A l’ouest DU THYMBBIUS.
ciles. Prés d’une fontaine située au pied DOBYLOEUU. —
ESKI CHEHEB. '
doute à cause des ruines qu’ils y trou s’opposer à l’ennemi , dont la cavalerie
vèrent. montait à cent cinquante mille hommes.
Les notices ecclésiastiques donnent à Après avoir éprouvé de grandes pertes
Dorj'lée le titre de ville épiscopale sous les Croisés virent arriver à leur secours
la métropole de Syiiuada, et mention- la réserve, qui était restée au camp,
nent Eusèbe évêque, et Athénodore qui l’ennemi fut alors rais en fuite, leur
souscrivit au concile de Nicée. camp tomba au pouvoir de Godefroid,
Sur carte de Peutinger, Dorylée est
la et les Croisés y firent un imniens." butin.
placée la route de Nicée a Amorium,
sur Les eaux thermales d’Eski cheher sont
passant par Pessinunte; c’est ce qui encore célèbres en Asie, mais la ville
nous a aidé à déterminer la position de est loin d’être dans un état prospère.
cette dernière ville. I.es distances don- Les mosquées ont de loin une belle
nées par cette carte sont suflisamment apparence ; les sept ou huit minarets qui
eiactes, et fixent les positions des villes s’élèvent au-dessus des maisons rom-
de Nacoleia, de Midœum et de Trico- pent l’uniformité des lignes. I,a ville
niia. est divisée en deux quartiers, celui des
habitations et celui du commerce où
Nicæa. Doryleo.
sont situés les bazars et les bains; ce
AgrilloxxivM.p. Cocfeo XXX.
quartier est relié à l’autre par une lon-
Doryléo xxxv. Aemonia xxxv.
gue levée en maçonnerie. La ville fait
Mideo xxviii.. Alydda xxv.
encore un petit commerce de transit
Tricomia xxi. Clâmydda xxx.
entre Brotissa Smyrne et les villes de
Pessinunte X XIII. xxxv. ,
ses mauvaises qualités végétatives, aussi contredit la plus belle , la plus homo-
tout le pays est-il dénudé et presque gène et la plus blanche. Cette matière
sans arbres, les habitants ne. recueillent ne forme pas de couches continues et
que de maigres moissons d’orge et de régulières; on l’exploite par le moyen
blé. de puits qui ont de quinze à vingt mè-
La seconde couche, dont l'épaisseur tresde profondeur; elle se trouve dis-
n’est pas très-considérable, et qui se séminée en rognons dans l’argile smec-
trouve de dix à douze mètres en con- tique ; il est rare qu’on en retire des blocs
tre-bas du sol, est une argile d’un blanc qui atteignent un pied cube ; les blocs
verdâtre, d’un grain fin et homogène, bruts sont couverts d’une gangue tendre
qui est l’objet d’exploitations étendues ; et terreuse qu’il faut enlever; ils sont
c’est l’argile dite smectique ou terre à ordinairement de forme très-irrégu-
foulon elle est employée dans toute la
; lière.
contrée en guise de savon dans les bains L’exploitation par le moyen de puits
et pour les usages domestiques. Elle est répandue sur une surface de plus
sert généralement pour laver le linge et de cent kilomètres de longueur et d^ine
pour dégraisser les laines. De nombreux largeur variable, mais sur toute la rive
convois formés de petites charettes à droite du Sangarius ; il y en a plusieurs
deux roues et traînées par une paire de dans les plaines au nord-est d’Eski
bœufs partent de la ville de Muhalitcb, cheher, au village de lu eughi, à qua-
chef-lieu de l’exploitation, et se répan- rante-huit kilomètres d’Eski cheher.
dent dans toutes les villes de l’intérieur. D’autres puits sont creusés au village de
Arrivés la les caravaneurs vendent leur Septidji , vulgairement nommé Tasch
chargement, leurs bœufs, démolissent la odjaha à cause de la pierre qui s’y
chai cite et ramènent les deux roues à trouve; ce village est sur la route de
dos de mulet. Kahé à Eski cheher. Ici les puits ont une
Cette argile est portée jusqu’à Smyrne, profondeur de vingt mètres; ils sont
où les femmes turques en font usage moins profonds à In eughi. Les habi-
comme cosmétique dans leurs bains et tants ignorent si le même banc se pro-
h leur toilette. Préparée et purifiée, elle longe sous toute la surface de l’argile.
était revêtue d’un sceau et était trans- Muhalitch, qui concentre l’exploita-
portée jusqu’en Europe sous le nom de tion des deux produits, est une petite
terre cimolée de Smyrne ;
elle était ad- ville singulièrement située; elle est dé-
ministrée dans l’ancienne médecine pécée en cinq ou six groupes de mai-
comme sédatif et absorbant. Nous igno- sons dispersées sur trois collines. 11 y a
rons si premières magnésies em-
les un voïvode qui concentre les recettes
ployées dans la pharmacie ont suivi la du miri ou régie de l'écume de mer.
même voie, et si elles ont pris leur nom L’argile smectique est connue dans le
de la ville de Magnésie près de Smyrne, pays sous le nom de Kil et l’écume de
,
mais nous n’avons trouvé dans le pays mer sous celui de Istifé-lulési , pierre à
aucune trace de l’exploitation de la loulés (fourneaux dt‘s pipes).
magnésie médicinale. L’écume de mer est exploitée eu ré-
Au-dessous de cette couche d’argile gie par le gouvernement, c’est-à-dire
smectique, dont l’épaisseur n’a pas plus que les mineurs sont obligés de porter
d'un mètre, se trouve un autre gise- leurs produits au gouverneur, qui les
ment plus riche et plus productif : c’est expédie à l’entrepôt général à Eski
la pierre connue vulgairement sous le cheher. Là des marchands d’Allemagne
nom d'écume de mer et en minéralogie et de Russie viennent chercher le
sous celui de silicate de magnésie. meerschaum, l’écume de mer ; ils l’a-
L’emploi de cette substance est bien chètent par caisses contenant cinquante
connu en occident pour la fabrication morceaux, dont les plus gros n’ont pas
des fourneaux de pipes ; on ne connaît un demi- pied cube, et payaient cette
u'un très-petit nombre de gisements caisse, en 1834, 2, âOO piastres (625 fr.).
e celte matière, l’un en Hongrie, l’au- Le commerce de cette substance en
tre dans la Grèce près de Thèbes. Mais dehors des mains du gouvernement est
l’écume de mer de Muhalitch est sans sévèrement défendu ; on ne trouve pas
ASIE MINEURE. 411
;
fourneaux ) de terre ; en général, ils ap- groupe qui s’étend jusqu’au mont Din-
portent dans leur manière de fumer plus dymène, aujourd'hui Gunesch dagh. On
de propreté et de recherche que les arrive, au bout d'une heure de marche,
Occidentaux ; jamais une pipe n’est fu- sur le calcaire marbre blanc et cristal-
mée deux fois sans être nettoyée de tou- lin; c'estdans cette région qu’ont été
tes pièces; ils sont bien différents eu ouvertes les carrières de Pessinunte.
cela des Allemands, qui ue connaissent La route se poursuit au nord à tra-
de bonnes pipes que celles qui sont im- vers un pays découvert et inhabité ; le
prégnées du jus de nicotine. terrain est'de formation argileuse et
Une sommaire que nous
analyse très-montagneux. On arrive bientôt à la
avons faitede la magnésite nous a donné vallée du Sangarius, qui est ombragée
0,70 carbonate de magnésie et 0,25 de , de quelques arbres. Le fleuve a en cet
silice,
y a des traces d’argile.
il endroit douze mètres de largeur, son lit
Cet ouvrage n’est pas un livre de on ne peut le franchir
est très-encaissé,
controverse, aussi nous abstenous-nous qu’avec beaucoup de difficulté en dé-
généralement de critiquer les opinions chargeant les chevaux et les faisant
que nous n'adoptons pas;, mais nous passer à la nage. Le lit du fleuve est
devons nous étonner de voir M..Ains- très-fangeux; en hiver on ne saurait
vorth (1), qui fait preuve de tant de tenter ce passage. Le village de Ak kaia
connaissances en géologie, assimiler (le rocher blanc), est situe dans le voisi-
cette substance au kaolin, qui est du nage du gué ; il est distant de huit heu-
feldspath décomposé et appartient par res de marche de Sevri hissar. De Ak
conséquent au terrain granitique, et dire kaia à Kahé, village situé sur la rive
en outre qu'elle appartient à la forma- droite du fleuve, la distance est de trois
tion plutonienne. La magnésite appar- heures de marche ; le pays est si difficile
tient géologiquement à la partie infé- qu’on ne saurait estimer autrement les
rieure du terrain de transition et aux distances.
argiles anciennes. Kahé, que les anciennes cartes indi-
Nous devons faire connaître ici la quaient comme occupant remplace-
route que nous avons suivie pour aller ment de Pessinunte, est situé à mi-côte
de Sevri hissar à Muhalitch, car depuis d’un entonnoir de montagnes et éloigné
plus de vingt ans il ne paraît pas qu’elle de tout chemin fréquenté Nous avons
ait par un autre Européen, et
été suivie compté de Kahé à Sevri hissar dix-huit
toutes ces régions restent en blanc heures, et de Kahé à Eski cheher qua-
même dans les cartes les plus moder- torze. La ville de Muhalitch est à qua-
nes, autrement dit elles sont remplies tre heures à l’est de Kahé.
par des hachures artistement conduites, Nous avons pu établir ainsi la dis-
mais qui en apprennent moins que le tance d’Eski eheheraux villes suivantes :
(a) Yoy. plus bas Grande Phrygie. cueilli avec soin les origines fabuleuses
412 LTJMVERS
des villes, dit qu’elle sou nom de
prit criptious avec le nom de cette ville ont
la nymphe Nacola ;
il que Naco-
ajoute pu être transportées dans celle de Séid
léia fut fondée par Nacolus iils de Dus- el ghazi. En effet, celte dernière ville est
cylus qui fut père de Gygés (1). Le col. en communication avec la première au
Leake plaçait Kacoléia a Pismich kalé moyen de cet enfoncement de la vallée,
si , dans le groupe montagneux au sud et on l'aperçoit facilement dans un éloi-
de Séid et ghazi. Il a été reconnu de- gnement de cinq quarts de mille à un
uis que ce lieu ne pouvait convenir à mille et demi, placée d’une manière pit-
P emplacement d’une ville. Dans la ville toresque au pied nord d’une chaîne de
même de Séid el ghazi, situee à huit collines ou plutôt de la pente d’un
heures de marche au sud-est d’Eski plateau. On sait que les Osmanlis ne se
cheher, distance qui concorde avec celle gênentpas pourtransporterlesancienues
que les tables assignent à Nacoléia, j’ai inscriptions d’une grande distance pour
lu, en 1834, une inscription portant le décorer leurs habitations. Certainement
nom deNacoléia (2); en 1858, M. Barth nous n’avons trouvé en ce lieu aucune
a découvert deux autres inscriptions inscription portant le nom de Nacoléia
portant le nom de la même ville , il y et on pourrait être incertain si cette ville
aurait là des motifs suffisants pour iden- ne peut avec plus de raison être identifiée
tifier Séid el ghazi avec ^acoléia; avec une des villes ruinées du voisinage ;
mais d’autre part le baron de Wolf mais elle était voisine de Prymuessiis
rapporta de Séid el ghazi une inscrip- et placée à la gauche de la grande route
tion qui existe encore gravée sur un pi- qui était à l’ouest. I.e fait notable d'a-
lastre, et portant les mots « Le sénat et
; voir trouvé ici deux inscriptions votives
le peuple des Prymnésiens », ce qui au- dont l’une est consacrée a Jupiter ton-
torise a regarder Séid el ghazi comme nant, nous permet de croire que c’était
l’ancienne Prymnessus(3).M. Barth es- un grand centre religieux; mais c’était
time que les inscriptions portant le nom aussi le cas avec l’autre groupe de
de Nacoléia ont pu être apportées d’un ruine.s (I). »
autre lieu(4) ; voilà où en est la question. 11 résulte de ces observationsque rem-
M. Barth a bien indiqué la place dans placement de Nacoléia n’offre dans ses
son itinéraire près d’un village ruiné et inscriptions aucun vestige du nom de
sans nom ; il traverse cette localité peu cette ville , tandis qu’on le trouve répété
de temps après avoir quitté la vallée des quatre fois dans des inscriptions de Séid
tombeaux phrygiens et faisant route vers el ghazi que l’on regarde néanmoins
le nord, » après avoir parcouru un pays comme l'ancienne Prymnessus. On ne
accidenté, coupé par diverses vallées. » saurait chercher les ruines de Nacoléia
Il ajoute : « Notre route, était N. 15“ dans un pays montagneux, puisque la
K. ; en même temps nous traversons une bataille entre Valens et Procope eut
vallée, et nous passons près d’un cime- lieu dans une grande plaine voisine de
tière avec d’antiques ruines et des débris cette ville (2). Nous laissons donc à Seid
de colonnes. Tout nous dit Ojan Naco- el ghazi le nom ancien de Prymnessus,
leïa était située dans cet endroit, et cela en attendant que les futurs explora-
explique facilement comment les ins- teurs donnent la solution de cette diffi-
culté géographique.
(i) EI.Byz. V. Nacolei.i, Hérodote i", 8 .
iiac/i Scutari von If Barth, />. 89 cot. a). , (a) Voy. page 384 et âuiv.
,
,
coléia. Midoeuro dut sa fondation au roi nom du village, qui signiGe, les ruines
Midas comme Gordium à Gordius. Pla- dévastées, indiquent qu’il occupe l’em-
eéfssurla grande route qui rie lu Pro- lacement d’une ville considérable de
pontide conduisait dans la Cappadoce P ancienne Phrygie. On y rencontre un
ellfs ont toujours conservé une certaine grand nombre de petites inscriptions
importance Jusqu’à ce que les Osman- grecques, principalement dans le cime-
ils aient coupé ces communications; tière néanmoins on n’en trouve aucune
;
(i)Dioii CassiiM, XI.IX, p. 4o3. (i) Barili, Heise -von Trapezunt nach Soii-
c’est-à-dire sous le règne de Tibère tout portent tous le caractère d’une très-haute
ce pays était désert ; il est à peine men- antiquité, et lorsque l’art de bâtir fut
tionne pendant toute la période byzan- connu, la facilité et l’économie avec les-
tine : les Turcs l’ont trouvé trop peu ac- quelles on pouvait construire des mo-
cessible pour y avoir fondé aucun cen- numents ne pouvaient plus être miles en
tre de population ; il est resté pour ainsi parallèle avec le labeur exigé pour creu-
dire ignoré de l’histoire jusqu’au com- ser à la masse et au poinçon des habi-
mencement de ce siècle ; alors un voya- tations et des tombeaux dans le eœur
geur anglais, le colonel Leake, reconnut des rochers. Ce qui est certain , c’est
le premier monument de l’art phrygien que du temps deStrabon, c’était déjà un
qui s'était conservé dans la solitude de souvenir presque oblitéré.
ces montagnes. Les dernières observa- La fable et l’histoire se mêlent si in-
tions sur ces vestiges remarquables d’un timement dans tout ce qui est relatif à
art oublié datent de 1858; il a donc l’histoire primitive et surtout au culte
fallu plus d’un demi-siècle à l’Europe des Phrygiens, que la critique ne saurait
savante et avide des souvenirs du temps débrouiller ce chaos autrement que par
passé, pour connaître à peu près com- des conjectures.
plètement cette région, qui au total n’a Atys ou Atès est le premier person-
jamais été inabordable. nage mythique qui apparaît en Phrvgie
La branche occidentale du Sangarius pour établir le culte de Cybèlc, la divi-
prend sa source dans une grande vallée nité nationale. Les anciens faisaient un
courant presque nord et sud , à l’entrée de mystère des circonstances de sa vie;
laquelle est bâtie la ville de Seid el gazi; Atys passait pour être fils de Calaüs; il
cette vallée porte le nom de Doghan- se rendit en Lydie, et y enseigna le culte
lou déré, la vallée du faucon ; elle est en- de la mère dès dieux , ce qui le rendit
gendrée par une double chaîne de mon- cher à cette déesse ; mais la jalousie de
tagnes de moyenne hauteur bien om- .Tupiter suscita un sanglier qui se jeta
bragées par des forêts de pins, et qui sur Atys et le tua. Selon Pausanias les
portent le nom de YapuI dagh. C’est Galates de Pessinunte regardent AWs
dans cette région que se trouvent, dans comme engendré par une nymphe fille
un état de conservation parfaite , de du fleuve &mgar. Ses parents fenvoj'è-
nombreux monuments commémoratife, rent à Pessinunte pour épouser la fille
des chambres sépulcrales, des habita- du roi. Agdistis, éprise au jeune Atys
tions taillées dans le roc , et enfin plu- lui inspira un accès de fureur à la suite
sieurs centres fortifiés qui répondent duquel le beau-père et le futur gendre
arfaitement à la description de Stra- a’entre-déchirèrent ; c’est en commémo-
on. Les habitations troglodytes des ration de cet événement que les Galles,
premiers Phrygiens ne se bornent pas prêtres de Cybèle se mutilent eux-mê-
seulement à cette région montagneuse, mes pour conserver leur chasteté. Selon
ellesoccupent toute la contrée au sud du la tradition mythique, Atys fut changé
,
d by VjOOgIc
416 L’UNIVERS.
Les chambres sépulcrales de Seïd vent les demeures d’été des habitants
el ar sont les premiers indices de cette de Bayat. Partout dans les rochers les ,
architecture taillée dans le roc, qui est anciens ont creusé des habitations et
caractéristique de cette contrée, et dont des tombeaux. Le terrain se compose
les nionuinenis se multiplieut sous tou- d’aj^glomérats volcaniques, blancs, faci-
tes les formes, laissant dans l'esprit une les a tailler. A six milles de là, on re-
idée confuse de la grandeur d'uu peuple connaît la formation calcaire qui s’étend
oublié, qui n'a laissé sur lu teri^ que jusqu’à la vallée nommée Ak kilissia,
rempreiiite de ses tombeaux. i’égiise blanche, dans laquelle sont quel-
A une lieue au nord du village, en ques ruines d’un village et d’une cha-
suivant la route de Bayat, on arrive à pelle byzantine. Après avoir franchi un
un lieu nommé Kirk liinn, les Qua- col bien boisé, on arrive à la demeure
rante Chambres. (On sait que le terme d’été ( Yaéla) des habitants de Kosrew-
quarante est employé chez les Orientaux Pacha-K.han, située dans une grande
pour désigner un nombre indéGni.) En vallée dont le sol est toujours vert et
effet, une longue suite de rochers for- bien cultivé. C’est dans scs environs que
més d’un tuf volcanique d'un blanc se trouve la vallée des tombeaux des rois
jaunâtre, sont percés d’une infinité d’ex- de Phrygie, tous taillés dans le roc et
cavations, formant tantôt des cellules d’une surprenante conservation.
séparées, tantôt des chambres commu-
niquant les unes avec les autres, et si- TOMBEAU DE MIDÀS.
tuées à différents étages, quelquefois
même fort élevées au-dessus du sol, de Le principal monument, connu dans
sorte qu’elles sont devenues aujourd’hui le pays sous le nom de Yasili kaïa,la
inaccessibles. La plupart de celles dans pierre écrite, à cause de la longue ins-
lesquelles on peut arriver portent des cription qui le décore, est situé a l’ouest
traces du car, depuis plusieurs siè-
feu ;
du Yaéla, à environ trois milles, et dans
cles, elles servent de demeures d’hiver une grande vallée courant nord et sud,
aux Yourouks (aux Turcs nomades), et dont toutes les hauteurs sont cou-
qui, pendant l’été, vont chercher des vertes de bois. Il est difficile de peindre
pâturages sur ces plateaux. On peut l’impression que produit sur le spectateur
une certaine époque quel-
s’assurer qu’à ce rocher qui semble préparé par la
ques-unes de ces chambres ont servi de nature pour conserver l’empreinte des
tombeaux ; mais leur nombre est trop antiques caractères que la philologie
considérable, leur construction a trop n’a pas encore expliqués. Tout est en
de rapports avec certaines villes troglo- harmonie dans les environs, et l’austère
dytiques observées dans la Colchide aspect des lieux, et lu forme pittoresque
pour qu’elles n’aient pas été faites dans des rochers, et leur couleur brillante
le but d’être habitées. Ceci se trouve qui se détache sur la verdure de la
d’ailleurs confirmé par l’absence totale plaine. Ce principal monument est dé-
de monuments construits, qu’on puisse signé sous le nom de Tombeau de .Mi-
raisonnablement faire remonter à la das, expression que rien ne contredit,
même période. Douze milles plus loin, après un examen attentif.
marchant toujours vers le nord on ar- ,
Le rocher sur lequel il est sculpté
rive près d’unemontagne abrupte au ,
est isolé de tous les autres , et présente
le château de Bayat,
pied de laquelle est une surface de quatre cents mètres car-
du moyen âge, qui tombe
fortification rés environ, sur laquelle sont sculptés
en ruine. des méandres, dont le relief est de
Entraversant une vallée déserte, nous 0“*,0tS, et qui entourent une uiche
remarquons un rocher creusé; mais là d’une forme particulière. La largeur
ce sont des sépulcres ; les chambres sont de la surface sculptée est de
de
couvertes par unedouble pente en forme et sa hauteur de 11”, 74. La largeur
de toit. Ce lieu porte le nom de Inn ba- la niche est de 5”, 57.; la profondeur
zardjik. Les chambres sont nombreuses totale est de 1“44 ; mais la profondeur
et lie différentes formes. de la retraite n’est que de 0”,84; ce
Dans le haut de cette vallée se trou- qui en réalité est bien étroit pour y pla-
,
cer un corps. J’imagine toutefois que père. Ce n’est pas l’avis deM. llarth ; Je
dans l'état primitif, cette niche était ca- pense avec cet auteur qu’il faut y re-
chée aux regards par une grande dalle connaître le nom phrygien du père de
de pierre sur laquelle se continuaient les Mydas tout en conservarit la lecture Ga-
méandres dont les contours déguisaient fartaei, quej’ai aussi dans mon texte (I),
les joints de la roche. Dans le fond de et Je propose de lire :
par la main des hommes. Leurs parois dessus du sol , et àa base repose sur uu
sont percées d’une infinité de cellules rocher vertical dont l’accès est difflcilk
communiquant à des chambres plus ou Le centre du monument est occupé
moins ornées, mais qui ne portent pas par un tableau uni, entouré d’une bor-
d’une manièreévidente lecaractèred’une dure qui se compose de carrés dans les-
même époque. La plus grande de ces quels sont inscrits quatre petits carrés
salles se trouve maintenant ouverte par en relief et disposés suivant leur diago-
l’effet de la chute du mur de face. Son nale. Au-dessus de cette bordure règne
plafond était décoré de solives : ce sont une frise d’une sculpture élégante,
les seuls ornements qu’on y rencontre. composée de palmettes renversées, qui
Plusieurs de ces chambres sont voûtées alternent avec des espèces de glands ou
en plein cintre ; il v en a d’autres dont de pommes de pin. Les rampes du
tes toits forment deux appentis; mais fronton sont également ornées de petits
on n’y trouve point les indices d'une carrés en relief, et le sommet se ter-
sculpture contemporaine des grands mo- mine par une double volute, dont le
numents. Une inscription grecque , la dessin parait tout à fait particulier aux
seule qui se remarque au milieu de ces Phrygiens. Dans l’intérieur du fronton
ouvrages curieux, ne parait pas remon- sont des ligures quadrangulaires dont
ter au delà des temps chrétiens. On ne le but et l’emblème nous échappent
peut lire que les mots suivants : complètement. I.a largeur totale de
cette sculpture est de 8"*,26.
Salut, heareux, riche, parmi les dieux élevés
dans le ciel t car nous t’aimons, excelient chef
En remontant environ un mille au
de la patrie , tu habites en ces lieux ma pa- nord de la vallée , on découvre au mi-
trie lieu d’une forêt de pins un troisième
monument semblable , mais d’un tra-
Uuelques-uas de ces tombeaux rap- vail plus Qu, et portant dans sa frise,
pellent la haute antiquité grecque ; les ainsi que sur tout le rocher coviron-
portes sont généralement taillées d’une nant, une inscription écrite dans le sys-
manière assez rustique, et surmontées tème appelé boustrophédon; les lettres
toujours d’un fronton ; ce qui, pour la ont 0'°,25 de hauteur, sont profondé-
forme générale , les fait ressembler aux ment entaillées et d’une conservation
tombeaux des Aizaniens et aux grands parfaite.
monuments phrygiens. Quelques-unes On ne saurait contester la hante an -
de oes chambres'renferment des sarco- tiquité de ces caractères, qui ont la plus
phages taillés dans la masse mên^e du grande analogie avec les lettres grecques
les plus archaïques , et surtout avec le nous bornons a les décrire , en appelant
monument appelé pierre de Sigée (1). l’attention des savants et des voyageurs
Le système d’éeriture employé dans sur un art qui reste encore tout u fait
cette inscription était déjà abandonné inexpliqué. Lorsque le voyageur anglais
plus de six siècles avant J.-C.; et la lan- qui le premier pienétra dans cette val-
gue dont il nous reste un si faible spé- lée donna quelques indications topo-
cimen était, selon toute probabilité, graphiques pour guider ceux qui vien-
celle qui était parlée dans le royaume draient après lui, il appela cette vallée
de Pbrygie avant que cet empire fût Dogbaiilou, pensant qu’il y avait quel-
envahi par les Perses. S'il est dimcile que village de ce nom dans les envi-
de tirer un sens précis des inscriptions rons ; mais nous avons acquis la certi-
précédentes, la difliculté est encore bien tude que les naturels ue donnent le nom
plus grande pour celle-ci, car presque de Doglianlou qu'à un lieu-dit, où se
tous les mots ont une terminaison trouvent également de grands rochers
barbare complètement étrangère au percés de chambres sépulcrales.
grec et appartenant à un dialecte pure-
ment asiatique. Il est cependant pos- GHERDEK KAIA SI.
sible de discerner quelques mots qui
ont leurs analogues dans la langue
LE BOCBEB DES ÉPOUX.
grecque. On lit tres-distinctement Kyr-
saneson Chersonnèse c’est le nom que
;
le seul indice qui puisse faire soupt^on- En avant des chambres, qui sont
ner qu’une même destination était ré- complètement taillées dans le roc, on
servée à ces trois monumentsdont le style a placé un portique de 4" ,035 de lar-
est resté unique ; mais on doit avouer geur, mesurée du uu du mur jusqu’à
que s’il est possible de regarder la ni-i l’axe de la colonne. Deux portes sans
cite centrale du premier comme ayant ornement conduisent dans deux cham-
pu servir de tombeau rien de sembl'abJe'
,
bres contiguës , et dans lesquelles on
ne se présente dans les deux autres. remarque les deux systèmes de sépul-
Le dernier monument, disposé comme ture; oar l'une renferme uu triclinium
les précédents, offre le champ d’un ta- funèbre, et l’autre des sarcophages, il
bleau uni , entouré d’une bordure com- paraît qu’à une certaine époque des fa-
posée de petits carrés renfermés quatre milles c.hrétipnùes se sont ijtstallées
a quatre dans des carrés plus grands. dans ces tombeaux ; car on y trouve
Le champ du fronton est également des croix pcintes^en’rouge' et d’autres
orné de ce quadrilatère , qui n’cst pas emblènii-s chrétiens.
un ornement de fantaisie, mais repré- L’entne-coloDueraent du milieu étant
de 3®,70, et les eutre-colounemcnts la-
seute eeriaineraent quelque objet qui
téraux de 2“*, cette différence donne a
est inconnu.
R'ayant aucun analogue connu dans l’arcliitecturequelque chose de mou qui
l’antiquité qui puisse nous guider sur ne plaît pas au premier coup d’œil,
la destination de ces monuments, nous parce que l’imagination comparant cette
façade à celle des monuments cons-
(i) Chiiball, Ofiat. truits, n’est pas satisfaite de voir tant
27 .
,
430 L’UNIVERS.
de lon^eur dansTarchitraTedu milieu, au-dessous du sol une suite de salles
ui a deux métopes et deux triglyphes rondes et de construction presque sphé-
e plus que les architraves latérales; rique , dans lesquelles on pénètre par le
mais II ne faut pas oublier que ce mo- sommet, et, dans le premier moment,
nument est monolithe, et les artistes j’avais pris ces excavations pour des
qui l'ont exécuté ont pu se livrer à cette catacombes dont la forme me paraissait
innovation, sans craindre d’affaiblir la néanmoins singulière, n’y trouvant point
portée de l’architrave. Ceci concourt à de sarcophages. Mais en parcourant les
rouver que ce que nous appelons villes de Lycie, et notamment Aspen-
eauté dans l’arrhitecture n’rst que dus et Antipheilus, j’ai observé dans
l’heureux rapport de la solidité des ma- les Agora un grand nombre de ces ex-
tériaux avec la forme donnée à chaque cavations , quelques-unes même avec la
partie. pierre circulaire (|ui couvrait l’orilice,
Ce monument est excavé dans un ro- et jeme suis assuré qu’elles ne sont au-
cher isolé de toutes parts et qui ren- tre chose que des silos destinés à serrer
ferme différents sépulcres de moindre le grain. Cet usage , si commun parmi
dimension. Il n’existe aucune inscrip- les Arabes, était usité dès la plus naute
tion qui puisse guider sur la détermina- antiquité chez les peuples asiatiques.
tion de l’époque ; mais le caractère de Quoiqu’on ne trouve pas de traces de
l’architecture se rapporte à un temps ville dans ces lieux, on a donc la cer-
postérieur aux sculptures décrites pré- titude que la vallée de Doghanlou a
cédemment. Le nom de Gherdek kaia nourri a une certaine époque, une nom-
si ,
donné par les habitants ,
vient sans breuse population, et peut-être parmi
doute de ce qu’on remarque deux les excavations pratiquées dans les ro-
chanibres sépulcrales antiques , dans chers s’en trouve-t-il quelques-unes qui
lesquelles, selon leurs idées, auraient ont servi d’habitation à ce peuple pri-
été enterrés le mari et la femme. Le mitif.
tuf dans lequel ce monument est sculpté I.a vallée est commandée par un roc
renferme une quantité notable de pierre isolé sur lequel s’élève une antique
ponce , et est d'une couleur beaucoup construction appelée Pismich kalé si.
plus blanche que dans la partie sud On y arrive avec quelque difliculté ou
de la vallée. I..a face de ce tombeau est par un chemin à peine tracé au milieu
orientée à l'est. La colonne qui est .à des rochers qui semblent avoir été tail-
droite se trouve aujourd'hui en partie lés de main d'homme pour augmenter
rompue; mais le chapiteau et toute la Les intervalles que
la difficulté de l’accès.
partie supérieure tiennent encore à présentait la conformation de la mon-
l’architrave, ce qui produit un effet tagne ont été remplis par des construc-
bizarre. L’ordonnance générale est d’ac- tions en maçonnerie faite avec des blocs
cord avec les règles de l’arcbilecture irréguliers. ‘Un escalier taillé dans le
grecque , et décèle un temps assez pri- roc conduisait de la plate-forme jus-
mitif. peu éloigné sans doute de l’épo- que dans la vallée et pouvait servir pour
que de l’invasion des Perses. apporter des provisions dans la place.
Aucune trace de citerne n’est apparente
mais on doit croire que ce château a
CHAPITRE XXVI. été habité à l’époque musulmane parce
qu’on peut observer des restaurations
PISUICB KALé SI. laites à la hâte et en petits matériaux.
Pismich kalé si est sans doute un,
En suivant la pente de la vallée dont de ces bourgs des Phrygiens qui étaient
la direction est au nord on arrive au déjà presque abandonnés au commen-
lieu nommé Doghanlou on n’y voit
,
cement de notre ère. Toutes les monta-
pas de monument important; mais, ges environnantes sont couronnées par
dans toute la vallée , les rochers sont des forêts de pins et leurs flancs sont
perforée par des milliers de chambres. perforés par d’innombrables chambres
Il
y en a dont l’intérieur est orné de sépulcrales; la vallée est arroséependant
quelques caissons. J’avais remarqué riiive.r par un ruisseau dirige vers le
,
nord et qui est une des sources de la deur, l’une est voûtée, le plafond de l’au-
ririère de Séid el ghazi. tre est eu forme de fronton. Le rocher
dans lequel est taillé ce tombeau est
CHAPITRE XXVII. couronné par une plate-forme où l’on
remarque des traces du travail de
l’homme, et qui donnent à supposer
TOHBEAUX DE YAPUL DAGH. — COM- qu’il était fortifié de la même manière
BETT.
que Pismich kalési. Aux endroits où le
rocher est brisé on a établi une sorte
Nous remonterons maintenant la de parapet; cette plate-forme, qui a une
vallée de Doghanlou jusqu’au monu- largeur suffisante s’élève à cent vingt
ment de Miuas, pour suivre la route pieds environ au-dessus de la rivière.
tracée par M. R. Stewart dans le yaè'la de La disposition du rocher, qui est acces-
Yapul dagh, jusqu’au village de Com- sible de l’autre côté, ne permet pas de
bett où il a découvert plusieurs monu- penser qu’il y ait eu là un château fort,
ments importants de cette même pé- mais un lieu de résidence d’été des rois
riode phrygienne. Après avoir rejoint le de Phrygie, nui avaient leur demeure
tombeau de Yasili kaïa ,
on fait route d'hiver dans la plaine de Yasili kaïa.
vers le sud ju.squ’à Yapul dagh keui, On remarque des magasins taillés dans
éloigné de sept kilomètres de Yasili le roc et un conduit souterain pour le
kaïa. service des eaux , qui descendait jusqu’à
Sur le flanc du rocher, et à une hau- la rivière.
teur considérable, on aperçoit un mo- Dans l’antiquité phrygienne, ce groupe
nument funèbre dont la porte est dé- de rochers avait certainement été dis-
corée de sculptures. La vallée est très- posé dans un but de défense, mais il ser-
irrégulière, elle a environ huit cents pas vait ausside lieu de sépulture la der-
:
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432 L'UNlVEItS.
f;ii forme’ de "cheminée eommaniqiie dans l'intérieur est gravée en caractère-:
!.vec l'intérieur. La hauteur du monu- semblables à ceux du tombeau de Mi-
ment est d’environ sept pieds, et de das ce tombeau est taillé dans un tuf
;
cliaque côté la face du rocher est scul- dur semblable a ceux de la vallée de
ptée avec art; la façade représente une Doghanlou.
porte cintrée couronnée par un fron- Ce même monument a été visité, eu
ton sur lequel sont sculptées des urnes 1858, par MM. Barth et Mordmanii;
de différentes formes : c’est du moins ces deux observateurs n’ont pas vu les
ce qu'on peutconjecturer(l). Toute cette mêmes choses que M. Stewart; les têtes
vallée du temps de la splendeur de la de Méduse ne sont plus que des Ixiu-
monarchie phrypenne devait présenter cliers; les figures de lions et de bœufs
un magnifique coup d’œil cette excava- ; sont à très-haut relief; l’ensemble de
tion en forme de cheminée qui paraît l’édifice présente la forme d’un petit
surprendre \1. Barth se retrouve dans temple; les deux aigles qui sont dans
un grand nombre de monuments taillés le fronton ont beaucoup souffert. Au
dans le roc en Cappadoce, en Lycie et sujet de l’inscription, les deux voyageurs
en Phrygie; son usage n’est pas encore émettent une opinion tout à fait inat-
bien défini, on peut conjecturer qu’elle tendue c’est qu’elle n'est qu’une imita-
:
bas-reliefs dn théilre d’Aizani;il était sans .M. Hamilton regarde comme le vérita-
doute répandu dans la contrée à cetle époque ble Hermus. Le pays est bien cultivé,
reculée. quoique les Turcs aient encore en usaae
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,
le système des jachères, les terrains cul- artésien, mais il u’y a point de culture
tival)les sont si étendus, que cette mé- pour utiliser ces belles eaux ; elles for-
thode a moins d'inconvénient ici que ment un ruisseau qui va se jeter dans
dans les autres pays. La récolte consiste la rivière d’Ousebak, qui est encore un
en blé et en orge. Le terrain est argi- des affluents de l’Hermus. C'est là que.
leux et propice à la culture du pavot, se fait le partage des eaux entre l’Her-
qui fait une des richesses de cette' pro- nius et le Banas teliaï ; cette rivière est
vince., Les montagnes sont de nature une branche du Méandre.
schisteuse, couvertes d’une maigre forêt En quittant Ouschak on a dix-huit
,
de pins. Après deux heures de marche, heures de marche à faire jusqu’à Sit-
00 arriveau sommet de la montagne, chanli , sans traverser aucune ville ; le
qui est un des embranchements du pays est cependant bien peuplé et sur-
Mourad dagh, qu'on aperçoit au nord tout bieu cultivé. Les nombreux vil-
avec ses sommets couverts* de neige. De lages, entourés d’arbres et pourvus d’a-
ce point on jouit d’un spectacle aussi bondantes fontaines, varient agréable-
beau qu’inattendu une grande nartie du
: ment l’uniformité de la plaine, qui se
pays SC développe aux regards; oun côté termine par un bel horizon de mon-
tes hauts sommets de l’Olympe se con- tagnes. La culture du pavot occupe
fondent arec le ciel; de l'autre, le Tau- la plus grande partie du terrain, le reste
rus étend ses longues chaînes bleuâtres. est semé en blé et en orge; on y fait peu
A l'ouest la vue s'étend jusqu’à Aïdin et detabac, et la récolte de la soie est nulle.
presque jusqu’à Smyrne; on a sous les Les moutons à grosse queue, dits cara-
pieds le pays qu'on vient de traverser, mauli, forment la totalité de l'espèce
ondulé comme une mer furieuse; pas ovine. 11 estextrémementrare de rencon-
une trace d’habitation ne s’offre à la trer la variété à longue queue en effet, la;
d’une époque plus ancienne que les vol- tente de secouer une peau de Itouc, une
cans de Koula. La lave est de nature ba- outre remplie de lait, suspendue entre
saltique, cassante, presque vitrifiée; les trois perches.
pentes de la montagne sont couvertes de Après trois heures et demie de mar-
grands blocs accumulés sans ordre ; plus che, on franchit une montagne argileuse,
loin , le terrain est recouvert d’une cou- et l’on redescend dans une pliiine qui a
che épaisse de feldspath fondu: c’est ce environ six kilomètres de large et qui
qu’on appelait autrefois la roche de est peuplée de nombreux villages. Le
corne. On y trouve de l’obsidienne village de Abat keui , l’ancienne Tra-
noire(l). Au milieu de tousces terrains, janopolis, estsitué sur la pente des mon-
on n’observe aucune trace de cratère. tagnes qui bordent cette, plaine au nord,
Ce qui prouve la haute antiquité de ces et à trois heures de la route de Kara
formations, c’est que presque partout hissar.
la végétation est abondante. Le terrain En suivant la vallée, on arrive au vil-
volcanique est remplacé par le grès, à lage de Osman keui bâti au pied de la
l’origine de la vallée d'Ou.scbak ;
une pente nord. Ici la vallée se resserre con-
belle source prend naissance entre les sidérablement ; elle n’a pas un kilomètre
conciles du grès ; elle arrive à la surface de large. Sur la pente opposée est une
du soi en bouillonnant comme un puits source d’eau minérale chaude; les in-
digènes un font usage, mais leur établis-
(tf Voy. Haïuiltou ,
Jletearclies, etc,, 1. 1'^, sement est tout rustique les baignoires
:
On peut être assuré que le caractère re- pelle ou turbé ; il se compose d'un grand
ligieux de l’antique Prymnésie l'a sau- sarcophage couvert de tapis et de ten-
vée de la destruction. Cette ville était tures dans le genre des tombeaux de
célèbre par le culte qu'elle rendait à la Broussn un autre tombeau placé à côté
;
mère des dieux et au roi Midas déilié ; du premier, renferme les cendres d’une
c'estdu moins l'induction qu'on peut rincesse désignée sous le nom de Kral
des anciennes médailles de Prym-
tirer iz si, la Dlle du roi. Les Turcs don-
nésie. Au temple païen a succédé' un naient le nom de Kral aux souverains
monastère byzantin avec une église ; de Moscovie et de Servie c’est sans :
les ordres du gouvernement d’Eski édifices publics sont seuls bâtis de pierre
cheber. Les habitants sont pour la plu- et de briques cuites.
part livrés à l'agriculture, et vont passer Ouschak et Koula deux autres
et
une partie de l’été au Taëla. petites viiies des environs ont hérité de
Le tombeau de Séid el Ghazi s’élève cette belle industrie qui fit la célébrité
sur la pente de la colline, et domine la de la Phrygie la fabrication des tapis
:
quantité de fils de laine qui sont noués cvtte ville. Il est une autre espèce de
à la trame par un nœud coulant la ,
tapis appelée dans le pays sédjadé,
chaîne se passe ensuite à la main , et petits tapis de prière qui passent en Eu-
les fils sont serrés au moyen d'un grand rope pour être des tapis de Perse, lis
peigne de bois, on tond ensuite le tapis sont aussi fabriqués en Asie Mineure, et
avec une paire de ciseaux. On ne sau- sont connus dans le pays sous le nom
rait se faire une idée de l'agilité avec de tapis de Glicrdess. Nous ignorons les
laquelle les femmes choisissent leurs détails de leur fabrication ; ils sont re-
couleurs et nouent leurs laines ; la ma- marqu.ibles par la finesse diu tissu et la
nière de travailler est si simple qu'en beauté des couleurs, mais leur prix est
peu de jours une ouvrière peut être quatre ou cinq fois plus élevé que celui
formée ; mais il n’en est pas ainsi de des tapis d’Ouschak.
l'exécution du dessin qui est presque La population représente environ
toujours exécuté de mémoire par l'ou- quinze mille habitants, dont les deux
vriere, voilà pourquoi les tapis d'orient tiers sont de race turque; les Arméniens
présentent souvent des incorrections de ii’y comptent que pour deux ou trois
dessin. Chaque ouvrière n'exécute d'or- cents familles , le reste se conipose de
dinaire qu'un seul dessin, elle sait de familles grecques, presque toutes adon-
mémoire le nombre de ses fils et com- nées au commerce et à l’induslrie.
bien il en faut pour chaque couleur. Les Turcs sont les propriétaires fon-
Lorsqu’on veut exécuter quelque dessin ciers.
nouveau ou de commande on étend ,
La forteresse qui domine la ville pa-
derrière le châssis une toile sur laquelle raît tout à fait disposée comme une an-
est dessiné le modèle les ouvrières atta-
: cienne acropole. Vers la liii du siècle
chent les laines sur chaque couleur cor- dernier, un déré bey, du nom de Hadji
respondante. Mourad Ogtüu, tenta de se rendre indé-
Dans cette méthode de fabrication pendant, et fortiGa le château, qu'il avait
le tapis ne présente sous les pieds que approvisionné de vivres et de munitions ;
lestâtes des laines, la chaîne et la trame mais Kara Osman Oginu d’Aïdin vint
sont préservées; on comprend alors l'assiéger, et comme il ne pouvait s'en
que la durée de pareils tapis soit indé- rendre maître ouvertement , il pratiqua
finie. des intelligences dans la place, et le bey
Les ouvrières ne gagnaient en 1834 fut livré à Kara Osman, qui envoya sa
que douze francs par mois, six ouvrières tête à Constantinople.
travaillant à un tapis de quatre mètres On ne voit dans la ville d’Ouschak
de long font par jour cinq centimètres aucun débris de grand monument, mais
d’ouvrage. des fragments d’architecture en marbre
Kn 1834 le fabriquant vendait le tapis blanc sont extraits journellement du
velouté dix piastres 2 f. 70 c. le pie sol, encastrés dans les murs des maisons
f0“,63 centi. ) carré, ainsi un tapis de ou transportés dans les cimetières.
6“,30 sur 6®,30 coûtait mille piastres M. Wagener, professeur de l’univer-
ou 270 .francs. Ces tapis veloutés sont sité de Gand , a trouvé près d’une fon-
ceux de première qualité; on en fabri- taine uii monument intéressant c’est
:
«‘talonde inesureK pour les liquides (1). vert de terres végétales qui sont en par-
Quelques inscriptions, presque toutes tie cultivées.
tuniuiaires ont été copiées par des voya- La nécropole compose d’une in-
se
geurs; ces monuments suffisent pour finité de chambres sépulcrales août
qu’on puisseconsidérer Ouschak comme quelques-unes sont inaccessibles , les
occupant l’emplacement d’une ville an- plus grandes ont une sorte de vestibule
tique. M. Letronne l’assimilait à l’an- ou de portique ouvert, une porte en
cienne Eucarpia (1); cette ville appar- pylône conduit dans l'ititérieur.
tenait à la juridiction de Synnada. Ces chambres sont pour la plupart
carrées , il y eu a plusieurs qui se com-
CHAPITRE XXXI. muniqueut et qui sont séparées par un
mur percé de fenêtres. Une de ces
ILESLER KAÏa. SI, NÉCROPOLE. grottes a la forme demi-circulaire, et
tout autour sont creusés des trous pour
A douze kilomètres au nord-est y mettre les corps ; quelquefois le sol
d’Ouschak se trouve une nécropole
,
est creusé en forme de petits bassins
composée d’un grand nombre de cham- comme pour v déposer des urnes. On
bres sépulcrales creusées dans le flanc ne trouve nulle part la moindre trace
des rochers, qui paraissent n’être autre de décoration ou de moulure, rien qui
chose que le cratère d’un ancien vol- puisse mettre sur la voie de l’époque où
can. Ce lieu s'appelle lleslcr kala si, le cette nécropole a dû être créée.
rocher d’Ilesler. Si l’on a recours aux tables itiné-
On suit, pendantune heure de mar- raires, on voit que l'ancienne Aemonia
che, la route de Kara hissar, on tourne était sur la route qui va de Dorylée à
ensuiteau nord par des collines d'abord Philadelphie, à soixante milles de la
peu élevées mais qui prennent succes- première , au sud de Cotyœum. Ptolé-
sivement plus de nauteur. ün arrive, mée (1) nomme cette ville entre Julio-
après une heure de marche, au bord pulls (qui était sur la rive du Sanga-
d’un précipice qui a environ cent mè- rius) et Euméuia, aujourd’hui Ichékli,
tres de profondeur, c’est la vallée des position qui convient très-bien à Ilesler
sépulcres dan.s laquelle on descend au kaia si. Aemonia était une ville de Phry-
milieu des rocs éboulés. La forme du gie dont la fondation est attribuée au
terrain et la nature des laves indiquent roi Acraon; elle est mentionnée par
suffisamment que ce lieu est un ancien Cicéron dans son discours pour Flac-
cratère ; la partie supérieure du sol est cus (2). Elle existait sous l’empire ro-
un composé de laves violâtres englobées main et appartenait au district d'Apa-
dans des masses de cendre compactes; mée. M. Franz (3) était disposé a identi-
la masse de ces déjections est assez éten- fier avec Aemonia le village de Abat
due, et a une hauteur de trente-trois keui; mais il a été démontré depuis que
mètres. Les rochers du côté de larvallée c’est l’ancienne Trajanopolis il est :
présentent une surface absolument ver- d'ailleurs trop à l’est pour s’être trouvé
ticale; c’est dans ce tuf que sont taillées sur la route de Philadelphie. Nous som-
les grottes ; la couche inférieure est un mes disposé à considérer les catacombes
agglomérat de cendres grises. On peut (l’ Ilesler kaia si, comme la nécropole
arriver plus facilement au fond du cra- de l’ancienne Aemonia, quoique nous
tère en faisant un détour pour gagner n’ayons pour établir cette opinion que
une grande fente dans lequelle coule la concordance des dislauces géogra-
un ruisseau. phiques.
Du côté du couchant les tufs sont
plus compactes et se décomposent moins (i) Liv. ni, a.
facilement, le fond de la vallée est cou- (a) § i5-i6.
(3) Franz fünf Insclirifteii und fünf Slâdle
(i) Monument
reproduit et interprété [wr in Kleinaîieu, p. «i.
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,
creusées dans le roc. Dès l’an 1200, les du temps des Seidjoukides.
Seidjoukides s’étaient rendus maîtres La ville, qui s’étend depuis le pied du
de cette province, à laquelle ils donnè- rocher jusque dans la plaine, est bâtie
rent le nom de Kcrmian ;
le chef Othmao en briques crues recouvertes d’argile
lareçut à titre de (ief, dans le partage et les maisons sont couvertes en ter-
que ht le sultan Ala Eddin des provin- rasses; chaque maison se compose d'une
ces nouvellement conquises, et à la véranda ouverte, derrière laquelle sont
mort d'Othman elle devint la possession situés les appartements. On fabrique
de son fils Orkhan. dans le pays des feutres imitant ceux
A défaut de grands monuments an- de Perse, la laine employée est d’une
tiques, on rencontre à Kara hissar qualité supérieure; elle se vend toute
d’assez nombreux vestiges d'antiquités, préparée dix piastres, 2 f. 70 c. l’oque;
pour être assuré qu’elle occupe l'empla- on ne la carde pas, mais on la met eu
cement d'une ville antique. Si l’on pou- flocons au moyen d'un arc dont la corde
vait s'en rapporter à la relation de Paul passe au milieu de la toison ; on frappe
Lucas, il aurait trouvé à Kara hissar sur la corde dont la vibration frise la
« quantité de ruines de temples et de laine et la rend légère comme une
palais où les colonnes étaient prodi- mousse.
guées (1). » La fabrication des armes est une autre
11 est bien difficile de croire qu’il n’a industrie qui avait jadis une certaine
pas été le jouet d’une illusion. Pococke, renommée mais qui
;
aujourd’hui, est en
(i) Lucas, y orages, I. icf,ch. ig, p, i43. (i) Pncocke, Travels,cïi. ttV, p. 3.
,
430 L’UNIVERS.
grande décadence ; elle ne se distingae CHAPITRE XXXUI.
plus que par l’extrême bon marché de
ses produits, fusils et pistolets, qui sont SVNNADA.
achetés par les nomades; pour vingt-
cinq francs on peut se procurer un Synnada était le chef-lieu de la
fusil. Phrygie centrale, et réunissait sous sa
La culture de Fopium est la grande juridiction un grand nombre de petites
occupation des habitants de Kara his- que üocimia.Reudos, Ana-
villes, telles
sar toute la grande plaine qui s’étend bura et Euménia. Elle devait sa fonda-
;
en avant de la ville est semée en pavots. tion à un certain Acamas, qui après la
Les semailles se font à la fin de l’hiver, guerre de Troie vint s’établir en Phry-
mais on peut faire une récolte d’automue gie, et appela autour de lui de nom-
en semant à la fin du printemps. breux colons de Macédoine. l.a ville
On cultive généralement le pavot fut d’abord appelée Synnaia, nom dont
blanc à fleurs simples. Lorsque les fleurs le sens impliquait une assemblée de
sont tombées, des hommes et des fem- colons, puis par corruption .Synnada (1).
mes vont dans les champs, et fendent Etienne de Byzance fait remarquer que
horizontalement la tête du pavot; il en le bourg Docimia était très- voisin de
sort une liqueur blanche qui se fige aus- cette ville. Strabon ajoute quelques
sitôt et qui n’est autre chose que l’o-
renseignements géographiques utiles
pium. Le lendemain on va récolter cet pour bien déterminer la position de
opium en grattant la plante avec un cou- cette place. « Synnada, petite ville, est
teau ; on en fait des boules de la gros- située à l’extréniité d’une plaine longue
seur du poing, et on l’enveloppe dans d’environ soixante stades, onze kilo-
des feuilles de pavot c’est en cet état
:
mètres, et plantée d’oliviers. Au-delà
qu’il est livréau commerce. de cette plaine on trouve le bourg Doci-
Depuis 1832 le commerce de cette mia et la carrière de marbre synnadi-
drogue est un monopole du gouverne- que, comme le nomment les Romains,
ment, qui l’achète sur le pied de cin- car chez les indigènes il se nomme Do-
quante piastres les 250 drachmes. 11 cimite ou Docimée. Dans le commen-
est revendu au commerce sur le pied cement , on ne tirait de cette carrière
de cent quatre-vingts à deux cents pias- que des blocs de médiocre grandeur;
tres. Les habitants ne se plaignent pas
mais aujourd’hui le luxe des romains
de ce monopole, parce qu’ils trouvent en tire des colonnes d’une seule pièce,
sans peine un débouché certain. qui se rapprochent de l’albâtre pour
Le grand cône volcanique qui do- la variété oes eouleurs , et quoiqu’il y
fort loin pour voiturer de tels far-
mine la ville est le résultat d’un sou- ait
nous savions de plus qu’elle était voisine La ville honore le grand, le divin em-
des carrières de marbre; il suffisait de pereur, César Lucius Septiinus Sévérus
retrouver soit dans la. nature calcaire Pertinax Auguste, Arabique, Adiabé-
des montagnes, soit dans les ruines des iiiqiie , Partbique, très-grand, maître de
villes de ces parages, quelques indices la terre et de la mer. Les anciens n’a-
de ce marbre facile à reconnaître entre vaient pas l'habitude d'élever de pareils
tous les autres. monuments dans les villages.
Nous avions retrouvé à Kara hissar Cette autre inscription appartenait à
un bloc de marbre blanc, veiné de vio- un monument d'une certaine impor-
let ,
provenant de ces carrières ; et tance réparé par Eumonius. Cette ins-
nous avions appris, en outre, que la cription n'i>st pas antérieure au troisième
petite villede Eski kara hissar, l’ancien siècle de notre ère.
Kara hissar, contenait une quantité de
Voici, voyageur, le monument élevé à la mé-
ruines. Nous mimes à profit ces ren- moire d’un excellent pasteur et prédicateur de
seignements. la parole divine. Maximioii l’avait bàli avec un
Traversant dans la direction du nord grand labeur; mais par l’effet du temps il ar-
rivait a la decadence qui accompagne le temps
la plaine de Kara hissar, dont la largeur comme une servante. Alors F.umunius, renou-
est de neuf milles; nous atteignîmes les velant la construction comme un savant et
collines qui bordent la plaine, et nous noble médecin rétablissait le
,
monument
comme il était Jadis, à cause de la gloire de
fîmes encore neuf milles pour arriver son aïeul, dont il a volontiers hérité.
a Eski kara hissar; cette dernière ville
est donc éloignée de dix-huit milles D’après tous ces indices, nous étions
géographiques, ou de trente trois kilo- disposé à assimiler Eski kara hissar
mètres de Kara hissar; les environs de à l’ancienne Synnada ; les carrières que
la ville sont jonchés de débris de mar- nous allons décrire n’en sont qu’à douze
nre, parmi lesquels on reconnaît le kilomètres, et le village de Séid el ar re-
marbre de Synnada ; on en trouve des présentait pour nous le bourg Docimia.
blocs bruts non équarris, dans les clô- Cette détermination n’a pas été ac-
tures des champs. Eski kara hissar est ceptée par Cari Ritter. Il regarde Kara
située sur le penchant d’une colline vol- hi.ssar comme l’ancienne Synnada, quoi-
canique ; c’est un bourg de très-peu que cette ville soit éloignée des car-
d’importance; mais elle occupe l’empla- rières d’une distance de trente-cinq
cement d’une ville qui a dd être assez kilomètres. Eshi kara hissar est Doci-
considérable, car ou en retrouve les mia, et Séid el ar reste innommé.
vestiges sur trois mamelons qui sont sé- 11 faut convenir que la plaine de
parés par une vallée , au fond de la- Kara his.sar, représente mieux la plaine
quelle coule une rivière assez forte pour « de soixante stades » de .Strabon ; mais
avoir motivé la construction d’un pont. le haut rocher est un caractère telle-
Il est bâti partie en marbre , partie en ment tranché qu’on s'étonne qu’il ait
été passé sous silence par le géographe
(i) Deuxième partie, vers »o5. grec. Aujourd’hui la grande plaine ne
(a) Table de Peutinger. . produit plus d’oliviers ; il est reconnu
433 L’UNIVERS.
dans le pays que cei arbre ne croit pas à celle du marbre de Synnada, et l’em-
à une distance de vingt lieues de la mer. ploi qu’en firent les riches patriciens,
dès les premiers temps de sa décou-
CHAPITRE XXXIV. verte, fit que les poètes citèrent le mar-
bre phrygien comme l’emblème du luxe
LES CASalÈBES DE SYNNADA. et de la richesse (1).
Cette partie dela Phrygie Salutairt
La plaine qui communique avec la portait anciennement le nom de Myg-
vallée dans laquelle sout situées les car- donie ; aussi le marbre de Synnada ést-
rières est fermée au nord et au sud par il quelquefois appelé marbre mygdo-
des collines volcaniques, dout la forma- nien. Étienne de Byzance (2) et Stra-
tion est remarquable; elles sont compo- bon [3) disent qu’on lui donnait le nom
sées de globes sphériques et concentri- de Docimia , parce que ce bourg était
ques qui, par leur rupture et leur dé- dans le voisinage des carrières. Clau-
composition, formentsur le sol deslignes dien (4) l’appelle marbre de Synnada,
courbes qu’on ne saurait comparer et Juvénal (5) marbre phrygien. D’au-
qu'aux ondulations de la moire. Il y a tres poètes ont à l'envi chanté les beau-
quelque.s-unes de ces sphères qui attei- tés du marbre phrygien. Pour eux les
gnent un diamètre de trois a quatre taches de pourpre'dont il est parsemé
mètres, et sont composées de feuillets sont les traces du sang d'Atys , dont
d’une épaisseur variable ; dans d’autres Cybèle déplore le trépas (6).
endroits elles ne sont pas parfaitement La description qu’en fait Strabou ne
sphériques, mais affectent la figure laisse aucun doute sur l’identité des car-
ovoide ; c’est ce qui donne aux sections rières que nous décrivons. En effet, la
sur le sol cette forme ondulée qui est variété de la roche fournit indistincte-
très-remarquable. Après avoir franchi ment et en quantité considérable un
cette éminence, quiappartient à la croupe marbre d’un blanc jaunâtre, d’un grain
méridionale de la colline d'Eski kara- lin et très-cristallisé, qui cependant
bissar, on arrive dans une plaine arro- n’offre pas de résistance à la taille, et
sée par un ruisseau , et qui n’est autre qui répond à toutes les qualités qu’on
chose qu’un embranchement de la val- exige dans le marbre statuaire et dans
lée de Syunada. Les carrières apparais- le marbre de construction. La situation
sent sur l’autre flanc de la vallée, et la de la carrière et le gisement de ce cal-
hlancheurdu marbre forme un contraste caire sont très-remarquables ; il est
singulier avec les laves noires des envi- cerné de tous côtés par les laves c’est :
rons. Toutes les collines qui précèdent comme un îlot de marbre au milieu des
l’entrée des carrières ne sont compo- volcans. La roche n’est pas stratifiée;
sées que de recoupes de marbre; cela elle est très-compacte, mais traversée
seul donne une idée de l’immense éten- par de grandes fissures verticales, ducs
due des exploitations. La plus grande sans doute à l'action du feu, qui ce-
et la plus belle carrière est ouverte au pendant n’a pas altéré la roche. Géné-
couchant; elle est large d'environ vingt ralement, c’ist la surface de la roche
métrés, et pénètre à plusieurs centaines ui donne le marbre blanc. Eu entrant
de mètres dans l’intérieur de la monta- ans le cœur de la montagne on en ,
gne. On n'a aucun indice delà profon- trouve qui est veiné de bleu de lilas et ,
deur des travaux qui se sont exécutés de violet foncé. D’autres parties ont un
eu contre-bas du sol, car il est entière-
ment couvert par des monceaux de re- XV.
(i) Hor., lib. III, od. a. Ovid.,ep.
coupes. L’exploitation s’est continuée
Tibiill., eleg. 3, tib. XIII.
sous les empereurs byzantins; mais
() Aoxîjjuov.
alors l'administration de ces carrières (3> Ubi suprà,
n’étant plus aussi régulière on a laissé
,
(4) Lib. II, ht Eutr,, V, a-i.
encombrer peu à peu par les débris les (5) Sa!., XIV, 307.
voies de communicatiou. () Martial, 1. IX, cp. 76, Stacc, I. I,
Il est peu de marbres, chez les au- Sylvar. Garni. 5, v. .36 liv. II, Carui. »,
cieus, qui aient eu une célébrité égale V. 87.
, ,
aspect de brèche bien caractérisé; mais la roche ou le prix de revient; car j’ai
ce ne sont pas les gisements les plus trouvé dans les ruines du port d'Ostie
étendus, bien qu’ils fussent les plus es- des blocs de marbre brut sur lequels
timés; car c’est cette espèce que Paul étaient inscrits un certain nombre de
Silentiaire (I) décrit lorsqu’il dit que la sesterces.
teinte générale était d’un blanc lucide L’exploitation se faisait par le moyen
avec des taches presque circulaires, des esclaves, dont le régime était réglé
d’une couleur rose et violette. Une .si par une loi (I). Il existe également un
grande quantité de ce marbre a été édit de Constantin qui, après l'abolition
transportée en Europe par les Romains des Jeux de l’amphtthéâtre , condamne
qu'il en reste encore dans les villes d’I- aux carrières les criminels qui primi- ,
Kara hissar, et partout dans les villages dilice avait été bâti primitivement, et
on trouve des débris de ce marbre; ue la partie supérieure appartenait à
mais rien ne parait répondre à la posi- S[ésychus ,
qui avait placé cette inscrip-
tion de Docimia, qui devait être dans tionpour constater sa propriété :
cimetière et dans les maisons étaient ex- entre dans la ré^on des grottes taillées
traits du sol même. Beaucoup de blocs dans le rocher il n’est pas un vtllsge,
;
de marbre brut sont épars dtins ce lieu. pas une vallée où elles ne se rencontrent
D’après toutes ces considérations, il en nombre infini; à six kilomètres de
était naturel de regarder Seid el ar Séid el ar on arrive dans la vallée de
comme l’ancienne Docimia. Kirk inn , dont les flancs sont perforés
Un grand rocher qui s’élève sur la d’une quantité de grottes ; elles sont sans
route est tellement transpercé par des ornement et servent de demeures d’hi-
cellules sépulcrales que la partie exté- ver aux Yourouk. On s’enfonce ensuite
rieure s'est écroulée, et que chaque an- dans des solitudes sauvages, cheminant
née il s’eu éboule quelque partie. Les presque au hasard par des chemins non
chambres sont sans aucune espèce d’or- frayés. Après avoir marché ainsi vingt-
nement ; elles renferment ordinairement quatre kilomètres droit au nord, on
trois cercueils taillés dans la masse même arrive au pied de la montagne que cou-
du rocher, et au-dessus est une petite ronne le château de Bayat, Deudos vê-
niche, sans doute pour poser une lampe. tus. Ce château u’est intéressant que
Quoique toutes les parties de l’ou- comme point géographique , car toutes
vrage ne contiennent aucune inscrip- les constructions sont byzantines ou
tion , et que la sculpture soit sans or- musulmanes. Le village de Bayat en est
nement, tout portes croire, par l’ana- iroche; il est inhabité pendant l’été,
logie qui existe entre ces monuments fes paysans vont au Yaëla.
et d’autres mieux caractérisés, qu’ils Le village de Inn bazardjik est situé
sont fort antérieurs àl’invasion romaine, dans une belle vallée ombragée par une
et peu éloignés de l’époque des rois de forêt de pins et de génevriers, on y voit
Phrygie. de nombreuses chambres s^uleratcs.
Le sol de la contrée prête merveillen- Ici les portes sont décorées de frontons,
sement à ce genre de travaux ; c'est un les chambres sont couvertes en forme
tuf assez compacte, n’ayant point de de toit. Il y a plus d'art dans la manière
lits, de
sorte qu’on peut exécuter dans dont le rocher est travaillé, mais aucun
la masse des ouvrages aussi étendus que indice ne peut mettre sur les traces de
l’on veut. Cette formation d’agglomé- l’époque où elles ont été creusées.
rats volcamques s’étend indéliniment à Inn bazardjik est voisin du Yaëla,
l’est et au nord, jusqu’au village de des habitants de Bayat les voyageurs,
Seïd el Ghazi, rahéienne Prymnesia. qui visiteraient ces cantons pendant l’été
L’inscription süivante Se voit près feraient bien de se diriger sur ce pre-
d’une fontaine située sur chemin qui
le mier village. Rien ne représente mieux
mène du village d’Eski kara hissar aux l’aisance de la vie patriarcale, que ces
carrières de màrbre. Elle est grossière- demeures d’été où tous les habitauts
ment traetVsur Ulie plaque qui semble d’un village, rtciies comme pauvres ont
•II, A ,
1 .) .
'V.,
. ;lc
ASIE MINEURE. 435
leurmaison de campagne, faite des ar- sur Mazaca , passait aussi par Philome-
bres abattusdans la forêt voisine. Les linm(l); toutes ces conditions topogra-
troupeaux de bœufs et de chevaux er- phiques permettent d’identifier la ville
rent à l’aventure, et le soir tout cela d’Ak checher avec l’ancienne Philome-
vient se grouper autour de l’enceinte qui liuni. Il ne reste des' ruines de l’an-
campa Manlius après avoir uuitté Beu- C’est un turbé ou chapelle sépulcrale
dos vêtus. La vallée est ombragée par entouré d’une colonnade qui supporte
une magnifique forêt, et dans un élar- la toiture: lescolonnes ont été prises à
gissement formant une sorte de cirque d’anciens monuments. Le cimetière,
s’élèvent les ruines d’un édifice, byzan- voisin est rempli de débris d’architec-
tin, que les nomades appellent l’église ture antique qui prouve que l’ancienne
blanche, Ak kilissé. 11 se compose d’une Ak cheher était une ville d’une certaine
'
vaste salle voûtée, et au-aessous se importance.
trouve un caveau rempli de décombres; A six milles au nord de la ville est
plusieurs vestiges d’autres édifices, qui un grand lac dont la position concorde
mériteraient un examen plus détaillé, avec celle du lac des quarante martyrs,
sont épars aux environs quelques dé-
;
mentionné par Anne Comuène comme
bris d’inscriptions témoignent que ce placé entre Polybotum au nord et Phi-
lieu un centre de population avant
a été lomelium au sud.
l’empire byzantin. .Sa distance de Bayat,
qui est d’environ seize kilomètres et ,
CHAPITRE XXXVI.
surtout la direction de la route, la seule
par laquelle on puisse se rendre sur les BUMÉNU— ICdBKLl.
I
nabura. Une belle source coule dans la villes de la grande Phrygie; elle fot
vallée; elle va rejoindre à deux milles
fondée par Eumène, roi de Pergame,
de là un ruisseau sans nom aujourd’hui, qui lui donna son nom. Les auteurs an-
qui est sans doute le fleuve Alander.
ciens (2) se contentent de la mention-
Les montagnes qui sont au nord for- ner ; elle est comprise par Hiéroclès dans
la notice des villes épiscopales. Ce sont
ment la frontière de la Galatie. Il en
sera question quand nous serons arrivés tous les renseignements que nous four-
icette province. nissent les auteurs ; mais les ruines d’En-
menia ont été retrouvées au village
PBILOMKUDH. — AK CHEHBB. d’ichékli , et le grand nombre d’ins-
criptions qu’elles ont produites supplée
Philomelium était une petite ville de largement au silence des historiens.
la Plirygie Parorée sous la juridiction Comme toutes les grandes villesd’Asie,
de Synnada. La carte de Peutinger la
met au sud de cette dernière ville sur (i)Strabon, XII, 576; £utrop,üv. IV, cb.
la grande route de Cappadoce. Uneautre
a; Pline, liv. V, cb. 39.
route partant d’Éphèse et se dirigeant (•j) Sirabon, XIV, Il ,
2 ».
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,
436 L’UNIVERS.
Euménia était administrée par un dou- plaine bien cultivée à laquelle succède
ble conseil du sénat et du peuple; elle une lande pierreuse et diserte, bornée
avait reçu le titre de Sébaste , et des au sud par une chaîne de collines ro-
jeux publics étaient célébrés le jour de cheuses.
la naissance d'Auguste, sous la prési- Du haut de ce col on jouit d’un vaste
dence du proconsul d’Asie, à l’imita- panorama qui s’étend sur les plaines
tion des jeux augustaux de Rome. Les d’Euménia à l’est, etd’Apaméeàrouest;
courses aux flambeaux présidées par on descend ensuite dans la plaine
un Lampadarque sont mentionnées dans d’ichékii à deux heures au sud de cette
une autre inscription en même temps colline. Le village est situé au pied
que 1a prêtrise de plusieurs temples de d’une montagne rocheuse sur laquelle
Diane , d’Esculape et de la mère des était construite l’acropole; cette monta-
dieux, Agdistis. gne est séparée des hauteurs voisines par
Les habitants d’Euménia ,
comme une vallée étroite qui donne naissance
ceux de Phocée, avaient pour usage de à plusieurs sources dont les eaux su
compter les mois par un simple nu- réunissent en un torrent qui forme des
méro d'ordre. La pdpulation était divi- marécages avant d’aller se jeter dans le
sée en tribus. M. Hamilton a rapporté Méandre.
l'inscription du tombeau d’un semeio- M. Hamilton considère cecoursd’eau
graplie (est.>ce un libraire ou le graveur comme le Glaucus mentionné par Pline,
des inscriptions municipales ) nommé et tranche la question controversée par
Actiacus, de la tribu Athénaïde, qui le colonel Leake,qui regardait le Glaucus
s’était fait construire de son vivant un comme une rivière de Carie (1). En fait
tombeau avec un monument commé- de monuments dignes d’être observes,
moratif au-dessus (I). il ne cite qu’une excavation taillée dans
L’empereur Marc-Aurèle fit faire de le roc, devant laquelle sont les ves-
• grands travaux d’utilité publique dans tiges d’un portique. Un grand nombre
la ville d’Euménia, et les habitants le de colonnes et de piédestaux sont répan-
remercient de ce bienfait par une ins- dus dans la ville et dans le konac de
cription honorifique. l’aga ; le village contient deux cciit
Les ruines d’Eüménia ont été obser- cinquante ou trois cents maisons dont
vées pour la première fois par Pococke le plus grand nombre est occupé par
au village d’ichékii, mais elles n’ont été des Turcs.
bien déterminées qu’après les recherches
faites par Arundeli, qui rapporta plu- CHAPITRE XXXVII.
sieurs inscriptions contenant te nom de
la ville. LAODICÉE SUB LE LYCUS. — ESKI
Ichékli est située à onze heures de HISSAS.
marche, au sud-sud-est d’Ouschak; on
faitd’abord trois heures de marche dans Antiochus Soter, en fondant une
une plaine nue, jusqu’au village de ville nouvelle sur les bords du Lycus
Yapal une heure apres on franchit la
;
lui donna le nom de Laodicée en l’hon-
rivière Banas tchaï, et l’on fait halte au neur de sa femme Laodice. Ce fut d’a-
village de Sedjikier; on a fait depuis bord une place de peu d’importance;
Ouschak six heures et demie de marche mais l’excellence de son territoire et
ou trente-neuf kilomètres. D’après une l’esprit industrieux de ses habitants ac-
inscription encastrée dans le mur de la crurent insensiblement la fortune de
mosquée de ce village, M. Hamilton a Laodicée, qui , sous le règne de Tibère
constaté qu’il occupait l’emplacement était devenue une des plus belles villes
de l’ancienne Sébaste. Il ne signale en de la Phrygie (2). Plusieurs citoyens
ce lieu aucune autre ruine importante. opulents lui firent des donations impor-
De Sedjikier on fait une heu re de marche tantes; Strabon cite Hiéron, citoyen de
jusqu’à Bourgas, village situé dans une
(i) Hamilton, I. C. T. Il,- 164; Arundeli,
(:) Mviiptiov vùv TÛ ^bipü, Hamilton, Seven Chiirchrt, p. a37, liotep. 3 ay.
Retearehet, t. II, iaic. n" 356. (i) Strabon, XII, 578.
,
Ijodicée ,
qui embellit la ville de plu- debout; une inscription placée sur la
sieurs monuments , et lui fit en outre porte principale gravée en grands carac-
présent de deux mille talents. tères est ainsi conçue :
centres de population dont on chan- une erreur que l’on commet souvent.
geait le nom. Selon Pline, Laodicée Le monument est bien un stade ou hip-
s'appelait primitivement Diospolis et podrome destiné aux courses de che-
Rolia, sans doute à cause des nombreu- vaux.
ses rivières qui l’entouraient: les fleuves Les autres édifices consistent dans un
Asopus et Caprus se réunissaient sous gymnase dont le plan pourrait être re-
ses murailles et allaient tomber dans le levé presque en entier, deux théâtres
Méandre. dont l’un peut être considéré comme
Les ruines de Laodicée, appelées un odeum ou théâtre de musique. I.es
aujourd’hui Eski hissar, le vieux châ- alignements des rues sont marqués par
teau sont situées à six kilomètres au
, des portiques et de.s colonnades dont on
nord de Denizli. Ses monuments sont peut suivre les différentes directions.
presque tous dépouillés des marbres La surface de la ville est couverte de
qni en faisaient la beauté ; ils sont de constructions parmi lesquelles ou re-
temps immémorial exploités comme connaît plusieurs temples avec leurs
carrière par les villes et villages des en- soubassements , et les bases des colon-
virons. L’ensemble des monuments de nes encore en place.
Laodicée porte le caractère de l’archi- Les murailles, les portes, et enfin la
tecture du deuxième ou troisième nécropole couverte de nombreux sar-
,
siècle. Il n’y a dans leur style rien d’o- cophages , tout cet ensemble concourt à
riginal ou dfe spontané qui attire l'at- faire de Laodicée le sujet d’un très-beau
tention de l’antiquaire ; si l’on ajoute travail de restitution. Mais la descrip-
à cela l'état de ruine et de désolation tion de ces monuments, sans qu’on
dans lequel ils se trouvent, on compren- ait préalablement reconnu leurs dispo-
dra que celte ville n’ait pas encore été sitions particulières serait sans profit
l’objet d’une étude spéciale, et que ceux pour l’étude.
ni l’ont visitée n’en aient fait qu’une La ville était pourvue d’eau potable
3 escription sommaire. Presque tous les par le moyen d’un long aqueduc posé
voyageurs qui ont parcouru ces régions sur des arcades qui prennent naissance
ont passé par Laodicée et ne s’y sont ar- à la colline voisine. La source avait au
rêtés que peu d’heures. plus haut degré la propriété incrustante,
Le premier monument qui attire les aussi d’énormes stalactites se sont-elles
regards en venant de Denizli est le formées par l’épanchement des eaux
stade, qui est encore en bon état de hors de leur canal , et ont-elles oblitéré
conservation; il est à l’extrémité sud presque tous les conduits.
de la ville. Les gradins reposent sur le Les ruines de Laodicée datent pres-
flanc d’une colline qui offrait une base que toutes de l’époque romaine, et con-
naturellepour asseoir le monument. tiennent peu de vestiges de l’art chré-
Les arcades des carcères sont encore tien. CeHe ville fut cependant comptée
,
43R L’DNIVERS.
nu nornbre des sept églises d'Asie, et parable, mais l’étranger qui arrive est
elle est iiieiitioniiée dans de
l'épitre loin de s’accommoder de cette vie cham-
saint Paul aux Colossiens. pêtre; pendant la belle saison les ha-
Elle fut un des principaux sièges bitants couchent sous des berceaux de
apostoliques de l’Asie, mais n’oUrit feuillage au milieu de leurs jardins,
qu’une faible résistance à l’invasion mu- les maisons sont désertes, et la ville
sulmane. Les Turcs en étaient maîtres de pierre, la Cassaba, n’est plus habitée
en 1097, lorsque Kutayali était encore que par les chiens errants.
entre les mains des Byzantins; l’empe- Les eaux de la plaine de Laodicée
reur Jean Comnène la reprit en lIZO, sont maintenant assez bien étudiées :
et fit réparer ses murailles. Après avoir le Lycus prend sa source ilans le mont
été pendant près d'un siècle soumise à Cadmus, qui sépare la Phsygie de la
toutes les vicissitudes de la guerre, Carie ; il est plus éloigné de Laodicée
Laodicée finit par tomber sous la domi- que ne semble le. dire Strabon. Après
nation musulmane. On ignore les cau- avoir coulé quelque temps à l’air libre,
ses de l’abandon de cette ville; la po- il se précipite sous terre aux environs
DEMZI.I. — LK r.YCUS.
.M. Hamiltoii qui a visité dans ce but
spécial les ruinesde Colossæ, émet une
opinion qui présente un côté plausible,
Denizii est la ville la plus voisine mais qui n’est encore qu’une conjec-
de Laodicée, et paraît s’être formée de ture.
la population de cette ville, qui a peut- Après avoir quitté le village de Kho-
être été chassée par quelque catastrophe nos, M. Hamüton va droit au nord
subite. Ce fut d'abord une petite place pour reconnaître les cours d’eau qui ar-
entourée de murs. Mais au commence- rosent ia plaine ; il retrouve le véritable
ment de ce siècle, un tremblement emplacement de Colossæ à trois milles
de terre renversa presque toutes les au nord de Khonos la il traverse sur
;
lèrent au milieu des Jardins. Il s’est sou ou Lycus, ce cours d’eau reçoit un
formé ainsi une ville agreste qui a un peu au-dessus du pont, un cours d’eau
cachet tout particulier; les mosquées nommé Ak sou, qui jouit au plus haut
sont de grands bâtiments entourés degré de la propriété incrustante. L’au-
de colonnades, le tout en bois et bar- teur suppose que du temps d’Hérodote
bouillées de dessins fantastiques, re- les incrustations de l’Ak sou avaient
présentant des villes, des navires et des formé sur la rivière , une sorte de pont
forteresses; toutes les couleurs de l’arc- ou de couverture de tuf sous lequel dis-
en-ciel, sont employées pour peindre paraissaient les eaux. Cette grotte qui
ces édifices, qui ont plutôt Tair de pa- couvrait la rivière, se sera écroulée par
godes indiennes que de mosquées. suite d’un tremblement de terre, d'où
La beauté des jardins de Denizii M. Ilamilton conclut qu’aujourd’hui on
l’abondance des fruits de toute sorte,
donnent à ces lieux un charme incom- (i^ Hérodote, liv. VII, ch. .to.
ASIK MINEllRK. 4i9
chercherait eu valu la diaparition du dès les temps les plus reculés , autour
Lycus (I). de ces sources de nombreux malades
I^es fleuves Asopus et Caprus sont les et une population toujours croissante :
deux petits ruisseaux, presque toujours car là, plus qu’ailleurs, les anciens
à sec qui circulent aux abords de Eski
,
voyaient une manifestation de la volonté
hissar. Une autre rivière prenant sa des dieux pour soulager les douleurs de
source à la base du mont Cadnius sé- rhumaiiite.
pare le territoire de Choiios, Colossx, Quoiqu'un grand nombre d’écrivains
de celui de Denizli ; ou lui donne le aient mentionné la ville d’Hiérapolis,
le nom de Geeuk bounar, la source ilsse sont tous attachés à décrire les
céleste, c'est sans doute le fleuve Cad- phénomènes de scs sources; mais pas
inus , qui est un affluent du Lycus. un ne nous a laissé de documents sur
LorK|u’on a quitté les ruines de Lao- Tous les monuments que
sa fondation.
dicée et qu'on sAvance au nurd-est dans nous voyons aujourd’hui sont à peu
la plaine du Méandre, l’horizon est près de la même époque, c’est-à-dire,
borné à l'est par une montagne blanche postérieurs à l’invasion romaine, et l’on
dont la forme et la couleur ont quelque conçoit , en effet qu’un sol aussi mo-
,
(i) Ilamilton, Ruearches, tome i", iii. (i) Strabon, liv. XIII, p. (>19.
440 LUJNIVERS.
voisine, est une petite ouverture, large bouique s’évaporant, les sels calcaires
autant qu'il faut pour qu’un homme y se déposent naturellement sur tous les
puisse passer; elle est entourée d’une corps avec lesquels l’eau est en contact,
balustrade carrée d’environ un demi- et particulièrement sur les petites aspé-
plèthre de circonférence ( 15"',40‘ ). Une rités qui se trouvent dans son lit, comme
espèce de brume, tellement épaisse qu’on les menues tiges de plantes, les cailloux
peut à peine y apercevoir la terre rem- et les algues mortes. Le frottement des
plit l’espace compris dans cette balus- eaux sur les bords du canal donnant
trade; elle ne cause aucune incommo- lieu à un plus grand dégagement de
dité à ceux qui s’en approchent, lorsque gaz, le dépôt s’augmente dans une bien
le temps est assez calme pour empêcher plus grande proportion sur les bords
qu'elle ne se communique à l'air exté- que dans le tond; aussi voit-on les ri-
rieur; mais si l'on y fait entrer uu ani- goles d’eau minérale s’exhausser en peu
mal, il expire sur-le-champ; les taureaux de temps , former de petites murailles
mêmes introduits dans cette enceinte qui s’élèvent jusqu’à ce que l’eau ait
tombent à l’instant, et on les éh retire atteint le niveau de la source ; elles s’é-
morts (1). J’ai léché des moineaux qui coulent alors de part et d’autre , aug-
y tombèrent et expirèrent immédiate- mentant l’épaisseur de la muraille, jus-
ment. Les Galles seuls, qui sont eunu- qu’à ce que leur cours, se trouvant
ques, y entrent sans danger; ils s’op- totalement intercepté, s'épanche dans
procbent de l’ouverture, ils y penchent toutes les directions, et forme sur le sol
même la tête jusqu’à un certain point, cette crodte calcaire d’un blanc parfait,
mais c’est ordinairement en retenant |ui aujourd’hui recouvre toute la sur-
leur haleine, comme nous l’avons re- ?àce de la ville. Mais les eaux des sour-
marqué par les signes de suffocation qui ces sont si abondantes, qu’elles ne dé-
paraissent sur leur visage. .Te ne sais si pouillent pas leurs sels calcaires avant
cela est commun h tous les eunuques, d’avoir atteint l’extrémité de la colline;
ni si les eunuques qui desservent le tombant avec impétuosité de roc en roc,
temple en qualité de prêtres sont les elles ont formé dans une hauteur de
seuls jouissant de ce privilège, et si trois cents pieds, les jeux de la nature
c’est l’effet d’une protection divine, ce les plus bizarres ce sont des cascades
;
qui serait probable pour des hommes écornantes, dont la mousse, resplendis-
qui se trouvent dans un état d’inspira- sant aux rayons du soleil , n’est autre
tion, ou s’ils font usage de quelques an- ue le dépôt pétrifié ; dans d’autres en-
tidotes avant d’approcher de la grotte. roits, tombant avec moins de force sur
Quant à la péirification des eaux , ce les aspérités des rochers, elles ont formé
phénomène, dit-on, a aussi lieu dans les des bassins d’une forme parfaitement ré-
fleuves de Laodicée, quoique leurs eaux gulière, ronds et ovales, superposés les
soient potables. Celles d’tliérapolis ser- uns aux autres, comme ces vasques des
vent encore merveilleusement a la tein- cascades que l’on faisait au dix-hui-
ture, au point que les laines qu’on y tième siècle. La ressemblance est d’au-
teint avec des racines le disputent aux tant plus grande, que leurs bords sont
teintures faites avec de la graine d’é- recouverts de stalactites d’une régula-
carlate ou avec la pourpre. Au reste , rité telle, qu’elles sembleraient être l’ou-
l’abondance de ses eaux est telle, que la vrage du plus adroit sculpteur. Et ce
ville est pleine de bains naturels. « n’est pas uu accident particulier; cela
Ces phénoincnes reçoivent une expli- se répète dans un nombre infini d'en-
cation des plus siinpîes; en effi-t, les droits, et toujours avec la même régu-
eaux minérales d’Hiérapolis, qui sont larité. Vers le nord-ouest de la ville, ces
alumineuses et légèrement sulfureuses, cascades pierreuses ont un aspect beau-
contiennent des sels calcaires qui se coup plus désordonné; mais leur cou-
trouvent dissous par un excès d’acide leur jaune et noirâtre indique que ces
carbonique ; lorsque les eaux ont coulé dépôts sont plus anciens que ceux de la
quelque temps à l’air libre, l’acide car- région sud; en effet, depuis le temps
que les eaux s’écoulent, elles se sont
(i) Slrabon, liv. XIII, p. RBo. bien souvent fermé le passage et ont ,
,,
ASIE MINEURE.
erré dans toute l'étendue de la colline, de ce Plutonium près d’un ancien
en laissant partout des traces de leur théâtre ( 1 ) :
en Europe à un grand nombre d'eaux sources minérales mais tous ceux qui
;
442 L’UNIVERS
grands bassins qui , en,
ont faii
réalité léger, facile a tailler, et qui a la propriété à
de ce monument thermal le
l’édilice de se durcir à l’air.
t
plus curieui qui existe. C’est en sortant En arrivant sur
plateau supérieur,
le
«
de là que les eaux tombent du haut de on aperçoit quelques traces des mu-
la eolline dans la plaine, et vont se railles antiques ; mais la porte princi- il
jeter dans le Lycus. Il parait que ces pale est ruinée. La légèreté du tuf em- i
eaux étaient autrefois employées avec ployé dansles constructions et l'épaisseur I
avantage pour la teinture (I). Ceci tien- des bancs que l’on pouvait tirer des ù
drait, sans doute, aux principes alu- carrières, permettaient aux architectes I
mineux que je crois avoir reconnus d’employer dans les monuments des
<1
dans la source; mais j’avais avec moi pierres d’un appareil considérable; aussi
un trop petit nombre de réactifs pour voit-on daus les édifices dTliérapolis il
pouvoir déterminer positivement les des blocs qui peuvent lutter de grosseur 1
principes constituants de ces eaux , que avec tout ce que nous connaissons de
j’ai éprouvées pendant plusieurs fois en plus colossal dans les monuments pé-
bains et en boissons, et que j’ai trou- iasgiques.
n
vées très- bonnes.
n
La situation de la ville est des plus CHAPITRE XXXIX
pittore.sques , et, du haut de la colline
I
sur laquelle, elle est construite, la vue LES THERMES. I
s’étend dans toute la vallée du Lycus
•
et du Méandre jusqu’aux montagnes de Ce qui frappe surtout l’étranger qui
,
a
rionie. A gauche s’élève la chaîne du arrive dans ces ruines , c’est l’exhaus-
I
mont Cadmus, qui donne naissance au sement du sol , qui a enterré la base
neuve de Laodicée. Du côté de l’est, de tous les édifices h une hauteur de
a
les montagnes très-voisines de la ville plus de deux mètres. Le vaste mo-
a
forment les affluents supérieurs du nument qui se trouve à gauche de l’en-
I
Méandre ; c’est dans ces cantons que se trée a souvent été décrit. La hauteur
a
trouvaient les villes de TIrémisouium de ses voûtes, qui ne sont soutenues
I
Colossæ et Célænæ, aujourd’hui détrui- que par l’appareil , sans l’emploi d’au-
t
tes , et dont la situation seule peut être cun blocage ni de crampons , montre
I
déterminée. Cette position était forte quel soin et quelle habileté avaient pré-
I
comme point militaire, puisque la ville sidé à leur construction. La grande
n’était accessible que par deux extrémi- salle qui donne parfaitement l'idée
,
tés. On y arrivait par des chemins tor- d’une salle de thermes communique
.
»
tueux. niais ce qui protégeait particu- avec d’autres pièces moins élevées, et
I
lièrement lliérapolis, c’était son titre de dans lesquelles sont des canaux où l’eau
1
Vi7/e sain/e, qu’elleavait reçu à causedu minérale coule avec rapidité. Le moyen,
I
son enceinte. Parmi les inscriptions dé- mer serait, s’il de les
était possible,
couvertes dans ses ruines, on en trouve faire couler à l’abri du contact de l'air.
une où il est fait mention d’Apollon Ar- L’extrados de la voûte n’est formé que
chégète; mais elle est incomplète. par l’épaisseur des voussoirs, et était
En montant du côté de l’est , on ob- probablement couvert par une terrasse.
serve, à droite et à gauche de la rampe Leschambres qui avoisinent cette grande
très-rapide qui conauit à la ville , un salle sont totalement dépourvues d’or-
certain nombre de tombeaux ayant la nements d’architecture; mais on voit
forme d'ædicules ou chapelles ; quel- dans les murailles un grand nombre de
ques-uns ont leur façade ornéede (quatre crampons indiquant que des dalles de
pilastres d’ordre dorique, et l’interieur marbre recouvraient ces grossiers li-
est éclairé par de petites fenêtres, closes bages. Cette salle conduit à une avant-
de treillis ou croisillons de pierre. Tous cour ornée à ses deux extrémités de
ces édiGces sont construits avec le tuf deux hémicycles, qui sont séparés de
formé par le dépôt des eaux , qui est l’enceinte principale par deux rangs de
six pilastres carrés avec des chapiteaux
(i) Sinit)., \III, p. 65o. corinthiens. C’est une particularité dans
,
l'architecture antique. Partout ailleurs entre les thermes et le théâtre sont au-
on aurait mis là des colonnes. En effet, jourd’hui ensevelis dans le sol. Il parait
le pilastre vu en perspective est tou- qu’à unecertaine époque de notre âge il
jours d’une forme désagréable, puisque y avait encore un peu de population dans
sa grosseur varie entre la diagonale et ces ruines, car on trouve une multitude
le côté du carré , selon l’angle sous le- de petits murs faits avec des débris anti-
quel il est observé. Cet inconvénient n’a ques, et qui semblent avoir été cons-
pas lieu pour des colonnes rondes ; aussi truits pour enclore des héritages; mais
dans la bonne architecture ancienne, le tuf calcaire gagnant toujours a réduit
les pilastres n’qnt jamais été employés ces pauvres champs à une stérilité com-
qu’engagés dans quelque construction. plète. En allant des thermes au théâtre,
Les pilastres sont d’une seule pièce; nous passons près du bassin que nous
ils sont faits d’une brèche de tuf d’une avons décrit, laissant à droite et à gau-
couleur assez agréable, mais qui n’est che des murailles sans forme et sans
susceptible d’aucun poli; il
y a quel- nom , et d’une époque indéterminée.
ques-uns de ces filts qui se sont courbés
sureux-mémes, comme une poutre mal CHAPITRE XL.
séchée; c’est un phénomène extrême-
ment curieux dont la cause est due
,
LR THF.ATRR.
sans doute, à la présence d’une grande
quantité d’eau de carrière dans cette Éln avançant dans l’intérieur de la
roche. Il ne de la cou-
reste plus rien contrée, on marche de surprise en
verture des deux hémicycles, qui cer- surprise, en observant les nombreux et
tainement n’étaient pas à ciel ouvert magnifiques théâtres qui décoraient les
comme la cour. La destination de ces villes de ces riches provinces. Là, tout
hémicycles paraît se rapporter à ce que est disposé pour une vie de plaisir et de
Vitruve appelait scholæ (I) dans les repos. De nombreux portiques qui
thermes anciens ; c’est là que se rassem- abritaient les citoyens , des fontaines
blaient, pour converser, les philoso- ui tempéraient l’ardeur du climat, et
phes et les oisifs. Il n’est plus humaine- es ombrages frais sur ces montagnes
ment po.ssible de rendre compte de la aujourd’hui dépouillées, voilà le tableau
nature du sol de cet édiGce, ni de voir que présentent à l’imagination les rui-
s’il
y avait des baignoires des bassins ,
nes austères de ces cités désertes. On
et autres dispositions usitées dans les est d’autant plus surpris en entrant
thermes. est , d’ailleurs
Il inutile de ,
dans l’enceinte du théâtre deHiérapolis,
contester sérieusement l'opinion de que rien n’y retrace le ravage de
ceux qui veulent voir dans ces ruines l’homme. On voit que les décombres
les débris d’un gymnase car il y avait : qui remplissent l’orchestre se sont ac-
toujours des bains dans ce dernier édi- cumulés là par l’effet du temps; mais
fice, et dans les bains il
y avait toujours l’œil n’estpas affligé de l’aspect de ces
des salles destinées aux exercices du êabanes, de ces tristes masures qui,
corps et aux jeux de l’esprit. On ne doit dans nos villes d’Europe, enlèvent aux
pas être surpris de retrouver dans un ruines tout leur intérêt poétique. Quoi-
même édifice les dispositions de l’un que Hiérapolis ait été bien souvent vi-
et de l’autre établissement. Il est peu sitée et décrite il n’y a pas encore un
,
entièrement renouvelées à l’époque des obstacle majeur; c’est que ces lieux
Antonios, par suite des tremblements sont complètement privés d’eau douce ;
de terre, et aussi par l’introduction des on en trouve à peine dans un puits situé
mœurs et de la civilisation romaines à une demi-lieue de là, au pied de la
parmi les peuples de l’Asie. colline, et dont
les familles turcomanes
Tous lesrqonuments qui se trouvaient défendent l’approche avec une jalousie
peu commune. 11 est donc extrême-
(') vitruve, liv. V, c«p. lo. ment difficile de séjourner dans la ville
444 LTJmVBRS.
nvec des chevaux et des domestiques on peut la regarder comme un des très-
nombreux. anciens temples du christianisme. 8a
La disposition de la scène du tliéâtre construction est analogue à celle de
est identiquement la même
que celle du tous les autres monuments ; ce sont
théâtre d^Aizani; on y remarque cinq des blocs énormes placés les uns sur
portes de front ; plus, deux petites portes les autres , et soutenus par leur propre
déguisées ,
qui conduisaient dans les poids. On ne voit dans cet édifice au-
salles du postscénium. Les chambranles cun autre ornement qu’une croix grec-
des principales portes sont encore en ue sculptée sur chacun des pieds-
place; ils sont décorés de festons et de roits.
rinceaux, et, parmi les innombrables Tout l’espace entre cette église et le
fragments de l’architecture de la scène, côté du nord est occupé par des tom-
on voit des fûts de colonnes cannelées beaux de différents styles , et qui ont
en spirale , des bas-reliefs de style ro- presque tous porté des inscriptions ;
main , dont l’un offre le triomphe de mais la nature poreuse de la pierre ne
Bacchus, légèrement mutilé. La grande permet pas de les lire avec facilité.
salle du postscénium est ornée de colon- Parmi ces tombeaux, il y en a, comme
nes ioniques en tuf; elle était proba- je l’ai dit, qui ont la forme d’un petit
blement voûtée; quant à la cavéa, elle temple; ce sont ceux que les anciens
n'a rien de remarquable. La diazoma appelaient Mvîîpa. Mais la forme la plus
ou la précinction du premier étage n'est générale est un soubassement massif
qu’un mur uni sans escaliers. A droite dans lequel est pratiquée une chambre,
et à gauche de la façade , dans le mur et qui est surmonté d'une sorte de cé-
de soutènement des gradins, sont des notaphe, qui est appelé Bupof dans
vomitoires qui conduisent à la précinc- les inscriptions. 11 y avait un autre
tion du premier étage. genre de tombeau qu’on appelait "Hpuov,
et qui surtout était destiné aux vain-
ÉGLISE. — AGORA. queurs des jeux et aux hommes de d is-
tinction. Le Tdlço; était ordinairement
Pour aller du
théâtre aux autres rui- un tombeau souterrain mais l’expres-
;
nes, il faut franchir un grand espace sion générique est Iwayttlïw pour ex-
dans lequel s’élèvent çà et là des fûts primer l’action de déposer dans le tom-
de colonnes disposés sans ordre. On beau.
arrive ensuite à deux tours rondes qui
flanquent une porte triomphale percée CHAPITRE XLI.
de trois arcades, se rattachent à une
muraille , et forment comme une vaste THEMISONIUM. — TÉFÉNÉ.
enceinte dans l’intérieur de la ville.
Cette enceinte parait avoir renfermé des D’après la table dePeutinger, Thenii-
portiques et l’Agora. On observe encore sonium était située à trente-quatre mil-
une colonnade dorique surmontée de les au sud de Laodicée; Strabon la
quelques pilastres d’ordre ionique; nomme après Colossæ : la courte nomen-
mais ces restes sont d’une médiocre ar- clature qu’il donne des villes de Phrygie
chitecture ,
extrêmement ruinés. Du
et descend du nord au sud. Etienne de
côté du nord les murs vont se ratta-
,
Byzance se contente de dire que c’était
cher à un vaste édifice quadrangulaire, une ville de Phrygie. Le texte de Pau-
qui était une église de style primitif ; la sanias soulève cependant une certaine
nef se compose d’un grand arc à plein difficulté au sujet de l'emplacement de
cintre, dont la retombée porte sur trois Themisonium et de l’antre Steunos.
arcs latéraux qui formaient comme des Nous avons vu que selon le même au-
chapelles. Le fond de l’église est formé teur cette grotte était située dans le pays
par un hémicycle; ce^ie architecture d’Aizanieetdans le mont Dindj'inène ( I ).
est tout à fait primitive , et sans oser Dans son voyage de Pbocide il revient
dire qu’elle remonte aux premiers chré-
tiens qui se déclarèrent partisans de la (i) Paiisanias, liv. VIII, ch. 4; liv. X, ch.
foi après les prédications de saint Paul, 8a. Strabon, XII, 576.'Voy. pag. 897,
, , -
sur le même sujet, et ajoute ces Phry-: mités des ruines en brique et en pierres
iens, qui sont originaires d'Aizanie, ont de taille, elles indiquent que ce lieu est
fans leur pays l’antre Steunos, ils en sur remplacement d’une ville ancienne,
ont fait un temple de la mère des dieux. mais par ce qui reste de ces ruines, on
Themisonium, au-dessus de Laodicée, eut juger qu’elle était peu considéra
est une Tille qui appartient aussi aux le (1). La plupart des cartes modernes
Phrygiens. Ces peuples disent que du placent en effet Themisonium au bourg
temps que les Gaulois exerçaient leurs de Téféné, sans tenir compte de cette
brigandages en Ionie, les archontes de distance de trente stades, qui est certai-
Tliemisonium furent avertis par un nement une erreur ou de l’auteur ou
songe qu'ils attribuèrentaux dieux Her- d'un copiste.
cule, Apollon et Mercure, de l’existence
d'un antre où les habitants seraient en CHAPITRE XLll.
sûreté eux , leurs femmes et leurs en-
,
y séjourna sept jours, de là on lit vingt véritable culte ; ou lui offrait des sacri-
uarasunges en trois jours de marche, et fices, et les offrandes étaient jetées dans
l'on vint à Celænæ autre grande ville la source, qui les engloutissait sous
de la Phrygie, dans laquelle Cyrus avait terre.
un palais et un parc rempli de bêtes Alexandre, vainqueur des Pisidieus,
sauvages, où il prenait le plaisir de la se présenta devant Celænæ. Le cliâteau
chasse. Le Méandre y prend sa source, gardé par une garnison de mille
était
et passe de là dans la ville. Au-dessous Cariens et de cent Grecs , commandés
de la citadelle est le palais du roi, qui par Atizyès satrape de Phrygie. La po-
renferme les sources du Marsyas, petite .sitiou formidable de la citadelle arrêta
rivière d’environ vingt-cinq pieds de un moment la marche d'Alexandre : il
large, qui va se jeter dans le Méandre; craifpiait d’étre obligé d’entreprendre
c’est là que Xerxès se retira après sa un siège difficile; mais la garnison lui
défaite et bâtit le palais et la forte- envoya des parlementaires, qui promi-
resse Les eaux du Mursyas sortaient
(2). rent de rendre la place si elle n'était
de terre avec une telle impétuosité, que secourue à une époque déterminée, ce
souvent elles jetaient des pierres au- qui fut accepté. Les secours n'étant pas
dehors. Ce fait attesté par Théophraste, arrivés, Alexandre remplaça le satrape
a été recueilli par pfiue (3|. Strahou par Antigone son lieutenant, et y laissa
fait une description differente des sour- lUne garnison de quinze cents Macédo-
ces du iMarsyas ; selon uct auteur le Mar- niens, c'est pour nous le dernier évé-
syas prenait sa source dans un lac nement notable dans l’existence de Ce-
nommé Aulocrène; selon Pline, ce lac lænæ. Peu d’aunees après, la création
était à dix milles d’Apamée. Cette der- d’une ville grecque, planæ dans sou
nière ville était située au confluent du voisinage et dans des conditions com-
Méandre et du Marsyas. « Il a sa source merciales plus favorables, porta à la
dans une colline appelée Celænæ, sur ville phrygienne un coup dont elle ne
laquelle est une colline du même nom. » se releva pas.
Jüt quelques lignes plus bas Au- : <>
La fondation d’Apamée fut la cause
dessus il y a un lac où croissent des de la ruine de Celænæ ; cette ville con-
roseaux iiropres à faire des embouchu- tinua cependant de subsister sous l’em-
res de flûtes; c’est, dit-on, de ce lac que pire romain ; Strabon la cite comnie
partent les sources du Marsyas et du existant encore en même temps qu’A-
Âléandre (4). » Il s’ensuit que le Marsyas pamée (3).
prenait sa source dans le lac d’.'Vulo- Antiochus Soter fonda une ville au
crène, disparaissait sous terre et ressor- confluent du Marsyas et du Méandre,
tait au milieu de la citadelle de Celænæ. et l’appelaApamée, du nom de sa mère
v..oogle
,
rd by Googl
448 LUNIVERS.
CHAPITRE XLIII. cophages indiquent la position de li
nécropole ; sous l’empire byzantin Co-
LAC ANAVA. — TCH4BDAK GHEOL. lossæ fut complètement abandonnée et
une ville du nom de Chonæ fut bâtie
Lorsque Xerxès quitta Celænæ pour un peu au sud au pied d’une colline.
se rendre à Colossæ, il passa près d'une C’est cette ville qui a été remplacée par
ville de Phrygie nommce Anava et d’un le village moderne de Khonos.
lac duquel on retirait du sel (I ). Le lac L’historien Nicetas, surnommé Chot
Tcharcfak situé près du village du même niatès, donne quelques détails sur sa
nom est le même Anava. Ses
que le lac ville natale; sous les empereurs byzan-
eaux sont très-saumâtres, le poisson ne tins elle étaitdans un état florissant, et
peut y vivre; il s’étend dans uue lon- renfermait une nombreuse population.
gueur d’environ vingt kilomètres au La grande église était dédiée à saint
ied des montagnes qui séparent le Michel ; cet édifice fut brûlé par les
istrict d’Apamée de celui de Cibyra ; Turcs lorsqu'ils s’emparèrent deChonæ.
sa longueur est de cinq kilomètres, il est Aujourd’hui le village de Khonos se
alimenté par quelques sources qui sor- compose de deux cents maisons et tend
tent d'un terrain de poudingue calcaire. encore à se dépeupler. La terre est ce-
Ce lac porte aussi le nom de Hadji iendant de bonne qualité , bien arrosée;
glieul, le lac du pèlerin, et comme il fc village est entouré de beaux arbres,
est situé sur la route de Diuaire a Kho- la culture du tabac réussit bien dan.s
nos, c’est-à-dire d’ A pâmée à Colossæ, on ce terrain.
ne saurait mettre en doute l’identité du
lac de Tchardak avec celui d’ Anava.
CHAPITRE XLIV.
Colossæ était une des principales
QUELQUES VILLES DE LA PHBYGIE
villes de Phrygie ; Xer.xès y passa avec
PABOBÉE.
son armée lorsqu’il quitta la Cappadoce
pour se rendre à Sardes; le jeune Cyrus De Kara hissar la grande route de
y passa quand il marcha contre son Konieh se dirige sur Belouadoun, l’an-
frère.Sous le règne de Néron, Colossæ cienne Polybotum, ville d’origine peu
fut renversée par un tremblement de ancienne, car elle n’est mentiounée que
terre c’est sans doute de cette époque
; par des écrivains byzantins ; il ne reste
que date la décadence de cette ville. La que très-peu de ve.siiges d’antiquités à
religion chrétienne, qui s’était rapide- Belouadoun cette ville est éloignée de
,
(i) Hérodute, liv. Vil, ch. 3o. (i) BesearcfieSf (te., \. II, 184.
,
4S0 L’UNIVERS.
ajouter encore quelques noms à la liste phie Cette ville n’existait pas encore ;
(1).
des villes connues. Bien des routes sont du il n’avait pas à traverser son
reste
encore à suivre, qui mèneront certaine- territoire, puisque sa marche inclinait
ment à la découverte de monuments au sud. met trois jours pour traverser
Il
ignorés. la Lydie, et fait 22 parasanges. Arrivé
au bord du Méandre, il passe le fleuve
CHAPITRE XLV. sur un pont de sept bateaux , et après
une marche de S parasanges, il va faire
MARCUB DU JEUNE CVKUS DE SABDES halte à Colossæ, ville de Phrygie. Il avait
A TABSB. parcouru 30 parasanges ou 140 kil. 610.
Colossæ, dont la position est connue,
Le jeune Cyrus, nommé gouverneur est repr&entée par la ville moderne de
de la Lydie, apprenant que son frère Khonos; cette ville était une des plus
Artaxerxe a été désigné par leur père florissantes de la Phrygie Parorée ; elle
Darius pour lui succéder au trône, était généralement un point d’étape des
forma le projet de le renverser et de se armées perses.
substituer à sa place. Cet événement Cyrus fit une halte de sept jours dans
commun dans les aunales de l’Orient cette ville, où il fut rejoint par un corps
eut un immense retentissement dans de quinze cents vétérans et scutaires
l’histoire, parce qu’au nombre des Grecs sous les ordres de Menon. Partant de
enrôlés sous les enseignes de Cvrus, Colossæ, il fait une marche de 20 pa-
se trouvait Xénophon, qui, après la dé- rasanges jusqu’à Celænæ; soit 93 kil.
faite du jeune prétendant commanda 740 m. Cyrus possédait à Celænæ un
la retraite des Dix Mille. Nous nous bor- palais et un parc rempli de gibier; il
nerons dans ce chapitre à suivre les séjourna trente jours dans cette ville
étapes de Cyrus depuis son départ de pour s’y livrer au plaisir de la chasse,
Sardes, et nous ferons en sorte d'iden- peut-être aussi dans le but de dérouter
tifier les points remarquables de ses hal- le roi Artaxerxe sur ses projets ulté-
tes avec les localités modernes, confor- rieurs, ut laisser son armée dans l’igno-
mément au récit de Xénophon. rance de ses desseins. Celænæ était si-
Cyrus, sous prétexte de s'opposer aux tuée à la jonction de la rivière Orgas
empiétements du satrape Tissapberne, et du Méandre ; elle est remplacée par
enrôle des troupes grecques , et quitte la petite ville moderne de Dinaire. Au
sa résidence de Sardes, en l’année 404 bout de trente jours, Cyrus se remit en
avant notre ère. Xénophon a eu le soin marche ; il fit 10 parasanges, 46 kil. 870,
de noter presque toutes les distances en jusqu’à Peltæ. La position de cette ville
parasanges entre les principales villes, n’est pas parfaitement déterminée, mais
traversées par l’armée d'invasion. elle doit se trouver dans le voisinage du
La longueur de la parasange ancienne villagede Ischekii, l'ancienne Eumenia.
est estimée en milles géographiques Peltæ était à un jour de marche de
à 2 milles 455 ou à 2 milles 608. &ns Celænæ et dans le bassin supérieur du
entrer dans la discussion entre ces deux Méandre; la table de Peutinger met
mesures nous en prendrons la moyenne, Peltæ à vingt-six milles d'Apamée ou de
soit 2 milles 531, et comme le mille Celænæ. Iæ Campus Peltenusqui envi-
géographique vaut 1852 mètres, il s’en- ronnait la ville faisait partie de la Phry-
suit que la moyenne de la parasange gie.
est de 4 kilomètres 687 mètres. Les ruines de Peltæ ont disparu ; cette
Cyrus partant de Sardes se dirige ville a sans doute été remplacée par
vers la Pisidie, pendant que Tissapberne, Euménia, comme Celænæ par Apamée.
avec une escorte de cinq cents chevaux, L’armée séjourna trois jours à Peltæ,
se rend à Suze (1). Cyrus suit une route où l’on célébra la fête des Luperealia,
parallèle au fleuve Cogamus, que nous au milieu des jeux et des sacrifices.
savons être le Couzou tchaï (la rivière En quittant Peltæ, Cyrus se dirige
de l’agneau) qui passe devant Philadel- vers Ceramorum Agora, et fait 12 para-
sauges, 56 kil. 244. Cette localité est ré- appelait la TpniGs. Elle était très-riche
galée par M. de Hatnmer comme le et très-peupiM ; on en reconnaît l’empla-
Digilized by GoogI
. ,
453 L’UNIVERS.
I^aritanges. Klloméiret. il marche sur Halicarnasse,
Milet prise,
De Sardes : que rarmée emporte après un long
Colossæ 30 140,610 siège.
Celænæ 20 93,740 Alexandre entre en Lycie, s’empare
Pellæ 10 46,870 d’Hyparna, ville forte, détruit le fort
Ceramoruin agora. .. . 12 56,244 Pliænix , et vient occuper Telmissus
Caystropedium 30 140,610 Xantlius etPatare.
'rhymbriuin 10 46,870 Côtoyant la Lycie, l’armée d’Alexan-
Tyriæum....' 10 46,870 dre franchit le passage difficile du mont
Iconium 20 93,740 Climax par Phasélis, entre en Pamphy-
Barathra 30 140,610 lie, prend la ville de Perga. Les dépu-
Dana 25 117,175 tés de la ville d’Aspendus viennent faire
Portes de Cilicie 23 107,801 leur soumission. De Perga Alexandre
Tarse 20 93,740 marche sur Sidé Syllœum, remonte la
,
1
I
Digitized by Googic
,
GALAXIE.
brillante expédition qui eut pour ré- comme eux venus d’Europe , les Grecs,
sultat laconquête de la Phrygie centrale. les Phrygiens, les Mysiens , les Bi-
Pour nous, nous ne devons pas nous thyniens. Nous avons vu dans quel état
rappeler sans un sentiment il’orgueil se trouvait le royaume de Bithynie a
uatioual
,
que les Gaulois ont pénétré cette époque. Deiix compétiteurs’, sou'
pisqu’au centre de l’Asie Mineure, s’y tenus l'un et l’autre par des alliés puis-
sont établis
,
et ont laissé dans ce pays sants, et excités par de perfides conseils,
des souvenirs impérissables. Si le nom étaient en présence : Nicomède et Zipœ-
de Francs est le terme général sous le- tès étaient sur le point d’en venir aux
quel les Orientaux désignent les habi- mains.
tantsde l’Europe, c’est que nos ancêtres Le nom des Galates commençait à se
ont influé d’une maniéré notable sur répandre en Orient; les exploits des
lesdestinées de l’Orient dès les pre- tribus guerrières qui, sous la conduite
iniers sièclesde notre histoire. Celte de Brennus (l), avaient ravagé la Grèce
mfluence, confondue avec celle des Ro-
mains, quand la Gaule elle-même fut •Slral)., lil>. V, 187.
, ,,
4Ô4 L’UNIVERS.
l't parcouraient la 'l'iirace eu rançon- trembler les peuples amollis et habitué-
nant portaient la terreur au
les villes ,
au joug. Nicomède appela en Bitbynir
milieu des populations. Eu abandon- le corps des Gaulois de Léonorius, qui
nant la (iiéee après la mort de Bren- était resté près de Byzance, et, fort de
nus, les Gaulois se séparèrent en deux ces auxiliaires , il eut bientôt réduit les
corps ; l'un resta dans la Uardauie rebelles.
l’autre traversa, les armes à la main, la Le traité signé entre Nicomède et les
Ttiessalie et la Macédoine, vivant de Gaulois nous a été conservé par Plio-
pillage et de contributions levées sur les tius.
liabitants. Ce dernier corps , fort de « l.es Gaulois demeureront toujours
vingt mille hommes, reconnaissant unis par les liens de l’amitié avec Ki-
pour chefs Léonorius etLéontarius (1), comède et sa postérité.
arriva jusqu’à Byzance , rendit tribu- « Ils ne pourront Jamais, sans le con-
taire toute la côte de la Propontide, sentement de Nicomède, former aucune
et, devenu maître de Lysimacbie, dont alliance; ils resteront toujours les amis
il s’était emparé par surprise, il s’éta- de ses amis et les ennemis de ses en-
blit dans la Cbersouèse , et descendit nemis.
l’Ilellesponl. I.a vue des riches cam- « Ils donneront des secours aux
pagnes de l’Asie, dont ils n’étaient sépa- Byzantins toutes les fois qu’ils en se-
rés que par un détroit, donna à ces ront requis.
Gaulois le désir d’y former un établis- « Ils se porteront bons et Bdèles al-
sement. Ils députèrent quelques-uas liés des villes de Tios, Ciera, Chalcé-
des leurs vers Antipater, qui comman- doine et iléraclée. >>
dait sur cette côte. Le bruit de leurs C’est à ces conditions que le roi leur
exploits les précédait en Asie, et An- ouvrit l’entrée de ses États, et fournit
tipater, n’osant pas leur résister ou- des armes à ceux qui en manquaient.
vertement, suscita de continuelles dif- Le passage des Gaulois en Asie s’ef-
ficultés pour gagner du temps. C’est à fectua sous l'archontat de Damoclès,
cette époque qu’il faut rapporter la l’an de Rome 476, A. C. 278 (I|.
tentative que firent les Gaulois pour Dans le principe, le corps des Gau-
s’emparer de la Troade (2) , mais cette lois venus eu Asie se composait de trois
province avait été tellement ravagée tribus principales les 'l'olistoboiens
:
par la guerre, qu’ils ne trouvèrent pas l’une des plus puissantes tribus gau-
une place susceptible d’étre mise en loises qui fondèrent des établissenienis
état de défense. La ville d’Alexandria- dans Germanie, dans l’Italie et dans
la
Troas n'était alors qu’un bourg avec un rillyrie. Les Boiens, souebe de cette
temple de Minerve ; elle dut son ac- tribu, habitaient la Lyonnaise et l’A-
croissement aux bienfaits d’Hérode At- quitaine; leurs premières migrations
ticus. Lorsque les Gaulois arrivèrent, remontent à plus de cinq cents ans
ils trouvèrent cette ville sans murailles, avant notre ère. Le second corps, celui
et ne voulurent pas s’y établir. des Tectosages, qui devint le plus puis-
Les négociations entamées avec An- sant des trois peuples établis eu Asie
tipater ne recevant aucune solution, les faisait partie des Volces de la Narbon-
tribus commandées parLéontarius s’em- naise. Il est à croire qu’ils furent sou-
parèrent de quelques barques, et pas- vent les compagnons des Boiens dans
sèrent en Bithynie (3). C’était au mo- leurs expéditions lointaines, car César
ment où Nicomède s’apprêtait à faire la nous apprend qu’ils avaient aussi formé
guerre à son frère Zipoetès. Le roi de des établissements en Germanie (2).
Bitbynie les reçut plutôt comme des Cette tribu était la plus nombreuse et la
alliésque comiiie des ennemis, heu- plus illustre, et les Romains la com-
reux de pouvoir compter sur le se- blèrent de témoignages d’estime quand
cours d’étrangers dont la valeur faisait ils furent maitres detoute l’AsieMiueure.
Le troisième corps, celui üesTroemieus,
(j)Til. Liv.,lib. XXXVIU, ch. i6.
(a) SIral)., lib. XIII, Sgt. (i) Pausanins, lib. X, aS.
(3) Mciinoii, ap. Pliotiimi, 7ao. (a) Cresar, Comni., lib. VI, a4.
ASIE MINEURE. 4Ô5
avait formé son nom de celui de son les Gau lois se retirèrent au delà du fleuve
chef Trocraus. 11 paraît avoir toujours Sangarius. Cependant, ils ne cessèrent
été dominé par les Tectosages, et n’a pas de jouir d’une assez grande influence
pas laissé dans l’histoire le souvenir de sur les princes de rAsie Mineure ,
grands exploits. prêtant leur secours intéressé dans les
pays concédé par le roi de Bithynie
I.e dissensions nombreuses qui divisaient
à CSS nardis guerriers ne pouvait suffire ces princes souverains, et qui préparaient
à leur ambition. Ils entreprirent bien- le succès des armes romaines. Ils en-
tôt des expéditions contre leurs voisins, voyèrent un corps nombreux comme
qui tremblèrent, et offrirent de leur auxiliaire à Antiochus le Grand ; mais
payer tribut. Ils étaient entrés dans ces les conseils d’Annibal et la coopération
provinces comme les alliés d’un prince des Gaulois ne le sauvèrent pas d’une
asiatique, et, tout barbares et illettrés défaite. La vengeance de Rome s’atta-
qu’ils étaient , leur politique fut assez cha bientôt aux alliés du roi le consul
:
sage, assez habile, pour attirer à eux M. Manlius, jaloux de surpasser les
tous les Grecs Phrygiens, délicats
,
les exploits de Scipion , marcha contre les
et frivoles habitants de ces villes som- Gallo-Grecs sans attendre les ordres du
ptueuses. Ceux-ci acceptèrent la rude sénat. L'expédition de Manlius eut lieu
amitié des Gaulois, et formèrent avec l’an 565 de Rome (A. C. 189); il y
eux une alliance assez intime pour que avait quatre-vingt-neuf ans que lesGau-
le pays reçût des Romains eux-mémes lois étaient établis en Asie. En voulant
le nom de Gallo-Grèce. Toutes les na- accomplir son projet d’invasion dans la
tions de l’Asie Mineure menacées de ,
Galatie ,
le général romain fut assez
loin ou attaquées de près, se soumirent habile pour décider les princes Attales
à la domination gauloise , et l’Asie en à lui servir d’auxiliaires. Aidé des trou-
deçà du Taurus ne fut plus qu'un pays pes de Pergame, et guidé par des alliés
tributaire qu’ils se partagèrent à leur qui connaissaient le pays et les popula-
gré. Les Trocmiens eurent en partage tions, il n’hésita pas a se mettre en
les côtes de i’Hellespont, la Paphlago- campagne. Néanmoins, au lieu de mar-
nie et une portion de la Cappadoce; cher directement sur la Galatie , il fit
l'Æolide et l’Ionie échurent aux Tolis- un long circuit en suivant la chaîne du
toboiens, qui allèrent s’établir au delà Taurus.
du fleuve Sangarius et les Tectosages
,
Les Gaulois, vaincus malgré des pro-
prirent toute la portion septentrionale diges de valeur, firent leur soumission,
de la Phrygie et deCappadoce. Ils
la aux Romains.
donnèrent à leur nouvelle conquête le Le consul , qui s'était montré si exi-
nom de la mère patrie, et la Galatie geant et si avide envers les peuples de
asiatique fut placée au premier rang la Carie et de la Pisidie , accorda aux
des puissances indépendantes de l’Asie Gaulois une paix honorable, ne leur
Mineure. imposa aucun tribut, maintint leurs lois,
C’est vers cette époque que les Ro- et se contenta de leur défendre de faire
mains songèrent à porter leurs armes des incursions chez les alliés des Ro-
danscettecontrée.Fidèles à une politique mains. Le sénat confirma par un décret
qui leur avait toujours réussi, ils com- l’indépendance des Gaulois. Cette faveur
mencèrent à exciter contre les Gaulois, si rarement accordée aux peuples con-
la seule nation qu’ils redoutassent, les quis , les attacha définitivement à la for-
princes de Phrygie et de Bithyuie ; mais tune de Rome. Établis au milieu des mo-
la présence d’Annibal dans ce dernier narchies nées de la succession d’Alexan-
royaume suffisait pour déjouer leurs in- dre les Gaulois conservèrent la forme
trigues. Ce fut Attale, père d’Eumèue, de gouvernement usitée dans les Gaules.
qui le premier déclara la guerre aux Gau- Chacun des peuples formant la con-
lois (t), sous prétexte de s’affranchir de fédération gauloise fut divisé en quatre
l’impôt que payaient les rois de Per- tétrarchies ;
chaque tétrarchie avait un
game, et cette guerre fut heureuse, car tétrarque un juge, un général, subor-
,
alliés des Romains dans les guerres nombrables inscriptions oui ont été re-
contre Persée. Us eurent beaucoup à dans l’an-
cueillies depuis trois siècles
souffrir pendant la guerre de Sy lia contre cienne Galatie, pas une seule n'est
Mithridate ; la Galatie fut envahie par écrite en gaulois. Les actes émanant du
le roi du Pont; les principaux habitants conseil général des Galaçes sont tous
furent massacrés, et le pays, réduit eu en langue grecque ; les actes publics
province, reçut des gouverneurs par- émanant du pouvoir impérial, les ins-
ticuliers. Après la défaite de Mithridate criptions relatives aux magistratures
par Pompée, la Galatie rentra sous la militaires, aux légions, aux routes,
domination romaine ; mais on ne lui sont tous en latin; on avait soin quel-
rendit plus ses tétrarques. Déjotare, quefois de mettre une traduction grec-
prince galate , reçut le titre de roi. Il que à côté de l’inscription latine.
eut pour successeur son secrétaire Le même sénatus-consulte qui ins-
Amyntas, qui dut cette faveur à un crivit la Galatie au nombre des provin-
caprice de .Marc-Antoine» On ajouta à ces , déclara Ancyre métropole de toute
son royaume plusieurs parties de la la Galatie. Les deux autres capitales des
Pisidie'et de la Cappadoce ; mais tous Galates, Tavium et Pessinunte, com-
ces nouveaux royaumes , sans force par mencèrent à déchoir à partir de cette
eux-mêmes, n’avaient qu’une existence époque. La destinée de ces deux villes
précaire. Amyntas mourut après un fut tellement uniforme , que l’une et
règne de douze ans et ses enfants
, l’autre sont restées pendant des siècles
n’héritèrent pas du trône de leur père. englouties dans un oubli complet, et
La Galatie fut réduite par Auguste eu leur position même était ignorée. Pessi-
province romaine (A C. 25) (3). Nous nunte peut aujourd'hui déployer aux
retrouvons plus tard le fils d’Amyntas, yeux du voyageur les faibles débris de
Pylæmèues. aux fêtes de la dédicace sa grandeur passée mais Tavium la: ,
confondus avec eux dans la période qui ciles de Nicée et de Chalcédoine. Deux
suivit le règne des césars. conciles furent tenus, en 314 eten 338,
Telles sont donc les conséquences des dans la capitale de la Galatie. Les No-
événements que nous avons rapidement tices ecclésiastiques divisent la Galatie
retracés. Deux peuples braves et entre- en seize évêchés sous deux dénomina-
prenants viennent i’un après l’autre as- tions, la Galatie-Salutaire et la Galatie-
seoir leur puissance sur une des plus Consulaire. Ancyre appartenait à œtte
belles parties de l’Asie Mineure, et tous dernière province.
deux réussissent sans de grands efforts Malgré tant de ravages et de guerres
à établir leur autorité d’une manière désastreuses , la Galatie , par la fertilité
durable. On ne peut se lasser d’admirer de son sol et la richesse de ses produits
cette grande et sage politique des Ro- agricoles , est encore une des provinces
mains, qui partout s'annonce par l'éclat les plus heureuses de l’Asie Mineure,
des victoires et s’impatronise par les car les vieux Gaulois, guerriers intré-
arts de la paix. Après avoir préparé l’af- pides , peu soucieux des arts , et com-
faiblissement des États quelle redou- ilétement étrangers aux lettres , avaient
tait, Rome frappe un grand coup sur f'agriculture eu grande estime, et ce
la nation gauloise ; mais à peine vain-
, n’est pas le hasard qui les dirigea dans
cue, elle lui tend la main, loi conserve le choix qu’ils tirent de ces provinces
ses princes et son gouvernement, n’an- pour s’y fixer de préférence à d’autres
nonce sou pouvoir dans la capitale des cantons de l’Asie Mineure. climatUn
Galates que par la sagesse de ses lois , sain et tempéré , un pays coupé de mon-
les prodiges de ses arts et la pompe de tagnes et de plaines, où les troupeaux
ses fêtes. trouvaient une nourriture abondante et
Les Gaulois n’avaient pas suivi une choisie, un grand lac au sud de la pro-
marche différente. Sans pitié pour les vince qui fournissait du sel au delà des
ennemis qui leur opposaient des obs- besoins pour les troupeaux et pour les
tacles, ils se montrèrent voisins secou- hommes , et des hivers assez froids pour
rables pour les princes qui réclamaient leur rappeler les frimas de leur patrie,
leur appui. Ils conservèrent aux villes qui retrempent les forces abattues par
qui étaient tombées en leur pouvoir leurs les chaleurs de l’été, tels étaient les élé-
lois, leurs croyances et meme leurs su- ments de prospérité sur lesquels ils
perstitions. Sous la domination gauloise, avaient compté.
la foule des pèlerins n’en accourait pas
ver leur dignité aux peuples vaincus, et gers que les Gaulois. Aucun peuple ne
leur faire oublier, par un gouvernement savait si bien gouverner les troupeaux ,
conforme à leurs besoins , le joug qui soigner les brebis, préparer les laitages
en réalité pesait sur eux. et recueillir les produits. Ils estimaient
Lorsque saint Paul parcourut l’Asie u’un bergerne peut bien gouverner plus
Mineure pour prêcher le christianisme e quatre-vingts moutons. Ils avaient
les Galates furent de ceux chez qui la soin de frotter les brebis fraîchement
parole de l’apôtre fructida le plus vite. tondues avec de l’huile et du vin, et cou-
L'élise d’Ancyre fut une des premières vraient d’une peau les toisons les plus
qui s’élevèrent en Orient; aussi reçut- précieuses.
elle le nom d’Église apostolique. Les Les anciens pensaient que le sel fos-
évêques d’Ancyre figurèrent aux con- .sile doit être choisi de préférence pour
(a) Usage qui u’est pas d’oiigine lausid- télé rasée et la houppe de cheveux sur le
que aussi belle que la soie , d’une ex- la partie supérieure. Cette province
trême finesse , brillante et longue jus- porte le nom de Haïmanah. Il attribue
qu’à traîner sur le sol. Les bergers n’ont aussi à la finesse du gazon la qualité de
pas l’habitudê de la tondre, mais de la toison. Lucas avait pris soin d’en-
l’arracher. On
lave souvent les chèvres voyer, en Angleterre et en France,
dans les ruisseaux d’eau courante et , quelques échantillons de ces toisons,
on les mène paître dans des cantons pour en faire des perruques, les grandes
qui produisent une herbe verte et mai- perruques étant de mode alors; mais
gre, ou un court gazon qui est très- son projet de commerce ne put avoir
lavorable à la finesse de la toison. Il de suite, l’exportation des peaux brutes
est généralement reconnu que tout chan- et des toisons étant prohibée.
gement de territoire ou de nourriture La filature et le tissage des poils de
est défavorable à la toison. chèvre est encore aujourd’hui renfermé
Le produit des troupeaux de chèvres dans la seule ville d’Angora, et les
est porté à Angora, où les femmes le étoffes qu’on y fabrique ont conservé
filent, le tissent, le teignent, et en fabri- leur haut prix.
quent une étoffe soyeuse et brillante, La qualité la plus inférieure du poil
qu’on appelle cymatilis, et qui est em- de chèvre coûte , à Angora, de douze à
ployée pour les' vêtements des sultanes. quinze francs l’oke (I kil. 25); la plus
Touraefort, en 1711, donna, le pre- belle va jusqu’à soixante-dix francs :
mier, le portrait des chèvres d’Angora ; aussi est-ce la richesse des habitants
il avait traversé la province de Galatie, d’ .Angora.
etaffirme, comme l'a fait Busbeck, que Macdonald Kinneir, qui a traversé
lecourt et fin gazon de ces contrées est plusieurs fois l’Asie Mineure, a ren-
très-favorable à la finesse et au brillant contré , à l’est de l’Halys, de nombreux
soyeux de ces toisons , qui pendent en troupeaux de chèvres , mais pas une
flocons frisés , et acquièrent une lon- seule de la race d’Angora. Il regarde
gueur de sept ou huit pouces. Ces toi- ce fleuve comme la limite orientale de
sons ne sont jamais exportées brutes, la race d’Angora.
mais elles sont filées et travaillées dans Ainsworth, venant de l’Halys, ren-
le pays
,
pour ne pas priver les habi- contra pour la première fois les chèvres
tants de cette branche d’industrie. d’Angora dans un campement de Tur-
A l’orient du fleuve Halys , Tourne- comans appelé Hassan-Oglou, à l’ouest
fortn’a trouvé aucune chèvre d’Angora ; de la chaîne de montagnes , à une pe-
mais tous les troupeaux qu’il a rencon- tite journée de marche d’Angora. Quant
trés étaient composés de chèvres com- au développement de cette race, du
munes de ,
la race de Koniah (chèvres nord au sud , elle ne dépasse pas les
rousses , à très-longues oreilles pcn- montagnes de Kalatjik au nord, et au
dautes), donnant beaucoup de lait, sud celles de Seid el ghazy, c’est-à-dire
mais dont la toison ne sert que pour la qu’elle est renfermée dans la plaine ap-
fabrication des feutres. A l’ouest au ,
peléeHaimanah,
contraire, il ne put rencontrer les chè- Lorsque Uamilton visita la ville d’An-
vres d’Angora au delà de Bey bazar. gora ,
en 1836, il trouva le commerce
Vers le sud-ouest, l’ococke rencontra et l'industrie du poil de chèvre dans un
, ,
460 L’UNIVERS.
étatde décadence relativement aux an- chèvre d’Angora et c’est à tort que les
,
ciens temps ,
narce que la jalousie des traducteurs de Strabon ont cru recon-
Turcs à l’égard des Arméniens, qui sont naître cet animal dans les Aopxl; dont
les plus grands détenteurs de trou- arle Strabon. Il est probable que les
peaux, avait porté les premiers à éta- opxl; étaient les moutons sauvages qui
blirun monopole sur le poil de chèvre, sont encore répandus dans les monta-
et le droit d^exportation était réservé gnes de la Cappadoce et du Pont.
aux seuls Musulmans. Mais peu de Il devient à peu près certain que
temps après , un ordre de la Porte ren- dans l’antiquité cette race de chèvres
,
sons , reliera, vient du mot arracher, suite sa domination sur le pays situé
vcllere, et Terreritius Varo ( üe re rus- entre Angora et Césarée.
ttea, liv. III, II) dit positivement que Ces chèvres seraient donc de la race
les bergers de son temps arrachaient trans-caspienne, et si elles se sont ac-
la laine des brebis, pour qu’elle repous- climatées dans ces régions, ne doit-on
sât plus fine. D’après cet écrivain , la pas espérer qu’elles pourraient l’être
tonte des brebis aurait passé de Sicile également dans des pays qui jouissent
en Italie; mais il atteste en même d’un climat analogue.
temps qu’elle était usitée chez les bergers Elles auraient été transportées dans
de Cilicie et qu’elle fut introduite dans
,
ces régions au treizième siecle. mais on
la grande Phrygie. ignore sur quelle base ceitainc cette
Les anciens écrivains, Strabon, Pline tradition est fondée; seulement nous
et Yarrun, ne connaissaient pas la rappellerons que les chèvres d'Angora,
ASIK MINEURE. 461
464 L'UNIVERS.
et pelues. Adroits sur les rochers, et été distraite, fut appelée le Pont Gala-
infatigables à la course, ces chevaux, tique. Honorius reprit cette province,
comme le bétail de la Galatie, reçoi- et en fit un gouvernement à part, sous le
vent une quantité notable de sel mêlée nom d’Uonoriade. Lorsque l’empire
à leur nourriture journalière; il y a d’Orient fut divisé en départements
même des propriétaires qui laissent, près militaires appelés thèmes, la Galatie
du lieu ou le cheval est attaché, de vit encore varier ses frontières; mais
grands blocs de sel fossile, que le cheval tous ces changements n’entamèrent ja-
lèche en mangeant son orge. mais la province centrale où s’étaient
L’usage de l’avoine étant presque in- primitivement établis les Gaulois. Dans
connu en Asie Mineure J’orge ,
fait la rétat actuel, la Galatie occupe les gou-
base de la nourriture des chevaux. Cet vernements d’Eski chelier Dorylée, de
aliment, plus azoté que l’avoine, et Sevri hissar, d’Angora, dcTchouroum,
susceptible d’une fermentation plus Castamouni et Youzgatt, au delà du
lente, donne un peu moins d’ardeur fleuve Halys, Kizil-irmak. Toute la par-
aux chevaux, mais offre une nourriture tie septentrionale est montagneuse, ren-
lus soutenue. Les chevaux nourris à ferme des mines, des volcans éteints et
P orge sont sujets à prendre du ventre des carrières de marbre.
et de l’embonpoint , défaut assez com- Le grand lac salé, que les anciens
mun aux chevaux de ces contrées. appelaient Talta Palus, produit natu-
Les produits de l’agriculture étaient rellement du sel blanc très-pur; les
abondants et magniQques; la plupart eaux de ce marais sont tellement char-
des fruits, et meme l’olivier, qui ne gées de sel que les plantes et les
,
croît plus dans celte province, y étaient menues branches qui se trouvent sur
cultivés dans l’antiquité il est vrai que
: ses bords sont eu peu de temps cou-
plusieurs districts étaient privés, conime vertes d’une croûte épaisse. Ce lac n’a
ils le sont encore, d’un élément bien pas de profondeur; c’est plutôt un
utile. Le bois ne croît pas dans la partie grand marais salant; une chaussée le
méridionale de la province ; aussi les traverse. Dans le sud de la province, on
anciens avaient-ils donné à cette contrée trouve de vastes steppes habitées seu-
le nom de Axylon (sans bois). Pendant lement par des nomades. L’orient de la
les froids, qui sont assez rigoureux, Galatie offre un pays admirable comme
les habitants se chauffent avec les rési- nature et comme végétation ; on clier-
dus des bestiaux (1). cberait en vain, dans le reste de la
contrée, des sites comparables aux
TEBBITOIBE. — FBONTIÈBES. bords de l’Halys, tantôt sauvages et
sombres , tantôt fertiles et gracieux.
Pour achever l’esquisse que nous ve- Les forêts de chênes y sont nombreuses
nons de tracer, il nous reste à dire quel- et étendues; le grain donne de magni-
ques mots de l’état de la Galatie, de fiques produits.
son commerce et de son gouvernement. Les Turcs, en s’emparant de la Oa-
Nous avons vu que, dans l’antiquité, latie se trouvèrent en contact avec
un
,
gle
466 L'UNIVERS.
Les habitants de Tabæ de Pisidie, au village de Horzoum ; tout y annonce
ville populeuse et forte, qui comman- Texislence d'une grande ville un stade :
dait une plaine étendue et appuyée aux presque entier, des temples, des édifices
contre-forts septentrionaux du Taurus, publics de tout genre, couvrent un es-
ne voulurent pas permettre le passage pace considérable. Cibyra, en effet, n’a-
aux armées coalisées. Us marchèrent vait pas moins de cent stades de tour.
contre les Romains, et attaquèrent en Moagète, tyran de cette ville , envoya
plaine des ennemis qui avaient une ca- des députés pour faire sa soumission.
valerie bien montée. Les Pisid ieus furent Manlius envoya sur le territoire de
mis en déroute, et la ville de Tabæ en Cibyra, Helvius avec quatre mille hom-
fut quitte pour payer vingt-cinq ta- mes et cinq cents chevaux. C’est alors
lents (110,000 francs) et dix mille que Moagète, pour prévenir le pillage
médimnes (cinquante mille boisseaux ) du pays, vint en personne au camp de
de blé. Tabæ est remplacée
L’ancienne Manlius pour demander l’aman; il en
ar la moderne de Daouas. La
ville fut quitte pour payer ceut talents et dix
de Daouas produit en abon-
elle plaine mille medimues de blé.
dance du blé et du coton. Ces cantons Après avoir quitté le territoire de
sont peu peuplés, mais le territoire Cibyra, l’armée mareha sur Syllæum,
est fertile cl bien arrosé. Les villages )lace inconnue et différente de la Syl-
environnants sont presque tous situés sur fæum voisine de Perga.
TcmplaceniPiit de quelque station an- En quittant Syllæum, on marcha sur
cienne. Le fort appelé Gordio-Teicbos se Alimna, dontle nom indique le voisinage
trouvait sans doute au village de Kiziigi d’un lac ou d’un marais Limné. Aiimua
buluk ; au moins les distances données est représentée aujourd'hui par Bazar
par des tables géographiques sont- Khan, petite ville située à la base d’une
elles assez d’accord avec cette position. montagne, et dont les abords sont dé-
On ne saurait mettre en doute l'iden- fendus vers le sud-ouest par un vaste
tité de Daouas et de Tabæ, cette der- marais c'est aujourd’hui le marché
:
nière ville avait pris son nom du mot central du district. Au milieu de la
pisidien Taba, qui veut dire une émi- une place assez régulière ; il y a
ville est
nence (I). Or, au milieu de lu ville de troismosquées à minaret. A une petite
Daouas il y a précisément un monticule distance de la rive du lac s’élève une île
sur lequel est bâti le Konac de l’Agha. rocheuse reliée au continent par une
On trouve de plus aux environs de nom- jetée, et sur l’île se voient les ruine.s
breux débris d'architecture ancienne. d’une villeimportante on retrouve à peu
:
avait été précipité par l’élephant qu’d est situéedans le voisinage d’une belle
montait. Le Qepve Indus est le Dalamon source. Tengliir est à cinq heures ou
tcbaï, qui sépare la Lycie de la Carie. trente kilomètres de Hour/oum (l)*
Les ruines de Cibyra ont été reconnues
vol.
(i) TraveU in Ljrcia, by Sprall., in-S"!
•
(i) Çl. hyz., V. Tué». I, p. a53.
ASIE MINEURE. 467
bourg inconnu dont il n’est fait men- Cùballiim, où elle fut attaquée par un
tion que dans cet itinéraire.
corps de Gaulois.
L’armée alla ensuite camper à Syn- Le château de Cuballum était sur
l’emplacement de Tchandir, sur le San-
nada, que l’on place à Kara liissar ; tou-
garius ; ce lut de tout temps la route
tes ces villes étaient abandonnées et
suivie par les armées. On y voit un pont
furent livrées au pillage ; les soldats
Paient tellement chargés de butin qu ils byzantin qui paraît être le pont de Zam-
milles, pus mentionné par les historiens (I).
pouvaient à peine faire cinq
.Mais ce pont n’existait pas alors.
7 395, en un jour. Nous avons
kil.,
compté cinq heures de marche, 30 kilo- M anlius s’étant avance jusqu’au fleuve,
mètres, de Sitchanli à Kara hissar. De reconnut qu’il n’était pas ^uéable; il y
lit jeter un pont, et l’armée
franchit le
cette ville à Eski kara hissar encore
30 kilomètres, de là à Bayat, qui est Beu- Sangarius. Pendant qu’elle suivait la rive
dos vêtus, 18 kilomètres, et enfin 8 ki- du Meuve, les Galles, prêtres de Cybèle,
envoyés de Pessinuute, vinrent au de-
lomètres jusqu’à Eski Kilissia ou Ana-
bura, toutes localiiés que nous avons vaut des Romains, et annoncèrent que
la déesse leur accordait sa
protection.
décrites (I) ainsi que la rivière Alander.
On voit en effet, d’après ces distan- Pessinunte est le village de Bala hissar,
ces, que l’armée romaine marchait très- au sud-est deSevri hissar. Manlius, pour
gagner le pied de l’Olympe, tourna en-
lentement.
suite à l’ouest, pour se rendre à Gor-
Abassus. que l’armée atteignit le troi-
dium, nui était proche du Sanga-
sième jour après avoir quitté Beudos,
ville
son oracle, son nom fut ensuite changé du chauffage au moyen de la fîente des
en celui de Juliopolis. Manlius trouva bestiaux.
la villepleine de marchandises, et fît un Le Ilaïmanah se compose d’un vaste
riche butin : la place était déserte (i;. plateau élevé en moyenne à sept cent
Manlius apprit ue son allié Eposogna- cinquante mètres au-dessus de la mer,
tus (]ue les Gaulois refusaient tout ar- bien arrosé par le Sangarius, dont le
rangement, et que les Tolistoboiens cours forme un grand arc de cercle
s'étaient retirés dans
hautes vallées
les ouvert vers le nord, et d’une intinité de
de l’Olympe. Les Tectosages occupaient sources abondantes.
le mont Magaba ; cette montagne était Aussi, malgré la pénurie de bois,
à d’Ancyre, et paraît être identique
l’est cette province était-elle, dans l’anti-
avecl’Elma dagh. Le reste de la nation, quité , couverte de villes dont on re-
les Troemiens s'étaient retirés dans
, trouve à peine les vestiges. Les prin-
des camps retranchés ou des Oppida cipales villes de la Galatie Salutaire qui
à l’abri desquels ils croyaient pouvoir devinrent plus tard des évêchés sont
braver les armes romaines. les suivantes ;
Ces trois peuples avaient alors pour Pessinus, Tricomia, Plitendiis, Tys-
fchefsOrtiagon, Coinbolamare et Gau- con. Germa, Amoritim, Abrostola et
lotus. Plusieurs de ces Oppida ont été Orcistus. De ce nombre il
y en a trois
retrouvés dans les montagnes au-dessus dont l’emplacement est encore inconnu ;
montagne était accessible, tandis que du ner les limites de cette province du
côté du nord les rochers étaient coupés côté du sud, attendu que depuis la con-
à pic. quête romaine jusqu’à la fin de l’em-
L’attaque des Romains fut aussi vi- pire byzantin, elles ont été très-va-
goureuse que bien combinée ; les Gau- riables, et se sont étendues jusque dans
lois , forcés dans leurs retranchements la Phrygie Parorée la Galatie, sous le
;
de voir tous les enfants dressés à re- tériaux antiques arrachés aux ruiues en-
cueillir in situ les éléments de leur vironnantes, on
y remaroue quelques
chauffage, qui sont d’abord colles sur vestiges d’inscriptions et ne fragments
les murailles du village, ensuite mis en de bas-reliefs le nom ancien de Tchan-
:
toutes les villes de la Galatie et de la ces inscriptions ont été apportées d’une
et des terrains laissés à la vaine pâture, ment les fondations de plusieurs grands
mais les bestiaux sont assez nombreux édifices, des temples ou des églises
dans ces régions pour suffire aux be- construits en blocs ne marbre et de pierre
soins de la population, qui vit très-so- calcaire.
bremeiit. Les bœufs et les moutons sont La charrue passe aujourd’hui sur tout
rarement envoyés à la boucherie ou ne : le sol cultivable, et la levée d’un mou-
mange dans le pays que la chair des lin à eau est faite avec des pierres an-
chèvres, ces coutumes s’étendent de- tiques parmi lesquelles on remarque un
puis les bords du Sangarius jusqu'à piédestal couvert d’une inscription la-
ceux de l’Euphrate , et au nord jus- tine, la même qui fut copiée par Pococke.
qu'à Erzéroum.
Orcistus, ville et siège épiscopal de la
Galatie Salutaire, n'est plus aujourd'hui
AMORIUM.
qu'un amas de
ruines situées à quelques
milles au sud-est du village d Alekian; Amoriura sur la route de
était située
de ces ruines a été reconnue
l’identité Doryixum à Archelaïs passant par Pes-
ar Pococke, et M. tlamilton a retrouvé sinuute:elleappartiutd’abordàlagrande
es inscriptions qui lèvent tous les Phrx'gie et plus lard elle fut comprise
doutes qui pouvaient exister à cet dans Ta province de la Galatie Salutaire.
égard. Pendant toute la période romaine cette
Alékian est située à quatorze milles villeu’arquit aucune célébrité elle com-
:
472 L'UNIVERS.
fît faire d’importants ouvrages ; selon dans la ville, et un pareil nombre fut
Cedrenus, il la reconstruisit presque en- épargné parce qu'on espérait en tirer
tièremeut. rançon ; quarante des principaux prison-
L’emplacement d’Aniorium a été dé- niers furent d’après les ordres du ca-
terminé par M. Hamilton au village de life envoyés à Bagdad, jetés dans les fers
Assar keui, dominé parun vieux château et décapités après une longue détention.
que 1rs indigènes appellent Hergankalé. L’Église grecque honore le souvenir do
Une colline isolée, d’un demi mille de ces victimes par la fête des quarante
circonférence, s’élève presque au centre martyrs d’Amorium.
de la vallée, dans laquelle se trouvent les La domination musulmane ne par-
ruines de l’ancienne ville l’acropole qui
: vint pas cependant à s’établir sur ces
la domine était construite en pierres contrées les Grecs restèrent maîtres de
:
l’acropole se trouvent deux grands édi- fut envoyé pour attaquer Amorium alors
fices qui peuvent avoir été ocs églises. au pouvoir des Turcs, et qui furent bat-
Dans la première on voit encore plu- tus par les Grecs.
sieurs arcades debout , et dans l’autre Le petit nombre d’habitants qui res-
seulement les piliers. A l’est de l’acro- taient dans cette ville, sans cesse en butte
ole s’étend une petite vallée dont les aux attaques des tribus turques et seld-
ancs rocheux ont été en partie exca- joukides, se retira sous la protection des
vés, et sur la pente de l’ouest on re- émirs de Sevri hissar, qui avaient formé
trouve plusieurs chambres sépulcrales autour de leur cassaba un centre de po-
taillées dans le roc vif. pulation, et la ville byzantine tut com-
Lorsque le calife Haroun al Rachyd plètement abandonnée. Il ne parait pas
marcha sur Angora à la tête de son ar- que sous la domination des sultans elle
mée, il laissa son lieutenant Almalik ihn ait jamais eu la moindre importance,
Salih faire le siège d’Amorium. Sous le car on n’y observe aucune ruine de mos-
règne de Théophile, en 849, cette ville quée ou de bains, les premiers monu-
arriva à son plus haut degré de prospé- ments qui signalent l’établissement des
rité ;elle devint la principale place de musulmans dans une ville (1).
commerce du pays. L’empereur y lit Au nombre des affluents du Sanga-
construire un palais et d 'autres édiGces ; rius qui arrosent ces régions ,
il en est
mais cet état de prospérité fut constam- un plus célèbre que les autres, et qui a
ment troublé par les incursions des été mentionné par plusieurs auteurs,
tribus arabes. Assiégée et prise par le mais dans des termes qui laissent plus
calife Motassem, Amorium fut réduite d’une difficulté à résoudre, nous vou-
en cendres , et ses habitants vendus lons parler du fleuve Gai lus.
comme esclaves. Les derniers survivants Nous avons placé ce fleuve d'après
des valeureux défenseurs de la ville Strabon et d’après l’avis de plusieurs
,
s’étaient fortifiés dans une église où ils éographes modernes, dans le voisinage
furent faits prisonniers. Le siège coûta e Leucæ, I.éfkc , où il passe sous le
la vie à soixante-dix mille musulmans
trente mille chrétiens furent massacrés (i) Voy. Cari. Kiltcr, I. I, 449.
ASIE MINEURE. 4»8
Joc^lc
,
4i(; L’UNIVERS.
à ccat ciiujuante stades, In dislaiurc de ouT ses bains, ses fontaines et ses lom-
ce lieu à Pessinunte, ue dit pas que eaux. Ce lieu n’avait jamais été visité;
cette dernière ville fiit sur le bord du ilestseulement mentionné par Pockocke
fleuve (tl. Il fallait donc trouver, pour en ces termes (1) » 11 y avait autrefois
satisfüre au* données de la question dans la plaine deSevri hissar quantité de
une ville située au pied d’une montagne, villages, et même de villes , dont une
et dans les conditions itinéraires men- pouvait être dans l’endroit appelé Bala-
tionnées ci-dessus. Rien de tout cela ne azar ou Bala hi.ssar, quatre milles au
se rencontrait dans les ruines nom- sud-est où l’on m’a dit qu’il y avait plu-
breuses qui couvrent la plaine de Sevri sieurs ruines. »
hissar. Je me dirigeai donc vers cette Ce hameau est éloigné de trois lieues
ville pour me rapprocher du bassin du de la ville ; il est situé sur un terrain
fleuve. de craie qui s’étend sous tout le bas-
sin de la plaine; mais, dans quelques
CHAPITRE 1,1 V. endroits, ce dépôt crétacé est percé
par des soulèvements des trachytes.
SKVHI HISSAn. Tout le pays situé entre Bala his-
sar et la ville est absolument inculte.
On aperçoit le château de Sevri bissar Le terrain est accidenté et coupé
douze fleures avant d’y arriver. Dans par des torrents qui sont à sec pendant
toute notre route, nous ne rencontrâmes l’été. En arrivant en vue des ruines,
qu’un seul village appelé K.aïmaze nous ; je fus frappé de l’étendue de terrain
en passâmes à une lieue. Après neuf u’elles occupaient et de l’importance
heures de marche, nous fîmes liaite près es édifices dont on voyait çà et là les
de quelques cabanes, dans le hameau de débris. Je n’eus pas plutôt examiné la
Tchifleler. Quebiues familles e.vploitent disposition des beux, que je demeurai
une ferme du gouvernement. Eu sor- convaincu que j’étais sur l’emplacement
tant de ce village, on traverse un ruis- de Pessinunte. Les collines qui s’avan-
seau qui va se jeter dans la Sakkaria ; cent dans la plaine sont les contre-forts
un autre cours d’eau du même nom d’une grande montagne calcaire et dé-
coule du sud au nord ; mais ce n’est pas iouillée de verdure, C|ui représentent
le Sangarius. Les babitanis ont donné fe mont Dindymène; il est difOeile de
le nom de Sakkaria à tous les affluents se faireune idée de l’aspect aride et
du fleuve qui arrosent cette plaine. désolé que présentent ces ruines. I..a
C’est sans doute la cause de plusieurs terre, d’une blancheur éclatante, re-
erreursgéographiques que l’on remarque flétait les rayons d’un soleil ardent. Trois
sur les cartes. ou quatre pauvres cabanes, bâties avec
Sevri bissar commande une vaste des débris de monuments, sont les
plaine , qui s’étend en tous sens h plus seuls indices qui annoncent la présent»
de dix-huit milles la ville est dominée
-, de l’homme. Les cailloux decraie, polis
iar une montagne, formée par un sou- iar les eaux, montrent que dans l’hiver
Îèvement de syénite, sur laquelle est fa principale vallée est sillonnée par un
bâti un châteaii ; mais on n’y trouve torrent rapide qui, à trois niilles de là,
pas les traces d’une grande cité antique. va se jeter dans le Sangarius.
Quelques débris de marbre épars dans
les cimetières sont, au dire des habi- BAL.4 HISSAB. — PBSSlNtlHTE.
tants apportes d’un lieu voisin, et je
,
ville toutes les choses nécessaires; et pareil est formé par des blocs posés al-
les ressources dont je pouvais disposer ternativement de front et en boutisse,
étaient trop limitées pour que je son- genre de construction tout à fait hel-
geasse à une semblable entreprise. Je lénique. L’intérieur del’édifice présente
fus obligé de me contenter d’un relève- une série de fûts de colonnes cannelées
mentgéuéral, pour établir une esquisse et rompues, qui appartenaient sans
topographique du terrain , car les mas- doute au portique du péribole. Quant
ses accumulées de décombres qui cou- au temple, sa place est indiquée par
vraient remplacement de chaque édiQce des monceaux de débris et par des exca-
m’empêchaient de faire un travail régu- vations multipliées, faites dans le liut
lier. Ce fut sur le plateau de l’acropole d’en extraire les derniers vestiges. Je
que j'établis rapidement la base de ma doute que des fouilles exécutées en cet
triangulation. D’après l’inspection des endroit puissent jamais être prolitables
ruines, je crus reconnaître que l’acro- aux recherches archéologiques. Ce qui
pole était divisée en deux parties , une reste de ce monument suffit pour mon-
enceinte irrégulière autour de laquelle
, trer que ce ne sont pas les ruines du
paraissaient avoir été placés quelques premier temple des Pessiuuntiens, car
édifices, et une seconde cour rectangu- il porte tous les caractères de l’architec-
laire, dans laquelle je trouvai quelques ture des Attales, telle qu’on la retrouve
fûts de colonnes. Un chemin encore à Pergame et dans les autres lieux de
assez praticable conduit dans la vallée; leur domination. Parmi les rares débris
c’est ce qui m’a donné à penser que les de chapiteaux qui jonchent le sol, je n’ai
propylées de la citadelle donnaient ac- rien trouvé qui pût m’indiquer positi-
cès dans cette première enceinte. L’es- vement quel était l’ordrede ce temple(l).
quisse que je présente ii’est rien moins Les plus grosses colonnes qui se trou-
qu’une chose positive, c’est une opinion vent en place n’ont pas plus de l“, to
basée sur l’inspection rapide des lieux. de diamètre, et les colonnes que je sup-
La colline de l’acropole s’étend de l’est pose avoir appartenu au portique ont
à l’ouest; j’avais à ma gauche un cime- un diamètre de O®, 932, et un entre-
tière turc, dont les nombreux tombeaux colonnemeut d’axe en axe de 2"*, 562.
étaientpresque tous marqués par des Au nord du temple se trouvent encore
tragments d’architecture. de nombreuses ruines plus ou moins
1 bv
,
478 L’UNIVERS.
indéterminées , et que j'ai restituées se trouvent rassemblés dans la partie
comme ayant appartenu à ces différents centrale , et les versants de toutes les
temples que les princes asiatiques
'
collines, particulièrement de celle qui
avaient élevés dans Pessinunte. dépend du mont Dindyméue , sont sil-
En s’avançant plus vers l’est, on trouve lonnés par des routes en ligue droite et
une rangée ne colonnes, dont quelques- aplanies, qui, à mes yeux, ne sont autre
unes sont enterrées jusqu’à l'astragale. chose que les anciennes rues de la
Elles appartenaient à un portique qui ville. Sur le versant occidental de cette
conduit à une masse de ruines dont il dernière colline se trouve un théâtre
est diflicile de reconnaître la disposition qui est dans le même état de dégrada-
première. Au-dessous du temple, on re- tion que les autres monuments. La
marque un grand mur de marbre qui scène est entièrement détruite, mais
se rattache aune partie circulaire ornée il
y a encore un grand nombre de gra-
de pilastres. J’ai pensé que ces débris dins en place. Devant le théâtre , le
occupaient la placte de la basilique. terrain , aplani dans une largeur d’eu-
Au fo:id d'une fouille assez profonde, viron deux cents mètres, indique qu’il
j’aperçus quelques Turs occupés patiem- y a eu là un hippodrome dont tous les
ment a débiter, avec de mauvais outils, gradins ont été enlevés. En traversant
un bloc de marbre qui cubait environ la vallée, on aperçoit presque eu face
trois mètres. La destination la plus or- du théâtre une assez grande masse de
dinaire que l’on donne aux beaux échan- blocs de marbre d’uue couleur plus gri-
tillons , est de les transformer en pier- sâtre, et qui ne paraissent pas avoir été
res tumulaires ; les blocs sont refendus remués. Quelques débris d’architraves
dans leur largeur par le moyen de coins ; et de colonnes font voir que cet édiQce
opération dont les modernes Pessinun- était orné avec assez de soin. Je copiai
tiens s’acquittaient avec beaucoup d’a- sur une stèle l’inscription suivante
dresse. Les blocs sont ensuite dégros- ce qui m’autorise à croire que ces ruines
sis .sur place, et chargés sur des cha- ont appartenu à un temple d’Esculape:
meaux, pour être envoyés à Sevri his-
A Esculape sauveur, remerciment des Pes-
sar. Voilà l’opération qui depuis trois sio un tiens.
siècles s’exécute incessamment dans les
ruines de Pessinunte, et , chose singu- Dans toutes les villes antiques, quel-
lière, il n’est jamais venu dans l’idée que ruinées qu’elles soient, on voit tou-
d’aucun de ces ouvriers, de rechercher jours des traces de monuments chrétiens,
la carrière qui servit à la construction d’églises ou de monastères, qui indi
de la ville; cette question leur parut quent que la cité n’a pas péri en un seul
aussi étrange que si le marbre eut dû jour, mais s’est détruite peu à peu par
se trouver naturellementdans ces ruines. la force des choses; mais ici, après les
Néanmoins, vu la grande quantité de ruines romaines, on ne voit plus rien,
marbre employée dans les monuments, il semble que la propagation de la re-
il n’est pas à présumer que les carrières ligion chrétienne ait sufiS pour anéantir
soient très-éloignées. Ce marbre est en très-peu de temps la ville et le culte
d’un beau blanc, mais d’une qualité de la déesse.
assez médiocre pour la sculpture, parce Les rares tombeaux qui s'y trouvent
qu’il est pailleté, et que sa cassure n’est encore portent les caractères des autres
pas très-homogène. Les affleurements monuments funéraires de la l’iirygie.
de calcaire cristallin que l’on remarque J’en ai trouvé un assez remarquable. Il
au nord de la montagne de Sevri his- représente deux portes sculptées avec
sar conduiraieut infailliblement à la dé- leurs panneaux, et à droite et à gauche
couverte des carrières tout voyageur s’élèvent deux stèles ornées de têtes de
oui voudrait consacrer quelques jours à béliers, .-luxquelles sont suspendues de
rétude de la géologie de ce district. lourdes guirlandes. Tout cela est d’un
Il ne reste aucune trace des murs de très-bon travail, mais d’une époque
la ville; on ne saurait donc en déter- évidemment romaine. La formedu sigma
miner l’étendue d’une manière tant soit indique que ce monument est postérieur
peu probable. Tous les édifices publics aux Antonins.
ASIE MINEURE. 479
Tous les autres tonibeau.x et les ins- primeen ces termes:» Julien sc rendit
criptions ,se trouvant sur des blocs fa- par Nicée sur les frontières de la Gallo-
ciles à soulever, ont été transportés à Grèce ; de
là, prenant à droite, il lut
Sevri hissar, où l’ou eu remarque un à Pe.ssinunte pour y voir l’ancien temple
grand nombre dans les cimetières, ainsi de Cybèle, dont Scipion Nasica, con-
que des lions de marbre, qui sont trés- formément aux ordres de la sibylle,
multipliés en Galatie, et qui avaient transporta le simulacre Rome. > La
sans doute une destination sépulcrale. Bletteric ajoute (I), sans citer l’auteur
Malgré la certitude que j'avais d’avoir . dans lequel il prend ce fait , que Julien
découvert Pessinunte , d’après les con- fut choqué de l’indifférence des Pes-
sidérations rapportées ci-dessus ,
j'étais sinuntiens pour leur ancienne protec-
cependant préoccupé de la pensée de trice, et déchargea sa colère sur deux
retrouver le nom de la ville , qui n’est chrétiens qui avaient abattu l’autel de
inscrit nulle part dans ses ruines ; car la déesse.Ce fut a Pessinunte même,
dans l'inscription précédente, le nom etapparemment pour ranimer le zèle
de Pessinunte n’est pas complet ; mais du ikuple, qu’il composa en l’honneur
cette lacune fut comblée Taunée sui- de la mère des dieux le discours que
vante par M. Ifamilton , qui copia à nous avons encore.
Sevri liissar une inscription où sont re- C’est depuis ce temps que la renom-
latés le nom et les titres des Pessinun- mée de commence à dé-
Pes.sinunte
tienslolistoboïens. Os
peuples avaient croître, et elle suit la destinéede toutes
reçu, comme les Galates d’Ancyre , le les villes qui ne tenaient leur rang que
surnom de Sébasténi , regardé par d’une prospérité factice, due à leur im-
quelques auteurs comme ethnique, mais portance religieuse chez les anciens.
cette épithète ne me paraît qu'une dis- Ainsi, Éphèse, Magnésie et Perga, ont
tinction honorifique qu'on pourrait
,
eu leurs temples de Diane ; les deux
traduire par /iugustaux. Gomana, qui honoraient le dieu Men,
Le sénat et le |Mupte des Totislobolens Au- et enfin, Tavium, Pessinunte et Aizani,
tustaux de Pessinunte bonoreut Théodote. toutes ces villes sont aujourd’hui, déser-
lits de Théodote (surnommé) le tvran, qui a tes ou à peu près ignorées. L’agriculture
exercé ia charge d’Agoranome, cette d'Irenar-
«lae lionorabtement, et très-souvent celle d’As-
et le commerce ont pu seuls sauver
tynonie. quelques autres villes , qui ont encore
aujourd'hui une sorte de prospérité.
On ne trouve rien de positif dans
sur la décadence et la ruine
l’histoire,
de Pessinunte. 11 est certain que la pro- CHAPITRE LV.
vince d’Ancyre absorba peu à peu les
autres
ANCYBE.
peuples galates et leurs métro-
,
s’étend de l’est à l’ouest. C’est un grand centre de tout le grand commerce entre
rocher volcaniq ue dont les flancs sont l’orient et l’occident, et le lieu de jonc-
très-abrupts, l’ acropolis couronnait ce tion des légions romaines dans leurs
rocher, et les murailles descendaient marches à travers l’Asie. Déjà sous Au-
jusqu'à mi-côte. Au nord, l’Engurisou gusteelles reçurent plusieurs bienfaits de
défend les abords de la montagne, et, l’empereur, qui leur permit, comme il
coulant vers l’ouest, il va se jeter dans l’avait fdit antérieurement pour les
le Sangarius. habitants de Pergame (1), de lui éle-
Dans la suite des temps le pays suivit ver un temple de son virant.
le sort des Romains dans les combats Lorsque les Romains eurent réduit
u’ils eurent à soutenir contre Mithri- la Galatie en province , il n’est pas de
ate. Pompée donna ce royaume à son travaux et d’établissements qu’ils n’aient
allié Dejotare, c’est de là que prit nais- faits daus leur nouvelle conquête. I.es
sance la tétrarchie des Galates. . murailles furent prolongées jusque dans
Après la mort de Dejotare, Amyntas la plaine , et les-quartiers situés sur la
pas la royauté, et la Galatie fut réunie ville moderne. La double enceinte flan-
en une seule province avec la Lycao- quée de tours subsiste encore aujour-
nie (3). d’hui; mais les différents sièges que la
C’est à partir de cette époque que ville eut à subir ont laissé des traces
commence la période brillante d’Ancyre nombreuses , et plusieurs parties des
murailles ont été réparées avec des dé-
(i) Et. Byz., Àncyra. brisde monuments antiques, des autels
?i) Strabon, XII, Stj,
(
3 ) S'raboii, XII, 567. (1) Tacite, IV, 37.
ASIK MI^EUR^:. 481
dulations du rocher, et s'élevaient ainsi peut s'eu assurer dans les parties bri-
en quelques endroits à plusieurs cen- sées. I.es chapiteaux des pilastres repré-
taines de mètres au-dessus du niveau de sentent des victoires ailées, qui s^ap-
la plaine. L’enceinte de l'acropole était puient sur des enroulements de feuillage.
occupée par des habitations particu- Ces ligures s’ajustent avec une conve-
lières; et, dans le moyen âge, les chré- nance parfaite dans des rinceaux d’a-
église que les canthe , qui forment la frise extérieure
tiens
y construisirent une
Turcs" ont toujours respectée. du mur de la ‘cella. La largeur et la
Les plus be.’iu.v édiliccs construits hauteur des pilastres font connaître les
ar les ilomuius étaient dans la partie dimensions des colonnes absentes ; l’an-
asse de la ville; les inscriptions qui tiquaire peut ainsi reconstruire dans
subsistent encore nous apprenneut son imagination un des plus beaux mo-
qu'Ancyre avait un hippodrome, des numents d’Anc 5Te.
bains, des aqueducs et plusieurs tem- La façade du temple élait ornée de
ples. Si l’on en juge par les débris que six colonnes d’ordre corinthien, qui
l'on voit répandus çà et là, la magni- portaient un entablement et un frontdn.
iiceuce de ces édifices ne le cédait en Des débris épars qui ont appartenu à
tien à ceux de Home même. Les artistes l’édifice font voir que les colonnes
grecs employés par les vainqueurs don- étaient cannelées. L’ajustement du mur
nèrent à ces coustructions un cachet de la cella indique qu’elle était entourée
de finesse et d'élégauce que n'avaient d'un portique; ainsi le temple d’Ancyre
pas les moauments d’Italie. était hexastyle et périptère, disposition
généralement adoptée par les Romains
i’aucusteum. pour les édifices religieux de grand
style. Il existe une médaille d'Ancyre
Les ravages du temps et des hommes portant d’un côté l’effigie d’Auguste
ont détruit la plupart des édifices anti- avec les attributs du dieu Luiius, et sur
ques; un
seul temple, élevé par les le revers un temple hexastyle avec cet
priuce.s galates en l'honneur d’Auguste exergue : Communauté des Calates
et de Rome, subsiste encore, pour attes- Augustaux. Il est probable que ce
ter à quel degré émineut les arts étaient temple, est le même que celui dont les
parvenus en peu de temps dans la ca- ruines existent encore.
pitale de la Galatie. Ce monument oc- Dans la partie antérieure de l’édifice
cupait le centre de cette partie de la est une sorte de vestibule ouvert, ou
villequi fut l'ouvrage des Romains. ironaos. On entrait du pronaos dans
Précieux sous le rapport de l'art, il est Îa cella (partie réservée pour les prêtres)
lus remarquable encore par les nom- par une porte richement ornée d’un en-
reuses inscriptions placées sur ses mu- tablement porté sur deux consoles de
railles,qui nous ont ainsi conservé des marbre. Il est rare de voir dans les tem-
documents historiques très-importants. ples antiques , les portes assez bien
Nous avons à regretter des portions no- conservées pour qu'on puisse en étudier
tables de l’architecture , les colonnes et les proportions. Dans toute l’Italie, on
les chapiteaux, l’entablement extérieur; ne cite que deux portes de temple, et,
nais dans ce qui reste, tous les détails pour la beauté des détails , elles ne sau-
de construction et d’ornements sont raient être comparées avec la porte du
exécutés avec tant de goilt et de préci- temple d'Auguste.
sion, que le temple d’Ancyre s’il était
,
L'intérieur de l’édifice était fort sim-
plus connu, serait sans contredit placé ple. Une eorniche, de laquelle pen-
4-i-2 L’UNIVERS.
liaient des guirlandes de fruits, régnait ces de Galatie dont les noms sont con-
U l’entour. Au-dessus de la corniche servés dans l’inscription grecque tracée
s'étend une partie complètement lisse, sur ie pilastre, et qui rapporte toutes
qui dans l’origine, fut sans doute desti- les ceremonies et fêtes qui eurent lieu
née à recevoir des peintures. au moment de la dédicace. Cette ins-
Dans le mur de la cella, à droite en cription avait , à plusieurs reprises
entrant, on remarque trois fenêtres cin- attiré l’attention des savants. Chishull,
trées, destinées à éclairer l’intérieur. Tournefort, et après eux Moutfaiicon
Comme les temples anciens ne rece- en ont publié des fragments plus ou
vaient de jour que par la porte, Pococke moins incomplets. Je dois faire observer
et Tournefort avaient douté que le nio- que ce dernier, en donnant, dans sa
miment d’Ancyre fût réellement un Paléographie, une copie de l’inscription
temple, et étaient portés à le regarder de l’ante, a été induit en erreur sur la
comme un prytanée mais , en exami-
;
forme du caractère. Celui qu'il reproduit
nant de près ces fenêtres, on voit qu’elles appartient tout à fait aux bas temps de
ont été percées après coup, et que le l’empire byzantin. Il faut croire qu’il a
cintre est taillé au milieu des assises copié une transcription faite par quelque
horizontales des pierres de la cella. Ces prêtre grec. Le caractère tracé sur le
fenêtres ont été percées lorsque ce monument est au contraire du meilleur
temple fut converti en église; c’est alors style, et appartient évidemment à l’épo-
qu’on abattit le mur du posticum , et que de la dédicace du temple. Chishull,
qu’on ajouta' des constructions qui se qui a publié les mêmes fragments que
rattachent aux antes. Dans la partie Montfaucon, croit que chaeunc des
antérieure du temple , on se contenta fêtes mentionnées daus ce monument
d’enlever les colonnes qui se trouvaient eut lieu aux différents anniversaires de
entre les antes, pour former le narlliex la consécration. Je donne aujourd’hui
ou portique qui précède toutes les égli- cette inscription complète, qui per-
ses byzantines. mettra aux savants de décider le fait.
Vers le milieu du dix-huitième siè- Rien, dans ie caractère de l’inscription,
cle,un pèlerin de la Mecque, du nom ne porte à croire qu’elle a été écrite à
de Hadji-Baïram, lit élever une mos- plusieurs époques différentes. Je suis
quée contiguë à l’église, que les mu- au contraire disposé à penser que toutes
sulmans avaient détruite. On emplop ces fêtes ont eu lieu au moment de la
pour cette construction une quantité consécration du temple, sans doute à
de fragments de marbre provenant la mort d’Auguste, quand on a inscrit
de, la démolition des portiques du tem- sur les parois de la cella une copie de
ple , et l’église byzantine fut conver- son testament en latin et eu grec.
tie en cimetière pour les musulmans. Ce futPylæinèneSjfils d’Amyiitas.qui
Quelque déplorables pour les arts dédia le temple. L'inscription contient
que soient les dégradations commises aussi les noms de plusieurs autres prin-
dans le temple d'Auevre, on ne sait ces galates sur lesquels l’histoire nous
si l’on doit eu blâmer les auteurs, car, apprend peu de chose. Le marbre
sans tml doute, aucune partie de ce rongé par le temps en plusieurs en-
bel édifice' ne serait parvenue jusqu’à droits ,
laisse quelques lacunes assez
nous. La ville d’Angora étant située sur faciles à remplir. Cette inscription est
un terrain volcanique, le marbre et la d’autant plus intéressante , que c’est le
-pierre calcaire sont apportés de loin, seul document aussi complet que l'on
et tout ce qu'on a pu arracher des mo- possède sur les cérémonies des dédica-
numents antiques pour l’employer à ces chez les anciens.
d’autres édifices, ou même pour faire
de la chaux, a été enlevé sans scrupule. Le peuple des Galates, après avoir fait les
sacritices d’iiiauguration, a dédié ce tempie au
J, a mosquée a protégé le temple, et, divin Auguste et à ia déesse Rome [ sous l'au-
quoique cet édifice soit aujourd’hui lofité de Lollianus, consulaire et propréleut
a donné des spectacles, et a fait
sans destination, il a été respecté comme impérial]
comliatire (rois cents paires de gladiateurs;
dépendance d’un monument religieux. a donné une cliasse de taureaux et de héles
Ce temple fut inauguré par les prin- feruces, plus un fesUn publie; a donné des
ASIK MiiSEÜKÉ 48ü
conde fois un festin public (qui fut présidé) soin que prit le magistrat suprême, sans
par Fronton. doute le proconsul, de faire présider
Mélrodore, (ils adoptif de Ménémachus, et de
la laniille de Dorylaüs, a donné un festin pu- par un commissaire romain dont le ,
blic>et a (oumi de t’huile pendant quatre moi». nom est inscrit à côté de celui des prin-
Musious, Üls d'.Arlicous, adonné un fe.stin
ces galates , les fêtes et les cérémonies
public.
[Séleu]cu6, fils ile Séleu(‘U.^, a doniié un fes-
dont ces derniers firent les frais , et
tin public; lia fourni l’huile pendant quatre qu’ils sont censés avoir ordonnées de
mois. leur propre mouvement.
Pylftmènes, fils du roi Aniyntas. a donné
deux fois un festin puidlc aux trois neiiples; |
Cette longue énumération de festins,
[
temple qui lui était dédié. Ce beau do- rempli, car l'année suivante ayant ren-
cument liistorique a été rapporté pour contré .à Smyrne M. Ilamilton, je lui
la première fois en Europe, eu 1551, signalai la situation de l’édilice, et il fit
par Antoine Wrandis, Dalmale, évéque les travaux nécessaires pour dégager la
et souvent, faute de mieux, les avides et Galatie fut conquise par Haroun-al-
patients dévastateurs des monuments se Kaschid, ce prince vint jusqu’à Ancyre,
sont bornés à faire des trous dans les et enleva comme trophée de sa victoire
murs pour retirer quelques crampons la porte du temple qui fut transportée
de bronze ou de fer qui retenaient les à Bagdad. Une inscription grecque était
pierres. L’inscription d’Aucyre présente gravée sur les battants et nous a été
aujourd’hui des lacunes assez notables, conservée dansie Djihan-.\uma(lj. Elle
l'in collationnant les copies publiées avec est ainsi conçue ;
ment épigraphique dormait, oublié des « et les temps. I.a joie se change eu
rendu compte du contenu de l’inscrip- n pas ton présent des soucis de l’avenir.
destruction avancée. Il m’eut été facile niais un Innple consacré par la vtne fia nié-
inoire de cet empereur, I inscriplioo grecque
dès cette époque d'en obtenir la démo-
gravée sur l’anle lève tous les doutes à cet
lition, les dernières colonnes restées
égard.
visibles et parfaitement conservées,
A l’extérieur du temple, il existe des ins-
m’avaient donné la certitude que l’ins-
criptions grecques , dont une partie est ca-
cription grecque n’était autre chose que mais j'en ai copié siif-
cliée par les maisons,
la traduction de l’inscription latine gra-
fi.saminentpour me convaincre que ce n’est
vée dans le pronaos. Dans le rapport qu'une jiaraphrase de l’inscription latine.
que j’envoyai au ministre de l’instruction Rapport au ministre de l'instruction publi-
publique, et qui fut inséré au Moniteur que, Moniteur du ig décembre i834, col.
du 24 décembre 1834 (I), j’exposai la aa34.
(i) Djihan-Numa, f>43, apud Hammer, I,
(i) Le monmnenl d'Ancyre, sur les imirs 399.
1 b> CjOOO
ASrE MINEURE. 48i
de l'épigraphie grecque, tandis qu'on y lois s’étaient identifiés avec les Romains,
reirnuve tout le mysticisme des écri- comme plus tard les Romains se con-
lains orientaux.Mais, quand même fondirent avec les Grecs sous l’empire
cette inscription serait apocryphe, il est byzantin. Le gouvernement de la Gala-
curieux de comparer ce fait historique lie était remis entre les mains d’un pré-
arec ce qui se passait dans l'Inde à peu teur; elle fut aussi régie par un procon-
près dans le même temps, quand Mah- sul, mais on sait que dans les provinces
moud le Ghaznévidc prenait, et envoyait ces magistrats jouissaient des mêmes
à Caboul, les portes du temple de .Som- privilèges. Les ordonnances municipales
mauth. Le dernier trophée de ce genre étaient né.anmoins promulguées au nom
est aujourd’hui entre les mains des Rus- du sénat et du peuple des Galates.
ses, qui, lors de la conquête de l’Arménie, Detoutes les villes d’Asie Ancyre
,
en 1828, enlevèrent les portes du tom- est sans contredit une de celles qui ont
beau d'un santon célèbre à Krzeroum. fourni au monde savant le plus grand
L’ancien temple est aujourd’hui en- nombre d’inscriptions et de documents
touré de constructions modernes, et historiques. Il est fâcheux que la plu-
une mosquée bâtie sous le règne de So- part des monuments découverts jour-
liman le Grand par Hadji-Baïram, est nellement aux environs de la citadelle
appuyée sur sa face méridionale. Des soient pour la plupart mutilés ou dé-
terres transportées occupent l’entrée du truits avant qu’un antiquaire ait pu en
proaaos, et sont couvertes de pierres recueillir une copie. La disette de pierre
sépulcrales. Otte mosquée fut bâtie par calcaire est la principale cause de la
le célèbre architecte Sinam, qui cons- destruction des monuments. Tnurnefort
truisit les mosquées de Soliman à Cons- a cité comme une singularité l’escalier
tantinople, et de Pertew-Pacha à Nico- d’une mosquée qui est en entier com-
médie. Hadji-Baïram, pèlerin de la posé de bases de colonnes en marbre.
Mecque et d’une des illustres familles Cette construction, aussi barbare qu’in-
de la renommé par
Galatie, est encore commode, existe encore, et toutes le,s
sa piété et r.iustéritéde sa vie. Il est maisons environnantes sont remplies de
le fondateur de l’ordre des derviches fragments plus ou moins défigurés d’ar-
Bairaniy, et mourut en 07 de l’hégire chitecture romaine. C’est là tout ce qui
(1220).' Sa famille existe encore à An- a échappé à la consommation active des
gora, et c’est un de ses descendants qui fours à chaux, qui , en Asie comme en
eut, au commencement de l’année 1834, Italie, ont été les moyens les plus actifs
la malheureuse idée d’entreprendre la de destruction.
démolition de ce qui restait du temple Les murailles du château sont pres-
d’Ancyre pour en faire un bain dans sa que entièrement construites en frag-
villa. Âlais ce projet n’eut heureusement ments extraits de monuments antiques.
pas de suite, et l’on sc borna à l’enlève- Les stèles commémoratives et honorifi-
ment de quelques pierres sur la face ques s’y trouvent en abondance; mais
méridionale. c’est le hasard seul qui fait que les ins-
Non contents d’avoir élevé un temple criptions qu’elles contiennent sont ap-
h Aiigu.ste. qui était regardé comme le parentes pour nous; on doit cette bonne
nouveau fondateur d’Ancyre, les Gala- fortune au seul caprice, de l’ouvrier, qui
tes en firent construire plusieurs autres n’a pas craint de trop défigurer la mu-
en l'honneur des empereurs Nerva, Tra- raille en laissant paraître les inscrip-
jan et Caracalla. Une inscription, qui se tions des Génoia : c’est ainsi que sont
trouve dans le cimetière arménien, pa- désignées par les Turcs toutes les an-
raîtprovenir d’une des statues élevées ciennes nations de. l’Asie.
dans l’area d’un temple d'Antonin. Depuis la base jusqu’au sommet des
I.es médailles et les inscriptions que murailles, on découvre partout des par-
decouvertes en si grand nombre
l'on a ties plus ou moins conservées des actes
que le goût des jeux
à Ancyre, attestent administratifs de la ville; et ces inscrip-
devenu très-populaire sous
publics était tions réunies nous servent à compléter
lesAntonius. A cette époque , en Asie le peu de documents que nous ont lais-
comme dans l’ancienne Gaule, les Gau- sés les écrivains anciens.
t.'T^NIVFRS.
i-.i plupart (1rs grandes villes de l’ein- comme celles de Rome; mais nous lu;
îmv nmiain, oalles surtout qui avaient .saurions, d'après inscriptions, cil
h-s
Un simulacre de gouverneiueat iiidépen- établir le nombre il paraît cei-
exact;
cœur que de
(iant, u'avaieiii rien tant à tain, néanmoins, qu’il n’était pas moin-
modeler leur adiuiuistration sur celle dre (|ti' douze. Les inscriptions qui
de Home même ; elles les divisaient en nous restent sont au nombre de quatre :
régions comme la capitale, et les habi- une relative à la biiitième tribu, deux
tants se partageaient en tribus. Quoique à la neuvième, et une à la onzième.
cet usage se trouve généralement ré- Ces inscriptions ont toutes appartenu à
pandu chez les diverses populations du des stèles qui .supportaient des staliies
monde ancien, il y a beaucoup de villes honorifiques. Quand on pense que dans
(|uin’en ont conservé aucune trace. toute cette ville il n’existe pas le plus
cité comme provenant de Pessi-
,I’ai petit fragment de statue antique, quels
nunte une inscription mentionnant les regrets u’éprouve-t-on pas de voir ces
Gaulois Tolistoboîens , qui habitaient contrées livrées à un peuple ignorant
Cette partie de la Galalie. Je n’ai trouvé qui mutile avec, rage toutes les repré-
aucun monument lapidaire relatif aux sentations de figure humaine que sa
Trocmiens. L’inscription suivante men- main peut atteindre!
tionne les Tcctosages comme habitant La plupart des statues élevées par
la province d’.'tncyre. décret, étaient placées dans l'aréa des
Le sénat et le peuple des Tectosages augus- temples, ou enire les colonnes dw por-
taux ont honoré .U. Cnceéius Alexandre leur ,
tiques. C’est toujours aux environs de
(»ncitojen, homme Juste et lréa ri‘inar(|uahle ces édifices que l’on retrouve le plus
par la pureté de ses rareurs.
grand nombre d’inscriptions.
Le de métropole, qui était donné
titre
A la bonne fortune.
à Anc.yre dans les actes officiels, se
Philotas (?), (ils de Diodore, ayant rempli les
trouve reproduit dans ces deux inscrip- fondions d’aslynome et de phylarque, avec
tions : m.'ignilicence et sans orgueil, et ayant été Juge
dans les assemblée.s publiques, par le sénalet
A. L Futvius Rnstlcus Æmllianus, légat Im- le peuple, digne d’une statue et d’autres hon-
périal, trois fois consul. Le sénat et le peuple neurs, la huitième tribu claudienne lui a. pour
de la métropole d’Ancvre honorent leur bien- son honneur et a cause de sa blenveillanee en-
tailcur par h s .soins de Tréhius Alexandre. vers elle, élevé cette statue de ses propres fomis,
par les soins de Claudius Anlhimus, le sénat
Le sénat et honorent] Caracylée,
le peuple [ ayant donné la place.
gramie. prêtresse issue du sang des rois, lille
adoplive de la métropole, femme de Julius Se-
verus, le premier des Grecs. Le protocole de dédicace des statues
honorifiques étant généralement le
Dans la plupart des grandes villes de même dans tous les monuments, il est
l’antiquité, la division des citoyens en facile le premier tiers de
de restituer
tribus paraît avoir été tout à fait ar- l’inscription qui manque dans toutes les
bitraire.Le nombre des tribus sc mo- lignes. Les litres des magistratures
difia sur accroissement de la popula-
I
d’astynome et de phylarque sont si sou-
tion de chaque peuple; il n’y a que les vent répétés dans les inscriptions d’An-
tribus juives qui soient toujours restées cyre, que cette restitution présente toute
au nombre de douze parce qu’elles ti- , espèce de certitude.
raient leur origine de cliacun des fils de Ces deux inscriptions, relatives à la
Jacob. T.es citoyens d’Athènes furent neuvième tribu, se complètent l’une par
d’abord divisés en quatre tribus ; mais, l’autre; mais aucune n’a conservé le
dans lu suite, on fit des adjonctions nom du citoyen auquel la statue était
nombreuses qui portèrent les tribus au dédiée.
nombre de dix. La population de Rome
La oeuvième sacrée
tribu, la sénalorifiuie,
était divisée en trente-cinq tribus créées
a honoré ( ), revêtu
des dignités
a differentes époques, a mesure que le d’archonte et d'astynome, qui a été deux fols
nombre de citoyens prenait de l’accrois- pontife de la déesse Cérèi, honoré plusieurs
sement. I,es monuments qui subsistent îois dans les assemblées publiques, son bien-
faiteur.
encore à Ancyre, nous apprennent que Iji neuvième Irtbu sénalorienne a élève a ses
chacune des tribus portait un litre frais, et par reconnaissance ce (monument «-•
\.SIK MINEURE. 487
..... I, qui a été proclamé phylarquc iIuiid dans ce lieu qiu n a pas encore etc par-
rassemblé publique , par le smat et le peuple. faitement déterminé.
NIcépliore Alexandre (a présidé.^
Les deux inscriptions suivantes men-
relative à la onzième
L'inscription tionnent des magistratures exercées tant
tribu estplus connue, et a été reproduite en Asie qu’en Europe par un Tectosage
plusieurs fois; elle se trouve dans le descendant des tétrarques , nommé ’n-
cimetière des Arméniens, à ileux kilo' bérius Sévérus, qui avait probablement
mètres de la ville ; les autres ont été co- pris le nom de quelque patron romain.
piées dans le château. La place de cette Déjà, sous le règne d'Hadrien, les noms
inscription ( car il est probable qu’elle gaulois s’effacent. Il est probable que la
n’a pas été apportée de la ville) permet langue galate qui était pariée par le
,
de supposer que Le quartier ou déme peuple, ne fut jamais employée dans les
appelé Comocetium était dans cet en- affaires publiques, car il ne reste aucun
droit. monument lapidaire qui nous en pré-
Indépendamment de l’hounenr d’une sente le moindre débris.
statue, Zoticus Rassus avait reçu les
A Tilwrias sévérus, descendant des rois et
bienfaits de l’adoption ,
uLov euXfj; la',
des tétrarques, .iprès toutes ses largesses envers
comme Caraeylée ,
qui était déclarée le peuple, élevé an tribiinat par le divin Ha-
bile de la métropole. Il existe plusieurs drien nommé légat en Asie d’après les rescrlts
;
mêmes faveurs que les SpEicxoi de Bi- préfet du trésor du temple de .Saturne, consul,
thynie, de la part des citoyens qui les pontife pour la cinquième fois, inspecteur des
travaux pubilcs de Rome, général, légat de
avaient adoptes.
l’empereur César Tilus .ïliiis Hadrien Anlonin,
K Zoticus fils de Bassos , homme honorable, Auguste, fieux, dans la Germanie inférieure
enfant de la onzième tribu, ayant exercé la Marcus Julius Éuschémon à son bienfaiteur.
charge de phylarque avec zèle, et avec intégrité
celle d'astynome; avant (ait construire a ses On peut classer ainsi, d’après les mo-
frais un batiment trés-coùteux dans le Como-
celium, et rendant chaque jour de nouveaux
numents, les magistratures galaies exer-
services à sa tribu dans les asseml>lées et dans cées à Ancyre:
ie sénat. La onzième tribu (dite) la nouvelle Communauté des Galates.
I.a
ol\ mpienne [ fait élever ce monument ] par les
oins de (jaius Bassus et d’Athénée Seogamus, Le Sénat.
la place étant donnée par le très-illastre sénat. î.e Peuple.
La Tribu.
Les inscriptions suivantes sont rela- Le I.égat impérial.
tives aux légions qui fixèrent leur rési- I.e Préfet de la distribution des grains.
dence à Ancyre : c’étaient la troisième,
I.es Sextiimvirs. '
Diqilizod hy Google
488 L’ÜNIVF.RS
cette époque, entre les mains des croi- d’ean, de livrer bataille. Le combat
sés, commandés par Bohémond, qui eut lieu dans la plaine de Tchiliouk-
s'en étaient emparés après la bataille Abad, sur le terrain même où Pompée
de Dory lée ; mais l’armée de Barberousse avait autrefois battu Mithridate. L’armée
ne reçut d’eux aucun secours. Les turque fut dispersée, et Bayazid tomba
Latins i qui avaient pour ennemis les entre les mains de Timour. Cette mé-
Grecs et les musulmans, ne purent morable bataille eut lieu le 2 juillet
conserver la ville d’Ancyre; ils la pos- 1402.
sédèrent néanmoins pendant dix-huit
années , y bâtirent quelques églises, et CHAPITRE LVI.
réparèrent le château. La période qui
s'écoula entre la chute des princes LF. CHATEAU.
seldjoukides et la conquête définitive
d’Ancyre par les musulmans, fut un Le château d’Anevre passait à cette
temps tellement rempli de désordres, époque pour une des plus formidables for-
de guerres entre les émirs chefs de dis- teressesde l’Asie .1 l’égal decelle de Van.
trict, que l’histoire de cette province se Il est situé sur le sommet d’uue colline
trouve absorbée par celle des malheurs ni commande la ville et entouré d'un
sans nombre qui affligeaient toute l’Asie oubic rempart. L’intérieur, qui est
.Mineure. Les Turcs, sous la conduite aujourd’hui complètement abandonné,
du sultan Mourad, Gnirentparse rendre renfermait les casernes, les magasins et
maîtres d’Ancyre et réunirent cette
, une mosquée dont on attribue la fonda-
villeaux conquêtes d’Othm.'in, qui s’é- tion au sultan Achmet l'c. Comme dans
tendaient sur toute la cote de la Pro- toutes les forteresses turques, il y a en
pontide. Mourad, après avoir pris An- outre un certain nombre de mai.sons
gora, maria sa Glle Ncüdé avec Ala- qui étaient affectées à la demeure des
Mdyn 111, sultan d’Iconium, sur lequel tamillcs des janissaires et des soldats au
il conquis la ville. Il divisa ses
avait temps de sa grande prospérité, on com-
en cinq sandjaks, qui fu-
(lossesslons ptait à Angora cent soixante-dix sources
rent gouvernés par des .Sou-bachi. Il y naturelles,trois mille fontaines, soixante-
avait déjà longtemps que ISicée et seize mosquées, quinze couvenlsde der-
Broussa étaient entre les mains des viches avec des mosquées dont la plus
Ottomans. La puissance qu’ils avaient célèbre est celle de Hadji Rai'ram ; trois
acquise en Asie ne résista pas aux atta- mille derviches de son ordre et de celui
ques de ce fléau de l’Orient, qui après des Mewlevi peuplaient les couvents
avoir conquis la Bactriaue et la Perse, ou Tékés; trois établissements publics
venait fondre sur l’Asie occidentale, en étaient consacrés à la lecture du Koran;
conduisant ses hordes innombrables. Ti- on comptait cent quatre-vingts écoles de
mour avait hâte d’en venir aux mains garçons, deux cents bains, soixante-dix
avec les sultans ottomans; il avait déjà palais avec des jardins, six mille six
saccagé plusieurs villes appartenant aux cent soixante maisons, un bezestein ou
sultans, lorsque Bayazid vint au-devant marché couvert, et un grand nombre de
de lui à la tête d’une armée qui avait bazars peuplés d'une infinité de cafés,
battu les chrétiens et qui s’était aguer- d’écboppesde barbiers et de marchands.
rie par le .siège
de Constantinople. Les rues et les places étaient pavées de
Après le siège de Sivas Tiniour ap-
, pierres blanches et les maisons bâties
prit que Bayazid, Gis de Mourad, mar- en briques. On remarquait dans la popu-
chait contre lui, suivi d’une nombreuse lation un grand nombre d'hommes dis-
armée. Il alla au-devant du sultan jus- tingués, de savants, de poêles et d’hom-
qu’à Angora, et sont ma Yacoub, qui coin - mes de loi et de religion parmi lesquels
mandait la place, de lui ouvrir les por- le pèlerin Hadji Baïram a laissé un re-
tes. Sur son refus, Timour commença nom qui est arrivé jusqu’à uos jours; sa
le siège de la ville. Il Gt détourner le famille, qui dit- on se rattache à la souche
cours de la rivière de Tcliibotik-Aiiad, des princes Galates existe encore au-
cl Gt miner
les murs d’Ancyre. Bayazid jourd’hui et jouit d’un grand crédit dans
arrivant, se trouva forcé, par le manque le pays.
490 LUMIVERS.
Après tant de siècles d’occupation à la plus haute antiquité, puisque les
que la popula-
clraiiKère , il est évident villes de Baliylone et de Ninive .sont
tion primitive a dû subir une altération bâties de la sorte, est répandu dans-
notable par mélange du sang osmanli;
le toute la Perse, l’Assyrie et la Cappa-
néanmoins tous les Européens qui ont doce. Il n’est point douteux que ce ne
séjourné à Angora ont remarqué qu'elle soit la tradition qui ait conservé cet
conserve un caractère particulier. Le usage dans des contrées où la pierre est
sang gaulois se reconnaît chez un grand commune; mais le bitume qui dans la
nombre de sujets qui ont une barbe Mésopotamie, forme le ciment de ces
blonde et des yeux bleus. Cette obser- constructions ne se trouvant point en
,
vation faite en 1700 par Tournefort est Phrygie, il s’ensuit que, malgré la
encore vraie de nos jours, et si le ca- grande épaisseur des murailles, les
ractère gaulois de la population n'est maisons n’ont aucune solidité. De plus,
pas aussi vivace et aussi tranché que du comme on ne se donne aucun soin pour
temps de saint Jérôme, on ne peut nier orner l’extérieur, les rues de la moderne
(|u’il nesoit encore le type dominant sur- Ancyre ont un aspect de tristesse que
tout chez les habitants de la campagne. n’ont pas les villes plus modernes.
La langue celtique elle-même s’était La population se compose de Turcs,
conservée dans la colonie gauloise plu- d’Arméniens et de Grecs, et d'un cer-
sieurs siècles après son établissement, et tain nombre de familles arméniennes
dans le quatrième siècle saint Jérôme catholiques, qui ont obtenu la per-
constatait que l’idiôme national de la mission d’ouvrir une église. On évalue
population d'Ancyre était le mémo que toute cette population à 2.S.OOO âmes;
de Trêves, quand la
celui des habitants mais la ville est assez grande pour en
plupart des autres peuples de l’Asie contenir un bien plus grand nombre.
Mineure parlaient la langue grecque.
Cette observation de saint Jérôme tend CILAPITRK LVll.
à prouver cependant que jamais le Cel-
tique ne fut une langue écrite ; on a en LA VILLE MODEBNE ET LES HABI-
effet retrouvé dans les ruines d’Angora TANTS.
un grand nombre d’inscriptions grec-
(|ueset latines, mais on n’a jamais ren- Les murailles d’Angora du côté de la
contré le moindre monument épigra- plaine sont bâties avec des matériaux
phique en langue celtique. tirés des anciens édiliccs et reliés avec
Ancyre devint la proie des hordes tar- de terre ; une partie de ces murs a
la
prirent l’offensive quelques années plus vernement Turc ne parait avoir aucun
tard, et .Mahomet I" réunit Ancyre au souci de l’entretien des villes de l’in-
raiDS servant de prison pouvaient être disaient ; l’impôt sur le vin est fixe, les
usités. ()D y avait conduit pendant la chrétiens doivent annuellement 25,000
ifuerre d’Egypte un certain nombre de piastres : si la récolte est abondante ils
Français prisonniers de guerre. payent peu, si elle est mauvaise l'impôt
Cette prison forme une. longue ga- est en effet onéreux.
lerievoûtée qui ne reçoit l’air que par l.a dette de 85,000 piastres, objet de
des soupiraux étroits ; le long des murs la contestation datait de l'arrivée des
,
sont rangés de longues poutres ser- troupes de .Meliemet Ali il iTy avait;
vant de ceps pour passer les pieds des pas de caserne pour les loger, le gou-
prisonniers qui sont forcés de rester verneur fut obligé de les loger chez les
toujours étendus sur le dus. 1,'anti- habitants; mais les rayas ne voulant
chainbre de la prison est en harmonie pas recevoir ces musulmans dans leurs
avec l’appartement c’est une salle
: maisons proposèrent de s’exonérer de.
carrée et haute ménagée dans le mas- eetle charge en payant une somme au
sif d’une tour, au milieu est un poteau gouverneur qui né refusa pas de leur
avec un escabeau, c’est là qu’on étrangle donner un reçu , mais dont il ne se
les criminels. reconnaît pas debiteur, puisqu’ils pou-
On remarque dans lechàteau plusieurs vaient se dispenser de cette charge en
de marbre, d'un travail grossier;
lions logeant les musulmans.
d’animaux sont aussi très-ré-
ces ligures I.’assiette de. Timpôt est générale-
pandues dans la ville on en compte : ment mauvaise, les terres ne sont im-
plus ils ont presque tous la
de quinze
;
posées que sur le produit, de sorte
même attitude, ils sont assis sur leur qu’une terre en friche ne paye rien.
croupe. Pour les propriétés urbaines, l’impôt est
Il est très-difOcile de connaître d’une minime une maison dont la surface est
:
rbie cent quatre-vingts villages, qui réu- craie. De temps à autre on voit s’ou-
nissent quatre-vingt-cinq mille habi- vrir quelque large vallée où paissent
tants, c’est donc m e population très- les belles chèvres d’Angora et de nom-
nomades ne comptent
clair-semé.e, les breux troupeaux de moutons dont la
nas. La force armée est très-peu nom- toisonestd’uue blancheur remarquable,
breuse, cependant le pacha disait qu'au indice certain des soins dont ces trou-
moyen de ses communications avec les peaux sont l’objet de la part de leurs
Voivodes on pouvait réunir dans le cen- bergers.
entre
tre la Phrygie une armée de trente
de Il
y a douze heures de route
millehommes. Ces chiffres qui nous ont Muhalitch et Bey bazar cette petite
:
clé donnés par les autorités, montrent ville est bâtie sur la pente de tr ois col-
en-
nir la matière d’un volume. Mais le faites en bardeau. Bey bazar
temps nous presse, nous avons encore tourée de jardins cetté ville est célébré
:
de vastes provinces à visiter, nous re- |>ar ses fruits et surtout par ses poires
trouverons encore plus d’une fois le qui sont vendues à Constantinople sous
le nom de poires d’Angora. On y
cultive
nom des Gaulois, cité, avec honneur
lagunes
dans les guerres que les Romains et les le riz avec succès dans des
Byzantins ont eu à soutenir sur les préparées exprès pour cette culture.
la
frontières orientales de l’Empire. Comme point de halte de caravanes
et a
ville offre un tableau très-animé
'U‘|
CHAPITRE LVm. un aspect presque européen ; on y
descharrons et des maréchaux ferrants
•
nom pour prendre celui de la ville ; ISTANOS. — LES OPPIDA DES RALA-
on conçoit quelles diflicultés devaient TES. — LES RROÏTES HABITABLES.
éprouver les premiers explorateurs au
milieu de ce dédale géographique. Pendant notre séjour en Galatie, nous
La ville d’Ayasch est éloignée de qua- avons cherché vainement deux souve-
rante-deux kilomètres de Bey bazar on ; nirs (le nos ancêtres les traces de la
:
longtemps d’avance faire leurs prépara- souterraine n’existaient pas. C’est la der-
tifs pour repousser l’ennemi. nière observation que nous eûmes lieu
Au nord et dans la vallée de la rivière de faire avant de quitter les euvirous
d’Angora, M. Ainsworth a observé un d’Aucyre, qui offriront encore long-
autre oppidum non moins remarquable temps des sujets nouveaux d’observa-
que les précédents ; il est voisin des tion aux voyageurs qui voudront y pro-
sources chaudes uoiiimées Al-Kbatoun, longer leur séjour.
la dame, et domine la montagne de
Sgtiilir. Ce lieu est désigné dans le pays
bouk sou, ainsi nommé d’un village Kaladjik est une petite villeassez heu-
situé au nord-est d’Angora. Cette der- reusement située ; elle s’élève en pente
nière rivière prend sa source dans la autour d’une colline rocheuse couron-
montagne d’Aïdos, arrose la grande née par un chAteau une muraille en
;
plaine de Tebibouk ova si dans laquelle partie crénelée forme l'enceinte; les
eut lieu la bataille entre Timour et maisons sont bâties en briques crues
Bayazid, le 2 juillet 1402 , et se jette récrépies avec de l’argile jaune; les
dans la rivière d'AngOra uu peu au-des- rues sont étroites, mal pavées et en
sous de cette ville. pentes rapides ; mais les jardins qui en-
Le village de Tchibouk est composé tourent la ville lui donnent un aspect
de soixante-six maisons; il est assis au pittoresque. La population est de trois
bord de la rivière de Tchibouk sou, qui mille Ames et sc compose de Turcs, de
traverse la plaine; plusieurs campements Grecs et d' Arméniens. A mesure qu’on
dé Yourouk y sont installés pendant l’été. avance vers l’est, cette dernière popu-
Les Youroux possèdent un grand nombre lation devient de plus eu plus nombreuse
de chameaux et conduisent les caravanes dans les villes.
entre'focat, Alep etSmyrne; leur pro- La colline du cbAteau est uu épan-
bité est connue dans le pays on leur
; chement trachytique , qui s’arrête à la
confie les marebandises les plus pré- vallée voisine ;'tout le reste est calcaire.
cieuses, sans crainte de voir un ballot Le chAteau est un amas de construc-
s’égarer. Le bassin de Tchibouk sou est tions de différents Ages , la plus grande
peuplé de nombreux villages parmi les- partie a été réparée par les Turcs; ou
quels on en compte un certain nombre trouve dans les murs quelques frag-
qui renferment des débris d'architec- ments antiques et plusieurs pans de
ture, preuve certaine qu’ils occupent murailles encore en place sont certai-
l’emplacement de quelque ville antiuue. nement de construction romaine. Best
De ce nombre, il faut compter Akdjah hors de doute que l’on est sur l’empla-
tasch à trois heures nord-ouest de Ka- cemeut de quelque ancienne ville. Le
ladjik et au nord de la plaine. cimetière arménien abonde eu fragments
Une colline composée de roches cal- antiques; cinpes funéraires, deux lions
caires qui s’élève au-dessus du village de marbre (Je travail byzantin, corni-
parait avoir servi de base à l’Acropole. ches et colonnes brisées, tout cela n’a pu
Les murs des maisons renferment un étreapporté de loin. Ou remarque cepen-
grand nombre de monuments antiques dant deux bornes milliaires, dont l'une
et plusieurs fragments de sculpture. On porte une inscription en l’bonueur de
remarque une stèle sépulcrale de pierre l’empereur Hadrien et le numéro XXXy.
portant une inscription, et le buste d’un nom de la ville manque. Il estdifü-
sénateur romain. Une autre stèle encas- cile de savoir quel est le point de de-
trée dans la muraille d’une maison re- part de cette borne milliaire, le treule-
présente deux figures, et au-dessous une cinquième mille, qui représente SI kil.,
autre ligure à mi-corps avec la toge et
entourée d’une couronne ; ou lit au-des- (i) Haiiiilloii, I. I, 4'i’
by Goo'jlf
ASIË MINEUaK. 4» 7
du pont de l’Ilalys. Une grande partie a été .successivement placée dans des
du pays est en friche, mais dès que les régions bien éloignées l’une de l’autre.
vallées ont un filet d’eau les cultures Danville regardait Tchoroum comme
reparaissent et les vergers donnent des satisfaisant aux conditions cherchées. Le
fruits renommés. col. Leake et le d' Cramer (I) sont
Uiekbass est un joli village de ccnt disposés à l'identifier avec Youzgatt.
cinquante maisons, distant de cinq heu- M. Uamilton a publié deux Mémoires
res de Songourlou on peut observer dans
; pour prouver que Boghaz keui n’est au-
le cimetière quelques fragments d’ar- tre chose que l’ancienne Tavium ; nous
chitecture ancienne. Toutes les maisons n’avons jamais été de .sou avis et dès
sont séparées par des jardins; les ver- l'année 836 nous avons appelésou atten-
1
gers couvrentles collines environnantes, tion sur le village de Nefez keui, dont la
(liekbass est la dernière station avant position à l’égard d’Angora s'accorde
d’arriver au village de Boghaz keni, qui avec celle de Tavium, et les monuments
occupe remplacement de Pterium, et romains et byzantins prouvent que cette
dont le territoire appartenait au royaume ville fut habitqe dans les temps chré-
du Pont Galatique Nous décrirons cette tienscette preuve manque absolument
;
ville avec la province de Pont. Il en est pour Boghaz keui. Depuis vingt ans
de même des autres villes qui ont été cette dernière ville a été visitée par un
tour a tour annnxées à la Galatie et en grand noinbrede voyageurs érudits, et la
ont été détachées pour faire des États question est aujourd’hui jugée.
séparés sous les gouvernements d’A- Nefez keui est située à vingt-quatre
myntas de Déjotare et de Bogadiatare. kilomètres au sud de Boghaz keui tout ,
49S L’UNIVERS.
i^uiabandonnent leurs maisons pendant descriptions ne puissent convenir à l’an-
1 pour aller demeurer sous la tente.
été cienne Taviuni. L’un des deux tem-
Les ruines de la ville sont situées à un ples a pu être celui de Jupiter; la
kilomètre et demi à l’ouest du village, position de Nefez keui dans un pays
mais déjà dans le cimetière on trouve ouvert et acce.ssible convient mieux a
des fûts de colonnes et des fragments la ville des ïroemiens que celle
de
d’architecture. La première chose que Boghaz keui dont le nom seul, le village
remarqua M. Hamilton en visitant les du défilé, indique un pays montagneux
ruines, où il reconnut l’emplacement et difficile. Or, d’après lestables, Taviuni
d’une ancienne cité, ce fut un grand était une ville où convergeaient sept
bâtiment dont les f^ondations avaient grandes routes allant du nord au sud et
été touillées depuis peu dans un espace de l’est à l’ouest.
de huit mètres; le fossé était rempli de La distance d’Ancyre à Tavium est
grandes pierres de taille, appartenant au donnée par deux documents anciens.
mur extérieur, qui étaient reliées par des La table de Peutinger est incomplète,
crampons de fer. Deux colliues qui s’é- la distance entre les deux dernières sta-
lèvent a peu de distance de la ville sont uoiis manque; elle n'est cependant pas
désignées sous le nom de grand et de pe- inutile comme point de comparaisou.
tit château ; à uue petite distance vers le
nord on trouve encore un certain nom-
bre de grandes pierres calcaires qui
Table de Peutinger.
marquent l’emplacement d’un temple Anevre. MîIIps. Kilomèfrcs.
ou de quelqu’autre édilice important Acitorîhiaco . . . .36 53,244
parmi lesquels on reconnaît des parties Eccobriga . . . . . 3;a 48,807
d’architraves et de riches cormcties;
Lassora 37,975
plus loin M. Hamilton observa unepièce
Stabiu . t7 25,143
de marbre portant des lettres de sept
ou huit pouces de haut et qui paraissent m 165,169
avoir fait partie de la dédicacé d’un
temple. Plusieurs inscriptions presque Itinéraire d’Autonin.
toutes byzantines ont été copiées, mais
Ancyra. -M. R, Kil. M.
as une ne contient le nom de la ville (I ).
I. Brant, consul anglais, visita aussi le
Boleslasgus. . . 24 3.'i,496
Sarmalius. . . . 24 35,496
viilagedeNefez keui venant de Youzgatt
Kcobrogis . 20 29,580
et allant à Boghaz keui. Il
y trouva de Adapera 24
nombreuses pièces de marbre employées
. 35,496
Tavio 35,496
dans la construction des maisons mo-
dernes, un certain nombre d’inscrip- 116 171,564
tions et de nombreux fragments de co-
lonnes et d’autres restes d’architecture. Il faut donc compter environ cent
Sur la colline qu’on appelle le château, quatre-vingts kilomètres depuis Aiicyre,
des fouilles avaient mis à découvert les cette distance convient parfaitement à la
restes d’un bel édifice antique dont les position de Nefez keui.
murailles étaient revêtues de plaques Cette question de la position de Ta-
de marbre. Sur l’autre colline on avait viuin a été examinée avec maturité par
aussi fait des fouilles dans le but d’ex- Cari Bitter, qui en définitive est disposé
traire des marbres qui devaient être à se ranger de notre avis. « Il reste la
transportés à Y^ouzgatt pour construc-
la possibilité de l’exactitude des conjec-
tion d’une mosquée. Les médailles tures de Texier, lequel considérant que
trouvées dans ces fouilles avaient été la ville de Tavium fut florissante pen-
fondues sans que la science en tirât au- dant la période chrétienne et pendant
cun profit (2). On ne saurait nier que ces les temps byzaiitius comme cela est
prouvé par les actes des conciles, pense
(i) Hamilloo, Researehes, lom. 1"', 3g i. que cette ville devait se trouver au vil-
(a)Cai'l. Hilter Erdkiiuüe, t. IX, part, i”', lage voisin de Nefez keui, tandis que les
page 3jo. ruines de Boghaz keui nereiiferiiieiitque
AilE MINEÜRE, 4»9
des vestiges d’une haute antiquité (1). SUdt T*™ vielmehr in den der byianlinis-
chen Zeil an|>ehdri^n Kuinen des benach-
(i) Und bliebe immer die Moglicbkeit der barten Nefes Kjoi iinden môchte. Karl Rit-
RichligkeitfbrTexiers Yermiithung, der die terErdkunde, tome]X,Tbeil r, in-8°, i85*,
uoch in cfaristlicber Zeil, nacli dem Zeu- l‘“g« 3g4-
guiss der Coiicilien-Unterschriften bliibende
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.
LIVRE VII.
CAPPADOCE.
pasteurs, et c’est l’éleve du bétail de core lieu chez tous les peuples orien-
toute espèce qui fait la principale ri- taux.
chesse de leurs princes. Ce trait les rap- Les royaumes situés à l’est de l’Eii-
500
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,
503 L’UNIVERS.
anciens des peuples qui ont étendu leur dans l’itinéraire d’Antonin, tantôt .Sac-
domination sur ces provinces. En effet, cacoena, était bien loin des limites de
il
y avait cent vin^-cinq ans qu’ils étaient .Saccacéné, entre Nyssa et Césarée, à
maîtres de l’Asie supérieure , lorsque soixante mille pas de Nyssa et vingt-
|es Médes commencèrent à se rendre cinq mille de Cesarée. Nyssa étant Nem-
indépendants. Nous avons déjà vu que cbeher selon la carte du Père Cyrille,
les Médes reculèrent jusqu'au fleuve et d’après tout le clergé grec de Césarée,
Halys les homes de leur empire. L’Iiis- qui donne à l’évêque de Nemcheber le
toirê de la (iappadoce jusqu’au temps titre d’évêque de Nyssa , Sacocna devait
des successeurs d’Alexandre ne peut occuper la position de logé sou, village
donc être isolée de celle des Médes, où l’on remarque un grand nombre
des As.syriens et des Perses. Les rois de grottes taillées dans le roc. Une
d’Arménie, vaincus par Sémiramis, au- autre Sacœna est mentionnée sur la
raient, d’après les chroniques armé- route de Tavium à Césarée, à trente-
niennes, secoué le joug des Assyriens neuf milles au nord de cette ville. Ce
et reconquis leur empire, et, pendant sont, je pense, d’anciens châteaux oc-
toute cette période anté-hcllénique, se cupés par les Saces , dont le nom s'est
seraient maintenus, tantôt comme sou- perpétué jusqu’à l'époque byzantine;
verains indépendants, tantôt comme sa' mais je n’ai trouvé dans ce pays aucune
trapes des rois perses (t). Nous voyous trace ni aucun souvenir de la seconde
dans le monument d’Ancyre comment de ces places.
les Romains, mus par un pur caprice, Les Saces, vaincus par Cyaxare, aban-
donnent ou enlèvent les provinces d’Ar- donnèrent aux Médes les pays qu’ils oc-
ménie et de Cappadoce. Il semble que cupaient ; mais les conséquences de cette
pendant toute cette longue période victoire furent une déclaration de guerre
l'Armenie n’ait jamais joui que d’une na- entre la Lydie et les Médes. Pendant
tionalité précaire. C'.r pendant les Tigranes cette guerre, qui dura plusieurs années,
elendirent leur puissance dans toute la les Médes étaient maîtres de tout le
Mésopotamie et régnèrent sur la Cappa- pays situé au delà de l’Hal ys,- et y trans-
docp. Césarée, la capitale, fut longtemps portèrent le culte de la déesse Ânaïtis,
soumise aux princes arméniens, car c’est qui fut honorée ju.sque dans la Lydie.
sur la dynastie arménienne que cette Il est à croire que cet état de choses
ville fut conquise par Sapor. La pro- subsista jusqu’à la destruction de l’em-
vince qui porta le nom d’Arménie Mi- pire d’Assyrie; et lorsque Cyrus réunit
neure fut un démembrement de la Cap- les deux empires sous un même pou-
padoce; mais il serait difficile de tracer voir, cette révolution apporta peu de
les variations de frontières qu'éprouva changements dans les moeurs du peuple
cette province pendant toute la période capp.adocien.
assyrienne, depuis les conquêtes de L’Asie entière, avant d'être réduite
Phraorte (2), qui acquit la Cappadoce sous le joug des Perses, fit cependant
650 ans avant .l.-C., jusqu'à la cbute de des efforts pour conserver son indépen-
Niuive. Lorsque les Scythes envahirent dance. Les peuples qui avaient du sang
l'Asie, ils étendirent leurs ravages dans grec dans les veines résistèrent avec vi-
tout l’empire des Médes; il semblerait gueur; les Lyciens les imitèrent, et ai-
que le cours de l’IIalys, qui coule de mèrent mieux incendier leurs villes que
l’est à l’ouest au-dessus du plateau de de les voir retomber entre les mains des
Césarée, ait dü former la limite de leurs satrapes ; mais les Cappadociebs s'a.'^si-
invasions; maison reconnaît des traces milèrent facilement a leurs nouveaux
de leur séjour au sud de cette ligne maîtres, et l’histoire ne nous a conservé
dans le nom d’une petite ville qui se le souvenir d’aucune tentative de révolte.
trouvait sur la route d’Ancyre à C.ésa- L’observation que nous avons faite re-
rée. Ce nom, écrit tantôt 'Sacœna (3) lativement à la fusion facile qui s’établit
entre les Gaulois et les Romains avM ,
aux Cappadociens et aux Perses, et prou- visée en deux gouvernements, dont l’un
verait , a défaut d’autre document , que futappelé par les Grecs grande et l’autre
les premiers étaient d'origine orientale. petite Cappadoce.
Tous les auteurs ne sont par unanimes Sous le régime des Perses, la Cappa-
pour regarder les Leuco-Syriens comme doce fut assimilée à ces vastes parcs,
uopeufile originaire de Syrie; il estcci> ces paradis où les rois entretenaient du
tain qu'ils ont été mattrêsdes côtes du gibier et du bétail de toute espèce. L’o-
Pont-Kuxiu à une époqne très-ancienne, nagre, qui était indigène, donnait par
puisqu'on sut)pose qu’ils ont été réduits son croisement avec les ravales, des
sous le pouvoir des Amazones M). Leur mulets dont la renommée s’étendait
nom, dans cette hypothèse , leur aurait jusqu’en Babylonie , et quoique cette
été donné partiu uls d’Apollon et de race d'onagre, aujourd’hui considéra-
la nymphe Sinopé, appelé Syrus, qui blement diminuée, ne se retrouve plus
transmit son nom à la Syrie. Ce serait que dans les montagnes dn Farsistan, les
donc, au contraire, de ceux de Cappa- mulets de Cappadoce ont conservé leur
doce que les Syriens auraient reçu cette réputation, et se vendent sur les mar-
dénomination.' Quant au nom de Cap- chés de l’Orient aussi chèrement que
padoce il serait superflu d’en recher-
, des chevaux. Si le pays est aujourd’hui
cher l’origine, car les auteurs anciens trop pduvre, si l’administration est
ne sont pas d’accord à ce sujet; les trop ignorante pour que l’élève des che-
uns (3) le font dériver du fleuve Cappa- vaux soit aussi fructueuse qu’autrefbis,
dos,qui est un des affluents de l’Halys; on rencontre encore cependant tous les
lesautres (3) prétendent qu’il est em- éléments qui avaient permis aux Cap-
prunté à la langue perse. padoeieus de pousser cette industrie
agricole à une si grande perfection. Les
CHAPITRE III. vastes plaines des environs de Cesarée
et de Nigdé fournissent abondamment
tous les fourrages nécessaires, et l’orge,
POPULATION DE LA CAPPADOCE.
de Cappadoce est particuliérement es-
timée. Le sel, dont l’agriculture fait
Sous la domination des Perses un usage si général et si utile, existe
crtte province était administrée par en abondance, non-seulement dans le
deux gouverneurs; elle se trouve en
lac Tatta, niais encore dans des car-
effet divisée par la nature en deux par-
rières d’où on le tire sous la forme de
ties complètementdifferentes, l’une blocs Les anciens dominateurs de la
aride et sans eau, l’autre couverte de
contrée savaient que c’était là qu’il
forêts et arrosée par des rivières sans fallait chercher la richesse du pays, et
nombre c’est celle qui fut appelée de-
:
les impôts étaient payés, non pas en
puis la province de Pont; la première numéraire, mais en clievanx de course
retint toujours le nom de Cappadoce. et de char, car les rois de Cappadoce
Cyrus, pour récompenser Pharnabase
ont toujours passé pour avoir un trésor
qui l’avait délivré des attaques d’un
as.sez maigre (I).
lion, lui donna tout le pays que l’on Les innombrables troupeaux de chè-
apercevait du haut de la montagne où vres et de chevaux couvraient les par-
l’événement s’était passé. C’est la pre-
ties montagneuses, où la beauté des
mière mention qui soit faite d’un roi de
pâturages était entretenue par les sels
Cappadoce (4). volcaniques. Mais il paraît que la belle
Darius, en organisant les provinces
race de moutons qui fait aujourd’hui
de son vaste empire, attribua la Cappa-
la richesse du pays, était alors peu ré-
dnee à la dixième satrapie elle resta di-
; pandue, et la laine était chère en Cap-
padoce (2) ; tous les vêtements du peu-
(i) Strab.,XII, 544. ple étaient tissus de poil de chèvre;
(’) Pline, lib. VI , ch. 3.
(3) Coml. Porphyrogénète, àe T/iimoli6us (ijMancip'iis loniples, eget æris Cappado-
in Tltenuite A rmeniaco, CUDI rcx. (Horaf.', <•£. I, 6, 3g.)
(4) tonst. Porphyr. , ibid, •
<
(») Strab., XII, W.
504 L’IJNIVKRS.
celte industrie se perpetue encore dans fauts imaginables. Tertullien disait,
le pays. pour exprimer le peu d’estime qu’il
Sous de pareils traits, on peut se avaitpour le caractère de ces peuples :
mépris, et lui ont-ils prêté tous les dé- Oiiilato parût sanguine Cappadoris.
AStE MINEURE. 605
1.1 confusion de langues qui existait découvre pas une ville, pas un monu-
dans ce pays. Un environs du
roi des ment qui aide à rétablir quelque fait
l’ont-Eu.xin, assistant à une représen- nouveau relatif au gouvernement de
tation de pantomimes, disait à Néron cette contrée.
qu’il désirait prendre un de ces acteurs Les preiqiers princes qui régnèrent,
pour interprète, aGn de pouvoir entre- ou plutôt qui exercèrent un pouvoir
tenir commerce avec ses voisins, qui souverain , reçurent leur autorité des
parlaient plusieurs langues différentes. rois de Perse, qui les établirent sons le
Le grand Mitliridate, au contraire, fa- nom de satrapes. Cyrus, pour récom-
miliarisé dès son enfance avec fous ces penser les conjurés qui avaient tué le
idiomes asiatiques, dut plus d’un de ses faux Smerdis, les éleva à la plus haute
succès à la facilité qu’il avait de parler fortune ; Anapha reçut le gouverne-
dans leur propre langue à la plupart ment de la Cappadoce , et ce pouvoir
des peuples qu'il réunissait sous sa paraît être reste héréditaire dans sa fa-
loi. Il connaissait vingt -quatre idiomes. mille jusqu’au moment où Alexandre
Non-seulement il ne reste aucun ves- s’empara de l'Asie Mineure (I).
tige de la longue cap|>adocienne sur les Nous n’avons aueiiii document qui
monuments tumulairesque l'on compte, nous fasse connaître en quel lien les
par milliers, mais les inscriptions grec- satrapes faisaient leur résidence ; il est
ques sont excessivement rares; il sem- a croire que, comme le roi de Pont, ils
ble que les princes et les artistes aient menaient une vie presque errante, de-
regardé un semblable soin comme inu- meurant dans les nombreux châteaux
tile chez un peuple ignorant et à demi qui couronnaient les sommets des ru-
suivage. chers, se livraient à l’exercice de la •
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506 L’UNIVERS.
dinaire; mais l’un d’eux eut aussi une que ces moutons aient été transportc.s
demeure de plaisance dans l'Ile d’É- en Cappadoce par les Musulmans, car
lœussa (t), non loin de Séleucie. les Seldjotikides arrivant en Asie Mi-
Le premier prince du nom d’Ariara- neure venaient de la Bactriaiie et du
the fournit un contingent de troupes sud de la mer Caspienne. C’est sans
au roi de Perse et l’accompagna dans
,
doute à eux que l'oti doit l’introduction
sou expédition d’Egypte ; de retour do buffle en Asie Mineure; mais il est
dans son gouvernement, il termina plus naturel de penser qu’ils n’ont fait
tranquillement sa vie, et laissa le pou- qu’entretenir la race de moutons qu’ils
voir a son fils. L’invasion d’Alexandre ont trouvé à l’ouest de l’Euphrate. Cette
en Asie ne se lit point sentir dans ses dernière race est répandue en Perse,
États, qui se trouvaient loin du théâtre mais n'existe pas en Egypte ; on peut
de la guerre mais la chute de Darius
;
regarder les moutons de Perse comme
entraîna celle de tous les princes qui les descendants de ceux que les Cappa-
étaient ses tributaires sinon ses lieu- , dociens envoyaient au grand roi dans :
tenants, car ils payaient à la Perse des tous les cas, là contradiction n’en est pas
impôts de différente nature. Indépen- moins dans le texte de Strabon.
réelle
damment d’un faible tribut eu argent, Jusqu’à mort d’Alexandre, Aria-
la
la Cappadoce fournissait chaque année rathe 11 resta tranquille possesseur de
au roi de Perse quinze cents chevaux, la province; mais il se vit bientôt me-
deux mille mulets et cinquante mille nacé par les successeurs de ce prince,
moutons (2). qui préludaient au partage de ses États,
Strabon, qui pourtant connaissait et convoitèrent la Cappadoce comme
bien le pays (3), avait dit que la Cappa- une portion de l’empire du grand roi.
doce manquait de laine. Cette contra- Obligé de résister à Perdiccas qui ve-
,
diction parait encore plus grandequand nait à la tête d'une armée nomoreuse
on parcourt le pays. Les moutons de réclamer au nom d’Eiimène le pays qui
Cappadoce sont aujourd'hui renommés lui était échu, Arinrathe n’hésita pas à
dans toute l’Asie; cette race est carac- accepter la bataille. Vaincu et prison-
térisée par une queue énorme, qui est nier, il fut mis à mort avec les princi-
comme un appendice de toute la peau paux de la nation. Son fils, qui portait
du dos , et qui forme un volume de le même nom, s’était sauvé en Armé-
graisse de six kilogrammes et quelque- nie, où il attendit l’occasion de repren-
foisdavantage. Or ce mouton est ori- dre le pouvoir.
ginaire d'Arabie les moutons d’Ara-
: Ije roi d’Arménie Ardoate, qui régnait
bie, dit Hérodote (4), portent une queue sans doute au même titre que les rois
qui n’a pas moins de trois coudées de de Cappadoce, puisque la .Médie tout
long ; les bergers les placent sur des entière avait été, ainsi que l’Arménie,
petits chariots en bois. Cet usage est réduite sous la puissance des Perses,
encore pratiqué dans quelques trou- craignant pour iui-méme le sort des
peaux pour des moutons d’une belle princes ses voisins, aida le prince exilé
venue, j’en ai souvent observé aux en- a rentrer dans ses États. Perdiccas étant
virons de Konieh.Ne serait-il pas éton- mort, les autres généraux faisaient la
nant qu’après les rapports constants guerre en .Syrie; il n’eut pour ennemi
qui ont existé entre la Syrie et la Cap- à combattre qu’Amvntas, général des
padoce, les habitants de ce pays , qui Macédoniens, dont il demeura vain-
faisaient consister les principales ri- queur. Mais pour ne pas rallumer des
chesses en troupeaux, eussent négligé guerres continuelles avec les princes
une branche aussi importante de re- grecs, le roi de Cappadoce lit niliancu
venu ? On ne peut guère soupçonner avec Antiochus Tbéos, roi de Syrie ; al-
liance qui se resserra par la suite , lors-
que Ariamnès, fils et successeur d’Aria-
rathe, maria son fils à Stratonice, fille
(1) Strabon, XIV, 675.
(2)
Slralion, XI, 52.Ï. du roi.
(.1) ynr. plus liant. La politique d’Ariarathe lll avait as-
Strabon. XII, 5 ;(). suré à la Cappadoce de longues années
Digilized by VjOOgle
,
d« tranqnillité , car, pendant les deux grâce demandée d'une manière si hon-
règnes suivants, c’est-à-dire jusqu’à l’a- teuse.
vénement du prince qu’on regarde C’est sans doute pendant cette guerre
comme le cinquième du nom, l’histoire u’Antiochus assiégea la ville de Soan-
n’a conservé aucun fait remarquable. us, qui était une des places les plus
Depuis la mort de Perdiccas, il s’éiait fortes de la Cappadoce et la plus ilifli-
,
écoulé cent vingt-cinq ans, pendant les- cile à enlever par un sié^e en forme, la
quels la Cappadoce resta stationnaire. nature ayant fait les frais de toutes les
Les autres Ltats de l’Asie, la Bithynie, fortifications; et la place étant assise
la Mysie et tous les gouvernements grecs sur le roc, il était impossible de creuser
s’étaient Jetés avec ardeur dans la cul- un retranchement pour aborder les mu-
ture des lettres et des arts. C’était le railles aussi le général eut-il recours
:
temps brillant de l’Asie Mineure. Les à un stratagème qui nous a été conservé
temples brûlés par les Perses se rele- par Frontin (1). Antiochus ayant in-
vaient de toutes parts; et Alexandre, vesti la citadelle de Soandus, s’empara
pour stimuler un si beau zèle, prenait des bétes de somme qui en étaient sor-
une part directe à la renaissance de tant ties pour chercher les provisions , et
de chefs-d’œuvre. Nous avons vu ce que ayant tué les conducteurs, il lit revêtir
faisaient les rois de Bithynie pour tenir de leurs habits ses propres soldats, qui,
leurs Etats au niveau dé la civilisation sous ce déguisement et à la suite de ces
nouvelle. Au commencement du second bêtes de somme chargées, entrèrent
siècle avant l’ère chrétienne, le royaume dans la citadelle en trompant les gardes,
de Pergame, à peine constitué, s’élevait et la livrèrent à Antiochus. Cette ville
au rangdesplus Hori.ssants, et ses princes offre encore d’imposantes ruines, dans
paraissaient moins rechercher la gloire une vallée qui porte le nom de Soanli
des armes que le titre de protecteurs déré. Nous nous y arrêterons en décri-
des beaux-arts. Les rois de Cappadoce, vant les places de la Cappadoce.
unis d’amitié avec tous ces monarques, L’alliance d’Antiochus avec Eumène,
ne parais-sent donner aucune impulsion beau-frère d’Ariarathe, avait éveillé des
au génie de leurs sujets, qui demeurent, soupçoas dans le sénat. On envoya un
aux yeux des autres Asiatiques, comme commissaire chargé de faire sur Eu-
le type de la stupidité, qu’on ne pouvait mène une enquête qui n’eut aucun ré-
faire marcher que par le bâton Cnp- : sultat. Le sénat ayant envoyé l’année
padox rerheratus melior. Pendant que suivante T. Gracchus (2) , il fut reçu
de toutes parts on réunit les chefs- par les deux rois d’une manière qui de-
d’œuvre de l’esprit humaiu, on transcrit vait lever toute espèce de doute sur leurs
les ouvrages d’Aristote. d’Hippocrate et intentions. Mais il était chargé en même
d’Hérodote pendant qu’on restaure les
;
temps d’examiner la conduite du roi de
temples d’Ephèse et de Magnésie, que Cappadoce, qui avait secouru Antio-
faisaient les Cappadociens? Ils s’exer- chus. Une pareille démarche de la part
aient à supporter patiemment les du sénat ne troubla pas l’amitié que le
preuves de la question pour servir, dans prince cappadocien affectait pour le
l’occasion, de faux témoins, sans que le peuple romain; et, lorsque la guerre fut
métier leur parût trop dur. Il ne faut déclarée entre le Pont et la Cappadoce,
pas croire que les princes donnassent de les Romains s’empressèrent d’envoyer
meilleurs exemples à leurs sujets. Aria- des secours à Ariarathe, car la monar-
ralhe* V, marié à la fille d’Antiochus le chie qui s’était établie sur les bords de
Graud, élève des enfants supposés, que la mer Noire commençait à porter om-
lui apporta sa femme stérile. brage au sénat. Avec ae pareils alliés,
Allié un moment avec son beau-père le roi de Cappadoce obtint des avan-
AntifK'hus, dans sa lutte contre Rome, tages coutinueis sur le roi Pharnace, et
Ariarathe attend à peine que la victoire le força h demander la paix.
se .soit déclarée pour les Romains; il Ariarathe mourut tranquille posses-
envoie à Rome des ambassadeurs pour
demander pardon, et cousentit à payer (ij Strntngèmfs, liv. III, chap. a,
une somme énorme pour obtenir une (a) A. C., 164,
508 L’UNIVERS,
seur de son loyaume, et eut pour suc- devaient devenirla proie du peuple ro-
cesseur un Ois qui régna sous le nom main. Sa politique fut invariable avec
d’Ariaratlie Phiiopator. Mais il ne sut tous les princes asiatiques secourir le :
pas conserver son royaume intact une : plus faible pour affaiblir le plus puis-
intrigue du roi de Syrie Dénietrius lui sant, telle était la marche qui était sui-
suscita comme compétiteur Holoplieriie, vie à l’égard des autres États, il faut
qui réclama l'assistance des Romains, dire que les crimes de tout genre, les
olitint le gouvernement d'une partie de agressions injustes dont chacun de ces
la (iappadoce , et l’opprima d’une ma- rois SP rendait coupable, donnaient aux
nière cruelle. Les hiens des hommes Romains le beau rôle, celui de protec-
les plus puissants furent conli.squés le ,
teur de l’opprimé.
temple de Jupiter (sans doute celui uui Mithridate Kupator, qui régnait alors
était près de Tyane) fut impitoyame- sur le royaume de Pont, pensa que la
iiieiit pillé; et, pour mettre ses trésors mort dAriarathe serait pour lui une oc-
a l'abri d'un revers, Holopherne les casion d’ajouter la Cappadoce à ses
conlia, sous le sceau du serment, aux États. Sa sœur I.aodice avait eu effet
habitants de Priène, qui refusèrent de épousé Ariarathe, et en avait eu deux
les remettre à Ariarathe vainqueur, enfants. La régence arrivant naturelle-
uoiquece prince eût réclamé le secours ment à la mère, d’après l’usage des Cap-
’Attale pour rentrer dans tous ses padociens, Mithridate espérait que sa
biens. Ce prince était lils de Stratonice, sœur favoriserait ses desseins ultérieurs;
sœur du roi Ariarathe; une si étroite mais événements trompèrent son at-
les
parenté l'unissait d’intérêts a'ec le roi tente. Nicomède, roi
I.aodice épousa
de tiappadoce; il déclara la guerre à de Hithynie ,
qui envoya sur-le-champ
Holo|iherne, le chassa de ses États, et des garnisons pour occuper les cliAteaux
rétablit Ariarathe sur le trône. Quel- de la Cappadoce. C’était le momeut le
ques années plus lard il eut occasion
,
plus brillant du royaume de la Bitliy-
de recevoir de son oncle un semblable nie; une partie de la Rhrygie était sou-
service, (ihassé de son royaume par mise à ses lois les deux'compétiteurs.
:
conduite de son père lui mérita l'amitié neure, qui, trop faibles et trop jaloux
du'peuple romain. Grèce à ces puissants pour vivre séparément , tendaient tous
alliés, il n’eut rien à redouter de la ven- à un esclavage commun, la souniission
geance de Laodice, qui ne tarda pas à à la puissance de Rome.
recevoir le prix de ses forfaits. Les pro- Il se manifestait alors en Asie un fait
vinces de Cilicie et de Lycaonie furent qui s’est renouvelé depuis dans tous les
ajoutées à la Cappadoce ,Vt doublèrent Etats composés de peuples d’origines di-
ainsi son étendue et ses richesses. Mais verses chacun préféra le joug étranger à
;
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ASIE MINEURE. 609
roi de Pont pour colorer sa rupture monarque riche et puissant, et qui, par
avec Nicoinède. Le fils de sa sœur, le sou orgueil, continuait les rois de Perse.
jeune Ariarathe, s’était retiré dans le Il avait pris le titre de ChaMn-Chah
Dord de la Cappadoce. Mithridate le re- (roi des rois), se laissa facilement per-
plaça sur le trône de Mazaca ; mais ce .suader que la Cappadoce n’était qu’une
n'était que pour un temps, et bientôt province distraite de son royaume (1),
son désir d’être maître de la Cappadoce qu’il fallait rappeler à l’obéissance.
devenant plus impérieux que jamais, il Ariobarzane avait été deux fois dé-
poignarda lui-même le fantôme de roi trôné et s’était vu rappelé au pouvoir
,
qu’il avait tiré de sa retraite. Une telle par la protection des Romains , lorsque
action suscita dans le pays un soulève- Tigrane envahit son royaume. Jusque-là
ment universel. Les Cappadociens mon- les habitants avaient été comme les té-
trèrent enfin que le désespoir peut tenir moins de l’instabilité de leur monarchie,
lieu de courage , les lieutenants de Mi- car les rois étaient renversés presque
thridate furent chassés, et le frère du sans coup férir; mais l’invasion de l’ar-
jeune roi fut établi sur le trône. Les mée arménienne fut pour eux le signal
Romains voyaient sans déplaisir ces pe- de malheurs sans nombre. Indépen-
tits Étals s’épuiser par des guerres in- damment des tributs considérables qui
testines. Mithridate, aux prises avec la furent exigés, Tigrane fit transporter
Bithynie et la Cappadoce, se sentait en- en Arménie une multitude de familles,
core capable de résister à un autre en- et les habitants de Mazaca furent spé-
nemi. Chassé de nouveau de son trône, cialement destinés à aller peupler la
le jeune Ariarathe disparait, et Nico- nouvelle ville de Tigranocerte (2). C’est
mède se trouve seul en présence de son ainsi qu’en ont toujours usé les vain-
redoutable rival. Mais, pendant que la ueurs asiatiques, sans que la différence
guerre se préparait, Nicomède ne négli- es temps ait modifié des usages qui
geait pas l’intrigue et la ruse. Un enfant ravalent à nos yeux la dignité de
inconnu fut présenté comme le succes- l'homme, eu l’assimilant au bétail, que
seur légitime des deux frères infortunés ; le caprice du maître transporte d’un bout
et le roi de Bithynie appela les Ro- à l’autre de ses possessions.
mains pour prononcer sur le différend. Les princes byzantins en usèrent de
La reine Laodice était allée à Rome même à l’égard de la population de cette
réclamer la royauté pour son fils sup- province lorsque Constantin Copro-
:
posé. Mais tant de peines et tant d'in- nyme eut démoli la ville de Malatia, il
trigues n’eurent qu’un résultat négatif transporta à Constantinople lesbabitunts
pour Nicomède. Mithridate reçut l’ordre arméniens et géorgiens Dans le moyen
de renoncer à la Cappadoce. Nicomède ôge, les vainqueurs musulmans, pour
en fût également exclu, et les Romains augmenter le nombre des habitants de
tentèrent vainement de constituer en ré- la capitale , réduit par la guerre et la
publique un État qui ne pouvait exister peste, transportèrent en bloc les habi-
comme monarchie. Les Cappadociens tants de la ville de Ak-Sera'i (l'ancienne
n’acceptèrent pas l’offre qui leur était Arclielaïs), et les établirent dans le quar-
faite, et leurs ambassadeurs allèrent à tier de Constantinople, qui porte depuis
Rome montrer au sénat l’étrange spec- ce temps le nom de Jk-Serai. Les siè-
tacle d’un peuple qui refuse le don de la cle.s passent sur ces contrées, et les
liberté (I). usages restent invariables. Il n'v a pas
C’est alors que le sénat élut Ariobar- de meilleur livre pour lire dans le passé
zane{2), prince d'origine ca|ipadocieiine; que l’étude des habitants actuels: indus-
mais l’appui de Rome ne le init pas à trie, commerce, u.sages, tout est sta-
l'abri di s attaques réitérées de l’ennemi tionnaire. Si le roi Schah-Ablias trans-
le plus actif de la f’.appadoce. Mithri- porte en Perse la population de la ville
date avait acquis un nouvel allié dans de Djoulfa pour peupler sa capitale, ne
la personne de Tigrane, roi d’Arménie,
(ï) Voy. I-i-êrct, l/,w. ,/c r tUs
(itStraboij, XII, 54<j. hue., I. XIX.
Jmliii lil). XXXA'lIt, cap. 2. (2) Appicii, l/l- llell. Vilrliit/nl., cap. 67.
,
no L’ÜNWERS.
voyons-nous pas de nos jours des mil- main d’apprécier avec connaissance de
liers de familles arméniennes suivre les cause le génie de la nation , et le ju-
armées russes et aller peupler sur les gement qu’il en porte ne dément aucu-
frontières de la Turquie, la ville de nement l’opinion des autres écrivains.
Geumri, créée comme pur enchantement En effet, de retour à Rome, comme il
à la voix de l’empereur de Russie? parlait contre le consul Cæsonius Cal-
ventius, il ne trouva pas d’autre ex-
CHAPITRE V. pression pour définir la mine stupide
du consul, que de le comparer à ces
INFLUENCE DE BOUE. Cappadociens qu’il venait de voir de
près. O Vous le prendriez, disait-il,
Chaque fois que les Romains rétablis- pour un Cappadocien tiré d'un trou-
saient sur son trône un roi de Cappadoce, peau d’esclaves qui est à vendre (1). »
ils lui donnaient, comme Gchede conso- Cicéron fait ailleurs un triste tableau de
lation, quelque province nouvelle. Ario- la pauvreté de la l^appadoee (2) ; a Je
barzane avait fui jusqu’à Rome, au mo- ne connais , dit-il rien de plus dé-
,
ment de l’invasion de Tigrane. Pompée nué que ce royaume, rien de plus pau-
l’avait ramené dans ses États, et lui vre que sou roi. « En effet, la diffi-
avait douné les deux Cilicies. Cette an- culté de se procurer du numéraire
nexion rendait presque à la Cappadoce était extrême ; les troupeaux si nom-
les frontières qu’elle avait du temps des breux produisaient le bétail à vil
Perses. La guerre de Mithridate était prix ; aussi l’impôt était-il toujours
terminée; Lucullus, eu prenant Tin-a- perçu en nature. Lorsque Lucullus
nocerte, avait rendu la liberté aux Cap- en Cappadoce, un bœuf ne s’y ven-
était
padocieus, qui purent rentrer dans leur dait qu’une drachme (3), et un homme
pays. Mais ces événements n’amenaient quatre drachmes. Voilà pourquoi les
pas la tranquillité. terrains les plus estimés étaient ceux
Arioburzane II nebtquemontersur le qui pouvaient être mis en pâturages ;
trône; il fut tué avantmémeque les Ro- et l’assiette des villes, leur sûreté, la
mains pussent lui porter le moindre se- commodité des habitants, étaient sou-
cours ; ils réunirent toute leur sollitude mises à cette condition (4). Il est vrai
sur son fils, qui hérita du trône de son que les villes étaient rares, puisqu’on
père, grâce à la coopération active du' gou- n’en comptait que deux dignes de ce
verneur delà Cilicie, quin’était autre que nom. Le reste était ou des bourgades, ou
Cicéron. des châteaux, vrais repaires de brigands,
Malgré toutes les épigrammes que qui' donnaient beaucoup de peine aux
les historiens et les poetes ont lancées gouverhéurs romains.
contre les Cappadociens, il n’en est pas
moins constant que le peuple romain BEUOION..
lui a porté une amitié réelle, en recon-
naissance de la fidélité avec laquelle les fais Cappadociens, mélange de peu-
rois et la nation avaient conservé leur ples orientaux, et notamment d’Arnié-
alliance (t). uiens et de Syriens, avaient admis chez
Pour obéir à la volonté du sénat, Ci- eux le culte de differents dieu.v venus
céron témoigna le plus vif intérêt au presque tous du dehors. Le culte du feu
roi Ariobarzane, et usa de son in- kait pratiqué selon le rit des Mages;
fluence pour déjouer les complots tra- il ne parait pas qu'il ait éprouvé aucun
més contre lui, et grâce à ses soius, le changement depuis son introduction
monarque conserva sa vie et récupéra chez les Cappadociens. On observe en-
son trône (2). core, dans quelques provinces situées à
Les rapports fréquents qui s'éta- l’ouest de l’Euphrate , de ces anciens
blirent entre Cicéron et le peuple cap-
padocien, permirent à l'illustre Ro- (i) Cic., Oral., c. 6.
[i)AdAtt., bb. VI, rpist.
(i) Slrali., XII, 540- (J) Plulai'i'b. lu LucuUo.
(a) Cic., ri>isl, ao, lib. V, ad AU. (4) SU'sbui), Xli, 539 .
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ASIE MINEURE. 511
pyrées, qui sont des autels sans orne- Sébaste. Elle était appelée par les Ro-
ment, ayant au milieu un trou peu pro- mains Lunus, Agdistis, Cybèle : c’est
fond, dans lequel était entretenu le sans doute la même que l’Anaitis des
feu sacré. Le plus beau de ces pyrées a Perses. La ville de Comana était la
été découvert en Paphlagonie, mès du plus célèbre de toute la Cappadoce ; et
village de Gorim, par M. Eugène si elle n’en était pas la capitale, c’est
Boré (I). C’est une enceinte parfaite- que le pouvoir des pontifes ne pouvait
ment circulaire, ayant dix mètres de pas se trouver effacé par le voisiuage
diamètre, et formée par des blocs énor- des rois. Lg population, quoique com-
mes de granit poli, superposés avec art posée de Cataoniens sujets du roi, était
et assemblés sans ciment. Ce soubasse- toute dévouée au pontife qui, étant lui-
ment n’avait d’autre ornement qu’une même du sang royal, avait un pouvoir
ciselure creusée en forme d’anneau, presque souverain, et exerçait une in-
près du rebord supérieui'. Le centre de fluence majeure sur les affaires de l’État.
cette enceinte était occupé par un ca- Le pouvoir romain, prenant un ac-
veau vodté. Près de la glt un obélisque croissement sans bornes, portait cer-
triangulaire en granit; ce monolithe a tainement ombrage au pouvoir sacer-
une longueur de dix mètres. dotal. Chez les Orientaux, tout ce qui
Quoique les habitants de la Cataonie tient au culte et au rit, a toujours
n’eussent pas de villes proprement passé avant les intérêts de la politique ;
dites, ils possédaient un temple célèbre mais, dans les circonstances présentes,
dédié à l’Apollon Cataonien. Les sta- les pontifes marchaient avec l’intérêt
tues et les temples de ce, dieu étaient du peuple cappadocien. Ils avaient <vn
multipliés dans la province (3); mais on les rois soumis sans murmurer à la
ne peut qu’établir des conjectures sur puissance de Rome. .-Vriobarzane, mon-
le culte de cette divinité, qui avait été tant sur le trône avec l’appui de Ci-
certainement transporté daus la Cappa- céron, leur parut avoir dépouillé com-
doce à une époque postérieure à l’ex- plètement l’indépendance du pouvoir.
pulsion des Perses, car on sait que le C’était pour le grand prêtre de Comana
magisme supportait avec peine le culte une circonstance favorable pour s’em-
des statues. Deux divinités du nom parer de la couronne. Comana, située
grec de Jupiter étaient également au centre des montagnes, sur le versant
adorées. L’une, nommée seulement par septentrional du Taurus, était défen-
les auteurs Jupiter (3) D.icius, parait due par la nature encore plus que par le
avoir été principalement dans la ville fanatisme. On voit aujourd'hui ses rui-
de Tyana. Près de son temple était un nes dans le lieu nommé Chert kalé si,
lac qui , encore aujourd’hui, en mar- ausuddeEl Bostan,sur le fleuve Sarus,
que remplacement. Il jouit de la pro- comme l’indiqne Strabon. Elle est à
priété d’avoir un écoulement souter- deux journées sud-ouest de Césarée.
rain ; de
sorte qu’il n’est pas sujet aux C’est là que se trouvait le centre du
débordements. Le temple de Jupiter, parti qui voulait s’opposer à l’élection
élevé par les Vénasi en Moriméué, d’/Vriobarzanc. Cicéron, informé de ce
jouissait de revenus considérables en qui se passait, et craignant que le pon-
terres et en argent. Il avait en outre un tife, qui commandait un corps de cava-
personnel nombreux : aussi le pontife, lerie et une infanterie nombreuse, ne
qui était nommé à vie, jouissait d’un voulût tenter le sort des armes, le dé-
^uvoir incontesté dans toute la pro- cida à se retirer et à laisser Ariobar-
vince ;
mais il était inférieur à celui du zane paisible possesseur du trône. Tran-
temple de Bellone à Coniana. Cette di- quille du côté des Romains, le roi de
vinité avait, sous le nom de Meu ou de Capp.idoce voyait, sans pouvoir s’y op-
Mâ, un autre temple dans la ville de poser, le roi de Pont faire des incur-
sions dans ses États, lever des tributs,
(i) yojr, Eug. Boré, Corrapondance, t. I, et ravager les campagnes.
p. aS.y.
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,
&f3 L’UNIVERS,
CHAPITRE VI. mentionné cet acte de l’autorité su-
prême de César, Hirtius ajoute « Cum :
assura au premier le trône qu’il occu- nommé grand prêtre de Bellone, sans
pait, et, alin qu’Ariarathe, qui était sou doute place de cet Archelaüs qui
à la
héritier, ne fût pas tenté de lui susciter avait fomenté une sédition contre Ario-
des embarras, il le mit dans la dépen- barzane.
dance absolue de son frère. César avait Strabon, qui s’est contenté de dire
séjourné deux Jours à Mazaca pour ré- quelques mots du temple de Comana en
gler cette affaire. Il avait voulu faire Cappadocc (I). est beaucoup plus ex-
une visite a l’ancien et vénérable tem- plicite touchant celui du royaume de
ple de Bellone, qui est à ('omana en Pont ; il nomme plusieurs des pon-
Cappadoce (ce sont les termes propres tifes) entre autres cet .Archelaüs , de la
du texte). Ici nous allons rencontrer une famille des rois, auquel il donne pour
contradiction, qui ne peut s’expliquer successeur ce même Lycomède , qui
aussi facilement qu’on l'a cru (3). a été placé par César eu Cappadocc.
César, arrivé à Comana, investit du Les auteurs de la' traduction fran-
titre de grand pontife, Lycoinede, Bi- çaise ont cru expliquer cette contra-
thyiiien, qui était originaire de Cappa- diction, en disant que l’on donnait in-
dôce, et issu du sang des rois. On ne distinctement à ces deux temples le nom
saurait douter que cet événement n’ait eu de Comana de Cappadocc parce
lieu dans le temple de Comana de Cap- qu’ils étaient construits sur le même
padoce, et non dans celui de Pont; car modèle , ou parce que le royaume de
le premier de ces temples est à deux Pont n’étail qu’un démembrement de
Journées de caravane sud-est de Ma- la Cappadocc. Mais à l’époque dont il
zaca, et sur la route de Cilicie en Cap- est ici que.slion, ces deux États étaient
padoce. Que César soit revenu sur ses non-seulement séparés, mais encore
pas pour aller de Mazaca au temple, ennemis, puisque les incursions de Phar-
ou qu’il ait réglé cette affaire en arri- nace en Cappadocc ont motivé la vi-
vant dans la capitale, c’est un point qui goureuse diversion de César.
est peu important. Mais il est certain On doit ajouter, néanmoins, que les
ne ce Lycomède exerçait la prêtrise quatre grands temples de ces pays, ce-
e Bellone en Cappadocc et non dans lui de Comana de Cjippadoee, de Ju-
le royaume de Pont; car, apres avoir piter des Veuaci , de .Men-Pharn ik ,n
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.
ASIE MINEURE.
core d’étre étendu de cinq lieues (qua- Orient, ne se montra pas moins hostile
tre schœnes) pu César. Dans tous ces au prince Ariarathe X, successeur dé-
temples, les cérémonies différaient peu signé par César. Le triumvir accueillit
les unes des autres. La principale fête les prétentions du fils aîné d’un grand
consistait en une procession à laquelle prêtre du nom d’Arehelaüs. Il se voyait
participaient des adorateurs venus de d’autant mieux placé pour faire valoir
toutes les campattnes environnantes. les droits de son fils, qu’il était petit-
En pariant de Vun et l’autre temple, fils d’un autre Archelaüs qui, ayant
les auteurs anciens n’oublient pas d’a- abandonné le parti deMithndate pour
jouter que le pouvoir du souverain se réunir au consul Muræna, avait li-
pontife ne le cédait qu’à celui du roi, vré aux Romains la ville de Comana (1).
sans jamais mettre en parallèle les pou- Le filsde ce pontife, portant aussi le
voirs des deux grands prêtres de cha- nom d’Archelaüs, avait épousé Béré-
que temple. Pour expliquer cette con- nice, reine d’Égypte (2); il reçut de
tradiction du texte latin et du texte Pompée l’investiture du pontificat de
grec, je crois qu’il n’y a qu’un moyen, Comana, qu’il laissa en héritage à son
c’est d’admettre que le culte de cette filsdu même nom que lui, et qui était
divinité persique, adorée en Cappa- père de Sisinna, le compétiteur d’ Aria-
doce dans deux temples différents, n’é- rathe, et d’un autre prince du nom
tait régi que par un pontife suprême, d’Archelaüs. Sisinna, par ses ancêtres,
sous rautorité duquel était placé le se voyait donc allié à tout le parti ro-
gouvernement de toutes les affaires re- main; et l’inimitié de Marc- Antoine
ligieuses. Nous allons voir sous le rè- coutre Ariarathe lui assurait la faveur
gne suivant Archelaüs, qui est cité par du triumvir. Aussi lorsque, selon l’u-
Strabon comme un grand prêtre du sage, le différend entre les deux prin-
temple de Pont (1), renouveler ses in- ces fut porté devant le tribunal des Ro-
trigues contre Ariarathe, pour feire ar- mains, Marc- Antoine n’hésita pas à dé-
river au trône son fils Sisinna , et jouir pouiller Ariarathe, pour mettre sur le
du succès de son entreprise,; toutes cho- trône Sisinna. Mais le roi reconquit le
ses qui n’étaient possibles qu’à un prince pouvoir, et fut plus tard définitive-
qui avait son centre d’action dans la Cap- ment détrôné par Marc-Antoine, qui
padoce. mit sur le trône Archelaüs, second fils
César, noti content d’avoir assuré le du grànd prêtre.
pouvoir à son protégé, ajouta à ses Le règne d’Archelaüÿ, le dernier des
Etats une partie de la Cilicie et de rois de (^ppodoce, fut aussi un des plus
l’Arménie. Néanmoins cette dernière longs de cette monarchie. Reconnais-
province ne fut jamais complètement sant envers Marc-Antoine, il lui envoya
incorporée. Les rois d’Arménie, réta- un corps d’armée pour la guerre du
blis sur le trône par Tibère, récupé- triumvirat, mais sut, eu même temps,
rèrent cette partie de leurs États, lors- se concilier l’amitié d’Auguste, qui aug-
que la Cappadoce fut réduite en pro- menta encore les annexes ajoutées par
vince; et, dans la plupart des villes an- César. Archelaüs obtint le gouverne-
ciennes, on voit encore des châteaux ment de toute la petite Arménie et de
portant de nombreuses inscriptions en la Cilicie jusqu’à la mer (3). Archelaüs
langue arménienne, tandis que laCap- établit sa résidence dans l’tle d’Elæiissa,
padoce est absolument dépourvue de tout pendant que Tibère vivait retiré dans
monument en langue cappadocienne l’Iie de Rhodes. Les honneurs qu’il ren-
Ariobarzane était resté fidèle à C.ésar dit à Caius César, nommé gouverneur
après chute du dictateur. Il avait né-
la d’Orient, excitèrent la jalousie de Ti-
gligé du moins de faire acte d'adhésion bère, qui, arrivé au faite du pouvoir,
au triumvirat. Aussi fut-il traité en en- fit sentir au roi tout le poids Je sa co-
nemi par les conjurés ; et (^ssiusl’ayant
attaqué et vaincu, le lit mettre à mort. (t)A|>|tian., /if//. Mitltr.
Marc - Antoine tout - puissant en
,
(i) Dion, l'ib. XXXIV.
(3) Suet., in Tih., c. VllI. .Slraboii, lib.
pasien, pour opposer une barrière aux nuelles , le peuple le plus misérable de
incursions des barbares, mit la province toute l’Asie Mineure, se livrèrent avec
sous l’autorité d’un consulaire et y en- frénésie à ces recherches sacrilèges , où
voya plusieurs légions (1); mais elle fut, leur cupidité trouvait une ample satis-
plus tard , remise sous l’autorité d’un faction. Quoiqu’ils s’adressassent prin-
président, car, sous Constantin, un voit cipalement aux tombeaux des païens,
un Præses Cappadociæ du nom d’Ku- saint Grégoire de Nazianee voulut met-
tychius. tre un frein à des dévastations qui s'é-
Valens, qui avait embrassé l’aria- tendaient jusqu’aux monuments mêmes ;
nisme, voulant déplacer plusieurs sièges mais il ne parait pas que ses paroles
épiscopaux pour les donner aux Ariens, aient été beaucoup écoutées. Le saint
fit une uouvellü démarcation, et forma, évéque s’en venge par de nombreuses
comme dans l’origine, deux Cappa- épigrammes qui nous ont été conservées
doces, avec deux métropoles la pre- ; au nombre de plus de quatre-vingts;
mière ou l’ Ancienne, qui eut Césarée elles paraissent avoir été composé.-s
pour capitale; et la seconde, celle du vers l’au 372 de J.-C. (I)
Taurus , qui eut pour capitale Tyanu. La destruction d’un tombeau remar-
A voir de si nombreux évéques char- quable excite surtout la colère du pré-
gés du gouvernement spirituel du pays, lat ,
et il lance contre ses paroissiens
on serait tenté de penser qu’il Jouis- l’épigramme suivante ;
des bijoux, des armes précieuses, dépo- sont mentionnés comme ayant rempli
sés aux pieds des guerriers, ou comme ces fonctions dans plusieurs provinces;
dernières parures des femme.s. Il paraît mais on ne dit pas si elles ont été exer-
démontré que les bijoux de toilette que cées en même temps, ousi c’est parsuite
l’on retrouve avec les («ndres étaient , de nominations successives.
fabriqués exprès pour cet usage fu- On voit à Éphèse une inscription qui
nèbre, mais que ce n'étaient pas ceux mentionne un proconsul de Bithynie,
qui avaient servi au défunt pendant sa de Pont et de Cappadnee. Une inscrip
vie; il n'en était pas de même des armes. tion de l'ile de (àis attribue à un seul
Peut être même, dans ces caves sépul- citoveii ,
Julius Qiiadratus, des charges
crales, les familles cachaient-elles leurs beaucoup plus nombreuses; il était pro-
trésors, menacés dans ces
toujours cousul de Crète et de Cyrène, légat
temps de troubles. Les Cappadocieus
devenus, par suite des exactions conti- (ij Sainie-Oroix, Mim. de Fdcad., a*sér.,
L II, 55,i.
évéchés, et, parmi ses évêques, les trois retrouvez tous ici parlant la langue de
prélats les plus célèbres de toute l’Asie. nos pères. »
Saint Urégoire Thaumaturge était natif Quelque incroyable que soit cette
de Cappatloce; il vécut dans la seconde histoire, elle n'en conserve pas moins
moitié du troisième siècle. Le commen- la tradition d’une persécution exercée
c«ment du quatrième siècle vit fleurir par les infidèles sur les chrétiens. Tant
une famille (le saints dont la renommée d’invasions eurent lieu pendant la lon-
est arrivée jusqu’à nous, à travers de gue chute de l’empire d’Orient, qu’il
telles révolutions, que l’histoire de cette serait difficile de dire a laquelle le vieux
époque n’est plus qu’un chaos inextri- prêtre voulait faire allusion; mais il est
cable. Saint Basile, évéque de Césarée, naturel de penser que les plus cruelles
sainte Macrine sa sœur, et saint Grégoire persécutions qu’éprouvèreut les chré-
de Nysse, ont porté au plus hautclegré tiens d’Orient vinrent de la part des
la gloire du christianisme, et depuis eux Perses. Ce n'était pas seulement contre
il n’a fait que déchoir dans ce pays. les chrétiens qu’ils nourrissaient une
Sainte Macriiie avait fondé un couvent haine implacable : toutes les religions de
de filles, qui fut ruiné par Sapor. Elle l’Occident étaient |H>ur les mages l’ob-
prêcha dans toute la Cappadoce, et son jet d'une exécration que le mahomé-
tombeau est encore pour les Grecs un tisme a héritée et nourrit encore, quoi-
lieu de pèlerinage. Il est placé dans le que d’une manière moins apparente.
chœur d’une petite église du village de Eu 344, Sapor ordonna une persécution
Melehulii, dans la partie la plus deserte qui amena un soulèvement général des
delà province. Les Grecs ne conservent chrétiens. Les chroniques arménien-
aucun souvenir, aucune tradition de nes (I) nous apiirennent que le roi finit
l’ancien nom de cet endroit; mais on cependant par accorder aux chrétiens
y observe une particularité très-cu- une trêve, moyennant un tribut qui fut
rieu.se, c’est que les habitants grecs ont religieusement payé par les Arméniens
Conservé l’usage de leur langue mater- et les Grecs. Mais ce n’était pas seule-
nelle, tandis que dans tout le reste de ment contre les Perses (lue les chrétiens
la province leurs coreligionnaires l'ont avaient a défendre leur foi. L’empereur
complètement oubliée, et à peine est-elle Julien, prenant dans tout l’empire des
cultivée par le clergé. mesures énergiques pour ressusciter le
demandais au prêtre gardien du
-Te culte des dieux de Rome, avait fait sen-
tombeau de la sainte s’il pourrait ex-
(i) Voy. Soulèvement de rjrménie clin-
J
I, ou by Goggli
ASIE MlNËURh. il7
ont conservé chez les Turcs les noms Cochuns, fondirent sur l’Arménie et la
de Mille et une églises. La carte du réduisirent en cendres. Ces peuples ca-
P. Cyrille,que j’examinerai en détail, valiers apprirent bientôt que la Médie
m’a fourni de précieux renseignements et la Cappadocé avaient d’innombrables
pour retrouver ces innombrables habi- troupeaux de chevaux célèbres à la
tations. On ne comprend pas comment course. Il n’en fallut pas davantage pour
des familles ont pu vivre dans ces lieux; tracer leur itinéraire ; ils fondirent sur
il fallut que, comme à Césarée, les la Cappadocé, province, sans défense,
choses nécessaires à leur subsistance pillèrent les bourgs, traversèrent le Tau-
fussent apportées du dehors , car aux rus et allèrent mettre le siège devant
environs il n’y a pas une acre à cultiver. Antioche. Non contents de ravager ce
pays, les habitants parqués avec le l)é-
,
cident; déjà le sceptre de l’Iran leur ble. Un laps de sept siècles n’a pas
était échu Cétait l'aurore d’un pouvoir complètement anéanti les chefs-d’œu-
tout asiatique, qui allait fonder une vre de l’art des Seidjoukides, et c’est le
dynastie en Cappadoce. I.es rois ou principal sujet de nos études sur les
Manbans d’Arménie avaient acquis monuments de la Cappadoce.
par échange quelques places de la Cap- A côté de l’architecture impérissable
padoce; mais sons le règne de l’empe- creusée dans les rochers, il est curieux
reur Basile, en 880, les derniers de ces d’observer les monuments dont la déli-
princes furent égorgés par les Grecs. catesse étonne le regard.
C'est contre l’empire de Constantinople 11 résulte, de la comparaison de ces
que les Seidjoukides curent à combattre deux genres de monuments , un fait
pour l’établissement de leur empire. Les q^ui me parait parfaitement démontré ;
distensions qui avaient éclaté entre les que la nature des matériaux qua
ASIE MINEURE. 519
fournissait un rpays, dictait aux ar> comans qui, plus tard devaient for- ,
listes les priucipas jde l’art qu’ils de- mer la puissante famille des Oa-
vaient suivre. Sans bois, et par consé- manlis.
quent sans charpente, les constructeurs Les filsdeMalek-Schah avaient con-
n’avaient que la construction des voûtes quis depuis quelques anuées la pro-
à appliquer A la couverture de leurs édifl- vince de Bithynie et s’étaient solide-
ces. Aussi irien n’eat-il plus varié que ment établis dans Nicée. Toute la par-
les coupoles des monumeuts ; le pen- tie orientale de l’Asie Mineure se trou-
dentif et la voûte d’arête s’y mon- vait au contraire livrée à une anarchie
trent avee des connbinaisons les plus in- sans égale par suite des rivalités qui
génieuses. Tout ceci nous donne une s'établissaient entre tous les princes
idée parfaite de l’aidiitecture des mo- musulmans issus d’une même lamille,
numents publics mais qui préteudaieut tous à un pou-
Quant aux maisons des simples ha- voir indépendant. Jusqu’au commen-
bitants, tout porte à penser qu’elles cement du onzième siècle , les sultans
étaient ce qu’elles sont encore aujour- de Perse avaient été regardés comme
d'hui des nuttes carrées couvertes en
; les chefs de la dynastie seidjoukide, et
terrasse, dont 'la charpente est faite en aucun de ces princes n’avait jusqu’alors
branches de tamarisc , les briques ne refusé de payer un tribut au souverain ;
sont que de la terre mêlée de paille ha- mais à la mort de Seiffeld-Dewiet,
chée et séchée au soleil. Dans les villes prince de Mossoiil, la guerre civile
d’Orieut tes plus riches en carrières s'alluma. Le sultan .Soliman de Nicée,
de pierres de toute espèce , les habi- tnt tué dans un comliat, et les émirs
tations des particuliers étaient égale- qui commandaient pour lui se révol-
ment en terre et en bois. L’Asie n’a tèrent. La Cappadotie fut envahie par
pas cliangé depuis de Baby-
les siècles Pulchas, frère d’Aboulcasem ; mais le
lone; et quand le voyageur cherche sultan envoy.i son fils aîné KilidJ-Ars-
dans cette ville célèbre les ruines des lan pour soumettre cet émir; il fut
immenses quartiers qui étaient cou- proclamé sultan de Cappadoce , et w
verts de maisons, il ne faut pas qu’il dirigea aussitôt vers Malatia, dont il
s’étonne de n’en pas trouver de ves- Gt le siège pendant que ses principaux
tiges : le vent les a dispersés avec, le sa- émir.s ravageaient les terres des Grecs
ble du désert. (1092) (I).
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no I.’IINIVERS.
accourut avec des forces suflisnntes, forcées de venir passer en cet endroit,
obligea Dauischmeiid-Oglou de lever le ui se trouvait sur la route des portes
siège et prit possession de Malatia. e Cilicie. Les Croisés vainqueurs à
‘ Tant
que les Croisés se tinrent dans Erégli, devaient nécessairement trouver
les montagnes, ils furent toujours en une autre armée au passage du Taurus,
étatd’opposer une résistance énergique daus les défilés du Kulek Boghaz. Ce
aux bordes seidjoukides. Mais on ne n’était donc qu’au prix de fatigues infi-
cite pas une seule armée qui ait pu nies qu’ils arrivaient dans les plaines
traverser la Cappadocesans éprouver de de la Cilicie, où Tancrède et Baudouin
sanglants revers. Il était si facile à la possédaient Tarse et Adana. Mais
population nomade de s’éloigner des quand on voit les immenses difficultés
routes battues, que les niaibeureux que la nature seule du pays offrait aux
chrétiens éprouvèrent dès leur entrée
,
armées chrétiennes, on ne peut s’empê-
dans cette fatale contrée, toutes les cher d’admirer, non-seulement le cou-
horreurs de la famine. En fuyant, les rage. indomptable, mais encore la force
habitants fermaient les puits et com- physique dont il fallait que ces illus-
blaient les citernes; il ne restait plus tres guerriers fussent doués pour ac-
aux Croisés que des sources salées qui complir leur tâche périlleuse.
étaient un objet de dégoût pour les Le duc de Bavière et Guillaume
hommes et les animaux. comte de Poitou, vinrent comme leurs
L’expédition du comte de Nevers ne devanciers se présenter au pas d’Ërégli.
fut pas plus heureuse que les précéden- La route qu’ils avaient suivie en Asie
tes, unoiqu’il eût pris soin de se diriger est indiquée par lesdeux villes de Phi-
vers l’est, en suivant les montagnes de niminis (Philomelium ) et deSalamia;
la Piirygie et de la Galatie, et de pren- mais cette dernière place est ineonuue.
dre le château d’Anevre. Mais l’indisci- Souffrant de la soif, l’armée se pré-
pline et la barbarie de ses compagnons senta à la rivière d'Érégli ; tous les
lui turent aussi fatales que les armes puits et les citernes avaient été comblés
musulmanes. La population d’une pe- sur leur route. Les Tureomans, pré-
tite ville de la Galatie, dont Albert venus de l’arrivée des chrétiens, les
d’Aix ne dit pas Id nom, ouvrit ses por- attendaient de l’autre côté de la rivière
tes aux Français, et s’avança au-devant en ordre de bataille. Une grêle de llè-
d'eux, portant processionnellement les ches les repoussait loin du ruisseau qui
croix et les évangiles ; ce qui n’empécha coule dans un terrain argileux et dont
pas la ville ne fût pillée.
que les bords sont très-escarpés. Les che-
fallut tourner vers le sud
Lorsqu’il vaux, bravant les projectiles, cherchent
et daus les steppes qui sont au-
entrer à se précipiter daus le fleuve pour se
delà de l’Halys, les chrétiens commen- désaltérer. I.e désordre commença à se
cèrent à être harcelés par les Turcs de mettre dans cette foule de cent mille
Kilidj-Arsian, qui s’était joint à Da- combattants, et fil naître la terreur;
nischmend-Oglou. Ils pénétrèrent ce- bientôt chacun chercha son salUt dans
pendant jusqu’à l’i-ndroit qu’Albert une fuite inutile. Poursuivis et massa-
d’Aix appelle Stancon, et souffrirent crés par les Turcs, les chrétiens pé-
considérablement de la soif pendant trois rirent presque tous, et ceux que le fer
'ours pour se rendre à Héraclée. Affai- musulman épargna allèrent mourir
par tant d’obstacles, ils furent at-
iilis dans les montagnes desséchées de la
taqués par le sultan. Il n’y eut que sept Lycaonie.
cents Croisés qui se sauvèrent à Germa- Le lieu où s’est passée cette action,
nicopolis ; le reste fut tué ou fait pri- mémorable dans les fastes des Osmaulis
sonnier. est parfaitement reconnaissable aujour-
Le même lieu fut, peu de temps d’hui ; j’en ai fait, pendant mon séjuur
après, témoin d’une autre victoire de à Érégli, l'objet d’un examen particu-
Kilidj-Arsiansurles Croisés, remportée lier. Cette rivière, que les anciens
dans les circonstances analogues. voyageurs s’étaient accordés pour re-
Toutes les armées qui se dirigeaient garder comme uu des affluents de l’Ha-
vers la Syrie étaient en quelque sorte lys, coule de l’est à l'ouest dans une
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&22 L’UNIVERS.
vallee encaissée, ei va se jeter dans un serveaitencore des souvenirs de celte
lac peu éloigné de la ville. Érégli, que brillante epoque. L’architecture des
les Osmanlis appellent aussi Krkié, et Seidjoukides offre un caractère telle-
dont les historiens des Croisades ont ment tranché, que l’artiste qui a ob-
fait Héraclée, n’est point une ville an- servé les monumeuLs d’icouium, peut
cienne; on n’y trouve d’autres anti- difficilement se méprendre sur l’epo-
quités que des monuments musulmans, que de la fondation de tant d’autres
un medreeé, que l’on attribue au sul- édifices qui subsistent encore dans le
tan Ala-Kddyn le Seidjoukide et de
, Kurdistan et dans l’Arménie.
vastes caravanseraïs, construits, dit- Tout zélés musulmans que fussent
on, par le sultan Ahmed U'', quand il ces princes, ils ne proscrivirent pas
marchait à la conquête de Itagdad. Ces complètement les représentations d’hom-
souvenirs sont aujourd’hui tellement mes et d’animaux en peinture et eu
confus dans l’esprit des habitants, qu'il sculpture, et ils avaient conservé le
est peu de villes de l’Asie Mineure où godt de ces beaux-arts que les Seid-
l’on ne montre des châteaux ou des joukides persans ont toujours fa-
klvans attribués au même sultan, allant vorisés.
conquérir la capitale de l’Irack. Le lac Unprince de cette race, Kouraa-
d’Érégli reçoit les eaux provenant de rouïa, sultan de Damas, avait fait faire,
la fonte des' neiges du Taurus, et au dans son palais du Kaire, une salle qui
printemps son etendue est telle, que renfermait son portrait et celui de
les routes sont interceptées. Les eaux toutes ses femmes, eu bois peint. Cés
se sont ouvert une issue souterraine, statues portaient sur leurs têtes des
connue en Grèce, où ce phénomène est couronnes d’or enrichies de pierreries;
très-multiplié, sous le nom de Katava- elles avaient des pendants d’oreilles, et
throD. étaient habillées des plus riches étoffes
Il ne parait pas que les guerres des du pays (I). Plusieurs monuments an-
musulmans contre les Grecs fussent tiques de l’Asie Mineure ont été con-
aussi sérieuses et aussi meurtrières que servés par les soins des Seidjoukides;
celles qu’ils avaient soutenues contre mais la jalousie des imans sunnis con-
les t>oisôs. L’empereur de Byzance tre les Schiites arrêta dès sa naissance
faisait bien quelques tentatives pour re- cet essor vers les arts du dessin. Il fut
prendre Iconium, qui restait toujours interdit aux sultans de faire graver leur
le centre de la puissance musulmane; portrait sur les monnaies; on toléra
mais il se contentait d’assiéger, de seulement quelques représentations
prendre et d’abandonner plusieurs pe- d’animaux. Le sultan des Turcs porte
tites place.s de la Phrygie et de la Cap- encore aujourd’hui la figure en relief
padoce. Iconium s’embellissait de tous d’un paon sur l’avant de son calque.
les chefs-d’œuvre de l’art des Sarrasins ; Le vautour fut adopté par les princes
toutes les anciennes murailles étaient seidjoukides comme le symbole de la
réparées et la ville agrandie etfortiliée. puissance suprême; ils imitaient en
cela les Byzantins, qui avaient con-
CHAPITRE XI. servé sur leurs enseignes l’aigle ro-
maine. Le vautour Houma'i ( royal ) est
SULTANS SBL1XIOUKIDE8 d'iKONIUH. sculpté sur un grand nombre de monu-
ments de style arabe, en Asie Mineure
Ala-Eddyn Xey-Khosrou, frère de et en Perse ; on peut être assuré, à dé-
Kilidj-Arslau, est regardé par les üs- faut d’autres renseignements, que les
manhs comme le fondateur de la dy- monuments qui portent cet emblème*
nastie seidjoukide d’Iconiuin ( II92). sontde l’époque des Seidjoukides, c’est-
C’est à lui qu'ils attribuent la plupart à-dire dans la période de 108B à 1390.
des superbes édifices que l'on admire Les historiens orientaux attribuent à
encore dans les principales villes de son Ala-Eddyn Key-Kobad l’idée première
empire. Sons son règne, les académies,
les moaquées, les écoles se multi- (i) De Ouigiiei, Hist, i;én. dei Huai, L U,
plièrent Amasie, Sivos, Nigdé con-
: liv. IX, 140 .
ASIE MINEURE. 633
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634 L’UNIVERS.
deux villes, et les réduit sous le pouvoir bre d'années sous le plus dur esclavage,
des Osmanlis. Néanmoins les émirs étaient, pour ainsi dire, une population
vaincus conservèrent toujours l’ombre vouée à la misèreet au malheur : c’était
autant de ceux delà Phrygie que ceux-ci Romains. Pour eux, adopter lechrhti:-
de l’art des Ioniens. Dans toute l’éten- nisme, déclarer la guerre .aux
c'était
due de la province nous ne trouvons idoles et guerre aux idoles, c’était la
la
aucun vestige de ces temples et de ces guerre à Rome même, et dès ce jour ils
théâtres qui sont comme le cachet in- couvaient déjà ce roi chrétien dont la
délébile des villes greco-romaines, à religion farouche ou plutôt le .sombre
peine trouvons-nous quelques débris fanatisme, porta le ravage parmi 1rs
qui avaient pu appartenir à l’époque où œuvres d’art que païens et chrétiens
la Cappadoce était régie par des rois. avaient conservés depuis des siècles. Il
Mais en revanche les monuments des suftit de nommer Léon l’Isauricn. La
était un des plus grands centres reli- des villes, et sous les empereurs bytan-
gieux de l’Asie, et pénètre hardiment tins un nombre considérable de mi^
dans l’intérieur du pays, faisant con- nastères s’éleva dans les montagnes voi-
J
,
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526 LTNIVERS.
buait pas moins que le désir de méditer une volonté ferme peut dompter la na-
eu paix , à pousser vers la solitude les ture.
nouveaux élus. Ceux surtout qui se seu -
Saint J acques de Nisibe vivait couvert
tant de la vocation pour l’apostolat et le d’un diphtère de peau de chevreau et
martyre, voulaient , dans la solitude, se nourrissait de racines sauvages. Saint
recueillir des forces pour aller ensuite Kphrem fait l’éloge des Thérapeutes de
catécLilser les gentils, et choisissaient de la Mésopotamie, qui sous le nom de
,
préférence les régions les plus inacces- Rosci ou moines broutants, allaient
sibles. dans les champs paître avec les trou-
Voilà les éléments de la population peaux (I). Ils couchaient dans les re-
qui vint dans les trois premiers siè- traites d’où ils chassaient les bêtes sau-
cles peupler les rochers arides où nous vages.
voyons encore leurs demeures. Le plus célèbre d’entre les cénobites, le
Dans le nord de l’Asie Mineure le pâtre Siméou Stylite vivait sur une mon-
pays est pour ainsi dire trop agréable , tagne voisine d'Antioche. Les déserts
de belles forêts, des ruisseaux lim- situés entre cette ville et celle de Césa-
pides, circulant au milieu des prairies, rée servirent de refuge pendant les per-
tout cela rappelait trop les biens ter- sécutions ariennes aux Athanase et
restres, et d’ailleurs était trop acces- aux Chrysostome : mais lorsque ce der-
sible à la vaine curiosité du vulgaire. nier fut arraché de son siège épiscopal
Saint Kasile a laissé un riant tableau de pour être conduit en exil dans la pelile
la retraite qu’il s’était ménagée sur le ville de Cucusus , représentée aujour-
bord de l’Iris, dans le royaume de Pont ; d’hui par le bourg de Geuksunn sur le
mais l'ancien évêque de Césarée avait bord de l’Kuphrate, la douleur des
fait sa première retraite dans les soli- cénobites fit place à un sentiment d’in-
tudes du mont Argée, où les moines dignation et ils tentèrent de l'arracher
arméniens du couvent de Surp Garabed aux mains des soldats de Théodose (405)
montrent encore sa demeure. deJ.-G.
Il faut ajouter que, dès le premier Le costume adopté par les anacho-
siècle la vie contemplative n’était pas rètes se retrouve encore parmi certaines
une nouveauté pour les peuples d’O- peuplades de la Syrie et du Liban e’é- :
rient, les fakirs de l’Inde la pratiquaient tait le manteau de laine noire, qu’ils
de temps immémorial, les sto'icieus et portaient sur la peau, et le cucullus,qui
les gymnosoplùstes la regardaient sert encore sous le nom de bournous
comme un acheminement à la vertu. du vêtement à toute la population arabe.
La mortilication de la chair et le mépris Il faut remarquer que dans les plus
de la douleur étaient chez les philo.so- anciennes représentations des Apétres
phes d’Orient un symbole de sagesse, Ils sont toiqours vêtus de la toge ro-
riale. Ils y trouvèrent un repos qui ne florissante, et aue dans presque toutes
pouvait être troublé que par les visites les villes les clirétiens se comptaient
'des catéchumènes, apportant a de rares par milliers. Les comme les
lecteurs
intervalles la frugale nourriture des diacres, comme les évêques, voulaient
reclus, et remportant la manne céleste sans doute faire au désert , un noviriat
qui alimentait leur zèle pieux. La vue qui parais.sait impossible dans les villes.
seule des retraites où vivaient les céno- Partout on cherchait des retraites inac-
bites de la Cappadoce peut donner une cessibles, Pt à mesure que le temps mar-
idée des rigueurs de la vie ascétique. chait et que l’éloquence chrétienne en-
I,a viede ces solitaires était une renon-
ciation continuelle aux besoins les plus (i) .Sa/.omèiie, I. VI,cli. 33. Tillemonl,
impérieux et montre jusqu’à quel point .Vê/w. f cct^siasrtijnes, \ome y \\l, p. «ga.
ASIE MESEURE. 527
(lammait les âmes , ceux mêmes qui fitune longue station à Césarée, et, se-
pnriaient aux fidèles et qui avaient fait lon la tradition des Grecs, elle fit bâtir
aussi leur retraite au désert, enga- le couvent de Taxiarque ( ), et
geaieiitleursfrèresàles imiter, et comme l’on montre encore la chapelle dont elle
nous l'avons vu, nul pays n’était plus posa la première pierre. Ce fut, dit-on,
propice que la Cappadoce. à la suite d’un songe dans lequel lui ap-
Le cours de l’Halys, qui sépare le parut l’archange Michel, qui lui ordonna
royaume de Pont de celui de Cappadoce de bâtir une église en ce lieu. En creu-
forme également une ligne de sépara- sant les fondations on trouva une pierre
tion marquée entre deux contrées par- singulière et transparente, qui Rit pla-
faitement disparates, autant la première cée dans une desenapeiles. Cette pierre
est boisée et riante, autant l’autre est n’est autre chose qu’un morceau de
austère et aride. marbre spéculaire. On sait que cette
En entrant dans la Cappadoce, il est espèce de pierre fut découverte en (’jip-
impossible de résister à un sentiment padocc sous le règne de Piéron (1). Do-
de tritesse à l’aspect de cette région niitien avait fait construire dans son pa-
qui semble présenter sous un cadre lais une salle dont les murailles étaient
réduit le tableau des plus terribles faites avec ce marbre aBnque personne
convulsions de la nature. Les mon- ne put rapprocher même par derrière
tagnes composées d’une roche noire et sans être vu (2). Les indigènes nomment
poreuse ne sont couvertes que d'une cette pierre anar tasch, la pierre brû-
végétation chétive. De grandes crevasses lante.
dont l’œil a peine à mesurer la profon- Au sujet du voyage de sainte Hélène
deur attestent les ravages des tremble- en Cappadoce, on doit faire une remar-
ments de terre, de hautes falaises vol- que qui ne manque pas d’importance :
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520 L’UNIVERS.
tard à l'usage des chrétiens, nous ferons cropole chrétienne en Asie , surtout
observer que durant tout le temps de quand nous ne trouvons dans aucun de
la loi païenne les tombeaux étaient ces tombeaux la moindre trace du sé-
sacrés et placés sous la garde de l'au- jour des païens.
torité civile. Des peines etdes amendes
étaient infligées à tout violateur de CHAPITRE XVI.
tombeaux, la malédiction de.s dieux
devait les poursuivre au-delà de la LES SÉPliLTlMlES CHBÉTIEINNES.
vie, et pour ceux qui ne se seraient pas
effrayés de ces menaces, il y avait le Ce qui fit de la religion chrétienne la
bureau du fisc et l’administration du religion de tous les peuples civilisés,
Chréophylax (1), qui surveillait la con- c’est qu’elle rejeta tous les préjugés,
servation des monuments. Les noms toutes les pratiques singulières ou ty-
des propriétaires des tombeaux, la con- ranniques des autres cultes, non-seule-
tenance du terrain étaient inscrits dans ment du paganistne et de l'idolâtrie,
des registres déposés au chréophyla- mais encore du mosaïsme. Elle laissa
cion, qui paraît avoir eu beaucoup d’a- toute la latitude au développement de
nalogie avec notre bureau de l’enregis- la vie civile, elle n’eut ni pour la vie,
trement (2); tout individu convaincu d’a- ni pour la mort aucune de ces pres-
voir porté atteinte à une propriété sé- criptions absolues qui ont arrêté le pro-
pulcrale soit en l’achetant, en la ven- grès de la science chez les peuples an-
dant ou en y faisant enterrer quelque ciens. Le Christ fait cadavre réhabilita,
personnage autre que les ayant d roit était pour ainsi dire, le cadavre humain qui
condamuéaune amende quivariesurles passait pour impur chez tous les peu-
monuments de mille à dix mille drach- ples anciens, meme chez les Grecs et
mes laquelle était payée au très-sacré les Romains, qui se piquaient d’être
Tamion(lefisc). philosophes.
11 eu est de même des cérémonies
L’office du chréophylax se bornait à
constater la propriété; la plupart des ti- des sépultures, et des croyances que les
tres (jue nous venons de mentionner se autres peuples attachaient à ces céré-
retrouvaient répétés sur l’inscription monies. La raison de la religion chré-
du tombeau. La sépulture païenne tienne a fait justice de toutes ces er-
avait donc toutes les garanties de durée reurs. Le corps n’est que l’enveloppe
et de conservation ; elle n’a commencé de l’àine et cette émanation divine n’est
à être en butte à la dévastation que lors-
jamais esclave du sort de la matière ;
que toutes ces administrations protec- un chrétien laissé sans sépulture n’a
trices ont été anéanties et remplacées rien à redouter pour son salut étemel,
par l’administration chrétienne, c’est- et les âmes ne sont plus à la merci
a-dire quand les lois de Constantin ont d’un ennemi, d’un accident, ou de |ia-
été répandues dans toute cette partie de rents indifférents. Toute latitude est
r.\sie. laissée aux chrétiens pour le mode de
Nous devons ajouter que si l’on ad- sépulture qu'ils adopteront, on ne leur
met l’existence d’une communauté défend ni l’embaumement usité en
chrétienne en Cappadoee, il faut bien égypte, ni bûcher des Grecs et des
le
pourquoi n’admettrait-on pas une né- corps des chrétiens morts. Il faut lire
les prescriptions que saint Auguslin
fait aux fidèles de son temps pour les
(i) Lilléralemeiit gardien de la chair.
Corpus Inscript. AtVii'tKWt, éclairer sur leurs doutes à ce sujet (1).
(a) r'oj-eadans le
t. II, depuis la p. 537, jusqu’à la p. 646,
Il est donc vrai que la terre n’a pas
couvert les corps d’uo grand nombre de qu’on observait chez les Romains, et
ohrétieos, mais personne n’eu a re- chez les Hébreux; chez ces derniers
tranché un seul du ciel ni de la terre... le mode de sépulture ne varia pas dé-
Le psalmiste dit bien • Ils ont exposé
: nis la plus hante antiquité. Les tom-
les corps de vos serviteurs pour servir eaux, clans la Palestine , étaient de
de pâture aux oiseaux du ciel et aux plusieurs sortes les plus communs
:
bâtes de la terre ; ils ont répandu leur étaient dans les champs et en pleine
sang comme l'eau autour de Jérusalem, terre ; d’autres étaient dans les rochers
et il n'était là personite pour les ense- au sein des montagnes ; les derniers
velir... Aussi tout le reste, c’est-à-dire étaient dans des grottes creusées, où
le soin des funérailles, le choix de la l’on pratiquait plusieurs niches dans
sépulture, la pompe des obsèques, tout lesquelles on plaçait les corps. Quelque-
cela est destiné ^utot à consoler les fois on enterrait les corps dans des jar-
vivants qu’à soulager les morts. Si de dins voisins de la ville.
riches funérailles profltaientà l’impie, Les sépultures du peuple étaient
une sépulture commune ou le défaut de hors de la ville. Samuel fut enterré
sépulture nuirait à l’homme pieux ; » et dans sa maison, Saül sous des arbres, et
chapitre XIII « Ce n’est pas une raison
: Rachel sur le chemin de Bethléem. Les
pour abandonner les corps de ceux qui étrangers qui mouraient à Jérusalem
sont morts surtout des justes et des étaient enterrés dans la vallée du Cé-
fidèles. » Saint Augustin fait ensuite le dron.
tableau des funérailles aux anciens Tous ces usages des Hébreux se sont
iours ; il rappelle les ordres donnés par perpétués ;
mais il est à remarquer que
les patriarches à leurs enfants d’inhu- cette idée de l’impureté des corps morts
mer leurs corps ; mais la privation de est tout a fait rejetée par les chrétiens,
sépulture ne peut troubler le repos des taudis que diez les Hebreux tous ceux
morts. qui se trouvaient dans la maison du
« Aussi, ajoute-t-il, lorsque pendant le mort contractaient une souillure qui
sac de cette grande ville ou dans d’au- durait sept jours ; tous ceux qui tou-
tres places, la srâulture manqua aux chaient le cadavre ou son sépulcre con-
chrétiens, ce ne fut pas la faute des vi- tractaient la même impureté , qui ne
vants qui ne purent la leur donner, ce pouvait être lavée que par la cérémonie
ne fut pour les morts aucun préjudice suivante :
630 L’ÜmVERS.
mer les corps ne fut jamais n! générale CHAPITRE XVIII.
ni fort commune.
Les pleureuses à gage qui étaient MODES DE SBPÜLTUBE.
convoquées aux funérailles des Ro-
mains comme à celles des HÀreux Deux méthodes de sépulture ont
furent aussi usitées chez les premiers prévalu parmi les chrétiens celle de
.
chrétiens, et cet usage est encore ob- déposer les corps au sein de la terre
servé dans tout l’Orient. On invite les pour que la poussière retourne à la
prents et les amis à venir pleurer sur poussière, ou de les ensevelir dans des
le défunt; ce sont ordinairement des sarcophages de pierre soit isolés , soit
femmes seules qui remplissent de de- taillés dans le roc. Nous ne trouvons
voir. Nous avons observé de tes céré- nulle part l’indication de l’incinératioii
monies funèbres à Sniyrnô et dans plu- des corps, qui, à vrai dire, ne fut ja-
sieurs villes d’Orient. maW d’un usage général dans l’anti-
Lorsque la société est rassemblée quité , puisque même à l’époque où
dans la maison mortuaire', oh com- eenecoutume fut pratiquée avec le plus
mence à parler tranquillement du dé- d’éclat nous voyons même pour les
,
funt, puis peé ÿ peu la douleUr se fait personnéd illustres la sépulture ou l’in-
jour, on parle avec des sanglotsétouffés, cinération pratiquées indistinctement.
et souvent la cérémonie se termiüe par Alexandrè fait brûler avec de somp-
des cris et des lamentations qui reten- tueuses cérémonies le corps de son ami
tissent dans tout le quartier. Il est d’u- Épbestion ; les généraux et les amis du
sage de lacérer ses vêtements et même nponarmé macédonien préfèrent la pra-
de s’arracher des cheveux ; il y a même tique de Tembaumemeut, pour la sé-
une sorte de règle fiour dééhirer ses pulture de leur chef. Il en fut de même
habits; ils sont accommodés d’avance chez les Grecs, chéz les Romains et
pour cette opération, et les prêtres grecs chez les Etrusques ; partout on retrouve
comme les rabbins ont établi des rè- à une époque donnée la sépulture dans
gles B ce sujet. On peut ne dédiirer des sarcophagés, pratiquée en même
que le bas de sa robe tnême de la lar- temps que l’incinération; voHà pourquoi
geur de la main. On déchire les man- nous devons regarder cette dernière
ches longues de sa tunique. On peut re- pratique plutêt comme une mode, que
coudre la déchirure au bout de trente comme un usage univérser de l’anti-
jours, si elle u’af pas été faite à la mort quité. ‘
d’un proche parent ; mais si c’est pour Les caves sépulcrales d’Urguh offrent
un parent, 'Oh ne la recoud point. un exemple unique de sépulture les :
Ou voit aussi 'dans les cimetières les sarcophages tailles dans le roc. On ne
femmes ou les mètés venir pleurer àur trouve ni le columbarium, ni le Ut fu-
les tombeaux de leurs maris ou «je
' nèbre sur lequel le corps ctqit déposé ;
leurs enfants; elles ont les cheveux dé- cet usage si général chez les Lyciens et
faits et chantent o'es stances versifiées chez les Étrusques paraît tout à fait
,
en souvenir de ceux qu’elles regrettent; rejeté par les chrétiens. On sait que la
elles s'arrachent des cheveux et met- Lycie offre aussi une multitude de
tent leurs habits eh lambeahk. ^ tombeaux monolithes une banquette
:
Avant de mettre le mort ddhk soii ayant la forme d’un lit de repos était
cercueil, les anciens chrétiens, les prê- pratiquée le long des parois. Cette cir-
tres mêmes baisaient le défunt, cè qui constance qui distingue les tombeaux
ftitdéfendh par le éoncile d’'Auxerre. d’Urgub des tombeaux évidemment
Ünd'Céutume reçue parmi les na- païens de la Lycie, est à notre avis une
tions asiatiques, l’orientation dés sé- preuve de plus derieuri <origine chré-
paltares aétééomplétenleniàbàndonilée tienne ; mais nous devons surtout faire
parrÉglise. '
remarquer que dans les plus/ impor-
tants de ces niouumeitts, le signe du
christianisme se trouve ordinairement
' 'H
‘SVS 1 .
• 1
en évidence.
ll'i
Au milieu d’un certain nombre de
i
Youzgatt est le point de jonction des sa nouvelle ville une quantité d’habi-
routes de caravane qui vont de l’est à tants sans distinction de culte, et la po-
l’ouest et du nord au sud ; elle remplit pulation s’était promptement élevée à
sous ce rapport le râle de Tavium dans quinze mille habitants.
le monde ancien, mais c’est là que se A sa mort, qui eut lieu vers 1805, ses
borne la ressemblance. parents et son frère héritèrent de son
La ville de Youzgatt est située à pouvoir, et continuèrent d’attirer dans
vingt-deux kilomètres à l’est-sud-est de leur province des colons grecs et ar-
Nefez keui; M. Brant l’estime à trois méniens. Lorsque le sultan Mamhoud
lieues géographiques; et M. Hamilton eut formé le projet d'anéantir la puis-
marque quinze milles anglais. Il a par- sance des Dere bey, Tchapan üglou fut
couru cette route en venant de Youz- le premier en butte aux attaques du
gatt à la recherche de Tavium. gouvernement de la Porte, qui souleva
La vallée de Nefez keui est bornée, à contre lui les pachas ses voisins en leur
l’est, par une chaîne de collines peu éle- donnant l’espoir de partager ses riches-
vées que traverse la route de Youzgatt. ses. Les revenus du bey montaient à
On passe auprès du village de Kenek douze millions de francs dont le quart
keui, demeure d’hiver des Turcomans. à peine arrivait dans les caisses du gou-
Les maisons sont à moitié enfouies vernement.
sous terre ; trois kilomètres plus loin est A la chute de cette famille puissante,
de Hassandji, composé d’en-
le village la désorganisation ne tarda pas à se
viron quarante maisons avec une mos- -mettre dans le pays; Youzgatt ne fut
quée. Tout ce pays est très-accidenté; les pas même conservée comme chef-lieu
de Sandjak , et son territoire fut admi-
(i) Die Kopie (1er Peul. Tafel zwar nistré par un simple Mutzellim.
hier sehr Narhiâuig. Mannert, Géographie, Le palais qu’avait fait construire le
tom. 8, p. 55. bey a été incendié et tombe en ruine;
ASIB MINEURE. â3d
niiiis les édifices d’utilité publique, les fait halte une heure plus loin, à Giauur
bains et la mosquée , sont encore bien keui, habité par des Arméniens. Le Dé-
entretenus. lidjé sou, un des aflluents de rHaly.s,
La mosquée, ouvrage de Soliman bey, passe près de ce village, venant de l’est;
date de la fin du dernier siècle; elle est ce n’est encore qu’un ruisseau, et la
bâlie sur le modèle des mosquées de source ne peut être éloignée. On fait
Constantinople , c’est-à-dire dans ce ensuite dix heures de marche jusqu’à
mauvais style turco-italien ; la niche Boaslian, village de trois cents maisons,
centrale ou minnber, est ornée de co- situé dans la plaine. Tout ce pays est
lonnes de jaspe etdechaux fluatée, trans- sans arbres , mais parfaitement propre
parente, sorte de jade que l’on trouve à la culture des céréales. Les tribus Tur-
dans le pays. comanes et Kurdes s’y établissent pen-
L’aspect de Youzgatt contraste avec dant l’été.
celui de toutes les autres villes de la pro-
vince; les maisons sont couvertes en
tuiles : elle a tout à fait l’aspect d'une
CHAPITRE XX.
ville européenne. Les fruits abondent
dans ses jardins, et l’abricotier surtout VALLÉE DE l’HALVS.
donne des produits superbes; on voit
qu’il est voisin de son pays natal. On arrive enfin au bord de l’Halys.
La population s’élève a quinze mille Alors le pays change d’aspect ; ce ne sont
âmes environ ; un peu plus du tiers pra- plus des plaines argileuses plus ou moins
tique le christianisme. Les Arméniens ondulées; l’action des feux souterrains a
sont plus nombreux que les Grecs ; mais laissé partout des traces grandioses; les
tous les cultes divers paraissent vivre en rochers à pic, les falaises de tuf grisâtre
bonne intelligence. et les torrents de laves portantsur leurs
Les maisons des chrétiens ne dif- ondes durcies des blocs de rochers
ferent pas de celles des Turcs, et la vie comme les rivières portent des glaçons,
intérieure est la même chez les uns et tel est le spectacle qu'offre la vaste
les autres les femmes ne mangent pas
: plaine de Césarée depuis la vallée de
avec leursinaris; ily apour le chef de la
famille un respect qui se manifeste en On franchit le fleuve sur un pont de
toute occasion ; malgré l’usage si ré- dix arches nommé Tchok Gheuze Kou-
pandu de la pipe , un (ils ne se permet- prou sou, le pont à beaucoup d’yeux.
trait jamais de fumer devant son père. Les arches à plein cintre indiquent une
La ville est abondamment pourvue de construction antérieure à la domina-
toutes les choses nécessaires, et les mon- tion musulmane; elles sont bâties en
tagnes voisines fournissent, pendant pierre volcanique et les remplissages
l’été, de la neige pour rafraîchir les sont en tuf rouge, qui lui donnent de
boissons. loin l’apparence d’une construction de
Une muraille de moellons reliés avec briques.
de l’argile entourait autrefois la ville; elle Le fleuve est profondément encaissé
servait moins pour
la défense que pour dans une vallée basaltique qui présente
arrêter lacontrebande. AujourdMiuitout des phénomènes très-vari4 ; la plus
s’écroule, et il semble que les gouver- grande partie des prismes repose sur
neurs eux-même mettent volontiers un tuf tendre de couleur grisâtre ; les
la main à la destruction de tout ce qui prismes ont la forme hexaèdre; ils ne
peut rappeler le gouvernement de l’an- sont pas réguliers et sont quelquefois
,
leurs troupeaux
; on fait huit heures de émaner d’un centre commun ; ils s’élan-
marche jusqu’à Pacha keui, gros bourg cent en rayonnant comme si nne érup-
habité uniquement par des Turcs, et l’on tion se fut immédiatement figée dans sa
,
534 LlINIVKRf?.
inarche; les prismes sont aplatis, oblonfts cette roche rappellent complètement
et en forme de fuseau on ne peut mieux
: celles de certains villages d’Auvergne.
comparer leur aspect qu’à un bouquet La plaiue de Césarée est arrosée par
de feu d’artiflce. de Sarmoussacii, et est
la petite rivière
Cette falaise se trouve à moins d’un peuplée de nombreux villages presque
kilomètre du pont et sur la rive droite tous occupés par des familles chré-
du neuve. tiennes, grecques et arméniennes; ces
Dans la même falaise volcanique, dernières habitent les villages de Sar-
dont le pied est baigné par les eaux moussac, Surp Garabed et Surp Daniel ;
on aperçoit a divers étages des trous les Grecs ceux de Zenzidéré, Talas et
qui paraissent des retraites pour les oi- Taxiarque.
seaux de proie; ce sout les fenêtres de La campagne de Césarée peut être
larges grottes taillées dans le massif comparée à celle de Rome, tant pour la
de la montagne et auxquelles un arrive nature du sol que pour celle des cultures
par un sentier pratique dans la roche qu'on y pratique. Une faible couche de
même. terre végétale recouvre un banc très-
L’entrée de ces grottes n’a rien qui étendu de laves; de distance en distance
appelle l'attention ; c’est une porte basse on observe des monticules dont le som-
qui donne accès dans une avant-salle met est couronné par des roches volca-
carrée et plafounee ; plusieurs portes niques qui plongent sous la terre végé-
s'ouvrent dans cette salle et conduisent tale. Dans les régions où elle manque,
par des galeries latérales dans d’autres on chemine sur iiii terrain rocheux, plat
pièces toutes plafonnées, carrées ou rec- et fendu eu tous sens de manière a for-
tangulaires. Les salles qui sout voi- mer de grands polygones irréguliers;
sines du fleuve sont éclairées par de pe- mais la route est souvent interceptée
tites fenêtres donqant sur la vallée de par des fondrières larges et profondes,
l’Halys. On observe dans les parois des dont les flancs sont verticaux ; elles sont
niches peu profondes, rectangulaires et a.ssez larges pour que des villages aient
qui n’ont aucun caractère sépulcral. iu s’y établir ils ne paraissent pas de
:
Dans toutes les maisons modernes de foin, de sorte que la campagne semble
l’Orient on voit de ces mêmes niches déserte.
qui servent à déposer les objets mobi- Ces vallées ne paraissent pas avoir été
liers; toutes ces chambres communi- creusées par les eaux ; elles sc sont sans
quent entre elles, et l’on y trouve simul- doute formées par le retrait des laves de
tanément les traces de l'occupation des fusion, et se sont élargies par l’effet de
morts et des vivants. Certains réduits la décomposition des laves. Les villages
récèlent des sarcuphages, d’autres cham- sont généralement remarquables par la
bres éclairées par une ou deux fenêtres propreté et le goût des maisons, qui sont
renferment comme des alcôves et des toutes bâties en pierres volcaniques fa-
cheminées, et peuvent très-bien avoir ciles à travailler; ils sont presque tous
servi à des familles de troglodytes, il accotés sur le flanc d'une colline, et les
n’y a pas l'ombre d'un art quelconque chambres sépulcrales, les églises tail-
oui puisse faire soupçonner à quelle lées dans le, roc sont nombreuses aux
epoque ont été creusées *ces grottes, qui, environs. Nous en examinerons quel-
de nos jours, ne servent pas même de ques-unes.
retraite aux bergers des environs.
Après avoir traversé le pont, on suit CHAPITRE XXL
une route qui s’élève sur deux plateaux
successifs, complètement arides et dé- MONASTÈRE DE SURP GARABED,
serts. Sur le revers sud du contrefort ÉGLISES TAILLÉES DANS LE ROC.
qui domine la plaine se trouve le ha-
meau de Kmmiler éloigné de quatre Le monastère arménien de Surp Ga-
heures de Césarée, et une heure plus loin rabed, Saint .lean précurseur, est situé à
le gros bourg d’Herkilet, établi sur un dix-huit kilomètres à l’èst de Césaréca
banc puissant de lave fondue, compacte l’entrée de la chaîne de montagnes qui sé-
et noire ; toutes les maisons hâties avec paré le bassin de l’Halys de celui de
A.sië MWeure.
Tokma sou. C.et établissemoiit dont la CHAPITUK X^lf.
foudatiou remonte aVi treizienie siècle est
égal comme importance religieuse à ceux GLISE TA,ILttE DANSLE BOC PBÉS
d'Etchmiazin et de Sis; l’évéque a le DS'SÜHP GABABBD.
rang de métropolitain'de Césarée. L’en-
semble des bâtiments du monastère est Cette petite église est creusée dans
entouré d’une forte muraille, et l'inté- un tuf jaune très-homogène, compose
rieur contient, outre les églises et les)id- de cendres volcaniques aggToménies ;
bitations des moines plusieurs corps de elle n’a souffert aucune dégradation,
bâtiments destinés à loger des pèlerins mais tout l’ouvrage est fait avec la plus
qui de toutes les parties de l’ancienne grande simplicité. Le plan a de l'ana-
Arménie afHiiebt dans ce monastère à logie avec celui des basiliques.
'
certaines fêles de l’année. La nef a six mètres de long sur trois
Nous assistâmes à la fête de saint mètres de large; les ihui;S latéraux pa-
Jean, qui se célèbre arec la plus grande raissent soutenus par des pilastres por-
pompe, nous pûmes admirer la
et ri- tant des arcades; mai^ tout l'édifice
chesse des vêtements de l’évêque et étant monolithe, cette décoration n'est
des prêtres, qui ont conservé tous les là que pourrappeiér les monuments cons-
usages de l'ancienne Église. Les costu- truits.
mes des assistants n’étaient ni moins Au fond de la nef se trouve l’abside,
riches ni moins curieux; la coiffure qui est de forme circulaire , au milieu
des femmes est des plus variées ; leurs s'élève l’autel , qui fait partie de la ro-
cheveux pendent en longues tresses che même, et qui n’est aujourd’hui
ornées de glands d’argent, de pièces de qu’un simple massif.
monnaies et de coquillages. Leur front La voûte de l'église est en ceintre
est orné d’un petit diadème de sequins surbaissé ; toute cette construction est
et leur tête est surmontée d'une coif- de la plus grande simplicité, aucun or-
fure qui tantôt prend la forme d'un nement, aucune peinture ne la décore ;
vase, tantôt d’un kalpack ou d’un sim- une porte pratiquée dans la seconde ar-
ple turban. Leur taille est soutenue par cade du côté droit conduit dans une
une large ceinture d'argent, dont les autre chapelle, qui est à peu prés de la
agraffes en ronde bosse sont artiste- même forme que la basilique, et dans
ment ciselées; leur vêtement consiste la petite abside on a ménagé aussi un
en robes de drap presque toutes de cou- autel.
leurs voyantes et ornées de broderies. Ces chapelles ne recevant de jour
Les environs du monastère offrent ue par la porte sont assez obscures ;
I es points dé vue les plus agrestes et les ans la chapelle du fond on ne pouvait
plus pittoresques; des cascades tombent officier qu’à la lumière des cierges.
du haut des rochers couronnés de ver- Il serait difficile d’assigner l'âge po-
dures; le lieu nommé Pacha tchesmé sitif de ce monument que nous sommes
si, lafontaine du pacha, peut être com- disposé à regarder comme un ouvrage
paré à un vallon de la Suisse. Mais ce de troisième siècle.
qui donne un intérêt particulier à cette A une distance de trois kilomètres
vallée ce sont les églises et les innom- environ de cette église, dans une vallée
bles chambres sépulcrales taillées dans dont il serait difficile de déterminer la
le roc la tradition est ici d’accord avec
: position exacte, car elle ne porte dans
la nature des lieux. Dès les premiers te pays aucune désignation spéciale, on
temps du christianisme, les anachorètes observe un autre groupe d’églises qui
se sont retirés dans ces lieux inaccessi- est le plus important de cette région.
bles, et c’est en souvenir de ces céno- Tous ces monuments n’ont dans le pays
bites que le couvent de Surp Garabed aucune dénomination particulière ; on
fut fondé. les connaît sous le nom général de Ma-
hara, les grottes, kilicé,des églises.
Ce monument, qui a une importance
/ réelle , déjoue toutes les suppositions
que l’on pourrait faire à son sujet, car il
5S« L'UNIVERS.
est clair qu’il a dû être fréquenté par A l’extrémité de la nef, dans un en-
une nombreuse société chrétienne et ,
foncement qui a deux mètres environ
cependant il n'existe aucun emplacement de large, on creusa un puits qui s’élève
possible de village ou de ville dans les jusqu’à la surface externe du rocher, et
alentours, et rien ne peut faire con- qui forme un canal de ventilation, on
naître par quelle population il était fré- établit ainsi dans cette grotte un courant
quenté. d’air, au moyen duquel les assistants pou-
L’entrée de l’église s’annonce par un vaient y séjourner indéfiniment.
large portique de trois arcades à plein Les églises de ce genre sont assez
ceintre supportées par deux colonnes nombreuses dans la contrée, mais elles
massives. Les chapiteaux , bien que présentent toutes à peu près le inénie
très-ruinés, se rapprochent de la forme aspect. Une raison assez plausible nous
du dorique. fait pencher pour placer leur exécution
La corniche est composée d’un sim- dans la période du troisième au qua-
ple bandeau. Ce portique a cinq mètres trième siècles , alors que le christia-
environ de long sur trois métrés de nisme, bien que répandu et déjà flo-
profondeur. A
droite et à gauche du rissant en Asie, n’avait pas encore une
portique, sont deux chambres carrées, existence légale, et était traversé par de
dont la destination n’est pas indiquée. Il terribles persécutions.
faut voir dans ce portique un principe A partir du règne de Constantin les
du Narthex, qui fut plus tard une annexe édifices de ce genre n’avaient plus de rai-
indispensable des églises byzantines. son d’être ; les chrétiens maîtres du pou-
C’est là que se tenaient les catéchu- voir n’avaient pas besoin de cacher leurs
mènes et les pénitents auxquels l’entrée temples dans les entrailles de la terre.
de l’église était temporairement inter- Ces ouvrages dont le caractère chré-
dite. tien est incontestable, nous servent
Une porte carrée placée au milieu aussi de base pour établir que tous les
du portique donne accès dans une pre- monuments monolithes de cette partie
mière chapelle ; à sou extrémité est un de la Cappadoce sont dûs aux travaux
abside circulaire avec un autel ménagé des chrétiens. D’abord parce qu’il y en
dans la masse du rocher. Cette chapelle a un grand nombre qui portent la mar-
est voûtée en berceau, les parois sont que du christianisme, ensuite parce que
ornées de quatre pilastres. Pon ne saurait supposer que les disci-
La masse de rocher qui sépare cette ples du Christ aient été s’établir au mi-
chapelle de la grande église a une épais- lieu des tombeaux des païens.
seur de l'°55. Le côté droit de la cha-
pelle est percé par une porte et deux CHAPITRE XXIII.
fenêtres à hauteur d’appui qui donnent
de l’air plutôt que du jour à la grande CHAMBRES SÉPULCRALES ET MABTV-
église. RlUin.
Cette église a sept mètres de lon-
gueur, un autel de la forme des autels Nous ne saurions décrire à l'appui de
modernes est indiqué par la masse de cette opinion tous les édifices qui nous
roc qui s’élève dans l’abside. La hau- ont conduit aux conclusions que nous
teur sous la voûte est de 4°'50, on peut avons adoptées ; mais les plans que nous
se faire une idée du travail qu’exigea un avons recueillis peuvent être regardés
pareil monument. comme des types choisis au milieu de
Si cette église n’eût été fréquentée centaines de monuments semblables.
que par quelques religieux solitaires. In La seconde classe d’ouvrages taillés
quantité d’air qu’elle recevait par la dans le roc n’offre pas un caractère si
porte eût été convenable ; mais avec une tranché que les églises, nous regardons
assistance nombreuse elle devenait tout ces monuments comme ayant servi de
à fait insuffisante; aussi ou imagina un demeures à des cénobites, soit isolés,
ingénieux moyen deveutilation, mais qui soit réunis en communautés de troisou
à lui seul représente un prodigieux tra- quatre personnes. Nous avons vu une
vail. multitude de chambres isolées ayant
i.
ASIE MINEURE. M7
tout ce qu’il faut pour passer la vie ma- CHAPITRE XXIV.
térielle. Dans l’intérieur, une excava;
tion formée par une arcade contenait LES PBÉFBCTUHB8 DB LA CAPPADOCE,
uu litde repos que le solitaire couvrait DIVISIONS DU PAYS DANS L’aNTI-
d’une natte; quelques chambres présen- QUITÉ.
tent même les traces de véritables che-
minées. La destruction de la puissance perse
On sait que le climat de la Cappa- en Asie Mineure ne fut pas tellement
doce est remarquable par sa rudesse, complète que tout ce qui rappelait les
et le tyran Basiliscus exilé au milieu de dominateurs orientaux fût en même
l'hiver avec sa femme et ses enfants y temps proscrit ou abandonné. Les ma-
mourut de froid , ces infortunés n’ayant ges avaient su conserver leur pouvoir
d’autre ressource que de se serrer les au milieu des révolutions qui signa-
uns contre les autres pour se ré- lèrent le partage de l’empire d’Alexan-
chauffer (1). dre, et les formes de l’administration
Lorsqu’un cénobite avait vmu de de Darius furent en grande partie con-
longues années dans une pareille re- servées par les nouveaux rois. Le par-
traite, que la renommée de sa sainteté et tage de la Cappadoce en dix stratégies
de sa vertu s’était répandue dans la ou préfectures ordonné par les prédé-
contrée, après la mort du solitaire sa cesseurs d’Archelaüs et adopté par ce
demeure restait encore comme un sou- prince est une imitation delà division
venir cher aux chrétiens ; cette demeure du grand empire des Perses en satra-
étaitconvertie en chapelle funèbre, que pies.
les historiens ecclésiastiques des pre- Strabon nous a conservé les noms de
miers siècles désignent sous le nom de ces dix préfectures et nous fait con-
Martyrium ou église consacrée à un naître leur position respective.
martyr. Si le corps du saint avait pu 11 en place cinq près du Taurus, la
l’Asie centrale, qui sert comme de base elle renfermait des mines de sel fossile
au côue gigantesque du mont Argée d’où, selon Strabon, le fleuve Halys (1)
regardé par les anciens comme la plus tiraitson nom (2).
haute montagne de l’Asie Mineure ; Ces mines, qui sont encore exploitées,
comme caractère géologique, la Cilicie fournissent du sel à toute la province
appartient tout entière à la formation et leurs produits s’exportent sous forme
ignée, et les nombreux volcans qui en- de grands blocs dans presque tous les
tourent la base de l’ Argée ont donné villages de l’Asie; elles sont situées
issue à des masses de scories et de cen- à quarante-huit kilomètres au nord
dres qui ont formé de hautes falaises, de Youzgatt près du village de Sarek
tandis que toute la région au nord de Hamisch dans des roches de grès
l’Halys appartient au système argilo- rouge. Les argiles et les marnes qui
calcaire, qui s’étend jusqu’aux monts couvrent le sol sont d'une couleur rou-
Olgassus. geâtre, et au moment des grandes pluies
les eaux .s’écoulant dans l'Halys don-
LK PLEUVE HALYS. nent au fleuve une couleur rouge, d’où
est venu le nom turc de Kizil Irraak.
L'Halys, appelé aujourd’hui Kizil Ir- Ses principaux affluents sont, sur la
inak, leileuve rouge, était célèbre chez rive droite : le Delidjé Irmak, le Hacliar
les anciens non-seulement par les sou et le Dehli Devrent; et sur la rive
grands faits historiques dont il fut té- gauche : le Kara sou,
Sarimsacii sou,
le
moin, mais parce qu’il formait une li- qui arrosent la plaine de Césarée. Dans
mite déterminée entre les peuples d’o- la plus grande partie de son cours l’üa-
rigine asiatique et ceux qui étaient ve- lys coule dans un lit très-encaissé;
nus d’Europe. Hérodote suppose (I) mais arrivé dans les environs de Bafra,
que le fleuve prend sa source dans une ses eaux gagnent en étendue ce qu'elles
montagne d’Arménie, traverse la Cili- perdent en profondeur, et au moment
cie, et,tournant au nord, forme la liipite d'entrer dans la mer Noire la largeur
ehtre la Paphlagonie et les Syriens Cap- moyenne du fleuve est d’environ quatre-
padociens. vingts mètres.
Strabon place plus correctement les
sources de l’Ualys entre la Cappadoce CHAPITRE XXV.
et le Pont, dans la province de Cami-
sène. OBSABÉB.
Cette montagne, dépendant de la
chaîne de l'ülgassus , est aujourd’hui Une qui a été saccagée tant de
ville
connue sous le nom de Kouzé dagh ; le fois et qui n’a jamais été dans l’anti-
fleuve suit une direction générale au quité que l’asile momentané de prince
sud-sud-ouest, jusqu'à ce qu’il atteigne barbares, dont toute lu sollicitude était
les contreforts du plateau de Césarée. de se mettre à l’abri des brigands qui in-
Il redresse alors son cours directe- festaient leurs États, ne peut présenter
ment vers l’ouest à travers le pays ap- aux observations de l’artiste que bien
pelé par les Grecs Champ de Sainte-Hé- peu de monuments dignes d’étre étu-
lène, la longueur de son parcours est diés :c’est la condition dans laquelle
estimée par les caravaneurs turcs à qua- se trouve Césarée. Mais elle offre en
rante heures de marche. cela de l’intérêt; c’est que, depuis les
Le fleuve Halys poursuit son cours temps les plus reculés, sa physionomie
directement vers l’ouest jusqu’à la ville n’a pas changé, et que c’est toujours la
de Memciieher pour remonter ensuite
(1) ’AXùç, sel.
'
(i) Hérodblè, liv. I, chap. ja. (2) Stral)., liv. XII, S6i.
I
ASIE MINEURE.
villesans murailles, dont le château prévu, ils pussent 'au moins préserver
teidjoukide a été démantelé par les leur vie par une fuite prompte et fa-
sultans turcs, de peur t|ue les pachas, cile.
dans une velléité d’indépendance, ne se L’empereur Tibère, après avoir con-
retranchassent dans son enceinte, pour verti la Cappadoce en province, donna
se livrer, eux aussi, aux brigandages à la capitale le surnom de Césarée (1),
qui, de tout temps, ont désolé la Cap- en mémoire d’Auguste; le nom d’Eu-
padoce. sébia, près de l’Àrgée, qu’elle portait
Comme chacun des anciens peuples pour la distinguer de 'Tyane, est là
qui ont établi leur pouvoir en Asie pour prouver que. le culte des dieux lui
avait la prétention de rattacher à ses donnait de l’importance. Tyané aussi
annales les origines obscures des villes était célèbre par son temple de Jupiter.
et des nations, les Arméniens n’ont pas Etienne de Byzance prétend que le nom
manqué à la loi commune, et préten- grec de Césarée était Édesse la Parthé-
dent que la ville de Césarée, dont le nienne. Avait-elle eu quelques rapports
nom primitif était Mazaca, doit sa fon- avec l’antique Rhoa , de l'Osrhoèue ,
dation à l’un de leurs princes (1). Des qui fut lou^emps soumise aux princes
écrivains modernes out cru v recon- u’Assyrie ? Mais du temps de Strabon,
naître le nom de la grande déesse des le nom de Mazaca était le plus em-
Cappadociens, et la ville ne devrait son ployé, et cette ville était regardée poli-
origine qu’à l’agglomération des tribus tiquement comme la capitale de la Cap-
autour d’un centre religieux qui existait padoee (2).
là depuis les premiers siècles. Josè- « Elle est située, dit-il, sur un sol
phe (2) en attribue la fondation à peu convenable pour le placement
Hésech fils de iaphet. Philostorgus d’une ville ;
elle manque d’eau, et elle
prétend qu’elle s’appela d’abord Maza, n’a pas été fortifiée par des murs, soit
du nom de Mozcudi, chef cappado- par la négligence des souverains, soit
cien. de peur que les habitants, se confiant
Il ne nous reste d’ailleurs pour trop aux murailles comme à une re-
édaircir ces faits aucun texte positif, et traite sûre, ne se livrassent aux brigan-
la première mention qui soit faite de dages, favorisés par leur pc»ition sur une
Mazaca se trouve dans Strabon , qui plaine parsemé de collines, d’où ils
écrivait précisément à l’époque où la peuvent lancer des traits. »
Cappadoce fut réduite en province, et Les antiques éruptions du volcan de
où l’antique capitale avait déjà perdu l’Argée ont couvert à différentes re-
son nom, pour prendre une dénomina- prises la plaine de Césarée de masses
tion romaine. La singularité de la po- de cendres qui se sont agglomérées, et
sition de la ville , et les nombreux qui ont formé un sol composé de tufs,
phénomènes volcaniques qui se mani- sur lesquels une végétation chétive n’a
Kstent aux environs, avaient assez pu prendre racine qu’après l’espace de
intéressé l’écrivain grec, pour qu’il con- plusieurs siècles ; c'est ce qui fait dire à
sentit à faire de cette ville une des- Strabon « Le terrain qui environne
;
cription détaillée et remplie d’intérét Mazaca est stérile et peu propre à être
an point de vue géologique. Strabon ex- cultivé ;
quoique ce soit une plaine. Le
plique , selon son opinion , l’absence fond en est pierreux et couvert de
complète de murailles; mais, 'après .sable. «
avoir considéré coinbien la contrée était Les tufs, qui sont d’une couleur grise
exposée à l’action des feux souterrains, et renferment des fragments de pierre
il semble naturel de penser que la sé- ponce et d’autres minéraux, sont re-
curité personnelle des habitants devait couverts, dans quelques endroits de ,
les porter à ne pas s’enfermer dans une laves de fusion sillonnées par des fentes
enceinte fortifiée, pour qu’au moment profondes, dont les parois sont verti-
d’un tremblement de terre , toujours
(i) Eutrope 'VÎI, 2. Fesluv Rufus, Breyta-
(0 Moisede Choren,'!, XUI. rium, î.
(») j4iu. juiL, I, «hapi xri. (ï) Slrab., liv. XIV, A63. •
,
MO L’UNIVERS.
cales, et dont la largeur varie jusqu’à rien par Sapor, en 268, Césarée renfer-
leur donner l’aspect de véritables val- mait une population de quatre cent
lées; ce sont, je pense, ces fissures qui, mille habitants. Le roi de Perse ayaut
dans l’antiquité,donnaient naissance à pris Malalia, marcha droit sur Césarée,
des gaz inflammables; ce qui leur valut après avoir pillé toute la Mésopotamie
le nom de gouffres enflammés (1), et de et la Cilicie.
plaines brûlantes. Ces vallées, donton ne Tarse fut réduite en cendres, et la
saurait expliquer la formation que par le cavalerie perse, franchissant le Taurus,
retrait opéré par le refroidissement de vint avec le reste de l’armée mettre le
ces grandes masses fondues , affectent siège devant Césarée. Démostbène en
des directions indéterminées, et ont avait été nommé gouverneur par Va-
quelquefois plusieurs kilomètres de lérien. Ce brave citoyen organisa une
longueur ; mais le terrain supérieur est défense qui suspendit pendant long-
beaucoup moins stérile que dans l’an- temps la ruine de la place, et les Perses
tiquité, et le travail de quinze siècles a eussent été infailliblement repoussés
couvert la plus grande partie de la plaine si un traître ne leur eût offert les
d’une mince couche de terre végétale, moyens de vaincre la garnison coura-
qui produit de chétives moissons. geuse (I). Déniosthène se fit jour au
Soumise à la puissance romaine, milieu des Perses, qui avaient ordre de
Césarée voulut, comme les autres villes ne rien négliger |K>ur s’emparer de sa
de l’Asie, se distinguer par son zèle personne ; mais tandis qu’il échappait
pour le culte des empereurs et des avec un petit nombre de braves, plu-
dieux de Rome des temples nombreux
; sieurs milliers de ses concitoyens furent
s’élevèrent, et Césarée sollicita et obtint enveloppés dans un massacre général (2).
de Néocore, qu’elle inscrivit avec
le titre Les corps de ceux qui avaient été tués
orgueil sur ses monnaies. I.es historiens remplissaient des vallées profondes, et
parlent d’un certain nombre d'édilices les prisonniers emmenés en esclavage
publics, d'hippodromes et de porti- périssaient par centaines sur la route.
ques, qui prouveraient qu’on chercha Décidé à ne laisser derrière lui qu’un
aussi à introduire les mœurs romaines, désert, Sapor ravageait les villes, trans-
et, sous Ariarathe, elle devint un lieu portait dans ses États tous les habitants
de séjour pour les savants (2). des villes conquises(3), et il serait venu
Néanmoins, sous toute la période à bout de ses .sinistres projets, s’il était
romaine, Césarée resta sans importance possible de dépeupler une province et
et toujours en lutte avec la nature in- d’anéauiir une ville. Il y aurait lieu de
grate de son territoire. Le christia- croire au contraire à l’exagération de
nisme apporta dans ces provinces un l’historien grec.
peu de la vie politique qui leur avait Constantin, dans sa nouvelle division
manqué jusqu’alors. Les évêques se fai- de l’empire en diocèsés, avait voulu don-
saient un nom dans la chaire, et les ner à chacune de ces provinces un gou-
temples anciens étaient détruits avec verneur du sang impérial ; la ville de Cé-
ardeur pour faire place aux églises nou- sarée fut choisie, en 326, pour la rési-
velles. dence d’Annibalianus. Le Pont, laCap-
.Mais l’empireromain chancelant n’é- padoce et la petite Arméniecomposèrent
tait pas assez fort pour défendre ses l’étendue de son nouveau royaume ; il
villes frontières contre les invasions eut des gardes, des légions et des auxi-
des Barbares. Les Perses , dont Bj’- liaires en proportion de sa dignité.
zance était le point de mire , franchis- Avant d’arriver à l’empire, Julien
saient sans crainte des frontières mal (363 de .I.-C.), associé avec Gallus,
défendues, et les villes de la Cap|»- fonda la belle église de Saint-Mam-
doce supportaient toujours le premier mas, qui fut dotée d’un clergé nom-
choc, qui s’annonçait par le pillage et breux, et les deux princes s’entrete-
le massacre. Après la défaite de Valé-
(i) TillemonI, III, 45x.
(i) Sirabon, XII, 538. (i) Zonar, liv. XII, 53o.
(a) Photius, lib. II, 59. (3) Zozinie, Uv. I, p. a5.
.
naient avec les ermites et les religieux ques du dehors et surtout des Perses
qui avaient introduit dans la Cappadoee qui pendant tout le règne de Justinien
les rigueurs de la vie ascétique (1). Les menaçaient et souvent attaquaient les
chrétiens étaient alors asses nombreux villes frontières de l’empire.
à Césarée ; et lorsque, dans son esprit Dominée par une suite de monticules
de réaction, Julien voulut s’opposer dépendant du mont Argée, la ville était
aux progrès de la religion chrétienne, incessamment exposée aux traits d’une
les habitants, qui avaient montré en- armée d’invasion.
vers le nouveau culte un zèle assez ar- Justinien prit soin d’établir un sys-
dent pour que les païens et les héréti- tème de défense qui est décrit en ces
ques eussent abandonné son enceinte, termes par Procope(l) • Il y avait plu-
:
montrèrent une vive opposition , qu’il sieurs hauteurs fort éloignées les unes
ne put vaincre que par des mesures des autres, que ceux qui ont bâti la ville
cruelles. ont voulu enfermer, de peur que les as-
L’empereur prit le prétexte de la siégeants n’en tirassent de l’avantage, et
destruction d’un temple de la Fortune ainsi ils ont augmenté le péril en pen-
pour faire subir à la ville entière un sant pourvoir à la sûreté. Ils ont enclos
traitement des plus rigoureux ; elle fut des rochers, des jardins, des pâturages,
effacée du catalogue des cités, quoi- qui sont depuis demeurés dans le même
qu’elle fût la métropole de la province ; état, et dans lesquels on n’a point cons-
il lui enleva le nom de Césaree, qu’elle truit d’habitations ; de sorte que les mai-
teuait de Tibère, et voulut qu’elle reprit sons sont éloignées les unes des autres
celui de Mazaca ; Julien fit enrôler les et ne peuvent se porter mutuellement
prêtres dans la milice du gouverneur, secours. De plus, la garnison était
et les autres habitants, avec leurs fem- toujours insuftisante eu égard à l’é-
mes et leurs enfants, furent inscrits tendue, et les habitants manquaient
pour payer un tribut comme dans les de moyens d’entretenir leurs nmrailles.
villages.' Ordre fut donné aux chré- Justinien fit abattre une partie de ces
tiens de rétablir le temple détruit, et la murs afin d’en réduire l’enceinte à une
colère de l’empereur ne se fût pas ar- juste grandeur, qu’il a fait bien forti-
rêtée là, s’il n'eût dû songer à des soins fier et où il a établi uue bonne gar-
plus importants qui l’appelaient sur la nison. »
frontière (ü). Ce passage de Procope devient en-
Sous le règne de Valence , Césarée core plus clair après l’inspection des
eut encore à souffrir des mesures ty- lieux : chacun des monticules qui en-
ranniques de l’empereur, qui voulait tourent la ville, et notamment la mon-
propager en Cappadoee les doctrines de tagne de Saint-Basile, que les Turcs ap-
l’ariauisine. Basile, alors métropolitain pellent Ali dagh, était couronné par
du diocèse, prêcha avec véhémence, et un fortin , on y voit encore des traces
soutint les vrais principes de la foi chré- des anciennes fortifications ; mais cette
tienne adoptés au concile de Nicée. ligne de forts détachés formait un cir-
L’empereur, ne pouvant vaincre la géné- cuit de plus de dix kilomètres; c’est ce
reuse obstination de l’évêque, s’en vengea système de défense que Justinien chan-
sur toute la province en la divisant en gea radicalement.
deux parties, et en donnant à Tyane le Il résulte du document rapporté plus
titrede métropole de la seconde Cappa- haut que la fondation du château ac-
doce. tuel de Césarée doit être attribuée à
La situation de Césarée comme Justinien, et non pas aux Seldjouki-
grande place de commerce attirait de des ces princes n’ont fait que le ré-
:
542 LTJNIVERS.
ar conséquent plus rapprochée de Ces églises étaient tombées sous la
P Argée. On observe quelques ruines main dévastatrice des Turcomans, qui,
appelées par les habitants Ëski-Kai- sous la conduite de Alp-Arsian, neveu
saria, l’ancienne Césarée. Les murailles, de Togrul-Beg, s’emparèrent de Cé-
q^ui ont tout le caractère de construc- sarée en 1024; les richesses que conte-
tions byzantines, sont faites en blocage, nait l’église de Saint-Basile furent dis-
avec une alternance de lits de briques; persées ,
et tous les objets d’art furent
le principal édifice a sans doute appar- détruits. On remarquait particulière-
tenu à des thermes, si j’en juge par les ment la châsse du saint, chef-d’œuvre
nombreux conduits d’eau en terre cuite d’orfèvrerie, avec des émaux incrustés
qui sont engagés dans la muraille. de perles; l’historien Mirkhound en a
Au sud des ruines, on voit, entre laissé la description (1). Le trophée le
deux éminences, ou pour mieux dire sur plus recherché des cotiquérants asiati-
la pente de la colline, une dépression ques, les portes, n’échappèrent pas a la
de terrain longue d’environ deux cents rapacité d^Alp-ArsIan; les deux battants
mètres, couverte de gazon, et préparée furent enleves et envoyés au sultan de
eu quelques endroits pour recevoir des Perse. Ou ne peut s’empêcher de se
plantations qui en changeront entière- rappeler l’Écriture sainte, dont toutes
ment la physionomie (1). Il est hors de les traditions se perpétuent en Asie,
doute que ce sont les vestiges de l’an- même chez les musulmans, qui re-
cien cirque de Césarée. Je trouvai aux connaissent aussi l’Ancien Testament;
environs quelquesfragments de marbre, il semble que Samsun, en enlevant
ui furent pour moi comme un indice les portes de Ghaza , ait toujours été
es causes de la destruction totale de le héros modèle de ces conquérants,
ce monument. Que les temples aient qui l’imitent encore après trente siè-
complètement disparu sous la vindicte cles (2).
des'nouveaux chrétiens, cela se conçoit Si l’on en juge par l’état d'ek monu-
d’autant plus qu’ils avaient été plus per- ments, la ville actuelle a été transportée
sécutés pour leur foi nouvelle; mais il au lieu qu’elle occupe aujourd'hui dès
faut attribuer un autre motir à la des- les premiers temps de l’occupation mu-
truction d’un monument qui, au point sulmane. Le château est assez vaste ,
de vue du goût des Cappadociens pour pour offrir uu asile' à un assez grand
tout ce qui tient à l’équitation, devait nombre de familles. Tous les bazars, les
être assez fréquenté. Mais si le marbre khans et les tekés sont groupés à l’en-
était employé dans cet édihce, sa des- tour ; c’est le centre dé la ville musul-
truction s’explique naturellement par mane. défaut de matériaux légers se
l’emploi qu’ont fait les modernes d'une fait sentir dans les constructions qui ne
matière rare en ce pays. Le soubasse- sont pas destinées à une durée ^rpé-
ment d’un ædicule daiis la mosquée de tuelle. Les bazars et les boutiques sont
Houen est en marbre blanc tiré des rui- bâtis eu moellons de laves rénuis par un
nes de la vieille ville. Tout ce qui est mortier d’argile ; le tout est couvert en
en marbre à Césarée provient des 'mo-
numents antiques ; voilà le véritable
(i) Voyez Wiener Zeitschrift f'itr d(i Jahr
tSiS, page 5 ï9.
motif de la disparition de tout ce que
(a) Hiiilièine siecle : les portes dlAo-
les anciens avaient laissé de remar-
cyre ont été enlevées pur Harouii-al-Ha-
quable.
cliyd.
J’ai vainement cherché, dans l’em-
Dixième siècle. : les portes de Somiiiauth
placement de l’ancienne ville, quelques par Mabiuoud le Gbaziiéwide
vestiges de la célèbre église de Saint-Ba- Treizième siècle les portes de la niusquee
:
sile ou de Saint-Mammas; eu un mot, de Curdoiie par les Maures, qui les ont trans
Césarée n’offre à l’observateur aucun portées à Méqiiiuez ;
544 L’UNIVERS.
saintdu nom de Hoiien ; il était com- chesse de décoration a été réservée
pagnon de Hadji-Baïram et fondateur pour la porte et pour le tombeau du
d’un ordre de derviches. C’est au re- fondateur, placé dans une petite cour
tour de la Mecque qu’il donna les plans à l’angle du portique. Cette chapelle
de cette mosquée, dont le caractère u’a ou turbé est élevée sur uu soubassement
pas d’analogue dans l’Asie Mineure, formé par des encorbellemeuts de style
mais qui a des rapports extrêmement arabe, qui n’ont pas de nom dans notre
frappants avec celles de l’Egypte et de architecture ; ils sont engendrés par une
l’Arabie. L’édifice est de forme carrée, suite de polygones dont les projections
entouré d’un mur épais et flanqué de forment une infinité de petites niches
tours circulaires ; une porte d’une rare variées à l'infini, mais toutes soumises à
élégance conduit dans la partie appelée une loi géométrique assez simple.
par les Turcs harem, ou lieu fermé : Les huit faces du tombeau sont for-
c’est le pronaos des anciens temples mées par des arcades ogivales, et les
le cloître des églises chrétiennes. Ce angles sont renforcés par des colonnes
vaste portique a une cour intérieure soutenant un entablement du même
disposée tout à fait comme l’atrium des style que le soubassement; l’édifice est
Romains les arcades sont tant soit peu
; couronné par une pyramide. A côté de
surhaussées en forme de fer à cheval. la mosquée s’élève un medrecé formé
Cet arc dont l’origine a été souvent
, d’une cour intérieure, autour de la-
cherché par les hommes qui s’occupent quelle sont les chambres des étudiants.
de l'histoire des constructions, a été Cet ensemble d’édifices est le seul qui
fréquemment employé en Espagne par ait un caractère monumental.
les khalifes de Cordbue, et se retrouve La population de Césarée se compose
dans l’architecture moderne de tous le de Turcs et d’Arméniens, les familles
pays de Moghreb, le Maroc et l’Al- grecques sont peu nombreuses. D’après
gérie, tandis qu’il est délaissé depuis le un recensement qui se faisait penaant
seizième siècle, dans la Turquie, où il a mon séjour à Césarée pour établir un
été remplacé, soit par l’arc ogival à nouvel impôt on comptait ;
celledu Eont-Euxin et celle d’issus. » laves, sans donner lieu à des éruptions :
Les gouffres ignés que Strabon si- cela tient aux forces élastiques de l’in-
gnale dans (Haine de Césarée n’é-
la térieur du globe, qui trouvent une ré-
taient que conséquence de la nature
la sistance dans la hauteur où elles de-
volcanique de cette montagne qui, dans vraient élever la matière éruptive.
le premier siècle de notre ère, donnait 11 arrive alors que des commotions
encore naissance à des feux souter- terribles fendent les flancs de la mon-
rains. tagne, et les liquides enflammés se font
L’Argée était couvert de forêts où jour par ces fissures pour former, sur
venaient s’approvisionner les habitants les flancs de l’ancien cratère, d’autres
de Césarée, mais non sans courir cer- volcans secondaires. C’est ce qu’on peut
tains risques, le sol delà montagne étant observer sur les flancs de l’Etna, et c’est
susceptible de s’affaisser sous le poids ce qui a eu lieu récemment dans l’érup-
des hommes et des bêtes de somme, tion du Vésuve.
qui tombaient dans des gouffres en- Ce phénomène géologique est bien
flammés; mais ceu.x qui connaissaient apparent au mont Argée; le grand
le pays prenaient les précautions néces- cône s’élève d’une manière régulière;
saires pour éviter ce danger. son .sommet est composé de basaltes,
Au-dessus de la couche ignifère il y de trachytes , et de roches ignées an-
avait uu terrain imbibé d’eau froide, ciennes.
produit sans doute de la foute des Ses flancs supportent une quantité de
neiges, qui entretenait un gazon abon- monticules réguliers qui sont eux-
dant, et les eaux se réunissaient en la- mêmes autant de volcans secondaires
gunes ou marais, d’où il sortait des qui se sont formés quand la hauteur du
flammes pendant la nuit (!}. grand cône a opposé un obstacle à l’é-
Les volcans de Césarée sont, pour ruption des laves par le sommet. Deux
ainsi dire, la limite du grand phéno- de ces volcans secondaires ont formé de
mène de la rupture de l’écorce de la véritables montagnes : c’est Ali dagh
presqu’île d’A sic , qui commence à d'une part et Ilan dagh la montagne ,
L'igilizcd by Gi '
ASIE MINEURE. 647
Slnbou,XII,538.
33 .
,
648 L’ÜNIVERS,
quelles il se livrait au plaisir de la SOU coupc la route de Césarée à Ingé
chasse ; mais le Mêlas ayant rompu ses sou ; il est à peu près praticable pen-
digues inonda une partie du territoire, dant l’été. Son étendue est de huit kilo-
et en grossissant outre mesure le fleuve mètres de l’est à l’ouest et de quatre du
Halys, causa de notables dommages nord au sud.
aux Galates , qui citèrent Ariarathe oe-
vant les Romains, et se firent allouer DE CESAREE A INOÉ SOU.
une indemnité de trois cents talents (1).
La nature des lieux est parfaitement La route de Césarée à Ingé sou suit
d’accord avec le fait mentionné par les pentes du mont Argée, et à douze ki-
Strabon, et les observateurs qui ont visité lomètres de cette ville rencontre le
les bords de l’Halys ont reconnu l’issue grand marais de Saizik engendré par
étroite dont il est fait mention et qui les deux rivières ; de nombreux trou-
peut être fermée par une digue. peaux y paissent pendant l’été, mais il
Les sources memes du Kara sou ou est impraticable quand la fonte des
Mêlas ont été reconnues par M. de Ci- neiges grossit les rivières ; c’est dans ce
vrac dans les collines situées à la base marais que le Mêlas rejoint le Sarim-
septentrionale du mont Argée; l’une sak ; une antique chaussée traversait
sort de terre avec abondance, les autres ce marais c’était la grande route de Cé-
:
lui donne, et après avoir reioint le cours paisseur de la couche de tuf volcanique
de i’Halys, les eaux de ce dernier fleuve qui a quatorze mètres. 11 repose en
étant jaunâtres, les deux courants con- quelques endroits sur un calcaire blanc,
servant leursteintes respectives forment mais pluk généralement sur l’argile.
pendant longtemps une ligne tranchée La ville d’Ingé sou, le filet d'eau, a
très- remarquable (2). A partirdu pontà pris son nom d’un petit cours d’eau
sept arches, le .Mêlas s’engouffre au qui arrose la vallée; elle commande
nord dans une gorge resserrée, qui est tout le districtjusqu’à Urgub; une mos-
sans doute l’issue étroite fermée par quée d’assez belle apparence a été bâtie
Ariarathe, et parcourt un espace deseize par un ancien bey du nom de Sélim :
kilomètres depuis le pont jusqu’à son elledatedu siècle dernier; la population
embouchure dans l’Halys. «ecque paraît être dans l’aisance. Les
Cette embouchure est en ligne droite femmes ont un goût prononcé pour les
lent carcals et qui étaient déjà en u^age on retrouve une région aride et déserte ;
M3 L’UNIVERS.
enfin quelques inscriptions qui me fe- I.a colonne Dikili tash avait en effet
raient reconnaître les premiers fomia- porté une inscription tracée sur un
teurs de ces monuments, qui, certes, petit bloc de marbre incrusté dans le
sont pour la plupart antérieurs à l'épo- fût; malheureusement, une partie de
(jue byzantine. l'inscription est mutilée, et le reste est
Cette colonne est appelée dans le tellement fruste, qu’il m’a été impos-
pays, Dikili tash , c’est-à-dire la pierre sible d’en saisir la moindre partie. En
debout; elle est formée de blocs de quittant le village de Martchiane, je dis
pierre volcanique et porte un chapiteau pour toujours adieu à cette contrée, que
dorique d'assez bon style. Ce monu- je regarde comme renfermant un des
ment est sépulcral comme tous ceux phénomènes naturels les plus curieux
de la vallée d’Urgub, mais il est atte- de toute l'Asie Mineure. Je partais sans
nant au tombeau le plus vaste et le avoir trouvé une explication satisfai-
plus complet que j’aie observé dans les sante des ouvrages prodigieux que je
environs. Le style égyptien domine venais de voir. A quelle ville avaient ap-
dans les dispositions du plan. Devant partenu les générations dont les os sont
le tombeau est une aréa, dans laquelle venus se consumer dans ces lieux dé-
on voit, à droite et à gauche, deux serts? Césaréc est trop éloignée elle est;
masses ou blocs monolithes qui parais- distante de douze lieues en ligne droite;
sent disposés pour supporter des co- d’ailleurs, les nécropoles qui se trouvent
lonnes ou des obélisques mais la partie
; dans les montagnes de l’est paraissent
supérieure est tellement ruinée par l’ac- avoir pleinement satisfait aux besoins
tion lies eaux , qu'il est diflicile de re- de l’époque. Pour hasarder une hypo-
connailre la disposition première. thèse sur le nom encore controversé
La façade du tombeau est ornée de d’Urgub, il me semble qii'e, d'après les
deux colonnes dans le style égyptien distances donnéès d’après les itinéraires,
et de deux pilastres portant des chapi- sa position s’accorde assez bien avec
teaux dans le même caractère. La porte celle d’Osiana, lieu, du reste, assez peu
est en forme de pylône , et l’intérieur connu.
renferme trois sarcophages , placés Un énorme rocher qui s'élève sur un
chacun dans une grande niche; mais plateau a été choisi comme point de réu-
le tout est monolithe. Il n'y a pas de nion de queh|ues maisons qui forment
traces de peinture dans le tombeau. un village, dont le nom est Touzesar. Ce
Tous les ornements peints que j'ai ob- rocher est également percé d’une iufinité
servés ailleurs ne remontent pas au- de grottes sépulcrales; cello qui attire
delà des temps chrétiens. le plus l’attention est une vaste salle
Les seules précautions qu'avaient ornée de colonnes doriques qui suppor-
prises les anciens pour mettre ce tom- tent la voôte; on ne saurait dire si elle
beau à l’abri des outrages des passants, a été creusée pour en faire une église
avaient été île le tailler à une assez ou un tombeau, la forme du plan n’ac-
grande hauteur dans le flanc de la col- cuse aucune de ces deux destinations.
line; mais on ne voit pas de traces de I.’ouvrage parait tout à fait romain; on
clôture (jui en défende l’approche; la n’y remarque ni trace de peinture ni
porte était fermée par nue simple dalle aucun ornement particulier. T.a note
de pierre. jointe à cette localité dans la carte du
Il n'est pas étonnant, ifuand on voit P. Cyrille indique qu’il regardait ces
l'usage si généralement répandu de dé- ruines comme celles d’un palais (I). La
poser les morts dans des hypogées, qu’à carte du P. Cyrille éditée par ce prélat
l’époque critique de la chute du paga- en 1812 est un monument très-rare et
nisme, les Cajipadociens aient trouvé très important de géographie ancienne.
un ample profit à dépouiller les tom- Elle a été tirée à un petit nombre d’exem-
beaux des vieux pai'ens. C’est en vain plaires, pour les seuls souscripteurs, et
que l’on chercherait à compter le il parait qu’aucun exemplaire ne se
nombre de ces sépultures il n'est pas ;
un coin des montagnes de ces vastes (i) AaSupiv6wSci( fliYgol xgii épi'nut na-
régions qui n’en soit criblé. Xaviou.
AS!K MINEURK. 553
se compose d’une grande vallée princi- terre sans secousse. Dans les pays qui
pale, qui vient s’amortir à angle droit renferment quelques débris de iiionu-
contre les collines formant les contre- inents, les fûts de colonnes antiques
forts de la plaine, et communiquant sont généralement employés à cet
dans tout son parcours avec des an- usage. On ne saurait dire combien de
fractuosités qui ne sont autre chose que colonnes ont été détruites pour cette
des vallées secondaires, ébauchées par destination.
la nature , tendant insensiblement à Il semble que toute idée de décora-
s’accroître par l’effet do l’érosion des tion arcbitecturale soit restée étrangère
eaux. A son extrémité sud-ouest, la aux constructeurs de la ville d’Urgub.
grande vallée se bifurque; elle gagne On ne trouve en aucun lieu un monu-
en largeur, et remonte ensuite sur les ment portant la moindre trace de dé-
rues alignées et des places spacieuses porte leur fortune, les habitants d’Ur-
ménagées à de.ssein. Elle est dominée gub ne sentent pas même ce besoin de
la toilette qui est si vif chez tous les
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554 LTJNIVERS.
tance beaucoup moindre. J'attribue mane. Les bases sont très-épatées et
cette mouotouie à l’absence presque affectentla forme attique, celle qui a
complète de chevaux dans l’intérieur de lemieux surmonté toutes les vicissitudes
la ville. qu’ont subies les moulures de toutes les
Les habitants sont divisés en trois époques (l).
classes comme dans toute la Cappadoce.
Les Musulmans sont peu uombreux et CHAPITRE XXXII.
occupent les environs de la place éle-
LA VALLÉE DE KEDREMÉ.
vée qu’on appelle Kalé (le château). La
forteresse , qui défendait Urgub dans Chacun des sites que le voyageur
le moyen âge n’est pas cependant en cet rencontre sur la route offrant en soi-
endroit; elle occupe la crête d'une émi- même un sujet -inépuisable d’observa-
nence du côté du nord. La buse de ses tions, j'aurais voulu recueillir tous les
murailles parait d’une construction qui détails de structure naturelle de cha-
n’est pas éloignée de l’époque romaine. cun des cônes avec tout l’ensemble des
Les Arméniens habitent le quartier monuments qu’ils renferment; mais
nord de la ville ; ils sont plus nom- comment songer, dans un tel pays, à
breux que les Turcs et vivent en assez un travail semblable, sans avoir une ex-
bonne intelligence avec ces derniers. pédition préparée tout exprès? Je laisse
Leur église â peu d’apparence. Pen- ce travail à d'autres, et j’ai dû me bor-
dant mon passage à Lrgub, ils se pré- ner à réunir les sites les plus curieux,
taraient à en faire construire une dans les points de vue les plus inattendus.
fe genre de celle des Grecs. Tous les La vallée de Keurémé, par le grand
habitants d’Urgub sont cultivateurs; ils nombre d’églises taillées dans le roc,
récoltent du blé, des fruits, et culti- la hauteur
et le désordre des cônes qui
vent un .peu de tabac. Les troupeaux la remplissent, passe aux yeux des ha-
fournissent la laine , qui est travaillée bitants pour un des endroits les plus
dans le pays même par les femmes. On célèbres de ces mille et une églhes sur
fait aussi quelques étoffes de coton. lesquelles roulent la plupart des lé-
Les Grecs forment la majeure partie gendes qui se content sous la tente des
de la population. Le caractère de cette nomades ; et vraiment on est en droit
race aiftère essentiellement des Grecs de défendre le voyageur Paul Lucas,
de Smyrne et de la côte occidentale ; il qui, à une époque où la science géolo-
n’y en a pas un qui connaisse la lan- gique était si peu avancée, prit ces
gue grecque, et leurs prêtres même nombreuses pyramides pour des ou-
n’eu font guère usage que dans la li- vrages faits de main d’homme, et toute
turgie. Je considère cette population cette vallée pour remplacement d’une
comme très-mélangée avec la race ar- grande ville détruite; il soupçonna ce-
ménienne, ou même comme des Ar- pendant, à son second voyage, que ce
méniens d’origine, qui sont restés pourrait bien être une nécropole, et re-
fidèles à la religion grecque et ne se vient sur ce sujet pour convaincre les
sont point reunis au schisme d’Euty- incrédules qui avaient accueilli sa pre-
chès. L’église, bâtie par les soins des mière découverte avec toutes les mar-
chrétiens de la communion grecque, a ques de la plus grande défiance , sans
lu forme d’un rectangle, entouré d’un s’inquiéter combien ces doutes étaient
portique de colonnes soutenant des ar- injurieux pour le caractère du voyageur.
cades. Il est impossible de s’éloigner J.ucas s’exprime eu ces termes à sou
davantage de toutes les traditions de second voyage :
l’école byzantine; mais dans ces con- « Je n’ai rien à dire de mon voyage
trées l’art de bâtir est tombé, chez les de Konieh à Césarée, sinon que les
Turcs comme chez les chrétiens, à un maisons pyramidales dont j’ai parlé ail-
degré inouï d’abaissement; il ne reste leurs et dont aucun auteur avant moi,
plus le moindre vestige d’un art na- ni ancien ni moderne, n’a parlé, sont
tional. Les colonnes du portique sont
surmontées de chapiteaux qui se rap- (i) Voyez. 1.1 plaui'iio représentant la ville
encore en bien plus ^rand nombre que Lucas vient d’Angora; il traverse
jene l’avoisdit; et l’on m’assura même l’Halys près du village d’Àvancss (I).
que, de l’autre côté d’une montagne « Nous partîmes de Hadji-Becbtascli a
que l’on me fit apercevoir, il y en avoit onze heures du soir, et cette même nuit
plusdecent mille. Étoit-ce le cimetière nous fûmes attaqués trois fois par des
de la villede Césarée et de tous les en- voleurs. Au lever du soleil, nous en-
virons, ou plutôt une ville d’une cons- trâmes dans Avaness, village sur TEr-
truction particulière, et la seule de cette maq (Kizil Irmak). Dans les monta-
espèce qui soit dans l’univers? Je le gnes auprès de l’Ermaq, on voit partout
demande aux savants. Ce que je sais quantité de grottes. Nous nous repo-
bien, c’est qu’il est difficile de trouver sâmes là une heure; ensuite nous pas-
un monument plus singulier et plus sâmes la rivière à gué. La beauté de ces
inconnu à toute l’Europe que celui-là. grottes m’avoit surpris; mais j’entrai
" Comme cette découverte parut fort dans un étonuement incroyable à la vue
extraordinaire lorsqu’elle fut publiée des monuments antiques que j’aper-
dans mon dernier voyage, la Cour us... de l’autre côté en sortant de l’eau,
donna ordre à M. le comte Desalleurs, e ne puis même y penser à présent
ambassadeur à la Porte, de s’en infor- sans en avoir l’esprit frappé. J’avois fait
mer exactement , et l’on rapporta que déjà beaucoup de voyages, mais je n’a-
la chose étoit non-seulement comme je vois jamais vu ni même entendu parler
l’avois dite dans ma relation, mais que de rien de semblable. Ce sont une quan-
lenombre de ces maisons pyramidales tité prodigieuse de pyramides qui s’é-
que les Turcs appellent des' miuarcts, lèvent les unes plus, les autres moins,
parce qu'elles sont foites en pointes mais toutes faites d'une seule roche et
comme les tours des mosquées, étoient creusées èn dedans de manière qu’il y
en bien plus grand nombre que je ne a plusieurs appartements lesuns sur les
Pavois cru, et qu’il y en avoit plus de autres, une belle porte pour y entrer,
deux cent mille. M. Cherac, consul pour un bel escalier pour y monter, et de
la nation d’Angleterre, reçut le même grandes fenêtres qui èn rendent toutes
ordre, et son information a été conforme les chambres très-éclairées. Enfin, je
acellede M. Desalleurs, ce qui rend la remarquai que la pointe de chaque py-
chose aussi incontestable qu’elle est ramide étoit terminée par quelque
étonnante. » figure.
C’était la seconde fois que le voya- « Je rêvai longtemps sur la structure
geur français venait dans ce pays. L’u- et principalement sur l’usage que l’on
sage était alorsde considérer comme des pouvoir avoir fait de tant de pyramides,
voleurs tous les paysans que l’on ren- car il n’y en avoit pas pour deux ou
contrait, etleur paisible allure n’était trois cents, mais plus de deux mille de
aux yeux dep voyageurs prévenus que suite à quelque distance les unes des
le signe manifeste de la terreur ins- autres. Je crus d’abord que ce pouvoir
pirée par la caravane armée jusqu’aux être la demeure de quelques anciens er-
dents. Tournefort n’est pas exempt de mites, et ce qui m’en donnoit la pen-
cette faiblesse,mais il est moins mata- sée , c’est qu’au haut je voïuis ou des
more que notre ami Lucas. Celui-ci, capuchons, ou des bonnets à la mode
malgré sa bravoure , redoute d’appro- des papas grecs, ou même des femmes
cher des vallées d’Urgub, afin de con- qui portoient un enfant entre les bras,
sidérer de près cette ville incroyable. et que je pris tout d’uii coup pour des
Les contes qu’il recueille sont encore images de la Vierge A travers les
répandus parmi les paysans de nos murailles, je vis comme des restes d’an-
jours.J’aime mieux remettre sous les ciens portraits, de sorte qu’il sembloit
yeux du lecteur le récit naïf du voya- qu’il y eût eu des peintures, mais cela
geur, en certifiant qu’il ne diffère de étoit trop effacé pour y rien connoî-
Pexacte vérité que par l’exagération si tre. »
naturelle et si permise à un homme qui La crainte d’une attaque de la part
n’abordait ces contrées qu’a travers
mille difficultés. (i) Tome I, p. 157, éd. 171a.
566 L’UNIVERS.
ses yeux. » Il porte à vingt mille le Aux abords des terrains cultivables,
nombre de cônes qui se trouvent dans on commence à trouver quelques
ces vallées. « Ou en voit h perte de groupes d’habitations,
car on peut à
vue, h peu près comme de grandes quilles peine donner à ces endroits le nom de
que l’on auroit arrangées à plaisir. » village.
Cette e.xpression rend assez bien l’effet Le hameau de Klartchiannc est un des
que produit la partie de la vallée Keu- plus intéressants comme beauté des li-
rémé. gnes et sévérité du site, et en même
Depuis Paul I.ucas jusqu’à l’époque temps comme le plus propre à donner
de mon voyage, je ne sache pas qu’un une idée de la counexion des deux ter-
écrivain européen ait rien publié tou- rains ponceux et volcanique, car il se
chant les cônes d’ürguh; aussi, ce pas- trouve positivement à cheval surla ligne
sage du livre de Lucas reste-t-il comme de démarcation.
uu témoignage des mille fables qu’il a I.a colline de laves de fusion, à gau-
débitées, l’effet que produisit son rap- che, est composée de blocs juxtaposés,
port n’étant pas affaibli après un siècle mais tous détachés les uns des autres
et demi. l a nouvelle de cette décou- par des fissures, suite du retrait de la
verte rencontra en France beaucoup roche. Les montagnes noires qui occu-
d’incrédules; les gens envieux de Lucas pent le dernier plan sont composées de
avaient saisi cette occasion pour l’atta- tufs et de laves remaniées par les érup-
iicr près de M
de Pontchartrain, et tions ; mais, dans toute la vallée d’Ur-
emandaient qu’on leur donnât la sub- gub, on ne rencontre |lSs un atome de
vention de Lucas pour aller constater pierre traebylique ces deux formations
:
l’authenticité de .sa relation. Ils faisaient sont tout à fait distinctes. Il me sérail
publier, dans le Mercure du teinjis, des difficile d’établir des bases certaines
articles dans lesquels le voyageur était pour décider laquelle des deux forma-
peint comme un inutile touriste, et tions est la plus ancienne. C’est une
allaientjusqu’à dire que ses voyages question qui ne peut être résolue qu’a-
n’étaient ([ue lefruit de son imagina- près une étude plus complète du terrain
tion. D’autresvoyageurs furent en effet ponceux, et après qu’on aura déterminé
envoyés, mais leur relation ne parut ja- son périmètre.
mais. Les cônes du village de Martchianne
sortent, par leur disposition, de la loi
CHAPITRE XXXIII. générale que j’ai signalée pourloutes les
autres vallées. Ces cônes, en effet, ne sc
VILLAGE DE MAHTCHIANNE. trouvent point encaissés dans une vallée
étroite, ils sont répandus sur une sur-
La confusion inextricable qui existe face assez étendue et se prolongent pres-
dans la formation de la vallée centrale, que jusqu’au village de Touzesar.
ne se rencontre pas dans les extrémités, L’un de ces cônes renferme une
où les cônes ayantsubi, depuis une plus grande chapelle sépulcrale qui est en-
longue période , l’action des éléments, core dans un état parfait de conserva-
ont ac(|uis une hauteur plus considéra- tion.
ble; il y en a qui s’élèvent jusqu’à deux [,p plafond est orné d’une croix en
relief, avec un demi-cercle qui est tan-
(i) Tome I, p. i6o, 171». gent aux bras et à la tête de la croix ; le
ASIK MINEURE. S57
solde la chambre est creusé , et ren- rique est d’une forme correcte ; il y a
ferme six sarcophages disposas paral- une petite palniette sculptée au-dessous
lèlement ; ils étaient recouverts de dalles de abaque. Cette colonne a toujours
I
de pierre et ne gênaient en rien le ser- été isolée et ne fait point partie d’un
vice de la chapelle. On n’y découvre monument plus considérable ; elle a
aucune trace d'inscription.” tous les caractères d’un monument fu-
En remontant vers l’ouest, sur le nèbre peut-être a-t-elle été élevée sur
:
phiteau voisin, on aperçoit au loin une un caveau qui est encore intact (i).
colonne isolée : c’est le monument que Le tombeau voisin taillé daus le roc,
les habitants appellent Dikili tascli. en contre-bas de la colonne est un ou-
vrage beaucoup plus étendu que tous
CHAPITRE XXXIV. ceux que J’ai décrits On a saisi cet em-
^
placement parce que la roche présente
BIKILI TASCH, MONUMENT SÉPUL- un plus grand degré de dureté.
CBAL. Un atrium à ciel ouvert précède l'en-
trée du tombeau. On remarque quatre
Un ravin qui conduit du haut du blocs aujourd’hui informes , mais mo-
plateau vers le ffhid île la vallée est le nolithes avec le rocher, dont la de.stiua-
seul chemin praticable; partout ail» tion peut être expliquée de plusieurs
leurs il faudrait se diriger de rocher en maniérés ils peuvent avoir servi de
;
qui porterait à six le nombre des per- est graude et d’une architecture mo-
sonnes qui peuvent y avoir été inhu- derne qui ne manque pas d'élégance,
mées. Tout ce monument, quoique sans mais elle ne saurait être comparé à la
ornement, est sculpté avec une pureté nouvelle église d’Urgub.
de ciseau remarquable; les formes Vers 1763, Ibrahim Damat, pacha,
lourdes accusent un ouvrage tout à fait fit bâtir à Nemclteher une mosquée as-
asiatique; mais pour en déterminer l’é- sez importante, afin d’y réunir un
les moyens de critique
poque précise, noyau de population musulmane. Ce
manquent absolument, car on ne peut fut toujours le souci des beys ou gou-
pas même, comme pour la plupart des verneurs musulmans, d’inspirer aux
autres monuments, citer les analogues. populations nomades le goût de la vie
sédentaire; car il n’y a que ce moyen
CHAPITRE XXXV. de pouvoir compter sur la rentrée ré-
gulière de l’impôt. Les plus habiles
NEMCHEHEB ( 1 ). sont parvenus à leurs tins, et l’on cite
plusieurs petites villes qui doivent leur
Dès que l’on est remonié sur le pla- existence à la politique bien entendue
teau qui entoure la vallée d’Urgub, de quelques beys.
toute la contrée se présente sous un La mosquée a un dôme et un mina-
aspect moins sauvage. Il semble que ret; elle est bâtie sur le modèle de celle
cette nature si extraordinaire ne s’est de Sélim l" à Constantinople. Dans la
offerte aux regards que comme un ef- partie sud de la ville, qui tout entière
fet de mirage. Le nivellement des ter- occupe le point d’intersection de deux
rains indique parfaitement la marche grandes vallées, une colline élevée,
qu’a suivie la génération des cônes. La couronnée par un château, domine les
composition particulière de la roche a habitations, qui s’étendent dans tout le
contribué à former ces vallées auxquel- pourtour. Le nom de Nemcheher lui a
les les Grecs donnent le nom de Pha- été donné par les Turcs; mais les Grecs
ran^æ (2), qui exprime assez bien leur lui conservent celui de Nyssa , qu’elle
origine. Au delà de Touzesar, les ter- avait dans l’antiquité; et l’êvêque, avec
rains volcaniques ne cessent pas de cou- qui j’eus de longues conférences tou-
vrir la surface du sol, mais les ponces chant la géographie ancienne de la Cap-
ont tout à fait disparu. Ou voit des col- padoce, me confirma dans l’opinion
lines à peine ondulées et tout à fait que la Nyssa de l’Itinéraire d’Antonin
incultes se prolonger vers l’ouest, elles était en cet endroit. Il faut avouer que
indiquent le cours du Kizil-Irmak, qui l’on trouve peu de traces de monuments
atteint le point le plus méridional de antiques dans cette petite ville ; mais
son parcours au village d’Avaness, re- les environs sont riches en monuments
nommé par ses carrières de pierres à troglodytes; et un petit village des en-
bâtir, qui sont toutes formées de ponces virons, que l’on appelle Nar, offre un
dures. Poursuivant ma route vere Nem- grand nombre de sépultures.
cheher, la ville la plus importante de Je ne serais pas étonné que plus tard
ce canton, j’y arrivai après cinq heures on ne parvînt à constater l’identité entre
de marche. Nar et Nyssa il
:
y a à peine deux
La population de cette petite ville milles de distance entre les deux places;
est composée presque entièrement de cette différence est inappréciable au
familles grecques sous la juridiction point de vue des itinéraires anciens. 1^
d’un évêque ; c est un des sièges les plus population grecque de Nyssa se serait
importants de la Cappadoeê. L’église transportée dans la nouvelle Nemcheher
vers fa fin du douzième siècle, quand
l’autorité des princes seldjoukides aura
(i) 1.CS habitants disent Nemchelier, 11a-
niiton Neiiikcheher, Ainswoi tli Neweheber,
pu donner un peu de repos à ces con-
liarlbNefchrbcr; la carte de Cyrille Neoi- trées.
rbidier, c’e.st je pense, le vrai nom de cette L’évêque m’invita à assisler à une cé-
ville. rémonie qui devait avoir lieu le 24 août
(a) Excavation, abime. 1834. Un grand nombre de chrétiens
- .
O O/
,
glise grec(|uc, dans cette modeste église, verdâtre est tout à fait semblable au
et au milieu d’une population turque, jade. I.e père Cyrille fait observer dans
me parurent encore plus solennelles. une note que,
le balgami des environs
Tout en rendant justice à l’esprit de de Nemcheher et de Sinason est de dif-
tolérance du gouvernement d’alors je ,
férentes couleurs, ’Ex tCiv -Ipif Titipo)-»,
ne pouvais m’empêcher de reconnaître SouXtuETott tb MTEiX-faii.! 3i*;pôp«üv xp<^-
que l’Église grecque s’appuie sur un piiTuiv. Ce de Sinason passe,
village
protecteur caché , devant lequel s’in- parmi les Grecs, pour être l’ancienne
cline le front même du sultan. métropole de Sasimes, où Grégoire de
L’évêque me donna de nouveaux Kazianze fut évêque. On y trouve quel-
renseignements sur la ville ruinée de ques ruines byzantines et des grottes
Kazianze et sur la localité de Mimi
, taillées dans le roc.
sou , dont le nom semble emprunté à Plus on avance vers le sud, plus le
la langue turque , mais qui n’est en pays paraît inculte et désert. Le relief
réalité qu’une altération presque insen- du terrain présente des ondulations
sible du nom de Momoasson, de l’itiné- mal coordonnées pour la formation des
raire, de .lérusalem, petite ville située cours d’eau ; les eaux s’épanchent et se
entre Naziaiize et Archelaïs, et dans le perdent en mille petits ruisseaux qui ,
fes chaleurs de l’été sa surface diminue pendant une heure, sont bas et maréca-
considérablement. Les Turcs l’appel- geux. Koch hissar au contraire est cons-
lent Touzgheul,le lac salé. Le sel qu’on truit sur une éminence et coiniuaude
en extrait est du chlorure de sodium toute la plaine et le lac. M. Hamiltoii
très-pur, qui peut sans aucune autre our atteindre le rivage fit encore dix
préparation être livré au commerce. Il ilomètres jusqu’à la chaussée qui tra-
ne sort aucune rivière de ce marais; verse le lac de part en part dans la di-
il reçoit au contraire plusieurs petits rection de l’est à l’ouest; c’était sans
cours d’eau", et l’on peut constater une doute un tronçon de la grande roule
fois de plus ce fait géologique, que tous qui allait de DÔrylée à Iconium, et qui
les lacs intérieurs n’ayaut aucune com- est marquée dans l’Itinéraire d’Antonin.
munication avec l’Océan, sont de véri- Les habitants en attribuent la créjition
tables mers, et sont nécessairement sa- au sultan Sélim Rf; elle n’est soumise a
lés, tandis que les lacs qui donnent nais- aucun entretien et dans les hautes eaux
sance à des rivières sont d’eau douce. elle est entièrement submergée et tout
à fait impraticable. Le fond du lac n’csi
(i) Les églises, selon le P. Cyrille, oui été pas à plus d’un demi-mètre en con-
bâties par Jean ZImiscès en 970. tre-bas.
ASIE MINEURE. Afii
Toutes les pierres qui sont au-dessus ment volcanique, qui commence a
du niveau de l'eau sont couvertes d'une Smyme, traverse la Catacécaumène, re-
croûte de sel très-blanc; mais celui paraît à Kara hissar, et vient aboutir au
qu’on exploite sur les bords est mêlé mont Argée. Les géologues ont reconnu
d’argile et a une couleur rouge de partiellement ces deux formations dans
brique. de nombreuses localités, et c’est aujour-
La forme du lac est très-irrégulière et d’hui un fait acquis dans la constiiu-
change, pour ainsi dire, selon la saison. tion géologique de l’Asie occidentale.
Son grand axe dirigé du nord-ouest au
sud-est a seize kilomètres environ de CHAPITRE XXXVll.
longueur; sa plus grande largeur n’a pas
plus de cinq kilomètres. PBÉFECTURE DE GABS4VRITIS.
Les règlements pour l’exploitation SOATBA. SOANDUS. —
du sel ont beaucoup varié dans l’espace
de quelques années il fut d’aboro af-
: L’eau est rare dans la province,
si
fermé à des particuliers au dixième du que les habitants n’ont d’autre res-
revenu ; plus tard, il fut mis entre les source que des puits d’une profondeur
mains du pacha de Konieh moyennant considérable (t). Ce caractère du pays
une redevance de quatorze mille pias- 'est appliqué spécialement par Slraltôn
tres. I.e pacha d’Angora en a joui pen- à la Lycaonie et à la Garsauritis. On
dant quelques années; mais tous ces peut donc en inférer que la frontière
droits n’augmentent guère le prix réel occidentale de la préfecture de Cilicic
du sel, qui se vend sur les marchés du se trouve entre Nemcheher et Méléhubi.
centre au prix de dix paras Toque. Sur ün remarque dans ce dernier village
place il ne se pèse même pas, on le vend un puits dont ia construction remonte
à la charge; une piastre pour une voi- certainement à une très-haute antiquité,
ture à deux colliers, dix paras pour un car il serait au-dessus des forces de cette
cheval , et six paras (t ) pour nu âne ; aussi misérable population d’en creuser un
les habitants font-ils un grand usage pareil il est carré, a trois mètres de
:
éclairées par des fenêtres de dimension centrique gui peut lutter avec ce que
moyenne. l’imagination des sauvages de la mer
Des restes d’aqueducs et les ruines du Sud a inventé de plus bizarre.
d’une seconde église byzantine, taillée La coiffure des femmes d’In-Eughi
presque entièrement d'ans le roc, té- cousiste en un bonnet en tormc de cas-
moignent que cette vallée a nourri une que, armé de deux grandes cornes,
population assez nombreuse. D’après la formant un croissant complet; ce bon-
disposition des lieux , il est facile de se net est en outre orné d’oripeaux et de
rendre compte de l’extrême difficulté verroteries suspendues aux cornes et
qu’éprouvait une armée dMnvasion pour autour de la coiffe. Un rabat de soie
^emparer d’une place si facile à dé- noire est accroché derrière le bonnet et
fendre. Le stratagème dont Antiochus ead jusqu’aux jarrets; il est orné de
fit usage devenait un des moyens les
ordures gauffrees et d’une multitude
plus assurés de succès (1). On trouve de petits émaux , comme les chemises
dans les itinéraires deux places du nom des momies égyptiennes ; un rabat sem-
de Soandus ou Soanda l’une sur la
: blable est noué sous le menton , et va
route de Tavium à Césarée dont l’em-,
passer dans la ceinture, qui est ordinai-
placement n’est point connu, et l’autre rement composée de deux grosses pla-
placée sur la route directe de Laodicée ques d’argent ; le tablier est en drap
a Césarée (2), position qui correspond brodé de différentes couleurs; la tu-
parfaitement à celle de Soanli aéré, nique ou robe de dessus est rouge avec
opinion émise d’abord par M. Uamilton de grands parements en soie bleue ; un
et qui paraît tout à fait conforme à la charvar, pantalon blanc et brodé et des
vérité. babouches jaunes complètent le cos-
tume (1). Je décris là rhabillement des
CHAPITRE XXXVin. femmes que je voyais travailler aux
champs lier les gerbes et les charger
,
566 i;UNIVKRS.
autour :c'est en effet le genre de sé- tente,que je regrettais de n’avoir un
pulture le plus usité à l’époque l.i peu de temps à consacrer à l’élude de
plus florissante de la civilisation hellé- demi-nomade, soumise ainsi à
cette vie
nique. des conditions qui nous paraissent con-
Tant de monuments divers, cha- traires à toute administration régulière.
pelles, églises, tombeaux et citadelles, La ville désertée ne touche plus d’oc-
présentent des systèmes de construc- troi, ou du moins tant de moyens faciles
tion trop disparates pour être l’ouvrage se présentent à l’habitant pour s’y sous-
il’une même période de cixilisatiou. Il y traire, que le trésor du gouverneur sc
aurait a examiner si ces ruines ne peu- trouverait fort amoindri, s'il n’inveii-
vent pas dater de l’époque où les rois tait des moyens, la plupart du temps
de Cilicie gouvernaient la contrée ; il illégaux , pour rétablir réquilibre. Le
faudrait préalablement , pour résoudre gouverneur, soit mutzellim, -soit pacha,
cette question, des plans et des dessins n’est payé que sur les rentrées qu’il se
de tous ces monuments. procure, et sur lesquelles il remet au
L’itinéraire de Jérusalem place Ar- gouvernement la reilevaiice des impôts
chelaïs à XXIV. M. P. de ^azianze, et publics dont la quotité est fixée chaque
Andabilis à XL. M. P. de cette der- année au ba'iram. L’impôt se perçoit,
nière ville ; ces distances sont parfaite- dans les villes à demi nomades, sur
ment conformes aux positions resjiec- toutes les marchandises importées par
tives des trois endroits précités. Ak caravane, sur les fruits des cultures ;
serai, dépeuplée au commencement du toute terre qui n’est pas mise en pro-
seizième siècle, reçut cependant de nou- duit ne p.iye rien ; enfin sur les troii-
veattx habitants dans l’enceinte de ses ieaux, qui sont enregistrés par le kya-
murailles. De nombreux monuments flia, chaque tête de bétail payant une
musulmans, aujourd’hui en ruine, sont somme déterminée qui ne dépasse p.".s
là pour attester que cette place tint un une demi-piastre. La vente des laines,
rang distingué parmi les petites villes des peaux de chèvres et de bœufs, est
de la Cappadoce musulmane. Les cons- aussi soumise à un tarif. Le nitre, qui
tructions qu’tn y observe ont beaucoup s’exploite dans toute lu province, e.st
d'analogie avec les mosquées en ruine une régie du gouvernement ; mais le sel
d’Aïasalouk, qui remplaça Épbèse, gemme, ou le sel tiré des eaux du lac salé,
c'est-à-dire qu’elles peuvent être attri- ne doit au gouvernement que la dîme
buées à un de ces émirs, compagnons en nature, comme les salines qui sont
de Saronkban, qui capitulèrent avec situces sur le bord de la mer. Le tabac,
les sultans, et conservèrent dans leurs dont l’usage est général, ne paye qu’un
familles quelques débris du pouvoir droit modère, qui ne dépasse p;is une
dont les Seidjoukides avaient été dé- demi-piastre par kilogramme.
possédés. Le culte, dans les provinces, s’entre-
La plupart des édifices importants tient par hii-niême comme dans les
sont réunis sur une éminence qui oc- grandes villes. Les mosquées possèdent
cupe le centre delà ville. Des mosquées, des vvakoufs, des biens inaliénables,
décorées dans le style arabe, un nié- dont les re.'tenus servent à payer les
drecé, plusieurs tombeaux ou turbés, desservants iiiians, muezzin et soflas.
et des bains, mériteraient d’attirer l’at- Souvent la portion do revenu du vra-
tention de l’artiste. kouf d’un territoire a été affectée eu
Pendant les trois quarts de l’année, piastres par le fondateur : tel établis-
les habitants demeurent campés dans sement religieux était dans l’origine
e^t tombée à la valeur de viu{^t cen- une prtie de l’année. Aussi un lac mh-
times, le para vaut un demi-centime, et sin de Tyane, qui, par une cause natu-
l’aspre (la vingtième partie du para) relle, ne se trouve pas soumis à cette loi
n’est plus qu’une valeur inappréciable. générale, a été chez les anciens regardé
Les janissaires, dans l’origine, avaient comme un bassin privilégié, et comme
une solde lixe de trois aspres par jour. tel, consacré à Jupiter.
On conçoit uue, dans ces provinces, le Dans l’état normal, c’est-à-dire quand
clergé musulman, qui depuis bien long- l’hiver n’a pas accumulé sur les monts
temps ne reçoit plus de wakoufs nou- uue masse de neige inaccoutumée, les
veaux, ni de terres conquises, soit ré- petits ruisseaux sont a sec dès le mois
duit à un état de pauvreté extrême; les d’août. Passé ce temps, les habitants
donations volontaires sont aujourd’hui n’ont plus que les ressources des citernes
presque nulles ; et les revenus des bains, et des puits.
des bazars et des caravanséraïs , qui Plus on approche des montagnes du
en temps ordinaire pouvaient compter sud, plus on voit diminuer l’épaisseur
pour quelque chose, sont tout à fait an- de la couche terrestre qui recouvre la
nulés, quand toute la population va cou- nappe d'eau souterraine. Les soixante-
cher sous la tente. six mètres du puits de Méiéhubi se ré-
I.e clergé turc ne recevant aucun duisent à trois ou quatre aux approches
traitement de l’État, il fallait, pour les deNigdé; aussi dans toute cette région
mosquées à élever, qu'un édit Gxât la le système usité pour puiser de l’eau est-
position des desservants. D après une il lé même que celui qui est employé
décision des oulémas, nul village ne dans les champs de France et d’Italie,
peut élever un mesjid (chapelle), ou un une perche fixée sur un poteau de ma-
djami (mosquée à minaret), s’il n’a nière à former une bascule; la corde est
réalablement constitué une rente sur remplacée par un long sarment de vi-
iens-fonds, pour le payement du per- gne. Cette diminution de la croûte ter-
sonnel du clergé. restre. indique que la prise d’eau, c’est-
Quelques ondulations de terrain au à-dire l'affleurement des couches per-
sud de la plaine de Méiéhubi sont les méables du sol, se trouve à la base du
seuls indices d’une frontière entre la Taurus, et, si elle suit la conformation
préfecture de Garsauritis et celle de présumée des terrains, la nappe d’eau
Tyane. On conçoit qu’il serait dificilede passe sous la couche volcanique, peut-
déterminer plus positivement une ligne être sous le lit de l’Halys, et va se pro-
de démarcation, qui, chez les anciens, longer Jusqu’à la ligne des terrains cal-
est toujours restée arbitraire. caires, dans le royaume de Pont, où
elle donne naissance à une multitude de
CHAPITRE XL. petits ruisseaux qui prennent leur cours
vers l’Halys. Le lac près de Tyane, qui
PBBFECTUBE DE TYARITIS. a un écouiement souterrain. Joue le rôle
d’un entonnoir avec un puits d'absorp-
La physionomie générale de cette tion. Ce système des eaux de la Cappa-
suite de plateaux parait d’autant plus doce me semble si clair, que je ne sau-
singulière à un observateur européen, rais mettre en doute le succès du forage
que par leur conformation les vallées des puits artésiens dans toute cette con-
ne paraissent pas être la conséquence trée.
des soulèvements qui ont exhaussé le Quand même le terrain argileux t|ui
terrain à mille mètres au-dessus du ni- forme des affieurements dans le nord,
veau de mer, mais semblent devoir
la depuis Youzgatt Jusqu'au delà de Son-
leur origine à des cours d’eau formés gourlou, ne se prolongerait pas sous le
par les pluies et les fontes des neiges. sol dans toute l’étendue du plateau,
Ces torrents temporaires vont se perdre nous avons vu combien les couches vol-
dans une multitude de bassins parti- caniques sont coordonnées d’une ma-
culiers, formant des lacs d’une étendue nière régulière ; tantôt des terrains tuf-
médiocre, sujets à diminuer, ou même facés, tantôt des laves de fusion. En
à se dessécher complètement pendant l’absence d’une couche imperméable
568 I-’UNIVKRS.
bétail est encore uombreuK; mais l’é- nu portique, avec des colonnes de mar-
lève des chevaux exige trop de soins et bre blanc et des chapiteaux arabes, sup-
d’avances pour que les habitants puis- portant des arcades mauresques. La
sent se livrera cette branche de l’indus- porte, disposée comme celle de la mos-
trie agricole. quée de Césarée, est surmontée d’une
Les eaux de toutes les sources réu- niche en pendentif, couronnée d’encor-
nies en un seul cours forment le ruis- bellements ornés de coques. L’intérieur
seau qui passe à Nigdé, capitale du sand- est occupé par une cour carrée ayant
jah ou district du même nom. sur chacun de ses côtés un portique
de trois arcades qui communiquent à
CHAPITRE XLI. autant de chambres pour les softas. La
décoration intérieure se compose de
NIGDK. méandres ou bâtons rompus, comme le
couronnement du tombeau de Houen.
N igdé a été longtemps regardée comme Une frise d’ornements très-élégants
ayant succédé à l’ancienne Tyane. La règne sous le portique , au rez-de-
distance entre ces deux villes est seu- chaussée et au premier étage.
lement de 12 kilomètres; on compte L’histoire de Nigdé se rattache à celle
sur les cartes anciennes seize milles delà plupart des petites villes de ces
d’Andavilis à Tyane. Nigdé est à trois cantons, qui formaient le chef-lieu des
milles sud-ouest de la première de ces possessions de tous ces émirs, tantôt ré-
places. On n’observe dans l’enceinte voltés et indépendants, tantôt soumis
de Nigdé aucun débris d’architecture aux sultans turcs ou seidjoukides. I.e
antique , tandis que les monuments mu- château offrait un refuge assuré aux
sulmans y sont nombreux , et d’après le chefs qui cherchaient à se soustraire à
style on peut les regarder comme con- l’autorité des sultans. En 1460, Issak
temporains de ceux que nous avons dé- Pacha, gouverneur de la Caramanie
crits, c’est-à-dire delà période du trei- pour Mahomet II, Ut construire les
zième au quinzième siècle. murailles de la ville et tenta d’établir
,
de 20 paras par jour (12 centimes et Malgré son titre de capitale d’un dis-
deini ), vont épeler le Coran, pour le trict considérable, Tyane ne fut dans
redireensuite sur les tombes des grands, l’antiquité qu’une place forte de second
seule fonction dont la plupart des softas ordre, que relevait à peine le culte de
soient aujourd’hui capables. Les plus Jupiter Asmabéeu; aussi est-elle briè-
savants d^entre les docteurs étaient ap- vement mentionnée par Strabou, qui
pelés des extrémités de l’Islam ; Uukara, rappelle en même temps un des ou-
Kachan , Bagdad , envoyaient dans les vrages attribués à Sémiramis, la chaus-
provinces occidentales des oïdémas qui sée qui traversait la Cappadoce, et dont
venaient expliquer la loi, et dont la pa- les restes apparaissent sans doute dans
role ardente savait prédire la victoire. les marais de Kara sou. Depuis que la
Aujourd’hui, dans tout l’empire otto- position de Tyane est bien déterminée,
man, on ne cite pas un seul homme I est une foule de questions de géogra-
auquel la science donne la moindre au- phie ancienne qui se trouvent résolues;
torité. Le corps des oulémas, sapé par il est hors de doute aujourd’hui que la
Tiuiiis. Le nom de Dana lui vient, selon des maisons modernes. Le chaos qui
.Arrien(l), du nom de Tlioas, roi des existe aux alentours , les hlocs de pierre
Scythes, qui eu fut le fondateur, et qui appartenant à des édifices divers, les
iVppela Thoaiia. constructions de toutes les époques, ac-
Oéja , dans son foijaye en Asie, le cumulées et ruinées tour à tour, dérou-
colonel Leake avait fixé la position de tent un peu les recherches de l’anti-
ïvaue à trois milles sud de Nigdé, près quaire pour retrouver la citerne ou le
du village de Keteli hissar. La carte du château d’eau qui servait de réservoir
père Cyrille, quoique dénuée de toute antique, et qui, a en juger par la hau-
certitude sous le rapjiort des positions, teur des arches, devait être situé dans
m’a guidé d’uue manière infaillible dans la partie supérieure de la colline, afin
l’exploration de cette place, dont le ter- que tous les quartiers de la ville pus-
ritoire est occupé par deux petits vil- sent jouir également de la distribution
lages, l'un du nom de Klissesar ( sans de l’eau. Mais cette construction, ca-
doute le Ketch hissar du colouel chée sans doute par des décombres, est
Leake ), indiquant un souvenir de mé- aujourd’hui ignorée des habitants , et
tropole ecclésiastique (2), l’autre ap- à côté de l’imposante ruine coule au-
pelé Iphtyankas ,
situé au centre même jourd'hui le ruisseau, qui serpente sous
des ruines, et dans lequel ou retrouve des bnis-sons A'agnus castus l’arbre
tout le nom de Tyane. La occupe
ville dédié à Junou.
le versant nord d’une colline calcaire et Kn suivant l’aqueduc dans la direc-
une partie de la vallée attenante. On tion du nord-est, qui est celle de la
ne reconnaît que de faibles vestiges des prise d’eau, la hauteur des piles diminue
murailles et de l’acropole; mais uue rapidement, et bientôt le canal seul ser-
imposante ligne d’arcades, bâties en pente sur le penchant des collines ro-
grands blocs de pierre calcaire à bos- cailleuses. On le jierd de temps à autre ;
sages, se dessine sur l’azur du ciel et mais son parcours est si bien indiqué,
sur la verdure de peupliers plantés près qu’il serait possible d’en tracer la carte
d’un ruisseau c’est l’aqueduc qui al-
; sans la moindre erreur. L’eau était
lait prendre à deux milles de là les eaux fournie par une source, très-remar-
d’une source abondante, pour les porter quable dans ces régions desséchées, qui
à Tyane. Il reste eucore environ cin- sort du calcaire grossier, et forme un
quante arcades debout-, et Tou suit sans bassin de quarante ou cinquante mètres
interruption la ligne des canaux jusqu’à de longueur. Cette eau ne tarit jamais.
la source ancienne. Les arebes voisines On voit près du bassin quelques frag-
de là ville sont supportées par des pieds- ments taillés , qui peuvent avoir appar-
droits qui ont de sept à huit mètres jus- tenu à un Nymphée, et aujourd’hui ils
qu’à la hauteur de l’imposte. L’ouver- servent à former une digue pour ex-
ture de l’arcade est de 3™ô0', et la lar- hausser le niveau des eaux.
geur des piles l"' 20'. L’archivolte, Je u’ai pas visité les grottes sépul-
dont l’épaisseur est de O"* 60', ne porte crales situées à quelque distance de
pas de moulures ,
et est composée de cette source, sur la routede Bor. Tant
neuf voussoirs. Une assise réglée , de de monuments de ce genre m’avaient
0"' âO' d’epaisseur,
supporte le con- passé sous les yeux, qu’il fallait un
duit, dont la construction ne diffère motif impérieux pour me décider à en-
en rien de celle des autres aqueducs treprendre une excursion dans ce but,
connus. Les arches les plus élevées et et, d’après les renseignements que l’on
les mieux conservées sont dans le voi- me donna , elles ne doivent présenter
sinage immédiat de la ville ; il
y en a aucune particularité qui n’ait été ob-
quelques-unes auxquelles on a adossé servée dans les autres grottes. J’ai ce-
pendant regretté de ne pas être en me-
(0 Pcripl. Eux., p. 6. sure de faire cette excursion, pour
(ï) Kn tous 1rs villages nommes
'l'iirqiiie. m’assurer si elles sont, en effet, tail-
hilicé keiii, Kilicé hissar, L’Ich kilicé. lées dans de la roche calcaire. Nul ha-
Ile., ont pris ce nom d’une église nioiiu- bitant nu fut en état de me le dire et,
572 L’IJMVEllS.
se tait à ce sujet. J'ai lieu de supposer n’auraient pas pu résister à une se-
que les grottes voisines de ïyane sont cousse de tremblement de terre. Lue
comme toutes celles de Cappadoce, seule colonne est aujourd’hui debout:
taillées dans le tuf volcanique , et je ne elle est d’ordre dorique, de 7“ 15' de
pense pas que Jamais cc peuple ait hauteur, cannelée à la grecque, c’est-à-
dérogé à une méthode si antique. Ré- dire que les cannelures sont peu évi-
ciproquement, dans les contrées où dées , et séparées par des filets très-
l'usage fut de consacrer les rochers cal- étroits. Le filt est composé de quatre
caires à recevoir les sépultures, comme blocs, et la colonne a une base; un sou-
dans la province d’Aniasie et dans la bassement continu supporte la colon-
Lycie, toutes les roches d'une nature nade, dont on retrouve de nombreux
différente sont toujours restées sans fragments dans les maisons voisines,
emploi. Il que dans le Taurus
est vrai qui empêchent de reconnaître la moindre
et dans l'OIgassus, a côté du calcaire, partie du plan de l’édifice.
on ne trouve que de la serpentine et Il reste cependant chez les habitants
des schistes d'un travail plus ou moins une tradition qui attribue à ces pierres
difficile. la vertu merveilleuse de guérir de la
Parmi les débris de monuments dont fièvre ( I ).
est couvert le sol de l'ancienne ville Les autres édifices ne présentent qu'un
on ne reconnaît aucun fragment de monceau de décombres ; mais le peu
roches volcaniques; mais les variétés de fragments sculptés que l’on rencontre
de calcaire y sont nombreuses. J'ai ob- prouve que l’ornementation des édifices
servé, 1“ un marbre blanc cristallin et était soumise à des règles sévères (jui
d'une qualité médiocre, dont les car- rappellent le style grec. En effet , nous
rières sont situées au nord-est de la apprenons par Philostrate que la popu-
ville , selon la earte grecque ; 2® un cal- lation de Tyane était composée de Grecs.
caire compacte, blanc, sans fossiles, L’on sait peu de chose de l'histoire de
extrait des environs de la ville; 3® une cette ville ;
elle suivit le sort du reste de
roche de la nature du travertin, qui a la Cappadoce.
servi pour les fondations de la plupart Le temple de Jupiter, surnommé
des édifices. La carrière doit se trouver Amasbéen du nom d'un petit lac qui
,
dans des vallées qu'arrosent les ruis- en était proche, lui valut une certaine
seaux dont la ville est , pour ainsi dire, célébrité, comme centre d’un culte as-
entourée ; peut-être dans la vallée de In sez répandu. Mais ce fut sous le règne
rivière Basmadji , qui , réunie avec les d'Iladrien qu’elle acquit le plus haut
eaux de la plaine , forme la petite ri- degré d’illustration, par la naissancede
vièreKilidJé sou. La plupart dessources l’habile jongleur Apollonius, dont l’es-
en Asie ont la vertu pétrifiante à un prit pénétrant avait compris quel parti
plus haut degré qu'en Europe il n'est ;
l’on peut tirer de cette passion du mer-
point d’aqueduc qui n’ait été mis hors veilleux qui est toujours le côté sail-
d’usage par les dépôts énormes formés lant du caractère asiatique. Combien
par les eaux. Quelques fûts de colonnes d’hommes dans ces contrées ont acquis
de brèche jaunâtre sont extraits du pen- un pouvoir non moins extraordinaire,
chant septentrional du Taurus. J’ai et auxquels il n’a manqué qu’un histo-
trouvé dans les cimetières turcs, dans rien comme Philostrate pour jouir d’une
toute la route que j’ai suivie, en lon- égale célébrité !
geant la montagne, des blocs bruts de Lors des troubles suscités par les
différents marbres colorés, parmi les- trente tyrans, Tyane tomba au pouvoir
quels se fait remarquer une belle qua- de la reine Zénobie. Reprise quelque
lité de portor et d'autres marbres à fond temps après par Aurélien, elle fut mise
noir. Le plus grand nombre des monu- au pillage, mais conserva néanmoins le
ments de Tyane a été bâti en calcaire titre de colonie romaine, et celui d’Eu-
blanc. L'état de bouleversement dans sébia du Taurus, dû, sans doute, au
lequel ils se trouvent ne me paraît pas culte de Jupiter.
dd uniquement au ravage des hommes;
tous ces édifices construits sans ciment ([) Voyez |«ge x83.
ASIE MINEURE. 673
ms, tout en faisant remarquer que les diKpiXtlTi;;. En effet, son bassin , qui
villes de Castabala et de Cybistra, si- n’a pas plus de vingt mètres de diamè-
tuées sur la route des Portes de Cilicie, tre, est rempli d’une eau saumâtre, qui
étaient plus proches de la montagne. surgit du centre en bouillonnant comme
La distance de Tyane à Cybistra, ville un puits artésien , et rentre dans le sol
encore mal connue , était de trois cents par un conduit inapenju ; phénomène
stades ou sept milles et demi. La carte qui avait frappé les anciens, et que l’art
de Peutinger donne de Mazaca à Tyane moderne est parvenu à expliquer et à
une distance beaucoup trop courte; imiter. Quoique l’eau soit froide, ce
aussi, ju^u’à l’année 1812 les géogra- bouillonnement perpétuel, ainsi que l’é-
ilies hésitèrent entre les villes de Rara mission des globules gazeux, lui don-
flissar, Nigdé et d'autres points moins nent l’apparence d’uneeau chaude. Il est
importants , lorsque la carte de (!}appa- très-probable que ce lac était attenant
doce leva toute incertitude. Cela prouve au territoire du temple de Jupiter
combien cette capitale déchut du rang Amasbéen cité par Philostrate (2) et par
qu’elle occupait dans la contrée, car il Ammien Marcellin(3). «Près du temple
n’en est fait aucune mention dans toute de Jupiter Amasbéen, dit cet auteur, il
la période des croisades et dans les y a un petit lac dont les eaux, quelque
guerres des émirs. Il est vrai que Nigdé, onllées qu’elles soient, s’absorbent
qui u’en est pas éloignée, avait réuni f ’elles-mémes, sans jamais passer les
nn centre de population assez considé- bords. » Strabon, dans la description
rable. Tyane avait pourtant, daus la d’un lac qui a des propriétés identique-
période byzantine, acquis en quelque ment semblables, ne mentionne pas la
sorte une importance plus grande que ville de Tyane, et dit que le Jupiter
dans l'antiquité, pui^u’elle était deve- adoré dans le voisinage portait le sur-
nue métropole ecclésiastique (1). D’a- nom de Dacius.
près V Itinéraire (CÂnlonin, Archélaïs
était éloignée de Tyane de soixante- CHAPITRE XLIII.
quinze milles. Cette distance s’accorde
bien avec celle de Kara hissar à Iph- ÉTAT MODERNE.
tyankas.
’
La position de Cibystra est indiquée La population de la Tyane moderne
par un voyageur allemand au village de se compose presque entièrement de
Pasmakteiu, sur la route de C.ésaree au Turcs et de Turcomans, qui sont réunis
KulcKlioJ'az- (les Portes de Cilicie). Il depuis peu sous l’autorité d’un agha
en est souvent fait mention dans les arabe, dont je demeurai l’hdte pendant
lettres de Cicéron. C’est à Cibystra quelques jours. Appelé depuis peu dans
qu’il avait établi son quartier général ce gouvernement, comme ennemi dé-
pour protéger la Cappadoce contre les claré de Méhémet ali, il avait attiré à sa
Arméniens, qui se soulevaient en faveur suite des montagnards du. Taurus, oue
des Parthes. Voulant en même temps le gouvernement de la Porte voulait
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574 L’TÎNIVERS.
qui prescrivaient aux nomades de bâtir deux pays ; aussi, toute la politique du
ries vilbigps ;
comme s’il suffisait d’une vice-roi d’Égypte tendait-elle à s’en em-
parole d’un sultan. A l’ignorance ex- parer, et déjà des reconnaissances étaient
trême de toute idée d’économie politi- faites par des ingénieurs européens,
que, les conseillers de la Porte joignent pour y établir des fortifications sur les
celle, bien plus inexplicable, du carac- ruines de celles que les anciens avaient
tère des peuples qu’ils sont appelés à élevées dans ces parages.
gouverner. On a lieu de s’étonner que Nous nous arrêtons sur les crêtes éle-
des gens issus des nomades de la suite vées du Taurus. Tout le pays situé au
de Togrul-Keg, qui ont mis quatre cents delà fait partie de la Cilicie.
ans à s’habituer à demeurer dans des La route deTvane àKaramau, capi-
maisons, puissent s’imaginer que des tale actuelle de la province , est tracée
tribus errantes , n'ayant pour toute for- au milieu de contrées incultes et arides.
tune que des troupeaux, vont, sans se- Toute l’industrie des habitants, qui y
cours aucun, renoncer à une vie qu’ils sont temporairement établis, consiste
aiment ,
à une existence forcée ,
puis- dan^ la récolté du nitrate de potasse,
qu’il n’y aque la vie vagabonde qui leur qui abonde dans les terrains.
permette de nourrir leur bétail.
C’est dans cette zone que l’on com- CHAPITRE XLIV.
mence à observer une certaine modifi-
cation dans les races musulmanes. Plus
ÉBÉGLI.
ou avance vers le sud, plus le sang
arabe se trouve influer sur le caractère La ville d’Érégli est sur la lisière du
des races. Les chrétiens qui habitent pays cultivable; les nombreux ruisseaux
les pentes du Taurus, quoique divisés qui l’arrosent changent tout à coup la
en deux communions, Parménienne et face du p.iysage. S’il faut chercher à
la grecque sont tous de race armé-
, identifier cette petite place avec une
nienne. Le type des Grecs de l’Ionie et station antique, il suffit de rappelerque
des provinces occidentales s’efface long- les géographes sout assez d’accord pur
temps avant qu’on arrive dans ces dis- la regarder comme occupant l’emplace-
tricts. Il faut lire ces caractères sur les ment de Herculis Viens, mentionné par
traits des habitants; car on ne saurait Cedrenus mais, aujourd’hui, il ne reste
;
s’attendre à rencontrer chez aucun d’eux aucun vestige d’antiquité, et les monu-
la moindre connaissance d’une généalo- ments de l’école arabe sont dans un état
gie. Lcpasséest,en effet, si triste pources complet de délabrement. Les jardins qui
pauvres gens, qu’ils trouvent une grande entourent la ville ne s’étendent pas à
cousolationà l’oublier, etàse forger pour plus d’un mille de ses murailles. Tant
l’avenir désespérances aue l’état actuel de que l’irrigation put alimenter la végéta-
l’Europe éloigne pour bien longtemps. tion, le sol parait d’une fertilité extrwnc,
Méhémet Ali occupait alors(septembre et les habitants croient que la nature sa-
1834) toute la Cilicie et les versants mé- line du terrain, loin de nuire à la pro-
ridionaux du Taurus. Les nomades de duction, lui est au contraire favorable.
ces contrées avaient été incorporés dans Toutes les eaux qui entourent la ville
l’armée régulière, et l’on commençait à se réunissent dans un petit lac, qui o'a
fortifier d’une manière redoutable le pendant l’été qu’une médiocre étendue
passage du Taurus qui conduit de la Ci- (on l’appelle Ak ghcul); mais au prin-
licic en Cappadoce. temps, quand la fonte des neiges vient
C’est à ce lieu qu’aboutirent toutes apporter un nouveau tribut aux terres
les marches des croisés dans l’Asie Mi- déjà saturées par les pluies d’automne,
neure. Avant eux, toutes les armées alors les eaux s’étendent indéfiniment
qui avaient combattu en Orient, l’ex- sur ce désert uni, et engendrent des
pédition du Jeune Cyrus , comme celle inondations qui n’ont pour limites que
d’Alexandre, avaient franchi ces défilés, les collines de l’Elma dagh, au nord de
lie les anciens ont appelés les Portes Konieh. Des voyageurs européens at-
e la Cilicie. Toute armée maîtresse de testent que, certaines années, cette
ee passage domine en même temps les contrée présente l’aspect d’une mer, et
}
que les villages se trouvent pendant Cinq dans l’intérieur des terres :
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S76 L’UNIVERS.
Parnasos. (
Inconnu. ) Seconde Cappadoce.
Regedoara. ( Inconnu. ]
LIVRE Vlll.
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,
L’UMVIiRS,
(|u il amenait, déploya une force de six tetrarque de Galatie; cette province
mille chevaux cuirassés (1). passa ensuite sous le pouvoir de Polé-
Le nom de la petite Arménie ne com- raon, qui en mourant laissa legoiivenie-
mence à être connu que du temps d’An- ment a sa veuve Pythodoris, lille do
tioclius; avant cette époque, les Grecs Pythodore de Tralles. Des deux tils de
n’avaient pas pénétré dans cette région eette reine le premier partagea avec
;
sa
elle comprenait tout le pays situé sur le
mère les soins du gouvernement. Le
littoral de l’Euphrate, et s’étendait au
second fut nommé roi de la grande Ar-
nord jusqu’au territoire dus Tibareiii ménie ; Pythodoris épousa en secondes
des Chaldæi et des Chalybes , occupant noces Archélaüs, auquel eilesurvécut(l).
par conséquent le territoire de Tré- L’Arménie avant été constituée en mo-
bizonde Jusqu’à Pharnacie (2). L’Armé- narchie par Tibère, fut d’abord gou-
nie fut d’abord possédée par les Perses, vernée par Cotys et ensuite donnée par
ensuite par les princes macédoniens Néron à Aristôbule,
; petit-fils d’IIérode
plus tard elle fut partagée entre Arta- le Grand.
xias et Zadriaris, généraux d’Antiochus,
Après les conquêtes de Trajan, la se-
sous l’autorité duquel iis gouvernaient; conde Arménie reçut une nouvelle ex-
mais à la chute de ce prince ils furent tension de territoire, et les limites fureut
déclarés rois par les Romains. Tigrane,
portées jusqu’aux rives du Tigre
parvenu au trône d’Arménie, réunit les (2), et
jusqu’au temps de Justinien celte pro-
deux provinces sous son pouvoir mais vince fut administrée par des ducs. Oa
;
avant détruit plusieurs villes grecques comptait sept villes principales dans la
alliées des Romains pour peupler la
seconde Arménie Mélilène, la capitale.
;
tome, fut exilé en 41.^ à Cucusus, ville un grand nombre de familles allèrent
de la petite Arménie , sur les bords de s’établir à Constantinople et dans la
l’Euphrate. Depuis le règne d’Aicadius Tbrace, où on les retrouve florissantes
jusqu’à l’invasion musulmane, chaque au treizième siècle.
année était troublée par quelque sédi- Les fortifications des places frontières
tion fomentée par les sectes religieuses, ordonnées par Justinien n’arrêtèrent
parmi lesquelles surgirent les Pauli- pas un moment les hardis musulmatis
ciens, dont le chef Silvanus prétendait qui, sous les ordres de .\lp-Arslan, en-
suivre la doctrine religieuse enseignée vahirent l’Armétiiesans s’arrêtera faire
par saint Paul. Les Manichéens d’Ar- le siège des villes. Césarée, mal défen-
ménie se convertirent à la voix de ce due, tomba en son pouvoir, et fut li-
sectaire. Il prêcha avec succès dans le vrée au pillage. Le sultan acheva la
Pont et la Cappadoce. La nouvelle secte conquête de l’Arménie et de la Géorgie;
se répandit dans les provinces situées à les orthodoxes de Constantinople virent
l'orient de l’Euphrate; la ville de Colo- sans chagrin les populations des bords
nia, dans le Pont, fut le centre auquel de l’Euphrate tomber sous le joug des
aboutissaient les six sections qui por- musulmans. Cette brillante campagne
taient les noms des villes auxquelles des sectateurs de Mahomet se termina
saint Paul avait adresse des épitres; par la défaite de l’empereur Romamis
mais leurs doctrines étaient trop voi- Diogène. Mais les princes de la haute
sines de celles des Manichéens pour Arménie, les Pagratides d’Ani, ne lais-
trouver grâce devant les orthodoxes, et sèrent pas sans rambat une contrée
Justinien II commença la persécution qu’ils regardaient comme l’héritage de
qui mit les armes à la main à toute leurs ancêtres; ils occupaient plusieurs
cette population fanatisée. Michel 1*''
et châteaux dans leTaurus, où ils se main-
Léon l’Arménien poursuivirent, par es- tinrent jusou’ù l’arrivée des croisés. Les
prit d’orthodoxie, une secte qui prenait chefs des chrétiens, appelés par les prin-
tous les jours de plus grands dévelop- ces arméniens, s’étabi iront dans le sud de
pements. l’Arménie, occupèrent Marasch, Tarse,
Au neuvième siècle, les Pauliciens, et Malmistra. Vers le même temps, Beau-
chassés de toutes les autres provinces, doin, franchissant l’Euphrate pour aller
se réfugièrent dans les montagnes les secourir un prince arménien, s’empara
plus inaccessibles de l’Arménie et de de la ville d'Edesseet fonda la première
la Cappadoce. Cachés dans les grottes principauté des Francs, qui subsista pen-
qui avoisinent le mont Argée, ils médi- dant un dcini-sièclc.
taient leurs projets de vengeance. Cor- üuranttoutc cette période detroubles,
87 .
580 L’UNIVERS.
les Arméniens, maîtres de petites places, les qualités que nous avons reconnues
se maintenaient à la faveur de la neu- chez elles, etsi parfois des voyageurs ont
tralité qu’ils avaient adoptée ; mais la éprouvé de leur part de mauvais procé-
puissance turque s’étant solidement dés ou des mécomptes, nous devons
assise dans ces contrées, les Arméniens supposer qu’ils avaient peut-être iuvo-
se virent forcés, pour conserver leurs loutairement blessé les usages ou la sus-
possessions, d’accepter la condition de ceptibilité de ces montagnards indépen-
Rayas. C’est dans cet état que nous les dants.
retrouvons aujourd’hui, n’avant de ter- Les étapes de notre route depuis Tarse
ritoire libre que l’intérieur de leurs mo- jusqu’à Trébizonde ne peuventétrccalcu-
nastères. iées sur le même pied, de six kilomètres
à l’heure, que les autres routes, le pays
CHAPITRE ni. est trop difficilepour obtenir des mon-
tures une marche régulière. Nous don-
ITINEBAIBE DE l’aBMÉNIE. nerons donc ici notre itinéraire d’après
les heures de marche que nous avons
Les frontières de la petite Arménie faites. Il faut ajouter que dans ces con-
ne restèrent pas fixes pendant toute trées l’adnnnistratiou des postes ou du
cette période; sous le règne d’Archélaûs, menzil hané ne fonctionne pas.
auquel Marc-Antoine avait donné cette
province, elles furent portées jusqu’à Hinéraire de Tarse à Trébizonde,
la mer et comprirent la région de la par la petite Arménie.
Cilicie orientale située à l’est du Pyra- De l’échelle de Kazanli, au bord de la
mus. mer :
reporter 170
montagnes.
mades ou dans les châteaux des heys . /
révoltés. Nous avons souvent abandonné
nos bagages sous la conduite des mon- CHAPITRE IV.
tagnards pour faire des excursions dan.s
les hautes vallées du ’faurus, et toujours ANAZARBA.
ils nous ont fidèlement rejoint au ren-
dez-vous indiqué, quelle que soit l’idée Le nom de cette ville nous indique
([u’on se fasse du caractère de ces po- une origine orientale les anciens écri- :
Dt G(|»gle
ASIE MINEURE. 581
que ; quatre fois la ville fut renversée. La etau nord-ouest; la quatrième porte,
qui fait face à fouest, a un caractère
(t) XX StraboD, Xn, 537. monumental c’est un arc de triomphe
;
682 L’UNIVERS.
ù trois portes dont la façade a 22™, 64 côtés il se compose de. deux enceînte.s,
;
l’attique, mais (“lont la décoration a dis- fut construit en 1075 par un prince du
paru. Le style de cette architecture est nom de Theurench ou Thoras descen-
du second siècle, de notre ère, aucune dant des Pagratides d’Ani. Il est à re-
inscription ne fait connaître le nom marquer que CCS édifices se construi-
du fondateur. Deux murs eu retour, or- saient en même temps que les églises ar-
nés de pilastres conrinthiens cannelés, méniennes d’Ani (I).
forment devant la porte un large parvis, Auazarba était à peu de distance du
qui donnait un caractère grandiose à Pyramus, mais n’était pas pourvue d’eaux
cette entrée monumentale de la ville. potables; les maîtres de la ville y sup-
A droite de l’are de triomphe et pléèrent par la construction de deux
adossés à la montagne sont les restes ligues d’aqueducs dont le premierprend
d’un théâtre et d’un stade , ce dernier les eaux d'une belle source située au
édifice longe une grande, muraille de milieu de la route de Sis. Le second
rochers et h une certaine hauteur ou allait chercher sa prise d'eau sur les
voit des trous de scellcmentqui ont reçu flancs du Taurus à une distance de trente
les solives formant k couverture d’iîn kilomètres. Ces deux aqueducs sont
portique. conservés presque en entier ; d’après b
La partie ceintrée du stade était tail- nature de la construction , ils sont évi-
lée dans le roc; la spina est apparente demment l’ouvrage des Romains, leur
dans toute la longueur de la piste. La construction est antérieure au cin-
nécropole domine le stade et le thé.âtre; quième siècle ; les piles et les arcades
elle se compose de sarcophages fort sont en pierres de taille bien appareil-
simples, dont la plupart sont taillés dans lées, les remplissages sont en moellon,
le roc, quelques-uns portent à leur che- ün peut se faire une idée de l’aspect
vet un petit autel circulaire. grandiosede ces ouvrages, qui traversent
A l’est de la ville on voit aussi quel- une plaine unie comme une table dans
ues tombeaux et des bas-reliefs taillés un désert où pas une maison , pas une
ans le roc. L’un d’eux représente une tente ne révèle la présence de l’homme.
scène funèbre composée de trois per- Le ch.âteau et la ville d'Anazarba
sonnages. Une autre représente les trois commandaient la plaine du Pyramus,
Parques; l’une tient le fuseau. Ces fi- aujourd’hui le fleuve DJihoun, et défen-
gures ont un large vêtement flottant, daient l’entrée de la Cilicie champêi re.La
les cheveux en désordre comme des bac- .place tomba ù la fin du douzième siè-
chantes. cle entre les mains des Musulmans, tl
I,e château d’Anazarba couronne le ne paraît pas qu’ils s’y soient établis;
rocher qui défend la ville du cfilé du
sud, il est presque inaccessible par trois (i) Voy. do.sriipllon de It. Perse, t, I.
, .:oü by C.cv
ASIE MINEURE. uni
Le nom de Sis apparaît pour la pre- ravanes se fravent des sentiers sur la
mière fois dans l’histoire à la fin du dou- pente des vallées l’administration des
,
zième siècle, elle tomba entre les mains postes ne fonctionne pas dans le. pays ;
des Turcs lorsque cette faible dynastie on prend des chevaux chez les paysans,
arménienne des Roupéniens fut anéan- sur le pied de deux piastres par heiire de
tie; cependant les Arméniens conservè- marche. Ces réquisitions, qui se font en
rent toute leur organisation civile et vertu d’un ferman de route, sont extrê-
religieuse, et à la place du palais des mement désagréables aux habitants. La
princes s'éleva un vaste monastère qui route suit la vallée du Pyramus jusqu’à
est lui .seul une petite ville, c’est là
.1 sa source près du camp de Samour
que réside un grand patriarche qui bey chef des Turcomans. Ce pays était
prime celui de Césarée et qui porte le autrefois gouverné par le bey Cozan
titre de Catholicos. L’intérieur du cou- Ogiou, qui défendait contre Ibrahim pa-
vent renferme des églises des biblio- , cha les défilé.s du Taurus. Samour bey,
thèques et des b.àtiments d’habitation parent du premier, livra par une trahi-
dans lesquels les étrangers sont reçus son largcmentrécompenséeCozanOglou
avec la plus cordiale hospitalité. ‘Le entre les mains d’ibrahim, à condition
couvent, e.spèee de forteresse, est bâti qu’on lui assurerait le gouveruement de
sur une terrasse entourée de murs et ees montagnes. C’est chez ce bey que
llanquée de tours. La façade du monas- nous devions faire notre première halte.
tère se compo.se d'un grand mur au mi- Le pacha d’Adana avait insisté pour que
lieu duquel s’avance une tribune tous ; nous prissions une escorte on nous :
La ville de Hadjinn est bâtie sur la décoraient (2). Mais jusqu’ici aucun
»ente de la montagne, à la naissance de voyageur érudit et surtout en état de
fa vallée. Les voyageurs trouvent l’hos- lever les plans d’un édifice antique n'a
pitalité dans un antique monastère dé- parcouru ces régions.
tendant de celui de Sis et construit sur Le village de Dalar est composé de
fe versant de la vallée opposé à la ville. buttes à moitié enfoncées dans la terre
Ce monastère est défendu comme une et qui ne prennent de Jour que par la
forteresse, cependant les moines armé- porte; les habitants ne s’y retirent que
niens attestent qu’ils ne furent jamais pendant les neiges de l'Iiiver.
l’objet d’aucune violence de la part des Tous ces pays sont presque dans l’é-
musulmans. Le supérieur du monastère tat de nature, il n’y a aucune route tra-
porte le titre d’évéque ; les bâtiments
(i) Karl. Hitler Krükiindc, t. IX, iSa.
(i) Samour, zibeliuc. (a) .SlraboD, Xt, 5a ;
i
XII, S35.
,
eée, et l'on va droit devant soi par monts permettaient pas de fermer l’oeil ; il fal-
^
et par vaux. Du camp de Dalar on fait lut aller de nuit réveiller l’agha, et le*
six heures de marche jusqu’à Goeuk- sommer de nous donner un autre gite.
sunii, oui par sa position aussi bien que Le pauvre homme, précédé de son
par l’identité des noms remplace l’an- chaouch, allait fouiller toutes les mai-
cienne Cucusus. Cette ville ne com- -
sons; mais chaque famille, accumulée
mence à être connue que du temps des dans la même chambre, n’avait pas un
Byzantins ; elle est surtout célèbre coin à nous donner. Enfin une heureuse
comme lieu d’exil de saiut Jean Chry- idée vint à l’agha au nom du sultan
:
sostome, qui y passa trois années de sa il fit déguerpir d’un poulailler les pou-
vie, de 404 à 407. Cette sentence inique les et les moutons, et nous offrit leur
fut accomplie avec toutes les rigueurs logis. Pendant ce temps, nous étions as-
d’une persécution religieuse ; Chrysos- sis au foyer de la famille; elle occupait
tome avait demandé à passer le temps une seule chambre dans laquelle étaient
de son exil à Nicoméaie, Eudoxie le entassés six enfants i|ui avaient presque
lit transporter à Cucusus. Le vieillard tous la coqueluche ; l’aînée des filles
dut supporter une marche pénible berçait le plus jeune; la grand’mère,
de soixante-dix jours pendant les plus idiote , accroupie presque nue sur un
grandes chaleurs de l'eté; il ne fut pas tapis, murmurait de voir des étrangers
relégué dans la ville de Cucusus, mais il s’installer chez elle. Enfin nous primes
avait la faculté d’aller jusqu’à Arabissus, possession de notre bergerie ; mou com •
aujourd'hui Arabkir. Son absence aug- pagnon de voyage, épuisé, passa au lit
menta dans la capitule la haute estime les deux jours que nous fdmos retenus
qu’on avait pour le caractère du prélat, à Gocuksunn faute de chevaux. Voilà le
et quand on parcourt ces lieux, l'esprit lieu où saint Chrvsostome écrivit ses
se reporte vers cette grande époque où immortelles homélies; on peut être cer-
les peres de l’Église remplissaient leur tain qu'il n'était pas mieux installé que
mission divine malgré les persécutions les familles turcomanes.
|es plus odieuses. Si l’on veut avoir une l.a plus grande difficulté que rencon-
idée de la méchanceté de l’impératrice trent les voyageurs qui parcourent ces
Eudoxie, il faut se rendre compte de ce régions est de trouver des chevaux. Le.ÿ
qu’était ce bourg de Cucusus une plaine
: habitants qui en possèdent ne les prê-
basse entourée de montagnes argileuses tent qu’avec difficulté; et dans leurs
et complètement dépouillées de verdure, changements de yaëla, ce sont les bœufs
une bourgade assise sur un tertre d’ar- et les vaches qui servent de bêles de
gile où pas un brin d’herbe ne peut somme. Ils ont aussi quelques lourdes
pousser. Pour compléter le tableau, nous voitures, desarabas, qui sont traînés par
placerons ici une page de notre journal des bœufs, c’est le seul moyen de trans-
de voyage ; port qu’on puisse employer pour les ba-
Notre séjour à Gœuksunn fut des plus gages. Il est curieux de voir quels che-
tristes logés dans une hutte faite de
; mins impossibles peuvent franchir ces
troncs d’arbres, entourés de marécages, chariots qui vont droit devant eux sans
nous ne pouvions faire un pas hors de s’inquiéter des rochers ni des fon-
l’enceintedu village, dont le sol, composé drières.
d'un amas d’immondices accumulées La route de Gœuksunn à Marasch
depuis des siècles, est aussi fangeux que traverse un admirable pays, aujourd’hui
les marais euvironnants. Nous sommes presque désert, mais qui dans le moyen
arrivés le soir (28 juin I8:i5), et l'agha âge était bien gardé par de nombreux
n’avait d’autre logis à nous donner châteaux, dont Tes ruines diversifient le
qu’une cabane où gisait un moribond. paysage la plupart de ces châteaux sont
:
586 L’UNIVERS.
chacun d’eux offre un souvenir ;
ici nous Marasch est bâtie sur la pente sud
retrouvons les traces des croisés com- de l’Achyr dagh, dépendant de l’.Anti-
mandés par Bohémond ; là ce sont les Taurus.'et arrosée par de nombreux
fortifications des princes roupéniens cours d’eau qui sont des affluents du
d’Armïnie, alliés des Français. Mais Pyramus. La population est de cinq a
nous avons encore de longues étapes à six mille âmes, dont le tiers est com-
faire, et notre temps est limité (i). posé d’Arttiéniens. Il
y a à Marasch
Le village de Gheiben est situé à l’en- une industrie active ; ou y fabrique des
trée des défilésdu Taurus. D’après une haba, manteaux ou vestes de laine or-
remarque de M. Kiepert, ce nom est nés de broderies d’or ou de soie ; les
identique avec le mot arménien Gaban, cotonnades teintes à l’usage des femmes
qui signifie un défilé. turcomanes sont aussi l’objet d’un com-
Gheiben est divisé en deux centres de merce étendu. De beaux et riants ruis-
population formant deux viilages sépa- seaux ombragés de platanes traversent la
rés et commandés par le même agba; ville en tous sens, et les chutes d’eau
dans l'un résident les Turcs, l’autre est sont utilisées pour faire tourner des
habité par les Arméniens. moulins construits avec intelligence.
La route de Gheiben à Marasch fran- Mais sous le rapport de l’art, Marasch
chit plusieurs côtes et plusieurs vallées n’offre pas un seul monument digne
du Taurus; tout ce pays est bien boisé d’être remarqué; les mosquées et ce
et offre de magnifi()ue's points de vue. qu’on appelle le vieux séraï sont des
édifices de maigre apparence ; les mai-
MABASCH. sons particulières sont bien disposées
pour un pays chaud. LTti bassin d’eau
Marasch occupe, suivant les géogra- vive alimenté par un jet d’eau se trouve
phes, remplacement d’Antiochia ad toujours au milieu du jardin ou de la
Taurum; elle est citée la sixième dans cour autour desquels s’ouvrent les ap-
la liste des dix villes du môme nom partements.
donnée par Étienne de Byzance sons le
titre : Antioche de Ciliciê sur le Pyra- CHAPITRE VL
mus. Mais on n’y trouve aucun vestige
d’antiquité. Marasch ayant été de tout BASSIN DB L’EUPHBATE. — LA MÉ-
temps le centre d’une population nom- LITÇNE.
breuse et active, tous les édifices an-
ciens ont été détruits. Le bassin du Pyramus est sépané de
Sous l’empire d’Alexis, Marasch était celui de l'Euphrate par une cliaiiie de
la résidence d’un patrice,dont l’autorité montagnes courant de l’est à l’ouest et
s’étendait jusqu’à Antioche et à Édeskse. ui forme la frontière sud de la provinre
A la fin du onzième siècle elle était au e Mélitène. Après dix heures de marche
pouvoir des princes arméniens, et son on fait halte à Nadjar, village situé au
territoire faisait partie de la troisième fond d’une vallée, et par une route tout
Arménie. Les croisés, commandés par aussi difficile on fait encore dix heures
Godefroid de Bouillon marchant de de marche pour arrivera Pclverch, pciit
Konieh par Érégli, s’égarèrent dans les bourg habité par des Arméniens et des
hautes vallées du Taurus, et arrivèrent Turcs. Rcnnel et Ainsworth ont judi-
à Marasch. Les Seidjoukides s’emparè- cieusement identifié cette petite ville
rent de cette ville en 1 147, et la puis- avec l’ancienne Perré, qui était située .sur
sance ottomane s’y est établie depuis la grande route de Cappadocc en Mé-
celte époque. sopotamie, h travers la petite Arménie.
Cette ville fut épiscopale Athanasr,
;
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,
En 1335, Malatia tomba au pouvoir nombre des arbres fruitiers qui embel-
des Mongols, dont le pouvoir s’élevait lissaient cette résidence de Sémiramis.
sur la ruine de l’empire seldjoukiiJe. Les C’est au milieu de ces vergers que les
nombreuses églises qui se trouvaient habitants actuels ont transporté leurs
toutes sous la juridiction du patriarche demeures ; des maisons de bois et de
d'Antioche, et qui étaient régies par un pisé, construites avec une certaine élé-
évéque, furent livrées au pillage; le gance, des mosquées rustiques, ombra-
plus grand nombre fut démoli ou brû- gées par des arbres séculaires, donnent
lé Cl). En 1396, 1e sultan Bayazid, vain- â cette ville champêtre un aspect des
queur des princes de Karamanie , vint plus singuliers. Lekonaedu pacha s'é-
s’emparer de Malatia. Cette ville tomba lève au milieu d'une place; les artisans
en 1401 entre les mains de Timour. ont leur quartier désigné; l’ancienne
Ce qui restait debout du château et des ville est complètement abandonnée
mosquées fut de nouveau livré aux pendant les trois quarts de l’année.
flammes ; et lorsque le sultan Sélim I"'' Les murs, qui , selon l’usage antique
réunit sous le sceptre ottoman toute des villes de Orient étaient faits de
I
cette partie de l’Asie, il ne trouva plus briques séchées au soleil, n’offrent plus
qu’un amas de décombres qu'on ne que des lignes de circonvallation en
put jamais relever au rang d'une ville. forme de tertre, sur lesquelles pousse
Le voisinage des tribus kurdes noma- un gazon chétif. Les mosquées, con-
des, qui ne reconnurent jamais le pou- fiées à la surveillance de quelques sof-
voir de la Porte , fut un obstacle cons- tas , n’ont pas reçu la moindre répara-
tant à la renaissance de la prospérité tion depuis l'avénemcnt du sultan turc.
de Malatia , malgré la position avanta- Le caravansérai désert les bazars vides
,
geuse qu’elle occupait comme entrepôt, et les maisons à demi écroulées, sout
et en même temps malgré l’incroyable abandonnés à des gardiens qui succom-
fertilité du territoire , si heureusement bent à l'insalubrité de cette enceinte,
arrosé par des sources nombreuses et dont l’atmnspbère est viciée par l’aceu-
intarissables, qui forment le Sultan mulatiou d’immondices séculaires. Ce
sou, l’un des affluents du Tokmasou. tableau n’est pas sans intérêt pour re-
Elles prennent naissance à une lieue lui qui ne considère pas seulement les
environ au sud de la ville, dans une villes sous l’aspect monumental mais ,
vallée composée d’agglomérats calcaires qui cherche encore à étudier toute.s 1rs
et à plus ue cent mètres au-dessus du causes d’accroissement et de pros-
niveau de la plaine. Conduites par des périté.
canaux artistemeut dirigés, ces eaux Le petit nombre de masures qui reste
alimententdes jardins d’arbres fruitiers, encore debout reçoit quelques habi-
dont la beauté et la vigueur ne démen- tants pendant les grands hivers mais ;
tent pas l’ancienne réputation de ferti- on peut prédire avec ccrlitinlc que Ma-
lité que ce pays possédait dès les temps latia cessera bientôt d’exister comme
les plus reculés. La vigne donne des ville, et qu’elle aura de tant
le sort
grappes d’une grosseur presque incon- d’autres places que la population mo-
nue dans les autres provinces; était-ce derne a abandonnées, comme hey,
avec ces raisins qu’on fabriquait le vin Sultanieh, Ctesiphon et tant d’autres.
Monarite , mentionné par Strabon.’ L’a- Les jardins réunissent plusieurs groupes
bricotier, originaire d’Arménie, se plaît d'habitations, qui ont chacun un nom
en ce lieu comme dans son pays natal; différent, la localité porte le nom géné-
mais malgré la douceur de la tempéra- ral de Harpouz les pastèques-
,
(i) Alitiirarailj ,
Hist. ilyiiasliaruni ,
3i8, chiffre d’une population si éparse, qui
333. était, pendant mon séjour, augmentée
,,
les femmes et les enfants, et les innom- en 257. C’est le lieu ue naissance de
lirables parasites qui accompagnent les saint Mélèce dit le Grand qui était
,
montre une église très-révérée dans terrain s’abaisse prune pente continue,
y
le pays , où sont conservées , dit-on et forme une vallée très-large et de peu
des reliques des quarante martyrs. Mais de profondeur, au milieu de laquelle les
l’inscription que j’ai lue sur la porte ne eaux du Tokma sou circulent avec un
confirme pas cette tradition. Saint Eu- cours très-lent. Les eaux, précipitées
doxe dont il est questiou u’a pas ap-
, ,
des vallées supérieures et arretées a leur
partenu à cette légion célèbre. confluent par le cours rapide de l'Eu-
phrate , s’accumulent dans cette plaine,
L’an G475 (I), Indiction première, au mois de
et forment des marécages, qui contri-
mai, ont été trouvées les reliques de saint £u-
doxe; son église a été renouvelée par U*s soins tribuent à l’insalubrité de la ville. On
(tu métropolitain Solomon. passe le Tokma sou sur un pont de
pierre appelé Kirk gheuz (le pont aux
Cet Eudoxe, porté au martyrologe quarante yeux), dénomination appliquée
avec saint Romiilus, également martyr en Asie à tous les ponts qui ont un cer-
de la foi à'Mélitèue, était chef d’une tain nombre d’arches. Une chaussée de
légion sous l’empereur Trajan Dèce. Il pierre, en très-mauvais état, est établie
fut envoyé en Gaule sommé de sacrifier
; entre la tête du pont et le terrain qui ne
aux idoles, il s'y refusa avec tous ses peut être atteint par les inondations :
soldats, qui étaient également chrétiens. cette route, qui suit la direction du
Envoyé en cantonnement à Mélitène, nord au sud, traverse la Mélitène, et
ilparvint à convertir Romulus, cham- conduit, à travers l’Arménie , dans le
bellan de l’empereur, qui le premier royaume de Pont.
l’avait dénoncé. Maximien ayant été Après avoir traversé la plaine de Ma-
proclamé empereur, ordonna a tous les latia , le Tokma sou a encore un cours
proconsuls de faire périr les chrétiens de deux lieues, et va se joindre à l'Eu-
qui refuseraient de sacrifier. Eudoxe phrate. Une montagne conique et dé-
ayant persisté à rester fidèle u sa foi pouillée de verdure indique au delà de
eut la tète tranchée , après avoir été livré l’Euphrate le point de réunion.
aux tortures. On croit qu'il a été mis à Il n’est pas plus facile de déterminer
mort le 6 septembre 252 de J. C. la limite uordde la province de Mélitène ;
I.e nom barbare de Hordeuz , qui n’a pour aller chercher ses frontières natu-
aucune significalion dans la langue turelles nous devons nous transporter
turque , cache sans doute la station dé- jusqu’au Gozdouk sou, qui coule au
signée sous ie nom de Ad-Aras , dans delà d'Arabkir. Cette ville, une des plus
l’Itinéraire d'Antonin; elle était, en importantes de la contréie, se trouve
effet , peu éloignée de Mélitène. aujourd’hui dans la même position que
Mélitène a fourni un grand nombre Malatia , c’est-à-dire que les habitants
de saints au martyrologe, outre ceux sont venus, d’un commun accord, s’é-
tablir au milieu des jardins plantés dans
(i) 96C de J. O. une large vallée qui s’étend entre deux
>gle
690 L’UNIVERS.
pics volcaniques d’uno hauteur considé- CHAPITRE Vil.
rable. La population compose d'Ar-
se
méuiens et de Turcs en nombre à peu ÉGUINE. L.^ VALLÉE DE l’EUPHHATE.
près égal ;
les chrétiens se livrent au
commerce de caravanes, et ont l’habi- La route d’Arabkir à Eguine traverse
tude d'émigrer à Constantinople une ;
un pays montagneux et boisé on passe
;
autre partie exerce l'industrie de tein- la rivière Gozdouk sou, qui va se jeter
turiers ou de fabricants d'étoffes de dans l’Euphrate, et peu de temps après,
coton. en vue du village de .Schipik, on traverse
La présence de ces volcans au milieu le Mirant tchaî; une heure plus loin la
de terrains généralement calcaires , et à vallée de l'Euphrate, Apre, montagneuse
une hauteur de plus de 1800 mètres et dénudée, s’ouvre dans la direction du
au-dessus du niveau de la mer, paraît nord-est ; la route, trac ’e sur l,i pente
d’autant plus remarquable, que les laves des rochers, est des plus périlleuses pour
qu’ils ont épanchées ont un caractère les hêtes de somme; mais aux environs
extrêmement récent ; on y trouve des de la petite ville d'Éguine la natun' du
coulées de lave noire et ferrugineuse j pays devient moins sauvage. Les mon-
il
y en a qui sont recouvertes par une tagnes se couvrent d’une végétation
épaisse couche de scories mélangées de luxuriante, les vergers bien arrosés an-
cendres , comme on en voit de nos jours noncent une population active et intel-
au Vésuve. Ces terrains sont d’une ferti- ligente.
lité extrême, qui est entretenue par l’a- Eguine est située sur un plateau qui
buudance des eaux et l’humidité per- domine le cours de l’Euphrate, la vue
manente d'un terrain toujours couvert de la ville prise du bord du fleuve rap-
d’ombrage. pelle par les lignes grandioses du paysage
La ville d’Arabkir, d’après l’Itinéraire les tableaux du Poussin; dans l’éloi-
d’Autonin ,
peut être identiûée, comme gnement, les sommets du Musur d.igli,
position, avec l’ancienne Dascusa(l); qui appartient à la chaîne de l’Anti-
mais il faut avouer que les lieux iuter- 'Taurus, montrent un fond de tableau
inédiairesnommcs dauscet itinéraire (2), d’une rare magnilicence, qui contraste
excepté la ville de Sébaste sont encore à
, avec les pays stériles qu’on vient de
peu près tous inconnus. C’est en vain traverser; des pins parasol et des pins
que l'on chercherait dans Atabkir quel- d’Alep ombragent un petit pont de
ques monuments historiques; il n’y a pierre jeté sur le fleuve, qui eu cet en-
pas même une mosquée, puisque la po- droit n’a pas plus de vingt mètres de
pulation fixe de ce lieu n’est pas ins- largeur en été.
tallée depuis plus de quinze ans ; nous Le nom d’Eguine vient de l’.Arméiiien
savons doiileurs que dans la Cappadoce Agn et signifie une source. Cette ville
on ne trouve pas d’autres antiquités dépend du pachalik de Sivas ; elle fut
que des grottes taillées dans le rocher. fondée dans le onzième siècle par une
Le Gozdouk sou , qui prend le nom colonie d'Arméniens, et appartenait à
d’un petit village bâti sur sa rive , coule l’Arménie seconde; elle est à égale dis-
dans une vallée très-étroite et dont les tance, 1C5 kilomètres, de Sivas et
flancs sont presque verticaux ; il reçoit, d’Arabkir. La population d’Eguine
avant de se Jeter dans l’Euphrate , une est répandue dans plusieurs groupes
autre petite rivière appelée Mirain ichaï. d’habitations qui ressortent tous de la
L’Euphrate eu ce point décrit une vaste ville centrale; ils demeurent au milieu
courbe vers le sud, et ne reçoit point de jardins dlarbrcs fruitiers ; la popu-
d’autre affluent qui mérite ce nom, lation musulmane a une mosquée avec
jusqu’au Tokiua sou. un minaret et d'autres temples de
moindre importance les musulmans oc-
;
(i) her a Aicopoli Arabuso, M. P. XX. cupent environ deux mille maisons et
Wessctiiig. I. lesArméniens sept cents.
(a) Voyez les Itinéraires anciens, par le L’industrie d’Eguine est principale-
marcpiis de l'orlia d’Urbaii, iu-'4°, au mut ment entre les mains des Arméniens,
Dascusa, qui fabriquent des cotonnades bleues
,
pour l’usage des baios; ees serviettes appelée Comana mais comme l’oracle
;
uu pcchkir servent aussi de voiles auK metait pas satisfait, Oreste continua de
femmes. parcourir le pays et arriva dans la Cap-
Cette petite ville est un agréable lieu padoce, où il trouva une montagne sem-
de halte pour ceux qui parcourent ces blable à celle de la Taurique. Procope
régions d’un accès ditticile. ajoute : « Je l’ai plusieurs fois considérée
U’Eguine la route suit la vallée de avei^tonnement et je m’iinagiuais être
l'Euphrate jusqu’à Pinia, grand village dans la Tauride. Il y a une montagne
à cheval sur l’Euphrate, un pont de toute semblable au mont Taurus, et un
bois d’une construction ingénieuse relie fleuve nommé Sarus tout semblable à
les deux quartiers. l’Euphrate. » C’est la Comana de Cap-
Avant d’arriver à Pinia, on franchit padoce, dont nous supposons les ruines
le Tchalta tchaï, qui vient de Dev- a Chert kalé si, sur le Sarus.
righi. Oreste bâtit dans la Comana de Pont,
Devrighi est située à l’entrée d’une une très-belle ville, et y construisit deux
vallée large de cinq kilomètres et do- temples, l’un en l’houneur de Diane,
minée par un haut rocher ; les Armé- l’autre eu mémoire de sa sœur Iphigénie ;
niens l’appelaient Uivrig ; c’est en ce lieu ils furent convertis en églises par Jus-
supérieur de l’Euphrate; Divrig des Ar- L’Euphrate arrose cette partie de l’Ar-
méniens, qui devint Nicopolis sous les ménie, reçoit tous les affluents dont
empereurs, a conservé le nom de Thé- nous avons cité les principaux, et qui
phrice chez les Byzantins Justinien . sont tous situés sur la rive droite. 11
lit réparer les murailles et les fortili- passe dans la Leucosyrie, appelée main-
cations de cette ville en même temps tenant Arménie Mineure, dont la capi-
que celles de Sébaste. tale est Mélitène. Il va à Samosate, à
D’Eguine, deux routes conduisent à Hiérapolis et jusqu’en Syrie, où il se
Trébizonde; la première, à l’est, con- joint au Tigre (I).
tinue de suivre le cours de l’Euphrate I.a seconde route dont nous avons
ou < Kara sou jusqu’à Erzinghan , où parlé est celle de l’ouest; elle passe par
elle va rejoindre la route de l'ouest. On Kourou tchaï, la rivière sèche ; cette
ne trouve dans cette dernière ville vallée est remarquable par les formations
aucun vestige d’antiquité ;
elle passe gypseuses qui concordent avec tous les
cependant pour occuper l’emplace- terrains salifères que nous avons men-
ment de Comana de Pont, qui fut bâ- tionnés, et s’arrête à Gumuch hané, la
tie par Oreste après qu’il eut quitté la maison d’argent, petite ville où sont des
Tauride en compagnie de sa sœur Iphi- mines de plomb argentifère mises en ré-
génie. gie par le gouvernement turc et qui don-
Procope raconte qu’Oreste, fuyant de nent de médiocres produits. De Kourou
la Tauride, emportant l'image de Diane tchaï on fait septheuresde route jusqu’à
arriva dans 'ces lieux où il construisit,
, Gherdjanis, par un pays presque désert;
d’après les ordres de l’oracle, un temple de cette ville à Chaïram le [iays est
à la déesse, et lui consacra sa propre moins accidenté, 1& villages plus nom-
chevelure. En mémoire de cette action, breux.
la ville qui s’éleva autour du temple fut
(i) Procope, Guerre des Perses, livre X,
La route se détaille ainsi jusqu’à Ou- sans doute à la suite des années de Sé-
nnirli liané ; sostris. Cette persistance des historiens
Oliairam : anciens à donner à ces peuples le nom de
Terwai 2H5 Edima â^ilO Syriens montre que personne Redoutait
Zimo 2 50 Guimicli liané. 5 alors de la conformité de race qui exis-
Caravanséraï. 4 15 Tréhizonde. . 18
tait avec ceux de la Syrie ; bien plus, les
Toute cette route est au nord du bords du Pont-Euxin sont souvent re-
compas. gardés comme faisant partie de l'Assyrie,
Uft Gumucli liané on rejoint la route et le nom de Cappadoce lui fut donne
parcourue par les Dix Mille , qui mar- par les Mèdes. Hérodote rapporte que les
chaient sur Trébizonde. La montagne de Leucosyriens pratiquaient la circonci-
Kara kapoii est le mont Thechès, d'où sion, et qu’ils avaient pris cette habitude
l’armée de Xénophon aperçut la mer et des Egyptiens. Toutes ces concordances
se précipita encourant jusqu’au rivage, prouvent le rapport intime qui existait
où elle fut reçue par les habitants de entre les peuples de ces rivages et ceux
Trébizonde. des côtes de la Syrie et de la Phénicie.
Sésostris soumit toute l’Asie jusqu’au
CHAPITRE Vlll. Pont-Euxin, et imposa aux peuples vain-
cus un tribut qui devait etre payé en
ROYAUME DE PONT. Égypte. La domination de Sésostris lut
anéantie par la première invasion des
Les montagnes qui séparent la petite Scythes, qui à leur tour imposèrent à
Arménie du royaume de Pont, et qui ces peuples un tribut qui fut payé pen-
portaient dans' l’antiquité le nom de dant quinze cents ans. .Mais si. pendant
Scvdissès (I) « montagne très-rude, » une si longue période, ces peuples no-
étaient Itabitéespar le peuple des Hepta- mades ne fondèrent aucune ville dans
comètcs, nation féroce qui n’avait d'au- leur nouvelle conquête, ils purent, par
tres habitations que les arbres des forêts leurs rapports avec les populations sé-
ou des biokaus de bois, mosyni,du haut mitiques, laisser en Asie les éléments
desquels ils s’élançaient sur les passants ; d’une race mêlée, qui tenait des Sémi-
les Grecs les nommaient Mosynœc.i. tes par leurs mères , et par leurs pèrw
Les Chalybes, qu’Homère appelle Hali- de la race, caucasique.
zones, occupaient le pays au-dessus N inus chassa les Scythes, et affranchit
des iMosymi’ci «OdiusetEpistrophius,
: l’Asie du tribut qui leur était payé, mais
conduisaient les Halizones d’Alyhé, de il ne rendit pas ces peuples à leur gou-
uy Goc^le
ASIE MINEURE. .593
qu’il partit pour faire la conquête du vallée dePhanaræa, qui passait pour un
Pont. Ce fort de Cimiata était situé dans des meilleurs cantons du Pont. I>a Pha-
les déQlés du mont Olgassus, à l'ouest narée est arrosée par le Lycus, qui vient
de l’Halys et sur les frontières de la Si- de l’Arménie, et par l’Iris, qui sort des
nopide, « où l’on voit partout des tem- défilés d’Amasie. Pythodoris possédait
ples érigés par les Papniagoniens > (3), en outre toute la Zélitide et le pays de
et traversée par le fleuve A mnius Ce Mégalopolis, Cabira était située à cent
pays est encore tout à fait inexploré au cinquante stades plus au midi, au pied
pomt de vue archéologique ; il renferme du Paryadrès on voyait dans cette ville
;
PoléinoD, fils de cette princesse (1) ; ciennes, mais elles ont tout le caractère
mais il conserva toujours le nom de Pont d’ouvrageS byzantins.
Polémoniaque ; il comprenait sur la côte Trapezus ou Trapézunte était une co-
l’embouchure du Thermodon, Polémo- lonie de Sinopc ;
elle reçut un nouveau
nium et Colyore ; dans les terres Néo- : contingent de population , lorsqu’après
césarée,Zéla,Sébaste etMegalassus. la construction de Megalopolis en Ar-
Le Pont Galatique comprenait la cadie, les villes de cette province allè-
ville de Thémiscyre, et dans les terres rent peupler la nouvelle eapitale. Les
Sébastopolis Amasia et Comana Pontica. Trapézuntieus furent les seuls qui ré-
Le Pont Cappadocien comprenait sistèrent; ils aimèrent mieux abandonner
sur la côte Pharuacie Cérasus, Trapezus le Péloponnèse et aller habiter la Tta-
et d’autres lieux peu connus. pézunte d’Asie, où ils devaient retrouver
Nicomède s’était emparé d’une partie des compatriotes (I). Lorsque Xénopbon
du royaume de Mithridate ; mais à sa fit son entrée dans celte ville à la tête
mort tous ces royaumes furent réunis des huit mille six cents héros, reste de
aux possessions romaines en Asie sous la cohorte des Dix-Mille, il y fut ac-
le nom de Province de Pont. Auguste cueilli avec toutes les marques de sym-
ajouta à cette province la Paphlagonie athie que méritait son entreprise. On
lorsque la race de ces rois fût éteinte t à cette occasion des sacrifices à Ju-
en la personne deDéjotare Philadelphe. piter et à Hercule, et des jeux publics
Les Notices ecclésiastiques ne recon- furent célébrés. Xénophon pay^ la dette
naissent que deux provinces du Pont ; de l’hospitalité en faisant connaître à
la province du Pont ou de fiithynie, et la postérité l'accueil qu’il avait reçu;
le Pont Polémoniaque. Cette dernière c’est la première fois que le nom de
division ne comprend que cinq villes, Trapezus apparaît dans l’histoire. I .0
Néocésarée, Comana, Polémonium, Cé- monument qu’avaient élevé les [Dix-
rasus et Trapezus. Mille sur le mont Théchès en souvenir
du succès de leur retraite a depuis
CHAPITRE IX. longtemps disparu , mais les écrits de
Xénophon subsisteront encore dans la
TRÉBIZONDE-TBAPBZCS. suite des siècles.
La création du comptoir milésien de
Tous les écrivains qui ont parlé de Trébizonde s’explique par les raisons
Trébizonde répètent l’un après l’autre que nous avons développées dans le pré-
que cette ville prit son nom de Trapezus cis historique du royaume de Lydie. Le
forme de ces fortifications ait été gran- bizonde leur ouvrait des débouchés plus
dement modifiée, car le plan de Trébi- rompts avec les riches contrées de la
zonde est bien moins ré^lier que celui aute Arménie, de la Médie et de la
d’un grand nombre de villes anciennes. Perse.
Dans la ville basse, les murailles ont On pourrait, pour les temps moder-
en effet la forme d'un quadrilatère ir- nes, faire des rapprochements analo-
régulier ; mais dans la pærtie sud , qui gues et montrer que la prospérité ac-
est la plus élevée, s’étend un grand quar- tuelle de Trébizonde tient au grand
tier où étaient la forteresse et les palais. commerce de transit qu’elle fait avec
Cette partie de la ville n’est rien moins l’Arménie et la Perse, tandis que Sinojic,
que routière ; les murailles suivent tous sa métropole, serait depuis longtemps
les accidents du rocher, et le château réduite à l’état de simple village si clic
s’élève sur le point culminant. n’avait pas sa belle rade pour offrir un
Les murailles actuelles ont peut-être point de relâche assuré aux navires qui
été élevées sur les fondations des an- font le cabotage de la mer Noire,
(1) Suétone, Néron, ch. 18, (i) Pausanias, Uv. VJIf,.ch. 37.
ASIE MINEURE. &95
T.es querelles des successeurs d’A- ter à Trébizonde des travaux de défense
lexandre ne portèrent aucune atteinte et d'utilité publique. Il construisit un
à la prospérité commerciale de Trébi- aqueduc dans le but de suppléer au
zonde. Alexandre n'avait pas paru dans manque d'eau qui se faisait sentir, et
le royaume de Pont ; il avait voulu aller lui le nom de Saint-Eugène, mar-
donna
frapper sonennemi au coeur, et toutes tyr. Procope se contente de mentionner
les du nord devaient tomber
provinces- cet ouvrage (I).Une grande inscription
d’elles-mémes quand l’empire de Perse placée sur la porte du château nous
serait anéanti. U’histoire du royaume de apprend que cet empereur a construit
Pont au moment de l’établissement des plusieurs autres édinces; mais ils ne
Romains en Asie est renfermée dans sont pas mentionnés. Cette inscription
celle de MithridateEupator; Trébizonde contient les noms de tous les peuples
n’ayant pris qu’une part tout à fait vaincus par Justinien (2). Sous Cons-
passive à ce grand conOit, n’excita pas tantin Porphyrogénète, Trébizonde était
contre elle la vengeance des Romains ; la métropole'du septième thème, dit de
iis lui laissèrent le titre de ville libre. Chaldée (3). Ce titre de capitale lui avait
César s’était contenté de détruire la été enlevé du temps de Justinien pour
puissance de Pharnace sans rien cons- le donner à Néocésarée.
en Asie. Lucullus et Pompée lais-
tituer
sèrent leur libertéaux anciennes colo- CHAPITRE X.
niesgrecques (1); c’étaient pour les Ro-
mains autant de lieux d’étape et de ra- SOYÀUHE DK TBBBIZONDB.
vitaillement. L’empereur Hadrien donna
un soin particulier à l’embellissement David et Alexis Comnène, fils et petits-
de Trébizonde ; il fit construire des pa- fils du tyran Andronic, furent les fon-
lais , des portiques et des basiliques.
dateurs du royaumede Trébizonde. Ces
Comme le mouillage était dangereux il ,
princes s’étant sauvés de Constantino-
creuser un port artificiel, dont on re-
tit
ple s’emparèrent de la Galatie et du
trouve remplacement près des rochers Pont ; mais ils ne prirent à cette époque
ui s’avancent dans la mer au-dessous d’autre titre que celui de dnc. Baudoin
es rochers de Guzel serai , où est au-
fit alliance avec eux ; ils ne prirent le
jourd'hui la quarantaine; tout ce port
titre d'empereur qu’en 12(>4, en même
est ensablé et ne sert plus que comme
temps que les princes de Nieée. Alexis
débarcadère.
Comnène, surnommé le Grand, s’em-
La ville était bien peuplée; une double para du Pont, de la Cappadoce et des
enceinte de muraille semblait défier
côtes jusqu’à Héraclée. Dufresne ne
toutes les forces ennemies. Cependant,
donne le titre d’empereur qu'à Jean
sous le règne de Valérien Trébizonde
,
Comnène; il classe la dynastie de ces
fut prisepar les Goths; la garnison princes de la manière suivante :
soun. La ville est située immédiatement cents grecques, et six mille turques.
au bord de la mer, il n’y a de ce côté Les chrétiens sont divisés en huit
ni plage ni port; une étroite bande de mahalié ou quartiers, les Turcs en vingt-
sable, presque toujours submergée, s’é- huit maliallé. Les habitants disent que
tend le long des murs , c’est là que les du temps du sultan Achmet, Trébizonde
marins de Trébizonde tirent leurs na- avait dix-huit mille maisons.
vires à sec. A l’angle nord de la ville Les Arméniens ont quatre églises et
il
y a une sorte de cap formé par des lesGrecs vingt-quatre, dont sept seu-
rochers volcaniques; l’anse située entre lement'sont consacrées au culte. Le fau-
ces rochers et la côte était l’ancien port, bourg contient six mosquées, dont l’une,
aujourd’hui ensablé. Sur oe cap s’éle- Imaret Djami si, est construite sur le
vaient encore en I83G les ruines incen- tombeau de la mère de Sélim 1". L’i-
diées d’un château moderne ou l’appe-
: maret ou hospice pour les pauvres est
lait Guzel séra'i, le beau palais ; le pacha complété par une ecole et un caravan-
Achmetoglou, qui le faisait construire, sérai.
étant tombé en disgrâce, on envoya un Ortasar djami si, mosquée située au
capidji bachi qui lui coupa la tete et centre de la ville, est une église byzantine
mit le feu au château. Ceci se passait du temps des Comnènes; aucun chan-
en 1740, sous le règne du sultan Mah- gement n’a été fait dans les dispositions
moud I"; depuis ce temps, nul n’avait primitives de l’édifice.La façade a une
osé s’installer dans les murs de ce châ- longueur de seize mètres ; elle se com-
teau maudit (I). Près du port comblé, pose d'un portique donnant accès dans
appelé Goulé, est l’arsenal; au-dessus, l’exonarthex et dans le narthex. La nef,
le petit édifice à double coupole qui s’é- dont la largeur est de six mètres est ,
lève à l’horizon est le tombeau de Da- accompagnée de deux bas côtés formés
vid ; à gauche, le consulat de France. par des pilastres; une coupole éclairée
La basse est habitée par les
ville ar douze fenêtres s’élève au-dessus de
Turcs, les chrétiens demeurent dans le P abside. Toute cette construction est
faubourg du nord-est. Il faut une heure d’une extrême simplicité, mais le plan
pour faire le tour de la ville. La cita- est bien entendu l’eglise se termine par
;
delle, situéedans la partie haute, est une abside circulaire avec deux cha-
défendue par un fossé; le fort du mi- pelles latérales.
Orta hissar, a quatre portes,
lieu, appelé La longueur totale de l’église, y com-
deux etablissements de bains et le pa- pris lesdeux portiques, est de trente-cinq
lais du pacha. La forteresse inférieure, mètres.
Aschoglù hissar, a également quatre A trois kilomètres de la ville, et sur
portes et forme une enceinte séparée du une colline qui domine la mer, s’élève
fort intérieur au moyen de deux portes l’église de Sainte-Sophie, Aghia Sophia,
en fer; c’est la demeure des principaux convertie en mosquee par les Turcs. Cet
Turcs. Lesmurssont construits en quar- édifice, d’un caractère original et sévère,
tiers de rodie et épais de deux mètres ; est d’une conservation parfaite (t); les
un fossé profond entoure les deux forts. dispositions du plan sont les mêmes que
Dans la vallée voisine coulent les ruis-
(i) Voyez la planche 3i ,
Vue d’une égliie
598 L’UNIVERS.
cription placée près de la figure est ainsi in ense concours d’hom mes et de
femmes,
conçue ; Théodora, par la grâce de sans parler de cæux qui venaient en tout
Dieu, très-pieuse maîtresse et impéra- temps pour accomplir des vœux et pour
trice de toute l’Anatolie. offrir des sacrifices à la déesse.
(les titres sont peut-être un peu am- Il V avait dans la ville un
grand nom-
bitieux quand on pense à quelle étendue bre de courtisanes , dont la plupart ap-
se bornait cet empire, mais ces tableaux partenaient au temple.
prouvent qu’à cette époque les arts Les desservants du temple, qui por-
étaient encore en faveur dans cette li- taient le nom de hiérodules, demeuraient
mite extrême de l’empire d’Orient. dans la ville ; leur condition éuit celle
de serfs sacrés. Le grand pontife avait
CHAPITRE XII. sur eux un pouvoir absolu ; mais il lui
était interdit de les vendre. Ils étaient
LES GRANDS SANCTDAIBES d’anAÏTIS au nombre de six mille, et Pompée avait
DANS LE BOYADMB DE PONT. donné la prêtrise à Arcbélaüs son Gis
COHANA. —
ZELA. PTERIÜM. — hérita de la même dignité, et le succes-
;
et la ville fut appelée Comana. Cette tre égalait celle du prince, et lorsqu’il
légende grecque est conforme à toute araissait en public sa tête était ornée
cette histoire apocryphe d’Asie écrite S U diadème. Mithridate souleva toute
par les Grecs. Il est certain que les cen- cette population fanatique contre le pou-
tres religieux du royaume de Pont et voir des Romains. Dorylaus, parent de
de la Cappadoce, dans lesquels il était Strabon l’historien et ms de Pnilætère,
rendu un culte à la déesse Anaïtis, exis- avait été élevé par Mithridate à la prêtrise
taient avant qu’aucun Grec eût paru du temple de Comana. Ilconçutle projet
60 Asie Mineure. Nous ignorons quels de faire passer le royaume de Pont sous
noms portaient ces villes du temps de le pouvoir des Romains; mais cette ten-
l’empire assyrien la dénomination
, tative lui fut fatale. Le grand-père ma-
grecque ayant prévalu. ternel de Strabon, voyant que les affaires
Comana de Pont, était située* sur le du roi allaient mal dans la guerre qu’il
bord de l’Iris ; si l’on en croit les tradi- soutenait contre Lucullus, voulut ven-
tions romaines, elle aurait été fondée er la mort de ses parents, que Mithri-
avant la Comana de Cappadoce (1). ate avait tous fait périr avec Lucullus;
Procope, qui a visité les deux villes d’A- mais Pompée refusa de reconnaître au-
sie , s’étonne de la ressemblance qu’il a cune convention faite par les Asiatiques
trouvée entre elles Tune et Tautre
: avec ce général, et le grand-père de Stra-
sont adossées à une montagne; celle de bon en fut quitte pour ses frais de
Cappadoce est près du Sarus, et celle trahison (1).
de Pont près de l’Iris. La même divi-
nité, Vénus-Uranie ou Anaïtis, était CHAPITRE XIII.
adorée dans les deux sanctuaires, et
tout ce qui regardait les sacrifices, ainsi
LE CULTE D’ANAÏTIS. I
.^Ic
.
ensuite un temple d’Artémis dans l’E- auteurs ne font mention que de la der-
lymals (1). nière. Strabon dit positivement que Zéla
Autiocbus, obligé de payer aux Ro- dans le pays de Pont est bâtie sur la
mains une indemnité de guerre, avait levée deSémiramis on y voit un temple :
folie, causé, disait-on, par son impiété (2) déesse était semblable à celui de Diane
Au moment de l'arrivée d’Antiocbus Tauropole. Les cérémonies pratiquées
le temple d’Ainé avait des colonnes dans les temples d’Anaïtis consistaient
dorées ; les tuiles étaient d’argent; il fit dans la combustion du feu sacré sur des
enlever le tout et le fit passer dans le autels appelés pyrées ou pyræthées, où
trésor royal la somme ne se monta pas
: les mages entretenaient un feu inextin-
à moins de quatre mille talents. guible. Pausanias raconte comment un
Isidore de Charax mentionne dans mage allumait des menues branches sur
la métropole de la Médie un temple un autel sans le secours apparent du
d’Anaïtis avec un trésor; le même gM- feu (2). Les mages portaient une tiare
graphe signale dans ses Statlimi Partliici de feutre dont les oreilles descendaient
un autre emplacement du temple d’A- des deux côtés de manière à leur couvrir
naïtis <à Concobar, Kanguevar, près de les lèvres.
Hainadan ville de la Médie supérieure.
, Les grandes fêtes consistaient en
Strabon atteste que le culte de la divi- processions dans lesquelles on prome-
,
nité médo-perse d’Anaïtis s’étendait nait les statues des dieux Anaïtis et
aussi dans l’Asie occidentale, dans l’Ar- Omanus. Strabon (3) emploie pour dé-
ménie et la Cappadoce. Il rapporte que signer ces statues le mot Xoanon nui
les Saces ayant fait une irruption dans le signifie une figure de bois. Les médailles
pays (3) furent attaqués par les généraux de Perga eu Paniphylie où était un
Perses, et exterminés. En souvenir de grand sanctuaire d’Artemis pergéenne
cette victoire, les Perses après avoir représentent dans un temple à six
accumulé des terres, autour d’une roche, colonnes la figure de la déesse .«ous la
y formèrent comme une colline qu’ils forme d’un cône, c’est-à-dire sous la
entourèrent de murs ; ils élevèrent deux même forme que la Vénus de Paphos.
temples, l’un à la déesse Anaïtis, l’autre Toutes ces divinités s’incarnaient les
aux divinités perses Omanus et Anan- unes dans les autres aux yeux de popu-
date, qui partagent ses autels. Les pos- tions qui étaient livrées à toutes les
sesseurs de Zéla célébraient encore du jongleries des mages fanatiques et des
temps de Strabon une fête commémo- pontifes absolus.
rative qui avait lieu dans tous les sanc- Au pied du mont Taurus et non
tuaires d’Anaïtis. Zéla n’était alors loin de Comana de Cappadoce, étaient
qu'une bourgade, peuplée presque uni- les bourgs de Castabaia et de Cybistra :
quement par les desservants du temple. dans le premier était le temple d’Ar-
Celte tradition prouve que le culte d’A- temis Perasia c’est-à-dire apportée
,
naïtis existait avant Cyrus, qu’il était na- de loin; c’était la même divinité que l’A-
tional dansle pays.etquece prince n’a fait naïtis des Arméniens, elle avait été
qu’instituer une nouvelle fête. Étienne
(1) .strabon, XII, 535
— Voyez
.
600 L’UNIVERS.
apportée par Oreste en Asie Mineure, culés jusqu’à celui de Justinien, qui
le culte se répandit ensuite en Lydie et transforma en églises les temples de
en Cappadoce, c’est-à-dire enfin, que l’A- Comana.
naîtis, Vénus-Uranie, Mylitta, Bellone, 1.41 première statue ne date que du
Diane et Ma n’étaient qu’une seule et temps des Grecs. Artaxeree n’a rien in-
même divinité incarnée sous différents nove tous les dieux de l'Asie antérieure
;
noms suivant le génie ou le fanatisme étaient changés par les Grecs. Belus
des peuples qui l’acceptaient. devint Zeus, Sandone, Hercule, et Anaï-
La figure d’Anaïtis, transformée en tis Aphrodite ou Artémis.
Diane , fut représentée sous forme hu- Cette dernière divinité fut particu-
maine; c’était, selon Pline (I), la plus lièrement honorée par les Mèdes; aussi
ancienne statue connue. < La plus an- c’est dans les lieux de leur domination
cienne statue d’or massif sans aucun quesontgroupés les plus nombreux et les
creux et antérieure à toutes celles du plus célèbres sanctuaires. La ville de
même genre en airain qu'on nomme Pterium, leur capitale dans l'Asie occi-
holosphyrates a été celle du temple dentale, nous fait voir encore les ruines
d'Anaïlis, statue qui était en grande importantes d’un vaste cdilicc religieux
vénération parmi ces peuples »; elle fut et des bas-reliefs d’une haute antiquité
brisée, et un soldat eut une cuisse pour retracent des scènes et des cmblcnies
sa part. Avec une parcelledeson butin, il religieux qui ont des rapports certains
offrit un festin à l'empereur Auguste avec ces Mythes archaïques.
dans la ville de Boulogne (2). Cette
statue fut brisée dans l’une des années CHAPITRE XIV.
35 à 31 avant J. -C.; elle avait été dédiée
par Artaxerxe Memnon elle était âgée
: VILLES DU FONT POLÉUONIAQUE :
Les Athéniens croyaient que les Mèdes dans l’ensemble de son parcours (>).
l’avaient transportéede Braura à Suse, On aperçoit au bord de la rivière
de Laodicée,
et qu’ensuite les habitants quelques débris de ruines helléniques,
de Syrie l’avaient reçue en présent du des fragments d’architeeture et des
roi Séleucus. frises de marbre enclavées dans les
C’est sans doute ce trophée qui murailles des maisons, un édifice plus
transporté en Perse, a donné au roi considérable bâti de briques et de moel-
Artaxerxe l’idée de consacrer une statue lons s’élève au-dessus des autres ruines,
à la déesse Anaïtis, qui primitivement et est composé .d’un certain nombre de
était adorée sous la forme d’un cône. salles voûtées. Cet édifice parait être
Le culte de cette déesse a été pratiqué d’une époqueassez récente. Au pied de la
en Asie depuis les temps les plus re- un pont romain dont le milieu
colline est
est rompu et réparé avec des solives, les
(i) Pline, Xmill, 34.
(1) Id., ib. (i) Voy. Kerporlcr, Travels, ai i, 701, Po-
(3) Pausanias , lu , 16. cocke, Voyaget.
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ASIK MINEURE. 601
arcs des culées sont encore en bon état, lui donnaient le nom de Jevtogia ou
c’est tout ce qui reste de ce célèbre Eudoxia. I.es chrétiens avaient aban-
sanctuaire de Comana; mais sa position donné l’antique Comana, célèbre par un
est bien indiquée par Strabon comme culte qui leur était odieux ; de tous les
étant au-dessus de la plaine de Phana- dieux du paganisme la divinité de Vénus
roea dans la fertile plaine arrosée par était celle qui était le plus en horreur
riris. aux chrétiens à cause des cérémonies li-
’
A un kilomètre et demi à l’ouest cencieuses dont elle était l’objet (I).
de Guemenek est un énorme bloc de Les Pères de l’Église, etsurtout Kusèbe,
marbre cubant environ deux mètres prêchaient dans leurs écrits la destruc-
qui parait détaché de la montagne voi- tion de ces sanctuaires mal famés, et
sine et a été excavé pour en faire un Comana passait pour une petite Co-
double tombeau. La façade représente rinthe. Il n’est pas étonnant que les
la grossièreimage d’un temple il a été: chrétiens aient abandonné cette ville
décrit rapidement par 'f avernier et plus maudite pour aller s’établir dans un lieu
en détail par M. llamilton (t); un des- vierge de traditions païennes. Tocat,
sin pourrait seul faire connaître à quelle comme nous l’avons dit, est à une très-
époque il appartient ; les chrétiens du petite distance de Coinaua il est pro-
:
pays disent qu’il servit de retraite à saint bable que les matériaux des édifices an-
Chrysostome. Les collines voisines sont tiques ont servi à bâtir la ville nouvelle.
composées de pierre calcaire comme Dans les premiers temps de l’empire
toute cette chaîne centrale. byzantin elle parait avoir conservé son
Ün passe l'Iris et l’on franchit un col nom primitif, caries notices ecclésiasti-
pour gagner la vallée dans laquelle est ques mentionnent Comana comme un
située Tocat. siège épiscopal.
Il n’y a pas de ville plus extraordinaire Tocat est le grand entrepôt des mines
s’écriait Pococke, lorsque pour la pre- decuivredeKeban Maden : le métal est
mière fois il aperçut Tocat. Ses maisons transporté brut dans celte ville pour être
couvertes en tuiles dans un pays où tou- raffiné ; un grand
nombre d’habitants se
tes les toitures sont en terrasses lui livrent à la fabrication des ustensiles
donnent de loin l’aspect d’une ville de cuivre, chaudrons, braseros et vases
européenne. de cuisine et de caravane : ils exportent
Deux hautes montagnes couronnées jusqu’à Constantinople.
par d’antiques châteaux donnent au pro- Au nord-est de la ville il y a un pont
Gl du paysage un aspect étrange la ; de cinq arches jeté sur l’Iris, mais il
ville s’étend sur la croupe de ces ro- est rare qu’on en fasse usage, la rivière
diers et dans la vallée qui les sépare; est toujours guéable, excepté dans les
toutes les maisons sont bâties en bri- grandes pluies d’hiver. Dans toute cette
ques crues, mélange de terre et de paille vallée de l’Iris, dont saint Basile a fuit un
hachée, sur un terrain où la pierre cal- si riant tableau, l’abondance des eaux
caire abonde n’est-ce pas une preuve de
: entretient une fertilité admirable. Les
plus que les habitants se conforment à arbres fruitiers, qui se trouvent là dans
un usage établi dans ces contrées de leur pays natal, les abricots, les pêches et
toute antiquité, mais c’est là que se bor- surtout les poires, embellissent des jar-
nent les avantages de Tocat ; entrez dans dins qui forment un magnifique cadre à
la ville, vous voyez uu dédale de rues la ville. Les raisins de toute sorte abon-
étroites et mal tenues ; quelques mos- dent, mais la fabrication du vin laisse
quées avec leurs minarets sont les seuls beaucoup à désirer. Ilestdouteux qu’il
édifices qui attirent les regards; les deux ait satisfait le palais des voluptueux ha-
châteaux qui couronnent les montagnes bitants de l'antique Comana.
sont du moyen âge et complètement
abandonnés. (i) Strabon, XI! , 55g.
La fondation de Tocat ne remonte pas
au delà du moyen âge : les Arméniens
603 L’UNIVERS.
CHAPITRE XV. petite Arménie etdans le Pont. Gazioura
était une ancienne résidence des rois de
TUaKAL. — GAZIOUBA. — ZKLA. Pont ; toutes ces forteresses furent
démolies par Pompée , qui transforma
L’Iris, prenant sa source dans les le pays en fondant des villes nouvelles,
montagnes du Pont, traverse la ville et du temps de Strabon le château de
de Coraana et la fertile plaine de Daxi- Gazioura n’était déjà plus qu’une ruine.
monitis de l’està l’ouest , tourne vers Kala keui, le village du château à six
le nord près de Gazioura, ancienne rési- kilomètres à l’est d’Amasia, est remar-
dence des rois, mais aujourd’hui déserte, quable par quelques grottes sépulcra-
retourne encore une fois vers l’orient, les qui ont déjà été vues par plusieurs
reçoit les eaux du fleuve Scylax, Tcho- explorateurs, mais qui n’ont pas encore
tcrlck sou , et plusieurs autres rivières été décrites. M. Barth (1) a tenté vain^
et passant le long des murs d’Amasie il ment une ascension, mais pour arriver
entre dans la Phanarœa ; là, joint par au niveau deswenuments il lui aurait
le Lycus, qui vient de l’Arménie, il tra- fallu une échelle et des cordes, les ha-
verse la plaine de Thémiscyre pour al- bitants eux-mêmes ne paraissent pas con-
lerse jeter dans le Pont-Euxin (1). Cette naître de chemin pour y arriver. On
description de Strabon est tout à fait commence à gravir les rochers avec
conforme à la topographie actuelle et beaucoup de peine en s’accrochant aux
permet de déterminer d’une manière buissons et aux aspérités du rocher ;
positive les sites de Gazioura au village les monuments sont à cent mètres
de TurkaI , situé au coude, de l’Iris et environ au-dessus du sol de la vallée;
bâti au pied d’un haute montagne iso- mais arrivé aux deux tiers de la route le
lée et rocheuse couronnée par un château rocher devient aplani et glissant, et
fort. l’on ne peut aller plus loin. Ces cham-
TurkaI est un bourg de deux ou bres sépulcrales sont au nombre de
trois cents maisons situé à quarante- trois ; d’après l’esquisse qu’en a don-
huit kilomètres à l’ouest de Tocat, née M. Barth, elles n’ont aucun orne-
dans la plaine de Kaz ova si, la plaine ment d’architecture, et se rapprochent
des oies, et entourée de jardins et de ver- par leur simplicité des tombes d’Ama-
gers la montagne voisine forme un pic
: sie qu’on appelle tombes royales.
isolé de cent cinuuante mètres de haut Zéla est a vingt-quatre kilomètres à
et d’un accès difncile. l’ouest de TurkaI ; ou passe l’Iris sur un
La plupart des constructions du pont de bois et Ton traverse la plaine
château datent du moyen âge. 11 y a de Daximonitis, séparée de celle de Zéla
cependant quelques parties (]ui imitent par un col peu élevé. Lci ville moderne
le cachet d’une haute antiquité. Les de Zileh est bâtie au pied d’un monti-
montants des portes comme les archi- cule conique; elle contient environ deux
traves sont faits d’une seule pierre. mille maisons turques et cent cinquante
Il v a de plus dans l’enceinte des mu- arméniennes; les maisons, comme
railles un souterrain quidescend dans le celles de Tocat, sont couvertes eu tuiles.
centre de la montagne. L’entrée est as- Les habitants cultivent principalement
sez praticable, mais à mesure qu’on le coton dans leurs vastes plaines et ont
avance dans ce couloir dont la pente quelques métiers qui fournisseut des
est rapide, le sol devient si rocailleux tissus à la population des environs. Il se
u’il est impossible de descendre plus tient chaque année un grand marché
'une cinquantaine de pas (2). Cet ou- qui réunit, selon M. Ainsworth, qua-
vrage parait être une de ces galeries tail- rante ou cinquante mille visiteurs, cela
lées dans le roc , pratiquées par ordre rappelle les grandes foires religieuses
de Mithridate dans les châteaux où il ou panégyries qui avaient lieu autour
cachait ses trésors, châteaux qui sont ^es temples d’Aualtis.
au nombre de soixante-quinze dans la Au milieu de la ville s’élève lamontagne
quecüuronne le château etqui domine les
(i) Strabon, XII, 54^.
(a) Hamiltoii, Rcstarches, t. i, 35g. (i) Keise, p. i8.
ASIE MINEURE. 603
vallées environnantes, les murailles sont tion seule des lieux fait comprendre tout
modernes on observe seulement quel- l’avantage de la position des troupes
ques débris d’architraves et de comi- romaines.
ces, mais rien qui porte le cachet d’une Cette action s’étant passée hors de
haute antiquité. Au milieu de la ville la ville, n’a
donné à l’historien aucune
il
y a une fontaine qui s’épanche dans occasion d'entrer dans quelques dé-
un large bassin de pierre d’ancienne tails sur les monuments célèbres; nous
construction. Les habitants iguorent où ignorons aujourd’hui où était situé
est la source ils prétendent que dans
;
le temple d’Anaïtis; il est probable
l'intérieur du château se trouve une qu’il a eu le même sort que tous les
galerie souterraine qui conduit du som- Mifices du même genre il a été ruiné
:
met jusou’à la source. M. Hamilton jusqu'au sol par les chrétiens. Le gou-
pense qu’elle est alimentée par un ruis- vernement ou l’administration de ce
seau qui coule près de la vHIe et dont sanctuaire ne différait pas de celui de
les eau.v filtrées dans un terrain sablon- Comana ; le pontife suprême avait un
neu.v viennent ressortir au pied du pouvoir royal, et Zéla était considérée,
monticule. non pas comme une ville sous la dépen-
Zileh , l’antique Zéla , était un des dance des rois, mais comme un temple
centres les plus célèbres du culte d’A- consacré aux dieux persiques et gou-
naïtis. Strabon dit que cette ville fut vernée par le pontife même.
bâtie sur un tertre élevé par Sérnira- Zéla était le chef-lieu do la région
mis (1). Hirtius (2), Mi parle de Zéla Zélitide ; c’est Pompée qui lui donna le
longtemps avant Strabon, n’est pas du titre de ville et y joignit plusieurs autres
même avis. « Zéla, ville aussi forte qu’elle cantons tout ce pays devint plus tard
;
peut l’être dans une plaine, car elle est l'apanage de la reine Pythodons.
située sur un tertre naturel qui parait
un ouvrage de l’art et qui sert à sou- CHAPITRE XVI.
tenir les murailles de toutes parts ».
Les environs de Zéla sont célèbres AHASIE.
par deux batailles dans lesquelles les ar-
mées romaines furent tour à tour vain- Amasie est une des plus anciennes
cues et triomphantes la première eut
: villes du royaume de Pont; elle appar-
lieu entre Mithridate, Eupator et Tria- tint d'abord à la Cappadoce, et formait
rius, lieutenant de Lucullus
;
la seconde une partie de la troisième satrapie sous
donna lieu ,i César, vainqueur de Phar- Darius Hystaspe. Les anciens auteurs ne
nace , d’écrire cette célébré missive : nous donnent aucun détail sur sou ori-
Je suis venu , j’ai vu, j’ai vaincu. Le gine, elle devint capitale d’un royaume
champ de bataille où eut lieu cette ac- à lachute de l’empire de Perse.
tion mémorable, si bien décrite par Hir- Les princes de la dynastie de Mithri-
tius (3), se trouve dans un vallon si- date Ctistès y faisaient leur résidence;
tué à huit kilomètres au nord-ouest de elle subit le sort commun à toutes les vil-
Zéla. On reconnaît sans peine la colline les de la contrée lorsque les Romains dé-
où était campé du Bosphore; la
le roi clarèrent à Mithridate Eupator une
colline plus haute séparée par un vallon guerre sans merci ; elle tomba entre les
de quinze cents métrés est celle où mains de Pompée qui rasa les murailles
César établit son camp. L’armée de de l’Aeropoleen même temps qu’il faisait
Phamace en voulant attaquer César,
,
détruire tous les forts que ce prince avait
fut obligée de descendre le monticule fait construire sur les rochers les plus
u’elle occupait, de traverser la vallée et inaccessibles. Lorsque le Pont fut ré-
3 e remonter la colline sur laquelle les duit en province , Amasie ne perdit pas
troupes de César étaient occupées à son titre de capitale de Pont; elle porta
creuser leurs retranchements. L’inspec- sur ses monnaies le titre de métropole.
Grâce à son heureuse situation comme
(i) Slraboii, XII, 55g. place de transit et à la fertilité de sou
(a) Hirtius, Bell. Alex in fine. territoire, elle ne cessa de jouir d’une
(J) Id., ihid. certaine prospérité, taudis que toutes les
004 LTJNIVERS.
autres places fortes étaient abandonnées plus ancien, encore moins à quel per-
et leur nom oublié. Sous les Comnènes de sonnage il a été consacré: un seul porte
Trébizonde, Amasie devint une des prin- une inscription ; c’est le tombeau d’un
cipales villes de ce royaume , et comme grand prêtre, peut-être d’un de ces pon-
telle fut en butte aux premières attaques tifes q^ui exerçaient un pouvoir égal à
des émirs musulmans ; elle fut arrachée celui des rois.
aux Grecs par les princes de la dpas- Dans l’impossibilité où l’on est d'éta-
tie de Danischmend qui la donnèrent blirun ordre chronologique dans les
ensuite aux Seidjoukides. Le sultan monuments d’Amasic, nous nous bor-
Ala Eddyn KeïKobad, qui la possédait nerons à leur description matérielle, en
au commencement du treizième siècle, maintenant cet aveu de l’impuissance
y fit construire des mosquées et des où l’on est aujourd’hui de dire si ces
écoles qui sont encore l’ornement de la monuments sont antérieurs ou posté-
ville A la chute du pouvoir des Seid- rieurs au siècle d’Alexandre.
joukides, Amasie tomba sous celui des Amasie est située dans une vallée
Osmanlis; sous le rr.gne du sultan longue et profonde, traversée par l’Iris.
Bayazid, cette ville fut assiégée par Ti- Une montagne à double sommet, qui
mour, alors vainqueur du sultan des domine le cours du fleuve, est couronnée
Turcs , la citadello résista pendant sept par une Acropole à laquelle viennent se
mois, mais le pays d’alentour fut ravagé, rattacher les murailles d’enceinte ; elles
les habitants des campagnes massacrés. descendent dans la vallée, suivent le
Ce n’est pas la dernière attaque sérieuse contour de l’Iris, et remontent la pente
que cette ville ait eu à repousser; en de la montagne pour aller se rattacher
1472, l’armée de Uzun Hassan, scliah au second sommet; de distance en dis-
de Perse, s’était emparée de Tocat, et s’a- tance elles sont défendues par des tours.
vançait sur Amasie, lorsque Mustapha, L’enceinte de la ville comprend les pa-
fils de Mahomet II, qui commandait la lais et les tombeaux des rois. Les déni
place, marcha contre l’armée persane, sommets ont de chaque côté une gorge
et la mit en déroute dans les plaines de fort étroite, et, dit Strabon, haute de
la Cappadoce. Sélim sultan des six ou sept stades, soit onze à treize
Turcs, naquit à Amasie, et fonda des cents mètres , par laquelle on monte
écoles d’où sortirent plusieurs savants. en venant des bords du fleuve et des
Aujourd’hui , comme place de transit faubourgs de la ville. De cette gorge, aux
entre la Perse et les ports de la Mer sommets reste encore un stade cent ,
Noire, cette ville jouit encore d’une cer- quatre-vingt-cinn mètres à monter, par
taine prospérité, son climat est un des un chemin si roide qu’il est impossible
plus sains et des plus agréables de la à aucune force de le franchir.
contrée. L’eau est portée dans la ville par deux
De toutes les descriptions du site conduits taillés dans le roc le premier
:
d’Amasie, c’est toujours celle de Stra- le long du fleuve , le second dans le dé-
bon qui est la plus complète et la plus filé. Le fleuve est traversé par deux ponts,
intelligible. On peut entrer dans quel- l’un conduit de la ville au faubourg;
ques détails sur les ruines qui existent l’autre du faubourg dans la campagne.
encore , mais elles sont muettes pour C’est à ce pont que finit la montagne
l’archéologue; le car.ictère simple et située au-dessus de la Roche (I).
sévère de ces monuments ne porte
avec lui le cachet d’aucune époque LA VILLE MODERNE.
déterminée; il n’y a pas un seul orne-
ment , pas une moulure qui permette La plaine de Turkal est séparée par
répète avec Strabon « ce sont les tom- cheuses qui déterminait la frontière
beaux des rois », mais de quels princes? entre le Pont galatique et le Peut cap;
est-ce la dynastie des rois de Pont, qui a padocieu. La route traverse un défilé
duré depuis l’an 306 jusqu'en l’an 64 dont l’entrée n’a pas vingt mètresde lar-
avantnotre ère? Dans les monumentsqui
subsistent, on ne saurait dire quel est le (i) Strabon, XII, 56i.
,
est le seul qui ait un soubassement; la aussi les habitants appellent- ils ce tom-
façade est creusée avec plus de soin , et beau Aineh maghara si, la grotte du
il est dans un meilleur état de conser- miroir. La muraille du fond porte en
vation que les autres; la chambre inté- grands caractères grecs l’inscription :
rieure est plus vaste. Mais tous ces mo- TUS APXIEPEYS « grand prêtre de Cj-
numents sont en général si ruinés qu’il bèle », les lettres qui sont dans la partie
est impossible de reconnaître quelle fiit inférieure n’ont pas été déchiffrées.
leur décoration primitive. Ker Porter, L’Acropole qui domine ces différents
qui visitait les tombeaux d’Amasie à groupes de monuments n’a plus que de
son retour de Perse fut frappé de la
,
faibles vestiges des constructions an-
ressemMance de ces tombes arec celles tiques ; on retrouve cependant sur la
de Persépolis. Il émet l’opinion assez partie la plus élevée de la montagne
plausible que dans l’origine ils avaient quelques pans de murailles et le soi^
leur façade ornée d’un portique ; cette bassement d’une tour d’appareil hellé-
opinion est appuyée chez lui sur l’exa- uique à bossage admirablement exé-
men de frises et de colonnes dont les cutés.
débris étaient alors épars autour des M. Hamilton a observé dans l’Acro-
tombeaux (1). pole d’Amasie un conduit souterrain,
Un des pitons de la montagne, au- qu’il compare aux syringes, passages
dessus de la rivière, contient deux étroits mentionnés par Strabon. Pres-
tombes, dont l’une porte des traces que tous les anciens châteaux de
évidentes d’une décoratiori architectu- ces contrées avaient des communica-
rale; il y en a deux autres un peu tions secrètes avec le dehors de la
lus bas, ce qui complète le nombre de place ; on en retrouve à Pismich kalé
uit tombeaux. Ker Porter ajoute judi- si , à Tocat, à Turkal à K.ars même,
:
cieusement que le temps de leur cons- qui n’est pas d’une si haute antiquité,
truction ne peut être que conjecturé, mais U y a une poterne voûtée qui descend
par la comparaison de leurs plans on jusqu’au bord du fleuve. Le château
peut conclure qu’ils sont de beaucoup d’Amasie avait deux galeries souter-
antérieurs au christianisme; ils sontcon- raines. La première, partant du soinmet,
formes aux modes de sépulture usités suit la direction de Vest; celle-ci n’est
dans les premiers âges de la Perse. pas taillée dans le roc, mais solidement
M. Barth divise les tombeaux d’Ama- construite et cachée aux regards la ;
une solide maçonnerie; les murs du bas- La situation de Ptérium est déter-
sin sont de la même eonstruction. minée par Hérodote dans les monta-
En sortant d’Amasie, la vallée de l’I- gnes voisines de l’Halys. > Crésus après
ris s’élargit et forme la plaine de Chi- avoir franchi l’Halys' arriva dans cetto
liocomon ; les cantons de la Diacopène partie de la Cappadoce que l’on nomme
et de la Pimolisène s’étendent jusqu’à la Ptérie ; c’est une contrée d’un très-
l'Halys. La partie septentrionale du difficileaccès, qui s’étend jusqu’à Si-
territoire d’Amasie, a cinq cents stades nope. Crésus s’y établit, ravagea les
environ de longueur ou quatre-vingt- poussions des Syriens ( Cappadociens
douze kilomètres, sa largeur du nord au Pontiques) et s’empara de la capitale des
sud s’étend vers la province de Zéla et Ptériens, dont il fit les habitants escla-'
la grande Cappadoce jusqu’aux Troc- ves. Il prit de même toutes les villes de
miens, c’est-à-dire jusqu’au territoire de l’intérieur et de la frontière, et finit par
l’ancienne Ptérie, que nous avons déjà transporter en entier la nation syrienne
abordé en décrivant la Galatie.
CHAPITRE XVIII.
n i qu’il H’en eut reçu aucune of-
le. »
nopc
™
s’étendait jusqu'à Si-
était habité par la nation des
,
cune trace de monuments grecs ou ro-
mains, tout doit être archaïque, et de
style ou de construction mede. C’est
Leucosyriens. Ils possédaient plusieurs dans ces conditions que nous avons
villes ; Ptérium , la capitale , située
et retrouvé dans le village de Boghaz kcui
dans les montagnes à l’est de l’Halys, le 28 juillet 1834, des ruines imposan-
était fortifiée par la nature autant que
tes qui satisfont complètement à la
par l’art. Crésus, roi de Lydie, s’en ren- question. Depuis ce temps l’obscur vil-
dit maître, la détruisit, réduisit les habi- lage turc est devenu célèbre parmi les
tants en esclavage, et les transporta dans érudits; ses ruines ont été visitées par
d’autres contrées. un grand nombre de voya.geurs, de
Hérodote est le seul historien qui nombreuses dissertations ont été écrites
nous ait conservé le souvenir de ces faits sur les sujets représentés dans les bas-
dans sa relation de la campagne de reliefs merveilleuse ment conservés après
Crésus contre Cyrus ; il est le seul qui tant de siècles; nous avons accompli
mentionne le nom de la Ptérie et de la notre tâche, nous avons remis en lumière
capitale des Ptériens. Les autres histo- une ville oubliée depuis vingt-cinq
riens, Slrabou même, qui s’étend si siècles. Xje nom de Ptérium a d’abord
longuement sur l’histoire de la Cap- été contesté; on voulait voir dans ces
padoce pontique, ne prononcent pas une ruines l’ancienne Tavium des Troc-
seule fois le nom de la Ptérie 1 ). Etienne aujourd’hui cette question nous
( miens ;
de Byzance comble cette lacune sans tarait hors de discussion et le nom de
dire à quelle source il a puisé ses docu- ville inède est généralement ac-
fa
ments " Ptédum ville des Mèdes, quel-
:
cepté. (1)
ques-uns disent au neutre Ptera, l’acro- Nous exposerons simplement l’état
^le de Babylone; il y a aussi Pteria des ruines de cette ville telles que nous
ville de la province de Sinope l’ethnique
; les avons observées, sans discuter les
mède est Pterienus, celui de Sinope est opinions qui ne sont pas conformes
Pterius(2). »
ruines du temple est borné au nord par trouvait la grande porte, qui avait
une montagne calcaire couvertede buis- de large. On entre ensuite dans une
sons, et qui reste dans l’état d'une na- enceinte carrée qui a 22“,97 de large
ture sauvage et inculte. Du côté du sur 27“,03 de long. Tout le pourtour
sud, le terrain cultivé par les habitants du temple est fait de gros blocs de
forme quelques ondulations de peu d’im- pierre calcaire ayant deux mètres de
portance. large sur à peu près un mètre de hau-
610 L’TNIVERS.
trait letemple présente encore d’au- LBS HUBSILLBS.
tres tracesde raines , et notamment de
substructions qui sont toutes de travail Nous arrivons maintenant aux mu-
pélasgiqueet de différents caractères. railles proprement dites et au ^stème de
F!n se dirigeant vers le sud-est , on fortifications continues qui entouraient
arrive à un monticule isolé , couronné une vaste étendue de terrain. Ces rem-
par une construction qui aujourd’hui parts ont généralement de cinq à six
même est dans un parfait état de con- mètres d’épaisseur; on peut les parcou-
servation. Cette enceinte, presque car- rir à cheval dans le pourtour de la ville.
rée, a vingt-six métrés quatre-vingts cen- Ils sont formés d’un revêtement de
timètres de large, et est formée par des pierres sèches d’appareil polygonal, avec
murs d’une grande épaisseur. Les fon- un remplissage de moellons et de pe-
dations sont établies sur le roc vif, et tites pierres; la porto la mieux conservée
composées de pierres de grand appareil ; et qui parait être la plus importante
la construction est en assises réglées étaitau sud de la ville. Toute cette par-
et les pierres forment des bossages. tiede la muraille, construite en appareil
Un chemin taillé dans le roc conduit pélasgique d’une exécution parfaite,
au sommet; quant aux constructions domine un glacis dont la pente a vingt
qui couvraient l’enceinte, elles sont indi- mètres de longueur et est inclinée de
quées par diverses excavations faites dans 39°. CiC glacis est revêtu d’un perré en
le rocher, parmi lesquelles on distingue pierres sèches , qui le rendait tout à fait
une petite citerne ; ces raines peuvent impraticable. Un chemin oblique à la
avoir appartenu à une Acropole ou à muraille est tracé dans le glacis, de
un palais. On n’v trouve aucune trace sorte que quiconque voulait monter jus-
de sculpture ni d’ornement. qu’à la porte, se trouvait pendant tout
Une seconde citadelle, dont les murs le temps exposé aux traits de la place.
de revêtement entourent le sommet La muraille, en cet endroit, forme une
d’un rocher, domine le vallon de Kiz retraite de trois mètres de profondeur,
kaïa. Tous les parements des murailles au fond de laquelle est la porte, qui
sont démolis, et dans l’intérieur on re- n’est pas d’une conservation complèle;
marque, les traces d’un bouleversement on voit encore en place deux jambages
dont les autres monuments ne donnent en marbre brèche d’une très-grande
point d’exemple. Il semble que ce point dimension, du milieu desquels sortent
des fortifications a été particulièrement deux têtes de lions qni ont quatre-vingt-
en butte aux attaques des ennemis. dix centimètres de saillie, décoration
En continuant de monter sur le inusitée dans tout ce que nous connais-
plateau , on arrive à une esplanade plus sons des Romains et des Grecs. La par-
vaste, qui a très-probablement servi tie supérieure de celte porte était cou-
d’Acropole, et qui est située sur un ro- verte par un linteau droit, mais qui
cher presque inaccessible de trois côtés. avait été évidé pour former un plein-
L’appareil est moins soigné que dans ceintre.
le monument précédent, et toutes les A trente mètres environ , à droite de
pierres de l’intérieur ne paraissent pas la porte, il
y a une poterne qui com-
avoit subi le travail du ciseau. Ces cons- munique avec un souterrain d’une cons;
tructions si incohérentes ont certaine- truction entièrement semblable à celui
ment été élevées pour former la dé- |ui avoisine le temple ; la voûte est en
fense inférieure 'de la ville. Néanmoins, ?orme d’ogive, et les pierres sont posées
au-dessous du temple, on observe des sans avoir été travaillées. Elle peut être
traces de fortifications oui venaient se parcourue dans une étendue de cent
rattacher aux deux grands rochers ; tout cinquante mètres. En suivant sur le sol
l’ensemble paraissait alors divisé en la direction prise à la boussole, je lus
ville haute et en ville basse : dans la conduit dans la forêt, remplie de liuis-
partie supérieure étaient les habitations sons inextricables , mais parmi lesquels
et le grand système de défense, dans la on trouve , çà et là, des traces de cons-
ville basse étaient le temple et les habi- truction.
tations des nombreux desservants.
ASIE MINEURE. 611
bleau représeute onze figures, toutes chez les Orientaux et que l’on nomme
dans la même pose et dans le même chim-chyr (2), dont nous avons fait le
costume. Chacun des personnages est mot cimeterre. I>e milieu du bas-relief
coiffé du casque conique , vêtu d’une représente un sujet assez difficile à in-
tunique légère, et porte, des chaussures terpréter; mais d’après la disposition
assyriennes dont rextrémité est très- des figures, on est porté à le regarder
relevée (2). U n,peu en avant dece groupe, comme allégorique , car il se compose
marchent deux personnages semblables de deux figures monstrueuses , vues de
et exactement dans la même pose Je , face et montées sur un socle; elles sup-
bras gauche tendu en avant, et le bras portent au-dessus de leur tête une es-
droit légèrement fléchi dans le mouve- pèce de barque. Toutes les figures de
ment d’un tireur d’arc. ; cependant on ces bas-reliefs marchent dans le même
doit remarquer qu’ils sont sans armes; sens ; c’est-à-dire se dirigent vers le
ils semblent exécuter une marche ra- fond de la salle.
.Ol:
(i).'Voy. Hamilton, Researches, 1. 1, .'(oo. (i) HcTiHlot., lib. 'Vil, 6Î.
(a}Cf. Hérod., lib. I, loi. (a) Griffe de lioo.
-.1 e
3 ^ ...
612 L’UNIVERS.
que ce sont des prêtres et des prêtresses ; sa tunique est courte et sa chaussure
elles portent une faucille et une grande
extrêmement relevée; j’ai surtout re-
patère, et sont coiffées d’un casque marqué une queue recourbéequi est près
sphérique semblable à ceux des Grecs. de son coude, et qui paraît venir de der-
Elles sont suivies par un vieillard barbu rière la tête, parce que ce même appen-
et ailé , coiffé du casque conique, au- dice se retrouve aux figures qui portent
la barque, et au personnage mâle qui est
quel sont ajoutées deux appendices qui
lui donnent une forme particulière (I). parmi les femmes. Quoiqu’on ii'observe
Telle est la disposition du sujet re- dansson costumeaucun des attributs de
la royauté, on ne saurait se méprendre
tracé à la gauche de l’eneeinte ; c’est
une procession à la tête de laquelle sur le rang élevé de ce personnage; il
s’avance le souverain, puis les Doro- est porté debout par deux hommes qui
phores, puis enfin le peuple sans armes, sont coiffés de la cyrbazie recourbée
et dans l’attitude de gens qui se livrent et vêtus de la robe traînante. Auprès
justement qu’elles ont devant elles fait reine ou déesse, la grande ligure de
partie de leurs vêtements, ou si c’est femme que nous avons décrite , tient
un objet qu’elles transportent avec elles. de sa main droite un sceptre, et est
Dans une petite anfractuosité du ro- montée sur un lion qui descend fière-
cher sont trois flgures dans le même ment du sommet des montagnes; scs
costume, et qui paraissent conduire les cheveux pendants sont retenus dans u
dix femmes qui les suivent. Il est à ceinture, et derrière elle est sculptrà
remarquer que tout le groupe d’hommes une figure indéfinissable, dont la partie
sculpté à l’entrée se compose de treize supérieure, semblable à l’ornement
individus, nombre égal à celui des quelle tient dans la main, est terminée
femmes qui sont placées à droite et par deux jambes d’homme. Le person-
ui marchent également vers le fond
nage qui la suit immédiatement porte
le même costume que les autres figu-
e l’enceinte où est figurée la scène
principale, et qui parait attirer l’atten- res d’hommes. Il tient dans sa main
tion de tous les j^rsonnages sculptés une bipenne ou plutôt la sagare des
,
Digi; . L.
,
ftl4 L’UNIVERS.
qui rappelle peut-être que cette divinité brement de l’armée oe Xcrxès (1),
préside à la fécondation de la nature. «....les .Saces,peuples de la Scythie :
Le terrain, quis’est beaucoup exhaussé ils portent sur leur tète un bonnet
dans cette partie, cache certainement qu’ils nomment cyrbajie, terminé en
d’autres bas-reliefs, car j’ai remarqué pointe très-aiguë , et qui se tient droite
plusieurs têtes de petite dimension qui Leurs jambes étaient revêtues de chaus-
sont gravées au niveau du sol , et sont ses. Indépendamment de l’arc n la ma-
très-endommagées par le temps; il est nière de leur pays et de poignards, Ils
probable que ce qui est dans la terre est étaient encore armés d’une espèce de
mieux conservé. On voit aussi des exca- hache appelée sagare. » Rien ne manque
vations taillées avec soin dans le rocher, à la ressemblance, ni la hache à deux
et qui ne peuvent avoir servi de tom- tranchants , ni la coiffure haute et co-
beaux, parce qu’elles sont d’une dimen- nique. Les Assyriens portaient au con-
sion beaucoup trop petite; d’ailleurs, traire des casques légèrement courbés
l’ensemble de ces bas-reliefs est bien et des massues de bois garnies de clous
plutôt religieux que sépulcral. en fer. Cette arme se retrouve entre les
Un e.\ainen attentif de ce monument mains de plusieurs de ces ligures.
démontre qu’il n’est pas l’œuvre d’un Or, on sait que les Scythes n’ont ja-
des peuples qui ont habité l’Asie occi- mais cultivé les arts. Toute la .Médic,
dentale. La ressemblance de cette figure qui fut soumise à leur puissance, fut,
montée .sur un lion , avec des sculptu- au contraire, bouleversée par leur.s ex-
res babyloniennes , porte à conjecturer cès (2) ; ce n’est donc point aux Saces
(lu’elle représente une des principales qu’il faut attribuer ce monument; mais
divinités révérées chez les peuples mèdes il est certain qu’il a un rapport direct
temples plus imposants que ceux de .Modes finirent par en égorger le plus
cette déesse, dont les autels étaient des- grand nombre, qu’ils surent attirer
servis par une multitude d'esclaves. Ce dans un repas où ils les enivrèrent. C’est
qu’on sait du temple de Comana peut par ce moyen que les Mèdes parvinrent
s’appliquer à ceux de Concobar et dUy- a ressaisir la puissance et à dominer en
œpa. Les faits les plus importants de Asie (4). »
P histoire médo-perse se rattachent à la Le passage de Strabon est plus ex-
vénération que tous les peuples avaient plicite ; il est clair que l’un et l'autre
pour la plus célèbre de leurs divinités. nistorien font allusion au même fait
Originaire de l’Asie orientale, le culte les Itièdes écrasant les Saces à la suite
d’Anaitis a été transporté de la Baby- d’une orgie. La seconde version de Stra-
lonie dans ces contrées , et s’est répandu bon n’infirme pas la première; elle
à une époque plus reculée chez les prouve seulement que les fêtes des Sa-
Mèdes et les Arméniens (1). La grande cées étaient célébrées dans toute l’éten-
scène du fond n’est-elle pas relative au due de l’empire des Mèdes.
culte de la déesse, qui, arrivant de l’O- <t Les Saces, dit cet historien, se
rient montée sur un lion , est accueillie sont emparés d’une partie de l’Armé-
par les Cappadociens, qui lui apportent nie , qui a porté d'après eux le nom de
des offrandes? Sacacene ; ils ont pénétré jusque dans
On doit surtout tenir compte d’un fait
incontestable, c’est que les Ggures (i) Lib. VII, C4 .
d’hommes représentées dans ces bas- (a) Hérod., lib. VII, io6 .
reliefs portent toutes le costume des Sa-
(3) Les Saces sont des Scythes Amyrgiem:
ces. En effet, comparons avec la des- mais ils étaient désignés ainsi parce que les
cription d’Hérodote ,
dans son dénom- Perses donnent indistinctement le nom de
Saces à tous les Scythes.
(i) Strabon, XI, 53a. (4) Lib. VII, 104 .
,,
, ; ,
Ib pays des Cappadociens , surtout dans reliefs tous les détails des événements
le pays de ces Cappadociens voisins du rapportés ci-dessus. Le sujet du fond
Pont-Euxiii, que Von distingue aujour- représentant le culte d’Anaïtis trans-
d’hui par le nom de Pontici ; mais là orté dans ces contrées le tableau de
,
tandis qu'ils se tenaient rassemblés entrée ne serait autre chose que les
pour le partage du butin, les généraux habitants vêtus à la manière des Saces,
perses qui commandaient dans ces con- et se livrant à des danses en commémo-
trées les attaquèrent de nuit, et les ex- ration de cet événement, qui était célé-
terminèrent. Pour éterniser le souvenir bré dans tous les lieux où se trouvait
de ces événements , les Perses , après un temple d’ Anaitis.
avoir accumulé des terres autour d^me Les fêtes des Sacées étaient célébrées,
roche Isise dans la plaine où s'était non-seulement dans cette partie de la
passée l’action), y formèrent comme Médie, mais à Babylone même. La
une colline qu’ils entourèrent de murs description qu’en fait Athénée , d’après
et où ils élevèrent deux temples , l’un Berose, ne ressemble pas à celle que
à la déesse Anaitis, l’autre aux divini- Strabon nous a transmise ; mais le nom
tés persiques Omanus et Anandate, est le même. Il est possible que les cé-
qui partagent ses autels. Puis ils fondè- rémonies se soient modifiées en s’éloi-
rent la fête annuelle dite les Sacæa gnant des pays où ces fêtes ont été ins-
que célèbrent encore maintenant les tituées. Voici le passage d’Athénée :
le lieu dont je parle.... Tel est le récit Babylone, que tous les ans, le 16 du
de quelques auteurs concernant l’ori- mois Loüs, on fait une fête appelée
gine des A'acæa,- selon d’autres, elles Sacée, qui dure cinq jours entiers. Il
ne datent que du règne de Cyrus. Ce est alors d’usage que les esclaves com-
prince, disent-ils ayant porté la guerre
, mandent à leurs maîtres; on en sort un
dans le pays des Saces , y perdit une de la maison , vêtu d’un habit semblable
bataille. Contraint de fuir, il regagna à celui du roi , que l’on appelle Zogane.
les lieux où il avait établi ses magasins, Ctésias rappelle cette fête livre II de
,
poser son armée , il en repartit sur le on voit l'importance extrême que les
soir, feignant de continuer sa fuite, et peuples mettaient à leur célébration
laissant ses tentes pleines de vivres on ne doit pas être surpris qu’ils en
mais il lit seulement la marche conve- aient perpétué le souvenir par quelque
nable à son dessein. Les Saces , qui le monument.
poursuivaient arrivèrent dans ce camp
, Le sujet traité dans le bas-relief de
abandonné, et le trouvant rempli de Ptérium se rapporte à des événements
victuailles, se livrèrent sans ménage- sipeu connus de nous, qu’il a dû né-
ment à la débauche. Cyrus alors , re- cessairement donner matière à des ex-
venu sur ses pas, surprit les barbares plications bien différentes. M. Kiepert,
ivres et hors de sens Ils furent tous faLsant complètement abstraction du
massacrés. Le prince vainqueur attri- séjour des Mèdes dans la Ptérie, ne voit
buant son succès à la protection divine, dans ce bas-relief qu’un sujet purement
consacra ce jour à la déesse honorée Assyrien, relatif au culte des dieux de
dans sa patrie, et voulut qu’il s’appelât cet empire (1). M. Barth croit
y recon-
le jour des Sacées. Voilà pourquoi, naître un traité de paix et d’alliance
clam tous les lieux où il se trouve un entre Cyaxare et Alyatte, après la cé-
temple de cette divinité , on célèbre an- lèbre éclipse de soleil qui eut lieu sui-
nuellement la fête des Sacées. C’est une vant le D' Zech, le ^8 mai 584 avant
espèce de bacchanale ; les hommes et notre ère (2). La figure coiffée de la
les femmes s’y réunissent vêtus à la
Scythe , et passent ensemble vingt-qua- (i) Voy. Karl. Erdkunde t. IX,
tre heures a boire et à folâtrer. » p. loig, Erklârung dcr Kupferlardu.
ün retrouve dans cette suite de bas- (ï) Barih-Hcise, p. 45. « .Sonderii \vir
,
616 LTNIVF.RS.
cyrbasie ou bonnet conique représen- lier de Persépolis. Les piliers de la porte
terait à ses yeux Astyage et sa liaucée. sont décorés de deux sphinx en relief
Le point le plus important, c’est que ces ui ont le caractère tout à fait égyptien,
deux questions géographiques contro- ur le revers du pilier est sculpté un
versées pendant plusieurs années , la aigle à deux têtes, symbole qui rattache
position de Ptérium et celle de Tavium, comme style et comme époque le pa-
soutaujourd’hui résolues :1a preiiiièrede lais d’Euyuk aux bas-reliefs de Ptérium ;
ces villes étant placée à Boghaz keui, la e» d’autres termes ce palais est très-pro-
seconde à Néfes keui. bablement une résidence royale comme
les princes d’Orient en faisaient cons-
CHAPITRK XXII. truire dans ces parcs ou paradis si sou-
vent décrits par Xénophon, Hérodote et
EUYUK. — PALAIS MÈDE. d’autres auteurs. La question de savoir
à quel peuple on doit ces constructions,
La
capitale des Ptériens oubliée de- se résout d’elle-même quand on sait
puis tant de siècles n’est pas le seul que la Ptérie était une province de
souvenir du séjour des Mèdes eu Asie l'emnire des Mèdes. Il faut supprimer
Mineure; les recherches de iU. Hainil- les laits dont le souvenir est conservé
ton ont fait connaître dans le voisinage par Hérodote, ou admettre que les
de cette ville au village d'Euyuk un souverains d’Ecbatane ont dû avoir
monument qui date de l’empire de Dé- dans les contrées frontières de leur
jocèset dont les sculptures forment, au empire des palais où habitaient leurs
point de vue de l’histoire de l’art, un représentants surtout dans le voisinage
:
( aujourd’hui Tach ova si, la plaine de ces villes populeuses. Mais les colons
pierre ) signalée par Strabon (1) comme grecs de ces contrées donnaient plus
le meilleur canton du Pont. Elle pro- d’attention au commerce qu’aux beaux
duisait de l’huile , du vin et des céréa- arts, les rudes populations indigènes
les; elle s’étendait entre deux chaînes s’intéressaient peu aux jeux du cirque
de montagnes, et formait une large val- ou de la scène, et dans toute la période
lée dans laquelle se réunissent le Lycus qui suivit le règne d’Alexandre justju’à
et l’Iris. La ville d’Eupatoria avait été la soumission complète du pays a la
fondée par Mithridate Eupator, au con- iuissance romaine , aucune région de
fluent des deux rivières ; Pompée s’é- f'Asie ne fut exposée à des guerres plus
tant emparé de cette ville ,
lui donna le désastreuses. Amisus fut brûlée par Lu-
nom de Magnopolis. Toute la topogra- cullus, Trébizonde et Sinope ravagées
phie ancienne de cette plaine est très- par les invasions des Gotlis et des
exacte; mais au confluent des rivières, 'Turcs. Aussi dans l’exposé rapide que
on n’observe aucun vestige de Magno- nous allons faire de Tétat de ces villes,
polis. peu de monuments arrêteront notre at-
A cent cinquante stades, dix-sept ki- tention ; nous rappellerons brièvement
lomètres plus au sud, était située la ville Tbistoire des principales places, pour
deCabira, où Mithridate avait un palais, nous hâter de retourner dans les pro-
un parc et un moulin à eau. A deux vinces du sud, où les souvenirs de la
cents stades, trente-sept kilomètres de belle antiquité se montrent de la ma-
Cabira, était le Cœnochorion, château nière la plus grandiose.
neuf de Mithridate, bâti sur une roche Nous suivrons dans cet itinéraire de
escarpée, au sommet de laquelle était la côte le périple d’Arrien ; Strabon et
une source abondante. Les abords du Pline seront nos guides fidèles pour
château étaient défendus par une forte l’histoire du pays.
muraille et par une rivière qui coulait Arrien cite la place de'Hermonassa,
au pied de la roche. mentionnée aussi par Strabon ( 1 ),comme
Ce pays est encore peu connu, il n’a étant voisine de Trapezus , il est na-
été visité par aucun Européen ;
c’est la turel d’en rechercher la position aux
p<irtie la plus sauvage de la province environs de Platana, le seul bon mouil-
comme du temps des Romains. lage de la côte dans ces parages.
L’ancienne Cérasus de Xénophou
était située dans la vallée de Kerasouu
CHAPriRE XXIII.
déré, et le château de Kereli kalé oc-
cupe l’emplacement de Coralla. Tout ce
PÉBIFLE DU PONT-EUXI^.
pays était habité par les Chalybes. Tri-
polis, aujourd’hui Tireboli est situé à
Si toute la côte asiatique du Pont- cinq kilomètres à l’ouest d'une rivière
Euxin est, pourles navires, dangereuse
du même nom , le Tireboli sou. C’était
et inhospitalière, le territoire qui forme dans l’antiquité une place de peu d’im-
le littoral offre aux yeux d’un Européen portance , avec une forteresse pour pro-
des sites qui lui rappellent les régions téger les navires (2) ; la ville moderne
les plus favorisées de son pays natal,
commande trois petits golfes avec bon
une végétation abondante et riche, des fond ; mais le mouillage n'est pas sûr, à
rivièresnombreuses et des pèches abon- cause des roches cachées sous l'eau. Le
dantes aux embouchures. Tous ces avan- château du moyen âge tombe en ruine;
tages recommandent le pays à l’atten-
une autre forteresse abandonnée s’é-
tion des explorateurs. Mais aucune con-
lève sur une éminence voisine deux ;
trée de l’Asie n’est plus pauvre en
petites églises byzantines sont les seuls
monuments antiques tant de colonies
;
monuments qui peuvent arrêter un
grecques, filles de Milet et de Sinope, moment l’attention. La population de
ont pourtant couvert ces rivages, qu^on Tireboli se compose de quatre cents
devrait apercevoir quelques vestiges de
tiiaisohs turques et de cent maisons Déjà dans les montagnes des environs
grecques (1). de Trébizonde, ou reconnaît au milieu
La rivière de Tripolis prend sa source des forêts le merisier et le cerisier sau*
dans les montagnes de l’Arménie près vages ;
ces arbres sont encore plus
de la ville de Gumucli hané, où sont abondants aux environs de Kerasunt;
les mines d’argent; toute la chaîne qui leurs fruits, sans être très-sueculents,
forme le bassin de cette rivière est riche ont une saveur parfumée. Les habitants
en minerai de plomb argentifère. Il en fabriquent une sorte de vin.
e.xiste à quatre kilomètres à l’est de la Colyore, ville grecque, colonie de
ville, distance qui correspond aux Sinope, était du temps de Xénophon
vingtstades d’Arrien, d’anciennes exploi- un port de mer d’une certaine impor-
tations d’argent, qui indiquent l’empla- tance; c’est là que les Dix*.Mille s’embar-
cement d’Argyria. quèrent pour se rendre a Héraclée. La
Zeffreh bouroun, à seize kilomètres à population de Cotyore ayant été em-
l’ouest de Tripolis, marque remplace- menée pour peupler Pharnacie , la pre-
ment du cap et de la ville de Zephy- mière de ces villes tomba à l’état de
rium. Ce pays appartenait au Pont simple village et ne paraît jamais s’être
Cappadocien (2), l’ile d’Arétias, aujour- relevée dans" la suite; il ne reste aucun
d'hui Kerasuut ada si, à trente stades de vestige de cette ancienne ville aux lieux
Pharnacie, était célèbre dans l'antiquité où l’on présume qu’elle a existé, soit à
par le souvenir des deux reines des Ordou, qui présente quelques restes d’un
amazones Otrère et Antiope, qui avaient ancien port, soit à Bozouk kalé, qui n’est
consacré un temple au dieu Mars. Au- qu’une construction byzantine.
jourd’hui cet îlot est couvert de brous- Le fleuve Balama ou Pulemon ichaï
sailles et n’offre aucune trace d’anti- marque la place de l’ancienne Polémon,
uité. Après l'île Arétias le périple qui donnait son nom à la province ; le
’Arrien marque Pharnacie ancienne- petit villagede Pulémon offre encore
ment appelée Cérasus. les restes d’une église octogone et de
Cérasus fut reconstruite par Pharuace, uelques épaisses murailles. Le château
grand-père de Mithridate, qui lui donna e Pnatisane était un peu à l’ouest de
le nom de Pharnacie; cependant le Pulémon; c’est l’échelle qu’on appelle
nom de Cérasus reparut dans la suite aujourd’hui Fatsa.
des temps, et se retrouve aujourd’hui Unieh , l’ancienne Oenoë est située
,
f.20 L’UNIVERS.
décrit très-bien ce genre d’ouvrage ville qu’ilaurait voulu sauver. D’après
quand il parle de l’exploitation de l’or : le tableau que fait Plutarque de la des-
« Ceux qui taillent ces rochers sont truction d’Amisus, on conçoit qu'on ne
suspendus à des cordes; en sorte qu’en pourrait y trouver aucun débris de la
voyant de loin cette étrange opération ville grecque. Amisus avait été fondée
on est tenté de croire qu’on voit des iar les Milésieus lorsqu’ils occupèrent
oiseaux d’uue nouvelle espèce (I). » fa Cappadoce; les Athéniens y envoyè-
Le tableau que fait Strabon de la rent ensuite des colons sous la con-
campagne de ïliémiscyre est encore duite d’Athéclès; elle fut ensuite an-
vrai de nos jours rien n’égale la beauté
: nexée au royaume de Pont. Sous l’empire
des pâturages, la richesse de la végétation elle jouit d’une certaine tranquillité,
de ces plaines où l’on voit errer d’in- mais elle fut toujours obscurcie par le
nombrables troupeaux bien supérieurs, voisinage de Sinope: cependant sous les
comme race, à ceux du reste de la Comuènes de Trébizonde, Amisus
contrée. Themiscyre était à soixante comptait comme une des principales
stades d’Amisus. La petite ville de villes de leur empire. Dans le synec-
Tbermeh, bâtie sur la rive gauche du dème d’Hiéroclès, Amisus est comptée
Thermodon, n’est composée que de au nombre des villes épiscopales de
quelques maisons de bois avec une l’Hélénopont, province détachée du Pont
mosquée et un bazar; il n’apparaît aux Polémoniaque par l’empereur Justinien.
alentours aucun vestige de l’ancienne Sous l’empire des Seidjoukides , la ville
ville. Aujourd’hui ce territoire appartient n’était plus connue que sous le nom de
à la province de Djanik ; les voyageurs Samsoun, qui n’est qu’une corruption
anglais l’ont souvent comparée aux du nom d’Amisus. Les cartes pisaues
districts les plus beaux de l’Angleterre. la désignent sous le nom de Simiso; la
Le Thermodon, séparait la province de carte catalane, sous celui de Sinuso.
Gadiloii de celle de Sidène ; vient en- Assiégée et prise par le sultan Bayazid,
suite le neuve Iris où Yechil irrnak, qui Ildirim, Samsoun fut depuis ce temps
passe pour très-pois.sonneux. La petite incorporée à l’empire des Osmanlis.
ville de Tharchembeh est à dix-huit La baie offre aujourd’hui un médiocre
kilomètres de l’emhouchure du fleuve. mouillage aux navires qui font le ca-
Le pays d’alentour est un vaste jardin botage de la mer Noire , aussi les ba-
où croissent toutes les variétés des fruits teaux du Bosphore ne s’y arrêtent que
de l’Europe. pour déposer leurs marchaudises et
Samsoun n’occupe pas exactement leurs passagers.
l’emplacement de l’ancienne Amisus; la Le docteur Schmidt a examiné en
ville grecque, dont il reste quelques détail les ruines de l’ancienne Amisus.
vestiges, est sur un cap à trois kilomètres Surle sommetdela colline de r.\.cropole,
au nord-ouest de la ville turque; l’an- il a retrouvé des restes de mnraillos et
voulut arrêter l’incendie; les soldats la première de ces places est eucoro
altères de pillage, mettaient eux-mêmes inconnue. LeConopéium était un marais
le feu^aux maisons, et Lucullus n’eut qui existe encore sous le nom de Koum-
qu’à déplorer la destruction totale d’uue jougas , le bec de sable ; c’est un petit
L.ooglc
.
622 L’UNIVERS.
vice de la nier Noire; ses environs sont Amastris fut placée successivemen
sous la domination d’Arsinoé,
'“d by G-
ASIE MINEURE.
zane, de Mithridate. Prise par Tria-
fils de servage; on avait le droit de les ven-
de Cotta, elle tomba au
rius, lieutenant dre, pourvu que ce ne fût pas hors des
pouvoir des Romains et à la chute de
,
frontières. Heraclée se gouverna long-
l’empire byzantin, elle devint un des temps par ses propres lois; cependant, à
comptoirs de la république de Venise. la suite d’une séd!tion dont le but était
Elle fut prise en 1460, par Mahomet II, une nouvelle répartition des terres, elle
auquel ellese jendit à la première som- appela Cléarque, un de ses citoyens, qui,
mation. l.es Génois y établirent des à raide du peuple, dont il embrassa lu
entrepôts de leurs marchandises ; mais cause. Unit par devenir tyran d'iléraclée,
depuis plus de deux siècles cette ville qu’il gouverna pendant douze ans. Le
esttombée dansiinecomplètedécadence. pouvoir suprême fut exercé de la sorte
Amasserai! est située .à peu près pendant plus de soixante ans. Au nombre
comme .Sinope sur un isthme entre des tyrans d’Héraclée se trouvait Denys,
deux ports. On y observe encore de lemari de la reine Amastris, qui, par
nombreux vestiges d’antiquités, notam- son union avec. Lysimaque, donna oc-
ment les murailles de la citadelle qui ,
casion aux successeurs d’Alexandre de
sont construites en grands blocs de s’immiscer dans les affaires de cette an-
ierre, des ruines d’aqueduc et les dé- cienne république. Les habitants d'Hé-
ris d’un palais que l’on regarde comme raclée, pour mettre obstacle à ces intri-
celui d’Amastris., gues, firent alliance avec Mithridate,
Amasserai! n’cst plus aujourd’hui roi de Pont, et avec les républiques de
qu’un bourg maritime qui contient à Byzance et de Chalcédoine. Lorsque
^ine deux cents maisons. les Romains arrivèrent en Asie, la ville
Vient ensuite le Parthenius aujour- d’Héraclée signa avec eux un traité d’al-
d’hui Bartoun tchaï; en général les liance dont une copie fut déposée dans
noms géographiques dans ces contrées le temple de .lupiter capitolin.
se sont mieux conservés que dans Cependant la neutralité qu'elle voulut
les régions du sud; mais, en revanche, conserver pendant la guerre contre Mi-
les monuments ont presque tous dis- thridate lui fut fatale; elle fournit se-
paru , car dans toutes les villes de la crètement des navires à ce prince; aussi,
côte, on ne peut en citer un seul c^ui ait après la défaite du roi de Pont, Lucul-
résisté à la destruction. Le caractère de lus ordonna a son lieutenant Cotta de
ces villes est plutôt militaire que civil; faire le siègede la ville. Il parvint à s’en
ce sont des places toujours prêtes à ré- emparer, et la réduisit en cendres.
sister aux invasions du nord, et, en effet, Héraclée, étant tombée au pouvoir de
c’est par des attaques venues de ce Rome, ses murailles furent recons-
côté, qu’elles ont toutes péri. truites, et elle rei^ut une colonie romaine
Héraclée, colonie de Mégare, apparte- qui s’établit dans son territoire.
naitau pays des Mariandyn!cns; elle était Antoine avait donné cette ville à
bâtie sur la presqu’île achérusienne , à Adiatorix, télrarque des Galates, qui ne
deux milles et demi du Qeuve Lycus, on conserva pas longtemps le pouvoir; elle
montrait dans le voisinage une caverne fot alors annexée à la province de Pont.
par laquelle Herculedescénditaux enfers La caverne Acherusia a été retrouvée
our en tirer le chien Cerbère. Les ha- pr M. Boré au milieu des jardins, vers
itants croyaient que leur ville avait le nord ; on y observe les ruines d’un
été fondée au commandement d’un ora- aqueduc et de deux temples qui ont été
cle, et la regardaient comme un présent convertis en églises. Elle s’ouvTe sur la
de l’Hercule Argien, aussi ce dieu pnte d’une cmline rocheuse au pied de
était-ilen grande vénération, et lorsque laquelle coule un ruisseau qui nourrit des
Cotta s’en fut emparé, il trouva dans tortues; là il trouva cachée sous le feuij-
l’agora une statue d’Hercule dont tous lage l’entrée d’un souterrain qui était
les attributs étaient d’or. rarement visité. La grotte Aclierusia
Héraclée, grâce à son avantageuse avait, au dire des anciens, plus de deux
situation, devint une des principales cent cinquante pas de profondeur (1).
villesde ces parages. Les colons grecs
avaient réduit les Mariandyniens à l’état (i) XénopboQ, Anaboi,, 1. VI, 574-575.
,
624 fUMVERS.
La ville moderne d’Éregli occupe l’em- fut le lieu de naissance de Philætère
placement de l’ancienne Héraclée. Les souche de la race des Attales.
habitants se livrent au cabotage et à la Plusieurs villes de l’intérieur du Pont
fabrication des marocains. On ren- et de la Paphlagonie mériteraient en-
contre dans les rues de nombreux dé- core une mention particulière; nous ci-
bris d’architecture ancienne, mais au- terons Pompeiopolis, aujourd’hui Tasch
cun monument antique n’est resté de- kouprou, Apollonie de Pont, Germani-
bout. copolis, Osmanjik, remarquable par -le
La ville de Tieium qui termine la sé- plus beau pont musulman qui ait été
rie des villes de la côte du Pont-Euxin, construit en Asie, Safranboli, chef-lieu
occupait remplacement de la ville mo- de la culture du safran.
derne de Filias, on reconnaît encore Mais tous ces lieux qui peuvent offrir
quelques débris des murailles de sou un certain intérêt comme étude de l’é-
Acropole. Tieium du temps de Strabon tat moderne, ne conservent aucun ves-
n’avait déjà plus la moindre importance, tige d’antiquité qui puisse fournir des
cet écrivain ne le cite que parce qu’il données historiques nouvelles.
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, ,
LIVRE IX
CARIE. — LYCAONIE. — ISAURIE.
les Léiéges proprement dits , c'est que fournissant des auxiliaires qu’elle com-
ces derniers furent assez maltraités au manda en personne, et ce prince lui eu
moment de la migration ionienne; les témoigna sa reconnaissance en l’inves-
Cariens néanmoins n'hésitèrent pas à tissant d’un pouvoir souverain (1) qui
faire cause commune avec les Ioniens s’étendait sur les iles voisines.
pour déclarer la guerre aux Perses. I.es Ligdamis, fils d’Artémise, lui suc-
deux peuples se donnèrent rendez-vous céda sur le trône de Carie, ou plutôt
près du fleuve Marsyas ; c'est là qu’était comme prince tributaire des Perses. Il
le temple de Men Carus. I.ies Grecs eut à lutter contre les envahissements
trouvèrent dans les Cariens de fidèles d’Athènes, devenue maîtresse de toutes
alliés, qui ne démentirent pas dans les les côtes (2). A la faveur des dissen-
combats la réputation de bravoure qu'ils sions interminables qui ébranlaient le
s'étaient acquise. Vaincus dans une pouvoir des Grecs, les princes de Carie
première rencontre avec les Perses, les avaient su se créer, dans ces pays, un
alliés,sur le conseil des Cariens, dres- parti assez puissant pour leur permettre
sèrent à l’armée perse une embuscade d’aspirer à l'indépendance. Uécatom-
sur la route de Pédasus les Perses
: iius , qui avait commandé les armées
furent défaits , et leur chef Daurisès y navales d’Artaxerxe Mnémou, secoua
fut tué (I). le joug de la Perse, soumit ses alliés
et s'établit a Halicarnasse, où il parvint
CHAPITRE II. à se maintenir en payant un tribut aux
Perses. Ce prince eût trois fils,Mau-
BOIS ET DYNASTKS DE CABIE. solc, Hydriée et Pixodare, et deux filles,
Artémise et Ada, qui épousèrent leurs
Alyatte, roi de Lydie, avait étendu frères. Mausole succéda à son père ;
il étendit son pouvoir au delà des limi-
son empire jusqu’aux limites de l’Asie
Mineure; à la chute de l’empire de tes de la Carie, et porta la guerre chez
Crésus, les Cariens tombèrent, avec les les peuples de la Phrygie. Il assiégea
autres peuples grecs, sous le pouvoir Assos et Sestos avec cent vaisseaux, et
des Perses, et la Carie fit partie de la s’éloigna de ces places moins par la
première satrapie, qui comprenait l’Æo- force que par la persuasion. Il prit part,
lide, l’Ionie, la Lycie et la Pamphylie. avec Chio, Byzance et Rhodes, a la
Milet, subjuguée, devint la résidence guerre contre les Athéniens, et les força
du gouverneur, qui prit le nom de sa- d’abandonner leurs prétentions à la do-
trape de Carie. Une partie des autres mination de la mer. Mausole entreprit,
villes se rendit bientôt volontairement; pendant son règne, des travaux consi-
le reste fut soumis par la force (2). dérables qui eussent ruiné son trésor
Ilarpagus, le plus célèbre des satra- s’il n’eût inventé mille moyens de se
pes , était parvenu à soumettre les Ca- procurer de l’argent; il réunit à Halicar.
riens , en incorporant dans son armée nasse les habitants de plusieurs villes
quelques Grecs œoliens. Il marcha léléges, qui furent abandonnées. Maître
contre Caunus et contre les Lyciens. de la Lycie, il écrasa ce pays d’impôts,
Nous le retrouverons bientôt devant et tout , jusqu’aux lonmes chevelures
Xanthus, la capitale de la Lycie (3), des Lyciens, fut taxé par lesgouverneurs.
Sous l’autorité des Perses, les Ca- Mausole régna vingt-quatre ans; il
riens étaient administrés par des gou- mourut la quatrième année de la 1 06”
verneurs de leur uation, qui peu à olympiade, S-SS avant notre ere, et laissa
,
sance. Arténiise , fille de Ligdamis, ty- et sa soeur, qui ne lui survécut que peu
ran d’Halieamasse , reçut le titre de de temps, et mourut du chagrin qu’elle
reine de Carie. Cette princesse rendit ressentit de la mort de sou mari (3).
à Xerxès les plus grands services en lui Artémise eut pour successeur Hydriée,
(i) Hérodote, liv. V, cliap. nr, (il Hérodote, liv. TQ, ch. 99.
(a) Id., liv. VI, chap. laS. (*) Thucydide, liv. II, p- 9 .
Ç3) Id.; liv. I, cb. iSi. (3) SlruhoD, hv. XIV, p. 656.
^
40,
gle
, ,
C28 L’UNIVERS.
qui laissa le royaume à son ^use
Ada. Stratonicée, d’Alabande, d’Alinda et de
Pixodare, le dernier des nls d’Héca- lassus, la majeure partie n'est pas anté-
tomnus , dépouilla cette princesse , et rieure au temps des empereurs romains.
chercha à aonner plus de force à son
autorité en appelant un satrape des CHAPITRE III.
Perses, nomme Orontobatès, pour gou-
verner avec lui. Ce dernier avait épousé HALICARNASSE.
Ada, fille de Pixodare. C’est h cette
époque qu’Alexandre arriva en Carie La plus grande et la principale ville
et- mit le siège devant Halicarnasse. de Carie , Halicarnasse , est située au
Ada, fille d’Hécatomnus, alla demander fond d’un vaste golfe, faisant face à
le secours du prince grec pour rentrer de Cos ; elle fut fondée par Antbès,
l’île
dans ses Etats , s’engageant en même qui arriva à la tête de colons de Træ-
temps à marcher contre les cantons zéniens (1). Cette troupe fut bientôt
révoltés, chose d’autant plus facile pour augmentée dequelques Argieus conduits
elle, que ceux qui les occupaient étaient par Mêlas (2); elle reçut d’abord le
ses parents (I). Alexandre y consentit; nom de Zéphyria, d’une petite île qui
Ada fut déclarée reine d’Halicarnasse ; en était voisine , et qui, par la suite
et depuis ce temps la puissance des des temps, fut jointe au continent. Eu
Grecs y fiit établie sans partage jusqu’à égard à son origine, Halicarnasse fit
l’invasion romaine. d’abord partie de la confédération do-
Cependant cette province fut souvent rienue; mais Agasiclès, citoyen d'Ha-
divisée en gouvernements séparés, et licarnasse, ayant emporté cnez lui le
les Rhodiens en occupèrent toute la trépied qu’il avait obtenu comme prix
côte sud, qui prit le nom de Peræa. dans les fêtes célébrées en l’honneur
Au partage de Pempire d’Alexandre, la d’Apollon Triopéen , au lieu d’en faire
Cane fut soumise à la domination hommage au dieu ,
Halicarnasse fut ex-
d’Antiochus Jusqu’au jour où les États clue de la confédération. Vitruve nous a
de ce prince furent annexés à l’empire laisséune description de la ville d’Ha-
romain. Le territoire de la Carie pré- licarnasse qui peut nous guider d’une
sente, en abrégé, les variétés de plaines manière a peu près certaine pour re-
et de montagnes que l’on trouve dans trouver certains monuments ; mais d’au-
l’ensemble de la presqu’île. Des monta- tres dispositions, et surtout celles du
gnes richement boisées, des plaines port secret et du palais de Mausole,
sans arbres, et l’imposante chaîne du resteront encore dans le doute, malgré
Taurus se divisant en plusieurs bran- les commentaires de plusieurs savants
ches, forment tantôt de hautes mu- qui en ont étudié sur les lieux la topo-
railles de rochers inaccessibles, tantôt graphie. Ce passage est remarquable, en
des vallées sinueuses au milieu des- ce qu’il mentionne les principaux mo-
uelles serpentent des rivières. Ainsi numents qui décoraient cette ville et ,
de cette province ne nous font pas con- situé au fond du golfe de Boudroum
naître le peuple carien sous un aspect et entouré par un cercle de montagnes
différent des autres Grecs. Il existe peu qui se dessinent comme un amphithéâ-
de monuments dont l’origine puisse tre ; c’est là que Mausole , qui habi-
être attribuée à la Carie indépendante, tait primitivement la ville de Mylasa
et de tout ce qui nous reste des villes de ayant remarqué qu’Halicariiasse était
un lieu naturellement fortifié , propre
(i) Strabon, liv. XrV, p. 6S6. Airien,
Exp. Alex., 1. I,'p. i3. Diodore, liv, XYII, (i) Strabon, liv. XIV, p. 656.
p. ai. (a) Vitruve, liv. II, cb. VIII.
,,
au commerce, avec uii port conve- sont- ce lesdeux points auxquels s’atta-
nable, résolut d’y établir sa royale ré- chent lesmôles antiques que l’on ob-
sidence. « Ce lieu, dit Vitruve, s’arron- serve encore, ou les deux caps que forme
dit en forme de théâtre. Dans la partie la côte au point où la baie commence
la plus basse près du port ,
était placé à se contourner.’ 11 est à croire que le
,
lelorum au milieu de la courbure était
;
port désigné par Vitruve n’est autre
une grande place formant une sorte de chose que celui qui est extra muras
précinction au milieu de laquelle était dans la ville turque; car, pour les an-
construit le mausolée, réunion de tant ciens, cette grande rade foraine ne
de chefs-d’œuvre, qu’on le plaçait au pouvait être regardée comme un port.
nombre des merveilles du monde. Au J’ai cherché avec le plus de soin pos-
milieu de la citadelle du sommet se sible, soit par des dépôts de calcaire
trouvait le temple de Mars , contenant d’eau douce, soit en interrogeant un
une statue colossale du ^enre appelé grand nombre d’habitants de la ville
Axp6>.i0o;(acrolithe) ouvrage sorti des
, de Boudroum s’il existait une fontaine
,
s’élève une colonnade d’ordre dorique beau marbre et orné défigurés de guer-
grec qui a été décrite par M. de Choi- riers et de chevaux. «
seul. D’après les arrachements qu’on Pausanias (2), en citant les tombeaux
observe sur la partie opposée à la façade, remarquables n’oublie pas celui d’IIali-
on voit que ce débris d’architecture n’a carnasse. « Il a été fait sous le règne
pas appartenu à un temple , mais que de Mausole, roi d’Halicaruasse. Il est
c’est le reste d’un portique. Cette convic- remarquable par sa grandeur immense
tion tient à ce que, dans le temple grec, et l’art avec lequel il est construit aussi ;
l’architrave transversale qui sup(K>rte les Romains dans leur admiration sans
le soflite vient s’engager dans la partie égale donnent-ils le nom de Mausolée
iostérieure de la frise ; ce qui n a pas aux tombeaux remarquables. »
fieu dans cet édifice. Deux autres auteurs parlent du Mau-
En remontant un peu plus vers le solée; le premier, Hygin, écrivain du
nord, on remarque un grand soubasse- temps d’Auguste, décrit en peu de mots
ment carré, formé par des pierres à lecélébré tombeau. « Le tombeau du roi
bossage et qui sont d’ouvrage grec. Ce Mausole bâti eu marbre lychnite est
soubassement peut avoir appartenu à haut de quatre-vingts pieds et a trois
un temple. L’acro|iole supérieure ( arx cent quarante pieds de tour (3). »
xumma) , celle qui sans doute reçut Dans V ibius Sequester (4), nous trou-
le principal assaut lorsque Alexandre vons ce passage « Le Mausolée qui est
:
s’empara de la ville, n’est pas conservée en ('.arie est haut de cent quatre-vingts
d’une manière assez complète pour pieds et a quatre cents pieds de tour.
qu’on puisse bien reconnaître où était C’est là qu'est placé le sépulcre du roi
situé le temple de Mars. Dans l’état des en marbre lychnite. » Ces deux passages
choses, il n’est pas impossible que cer- permettaient bien de supposer que le
tains ouvrages de défense, dans la par- tombeau de Mausole était circulaire.
tie inférieure, aient été détruits. Nous trouvons dans un passage de Pline
Ilne reste donc, de tous les édifices des détails plus précis sur la forme et
qui ont à peu près conservé leurs for- les dimensions de cet édifice, c’est sur-
mes, que le théâtre, qui ne présente tout ce passage qui a guidé les archéo-
aucune particularité digne d’intérêt. loques dans les essais de restitution qui
Toute la ville grecque ayant été rasée ont été tentés Jusqu’à ce Jour(5).
par Alexandre, nous ne pouvions, dans
aucun cas , espérer de trouver des mo- (i) Lucien, Dialogues des morts, Dial.
numents antérieurs à cette époque. XXIV.
(i) Pausanias, liv. VIII, chap. i 6.
CHAPITRE IV. (.1 ) Hygini, Fab. CCXXXIII.
(4) Vibius Sequester, de Gentibus, p. 37,
LE TOMBEAU UE MAUSOLE. in- 8 ",i
778 .
5 Les auteurs qui ont publié des essais
( )
de restitution du tombeau de Mausole sont
Il est peu de monuments de l’an-
au nombre de neuf :
tiquité qui aient excité à un plus haut
Caylus, 1753, Mémoire de littérature de
degré les efforts et la sagacité des ar-
l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
tistes et des archéologues. Les nombreux
tome XXVI, p. 33 i ;
fragments des auteurs anciens qui sont Auguste Kode, s 9 oo, frontispice de l'édi-
parvenus Jusqu’à nous présentent ce tion de Vitruve. Berlin, in- 4 “;
tombeau comme l’objet de l’admiration r.boiseiil Goiiffier, 1814, Foyage pittores-
universelle ; Vitriive le mentionne plu- ejue de la Grèce, tome I, in-fot,;
sieurs fuis, Pausanias, Strabon et quel- Weinbrenner, i 8 a 5 ,
dans Kaercher,
;
Le passage de Pline (l) est ainsi peu moins et dont tout le pourtour se-
conçu :
raitde quatre cent onze pieds, ce qui
Scopas eut en même temps pour ri-
« est impossible ;
aussi les commentateurs
vaux Bryaxis, Timotliée et I^ocharès. ont-ils imaginé d’appliquer cette der-
Une faut pas les séparer ici, puisqu'ils nière mesure à une place ou area qui
employèrent ensemble leur ciseau pour entourait l’édiflce ; reste encore la dif-
Mausole, petit roi de Carie, qui mourut ficulté d’ajuster trente-six colonnes sur
la seconde année de la cent sixième olym- le périmètre donné.
piade : ce sont les ouvrages de ces ar- La difficulté a été simplement dimi-
tistes qui tirent placer ce monument au nuée par les récentes découvertes faites
rang des merveilles du monde. Les parM. Newton sur l’emplacement même
fbces exposées au midi et au nord ont du mausolée.
soixante-trois pieds; il est plus court Ces recherches faites, avec une grande
sur les fronts. Tout le pourtour est de intelligence de la topographie ancienne
quatre cent onze pieds; il s’élève sur de la ville d’Ualicarnasse, ont eu ppur
une hauteur de vingt-cinq coudées ; il résultat de faire retrouver les débris
est entouré de trente-six colonnes , et du mausolée dans un tertre quadrangu-
l’on a donné à cette colonnade le nom laire qui s’élève au sud-est de la colon-
de ptéroti. Scopas travailla du côté du nade vulgairement appelée temple de
levant, Bryaxis du côté du nord, Timo- Mars.
thée au midi, et lyéocharès au couchant. lies rapports qui ont été adressés au
La reine Artémise, qui avait fait élever gouvernement anglais et qui ont été en
ce tombeau à la mémoire de son époux, partie publiés, font connaître que le
mourut avant que ces artistes eussent mausolée reposait sur un soubassement
achevé leur ouvrage ; mais ils voulurent quadrangulaire qui était entouré d'une
le terminer pour leur propre gloire et mse représentant des combats d'A-
pour l’honneur de l’art leurs ouvrages : mazcmes; ce soubassement était sur-
se disputent encore le prix. Un cin- monté d’une colonnade d’ordre ionique
quième artiste se joignit à ceux que j’ai avec un entablement complet, dont la
nommés, car, au-dessus du pléron on frise était ornée de combats entre les
éleva une pyramide dont la hauteur Grecs et les Amazones. L’architecture
était égale à la partie inférieure, et qui de ce monument est comparée par l'au-
était composée de vingt-quatre gradins, teur de ces découvertes ù celle du
se terminant en forme de meta. Sur le temple ionique de Priène : les deux édi-
sommet on plaça un quadrige de mar- fices sont contemporains.
bre, ouvrage de Pythis, et qui, ajouté Cette colonnade était surmontée du
au reste, donnait à l’édifice une hauteur la pyramide composée de vingt-quatr.i
totale de cent quarante pieds. » degrés de marbre blanc , ajoutée après
L’édifice présenterait donc un plan la mort d’Artémise par un cinquième
rectangulaire dont deux côtés auraient artiste dont le nom est resté inconnu.
soixante-trois pieds, les deux autres un Ces gradins de marbre étaient entés
les uns dans les autres de manière à
JJaudceichnungeu zt/r MYtUülo^U und Ar-
chàologie, Carlsruhe, tecliou IV, planche
empêcher toute infiltration des eaux ;
enfin le quadrige, ouvrage de Pythis, qui
VIII ;
couronnait toutl’édifice, aété en grande
Qualremère de Ouincy, i834. Estai de
partie rétrouvé on a des portions de In
dissertations archéologiques. Xu- 4 ®; ;
l’un d’eux on a découvert une urne Bargylia que l’on croyait définitive-
avec une inscription en caractères cu- ,
(i) Guichard, PuiiémiUes dei Grecs et des (i) f'oy. pl. 33, Pue du elidleau de Bau-
Romains, in 8<>, Lyon, i58i, l. III, p, 878, droum.
t; -
,
Les habitants d’Iassus (1) tiraient la n’existe aujourd’hui qu’une petite po-
plus grande partie de leur subsistance terne qui s’ouvre à la pointe sud de
de la mer, qui en cet endroit est très- nie. Contrairement à l’usage des au-
poissonneuse. Le terrain passait, au tres villes
.
j’ai remarqué à lassus plu-
sieurs grands édiOces complètement
(i) Slrabon, liv. XIV, p. 658. adossés aux murailles de sorte qu’on
,
,
634 L’UNIVERS.
ménager un pomérium
avait négligé de de gros quartiers de pierre à bossages.
ou chemin de ronde cela tenait sans: Un bandeau lisse, placé à la hauteur
doute à la position isolée de la ville. du quatrième gradin, contient l’ins-
Dans quelques endroits il y a des case- cription suivante :
mates pour mettre les soldats à couvert Zopatros nia d’Epicrale, ayant Cté chorége,
des machines. Il ne reste aucune trace et agonüthéte, et stépbanophore a dédie a ,
les deux môles est de 50 mètres. Sur la une terrasse bâtie en pierres schisteuses,
rive du port, du côté de la terre ferme, qui ne me paraît pas d’une construction
sont de nombreux tombeaux faisant très-ancienne. On arrivait aux diffé-
partie de la nécropole. rentes terrasses par des pentes douces
ou des escaliers. Un peu au nord du
théâtre , il existe une construction qui
lISTKBIEUn DE LA VILLE.
me parait avoir appartenu à une maison
particulière. C’est une salle voûtée , en
I^e théâtre est l’édifice le plus ancien partie creusée dans le roc, et deux
et le mieux conservé qui existe à lassus. chambres latérales. Non loin de là est
636 L’UNIVERS.
PBEMIÈHE EPOQUE. —
TOMBEAUX TBOISIÈHE ÉPOQUE. — TOMBEAUX
DES LÉLÉGES. BOMAINS.
gues pierres placées dans l’état où elles dans chacune d’elles sont des compar-
se trouvent à la sortie de la carrière, et timents en forme d’alcôve. Un mur de
recouvertes par un plancher du même division sépare la grande cour d’une
appareil en pierres plates. Elles sont autre plus petite qui donne accès à une
ordinaireraeut à moitié enfoncées dans troisième pièce voûtée. Cest certaine-
le sol. Il y en a de différentes dimen- ment dans ce tpmbeau qu’a demeuré
sions, destinées à recevoir un ou plu- Chandler quand il est venu à lassus. Il
. sieurs corps. Aucun de ces monuments était alors décoré de peintures. Je n'y
ne porte ae traces d’inscription ; toutes ai trouvé aucune trace d’inscription;
les pierres qui les composent sont telles mais il semble que le propriétaire ait
qu’elles sont sorties de la carrière. Ce voulu, après sa mort, conserver les di
genre de tombeaux est généralement visions qui existaient dans sa famille,
placé sur la pente orientale de la chaîne iendant sa vie : la grande salle pour
de collines, et non loin de la grande fui, celle d’à côté pour ses serviteurs ou
muraille dont je parlerai tout à l’heure. ses affranchis , et la troisième pour sa
femme.
SECONDE ÉPOQUE. — TOMBEAUX
GBECS. CHAPITRE VIII.
du sol, elle est défendue de distance en ceux qui après moi sont allés à lassus,
distaiiee par des tours demi-circulaires, malgré toutes les notes et les recom-
prés de chacune d’elles s’ouvre une pe- mandations que j’ai multipliées pour
tite poterne qui établissait autant de compléter la connaissance u’un des ou-
communications entre l’intérieur et vrages les plus antiques, et certaine-
l’extérieur de la muraille qui se pro- ment des plus curieux que j’aie rencon-
longe à perte de vue à travers un pays trés en Orient. Je n'avais pas le loisir
désert et dont nous n’avons pu déter- de perdre beaucoup de temps pour
miner ni l’étendue ni la raison d’étre. rechercher par moi-même les points de
Toutes les tours sont tournées vers départ et d’arrivée de cette muraille.
l'est. C’est donc la partie ouest du ter- Je levai les plans d'une partie, pour
ritoire qui devait être défendue , or ce faire connaître les dispositions de la
terrain n’offre partout qu’une nature poterne (l). Un plan levé à vue fut fait
agreste et primitive où la présence de ar les officiers, et je l’aurais publié si
l'homme ne se décèle nulle part. Par- P espace ne m’eôt manqué ; mais il ne
tout le terrain est couvert de rochers m’apprend rien sur la destination de
qui s’élèvent en pivot, et dans tout cet cette fortification, qui parait antérieure
espace on n’aperçoit pas une seule aux migrations helléniques. Je ne doute
pierre taillée. Il est donc impossible de pas néanmoins que ce ne soient les
définir pour quel usage a été bâtie cette constructions dont parle Strabon dans
muraille, puisque jamais elle ne put le passage que j'ai cité plus haut.
servir d’enceinte à une ville. Les murs lassus passe pour avoir été fondée
ont trois mètres d’épaisseur ; la hauteur par des colons d’Argos; mais les guerres
moyenne des assises est de plus d’un désastreuses qu’ils eurent à soutenir
mètre. Les tours sont percées de cinq contre les indigènes diminuèrent telle-
fenêtres étroites et couronnées par des ment leur nombre, qu’ils furent obligés
plates-bandes. Elles sont éloignées les de demander du renfort au fils de Nélée,
unes des autres d’environ cent mètres. fondateur de Milet. lassus fut assiégée
Dans cet espace, le mur forme entre par les Lacédémoniens, et plus tard par
chaque tour deux ressauts , dans les- Philippe, roi de Macédoine, qui s'eu
quels s’ouvrent des poternes qui pren- empara ; mais il ne conserva pas long-
nent la courtine en enfilade. Dans l’es- temps le pouvoir. Polybc donne à la
pace de mille mètres. J’ai compté dix- ville dix stades de circonférence (2).
sept poternes, qui sont toutes tournées Paul Silentiaire, dans sa description
du côté du sud, ce qui prouve qu’il y de Sainte-Sophie , dit qu’aux environs
avait de fréquentes communications d’Iassus se trouvaient des carrières de
entre l’intérieur et l’extérieur de l’en- marbre employé dans la décoration, et
ceinte. Dans tout le parcours que j’ai ui était de couleur rouge. Les environs
suivi, je n’ai vu qu’une seule grande e la ville produisent, il est vrai, plu-
porte placée dans un angle rentrant du sieurs sortes de marbre, mais il est gé-
mur. A côté de la porte sont des ou- néralement blanc-, et j’ai à regretter de
vertures longues et étroites, destinées n’avoir pas pu déterminer le gisement
à donner issue aux eaux.- {,Fig. r”.) de ces carrières de marbre rouge.
Les tours sont massives jusqu’à qua-
tre mètres de hauteur, niveau des fe- CHAPITRE IX.
nêtres. La plus grande hauteur actuelle
des murailles ne dépasse pasdix mètres ; BAROYLIA. — CYNDIA. — HYRDDS.
des escaliers en partie conservés con-
duisaient sur les plates-formes, et enfin Après un court séjour à lassus , la
de grandes portes donnaient accès dans Mésange appareilla, le 24 juillet 1835,
l’intérieur des tours. Nous n’avions dans pour compléter l’exploration du golfe.
l'endroit aucun indigène pour lui de- Vainement j’avais cnerché de quel côté
mander des renseignements sur le par- pouvait se trouver le BargylUicm Si-
cours de ce gigantesque ouvrage , qui
avait échappé a tous mes prédécesseurs, (i) Voye* jilanclie g, fie. let ».
et qui est resté inconnu à la plupart de (») Polybe, liv. XVI, cliap. II.
, ;
nus, au fond duquel était la ville de dans des conditions analogues; une
Bargylia. Les cartes ne nous donnaient villeantique est située non loin de sa-
aucune indication qui pût me le faire lines qu’on appelledans le pavs Touzia
soupçonner. D’apres Strabon, cette c’est aussi le nom qu’on a donné à la
ville devait se trouver sur la côte sud ville antique. Elle se trouve disposée
du golfe (1). La ville de Myndus est en amphithéâtre avec un quai, où l’on
assez bien déterminée par un cap qui trouve encore des amarres de navires.
fait partie de la presqu’île nord du golfe La plupart des édiQces qui subsistent
de Boudroum, à l’endroit qu’on appelle paraissent avoir été destinés au com-
aujourd’hui Mentescha. Myndus, qui merce ; j’y ai observé les ruines d’une
eut une certaine célébrité, est aujour- église et un petit théâtre d’une cons-
d'hui complètement détruite, et l’on truction médiocre. Bargylia, que sans
n’est pas tout à fait d’accord sur sou aucun doute j’avais retrouvée dans ces
assiette réelle. Elle fut fondée en même ruines, était la ville la plus enfoncée
temps qu'Halicarnasse, par les Træzé- dans le golfe. Elle se di.stinguait par un
niens. temple dédié à Diane Cyndiade, et qui
une petite île située en face d’une baie pluie (1). Près de Bargylia est le temple
qui formait le port. Ces deux places de Diane Cyndiade ; on croit que toutes
avaient été déjà reconnues dans les les fois qu’il pleut, l’eau tombe tout
opérations hydirographiques du capi- autour de ce temple sans qu’il en soit
taine Beaufort; mais Bargylia restait mouillé. Le passage de Polybc, qui
à découvrir. s’applique uniquement à la statue, sem-
Après avoir quitté le mouillage d’Ias- blerait faire croire que le temple était
sus, nous faisions route vers l’ouest hypæthre. Je ne trouvai rien dans la
lorsque nous aperçûmes par tribord du ville qui pût s’appliquer à cet édifice,
navire une barque grecque sortant de mais a une lieue de Jà, dans la plaine
derrière un rocher. Les cartes ne mar- située de l’autre côté des collines, je
quaient en cet endroit aucun mouillage, trouvai, au milieu des broussailles, un
et nous avions peine à expliquer d’où édifice de marbre blanc orné de colon-
venait cette barque. Ce n’est que plus nes cannelées, qui paraît avoir été un
tard que j’en ai eu l’explication. temple à cella ouverte, comme le temple
Ayant débarqué à Boudroum, je vou- de Vienne en Dauphiné. Il est ruiné jni-
lus me rendre à Mélasso. Je sortis de qu’à un mètre 5o cent.au-dessus dn sol,
la ville par une brèche faite à l'ancien et fort enterré par les décombres. Cestée
rempart, à l’endroit sans doute où la l’architecture de l’époque romaine, sans
ville fut attaquée par Alexandre. Je doute du temps des Antonins. D’autres
joignis bientôt, à travers un pays acci- ruines éparses à l’entour me représen-
denté, une voie antique d’une parfaite tent le Murg de Cyndie. Bargjliaest
conservation , et que je ne perdis plus une ville dont la fondation remonte •
pendant deux jours de marche. Elle une très-haute antiquité, puisqu'ew
longe la côte du golfe , franchit les ra- passe pour avoir été fondée par Achille
vins sur des substructions d’un travail ou par Bellérophon (2).
solide, et passe sur l’emplacement de Elle fut prise par Philippe dans la
plusieurs stations antiques. Nous ne guerre de Carie, et son armée y passa
lardâmes pas à arriver dans un golfe, l’hiver. Si toutes les ruines de cette
au fond duquel est un village appelé époque ont complètement disparu, nous
Geuverglnlik ( le pigeonnier). Il y a devons en conclure que la ville conti-
sur la côte une ville antique dont les nua d’être très-peuplée pendant toute
au-
constructions sont semblables à celles la période byzantine. Je n’y trouvai
d’Iassus une petite île en masque l’en-
;
cune inscription; néanmoins, la MO'
trée aux navigateurs qui sont dans le cordance des distances et des auteurs
grand golfe. Un terrain montagneux que je ne pouvais douter de
était telle,
sépare ce golfe d’un autre qui se trouve
(() l'otybe, liv. XVI, cliap. XII.
(t) Strabon, liv. XIV, p. 658. (ï) Steph. Byi., S, voc. liapyûb*.
ASIE MINEURE. 639
son identité. Depuis ce temps les relè- mais oompletement composé de roches.
vements de cette côte ont été faits par I.es Cnidiens,désespérant de résister à
le navire Anglais JSeacon, et la carte du leurs ennemis, se rendirent au satrape.
golfe de Bargylia a été publiée par l'a- La ville de Cnide était située à la
mirauté. pointe la plus orientale du cap, et voi-
sine d'une petite île qui fut jointe au
CHAPITRE X. continent par des ouvrages, de manière
nue le canal qui la séparait de la terre
cmoE. ferme se trouva transformé en deux
ports, qui furent clos au dehors par des
L'extj'émité orientale du golfe de jetées. La majeure partie de la ville était
Boudrouni présente un cap plus allongé située sur le continent ; dans l’île voi-
et plus découpé que tous les autres sine il y avait des constructions nom-
promontoires de cette côte. Le petit ter- breuses de maisons particulières, mais
ritoire qui le compose , a conservé le pas d'édifices publics. Strabon s’exprime
nom spécial de Doride (1), et la pointe aiusi eu parlant de cette ville (I): « Vient
la plus avancée portait le nom de cap ensuite Cnide avec ses deux ports, dont
Triopæura, en mémoire de Triopas. Ce l'un, destiné pour les trirèmes , peut
héros conduisit dans le pavs une colonie être fermé, l'autre avec une darse qui
lacédémonienne , et fonda la ville de peut contenir une vingtaine de vais-
Cnide (2), qui devint métropole de la seaux. Devant Cnide e.st une île d’en-
confédération dorienne. Triopas avait viron sept stades de circuit, élevée en
consacré au dieu Apollon toute la Cher- amphithéâtre et jointe à la terre ferme
sonèse; mais en même temps des tem- par un môle qui fait de Cuide une
ples furent élevés à Neptune et aux double ville, car une partie des Cni-<
nymphes, et des jeux api^lés jeux d’A- diens habite l’île qui abrite les deux
pôllon triopécQ ou jeux Dorieiis, furent ports. » Il est impossible de donner en
institués par la confédération dorienne, si peu de mots une idée plus précise de
composée d’abord de six villes, Cnide, de la topographie de cette ville, qui se
Coi, Halicarnasse, et trois villes rho- présente encore à l’observateur dans le
diennes, Lindus, lalyssus et Caniirus. même état où elle se trouvait à la chute
Cette association prit le nom d'IIexa- de l’empire romain. Elle n’était pas ap-
pole; mais depuis l’exclusion d’Halicar- paremment placée dans des conditions
nasse, la confédération fut appelée Peu- telles, que son existence pilt se pro-.
tapolis, c'est-à-dire des cinq villes. Ces longer après l'etablissement du christia-.
assemblées, imitées de celles de la con- nisme ;
son territoire était affreusement
fédération ionienne, se tenaient dans la nu et rocailleux; elle ne vivait que de
presqu'île triopéenne. cette existence factice qu'entretenait le
Cnide était déjà florissante au septième culte de Vénus, et une fois qu'il fut
siècle avant notre ère
;
elle envoya des tombé, rien ne put rappeler dans ses
colonies en Italie, en Sicile et dans murs le commerce et le mouvement.
l'Adriatique, et fonda la noire Corcyre Les murailles qui entourent la ville
liiXtv»Kipxupa, aujourd’hui Mélida (3). paraissent un ouvrage des plus anciens ;
Lorsque le satrape Uarpagiis fit une in- cependant , dans
la dernière année de
vasion en Carie, les Cnidiens, se sen- la guerre du Péloponnèse, les Athé-
tant hors d'état de résister par la force niens s'emparèrent de cette ville sans
des armes , songèrent à se défendre en résistance, parce que, dit Thucydide (3),
séparant par un fossé leur presqu’île du elle était sans murailles. Mais dans la
continent (4). même année les deux flottes larédémo-
La longueur du territoire que l’on niennes se réunirent à Cnide après avoir
voulaitcouper était de cinq stades, battu les Athéniens, et Lacédémone
resta maîtresse du pays. Sous le gou-
(t) Pline, liv. V, eh. aS. vernement des Perses, les peuples de
(a) Hérodote, liv. I, ch«p. 174 .
(3) Pline, liv. III, cliap. ali. (t) Slmbnn, liv. XIV, p. 656. XV.
(4) Voyei page 3g. , , (t) TliiicydiJe, liv. VIH.
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640 L’UNIVERS
la Carie ne souffrirent que médiocre- était porté l’enthousiasme des admira-
ment de la domination étrangère, et nous teurs de cette statue :
ancien nous donne quelques détails siés des beautés de la nature, nous en-
sur les dispositions du temple, et nous trâmes dans le temple. Au milieu est la
fait voir en même temps à quel degré divinité, en marbre deParos, ouvrage
splendide. Un .sourire à demi retenu
(i) CicéroB, in Verrem, IV, n. — Pline, est sur sa bouche. Aucun voile ne ca-
l.V, ch. aS. che sa beauté , aucune partie de son
(a) Pline, liv. XXXYI,cb. 4; liv. VU, corps n’çst cachée, excepté celle que
ch. 3g voile la main gauche légèrement fléchie.
(3) PauMiiias, AHica, ch, I. L’art du sculpteur a été tel, que le
,
ment destinée à laisser voir le dos de la ce port est encore dans l’état où l’ont
statue. Nous tournâmes autour du pos- laisse les derniers Romains; tous les
ticum ,où, le gardien de la porte nous revêtements des quais sont presque in-
ayant ouvert, nous fûmes frappés d’un tacts, et les môles ont résisté aux efforts
étonnement subit à la vue du chef- incessants de la mer qui vient du large.
d’œuvre. Nous ne pûmes nous empêcher La forme du port est celle d'un Ira-
de manifester à plusieurs reprises notre èze et le petit côté est occupé par
admiration (2) >• s P isthme qui séparait les deux ports. Un
Le temple de la déesse était situé dans voit les traces d’un canal qui les joignait
du port. Il restait autrefois
le voisinage l’un à l’autre, et qui pouvait se fermer
de nombreux débris de rédiüce mais, ; par une écluse. Le petit port avait la
depuis quelques années , les bâtiments forme d'un hexagone irrégulier ; les quais
européens qui viennent dans ees mers sont aussi bien conserves que dans le
ont l’habitude d’enlever des marbres, premier; on remarque à rentrée une
et il ne reste aujourd'hui que fort peu tour circulaire à bossage, qui est un
de chose pour le rétablir d'une manière des plus beaux exemplesde construction
a peu près certaine. grecque qu’il soit possible de voir.
Ce temple était d’ordre corinthien, Sur' la gauche du petit port sont quel-
c’est assez dire qu’il aurait été construit ques voûtes en maçonnerie de briques
sous la période romaine. Le passage et qui ont servi de remise de galères.
de Lucien, dont j'ai cité un extrait, Un certain nombre d’édifices pu-
contient une description qui ne s’accorde blics, et notamment le temple corin-
pas parfaitement avec un un tel empla- thien, étaient placés sur l’isihme; mais
cement; mais ces jardins sacrés dont ce sont les plus détruits, parce qu'ils
il est fait mention étaient généralement étaient les plus voisins des bâtiments
peu étendus. Nous voyons, dans la vie qui embarquaient des marbres.
d’Apollonius , que de son temps la Toute la partie gauche des deux ports
statue existait encore à Cnide. Trans- est occupée par la petite Ile, formée
portée à ('.oustantinople par Théodose, d’une seule mnntagne calcaire, et sur
elle fut placée dans le palais qu’on ap- laquelle un vaste quartier était bâti Les
pelait I.ausus. et futconsumée par un rues étaient soutenues par des terrasses
incendie , en 475, avec tout le palais.
construites généralement en appareil
24 juillet 1835, je quittai la rade
t.-e pélasgique. Il y a , dans le voisinage
de Cos avec la goélette la Mésange du môle, un petit édiCce construit
pour me reodreau cap Crio (cap froid) :
également dans le style pélasgique,
c’est le nom moderne, que les Grecs mais qui offre une particularité que
donnent au promontoire Triopæum et je trouvai plusieurs fois répétée dans
aux ruines de Cnide. Le soir meme nous ces ruines. La porte est formée par
arrivâmes en vue du cap ; mais ayant une arcade, circulaire extradossée, et
tout l’édiRce était voûté. On avait tou-
(<) L« temple a deux portes, Lucien, eic. jours regardé le style pélasgique comme
— Pliii, XX.XVI, 5. caractéristique de la plus haute anti-
(i) Lucien. De Amoiilnis, cli. XI, i8. quité; quelques monuments, que je
41' Livraison. (Asik Mimburb.) 41
()4J L’UMVKRS.
signalerai par la suite, prouvent que ce comme on peut le voir dans la figure, d’un
abaque et d’un talon. Dans sa partie su-
genre de construction a été pratiqué sur périeure, il est percé de quatre trous qui
la côte d’Asie à toutes les époques de ont sers i a sceller un objet de hronze, qui était
l'empire romain. évidemment un trépied. Ces trous sont dis.
posés exactement comme sur le fleuron du
La plus grande partie de la ville de monument choragique de Lysicrate à Athènes.
Cnide était assise sur le continent; Tout le pourtour de la terrasse est formé par
elle était entourée par une solide mu- un mur de construction pélasgique d’un magni-
fique appareil ; dans l’angle nord est une petite
raille, bâtie partie dans le système po-
porte qui n'a que l~,30de large, et qui don-
lygonal, partie en assises réglées elle :
nait accès dans l’enceinte sacrée elle est sur-
:
suit toutes les sinuosités de la mon- montée de son linteau de pierre. La terrasse
forme, dans l’intérieur, un parapet a hauteur
tagne , se double en quelques parties
d’appui, qui est couronné par des dalles de
pour former l’acropole, et va redes- pierre. Tout le monument, en un mot. est par-
cendre du côté du petit port, ayant faitement intact, et l’on voit que tes culunnes
suivi une ligne à peu près parallèle à la ont été renversées a dessein pour enlever les
trépieds. Il n’existe aucune inscription qui i
crête de l’Ile. Le terrain, qui dans l'in- noos fasse connaître la destination de cet |
térieur de la ville formait une peuté ra- édifice. Le trépied joue un si grand rôle dans .
B
en Asie qui ait joui d'un destin plus
're. Il n'en est point non plus dans
Iles les monuments d'épigraphie
se soient conservés jusqu'à nos jours,
aussi nombreux et aussi intacts , de
députés d'Aphrodisias firent valoir un
décret rendu par le dictateur César, qui
témoignait des efforts faits par les
Aphrodisiens pour soutenirsa cause(i).
Ces privilèges furent renouvelés dans
sorte que l'on pourrait, sans peine, la suite comme l’atteste une inscription;
écrire l'histoire administrative a’Aph- mais le nom de l’empereur n’est pas
rodisias et celle de ses principaux ci- mentiouné.
toyens.
Dans un temps où la plupart des CHAPITRE XII.
villes de l’Asie subissaient le joug de
Rome, Aphrodisias avait vu consacrer LA VILLK, LSS MDBS.
ses libertés municipales par un décret
d'Auguste, en reconnaissance des ser- La moderne Aphrodisias conserve
vices que le peuple lui avait rendus, encore une enceinte fortifiée, qui paraît
ainsi qu’a Jules César. construite sur les bases de l’ancienne mu-
La plupart des inscriptions qui datent raille grecque, mais à une époque plus
du temps du triumvirat assimilent les récente. Vers le troisième ou le quatrième
noms d'Aphrodisias et de Plarasa, ce siècle, cetieenceintefutpresque entière-
qui ferait croire que les habitants de ment rebâtie, et l’on y entassa, comme
cette dernière ville auraient été réunis matériaux ,
les innombrables monu-
à la comniun.vuté des Aphrodisiens, à ments qui portaient les actes du pa-
condition de ne pas perdre leur nom. ganisme détruit. Les inscriptions de
La ville de Tauropolis parait avoir tout genre furent accumulées comme
eu un destin pareil à celui de Plarasa, matériaux, et quoiqu’il yen ait un grand
et nous voyons les Aphrodisiens ap- nombre qui soient aujourd’hui appa-
pelés Tauropolites dans quelques ins-
criptions de la ville; mais toutes ces (ijTacile, Annal., III, 6 »; Boi-c-kh, 5Î75,
dénominations ne sont pas les seules vol. II.
41 .
644 L’üWlVEftS.
rentes sur le parement des murs , nul proviennent tous de monuments plus
doute qu’il ne s'en trouve davantage anciens. L’architrave sur laquelle est
cachées dans les massifs des tours et tracée l’inscription vient du temple de
des remparts. Vénus.
Le périmètre des murs suit une ligne La baie inférieure est carrée; elle a
irrégulière formant un grand nombre d’ouverture 2™, 60"^, et de hauteur
d'angles et de soubresauts. Les tours 2™,85‘=. Elle n’a que ce passage. Au-
sont en petit nombre et partout on,
dessus est une arcade décorée de cais-
reconnaît l’emploi de matériaux ayant sons, qui a de large Tout l’é-
déjà servi. Dans la partie sud de la ville difice est surmonté d’un fronton qui a
est une série de bas-reliefs ayant ap- été enlevé au péribole du temple.
partenu à un petit temple, et d'une Les murailles du côté du nord sont
très-bonne exécution. moins bien conservées qu’au sud, mais
Les portes elles-mêmes ont subi des on remarque quelques parties qui da-
transformations considérables; celle tent de l’époque grecque.
du sud se compose d'une accumula-
tion de matériaux curieux et informes. CHAPITRE XIII.
On y observe une frise composée d’a-
vant corps de taureaux, comme au LE TEMPLE.
temple de Balbeck, et des chapiteaux
corinthiens dont le module ne concorde Nous avons souvent remarqué que
nullement avec l’ensemble de la cons- les villes anciennes où le christianisme
truction. s’était établi sous l’inlliience de la pa-
Les portes de l’est, de l’ouest et du role des premiers apôtres s'étaient at-
sud sont construites avec des débris de tachées spécialement à la destruction
matériaux anciens; celle du sud n’a des édifices destinés au culte des dieux
pas d'inscription; celle de l’ouest, qui de Borne. Les communes ne faisaient
paraît avoir été rebâtie avec plus de en ce'a que suivre la teneur d'un décret
soin, porte l’inscription suivante. des empereurs, qui ordonnait la des-
truction de tous les monuments du
A la bonne Tortune, an inlul, à la aanlé, aux
paganisme. Il est extréhiement rare de
honneur:» et à la pulssai.ee et a la durée eter>
nelie de nos Sfijsneurs Flaviu.i, Julius Oms* trouver en Asie, comme on en voit en
tanoe^plrux, vainqueur, aufoisie, el le Irès- Italie et en .Sicile, des temples anciens
brillanl -et excellent césar Flavius Qulnlus
convertis en églises.
£ros Monaxius (). le trés-disMngué gouver
nenr. un des magistrals crêloi.x..., a élevé Le temple d’Aphrodisias, quoique
celle porte, à ses propres dépens, pour la consacré a une divinité qui inspirait
splendide cité des Tauropolitains.
aux chrétiens plus d’horreur peut-être
Le sénat et le peuple ont honoré le trés-ll-
lustre Flavius Constance, qui. indépendamment que tous les autres dieux , a échappé
des autres ouvrages, a reconstruit les murailles. à cette destinée commune et a été trans-
our le bien de la splendide métropole des
Ç auropolitains. formé en sanctuaire chrétien ; mais son
Autre. ordonnance extérieure a été modifiée ;
Les travaux de la porte ont' été renouvelés et par une combinaison très-ingénieuse
sous Flavius Ampelius. noire illustre patron,
pour ces temps de barbarie, il a pris la
la huitième année de rindiclion.
forme intérieure d’une basilique. Toute
Cette date correspond aux années de la colonnade extérieure du péribole est
rère chrétienne 349, 350. Sur un pied- devenue, sans changer de place , colon-
droit non loin de cette porte , on lit nade des bas côtés de la nef, tandis que
l’inscription suivante, tracée en carac- les murs de la cella, démolie et rasée,
tères byzantins très incorrects : sont vends envelopper l’ancien portique
extérieur. A l’extrémité ouest, on a
Seigneur, porte secours au inonde aujour-
d'hui el toujours. (?) bâti un bêma ou hémicycle; il n’a fallu
pour cela que démolir les colonnes du
La porte de Constance est bâtie en pronaos et du posticum , qui ont servi
marbre blanc avec des matériaux qui
, à allonger un peu les deux lignes de
colonnes des bas côtés. Mais ce mur
(i) Préfet de la ville. de revêtement n’étant qu’un mince
>:ilc
asik mineurk. 64Ô
placnge s’est trouvé détruit dans la suite toyens qui ont inscrit sur un cartouche
des temps , et le temple de Vénus se leurs noms et le but de leur offrande.
présente aujourd’hui sous l’aspect de Le nom de Philocæsar indique que cette
deux lignes parallèles, composées cha- construction est postérieure à fa domi-
cune de dix-nuit colonnes, et distantes nation romaine :
(iir, L’U.NIVKKS.
«lé faits par ArUtocIés fils d'Artémidore Mo- ges. S’il a existé quelque monument tu-
lotsus, ami de la gloire el de la patrie. Ayant
mulaire important, il a été détruit.
préaidé à l'ouvrage Hermas ttls d' Aristoclès, dis
d’Artémidore, couformémeDl au lesUimeut de Quelques inscriptions mentionnent le
Molossus, qui l'a nourri et élevé. genre de tombeau eu forme d’autel ap-
pelé BQ.MOI qui comportait les cons-
Il
y a, prés du théâtre, des construc- tructions de quelque étendue. Un sar-
tions de pierres de taille qui peuvent cophage portant deux médaillons avec
avoir appartenu à la citadelle ; mais on des portraits contient une inscription
doit dire que ces murailles sont si peu qui fait connaître que ce tombeau ap-
importantes, que la conjecture est tout partient à Adraste Polychronius, fils
à fait hasardée. de Glycon. Le tombeau entier se com-
Le stade est situé dans la partie nord- posait d’un eaveau avec plusieurs com-
ouest de la ville la conservation de ce
: partiments. L’inscription 'contient une
monument ne laisse rien à désirer. Il défense formelle, à quiconque n'est pas
offre une singularité que j’ai déjà ob- de la famille d’Adraste, d’y ensevelir
servée dans Y Amphitheatrum cas- aucun corps (1).
trense à Rome c’est de se trouver
: Les contrevenants sont quelquefois
englobé dans les murailles de la ville, menacés d'une amende qui peut s'élever
et de faire en quelque sorte partie de à plusieurs milliers de drachmes. En
la drfen.se.Mais je crois que l’un et l’au- voici un exemple :
marbre a servi à la construction d’une chacune des colonnes porte une tablette
mosquée. indiquant le nom du donateur. Les rui-
nes d’F.uromus s’élèvent sur la colline
(i) Hérodote I*'', 175.
( 9 ) Id. ,
V, I i6-I99. (i) ’Voyet, pl. 97, tombeau près de Mylasa,
(î) Hérodote, liv. t''. (9) Voy., pl. 99, temple de Jupiter à I.a-
(4 ) Ht. Byt., v. Soingela, brand.'.
ASIE MINEURE. 649
nice; cette ville était, comme Mylasu, cette île a fait partie de la Pentapole
ornée de somptueux édifices de marbre triopéenne; elle était célébré par son
blanc, qui ne sont plus aujourd’hui temple d'Ksculape, et par le génie de
qu’un amas de ruines. ses artistes.
Un monument d’une certaine impor- L’île, vue du large, paraît monta-
diction de Stratonicée, était célèbre par L’arrivee des Grecs dans celte île re-
son temple d’Hécate ou Trivia qui réu- monte à Tépoqtie des plus anciens éta-
nissait chaque année un grand con- blissements doriens sur la côte d’Asie,
cours de peuple. Lagina occupait l’em- si même elle n’est pas antérieure à la
tique dépendant d’un grand palais; rité de princes qui jouissaient d’un pou-
Étienne de Byzance fait dérher le nom voir souverain (2). Cette île suivit dans
de cette ville des motscariens Ala, che- toutes les grandes circonstances la même
val, et Banda victoire, en commémora- politique que les Rhodiens. deuxOs
tion d’une victoire équestre. lies se liguèrent contre Athènes pour
est loin de jouir des mêmes avantages .s’unirent étroitement avec la république,
que la contrée voisine l’Ionie; les villes et cette amitié dura jusqu’à la fin de
modernes qui s’élèvent sur les ruines l’empire.
des anciennes cités sont pauvres et peu Plu.sieurs auteurs que la
attestent
peuplées, et le naturel des montagnards ville de Cos s’appelait anciennement
a passé jusqu’à ces dernierstemps pour Astypalæa Strahon (3) ajoute qu’elle
être presque indomptable. Au partage occupait un autre lieu également voi-
de l’empire byzantin la Carie échut à sin de la mer. C’est à la suite d’une
Ternir Meiitesche, dont elle prit le nom, guerre civile que les habitants d’Astv-
qu’elle conserve encore sous le gouver- paltca furent obligés de se transporter
nement des Osmanlis. près du cap Scandariutn, où est la ville
actuelle. Elle est distante de 15 milles
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.
65C L’UNIVERS.
romains d’Halicarnasse (1), et opposée ne se plaise à perpétuer celte ingénieu.se
au cap Termerium de Carie. fable grecque. On aime en effet a se
Lorsque les Lacédémoniens vinrent représenter, sous cet ombrage séculaire,
débarquer à Cos, pendant leur campa- Hippocrate entouré de disciples, et
gne sur les côtes de C.arie , ils trouvè- préparant ses immortels ouvrages.
rent la ville ruinée par un tremblement Le platane d’Hippocrate occupe le
de terre des plus violents, elles habi- centre d'une place qu’il couvre entière-
tants avaient fui dans la montagne (2). ment de son ombrage. Le tronc a 9“,80
La ville de Cos, dit Strabon, n’est pas de circonférence; il est presque ellip-
grande; mais elle se distingue par sa tique, mais creux. Il s'élève sur un
nombreuse population, et présente un soubassement en maçonnerie qui a
aspect on ne peut plus agréable à ceux été fait dans le dessein de recouvrir
qui viennent du côté de la mer. L’Ile les racines, ou peut-être parce qu’on
est fertile en bons vins, et célèbre par les a abaissé le sol de la place. Le tronc
tissus, ouvrage des femmes du pays ^3). n’a que 2“,80 de hauteur ; mais, à
Le temple d’Esciilape était situé dans partir de ce point, il se divise en
le faubourg. Il était célèbre dans toute quatre branches qui s’élancent hori-
la Grèce, et rempli des plus riches of- zontalement à une distance de dix mè-
frandes. On y voyait V Àntigonus, d’A- tres; leur circonférence est de trois mè-
pelle, et la t énus anadyomine, portée tres ; c’est seulement à leur extrémité
à Rome par Auguste, qui accorda en que commencent les branches portant
compensation la remise d’un tribut de le feuillage. Pour soutenir les grosses
100 talents auquel la ville avait été im- branches dans leur position horizon-
posée. Mais c’est surtout comme la pa- tale, on a placé de distance en distance
trie d’Hippocrate que l’île de Cos est à des colonnes de marbre, et, depuis ce
jamais célèbre. De tous les grands temps, le bois du platane les a tellement
hommes de l'antiquité, c’est peut-être englobées , qu’il fait corps avec le mar-
le seul dont le nom soit encore popu- bre. Une fontaine mauresque rafraî-
laire dans son pavs natal le souvenir
: chit la terre, et des centaines de tour-
de cet homme iflustre est presque le terelles ,
vivant constamment dans ce
seul monument qui reste de l’ancienne feuillage, animent ce tableau. On ne
civilisation de cette île; mais il est pro- saurait voirun endroit plus pittoresque.
fondément gravé dans le cœur de tous On dans la ville et hors des murs
voit
les Grecs. Hippocrate est regardé non- quelques fragments d’architecture, mais
seulement comme le bienfaiteur de aucun monument. J’avais cependant ap-
l’humanité; mais encore comme l’au- pris qu’à deux lieues de la ‘ville il exis-
teur de tous les agréments dont la ville tait une source qu’on appelait la fon-
jouit encore aujourd’hui , de l’eau et de taine d’Hippocrate. Cette source, qui
l’ombrage. Esculape est aussi ignôré fournit les eaux à la ville, est située à
que remplacement de son temple; les mi-côte d’une montagne élevée; j’y re-
Grecs vous montreront avec orgueil le connus une construction fort ancienne
platane sous lequel le père de la méde- qui mérite d’être décrite.
cine donnait ses leçons; c’est-à-dire, La source , qui sortait à une assez
dans leur pensée, que ce platane était grande profondeur, a été mise à décou-
déjà dans toute sa croissance du temps vert par une tranchée dans le roc vif.
d’Hippocrate, 460 ans avant Jésus- Un canal de 31 mètres de longueur a
Christ il aurait plus de
: deux mille été creusé pour donner issue aux eaux ;
trois cents ans! Il est inutile de réfuter le tout a été revêtu d’une maçonnerie
une pareille tradition; mais cette mer- solide de pierres de taille. Le canal est
veille du règne végétal porte avec une en partie voûté, et en partie recouvert
certaine majesté le nom du plus grand de plates-bandes; la prise d’eau se
homme du pays, et il n’est personne qui trouve dans une petite salle ronde voû-
tée en cône, de 10“,33 de hauteur et
(i) Pline, liï. Vi ch. 36. de 2™,80 de larççe, dont la partie supé-
(a) Tluicjdide, liv. VIII, ch. 4i rieure est percee , et forme par consé-
{3)l il)«ll., VI, 35. quent un puits en dehors.
,,
661 L’UNIVERS.
uns pensent que ees peuples l’ont pris Sanjak de Raramau. Elle a pour prin-
du fleuve Lycus ; d’aulres prétendent cipale ville Iconium, place fort an-
qu’ils l’ont reçu de l’Areadien Lycaon, cienne, mais de fondation grecque, et
qui conduisit une colonie dans ces qui, dans l'antiquité, n’a jamais été
contrées (I). 11 .suffit de constater que qu'une forteresse de peu d'importance.
déjà, pour les anciens, le nom de Ly- Toutes les autres places mentionnées
caonien, qui est purement grec, se. dans la Notice d'Hiéroclès ont à peine
perdait dans la nuit des temps, et qu’il laissé des vestiges. Ce pays était, à la
n’e.xistait pas pour eux la moindre tra- vérité, le plus dénué de ressources
dition qui mentionnât un peuple abo- pour tout ce qui touchait au culte des
rigène ou sémitique , comme dans la arts , et à la construction des monu-
Cappadoce. La première mention qui ments. Les Cappadociens avaient trouvé
soit faite de la Lycaonie se trouve dans dans les roches tendres de leurs mon-
Xénophon (2) ; mais rien n’est déter- tagnes un vaste champ à exploiter, et
miné sur ses frontières, jusqu’au temps ils avaient imaginé d'établir leurs mo-
des guerres entre les Romains et les numents dans la carrière elle-même.
rois grecs. Les Lycaoniens n’avaient pas même
La Lycaonie fut alors incorporée à cette ressource; les roches de leurs
la province nommée par les Humains montagnes sont composées de calcaire
Asie propre, et dont Ephèse fut la mé- d’une mauvaise qualité, qu’il est im-
tropole. Le traité signé avec Antiocluis, possible de travailler. L’usage d’élever
qui cédait au peuple romain toutes les des constructions en terre et eu briques
provinces situées en deçà du Tanrus, fut certainement usité chez eux; mais
depuis ses versants occidentaux jus- il n’acquit une certaine importance, il
(|u’au fleuve Halys, y comprenait la ne s’éleva au rang d’un art véritable
Lycaonie, qui fut ensuite cédée à Eu- qu’entre les mains des peuples musul-
mène , par suite de la paix signée avec mans, qui avaient étudié sur le sol
Prusias, roi de Bitliynie. 11 reçut, en même de la Perse et de la Babylonie
outre, les deux Plirygies, la Mysie, et qui transportèrent en Asie l’art
la I.ydie, et le Milyas (3). L’Asie en oriental, tout autre avec ses coupoles
deçà du Taurus, ayant sa limite déter- élancées, ses ricins couleurs et ses
minée par les crêtes des monts , com- émaux merveilleux.
prenait naturellement tout le versant Les laines grossières, mais abondan-
septentrional , les Lydiens les Cariens tes,des troupeaux étaient pour les Lycao-
et les Lycaoniens. Uans ce cas, il est niens une source de revenu considé-
vrai, ou ne fait pas mention de l'Isau- rable, et composaient même unqjrart
rie, et Strabon ajoute à la confusion qui notable des biens du roi Amyntas(l);
existe dans la détermination des deux mais un ne dit pas que l’art de fabri-
territoires, quand il dit (4) « : On y voit quer des tissus de laine, dos tapis et
« aussi deux lacs; le pins grand est appelé des étoffes, ait jamais prospéré parmi
« Coralis, et l’autre Trogitis : » l’un des eux. Les témoignages do l’antiquité
deux a conservé son nom de Kéréli; nous permettent de croire que chez
l’autre est le lac de Sidi chéri ; or, ils eux la rapine et le brigandage n’étaient
.sont tous les deux au centre de l’Isaurie. pas devenus une habitude générale, et,
La Lycaonie, touche à l’est à la Cappa- eu cela, ils se distinguent encore de
doce; au nord et au nord-ouest, à la la petite peuplade, leur voisine, dont
Galatie et à la Phrygie; elle ne se les rapines tinrent en suspens toutes
trouve limitrophe du Taurus que dans les forces des royaumes civilisés de
son extrémité orientale , où l’on place l’antiuuité; car depuis Tcpoqiie d’A-
les villes de Deibe et Laranda, c'est-à- lexanare jusqu’à la prise de Rome,
dire le district appelé aujourd’hui le nous voyons les Isauriens résister à
toutes lés tentatives faites pour les
(i) Eiistalli. ad Dioiiys. Porieg., v. 85-.
soumettre; renaître de leurs cendres,
(a) Ezped. Cyr. liv., a. pour porter l'effroi dans tout le coni-
(3) Strabon, XII, 568.
(t) n’Aniille, /tsie flinriirr. (i) .Slralion, XII, 568.
,
des châteaux forts que pour conserver très-grands, ainsi que cela nous est
le produit de leurs rapines. Ils étaient
attesté par les bas-reliefs. Une figure
pasteurs comme les Arabes, et , comme incrustée dans les murailles de Konieh,
eux, disposés à souvent changer de repré.sente peut-être un de ces Pelteni
chefs qui étaient choisis par voie d’é- lycaoniens (4). Il tenait en même temps
,
lection. Les Isaures ont aussi ces traits le javelot isaurien. Zozime (5) dit que
de ressemblance avec les Arabes , qu’ils le peuple des Isaures demeure toujours
ne craignent pas de s’adonner à la na- dans les montagnes escarpées et inac-
vigation ; en cela ils diffèrent de tous cessibles du Taurus; mais Pline (6)
les peuples. Perses, Mèdes et Assyriens,
étend leurs frontières jusqu’à la mer
qui ont toujours montré pour la mer
une aversion profonde ; caractère en-
(i) Pline, lib. V, chap. 27
core saillant chez les Arméniens et .
(3) Selon M.
Kieperl le nom des Isaures
, les Isaures devinrent le
ciliciens fléau
esl d'origine araméenne, et vient des lelilri,
des mers; Rome, à l’apogée de sa
mol prouoni'é par les Hébreux le.srhnri et
puissance , est obligée de leur déclarer par les Grecs Isaiiri ; il signilie: un peuple
une guerre en règle, et leur défaite valut qui habite les muntagnes. Hitler, Erdkunde,
au général Publius Servilius un surnom t. IX, 4aa.
qui le plaçait à côté des vainqueurs de
(4 ) Voyez pl. 5 , bas-relief à Konieh.
Carthage et de Numancc. (5) Zozime, liv. V, chap. aS,
Strabon semble vouloir faire de l’I- (
6 ) Pline, liv. V, chap. ay.
,
65<4 L’UNrVERS
de Cilicie,dans le voisinage d’Anemu- Cette campagne avait duré trois ans,
rium. et le trophée le plus important qu’eu
Il ne nomme aucun port appartenant rapporta le général romain fut la dé-
à l'Isaurie ; c'est , sans doute , ce qui faite du peuple isaurien car la piraterie
:
amena ces peuples pillards à taire al- reparut Lieutôt, et ne fut comp.létcmoiit
liance avec les Ciliciens. anéantie qu'après la campagne de
Leur capitale, qui portait le nom Pompée.
d’Isaure, existait antérieurement à l’é-
poque de l'invasion d’Alexandre (I); -et
déjà ils se signalaient par des actes qui
CHAPITRE XVIII.
mettaient en évidence leur courage in-
domptable. I.a révolte des Pixidiens, BEGION PEBÆA.
réunis aux Isaures, souleva contre ces
peuples une réaction terriWe de la part La région Perœa s’étendait sur la
se fut établie sur ces côtes ; quand les tiquité; le seul monument un peu im-
navires d’Ostie , qui venaient commercer portant est un caravanséraï bâti par
avec les ports d'Asie , se virent assaillis le sultan Séliui I"'.
par des corsaires, que l’impunité ren- Mais depuis la base de la montagne
dait de jour en jour plus redoutables, qui entoure la rade du côté du nord,
il fallut entreprendre contre eux une jusqu’au sommet d’un plateau élevé de'
expédition en règle. Servius,àla tfte mètres environ au-de.ssus de
iiuit c-ents
d’une flotte , eut peine à remporter les la plaine, on remarque une série de
remiers avantages ; mais il s’en vengea constructions qui porlent le cachet d’une
ientôt , eu ruinant de fond en comble haute antiquité, et qui forment comme
Phaselis et Olympus, deux grandes les ouvrages avancés d'une vaste cita-
villes de la Lycie , et , franchissant le delle. Ces murs sont tous bâtis en
'J'aurus, il marcha contre la ville d’I-
saura, qu’il prit après un siège difficile. (1) Voyez page Î 3 .
pierres polygonales qui relient les dif- gage de l’autre (1) ; les usages des Cau-
férents pitons de rochers. On ne trouve niens différaient de ceux des Cariens;
dans l’enceinte aucun débris qui ait ap- ils avaient rejeté le culte des dieux
partenu à quelqu'édifice romain, au- étrangers, et adoraient des divinités lo-
cun morceau de sculpture ou d'orne- cales. Caunus était une ville maritime
ment ces ruines, en un mot. ont ap-
; et les flottes grecques trouvèrent sou-
partenu à un système de défense qui vent un refuge dans son port. Le terri-
commandait et la rade et la vallée toire, malgré sa passait pour
fertilité ,
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,
GÔG L’UNIVERS.
Le village moderne de Dalian se Derbéetde Laranda(l). Les Boniain.s
compose de sept ou huit maisons ap- lui avaient cédé les deux bourgs du nom
partenant à des pécheurs qui rentrent d’isaura. Il en détruisit un, et commença
E.es villes de Painphylie qui avaient a^ visions entraient dans la place par une
iia)tenu à ce prince" recouvrèrent leur issue secrète. Lorsque cette ressource
lil)erté. Ce nouvel état de choses n’a- eut été retirée aux assiteés, la défense
doucit cependant pas le caractère in- devint de plus en plus difficile; mais les
domptable des Isaures. Leur capitale, moyens féroces qu’employait Lydius lui
non terminée , n’était plus propre à les permettaient de compter encore sur un
mettre à l’abri des atteintes des gou- secours du dehors. Lorsque la détresse
verneurs romains ; mais les cavernes et augmenta ,
les femmes, les vieillards
les châteaux perchés sur les rochers et toutes les bouches inutiles furent
leur offraient encore quelques retraites impitoyablement livrés aux Romains,
sûres; aussi n’étaientils soumis aux ou précipités du haut des rochers qui
Romains que de nom. entouraient Cremna, le dessein de Ly-
dius étant de s’ensevelir sous les ruines
CHAPITRE XX. de la place. Mais un archer habile , qui
avait été cruellement traité par le chef
VILLES DES ISAUBES. barbare, parvint à gagner le camp des
Romains. Instruit des mouvements de
Sous le replie de Gallien, Trébellien, Lydius, qui venait observer les ennemis
isaure de nation ,
s’empara de l’autorité par une fenêtre du rempart, l’archer
suprême, et se fit décerner le titre l’attendit avec patience, et le tua d’un
d’empereur; attaqué par les généraux coup de flèche.
de Gallien, il se retira dans les mon- Les barbares , sans chef ne soutin- ,
tagnes , et sut s'y maintenir pendant rent pas longtemps le siège. Malgré les
quelque temps. Cerné par les troupes avis que leur avait donnés Lydius en
romaines, il fut pris et tué; mais les mourant, ils se rendirent aux Ro-
Isaures n’en continuèrent pas moins mains (1). La place ne fut point dé-
leurs courses. Ils sortaient de leurs re- molie, et vainqueurs y établirent
les
paires, allaient piller les villes sans dé- une garnison. Par les ordres de l’em-
fense, attaquaient les caravanes, et ren- pereur, Isaures qui habitaient la
les
traient chargés de butin. Rien ne montagne furent traqués et dispersés ;
pouvait mettrê un terme à leurs pira- mais on ne parvint pas à les anéantir;
teries, et dès que le gouvernement et , sous Constantin , ils exerçaient en-
proconsulaire se trouvait ébranlé par un core leurs déprédations (2). Enfin, nous
changement de règne ou par quelque retrouvons le nom des isaures mêlé aux
sédition on les voyait reparaître plus
, derniers jours de Rome. La porte Asi-
hardis que jamais. naria confiée à leur garde fut ouverte .
^.OOÿlc
,
658 L’UJNIVERS.
trouvée à Smyrne une inscription qui vert par deux places qui défendaient les
range sous la juridiction du même passages du 'Faurus. La ressemblance
préfet toutes les provinces qui ont ap- des noms de Divley et Derbé, que les
partenu à l’Asie centrale. Grecs prononcent Dervé vient encore
ajouterà la présomption d’identité entre
Publius, proconsul, préfet de l’Ionie, de la
Phryeie, de l'iEolide, de la Méonle, de la Lydie, les deux places. Les apôtres Paul et
de rUellespont, de la Mysie, de la Billiynie, Barnabe se réfugièrent a Derbé après
de la province de Tarse , de la Galatie , des
avoir étéchassés d’Iconium, l’an de notre
Mary andyniens , du Pont, de la Paplilaaonie,
de la petfle et de la grande Cappadoce, de l’i- ère 41 ; cette ville était la métropole de
saurie et de la Lycaonie, et des pays Jus- l’évêché de Derbé (2),
qu’aux conlins du Taurus et de la petile Ar-
ménie.
La route de Derbé à Caraman est ma-
récageuse pendant une partie de l’année,
La frontière naturelle de la Lycaonie parce que les eaux versées par les pen-
est indiquée par la première chaîne de tes septentrionales du Taurus ne trou-
montagnes calcaires que l’on rencontre vent qu’un écoulement difficile au mi-
à l’est de la route , entre Eregli et Ca- lieu des plaines sans pentes bien ac-
raman. Strabon en a exagéré la hau- cusées.
teur (2); elles dépassent rarement Caraman, ville de trois à quatre miHe
i) Ad NoKtiani imp.
Orient., p. 176 .
(1) strabon, XII, 56g.
a) Slrabon, XII, 538. (>) C.h. de Sl-I'aul, géojjr. .'aicr.
,
âmes ,
se trouve au jwint de réunion A l'ouest de Caraman s’étend le
des eaux de toute la plaine il y a au ; pays montagneux de l’Isaurie dont la
milieu de la ville un étang qui exhale capitale Isaura fut longtemps ignorée.
des miasmes délétères. Cette ville, qui Les limites occidentales de l’Isaurie
selon la tradition acceptée par les géogra- sont formées par une chaîne de mon-
phes, occupe remplacement de Larauda, tagnes calcaires, qui va se rattacher au
s’étant trouvée en butte à la ven- Taurus; elle sépare le bassin du lac
geance de Philippe et de Perdiccas, à d’Egdir du bassin des deux lacs de Bey
cause du meurtre commis par les La- chéri et Sidi chéri ; le dernier est ali-
randiens sur la personne de Balacris menté par les eaux de l’autre lac, et la
gouverneur, fut attaquée et prise après rivière d’écoulement se dirige vers la
une courte résistance ; tous les hom- plaine de Konieh.
mes adultes furent passés au fil de La ville de Bey chéri est située sur
l’épée; le reste de la uopulation dis- Ja rivière qui joint les deux lacs, elle
ersé et la ville ruinée ne fond en com- est la résidence du mutzellim ou gou-
le (1). Elle fut rebâtie dans la suite et verneur du district.Un tombeau mu-
est souvent citée par les auteurs an- sulman , un medrécé et quelques mos-
térieurs à l’époque byzantine. quées à minarets sont les seuls mo-
Après la chute des sultans d’Iconium, numents qui attirent l’attention. Ces
le territoire de Laranda resta au pou- deux petites villes, doivent leur fondation
voir de Karamau ogiou, qui donna son aux émirs seidjoukides sous le règne de
nom à la province Caramanie, et fut le Ala Eddyn. Le lac Bey chéri représente
fondateur de la dynastie des Karamau, l’ancien lac Trogitis, et le lac de Sidi
qui cominen(^ en'iasd. Un des descen- chéri le lac Caralitis ; on retrouve ce nom
dants de cet émir Ut, en 1386, une in- dans le petit bourg de Kereli aujour-
vasion dans les États du sultan Mou- d’hui presque abandonné ; il est situé
rad U' son beau-père, qui le vainquit à trente six kilomètres au nord de Bey
et lui accorda son pardon ; une seconde chéri.
tentative faite sous le règne de Bayazid A vingt-quatre kilomètres de cette
n’eut pas plus de succès, mais Karaman dernière ville, sur la route d'ilgoun et
ogiou fut dépossédé; enfin, en 1464, la au village d’Eflatoun, M. Hamilton a
Caramanie nit incorporée à l’empire observé un monument archaïque qui
Othoniau par Mahomet 11. mérite d’être remarqué. Du pied d’un
Le Kara dagh, la montagne noire, à rocher calcaire sortent plusieurs sour-
une journée au nord de Caraman est ces qui se réunissent dans un bassin.
remarquable par un ensemble de ruines Au milieu de l’enceinte des rochers
connues dans le pays sous le nom de s’élève une stèle d’une grande dimen-
Biubir kilissé ce sont de nombreux
: sion sur laquelle sont sculptées, dans
couvents du moyen âge auiourd'hui divers compartiments, des ligures dans
abandonnés et en ruines, et dont l’ar- le style assyrien ou mède ; la stèle a une
chitecture ne porte le cachet d'aucune hauteur d’environ trois mètres. Ce mo-
époque déterminée. nument paraît avoir quelque analogie
Le Kara dagh est un ancien volcan avec l’enceinte sacrée ne Boghaz keui ;
dont les laves trachytiques sont de cou- des dessins précis pourront seuls mettre
leur sombre c’est de là que les Turcs
: à même de déterminer à quelle époque
lui ont donné le nom quelle porte remonte l’exécution de ce monument,
aujourd'hui. Le village turc nommé qui depuis 1836 n’a pas encore été des-
Kilystra, voisin de Caraman, est porté siné (I).
sur la carte grecque avec cette légende
Kilystra ou Lystra, où saint Paul a (i) Voy. jésie-Uineurc, I. II, p. l 'tp, Karl
guéri le boiteux, ce qui prouve que Ritter, Erdkmde, t. IX, 435.
l'évêque de Cappadoce regardait Kilystra
comme identique avec la ville où saint
Paul a prêché.
43 .
-
Di>. -
tv
660 L’UNIVERS.
. CHAPITRE XXL boutisse. Du cdté du sud-ouest, où la
pente est moins rapide, les tours sont
ISAUBA. — ZENGBIBAB. très-muiti pliées. La porte principale du
côté du sud est défendue par deux tours,
L’antique Isaura, démolie et rebâtie bâties dans le même style que le rem-
par Amyntas sous le nom d'Isaura part. L’arcade formant la porte est
nova, est située près du village de Zeng- supportée sur des pieds-droits en
bibar. marbre. On a sculpté des boucliers sur
Les ruines s’élèvent sur une colline l'imposte près de la tour à gauche de
qui s’étend dans la direction du nord- l’entrée.
nord-ouest au sud-sud-est, ayant au De là on peut suivre plusieurs pentes,
nord la plaine de Konieh , au sud le qui s’étendent dans différentes direc-
Taurus, à l’est les montagnes de Kara tions; celle de droite conduit aux car-
dagh et d’Ala dagh, et à l’ouest celles rières et à l’acropole. En se dirigeant à
qui encaissent le lac de Sidi chéri. Une gauche , à cent mètres de la porte, ou
nécropole, couverte de sépultures de aperçoit le soubassement d’uii temple
genres variés, précède l’entrée de la ville bâti dans le même style que les autres
au sud-sud-est. Les tombeaux du genre édifices , et élevé sur une éminence de
bûmos sont élevés sur quelques mar- rochers dont l’étendue est de quarante-
ches taillées dans le roc vif. On re- trois mètres sur vingt-six. On reconnaît
marque des hexèdres destinés aux repas là une de ces terrasses sacrées , comme
funèbres, genre de monuments assez celles d’Aïzani ou de Perga, qui sup-
répandus en Lycie. Les pierres qui ont portaient le principal temple de la ville.
appartenu à ces tombeaux, détruits pour Une rue bordée d’un portique de
la plupart, sont ornées de griffes de colonnes couduisait de la porte prin-
lion, ne médaillons et de fleurs. U’au- cipale à l’Agora, située vers le centre
tres ruines, situées en dehors de la ville, de la ville; le terrain voisin est couvert
entourent une magnifique source, dont de débris de toute espèce de maisons et
les eaux limpides font le tour de la ville, d’édifices. On y distingue les débris
et coulent vers le village ; elle a reçu d’un canal qui paraît avoir commu-
le nom de Bal bounar, la Source de miel. niqué au caldarium d’un bain. Une
I.a nécropole s’étend aussi vers le sud, inscription indique la construction d’un
et l’on distingue plusieurs sarcopha- portique avec des boutiques et une
ges dans leur position primitive, mais partie voûtée. Cette disposition, dont
les couvercles sont jetés brisés à côté. on pourrait retrouver les principaux
La croix sculptée sur quelques-uns de traitsen faisant d^agcrle terrain, était
ces tombeaux atteste que, sous l’empire particulière aux villes d’Asie. grand Un
bvzantin, cette ville était encore peu- monument s’élève non loin du Forum,
plée. Un Aëtius, évêque d’Isauropolis c’estun arc de triomphe encore presque
assistait au concile de Chalcédoine, et entièrement conservé et qui porte dans
llluaire, autre évêque de ce même si^e, l’entablement l’inscription suivante ;
se rendit au concile de Constantinople.
On peut suivre la ligne des murailles A l’empereur César, le divin Hadrien Auguste
Fils du divin Trajan, pelil-Uls du divin Nerva :
composées d’assisesalternativement hais- tour ; elles ne sont reliées que par des
en
tes et basses, avec des parpaings posés pierres levées qui marquent le pourtour
ASIE MINEURE. 661
de La ville. Une tour plus haute que les ville.Les Grecs racontent que Persée,
autres parait avoir servi à la cohoter étant venu en Lycaonie, suspendit à
(les gardes ; du haut de cet édifice la une colonuela tête de Méduse ; le bourg
vue détend sur toute la contrée voisine fut appelé dans la suite la ville de l'i-
et domine la plaine de Konieh dont on mage. Il acquit bientôt une étendue
aperçoit les minarets dans le lointain. considérable, et devint célèbre plus tard
pr le passage des Dix Mille (1). Stra-
CHAPITRE XXII. bon (2) en fait mention comme d’une
ville petite, mais bien habitée, située
ICONIUM — KONIKH. dans une contrée fertile , au nord de la
Lycaonie, elle devintsous Tibère la pro-
Le versantdes plateaux qui s'appuient priété de Polémon (3).
sur le contre-fort septentrional des mon- Les titres honorifiques de l’ancienne
tagnes de risaurie est dirigé vers la Iconium sont relatés dans l'inscription
grande plaine de Konieh, dont la dispo- suivante encastrée dans la muraille du
sition en bassin sans issue n’offre aucun château :
plaine, et forme un lac que tous les elle était, en effet, la résidence d'une
voyageurs désignent sous le nom de lac multitude de Juifs et de Grecs : aussi,
de Konieh mais dont l’étendue, selon
, lorsque saint Paul vint répandre le
eux, varie, depuis une lagune de peu christianisme dans la Cappadoee, il s’ar-
d'importance, jusqu’à un lac de plusieurs rêta à Iconium, où il prêcha les Gentils.
lieues carrées de surface. Les Actes des apôtres (4) nous appren-
Cest qu'en effet, selon la saison, la nent que saint Paul et Barnabé , chas-
plaine de Konieh est complètement inon- sés par un soulèvement des Juifs de la
dée, ou seulement humectée par un petit ville d’Antioche de Pisidie, se retirèrent
marais où un troupeau de buffles trouve à Iconium. Là, ils prêchèrent dans la
à peine l’espace suffisant pour se vautrer. synagogue et s’exprimèrent dans le
,
^oo^Ic
,
(iüi L’UNIVERS.
(juaire c^ue par les mosquées élevées ont été soigneusement encadrés dans
sous le rVne du sultan Ala-Eddyn dans les murailles; on remarque dans une
ledouzième siècle. des tours du sud un magnifique sarco-
Depuis rétablissement de la dynastie phage, qui a fait l’admiration de plus
ottomane, on vit successivement dé- d’un voyageur européen. La face est di-
croître la licliesse et le luxe des édifices visée en huit compartiments en forme
de Konieh. Le sultan Sélim 1"' y fit d’arcades, et représente l’épisode d'A-
élever une mosquée avec un couvent, chille à Scyros.
où il installa le cheik des derviches Mél- Le plan de la ville est un rectangle
veléwi ou tourneurs , lequel commande dont les angles sont arrondis. La face
à tous les couvents ou Téké de l’em- sud est défendue par un petit château
pire ottoman ; c’est lui qui a le privilège que l’on appelle /ncA-A'a/é ( le château
de ceindre aux sultans le sabre d’Os- intérieur); il forme, en effet, dans l’in-
man, et de leur donner ainsi l’investi- térieur de la ville, une enceinte parti-
ture. culière, défendue par huit tours ou don-
Quant à la ville elle-même, réduite au' jons. Il est habité aujourd’hui par quel-
raug de simple chef-lieu de pachalick, ques familles auxquelles la garde en est
elle a été peu à peu oubliée des histo-- confiée. Le faucon, symbole des sultans
riens, et l’on ne cite pas un fait mémo- Seidjoukides est sculpté au-dessus de la
rable qui lui soit particulier, dans toute grande porte, cet emblème fut ensuite
la période qui s’est écoulée depuis le empreint sur les médailles des sultans
règne de Soliman le Grand jusqu’à nos Orthokides.
jours. L’établissement de l’autorité mu- Il est difficile de dire quel était le but
sulmane ne parvint pas à détruire com- des anciens, en fabriquant cette innom-
plètement le christianisme; cette ville brable quantité de figures de lions de
fut de tout temps la résidence d’un ar- marbre que l’on retrou^fe encore dans
chevêque grec ; les chrétiens et les Ar- presque toutes les villes de la Galatie,
méniens y sont encore nombreux. de la Phrygie et de la Cappadoce. A
Les murailles bâties par Ala-Eddyn Konieh, on en compte encore plus de
sont encore conservées dans leur inté- vingt ; elles ont été pour la plupart en-
grité; elles sont défendues par cent castrées dans quelques murailles. Du
huit tours carrées, éloignées l’une de côté de l’occident trois statues colos-
,
Ce qui distingue
les Seidjoukides des songer à réparer un édifice, a converti
Osmanlis ,
ne professaient
c’est qu’ils la ville en un monceau de décombres,
ias, commeces derniers, l’horreur de où l’on ne trouve plus que quelques
fa représentation des figures humaines.
Tous les fragments de sculpture an- (i) Voyeî la planche 67. Lions et Faucon.'
cienne qui ont été décotverts par eux. dans le château de Konieh.
ASIE MINEURE. CÜ3
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.
LIVRE X.
sang des Léleges, des Crétois et des Ca- arts et son langage diffère essentielle-
rieiis qui coule dans leurs veines, aucun •ment des autres habitants de la pres-
historien ne mentionne en Lycie un qu’île. On ne peut dire cependant qu’elle
peuple aborigène antérieur à ces peu- était complètement étrangère à la race
ples. I.«s Phéniciens pénétrant dans grecque ou pélasgique ; car dès le temps
l'intérieur delà Lycie y introduisent une de la guerre de Troie, nous voyons la
population qui garde son type particu- langue grecque comprise par les chefs
lier et sa langue nationale, ce sont les lyciens, et les hymnes qui étaient chan-
Solymes, le seul peuple de l’occident que tées aux fêtes de Délos avaient été
les Grecs regardent comme d’origine sé- composées par Olen, poète lycicn (2).
mitique. La Troade etla Lycie sont deux
—
Pandarus ; ils ont les mêmes fleuves et MONUMENTS.
les mêmes nomsde montagnes. Une par-
tie de la Troade portait le nom de Sous le nom général de Lyeie, le.s
Lycie d’après celui de ses habitants ; de historiens comprennent trois provinces
même les Lyciens se donnaient le nom distinctes; au nord la Cabalie, au
Troyens, Troès. L’un et l’autre pays se centre les Solymes qui occupaient les
prêtent un mutuel secours dans la plateaux du Milyas; ces peupla-
bonne comme dans la mauvaise fortune. des parlaient la même langue phéni-
Les Lyciens,les Crétois et les Cariens se cienne, et au sud les Termiles, qui
rencontrent sur la côte occidentale jus- avaient pris le nom de leur chef Tré-
qu’aux bouches du Méandre et dans la milus. C^étaient des tribus crétoises qui
Troade. On ne saurait mettre de l'ordre
(ijCurliiK, Greschische G«/c/i(c, 1. 1, 63.
(i) Voy. livre HT, p. 84- (i) Hérodote, liv. IV, cl). 35.
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ASIE MINEURE. (!C.S
nvaicnt passé de l'ile de Rhodes en Asie ; les qui étaient alors absentes. Cepen-
d’autres rameaux de ces tribus, con- dant malgré tant d’efforts la Lycie fut
duits par les fils deTrémilus, Tloüs, soumise au joug des Perses jusqu’au
Xanihus et Pinarus, bâtirent des villes jour où Alexandre lui rendit sa liberté
du même nom et formèrent des popu- en dirigeant en personne sou armée à
lations distinctes. (1). Ne semble-t-il pas travers la province. Darius dans l’or-
qu’on assiste à la formation des tribus ganisation de son empire avait rangé
arabes qui, arec le titre de (2) Ouied la Lycie dans la première satrapie;
ou de Béni se groupent sous le nom
,
néanmoins le pouvoir intermédiaire des
d uii chef qui distingue la tribu. Les rois de Carie s’étendit jusque sur cette
ïermiles conservèrent leur nom jus- province, qui eut à souffrir des tributs
qu’au rème de Sarpédon. Lorsque etdes exactions imposés parles généraux
Ljicus, fils de Pandion fut chassé d’A- du roi Mausole, dans le but de satisfaire
thènes |Mr son frère Égée, il alla se réfu- aux dépenses faites par ce prince aux
gier près du roi des Termiles ; il leur embellissements de fa ville d’Halicar-
lit adopter des lois empruntées en nasse.
partie aux Crétois, en partie aux Ca- Après l’expulsion des Perses, la Lycie
riens (3). et depuis ce temps ces peu- fut pendant un temps soumise au pou-
ples prirent le nom de Lyciens. voir des Rhodiens ; mais elle prit peu
La Lycie était la patrie du dieu Apol- de part à In guerre du Péloponnèse.
lon, et l’existence du sanctuaire de Pa- Les trois nations de la Lycie formaient
tare est antérieure à tous les temples une confédération, gouvernée par une
du même dieu élevés dans le reste du assemblée qui prenait le nom de Corps
monde grec : la diversité des fables Lyciaque ; il était composé des dépu-
relatives à Latone et à la naissance de tés envoyés par les vingt-trois villes de
Diane , montrent bien que ce mythe a la confédération , qui décidaient en as-
été apporté chez les Grecs par des peu- semblée publique dans quelle ville le
ples dï)utre-mer. congrès serait tenu. Les principales
La constitution civile des Lyciens dif- villes,Xanthus, Patara, Pinara , Olym-
fère aussi de celles des autres peuplades pus, Myra et Tlos, avaient chacune
d’Asie; la femme était honorée plus trois voix, les moyennes deux et les au-
qu’en aucun autre pays grec, et les tres une seule voix ; elles contribuaient
Lyciens ne connaissaient d’autre généa- dans la même proportions aux dépenses
logie que celle qui les rattachait au lien et aux charges publiques.
maternel. Le premier soin des Lyciens fut de
Les Lyciens se montrèrent toujours choisir pour assiette de leurs villes le.s
guerriers intrépides et jaloux de leur lieux les plus inaccessibles. L’âpreté
liberté. Lorsque les rois de Lydie eurent de leurs montagnes est déjà leur pre-
soumis tout l’occident de l’Asie Mineure, mière ligne de défense, les murs sont
les Lyciens avaient su conserver leur construits avec une solidité qui est en-
indépendance ; mais ils ne purent résis- core pour les hommes de notre temps
ter aux attaques de Cyrus qui envoya un sujet d’étonnement. Les blocs les
contre eux une armée nombreuse. Lors- plus énormes sont transportés par les
que Harpagus se présenta dans les cam- chemins les plus abrupts, pour cons-
pagnes du Xanthus, les Lyciens mar- truire les murs de l’acropole; les mai-
chèrent à sa rencontre et quoique in- sons des habitants, bâties en pierres et
férieurs en nombre ils combattirent couvertes en terrasses, s'abritent der-
avecune grande valeur. I.cs habitants de rière ces remparts que de vaillants guer-
Xanthus s’enfermèrent dans leur cita- riers sont décidés à défendre.
delle et refusèrent unanimement de se A près avoir songé au salut des vivants,
rendre. T^a ville ayant été prise d’assaut los Lyciens n’oubliaient pas le culte
tous les habitants furent massacrés, il des niorts; des tombeaux aussi variés
n’y eut de sauvées que quelques famil- de forme que de structure, sont bâtis,
sculptés, creusésdans les rochers autour
(0 Ët. Byz., voc. Tremilc.
de la ville on cherche en vain à quel
:
(s) FiU de...
art se rattachent ces singuliers ouvra-
(3) Hcrotloîe, liv. I,
666 L’UTOVERS.
ges. Sur le flanc des rochers on observe autres que les Mèdes et les Perses. Cette
des tombeaux dont la façade représente opinion s’est confirmée chez l’auteur
une frêle construction de bois ; les pou- par l’inspection des monuments de
tres, les poteaux et les branches rondes, Xantlius, qui, selon lui, ont tout le ca-
juxta-posées pour former le toit, sont ractère des sculptures des Perses.
sculptées dans la pierre, ües sarcopha- Sans entrer dans le fond de cette con-
es monolithes représentent une caisse troverse philologique, il nous semble
e bois couverte par une autre pierre u'il s'élève une objection au sujet de
imitant une chaloupe renversée avec sa falphabet de ces inscriptions si elles sont
carène en l’air, ou bien une voûte ogi- réellement écrites eu langue perse. En
vale dont l’exemple ne se retrouve pas effet, du temps deCyrus et de Darius les
ailleurs. Perses faisaient usage de l’écriture en
caractèrescunéiformes, l’inscription de
CHAPITRE 111. Pasargade, qui date du règne de Cyrus
en fait foi, et les savants anglais qui
LANGUE LYCIENNE. ont opéré des fouilles sur l’emplacement
du tombeau de Mausole ont découvert
Ce n’est pas le seul problème que ces un vase portant une inscription en ca-
monuments présentent à l’observateur, ractères cunéiformes qui est attribuée
si nous ne pouvons nier le fait d’imitation au roi Artaxerxe.
d’ouvrages en bois, il nous serait possible Il faudrait donc supposer que les
de répondre que c’est un caprice de l’art. Perses, abandonnant leur système d’écri-
Mais quelle est cette langue inscrite ture nationale, ont inventé un nouvel
sur ces tombeaux en caractères qui res- alphabet pour écrire en Lycie les actes
semblent pourtant aux caractères grecs, du gouvernement dans une langue qui
mais dont le sens est rebelle à toute n’était pas comprise par le peuple in-
explication ? d’où vient que nul entre digène.
les historiens qui nous ont parlé de la Nous ignorons complètement à quelle
Lycie n’a insisté sur cette particularité, époque la langue dite lycienne a cessé
tandis que nous trouvons dans les au- d'être en usage. On voit à Telmissus un
teurs un grand nombre de mots de la tombeau dans le style lycien qui porte
langue carienne qui sont tout à fait le nom de Tibérius' Claudius ; à Anti-
étrangers à la langue grecque. Héro- phellus, un autre tombeau, sur lequel est
dote ne fait aucune mention de cette gravée une longue inscription lycienne,
diversité de langage usité en Lycie, et est consacré à une femme romaine du
jusqu'à ce jour aucun texte ne nous met nom de Claudia Regelia Herennia. On
sur la voie de son origine probable. Les peut bien dire que ces personnages ont
tentatives faites pour expliquer les ins- été ensevelis dans d’anciens tombeaux
criptions lyciennes n’ont amené aucun lyeiens , mais ce n’est qu’une conjec-
résultat bien satisfaisant (1) ; les philo- ture ; les lois qui protégeaient les sépul-
logues ne sont pas même d’accord sur tures, les malraictions et les amendes
la souche d’où cette lanmie est sortie. dont étaient menacés ceux qui s'empa-
Dans la pensée deM. Forbes (3), aucune raient d’un tombeau qui ne leur appar-
des inscriptions en langue différente du tenait pas étaient alors en vigueur.
,
grec n’est antérieure à l’invasion perse Toutes ces questions sont loin d’être,
dans la Lycie. Toute la nation des Xan- résolues, il est raisonnable d’attendre
thiens ayant été détruite, à l’exception de nouveaux éclaircissements à ce sujet.
de quelques familles qui étaient absen- Si le territoire de la Lveie est resté
tes, fut remplacée par des étrangers qui jusqu’à DOS jours complètement inex-
occupèrent les villes des vrais Lyeiens ploré, on doit dire que l’étude des do-
d’origine, et ces étrangers ne seraient cuments laissés par les aheiens auteurs
avait mis les géographes modernes à
(i) Voy. C. Ritler, Erkunde, I. IX, pages même de fixer aune manière satis-
io38, 1040. faisante la position de la plupart des
(a) Travelt in Lycia by Spnilt and Forbes, grandes villes. L’expédition du capitaine
t. II, p. 37. Beaufort sur la cdte de Caramanie en
ASIE MINEURE. 667
villes de la Lycie. Dès la plus haute an- sur la côte, les ruines d’un castrum.
tiquité elle était déjà célèbre par un Le théâtre est construit au sud-ouest à
cmiége de devins, qui furent souvent l’extrémité de la ville, à l’issue d’une
pris pour arbitres dans les plus solennel- vallée étroite ; l’ensemble du monument
les occasions. Crésus, au moment de présente un imposant aspect, tous les
déclarer la guerre à Cyrus envoya en murs de soutènement et les gradins
Lycie une députation pour consulter
les devins (2) ; les rois de Phrygie eurent (i) Arrien, Exp. Al. Liv. i, a6.
aussi recours à leur science occulte, et (a) 'Voyez planche a6, fig. ii. Tombeau
de Ptolémée à Ântiphellus.
(i) Erkunde, IX, 987 . (3) StraboD, XIV, 65i.
(a) Hérodote, liv. I, 78. ( 4) Pline, V, ag.
668 L’UNIVERS.
Bont construits en jjierres de grand ap- CHAPITRE V.
pareil et sont entièrement conservé.
La scène seule, qui était construite en TOMBEAUX.
murs moins solides est presque détruite,
mais les portes avec leurs linteaux mo- La ville lycienne s’étendait Jusqu’à
nolithes, les piédestaux des colonnes ces rochers près desquels on remarque
existent encore ; cette partie de l’édifice plusieurs sarcophages du style lycien.
offre une particularité qui ne peut être L’abaissement du sol dans cette partie
observée dans d’autres théitres, c’est du territoire de la ville est tellement
la disposition inférieure de la scène, évident, qu’il a frappé la plupart des
riiyposcenium , qu’il est rare de retrou- navigateurs qui ont abordé sur cette
ver, parce qu’elle est ordinairement côte (I). On obsefve au nord-est un
enterrée sous les décombres. On voit grand sarcophage onié de sculptures ;
les traces des corridors souterrains et il est complètement entouré d'eau, et
les amorces des solives de la scène qui ou ne peut l’approcher qu’au moyen
montrent clairement que chez les an- d’une nacelle.
ciens, la scène était en bois et disposée Du pied de ces rochers sort une source
de manière à pouvoir faire jouer les limpide et abondante ,, mais dont les
machines. eaux sont saumâtres; cependant les
La cavea ou salle, avait vingt- huit animaux en boivent volontiers. La ville
rangs de gradins divisés par le bal- moderne de Macri est au nord ; la mon-
teus ou précinction ;
les petits escaliers tagne forme une enceinte de rochers
dans le mur du podium servaient
taillés dans laquelle s’élèvent plusieurs pitons
de communication entre les deux pré- isolés, c est là que fut établie la Nécro-
cinctions ;
gradins étaient desservis
les pole avec ses grands tombeaux taillés
par neuf escaliers formant huit cunéi dans le roc, les plus remarquables de
ou divi.sions. Il n’y a pas de vestiges toute la contrée. Ils sont muets pour
du portique supérieur. Deux vomitoires nous, car ils ne portent aucune ins-
latéraux communiquaient directement cription qui nous mette à même de con-
à la première précinction, et le mur de jecturer à quelle époque ils furent cons-
soutènement des gradins était oblique truits. Les grands tombeaux sont au
à la scène comme dans tous les théâtres nombre de trois; ils sont faits sur le
grecs on n'a pas encore bien défini l’a-
; même plan et paraissent être de la même
vantage que présentait cette disposition, épo(|ue ; la description de l’un peut s'ap-
qui n’a Jamais été adoptée par les Ro- pliquer aux deux autres.
mains. Le plus grand et le mieux conservé
La mer vient presque baigner le pied de ces monuments est taillé dans la
du mur d’avant-scène; on voit au fond face occidentale de la montagne.
des eaux plusieurs murailles qui appar- 11 se compose d’un portique d’ordre
tenaient aux dépendances de cet édifice. ionique formé de deux colonnes et de
A droite et à gauche les rocliers sont deux antes supportant un entablement
coupés verticalement et sont creusés orné de denticules, et un fronton décoré
our former dos grottes et des cliam- de palrnettes (2).
res qui selon le D'^ Clarke, étaient ha- La porte du monument est dans le
bitées par la corporation des devins. style grec avec des consoles, et les van-
Quelques-unes de ces chambres sont en taux simulent une porte véritable avec
maçonnerie ; elles communiquent entre ses clous et ses serrures. Chacun des
elles par des portes à chambranles dé- pilastres est orné de trois patères ; sur
corés de crossettes ; on voitdans la roche celui de gauche on lit l’inscription ;
bain.
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.
I
ASIE MINEURE. 669
seul est ouvert; il était jadis fermé par ronnent quelques-uns de ees tombeaux
une dalle; U donne accès dans une sont tout à fait dans le style grec sur :
chambre sépulcrale dans laquelle sont l’un d’eux ou lit l’inscription ( Tom-
disposées des banquettes pour déposer beau ) de Tibérius Claudius Pergamus.
les corps. C’est une règle invariable dans Ce personnage était évidemment un Ro-
tous les tombeaux de la Lycie., taillés main. Faut-il penser qu’il a été inhumé
dans le roc. Aucun ne contient de sar- dans un tombeau plus ancien.’ ou le mo-
cophage, les corps étaient déposés sur nument a-t-il été creusé et sculpté pour
des banquettes qui sont ordinairement lui? Questions encore indécises sur
sculptées en forme de lits funèbres en : l’âge des monuments dits lyciens.
cela ils sont semblables à ceux des
Etrusques, qui étaient aussi un peuple CHAPITRE VI.
asiatique.
Les deux autres tombeaux sont d'un HXCBI.
moins fini que celui dont nous
travail
donnons la description mais ils sont
, La ville moderne de Macri a pris son
en tout point semblables. Nous ne pou- nom de l'tle qui se trouve à l’entrée du
vons que par comparaison arriver à golfe et qui dans l’antiquité s’appelait
déterminer l’épooue approximative de Macris. Les portulans de la Méditerranée
la construction ae ces monuments et ont traduit ce nom par Isola Longa :
nous croyons qu’elle remonte à la fin du on l’appelle aujourd'hui l’Ile des Che-
quatrième siècle avant notre ère, c'est- valiers. Macris, le nom grec ,
est resté
à-dire au temps d’Alexandre- Ces mo- au Glaucus sinus et à la ville qui a
uuments sont certainement de l’école remplacé l’ancienne Telmissus. Cernée à
grecque, mais dans les rochers voisins l’est par les pentes abruptes de l’Anti-
on a creusé une autre nécropole dans Cragus, Macri n’a de communication
le style lycien, c’est-à-dire imitant par- facile avec le continent que du côté
faitement la construction en charpente ;
du nord, elle n’a pas de murailles ni
on y voit les solives, les bernes, les pou- de forteresse, une petite mosquée cou-
tres qui couronnent la porte et la toi- verte par une couple est entourée de
ture imitant des bois ronds non travail- maisons de pierre couvertes en terrasse,
lés. Ces monuments qui sont nombreux c’est là toute la ville. En 18,'îG, elle a
en Lycie ne diffèrent entre eux que été fort endommagée par un tremble-
par les détails, nous nous contenterons ment de terre qui a encore dispersé
de les mentionner sous le nom
de tom- une partie de la population au jour- :
beaux lyciens. Les portes de ces tom- d’hui on y compte à peine mille âmes.
beaux sculptées sur les rochers représen- L’extrême fertilité du pays ne suffit pas
tent toutes les armatures dont on peut pour attirer de nouv'eaux habitants, les
garnir une porte, les clous, les ser- marais environnants exhalent au prin-
rures les heurtoirs pour frapper, et
,
temps des miasmes délétères; mais
à côté du tombeau on voit quelquefois comme tableau il est impossible de
la représentation d’un chien couché ; il voir un lieu plus attrayant, car les
faut remarquer que sur les peintures beautés de la nature se réunissent à
des vases grecs de l’ancienne école, dans celles de l’art pour captiver l’atten-
les sujets funèbres qu’on appelle Con- tion Il est triste de penser que ce petit
.
clamation, la figure d’un chien est sou- pays est destiné à devenir un désert.
vent représentée sous le lit du mort. Vers le milieu de juin les habitants aban-
Le groupe des tombeaux lyciens qui se donnent la ville pour aller demeurer
trouve au pied de l’acropole donne une dans les hautes régions de l' Anti-Cragus.
idée la plus parfaite de ces monuments Il ne reste à Macri qu’un douanier, un
(i) Voy. pl. i4, Nécropole de Telmbsui. plan est beaucoup trop haute eu proportion
La plante d’Eiiphorbe mise sur le premier des figures qui ont été ajoutées au tableau
«70 L’UNIVERS.
Telmissus s’ouvre une vallée étroite et l’eau du Xanthus est claire et«pnre ; elle
bien boisée qui s’étend jusqu’à la mer ;
ne prend que dans la plaine cette cou-
c’est à l’entrée de cette vallée qu'était leur jaune et boueuse qui lui a valu
située la ville de Carmylessus dont son nom (1 ) ; dans la partie inférieure de
remplacement n’est pas encore retrouvé ; son parcours, les habitants appellent cfi
elle était bâtie dans un enfoncement de fleuve Etcben tchaï. Du temps de Stra-
la montagne (i;. bon les barques pouvaient mouiller à
La ville moderne de Levissi est à son embouchure aujourd’hui une barre
:
site et les monuments de Xanthus, mais Les principaux sarcophages sont si-
ces ruines étaient restées inexplorées tués sur la pente sud-ouest; ils sont de
lorsque M. Fellows les visita pour la style lycien avec des couvercles de forme
remièrefois le 20 avril 1838. Le uoni- ogivale le plus remarquable de ces mo-
:
toute la Lycie a été réunie sous le même il n’est pasde ville où l’on ne retrouve
gouvernement. les vestiges d’anciennes églises byzan-
Après la conquête de la Lycie par les tines.
Perses, la population de Xantbus se Il ne parait pas que les musulmans
eomposa moins de Lyciens que de Ca- se soient jamais établis à demeure dans
riens et de Grecs amenés par les nou- la ville de Xanthus. Les alluvions for-
veaux maîtres. La citadelle paraît avoir mées par le fleuve ont depuis bien des
été conservée uniquement comme poste années rendu ces parages presque inha-
militaire nouvelle Xanthus fut
et la bitables; les populations rurales descen-
construite dans la plaine au pied du dent dans la plaine pour faire leurs se-
rocher. mailles, et quand viennent les chaleurs
La plupart des tombeaux, taillés remontent dans les hautes vallées du
dans le roc, paraissent antérieurs à cette Taurus. A partir du mois d’août ce pays
époque ; mais pour les sarcophages et devient complètement désert, c’est dans
pour les sculptures représentant des cet état que nous l’avons trouvé en août
faits de guerre, des prises de villes et 1836. Nous projettions un nouveau
d'autres sujets qui se rattachent au sé- voyage en 1837, mais cette expédition
jour des Perses en Asie Mineure, il y a n’eut pas lieu (1).
dans la composition de ces œuvres une L’antique cité de Tlos, bâtie par le
influence orientale bien marquée qui héros CIs de Trémilus, était une des
fut modiQée par les œuvres de l’école principales villes de la Lycie (2). On
grecque pendant la période macédo- savait qu’elle était située sur la route de
nienne. Cibyra dans la vallée supérieure du
Les Perses avaient complètement Xanthus ; sa position a été déterminée
évacué le pays, et avaient été remplacés par M. Fellows au village de Deuwar,
par des Grées. La population de race nom turc qui signifie , Jes murailles. Il
lycienne était de plus en plus clairse- est situé à six heures de marche au
mée mais
;
les modernes Xanthiens ne nord de Xanthus et à une journée au
répudiaient pas le souvenir de leurs nord-est de Macri , sur une montagne
prédécesseurs, et pendant la guerre civile dépendant du Massiscytus; c’est le chef-
qui suivit la mort de César, les Xan- lieu d’un aghalik appartenaut au pacha-
Aiiens refusèrent d’ouvrir leurs portes lik de Mogla.
à l'armée romaine commandée par Bru- Deuwar est situé dans une adntirable
tus. La ville fut investie, et les habitants, position au milieu de l’ancienne acro-
repoussant toute proposition de capitu- pole élevée à trois cents mètres au-des-
lation, préférèrent s’ensevelir avec leurs sus de la vallée voisine, entourée de
femmes et leurs enfants sous les ruines profonds précipices dont les flancs for-
de leuir ville en Oammes (I). ment des murailles inaccessibles. La
Les Romains ne traitèrent pas les vue domine toute la vallée du Xanthus
Lyciens avec trop de rigueur, et admi- jusqu’à lamer et de l’autre côté les
rent sous le contrôle prooonsulaire la sommets du Cragus et du Massiscytus
confédération des villes lyciennes. C’est terminent l’horizon.
pendant cette période romaine que fu- Les rochers de l’acropole du côte du
rent construits presque tous les monu- nord sont criblés de centaines de tom-
ments publics dont on observe encore beaux creusés au ciseau, et qui pour la
les ruines en Lveie, comme les théâtres, plupart sont inaccessibles. Les plus au-
les stades et pfusieurs temples qui ont
1R|
été ruinés moins par la main des hom- (i) Voy, Descr. tle l'Asie Mweuret l.
documents officiels.
’
(') Appien, Bell. c/e. IV, i8. (a) Slrakon XIV, 665.
,
Digilized by VjOOgle
,
ciens sont semblahles à ceux de Tel- Les anciens habitants de Tlos avaient
missus, quelques-uns portent des inscri* conservé précieu.sement les souvenirs de
itions grecques parmi lesquelles on lit l’âge héroïque. Le personnage de Bellé-
fPS noms du sénat, du peuple et de la rophon est resté Mpulaire; c’est à lui
géroiisie des TIoéens. Le plus remar- que les Termiles, fils de Tlos, doivent la
quable de ces tombeaux a la forme d’un sécurité de leurs vallées; il repousse
temple avec un fronton supporté par dans les montagnes inaccessibles les
des colonnes de style égyptien et des féroces Solymes, regardés par Homère
chapiteaux massifs , dont le fût est comme les plus anciens habitants de la
beaucoup plus large a la base qu'au I.ycie; il détruit les bêtes féroces, et va
sommet, ce monument paraît être resté combattre la Chimère, cause incessante
inachevé. d’effroi pour les populations ; il règne
Sous le portique est sculptée l’imita- enfin sur les Termiles, qui allèrent, con-
tion d'une porte avec ses clous et sa ser- duits par Sarpedon, au secours de Troie :
rure, et sur le côté on voit un bas-relief la Tlos de Lycie donne la main à la
représentant Belléropbon monté sur Tlos d’Ilion ; mais plus tard l’histoire
Pégase au galop sur une montagne ro- devient muette sur les destinées de Tlos.
cheuse qui représente le mont Cragus. Les nombreux monuments de l’âge ro-
I.e héros attaque un énorme léopard main prouvent qu’elle continua à tenir
sculpté sur une des entrées du tombeau un rang distingué parmi les villes de
à droite de la porte. Un ornement de I.ycie, et les somptueux tombeaux qui
rinceaux décore un des côtés de la porte siibsisteot eneore montrent assez que
près du léopard et est répété sur le cette population fut riche et nombreuse;
panneau correspondant. Sur le panneau mais, depuis l’établissement de l’empire
près du tombeau sont sculptées des byzantin, la vie se retirait peu à peu de
ligures de chiens. Ce bas-relief, qui méri- cês provinces d’un accès si difficile. Le
terait une description plus étendue, pa- commerce était nul dans ces parages, et
raît avoir été peint (1); près de ce mo- les voyageurs redoutaient de traverser
nument est gravée sur le roc une ins- un pays que l’on disait habité par une
cription en caractères lyciens d’une rare indocile et sauvage; aussi, dans tou-
grande dimension. tes les relations des campagnes des Vé-
Dans la plaine, àquelque distance, nitiens , des Génois ou dés Francs , il
M. Spratt a découvert un piédestal sur n’est pas une fois question des villes
lequel est sculptée la représentation du anciennes de la I.ycie. Le nom du vil-
siège de Tlos; on reconnaît le rocher de lage actuel, Deiiwar, lui a été donné à
l’acropole, les murailles et les tombeaux cause des nombreuses murailles en
taillés dans le rocher; on voit à l’entour ruine qui entourent l’acropole.
des guerriers dans diiïérentes positions.
Le théâtre est appuyé sur le flanc de CHAPITRE IX.
la colline; on y compte trente-quatre
rangs de sièges, et les angles des cunei PINAHA— MINABA.
sont ornés de griffes de lions. Près du
théâtre est un groupe de grands édifices Les anciens écrivains ne sont pas
romains, sans doute le gymnase et la d’accord sur l’origine dunom de Pinara ;
gérousie,dont les fenêtres ceiiitrées com- cette ville passait pour avoir été fon-
mandent la perspective de toute la vallée. dée par Pinarus, un des filsdeTrémilus,
L’hôte chez lequel demeurèrent les qui débarqua avec les premiers Crétois.
voyageurs anglais les reçut avec une ex- C’est toujours l’habitude des Grecs de
trême politesse; son habitation présen- donner aux villes comme aux peuples le
tait l’aspect d’une maison patriarcale; nom d’un héros tondateur, il parait plus
les étables sont installées dans un cha- naturel de s’en rapporter à la tradition
letqui « parait avoir été transporté d’In- conservée par Étienne de Byzance, qui
terlaken. » fait dériver le nom de cette ville de sa
position près d’une montagne élevée et
(
I
)
.Spratt and Forbei ,
Tranla in Lycia extraordinaire; le mot Pinara en langue
I. I", 33. lycienne signifiait montagne. En effet,
43* Livraixon. (Asie Min>:i'rr.| . II. 43
,
971 L’DMVKKS.
le site de l’autique Piaara est tout à voyageurs les figures sculptées sur les
fait conforme à cette interprétation. bas-reliefs. Bien que musulmane, il est
M Feilows a retrouvé au village deMi- bien probable que toute cette population
nara,situé a cinquante-quatre kilomètres de la Lycie n’est pas de race turque
(au sud-est) de lelmissus cette même les conquérants de l’Asie Mineure se
montagne d'une forme particulière qui sont très-peu répandus dans ces mon-
a donné le nom à la ville. Ce nom s’est tagnes et l’ancienne population indi-
conservé avec très-peu d’allératiou chez gène du massif montagneux de ta Lycie
les indigènes, le mot turc Minara, Mi- et de la Pisidie a dd se perpétuer avec
iiareh, tour, clocher, ayant une signili- peu de mélange. Ceux qui ont visité ees
cation qui s’appliquait également à la régions, y compris l’auteur de ce livre,
situation du village. parlaient trop superficiellement la lan-
L'histoire de Piuara est des plus gue turque pour distinguer s’il y a dans
brèves ; elle était au nombre des six ce pays quelque variété de dialecte dans
principales villes de la confédération ly- lequel ou pourrait retrouver quelques
cieuue, et ses habitants rendaient un lambeaux de l’ancienne langue du pays.
culte au héro.s Pandarus, peut-être le Ce sont des observations qui, jointes à
même dont Homère vante les exploits. tant d’autres, devront appeler l’atteution
•Si l’on s’en rapporte à une autre tradi- des futurs explorateurs.
tion, le premier nom de rette ville était Une roche colossale ayant la forme
Artymnessus ;
elle fut colonisée par les d’une pyramide tronquée domine un
Xantliiens (1). Dans toute la période profond précipice, elle est couronnée de
liellénique il n’est pas fait mention de t'ortilieations et percée de milliers de
cette ville, et elle paraît être restée tout tombeaux. Dans le fond du ravin on
à fait en dehors des affaires politiques aperçoit les monuments de la ville et de
sous l’empire romain. Oubliée de la nomïireux sarcophages ; les soniinets
sorte, ses ruines se sont conservées pres- ombreux du Cragus se découpant en
que intactes au milieu d’un peuple qui lignes accentuées, occupent le fond du
est peu destructeur, et représentent en- tableau ; tes ruines de la ville s’étendent
core aux yeux du voyageur le tableau sur les pentes des deux autres collines
d’une grande cité lycienne avec ses iiio- rocheuses sur lesquelles s'élevaient des
numeuts publics entourés de tous côtés monuments grandioses de différents
par les tombeaux des générations pas- styles. Aussi loin que la vue peut s’éten-
sées. Les esquisses de cette ville ,
pu- dre, les rochers environnants sont per-
bliées par les membres de l’expédition forés d’une innombrable quantité de
anglaise, donnent le désir de connaître tombeaux ; en un mot, tout concourt à
plus en detail cette cité remarquable prouver que l’ancienne Piuara était une
dont M. Spratt fait le plus intéressant des villes les plus populeuses, les plus
tableau. Malgré les rapports pompeux puissantes de la Lycie.
qui lui avaient été faits des ruines de Le théâtre est le premier édifice qui
cette ville, la réalité surpassa encore attire lesregards ; ses substructions sont
son attente. construites en pierres polygonales et
Les ruines de l’ancieone ville sont si- portent le caractère d’une haute anti-
tuées à une petite demi-lieue du mo- quité ; il est situé sur la pente d’une
derne village, où les voyageurs anglais colline boisée qui fait face à la ville. Au-
trouvèrent le meilleur accueil. Cette jourd’hui l’on jouit du haut de l’édifice
population vivant loin de toute relation d’une admirable perspective, qui s’étend
avec le monde moderne a conservé dans ju.squ’à la mer ;
mais nous ne saurions
ses mœurs et dans ses costumes plus trop répéter que les anciens spectateurs
d’une empreinte de l’antiquité; le vêle- n'avaient pas cet avantage (I) : voiles ou
ment des femmes, leur Uere tournure et murailles fermaient les anciennes salles
la grâce de leurs mouvements eu ac- de spectacle comme les nôtres ; le prosce-
complissant les actes les plus simples nium s^élevait en face de la salle. Que
de la vie domestique, rappelaient aux seraient devenues les voix des acteurs
(i) lUenecrate ap. RiUer, t. IX, <j05. (i) Spratt, Travets in Lycùt, t. I, page
ASIE MINEURt. 675
parlant ainsi an milicii de rimmensité
de l’espace.
Près du théâtre est une construction
C au centre des montagnes et
'tion
des routes suivies par les armées a
échappé aux révolutions qui boulever-
moins ancienne, avec des colonnes ioni- saient les populations plus accessibles.
ques dont quelques-unes sotit accouplées Cependant la religion chrétienne y fut
et cannelées; plus loin sont de beaux pratiquée.
sarcophages avec leurs couvercles en Les ruines d’une église s’élèvent au
ogive; ils sont situés au pied de l’acro- pied de la seconde acropole, à l’entrée
pole inférieure, qui elle-même est cou- d’un profond ravin dont les flancs recè-
verte d'une masse de constructions dans lent de nombreux et remarquables
le genre cyclopéen. On y trouve un petit tombeaux de style lycien.
théiâtre ou odeum et un grand portique Les causes de l’abandon de cette ville
renversé, sans doute par un tremble- sont faciles à déduire de sa position
ment de terre. Sur le chemin qui con- même; elle, n’a jamais été une place forte
duit à l'acropole supérieure on rencon- et comme telle son existence dans les
tre un groupe remarquable de sarco- temps modernes n’avait aucune impor-
phages disposés autour d’un énorme tance ;
son territoire rocheux était impro-
tombeau bâti en forme d’héroum, c’est- ductif, le commerce et l’industrie de ses
à-dire avec un soubassement .suppor- habitants étaient nuis; elle était donc
tant un monument carré ; la chambre fatalement vouée à la décadence et à
sépulcrale contient des banquettes pour l’oubli.
déposer les corps.
l,es inscriptions sont rares à Pinara,
parce que les monuments
sont cons-
CHAPITRE X.
Œ
truits avec celte brèche lycienne (1) peu
à être gravée aussi les anciens
décorer finement.
:
ÎÆ
— CBAOUS. —
de Sidyma, citée par Pline (I)
ville
comme étant voisine de Patare, est si-
CADYANDA.
riode qui précéda l'établissement des anciens placent dans res parages la
Romains en Lycie. Cette ville, par sa ville de Cragus,qui est aussi connue par
ses médailles. Il n’est pas improbable
1
(i) P. Mrii, liv, I, i5. (i) niodore, liv. XIX, ch. 74.
(a) Pline. V, ap; .Stralinn, XTV, 666. (») Voy. pl. 514, ihéilrr 8 P»tarc.
/
ASIE .MINEURE. 679
Sur la partie orientale, on lit une cès est des plus difficiles; mais nous
longue inscription grecque, qui nous ap- nous trouvâmes bien dédommagés de la
prend que cet édifice a été bâti par peine que nous prîmes pour y arriver.
Quintus Vélius Tilianus dans la qua- Nous reconnûmes que ce monument
trième année du consulat de l’empereur était un temple in antis, c’est-à-dire
Aiitonin. Sa fille Yélia Procla a fait n’ayant de colonnes que sur la façade
présent d’une vêla, y a fait placer des entre les antes; la porte, entièrement
statues et d’autres ornements. conservée, estnn des plus beaux exem-
Les murs de soutènement des gra- ples d’arcliitecture greco-romaine, elle
dins sont conservés. bandeau obli- rivalise avec celle du temple d’Ancyre,
que qui les soutient est encore en place, à laquelle elle ressenible. Deux belles
la scene était entièrement détachée de consoles soutiennent la comiche , et les
la salle. chambranles sont ornés d’oves et de pal-
Ce théâtre est bâti avec un grand metles.
luxe de matériaux. Les gradins sont sou- La cella de l’édifice est intacte, les
tenus par une triple muraille fort épaisse, chapiteaux des antes sont ornés de
et qui n’est apparente que parce que le feuilles d'acanthe , mais ne sont pas
parement est démoli dans un eudruit. d’ordre corinthien ; c’est un composite
Le mur extérieur est en grandes as- campaniforme dont on retrouve plu-
sises réglées , à bossage ; le second est sieurs exemples en Carie. L’entable-
en gros quartiers de libage, aussi en ment de l’édifice était sans ornements,
assises réglées ;
enfin le mur intérieur la frise était bombée, c’est un caractère
qui soutient le massif des gradins est en que l’on remarque dans presque tous
pierres sèches et à joints irréguliers. Le les monuments romains de la Lycie et
diamètre est de soixante-dix mètres. meme des autres villes d’Asie. On est
Les broussailles ont crû sur les gra- certain d’après des inscriptions de date
dins et autour du proscéiiium, de sorte certaine que ce genre de décoration fut
que la circulation est très-difficile ; mais en usage pendant toute la période des
c’est le seul obstacle qu’on rencontre Antonins.
dans les villes de Lycie, aujourd’hui Les antes portent sur des piédestaux
absolument désertes. dont la base n’est qu’un talus s, ms
Dans la colline qui domine le théâtre, moulures; ceci n’est pas eu harmonie
on remarque un puits circulaire d’une avec la riche.sse de la porte. Les pilas-
solide construction au centre duquel est tres du posticuin ont des chapiteaux
un pilastre carré dont les assises ont été d’une espèce de dorique qui ne resrem-
,
68») L’ÜNIVERS
bleut pas a ceux des autes. Tout le faire supposer ;
mats il remplit toutes
temple est composé de blocs de pier- les conditions d’un temple.
res de taille ; il est assis sur uu soul)as- En continuant' de marcher au nord,
semeiit baigné par les eaux du marais. on arrive à l’extrémité du port. Nous
La porte monumentale de Patare remarquons une grande prairie, où sont
consiste dans une sorte d’arc triomphal, plusieurs campements de Yourouks
avec trois portes ceintrées. Au-dessus abandonnés. Les nomades ne viennent
sont trois fenêtres carrées ; chaque pied- dans ce pays que dans le printemps;
droit est orné de deux grosses consoles ils le quittent du moment qu'ils ont
en saillie, qui paraissent destinées à sup- fait la récolte, les sources coinmençaiu
porter des bustes. L'entablement est à se tarir dès les premières chaleurs de
dorique avec triglyphes ; l’architecture l’été ; eu effet, ce n’est pas la saison
est lisse et la corniche sans mutules. pour visiter ces contrées. La végétation
Ce mélange de tous les ordres indique a pris son plus grand développement
assez un monument d’une décadence les buissons deviennent impénétrables,
avancée; cependant l’inscription men- les lianes sont de véritables lacets dans
tionne encore la confédération lycienne lesquels il est inutile de s’engager;
et fait connaître que cette porte a été enfin tous lesanimaux immondes et dan-
construite par le peuple en l’honneur de gereux pullulent avec la chaleur brûlante
la ville de Patare, métropole de la d’un terrain humide. Les maladies me-
Lycie (1). nacent incessamment les voyageurs;
l’infection des marais, les eaux croupies
CHAPITRE XV. au milieu desquelles il faut vivre, font
toujours quelques victimes.
NÉCBOPOLK. Nous nous engageâmes cependant
sous un massif d’arbustes où la lumière
La nécropole était située hors de la énétrait à peine ; mais après plus d’une
ville dont les nombreux sépulcres sont eure d’efforts, pendant laquelle nous
encore en place on en remarque quel-
:
avions peu avancé nous revînmes sur
,
ques-uns du même style que ceux de nos pas bien heureux de rencontrer
,
‘Telmissus; le plus grand nombre des quelques grappes de raisin sauvage qui
autres est de laiorme grecque ordinaire. calmèrent pour uu moment notre soif.
Cette nécropole est fort étendue; elle Nous avions aperqu, en montantsur
suit la rive orientale du port. Nous un rocher, un défile marécageux entre
voyons plusieurs soubassement.s de deux montagnes à pic, qui commu-
mausolées ornés de pilastres et d’enta- niquait avec la vaste plaine de Xan-
blements. Un peu plus loin , au milieu thus. Quelques bœufs paissant au mi-
du feuillage, s’élève un petit temple lieu des joncs étaient l’indice du voisi-
resque entier; il se compose d’un sou- nage des maisons ; mais nous fîmes de
assement avec deux acrotères et six vains efforts pour franchir le défilé.
marches, d’une grande porte carrée Nous allâmes tomber de fatigue sous
entre deux autes doriques , et d’une quelques caroubiers, dont les fruits,
cella au milieu de laquelle est encore pendant en longues grappes, représen-
le piédestal de la statue. La cella est tent les palmettes des ornements grecs.
voûtée ;
l’entablement est à denticules De l’autre côté du port, qui forme
et bombée. On trouve par terre
frise un marais pestilentiel, nous aperçûmes
les ruines de grands édifices dont
uu I
les deux angles extrêmes du fronton,
atout l’aspect d’un palais; mais il nous
et plusieurs morceaux de colonnes.
du-
L’enceinte de ce petit temple est à joints fut impossible d’y parvenir. Il est
plus
irréguliers. ficile de dire quelle saison serait la
Pa-
Sous le soubassement il existe un favorable pour visiter les ruines de
et les
caveau. Peut être cet édiOce n’est-il tare; dans l’hiver, les jours courts
doivent
autre chose qu’un tombeau. Sa position hautes eaux, les pluies tropicales
au milieu de la nécropole pourrait le compenser en inconvénients
«te.
les miasmes et les moustiques de
I
o
(i) Voy. Miir Uineitre, I. III, Patare. D'après le caractère tout romain
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..
monuments, nous ne pensons pas que petite crique d’Antiphilo ou port Vathy
de nouvelles recherches faites dans Toutes ces montagnes sont de nature
cette ville puissent donner des résul- calcaire; c’est ce genre de roche qui
tats bien satisfaisants. compose les plus belles falaises. C’est
que commence cette découpure extra-
ici
culaire coupée en deux par un cap du côté de la mer elles ont six à sept
très-étroit qui forme deux ports ; ce- mètres de hauteur. Toutes les portes
lui de l’est, le plus grand des deux, sont détruites ; la pente du terrain, dans
s’appelle port Sévéôo, il est bien abrité, l’intérieur de la ville, est rachetée par
c’est un excellent mouillage; celui de la construction de plusieurs terrasses
l’ouest n’est qu’un canal long et étroit sur lesquelles s’élevaient les principaux
entre le cap et le continent, ou l’appelle édifices, qui, vus de la mer, devaient
port Vathy, profond. 11 y a bon fond, produire un effet grandiose avec les
mais il est tellement étroit qu’un navire sommets sourcilleux du Taurus dans le
ne peut y virer de bord ; il reste désert fond du tableau.
et inutile. L’acropole est presque entièrement
L’ancienne Antiphellus occupait tout détruite; on voit encore dans l’enceinte
leterrain.quis’étend entre les deux baies, une grande salle qui était tailléealans le
et les monuments qui subsistent encore roc. La montagne descend à pic dans
méritent un examen détaillé. les eaux du port Vathy.
Le théâtre est assis sur la pente de
CHAPITRE XVII. l’acropole faisant face à la mer; il est
de petite dimension et tout le prosce-
ANTIPHELLUS. nium, qui était peut-être bâti en bois,
n’a laissé aucune trace. La cavéa est
L’ancienne histoire d’Antiphellus est entièrement conservée , il y a vingt-six
des plus brèves Strabon et Pline se
; rangs de gradins, en une seule preci’ic-
contentent de nommer cette ville (I); le tion. Les murailles de soutènement sont
dernier nous apprend qu’elle s’appelait lisses et d’un beau travail, la partie
d’abord Habessus. Elle se nomma Aii- circulaire de l’édifice est à bossages très-
tiphellus parce qu’elle est en effet en saillants.
avant de la ville de Pbellus, située dans L’agora s’étend sur une terrasse au
la montagne. Les inscriptions sont pied de la colline de l’acropole; les
nombreuses, mais elles sont toutes sé- murs d’enceinte sont en appareil po-
pulcrales; on n’a pas trouvé une seule lygonal; les colonnes des portiques sont
inscription honorifique eu mémoire ça et là couchées par terre. Au centre
d’un empereur ou de quelque magis- s'élève un piédestal rectangulaire sup-
trat. Antiphellus paraît avoir été seu- porté sur trois marches en pierre de
lement une place oe commerce et d’en- taille, la faee supérieure est percée de
trepôt, surtout pour les grains. Les quatre trous qui retenaient une sta-
habitants suivant l’usage du peuple tue de bronze. On observe au nord de
Lycien, mettaient un grand luxe dans l’agora plusieurs salles taillées dans
leurs sépultures, on comptait dans la lé rpc ,
qui dépeudaient des magasins
vallée de Vathy plus de cent tombeaux souterrains ; en avant de res cliainbres
la plupart remarquables. sont six silos creusés dans le sol, ce
La dont l’origine remonte à la
ville, sont des greniers de forme ovoïde, de
Lycie indépendante , est bâtie en am- sept mètres de haut sur cinq de large :
phithéâtre sur une longue colline re- c’estune preuve que cette ville faisait
gardant la mer. Les murailles partent du un grand commerce de grains.
Sur la terrasse inférieure on voit un
(i) Strab., XIV, 666; Pline, V, .l». grand édifice circulaire dont le mur
ASIE MINEURE. es3
extârienr est soutenu par des contre> tué près du port Vathy, porte une inscrip-
forts. Ce monument rappelle l’église de tion en langue grecque et en lycien ; mais
Saint-Étienne-le-Rond à Rome; il avait jusqu’ici cette circonstance a été d’un fai-
dans l’intérieur un rang de colonnes. ble secours pour interpréter cette der-
Nous le regardons comme une de ces nière langue, .l’avais, dès 1836, levé par
anciennes églises circulaires qui furent empreinte cette inscription qui était très-
construites sous le règne de Constantin, bien conservée; je l’avais, de plus, colla-
et dont Eusèhe a laissé la description ; tionnée SUT place, elle a été envovée à
le plus beau modèle de ce genre existe plusieurs savants qui s’occupent de ces
encore à Thessalonique. recherches , mais cette langue lycienne
Enfin, en revenant près du port, on est restée impénétrable (i). Un autre
arrive à un édifice dont la destination tombeau d’un style un peu différent est
n’est pas très-précise; il est bâti tout en sculpté dans la partie nord de la ville;
marbre blanc ;
il forme une vaste salle l’entrée de la chambre sépulcrale re-
pres<iue carrée de dix mètres sur onze; présente une décoration en bois avec
la muraille extérieure est eu assises ré- ses poteaux, ses solives et la pièce ho-
gléa^, qui ont 0,60' de hauteur et dans rizontale nommée sablière par les
l'inférieur de l’édifice cette même mu- charpentiers. Ce soubassement est sur-
raille. est en appareil polygonal. Le rem- monté d’une décoration en ogive dans
plissage entre les deux faces est un béton l’intérieur de laquelle sont simulés des
de sable et de cailloux. panneaux (2). La plate-bande supérieure
La grande salle est sans fenêtres ; elle porte une inscription de cinq lignes en
est précédée d’un vestibule qui n’a pas caractères Ivciens, et sur le filet au-des-
de porte centrale, mais deux petites sous (3), l'inscription latine « Claudia
;
résolu , sur l’époque où la langue ly- sa sœur dans un tombeau usurpé, dans
cienne fut en usage et sur celle où on
,
un tombeau d’occasion. D’après cc
a cessé de la parler. Ces tombeaux se simple énoncé, il n’est pas possible de
composent de deux classes les sar- ; décider que les deux inscriptions ly-
cophages et les monuments taillés dans cienne et latine sont contemporaines,
le roc. Les uns et les autres imitent des mais c’est une question qui mérite
constructions de bois ; où donc les Ly- examen (4).
ciens ont-ils imaginé ce genre d’orne- Au-dessus de la maison de l’agha
ment pour l’appliquer à quoi? à des d’Antiphilo, on voit s'élever un sarco-
rochers. Il est probable qu’ils voulaient phage colossal avec un couvercle ogival
rappeler le souvenir de leurs demeures
terrestres : on voit encore dans les vil- Spratl. and Porhe», Travets in tycia,-
(j)
lages modernes des maisons bâties en t. II, î3ï, ï35.
bois non équarris qui ressemblent à ces (a) Voy. Planche a6, Tonibe iu de Clau-
tombeaux (t). Un de ces monuments, si- dia Regelia.
(3) Claudia Regelia Herennia sorori sus
(i) Voyez planche lo, maison» de U vallée primigenitai pielali» et memoriœ causa.
du Xammis ;
Planche ii, tombeaux lyeiena (4) Voy. Dtsc. de Fdtie Mineure, in-fol.,
taillés dans le roc. t. III, où cea inacriptiuiis sont publiées.
,
684 L’UWIVERS.
décoré de chaque côté de deux avant- posé à y reconnaître le site d’Acroté-
corps de lions. Le soubassement est sur- rium, marqué sur le stadiasmus à cin-
monté d’une corniche ornée d’oves;ii quante stades d'Antiphellus. Nous avons
porte une très-longue inscription en reconnu, après avoir effectué notre as-
caractères lyciens. que j’ai aussi relevée cension a Phellus, en marchant droit au
par empreinte, il n’y manque que quel- nord par des chemins impratiquables,
ques lettres (1). que la route ancienne qui reliait les
La du port Vathy contient des
vallée deux villes venait aboutir en ce lieu, qui
centaines de sarcophages du môme ne serait alors qu’un entrepôt mari-
style, qui ont été imités par les Romains; time dépendant de la ville de Phellus.
nous donnons pour exemple le tom- Nous n’y avons observé aucun vestige
beau de Ptoléniée (2), monument de de l’époque romaine.
marbre blanc, qui ne serait pas dé- Les premières questions que nous
placé dans un musée. Knlin nous devons adressâmes aux indigènes sur la situa-
aussi signaler un tombeau de style grec tion des ruines de Phellus reçurent
formé d'un seul bloc de rocher équarri immédiatement une réponse satisfai-
et séparé du reste de la colline par une sante plusieursd’entreeux connaissaient
:
petite aréa. Ce monument plus remar- ces ruines sous le nom de Philo, et nous
quable à lui seul que tous les monu- proposèrent de nous y conduire ; je
ments royaux d’Ainasie, est du plus pense que les voyageurs qui ont visité
pur dorique; la frise est ornée de tri- ces parages depuis 1836 n'ont pas dü
glyphes, la porte à crossettes est en- éprouver plus de difGculté que nous,
tourée d’un chambranle arcbitravé, la ce qui ne les a pas empêchés de <se
chambre sépulcrale contient trois ban- donner l’innocent plaisir « d’une de-
quettes sculptées en lits funèbres, et couverte • (l).
à la hauteur du plafond est une frise Le 26 avril 1836, l’agha d’Antiphilo
composée de danseuses qui se donnent nous Gt préparer des chevaux et nous
la main tel est l’ensemble des ruines
: donna des guides pour pénétrer dans
de l’obscure cité d'Antiphellus; nous l’intérieur du pays, où Jusqu’alors aucun
passons encore sous silence bien des européen ne s’était aventuré. L’accueil
monuments qui mériteraient d'étre dé- que nous avions re^u sur toutes les
crits. arties de la côte ou nous avions dé-
arqué, la compagnie des gens de l’agha,
CHAPITRE XVIH. et lu teneur de nosFermans, tout nous
promettait une e.xcursion sansdifliculté,
PHELLUS. et en effet, nous trouvâmes partout une
réception amicale. Le inutzellim de
Dans la partie la plus reculée du port Cassaba, sachant que. nous avious à
Sévédo, et sur la côte nord, on aperçoit bord un docteur, envoya plusieurs des
au milieu des buissons plusieurs pans gens de sa maison pour le prier de lui
de murailles eu appareil pélasgique, qui faire une visite; il s^établit, en un mot,
paraissent avoir appartenu à un fort entre les habitants et l’équipage du
ou à un arsenal. On peut suivre pen- brick, des relations toutamicales. L’aglia
dant deux ou trois cents mètres la ligne vendait au commis aux vivres pour la
des murailles, qui va rejoindre dans la somme de vingt à trente francs les bœufs
partie haute un réduit fortiGé; quelques dont il avait besoin pour l'équipage,
sarcophages dans le style lycien se mais il fallait aller les tuer dans la
trouvent aux alentours, les uns encore montagne, où ces bestiaux restent
en place, les autres brisés. Cette place, presque à l’état sauvage. Il s’organi-
qui n’est pas à plus de quatre kdomè-
tres d’Antiphellus, doit avoir appartenu
(i) Et in recessu Phellus, ne veut pas dire
à la ville. A défaut d'un emplacement « et dans lui golfe Phellus; mais: en arriére
plus satisfaisant sur la côte , on est dis- d'Anliplielliis (dans la uionlagne) est Phel-
his,ce contre sens du traducteur de Pline
(i) ilineure, I. c. mis en défaut plus d'un explorateur (cf.
(ï) PI. a6, fig. a. Pline, liv. V, ch. a8. Ed. Panckoucke).
,
sait aloi's une chasse qui u’était pas Nous montons au milieu des roches
sans danger. Un incident se ma-
seul les plus arides : le temps est couvert;
nifesta : les matelots avaient tué un les nuages sont de.scenous jusque sur le
énorme sanglier, qu’ils ne pouvaient sommet de la montagne. Longtemps
transporter à bord : non-seuleiiient les avant d’arriver au sommet, nous voyions
indigènes refusèrent leur concours des traces de constructions gigantes-
mais ils refusèrent même de prêter un ques : ce sont des murs de soutène-
àue pour porter la bête immonde ; on meut des terrasses qui aplanissaient la
fût obligé de la dépècer sur place les : pente. l.a route est encore tracée au
Turcs ne font aucune distinction entre milieu des rochers. Le brouillard est
le sanglier et le cochon, proscrit par épais; ou n’aperçoit les objets çu’à
Mahomet. travers une petite pluie fine et péné-
Nous partîmes du port d’Antiphellus, trante. Enfin nous entrons dans la ville.
attaquant la montagne droit au nord. Ce n’est (ju'un chaos de murailles et de
C'était le chemin oes piétons, mais il rochers éboulés, du milieu desquels
était atroce pour les chevaux. sortent des restes de monuments pélas-
Nous franchîmes la montagne qui giques et grecs. La ville de Phellus s’é-
borde la baie de Sévédo. Au Imut d’une tend nord-sud sur toute la crête d’une
demi-heure nous descendîmes au fond
, montagne fort élevée. Nous arrivons à
d’une profonde vallée, pour remonter la nécropole. Nous sommes dans l’ad-
immédiatement sur le flanc opposé. miration en entrant dans une enceinte
Nous nous trouvâmes bientôt sur la crête carrée toute taillée dans le roc, au
d'une chaîne nord -sud, que nous par- milieu de laquelle s’élèvent deux édi-
courûmes dans une assez grande éten- fices monolithes taillés dans la masse
due. Nous commençâmes dès lors à même du rocher. Ce ne sont plus des
jouir du coup d’oeil général de la l.ycie : colonnes et des frontons ; c'est un art
un vaste horizon de montagnes, cou- tout à fait en dehors de ce que nous
ronné par les sommets couverts de connaissons de l’antiquité, car il est
neige du Cragus, se développait à nos re- aussi éloigné de l’égyptien que du grec.
gards. Nous voyions çà et là sous nos , Un de ces grands tombeaux a trois
pieds, des plaines couvertes de verdure; portes; son entablement ressemble à
mais aucune habitation ne s'offrait à des charpentes posées de front, et sur
nos yeux. Nous avions repris la direc- les faces latérales , ce sont d’énormes
tion de l’est pour contourner une haute solives recourbées repré-seiitant des becs
montagne sur le penchant de laquelle d’ancre; tout cela taillé dans le rocher.
sont trois vastes citernes où se désaltè- Deux autres tombeaux du même style
rent les caravanes. Nous arrivons au s’élèvent près du premier; quoique d’une
composé de cinq maisons.
village d'Agli, dimension moiiiare, ils ne sont pus des-
Au bout d'une heure, nous commen- sinés avec moins de recherche. L’un
çons à nous diriger au nord , et après d’eux s’est écroulé sous l’influence des
une demi-heure de route, nous nous gelées et des neiges; l’autre, encore de-
trouvons dans une vallée étendue, bout, est composé de deux chambres
formant un plateau bien cultivé. C'est contenant des banquettes ou lits funè-
là qu’est situé le village de Tchou- bres.
àourba, appelé aussi Orta keui, le vil- Pendant que nous étions occupés à
lage du milieu ,
parce qu’il est le centre examiner cette architecture si bizarre,
d’une communauté de cinq hameaux le brouillard se dissipait; le soleil laissa
tous du même nom : nous insistons sur tomber quelques rayons à travers la
ce détail, parce que nous retrouverons rosée humide; nous jouîmes alors d’un
bientôt l'ancienne communauté lycieime des plus beaux spetdacles qu’il soit
de Cyaueæ divisée en différents groupes. possible d’imaginer sur le premier
:
Nous nous reposons un moment dans plan , la nécropole avec ses tombeaux
ce village et nous prenons des guides toujours plongés dans les nuages , et
,
pour nous rendre aux ruines de Phellus qui ont contracté une couleur verdâtre;
sur la montagne qui domine; il
y a une sous nos pieds, un précipice sans fond.
iieurc do route. Les sommets des plus grands arbres
,
lieu de ces monuments entassés , et de bachi; il s’ensuit que cette forêt qui du
vieux arbres les couvrent de leur haut des ruines de Phellus nous parais-
sait impénétrable est la même forêt
ombre.
Nous redescendons vers le nord pour OEnium qui s’étend jusqu’à Cassaba.
gagner le village de Bounar bachi, où Aux ruines de Kandyva nous observâmes
nous arrivons au bout d’une heure. quelques restes de tombeaux lyciens
Nous passons au milieu d’une masse mal conservés mais les savants Anglais
;
d’arbres sans apercevoir une seule qui ont parcouru, en 1840, cette contrée
maison. Ce village se trouve sur la ligne inexplorée ont retrouvé sur un sarco-
directe de Phellus à Cassaba, chef-lieu phage le nom de Candyba. , ,
rigée nord et sud au centre de laquelle rieur et sur la côte quatre anciennes
villes portant toutes le nom de
Cyaneæ.
s’élève le bourg de Cassaba , demeure
du mutzellim qui commande le canton; Nous reconnûmes, en 1836, le Pre-
mier centre du nom de Cyaneæ au
yii-
il nous fait installer dans le caravan-
tonines
seral. iage de Teussa, où existent des
grecque
La change de nom, selon la
rivière lyciennes et une inscription
biode turque , à chaque village qu’elle portant le nom de Cyaneæ.
ASIE Ml>EUHh. 687
Les auteurs anciens sont si concis sur native (jue présentent les voyages dans
cette partie de la Lycie, que nous ne ces régions, ou une chaleur intense et
pouvons avoir plus de renseignements le manque d'eau partout, ou des déluges
sur l’ancien état municipal de ces de pluie.
bourgs. Nous arrivons enfin au sommet; nous
L’habitant de la vallée supérieure du avons devant les yeux l'enceinte d’une
De.meri déré nous apprit que son vil- ville grecque. Les murailles ont des
lage s'appelait Irnési, qu’il était voisin tours disposées à intervalles irréguliers ;
de vastes ruines avec des palais et d’au- elles sont bâliesà assises réglées et à bos-
tres mnnuments. Le jour suivant, 27 sages ; mais une partie a été restaurée
avril, nous partîmes pour Irnési en re- sous l’empire byzantin. Des buissons
mniitant la rivièredu même nom. Après touffus ont crû au milieu des édifices,
une heure de marche nous faisons et ne permettent pas de les examiner à
halte près d’unè montagne conique dont loisir. Des tombeaux lyciens sont les
larivière baigne le pied. C'est la quelle indices d'une ancienne cité; mais cette
prend son cours à l’est dans la vallée de ville fui habitée par des chrétiens et
Myra; on appelle ce défilé, Déré agit zi contient entre autres édifices une grande
(peut-être variante de Boghazi, le défilé église eu forme de basilique.
de la vallée). I.es tombeaux ne portent pas d’ins-
Cette montagne est couronnée d’une cription; la pierre s'est délitée sous
enceinte fortifiée, en très-bon état de rinllueuce du climat. Les ruines d’Irnési
conservation. On
voit auxalentoursquel- sont à mille deux cents mètres au-des-
lies tombeaux lyciens
; mais sus de la mer.
les forti-
2 cations sont plus modernes : elles ont Nous ne trouvons rien dans les mo-
dû appartenir à une ville chrétienne. numents d’Irnési qui mérite une repro-
Aucune conjecture satisfaisante n’a duction spéciale~, les travaux de cent
encore été émise sur le nom de cette graveurs ne suffiraient pas pour faire
place. A l’entrée de la vallée s’élève une connaître cette contrée singulière,
vaste église byzantine presque entière- restée pendant tant d’années fermée
juent conservée et dont nous avons levé aux investigations des savants, qui s’en
le plan. Le tranceps est couvert par une éloignaient, chassés parla mauvaise ré-
Coupole de huit mètres soixante de dia- putation qu’on avait faite aux habi-
mètre ; tout l’intérieur était revêtu de tants.
marbre; les corniches seules existent en- Il n’est pas difficile de déterminer le
core.^ La nef est précédée d’un narthex nom de l'ancienne Irnési, dont la res-
et d’un exonarthex. Le caractère de semblance avec le nom d’Aruæa frappe
celte architecture est
du huitième siè- au premier abord. Amæa petite ville
«S8 L’UNIVERS.
de Lycie dit Etienne de Byzance. C’est
, ble ; les insulaires se plaisaient, comme
tout ce qu’on sait de son histoire; leurs voisins les Lyciens, à tailler les
elle est assez étendue pour avoir con- rochers pour y établir des habitations.
tenu douze mille habitants. On à peine à comprendre que dans un
Du villa^'e d'Irnési une route conduit lieu où la pierre détaille aûmde, où le
dans les hauts plateaux, où se trouve la sol est encore vierge de toute habita-
ville moderne d’Almahi, la vraie Lycie tion , ces populations aient imaginé le
archaïque s’arrête à ces régions. genre le plus difficile et le plus dispen-
Le retour à la côte peut s’effectuer dieux d’installer leurs demeures.
de deux manières, ou par la roule déjà Les constructions de l’tle Dolichiste
indiquée on y rencontre quelques
; sont presque toutesdes bâtiments civiis;
villages-, ou par la vallée de Démeri on : ceux qui sont au bord de la mer, pa-
suit le cours de la rivière Jusqu’à Myra ; raissent avoir servi de remises de ga-
six heures de route. lères, Néoxiki des Grecs, et Kaik hané
Dans le triangle forme par ces deux chez les Turcs. Aujourd'hui encore les
routes, on laisse sur la côte deux villes eaux de la mer entrent dans de grandes
anciennes une lie qui méritent d’être
et salles où l’on pourrait rentrer des canots.
visitées. Nous ignorons commenton peut J’avais douté, dans une première explo-
les atteindre par terre : le pays étant ration,que cette partie de l’île et du
complètement rocheux et désert. continent voisin eussent subi un mouve-
ment de dépression ; mais dans un se-
CHAPITRE XX. cond examen du terrain que je fis en
APEBLÆ. — CYANEÆ. — ILE DOLI- 1842, je me range du côté des observa-
CHISTE. teurs qui m’ont précédé, et je reconnais
ue plusieurs de cesmonumentsont dd
Les difficultés que présente la con- tredes habitations avant d’être envahies
formation du massif montagneux de la par les eaux.
Lycie, entre la rivière de iMyra et le port Les innombrabes maisons de l’Ile, bien
Sevédo, nous décida à nous rendre par que construites en pierres assemblées à
mer aux ruines d’Aperlæ et de la Cyaneæ joints irréguliers, dits pélasgiques , ne
maritime, qu’on appelle aujourd’hui Ca- paraissent pas remonter à une haute anti-
camo. quité. On remarque des voûtes en béton;
Le 30 avril l836,nousquittâmesleport le mortier est généralement employé,
Sévédo à neuf heures au matin , avec peu soigné,
et l’appareil des pierres est
une brise d’ouest; le soir, le navire mit on voit dans le voisinage de ces maisons
en travers, c’est-à-dire stationna en d’autres constructions évidemment by-
pleine mer sans faire de route; nous zantines ; mais il y a absence complète
étions au sud de la grande baieHassar: d'inscriptions, de signes ou de caractères
c’est ainsi que la nommait notre pilote, quelconques, comme si les gens qui ont
dans laquelle il y a un mouillage à l’a- bâti ces édifices avaient ignoré l’usage
bri de tout vent, mais qui est complète- de l’écriture.
ment déserte. Cette baie doit être celle Les constructions que nous venons
d’Acroterium,qui étaità cinquante stades de mentionner s’étendent tout le long
d’Antiphellus. Le lendemain, nous jet- du port, c’est-à-dire du canal quisépare
tions l’ancre sous le château de Cacamo, nie du continent; nous n’y avons pas vu
entre l’île et le continent Ce port est le de tombeaux, la nécropole était sur la
Sar le continent s'élèvent les fortîG- réunis sans ciment c’est en tout point
;
murailles (1), il est à croire qu’elle s'é- Nous avons publié in extenso le texte
lève sur l’emplacement d’une ancienne decette inscription, qui n’a pas été assez
acropole. remarquée : elle est ainsi conçue :
S
celle aller à
’à la baie Yali; là on découvre
CHAPITRE XXL ée du port Andraki indiquée par
une tour hellénique, la Pointe Pyrgo des
ANÜBIACE. — SlIHA. — MVBA. portulans. Il faut ranger la côte à droite
iour entrer dans la rivière, à .cause de
Derrière l’acropolis de Tristomo nous fa barre qui existe à l’emlKmchure. Les
allâmes examiner les ruines très-con- canots mouillent dans une crique où se
sidérables d'une ville du moyen âge jette un cours d’eau abondant , petite
dont nous n'avons pu retrouver le nom. rivière qui n'a qu'un mille et demi
Il y a plusieurs églises , des bains, des de parcours, alimentée par des eaux
citernes ; mais tout cela est d’une cons- sulfureuses froides et Icgèrement sa-
truction grossière, en petits moellons lées qui sortent des rochers. Ce cours
reliés par un mauvais ciment Simena,
: d'eau est noté par les anciens géographes
citée par Pline et par Étienne de By- comme la rivière d'Andraki ;
c’est là que
zance, étant placée, dans le stadiusmus, mouilla la flotte de Brutus et de Len-
à soixante stades d’Aperlæ, la position tulus dans leur campagne contre la
de cette ville inconnue ne peut lui con- Lycie. La rivière d’Andraki est fré-
venir; ces ruines sont cependant anté- quentée par d’énormes poissons qui pa-
rieures ü toute invasion musulmane, et raissent attirés par la saveur des eaui.
ne peuvent avoir été habitées que par L’antique Siira, célèbre par un oracle
des Grecs. qui se rendait au moyen des poissons,
Pour donner une idée de la difficulté était à peu de distance du golfe d'An-
([ue présente le parcours de cette région, draki cette ville est mentionnée par
;
soit a cause des solitudes, soit à cause Pline (I) à Myra en Lycie; les« poissons
de sa conformation compliquée, un de la fbntaine d’Apollon Curien arrivent
jeune officier de marine partit du bord après trois appels donnés au son de la
pour nous rejoindre par terre à Myra, fldte, et disent l’avenir. Se jeter sur les
qui n’est éloignée que de vingt-quatre viandes qu’on leur donne, c’est de bon
kilomètres ; il perdit sa route dans les augure; le contraire arrive s’ils les re-
montagnes, erra pendant deux jours poussent avec la queue ». Comme il n’y a
sans nourriture et sans eau, et dans la pas de fontaine dans les ruines de Sura,
matinée du troisième il atteignit un on doit regarder les sources saumâtres
campement de Yourouks qui le con- up j’ai mentionnées comme la fontaine
duisirent à Myra. INous devons ajouter à 'Apollon Curien. On doit noter que
ces difficultés l’extrême confusion des Pline place cette fontaine à Myra et non
noms entendus de diverses manières pas à Sura (2).
par les voyageurs européens. Ainsi, les Les ruines de Sura ont été rer'onnues
Anglais écrivent tous Cassabar, chef- par M. Spratt à une heure et demie de
lieu de la Lycie inférieure, tandis que le marche a l’ouest du monastère de
vrai nom est Cassaba, dérivé du mot Myra. Sur l'indication dos moines du
arabe bien connu des Algériens Casbah, monastère, il remonta la plaine de Myra
château; ils écrivent Guendever au lieu
de Kandiva, Dembra au lieu Demeri ;
ir) Pline, XXXIt,8.
tout n’est pas facile à débrouiller pour (a) La correction de Curium en Suriuui,
les géographes. Pline Sillig., édit. i85i, n’est nnllemenl
mo-
Le 2 mai le commandant du brick tivée. Cf. Plutarcli, lie Ao/err. animal, c\i.
la plaine est couronnée par une pe- vent ce couvent sont de pauvres moines
tite forteresse au sud de laquelle se sales et ignorants ils n’avaient pas vu
;
trouve un beau sarcophage portant une d’Européens depuis plus d’un an. Ils
inscription lycienne. D’autres sarco- assurent que saint Nicolas était évêque
phages sont ornés de cartouches qui con- dans cette même église, et que son corps
tiennent le nom de Sura. On voit un est déposé dans un caveau. La cathé-
peu plus loin un piédestal avec une ins- drale est dans le même style que celle
cription dont les premières ligires sont que nous avons vue à Déré agazi , mais
relatives au culte d’Apollon ; le reste est le plan en est moins grand. Les cha-
illisible. Les ruines oe Sura ne parais- pelles latérales sont voûtées en penden-
sent pas dépendre d'une ville considé- tifs et décorées de mauvaises peintures ;
rable c'était sans doute un centre reli-
: l’une d’elles représente la Passion.
gieux qui vivait de ses oracles. Il est avéré
,
par les documents qui
Sura est marquée comme étant dis- suivent, que depuis plusieurs siècles le
tantede sept kilomètres d’Andraki, cette corps de saint Nicolas ne repose plus
position parait exacte. dans cette église; c'est une erreur des
caloyers, qui du reste paraît s'être mo-
HYRA. difiée depuis mon passage, car ils pré-^
tendent aujourd'hui que le corps de'
La chaloupe ayant franchi la barre, l’évêque a été récemment transporté en
nous fîmes encore un mille et demi en Russie (1).
remontant la rivière d’Andraki avec Saint Nicolas de Myra est regardé,
deux brasses d’eau. comme un des plus grands saints de la
Nos matelots s’installèrent dans une l^ende. Il est né à Patare de Lyeie,
ruine sur le rivage, et établirent leur dans le troisième siècle; il fut ordonné
tente avec des avirons. Un nègre que prêtre par l’évêque de Myra, du même
nous trouvâmes en débarquant nous nom que lui, et devint évêque à son
amena un chameau pour charger nos tour sous l’empereur Dioclétien.
bagages, et nous allâmes au monastère D’autres légendaires pensent que la
de Mvra, situé à trois quarts d'heure du naissance de Nicolas n’est pas antérieure
mouillage, dans une belle plaine bien au cinquième siècle, attendu qu'il n’est
cultivée. Ce couvent occupe les environs pas nommé dans le dénombrement des
de l’église de Saint-Nicolas, probable- évêques depuis l’an 420 jusqu'en 350.
ment la basilique construite par Théo- Il ne paraît pas dans le concile de
dose Il sous le nom d’église de Syon, Chalcédoine.
lorsque NWra fut déclarée capitale de I.e culte de saint Nicolas fut établi
la Lycie C’est un grand édifice carré,
publiquement en Orient dès le com-
sans fenêtres à l’extérieur, occupé par mencement du sixième siècle. L’empe-
plusieurs familles grecques. reur Justinien lui consacra une église à
La petite vérole ravageait la popula-
tion grecque ; le matinmême on avait
enterré un habitant
,
44 .
692 LUNIVKRS.
Constantinople, dans le quartier des corps de saint Nicolas. 11 n'y avait , e:i
Blaclieruos. Ilhonoré eu France,
fut effet que trois religieux qui gardaient
,
au neuvième siècle, avant même que ses ce saint dépôt; tous étaient d’ailleurs
reliques fussent transportées en Italie. dans la désolation par suite des hosti-
La legende raconte de la manière lités des Musulmans.
suivante l’enlèvement clandestin des Les gens de Bari firent accroire à ces
reliques du saint par des marchands religieux qu’ils étaientenvoyés du pape
italiens; ce récit sert à ü-ver d’une ma- de l’ancienne Rome, pour pourvoir à
nière certaine la date de la construction la sûreté et à l’honneur de ces saintes
de diverses églises. reliques , en leur procurant un asile eu
Lu tombeau de Myra était le but de Italie ; ils achevèrent de les gagner en
nombreux pèlerinages, et les Osmanlis leur donnant cent écus d’or a chacun,
ne se faisaient pas faute de l’invoquer. par vaisseau.
Ur, la ville de Myra fut prise, la sixième Après diverses prières , ils rompireot
année du règne de l’empereur Mcé- le tombeau de marbre à grands coups
pliore, par Achmet, général du calife de marteau ; ils y trouvèrent une urne
Harouu. Il voulut détruire le tombeau de même matière , et crurent d’abord
de saint Nicolas; mais les chrétiens, que c’était un grand vase de parfums;
pour conserver leurs reliques , trom- ils remarquèrent qu’elle était à demi
pèrent l’Arabe par une fausse indication, pleine d’une liqueur admirable qui res-
etun tombeau voisin fut saccagé. semblait à une huile très-pure, qui,
Uepuis cet événement, le tombeau selon les religieux, sortait du corps
de saint Nicolas resta encore à Myra même du .saint et tran.spirait à travers
l’espace de deux cent quatre-vingts ans, le marbre. 11 parut à ces pèlerins qu'on
pendant lequel on Qt diverses tentatives avait déjà touché au corps du saint
pour l’enlever. pour en prendre quelque partie, car
Enfin, par une manoeuvre dont les les os étaient pêle-mêle hors de leur
légendaires ne paraissent pas avoir situation naturelle, et la tête était à
compris toute la déloyauté, les reliques part. Ayant tout rassemblé dans une
tombèrent entre les mains des Latins. caisse très propre , ils enlevèrent ces
Quarante bourgeois et marchands de reliques le 20 avril de l’an 1087.
Bari ,
en Bouille , se rendaient en Syrie Les navires revinrent à Bari en dix-
dans le dessein d'aller commercer à huit jours. L’arrivée de 'ces reliques
Antioche. Se trouvant dans les parages causa une grande sensation dans toute
de Myra , ils conçurent le projet d'en- la chrétienté. L’huile miraculeuse fut
lever les célèbres reliques; ils envoyè- distribuée à différents monastères. En
rent secrètement reconnaître les lieux, 1100, l’évêque d’Amiens se rendit à
pour prendre les mesures et sdret^ Bari pour en obtenir une fiole. En
nécessaires, et remirent à leur retour 1660, elle attirait un concours immeuse
l’exécution de leur projet. de pèlerins à Worms, en Palatiiiat.
Étant à Antioche, quelques-uns d’en- Uès l’année 1089 , des processions et
tre eux ne purent s'empêcher de s’en des fêtes avaient été instituées eu l’hon-
ouvrir à quelques Vénitiens de leur neur du nouveau saint , et les fideles
connaissance , (jiii déclarèrent avoir avaient jeté les fondements d’une église
conçu , de leur roté , un semblable des- (lui Les Normands
existe encore à Bari.
sein et y persister. s'étaient emparés de cetia ville en
n’en fallut pas davantage aux gens
Il 1073; concoururent, avec les habi-
ils
de Bari pour leur faire expédier promp- tants , à la construction de la niiiivelle
tement leurs affaires dans la crainte de cathédrale. Enfin, en 1103; c’est-à-dire,
se voir devancés. seize ans après l’arrivée des reliques,
.S’étant remis en mer, ils s’arrêtèrent l’églisede Bari fut inaugurée par le duc
à la rade de Lycie et surent de leurs d’Apulie, premier roi normand de Si-
espions que la ville de Myra était toute cile. L’église est sans transept, mais
déserte, et qu’on ne trouvait presque n’est pas complètement en lorme de
personne ni dans le monastère , ni dans basilique; elle tient plutôt du style la-
l'église de Syon, où était déposé le tin que du style byzantin.
, ,
Les Vénitiens , qui avaient été devan- double , et conduit à la seconde pré-
oés par les gens de Bari ue se tinrent , cinction. On avait accès à la première
pas pour battus, et ils trouvèrent iar le théâtre et par la galerie circu-
moyen de transporter, eux aussi , à faire de la seconde précinction. Toutes
Venise, les reliques de saint Nicolas. ces galeries sont d’une magnifique cons-
Les légendaires, pour accommoder tous truction , sans mortier. Il y a vingt-sept
ces hauts faits de dévots peu scrupu- rangs de gradins à la première pré-
leux, prétendent que le saint Nicolas cinction , et il devait y en avoir vingt à
de Venise est l’oncle du précédent , et la seconde. Nous abandonnâmes le cou-
(iu’il est honoré avec saint Théo- vent dans la soirée , pour venir nous
dore (I). loger dans un grand konac ou maison
Mais les reliques de ces bienheureux de campagne, appartenant à l’agha de
ne tardèrent pas à se multiplier dans le Cassaba. Le vieux Turc, qui est son
inonde chrétien On comptait à Paris beau-frère, fit quelque difficulté de
ilusieurs églises sous cette invocation : nous admettre , craignant que nous
fa collégiale de Saint-Nicolas du Lou- n’apportassions avec nous l’épidémie du
vre, l’église abbatiale de Saint-Nicolas couventg mais quand il sut combien
des Champs; enGn, Saint-Nicolas du nous étions liés avec l’agha de Cas.saba,
Palais ,
que saint Louis fit abattre pour il nous reçut à bras ouverts.
en italien. —
Gally Knight, EccUsiastical Un certain nombre de bas-reliefs
archileclnre
ef llaly. d’un bon style sont exécutés à une
694 L’UNIVERS.
grande hauteur dans le rocher ; ils re- nument si multiplié dans les autres
présentent cette cérémonie funèbre villes de Lycie.
qu’on appelait Conclamation. A notre retour à Andraki, je fis faire
La montagne de Myra s’élève à l’an- une reconnaissance aux abords du grand
gle de deux vallées; la ville faisait face édifice décrit par le capitaine Beaufort,
au sud. La vallée de l’est, où coule la mais le marais qui l’entoure était im-
rivière de Myra, est celle dont nous praticable.
avons reconnu l’origine dans la vallée D’après l’inscription placée sur le
de Ca.ssaba. frontispcie, ce monument était un gre-
Sur le flanc oriental de la montagne nier bâti par ordre de l’empereur Ha-
se trouve une seconde nécropole foute drien il est d’une con.servation parfaite
;
taillée dans le roc, dont les tombeaux en sept chambres ayant cha-
et divisé
ont un aspect plus grandiose encore (1). cune une porte celle du milieu est sur-
:
tres supportant des têtes de lion en rivière, dont le nom ancien est resté
baut-relief soutiennent le portique. Un inconnu , coule du nord au sud paral-
grand bas-relief de neui figures est lèlement au fleuve Arycandus.
placé au-dessus de la porte. Plusieurs villes appartenant à la con-
Un autre tombeau non moins impor- fédération lycienne possédaient les val-
tant est orné de bas-reliefs presque lées inférieures; on retrouve dans les
grands comme nature, représentant la ruines de nombreuses inscriptions dans
vie du mort ; on le voit d’abord enfant, la langue des Lyciens, et les monuments
il est nu et tient à la main un preferi- sont du même caractère que ceux des
culum, cuiller pour les sacrifices ;
on le villes de l’ouest.
voit ensuite adulte à côté de sa mère ; La population moderne de ces vallées
dans un troisième tableau il est pré- est généralement adonnée à la vie no-
senté par son père à une matrone qui made; les chefs ou agitas possèdent des
tient par la main une jeune fille c’est ; fermes autour desquelles se groupent
son mariage; enGn il est couché sur son les tentes de leurs administrés; les
lit funèbre, il tient à la main un rhyton rares villages qui peuplent ces monta-
vide, il a épuisé la coupe de la vie. gnes se composent de quelques maisons
La plupart de ces tombeaux sont d’un de terre ou de bois.
accès très-diflieile ; nous fûmes obligés La seule industrie des indigènes est
de faire venir un câble de la chaloupe l’exploitation des forêts de pins et de
pour eu atteindre ouelques uns. sapins qui couvrent les montagnes ; aussi
Dans la plaine au sud on voit plu- l’ancien mont Climax est-il désigné par
sieurs cénotaphes de l’époque romaine ; eux sous le nom de Taktalu dàgh, la
l’un deux est en forme de petit temple. montagne des planches. Les autres in-
H est une remarque à faire avant de dustries sontnulles, les habitants vivent
quitter les ruines de Myra, c’est qu’on du produit de leur sol et de leurs trou-
n’y rencontre pas un seul sarcophage peaux. Cette partie de la Lycie est infi-
avec le couvercle en ogive, genre de rao- niment plus pauvre que la région de
l’ouest, mais on retrouve chez les indi-
(i) Voyez planche 6o, Nécropole à Myra. gènes le même caractère pacifique et
(i) Sirabon, XIV, 665. hospitalier.
'
. ;
i. .oti'iL
,
MM. Spralt et Fellows, qui ont ex- d’une large vallée beaucoup plus éten-
ploré la contrée et déterminé la situa- due.
tion des villes anciennes de ces régions Le grand sarcophage sur lequel se
alors inconnues ont trouvé partout
,
trouve la double inscription en langue
chez les habitants le meilleur accueil; grecque et lycienne , le premier monu-
ils se sont spontanément offerts pour ment de ce genre dont la copie fut ap-
servir de guide aux voyageurs étran- portée en Europe par M. Cockerell en
gers. 1814, s’élève encore intact près du
Pour ceux qui veulent visiter cette moulin à eau. Deux forteresses défen-
région , la plus grande difficulté est d’y daient la ville ; la première domine la
arriver. Le chemin par terre , de Myra colline de la nécropole. C'est un ouvrage
au village de Phineka , est des plus pé- grec encore bien conservé; quelques ves-
nibles pour franchir la montagne qui tiges de monuments sont épars dans
forme le cap. Toujours entre cette dou- l’intérieur. La seconde consiste en une
ble difficulté, en été le manque d'eau, enceinte carrée flanquée de tours et
et une chaleur intense au milieu des bâtie en moellons mêlés de briques, in-
rochers , en hiver des torrents débor- dice certain d’une époque de décadence.
dés et des journées trop courtes. Le Le théâtre est bâti au pied de ce châ-
mieux est de fqire ce trajet par mer et teau ; il est envahi jiar une forêt de
d’envoyer ses chevaux par la montagne, broussailles qui rendent impossible
car on ne saurait songer à s'en pro- toute étude du monument; on voit ce-
curer dans les villages ije l’est. pendant qu’il doit être compté au nom-
Le nom de Phineka, hieu que mo- bre des plus grands théâtres anciens.
derne, est peut-être, comme celui de De nombreuses sources sortant du
Phœnicus portus, un vague souvenir des pied de la montagne, se réunissent pour
étalilissements créés sur cette côte par former un cours d’eau qui n’est pas in-
les Phœniciens ; il est certain du moius férieur en volume au Phineka tcha'i
qu’ils y avaient un comptoir, car au c’est sans aucun doute le fleuve Limy-
milieu des tombeaux lyciens on lit en- rus cité par Pline comme un des af-
core une inscription phénicienne. La fluents de l’Arycandus.
ville d’Olympus, sur la côte est, s’op- La nécropole de Limyra comme celle
pelait aussi Phœnicus. On ne peut dire de toutes les autres villes de Lycie mé-
ue ces noms viennent de plantations rite une étude particulière ; elle n’a pas
e palmiers, car ces arbres n’ont ja- l’imposant aspect de la nécropole de
mais prospéré sur la côte d'Asie, ils ne Myra ; les tombeaux sont dispersés sur
s’y trouvent qu'accidcntellement. la surface du rocher, dont les couches
Le village de Phineka ressemble à sont obliques à l'horizon Plusieurs mo-
celui d’Antiphilo on y trouve trois
; numents portent des inscriptions lycien-
maisons , celle du douanier, celle du ca- nes, quelques autres en langue grecque.
fédji et celle du boulanger; c’est litté- On remarque des façades ornées de
ralement ce qu’on appelle ici une pilastres ioniques.
échelle. Les bateaux viennent charger Les bas-reliefs qui décorent ces mo-
du bois et des planches pour les lies ; numents représentent des combattants
ils apportent quelques marchandises, ou des scènes mythologiques, et les noms
qui sont transportées à Almalu, la plus des héros sont inscrits dans le champ
grande ville de la Lycie, à une distance du tableau; plusieurs de ces bas-reliefs
de douze heures de marche. portent encore des traces de couleurs.
Les ruines de Limyra sont à six ki- En un mot les tombeaux de cetteville des
lomètres environ à Test de Phineka, morts paraissent avoir été destinés a
séparées du village par un grand ma- une population riche et nombreuse ; ce-
rais et par la petite rivière de Phineka pendant Strabon ne place pas Limyra
tchaï, que l’on passe sur un pont de parmi les villes importantes de la Ly-
liois. cie. Deux petits hameaux sont les seuls
. La ville lycienne est construite sur lieux habités dans cette vallée le pre-
:
la pente d’une montagne qui longe la mier, Aladja keui, porte le noin de la
vallée d’Arycauda à l’est, et la sépare montagne voisine ; le second Dçinirdji
,
i>90 L’UNIVERS.
keui est habité par ciii | ou si.'t familles jusqu'au cap Chéiidouia. Les ruines d'L-
de Tchinghench ou Bohémiens qui exer- debessns s’étendent sur une terrasse
cent le tnétier de forgeron ; on retrouve naturelle détachée de in montagne Bcy
ces gens-là errants dans presque tous dagh ; elles consistent en un théâtre de
les villages de l’Asie. petite dimension, qui conserve encore
quelques rangs de sièges, et dont le pros-
CHAPITRE XXIII. cénium faisait face a un précipice. Une
église chrétienne s’élève a côté d'autres
ARYCANnA. — VALLÉE d’ALLAGHIR. ruines, et la nécropole offre encore de
nombreux monuments, des sarcophages
La ville d’Arvcanda était située dans et des tombeaux ornés de couronnes, de
la vallée supérieure du fleuve, dans le boucliers et de têtes de taureaux. Quel-
voisinage du village moderne de Arouf ques inscriptions portant le nom de
à cinquante-six kilomètres environ de Êdebessus mettent à même de constater
la mer. Les ruines Iveiennes consistent l’idenlité de cette ancienne ville.
en tombeaux de différents styles , un Acalissns est située à peu de distance
théâtre et d’autres édifices construits en au sud-ouest de Edebessus, près du vil-
pierres polygonales. lage Yourouk do Giaouristan ; les rui-
Quelques bâtiments qui peuvent avoir nes ne consistent qu’en deux ou trois
apjiartenu à une église ou a un monas- sarcophages qui contiennent le nom de
tère prouvent que l’ancienne Arvcan- la ville et en deux églises chrétiennes.
das fut habitée jusqu’aux derniers Les ruines do Rbodiapolis, aujour-
temps de l’empire byzantin. On ignore d’hui Eski hissar, sont entourées d’une
l'epoque de son abandon ; jamais les forêt presque impénétrable, où M. Spratt
musulmans ne l’ont occupée. espérait peu découvrir les vestiges d’une
La grande vallée de l’Allaghir tchaï, ville. Slais bientôt au milieu d’une éclair-
qui est restée sans nom chez les écri- cie de la forêt, il reconnaît des tours et
vains anciens, prend naissance dans le des murailles un théâtre antique, une
:
une pierred’une nnture particulière tues et les trésors qu’il avait enlevés apres
appelée gagatès. Selon M. Spratt, les la prise de la ville. Aujourd’hui on re-
ro^es de Gagæ sont composées de ser- trouve encore le théâtre et les vestiges
pentines et de trapps, il n’est pas im- de plusieurs temples et de portiques.
possible qu'elles aient lourni des agathes Un piédestal sur lequel est inscrit le
et des cbalcédoines. nom d’Oiyinpus a servi à constater l’i-
dentité dé cette ville.
Ale.xandre dans sa campagne de
CHAPITRE XXIV. Lycie remonta cette côte du sud au
expliqué plus simplement par Servius (4) ; abondent encore dans le mont Taktalu.
C’est, dit-il, une montagne qui a du feu Les nombreuses criques de la cote est
au sommet, dont le milieu est fréquenté de Lycie étaient on ne peut mieux dis-
par les lions, et dont la base est infectée posées pour servir de retraites aux n^
ports
de serpents. Jusqu’à ce jour on n’a vu vires des pirates ; outre les petits
aucun lion dans cette partie de l’Asie. que nous avons cités, il faut mentionner
Corycus, abrité par les rochers de
iria
Pour se rendre de Delik tasch au
est-ce i-o-
Yanar, on traverse une petite plaine Nisia, qui sont les îles Cypriæ ;
d’environ trois kilomètres de large; rycas qui donna le nom aux corsaire
corycéens, ou vinrent-ils de la ville de
on entre dans une vallée boisée et
o*®*,
l’on arrive après une courte ascension rycus de Cilicie? Les auteurs ne le
pas, mais ils attestent que le -
n
(i) Homère, II., VI, i8o. Corycus se retrouve dans tous les
^
(a) Séoèq., Ep. 79. qui étaient infestés de pirates (1)-
(3) 5tcyl. Prripl. p. 3g.
ASIE MINEURE. 6»9
sujets de Crésus. Avant cette migration, conduit d’Adalia à Smyrne. Ces ruiues,
le plateau du Milyas était occupé par éparses au milieu d’une plaine, ne pré-
les I^élèges, qui se mêlèrent en partie sentent pas l’imposant aspect des an-
avec les Cariens. Le reste de la nation ciennes villes de Lycie, mais conser-
se retira vers l’est, et se fondit avec les vent encore plusieurs monuments re-
Pisidiens ; aussi toutes ces villes con- marquables.
servèrent-ellesun gouvernement analo- Il faut citer en première ligne le
gue elles étaient .soumises à l'autorité
: théâtre, quia quatre-vingt-dix' mètres
de princes ou de chefs électifs. environ de diamètre. La première pré-
Cibyra devint le cbef>lieu d’une con- cinction a quinze rangs de gradins, et
fédération de quatre villes; son gouver- la seconde vingt et un. Le rang supé-
nement était une monarchie absolue. rieur de la première précinction porte
11 est fait mention de Cibyra pour la des dossiers pour les spectateurs. Quel-
première fois dans la campagne de ques inscriptions d’un grand intérêt
Manlius. A cette époque , la province ‘
existent encore elles
;
mentionnent
était sous l’autorité d’un dynaste plusieurs fois le nom de la ville.
nommé Moagète,qui fut rançonné par Un autre édifice s’élève à cent mètres
Manlius. Cibyra paraît avoir été dans le au sud du théâtre. C’est un grand Inti-
principe une ville de peu d’importance; ment carré et sans ornement; la façade
mais elle s’agrandit par radjonction est percée de cinq portes ceintrées et ,
- ogic
ASIE MINEURE. 701
un enfoncement
théâtre est placé dans dû attirer une nombreuse population.
de montagne au sud de la rivière.
la Les Solvmes, les Termiles, les Laso-
Un grand nombre d’autres monuments niens ,
les Milyeus qui étaient des
sont épars aux environs, quelques-uns Thraces, avaient déjà tormé une confé-
présentent le caractère d'une haute an- dération de tribus et de villes.
tiquité. Les hautes vallées du Taurus leur of-
OEnoauda était à une demi-journée fraient des terres assainies, d’une cul-
au sud de Balbura; on retrouve ses ture et surtout d’une défense facile. Si
ruines au village de Ouloudja, sur la jamais pays mérita le nom de Pam-
rive gauche du Xanthus. I.es monu- phylie, ce fut cette région dans laquelle
ments sont presque entièrement dé- on parlait quatre langues. Ils possé-
truits; ils avaient le même caractère que daient le pays depuis le Taurus jusqu’à
ceux des autres villes de la Tétrapole. la côte opposée a l’Ile de Rhodes , dit
Strabon(l). Quelques-unes de ces tribus
CHAPITRE XXVI. descendirent dans le pays plat, et choi-
sirent les éminences naturelles pour y
PAMPHYUE. établir des châteaux. La defen.se comme
la salubrité commandaient cette pré-
CONSTITUTION DU SIV-. ÉTABLISSE- — caution, et nous retrouvons, entre les
MENT DES COLONS GBECS. mains des Grecs ces memes bourgades
devenues des villes florissantes, em-
Les Grecs ont donné le nom de Pam- bellies de monuments groupés dans la
e ie
le
à cette province formée d’une
étroite de territoire, resserrée
entre la chaîne du Taurus et la mer,
laine au pied de la colline qui fut le
(Tceau de la ville. Perga, Syllæum,
Aspendus en sont des exemples.
et presque entièrement fortnée de ter- La dispersion des peuples grecs con-
rains d’alluvions. Si les documents his- fédérés contre le royaume de Priam fut
toriques nous font défaut pour con- aux yeux des historiens anciens la pre-
naître les populations qui ont occupé mière cause de l’expansion de la race
celte contrée avant l’arrivée des pre- hellénique sur toutes les côtes de l’Asie.
miers Grecs, nous pouvons être assurés, Les compagnons d’Agamemnon, égarés
d’après la nature du pays, que les ré- sur lu vaste mer dont l’étendue leur
gions montagneuses voisines de la paraissait infranchissable , s’en allè-
Pamphylie, la Cilieie, la Lycie et la rent côtoyant l’Asie et fondant des villes
Pisidie étaient déjà peuplées' quand le dans ces parages inconnus (2).
territoire de la Pamphylie composé de , Chalcas et Amphiluqué se dirigèrent
terrains marécageux qui recevaient les vers le sinl, et donnèrent au pays où ils
eaux des versants du Taurus, était en- abordèrent le nom de Pamphylie , pays
core impraticable. Plusieurs fleuves et de toutes les tribus, oui rappelait "la
de nombreux torrents la traversent dans manière dont il fut peuplé. (3).
santes auxquelles est soumis le sol de la n’omettre aucun des noms des premiers
Pamphylie. colons de la Cilieie, il faut citer encore
Ces alluvions out comblé et assaini
les marais formés par les eaux sta- (i) Siraboii, XIII, G3i.
gnantes et crée un pays d’une incompa- (a) Strabon, XIY, 669.
parable fertilité, nui alors seulement a (3) llèrodute, VII, ga.
,
702 LTJNIVKRS.
Mopsiu le Devin, qui mourut à CIaro8( i ), ville d’Attalia aujourd’hui Adalia, la
la contrée aurait alors été appelée Mo- ville grande ou plutôt la seule ville de
tsuesUa (2). Il n’eat pas surprenant que la province moderne.
fa Pamphylie accessible de toutes parts, Les limites de la Pamnhylie varièrent
ait toujours suivi le sort des provinces comme celles de toutes les autres pro-
voisines; lorsque les rois de Lydie s’em- vinces; au nord, elle absorba la Pisidie,
parèrent de la Cilicie, la Pamphylie leur et s’adjoignit une partie de la Cilicie
nit bientôt soumise. Cette province Trachée. Cet état de choses dura jusqu’à
sous le gouvernement des Perses, faisait la nouvelle division sous Constantiu. La
partie de la première satrapie ; elle est Pamphylie avait été divisée en deux
citée en dernier les Ioniens, les Ma-
: provinces ; la Pamphylie première était
gnâtes d'Asie, les Æoliens, les Cariens, a l’est du fleuve Éurymedon, la Pam-
les Lyciens ,
les Milyens ,
les Pamphy- phylie seconde était comprise depuis
liens (3). n’y a pas lieu de s’étonner
Il cette limite jusqu'à la Lycie. Sous Cons-
si les historiens sont si sobres de détails tantin , la Pamphylie fut réunie en une
sur cette contrée : les événements qui seule province, administrée par un
s’y passent ont tous leur point de départ consulaire; Hiéroclès la résume en un
dans d’autres provinces. Le sort des seul chapitre. Dans la liste des Pères du
Pamphyliens était de servir d’auxiliaires concile de Nicéc , il n'y a qu’une seule
à tous les conquérants qui se présen- Pamphylie, dont la capitale est Perga.
taient. Dans la guerre de Xerxès contre Dans les actes du concile d’Éphese, on
les Grecs, leur contingent naval fut de nomme Berenianus évéque de Perga,
trente vaisseaux tandis que les Lyciens Aniphiloqiie de Sidé. Au concile de
en fournirent cinquante et les Ciliciens Chalcédoine, on nomme Amphiloque
ccnt (4). habitants de Phaseiis, quoi- de Sidé Épiphane de Perqa.
,
qu’a près que le chef des Athéniens eut titre d’évéché, et Syllæum fut créée
commence à investir leur ville pour en métropole de la seconde. Elles furent
fedre le siège. (5) Les Per.<;es avaient, il ensuite en un temps inconnu réunies
est vrai, garanti leur liberté aux deux sous une môme juridiction ecclésias-
principales villes, Aspendus et Perga. tique ; Syllæum devient la seule métro-
La Lycie s’était soumise volontaire- pole et les évêques de Perga disparais-
ment à la domination d’Alexandre ; les sent.
villes de Pamphylie qui étaient demeu-
rées libres Grent plus de difGculté, mais CHAPITRE XXVII.
n’en furent pas moins incorporées dans
le nouvel empire. A la mort d’Alexandre, CICÉBON BN CILICIS.
cos villes passèrent sous le gouverne-
ment des rois de Syrie, et restèrent en Dans les dernières années de la ré-
leur pouvoir jusqu’à la mort d’Antio- publique romaine , les provinces du sud
chus (6). turent réunies en un seul gouverne-
Les rois de Pergame héritèrent des ment, et mises sous la juridiction du
possessions de ce prince en Asie Mi- proconsul de Cilicie, dont le siège était
neure, et les conservèrent jusqu’à ce a Laodicée. Cicéron occupa cette cliarge
que le royaume des Attales tut absorbé pendant une année ; il entra en fonc-
par les Romains. C'est durant cette pé- tions le 31 juillet de l’an de Rome 701,
dix-
riode qu’Attale Philadelphe fonda la il
y a aujourd’lmi 3t juillet 1862,
neuf cent quatorze ans. Le nouveau
(i) Pline, V, i6. roconsul fait de ms provinces un ta-
(a) P. Mela,JlIV., Slrabon, XIV, 668. leau peu flatteur ; on doit convenir que
(î) Hérodote, II, 90.
depuis vingt siècles le progrès dans ce
(4) Hérodote, VII, i3.
pays n’a pas suivi une marche ascendante.
(6) Plutarque, vU de Cimon, Cicéron arrive en Asie désespéré de
(6) Polyb, XIII, 17. l'honneur qui lui est fait, et maigre
ASIE MINEURE. 708
l’accueil empressé qu’il rewit des ci- la Cappadoce contre les Arméniens qui
toyens d’Épnèse , la première préoccu- tenaient pour les Partîtes, et pouvoir
pation du proconsul est de prendre en même temps s’opposer à un coup de
ses mesures pour ne pas rester en Asie main sur la ulicie , dans le cas où les
plus d’une année. Il ne demeure qu’un Partîtes attaqueraient cette province.
jour à Éphèse, part de cette ville le Cicéron resta quinze jours au camp de
22 juillet, met une journée pour aller Cibystra. Les avis qu’il recevait du sud
d’Éphèse à Tralles, et se plaintI>eaucoup lui faisait craindre une attaque de la
de la poussière et de la chaleur. part du roi des Parthes, il s’avança vers
Cicéron arrive à Tralles le 27 juillet le Taurus avec son armée : la Cilicie
et à r^odicée le 31. I.es démonstra- même ne paraissait pas très-soumise, et
tions de joie et d’afïection qui lui sont les alliés, écrasés par la dureté et les in-
prodiguées ne le touchent guère, et dès justices du gouvernement romain (I),
le premier jour de son entrée en charge étaient tout prêts à faire défection.
il écrit (!), « Vous ne sauriez croire
: Malgré ses tristes prévisions, Cicéron
combien je suis déjà las du métier que marche en avant, et déploie, avec ses
je fais ; le bel honneur pour moi de faibles contingents,
toutes les qualités
juger les affaires de I.aodicée et de d’un général consommé; il soumet les
commander dans mon exil une armée peuplades du mont Amauus,brûle leurs
de deux légions. Je ne suis point ici à châteaux, et reçoit sur les bords de
ma place ; faites en sorte que j’en sois l’issus le titre ‘d’Imperator, aux lieux
quitte au bout d’une année ». mêmes où Alexandre avait triomphé.
Cicéron est surtout frappé de l’état L’année de son commandement s’a-
déplorable des villes de son gouverne- vançait, mais les campagnes de Cicéron
ment ; les députés lui exposent qu’elles n’étaient pas encore closes; il restait
ne sont pas en mesure de payer les sur ses derrières une population aguer-
taxes qui leur sont imposées: plusieurs rie, dans les montagnes les plus inac-
des habitants étaient obligés de vendre cessibles de la Cilicie, ad in/estissi-
leurs fonds. Il ajoute « Ces pauvres
; mam Ciliciæ partem (2). Il est à noter
villes sont bien à plaindre. • I.aloi Julia que dans tout le cours de sa corres-
accordait au gouverneur et à sa suite le pondance, Cicéron ne prononce pas
droit de prélever sur les habitants les une seule fois le nom de la Pisidie ; il
vivres et les fourrages nécessaires; Ci- donne aux habitants de ces montagnes
céron ne profite pas de cette faculté il: le nom d’Eleuthérociliciens. Toute cette
payait jusqu’au bois ; il accepte quel- campagne de Cicéron en Pisidie est
quefois un gîte chez les habitants , mais décrite en peu de mots et a été, ce me
le plus souvent il couchait sous sa tente. semble, trop peu remarquée. Cicéron,
Il n’y a rien de changé aujourd’hui dans du reste ne parait pas trop savoir ni
la manière de voyager dans ce pays , le quelle ville il a prise, ni quel peuple
ferman de voyage est une émanation de il a combattu; il altère le nom de la
la loi Julia. ville et ignore le nom du peuple qu’il
Cicéron («sse trois Jours à Synnada ; a vaincu.
il préoccupé pour donner à son
est trop Après sa victoire contre les peuples de
ami Atticus aucun détail géographique ; l’Amanus, il ajoute » J'ai conduit mes
:
on voit même qu’il connaît très-peu le troupes chez les peuples les plus indo-
pays. De Synnada, il se rend a Ico- ciles de la Cilicie; lai’ai mis le siège
uium ,
passant par Philomelium
en devant Pindénissus, ville très-bien for-
(Ak cheher). Le 31 d’août (2), il part tiGée (3); depuis vingt cinq jours nous
d'Iconium pour se rendre de la Cilicie avons fait des terrassements, avancé
dans la Cappadoce, et va camper à Ci- des mantelets, élevé des tours avec tant
bystra, « ville de Cappadoce au pied du de fatigues et tant de génie , qu’il ne
Taurus ; c’est là que le proconsul éta- manque à ma gloire que le nom d’une
blit son quartier général pour protéger
(i) Ibid., Epùt. CCXXt.
(i) Ad Alt., ao;. (a) Ibid., CCXXVI.
(a) Ad Fam., CCXllI. (3) Ibid., tiCXXVI.
ro4 L’UNIVKRS.
ville plus célèbre; nous la prendrons encore en Asie jusqu’au milieu de
bientôt, je IVspère. » Il devait encore l’année suivante, il s’occupe unique-
s’écouler vinst-deux jours avant que les ment des affaires de son gouvernement.
Romains entrassent dans la place. Pour ceux qui s’intéressent à la ques-
Enlin le 21 décembre 702, Cicéron an- tion de savoir si l’on trouve des pan-
nonce sa victoire à son ami Attieus (1) : thères en Asie Mineure, les passages de
« La ville de Pindenissus s’est rendue à quelques lettres de Cicéron prouvent que
moi le jour des Saturnales, après qua- du tunps des Romains, on croyait que
rante-sept jours de siège. Qu’est-ce que In Pamphylie en nourrissait à profusion.
c’est que ce Pindenissus ? je ne savais M. Cœlius écrit, en effet, à Cicéron pour
pas quai y eut au monde une ville de le prier de lui en faire passer un certain
ce nom. » nombre. » Vous n’avez pas reçu une
Cette ville que Cicéron n’avait jamais seule lettre où je ne vous aie parlé des
entendu nommer, et dont il altère le panthères ; il serait bien honteux que
nom , ne manque cependant pas d’une Patiscus en eilt envoyé dix à Curion.
certaine célébrité c’est l’ancienne Ped-
: et que je n’en obtinsse pas un plus grand
nelissus, une des priucipales villes des nombre de vous, qui pouvez en tirer
Pisidiens, la rivale de Seigé, dans la d’une quantité d’enoroits. Pour vous, si
vallée supérieure de l'Eurymédon. Elle vous avez la bonté de vous souvenir de
est citée par Strabou ;2). d’après Arté- ma prière et de donner des ordres aux
inidore, qui la met au nombre des villes Cihyrates et en Pamphylie , où l’on dit
de Pisidie, par Étienne de Byzance et qu’d s’en prend beaucoup, vous m’en
par Ptolémée. Iliéroclès étend les fron- procurerez autant qu’il vous plaira (1) ».
tières de la Pisidie jusqu'au milieu du Cicéron ne paraît pas avoir fait
Taurus , et met.Pednelis.sus (3) dans la grande attention à la lettre de Cœlius ;
Pampbylie. Des" mines encore fort im- il ne lui répond pas, et se contente d’é-
portantes ont été découvertes dans une crire, le 13 févriersuivant, à sonami At-
des parties les plus inaccessibles du ticus (2) « Il n’y avait rien de nouveau
:
Taurus, près du village de Baoulo. Ci- pour moi dans cette lettre, hors ce qui
céron dans la même lettre rend compte regarde les panthères de Cibyre; vous
des événements qui ont suivi la prise avez fort bien fait de dire à Oetavius
de la ville. « J’attaquai ensuite Pindé- que vous ne croyiez pas que j’en en-
nissiis (Pednelissus), ville très-forte de voyasse à son collègue. «
la Cilicie indépendante, qui, de mémoire Cicéron aurait eu beaucoup de peine
d’homme, fut toujours en armes, gens à satisfaire son ami; il est probable qu’à
rudes et féroces prêts à se défendre par cette époque les panthères étaient en
tous les moyens. J’entourai la ville d’un Asie Mineure un animal aussi inconnu
fossé et d’un retranchement, et j’établis qu’aujourd’hui il devait se trouver en
:
(i) Ad ait., CC.XXVIII. (1) Ad- fani. Ep. CCXI, 2 sept. 720.
(a) XIV, 667. (2) Ibid., CCL.
(
3) Voy. plus bas Pednelissus. ( 3) Strabou, XIV ,
667.
)
prince Attale, 158 ans avant notre ère, sent la saison chaude sans rentrer en
paraît avoir été la cause de la ruine ville. Tous les fruits réussiraient sur ce
d’Ülbia. La position de la nouvelle ville, sol fertile, si une bonne administration
facilitait la production au lieu de l’en-
(i) XIV, 65;. traver. La ville est on ne peut plus mal
45’’ Ucraisoii. (Asie Mi.neure. T. II. 45
,
706 L’UINIVERS,
sance dans le plateau de Padam agatch on arrive ensuite, après une heure et
au sud d’istenas. Le cours de cette ri- demie de marche, au principal cours du
vière suit une vallée qui descend directe- fleuve,que l’on traverse sur un pont de
ment dans la plaine d’Adalia. Les mon- cinq arcties. L’eau est d’une l’impidite
tagnes de ces vallées sont composées de remarquable , tout est désert aux en-
roches tendres et poreuses dans lesquel- virons, aussi les familles d’oiseaux aqua;
Le Douden tiques vivent-elles là dans Aine sécurité
.
de l'homme. Le bassin du Douden est tous les monuments sont bâtis en petits
séparé de celui du Cestrus (Ak sou) par moellons réunis par du mortier, un
une ondulation de terrain qui com- certain nombre de sarcophages portent
mence à douze kilomètres de la rive du des inscriptions antérieures au cnristia-
fleuve. Les collines sont presque eu- nisine. Plusieurs lignes d’aqueducs dé-
tièrement composées d’agioiirerats sa- rivés sans doute du Catarrhactès cir-
blonneux et de roches d’eau douce de la culent en tout sens; on remarque
nature du travertin, que l’on retrouve surtout un canal de deux ou trois cents
employées comme blocage dans les mètres de longueur construit en larges
constructions autiques de la contrée. dalles de pierre qui traverse la ville de
Après avoir franchi ces collines , dont art en part. Les rebords sont ornés de
la largeur est de (quatre kilomètres, ou gures grossières de poissons et d’au-
arrive dans la vallee du Cestrus, où est tres animaux : on avait placé des bancs
située la ville de Perga. de pierre de distance en distance. Aux
angles du canal s’élèvent encore des
CIIAPITUK XXXI. iâlestaux sur Tun desquels ou lit : I.e
euve des Lagoniens : inscription qui
LS.üOiN. — TERHESSUS. prouve que ces ruines sont celles de la
ville de Lagon.
La grande route des caravanes qui Les vestiges des bâtiments publics et
relie Adaliaavec les villes de l'intérieur des maisons particulières couvrent une
suit encore la direction de l'ancienne très-grande surface de terrain , mais
voie romaine tracée à travers le Tau- toutes ces ruines sont d’un constrnetiou
rus; on eu reconnaît les traces à partir très-peu soiguée.
d'Isbarta eu passant par Agiasouu, et
sur le flanc de la vallée de Sousouse, qui CHAPITRE XXXIl.
débouche dans la plaine ; elle est en-
core conservée dans une longueur de
plusieurs kilomètres avec son pavement
TEBMBSSUS.
en grandes pierres calcaires. Les étapes
sont à peu de choses près les mêmes, et Termessus , une des places les plus
les anciens sultans ont fait construire importantes de la Pisidie, commandait
des caravanseraî sur l’emplacentent des le passage entre la Cibyratis et le Mi-
villes anciennes qui étaient ruinées. Le Ivas, dans la Pamphylie. Alexandre,
grand caravanseraî d’Evdir, bâti dans dans sa marche sur Issus , et Manlius
la plaine d'Adalia par iesultau Sélim P', pendant sa campagne de Galatie , vin-
et celui de Goulik khan, remplacent les rent tour à tour attaquer Termessus.
villes de Lagon et de Termessus. Les historiens nous ont laissé des dé-
TiieLive rapporte que Manlius, dans tails circonstanciés sur ces expéditions.
sa marche à travers la Pisidie, arriva Depuis le commencement du premier
devant la ville de Lagon, qu’il trouva siècle avaut notre ère, Termessus rentre
déserte ; mais dans leur fuite précipitée dans une nuit de quinze siècles. Nous
les habitants avaient abandonné leurs savons seulement qu’elle fut le siège
biens et leurs provisions, qui furent mis d’un évêché, mais il n’est plus question
au pillage et servirent à ravitailler l’ar- de cette ville pendant toute la période
mée romaine; depuisce temps,aucunau- byzantine. On n’en parle pas davantage
teur ancien n’avait parlé de Lagon, dont à l’époque de l’invasion seidjoukide ni
les ruines ont été reconnues par M. Spratt au moment du passage des croisés dans
au voisinage du khan d’Kvdir, dans la les montagnes du Tuurus ; nous igno-
plaine d’Adalia, ù dix-huit kilomètres rons les causes de son accroissement,
environ vers les montagnes. de sa prospérité et de son abandon. Ti-
Lagon parait avoir conservé jusqu’à mour, qui a détruit tant de villes, n’en a
un temps assez moderne une popula- pas approché ; d’ailleurs elle était déjà
ton considérable, si l’on en juge par déserte de son temps. Son enceinte n’est
l’étendue qu’elle occupe ; on reconnaît pas même occupée par un village turc :
les rinnes de plusieurs églises; mais un simple caravanseraî suffît aux rarqs
Ai.
d by VjOOgIc
708 L’UNIVERS.
voyageurs qui s’aventurent dans la mon- vallée inférieure du Taurus, au pied de
tagne. Gulik dagh, à vingt-quatre kilomètres
Cependant les ruines de Termessus, environ a l’ouest d’Adalia et à neuf
retrouvées par M. Spratt et presque en kilomètres de l’entrée de la vallée, au
même temps par M. Schænuorn, lieu nommé Gulik khan le caravan-
,
l'un d’eux porte en grandes lettres le iasse au-dessous des ruines de Saga-
nom de Termessus. Plus loin est le fassus :on l’appelle Agiasoun tchaî ; l’au-
quartier des habitations particulières; tre rivière, Isbarta tchaï, vient des envi-
l'Agora est au centre; sur la face nord rons d’isbarta, l’ancienne Baria ; elle tra-
est une ligne de salles souterraines qui verse la plaine de Pambouk ova si, qui
ont pu servir de citernes ou plutôt de appartient à la Pisidie, et coule droit au
silos, pour conserver les grains; on re- sud, à travers la grande plaine de Pam-
trouve la même disposition à Antiphel- phylie, sans rencontrer aucun obstacle.
liis et à Aspendus. Un rocher qui s’élève Dans son bassin inférieur le Cestrus re-
dans l'angle de l’Agora est couronné oit une autre petite rivière venant de
par un sarcophage ;
à l’angle opposé est ouest dont le nom ancien est inconnu,
un grand éaitice d’ordre dorique, et on l'appelle aujourd’hui Sari sou, l’eau
un peu plus loin s’élèvent deux pe- jaune ou rivière de Mourtana, c'est cette
titstemples. Un grand bâtiment qui a rivière qui arrose les murs de Perga et
pu appartenir à un monastère et une non pas le Cestrus qui en passe à plus
église attenante sont les seuls monu- de trois kilomètres ; le Cestrus n’a pas
ments chrétiens que l’on observe à Ter- d’affluent venant de l’est, les indigènes
messus. Le théâtre est construit à l’angle lui donnent le nom de Ak sou, l’eau blan-
de l’Agora, auuuel il était réuni par un che, parce que souvent ses eaux ont une
portique ; il a aix-huit rangs de sièges à couleur laiteuse à cause de l’argile
la première précinction et neuf a la se- qu’elles tiennent en dissolution.
conde. Leproscénium est en partie con- Le bassin de l’Ak sou est séparé de
servé; l’architecture en est simple et celui du Douden par une ligne Je colli-
sans sculptures ; il domine un profond nes basses qui ont environ quatre kilo-
ravin en communication avec le bas mètres de large et qui se prolongent
de la ville par un chemin tortueux. Tous jusqu’à la mer, au lieu dit Laara. On y
ces monuments sont de l’époque ro- voit les vestiges d’un port artificiel formé
maine, mais les forlilications sont gé- de deux jetées ; l'une est encore en assez
néralement des ouvrages grecs. Les bon état, l’autre est aujourd’hui sous
tours sont au nombre de dix; elles ont l’eau. D’après les mesures du Stadias-
environ six mètres de front ; dans l’inté- mus iM. M., ces ruines peuvent être celles
rieur on retrouve les escaliers de ser- de l’ancienne Magidus. A la hauteur de
vice, une des tours s’élève a la hauteur Perga le Cestrus n’est plus guéable ; on
de huit mètres. le passe dans un bac; il va se jeter à la
Ces deux longs murs qui coupent la mer à douze kilomètres au sud de ce
vallée paraissent avoir été faits dans le point. Tout le pays qu’il traverse est une
but de défendre la ville du côté du sud
,
plaine marécageuse en hiver.
contre les Pamphyliens et du côté de Quand on a franchi la ligne des col-
l'ouest contre les Cibyrates. On ne voit lines, la grande plaine de Pampliylie se
aucune construction faite avec les dé- développe aux regards jusqu’aux limites
bris antiques ,
ainsi qu’on le remarque de l’horizon. On voit à ses pieds une
dans les autres vestiges d'une
villes, grande villeavec ses mprailles, ses tours
population plus pauvre qui aurait occupé et ses jardins. Mais cette ville est dé-
les ruines de Termessus. L’obscurité la serte ; ce sont les ruines de l’antique
plus complète règne sur l’abandon de Perga. Le petit village de Mourtana, bâti
cette ville, qui n’a plusmême de nom sur la pentp de la colline, au nord de la
chez les indigènes d’aujourd'hui. ville, est le seul lieu habité. Les ruines
de Perga sont dominées, au nord, par
CHAPITRE XXXIII. un monticule de forme carrée dont le
sommet est uni comme une table; c’est
FERGA. — LE CESTBUS. l’ancienne acropole, et probablement le
berceau de la ville les habitants ne sont
;
Le Cestnis prend sa source dans les descendus dans la plaine que quand le
plateaux élevés du Taurus; son cours pays a été assaini et pacifie.
supérieur est formé par deux petites ri- Du haut de ce monticule on aperçoit
vières, l’une qui vient de l’ouest et qui à l'est une autre montagne presque
710 l.’UNlVliRS.
semblable ; c’est le site de Syllœum, que serait pas servi de cette expressimsi l i
l’on apercevait de Perga {!)• Aspeiiaiis figure de la déesse eût été un grossier
est également située sur une montagne simulacre.
aux limites de la plaine. Aujourd’hui le temple de Diane est
entièrement détruit, quelques restes de
PKRGA. chapiteaux de style grec semblent indi-
quer qu’il était bâti sur la montagne.
Les Grecs disent Pergé , nipyi) ; Pli- On ne peut pas oublier que saint Paul
ne (2) et Cicéron (3) disent Perga. Le est venu prêcher à Perga ; que cette ville
nom de Perga, iHpf»), vient, comme ceux a été une métropole ecclésiastique, où
de Pergame et du Pergama , de la ra- tous les temples du paganisme ont été
cine indo-germanique Perg, lieu élevé détruits. Cicéron ne manque pas de rap-
*l’où les Allemands ont fait Burg et Berg
peler que Perga et Aspenous étaient des
et les Grecs llûpfoî (4). villes alliées et amies du peuple romain;
Perga était une des plus célèbres villes cette condition, jointe à la qualité de
de Pamphylie; l’époque de sa fondation ville religieuse, a dû valoir a Perga une
est inconnue; elle était célèbre par son période assez longue de tranquillité. Ün
temple de Diane Pergéenne, qui attirait peut imaginer quelle aftiueuce d’étran-
tous les ans un grand concours de peu- gers y arrivait au moment des panégy-
ples à ses fêtes ou panégyries. I.e peu
ries. Les murailles existent encore; nous
de mots que dit Strabon à ce sujet donne avons relevé le plan de la ville et des
à croire que le service de ce temple était monuments, qui sont encore d’une con-
organisé comme ceux des autres temples servation parfaite; il ressort de cette
de Diane à Comana, où l’on faisait aussi comparaison que la ville occupait trente-
des processions en portant la statue de six hectares, dont il faut détalquer les
la déesse; son culte était assimile à celui
rues et les monuments publics. Le théâ-
de Diane Éphésieune, d'Anaïtis et d’A- tre contenait treize mille spectateurs, et
phrodite. Les médailles de Perga repré- le cirque attenant au théâtre dix mille
sentent le temple de Diane Pergéenue spectateurs.
ayant au centre, le symbole de la déesse Alexandre et Manlius, qui se sont sui-
sous la forme d’un cône ou d’une borne vis à cent quarante-trois ans dedistance,
avec deux sphinx ailés de chaque côté ont paru devant Perga pour la rançon-
et la légende MANA^PAS BPIINAS, Ma-
ner un peu ; mais les habitants ont su
napsa Pergéenne dans ledialectedupays. se faire des amis de l’un et de l’autre,
Il est a croire cependant que le temple
ils servirent de guide à Alexandre pour
renfermait une statue de la déesse avec le conduire à Aspendus (1). Garsyeris,
les attributs que lui donnaient les Grecs.
général d’Açhæus, vint aussi se ravitail-
En effet, dans son action contre Ver- ler à Perga après avoir soutenu Ped-
rès Cicéron s’écrie Dans Perga, Diane,
:
pelissus contre 5>elge. Saint Paul et Bar-
comme vous le savez, a un temple très- nabé débarquèrent à Perga en arrivant
ancien et très-rcspecté ; je dis , Verrès de Chypre (2) , ils n’y séjournèrent pas
qu’il a été entièrement pillé et dépouillé
et se rendirent à Antioche de Pisidie
par vous vous avez même détaché de
:
et de là à Iconium , répandant partout
Diane elle-même tout l’or qui la cou- la doctrine de l’Evangile; ce fut à leur
vrait (5). Il semble que Cicéron ne se
refour qu’ils s’arrêtèrent a Perga et com-
mencèrent leurs prédications. L’effet de
(i) .Strahon, XIV, (167-668.
la parole de saint Paul avait été tel dans
(») Pline, V, ig.
3 ) In Verrem,
toute la Cappadoce, que plusieurs églises
( II, liv. I, ao.
(i) iiulè Burg Schrevelius lex.
furent fondées, notamment à Lystraet
Du éditeur de Pline remarquait il y a cent à Derbé. Si nous ne connaissons pas
ans que Perga devait se trouver sur une n(Ou- l’effet direct des prédications de saint
tagne; sa conjecture s’est vérifiée. Puinsinet Paul à Perga, nous pouvons supposer
de Sevry, Pline, liv. V, ag, 177 r, iu- 4 ”. qu’elles n’eurent pas moins de retentis-
(5) Cic. v. id. ih.
Ex ips.i Diana, qund hahet ami, detraa- (i) Pnlyb. v. 75, XII, iS.
tiim alipie aldaliim. 'a) AcI. XII, l .i.
,
semenl, car dès les premiers siècles du autre grand édifice carré composé de
cliristianisme, Perga fut élevée au rang plusieurs salles qui étaient voûtées en
(te métropole de la Pamphylie, et comme berceau. La destination de cet édifice
uous n'y retrouvons, au milieu de tant n’est pas bien précise.
de monuments, aucun vestige de temple, Un troisième édifice est situé dans la
nous devons admettre qu’ils furent dé- perpendiculaire de la rue des portiques;
molis pour être rem placés par des égl ises. il était décoré de sculptures et de revê-
représentations dramatiques chez les nord, sur un pont turc presque ruiné, et
anciens. Ce monument et le théâtre de un peu plus au sud dans un bac. Cette
la ville voisine Aspendus ne laissent rien dernière roule est la meilleure ; elle est
à désirer sous ce rapport. Quant à l’é- presque entièrement dégagée de buis-
poque où il fut construit, des indices cer- sons.
tains nous prouvent qu’il est postérieur De la rive du Cestrus les ruines tie
au règne de Titus , nous avons relevé Perga se présentent dans leur plus en-
et mesuré avec soin cet important édi- tier développement; les murailles de
fice.
L’arène du stade n’est pas même cou- (i) Siraboii.XIV, 667,
ASIK MFNF.URK. 713
l’estencore oonservt'es dans toute leur guidé par les habitants de Perga. Plus
étendue, les hautes tours carrées hàties tard iis fournirent un contingent de
en pierres blanches, donnent aces ruines troupes à Achxus pour aller faire le
l’aspect d’une ville vivante et populeuse. siège de Seigé, et lorsque Manlius parut
Les monts Solyma et le Taurus termi- sur les frontières de Pamphylic, ils lui
nent l’horizon et composent un tableau envoyèrent des députés en contribuant
d’une rare beauté quand il est éclairé par au ravitaillement de son armée, qui ne
le soleil du soir. vivait que du pillage des villes. Syllacum
Au delà du Cestrus on remonte vers parvint ainsi à conserver son autonomie
le nord-est, et l’on arrive en deux heures non-seulement sous legouvemement d’ A-
de route à Hassar keui, village d’une chæus, mais aussi sous le gouvernement
cinquantaine de maisons où réside un romain; toutes ces villes Jouissaient du
agha; c’est l’ancienne Syllæum. titre d’allié^ de Rome (I).
Ici ce ne sont plus, comme à Perga, Sous l’empire byzantin Syllæum fut
des colonnades ni de riches portiques : élevée au rang d’évéché, et semble avoir
Svllacum paraît être restée ce que ces été la dernière ville chrétienne de Pani-
villes étaient dans l’origine, une place phylie. Perga et Aspendus étaient déjà
de guerre sérieusement fortifiée ou re-
;
désertes quand l’évéque de Syllæum
marque peu de vestiges de monuments paraît encore dans les notices eccle-
dans la plaine. Un mur en appareil pé- siastiques.
lasgique forme la première enceinte. La Au nord de Svllæuin s’ouvre une
plupart des édifices sont aujourd’hui vallée d’un parcours difficile; c’est la
détruits ; mais ils ont laissé sur le roc vallée de Kirk ghetchid (des quarante
l’empreinte de leurs fondations. Partout guesl; elle conduit dans 1a plaine de
la montagne a été tranchée au vif pour Pambouk ova si ; de là on remonte par
former de grands emmarchements et une suite de plateaux et de vallées inex-
creuser de vastes citernes, le seul moyen tricables jusqu'au village de Baoulo où
d’approvisionner la ville en cas de siège. sont les ruines de Pednelissus; on peut
Une grande esplanade toute taillée dans y arriver aussi eu descendant les hautes
le roc paraît avoir été l’emplacement vallées du Cestrus par Isbarta.
de l'agora. Près de là est un ancien pa-
lais <lont il reste encore une porte en CHAPITRE XXXVI.
partie engagée dans une construction du
moyen âge. M. Daniell a reconnu sur le PEDNELISSUS. — KABA BAOULO.
pied-droit une inscription qu’il n’a pu
copier; elle est écrite dans une langue L’emplacement de Pednelissus était
barbare et inintelligible. vaguement indiqué par les géographes
Au nord-ouest de la ville s’élève une dans les pentes mérioionales du Taurus
haute tour bâtie en grands blocs de qui regardent la Pamphylie, c’est-à-
pierre unis sans mortier, et du côté dire dans le Taurus Pisidien; c’est cette
du sud la montagne forme une dé- région que Cicéron attribuait aux Éleu-
fense naturelle rendue encore plus thérociliciens, et qu’il alla soumettre
forte par des travaux exécutés dans avec ses deux légions. On savait aussi
le rocher. L’entrée de la ville paraît ue Pednelissus n’était pas éloignée de
avoir -été du côté du sud-est par une eigé, puisque les deux peuples étaient
route en lacet taillée dans le roc; toujours en guerre. M. Sohœnborn a dé-
l’acropole est un peu plus élevée que terminé remplacement de l’une et de
celle de Perga ; du côté du sud, la vue l’autre cité et a comblé la lacune qui
s’étend jusqu’à la mer a dix ou douze ki- existait dans la connaissance des villes
lomètres de distance. ce sont les soixante
: de Pisidie.
stades marqués par Strabon. Eu partant d’Egdir et en se dirigeant
Les habitants de Syllaeum se sentaient vers les sources du Cestrus paruue route
assez forts derrière leurs murailles pour qui tend au sud-ouest, on arrive aux
avoir la pensée de résister à l’armée sources de la rivière Kutchuk sou, petit
il’Alexandre , qui ne s’arrêta pas devant
la ville, et marcha droit sur Aspendus (i) rie., in f'er. supra.
:i 1 L’UNIVRRS.
t
'*
l'uisseaii t le pays est désert et d'un par- trois jambes d’homme partant d’un
coui s très-dillicile; des forêts de pins et centre commun et s’étendant comme des
(le péuevriers, où s’enlacent d’inextrica- rayons. Cette figure est aussi représentée
bles broussailles, entravent constamment sur beaucoup de médailles de Sicile;
In route; le second jour de marche, on plusieurs pieds-droits de portes sont
arrive à Baoulo, gros village avec une aussi ornés de moulures.
mosquée, entouré de jardins et caché au A
l’entrée du déûlé et non loin du
milieu de la forêt. Ce lieu est à mille mè- temple se trouve un escalier de dix-neuf
tres environ au-dessus du niveau de la marches et de dix mètres de large , qui
mer. conduit à un grand bâtiment de pier res
A quinze kilomètres au nord de de taille attenant à une tour de même
Baoulo sont des ruines antiques connues construction; à l’entoursont les restes de
dans le pays sous le nom de Kara Baoulo )lusieursautres édifices antiques. Devant
(le Baoulo noir). Ces ruines sont celles de fa seconde montagne-dans la plaine sont
l’ancienne Pednelissus. Elles s’étendent disséminés des édifices de differents sty-
sur la pente d’un plateau borné au sud les mais sans ornemenis ; en arrière s’é-
par une montagne rocheuse couronnée lève un second temple de la même dimen-
par une forêt. sion que celui de Jupiter et dont les mu-
Au nord court une ligne de collines railles sont entières; il paraît avoir fait
peu élevées, et à l’est une croupe en partie del’agora. Les ruines du nord sont
pente douce. Les ruines de la ville s’é- moins étendues que celles du sud, mais
tendent en grande partie dans la plaine; leur état de destruction empêche tout
le reste s’enfonce dans nn ravin ro- examen détaillé. On reconnaît seulement
cheux. A l’ouest on aperçoit un châ- un petit temple qui, d’après l’inscrip-
teau construit en grands blocs de pierre tion, était consacré à Jupiter Séiapis ;
de taille, Oanqué de tours reliées par des plusieurs colonnes gisent autour. On
murailles entièrement ruinées. Une se- remarque un très-petit nombre de sar-
conde citadelle aussi en ruine s’élève en cophages ; la nécropole se trouvait peut
face. La plaine qui les sépare est cou- être plus éloignée de la ville.
verte d'une masse de ruines où l’on voit Les Yourouk viennent prendre dans
des fûts de colonnes, des sarcophages et ces ruines les matériaux pour faire les
des blocs de pierre provenant de mu- enceintes destinées à leurs troupeaux;
railles démolies. on en porte aussi à Baoulo pour les ci-
A l’entrée d’un déBlé qui s’ouvre metières. Le lendemain du jour où
dans la plaine s’élèvent les ruines d’un M. Scheenborn visitait ces ruines, un
grand temple de Jupiter, qui peut avoir immense incendie éclata dans la forêt
trente pas de long et dix-sept de et coupa court à toute autre investiga-
large; il est bâti en grandes pierres tion.
de taille. Ce monument est à demi dé- marquée par Slrabon
Pednelle.ssns est
truit; le terrain d’alentour est couvert dans la vallée de l’Eurymédon, au-dessus
de fûts et de fragments de colonnes. d’Aspendus ; il la compte au nombre des
On n’aperçoit pas de chapiteaux ; mais villes de Pisidic mais lliérociès, qui
;
remarquables, sont construites dans dif- au bout d’une heure, on entre dans la
férents quartiers; on en compte plus montagne, et l’on se trouve à la nais-
de trente elles sont pour la plupart
: sance d’une vallée au fond de laquelle
entourées de beaux arbres. Les Jardins coule une petite rivière c’est la branche
:
n'y trouve aucun monument ancien : s’il existait aux environs quelque lac
Ritter la regarde comme l’ancienne (Gheul) ; les indigènes nous ont toujours
Seleucia Sidéra. Dans l’une des îles du répondu qu’ils n’en connaissaient pas.
lac il
y a un monastère et une église On peut bien regarder comme tel des
grecque où l’on remarque des peintures terres basses qui sont sans doute maré-
de très-ancien style. cageuses en hiver, mais au mois de juin
Antioche de Pisidie, célèbre par le sé- tous ces terrains sont parfaitement secs ;
prédicationsdesaintPaul,était
jour, et les c'est ce qui nous autorise à dire que
situéedans le bassin nord du lac au vil- le lac Capria est desséché. Strabon
lagede Yalobatch; elle avait le titre de n’aurait pas mentionné comme un lac
Colonia Cæsaræa ; elle a été fondée par une lagune marécageuse.
les Magnétes de Magnésie du Méandre. D’autres voyageurs ont bien fait men-
tion d’un Capri et du Capri sou, nom
CHAPITRE XXXVIIl. qui frappait l’oreille comme une ré-
miniscenee du lac Capria; c’est une
BAL KIZ SEBAÏ. — ASPEISDUS. erreur de mots faite par quelque inter-
prète. Le cours inférieur de l’Eury-
De Syllæum aux rives de l’Eurymé- médon s’appelle Keupri sou , et le petit
don, toute la grande plaine de Pam- bourg à l’embouchure, Keupri bazar;
phvlie parait avoir été uniquement oc- l’un signifie:la rivière du Pont à cause
,
cupée par des cultures. Peut-êtrele grand d’un ancien pont romain jeté sur le
lacCapria rendait-il le pays trop malsain fleuve, et l’autre : le marché du Pont,
pour qu’on pût y établir 'des habitations pareeque chaque semaine les villages
fixes. Mais aujourd’hui il ne reste ancun voisins se réunissent pour un marché ;
ancien vestige dans cette vaste plaine, c’est là tout le souvenir qui reste du
quelques pauvres villages sont habités lac Capria. Tout paysan à qui l’on de-
par des familles de bergers. mandera s'il existe aux environs quelque
Une heure après avoir quitté Syl- lieu nommé Keupri ou Capri, ne
læutn , on entre dans une forêt d’arbres manquera pas de répondre affirmative-
de haute fiitaie dont les éclaircies sont ment.
718 L'UNIVEllS.
riage ayant été repoussée, le roi des ser- Ces mots, Domui augustorum, indi-
pents résolut d’enlever la reine; mais quent suffisamment que ce théâtre fut
pour parvenir à son but il fallait tra- construit sous le règne d’Antoninet de
verser la vallée ; c’est alors qu’il fit Lucius Vérus.
construire un pont gigantesque dont Une autre inscription placée dans
vous voyez encore les ruines. Au bout l’intérieur nous dit te nom de l’auteur
de l’année la reine mourut en laissant de cet ouvrage.
une fille au’on nomma Bal Kiz, la « Le sénat et le peuple ont honoré
fille du miel ; et le roi des serpents lui Zénon l’architecte au théâtre et des
lit construire un vaste palais au sommet travaux de la ville ; l’ont honoré d’une
duquel il fit graver le portrait de Bal statue dans le théâtre, et lui ont fait
Kiz, et à l’appui de son récit, le vieux présent d’un jardin près de l’bippo-
Turcoman nous montrait un aqueduc drome. »
partant du pied du Taurus et aboutis- La grande salle des mimes s’étend
sant à la montagne. Le palais de Bal Kiz dans toute la largeur de la scène; au-
n’est autre chose qu’un immense théâtre dessus étaient deux autres galeries : celle
romain merveilleusement conservé et du premier étage et la salle de service
bien propre à inspirer aux sauvages des machines.'
habitants de ces montagnes des lé- Aux deux extrémités de la salle des
gendes féeriques. mimes sont deux escaliers qui desser-
Les ruines d’Aspendus sont éparses vent les trois étages , dans les ailes sont
sur la montagne; on v retrouve l’en- des chambres destinées sans doute aux
semble de tous les édifices qui ornaient chefs des jeux.
les villes grecques, mais' elles sont ef- On entre sur la scène par cinq portes :
facées par le splendide théâtre dont la celle du milieu, la porte royale, est la
conservation a lieu de surprendre. plus haute.
11 n’y manque en effet que les ou- La façade du proscénium était ornée
vrages qui étaient en bois les portes et
: de deux ordres de colonnes accouplées
la couverture, et encore retrouve-t-on et portées sur des piédestaux, deux entre
les amorces de toute la charpente dans chaque porte.
les trous de scellement qui restent sur L’ordre du rez-de-chaussée est ioni-
les murs. que, l’entablement est en marbre blanc
La façade du proscénium est bâtie en orné de têtes de victimes et de masques
grandes pierres de taille à bossage, ou tragiques.
entre dans l’intérieur par trois grandes L’ordre supérieur est corinthien,
portes. porte une frise ornée de rinceaux; la
Au premier étage est un rang de fe- corniche est orrtée de modillons, les
nêtres ceintrées et le mur est couronné caissons représentent des masques tra-
giques.
(i) SIr.iIjoiii'XIV, 667. Chaque couple de colonnes est sur-
,
monté d’un fronton alternativement ar- aussi par Zénou, cet édifice est envahi
rondi et angulaire. par les lianes et dans un état de des-
I.e centre de colonnade est sur-
la truction avancée.
monté d’un grand fronton dans le Sur le sommet de la montagne ou
fvmpan duquel est sculptée une figure retrouve les ruines de l’agora dé la ba- ,
dé femme nue , les cheveux tombant ; silique et d'autres édifices que nous
elle sort du calice d’une fleur et tient n'avons pas déterminés.
dans ses deux mains des rinceaux de L’aqueduc traverse la plaine, supporté
feuillage , c’est cette figure que les par un double rang d’arcades en pierres
habitants regardent comme le portrait de taille ; en approchant de la montagne
de Bal Kiz. d’Aspendus, le canal se relève, c’est un
Les gradins de la salle sont tous en véritable siphon comme celui que
place; il y a vingt et un rangs à la pre- nous avons vu à Kalamaki ; il va se dé-
mière précinction et dix-huit à la se- verser dans un château d’eau au niveau
conde. Des escaliers desservent tous les de la montagne.
étages, et deux grands vomitoires con- Aspeiidus colonie d’Argos était une
duisent du dehors à la première pré- des plus anciennes villes de la Pain-
cinction. phyhe, il en est fait mention au cin-
Le portique supérieur est absolument quième siècle avant notre ère. En 391
intact,il est composé de cinquante Tlirasibule ayant été chargé de faire
trois arcades ; les colonnes engagées ont rentrer les villes grecques sous le pou-
dans la partie supérieure une console voir d’Athènes, débarqua près d’Aspen-
qui portait sans doute un buste. dus pour aller lever les contributions;
De chaque côté de l’orchestre est une ses soldats s’étalent dirigés vers la ville
loge pour les personnages consulaires. quelques habitants; les
et avaient pillé
Le pulpitum est massif, on ne peut en Aspeudiens une sortie nocturne
firent
reconnaître les dispositions intérieures ; et tuèrent Thrnsibuledans sa tente.
mais sur les ailes en retour et au-dessus Lorsque Alexandre se présenta devant
de la colonnade on reconnaît les amorces Aspendus les habitants avaient consenti
de la charpente qui couvrait la scène à lui payer cinquante talents et à lui
formait un appentis d’environ huit
elle livrer les chevaux qu’ils élevaient |)our
mètres de largeur, la partie supérieure le roi de Perse ; plus tard ils refusè-
communiquait avec la galerie des com- rent d’accomplir leurs engagements.
bles. Après avoir vu cet édifice il ne Alexandre fit entourer la ville et s’ap-
reste aucun doute sur la manière dont prêtait à en faire le siège, lorsqu’ils
la scène des anciens théâtres était dis- consentirent à se soumettre. Si l’un eu
posée, le jeu des machines. La hausse juge par l’état des ruines, Aspendus
et la baisse de cette grande toile qu’on ne fut jamais une place très-forte, toutes
appelait le Catablema se faisait par le les murailles sont écroulées, et nous
comble. Toutes les machines décrites n’avoiis pas reconnu l’emplacement de
par Pollux trouvent leur place dans cet l'acropole, mais nous savons que les
édifice. L’orchestre est vide aujourd’hui, arts étaient cultivés dans cette ville
nous ignorons s’il contenait des sièges grecque avec plus de succès que dans
selon la mode romaine ou s’il servait aucune autre , les nombreux objets
pour les évolutions du choeur selon la précieux qui la décoraient avaient tenté
mode grecque. Verrès, ce qui fit dire à Cicéron (1) :
11 est certain qu’on a donné des re- Aspendus est, comme vous le savez,
présentations dans ce théâtre jusqu’à une ancienne ville de Pampbylie ;
elle
une épo([ue assez avancée de la déca- était remplie de statues très-ëstimées,
dence, les peintures barbares et les je ne dirai pas telle ou telle statue fut
ligures incorrectes qui existent encore enlevée je dirai Verrès vous les avez
:
sur le proscéiiium eu font foi. enlevées toutes des temples et des lieux
Le mur de soutènement des gradins publics; elles furent entassées sur des
est parallèle à la scène, ce qui n’,i pas chariots et emportées hors de la ville.
lieu dans les théâtres grecs. A côté du
théâtre, au nord, est l’Iiippodromc, bâti (i) In Ym'ein ar. H, Ilb 1, XX.
Digilized by Google
720 l.'UMVF.RS.
Cicéron rappelle le .loueur ilc lutli d' As- méridional du Taurus. D’après de va-
pendus, statue célèbre que Verrès fit gues récits des indigènes, Arundell avait
mettre dans ses appartements. Pillées déjà marqué la place de cette ville au
de la sorte les villes grecques ii’avaicnt village de Sergbé au sud de Bullasan,
|)lus'sous les Byzantins que des édifices età une journée de marche au nord d’As-
vides. Après les statues ou pilla les pendus, en suivant la vallée de l'Eu-
tombeaux et peu à peu les populations rymédon. RL Schœnborn a déterminé
désertèrent. remplacement , de Selgé au pied de la
L’embouchure de l’Eurymédon pa- montagne de Bouz bouroun, a une hau-
raît avoir subi de uotab'les change- teur de 1250 mètres au-dessus de la
ments depuis l’antiquité ; les allu- mer, au village de Serghc ou Surk. Pin
vions ont fait reculer la mer; quand partant de Bullasan il descend dans la
nous voyons la puissance des atterris- vallée de l’Eurymédon et par une route
sements à l’embouchnre du Tibre nous très-difficile, il monte en serpentant
ne devons pas nous étonner que depuis jusqu'au plateau ou s’élèvent les ruines
le cinquième siècle avant notre cre, la de Selgé au milieu desquelles sont bâ-
physionomie de cette côte ait été aussi ties les maisons du village.
modifiée. Du temps de Pomponius Les Selgiens, dit Strabon, comptaient
Mcla (I), " du haut d’une colline tres- au nombre des peuples les plus puis-
clevée Aspendus, colonie des Argiens, sants de la Pisidie ; il nomme ensuite
jouissait de la vue de la mer »; aujour- les Pednilessiens, qui en étaient limitro-
d’hui le rivage est éloigné de quitize à phes; leur pays était soumis à différents
dix-huit kilomètres, ce qni est un peu tvrans comme les deux Cilicies. La vie
plus des soixante stades de Strabon. oes Pisidiens se passait dans la maraude
1,’embouchure de l’Eurymédon fut le et le pillage. D’après une ancienne tra-
théâtre d'une des plus importantes vic- dition, les Léiéges étaient venus se
toires remportées par les Athéniens sur joindre à eux, et s’étaient installés dans
les Perses en 469 avant notre ère. Les leurs, montagnes leurs mœurs de
S
:
Digiüzâd by Cooglc
,
chesses. Dans le dixième siècle elle con- sont d’anciens nains. Les environs ne
servait sa mauvaise réputation, Cons- sont pas encore bien étudiés; Corançez
tantin Porpliyrogénète la nomme l’ofû- a vu autour de la ville des fortifica-
cine des pirates : Piratarum ofücina. tions qu’il n’a fait qu’indiquer, et de
Les ruines de Sidé, aujourd’hui com- nombreuses inscriptions qui n'ont pas
plètement désertes, sont connues dans été copiées. Le séiour à Sidé est très-
le pays sous le nom de l’ancienne Adalia diflicile à cause du manque total de
Eski Adalia. ressources.
La ville était située sur une presqu’île ; A l’exception des murailles qui pa-
les murailles du côté de la terre sont raissent être un ouvrage grec, les ruines
encore entièrement conservées, elles sont de Sidé sont toutes de l’époque romaine,
construites en pierres de grand appa- et l’on peut ajouter d’un sty-le assez mé-
reil et flanquées de tours. Du côté de diocre. Les restes de sculpture et les
la ville elles présentent une série d’ou- bas-reliefs que l’on rencontre çà et là
vrages voûtés espèces de casemates pour dans ces ruines sont du troisième ou
loger les machines. Les tours sont es- quatrième siècle; c’était en effet l’épo-
pacées de dix à douze mètres, c’est une que de la plus grande prospérité de cette
demi-portée de trait ; un chemin de ronde ville.
fortilié formait une double enceinte. Les causes de la dépopulation de
Quatre portes donnaient accès dans Sidé sont faciles à résumer; Adalia dans
la place deux à l’est, et les deux autres le moyen âge a absorbé tout le com-
au nord et à l’ouest; la dernière était merce de la contrée. Les communica-
la porte de la marine. Le grand port est tions faciles avec l’intérieur par la
situé entre la presqu’île et le continent; grande vallée de Sousouse en firent le
on distingue encore sous les eaux les grand entrepôt du commerce entre les
pierres du grand môle qui le fermait; fies, la Syrie et la Karamanie; Sidé, au
contraire, est cernée par les montagnes
(i) .SIrabon, XIV, 664. abruptes et presque infranchissables de
,
la Pisidie ; de plus elle n'était approvi- la Cilicie n'est plus prontablc qu'au
sionnée d'eau que par le moyen d’un point de vue géographi(|ue ; l’état des
aqueduc; aucune rivière, aucune source villes du littoral se résume toujours par
ne coule dans son voisinage ; du mo- ces mots un château du moyen âge
:
46.
by c -;le
734 ' L’UNIVERS.
dans l'enlèvement des esclaves qui Sélinus, mentionnée par Pline comme
étaient entreposés à Sidé et de là con- une ville importante.
duits à Délos pour être vendus jusqu’en une nouvelle célébrité par
Elle acquit
Italie. Tryphon, après uue vie aventu- la mort de Trajan, qui vint expirer dans
reuse, fut pris et tué par Antioclius, fils ses murs au moment où il allait réduire
^
roc, et dans laquelle on descendait par paré par les rois arméniens s’élève sur
un escalier; l’aqueduc aujourd’hui dé- un rocher au bord de la mer. Les ruines
truit y déversait ses eaux. On peut de plusieurs églises byzantines sont les
citer encore la nécropole qui se com- seuls vestiges de l'ancienne ville des
pose d’un grand nombre de sarco- pirates.
phages et ae tombeaux taillés dans le A une petite distance de la côte s’é-
roc, mais le style de tous ces monu- lève un rocher isolé sur lequel on a bâti
ments ne présente -aucune originalité. un château c'est l’Ile d’Elæussa où le
;
Dans le parcours delà côte sud de l’A- roi Archélaüs avait construit un palais.
sie, nous avons mentionné la plupart
des lieux notables comme le Pœcile, les (i) Voy. cil. X, p. ai.
caps, et lesîles voisines de la côte tous : a) .Stnlion, XIV, 671.
72G L'UNIVERS.
L'antre Corycéen, dont Pomponius Mêla sables sont aujourd’hui agglomérés et
a laissé une description si pompeuse, forment une espèce de grès.
a été reconnu par M. V. Langlois à
uinze kilomètres au nord de Korghos, POETES DE CILICIE.
ans la vallée de CheitanI ik. Cette grotte, Le défilé nommé par les anciens.
par son étendue et les accidents na- Portes de Cilicie et par les Turcs Ku-
turels qu’elle présente, peut être com- lek boghaz,le défllé du moucheron, est
parée à la grotte de La Balme en Dau- le seul passage par lequel une armée
phiné, de vastes galeries se prolongent puisse franchir le Taurus, aussi de tout
fort loin dans le sein de la montagne, temps la possession de ces montagnes
et donnent issue à une petite rivière que a-t-elle été le prélude de la conquête de
les habitants nomment Dehli sou, l’eau l’Asie au delà comme en deçà du Tau-
folle.
rus : cela s'est trouvé vrai du temps
d’Alexandre comme du temps de Me-
CHAPITRE XLIII. hemet 'Ali, la guerrre portée au centre
de l’Asie Mineure par le pacha d’Égypte
a donné un intérêt momentané aux po-
CILICIE CHAMPÉTBE.
sitions topographiques qu’il occupait
successivement. Le résultat de son pou-
La Cilicie champêtre commençait au voir passager a été l’amélioration de
fleuve Lamus, près duquel était située cette route, qu’on peut maintenant par-
la villede Lamus dont il ne reste plus courir sa'ns danger et sans fatigue.
de vestiges. La route d’Eregii aux Portes de Ci-
L’ancienne Soli ayant été presque licie longe les montagnes qui bordent la
dépeuplée par une invasion de Tigrane, plaine de la Tyanitis ; il est impossible
roi d’Arménie , Pompée y établit une de franchir le Taurus en marchant droit
colonie formée des pirates qu’il avait vers le sud. Alexandre et Cyrus, par-
vaincus, et lui donna le nom de Pom- tantde Cibystra, marchèrentau nord-est.
peiopolis. On retrouve l’emplacement On fait la première halte au coravan-
de cette ville au village de Mezetlu à seraï de Oulou kouchla, la seconde à
dix-huit kilomètres à l’ouest de Mer- Tchifté khan, dans le Bulgar dagh, la
sine. Si l’on en juge par le caractère des troisième n Bozanti, l’ancienne Pudan-
nombreux monuments qui subsistent dus à l’entrée du défilé au nord du Ku-
encore, Pompeiopolis fut intièrcment lek boghaz dans les hautes vallées du
rebâtie dans une période de décadence. Sarus. Podandus fut de tout temps un
Le port forme un bassin oblong, dont lieu très-misérahie, et saint Basile le
l’entrée était défendue par deux moles compare au Charonium,qui exhalait des
demi-circulaires. Il est relié à la ville vapeurs pestilentielles. Le bourg de Ha-
par un long portique de deux cents iala devait se trouver dans le Bulgar
colonnes, dont il en reste environ cin- dagh. C’est là que mourut l’impératrice
quante en place. Elles sont d’ordre Faustine, qui, en l’an 174, accompagnait
corinthien, mais d’un style tellement Maro-Aurèle dans son voyage de Syrie;
barbare, qu’on doit les regarder comme l’empereur fit élever un temple à sa
des ouvrages du temps de Dioclétien et mémoire, et fonda la ville de Faustino-
non pas de la république romaine; on polis, que l’un place au village de Pas-
peut suivre encore tout le périmètre maktchi. De Bozanti à l’entrée du dé-
des murailles et reconnaître les princi- filé, il a trente kilomètres; on entre en-
pales portes ; le théâtre est un monceau
y
suite dans une fente étroite entre deux
de ruines : en un mot Pompeiopolis tout mqrs de rochers, passage qu’une poignée
en conservant de nombreux monuments d’hunimcs pourrait défkidre; aussi
n’offre aucun intérêt sous le rapport de Alexandre, en voyant ces défilés qu’on
l’art. pouvait rendre impraticables rien qu’en
Les eaux du port ont au plus haut roulant quelques blocs de rochers, n’eut
degré les propriétés incrustantes que qu’à se féliciter de sa bonne fortune (1) ;
nous- avons déjà observées plusieurs
fois dans les eaux de cette côte tous les
; (i) (,>. Curlius, 1. IV, li.
, y
les Romains firent faire quelques tra- Tarse dans l’antiquité, ce furent les
vaux à cette route ; on reniar(|uait aussi éléments, qui parurent conjurés pour
plusieurs pans de murailles byzantines sa ruine.
qui ont été démolis quand les Égyptiens Le fleuve Cydnus, renommé par la
travaillèrent à cette route dont le par- froideur de scs eaux, était navigable
cours est de trente kilomètres; on fait depuis son embouchure jusqu’à la ville,
halte au khan de Mezarlik, du cime- qu’il traversait de part en part, eu pas-
tière, à quatorze milles des portes de sant près du gymnase des jeunes gens(I).
Cilicie et à douze milles, 1 8 kilomètres On vit un jour une galère dorée m^
et demi, de Tarsous. Ce lieu concorde nceuvrée avec des avirons argentés, dé-
avec la position de Mopsucrène, fon- ployer ses voiles de pourpre sur les eaux
taine deMopsus, où mourut l’empereur du Cydnus c’était la reine Cléopâtre,
;
Constance (1 |,an pied du mont Taurns : accompagnée de Marc- Antoine, qui ar-
sub Tauri radicibus posilam. Les Ro- rivait dans la ville de Tarse, reçue par
mains avaient fait de grands travaux pour les acclamations enthousiastes des po-
établir cette voie militaire, la seule qui pulations qui bordaient le rivage (2).
conduisait de Tarse dans la Cappadoce. Pendant le règne de Justinien le
Cydnus passait encore dans la ville;
CHAPITRE XLIV. Procope rapporte que de son temps une
inondation subite, causée par la fonte
TAaSE. — TABSOUS. des neiges du Taurus, produisit des effets
désastreux; les ponts furent enlevés et
Tarse est aujourd'hui la seule ville plusieurs quartiers furent détruits.
de Cilicie qui ait conservé une popu- A la nouvelle de cet événement, l’em-
lation active et commerçante , elle doit pereur donna l'ordre de creuser un
cet avantage à sa position maritime; nouveau lit au fleuve. On fit pour le
c'est par l’entremise de ses négociants Cydnus ce qu’on fit presqu’à la même
que se font toutes les transactions entre époque pour le .Scyrtus à Édes.se (3).
les populations de l’intérieur, la Syrie D'autres travaux furent é.\écutés dans
et les îles ; mais sa situation topogra- le lit du Cydnus, au dixième siècle
phique a éprouvé de tels changements quand les Sarrasins vinrent assiéger
qu’il est impossible de reconnaître dans Tarse; c’est depuis cette époque seule-
la Tarsous moderne cette cité célèbre ment que le fleuve prend son cours a
moins encore par les splendides monu- l'est de la ville.
ments oui la décoraient que par les Le Rhegma était à l’embouchure du
grands nommes quelle a produits. Il fleuve à l’est d’Anchiale, c’était une
faut citer en première ligne le nom de grande lagune autour de laquelle
saint Paul, qui, par la seule puissance étaient construits les arsenaux ; aujour-
de sa parole, devait renouveler la face d’hui les alluvions du fleuve ont com-
du monde antique. plètement changé la forme de ce ri-
Paul était né citoyen libre de Tarse; vage.
il exerçait la profession de fabricant de On comptait cinq stades, moins d’uu
ternes et de tapis; néanmoins l’esprit kilomètre, de Tarse au Rhegma; il
littéraire répandu dans cette
était si était à cent vingt stades , vingt-deux
colonie, que Paul, malgré sa profession kilomètres, de Zéphyrium, aujourd'hui
industrielle, suivait les écoles et pré- Mersiue; ce petit village est aujourd’hui
ludait ainsi à ses grandes destinées. le véritable port de Tarse quoiqu'on ne
Tarse, la seule ville lettrée de la Cilicie trouve en ce lieu qu'une rade foraine
(sa voisine Soli n'était distinguée que par exposée à tous les vents du sud et de
l’incorrection de son langage), conserva l’ouest. En fouillant autour de Mersine
toujours le premier rang; c’était la
métropole de la confédération cilicienne.
(i) Slrabon,XIV, 671.
César lui conserva le titre de ville libre. (a) Plutarrh vie de M, Antoine.
,
En un mot les plus grands ennemis de
(3)Yoy. Édeue et ses moDunienls, bull,
lie la I. I, 334, idSg;
Soc. d’ethnographie,
''
(r) Amien-Marcellin, XXI, i 5 . Procop., de Æd’f. 3ao, i3.
738 L’UNIVERS.
on trouve de nombreux débris d'anti- OÙ les antiquaires qui entreprennent des
quités. Il y a un demi-siècle les navires fouilles ont labonne fortune de découvrir
mouillaient à Kasanli, le village des des figurines d’un bon style et intactes.
chaudronniers ; mais le fond est devenu Les monuments modernes sont sans
mauvais. L’embouchure du fleuve, qui, intérêt; nous en exceptons toutefois la
dans l'antiquité, n’était qu’à un demi grande mosquée dont la fondation re-
,
d’après l’estimation du capitaine Beau- bâtie par Rhamadan Ogiou, chef Tur-
fort,àdouze milles anglais, soit dix-neuf coman,qui a exercé dans le pays un
kilomètres. uvoir indépendant. Ce monument est
Les historiens grecs et latins qui ont ti sur le plan des mosquées primi-
fait mention de la fondation de Tarse tives, c’est-à-dire que sa nef consiste
citent une inscription célèbre qui était, en trois portiques parallèles soutenus
croyaient-ils, placée sur le tombeau de par des colonnes. Dans l’intérieur on
Sardanapale : voit une chaire à prêcher, travail re-
« Seraanapale, fils d’Anaxyndarax, a marquable en marbre blanc; sur la porte
bâti 'farse et Anchiale en un jour ;
pas- de l’escalier on lit ;
sant, mange, bois, ris, le reste ne vaut « Ce minnber a été fait par Omar fils
rien. • de Daoud (fini dans) le mois de Rha-
11 semble que cette inscription indique mazan 987 (de l’hégire). »
suffisamment que Tarse et Anchiale
sont deux villes disctinctes; tous les LE MONUMENT DE TABSOUS.
écrivains anciens sont d’accord pour
dire que le tombeau de Sardanapale était Il existe à l’orient de la ville un mo-
près d’ Anchiale (I). Alexandre se rendit nument sur lequel l'histoire n’a laissé
en un jour de Tarse à Anchiale, qui était aucune indication et qui, par ses gran-
alors uue grande ville. des dimensions et la singularité de sa
I.«s Grecs, fidèles à leur coutume d’at- structure, est devenu le sujet des con-
trihuer à la race hellénique la fondation jectures les plus diverses de la part des
de toutes les villes qu’ils occupèrent plus nombreux oiuservateurs qui ont publie
tard , prétendent que Tarse fut fondée leurs opinions.
par quelques Argiens qui étaient débar- Ce monument présente l’aspect d’une
qués dans le pays à la recherche d’Io. rende enceinte rectangulaire, orientée
L’histoire de Tarse phénicienue res- e l’est à l’ouest, et formée par de hautes
sort de tous les passages des auteurs et d’épaisses murailles; dans l’intérieur
aussi bien que de ses médailles et du de l’enceinte s’élèvent deux masses cu-
culte de ses dieux ; mais aujourd'hui on biques de dimensions différentes.
ne saurait s’appuyer sur aucun monu- Uue muraille extérieure, et complè-
ment existant encore. tement détachée du reste , s’élève paral-
La Tarse des Grecs n’a pas laissé plus lèlement au petit côté de Test. Ce mo-
de vestiges que celle des Phéniciens; il nument forme aujourd’hui une masse
est vrai que peu de villes présentent le énorme de béton composé de brèche
spectacle d’un si grand bouleversement calcaire cassée en petits morceaux et
du sol nous avons vu des restes d’édi-
: d’un mortier très dur, il semblerait qu'il
fices enterrés jusqu’à l’imposte des voû- a été coulé dans un moule. Mais sur les
tes, et des colonnes ensevelies jusqu’à faces extérieures on voit les arrache-
l’astragale; ceci est-il l’eiTet d’un trem- ments d’un revêtement de pierre , et
blement de terre? c’est ce que disent l’empreinte des dalles de pierre ou de
les habitants. On reconnaît à peine au marbre qui les recouvraient. On n’a
sud-ouest les vestiges d’un théâtre et donc en réalité que le squelette ou l’os-
un monticule renfermant de nombreux sature d’un monument qui ne ressemble
débris de terre cuite ouvrée , sorte de par sa forme générale à aucun autre
Monte TestaccU) comme celui de Rome, édifice connu. 11 est bien difficile sur
cette base d’asseoir une opinion tant
(i) Stnbon, %IV, 6-i, Airieii, Erp, soit peu plausible; ce sont surtout les
AUx., ri, .i. dimensions de cet édifice qui ont frappe
ASIE MINEURE. 729
murailles ont sept mètres de hauteur résumé les opinions de tous les écri-
et six mètres soixante d’épaisseur ; le re- vains qui en ont parlé Bleibl noch ein
,
riennes marquent l’entrée de la Cilicie, sur le fleuve a été rompu par Kutenuk
ce dénié conduit à la station de Eourd Ali et est maintenant réparé avec quel-
kala, distante de neuf heures de mar- ques poutres. Missis fut une ville im-
che d’Ayas. portante dans le moyen âge; on l’appe-
Kourd kala est un ancien caravan- lait Mamistra. Il ne reste aucun édilice
seraï fortifié, situé sur le penchant d’une antique; des débris épars et quelques
montagne qui domine tous les environs, inscriptions témoignent seulement que
il a été bôti par Khamadan ogiou, qui, l’ancienne Mopsuestia avait conservé les
au milieu du seizième siècle, posséda les privilèges d'une ville libre; le pont était
villes d’Adana Tarsous.
et de. un ouvrage romain. L’empereur Justi-
L’enceinte du caravanseraï renfer- nien le fit réparer. Les Arabes firent une
mait une caserne, une mosquée et de première invasion en Cilicie en 950 de
vastes écuries pour les caravanes, au- notre ère ; ils s’emparèrent de Missis, qui
jourd'hui il y a toujours un poste de resta quatorze ans entre leurs mains et
soldats pour garder ce passage; mais fut reprise par les Byzantins en 9G4.
l’ensemble de ces utiles édiQces ne sera En 1097, les croisés, sous la conduite de
bientôt plus (lu’un amas de décombres. Godefroid, s’emparèrent de Missis, et la
En descendant de Kourd kala, ou en- mirent en bon état de défense; elle tut
• tre dans une plaine ondulée et (léserte, annexée aux possessions des rois de la
bornée au sud par de grandes lagunes ; petite Arménie , et après la chute de
une suite de collines sépare cette plaine cette dynastie elle resta diifinitivement
de la vallée du Pyranius ou Gilioun, entre les mains des Musulmans. Depuis
encaissée entre deux pentes élevées et cette époque, cette ville n’a fait que dé-
boisées. choir, et sa population ne s’élève pas
Mallus, fondée par Mopsus et Am- aujourd’hui à mille habitants.
philoque après le siège de Troie, était à Missis est éloignée de sept heures de
l’embouchure du Pyramus, la ville était marche d’Adana; la route est toujours
bâtie sur une colline; sur laquelle on ne eu plaine. On aperçoit au loin plusieurs
trouve plus que des ruines eparses ; ce- monticules sur le$quel$ s'élèvent d’an-
pendant Mailus a été dans le moyen ciens châteaux ; les indigènes les nom-
fige une ville assez importante, déten- ment Chamirâm kalé si , le château de
due par une forteresse dont on voit en- Sémiramis, et Han kalé si, le châtoau
core les ruines sur le cap Kara tasch des serpents; ce sont des forteresses
bouroun, la pierre noire. du moyen âge qui ont été bâties par les
Croisés.
(i) Xéuuplion, Aiiab., I, 4. La route de Tarsous à Adaua tra-
;igitized CjOü^i
.
vers« la même plaine, dans la direction Adana est une ville toute commer-
de l’ouest à l’est ; on compte neuf heures j^nte; on n’y retrouve aucun vestige de
de marche entre ces deux villes. La cha- rantiquité ; le seul monument remar-
leur est si intense pendant l'été, que les quable est la mosquée Oulou DJami,
caravanes ne s'aventurent jamais à bâtie par Rhamadan ogiou, un peu
marcher que la nuit; les nomades se re- après celle de Tarsous et dans le meme
tirent à la montagne, la plaine reste style, c’est-à-dire formée d’un double
livrée aux reptiles et aux insectes, qui portique sans coupole.
pullulent. La porte et le minaret sont bâtis en
Adana est bâtie sur la rive droite du assises de marbre alternativement blanc
Sarus ou Sihoun ;
l’histoire de sa fonda- et noir; le minaret octogone est imité
tion se confond avec la fable. Étienne des minarets de la Perse. L’aspect de
de Byzance dit que deux frères, Adanus la ville est plus triste encore que celui
etSarus, tils d’Uranus, Grent la guerre des autres villes turques ; les maisons
aux habitants de Tarse, et fondèrent n’ont aucun jour sur la rue ; on se pro-
une ville : l’un donna son nom au fleuve mène entre deux longs murs de brique.
Sarus et l’autre à la ville d’ Adana. Pen- On compte environ huit mille maisons,
dant toute la durée de l’empire romain dont mdle arméniennes. Pendant l'été
il est rarement fait mention de cette les habitants couchent sur leurs terras-
ville. Pompée y établit une colonie de ses. Du temps de Mchemet-Ali, Adana
pirates en même temps qu'à Soli était le quartier général de l'armée égyp-
L’empereur Justinien fit construire tienne, ce qui dounait un peu d’anima-
sur le Sarus un pont qui existe encore. tion; mais les chrétiens osaient à peine
Les ingénieurs employèrent la même sortir de leurs maisons. En 1835 Adana
méthode qu’au pont sur le Sangarius : était gouvernée par le Kaïmakan, lieu-
ils détournèrent le lit du fleuve et lui tenant du sultan , Karadjn, le vainqueur
rendirent son cours naturel quand le de Kutchuk Ali ; aujourd’hui Adana est
pont fut bâti. le chef-lieu du pachalik du même nom.
Une petite éminence sur laquelle s’é- Les régions eu amont des fleuves
lève l'ancien château byzantin domine Sarus et Pyramus appartiennent à ia
qui est bâtie toute en plaine; c’est
la ville, seconde Arménie, que nous avons déjà
le plus édiflee. On voyait encore
ancien parcourue.
en 1836 toute l'enceinte flanquée de Nous terminous ici la description de
tours. Méhémet Ali avait donné l’ordre l’Asie Mineure, sans nous faire illusion
de le démolir. sur les lacunes qui restent à combler.
Dans un des souterrains on avait dé- Nous avons relevé dans les auteurs an-
posé l’ancienne grille, ouvrage curieux ciens deux mille neuf cents noms de
de serrurerie du septième siècle : les villes et de lieux célèbres on voit com-
;
gonds et la serrure étaient ornés de figu- bien nous sommes loin d’avoir accom-
ras de lions et de léopards en relief et li notre tâche. Il reste encore bien des
FIN.
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. .
7SS
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1
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3
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TABLK DES CHAPITRES. 737
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T
—Erythrée. —
ColopWn. Route de Sevn hivsar à
^^Claros. —
Téos. 356 Eski cheher par Muha-
XI.VIII. Route de Sravrne à Cia- litch. 4“
ros par Meiropolis. 35» XXIt Nacoléia. — Midieiim. 4ii
XLIX. Riiine.s de Claros. 35q XXIIT. Mideeum. 41?
Grotte de Mopsus. XXIV. La Grande Phrygie. 4l3
L. Lèbédus. XXV. yallêe de lV»rnléia.
U. Téos. — Arrivée de la eo- Tombeaux des rois de
Ionie grecque. 36 1 Phrygie. 4x5
LU. Soulèvement des Téiens Tombeau de Midas. 416
contre Athènes. 36a Monuments phrvgicns. 4»8
un. Ruines de Téos. —
Se\Ti Gherdek kaia si. 4X9
hi.ssar. — Sigadjik. 363 XXVI Pismich kalé si. 4 ao
uv. l.a pre.squ’ile hrythrée. 366 XXVII. Tombeaux de Yapul dagh.
Erylhrs. 366 — Combett. in
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TABLE DES CHAPITRES. 7S9
ÇJiapUre*. Pane». ChapUrrs. Pagys.
XXVIII. Itinéraire dr.Kédiz à Xara L’Augustéom. 481
hUiUir. 4ia LVI. Le chiteau. 48g
XXIX. Seidel Ghar.i. — Prvmné- LVU. La ville moderne et les
lia. 4a4 habitants. 490
XXX. Ouschalt. — Acmonia. A»5 Lvm. Villes des Galates dans le
XXXI. Ilesler kala — Nécro-
si. bassin supérieur du San-
pôle. 4»7 garius. 49a
XXXII. Abat keui. — Trajanopo- LIX. btanos. — Les Oppida des
lu. Galates. — Les grottes
Aphioum Kara hissar. 4»9 habitables. 493
XXXIII. Svnnada. 43o LX. D'Ancyre au pays des
XXXIV. Les earrière.s de marbre. Trocmiens. 496
XXXV. Reiidos velus. —
Anabura. 434 LXI. Tavium. — Nefes keui. 49;
Philoméitiim. —
Ak che-
her. 435 LIVRE VII
XXXVI.’ F.iiménia. — lehekli. 435
XXXVII. Lacxlicée sur le Lvcus. — CAPPAAOCe.
Kski hissar. 436
DenizH. — Le Lyciis. 438 I. Origine du royaume de
XXXVIII. Hiérapolis. — Pambouk Cappadoce.
- kale si. 43<» II. Domination auyrieDue. .Soi
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,
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TABLE GÉNÉRALE DES MATIÈRES
743
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744 TABLE GÉNÉRALE
Amasbeen (Lac), 573, a. Arabkir, 589, a.
Amasie, 6o3, a. Arabvza, 474, i.
Amasserahf 6a3, t, Ârchelaïs, 56o, a.
Amaslriü , 6aa, a. Arétias, ile, 6x9, x.
Amazones, 3ia, a. Arganibonius, mont, iia, a.
Amazones, 5o3, r. Argce, mont, 539, a.
Amiens, 6ao, 1. Argée, mont, 544, a.
Amiiius, üeiive, SqS, i. Arginuses (Combat des), 298, x.
Amorium, 471, a. Ariarathia, $76, a.
Ampé, 334, I. Arisbé, 176, a.
Amyntas (Royaume t. Arménie (Rois d'), 5oa, x.
Anabænon, 336, a. Arménie (Seconde), 5x4, a.
Anabura, 434, a. Arménie, 577, i.
Anaîiis (Temple d’), 598, i. Arna,67o, i.
Anaya, lac, 448, i. Arnæa, 687, a.
Anazarba, 5i8, i. Artace, 164, i.
Auazarba, 58o, a. Ariaki, golfe, 164, a.
Aiicbiale, 728, a. Artaki, ville, 171, x.
Ancora, 9a, t. Artbynia, lac, 139, a.
Anæa, 349, 1. Arycanda, 696, i.
Ancyre de Phrygie, 407, a. Ascanius, rivière; Ascanius, lac, iio, t.
Ancyre, 479, a. Ascanius, x 10, a.
Ancyron, 69, i. Asie (Le nom d*), 7, a.
Anilabilis, 566, i. Asie Minenre, description, 6, 1.
Andaval, 568, a. Asie Minenre (Le nom d'), 8, a.
Andira, aoo, i. Asie Mineure, limites, 16, i.
Andriace, 690, i. Asie Mineure; côte septentrionale, 19,2.
Androclns, son (ombeaii, 3<4, r. — côte occidentale, ai, i.
Andromacpie ( Tombeau d'), ao8, t. — côte méridionale, aa, a.
Anémurhim, 724, a. Asie proconsulaire, 11, i.
Angora (Chèvres d' ), 458, a. Asie propre, 9, a.
Angora, 490, i, a. Asie (Provinces d'), 9, a.
AntalciJas (Paix d’), 299, i. Asie (Province d’), axa, a.
Antandros, 198, a. Asie, sous la domination ottomane, x5, i.
Anti-Cragiis, mont, a8, i. Asopus, 437, X,
Antigone, ile, 81 , a. Aspanéns, port, 199, 1.
Antigonia, 9a, i. Assar keui, 47a* i«
Antigonia Nioée, 9a, 1. Assarli keui, 495, i.
Antioche du Méandre, 465, a. Aspendus, 467, a.
Antioche de Ciiicie, 586, 1. • As|)endu$, 718, i.
Antioche de Piiidic, 717, i. Assos, mont, aoo, i.
Antiphclins, 68a, a. Assos ( Ville d'), aoo, 2.
AntUTaurus, 5ao, a. Assos (Murs d'), aoo, 2.
Antre Corcyréen, 726, i. Assos ( Polies d’), aoa, 2.
Apaméc, 44^, Assos ( Acropole d* ), ao3, a.
A[>amée Myriéa, ii3, a. Assyriens, 5oi, a.
Apamée Cibotos, 445, a. Assyriens, 59a, a.
Apaméenne (
Juridiciion }, 10, a. Asiacus (Golfe d'), 5g, 1.
Apcrlæ, 689, a. Astron, fleuve, 206, i.
Aphiotim kara hissar, 429, i. Astyra, ao5, a.
Aphiicens, 137, i. Astyra ( Mines d* ), 199, a
Aphrodisias, 64^, a. Astyra (Mines d*), a4), a.
Apollon Sniynthien, 191, a. Atarnée, 354, <•
Apollonia de Phrygie, 449, 2. Atcbiuva, 348, z.
Apollonia de Lycie, 699, a. Attale 1*^, 209, a.
Apollonias, ville; lac, i38, t. Altalia, 705, 1.
Apollonias, 141, x. Atys, a33, a.
Apolloiiis, a66, a. Atys, 4x4, 2.
Arab hissar, 465, a, Aulocténe, 336, i.
Arabissiis, 585, i. Aulocrèoe, 446, x.
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,
Auxent, mont,
Avaneu , 555 ,
-]i, a.
a,
Boulgourlou, mont,
Bounar bachi, ia 3 , z.
^ r.
Baba, cap,
Barkchich ,
^
^ i.
a. Broussa (Route de), (( 3 , x
Broussa, 11^ t.
x
Bala hissar, 476,
Baindir, ajy, i.
Bakir, ao?, a.
a.
Brygès, ^
Broussa (Eaux de) , ia 3 ,
Bubo , 700, a.
a.
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. . .
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. . .
Ï4Î
DES MATIÈRES.
^uuzou Ichai, 1. Devriglii, 5 qi, i.
Couzoutcbai, 45°. < Diane Coloënne, a56. u
Cozourdja, 3 q3, i . Dighoiir, 544. a
l'.ragus, mont, ^ Dikili tasch, 55a, i.
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. i,
Grotte de Mopsus, 36 o, i.
Fermai), a, a. Gryninm, aa^ i,
Fermai! (Traduction d’un), 3 , r. Guébizé, 71, i.
Fermaii, 347, i. Gulik khan, 467, a.
Fêtes dionysiaques, 36 i, a. Gullk dagli, 708, a.
Flaviopolis, 149, a. Gumuch, 34 g, a.
Flaviopolis, 583 , i. Gumuch hané, 5 ga, i.
Fons Cupidinis,n7i, a. Gimesch dagh, 478, i.
FonsTelephi, 678, i. Guzel hissar, aa7, i,
Forlouiia, a 46 a. , Gygéc, lac, a 58 , i.
Forum Synnadense, 480, a.
H
G
Haba, 5 o 4 ,
i.
Gagæ, 696, a. Hadji gheul, 448, i.
Garestiriis, port, 364 , < Hadjinn, 584 , i.
Gæssus, fleuve, 345, i. Hadriani, 14a, a.
Carsaurilis, préfecture, 56 r, a. Haïmanab, 4S9, a.
Geuverginlik, 638 , i. Haïmanah, 469, i.
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. .
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. . . . , .
Lampsaqiie, 174,».
Kestel gheiil, 467, a.
Keiighez, 655, a.
Lampter, 37a, i.
Laodicée sur le Lyciis, ',36, 2.
Keupri bazar, 717, a.
Laodicæa Combiisla, 449, '
Keurémc, S5t, i.
Laiissa, aa6, a.
Keurémé (Vallée de), 554, a.
Larissa, 347, i.
Keich hissai-, 671, i.
Latmiis, molli, 35 1 .
Keiirkiidli, ia5, t.
Kharpouz, 588, a. Latmus, mont, 355, 1.
Lalros, mont, 355, i.
Khonos, 438, a.
I«bediis, 358, i.
Khonos, 448, !
Khosrew Pacha Khan, 4*6, a. Lebedus 36o a.
Lefke, i’jS, a.
Kiangari, 617, i.
Léiégéis, 33a, i.
Kidonia, ao7, i.
Lélèges, i8a, a.
Kilisse keui, 408, i.
Lélèges, 198, r,
Kirk inn, 4r6, i.
Lél^es, agi, i.
Kli'k inu, 434, a.
Lélèges, 3ia, a.
Kirk gheul, 467. *•
Lélèges, leursvilles, 3a8, r.
Kirk agaich, a36, i.
Letbsus, fleuve, 348, i.
Kirk, agatch, a68, a.
Leucee, 90, a.
Kirk ghetchid, 69, a; 7i3, a.
Leucæ, 3 ‘jS, i.
Kirsiz, maghara si, 4
Leucopbrys, 35o, i
Kitché keui, aa3, a.
Leucosyri, 5ga, 1.
Kizil irmak, 538, i.
3io, i.,
Leucosyriens, 379, i.
Kiz kalé si,
i. Leuco Syriens, 5o i ,
i
Kiziar monastiri, 697,
a. Levissi, 670, i.
Klæon, fontaine, 446,
Libyssa, 71, i,
Koch hissar, 56o, a.
Limyra,-695, a.
Kondoura tchaï, aa3, a. ^
lâous de marbre,” 3g4, a.
Kondoiira tchaï, aa6, a.
Loiipadium, 14a, <•
Konieh, 661, i.
Ludi, a36, a.
Korghos, 7a5, a.
Lyoconie, juridiction, 10, a.
Kosak keui, 139, a.
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?.
Lyciens, i8a, 2- ^
Massissa, 4 ^ 4 » 1a
Lyciens, 5 oa, a* M ausole (Tombeau de), 159,
Lyciis, fleuve, 438 , a. Mausole (Tombeau de), 63 o, 2^
Lydie, 23 a, x. Mazaca, Sog, 2«
Lydie, ses frontières, a 3 S, a_. Mazaca (César à), 5 xa. i
Maiichiane, 55 x, 2. Mop.siiestia, 4 5 r, 2.
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. ,
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. . .
P Phatisane, 619, a.
Pbsoix,mont, 33 , a.
Phoenix, fort, 855, i.
Pacha limtD, iSg, a. Phellus 684, I.
Paclole, a 4 <>, i. Phéniciens, 180, a.
Pactole, aSo, a. Philadelphie, 369, t.
Pactjis, mont, 349, a. Pbineka, 695, i.
Pagiis, mont, 358 , a. Phiniminis, 5 ao, a.
Painanious, i5j, a. Phocée, 39a, a.
Pæsiis, i 74 ,a. Phocce, 371, I.
Pesos, 176, i. Phocée la Neure,374, a.
Palatcba, 335 , a. Phokia, 371, 1.
Palcsccpsis, 194, 1. Phokia, 375, I.
Palatia, 161, a. Pbilomélium, 435 , i.
Pambouk kalési, 489, i. Philoméliiim, 449, i.
Pam|ulus, 504 , 1. Phrygie, 377, I.
Pampalus (Villa de), 568 , a. Phrygie Épiclète, 387, i.
Paiopliylie, 701, i. Phrygie hellespontique, 387, i.
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.
Ptériiun, 607, i,
Sardes, aSa, i.
Pygèle, 3 a 4 , i.
Sardique (Juridiction), 10, a.
Pyramide de Cassius, 109, i. Sarimsac, 547, a.
Pyramus, fleuve, a4 , a. Sari sou, 71a, a.
Pyramua, 58 a, a. Sarmoussac, fleuve, 534 , a.
Pyrées, a 55 , a. Sart, aS7, i.
Songoiirloii, 497, i.
Samoiir Bey ( yaëla de ).
Samsoun kalé si, 343 , a. Sophon, lac, 87, i.
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. . . .
Surutgi, 4, I. Syrus, 5 o 3 , 1.
Sjagéla, 648, I.
Syllsum, 456, a.
Syllsum, 71a, a. T
Syneodèmc, 1 5 u a. ,
Séliniis, fleuve, a ( 5 1. ,
Tavium, 497, 2.
Sélinus (Tunnel du), ai 5 , a. Taxiarqiie, 637, a.
Séliniis,
704, (. Tchalder hissar, 397, (.
Sélinusiens(
Étangs), 3 ( 3 , a. Tcbakeu, 434, a.
Sémenlra, 568 a. , Tchanak kalé, rga, a,
.Sémiramis, 5 oi, a. Tcbanderli, golfe, 307, (.
Sémiramis (Chaussée de), 570, a. Tchangli, 3 a 8 , a.
Serghé, yao, i. Tchardak gheul, 448, s,
Sertchinii, 355 a. , Tcharchembeh, 6ao, t.
Sésostris en Asie,,378, a. Tchar sou, fleuve, 494, i-
IS.
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. ,
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DES MATIERES. 7S7
V Yarvoii, 687, i.
Tasili kaïa, 41 C, a.
Yasili kaïa, 61 1, i.
VagDitU, i36, I. Yéni cheher, 144 , i,
Tal Saiute-Aane, 3 og, i. Yêni cheher, 465, a.
Varénus, fleuve, i 55 , i. Yénidjé, a86, i,
VeiIelte des Perses, a46, a. Yerma, 47 °. 5.
Veredarii, 76, i. Yourouks, i8a, t,
Vcnasi, 5 i i, i.
YouzgatI, 463, a.
Viraii chelier, 565 ,
i. Youzgatt, 63a, a.
Vourla, 36 g, a.
Z
X
Zalécus, 6a I, a,
Xaiithiis, (Sources du), aa 3 , a. Zagora, 6a i, a,
Xantlius, (Sources du), 670, i. Zarela, foulaiiie à Chaiccdoiiic, 76, a.
Xaiitlius, ville, 670, a.
Zeibek, a8i, a.
X iliiio Coulé, 467, a. Zéla, 6oa, a.
ZefTreh houroun, 61g, 1.
Zeughibar, 66o, i.
Y Zé|ibyriuni, 61g, i.
Zielas roi, 53 , 1.
Yalobatcb, 717, i.
Zillé, 35 g, a.
Yaloratcb (Baios d'), 6g, 1. Zileb, 60a, a.
Yanar tasrb, 6g7, a. Zi|KBtès, 5 i, 1.
Yapal keui, 436 i. ,
Zipœtiuni, 5 i, a.
Yapmil d.igli (Tombeaux d’), 4ai, i.
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ASIE MINEURE
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ASIB-MINEURE
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