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SAGEO’2007, pages 00 à 00
# SAGEO’2007
1. Introduction
En Tunisie, comme souvent ailleurs, l’érosion des terres est une préoccupation
nationale (Poncet, 1958 ; Hamza, 1988 ; Bourgou, 1993 ; Oueslati, 1999 ; Khatteli,
1996 ; Louhichi, 2001 ; Mlaouhi, 2003 ; Kardous, 2005). Cependant, dans ce pays,
les essais cartographiques de l’érosion et de ses aléas sont très fragmentaires et
souvent à petites échelles (Belaid, 1967 ; Bannour et al, 1978 ; Hamza, 1988;
Bourgou, 1993; Mlaouhi, 2003). La plupart des cartes d’érosion, qui concernent
souvent les terrains respectifs des chercheurs, ont adopté des techniques et des outils
différents et proposent en conséquence des résultats et des légendes peu
comparables. Au cours des deux dernières décennies, ces techniques et outils ont
beaucoup évolué (CAO, SIG, télédétection, MNT, GPS, géoréférencement,
orthorectification…), ce qui a amélioré les résultats, notamment en ce qui concerne
la quantification de l’érosion (exp. Khatteli, 1996 ; Ben Chaabane, 2000 ; Louhichi,
2001 ; Boujarra et al., 2002 ; Kardous, 2005 ; Zerai et al., 2004 et 2006 ; Zerai,
2006…), mais les essais cartographiques de l’érosion et de ses aléas restent toujours
rares.
La carte de l’aléa d’érosion des sols dans le bassin versant de l’oued Sbeïtla est
une contribution à l’étude de l’érosion et sa répartition spatiale en Tunisie centrale.
Elle est issue d’une étude diachronique de plusieurs missions de photographies
aériennes et d’un SIG. La légende proposée a adopté certains symboles et figurés
des travaux indiqués ci-dessus et en suggère d’autres afin de faciliter la lecture de la
carte. Elle pourra pour sa part être améliorée par les travaux ultérieurs afin
d’homogénéiser les résultats et mieux comparer les tendances de l’érosion et sa
répartition régionale en Tunisie. Ceci pourra être favorisé par les tendances de
certains géographes tunisiens, notamment les jeunes, à étudier l’érosion et la
quantifier à partir de la cartographie automatique, la photo-interprétation et les
nouveaux outils, de plus en plus sollicités.
2. Méthodologie et outils
Dans le cadre d’un SIG qui tend à étudier les environnements actuels et
l’évolution de l’occupation des sols dans le bassin versant de l’oued Sbeïtla, une
grande base de données cartographiques, photographiques et statistiques a été
analysée. Plus de 519 photographies aériennes, issues de cinq missions différentes
(1948, 1963, 1973, 1988 et 2000), ont été étudiées. Ceci a côté de l’analyse de
plusieurs séries temporelles de scènes satellitaires (Landsat et Spot), des cartes
topographiques et géologiques, des séries statistiques et des données récoltées sur le
terrain. Toutes les photographies aériennes ont été géoréférenciées et en partie
orthorectifiées, notamment dans les zones accidentées (montagnes). Les différentes
cartes ont été géoréférenciées à la même projection des scènes satellitaires et des
photographies aériennes, ce qui a donné plusieurs fonds photographiques multi-
Cartographie de l’aléa d’érosion Sbeïtla #
Le reste du bassin présente plutôt une couleur grise à sombre indiquant des sols
nus ou à végétation ouverte et très dégradée. La date de la prise de l’image Lansat
qui a servi dans le calcul de cet indice (7 juin 2001), explique la faible
représentativité des terres de cultures, hors les périmètres irrigués. En effet, l’été
correspond à la saison des récoltes de céréales, c’est-à-dire à une végétation très
pauvre en chlorophylle et en eau et par conséquent à faible réflectance en proche
infrarouge.
Cartographie de l’aléa d’érosion Sbeïtla #
1. selon A. Hamza (1988), une averse ou pluie torrentielle correspond à un volume minimal
de 20mm précipité en 24 heures. Au nord du pays, ce seuil s’élève à 30 mm/24 heures
(Bortoli, 1969).
Cartographie de l’aléa d’érosion Sbeïtla #
Table 1. Régime des averses dans la station de Garaet El-Atach entre 1928 et 2002.
2. L'échelle des abscisses commence par le mois de février 1928 (n° 1) et finit par le mois
d'août 2002 (n° 826), sachant que la série de données contient les lacunes suivantes : de juillet
1957 à mars 1960 ; de décembre 1971 à janvier 1972 ; de mai 1972 à octobre 1972 ; de
janvier 1973 à novembre 1973 et de mars 1974 à février 1975 inclus, soit 64 mois au total. Ce
qui compte sur ce graphique la couleur des symboles; en bleu l’automne, en rouge l’hiver, en
vert le printemps et en jaune l’été.
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Les 245 averses ont été réparties sur un diagramme, dans lequel on a utilisé
quatre couleurs pour distinguer les averses de chaque saison (Figure 3). La couleur
bleu, qui indique les averses automnales, domine les autres avec 37,55 % des cas,
soit 92 averses générées pendant la saison des labours (Tab. 1). L’automne
concentre aussi la quasi-totalité des averses les plus fortes. En effet, 13 des 20
averses dépassant 50 mm/ 24 heures sont automnales (Figure 3). De ces 13 averses
automnales, 6 ont été générées lors de l’évènement pluviométrique exceptionnel de
septembre et octobre 1969 (Figure 3). Imaginons les effets de telles averses sur des
sols récemment labourés, les volumes de terres érodées et déplacées peuvent être
extraordinaires. Dans le bassin versant de l’oued Zroud où s’inscrit notre zone
d’étude, l’événement hydrologique exceptionnel de l’automne 1969 a provoqué
l’érosion de 275 millions de m³ de terre (Oueslati, 1999). Sur la figure 3, le
printemps occupe la seconde position avec 57 averses, suivie par l’hiver et l’été avec
respectivement 51 et 45 averses. Ainsi, le régime saisonnier des averses dans la
station de Garet El-Atach est de type APHE (Tab.11). A l’irrégularité des pluies
s’ajoutent de fortes amplitudes thermiques et une déflation éolienne très efficace à
l’aval du bassin (Zerai, 2001 ; Zerai et al, 2005).
Le croisement des différentes cartes de la figure 2, ajouté à l’étude diachronique
des différentes missions de photographies aériennes, a aidé à accomplir la carte de
l’aléa d’érosion qu’on détaillera à la fin de cette note. Mais, avant on doit présenter
le rôle du facteur anthropique, qui a souvent amplifié les actions de l’érosion des
sols.
Après une chute démographique au milieu du XIXe siècle (Attia, 1977 ; Hamza,
1988), la région de Sbeïtla a connu une croissance démographique rapide à partir des
années trente du siècle dernier (Hamza, 1988). L’extension de la ville de Sbeïtla
depuis la fin des années quarante du siècle dernier indique cette augmentation rapide
de la population (Figure 4). La superficie de cette ville a triplé entre 1948 et 1988,
passant de 53 ha à 154 ha (Table 2). Environ 1/3 de son extension totale a été
effectué entre 1973 et 1988, soit environ 52 ha de terres envahies par de nouveaux
habitats (Table 2). La crise rurale qui touche certains secteurs de la délégation de
Sbeïtla, notamment les secteurs concernés par une importante activité éolienne (El-
Athar et Garâa El-Hamra), a favorisé l’extension de la ville (Zerai, 2006).
Cette augmentation de la population a été accompagnée d’une pression
anthropique de plus en plus forte sur les ressources naturelles de la région,
notamment le couvert végétal. Entre 1948 et 1988, le secteur aval du bassin versant
de l’oued Sbeïtla a connu une extension considérable des terres de culture (+ 1600
ha), essentiellement aux dépens de la végétation naturelle qui a perdu plus de 1100
ha de sa superficie (Zerai et al 2006). L’adoption de certaines techniques et pratiques
culturales non adaptées aux besoins et aux milieux de la région ont amplifié la crise
Cartographie de l’aléa d’érosion Sbeïtla #
érosive actuelle. Certaines de ces pratiques, comme les labours intensifs, coïncident
avec la saison automnale qui connaît les averses les plus fortes (Figure 3). Ces
labours fragilisent les sols et les préparent aux actions de l’érosion hydrique et
éolienne.
Figure 5. Evolution des sapements sur la berge gauche de l’oued Sbeïtla entre 1948
et 2000 et rôle du facteur anthropique.
Vitesse
Nombre Superficie érodée
Période d'érosion
d'années
m2 % m2.an-1
1948-1963 15 9554 13,50 637
1963-1973 10 41701 58,93 4170
1973-1988 15 8881 12,55 592
1988-2000 12 10622 15,01 885
Total 52 70759 100 1361
Table 3. Evolution des sapements de berges sur le rive gauche de l’oued Sbeïtla
entre 1948 et 2000.
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Les secteurs peu affectés par l’érosion s’étendent particulièrement aux pourtours
des djebels et sur les glacis et les glacis-terrasses encroûtés (couleur rouge très clair ;
Figure 7). A ces endroits, l’érosion s’effectue généralement par décapage superficiel
et par pavage sous des ruissellements souvent diffus. Ces derniers laissent à la
surface de certains niveaux quaternaires à texture grossière, des traînées de cailloux,
après le lessivage des éléments fins. Ce type d’érosion modérée se développe
particulièrement sur le versant sud du djebel Semmama et le versant nord du djebel
Mrhila (Figure 7). Plusieurs facteurs atténuent l’érosion dans ces secteurs. Les plus
importants sont d’ordre lithologique, puisque ces surfaces sont souvent sellées par
des croûtes calcaires qui entravent la concentration des eaux et atténuent l’érosion
régressive. Puis, on trouve les facteurs anthropiques, car ces secteurs, perchés et peu
fertiles, sont moins marqués par les activités agricoles, notamment céréalières.
Aussi, le couvert végétal naturel qui les marque est souvent constitué de l’alfa
qui fixe bien son support édaphique. Toutefois, les talus de raccordement qui relient
les différents niveaux quaternaires sont plus affectés par l’érosion hydrique,
particulièrement régressive. Ces talus, où affleurent parfois les argiles miocènes,
peuvent être le lieu de quelques mouvements de masse (Hamza, 1988).
Nous avons qualifié les secteurs très marqués par les ravinements hiérarchisés de
secteurs très affectés par l’érosion actuelle, car ce type de ravinement stérilise
entièrement les zones touchées et aboutit à des badlands généralisés. Les secteurs
très affectés par l’érosion marquent principalement le piémont nord du djebel
Rheradok, et secondairement l’extrémité sud-est du djebel Mrhila (couleur rouge-
brun ; Figure 7). Dans ces secteurs, affleure souvent un substratum argileux miocène
qui facilite ce type inquiétant d’érosion hydrique, voire même quelques mouvements
de masse (Zerai, 2006). La quantification de ce type d’érosion, en amont de l’oued
Snouber, au piémont nord du djebel Rheradok, a montré que les badlands
progressent lentement, mais ils affectent de très grandes superficies au même temps,
ce qui fait que les aires détruites sont très étendues. A partir d’une mosaïque de
photographies aériennes de 1988, couvrant l’intégralité du bassin, on a pu quantifier
les terres affectées par le ravinement hiérarchisé. Ces terres affectées atteignent sur
le piémont nord du djebel Rheradok environ 240 ha et 65 ha sur le piémont sud-
ouest du djebel Mrhila. Ces grandes superficies touchées font de ce type de
ravinement un véritable danger pour les terres agricoles (zerai, 2006).
Les ravinements hiérarchisés peuvent agir conjointement avec d’autres processus
pour éroder davantage les terres agricoles. C’est le cas, quand ils touchent les terres
fines et meubles d’âge Holocène, où ils s’associent généralement aux sapements de
berges et aux ravinements élémentaires.
6. Conclusion
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Cartographie de l’aléa d’érosion Sbeïtla #
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