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Correspondance :
Mahtab Samimi, CHU de Tours, université François-Rabelais, service de
dermatologie, avenue de la République, 37044 Tours, France.
samimi.mahtab@yahoo.fr
L a bouche : peu d'organes concentrent une charge vitale, émotionnelle et relationnelle aussi
forte. La bouche, c'est l'organe de l'alimentation, premier contact de l'enfant à la mère ; vecteur du
goût, expérience sensorielle primordiale ; de la phonation, outil de l'affirmation de soi et de
relation à autrui ; organe du baiser, expression de l'amour. Peu d'organes portent une valeur
symbolique aussi forte, à l'exception peut-être du cœur. Mais là où les maladies cardiovasculaires,
vitales, sont au centre des enseignements et de la pratique en médecine, la bouche demeure une
éternelle oubliée.
Dès la formation initiale, les maladies de la bouche sont peu abordées lors des études de
médecine – notons au passage que les items « Lésions dentaires et gingivales » et « Orientation
diagnostique devant une douleur buccale » ont été supprimées du nouveau programme des
Épreuves classantes nationales 2016 [1]. Plus surprenant, la pratique montre que même l'aspect
physiologique d'une bouche normale reste méconnu des médecins généralistes comme des
spécialistes, voire des dentistes. Il s'agit pourtant d'un organe facilement accessible à l'examen
clinique, avec lequel nous devrions être familiers ; le hic, c'est que l'examen d'une bouche, tel que
nous le pratiquons en médecine, est souvent limité et peu informatif. Le fameux : « Tirez la langue
et faites : ahhhh » ne donne accès qu'à l'examen des deux tiers antérieurs de la face dorsale de
langue et à la paroi pharyngée postérieure, soit un très faible pourcentage de la surface accessible
de la cavité buccale. Pourtant, de nombreuses pathologies pourraient être détectées par un
examen clinique averti de la cavité buccale – les cancers de la cavité buccale, représentés
majoritairement par le carcinome épidermoïde, en sont l'exemple le plus flagrant. Avec plus
de 11 000 nouveaux cas et 3000 décès par an en France (données Inca 2012), les cancers de la
cavité buccale présentent un paradoxe étonnant : seulement un tiers d'entre eux sont détectés
à un stade localisé, pourtant tout à fait accessible à l'examen clinique. L'Inca a défini comme
objectif prioritaire l'amélioration de la détection précoce de ces cancers en mettant notamment
194
Éditorial
à disposition des chirurgiens-dentistes et des médecins géné- dynamique du lichen buccal et une mise au point sur les
ralistes, des outils d'apprentissage de détection précoce [2]. En anomalies vasculaires et une revue des infections virales de
dehors de cet aspect fondamental, qui en soit justifie que tout la cavité buccale. . . en espérant que ces lectures vous motivent
praticien s'intéresse à l'examen buccal, la bouche est un organe à explorer la bouche de vos patients.
plus complexe qu'il n'y paraît, aux croisements de plusieurs
spécialités (stomatologie et chirurgie maxillo-faciale, dermato- Déclaration de liens d'intérêts : L'auteur n'a pas précisé ses éventuels
liens d'intérêts.
logie, médecine interne, dentisterie, neurologie, psychiatrie. . .),
ce qui en rend l'approche passionnante et unique. Dans ce
premier numéro spécial consacré à la bouche – un deuxième Références
numéro est en préparation, tant le sujet est riche – seront [1] Bulletin officiel no 20 du 16 mai 2013; http://www.enseignementsup-
présentés l'orientation diagnostique devant des lésions élémen- recherche.gouv.fr.
taires (ulcérations, chéilites), une approche originale et [2] Données INCA; http://www.e-cancer.fr.
195
Dossier thématique
Mise au point
Dominique Parent
Disponible sur internet le : Hôpital Erasme, clinique de pathologie des muqueuses, université libre de
4 février 2016 Bruxelles, service de dermatologie, 808, route de Lennik, Bruxelles, Belgique
Dominique.parent@erasme.ulb.ac.be
Points essentiels
Exclure une infection herpétique en présence d'ulcérations orales aiguës, d'origine inconnue,
surtout chez le patient en mauvais état général.
Se rappeler que la sécrétion asymptomatique de HSV-1 dans la salive peut être à l'origine d'une
transmission orogénitale.
Faire un examen anogénital et un dépistage des autres maladies sexuellement transmises en
présence de condylomes oraux.
Rechercher une immunosuppression et surveiller le patient (dépistage d'un éventuel carcinome)
quand il y a multiplication rapide de condylomes oraux.
Considérer l'ensemble des signes cliniques (systémiques, cutanés, immunité. . .) pour poser un
diagnostic en présence d'un énanthème ou d'ulcérations orales.
Faire une sérologie VIH en présence de sarcome de Kaposi, de leucoplasie chevelue ou d'aphtes
majeurs.
Key points
Oral viral infections
Exclude herpes infection in the presence of acute oral ulcers of unknown origin, particularly in
patients in poor general condition.
Remember that asymptomatic HSV-1 shedding in saliva may result in an oral-genital
transmission.
Perform an anogenital examination and a screening for other sexually transmitted diseases when
oral warts are diagnosed.
Search for immunosuppression and monitor the patient (screening for a potential associated
carcinoma) when there is rapid growth of oral warts.
Consider all the clinical signs (systemic, skin, other mucosa, immunity. . .) when a patient has an
enanthem or oral ulcerations.
Ask for a HIV test when an oral Kaposi's sarcoma, a hairy leukoplakia or major aphthae are
diagnosed.
196
Mise au point
Introduction Destruction des kératinocytes
Les manifestations buccales des infections virales sont polymor- Vésicules Érosions/Ulcérations muqueuses
phes, induites par plusieurs types de virus (tableau I). (croûtes cutanées)
Les virus avec un tropisme pour les kératinocytes infectent Herpes simplex virus type 1 et 2 (HSV-1, HSV-2) [1–3].
directement l'épithélium stratifié pavimenteux provoquant soit Les lésions induites par HSV sont des vésicules douloureuses,
une destruction, soit une prolifération des cellules. Les virus du fragiles, groupées en bouquets, situées sur la peau et/ou sur la
groupe herpès lysent les kératinocytes aboutissant à des vési- muqueuse (figure 1). Elles évoluent en croûtes (figure 2) en
cules. Les papillomavirus infectent les couches basales épithé- milieu sec (lèvres/visage) et sont décapitées en érosions dans
liales et provoquent une prolifération cellulaire à l'origine de la cavité orale. Elles disparaissent en quelques jours sans cica-
tumeurs bénignes ou malignes. Les états d'immunodépression trices. Chez les patients immunodéprimés, elles peuvent coa-
aggravent ces manifestations cliniques et augmentent la fré- lescer, formant des bulles (figure 3) puis évoluer vers des
quence de leurs récidives. Ils permettent aussi la réactivation de ulcérations étendues, parfois profondes (figure 4) qui tardent
virus latents inducteurs de lésions spécifiques (sarcome de à guérir et peuvent laisser des cicatrices.
Kaposi, leucoplasie chevelue) ou non spécifiques (ulcérations). HSV-1 est considéré comme responsable des lésions situées au-
La muqueuse orale peut également être l'expression régionale dessus de la ceinture, en particulier celles observées dans la
d'une virémie sous forme d'un énanthème (éruption de macu- cavité orale et sur le visage. HSV-2 est très rarement associé
les, papules, vésicules, érosions, pétéchies. . .). Ces lésions à ces régions.
apparaissent généralement associées à un état prodromal sys- Plus du tiers de la population mondiale souffre d'herpès (HSV-1)
témique et à des lésions cutanées qui permettent d'orienter le récidivant. Le pic de séroconversion se situe dans la petite
diagnostic. enfance, un second pic, moins important, survient chez les
Les lésions orales sont souvent l'un des premiers signes de jeunes adultes, ensuite la prévalence sérologique augmente
l'infection à VIH. Certaines sont relativement spécifiques et avec l'âge pour atteindre 90 % environ chez les sexagénaires.
impliquent une recherche de ce diagnostic, d'autres évoluent À tout moment, 1 % des enfants asymptomatiques et de 1 à
en fonction de la gravité de l'immunosuppression et sont un 5 % des adultes asymptomatiques secrètent HSV1 dans leur
facteur pronostic. La large prescription du traitement antirétro- salive et sont potentiellement contagieux. La transmission se
viral hautement actif a diminué la prévalence de la plupart de fait par contact direct avec les lésions ou les sécrétions (salive)
ces affections et a fait quasi disparaître certaines d'entre elles d'un individu infecté.
dans nos pays. La contamination verticale, de la mère à l'enfant, survient dans
85 % des cas au cours de l'accouchement. Dans 10 % des cas,
elle est post-natale. Le nouveau-né, sans anticorps protecteurs
car la mère est séronégative, est infecté par une tierce personne
et présente des formes graves comparables aux autres formes
néo-natales.
Glossaire
Gingivostomatite aiguë de primo-infection
CA : Coxsackie virus A Une minorité de patients développe un tableau clinique lors de
CMV : cytomégalovirus la primo-infection. Les autres individus restent asymptomati-
EBNA : antigène nucléaire pour EBV ques lors de la contamination, ils deviennent porteurs d'anti-
EBV : Epstein-Barr virus corps mais ignorent avoir été infectés. Les enfants de 6 mois
HEV : Entérovirus humain à 5 ans forment le groupe le plus souvent atteint par cette
HHV : Virus herpes humain, virus de la famille herpesviridae gingivostomatite. Des symptômes pseudo grippaux (pyrexie,
HSV : Herpes simplex virus
céphalées, nausées, anorexie, malaise, adénopathies cervica-
les) apparaissent après 1 à 3 semaines d'incubation. Les vési-
IgG : immunoglobulines G
cules parsèment la muqueuse orale et font rapidement place
IgM : immunoglobulines M
à des ulcérations très douloureuses, polycycliques, à fond gris,
KSVH : Kaposi sarcoma virus herpes
couvrant une muqueuse œdématiée et érythémateuse. La dou-
KS : sarcome de Kaposi leur provoque dysphagie, refus de s'alimenter et de boire,
PCR : réaction en chaîne par polymérase aboutissant à une déshydratation. L'éruption déborde sur le
TAHA : traitement antirétroviral hautement actif versant cutané des lèvres où voisinent vésicules et croûtes
VCA : antigène de la capside virale (figures 5 et 6). Des adénopathies sous maxillaires sont palpées.
VIH : virus de l'immunodéficience humaine Chez l'adolescent et l'adulte, la primo-infection peut évoquer
une mononucléose infectieuse et les lésions peuvent s'étendre
197
TABLEAU I
Manifestations buccales des infections virales
Figure 1 Figure 2
Bouquet de vésicules caractéristique de l'herpès cutané Croûte d'un herpès labial après assèchement des vésicules
198
Mise au point
Figure 5
Figure 3 Gingivostomatite de primo-infection. Vésicules et croûtes
Récidive d'un herpès oral chez un patient infecté par VIH : les bilatérales sur les lèvres et le visage
vésicules ont coalescé en bulles Collection J. André Hôpital Saint-Pierre Bruxelles.
Figure 4 Figure 6
Récidive d'un herpès oral chez un patient infecté par VIH, Gingivostomatite de primo-infection. Érosions et ulcérations de la
hospitalisé pour pneumonie. Les ulcérations herpétiques se muqueuse orale
prolongeaient sur la muqueuse de la trachée Collection J. André Hôpital Saint-Pierre.
199
TABLEAU II
Les virus de la famille Herpesviridae, avec leur classification, leurs cibles cellulaires, leurs manifestations cliniques orales
a herpes virus HHV1 HSV-1 Neurones des ganglions sensitifs Asymptomatique ou Herpès récidivant
Herpes simplex virus 1 Trigéminés (HHV1) gingivostomatite aiguë labial intra-oral
HHV2 HSV-2 Crâniens (HHV3)
Herpes simplex virus 2
(rare dans la bouche)
HHV3 VZV Varicelle
Varicella zoster virus
Zona mandibulaire
ou maxillaire
annoncé par un prodrome (gêne douloureuse, parfois prurit) et Chez le patient immunodéprimé, les récidives sont plus fré-
un œdème localisé. Des vésicules douloureuses, en bouquet, quentes, plus longues avec des lésions plus étendues (figure 8a
caractéristiques, apparaissent dans les 24 à 48 h (figure 1) et et b) et parfois plus profondes (ulcérations) qui évoquent une
évoluent en croûtes (figure 2). Une autre forme de récurrence, primo-infection et tardent à disparaître. Des formes atypiques
beaucoup plus rare, est intra-orale (figure 7) et se présente sous sont également décrites : ulcérations linéaires du dos de la
forme d'ulcérations douloureuses. La guérison d'une récurrence langue (figure 9), érythème érosif discret de la muqueuse.
est spontanée et demande 5 à 10 jours. Le diagnostic est sou- Devant toute lésion orale érosive ou ulcérée, surtout chez un
vent évoqué dès l'anamnèse devant l'évolution stéréotypée des patient avec un état général altéré, une infection herpétique
différents stades, la localisation plus ou moins fixe des lésions et doit être recherchée.
l'évocation d'un facteur déclenchant. Les récidives ont tendance Complications : L'érythème polymorphe peut apparaître 1 à
à s'espacer avec l'âge. 3 semaines après le début des lésions d'herpès. Au niveau de
la bouche s'observe une poussée brutale de vésicules et de
bulles douloureuses qui évoluent rapidement en ulcérations sur
la muqueuse orale et en croûtes sur les lèvres. Elle est associée
à un malaise général souvent sévère (pyrexie, asthénie,
arthralgies. . .). Une atteinte des autres muqueuses (oculaire,
anogénitale) et une éruption de papules souvent à type de
cocardes peuvent être associées, facilitant le diagnostic. La
poussée dure 1 à 4 semaines et peut réapparaître lors des
récidives herpétiques.
Le syndrome de Kaposi Juliusberg est une forme sévère, se
développant chez un patient atteint d'une dermatose préexis-
tante, généralement de l'eczéma atopique. Les vésicules
deviennent hémorragiques ou pustuleuses puis sèchent en
croûtes (figure 10). Elles couvrent rapidement les lésions cuta-
nées, parfois sur tout le corps dans un contexte d'altération de
Figure 7 l'état général.
Récidive herpès intra-oral suite à une injection pour anesthésie La double primo-infection associe une stomatite et un panaris
locale herpétique ou une kératoconjonctivite. Le second site est induit
200
Mise au point
Figure 8
a : récidive herpès chez une patiente souffrant de mucoviscidose ; b : même patiente, nécrose de la muqueuse labiale
par auto-inoculation chez une personne récemment contami- présenter chez les femmes enceintes dont l'immunité est
née, non encore porteuse d'anticorps contre HSV. diminuée.
L'atteinte des organes internes est très rare mais peut s'observer La méningoencéphalite est rarissime.
chez le patient avec une immunité altérée : œsophagite par Le diagnostic est clinique. En cas de doute, devant les formes
extension de l'infection oropharyngée, trachéobronchite, voire atypiques, l'isolement du virus par culture virale confirme
pneumonie. Une hépatite aiguë peut exceptionnellement se l'infection par HSV. Ensuite, l'absence d'anticorps spécifiques
anti-HSV et leur apparition quelques semaines plus tard
confirme la primo-infection.
Le diagnostic différentiel des manifestations buccales de l'infec-
tion à virus herpès simplex est exposé au tableau III.
Figure 9
Récidive d'herpès chez un patient leucémique : aspect atypique
en ulcérations linéaires du dos de la langue Figure 10
Collection J. André Hôpital Saint-Pierre Bruxelles. Syndrome de Kaposi Juliusberg chez un jeune adulte atopique
201
TABLEAU III
Diagnostic différentiel des manifestations buccales du virus herpès simplex
Aphte(s) Absence Ulcérations sans vésicules préalables Modérée à sévère Absente ou discrète
Mains pieds bouche Vésicules avec halo rouge Vésicules puis érosions Inconstante Inconstante
mains et pieds
Herpangine (Coxsackies) Absence Vésicules sur pharynx hyperhémique Sévère Modérée à sévère
Candidose orale érythémateuse Perlèche inconstante Érythème diffus Gêne douloureuse Absence
Mise au point
un zona au cours de sa vie. Celui-ci est favorisé chez le sujet âgé L'atteinte viscérale (foie, poumon, système nerveux central)
(plus de 50 ans), immunodéprimé, greffé (moelle osseuse ou voire létale, au cours d'une varicelle, est possible chez un patient
organe solide) ou lors de la survenue d'un stress émotionnel ou immunodéprimé ou en mauvais état général.
d'un traumatisme. Le diagnostic de la varicelle et du zona est clinique. Dans le
Une éruption unilatérale orofaciale apparaît lorsque cette réac- premier cas, l'énanthème oral est rapidement suivi de l'éruption
tivation survient au niveau du ganglion de Gasser et affecte le cutanée caractéristique. Au stade initial, une stomatite herpé-
rameau maxillaire (hémi-voile palais, luette) ou mandibulaire tique peut être évoquée. Dans le zona, la topographie et la
(langue, gencive, lèvre inférieure) du nerf trijumeau. Elle est nature des lésions douloureuses laisse peu de doute. Avant
précédée classiquement par un prodrome de type névralgie l'apparition des vésicules, la région cutanée érythémateuse,
(douleur intense dans plus de 90 % des cas). Pyrexie, malaise, œdématiée, unilatérale peut évoquer un eczéma de contact
céphalées, adénopathies peuvent accompagner le prodrome. ou une infection bactérienne (érysipèle). Après l'apparition des
Cette douleur peut être confondue avec une douleur dentaire, lésions, une infection par HSV peut éventuellement prêter
une otite médiane, une migraine. Ensuite, s'observent des à confusion.
placards érythémateux, limités par la ligne médiane, et se Examens de laboratoire : En cas de besoin, l'isolement de ces
couvrant de vésicules polycycliques. Celles-ci évoluent en pus- virus (HSV-1 ou 2, ou VZV) par culture, puis leur caractérisation
tules et en croûtes cutanées ou en ulcérations orales doulou- par des anticorps spécifiques confirment le diagnostic. La culture
reuses (figure 12a et b). La guérison prend 2 à 3 semaines est réalisée à partir du liquide de vésicules ou de matériel
laissant parfois des cicatrices de type pigmentaire. recueilli par grattage du plancher d'érosions. Le prélèvement,
Complications : Une dévitalisation des dents voire une nécrose contenu dans un milieu de transport spécifique doit être conser-
osseuse avec déchaussement des dents a été décrite dans la vé à 4 8C pendant un maximum de 4 heures. La culture et la
zone affectée par le zona. technique par PCR sont sensibles et spécifiques mais longues et
Les algies post-zostériennes sont des douleurs de type pares- coûteuses. L'immunodétection de l'antigène avec des anticorps
thésies/brûlure, persistant sur le dermatome infecté, plus de spécifiques est rapide et bon marché mais, aussi moins sensible.
3 mois après le début de l'éruption zostérienne. Elles concer- La biopsie et la sérologie ne sont pas utiles pour le diagnostic de
nent environ 15 % de l'ensemble des patients et plus de 50 % ces infections.
des malades de plus de 50 ans. Elles peuvent durer des années Traitement [5]
et elles ne répondent pas aux antalgiques classiques mais L'aciclovir est efficace sur les infections à HSV-1, HSV-2 et VZV. Il
bénéficient du traitement des douleurs neuropathiques. est peu toxique et ne présente pas d'interactions médicamen-
Des formes persistantes, sévères et/ou atypiques peuvent se teuses. Il peut être administré au patient immunodéprimé, à la
développer chez les patients immunodéprimés. Les lésions de la femme enceinte et au nouveau-né. Il amende rapidement la
varicelle sont plus denses, hémorragiques ou purpuriques ; douleur, diminue la durée des lésions et de la sécrétion virale. Il
celles du zona apparaissent ulcérées, hémorragiques, verru- n'empêche pas les récidives ultérieures sauf à instaurer un
queuses. Le risque de dissémination de ce dernier (zona bila- traitement prophylactique continu. Le taux de résistance virale,
téral ou s'étendant sur plusieurs dermatomes) est observé chez généralement observée chez les patients immunodéprimés, est
10 % de ces patients. faible (environ 5 %). Le valaciclovir est une prodrogue de
Figure 12
a : zona maxillaire droit, œdème et vésicules cutanés ; b : même patiente, ulcérations du palais
203
l'aciclovir ; il possède une meilleure biodisponibilité. Leurs poso- préparations qui peuvent anesthésier la muqueuse pharyngée
logies sont indiquées tableau IV, elles doivent être adaptées en et altérer leur déglutition.
cas d'insuffisance rénale. Le traitement de l'herpès labial est essentiellement topique.
Infections à Herpes simplex virus L'aciclovir (5 % – 5 fois/j pendant 5 jours) et le penciclovir
Le traitement antiviral systémique doit être prescrit le plus (1 % – toutes les 2 heures pendant 4 jours) en crème, appli-
précocement possible pour obtenir un maximum d'efficacité : qués précocement, permettent de diminuer la durée d'une
dès le diagnostic dans la gingivostomatite de primo-infection et récidive orale de 24 h en moyenne. Les pansements ou
dès les prodromes ou au plus tard dès les lésions initiales dans « patchs » conçus à partir de la technologie hydrocolloïde éli-
la récidive. Il est prescrit en fonction de la sévérité du minent la douleur, cachent la lésion et empêchent la transmis-
tableau clinique, presque systématiquement dans la primo- sion. Ils n'ont pas d'action antivirale. Un écran total labial est
infection et rarement dans la récidive Le traitement prophy- indispensable dans la prévention de l'herpès solaire.
lactique continu est indiqué en présence d'érythème poly- Infections à virus zoster virus
morphe et chez certains patients immunodéprimés. Chez les En cas d'atteinte invalidante de la muqueuse orale, le traitement
patients immunocompétents il est surtout utile dans l'herpès symptomatique local est le même que pour la gingivostomatite
génital. herpétique. Le traitement antiviral est réservé aux formes sévè-
Le traitement symptomatique de la gingivostomatite res ou compliquées de varicelle. Pour le zona, ce traitement est
comporte la gestion de la symptomatologie générale (pyrexie, efficace sur la douleur associée à la phase clinique de la récidive
douleurs, déshydratation. . .) et de la douleur orale. Des bains mais il n'est pas actif sur les algies post-zostériennes. Il est
de bouche ou des gels oraux contenant des anesthésiques préconisé pour le zona ophtalmique, les patients de plus de
locaux permettent d'assurer alimentation et hydratation. On 50 ans, les patients immunodéprimés et les patients doulou-
veillera à ce que les jeunes enfants n'avalent pas ces reux, laissant supposer des algies persistantes.
TABLEAU IV
Posologie des antiviraux, analogues des nucléosides dans les infections orales à HSV et VZV
Posologie Indications
Mise au point
Vésicules Érosions/Ulcérations centrées par une vésicule qui guérit sans croûtes. Elles sont
Entérovirus humains typiquement situées sur le bord des paumes et des plantes et
Coxsackies virus A/B (CA et CB)/Entérovirus humain 71 (HEV- sur les doigts et les orteils (figures 14 et 15). Les autres loca-
71). lisations sont plus rares. L'affection guérit spontanément en
Syndrome main pied bouche et herpangine [6,7] 1 semaine.
Le syndrome main pied bouche : CA16 (A4-7, A9-10, B1-3, B5) et Complications : Décrit initialement comme une manifestation
HEV-71 et l'herpangine : CA6 (A2, A4-5, A12, A22) sont 2 infec- bénigne, le syndrome main pied bouche s'est répandu, ces
tions à entérovirus affectant la muqueuse orale. dernières années, sous forme d'épidémies à travers l'Asie, puis
La transmission se fait par des gouttelettes de salive ou par les États-Unis et l'Europe. Causées par des entérovirus plus
contamination entéro-orale. L'infection touche préférentielle- virulents, elles sont responsables de formes beaucoup plus
ment les enfants de moins de 5 ans, mais des cas sont décrits sévères. Des atteintes cardiopulmonaire et neurologique pou-
chez l'adulte. La plupart des atteintes sont discrètes ou vant aboutir à une issue fatale ont été rapportées avec, comme
subcliniques. principal responsable HEV-71.
L'éruption est précédée par une phase prodromique : pyrexie, Des formes cutanées graves, causées par CA6 ont également
douleurs pharyngées et dysphagie. Rhinorrhée, toux, myalgies, été observées : éruptions plus étendues : purpuriques ou évo-
céphalées, anorexie, vomissements, diarrhée peuvent s'y asso- quant un syndrome de Gianotti Crosti ou un « eczéma coxsac-
cier. Des vésicules apparaissent sur fond érythémateux, rapide- kium ». L'atteinte de la muqueuse orale est systématique dans
ment transformées en érosions entourées d'un halo rouge les formes classiques elle peut manquer dans les formes cuta-
évoquant des aphtes. nées graves ; elle est rare dans les formes avec atteinte des
Dans l'herpangine, elles sont 2 à 6 sur le palais mou, la luette ou organes internes.
les piliers amygdaliens et guérissent en quelques jours. Il n'y a Diagnostic : Le diagnostic est clinique. En cas de doute, une
pas d'éruption cutanée associée. culture virale peut être obtenue sur les vésicules ou les selles. La
Dans le syndrome main pied bouche, la phase prodromale se comparaison des taux d'anticorps obtenus lors de sérologies
limite souvent à une pharyngite et une pyrexie discrètes. Les réalisées pendant la phase prodromique et après guérison est
vésicules orales sont plus nombreuses (jusqu'à 30 éléments), utile.
plus grandes et peuvent s'observer sur l'ensemble de la Traitement : Dans les formes non compliquées, la guérison
muqueuse orale avec une prédilection pour les lèvres et la spontanée est la règle. Le traitement est symptomatique. Les
langue (figure 13). L'éruption cutanée est formée de macules formes compliquées peuvent nécessiter une hospitalisation. Des
vaccins sont à l'étude.
Ulcérations orales primaires
L'ulcération orale primaire d'origine virale est très rare ; les
infections virales lytiques de l'épithélium produisent des
Figure 13 Figure 14
Syndrome main pied bouche chez un jeune adulte : érosion post- Syndrome main pied bouche chez un enfant : vésicules sur la
vésicule main
205
ULCERATIONS ORALES
AIGUES CHRONIQUES
Aphtes
aphtose
BULLES
Maladie
de Inflammatoire GRANULOME TUMEURS
VESICULES BULLES Behçet
Lichen Carcinome
Infecons à Maladies plan Sarcoïdose épidermoïde
Erythème M.I.C.I. bulleuses
Herpes polymorphe auto- érosif
Simplex Virus immunes Autres
Tuberculose cancers
Carence
nutrion Lupus
Varicelle Brûlures érythé-
Zona mateux Mycose
profonde
Réaction
médicament
Syndrome Vasculite
main pied Wegener
bouche Infecon à
VIH
Syphilis
tertiaire
Herpangine
Traumatisme
Figure 16
Algorithme du diagnostic différentiel des ulcérations orales. MICI : maladies inflammatoires chroniques de l'intestin
206
Mise au point
Prolifération des kératinocytes
Aspects papillomateux, papuleux ou verruqueux
L'épithélium labial et oral peut présenter un aspect papilloma-
teux anormal ou se couvrir d'excroissances (papillomes, papu-
les, verrues) isolée ou multiples [8,12].
Papillomavirus [10,12–15]
Les papillomavirus humains (PVH) sont spécifiques des épithé-
liums stratifiés pavimenteux, certains types se limitent à la peau
d'autres infectent peau et muqueuses. Classés suivant leur
potentiel oncogène en « haut risque » et « bas risque » ils sont
à l'origine de tumeurs bénignes (verrues et condylomes) ou
associés à des dysplasies et des cancers épidermoïdes. La trans-
mission se fait par contact direct, sexuel ou non. La prévalence
des PVH, à tropisme cutané et muqueux, dans la cavité orale
Figure 17 normale, varie entre 5 et 10 %. Ce sont en majorité des types
Ulcères du palais suite à une réactivation d'EBV chez une à faible risque oncogène. Les femmes souffrant de condylomes
patiente prenant des immunosuppresseurs pour un lupus génitaux et les patients infectés par le VIH ont des prévalences
érythémateux plus élevées.
Les lésions, induites par les PVH à bas potentiel oncogène, sont
des papules ou des papillomes bénins, roses ou blancs (suivant
le degré de kératinisation du tissu infecté), sessiles ou pédiculés,
unique ou multiple, souvent asymptomatiques. Ce sont des
Diagnostic : La sérologie (IgM-VCA, IgG VCA et EBNA-1 IgG)
verrues ou des condylomes selon le type du virus responsable
permet de confirmer une infection à EBV et de définir quel
et le mode de transmission. L'aspect clinique, seul, ne permet
en est le stade (tableau V). L'infection à CMV est confirmée
que difficilement de faire le diagnostic différentiel.
par la sérologie et le taux d'antigénémie (nombre de cellules du
Papillome épithélial
sang infectées par CMV).
Le papillome épithélial est une prolifération rose à blanche, plus
La culture d'EBV est possible mais difficile et souvent réservée
ou moins verruqueuse suivant son degré de kératinisation. Il est
à la recherche. La culture de CMV est disponible en routine.
bénin, souvent isolé, situé préférentiellement sur la langue, les
La responsabilité d'EBV ou de CMV dans l'ulcère oral, peut être
lèvres et le palais mou (figure 18).
démontrée par un examen histologique de la lésion avec immu-
nofluorescence positive pour EBV ou CMV et immunofluores-
cence négative pour HSV.
TABLEAU V
Tests sérologiques pour le diagnostic de l'infection à EBV, d'après
Hall et al. J Am Acad Dermatol 2015;72:1–19 [9] et Balfour. Clin
Transl Immunol 2015;27:1–7 [24]
Pas de contamination
Convalescence 4 à 6 mois ou + + ou +
Figure 20
Condylomes du palais dur
Mise au point
Figure 24
Figure 22 Hyperplasie épithéliale focale. Maladie de Hecq
Coll. Pr T. Lombardi Genève.
Condylome non kératinisé de la gencive
multiplication des lésions. Malheureusement, l'élimination des l'ensemble de la muqueuse orale avec une prédilection pour la
condylomes ne suffit pas à éradiquer les papillomavirus et les lèvre inférieure (figure 24). Bien que la régression spontanée
récidives sont fréquentes, surtout chez les individus soit fréquente, un traitement (chirurgie, cryothérapie) peut être
immunocompromis. indiqué pour des raisons esthétiques ou fonctionnelles. La réci-
Hyperplasie épithéliale focale dive est inhabituelle. La transformation maligne n'est pas
L'hyperplasie épithéliale focale atteint les enfants et les ado- décrite [13].
lescents de populations défavorisées (Inuits du Groenland, des- Dysplasies et carcinomes épithéliaux
cendants des Indigènes du continent américain. . .). Les papules Dans l'oropharynx (amygdales et base de la langue), plus de
(PVH 12,32) roses, sessiles, asymptomatiques se multiplient sur 60 % des carcinomes épidermoïdes sont PVH positifs. Dans la
bouche, cette association est faible, ne dépassant pas 6 %. Les
études récentes tendent à montrer, que les dysplasies de haut
grade et les carcinomes épidermoïdes, situés dans la cavité
orale, sont de deux types, une majorité non associée à PVH
et une minorité PVH positive (type 16 essentiellement). Ces
derniers ont des caractéristiques histologiques particulières et
une prédilection pour la muqueuse fine bordante du plancher
buccal et de la partie ventrale de la langue.
Epstein-barr virus
Leucoplasie chevelue [8,9,16,17]
La leucoplasie chevelue se manifeste par une plage blanche
striée, asymptomatique sur les faces latérales de la langue. Elle
peut s'étendre à l'ensemble de la muqueuse linguale voire
à d'autres régions orales. D'abord considérée comme spécifi-
quement liée aux patients infectés par le VIH (prévalence entre
0,42 et 38 %), elle est également observée chez des patients
VIH négatifs présentant une immunodéficience généralisée
(greffés, corticothérapie, syndromes myélodysplasiques. . .)
ou même une immunosuppression locale (inhalation de
corticoïdes).
Diagnostic : L'aspect clinique est une lésion blanche qu'il faudra
Figure 23 distinguer d'une candidose pseudo membraneuse en s'assurant
Condylomes géants chez un patient immunodéprimé qu'elle ne se détache pas quand on la gratte. D'autres
209
Figure 25 Figure 27
Mollusca contagiosa sur les lèvres d'un patient infecté par le VIH Sarcome de Kaposi tumoral envahissant le palais dur
210
Mise au point
TABLEAU VI lors de la primo-infection (varicelle, mononucléose infectieuse,
Diagnostic différentiel du Sarcome de Kaposi infection par le VIH) (tableau VII).
Rougeole (Paramyxoviridae)
Hyperplasie Prolifération cellulaire Un érythème uniforme du palais mou et du pharynx se déve-
bénigne de la
gencive
loppe 24 à 48 heures après l'apparition du catarrhe. En regard
des prémolaires, sur la muqueuse jugale érythémateuse (uni-
Origine Origine Autre origine
vasculaire mélanocytaire
latéral ou bilatéral), des points blanc-bleuâtre (taches de Köplik)
apparaissent 1 à 2 j avant l'exanthème et disparaissent en 2–
Hyperplasie Granulome Nœvus bleu Carcinome
gingivale pyogène épidermoïde 3 jours. Ils peuvent s'observer en d'autres endroits de la
muqueuse (lèvres, langue, conjonctive, vagin) et sont des foyers
Épulis Hémangiome Mélanome Métastases
de nécrose épithéliale. Les taches de Köplik sont inconstantes
congénital malin
Angiomatose Lymphomes (25 % des patients) et non spécifiques (infections à échovirus et
bacillaire parvovirus B19).
Rubéole (Togaviridae)
Des petites papules rouge foncé (Signe de Forchheimer) appa-
raissent en même temps que l'éruption cutanée sur le palais
des patients. Il est associé à des lésions cutanées et viscérales mou et le palais dur. Elles sont inconstantes (20 % des cas) et
(poumon, rate, ganglions lymphatiques. . .) dans 71 % des cas. disparaissent en 12 à 14 heures. Des pétéchies peuvent égale-
Cliniquement, la lésion peut être confondue avec une hyper- ment s'observer sur le palais.
plasie gingivale (notamment chez les patients traités par ciclos- Mégalérythème = 5e maladie (Parvovirus B19)
porine), un granulome pyogène, un épulis congénital ou avec Une éruption maculo-papuleuse du palais et du pharynx, asso-
une entité tumorale bénigne ou maligne (tableau VI). Le diag- ciée à des adénopathies occipitales, apparaît en même temps
nostic clinique est confirmé par l'examen histologique d'une que l'exanthème du visage et dure 4 à 5 jours.
biopsie.
Syndrome papulo-purpurique en gants et
Traitement : La diminution ou l'arrêt de l'immunosuppression
chaussettes (Parvovirus B19, HHV4-5-6-7, Coxsackie
peut induire régression ou disparition des lésions. L'utilisation du
B6, Virus de l'hépatite B, rougeole, rubéole. . .
TAHA a très fortement diminué son incidence. Dans les pays où
Toxidermie)
ces traitements sont inaccessibles, il représente le cancer buccal
Dans 50 % des cas environ, des pétéchies apparaissent sur le
le plus fréquemment associé à l'infection à VIH.
palais associées à un érythème, parsemé de vésicules puis
En l'absence de vaccin et d'antiviraux efficaces, le traitement est
d'érosions, de la muqueuse orale. Des taches de Köplik, fugaces
symptomatique tendant à éliminer les symptômes et les
peuvent être observées. Les lèvres sont œdématiées et pré-
lésions. Il sera local (radiothérapie, vaporisation au laser, chi-
sentent des ulcérations. Une chéilite angulaire et des douleurs
rurgie ou injection de cytotoxiques) pour les lésions limitées, et
pharyngées complètent le tableau. La guérison survient en
systémique lorsqu'il y a dissémination.
2 semaines.
Epstein-Barr virus
Désordres lymphoprolifératifs et tumeurs solides [21] Mononucléose infectieuse (EBV) [24]
EBV a été associé à de nombreux désordres lymphoprolifératifs. Chez l'adolescent ou l'adulte, dans 30 à 50 % des cas, après une
Certains d'entre eux peuvent se développer dans la sphère incubation de 6 semaines, une pharyngite aiguë associée à des
orale : lymphome de Burkitt en Afrique, lymphomes non hodg- adénopathies cervicales et une symptomatologie pseudo-grip-
kiniens chez les patients infectés par VIH. Il est également pale constitue la variante la plus fréquente de la primo-infec-
impliqué dans des carcinomes naso-pharyngiens. tion. Dans une minorité de cas, des pétéchies palatines,
périorbitaires et un œdème sont associées à une symptomato-
Énanthèmes [22,23] logie générale à dominante digestive.
Les énanthèmes sont des éruptions muqueuses d'apparition Diagnostic différentiel : Les pétéchies de la muqueuse orale
brutale, fugaces associés notamment à une primo-infection peuvent être secondaires à des désordres de la coagulation
virale. Ils surviennent le plus fréquemment chez l'enfant : mala- (leucémies, maladie de Waldenstrom, thrombocytopénie, lupus
dies infantiles comme la rougeole, la rubéole, le mégalérythè- érythémateux) ou à une fragilité capillaire (scorbut, effort paro-
me = 5e maladie ou syndromes dus à des entérovirus ou à des xystique de toux ou de vomissements). La localisation palatine
parvovirus. Ils sont également observés chez l'adulte. Dans les isolée se rencontre dans ce dernier cas ou après fellation
infections à virus latent, l'énanthème est le témoin de la virémie (figure 28).
211
TABLEAU VII
Diagnostic différentiel des énanthèmes [22,23]
Mise au point
TABLEAU VII (Suite).
Infection par le VIH Incubation : 2–6 semaines Pharyngite, syndrome 5–10 j Sérologie ARN du VIH,
(primo-infection) Érythème muqueuse orale pseudo-grippal Érythème généralisé antigène p24 anticorps
Érosions 5–10 mm orales, Adénopathies morbilliforme tronc, anti-VIH en fonction
œsophagiennes, anogénitales Manifestations racine membres, de la chronologie
Guérison en 1–3 semaines neurologiques, cou y compris
digestives inconstantes palmo-plantaire
Asymptomatique
mais peu spécifique, il faut y songer systématiquement pour Le groupe 3 réunit les infections et maladies pouvant évoquer
toute mise au point d'éruption. L'énanthème associe un éry- une infection à VIH mais que l'on peut observer aussi dans les
thème de la muqueuse orale à des érosions (ulcérations) dou- autres états d'immunosuppression.
loureuses. D'autres muqueuses (œsophagienne, anogénitale) aphtose (majeure), ulcères à CMV, molluscum contagiosum. . .
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214
Dossier thématique
Mise au point
Aphtes et ulcérations buccales
Disponible sur internet le : 1. CHRU de Tours, université François-Rabelais de Tours, hôpital Trousseau,
12 février 2016 Inserm U 930, service de dermatologie, 37044 Tours cedex 01, France
2. CHRU de Tours, université François-Rabelais de Tours, hôpital Trousseau, Inra,
service de dermatologie, 37044 Tours cedex 01, France
Correspondance :
Loïc Vaillant, Hôpital Trousseau, service de dermatologie, 37044 Tours cedex 01,
France.
loic.vaillant@univ-tours.fr
Points essentiels
Les aphtes sont des ulcérations muqueuses, douloureuses, généralement observées dans la
bouche, plus rarement dans la région génitale. Trois types cliniques d'aphte sont décrits :
mineure, miliaire et majeure. Les aphtes sont souvent confondus avec les affections s'exprimant
par une bulle (ou des vésicules) ou une ulcération (ou des érosions). Le traitement des aphtes est
symptomatique. Les traitements locaux (anesthésiques, corticoïdes locaux et sucralfate) sont
utilisés en première intention. L'aphtose est défini par des poussées récidivant au moins 4 fois
par an. L'aphtose est souvent idiopathique, parfois associée à des affections gastro-intestinales
(maladie cœliaque, rectocolite hémorragique et maladie de Crohn), des déficiences nutrition-
nelles (fer, folates. . .), des désordres immunitaires (infection par le virus de l'immunodéficience
acquise, neutropénies) et des syndromes rares. La maladie de Behçet est une vasculite inflam-
matoire, chronique, dont l'expression principale est une aphtose bipolaire récidivante. En cas
d'aphtose, un traitement systémique (colchicine) est associé aux traitements locaux. La thali-
domide, de grande efficacité, est réservée à l'aphtose sévère, en raison de ses effets secondaires.
Les ulcérations buccales, qui peuvent être liées à des causes variées, constituent les principaux
diagnostics différentiels d'une aphtose. Les ulcérations buccales sont classées en trois groupes
principaux : ulcérations aiguës (à début brusque et courte durée), ulcérations récurrentes
(principalement dues à l'érythème polymorphe post-herpétique) et ulcérations chroniques
(à début progressif et insidieux). Les ulcérations buccales aiguës sont dues à des traumatismes,
des infections bactériennes (incluant la gingivite ulcérative nécrosante aiguë), à des mycoses
profondes, des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin ou des maladies systémiques.
Des ulcérations buccales chroniques peuvent être induites par des médicaments, ou des tumeurs
bénignes ou malignes. Devant une ulcération chronique unique il faut éliminer un carcinome
épidermoïde. Devant une ulcération unique du palais il faut penser à une sialométaplasie
nécrosante.
215
Key points
Aphthous ulcers and oral ulcerations
Aphthous ulcers are painful ulcerations located on the mucous membrane, generally in the mouth,
less often in the genital area. Three clinical forms of aphthous ulcers have been described: minor
aphthous ulcers, herpetiform aphthous ulcers and major aphthous ulcers. Many other conditions
presenting with oral bullous or vesiculous lesions orulcerations and erosions can be mistaken for
aphthous ulcers. Currently, treatment of aphthous ulcers is palliative and symptomatic. Topical
treatments (topical anesthetics, topical steroids and sucralfate) are the first line therapy. Recurrent
aphthous stomatitis (RAS) is defined by the recurrence of oral aphthous ulcers at least 4 times per
year. RAS is often idiopathic but can be associated with gastro-intestinal diseases (i.e. celiac disease,
inflammatory bowel diseases), nutritional deficiencies (iron, folates. . .), immune disorders (HIV
infection, neutropenia) and rare syndromes. Behçet's disease is a chronic, inflammatory, disease
whose main clinical feature is recurrent bipolar aphthosis. Colchicine associated with topical
treatments constitutes a suitable treatment of most RAS. Thalidomide is the most effective
treatment of RAS but its use is limited by frequent adverse effects. Oral ulcers can be related to
a wide range of conditions that constitute the differential diagnoses of aphthous ulcers. Oral ulcers
are classified into three main groups: acute ulcers with abrupt onset and short duration, recurrent
ulcers (mainly due to postherpetic erythema multiforme) and chronic ulcers (with slow onset and
insidious progression). Acute oral ulcers are due to trauma, bacterial infections (including acute
necrotizing ulcerative gingivitis), deep fungal infection, gastro-intestinal (namely inflammatory
bowel disease) or systemic diseases. Chronic oral ulcers may be drug-induced, or due to benign or
malignant tumors. Every oral solitary chronic ulcer should be biopsied to rule out squamous cell
carcinoma. A solitary palatal ulcer can be related with necrotizing sialometaplasia.
Mise au point
Figure 3
Aphtose miliaire (coll. M. Samimi)
dans les 7 jours (OR = 2,7, IC : 2–3,6), mais n'a pas d'influence Herpès (primo-infection et récurrences)
sur la durée de cette poussée [7]. Le stress psychique est Herpangine
beaucoup plus à risque de déclencher une poussée que le stress
Varicelle, zona
physique [7].
La corrélation négative entre tabac et aphtes est maintenant bien Syndrome pieds-mains-bouche
démontrée [8,9]. L'incidence des aphtes est plus élevée chez les Cytomégalovirus
non-fumeurs que chez les fumeurs (20 % vs 10 %, OR = 3, IC : 2–
Syndrome de Stevens-Johnson
4,6) [8]. L'arrêt du tabagisme peut induire des poussées d'aphtes,
que l'utilisation de tablettes de nicotine semble être capable de Lichen érosif
contrôler [10]. La cause de cet effet protecteur du tabac sur la Pemphigus, pemphigoïde cicatricielle et autres maladies bulleuses
survenue d'aphtes est inconnue. La kératinisation de la muqueuse auto-immunes
orale, secondaire au tabagisme, un effet anti-inflammatoire direct
Lupus, vascularites
de la nicotine ont été évoqués [3].
218
Mise au point
les 2 parents ont une aphtose, 90 % de leurs enfants ont
une aphtose ; lorsqu'aucun parent n'a une aphtose, 20 % de
leurs enfants souffrent d'aphtose [3].
Le diagnostic d'aphtose, par analogie avec les critères diagnos-
tiques de la maladie de Behçet, est posé en présence d'au moins
4 poussées d'aphtes par an [3].
Une aphtose buccale sans autre pathologie associée est consi-
dérée comme idiopathique. Une aphtose buccale peut être
secondaire à différentes affections qu'elle peut révéler. Aussi,
l'interrogatoire doit préciser les prises médicamenteuses, l'exi-
stence de signes digestifs ou de malnutrition. . . Les aphtes
peuvent apparaître des années avant les autres signes cliniques
de la maladie (Crohn, Behçet).
Figure 4 Le caractère atypique de certains aphtes font évoquer une
Herpès buccal (coll. M. Samimi) aphtose secondaire : absence de signes inflammatoires (agra-
nulocytose, réaction médicamenteuse), ulcérations en carte de
géographie (médicaments), ou superficielles (entérocolopa-
gruyère. . .) ou traumatiques (restauration prothétique, meu- thies, déficit vitaminique). Ils peuvent être associés à d'autres
lage de cuspides. . .). lésions orales (langue rouge vernissée des déficits vitamini-
Les traitements de première intention validés [11,12] sont les ques), ulcérations linéaires (maladie de Crohn) avec aspect
antalgiques locaux (lidocaïne gel), et surtout le sucralfate en pavimenteux des joues et ulcérations buccales hémorragiques
bains de bouche qui diminue les douleurs et raccourcit la durée (rectocolite).
de cicatrisation [12,13]. L'aphtose complexe a été définie comme une aphtose soit
Les corticoïdes topiques sont les plus utilisés (consensus bipolaire (buccal et génital), soit d'évolution continue ou par
d'expert). Ils sont d'autant plus efficaces qu'ils sont commencés poussées subintrantes [11]. Elle ne doit être confondue ni avec
tôt [12]. Il faut utiliser des dermocorticoïdes de très forte activité une aphtose majeure (la sémiologie des aphtes reste celle d'une
(Dermoval®, Diprolène®, 2 à 3 fois par jour) jusqu'à cicatrisation aphtose mineure), ni avec une maladie de Behçet. Il s'agit d'une
de l'aphte. aphtose grave par son extension ou son évolution, avec un
Les traitements de deuxième intention sont les bains de bouche retentissement important sur la qualité de vie.
antiseptiques, les cyclines en bain de bouche ou dans une pâte Médicaments
adhésive [3], la cautérisation de l'aphte par lasers (low-level ou Les ulcérations orales ont été rapportées comme effets secon-
CO2) ou la simple application de bio-adhésif protecteur (carbo- daires de nombreux médicaments.
xyméthyl cellulose ou cyanoacrylate) : ils pourraient aider Dans une étude bibliographique réalisée en 2000 [15], seuls huit
à diminuer la douleur [3]. médicaments (captopril, sels d'or, nicorandil et les inhibiteurs
Lorsque la poussée d'aphtes est étendue, très douloureuse et des canaux potassiques, acide niflumique, phenindione, phé-
sévère (ou avec des aphtes géants), des traitements systémi- nobarbital, piroxicam, hypochloride de sodium) pouvaient être
ques sont proposés. considérés à l'origine d'une aphtose buccale. Dans une étude
Un traitement par prednisone (25 mg/j) a montré, sur 3 mois, cas-témoins les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les b
une diminution des douleurs, du temps de cicatrisation et une bloqueurs étaient un facteur de risque pour la survenue d'aphtes
réduction du nombre d'aphtes [14], mais il n'a jamais été (odds ratio de 7 et 6 respectivement) [9]. Plus récemment
montré que les corticoïdes par voie systémique étaient supé- d'autres médicaments à l'origine d'aphtes ont été rapportés
rieurs aux corticoïdes locaux [2]. (sirolimus et les inhibiteurs de m-Tor, tocilizumab et les inhibi-
La thalidomide a montré son efficacité dans le traitement des teurs d'IL-6R, bupropione).
formes sévères d'aphtes du patient VIH+, et est utilisée pour les Il faut en distinguer les ulcérations buccales induites par contact
poussées sévères des patients immunocompétents [3]. direct sur la muqueuse buccale, liée à un mésusage du médi-
Les aphtoses cament (aspirine, desloratadine, bisphosphonates) [3].
L'aphtose peut atteindre jusqu'à 21,7 % de la population géné- Maladie de Behçet
rale et débute typiquement chez les individus âgés de 10 à La maladie de Behçet (MB) est une vascularite systémique
20 ans [3]. Les patients avec aphtose familiale présentent des inflammatoire, pouvant affecter tous les vaisseaux (artères
lésions plus tôt dans la vie et ont des manifestations plus ou veines), quelle que soit leur taille. Elle est diagnostiquée
sévères que ceux qui n'ont pas d'histoire familiale. Lorsque le plus souvent entre 30 et 40 ans, mais le début de la maladie
219
est situé entre 20 et 30 ans [16], témoignant du retard au cliniques, a conduit à établir des tables de critères diagnosti-
diagnostic, retard évalué à 4–7 ans en moyenne [17]. ques. Depuis 1990, les études cliniques et épidémiologiques ont
Les aphtes buccaux sont présents chez quasi 100 % des utilisé les critères diagnostiques de l'« International Study Group
patients, et inaugurent la MB dans 80 % des cas [17]. Elles for Behçet's disease » [20] (tableau II). Mais ces critères ne
peuvent précéder, de plusieurs années, les autres atteintes de la permettent pas de séparer MB et polychondrite chronique atro-
maladie. phiante, maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique qui ont
Les ulcérations génitales, présentes dans 85 % des cas [17], les mêmes signes cutanés et muqueux [3]. Aussi, de nouveaux
atteignent indifféremment les zones cutanées ou muqueuses. critères diagnostiques ont été proposés (tableau III) avec une
Les manifestations ophtalmologiques (notamment uvéite, iritis, sensibilité de 95 % et une spécificité de 91 % (vs 78–85 et
choriorétinite) sont fréquentes (30 à 70 %) et mènent à la 96–98 % respectivement pour les critères ISG de 1990) [21].
cécité dans près de 25 % des cas malgré le traitement [18].
Affections gastro-intestinales
Les lésions cutanées (48 % à 88 % des cas) sont la pseudo-
La maladie cœliaque, les maladies inflammatoires chroniques
folliculite, les lésions ou nodules acnéiformes, les thrombophlé-
de l'intestin (MICI) sont à l'origine d'aphtose secondaire [3]. Les
bites superficielles, l'érythème noueux. La pathergie est l'hyper-
MICI sont néanmoins plus souvent associées à d'autres types
réactivité de la peau à un traumatisme minime : elle est
d'ulcérations orales qu'à une véritable aphtose [22].
explorée par l'intradermoréaction au sérum physiologique pro-
Chez les malades atteints de maladie cœliaque [23], la préva-
voquant en 48 h une papule ou une pustule au point de piqûre.
lence des aphtes a été évalué à 22,7 % (OR = 4,3, p < 0,0001). À
Histologiquement, une vasculite leucocytoclasique et une
l'inverse une maladie cœliaque est présente chez 1,2 % à 2,8 %
thrombose sont les altérations caractéristiques des lésions cuta-
des patients atteints d'aphtose (OR compris entre 1 et 3). Chez
nées [18].
ces patients la disparition de l'aphtose a été observée, après
Les manifestations vasculaires (7 à 49 % des patients) sont les
1 an de régime dans 89 % des cas. Le dépistage systématique,
thrombophlébites superficielles (souvent migrantes), profondes
en l'absence de signes digestifs, est controversé ; il peut être fait
(incluant la veine cave) et les anévrismes ou thromboses arté-
par le dosage des IgA anti-transglutaminase.
rielles à l'origine de ruptures vasculaires [18,19]. Les manifes-
Dans la maladie de Crohn [22], la prévalence des aphtes est de
tations articulaires sont pauci-articulaires, non déformantes,
4,2 % à 17 %. Dans la rectocolite hémorragique [22], la pré-
d'horaire inflammatoire, et asymétriques. Les manifestations
valence des aphtes est de 1,4 % à 10 %. Dans ces MICI, l'aph-
neuropsychiatriques sont variées : atteinte méningo-parenchy-
tose n'a jamais été corrélée avec l'activité de la maladie. Chez
mateuse (neuro-Behçet) et atteinte des vaisseaux (thromboses
les patients sans signes digestifs, il n'existe pas d'argument pour
et anévrismes). La MB peut concerner tous les organes : tube
rechercher systématiquement une MICI.
digestif, cœur, poumon ou rein.
Aucun examen ne permet de confirmer la MB : la détermination Carences nutritionnelles et vitaminiques
du groupe HLA (notamment B5) n'a pas de valeur diagnostique, (fer, folates, vitamines B1, B2, B6, B12, zinc)
la biologie est non contributive (syndrome inflammatoire non Des patients ayant une carence en fer, zinc ou vitamines du
spécifique). Ceci, associé à l'absence de spécificité des signes groupe B peuvent avoir une aphtose secondaire, dont la
TABLEAU II
Critères diagnostiques de l'International Study Group for Behçet's disease (1990) [20]
Ulcérations orales récidivantes Aphtose mineure, majeure ou herpétiforme observée par un médecin ou rapportée par le malade de façon
crédible avec une fréquence d'au moins trois épisodes en une période de 12 mois
Lésions ophtalmiques Uvéite antérieure, uvéite postérieure ou cellules dans le vitré à l'examen à la lampe à fente
Vascularite rétinienne observée par un ophtalmologue
Test d'hypersensibilité Test d'hypersensibilité au point de piqûre positif observé par un médecin 48 heures après sa réalisation.
Papule érythémateuse de diamètre supérieur à 2 mm, présente à l'endroit de la piqûre, 48 heures après sa
réalisation avec une aiguille, 20–22, ayant pénétré obliquement dans la peau non vascularisée à une
profondeur de 5 mm
Le diagnostic est retenu quand le patient présente des ulcérations orales récidivantes associées à au moins deux des autres critères après exclusion des autres pathologies.
220
Mise au point
TABLEAU III
Critères diagnostiques. International criteria for Behçet's disease (2014) [21]
Aphtes buccaux récidivants Aphtose observée par un médecin ou rapportée par le malade de façon crédible avec une fréquence d'au
2 points moins trois épisodes en 12 mois
Test d'hypersensibilité Test d'hypersensibilité au point de piqûre positif papule érythémateuse de diamètre > 2 mm, 48 heures après
1 point sa réalisation
Le diagnostic est retenu quand le patient a un score 4 points après exclusion des autres pathologies.
disparition après supplémentation a été rapportée dans un mutations portant sur 5 gènes différents ont été identifiées ;
certain nombre de cas [1,11]. elles sont responsables d'une réponse aberrante de l'immunité
Des déficiences vitaminiques en fer, folates et vitamine B12 ont innée à des agressions, conduisant à une production rapide,
été rapportés dans 56,2 % des patients souffrant d'aphtose importante et inappropriée d'interleukine 1b.
récidivante (vs 7 % des témoins) [11]. Dans cette étude [11], La neutropénie cyclique idiopathique
l'efficacité de la supplémentation était totale dans tous les cas La neutropénie cyclique idiopathique [1] est caractérisée par la
sans histoire familiale d'aphtose, alors qu'elle n'était que par- survenue très stéréotypée toutes les 3 semaines de fièvre et
tielle en cas d'antécédents familiaux. d'aphtes, associés à une neutropénie. Des infections cutanées
Une étude randomisée a montré l'efficacité d'un traitement par et des douleurs abdominales peuvent survenir au maximum de la
vitamine B12 (1 mg/j en sublingual) dans l'aphtose indépen- neutropénie. L'ensemble des symptômes disparaissent en quel-
damment du taux sérique de vitamine B12 : disparition ques jours et récidivent tous les 16 à 28 jours pendant des dizai-
complète des aphtes dans 74 % des cas vs 32 % des témoins nes d'années.
[24]. En revanche une supplémentation multivitaminique (A,
Le syndrome PFAPA (ou syndrome de Marshall)
B1, B2, B3, B5, B6, B9, B12, C, D et E) aux doses journalières
Le syndrome PFAPA (ou syndrome de Marshall) associe fièvre
recommandées n'a montré aucune efficacité [25].
toutes les 3 à 10 semaines, aphtes, douleur pharyngée et
Il n'y a pas de consensus sur l'intérêt de rechercher systéma-
amygdalite, douleurs cervicales et adénopathies cervicales. Elle
tiquement une carence vitaminique.
commence habituellement dans l'enfance, mais s'observe aussi
Infections à l'âge adulte.
Une méta-analyse de 7 études et 339 cas a montré un lien positif Le déficit en mévalonate kinase
entre Helicobacter pylori et aphtose (odds ratio : 1,85, IC95 : 1,24– Le déficit en mévalonate kinase est responsable de deux tableaux
2,74) [26]. L'hypothèse d'une interaction entre infection à H. pylori cliniques : le syndrome hyper-IgD en cas de déficit partiel, et
et absorption de vitamine B12 a été soulevée. l'acidurie mévalonique en cas de déficit complet. Il commence
La prévalence des ulcérations orales récidivantes chez les patients souvent avant l'âge d'un an, par une fièvre qui dure 1 semaine et
infectés par le VIH est de 1 à 5 % [27]. Sa gravité est corrélée au se répète toutes les 3 à 4 semaines, associée à des aphtes et un
nombre de lymphocytes TCD4+. L'utilisation des traitements effi- exanthème maculo-papuleux dans 80 % des cas.
caces sur l'infection à VIH a réduit cette fréquence.
La maladie périodique ou fièvre familiale
Fièvres récurrentes auto-inflammatoires [3] méditerranéenne
Les fièvres récurrentes sont des maladies auto-inflammatoires La maladie périodique ou fièvre familiale méditerranéenne est
liées à des altérations de l'immunité innée (tableau IV). Des une affection héréditaire, touchant essentiellement les sujets
221
TABLEAU IV
Fièvres récurrentes auto-inflammatoires
PFAPA (periodic fever aphthous stomatitis pharyngitis, cervical adenitis, ou syndrome de Marshall) : gène MEFV ?, SPAG7 ?
Autosomique dominant
Syndrome CINCA (chronic infantile neurological cutaneous and articular syndrome) : gène NLRP3 (caps)
jeunes, associant fièvre élevée, douleurs abdominales et parfois Traitements des aphtoses
aphtes ou pseudo-érysipèle, évoluant par poussées paroxysti- Le traitement curatif de l'aphtose est le traitement de la cause.
ques durant 1 à 2 jours. En l'absence de signes cliniques d'orientation un bilan systé-
matique est proposé (tableau V) [2,3]. En l'absence de cause
Déficits immunitaires [3] identifiée, le problème est la prévention de récidives
Il est observé des aphtes dans 60 % des cas de déficit (tableau VI). La décision de débuter un traitement préventif,
immunitaire commun variable, et dans plus de 60 % des cas dépend du retentissement de l'aphtose sur la qualité de vie
de déficit en IgA. Des aphtes sont fréquents dans les syndromes du patient. Une poussée mensuelle impose un traitement
myélodysplasiques. préventif, mais des poussées plus espacées, invalidantes
Quel qu'en soit la cause une neutropénie peut induire des aphtes. ou gênant la vie quotidienne, peuvent également nécessiter
Des aphtes majeurs peuvent se voir en cas d'effondrement des un traitement préventif après évaluation du rapport bénéfice/
lymphocytes T (CD4 < 100/mm3). risque.
TABLEAU V
Bilan biologique conseillé devant une aphtose buccale en l'absence d'orientation étiologique
Tests hépatiques
Si plaintes digestives : dosage pondéral des IgA et IgA anti-transglutaminase (et anti-endomysium chez l'enfant)
222
Mise au point
TABLEAU VI
Traitement préventif de l'aphtose récurrente (Études de la littérature de plus de 20 malades) [3]
Traitement Amélioration importante, % Effets secondaires, % Étude contrôlée vs placebo Auteurs Nombre de patients
O : oui ; N : non.
La thalidomide a une efficacité spectaculaire, démontrée par Ulcérations aiguës (en dehors des aphtes) [31]
plusieurs études randomisées [28]. La limitation de l'utilisation L'ulcération traumatique
de la thalidomide est liée à la fréquence et à l'importance de ses L'ulcération traumatique (figure 5), fréquente en bouche, est le
effets secondaires, souvent mineurs (somnolence. . .), parfois plus souvent unique, plane, blanchâtre et non inflammatoire.
plus graves (tératogénicité, thromboses veineuses et neuropa- Elle doit guérir en 7 à 10 jours, une fois la cause traitée. Sa
thie périphérique de type axonale à prédominance sensitive). persistance après 2 semaines, impose une biopsie pour éliminer
Ces effets secondaires graves et souvent irréversibles condui- un carcinome épidermoïde. La cause principale est dentaire
sent à considérer, avant toute prescription, le ratio bénéfice/ (morsure, délabrement dentaire, matériaux d'obturation ou
risque de ce traitement. prothèses amovibles), mais les causes sont variées (aliments,
Outre son efficacité dans le traitement des poussées d'aphtes, le corps étrangers, rapport sexuel, pathomimie ou automutilation).
sucralfate a montré son efficacité (vs placebo) dans leur pré- Les ulcérations buccales au cours des pathomimies et des auto-
vention [13,29]. Il permet une diminution de leur fréquence mutilations nécessitent une prise en charge psychiatrique.
(87,5 % vs 37,5 %, p < 0,003) [29]. Sa tolérance est excellente.
L'ulcère éosinophilique
La colchicine (1 à 2 mg/j) réduit la fréquence et les douleurs L'ulcère éosinophilique est une ulcération douloureuse, inflam-
dans l'aphtose [3]. Les effets secondaires, fréquents (diarrhée, matoire, de surface irrégulière et aux bords surélevés. Il
nausées, douleurs abdominales) sont rarement la cause de
l'arrêt du traitement [30].
Une étude contre placebo a montré l'efficacité de la vitamine
B12 orale à la posologie de 1 mg/j pendant 6 mois (rémission
complète 3 fois plus fréquente, p < 0,02) ; aucun effet secon-
daire n'a été observé [24].
Le montelukast, antagoniste du récepteur des leucotriènes, a
montré dans une étude son efficacité pour réduire le nombre
d'aphtes [14].
De nombreux autres traitements, notamment pentoxyfilline,
dapsone, doxycycline, interféron a, immuno-suppresseurs
(azathioprine, etanercept, cyclophosphamide, adalimumab)
ont été utilisés dans des études ayant de nombreux biais
[3,29].
correspond probablement à l'évolution chronique d'une ulcéra- La rectocolite hémorragique peut se manifester par des ulcé-
tion traumatique. C'est la biopsie qui permet le diagnostic rations buccales hémorragiques ou chroniques ressemblant au
(infiltrat à éosinophiles du chorion). pyoderma gangrenosum cutané.
La gingivite ulcéronécrotique La pyostomatite végétante
La gingivite ulcéronécrotique, d'origine polymicrobienne, est La pyostomatite végétante [22], exceptionnelle, souvent asso-
une ulcération nécrotique de la papille interdentaire et de la ciée à une pathologie gastro-intestinale, réalise des nappes de
gencive marginale, associée à mauvaise haleine, fièvre et adé- muqueuse papillomateuse et fissurée succédant à une miliaire
nopathies. Son risque est l'extension latérale et apicale condui- pustuleuse fugace et des micro-abcès intra-épithéliaux à éosi-
sant à la parodontite ulcéronécrotique. nophiles. L'évolution des lésions buccales est habituellement
D'autres bactéries celle des lésions intestinales.
D'autres bactéries sont des causes rares d'ulcérations buccales : Ulcérations récidivantes (en dehors des aphtoses)
gonocoque (amygdale et luette), syphilis, tuberculose, lèpre, L'érythème polymorphe récidivant est souvent d'origine herpé-
noma. . . tique. Il est responsable d'ulcérations buccales, survenant 7 à
Les mycoses systémiques 14 jours après un herpès récurrent. Le diagnostic est facile en cas
Les mycoses systémiques à histoplasmes, cryptocoques, asper- d'atteinte cutanée associée, mais l'atteinte muqueuse isolée est
gillus et la mucormycose sont responsables d'ulcération buccale possible. Il faut rechercher à l'interrogatoire un herpès labial
irrégulière, végétante, souvent unique. Elles surviennent sur un dans les jours précédents. Ce n'est qu'en cas d'érythème poly-
terrain prédisposé (immunodéficit, hémopathies, diabète. . .). morphe post-herpétique que le (val)aciclovir est efficace.
Le prélèvement mycologique et l'examen histologique permet- Ulcérations chroniques [2,31]
tent le diagnostic. Une ulcération buccale à début progressif et insidieux est consi-
Les infections virales dérée comme chronique si elle persiste plus de 15 jours.
Les infections virales sont le plus souvent responsables d'éro- Ulcérations médicamenteuses
sions superficielles en bouche. Les médicaments qui peuvent induire des aphtes, sont
Des leucémies plus souvent responsables d'ulcérations buccales ne ressem-
Des ulcérations buccales peuvent révéler des leucémies et sont blant pas à des aphtes (72 % vs 28 % des cas) [9] (figure 6).
associées à des pétéchies, ecchymoses ou hémorragies Les ulcérations disparaissent généralement à l'arrêt du
gingivales. traitement.
Mise au point
s'étend progressivement, devient plus profonde et douloureuse.
Son dépistage se fait par la palpation systématique de toute
ulcération buccale à la recherche d'une infiltration ou d'une
fixation au tissu sous-jacent. Toute ulcération persistante doit
être biopsiée largement et profondément [2].
Sialométaplasie nécrosante
Elle est responsable d'une ulcération large et profonde du palais,
souvent indolore. Elle est due à une nécrose des glandes sali-
vaires accessoires du palais. Le diagnostic est fait par l'examen
histologique. Elle guérit spontanément en 2 à 3 mois. [31].
Lymphome T angiocentrique
Le lymphome T angiocentrique (granulome malin centrofacial)
donne des lésions ulcéro-nécrotiques du palais, de la cavité
nasale et de la partie médiane du visage.
Cylindrome
Une ulcération buccale chronique peut révéler un cylindrome, un
sarcome, une histiocytose, un carcinome muco-épidermoïde,
Figure 7 voire un mélanome.
Carcinome épidermoïde ulcéré (coll. M. Samimi)
Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
liens d'intérêts.
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226
Dossier thématique
Mise au point
Concept actuel du lichen plan oral. Le
diagnostic facile au début, peut devenir très
difficile dans les lichens anciens
Disponible sur internet le : 1. Unité de médecine et pathologie orale et maxillo-faciale, faculté de médecine,
18 novembre 2015 service de chirurgie maxillo-faciale, département de chirurgie, hôpitaux
universitaires de Genève, Genève, Suisse
2. Faculté de médecine, Genève, Suisse
Correspondance :
Tommaso Lombardi, unité de médecine et pathologie orale et maxillo-faciale, 19,
rue Barthélemy-Menn, 1205 Genève, Suisse.
tommaso.lombardi@unige.ch
Points essentiels
Le lichen plan est une dermatose chronique inflammatoire de la peau, des phanères et des
muqueuses, qui touche fréquemment la muqueuse orale. Son étiologie demeure inconnue et la
pathogénie actuellement admise est celle d'une maladie auto-immune à médiation cellulaire.
Contrairement au lichen plan cutané, le lichen plan oral est une maladie chronique de longue
durée ayant une évolution dynamique, avec modification progressive et profonde de l'aspect
clinique au cours du temps et sous l'influence de facteurs exogènes divers. Au cours de la maladie,
par convention quatre phases successives peuvent être distinguées, sans qu'une limite précise
puisse être définie entre elles : une phase initiale ; une longue phase intermédiaire avec
alternance de périodes d'activité et de quiescence, qui comporte un risque de transformation
maligne qui augmente progressivement ; un stade tardif dont l'activité est habituellement
diminuée mais le risque conservé ; et un état cicatriciel post-lichénien d'activité nulle, négligeable
ou indétectable, souvent non diagnostiqué car cliniquement méconnu ; dans cet état, la lésion ne
répond plus aux traitements habituels, mais garde le même risque de transformation maligne.
Key points
Dynamic concept of oral lichen planus.
The diagnosis easy at early stages may become difficult in ancient lichen planus.
Lichen planus is a chronic inflammatory dermatosis of the skin, skin appendages and mucous
membranes, which frequently affects the oral mucosa. Its aetiology still remains unknown, and
currently accepted pathogenesis is that of an autoimmune cell-mediated disease. To the contrary
of skin lichen planus, oral lichen planus is a long-term chronic disease with dynamic evolution, in
which progressive and profound changes of the clinical and histopathological aspects occur over
time and under the influence of various exogenous factors. By convention, in the history of the
227
oral lichen planus four successive stages can be distinguished without well-defined boundaries
between them. These stages can be defined as an initial phase; a long intermediate phase with
alternating periods of activity and quiescence, which has a gradually increasing risk of malignant
transformation; a late stage which activity is traditionally diminished; and a post-lichen cicatricial
stage with an absent or negligible and undetectable activity, often undiagnosed because
clinically unrecognized; in this stage, the lesion does not respond to usual treatments, but retains
the same risk of malignant transformation.
TABLEAU I
Principales différences entre lichen plan cutané et lichen plan oral
Durée apparente Assez brève, jusqu'à 2 ans (et récidives possibles) Très longue, donne l'impression d'être indéfinie
Poussées Bien distinctes, souvent assez brèves Prolongées, distinctes, actives, et périodes de quiescence
Formes très agressives Rares : LP érosif des orteils Fréquentes : LP érosif oral
Lésions post-lichéniennes Transitoires : macules pigmentées transitoires Définitives : « état post-lichénien » atrophique, kératosique, fibreux
lésions cicatricielles très rares
Transformation maligne Absence de risque Risque : 0 à 2 %, rarement plus, selon les séries (sous-estimé ?)
228
Mise au point
Figure 2
LP d'aspect classique, en voie d'atrophie
vées à la suite d'irritations diverses, telles que le tabagisme, les moins compensée par le renouvellement cellulaire, d'où un
traitements locaux agressifs, un brossage traumatisant, une amincissement et une épaisseur irrégulière ;
denture en mauvais état, des couronnes débordantes, des pro- les crêtes épithéliales « grignotées » par l'infiltrat lichénien
thèses adjointes mal adaptées, des aliments acides ou trop sont d'abord effilochées, amincies entre les papilles du chorion
épicés. La suppression de ces facteurs est importante, car elle élargies « en dôme » à leur sommet. Elles vont raccourcir,
est souvent suivie d'une régression partielle du LPO. Les lésions prendre une forme triangulaire « en dents de scie », avant de
gingivales et parodontales de cause locale (érythème, érosions, disparaître dans la forme atrophique (figure 2) ;
etc.) sont souvent confondues avec la localisation gingivale de rares « fentes de Max Joseph », petits décollements sous-
Figure 3
LP de langue évoluant depuis 20 ans
long d'une évolution qui s'étend sur des dizaines d'années, isolés (figure 4). Type fréquent du LPO au début, observé le
marquée par des poussées d'activité du processus lichénien plus souvent sur les joues et sur la face dorsale de la langue. Il
sous l'effet de facteurs divers, poussées entrecoupées de plus n'y a pas de papules contrairement au lichen plan cutané
ou moins longues périodes de quiescence (figure 3). L'aspect du (figure 5), ce n'est pas une forme clinique, mais un aspect
LPO varie donc avec le temps et avec son activité, constante à la transitoire de la forme commune du LPO ;
type réticulé : LPO récent ou au cours de la longue phase
phase initiale, variable à la phase intermédiaire, diminuée à la
phase tardive, éteinte à la phase post-lichénienne où persistent intermédiaire. Au bout de quelque temps (< 2 ans), de fines
les altérations irréversibles causées à la muqueuse, ainsi que le lignes blanches apparaissent entre les pointillés initiaux, et le
risque d'évolution maligne. LPO prend l'aspect classique « en réseau ». Le LPO réticulé est
Il existe six types ou aspects principaux de lésions blanches (il ne le type le plus souvent observé car il persiste durant de
s'agit pas de formes cliniques) : type pointillé, réticulé (type nombreuses années, et ne se modifie que très lentement.
habituel +++), circiné (rare), dendritique, en plaque, et en Selon le maillage plus ou moins serré du réseau, l'aspect de ce
nappe : type est comparé à celui d'un lambeau de dentelle, ou d'un
type pointillé : LPO très récent, ou nouvelle poussée au cours filet de pêcheur (figure 6) ;
d'un LPO ancien. Apparition silencieuse de points blancs
(< 1 mm), avec très discrète aréole érythémateuse, d'abord
Figure 5
Figure 4 LP cutané de l'avant-bras. Papules prurigineuses, de forme
LP pointillé, stade initial (pseudo « papuleux »), comparer avec polygonale, légèrement surélevées et aplaties, de teinte rouge-
la figure 5 violacé, avec fines stries blanches (réseau de Wickham)
230
Mise au point
Figure 6
Figure 8
De fines lignes blanches apparaissent entre les pointillés initiaux
LP en plaque
et le LPO prend l'aspect classique « en réseau »
type circiné : il est caractérisé par des lignes courbes, arcs de type en plaques : LPO très ancien, à la phase tardive. Les types
cercle, ou figures plus ou moins circulaires. Il ne s'agit que d'un en plaques et en nappe de kératose n'apparaissent qu'après
type rare de la forme commune, avec la même signification 15 à 30 ans ou plus d'évolution de la forme commune du LPO.
que le type réticulé, mais il pourrait témoigner d'une ancien- Il s'agit souvent de l'expression des formes atrophique et/ou
neté un peu plus grande du LPO ; hyperkératosique, ou de l'état post-lichénien cicatriciel
type dendritique : LPO assez ancien au cours de la phase (figure 8). Il peut être difficile de rattacher au LPO des plaques
intermédiaire. Aspect en « feuille de fougère », dû à une sorte kératosiques de ce type, parfois plus souvent mais non obli-
de « nervure » centrale plus ou moins large et érythémateuse, gatoirement observées chez de vieux lichéniens fumeurs. En
avec présence de part et d'autre de larges stries blanches plus faveur de l'origine lichénienne : des reliquats du réseau liché-
ou moins confluentes disposées perpendiculairement à cet nien initial, le siège, l'anamnèse, l'absence d'autres facteurs
axe. Ce type assez tardif n'est rencontré qu'au moins 10 à de kératose, ou l'aspect histologique ;
20 ans après le début du LPO. Il témoigne d'un lichen encore type en nappe : LPO très ancien, à la phase tardive. Comme
actif, dont la possibilité de transformation maligne est plus pour le type en plaques, il s'agit de très vieux LPO, de 20 à
élevée qu'au stade de début de la phase intermédiaire, de 40 ans ou plus. Ce type assez rare peut être observé chez un
type réticulé (figure 7) ; sujet lichénien fumeur, mais aussi non-fumeur. Il marque un
risque relativement élevé d'évolution maligne. Comme dans
le type en plaques, la kératose peut avoir un aspect « par-
queté », être accompagnée parfois d'une pigmentation méla-
nique, et ces lésions sont souvent prises pour des
« leucoplasies » (figure 9) (encadré I). Le diagnostic difficile
est rendu plus facile s'il existe des documents anamnestiques,
une biopsie ancienne, ou s'il reste une trace du réseau liché-
nien initial, au mieux avec un peu d'érythème.
Encadre I
Leucoplasie, définition : terme ancien, employé à propos des
muqueuses, qui selon son origine grecque, de « leucos » (blanc)
et « plassis » (formation), signifie « formation blanche ». Il s'agit
donc d'un terme clinique, correspondant souvent à une
kératinisation anormale.
Un groupe de l'OMS a été constitué pour l'étude spéciale des
lésions orales correspondantes. Ce groupe a émis une définition
qui a quelque peu varié dans le temps : « une lésion
principalement blanche de la muqueuse orale, qui ne peut être
caractérisée sur le plan clinique ou histopathologique comme
étant une autre lésion ». Cette définition qui fait mention de
l'histopathologie sans la définir a d'ailleurs varié, par exemple
d'abord excluant, puis incluant les lésions de cause tabagique. . .
Le terme « leucoplasie » est tellement galvaudé que nombre de
Figure 9 cliniciens imaginent qu'il s'agit d'une affection particulière, de
LP en nappe d'aspect « parqueté » chez un fumeur l'affirmation d'un diagnostic. À notre avis, ce terme ambigu doit
être exclu du vocabulaire, et remplacé éventuellement soit par un
terme clinique (lésion blanche), soit par un diagnostic anatomo-
clinique (kératose tabagique, kératose de friction, lupus
érythémateux chronique, lichen plan hyperkératosique, etc.).
TABLEAU II
Formes cliniques du lichen plan oral
F. érosive
Mineure Prédominance des lésions blanches, petites érosions
F. bulleuse
Simple Bulle souvent unique, petite, absence d'anticorps
F. hyperkératosique
Simple Ortho- ou parakératose plus ou moins épaisse, lisse
Mise au point
Figure 10 Figure 12
LP érythémateux : l'érythème est prédominant, les stries LP érosif mineur : les érosions plus ou moins douloureuses sont
blanches sont très discrètes d'assez petite taille, à fond fibrineux jaunâtre, avec érythème en
périphérie
Figure 11 Figure 13
LP très actif : les lésions lichénoïdes de la JDE sont nombreuses, LP érosif, érosion inflammatoire recouverte d'un enduit fibrino-
l'épithélium est par place très aminci, mais non érodé leucocytaire, épithélium de la berge aminci
233
Encadre II
Pemphigoïde bénigne des muqueuses
Ce terme plus récent tend à remplacer celui de « pemphigoïde
cicatricielle », affection bulleuse à décollement sous-épithélial qui
touche électivement les muqueuses orale et conjonctivale, et
parfois la peau ! Le terme « bénigne » ne convient peut être
guère à une affection parfois très invalidante qui risque de faire
perdre la vision. . .
Figure 15 Figure 16
LP bulleux sur une zone de muqueuse atrophique et LP atrophique encore actif, perte du relief papillaire « peau
érythémateuse d'orange » avec aspect lisse de la gencive
234
Mise au point
Figure 17
Figure 19
LP atrophique : épithélium atrophique aminci à face profonde
LP atrophique et scléreux : épithélium atrophique et kératosique
rectiligne, orthokératose et exocytose lichénoïde. Le chorion est
aminci, face profonde rectiligne, orthokératose, exocytose
un peu épaissi et fibreux, avec épaississement de la membrane
lichénoïde. Chorion nettement épaissi et fibreux, épaississement
basale et infiltrat lymphocytaire lichénien
de la membrane basale, infiltrat lymphocytaire lichénien. La
sous-muqueuse présente une fibrose diffuse, s'insinuant entre
les fibres superficielles du plan musculaire
Figure 18
LP atrophique et scléreux : rétraction du cul-de-sac vestibulaire Figure 20
latéral inférieur LP hyperkératosique : hyperkératose verruqueuse de la gencive
l'épithélium jugal aminci. Il existe une rétraction du cul-de-sac type habituel de la dépapillation marginale symétrique
vestibulaire latéral inférieur qui entraîne une limitation plus ou (figure 21A).
moins marquée de l'ouverture buccale (figure 18). Plus rare- Dans la variété verruqueuse, l'hyperkératose forme des plaques
ment, il peut exister une gêne plus ou moins importante de la bien limitées, saillantes et rugueuses, entourées de kératose
protraction de la langue. La sous-muqueuse est envahie par la fine et parquetée. Elles donnent à la palpation la sensation de
fibrose, qui parfois s'insinue entre les fibres superficielles du « langue de chat ». L'hyperkératose est histologiquement
plan musculaire (figure 19). accompagnée de papillomatose. La figure 21B montre des
lésions qui prédominent dans la région dorsale médiane, siège
Lichen plan hyperkératosique et/ou verruqueux assez rare du LPO.
L'hyperkératose prédomine, tantôt fine et opaline, tantôt
épaisse et blanche, et siège sur les zones de prédilection du Lichen plan pigmenté (ou nigricans)
LPO comme la gencive (figure 20), la muqueuse de la joue, et la La pigmentation gris noirâtre du LP pigmenté (figure 22A) est la
muqueuse dorso-linguale marginale. Elle est souvent associée conséquence de l'attaque par les lymphocytes de l'assise basale
à l'atrophie épithéliale, bien visible sur la langue où elle prend le de l'épithélium, qui entraîne une la migration du pigment
235
Figure 21
LP hyperkératosique avec dépapillation marginale symétrique (A) et verruqueux de la face dorsale de la langue (B)
mélanique dans le chorion (figure 22B). Le LPO pigmenté est le résultat durable et pratiquement irréversible de l'activité
observé habituellement chez des sujets à peau pigmentée, passée du LPO. Ces altérations se manifestent cliniquement
surtout en cas de LPO assez ancien, et persiste au cours de quand elles sont devenues assez importantes, et persistent
l'état post-lichénien. indéfiniment dans la cavité orale malgré la régression puis la
disparition du processus lichénien. La persistance de ces alté-
L'état post-lichénien rations, rare sur la peau (état pseudo-peladique du cuir che-
L'activité du LPO, marquée par des poussées successives velu, perte des ongles dans le lichen érosif des orteils), mais
d'intensité variable, diminue avec le temps et/ou le traite- habituelle sur la muqueuse orale, constitue l'état post-liché-
ment, et finit habituellement par s'épuiser. Les signes clini- nien [1,7].
ques d'activité (érythème, érosions, bulles), et les signes Aspect clinique de l'état post-lichénien : l'activité du LPO est
histologiques d'activité (infiltrat lymphocytaire, exocytose, éteinte, très faible ou presque nulle, seules persistent :
atrophie épithéliale (extrêmement fréquente) ;
corps hyalins) régressent peu à peu, puis finissent par dis-
dépapillation marginale symétrique de la langue, respectant
paraître. Les altérations de la muqueuse représentées par une
association variable d'atrophie épithéliale, de kératose, de toujours la zone médiane postérieure et souvent la pointe
fibrose du chorion et éventuellement de pigmentation, sont (figure 23) ;
Figure 22
LP pigmenté de la muqueuse jugale (A) avec incontinence de pigment mélanique mise en évidence par le Masson Fontana (B)
236
Mise au point
Figure 24
État post-lichénien : atrophie épithéliale et fine kératose, aspect
de « foie gras » dû à la fibrose du chorion. Absence d'érythème
et d'inflammation
aspect lisse de la gencive adhérente (perte de l'aspect « peau leuse marquée, ou parakératosique (d'épaisseur très variable),
d'orange ») ; parfois ébauche de papillomatose et aspect « en toits » dans
hyperkératose (fréquente) ; la variété verruqueuse ;
au début simple élargissement et/ou confluence de stries la fibrose (plus rare, mais très évocatrice) envahissant parfois
plaques ou en nappe ;
à surface plus ou moins lisse, aspect parqueté, ou aspect
verruqueux ;
fibrose (plus rare, mais très évocatrice) ;
l'ouverture buccale ;
pigmentation mélanique (chez les sujets bruns) de teinte
sible oral intraepithelial neoplasia (OIN). présence de lésions en réseau blanc grisâtre légèrement
La confrontation des données cliniques et histologiques est très surélevées (aspect réticulé) ;
importante. des lésions érosives, atrophiques, bulleuses ou en plaques ne
ques » ou OIN (encadré III), motif d'exclusion surtout depuis la qu'histopathologiques doivent être satisfaits ;
révision des critères de diagnostic de l'OMS (2003) qui tranche LPO : le diagnostic nécessite que les critères cliniques aussi bien
sur des bases discutables entre LPO et « lésions lichénoïdes » qu'histopathologiques soient satisfaits ;
LLO : ce diagnostic sera affirmé dans les circonstances suivantes :
(encadré IV) [9]. Certaines publications rapportent que seules
LPO cliniquement typique, mais histopathologiquement
ces dernières seraient à risque de transformation maligne, et
non le LP0 [10]. seulement compatible,
LPO histopathologiquement typique, mais cliniquement
La transformation carcinomateuse du LPO ne se produit jamais
seulement compatible,
sur un LP récent mais toujours sur un LP ancien d'au moins 5 ans, LPO cliniquement compatible et histopathologiquement
ou plus souvent d'une à plusieurs décennies (phase intermé-
compatible.
diaire tardive, phase tardive, état post-lichénien). Il s'agit surtout À notre avis, l'emploi de critères cliniques et histopathologiques
séduisants par leur simplicité, mais statiques, figés et beaucoup trop
restrictifs, ne tient aucun compte des diverses modifications qui
Encadre III interviennent au cours du temps et sous l'influence de facteurs
« OIN », définition : oral intraepithelial neoplasia (OIN), extrinsèques (tabac, alcool, hygiène, stress, etc.), dans une affection
néoplasie intra-épithéliale orale, est un synonyme de l'ancienne d'aussi longue durée (des dizaines d'années. . .) que le LPO.
appellation (toujours utilisée par certains surtout en stomatologie) L'application stricte et généralisée de ces critères aboutirait à une
de « dysplasie épithéliale orale ». méconnaissance de nombreux cas de LPO ancien, de forme
À notre avis, le terme « dysplasie » est malvenu puisqu'il signifie clinique particulière ou variété rare, et à une multiplication des
« malformation » alors qu'il s'agit d'une lésion tumorale ou « diagnostics » de LLO sans précision quant à la nature exacte de
« prétumorale ». Son usage a d'ailleurs disparu en pathologie la lésion, aux dépens de ceux de LPO. Ceci explique qu'au terme
cervicale (CIN) et en pathologie vulvaire (VIN). . ., bien que d'une étude postérieure, les mêmes auteurs ont pu affirmer que
subsiste encore parfois l'expression « d'altérations dysplasiques » seule la LLO comporterait un risque de transformation maligne,
à propos d'une muqueuse. dont le LPO serait dépourvu [10].
238
Mise au point
Les sièges de prédilection sont souvent la langue (figure 26), la
joue, le vestibule, la gencive. La transformation passe par un
stade prémonitoire de « précurseur », à guetter cliniquement. Il
existe 2 variétés tumorales principales : le carcinome épider-
moïde de type habituel (précurseur : OIN ou « dysplasie épi-
théliale ») et le carcinome verruqueux (forme très différenciée
du carcinome épidermoïde, précurseur : « hyperplasie
verruqueuse »).
Conclusion
Le LPO motif fréquent de consultation peut être isolé ou
associé à des lésions cutanées, génitales (syndrome vulvo-
vagino-gingival [VVG], syndrome péno-gingival [PG]) ou œso-
phagiennes. La maladie est caractérisée par une évolution
dynamique, très prolongée. Les poussées successives d'acti-
vité à l'interface épithélium-chorion au cours du temps et/ou
sous l'action de certains facteurs exogènes sont responsables
de la plupart des différents aspects cliniques et histopatholo-
giques de la maladie. Le diagnostic clinique facile au début et
dans les cas typiques devient difficile dans les cas anciens
ayant évolué durant plusieurs décennies. L'examen histopa-
thologique est important pour le diagnostic, et les corrélations
anatomo-cliniques sont indispensables pour déterminer le
stade de la maladie et pour estimer l'activité du LPO, afin
Figure 26 d'instaurer un traitement approprié. Il est important en outre
d'arrêter le tabagisme et d'éliminer tous les facteurs irritants.
Carcinome sur état post-lichénien de la langue
La transformation maligne apparaît é la fin de dans la phase
intermédiaire, dans la phase tardive et dans l'état post-liché-
nien, ce qui doit inciter à effectuer chez les patients des
de LPO atrophique ou parfois hyperkératosique, et non seule- contrôles réguliers sur le long terme, ainsi qu'à pratiquer
ment de LPO érosif (notion classique, qui ne tient pas compte de une biopsie dès le départ pour établir le diagnostic et l'activité
la coexistence de l'atrophie). La transformation est favorisée par de la maladie, à répéter en fonction des modifications de
la présence d'autres facteurs carcinogènes, comme : l'aspect clinique du LPO.
le tabac +++ (souvent seul incriminé), le cannabis ;
Références
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ZZ, Zhou XJ, Khan A, et al. The pathogenesis du lichen plan buccal. 2e partie : présentation
239
Dossier thématique
Mise au point
Disponible sur internet le : 1. CHU de Tours, université François-Rabelais, service de dermatologie, 37044 Tours,
8 décembre 2015 France
2. ISP 1282, Inra, université de Tours, 37200 Tours, France
Correspondance :
Mahtab Samimi, CHU de Tours, université François-Rabelais, service de
dermatologie, avenue de la République, 37044 Tours, France.
samimi.mahtab@yahoo.fr
Points essentiels
Devant une chéilite, il faut examiner l'ensemble de la cavité buccale, mais également les autres
muqueuses et le revêtement cutané. Les facteurs d'irritation (climatiques, caustiques,
mécaniques. . .) sont la cause la plus fréquente de chéilites. Les chéilites peuvent être allergiques :
l'interrogatoire doit être « policier » pour rechercher tout objet/substance porté(e) à la bouche, et
les tests épicutanés peuvent confirmer le diagnostic. Les chéilites actiniques chroniques, chez un
homme d'âge mûr de phototype clair, sont des affections potentiellement malignes, qu'il faut
biopsier systématiquement afin d'éliminer une dysplasie sévère, voire un carcinome. Les perlè-
ches sont souvent plurifactorielles : immunodépression générale, macération et irritation locale,
surinfection mycosique ou bactérienne. Les maladies générales : lichen, lupus dermatite atopique,
carences. . . peuvent également s'accompagner d'une chéilite. L'érythème polymorphe et le
syndrome de Stevens-Johnson ont un tableau oral similaire comportant une chéilite érosive et
croûteuse et une stomatite bulleuse et érosive. Un œdème intermittent ou permanent des lèvres
doit faire évoquer une macrochéilite granulomateuse, à confirmer par une biopsie. Une macro-
chéilite granulomateuse peut être isolée (macrochéilite de Miescher) ou associée à d'autres
pathologies.
Key points
Cheilitis: Diagnosis and treatment
The whole examination of oral cavity, other mucosae and skin is required when managing a
cheilitis. Irritants (climatic, mechanical, caustic agents. . .) constitute the main aetiological factors
of cheilitis. Allergic contact cheilitis should be investigated with a detailed anamnesis in order to
search any causative agent in contact with the oral mucosae. Patch testing is required to confirm
the diagnosis of delayed hypersensivity. Chronic actinic cheilitis occurs mostly in middle-aged,
fair-skinned men. It is a potentially malignant condition that requires biopsies to exclude severe
dysplasia or carcinoma. Angular cheilitis can occur spontaneously but is frequently related with
240
Mise au point
several precipitating factors, such as systemic immune suppression, local irritation and moisture,
fungal and/or bacterial infection. Cheilitis can also be seen in various systemic conditions such as
lichen planus, lupus, atopic dermatitis and nutritional deficiencies. Erosive and crusty cheilitis and
bullous erosive stomatitis are the main oral features of erythema multiforme and Stevens-
Johnson syndrome. Granulomatous macrocheilitis (cheilitis granulomatosa) presents with inter-
mittent or permanent lip swelling. It should be confirmed by a biopsy. It can be either isolated
(Miescher macrocheilitis) or associated with various systemic conditions.
Chéilites climatiques
Figure 1 L'agression par le froid et le vent peut entraîner une chéilite
Anatomie des lèvres sèche, desquamative et fissuraire (lèvres gercées). La lèvre
241
TABLEAU I TABLEAU II
Orientation diagnostique en fonction de la présentation clinique Causes des chéilites
Lichen plan Chéilite glandulaire Lichen érosif Allergiques Eczéma de contact > urticaire
de contact ou systémique
Lupus discoïde Chéilite infectieuse Chéilite plasmocytaire
Infectieuses Herpès, Candida albicans, bactéries
Maladie bulleuse (Staphylococcus, Streptococcus,
auto-immune Enterococcus)
Chéilites mécaniques
Il faut rechercher tout facteur mécanique potentiellement res-
ponsable d'une irritation chronique buccale et péri-buccale : Chéilites actiniques
contacts anormaux entre dents et lèvres, tics, tétine, pratique La chéilite actinique aiguë est liée à une exposition intense aux
d'un instrument de musique. . . rayonnements ultraviolets (UV), et s'apparente à une brûlure. La
Les contacts anormaux entre dents et lèvres peuvent être liés lèvre inférieure, la plus exposée aux UV, est le siège d'un
à une anomalie osseuse ou de l'articulé dentaire (rétrognathie, œdème érythémateux et douloureux. Dans les formes sévères,
malpositions dentaires. . .) ou à une prothèse mal adaptée. La l'inflammation est vésiculobulleuse, puis érosive et croûteuse
chéilite est souvent localisée à la zone d'occlusion dentaire sur la (figure 2). Les diagnostics différentiels sont : une récurrence
lèvre inférieure, qui peut être érosive, squameuse, se décoller herpétique induite par les UV, une photodermatose (lupus), une
en lambeaux. photosensibilisation favorisée par des médicaments systémi-
Le facteur d'irritation peut être un tic du patient (tic de léchage, ques ou topiques [1,2].
tic de mordillement, tic de succion, tic de grattage), qui peut être La chéilite actinique chronique est secondaire à une exposition
conscient ou non. Le tic de léchage est fréquent chez l'enfant : le prolongée, pendant des années, aux rayons UV, souvent liée au
diagnostic est facile devant un érythème péri-buccal, dont les contexte professionnel (agriculture, marine, travail en plein air, en
limites périphériques sont nettes, curvilignes, et correspondent altitude. . .). Elle atteint préférentiellement l'homme à partir de la
au périmètre que peut atteindre la langue de l'enfant. Le tic de cinquantaine, de phototype clair [3]. Elle prédomine sur la lèvre
mordillement ou de succion peut être observé au cours de la inférieure qui est alors desquamative, atrophique (figure 3), par-
consultation, chez un patient anxieux. L'examen montre des fois leucokératosique (figure 4), voire croûteuse, fissuraire, éro-
excoriations ou des érosions labiales superficielles, des lam- sive (figure 5). Les lésions peuvent être unifocales, plurifocales,
beaux muqueux blanchâtres déchiquetés, sur la face interne de ou atteindre l'ensemble du vermillon. Les limites entre le vermil-
la lèvre inférieure, sur la face interne des joues. Le traitement lon et le versant cutané sont alors moins nettes. La peau photo-
consiste à faire prendre conscience au patient du tic, et à tenter exposée peut être également le siège d'une élastose actinique ou
de le corriger, ce qui est difficile : une psychothérapie ou des de kératoses actiniques. La chéilite actinique chronique a été
anxiolytiques peuvent être nécessaires. Les muqueuses peuvent classée par l'OMS comme une « affection potentiellement mali-
être protégées par des émollients ou un pansement. gne » [4] : les UV induisent des dommages à l'ADN, à l'origine de
242
Mise au point
Figure 4
Chéilite actinique chronique, forme kératosique
Figure 2
Chéilite actinique aiguë
labiale voisine. Les traitements destructeurs, non chirurgicaux,
peuvent être utilisés sur une chéilite actinique isolée ou avec
dysplasies légères, modérées ou sévères, pouvant évoluer vers une dysplasie légère : cryothérapie ou cryochirurgie pour une
des carcinomes épidermoïdes. La réalisation d'une ou de plusieurs atteinte focale, traitements par topiques (5FU, imiquimod) ou
biopsies est recommandée afin de rechercher une dysplasie ou un photothérapie dynamique pour une plus large surface. Ces
carcinome, même en l'absence de signes cliniques de malignité. traitements comportent toutefois un risque important de réci-
La transformation carcinomateuse est à évoquer systématique- dive, et de plus ne permettent pas de contrôle histologique des
ment en cas d'induration, d'infiltration ou d'ulcération d'une lésions. Un traitement ablatif par laser CO2 comporte un faible
chéilite actinique chronique, et à rechercher par des biopsies taux de récidive, mais reste opérateur-dépendant et ne permet
multiples. pas de contrôle histologique.
Les modalités thérapeutiques de la chéilite actinique chronique
sont diverses (pour une revue récente, voir [5]). En cas de Chéilite leucokératosique tabagique
dysplasie sévère ou de carcinome, la chirurgie par vermillonec- Il s'agit souvent d'une atteinte de la lèvre inférieure, avec une
tomie reste le traitement de référence, avec excision de la plaque blanchâtre (leucokératose), qui peut être superficielle,
totalité de la semi-muqueuse et transposition de la muqueuse opaline, homogène, ou bien plus infiltrée, épaisse, hétérogène,
située à l'emplacement habituel de la cigarette ou de la pipe.
Une biopsie est nécessaire pour rechercher une dysplasie ou un
carcinome. En cas de leucokératose isolée, ou de dysplasie
légère, la lésion peut régresser à l'arrêt du tabagisme.
Figure 3 Figure 5
Chéilite actinique chronique, forme atrophique et squameuse Chéilite actinique chronique, forme érosive
243
Figure 6 Figure 7
Chéilite et eczéma péri-buccal Urticaire de contact
244
Mise au point
Figure 8 Figure 9
Angiœdème (urticaire chronique spontanée) Chéilite angulaire staphylococcique
lors de la consultation, mais récidivent par la suite et persistent (> 6 récurrences par an), une prophylaxie par valaciclovir peut
de manière chronique. être prescrite pendant une durée de 6 mois.
Les chéilites factices sont liées à une forme de pathomimie, où
les patients, le plus souvent des adolescents ou des femmes Chéilites mycosiques
jeunes, entretiennent la chéilite par des traumatismes répétés, L'atteinte est le plus souvent liée à Candida albicans, saprophyte
de manière consciente ou non. Il s'agit de patients avec un de la cavité buccale, qui devient pathogène lors de circonstances
terrain psychologique particulier. Le traitement comporte : favorisantes (immunodépression, antibiothérapie, corticothéra-
émollients, ablation des croûtes, psychothérapie, psychotropes. pie, infection VIH. . .). Plus rarement, d'autres espèces de Can-
La chéilite « exfoliative » est d'étiologie inconnue [9] : ces dida peuvent être mises en évidence. La candidose buccale
chéilites ne sont pas considérées comme des pathomimies aiguë ou chronique peut se manifester par une chéilite éry-
par certains auteurs, il n'y aurait pas de traumatisme provoqué, thémateuse avec une perlèche bilatérale. Il faut rechercher
la chéilite pourrait être liée à un manque de soins et d'hygiène. d'autres signes de candidose buccale (stomatite recouverte
Le traitement est similaire à celui des chéilites factices. d'enduits pseudomembraneux blanchâtres détachant à l'abaisse
langue dans la forme aiguë ; glossite érythémateuse dans la
Chéilites infectieuses forme chronique) (figure 11). La candidose chronique peut avoir
Chéilites bactériennes plus rarement un aspect hyperkératosique (figure 12), voire
L'impétigo à streptocoques ou à staphylocoques, notamment pseudo-tumoral appelé le « granulome moniliasique ». Un pré-
chez l'enfant, peut être labial, réalisant un tableau de chéilite lèvement local permet de confirmer le diagnostic, montrant de
vésiculopsutuleuse ou bulleuse, évoluant rapidement vers des
érosions suintantes recouvertes de croûtes méllicériques
(figure 9). Il peut y avoir des lésions similaires en péri-buccal
ou en péri-narinaire. Le traitement associe des soins anti-
septiques locaux, une antibiothérapie locale ou générale active
sur le streptocoque et/ou le staphylocoque.
Chéilites virales
La principale cause de chéilite virale est l'herpès récurrent, liée
à HSV1 ou HSV2, qui peut se présenter comme des vésicules
groupées en bouquet à cheval sur le vermillon et le versant
cutané, qui évolue vers des lésions croûteuses et disparaît en
une dizaine de jours (figure 10). Le traitement comporte sim-
plement des soins locaux par émollients. L'aciclovir en topique Figure 10
local n'a pas d'intérêt. Dans les formes récurrentes Récurrence herpétique labiale
245
Figure 12 Figure 13
Chéilite angulaire hyperkératosique : candidose chronique Chéilite atopique
246
Mise au point
Figure 16
Lichen plan : forme érosive
Figure 15 Figure 17
Lichen plan : forme réticulée et leucokératosique Chéilite fissuraire induite par l'acitrétine
247
Figure 20
Figure 18 Pelèche rétrocommissurale (« miroir » de la lésion représentée
Chéilite érosive et croûteuse : érythème polymorphe (figure 12))
248
Mise au point
TABLEAU III TABLEAU IV
Que rechercher devant une perlèche ? Causes des macrochéilites granulomateuses
Terrain : atopique
balanite plasmocytaire de Zoon. Ce sont des pathologies béni- la chéilite glandulaire simple : la muqueuse labiale inférieure
gnes, d'étiologie inconnue, qui correspondraient à une réaction comporte de multiples granulations ou pointes érythémateu-
d'hypersensibilité à un antigène. Cliniquement, il existe une ses, centrées par un orifice d'où s'écoule de la salive, de
chéilite érythémateuse, œdémateuse, érosive, qui peut être manière asymptomatique ;
associée à une atteinte orale plus étendue (gencives, palais, la chéilite glandulaire suppurée : il existe une surinfection des
langue, pharynx). L'histologie fait le diagnostic, en montrant glandes salivaires. La chéilite est œdémateuse, inflammatoire,
un infiltrat plasmocytaire en bande sous-épithéliale. Les traite- érosive et purulente, recouverte de squames et de croûtes. La
ments rapportés sont les corticoïdes (locaux ou intralésionnels), palpation peut retrouver une surface nodulaire, traduisant
les inhibiteurs de calcineurine topiques (tacrolimus topique), la l'hypertrophie des glandes, et faire sourdre le pus. Les rema-
griséofulvine orale [15]. niements inflammatoires chroniques peuvent éverser la lèvre.
Chéilites glandulaires Le risque d'évolution de ces formes suppurées chroniques vers
Les chéilites glandulaires sont liées à l'inflammation chronique de un carcinome labial est discuté dans la littérature, et serait liée
glandes salivaires accessoires hétérotopiques de la muqueuse à l'association avec des dommages actiniques (chéilite acti-
labiale, caractérisée par une ectasie des canaux glandulaires avec nique chronique). Le traitement comporte soins locaux, anti-
hypersécrétion et inflammation. L'atteinte prédomine à la lèvre biothérapie, cryochirurgie et, dans les formes suppurées
inférieure ; l'atteinte de la lèvre supérieure, des deux lèvres voire sévères, une exérèse chirurgicale par vermillonectomie
de la cavité buccale (stomatite glandulaire) ont été rapportés. La [16,17].
plupart des cas sont rapportés chez l'adulte entre 50 et 70 ans.
L'étiologie est inconnue et serait plurifactorielle, associant des Déclaration de liens d'intérêts : l'auteur déclare ne pas avoir de liens
d'intérêts.
facteurs mécaniques, irritatifs, actiniques, climatiques et généti-
ques. Il existe deux formes :
Références
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250
Mise au point
Angiomes de la bouche
Gérard Lorette, Dominique Goga, Anne Le Touze, Annabel Maruani, Denis Herbreteau
Disponible sur internet le : Université de Tours, faculté de médecine, CHU de Tours, consultation
5 février 2016 angiodysplasies, 37033 Tours cedex, France
Correspondance :
Gérard Lorette, université de Tours, faculté de médecine, consultation
angiodysplasies, CHU de Tours, 37033 Tours cedex, France.
lorette@med.univ-tours.fr
Points essentiels
Les hémangiomes sont des tumeurs bénignes qui apparaissent après quelques jours de vie.
Les malformations capillaires sont isolées ou font partie d'une angiomatose complexe.
Les malformations veineuses sont à bas débit, elles ont une couleur bleue. Elles sont de différents
types.
Les malformations artério-veineuses sont à haut débit. Elles sont difficiles à traiter.
Les malformations lymphatiques sont micro- ou macrokystiques.
L'IRM est l'examen de référence.
Certains patients nécessitent des interventions de chirurgie maxillofaciale et l'utilisation de
techniques de radiologie interventionnelle pour des malformations veineuses, des malformations
lymphatiques macrokystiques, certaines malformations artério-veineuses.
Key points
Oral angiomas
Hemangiomas are benign tumors that occur after a few days of life.
The capillary malformations are isolated or constitute part of a complex angiomatosis.
Venous malformations are low flow malformations with a blue color. They are of different types.
The arteriovenous malformations are high flow lesions. They are difficult to treat.
Lymphatic malformations are micro- or macrocystic.
MRI is the gold standard for explorations.
Some patients undergo maxillofacial surgical procedures and interventional radiology techniques
for venous malformations, macrocystic lymphatic malformations, arteriovenous malformations.
251
Mise au point
à l'âge adulte spontanément ou après un traumatisme par
exemple.
Cutanéo-muqueuses
La localisation buccale la plus fréquente est le rebord d'une lèvre
(figure 3). D'autres localisations sont moins fréquentes : langue,
palais, gencive, face interne d'une joue.
À la lèvre on note une tuméfaction, débordant un peu celle-ci. La
couleur est celle de la peau normale. À la palpation un léger
battement, un thrill, une discrète augmentation de la chaleur
locale sont des arguments diagnostiques. La lésion reste stable
pendant des années, puis subit des poussées évolutives, par
exemple après un traumatisme, une intervention chirurgicale,
à la puberté, ou pendant une grossesse. . .
Il s'agit d'autres fois d'une grosse tumeur, rouge ou violacée,
Figure 2 battante, chaude, extensive, qui s'ulcère et saigne. Elle peut être
Malformation veineuse acquise du bout de la langue située sur la peau ou dans la bouche. Des grosses veines sont
habituellement visibles en périphérie. Les contours sont souvent
difficiles à préciser cliniquement.
extension peut résulter de lésions discrètes dans les premiers
mois de vie. Osseuses
La mandibule est le point de départ osseux le plus fréquent de la
Formes cliniques particulières malformation. Il y a ensuite une atteinte osseuse et muqueuse.
Blue rubber bleb nevus (BRBN) Le maxillaire supérieur est plus rarement atteint.
Il s'agit de petites masses arrondies, bleutées, situées sur les
Malformations lymphatiques (ou
lèvres, la langue, le palais. Les éléments typiques sont de petite
lymphangiomes)
taille (1 ou 2 cm de diamètre), ils sont dépressibles à la palpa-
tion. Il peut exister des éléments de même type n'importe où Elles sont de trois types : macrokystiques, microkystique ou
sur la peau et parfois dans divers organes. Le nombre d'élé- mixte. Elles contiennent de la lymphe, parfois teintée d'un
ments est très variable, d'un ou deux à plusieurs dizaines. Les peu de sang. Sous la langue, des macrokystes soulèvent
lésions sont souvent sporadiques avec parfois un caractère celle-ci (figure 4). Des microkystes sont responsables d'une
familial. La survenue d'une anémie doit faire rechercher une atteinte diffuse de la langue ; celle-ci est épaissie, souvent
ou plusieurs lésions digestives particulièrement de l'intestin qui parsemée en surface de multiples lymphangiectasies (figure 5).
peuvent saigner par épisodes. Il survient des poussées inflammatoires, accompagnées souvent
de fièvre. Les lésions grossissent à ce moment là, avec le risque
Tumeurs glomiques (ou glomangiomes) d'une gêne respiratoire, voire d'une asphyxie.
Ces tumeurs développées à partir des glomus artério-veineux
sont de survenue sporadique ou familiale. La localisation buc-
cale est peu fréquente. Elles prennent l'aspect de nodules
bleutés de la langue ou des lèvres très proches cliniquement
des BRBN mais sans atteinte intestinale. Les nodules peuvent
être remplacés par une infiltration du plancher de la bouche. Les
lésions développées sont stables sans tendance à la régression.
La douleur à la palpation est un argument diagnostique.
Syndrome CLAPO
C'est l'association d'un angiome plan de la lèvre inférieure,
débordant sur la peau, d'une malformation de la face ou du
cou entraînant un aspect asymétrique et d'une hypertrophie
localisée ou généralisée (Capillary malformation of the lower
lip, Lymphatic malformation of the face and neck, Asymmetry
and Partial/generalized Overgrowth [CLAPO]) [3].
Syndrome de Gorham
Il s'agit d'une ostéolyse massive d'un ou plusieurs os dont
parfois la mandibule. Le début est le plus souvent infantile
Figure 4 ou survient à l'âge adulte. La cause exacte est méconnue. Il
Malformation lymphatique, macrokystique, sous la langue existe une prolifération des cellules endothéliales
lymphatiques.
Syndrome de Rendu-Osler
Des malformations lymphatiques, souvent macrokystiques sont Il s'agit d'une angiomatose télangiectasique. Les premières
situées sous le plancher buccal, elles peuvent être volumineu- manifestations surviennent souvent à partir de l'adolescence.
ses. Le plus souvent elles ne sont pas compressives. Les épi- Il s'agit habituellement de télangiectasies des lèvres, du bout de
sodes inflammatoires peuvent entraîner une sclérose la langue, de la muqueuse nasale, responsable d'épistaxis. Dans
spontanée des kystes et donc une régression, qui n'est cepen- une majorité de cas la transmission est héréditaire, liée à la
dant pas définitive en général. mutation d'un gène (ENG et ACVRL1/ALK1).
IRM
C'est l'examen de référence pour évaluer l'extension.
En cas de malformation veineuse ou lymphatique (figures 6–8)
en séquence pondérée T2 avec suppression de la graisse, la
malformation apparaît en hypersignal homogène typique des
lacs veineux ou lymphatiques. Il sont clairement différentiables
des structures voisines. L'injection de gadolinium n'est pas
obligatoire ; elle rehausse les parois des kystes lymphatiques
et globalement les lacs veineux. La présence de phlébolithes est
pathognomonique des malformations veineuses. Les grandes
poches lymphatiques sont souvent associées à des canalicules
lymphatiques.
L'artériographie figures 9–10 reste indispensable pour le bilan
des malformations artério-veineuses en mettant en évidence
les artères et les veines dilatées qui communiquent par un nidus
ou directement par une fistule. Les malformations artério-
Figure 5 veineuses donnent en IRM un vide de signal dans les vaisseaux
Malformation lymphatique, microkystique de la langue dilatés artériels et veineux.
254
Mise au point
Figure 8
IRM. Hypertrophie des parties molles labiales supérieure et
philtrum, allant au contact des racines dentaires, sans poches
liquidiennes visibles. Les vaisseaux artériels sont de petite taille,
à la limite de la visibilité
Figure 6
IRM coupe axiale. Séquence pondérée T2 en suppression de
graisse. Hypersignal caractéristique des lacs veineux stagnants. Tomodensitométrie
Présence de phlébolites en hypersignal. Malformation veineuse Elle est surtout utile en cas d'extension osseuse.
étendue, buccale et temporo-massétérine, touchant la lèvre, la On peut réaliser un angioscanner (figure 11).
gencive, le voile du palais, la loge amygdalienne, la base de la
langue
Bilan de coagulation
Il concerne essentiellement les malformations veineuses éten-
dues. Il peut exister une coagulation intravasculaire localisée.
Celle-ci doit être prise en compte, particulièrement avant un
acte chirurgical.
Figure 7
IRM coupe coronale. Séquence pondérée T2 en suppression de Figure 9
graisse. Hypersignal de la lymphe. Extension à la base de la Artériographie. Malformation artério-veineuse.
langue, cutanée, sous-cutanée, jugale, du menton, formée de Hypervascularisation provenant de l'artère sous-orbitaire et
nombreux microkystes et d'un seul macrokyste. Canalicules faciale droite. Hypervascularisation diffuse avec retour veineux
lymphatiques envahissant la peau. Malformation lymphatique précoce, mais souvent moindre que dans d'autres localisations
255
Figure 10
Artériographie de profil de la carotide primitive. Malformation artério-veineuse de la langue. Montre une artère linguale volumineuse,
ectasique (de la taille d'une artère carotide intracrânienne). Retour veineux très précoce
Histologie Traitement
La biopsie n'est pas un examen habituel. Elle est nécessaire s'il Hémangiomes
existe un doute diagnostique, en particulier avec une tumeur La découverte de l'efficacité rapide du propranolol en sirop a
maligne. Un examen histologique est effectué quand une inter- modifié la prise en charge des hémangiomes. Le traitement doit
vention chirurgicale est réalisée. Le risque de saignement est être institué dans les premiers mois d'évolution, en général à la
important, surtout en cas de malformation à haut débit, mais dose de 2 à 3 mg/kg/j. La mise en route du traitement et les
aussi en cas de malformation veineuse, elle doit donc être modifications de dose doivent se faire en milieu hospitalier en
pratiquée au bloc opératoire. Elles sont contre-indiquées dans contrôlant la tension artérielle et la glycémie. L'intérêt est
les formes à haut débit, car source de poussée évolutive. surtout pour les hémangiomes volumineux ou ulcérés, l'effica-
Les hémangiomes habituels comportent un fort contingent de cité est très rapide.
cellules endothéliales. Elles sont marquées par le glutathion 1
(GLUT 1). Les hémangiomes congénitaux ne possèdent pas ce Malformations capillaires
marquage. Elles sont traitables par laser à colorant pulsé ou NdYag.
Malformations veineuses
La sclérose est la base du traitement. Différents produits peu-
vent être utilisés comme l'Aetoxisclérol® pour les malforma-
tions limitées, la bléomycine, la doxycycline ou l'alcool absolu
pour les grandes malformations [4]. Ce dernier produit n'est pas
sans danger. Il faut tenir compte de l'inflammation qui suit
l'intervention et qui peut entraîner une obstruction respiratoire.
Le but n'est pas, le plus souvent, de faire disparaître totalement
la lésion par ce moyen, sauf pour les lésions limitées, mais de
limiter l'extension ou de préparer le temps chirurgical qui est
effectué dans de meilleures conditions, sur des lésions moins
volumineuses et des vaisseaux thrombosés. La chirurgie est
aussi indiquée pour réduire une macroglossie. Parmi les indi-
cations opératoires interviennent en plus du volume de la
malformation, le nombre de grosses veines de drainage, une
atteinte cutanée, l'existence de troubles de la coagulation. Pour
les grandes malformations veineuses, il existe un risque opé-
Figure 11 ratoire important, en particulier de saignement impossible
Angioscanner axial. Hypervascularisation de l'hémilangue gauche à contenir. Une greffe ou un lambeau de recouvrement peut
avec artères et veines dilatées être nécessaire. La décision thérapeutique est toujours
256
Mise au point
multidisciplinaire. Des essais thérapeutiques sont en cours avec Malformations artério-veineuses
le sirolimus per os dans certaines formes [5]. Ce sont des lésions toujours très difficiles à traiter. En l'absence
Le laser NdYag ou KTP est utilisé pour des malformations de d'évolutivité, la prudence est de ne pas intervenir. On est
petite taille et surtout peu profondes. généralement amenés à traiter en raison d'une progression
de la malformation, parfois après une période de latence pro-
Malformations lymphatiques longée, une hémorragie, une ulcération, des douleurs. . . Une
Les formes macrokystiques sont sclérosées. Ce traitement est embolisation seule peut être discutée sur une lésion de petite
souvent suffisant. Les formes microkystiques ne sont pas acces- taille. De nombreux produits sont utilisés de type liquide :
sibles à la sclérose en dehors de l'injection de bléomycine [6]. Ce alcool, colle, onyx . . . Pour des lésions volumineuses, l'embo-
sclérosant a montré une bonne efficacité dans des malforma- lisation est effectuée quelques heures avant l'intervention chi-
tions microkystiques de la langue. D'autres produits ont été rurgicale [8]. L'exérèse est large et souvent mutilante ce dont
essayés dans cette indication : doxycycline, alcool, OK-432, avec doit être bien conscient le patient. Elle n'est pas sans risque vital
parfois une efficacité mais des effets secondaires supérieurs. Le surtout si l'on intervient forcé en période évolutive. Il peut être
laser ablatif ou la chirurgie peuvent être utiles pour les lésions nécessaire de réaliser un lambeau de recouvrement ou une
de la langue, en réduisant le volume de celle-ci. Des essais greffe après l'exérèse.
thérapeutiques sont actuellement conduits avec la rapamycine
(ou sirolimus) comme agent anti-angiogénique.
En cas de syndrome de Gorham, les biphosphonates ont montré Déclaration de liens d'intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de
liens d'intérêts.
une efficacité [7].
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