Você está na página 1de 30

Dionysos

http://www.cosmovisions.com/$Dionysos.htm

Aperçu Les mythes Aspects du culte (I) Aspects du culte (II) Les représentations

https://books.google.ro/books?id=Cm8C0bIh00QC&pg=PR6&lpg=PR6&dq=Dionysos+et+s
es+masques&source=bl&ots=KJsrGE-
mwW&sig=hxsqHlGiiuzCiOW5qgIx2M17UBI&hl=en&sa=X&ved=2ahUKEwjUiebrrJ3fAhVLy
qQKHUUjC9A4ChDoATAHegQIAxAB#v=onepage&q=Dionysos%20et%20ses%20masque
s&f=false

Dionysos est un des grands dieux de la Grèce, de l'Orient hellénique et de l'Italie. Son nom le plus
ancien est Dionysos (Diwnusos) que lui donnent Homère et Hésiode; la forme éolique est Zonnusos,
la forme attique Dionusos; on trouve aussi Deunusos et Deonusos. Le sens généralement donné à ce
nom est celui de dieu de Nysa, la localité mythique où l'on place sa naissance et son séjour. Les
Romains, lorsqu'ils adoptèrent le culte de Dionysos, l'appelèrent Bacchus, nom que les Grecs lui
donnaient aussi mais seulement depuis le Ve siècle, car il ne paraît qu'à partir d'Hérodote et des
poètes tragiques; ce nom de Bacchus paraît être la forme thracedu nom phrygien Bagaios, le même
que Sabazius, grand dieu de l'Asie Mineure assimilé à Dionysos. Les Grecs adoptèrent ce nom de
Bacchus (Bakcos) mais lui donnèrent la forme Bakceos ou Bakceios; Lenormant l'expliquait en
disant que
« A cause de la nature même du culte dionysiaque et de ses fêtes ils attachèrent ensuite au nom de
Bacchus une idée d'inspiration divine et de fureur orgiastique, ainsi que de purification, qui a donné
naissance au verbe bakceuein et à l'emploi du mot bakcos dans le sens d'inspiré, saisi de transport
bacchique. De là la substitution à Bacchus, pour le nom du dieu, des formes Baccheus, Baccheius qui
ont revêtu l'aspect de dérivés de bakceuein.-»
Quoiqu'il en soit de ces étymologies, le nom de Dionysos est le plus ancien et resta le plus usité en
Grèce; celui de Bacchus, employé à partir du Ve siècle, prévalut en Italie.
L'origine ou plutôt l'introduction relativement récente du culte et des légendes de Dionysos dans la
religion et la mythologie des Grecs est un fait capital de leur histoire religieuse. Dionysos est en effet
avec Déméter et plus encore qu'elle, la seule divinité hellénique autour de laquelle on ait tenté de
constituer une religion complète et sinon exclusive, du moins absorbant et subordonnant les autres
personnages divins, une religion avec son culte, ses prêtres, ses mythes, sa philosophie mystique.
Quand on passe de l'Olympe homérique au culte dionysiaque, on est à moitié chemin du
christianisme. L'extrême intérêt des études relatives à Dionysos tient encore à ce que le culte et la
mythologie de ce jeune dieu renferment une foule d'éléments orientaux et à ce que nous pouvons
encore discerner quelques-uns des types divins que l'un a fusionnés en un seul. Sabazius, lacchos,
Zagreus, Liber, ne sont pas complètement identifiés avec Dionysos, bien qu'il ne soit guère possible
de leur restituer une physionomie propre. Sans entreprendre ici un travail complet sur la mythologie
dionysiaque et sans vouloir formuler de conclusions sur les points en litige, nous nous bornerons à
analyser les principaux faits, suivant d'assez près l'ordre adopté par Lenormant. Les problèmes
relatifs à l'origine et au développement de ce culte sont parmi les moins solubles de la mythologie
grecque.

Dans les poèmes homériques (L'Iliade, L'Odyssée), Dionysos ne joue presque aucun rôle; son culte
n'est nullement développé; tandis que plus tard il sera essentiellement le dieu du vin, ici, bien que
l'usage du vin soit universel, il n'est jamais qualifié d'inventeur du vin, ni de dieu de la vigne; lorsque
Ulysse expose l'origine de celle-ci, il la fait remonter au héros Maron et à Apollon. C'est Hésiode qui
le premier rattache Maron à Dionysos, dont il fait son grand-père; dans les Travaux et les Jours (v.
614), il appelle le vin « don de Dionysos ». Dans l'Iliade il est question de l'hostilité du roi thrace
Lycurgue, l'ennemi des dieux, pour Dionysos encore enfant, et l'épithète appliquée au nourrisson
divin montre que dès les temps homériques le culte de Dionysos avait son caractère orgiaque. On
voit aussi que la Thrace peut être regardée comme le berceau de ce culte et des mythes dionysiaques.
Enfin Nysa est nommée comme en étant le centre et en quelque sorte le berceau du dieu.
-

Dionysos.

Dionysos tenant d'une main le thyrse et tendant de


l'autre un canthare. Bas-relief d'Herculanum (Musée de Naples).
Le dieu est ici figuré sous les traits d'un éphèbe.
Les mythographes modernes, en particulier Langlois (Acad. des Inscr., t. XVIII), Maury (Hist. des
relig. de la Grèce, t. I) et Duncker (Gesch. des Altert., t. V), ont fondé un des principaux
rapprochements de la mythologie comparée sur l'analogie qu'ils relevaient entre le Dionysos des
Grecs et le Soma des Indiens. Le dieu grec ne serait autre que celui de l'Inde, un des plus
anciennement adorés par les populations indo-européennes; les tribus demi-barbares qui en
répandirent le culte dans la péninsule hellénique, n'auraient fait que ramener les tribus plus civilisées
à une tradition antique et Dionysos, qui est en apparence le plus jeune des dieux grecs, serait en
réalité un des plus anciens. On a développé cette démonstration par la comparaison des deux
légendes. Dionysos, dit-on, est, dans la mythologie grecque, avant tout le dieu du vin, une
personnification de la liqueur. En Inde, Soma est une personnification de la liqueur extraite de
l'Asclepias acida ou Sarcostemma viminalis qui sert à faire des libations aux dieux; les Indo-
européens de l'Asie Mineure ont transporté au vin les vertus du Soma. Maury fait les remarques
suivantes-:

« Une tradition indienne dit que le Soma a été reçu dans la cuisse d'lndra; et la même fable était
racontée par les Grecs sur Dionysos. Le dieu védique est surnommé Giri-Schthâh, c.-à-d. celui qui se
tient dans les montagnes, et ce surnom répond tout à fait à celui d'Oreios donné à Dionysos. La
génération miraculeuse du dieu de Nysa, arraché par son divin père au sein de sa mère foudroyée, est
aussi une idée puisée à la source indienne. Le Soma, autrement dit la libation personnifiée, naît du
manthanam, c.-à-d. de la production du feu divin. Il est tiré de la flamme du sacrifice et ensuite
transporté dans les cieux par les invocations des prêtres. Cette double naissance a valu à la divinité
védique le surnom de Dwidjanman (né deux fois ou né sous deux formes) qui correspond exactement
à ceux de Dithyrambe, Dimétor, que sa double naissance avait valus à Dionysos. »
On constate enfin que le côté mystique du dieu védique et du dieu grec sont comparables. Dionysos,
en Crèted'abord, a le caractère de divinité infernale de mâle Agni-Soma se confond avec Varuna, le
Soleil de nuit, et devient un dieu des morts. Soma, dans les Védas, subit une passion, meurt et
ressuscite plus puissant, car c'est en broyant la plante qu'on extrait le jus sacré et vivifiant. On
retrouve une idée analogue dans la légende thébaine.
Ainsi présenté, le rapprochement paraît saisissant, mais il est comme souvent l'étaient ceux de la
mythologie comparée à ses balbutiements : discutable et paradoxal. Nous venons de constater que
Dionysos n'est pas primitivement le dieu du vin, que, dans Homère, qui arme le caractère et
l'importance de la libation faite aux dieux avec le jus de la vigne, il n'est pas question de Dionysos à
ce propos, fait d'autant plus grave que Soma a le caractère de dieu médiateur et que d'autre part
Homère parle des orgies dionysiaques, lesquelles ne sont donc pas motivées à l'origine parce que
Dionysos était dieu de la vigne; de fait, presque tout ce qui est relatif à ces orgies est parfaitement
indépendant de cet attribut et pourrait être exposé sans qu'il fût même parlé du vin. Ainsi tombe
l'ingénieux parallèle entre le dieu grec et le dieu védique, parallèle déjà fait par les anciens Grecs,
lesquels, après l'expédition d'Alexandre, crurent reconnaître leur dieu dans le Bacchus indien et firent
de celui-ci le prototype.

Les auteurs anciens sont d'accord pour dire que le berceau de la religion dionysiaque fut la Thrace;
mais que faut-il entendre par cette expression géographique? Otfried Muller a fait remarquer
(Orchom. und die Minyer, pp. 372 et suiv.) qu'il y a lieu de distinguer la Thrace historique des bords
de l'Hellespont, du mont Pangée et du mont Haemus, de la Thrace mythique où se déroulent les
légendes de Lycurgue et d'Orphée. La Thrace mythique s'étendait depuis les vallons de l'Olympe et
la Piérie jusqu'aux pentes de l'Hélicon et aux confins de l'Attique. La Grèce centrale était occupée par
des immigrants venus du Nord, de Thessalie ou de plus loin qui apportèrent et localisèrent leurs
légendes au pied du Parnasse et de l'Hélicon, en Phocide et en Béotie. Ces Thraces, qui furent
incontestablement les premiers adorateurs de Dionysos, sont-ils les mêmes que ceux qui habitaient
cinq et dix siècles plus tard la Thrace historique? Celle-ci est-elle le point de départ des légendes
dionysiaques? Problème difficile à résoudre. Nous savons par Hérodote que Dionysos était avec Arès
et Artémis-Kotytto un dieu national des Thraces; que les Satres indomptés avaient un oracle de
Dionysos dans leurs montagnes; que les Besses lui étaient particulièrement dévoués; que ces oracles
où le dieu s'exprimait par la bouche d'une femme, comme à Delphes, pourraient bien avoir été le
modèle suivi par l'oracle pythien; Dionysos est souvent qualifie de prophète des Thraces; Alexandre,
Octave viendront le consulter dans ses bois sacrés. II semble donc que ce soit là que doive être
cherchée l'origine de sa religion; ce serait le dieu national des Thraces apporté par eux dans la Grèce
centrale où sa religion fusionna avec celle des dieux olympiens et des dieux chtoniens. Les
adversaires de cette opinion répliquent que l'identification entre la Thrace mythique et la Thrace
historique est injustifiée; que le Dionysos des Besses et des Odryses est en réalité un autre dieu,
Sabazius, que les colons grecs de la côte de la mer Egée et de l'Hellespont assimilèrent à leur
Dionysos lorsqu'ils firent la confusion entre la Thrace légendaire et celle dont ils occupaient les
débouchés. Nous ne prendrons pas parti dans ce débat, et, sans vouloir trancher la question d'origine,
nous exposerons l'histoire de la religion dionysiaque à partir de son premier centre grec, la Béotie,
jusqu'au moment ait elle fut apportée ou rapportée en Thrace.

Les mythes de Dionysos

Nous exposerons ici les principales légendes helléniques relatives à


Dionysos. Le récit thébain de la naissance de Dionysos a été accepté
généralement. Sa mère était Sémélé, une fille de Cadmus et
d'Harmonie dont les mythologues modernes ont fait une personnification
du sol terrestre, qui au printemps produit la végétation; les Crétois en font
un fils de Déméter; les Alexandrins un fils d'Isis, les Phrygiens un fils
de Cybèle; d'autres donnent pour mère à Dionysos la Lune ou Io ou Argé
qui la personnifient; enfin le nom de Thyoné est donné quelquefois à la
mère de Dionysos ou à sa nourrice; parfois encore celui de Dioné. Sémélé
est aimée de Zeus; Héra, jalouse, se déguise et persuade la jeune femme
de demander à Zeus de se montrer à elle dans tout l'éclat de sa
puissance; il y consent et les flammes de l'éclair dévorent l'imprudente
Sémélé, et brûlent l'enfant divin dans le soin de sa mère; le père le sauve,
grâce à Hermès ou à la Terre qui fait pousser un lierre pour l'abriter.

Pour que l'enfant puisse achever sa croissance, Zeus renferme dans sa


cuisse. Les épithètes de Pyrigenès, Mérotraphès ( = celui qui a été nourri
dans la cuisse), font allusion à cette légende; de même celles de
Dithyrambe, Dimétor, Dissotokos, relatives à sa double naissance.
L'interprétation naturaliste, très paradoxale, est que Sémélé (la Terre) est
fécondée par le dieu céleste qui lui envoie les pluies du printemps; le fruit
naît imparfait et serait brûlé et arrêté dans sa croissance, si le dieu ne
l'enveloppait dans ses brouillards (il s'agit de l'humide Béotie ); plus tard,
on dit que le mythe de la naissance de Dionysos fait allusion à l'eau
céleste qui tombe sur la terre pendant l'orage.
-

Naissance de Dionysos. Dionysos bondit de la cuisse de Zeus et est recueilli par Hermès.
Bas-relief antique. Musée du Vatican (Rome).

On a généralement admis la version thébaine; c'est la seconde naissance


du dieu sortant de la cuisse paternelle dont une foule de localités ont
revendiqué l'honneur. Il naît avec l'assistance d'llithye, d'Hermès,
de Thémis, de Déméter ou d'Athéna. Hermès l'emporte et le remet
aux nymphes qui vont le nourrir et l'élever; d'après une variante, il le confie
à Ino, soeur de Sémélé, qui s'attire ainsi la haine d'Héra; tranformé en
chevreau, il est remis alors aux nymphes de Nysa; ces nourrices sont
appelées les Hyades, et on en a fait des divinités pluvieuses; on en
nomme tantôt deux, trois, cinq, six, tantôt même sept; d'autres disent que
ce sont les Muses qui nourrirent le jeune dieu. On est seulement d'accord
que le lieu de son éducation s'appelait Nysa. Les variantes locales sont
nombreuses à Thèbes c'est Ino qui nourrit Dionysos, en Eubée c'est
Macris qui l'élève dans une grotte où elle le nourrit de miel; on lui donne
aussi pour compagnons d'enfance, comme à Zeus, la chèvre-Amalthée,
les Curètes, les Corybantes. Ce n'est que plus tard qu'on nomma Silèneet
les satyres, bien que cette version ait été popularisée par les artistes. Les
Lydiens font passer l'enfance de Dionysos au milieu des Bassarides, des
Macètes, des Mimallones qui sont les Ménades de ces contrées. On conta
ultérieurement que l'éducatrice était Mystis, l'initiation personnifiée.
L'enfance et l'éducation de Dionysos ont été un thème favori des artistes
grecs ( Les représentations de Dionysos).

Lorsqu'il a grandi, Dionysos plante la vigne et extrait le vin du jus de sa


grappe. Poursuivi par la haine d'Héra, il est frappé de folie furieuse, il erre
par le monde; les mythographes placent à cette période quelques voyages
auprès d'Aphrodite, d'Adonis en Syrie, de Protée en Egypte , etc.; ils
racontent qu'en Phrygie, la mère des dieux le guérit en l'initiant à
ses mystères. La vie courante de Dionysos est une fête perpétuelle dont
les fêtes célébrées par ses adorateurs prétendent retracer l'image.
Entouré des Nymphes qui l'ont nourri, des Ménades, des Satyres,
des Silènes, des Pans, des Centaures, de toute une bande d'êtres demi-
bestiaux qui forment son cortège ou thiase, il mène les bacchanales sur
les sommets boisés des montagnes; bien d'autres dieux et demi-dieux s'y
joignent à l'occasion, Naïades,Oréades, Eros et Aphrodite, Déméter, etc.
Partout sous les pieds du dieu naissent les fleurs et les fruits; avec son
thyrse il fait jaillir des rochers des sources, parfois des ruisseaux de vin,
de lait, de miel. Les épithètes d'Oreios, Oreste, font allusion à sa
prédilection pour les montagnes; celles de Bromios, Briacchos, etc., à son
existence de fête où l'on pousse les cris d'Evoe, lo Bachhé, etc. On
l'appelle encore Choreios, Choragos. L'heure favorite de ces
réjouissances est la nuit, c'est celle que choisissent les femmes
béotiennes et phocéennes pour leurs orgies du Cithéron et
du Parnasse. Toutes ces conceptions sont étroitement liées au caractère
orgiaque de la religion dionysiaque, et c'est à ce propos que nous
parlerons plus bas des Ménades et du thiase avant de décrire les fêtes qui
sont organisées d'après ces légendes.

Les courses de Dionysos, entouré de son cortège divin, le promènent à


travers tous les pays helléniques ou hellénisés, surtout en Grèce ou en
Asie Mineure. On le met en rapport avec un grand nombre
d'amoureuses, nymphes ou simples mortelles : Phyxoa en Élide, dont naît
Narkaios; Chtonophyle, mère de Phlius; Alexiroea, mère de Carmon;
Nicaea, mère de Télété; Atphesiboea, mère de Medos; la mère de
l'Argonaute Phanos. Plus que tout autre, le dieu de l'orgie trouble les sens
des femmes, leur infuse la fureur orgiastique, où elles viennent le vénérer
la nuit, à l'exclusion des mâles; de là, les épithètes de Chaeropsalès et
de .

Dionysos rend visite à plusieurs mortels; au roi de Phrygie, Midas, qui lui
accorde la liberté de Silène, et à qui il donne la faculté de changer en or
tout ce qu'il touche; au roi de Laconie , Dion, dont il aime la fille Karya; à
Oeneus, roi d'Etolie, à qui il donne la vigne et dont il prend la femme
Althaea; à l'Athénien Icarios, père d'Erigone, à qui il donne le vin, présent
fatal, car les bergers ivres égorgent leur maître; la fille, Erigone, cherche le
cadavre de son père avec sa chienne Moera; elle le trouve sur l'Hymette
et se pend; Dionysos transforme Icarios, Erigone et Moera en
constellations (Arcturus ( Le Bouvier), la Vierge, Sirius ( Le Grand Chien);
Erigone personnifie la vigne; l'étoile de Sirius, le chien céleste, paraît au
moment de la maturité du raisin.

Dionysos rencontre aussi de violents adversaires; ces fables font


probablement allusion aux résistances que rencontra, dans divers pays,
l'introduction de la religion dionysiaque. La plus ancienne et la plus félibre
est celle de sa lutte avec le roi thrace Lycurgue. Celui-ci poursuit les
nourrices sur le mont Nysion; le dieu se jette à la mer, Thétis le sauve
et Zeus aveugle le roi. C'est la version homérique. Ensuite, on fit du dieu
son propre vengeur. Il frappe de folie furieuse le roi qui massacre sa
femme et son fils, se coupe le pied, se suicide ou est déchiré par
les panthères. Les mythographes alexandrins nous ont transmis une
foule de variantes qui ne changent rien au fond du mythe; plus on avance,
plus il prend une tournure évhémériste; à la fin, ce n'est plus qu'une guerre
entre le conquérant Dionysos et un roi de Thrace qui est vaincu en
bataille rangée et mis à mort. Vient enfin l'interprétation naturaliste d'après
laquelle Lycurgue personnifie l'hiver avec ses tempêtes, lequel combat la
fécondité de la terre, mais succombe bientôt sous le poids de ses propres
méfaits. On peut presque regarder comme un doublet de cette légende le
récit des luttes du roi thébain -Penthée contre le dieu. Il veut s'opposer
aux fêtes orgiastiques que les femmes célèbrent sur les montagnes;
surpris sur le mont Cithéron , tandis qu'il les épie, il est traqué par
les Ménades et par sa propre mère Agavé et ses tantes qui le prennent
pour une bête sauvage et le mettent en pièces.

On cite encore, parmi les adversaires de Dionysos, les Minyades


d'Orchomène, Alcithoé, Leucippe et Arsippé, les trois filles du roi Minyas;
elles refusent de se joindre aux adorateurs du dieu; il se déguise en
femme pour les convaincre; puis se manifeste sous la forme d'un taureau,
d'un lion, d'une panthère, enfin les frappe de folie; elles sont changées en
chauve-souris, chouette et chat-huant. Les filles de Proetus, qui font la
même faute, sont frappées de folie et avec elles les femmes de Tirynthe
; le roi Proetus appelle le devin Mélampus qui les entraîne avec des
chants et des danses mystiques jusqu'à Sicyone ; Iphinoé meurt de
fatigue; les deux autres sont purifiées et guéries. Selon une interprétation
qu'on a parfois donné de ces mythes, ils feraient allusion d'une part à
l'hostilité que rencontra souvent à son introduction la religion dionysiaque
et à l'exaltation furieuse de ses fêtes. Le mythe de Lycurgue a fourni
à Eschyle le sujet d'une tétralogie, dont la pièce centrale est consacrée à
la destinée d'Orphée, dévot d'Apollon dont Dionysos châtie le dédain en le
faisant déchirer par ses Bassarides. Cet antagonisme ancien des cultes
apolliniens et dionysiaques contraste avec leur accord final, auquel
président les Orphiques .

Les courses de Dionysos n'ont pas toujours un caractère pacifique; son


thyrse est une arme véritable, une sorte de lance, avec laquelle il combat.
Il prend part à laGigantomachie avec ses Silènes et ses Satyres et tue
le géant -Eurytus ou Rhoetus; quelquefois il joue le rôle communément
attribué à Héraclès. On le montre encore escorté de sa panthère,
du lion et du serpent; on lui fait tuer le monstre Campé aux cinquante
têtes. A Naxos , il expulse Héphaistos, qui lui disputait la possession de
l'île et dont il devient l'ami; c'est lui qui, plus tard, le ramènera à
l'Olympe après l'avoir enivré. Il chasse des côtes de Béotie 'Triton,
ravisseur des troupeaux; à Naxos, il sort vainqueur d'une lutte avec
Glaucus qui lui dispute Ariane. La plus populaire de ses aventures le met
aux prises avec les pirates tyrrhéniens; ceux-ci s'emparent de lui tandis
qu'il passe d'Icarie à Naxos. Sur le vaisseau, les liens du captif divin se
détachent, le navire se couvre de pampres et de lierre, Dyonisos se
change en lion; les pirates terrifiés se jettent à la mer et sont transformés
en dauphins.

La fable des amours du dieu avec Ariane est également très connue; elle
était localisée dans les îles, surtout à Naxos et en Crète ; on en
trouvera l'exposé au mot Ariane. La fille de Minos, blonde amante
délaissée de Thésée, semble une déesse lunaire; elle préside à la fertilité
du sol et on admet que son abandon par Thésée et son amour avec
Dionysos symbolisent les alternatives de stérilité et de fécondité, de l'hiver
et de l'été. Elles sont figurées par deux séries de fêtes : la fête joyeuse
des Theodaisia, qui se célèbre au printemps (en Crète, à Naxos, à
Rhodes , en Libye ), et la fête de deuil qui a lieu en hiver (à Naxos, à
Chypre ). En Attique , Ariane est associée à Dionysos dans la fête
des Oschophoria; de même à Alexandrie, à Tarse, etc. De cette union
naissent trois fils : Oenopion ( = le buveur de vin), Evanthès ( = le
fleurissant); Staphylos ( = la grappe) ou Icarios, héros éponyme de l'île
d'Icarie, ou Maron, Thoas, roi de Lemnos, ou encore, d'après
les Athéniens, Céramos, personnifiant la poterie où l'on conserve le vin.
-

Bacchus (Dionysos) et Ariane, par C. Van Everdingen (1660).

La conception de Dionysos héros conquérant vient, nous l'avons dit, d'une


identification avec le Bassareus lydien. On le représente d'abord comme
défenseur des colonies grecques; d'Ephèse, contre les Amazones; de
Smyrne , contre les Chiotes . Mais on en fait surtout un conquérant
universel, qui parcourt l'Asie avec son armée de Pans, de Satyres et
de Ménades. Après avoir vaincu en Syrie le géantAscos et fondé Damas,
il passe l'Euphrate sur un pont de pampre et de lierre, le Tigre sur le dos
d'un tigre, donne l'Ibérie caucasienne à Pan, s'avance jusqu'en
Bactriane . Après l'expédition d'Alexandre, on le fit aller en Inde , où il
aurait fondé la civilisation et laissé des colonies grecques retrouvées plus
tard par le roi de Macédoine . Le nom du mont Méron paraissait aux
Hellènes se rapporter à son mythe méros (cuisse). Ces expéditions
triomphales sont représentées en Grèce dans plusieurs fêtes; la
pyrrhique des Spartiates mimait la guerre contre les Indiens et le mythe
de Penthée. Les littérateurs et les artistes les ont pris pour thème;
surtout Nonnus de Panopolis, dont la guerre des Indes remplit le poème à
partir du XXVII chant. Les Grecs de Cyrénaïque ajoutaient
e

que Bacchus était venu chez eux restaurer Ammon ( L'Oasis d'Ammon )
expulsé par les Titans et faire la guerre à Gigon, roi d'Ethiopie ; on le
conduit en Italie , où le roi, Falernus, l'accueille amicalement ; il est
vainqueur, chez les Tyrrhéniens, du géant Alpos, fils de la Terre, fait la
conquête de l'Espagne , l'Ibérie occidentale. (A.-M. B.).

Aspects du culte de Dionysos

Après avoir énuméré les légendes et les mythes dionysiaques, en


réservant ceux qui concernent le Dionysos mystique et seront cités quand
il sera question de cette forme dernière de sa religion, il nous faut aborder
celle-ci et indiquer les éléments du culte de Dionysos en les groupant les
uns auprès des autres. L'élément fondamental, celui qui domine, c'est que
Dionysos est le dieu de l'orgie, de l'exaltation intellectuelle autant que de
l'exaltation physique. C'est de là que vint l'importance exceptionnelle de
cette religion gréco-asiatique. C'est en Thrace qu'elle a sa physionomie
la plus nette, l'extase prophétique s'y allie à l'ivresse procurée par le vin.
Le nom de Sabazius désigne spécialement le dieu orgiaque dont les
fidèles s'appellent , participant à l'extase divine. L'inspiration est
regardée comme une sorte de possession de l'humain par l'esprit divin. Le
dieu est essentiellement un être spirituel, c'est par une manifestation de sa
puissance qu'il donne la fécondité à la nature. Le trait fondamental de la
religion de ces populations thraces est la croyance à l'immortalité de
l'âme. Elle leur est commune avec celles du voisinage, au dire d'Hérodote.
Il y est aussi question de prophètes qui vivent alternativement sous la terre
et parmi les humains; l'enfant, mort jeune, devient un compagnon
des Nymphes. En d'autres termes, ce qui ressort évidemment des
renseignements fournis sur le Dionysos de Thrace, c'est que ce
culte spiritualiste associe étroitement l'orgiasme et
la divination enthousiaste; les conceptions ultérieures de Dionysos, dieu
des Bacchanales et dieu du vin, et de Dionysos, dieu des mystères,
dériveraient de cette conception fondamentale.

Il est digne de remarque que, dans l'Hellade proprement dite, le côté


prophétique et divinatoire de l'extase dionysiaque semble disparaître; il
n'est plus question que des fêtes orgiastiques. Mais, ainsi que nous le
verrons dans l'article consacré à la divination grecque, la divination
enthousiaste, celle qui suppose une communication intime et directe avec
l'esprit divin, est rattachée au culte dionysiaque. Sans doute cette
méthode fut peu appliquée en Grèce , mais elle le fut dans son
principal oracle, celui de Delphes et elle lui valut sa vogue incomparable.
Cet oracle fut presque autant celui de Dionysos que celui d'Apollon et
durant toute la saison froide le dithyrambe y succédait au péan. Comme
nous l'exposons ailleurs ( Divination), c'est le fait historique de
l'association du culte de Dionysos et de son fanatismereligieux avec le
culte d'Apollon et la puissante organisation politique de ses fidèles qui fit la
puissance de l'oracle pythien. Dionysos, le dieu thrace qui y est vénéré
à côté du dieu dorien et ionien Apollon, y représente la divinité chtonienne,
présidant à la vie des âmes après la mort; ses compagnes, les Thyiades,
partagent le Parnasseavec les Muses. Nous retrouverons d'ailleurs cette
physionomie de Dionysos à l'autre extrémité du monde hellénique dans
l'île de Crète , un des principaux centres religieux dont l'influence
rayonna sur la Phocide , sur l'Attique , sur le Péloponnèse et la Grèce
insulaire; Dionysos-Zagreus a bien des traits communs avec le Dionysos-
Sabazius des Thraces et avec celui de Delphes.

Il nous faut maintenant étudier l'orgie dionysiaque ou bacchique qui est le


trait le plus frappant de cette religion et le plus universel. Et, tout d'abord,
distinguons l'orgie mythique des Ménades de l'époque légendaire, des
pratiques consacrées par le culte à l'époque historique, distinction d'autant
plus nécessaire que les arts plastiques et la littérature ont vulgarisé le type
de la Ménade dont le sculpteur Scopas a fait une réalité aussi vivante que
celles de l'histoire. Ce serait méconnaître toutes les conditions de la vie
des femmes grecques que de les croire capables de ces dévergondages
et de ces folies qu'on prête aux légendaires compagnes du dieu. Le
caractère profondément religieux de l'orgie dionysiaque ressort de ce fait
que les fidèles sont appelés Bacches (, prenant le nom du dieu
comme en Thrace ; ils sont unis par l'enthousiasme extatique qui les
anime et en fait la chose du dieu qui les possède. Il est frappant que ce
dieu masculin ait ainsi pour fanatiques des femmes, et c'est là encore un
trait commun au dieu thrace et au dieu grec. L'appellation du dieu dans ce
cas est Bacchus, nom que l'on rapproche de celui de Iacchus.

Dans ces fêtes, comme dans celles de Phrygie, résonnent les flûtes, les
cymbales et les sonnettes. Elles ont lieu de nuit, ce qui les différencie
profondément de celles des dieux Olympiens; les Ménades ou les
Thyiades les éclairent de leurs torches. Un des actes les plus sauvages
qu'on y accomplissait était de déchirer des animaux sauvages pour en
manger la chair crue; en Crète, c'est un taureau que l'on se partage ainsi;
dans les mystères-orphiques se conserva cette coutume de l'omophagie (
= consommation rituelle de viande crue). Dans plusieurs cas il apparaît
que l'immolation de l'animal rachète un sacrifice humain qui fut la coutume
primitive. Au temps de la guerre médique , trois prisonniers perses
furent ainsi déchirés en l'honneur de Dionysos Omestès. Dans les
légendes des Praetides, des Minyades, on voit les femmes furieuses
déchirer des hommes. A Chios on a conservé le souvenir du
cannibalisme; il est avéré que l'omophagie en est un dernier reste. C'est
par une idée du même genre que les Ménades se vêtent de peaux
d'animaux; les femmes à l'époque historique prennent des peaux
de chèvres. La bassara, qui fait partie de leur costume hiératique et d'où
vient le nom de Bassareus donné au dieu lydien, celui de Bassarides
donné aux femmes, est une longue tunique peut-être ornée de peaux de
renards. On se couronne de lierre. Les fêtes orgiaques sont annuelles.

L'origine et la signification profonde de l'orgiasme dionysiaque ont été


souvent recherchées. Les mythologues du XIX siècle déclarent qu'elles
e

expriment un sentiment de la vie de la nature, de la vie végétale surtout,


avec ses alternances de fécondité et de stérilité, de joie et de douleur.
Cela paraît peu soutenable, car le contraste entre les deux séries de
manifestations, qui est si marqué dans la nature, ne l'est pas dans ces
fêtes extatiques; elles diffèrent totalement de celles du culte d'Adonis; le
symbolisme avec son omophagie ne paraît nullement se rapporter à ces
phénomènes réguliers de la vie naturelle. Il faut donc chercher une autre
interprétation. On a retrouvé non seulement en Phrygie, mais chez toutes
les populations indoeuropéennes de l'Europe septentrionale, des faits
comparables à ceux de l'orgie bacchique, course aux flambeaux, aux sons
d'une musique bruyante accompagnée de cris et de manifestations
extatiques ( Mannhardt, Wald und Feld külte, t. I, pp. 534 et suiv.). Ces
fêtes ont, comme celles dont nous nous occupons, un caractère
essentiellement rustique et agraire. L'idée dominante paraît être celle
d'une action violente exercée d'accord avec ou à l'encontre des forces
naturelles; l'excitation des manifestants finit par leur faire apercevoir les
démons ou les esprits qui y président et les mettre en quelque sorte en
contact, en communion avec eux. L'orgie bacchique aurait eu le même
caractère; elle n'aurait pas eu pour objet de représenter un fait accompli,
de se réjouir de la naissance ou de déplorer la mort du dieu de la
végétation, mais plutôt d'exercer une sorte d'action magique,
une sorcellerie, afin d'obtenir la fertilité dans l'année à venir.
Les Ménades étaient les nourrices du dieu, celles qui lui donnent la vie et
la force; les femmes sont censées jouer ce rôle dans le culte, pour
favoriser la végétation commençante. Dans l'extase où elles se plongent
elles croient participer à la puissance du dieu, faire jaillir de terre des
sources d'eau, de vin, de lait, de miel; elles vivent en communion avec
les bêtesdes bois; elles s'enroulent des serpents autour de la taille; elles
vivent de la libre vie de la nature comme les esprits qu'elles veulent
conjurer, et dans l'extase elles se croient les égales des Nymphes. La
grande fête des Thyiades, la fête nocturne des flambeaux, se célèbre en
hiver pour éveiller l'enfant divin dans son berceau, pour provoquer l'éveil
de la nature vivante; c'est dans la croyance des dévotes une action réelle,
efficace, nullement une représentation mimique. Les cris poussés par les
Bacches sont des appels. Toute cette partie essentielle de la religion
dionysiaque a donc le caractère de conjuration la religion y côtoie la
magie, comme cette extase est voisine de la divination prophétique, et
c'est par ces idées spiritualistes et la connexion de tous ces éléments
auxquels le mysticisme superposa une philosophie, que, plus que toute
autre dans le monde hellénique, la religion dionysiaque a l'allure d'une
religion complète, comparable aux religions plus modernes.

Dionysos est par excellence le dieu magicien ou thaumaturge; lui-même


manifeste continuellement sa puissance par des miracles; on sait
comment il revêt successivement les formes les plus variées; au moment
de sa naissance, dans son enfance, on lui attribue une série de prodiges.
L'inspiration prophétique qu'il communique à ses adorateurs, il la possède
naturellement au plus haut degré; mais il n'est pas seulement devin; il est
aussi médecin, guérit les corps comme les âmes, par l'action des
charmes, par l'incubation, par les rites purificatoires; ceux-ci tiennent une
large place dans les rites dionysiaques; on purifie par le feu, par l'eau, par
l'air en employant le van ou la balançoire ().
Bien plus que les autres dieux helléniques, Dionysos eut ses fidèles,
ses fanatiquesqui répandirent partout son culte; mais, en raison de la
tolérance de ces populations, cette religion plus récente s'associa aux
autres sans les déraciner. Un concours qui faillit être décisif lui fut apporté
par l'orphisme qui développa le mythe de Zagreus. Ce mythe est fondé sur
le cannibalisme dont nous avons signalé des traces. Dans la théologie
orphique, Zagreus est un Dionysos préexistant; fils de Zeus et
de Perséphone, il est tué par les Titans, mis en pièces et dévoré; le coeur
est mangé par Zeus ou par Sémélé, et de là renaît le dieu sous l'espèce
de Dionysos. Zagreus est souvent représenté sous la forme d'un taureau,
et dans le culte l'immolation d'un taureau symbolise cette légende. La
notion d'un dieu qui meurt et ressuscite, notion qui eut dans
le christianisme une si grande fortune, se retrouve sous plusieurs formes
dans les mythes dionysiaques. A Delphes, où l'on montrait le tombeau de
Dionysos sous l'omphalos ou le trépied, on offrait chaque année au
solstice d'hiver un sacrifice secret la nuit ou les Thyiades allaient sur le
Parnasse réveiller Dionysos Licnitès, le nouveau-né porté sur un van.
Dans beaucoup de légendes le dieu qui allait ressusciter était représenté
comme victime de Lycurgue ou de Persée. En Argolide , à Lerne, où se
célébraient des mystères importants, Dionysos était censé avoir trouvé la
mort dans une guerre contre Persée, le héros solaire. Jeté dans le lac
Alcyonien, on l'y évoquait la nuit des mystères du fond des régions
infernales où il était censé gouverner les morts. On atténua ce récit en
parlant seulement d'une descente du dieu aux enfers; il s'y serait rendu
pour chercher sa mère Sémélé qu'il ramena victorieusement et conduisit à
l'Olympe. À Delphes, les Thyiades commémoraient cette descente aux
enfers par une fête cyclique célébrée tous les neuf ans.

Ces mythes se rattachent étroitement à la conception du Dionysos


mystique. Celle-ci est très ancienne puisque les fêtes Triétériques du
Cithéron et du Parnasse avaient un caractère secret, grâce à l'exclusion
des hommes; ceux qui y prenaient part se croyaient inspirés par l'esprit
divin; des rites purificatoires les précédaient; il y avait donc une véritable
initiation, comparable à celle d'Eleusis ou de Samothrace . Ces fêtes
nocturnes furent le point de départ du culte mystique de Dionysos. Celui-ci
se développa en Attique . Il résulta de l'association qui se produisit entre
les divinités agraires Dionysos et Déméter, le dieu devenant le
compagnon, l'amant ou l'époux de la déesse. La transformation résulta de
ce qu'il fut alors assimilé à Hadès; il devint le dieu chtonien, le roi des
morts. Sa mort et sa résurrection périodiques le préparaient à ce rôle, plus
encore que son caractère de dieu de la production végétale dont il sera
question tout à l'heure. Il est certain d'ailleurs que, sous les noms de
Sabazius, de Zagreus, d'Isodaetès, il avait déjà une situation de ce genre.
Les Orphiques et avec eux Eschyle font de Zagreus le Zeus des morts,
époux de Gé, le grand chasseur qui atteint tôt ou tard les mortels. Ses
fêtes nocturnes se prêtaient bien à cette conception; le spiritualisme de sa
religion faisait tout naturellement de lui le dieu des âmes, celui qui les
délivre après la mort, d'où les épithètes de Sauveur, Libérateur. Ces idées
se présentent en effet sous un double aspect qui répond bien au double
caractère sanglant et joyeux, funèbre et gai des fêtes dionysiaques; il est à
la fois le dieu de la lumière et des ténèbres, de la vérité révélée et de
l'erreur, de la mort et de la guérison.

Ce Dionysos mystique pénètre dans les mystères d'Eleusis et les modifie


profondément; on le retrouve dans les mystères dérivés de Phlionte , de
Lerne, dans ceux de l'Italie méridionale, dans les associations libres, les
thiases et les orgéones auxquelles on se fait affilier après initiation;
l'emblème le plus usuel est le ciste mystique avec le serpent.
Graduellement Dionysos se substitue à Pluton ou Hadès et, à mesure que
prévalent les idées spiritualistes sur la vie après la mort, il devient le dieu
chtonien par excellence, le dieu des morts; sa légende fournit la plupart
des sujets représentés sur les sarcophages. Dans ce rôle Dionysos est
associé régulièrement à Déméter ou plutôt aux deux déesses Déméter
et Coré. On l'identifie avec le jeune Iacchus d'Eleusis, l'enfant de Déméter;
il devient ainsi l'époux de Perséphone-Coré, résidant avec elle dans
les enfers en hiver, remontant sur la terre au printemps. On forme un
couple d'enfants de Déméter, Coros et Cora, qui deviendront Liber et
Libera. Mais l'évolution du dogme continue. Iaccchus est identifié
avec Zagreus, si important dans la théologie orphique; on lui attribue sa
passion, sa mort et sa résurrection. On emprunte aux Orientaux l'idée d'un
dieu qui s'engendre lui-même et reparaît dans une nouvelle génération
après avoir traversé le sein d'une déesse, à la fois ainsi son épouse et sa
mère, idée qui était la source de la légende phrygienne de la naissance de
Sabazius. lacchus est alors le fils de Coré et de Dionysos-Hadès. On
arrive à une dualité de conception bizarre. Dionysos est dans les Petits
Mystères, dans les Anthestéries, le mari de Coré; dans les Grands-
Mystères, il est son fils. De même que Déméter et Coré sont un
dédoublement d'une divinité unique, mère et fille, de même le Dionysos
infernal se dédouble en un père et un fils, et l'on rapproche cette idée de
celle de sa double naissance. On retrouve cette conception à Cyzique
où la nymphe Aura tient la place de Coré.
« Cette idée mystique d'un Dionysos qui s'engendre lui-même, d'un double Bacchus dont les deux
formes extérieurement distinctes se résolvent en une unité fondamentale, a exercé sur les
monuments de l'art, dit Lenormant, une influence considérable. On ne saurait méconnaître que, dans
la pensée qui a inspiré un certain nombre de représentations, le Dionysos barbu de l'ancien type
n'ait été envisagé comme étant avec le Dionysos imberbe et juvénile dans une relation de père à fils.
De là les monuments ou l'on voit simultanément les deux Bacchus, le barbu et l'imberbe, le second
le plus souvent dans un des actes de sa vie, le premier comme l'idole d'un dieu plus ancien, ou bien
ceux où les masques des deux types sont réunis. Ce n'est pas non plus sans une raison analogue
que dans tant de localités de la Grèce on conservait dans le même temple deux images
différentes de Dionysos, ou bien que l'on adorait deux formes différentes du dieu ( Les
représentations de Dionysos). »
Mais nous ne sommes pas au bout des raffinements du mysticisme. A
Patras, on trouve non plus deux mais trois Dionysos, lesquels dans les
hymnes orphiques président aux trois saisons. Nous évoquerons
ailleurs la théologie orphique, où domine Dionysos qui en est le dieu
suprême; ces conceptions subtiles n'eurent que peu d'effet sur la culte et
sur les légendes locales.

Avant de passer à l'étude de la religion dionysiaque en Italie , nous


finirons d'exposer le rôle du dieu en Grèce où il est non moins une
divinité agraire qu'une divinité spiritualiste et mystique. Dionysos est un
dieu de la fécondité végétale productive des fleurs et des fruits, d'où
l'épithète de ; celle de Dendritès exprime la protection spéciale
qu'il donne aux arbres fruitiers, et la fête des Dendrophories la manifeste;
on en parle encore spécialement comme dieu des figuiers et des
pommiers ; plusieurs de ses amantes ont des noms d'arbres, Karya,
Althaea. Mais Dionysos est exclusivement le dieu de la végétation agreste
ou arborescente des bois, des vergers et des vignes ; il n'empiète en rien
sur les attributions de Déméter qui protège les champs labourés. L'accord
qui s'établit entre les deux cultes et aboutit à une véritable fusion dans
les mystères, résulte de cette communauté de caractère et de ce partage
de fonctions nettement défini. On n'en pourrait guère citer d'aussi précis
dans le reste de la mythologie grecque. La confusion se fit d'ailleurs plus
tard. Présidant à la fécondité de la terre, Dionysos est le dieu de l'humidité
chaude qui y favorise la vie; on lui donne pour nourrices
les Hyades pluvieuses, on l'appelle Hyes, Hyeus, sa mère Hyié. On place
souvent ses temples dans les marais; on lui consacre des sources; son
serviteur Silène fut primitivement un dieu des fontaines. A cet égard, il est
associé à Poseidon dans la fête des Protrygaea, célébrée avant les
vendanges.

Par une extension qui se comprend aisément, il devient le dieu de la


génération; le phallus est son symbole; on le porte à ses fêtes, comme à
celles de l'ancien Hermès; on le promène à travers les champs dans les
Dionysies rurales; aux Grandes Dionysies les colonies athéniennes en
font hommage à la métropole; les surnoms de Phallen, Priape, Orthos,
Enorchès, se réfèrent à ce caractère du dieu; on lui donne pour
compagnon Phalès. Il est assez vraisemblable que le culte du démon de
la génération était primitivement distinct et fut subordonné à celui de
Dionysos ou absorbé; Priape ne se confond pas tout à fait avec le grand
dieu.

Parmi les caractères de Dionysos, dieu de la végétation, le plus populaire


de beaucoup, celui qui lui imprime sa physionomie, c'est qu'il est le dieu
du vin. Le raisin est le fruit de Dionysos par excellence; un grand nombre
des héros et des personnages secondaires groupés autour de lui portent
des noms significatifs symbolisant le vin, la grappe, le cep de vigne, le vin
pur (Oeneus, Staphylos, Ampelos, Acratos); parmi les Ménades on
nomme Méthé l'ivresse, Oinanthé la vigne en fleurs. Dionysos est devenu
d'autant plus le dieu du vin que l'ivresse matérielle procurée par la liqueur
est fréquemment le support de l'extase dans laquelle il plonge ses fidèles,
le moyen d'action le plus puissant dont il dispose. Il faut cependant se
garder avec soin de confondre les deux états : l'état d'âme où le dieu
élève ses adorateurs et l'état physique produit par le vin; cette confusion
qui s'est faite constamment, est favorisée par le sens donné maintenant
aux mots orgie bacchique. A l'origine, Dionysos n'est pas le dieu du vin, il
le devint de bonne heure et en cette qualité comme en celle de dieu
agraire il est censé présider à des fêtes, à des banquets comme ceux des
Théodaisies crétoises et des Dionysies de Tarente où l'on abuse
largement de sa liqueur; les artistes l'ont représenté comme en étant la
première victime, mais ces excès doivent être soigneusement distingués
des fêtes religieuses où souffle l'esprit divin; dans celle-ci les phénomènes
nerveux jouent le plus grand rôle.
-

Le cortège de Dionysos. Silène ouvre la marche, couche ivre sur son char; derrière lui, un
choeur dansant de ménades et de satyres; enfin, sur un char traîné par des Centaures,
Dionysos. (Bas-relief de sarcophage. Musée national de Naples).

Dionysos est un dieu joyeux et bienfaisant, et une foule d'épithètes


s'appliquent à ce caractère; la principale est celle de ; il
apprivoise les bêtes féroces, attelle à son char les lions et les panthères,
traîne à sa suite tous les esprits et les démonsdes forêts et de la nature
agreste. Créateur et distributeur des richesses, il est un des auteurs de la
civilisation, instigateur du commerce, maître et législateur des cités. Il
préside aux progrès de la démocratie. A Athènes, celle-ci donna à sa
religion et à ses fêtes une importance nouvelle et exceptionnelle, de
même à Erétrie. Ces traits lui sont communs avec Déméter qui a quelque
peu déteint sur lui; il a même fini par absorber le demi-dieu Triptolème et
être regardé sur bien des points comme l'inventeur de la culture, non
seulement de la vigne, mais des céréales, du labourage.

Dionysos, dans la vie qu'il mène en dehors de l'Olympe, auquel il demeure


étranger, est rarement seul. Il est accompagné du nombreux cortège de
divinités secondaires qui forme son thiase. Au premier rang figurent
les Ménades dont nous avons déjà parlé; elles représentent dans la
légende divine les femmes qui viennent dans leurs fêtes conjurer
les démons naturels. Les Satyres y correspondent aux danseurs qui
forment les choeurs dans les fêtes agraires; prototypes des bergers vêtus
de peaux de chèvres, les Satyres sont dépeints comme des êtres semi-
bestiaux, plus près des boucs que des humains. Silène, dont on fit le père
nourricier de Dionysos, est un démon des sources, proche parent
des Naïades, qui furent les nourrices du dieu; il a comme celui-ci la
puissance divinatoire. Les Centaures ont été introduits dans le thiase à
côté de ces autres êtres démoniaques dont on explique la sauvagerie et la
subordination par l'ivresse. Pan ou les Pans ont été naturellement adjoints
au dieu des forêts. A toute la conception du thiase préside d'ailleurs cette
notion que Dionysos exerce une domination sur les âmes, sur les esprits.
C'est la même qui en fera ensuite le dieu des morts. On lui associe
souvent Hécate avec son cortège d'esprits nocturnes.

Les rapports de Dionysos avec les autres divinités helléniques sont assez
complexes. Nous avons dit comment l'antagonisme fondamental entre son
culte et celui d'Apollon finit par une association étroite à Delphes, d'où elle
se généralisa dans toute la Grèce . Nous avons signalé les rapports
avec Poseidon. Dans un grand nombre de lieux Dionysos est associé
à Aphrodite dans les sacrifices, probablement afin de réunir les deux
divinités de la génération. Eros est annexé au cortège de Dionysos et on
lui donne des attributs bacchiques : une grappe de raisin, un vase de vin,
pour monture un lion ou un Centaure. Dionysos est également associé
aux Charites et aux Heures. En revanche l'inimitié que lui
témoignait Héradans la légende se traduit dans le culte. A Athènes et
dans les villes qui subirent son influence, Dionysos et Athéna sont liés
d'une amitié solide; la déesse l'a protégé dans son enfance; dans les fêtes
dionysiaques, en lui fait une large place. Dionysos, considéré comme
un héros et conquérant mythique, a été rapproché d'Héraclès; il est
comme lui fils d'une mortelle et s'est par ses exploits élevé à la condition
divine; plus tard on les associe dans les banquets lorsque les auteurs
comiques ont fait du fils d'Alcmène un joyeux buveur. Il a déjà été question
de la combinaison des cultes de Dionysos et de Déméter et de
l'assimilation du dieu avec Hadès. (A.-M. B.).

Les fêtes dionysiaques

Il nous faut maintenant parler des fêtes dionysiaques qui tiennent une si
grande place dans cette religion. Nous en avons déjà énuméré un grand
nombre; nous avons indiqué le caractère des orgies nocturnes de Thrace
, du Parnasse et du Cithéron ; nous avons dit la part qui revient au dieu
dans les Mystères (V. ce mot et Eleusis). Nous parlerons seulement ici
des fêtes de l'Attique , qui sont les mieux connues et les plus
intéressantes. Celles des campagnes ont été décrites
par Aristophane (Acharn., v. 201, 240 et suiv.); on promenait le phallus au
chant de l'hymne phallique et on sacrifiait une chèvre au dieu. La fête,
où l'on buvait du vin, en prenait le nom de . Au mois de Gamélion,
se célébrait la fête des Lénées, dont nous savons peu de chose; c'était
une fête ionienne, sous caractère orgiaque, semble-t-il, probablement une
répétition urbaine des Dionysies rurales.

L'enclos sacré où sont les deux temples du dieu s'appelait Leneum. La


grande fête antique de Dionysos est celle des Anthestéries; on y goûtait le
vin nouveau; maîtres et serviteurs fraternisaient; le second jour avait lieu
une sorte de concours de beuverie; à cette fête bruyante étaient associés
les enfants que l'on couronnait de fleurs. Le même jour, par un contraste
curieux, on supposait que les âmes erraient sur la terre et l'on calfeutrait
soigneusement les serrures, on renforçait les clôtures des maisons et des
champs pour les tenir à distance, le temple du dieu était fermé et entouré
d'une corde. Mommsen suppose, sans le prouver, que ces pratiques
appartenaient d'abord à une fête de Zeus et passèrent à celle de
Dionysos; on les rattachait à la légende du déluge de Deucalion.

On y joignit également celle d'Oreste; on supposait que le temple était clos


pour l'en écarter et que les Erinyes symbolisaient les âmes errantes. Les
vases () qui donnent leur nom à ce jour de la fête avaient une
forme spéciale et n'étaient usités que dans cette circonstance. On venait
offrir des libations aux quatorze autels du sanctuaire, le matin du troisième
jour après que l'on avait passé la nuit à s'amuser et à boire. Le soir du
second jour, on allait prendre la statue du dieu pour la porter au petit
temple du Céramique , et la ramener le soir avec une procession
solennelle à la lueur des torches. Le temple était desservi par la reine, la
femme de l'archonte-roi, assistée de quatorze femmes qui attestaient, par
serment, leur pureté et leur attachement traditionnel au service du dieu.

Le dernier jour de la fête portait le nom de ; on apportait aux morts,


dans des pots, des légumes cuits qui leur étaient destinés comme repas;
on invoquait Hermèspour qu'il rendit le calme aux âmes des morts, et on
concluait la fête par un appel adressé à ceux-ci. Les Anthesteries sont, en
somme, une fête du printemps, et les âmes des morts y surgissent à la
lumière dans ce moment du réveil universel de la nature et de la vie après
l'hiver. Dionysos y préside à la fois comme dieu de la végétation et du vin
et comme dieu des morts.

Les Grandes Dionysies, célébrées dans la ville au mois d'Elaphebolion,


sont la plus éclatante des fêtes dionysiaques. Elles ont pu commencer au
temps des Pisistratides, peut-être seulement au temps de Cimon, et ont
donné lieu au grand développement dramatique avec lequel elles
coïncident. Elles ont dû remplacer d'anciennes fêtes, sans qu'on puisse
dire lesquelles.

Les Oschophories sont la fête de la vendange; elles s'adressent


particulièrement au couple de Dionysos et Ariane, et comprennent une
course à pied dont les vainqueurs recevaient un breuvage symbolique
composé de vin, d'huile, de miel, de farine et de fromage, et une
procession où deux adolescents vêtus d'un costume féminin portaient un
rameau de vigne chargé de grappes.

Un des plus grands mérites des fêtes dionysiaques et celui qui est de
beaucoup le plus remarquable pour la postérité est la naissance du
drame. Le chant usuel dans le culte de Dionysos est le dithyrambe
chanté par un chanteur et un choeur; par des transformations
successives le dithyrambe finit par devenir la tragédie. Nous n'avons à
nous occuper ici que d'une seule question, celle des rapports entre le
dithyrambe et l'orgie bacchique. Otfried Muller admet que l'enthousiasme
des acteurs est à l'origine une participation passionnée aux phénomènes
de la vie naturelle, symbolisés par la passion, la mort et la résurrection du
dieu, dont les acteurs de la fête croyaient éprouver tour à tour les
sentiments, le combat, la souffrance, le triomphe. Ceci est très douteux;
car dans les légendes de passion de Dionysos, il n'est jamais question
des satyres, lesquels sont censés être les acteurs du dithyrambe; le nom
même de tragédie y fait allusion. Il vaut mieux croire avec Voigt que les
acteurs de la fête, déguisés en satyres, personnifient ces démons ou
esprits de la nature agreste qu'il s'agit de conjurer. C'est lorsque le déclin
de la foi et les progrès de l'analyse empêchent le fidèle de s'absorber dans
son personnage divin au point de se confondre avec lui, lorsque apparaît
évidente la dualité de l'acteur et du personnage, lorsqu'on admire surtout
le savoir-faire et l'ingéniosité de celui-ci, la manière dont il joue son rôle,
que le jeu dramatique naît de l'extase dionysiaque. Ses progrès ultérieurs
appartiennent à l'histoire de la littérature.

Dionysos en Italie.
Il nous faut revenir maintenant à la forme italienne de la religion
dionysiaque qui diffère suffisamment de la forme grecque pour être
étudiée isolément. Elle y avait pris une importance telle
que Sophocle appelle Dionysos le dieu qui règne sur l'Italie . Dans les
cités de la Grande-Grèce , le culte de Dionysos avait eu un rapide
développement; il s'était agrégé de nouvelles légendes. Ce qu'il a de
particulier c'est qu'il fut apporté par des gens imbus des idées
éleusiniennes et adeptes de la religion mystique où se combinaient les
cultes de Déméter et de Dionysos. On contait que les deux divinités
s'étaient disputé la Campanie; on attribuait au dieu l'implantation de la
vigne en Italie, reliant son séjour dans la péninsule à la série de ses
conquêtes. Dans toute l'Italie méridionale, Apulie, Lucanie , Campanie ,
prospèrent les mystères bacchiques qui de là passèrent en Etrurie et
à Rome.

Les Bacchanales, dont nous savons malheureusement trop peu de chose,


devinrent au III siècle av. J.-C. la principale religion de toutes ces
e

populations. Elles inspirent presque exclusivement les vases peints de la


dernière époque; le sens mystique de ces compositions nous échappe
d'ailleurs presque toujours. Nous connaissons cependant les traits
essentiels de la religion dionysiaque italienne. Elle révère un couple divin
formé de Dionysos et de Coré dont les noms latins sont Liber et Libera; on
leur associe Déméter ou Cérès, mais celle-ci est très effacée; dans les
mystères où liber et Libera jouent le rôle de génies médiateurs, le
troisième personnage de la trinité divine est l'Eros hermaphrodite. On
donne parfois à Dionysos le nom d'Hébon qui se rapproche de celui
d'Hébé associée au dieu dans les cultes de Phlionte et de Sicyone .
Libera répond autant à Ariane et même à Aphrodite-Vénus qu'à Coré-
Perséphone (Proserpine). On simplifie ainsi le groupe des divinités
féminines parentes de Dionysos.
-
Bacchanale, par Auguste Lévêque.

Les Bacchanales introduites à Rome y donnèrent lieu à de grands


désordres; le sénatus-consulte de 186 supprima les mystères
dionysiaques à Rome, et une violente persécution les traqua dans toute
l'Italie. Ils ne subsistèrent qu'en secret et très affaiblis. Mais le culte officiel
de Bacchus-Dionysos fut conservé. Il fut identifié avec Liber, le vieux dieu
latin. Les lettrés et les étrangers grecs et orientaux restèrent les dévots de
Dionysos, jusqu'au jour où César rétablit à Rome les fêtes orgiastiques.

Symboles et attributs.
Dionysos a eu une collection de symboles très variés empruntés aux trois
règnes de la nature. Nous les énumérerons ici brièvement. En premier
lieu, il faut citer le taureau, type de puissance et de force génératrice; il
sert de monture au dieu qui souvent revêt sa forme; à Elis , à Lerne on
l'évoque ainsi. C'est très souvent un taureau ou un boeuf qu'on lui sacrifie,
particulièrement dans l'Omophagie; à Ténédos on immole
un veau nouveau-né. Mais l'animal le plus souvent choisi pour les
sacrifices à Dionysos est le bouc ou la chèvre que Pan et Silène lui offrent.
Au chevreau on substitue le faon dont la dépouille (nebris) lui sert de
vêtement. Les Ménades déchirent vivants des chevreaux et des faons
dans les Triétéries béotiennes ; la statue de Scopas popularisa cette
action; sa Ménade porte dans ses mains un lambeau de la bête qu'elle
vient de déchirer. Le porc ou le sanglier était encore une des victimes
préférées du dieu. L'Asie lui est consacré et lui sert de monture à
l'occasion, même dans la Gigantomachie; il est surtout la monture
de Silène; l'âne et le mulet sont des animaux phalliques, et comme tels
consacrés à Dionysos. On lui attribue encore (en Thrace ) le cheval; le
chien qui figure dans la légende d'Erigone; le lièvre, le dauphin. Dieu du
miel, il est le protecteur des abeilles. En Asie Mineure, il a emprunté au
Bassareus lydien le lion qui devient un de ses animaux favoris; de même
les autres grands félins à peau tachetée, panthères, tigres, lynx, etc. La
panthère est représentée plus fréquemment que tout autre.
Le serpent appartient au culte de Dionysos mystique comme symbole des
divinités chtoniennes; il joue un rôle dans les orgies.

Les symboles empruntés au règne végétal sont les plus nombreux. En


première ligne, il faut nommer la vigne; le dieu est couronné de pampres,
comme tous les personnages de son thiase. Le lierre est un des symboles
anciens du dieu, et, comme la vigne, il est parfois adoré comme une
image du dieu lui-même; il forme sa couronne autant que les pampres, et,
n'est jamais omis dans ses fêtes. Un convolvulus supplée à l'occasion le
lierre et la vigne. Parmi les arbres, le chêne, le lentisque, le myrte, le pin
qu'il partage avec Poseidon, le laurier qu'il partage avec Apollon sont
quelquefois donnés à Dionysos. La pomme de pin est un de ses attributs;
souvent elle termine son thyrse. Les arbres fruitiers sont sous sa
protection spéciale et parmi ses symboles on voit la pomme, la noix, la
grenade, l'orange, surtout la figue. Les xoana de Dionysos, les phallus
portés dans ses processions sont faits en bois de figuier. Parmi les fleurs,
il possède la rose dont il se couronne; la Thrace , où dominait Sabazius,
possédait dès cette époque de magnifiques jardins de roses. Le dieu a
encore l'asphodèle, fleur funèbre. Des plantes des champs, on lui voue la
férule () dont la tige sera l'origine du thyrse. Des pierres
précieuses, il préfère l'améthyste.

Les insignes de Dionysos sont en partie artificiels, et non les moins


importants. Le thyrse fut d'abord une tige de férule garnie d'une
bandelette, et terminée par une pomme de pin ou un faisceau de lierre;
c'est le sceptre du dieu, et c'est aussi son arme, grâce à la pointe de fer
dissimulée sous les feuilles qui en fait une lance déguisée. Tous les
personnages du thiase en sont munis. Le Bacchus est un thyrse court et
très orné, bâton inoffensif que les mystes d'Eleusis portèrent à la main
dans les nuits des initiations. Dionysos s'arme souvent du bipenne, la
hache à double tranchant. Lui-même et ceux de son thiase portent
souvent des flambeaux, par exemple quand le dieu mène la danse des
Thyiades. Parmi ses attributs il faut encore nommer le vase à boire,
généralement le canthare ou le carchesium, ou une corne ou encore un
scyphus; ses suivants les tiennent non moins souvent; les récipients,
amphore, cratère, outre, sont figurés sur les murs des salles de banquet,
sur les vases de marbre, mis aux mains des Satyres et des Silènes. Ils
tiennent aussi des instruments de musique, au moyen desquels le thiase
accompagne ses bruyants et joyeux ébats, des flûtes, la syrinx de Pan,
le tambourin, les cymbales, les clochettes; constamment
des masques tragiques, comiques ou satyriques. Dans les concours
choragiques des Grandes Dionysies athéniennes, on donne en prix un
trépied. Un attribut essentiel du dieu est le ciste, la corbeille ronde à
couvercle, où souvent est enfermé le serpent; il se retrouve toujours dans
les compositions mystiques et sur les sarcophages. (A.-M. B.).

Les réprésentations de Dionysos

On distingue deux catégories principales de représentations de Dionysos; les unes


nous montrent un homme mûr, les autres un adolescent. Cette dernière figuration
remonte au moins à Calamis et à la première moitié du Ve siècle. Les plus
anciennes représentations du dieu sont des xoana, ou simples morceaux de bois
de figuier à peine travaillés. Dans la Béotie , Dionysos Cadmus est figuré dans la
Cadmée par un morceau de bois serti d'airain; l'image de Dionysos Stylos est
analogue. On élève au dieu des colonnes qui sont entourées de lierre; on les drape
de vêtements et on place en haut le masque barbu du dieu; des rameaux se
détachent du fût en plusieurs endroits. A Naxos , on nous signale le masque de
Dionysos Bacchus(taillé dans un cep de vigne ) et de Dionysos Meilichios (taillé
dans un figuier). On fait un pas de plus en sculptant en effigie divine les montants
d'une porte; le dieu (dont les vases peints nous conservent les traits) est drapé
dans un manteau, avec barbe et chevelure et couvert d'une couronne de feuillage.
A ce moment on exécute toute une série d'images particulières du dieu,
les Hermès. Ces Hermès dionysiaques sont nombreux et nous y reviendrons plus
bas. Venons aux véritables images du Dionysos barbu. Il n'est pas toujours facile
de discerner d'après les textes à quel degré d'achèvement étaient annexées les
idoles dont ils parlent. Le Dionysos Akratophores de Phigalie n'est sculpté que dans
la partie supérieure et peint de cinabre. Le Dionysos Aesymnète de Patras est une
oeuvre présumée d'Hephaistos.Athènes possédait plusieurs vieilles idoles du dieu;
dans le plus ancien sanctuaire, celle de Dionysos Eleuthereus; celle de Dionysos
Orthos, vraisemblablement phallique; celle de Dionysos Morychos dont à la
vendange on barbouillait le masque de jus de raisin et de figues fraîches.
A Mégare, on montrait un xoanon de Dionysos Patroos paré de riches vêtements et
une image grossière de Dionysos Dasyllios; à Corinthe, celles de Dionysos Lysios
et de Dionysos Bacchios faites, disait-on, avec le bois de l'arbre ou se
cachait Penthée; on en possédait deux semblables à Sicyone où l'on montrait
aussi dans le temple de Déméter les images et les masques de Dionysos, Déméter
et Coré. Le xoanon d'Argos passait pour avoir été rapporté d'Eubée ; on en cite
d'autres à Brysées, Olympie, Lerne; ce dernier représentait le dieu assis. Toutes
ces idoles qui nous sont indiquées par les écrivains, spécialement par Pausanias,
demeurent à peu près inconnues.

Nous possédons une ample collection de vases à figures noires ou est représenté
Dionysos. Il est généralement habillé d'un double vêtement, longue tunique à
manches courtes et manteau; celui-ci voile parfois la face, ne laissant voir qu'une
main, laquelle tient un attribut; au manteau (himation) est quelquefois substituée la
chlamyde. Même agissant, monté sur son char, sur un taureau, combattant
les géants, Dionysos conserve son double vêtement. Comme cavalier il porte de
préférence la chlamyde; il est rare qu'il soit plus légèrement habillé, même lorsqu'il
repose sous un lierre en compagnie d'une femme ou d'un échanson. Ses cheveux
et sa barbe sont très longs; derrière l'oreille tombe une longue boucle; Les attributs
usités sont la couronne de lierre, la corne à boire, ou le canthare, à l'autre main un
pampre. On lui met aussi aux mains un sceptre; le thyrse ne paraît pas encore; le
dieu ne porte pas la nebris (peau de faon) qu'il laisse à ses Ménades.
Les animauxfigurés auprès de lui sont le bouc, le taureau, le mulet;
la panthère commence à paraître, c'est le premier attribut qui soit évidemment
d'origine étrangère. Le dieu est d'ordinaire debout dans une attitude paisible, la tête
légèrement inclinée; on le voit également assis, chevauchant ses bêtes ou
un Satyre, montant en char, étendu sur un lit. Les groupes mythiques représentent
la Gigantomachie, l'aventure avec les pirates tyrrhéniens; le retour d'Héphaistos;
Dionysos, et Sémélé; Dionysos et Ariane.

Les vases à figures rouges de style archaïque nous présentent des types plus
beaux que les précédents, mais du même genre. L'habillement du dieu est le même
que celui qui a été décrit, le dieu combattant est représenté en costume guerrier; la
peau de panthère, l'orne fréquemment il ne porte pas encore la peau de faon dont
se parent ses Bacchantes. Sa chevelure descend sur sa nuque, généralement sans
être tressée; elle est un des traits personnels de la physionomie du dieu. Celui-ci
est encore presque complètement drapé. Son principal attribut est le pampre; le
thyrse apparaît dans les mains de personnes du thiase, plutôt que dans celles de
Dionysos; il est couvert d'un lierre touffu; le canthare remplace la corne à boire; la
couronne de lierre prévaut sur celle de feuilles de vigne ; la bandelette ceint le
front. Le dieu est presque toujours debout, dans l'attitude de l'action, au milieu de
son thiase et de ses bêtes. Les mythes représentés sont la Gigantomachie, le
retour d'Héphaïstos, l'union avec Ariane.

Une monnaie d'argent du VIe siècle (Grande-Grèce ) montre le dieu nu, un


sarment de vigne d'une main, un canthare de l'autre. Sur les monnaies le Naxos
la tête de Dionysos est ceinte de lierre, les cheveux déroulés sur la nuque, la barbe
en pointe, la bouche souriante. Sur d'autres, de la fin du VI e siècle, il s'affranchit de
ses vêtements, mettant à nu le bras droit. Sur celles du Ve siècle il ne porte plus que
le manteau. Nous n'avons que des témoignages incertains sur les plus anciennes
oeuvres de sculpture. Sur le coffret de Cypselus le dieu est figuré barbu et couché,
vêtu à la mode lydienne; sur le trône d'Amyclées il est avec Sémélé.

Nous ne possédons pas de statue archaïque de Dionysos; le colosse de la villa


Albani en est peut-être une; de même une statue du palais Doria. Les plus célèbres
statues du dieu exécutées dans la première moitié du Ve siècle furent celles de
Denys d'Argos et de Myron dont nous ne savons rien.

Nous arrivons enfin à la grande époque de la sculpture grecque. Ni Phidias ni


Polyclète n'ont laissé de représentation de Dionysos; on cite celles de Kolotès, de
Praxias et Androsthènes qui sur le fronton Ouest du temple de Delphes sculptèrent
le groupe de Dionysos et des Thyiades; la statue
chryséléphantine d'Alcamène (à Athènes). Cette dernière fut souvent imitée; les
monnaies qui doivent s'en inspirer placent le dieu sur un trône, tenant de sa main
droite le thyrse, de sa main gauche le canthare, le manteau drapé sur l'épaule
gauche, la barbe assez courte, les cheveux noués sur la nuque. La statue
chryséléphantine de Sicyone était entourée de celles (en marbre) des Bacchantes.
Les monnaies du Ve siècle de Naxos , Thasos, Thèbes, donnent au dieu une
expression grave et noble; celles de Ténédos en font un androgyne; elles le figurent
à double face. Le fameux Parrhasius peignit un Dionysos dont nous ne savons rien.
Sur les vases de la belle époque on trouve tantôt le dieu adolescent, tantôt le dieu
barbu; on s'éloigne peu du type consacré. Les sujets les plus goûtés sont
la Gigantomachie et le retour d'Héphaistos. Comme attribut le thyrse a évincé le
pampre; le thyrse n'est pas encore surmonté de la pomme de pin; le dieu adopte la
peau de faon de ses suivants un large ruban lui entoure la tête remplaçant souvent
la couronne de lierre. Les vases du IVe siècle le revêtent d'une robe courte brodée
richement, serrée par une ceinture ; on y ajoute à l'occasion la chlamyde et la
nebris. Ce costume presque oriental semble avoir été emprunté au théâtre. Il n'est
pas établi qu'il ait jamais été habillé de la bassara, costume de ses Ménades. Nous
n'avons que deux images du Sabazius phrygien, un bas-relief de Koloé et un bas-
relief de Blandos; l'attribut caractéristique est le serpent; rien ne prouve que
l'archéologie dionysiaque ait à tenir compte d'une influence du type de Sabazius sur
celui de notre dieu grec.

La jeune école attique s'appliquant à accentuer l'individualisme et l'expression


psychologique de ses types, dut naturellement s'occuper beaucoup de Dionysos; on
cite un très grand nombre de statues de cette période, oeuvre de Céphisodote
l'Ancien, d'Euclide, d'Euphranor, de Scopas, de Praxitèle, de Lysippe, etc.; la
plupart demeurent inconnues, mais il ressort des assertions des écrivains qu'on
abandonne le type du dieu barbu pour celui de l'enfant ou de I'adolescent; toutefois,
le premier persiste, et de belles monnaies nous le présentent. Il y faut joindre le
beau buste de bronze trouvé à Herculanum, une terre cuite attique (Dionysos dort
sur son âne, appuyé par un Satyre), d'un réalisme saisissant, une série
de vases peints mettant en scène le retour d'Héphaistos. Cette scène est traitée
avec un réalisme et une ironie croissante à mesure qu'on avance et que l'influence
de la comédie se fait sentir. Le dieu a toujours son double vêtement et ses mêmes
attributs.

A l'époque hellénistique ou alexandrine se multiplient les images du dieu ivre


(bas-reliefs d'Icarie); les Dionysos barbus se font plus rares; on en voit encore sur
les médailles; citons une statue du Vatican, sa réplique au British Museum, le buste
de la Farnésine. A l'époque romaine , il n'y a plus de statues du dieu barbu; il ne
se retrouve que dans les peintures décoratives d'Herculanum et de Pompéi ou
dans des oeuvres d'un archaïsme réfléchi (Bacchus ou prêtre de Bacchus de
Munich).

Les Hermès dionysiaques barbus sont très nombreux, mais souvent d'attribution
contestée; on sait que cette forme écourtée de représentation a été appliquée à
tous les dieux; c'est surtout par les attributs qu'on les distingue, et dans notre cas
par la couronne de lierre. On n'a pas d'Hermès dionysiaque ithyphallique d'une
authenticité certaine.
-

Dionysos, Pan et Bacchante. Bas-relief antique. Musée national de Naples.


Le type du Dionysos juvénile a inspiré beaucoup plus les artistes que celui du dieu
barbu. Sur les vases peints nous trouvons la naissance de Dionysos et sa seconde
naissance quand il sort de la cuisse de Zeus. Sur le trône d'Amyclées , Bathyclès
avait placé Hermès tenant l'enfant Dionysos dans ses bras; le même groupe se
voyait sur le marché de Sparte, et par suite sur les monnaies laconiennes. Il fut
encore souvent traité par les artistes grecs à qui l'éducation de Dionysos fournit un
gracieux sujet; Céphisodote, Praxitèle s'y distinguèrent. Dans l'oeuvre de ce
dernier, l'enfant est tout petit et Hermès le tient dans ses bras. Un beau groupe
formé par un satyre barbu tenant l'enfant se trouve sous diverses formes, la
meilleure étant celle du musée du Louvre. Dans la période qui suit, l'enfance de
Dionysos fournit le prétexte d'une foule de compositions gracieuses et mignardes.
L'enfant plus grand est rarement figuré; mais les sculptures qui le montrent
adolescent comptent parmi les plus belles de l'art hellénique. Calamis en avait
exécuté une à Tanagra : le dieu, vêtu de la tunique, est chaussé de hautes bottines,
tient le thyrse de la main gauche, le canthare de la main droite. On a voulu
retrouver Dionysos imberbe dans les sculptures du Parthénon , mais à tort.
Praxitèle exécuta une statue de bronze du jeune dieu; d'après la description de
Callistrate le dieu couvert de la nebris est d'une beauté presque féminine; l'artiste
s'est inspiré d'Euripide. Scopas a fait un Dionysospour la ville de Cnide ; c'est lui
qui a donné le type classique de la Ménade et traduit l'enthousiasme dionysiaque.
On a trouvé à Smyrne (Izmir) (en 1700), et porté à Leyde une superbe tête de
Dionysos en extase, le front ceint d'un bandeau; dans les thermes de Caracalla, on
a déterré une autre tête d'une expression sérieuse et méditative, qui répond à un
autre caractère du dieu. L'interprétation sentimentale de la première a été de plus
en plus en vogue dans la période tardive. Peu à peu, durant le IV e siècle av. J.-C.,
nous voyons, sur les monnaies, le Dionysos juvénile remplacer le Dionysos
barbu (Mendé, Sybrita, Peparethos, Thasos, etc.). Les poètes, en chantant les
exploits du jeune héros, contribuent à populariser cette forme du dieu. On s'attache
aux mythes de Lycurgue et de Penthée, dans lesquels il n'est qu'un timide
adolescent, au corps délicat et aux formes sveltes et gracieuses. Sauf dans
quelques scènes (Gigantomachie, retour d'Héphaistos), cette nouvelle
représentation prévaut et s'étend; sur la frise du monument de Lysicrate le dieu
est pour la première fois représenté nu; c'est encore une exception et le plus
souvent on lui laisse le manteau; sur le monument de Thrasylle (postérieur à celui
de Lysicrate de quinze à vingt ans), Dionysos est aussi vêtu que
l'Apollon Citharède. Lysippe modèle un dieu de bronze; lui-même ou ses élèves lui
placent des cornes de Taureau sur la tête; eux non plus ne le représentent
nullement efféminé; une tête du musée du Vatican a un caractère rêveur et doux,
mais bien masculin. Au IVe siècle, Dionysos est souvent habillé d'une courte tunique
avec de hautes bottines, une peau de panthère ou de faon, une ceinture, une
chlamyde. Une autre série (frises de l'autel de Pergame, statue de Hope, bas-
relief du Louvre) porte une tunique plus longue. La peau de panthère est
couramment adaptée sur les épaules du Dionysos juvénile comme attribut
spécifique. Nous sommes peu renseignés sur les oeuvres des peintres grecs.
Dans la période alexandrine, on déshabille décidément le dieu qui est figuré nu; un
marbre de Naples, un bronze de Vienne en sont de bons échantillons; les types
efféminés se multiplient; la tête du musée du Capitole en est un exemple; elle a été
longtemps prise pour une Ariane. Sous l'influence des idées orientales propagées
par les poètes tragiques, on arrive à créer une sorte de Dionysos androgyne, celui
que raille Aristophane; mais nous n'en avons guère de bonne représentation.

Les divers types du Dionysos juvénile comportent une grande variété dans le
costume et dans les attitudes : il est nu; vêtu seulement d'une peau de bête (nebris
ou pardal), seulement d'une chlamyde; des deux; seulement d'un manteau; d'une
petite tunique attachée à la ceinture, avec des bottines; d'un double vêtement,
tunique et manteau, ou chlamyde. On le figure debout, seul, ou appuyé sur
un arbreou un compagnon, en variant les poses des bras et des jambes; assis sur
un trône, étendu sur un lit ou sur une bête de somme. Souvent un compagnon le
tient par la taille ou embrasse ses hanches.

Les principaux mythes dionysiaques représentés par l'art sont les suivants :
Dionysos ramène Héphaistos (type barbu) ; le dieu au milieu des pirates
tyrrhéniens; Dionysos chez un mortel (type barbu); la lutte contre les géants (barbu,
puis juvénile); le dieu attaqué par Lycurgue; le massacre de Penthée; la chasse des
filles de Proetus; le triomphe de Dionysos sur les Indiens; Dionysos et sa
mère Sémélé; Dionysos et Ariane; Dionysos et Coré; Dionysos et les Heures. Nous
ne parlons pas des nombreuses représentations relatives au culte mystique et dont
le symbolisme et même le sujet nous échappent souvent. Le dieu est encore figuré
sous la forme d'un taureau, ou avec des cornes, avec une tête de lion, avec
des ailes, etc. (A.-M. B.).

Você também pode gostar