FRANCE

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84 e année - Hebdomadaire n°3112 - 28 mars 2008 www.france-catholique.fr 2,90€

ISSN 0015-9506

Affaire Chantal Sébire :

Euthanasie

Le coup
de
grâce ?
Jean-Frédéric Poisson :
La science
menace-t-elle
la dignité humaine ?
BRÈVES
FRANCE
POLITIQUE : Deux jours après les mu­­
nicipales, l’Élysée a annoncé un remanie­
ment gouvernemental avec la nomination
de six secrétaires d’État et l’élargissement
ou la modification des attributions de
douze ministres. La poursuite des réformes
s’incarnera d’ici fin avril dans un projet de
modernisation de l’économie s’inspirant du
rapport Attali.
Social : Le nombre de bénéficiaires du
RMI a baissé de 8% en 2007 (après quatre
années de hausse), pour atteindre 1,16
million de personnes.
Le ministre du Budget, Eric Woerth, a
annoncé le 17 mars que le déficit de la
Sécurité sociale s’est établi à 9,4 milliards
d’euros en 2007 au lieu de 11,7 milliards
prévus.
Entre 25 et 50% des enseignants du
se­condaire selon les sources se sont mis
en grève le 18 mars pour protester contre
les restrictions budgétaires et les suppres­
sions de postes.
À l’appel de la CGT et de la CFDT, des
grèves ont été organisées le 22 mars dans
la grande distribution pour réclamer des
hausses de salaires.
Banques : BNP Paribas aurait renoncé à se
rapprocher de la Société générale.
Pollution : Une centaine de tonnes de
fioul ont pollué le 17 mars l’estuaire de la
Loire à la suite d’une fuite à la raffinerie
Total de Donges.
Transports : Quatre cents passagers
d’un vol Air France ont été bloqués pen­
dant neuf heures le 17 mars à bord d’un
Boeing 747 sur le tarmac de Roissy en
raison d’un incident technique.
Près de 300 parties civiles ont déposé des
pourvois en cassation contre l’arrêt de la
cour de Colmar qui avait confirmé la relaxe
des prévenus dans l’affaire du crash du
Mont Ste-Odile.
Le nouveau patron de la SNCF, Guil­laume
Pépy, a dévoilé le 19 mars un programme
de modernisation du trans­port régional
en Ile-de-France qui représente 60% du
trafic voyageurs de l’entreprise.
Échoué depuis dix jours sur la plage des
Sables d’Olonne, le cargo Artémis a pu
reprendre la mer le 20 mars avec l’aide de
deux remorqueurs.
Adoption : Dans son rapport sur l’adop­
tion remis le 19 mars à l’Élysée, J.-M.
Colombani met en évidence l’inefficacité
du système français ; il propose une nou­
velle procédure d’agrément, l’instauration
2 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
d’un écart d’âge maximum de 45 ans entre
l’enfant et l’adoptant et un plan gouver­
nemental de deux ans avec une auto­
rité centrale chargée de gérer un fonds de
coopération pour appuyer les demandes
d’adoption.
Euthanasie : Le Premier ministre a chargé
le 19 mars le député-maire d’Antibes, Jean
Leonetti (UMP), d’une mission d’évaluation
de la loi de 2005 dont il fut le rapporteur
sur le droit des malades et l’accompagne­
ment en fin de vie. Le président du conseil
national d’éthique, Didier Sicard, s’est dit
défavorable à une nouvelle loi élaborée à
partir de situations particulières.
Défense : Le président de la République
a assisté le 21 mars à Cherbourg au lan­
cement du Terrible, dernier né des sous-
marins nucléaires lanceurs d’engins ; cet
appareil dispose du nouveau missile M-51
d'une portée de 8000 km.
Le Président devrait annoncer prochaine­
ment l’envoi d’un millier de soldats supplé­
mentaires en Afghanistan.
Affaires étrangères : Le sénateur John
McCain, candidat républicain à la Maison
Blanche, a été reçu le 21 mars à l’Élysée.
Energie : Paris et Londres devraient annon­
cer, lors de la visite de N. Sarkozy en
Grande-Bretagne, un plan commun concer­
nant les centrales nucléaires.
Télévision : Sept nouvelles chaînes de la
télévision numérique en région parisienne
ont été lancées le 20 mars.
Natation : Le Français Alain Bernard a
battu le record du monde du 100 m nage
libre et remporté la mé­daille d’or en 47
sec. 50 le 22 mars à Eindhoven (PaysBas) ;
il s’est adjugé le lendemain le record du
monde du 50 mètres en 21 sec. 50.
Patinage : Le couple français Isabelle
Delobel et Olivier Schoenfelder est devenu
le 21 mars à Göteborg (Suède) champion
du monde de danse sur glace.
Monde
francOphonie : Organisée le 20 mars
comme chaque année, la Journée mondiale
de la francophonie est le point de départ
de nombreuses manifestations se dérou­
lant sur les cinq continents jusqu’à la fin
du mois de mars ; une maison de la franco­
phonie a été inaugurée le 19 à Lyon.
Terrorisme : Dans un message audio du
19 mars, Ben Laden s’en est pris à l’Union
européenne et au Pape à propos des cari­
catures du prophète Mahomet parues dans
la presse européenne. Dans un second
message, il a appelé à la guerre sainte pour
libérer la Palestine.
Economie : L’OCDE a revu fortement à la
baisse le 20 mars ses prévisions de crois­
sance pour les prochains mois ; la crois­
sance américaine tomberait à 1,4% au lieu
des 2% prévus et l’inflation atteindrait
les 4% ; pour la zone euro, l’organisation
table sur 1,9% dont 1,8 pour la France où
l’inflation avoisine les 3%.
Belgique : Une étude publiée le 21 mars
dans La libre Belgique prévoit que l’Islam
sera la première religion de Bruxelles dans
20 ans.
Turquie : Le procureur de la cour de cas­
sation a estimé le 14 mars que le parti au
pouvoir, issu du courant islamiste, s’était
attaqué aux fondements de la république
en autorisant le port du voile à l’univer­
sité.
Kosovo : Vingt-sept policiers polonais de
la mission de l’ONU et trente soldats de
l’OTAN dont vingt Français ont été blessés
le 17 mars à Mitrovica au cours d’affronte­
ments avec la population serbe locale.
Tibet : Les violences jusque là limitées
à Lhassa se sont propagées le 18 mars
à d’autres régions de Chine peuplées de
Tibétains ; le dalaï-lama a assuré n’avoir
aucune prise sur ces violences et menacé
de démissionner si la situation continuait à
se dégrader. En Occident, la polémique sur
l’éventualité d’un boycott des Jeux olym­
piques ou de la cérémonie d’ouverture,
s’amplifie ; le petit village grec d’Olympie a
été mis sous haute protection le 24 mars
dans la crainte d’incidents au départ de la
flamme olympique.
Belgique : Après une crise de neuf mois,
la Belgique s’est dotée d’un gou­vernement
dont le programme a été  approuvé, le 18
mars, par les cinq partis de la coalition
dirigée par Yves Leterme.
États-Unis : Prenant acte de la détério­
ration des perspectives économiques et
des tensions sur les marchés financiers,
la Réserve fédérale a abaissé son taux
directeur de ¾ de points le 18 mars, le
ramenant à 2,25%.
Taiwan : Ma Ying-jeou, candidat du parti
nationaliste Kuomintang, a remporté le 22
mars l’élection présidentielle avec 58%
des voix ; il a souhaité le maintien du statu
quo dans les relations de l’île avec la Chine
continentale.
Palestine : Les mouvements Fatah et
Hamas ont engagé le 23 mars des négocia­
tions en vue d’une réconciliation.
J.L.
SOMMAIRE
ACTUALITé
ÉDITORIAL

Un monde
4 gouvernement La ligne générale
Alice Tulle
5 chine Oublier Lhassa
Yves La Marck

sans Dieu ?
6 euthanasie Coup de grâce
Tugdual Derville

DOSSIER
8 évolution Encore Darwin

F
Alexandre Da Silva
aut-il prendre les mots au sérieux, a fortiori lorsqu'ils
église sont écrits sans vergogne dans un quotidien qui se
12 mémoire des jours Lazare Ponticelli
voudrait encore « de référence », même si l'esprit d'Hu-
Robert Masson bert Beuve-Méry, son fondateur, l'a depuis longtemps
13 ecclésia Actualité religieuse déserté. Lorsqu'un Jeudi saint, Le Monde nous inflige que
dans un État laïque comme le nôtre, la transgression du suicide
15 lectures 2e dimanche de Pâques
assisté aurait dû être depuis longtemps inscrite dans la loi, nous
Père Michel Gitton
16 aed Soudan : nouvelles menaces sommes en devoir, en tant que chrétiens, de nous sentir agressés.
Marc Fromager Lorsque, dans le même numéro, toute latitude
17 bd Sac au dos sans trêve (24/40) est donnée à Elisabeth Badinter pour promouvoir
A. de Palmaert / Palmar
l'écrivain athée Diderot, avec des arguments
magazine qui sont autant d'insultes à nos convictions,
assénés avec une violence qui constitue en elle-
18 création Écologie intégrale même une volonté de déni intégral de la foi,
Père Daniel-Ange
21 idées Jean-Pierre Le Goff
nous ne pouvons que nous sentir blessés. Est-ce
Gérard Leclerc un dessein délibéré en cette Semaine sainte
24 LIVRES "L'homme contre l'Homme" d'affirmer ainsi une orientation idéologique de par Gérard LECLERC
Jean-Frédéric Poisson / Laure de Laforcade combat qui, sans contrepartie aucune, consti-
26 baroque Redécouverte de Haendel
tue une déclaration de guerre à ceux qui ne partagent pas la ligne
François-Xavier Lacroux
28 expositions Gestation et aérostation rationaliste et athée qui semble désormais caractériser un journal
Pierre François qui, sans jamais avoir été confessionnel, n'hésitait pas, naguère, à
30 le vodou Pas religion mais art de vivre se réclamer d'une inspiration chrétienne ?
Pierre François
33 cinéma "3h10 pour Yuma", "Beaufort"
Nous ne prétendons pas que tous les rédacteurs du Monde
"Un cœur simple", "Crimes à Oxford" partagent cette orientation et nous ne voulons en rien atteindre la
Marie-Christine Renaud d’André liberté d'expression de chacun. Nous constatons simplement que
34 THÉÂTRE Zygmunt Blazynsky les traits fâcheux qui s'étaient dessinés il y a quelques années à
Pierre François
35 télévision "Le temps de la désobéissance", l'aune d'un extrémisme théorique, loin de disparaître, ne font que
"Ray", "Paradise now" s'accentuer au rythme des grands débats culturels et sociétaux. Ils
M.-Ch. Renaud d’André/ M.-L. Roussel apparaissent évidents lorsque Le Monde fait un choix très parti­
36 TÉLÉVISION Votre début de soirée culier dans la tradition philosophique en privilégiant le corpus le
M.-Ch. R. d’A.
38 BLOC-NOTES Vie associative et d’Église
plus hostile à l'héritage chrétien. On nous dira que c'est le hasard
Brigitte Pondaven qui aboutit ainsi à la publication d'un philosophe de quatrième ordre
en pleine Semaine sainte, en reprenant précisément ses écrits les
plus polémiques contre la foi au Christ. On aura du mal à nous en
persuader, et à nous faire croire que les propos publicitaires d’Élisa-
Écoutez la chronique beth Badinter pour justifier son grand homme ne sont sollicités que
de Gérard Leclerc, pour promouvoir le débat. Il y a des bassesses que la seule probité
chaque semaine sur :
morale interdit, mais il semble qu'au Monde on se croie autorisé à
bafouer les élégances les plus élémentaires. n

FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 3

ACTUALITÉ
Gouvernement
La ligne générale
Il n’y a pas eu de bouleversement de l’équipe
gouvernementale, mais un remaniement du cabinet et du
style présidentiels… Et maintenant, il faut affronter la crise…
L
e p r é s i d e n t de la
République avait dit,
entre les deux tours
des municipales, qu’il
tirerait la leçon des
élections et le Premier ministre
avait répété qu'il voulait garder
son équipe. Paroles tenues : le
gouvernement a été ren­forcé
par la nomination, le 18 mars,
de six nouveaux secrétaires
d’État et l’équipe de François
Fillon a été confirmée puisque
pas un seul ministre n’a été
remercié. On a donc ignoré
et les bienfaits supposés du
« resserrement  » du gouver-
nement et l’usage selon lequel
les ministres bat­tus aux élec-
tions doivent démissionner.
La politique d’ouverture
n’a pas été poursuivie. On
parlait de l’entrée de Claude
Allègre au gouvernement et
l’on évoquait même Jack Lang.
Ce sont en fait des militants
de l’UMP qui ont été promus :
Nadine Morano (Famille) et
Yves Jégo (Outre-mer) sont des
sarkozystes de premier plan,
Laurent Wauquiez (Emploi)
et Luc Chatel (Industrie et
Commerce) ont gagné des
mairies dès le premier tour,
et l’on compte deux anciens
ministres de l’époque chira-
quienne : Anne-Marie Idrac
(Commerce extérieur) et
Hubert Falco (Aménagement
du territoire). Alain Marleix
devient secrétaire d’État aux
collectivités locales et Alain
( Des objectifs qui sont modestes au regard
des promesses faites il y a un an
4 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
Joyandet à la Coopération.
Par ailleurs, le chef de
l’État a réorganisé son cabi-
net, en écartant certains
conseillers : David Martinon,
porte-parole et candidat
rejeté à Neuilly va être nommé
à l’étranger. Georges-Marc
Benamou, ancien confi-
dent de François
Mitterrand et
conseiller pour
la communica-
tion, connaîtra
l’exil doré de la
Villa Médicis.
C’est Jean-
David Lévitte,
diplomate de grande
expérience et Claude
Guéant, directeur de
cabinet, qui seront
désormais les « voix »
du président.
Enfin, suite aux
critiques dont il avait
fait l’objet, Nico­las
Sarkozy a adopté
une attitude plus
conforme à la fonc-
tion éminente qu’il
exerce : sobriété des
paroles et des gestes,
abandon des signes
extérieurs de richesse (montre,
lunettes de soleil) apparitions
publiques à l’occasion de céré-
monies solennelles (hommage
au dernier Poilu, aux combat-
tants des Glières).
Ces aménagements du
pouvoir exécutif et cette
mo­d ification de l’image
pré­sidentielle ne doivent pas
masquer l’essentiel : la ligne
générale n’est pas changée.
Selon un mot souvent employé
par les dirigeants de la majo-
rité, les défaites de l’UMP aux
municipales exprimeraient
une « impatience » à laquelle
l’Élysée et Matignon se
doivent de répondre en main-
tenant le rythme des réformes
annoncées. « Dans la tempête
éco­nomique mondiale, il faut
fermement tenir le cap  » a
par Alice TULLE
déclaré le Président au cours
du conseil des ministres du
19 mars. Et Nicolas Sarkozy
de fixer quatre objectifs :
« remettre le travail au cœur
des politiques publiques  »,
«  renforcer la compétitivité
de notre économie », « conti-
nuer à gérer avec sérieux les
finances du pays – avec pour
objectif « l'équilibre des comp-
tes à l'horizon 2012  » – et
«  concilier solida-
rité et responsabi-
lité en matière
de retraites,
de prise en
charge de la
dépendance
et de santé  ».
Ceci dans une
conjoncture
«  compliquée  »
en raison de la crise financière
et monétaire.
De fait, le gouvernement a
pris conscience de la gravité de
la situation économique. Mais
il se contente pour le moment
de définir des objectifs qui
sont modestes au regard des
promesses faites il y a un an
sur le pouvoir d’achat et sur la
politique monétaire en zone
euro, et qui ne répondent pas
aux dangers qui s’accumulent :
la crise du marché hypothé-
caire américain est devenue
une crise bancaire internatio-
nale et la chute du dollar est
catastrophique pour l’indus-
trie française.
Aux États-Unis, le prési-
dent Bush est au premier rang
dans la lutte pour le sauve-
tage du système bancaire et
la banque centrale multiplie
les interventions. Fasciné par
l’Amérique, Nicolas Sarkozy
pourrait y trouver en ce
moment d’utiles leçons. n

CHINE
Oublier Lhassa
Si le Dalaï Lama ne parvient pas à dénouer le conflit tibétain,
sa stature en sera diminuée.
L
es émeutes qui ont
éclaté a Lhassa le 10
mars, jour anniver-
saire du départ en
exil du Dalaï Lama en
1959, ont pour effet paradoxal
de remettre en cause l'autorité
de celui-ci. Le mouvement, qui
a éclaté d'abord, semble-t-il,
parmi les moines traditionnel-
lement attachés a la commé-
moration de cet événement, a
rapidement dégénéré, opposant
Tibétains d'origine et colons
chinois. Pendant près d'un
de­mi-siècle, la Chine a en effet
poursuivi une politique d'immi-
gration et de démantèlement
de l'ancien royaume tibétain
en intégrant plusieurs régions
tibétaines dans des provinces
chinoises. Récemment, l'inau-
guration d'une voie ferrée de
4561 km reliant Pékin à Lhassa
a été le point d'orgue de cette
colonisation.
Le Dalaï Lama est le sym­­
bole qui unit tous les boud­
dhistes tibétains. Mais pour
ce pontife suprême, l'heure du
pouvoir temporel est dépassée.
Ainsi ne s'est-il pas prononcé
pour l'indépendance du Tibet,
contrairement aux intellec-
tuels nationalistes qui l'en-
touraient. Les émeutes ont
contraint les uns et les autres
à se découvrir et à lever l'ambi-
guïté. Le Dalaï Lama s'est vite
rendu compte qu'il ne contrô-
lait plus un mouvement qui
s'était ethnicisé. Pour s'être
lui-même internationalisé et
être devenu une force spiri-
tuelle dans le monde entier,
le Dalaï Lama s'est insensible-
ment détibétisé. Parallèlement,
les Tibétains prenaient de plus
en plus conscience de leurs
intérêts nationaux et maté-
riels immédiats qui vont bien
au-delà de la simple liberté
religieuse.
Qu'est-ce donc aujourd'hui
que la cause tibétaine ? Une
simple revendication d'indé-
pendance d'une marge de la
Chine intégrée de force à l'Em-
pire, comme le Xinqiang en
majorité musulman. L'ethnie
et la religion se recoupent
pour en faire des régions
doublement minoritaires
au sein de l'immense Chine.
Les populations de surcroît
sont faibles (cinq millions
de Tibétains parmi plus d'un
milliard de Chinois, encore une
moitié seulement réside-t-
elle dans la région dénommée
aujourd'hui Tibet).
La personnalité du Dalaï
Lama transcendait cette ques-
tion limitée pour lui donner
Pour ce Pontife suprême, l'heure
du pouvoir temporel est dépassée
ACTUALITÉ
une audience mondiale. Il a
acquis beaucoup plus d'admi-
rateurs aux États-Unis qu'il
n'en a au Tibet ou même en
Inde où il est réfugié avec pas
plus de cent ou deux cent mille
partisans.
Pour autant, les répercus-
sions internationales ne sont
pas à la hauteur de l'indigna-
tion naturelle que suscite la
répression
chinoise
des émeutes. Le Dalaï Lama
a délibérément choisi de ne
pas jeter de l'huile sur le feu.
Il suit plus qu'il ne précède le
retentissement médiatique. Il
ne souhaite pas aller au point
de rupture. Ainsi ne demande-
t-il pas le boycott des Jeux
Olympiques. Certes c'est parce
qu'il craint pour ses sujets.
Néanmoins sa motivation
n'est pas seulement tibétaine.
Son audience dans l'ensemble
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
par Yves LA MARCK
de la famille bouddhiste ou en
général dans le monde chinois
lui impose de garder du recul.
Il refuse de se laisser piéger
par la propagande officielle
qui cherche grossièrement
à le discréditer auprès de la
majorité des Chinois eux aussi
victimes du régime. Le Dalaï
Lama garde sa liberté de se
présenter comme le défen-
seur des droits de tous les
hommes, qu'ils soient ou non
Tibétains, et d'abord de tous
les Chinois.
Sans faire de
comparaison,
on relèvera
l'attitude du
Saint-Père
qui a confié
au cardinal-
archevêque de Hong
Kong la méditation
du Vendredi saint.
Benoît XVI poursuit
inlassablement son
œuvre de dialogue
avec Pékin. Pour ce
qui le concerne, le
Dalaï Lama avait
préconisé cette
ligne qui vient
d'être dramatique-
ment compromise
après n'avoir guère obtenu de
résultat auprès de la hiérarchie
du parti communiste chinois.
Il pourrait en aller de même
des catholiques, mais ceci ne
doit pas remettre en cause les
objectifs ni les méthodes. La
capacité de l'une comme de
l'autre des grandes autorités
spirituelles de notre monde à
parler d'une manière univer-
selle est à ce prix. n
)
5
ACTUALITE
EUTHANASIE par Tugdual DERVILLE

Coup de grâce ?
Le mystère autour de la mort de Chantal Sébire et des révélations sur son
parcours – n’ont pas empêché une nouvelle vague d’émotion de – cette fois-ci
– faire craquer les digues : la loi Leonetti est désormais menacée.

M
ercredi 19 mars journaux, comme en signe de Jean-Luc Roméro, prési- Une surprenante femme de
2008, la nouvelle soulagement. Mais les clichés, dent de l'Association pour le 52 ans a donc été arrachée à
de la mort de d’un genre inédit, de sa tumeur droit de mourir dans la dignité l’anonymat de sa terrible mala-
Chantal Sébire a au visage resteront gravés dans (ADMD) exprimait néanmoins die en entrant dans un combat
beau être atten- toutes les mémoires, comme un avis plus tranché : « Puisque médiatique de quelques se-
due, elle s’entoure immédia- ayant fait avancer d’un grand l'hypothèse de la mort natu- maines, rondement mené
tement de mystère. La femme bond la cause de l’euthanasie. relle a été écartée par la justice, jusqu’à sa mort. Les propos
au visage déformé, désormais Se montrer soulagé d’un décès, l'origine de la mort semble de la ré­d actrice en chef de
connu de tous les Français ou après une « longue maladie », donc provenir de substances France  3 Bourgogne, qui a
presque, s’est éteinte chez elle, est un sentiment spontané. qu'elle aurait avalées et donc vendu au monde entier des
peut-être seule, au moment Mais quand cette mort n’est d'un suicide  ». De son côté, images télévisées dont la chaîne
même où son médecin présen- pas naturelle, le malaise plane. le vice-président du mouve- publique détient l’exclusivité, dé-
tait à l’Élysée son dossier médi- Du moins, en principe. ment pro-euthanasie, l’avocat notent l’admiration : « Elle s’est
cal à des spécialistes. L’émotion Or, le procureur de la Ré­­pu- Gilles Antonowicz, continuait débrouillée comme un chef
est aussitôt à son comble. Marie blique de Dijon a déjà averti de protester vigoureusement dans cette histoire ».
Humbert, en larmes, exprime que le décès n’était pas naturel, contre l'autopsie pratiquée sur C’est aussi la conclusion
le corps de sa cliente, l’esti- du portrait de Chantal Sébire
COMMUNIQUE DE PRESSE mant « gro­tesque » et deman- publié dans Le Monde du 22
dant «  qu'on fiche la paix à mars avec le titre « Maîtresse
Chantal Sébire et moi-même sommes les parents d’une jeune fille de
Mme Sébire et à ses enfants, et de sa mort comme de sa vie ». Il
12 ans… En ma qualité d’ex-époux, je ne me considère pas autorisé à
qu'on en reste là ». Le Procureur raconte les relations de « fasci-
défendre la mémoire de Chantal.
En revanche, je n’accepte pas que l’image de notre fille soit utilisée tenait alors à préciser que les nation réciproque  » entrete-
dans le cadre de cette campagne médiatique à l’occasion de laquelle enfants de la défunte n’avaient nues par l’ancienne institutrice
la souffrance d’une femme a été instrumentalisée à des fins politiques. jamais manifesté d’opposition à avec les journalistes. N’ont-ils
Je remercie les journalistes qui ont déjà retiré les photos de (prénom) l’au­topsie. Ces derniers, éprou- pas fait cause commune ? Peu
de leur site ou de leurs reportages et exige de ceux qui ne l’ont pas fait, vés par le deuil, semblaient importe ce mélange des genres,
qu’ils cessent d’utiliser et de publier son image. soudain lassés voire écœurés qui aurait été considéré, dans
J’ai chargé l’avocat parisien, Maître Antoine Beauquier, d’engager toute par la pression associative d’autres circonstances, comme
poursuite à l’encontre de ceux qui feraient usage de l’image de ma fille et médiatique. Ils publiaient une grave entorse à la déonto-
et porteraient atteinte à sa vie privée et familiale ou qui utiliseraient sa finalement un communiqué logie professionnelle. Certaines
douleur d’enfant, pour promouvoir l’idéologie d’associations militantes. demandant aux journalistes souffrances semblent tout excu-
Paris le 21 mars 2008 de «  (les) laisser faire (leur) ser ou permettre. Et com­­ment
deuil dans la paix, la dignité et oserait-on critiquer la parole
sur les ondes un mélange de même si le doute sur les causes l'intimité ». Le message était lu de celle qui va mourir ? De tout
tristesse et de colère, en imagi- précises, à l’heure où nous sur France 5 par Paul Amar à cela, Chantal Sébire a joué –
nant que « Chantal » a dû mourir écrivons, reste entier. Vendredi la veille de la trêve pascale. De peut-être abusé – pour parve-
« toute seule ». 21 mars, l’AFP listait les hypo- son côté, l’ex-époux de Chantal nir avec brio à des fins qu’elle
Dès le lendemain, les thèses («  Suicide, sui­c ide Sébire se faisait plus menaçant. pensait justes. L’an­cienne insti-
anciennes photos, celles du assisté, accident médicamen- Son communiqué (voir enca- tutrice n’a-t-elle pas réussi de
temps de la bonne santé de teux… ») et concluait : « Les dré) proteste contre l’instru- façon extraordinaire à donner
Chantal Sébire, réapparaissent pistes restent nombreuses et les mentalisation de l’image et des un sens à son épreuve, à la
en première page de plusieurs interrogations de­meurent. » paroles de leur fille de 12 ans. sublimer ? Elle a combattu pour

( Grand perdant de l'emballement médiatique,

le mouvement des soins palliatifs reste sonné
que change le monde, même
si, à nos yeux, c’est dans une
direction mortifère.

6 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008


Avec l’ADMD, toujours à
la recherche de cas emblé-
matiques, Chantal Sébire a
trouvé des alliés bien prépa-
rés. Après avoir toréé pendant
quelques semaines sur toutes
les ondes son président, Jean-
Luc Roméro, tente désormais
de porter l’estocade à la loi
Leonetti, en accusant son
aut­eur d’être « personnellement
responsable » des souffrances
ultimes de sa protégée.
Cette vague accusatoire,
relayée par des débats à sens
unique, a commencé à submer-
ger la digue que le gouverne-
ment avait jusqu’ici réussi à
établir pour résister, même si,
nouvelle venue au portefeuille
de la Famille, Na­dine Morano
ne cache pas ses convictions
en faveur de l’euthanasie. Les
alliés politiques de l’ADMD
jouent donc le tout pour le
tout. Le député PS Gaétan
Gorce tente d’imposer une
loi rapidement votée, sous le
coup de l’émotion. C’est dans
ses moments de faiblesse qu’il
faut jouer son va-tout pour
terrasser l’adversaire. Mais
Bernard Accoyer, président de
l’Assemblée nationale résiste
avec intelligence. Il montre
qu’il n’est pas insensible au
drame qu’ont vécu, en témoins
mi-éplorés mi-voyeurs, des
millions de téléspectateurs,
mais sans céder du terrain sur
le plan juri­dique.
Dans un premier temps
Jean Leonetti est donc chargé
d’établir le bilan de sa loi,
sous l’œil soupçonneux de
Jean-Luc Romero. Il exhume
malheureusement la notion
ambiguë d’exception d’eutha-
nasie : « Rien n'interdirait des
dispositions spécifiques de
dépénalisation de l'acte homi-
cide dans des circonstances
compassionnelles, qui méri-
teraient alors d'être codifiées
et précisées », a consenti le
député des Alpes-Maritime.
Cette petite phrase pèse très
lourd. Destinée à donner du
mou sur les cas-limites, elle
risque bien de créer une brèche
ACTUALITE
qui ferait s’effondrer l’interdit inéluctable, mais sa demande reste sonné. Il fait le constat
du meurtre. à la médecine de mettre fin à d’un immense gâ­c his. Non
Pourtant, dès le surlende- ses jours prend une autre signi- seulement Chantal Sébire a
main de la mort de Madame fication quand on sait qu’elle refusé d’entrer dans le proces-
Sébire, on commençait à lui a refusé, précédemment, de sus palliatif qui aurait pu la
re­­mettre en cause la version tenter de la sauver. sortir de sa douleur et de son
univoque défendue becs et Par ailleurs, le faux suspens isolement, mais encore elle n’a
ongles par les militants de judiciaire proposé à Chantal cessé d’en donner une image
l’euthanasie à propos de cette Sébire par le président de caricaturée, reprise sans recul
histoire dramatique. l’ADMD a certes entretenu par les médias, et qui s’est par
Dans le «  parcours l’émotion, mais il apparaît conséquent ancrée dans l’es-
soi­gnant » de Chantal Sébire comme un élément artificiel prit des Français avec la force
les zones d’ombre sont de l’orchestration du débat, ses de l’émotion.
nom­b reuses. Comme pour auteurs feignant de croire que Voilà que les protocoles
Vincent Humbert, mais plus la demande avait des chances analgésiques sont assimilés
QUE LA LUMIÈRE SOIT FAITE !
L’Alliance pour les Droits de la Vie exprime sa tristesse et son profond malaise à l’annonce du décès de
Chantal Sébire. Comme des millions de Français, nous avons été saisis par l’emballement médiatique qui a
précédé sa mort. Nous avons écouté avec attention et émotion les paroles de cette femme, durement éprou-
vée. Elle a témoigné ces dernières semaines d’un indéniable courage qui force le respect. Cependant, nous ne
pouvons pas taire le profond malaise et le sentiment de gâchis que nous laisse cette fin de vie.
- Pourquoi Chantal Sébire a-t-elle refusé les soins palliatifs qu’on lui proposait tout en ayant visiblement une
idée inexacte de leur réalité ?
- N’a-t-elle pas été, malgré elle, l’instrument d’une idéologie qui réclame, avec le suicide médicalement
assisté, bien davantage que le traitement des exceptions ?
Banaliser l’idée du droit au suicide contredit les efforts que notre société réalise pour sauver et consoler les
désespérés, soulager leurs douleurs et donner toute leur place aux personnes dépendantes sans les juger sur
l’apparence.
« Avec cette déferlante médiatique, explique le docteur Xavier Mirabel cancérologue et président de l’Al-
liance pour les Droits de la Vie, nous constatons que l’incompréhension et la peur se sont emparées de
beaucoup de personnes que nous accompagnons et de leurs proches. On a fait croire que Chantal Sébire
était contrainte à l’exil ou à la souffrance et qu’on la privait d’une mort ‘douce’. Il est essentiel de sortir de la
confusion actuelle. »
L’Alliance pour les Droits de la Vie demande que toute la lumière soit faite sur le parcours soignant de Chantal
Sébire, les raisons pour lesquelles les soins palliatifs ont été refusés ainsi que sur ce qui s’est réellement passé
dans la journée d’hier, au moment même où son médecin traitant présentait le dossier médical à l’Élysée.
Respecter la mémoire de Madame Sébire, dont la fin de vie a bouleversé la France, passe par la vérité.
Paris le 21 mars 2008
rapidement, on découvre d’aboutir. « Notre requête a à un coma, à une perte défi-
l’usage abusif de certains mots. donné du crédit à sa demande nitive de conscience et à un
L’esthesioneuroblastome dont d’aide active à mourir et, à état d’indigne subordination.
souffrait madame Sébire n’est partir de là, tout s’est emballé » En quelques jours, tous les
ni une « maladie orpheline » avoue Me Gilles Antonowicz au efforts de communication
comme on l’a prétendu, ni, Monde après avoir souligné « la d’un mouvement qui agit au
surtout, une pathologie « incu- fonction symbolique du juge » quotidien au chevet de milliers
rable ». Avant d’en arriver à qu’il a instrumentalisée. de personnes malades pour
ce stade, la patiente semble Et si cette tactique manipu- accompagner et adoucir les
avoir refusé des interventions latrice avait joué un rôle dans épreuves de leur fin de vie
proposées, à cause de leur l’épuisement moral et physi- se sont trouvés anéantis. Ils
risque vital. On ne peut l’en que et dans la précipitation de ont désormais la parole ; ils
blâmer. Mais il serait juste de la fin de vie de Chantal ? Pour écrivent des tribunes dans la
dire aux Français que, pris à l’affaire Hum­bert, la sortie d’un presse écrite… mais l’impact
temps, ce genre de tumeur a livre et l’annonce télévisée du émotionnel de leur façon
désormais de bonnes chances passage à l’acte n’ont-ils pas mesurée de revenir à la réalité
de guérir. Il ne s’agit pas de précipité le geste de Marie ? est bien loin d'avoir la force
remettre en cause la détresse Grand perdant de cet des sophismes simplificateurs
de Chantal Sébire à l’approche em­ballement médiatique, le et de l’image-choc qui ont
d’une mort qui était devenue mouvement des soins palliatifs abusé l’opinion. n
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 7
DOSSIER
Les questions concernant l’évolution ne
sont pas simples car, comme le montre
l’analyse du livre de notre fidèle ami
Michel Delsol, Darwin, le hasard et Dieu,
elles croisent nos questions les plus
profondes : « les pourquoi ultimes des
choses ». Il importe donc de bien séparer
ce qui relève des sciences et ce qui relève
de la philosophie, de la métaphysique
et de la révélation, car le but, le regard,
les méthodes sont différents. Création
et évolution ne sont pas antagonistes.
Le « hasard », comme le montre bien le
professeur Delsol,
n’est pas un Dieu. On
peut étudier le monde
et son histoire, la
cosmologie - c’est
la science - sans
mettre en cause
l’existence de Dieu.
On peut s’interroger
sur l’existence du
monde et le destin
de l’homme, sa
vocation, sans mettre
en cause les faits édition Vrin,
144 pages, 10 e
de l’évolution, ni le
Big Bang, voire des Big Bang successifs.
« Ceci n’enlève rien aux problèmes
que pose sa Cause d’être, ou sa Cause
d’Exister ». D’ailleurs, c’est un chrétien,
le chanoine Lemaître, qui a été l’initiateur
de la théorie de « l’atome primitif »,
surnommée depuis le big bang, et
Lemaître, dans ses entretiens avec Pie XII
notamment, s’est fermement élevé contre
la tentation de confondre big bang et
création. Ne confondons pas non plus
création et évolution. Alexandre Da Silva,
très au fait des développements actuels
de la biologie, analyse pour nous le livre
de Michel Delsol.
H.-M. CATTA
8 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
Enco
par Alexandre DA SILVA
D
ans le passé, avant la naissance de
l’ère scientifique que nous vivons,
on a eu tendance, dans les milieux
chrétiens, à construire un monde
qui correspondait à des idées que
les sciences modernes ont dé-
montées depuis quelque deux ou
trois siècles et continuent à démonter chaque
jour. Chacun sait que l’on s’imaginait que le soleil
tournait autour de la terre, on a cru aussi que
le monde avait été créé en sept jours suivant le
schéma des premières pages de la Genèse. On a
mis longtemps à admettre que ces textes ne de-
vaient pas être considérés comme « historiques »
sensu stricto. La résurgence actuelle de ces idées
ne s’effectue que dans quelques groupes sou-
vent de milieux protestants d’origine américaine
et chez les musulmans. Cependant il y a encore
beaucoup d’idées fausses sur le monde que l’on
admet encore dans tous les milieux chrétiens. Il a
paru utile au biologiste Michel Delsol de tenter à
nouveau de les dissiper car il est malsain de lier
des conceptions religieuses à des vues scientifi-
ques ne correspondant pas au réel.
Le but de son petit livre que nous analysons
ici, préfacé et postfacé par un dominicain philo-
sophe, mais aussi scientifique, le Père Maldamé,
est de préciser quelques erreurs courantes ad-
mises par le public chrétien sur certains aspects
de la biologie. Nous signalerons quatre questions
particulières.
1/ Beaucoup d’hommes pensent encore que
les êtres vivants et la matière chimique classi-
quement étudiée dans les laboratoires correspon-
dent à des éléments très différents. Pour eux, il
se rajoute à la chimie de tout ce qui est vivant un
principe mystérieux qui « fait vivre ». Cette idée a
même été acceptée par de grands biologistes. Ainsi
Cuénot, professeur à la faculté de Nancy, lorsqu’il
prononça sa leçon inaugurale dans l’académie de
cette ville au début des années 20, soutint à peu
près l’idée que si l’on fabriquait chimiquement
un être vivant très primitif (une paramécie, par
exemple) on ne fabriquerait que son cadavre car
il lui manquerait quelque chose, correspondant à
la psyché qui assurait sa vie. Précisons que cet

re Darwin Pensionnaire du Jardin des Plantes,
derrière sa vitre blindée.
© Anne KURIAN
auteur changea d’avis quelques années plus tard
et adopta une position différente correspondant
à celle qui est généralement admise aujourd’hui.
Depuis le milieu du dernier siècle, la chimie du vi-
vant a fait des progrès tellement fabuleux que les
spécialistes admettent maintenant que la vie est
une chimie infiniment complexe, mais une chimie,
et qu’un jour ou l’autre, peut-être bientôt, nous
synthétiserons des éléments vivants primitifs. On
notera que ces dernières années on a synthétisé
plusieurs virus. Il faut préciser à ce sujet que les
virus ne sont pas, comme on croyait encore il y
a quelques décennies, des formes dégénérées de
la vie, mais des éléments intermédiaires entre le
non-vivant et le vivant. Il est évident que les biolo-
gistes d’aujourd’hui n’envisagent pas de fabriquer
un chat, mais seulement le vivant le plus simple
que nous connaissons, des bactéries. Alors que
DOSSIER
l’ouvrage que nous analysons venait tout juste de
sortir des presses, les journaux ont signalé qu’un
laboratoire américain, travaillant sur ce sujet,
avait déjà réalisé des structures correspondant
au noyau cellulaire qui se trouve justement dans
La vie est les bactéries. Ils espèrent synthétiser des espè-
une chimie ces de ce type qui permettraient de résoudre, au
moins en partie les problèmes pétroliers du futur.
infiniment Cela pose des questions terribles, car tout laisse
à penser que l’on fabriquera un jour, sans doute
complexe, avant trois siècles, des spermatozoïdes. Voire des
mais spermatozoïdes humains.
une chimie 2 et 3/ Le problème de l’évolution biolo-
gique est sommairement évoqué dans ce livre,
car il n’y a presque plus d’anti-évolutionnistes
chez les biologistes actuels. Cependant, on sait
qu’au niveau de l’évolution il y a deux questions,
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 9
DOSSIER
S
ous des titres presqu'identiques, les livres sur Dieu et Darwin se
succèdent à une cadence très significative. Dans cet ouvrage (Dieu
et Darwin, débat sur les origines de l'homme), Fernand Comte,
diplômé de théologie et professeur de Lettres, analyse les problèmes de
l’évolution biologique et ses relations avec les diverses religions de notre
monde. Il décrit d’abord comment elles voient l’origine de la vie sur la
terre. Ensuite, il retrace l’histoire des Hébreux
pour définir les positions des religions juive,
chrétienne et musulmane. On ne peut pas être
toujours d’accord avec lui sur certaines des idées
qu’il soutient. Bien sûr on n’ignore pas que la
Bible est un texte rempli d’allégories, mais il ne
paraît pas possible de le suivre lorsqu’il suggère
que l’histoire de Moïse et la traversée du désert
ne sont probablement que des mythes.
Ensuite, il analyse longuement comment
s’imposa l’idée d’évolution biologique et
il s’attache à l’étude de questions souvent
mal connues : à l’étrange position du
« catastrophisme » de Cuvier, au darwinisme
social, à la renaissance de l’antiévolutionnisme
à l’époque contemporaine. Il est parfois fort intéressant et ses références
bibliographiques abondantes méritent d’être notées.
Il essaie enfin de résoudre les difficultés que nous avons à comprendre le
monde en citant souvent Teilhard de Chardin. Il décrit sommairement les
thèses de ce dernier mais, s’il paraît prendre parfois position pour elles,
c’est seulement sur la pointe des pieds.
De toute évidence il adopte parfois le darwinisme moderne, c’est-à-dire
la théorie synthétique de l’évolution, mais il ne la nomme pas. Cette
analyse est un peu faible dans son texte.
Il insiste en plusieurs fois sur le fait que, lorsque l’on a voulu voir
dans notre univers ou chez l’homme, des particularités paraissant
providentielles, on s’est trompé. Ainsi, on a cru par erreur que la terre
était au centre du cosmos et que l’homme était un être très particulier
fondamentalement différent du monde animal.
Le titre de l’ouvrage laissait suggérer que la question des relations de
Dieu avec l’évolution serait discutée longuement. Il n’en est pas ainsi. Ce
problème imprègne partout le texte, mais aucun chapitre particulier n’y
est consacré. L’auteur suggère que l’on peut expliquer tout sans voir Son
action. Ainsi il écrit vers la fin de l’ouvrage, page 312 : « La réflexion !
Un tournant important ! Se profile à l’horizon la possibilité que les
changements, les évolutions, les réussites ne soient plus l’effet des grands
nombres, mais d’une pensée, d’une volonté. Nous n’en sommes pas là. »
Cependant, avec les textes sur Teilhard déjà évoqués et une affirmation
répétée plusieurs fois que la question de Dieu n’appartient pas à la
science, mais à la philosophie, nous pouvons nous demander s’il est
totalement agnostique.
Ce livre est marqué par des attitudes que l’on retrouve souvent chez
des spécialistes ou chez des vulgarisateurs de talent. Il a tendance,
dans ses élans explicatifs, à analyser trop vite et avec des connaissances
incomplètes certains sujets. Voici deux exemples : il fait dire au cardinal
Schönborn qu’il est réticent sur l’évolution or, dans son dernier livre,
celui-ci se déclare seulement réticent à une explication de l’évolution
où le hasard joue un grand rôle. (Il est vrai que ce livre a été publié alors
que le sien était peut-être déjà chez l’éditeur.) De même, l’analyse des
conséquences du darwinisme social porte à sourire, il ne semble pas que
Mme Thatcher, nommée dans le texte, en ait été imprégnée.
Ce livre est intéressant bien que l’auteur, atteint d’une maladie de la
plume bien connue, ait tendance à faire des généralisations ou des
analyses rapides à partir de ce qu’il sait. A.D.S.
Fernand Comte, Dieu et Darwin, JC Lattès, 320 p., 19 €
10 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
celle du fait évolutif, c’est-à-dire de l’existence
du phénomène et celle des causes qui ont en-
traîné la marche évolutive. Sur ce deuxième point
la théorie actuellement admise en général, dite
théorie synthétique, suggère que l’évolution s’est
produite par des mutations dues au hasard des
éléments des caractères héréditaires, les gènes.
Ceux-ci sont ensuite triés par un immense jeu de
sélection naturelle. A ces faits s’ajoutent des en-
docytobioses (acides nucléiques d’un virus qui pé-
nètrent dans le noyau des cellules germinales et
s’associent aux chromosomes), elles aussi triées
par la sélection.
Cette thèse, qui met en avant les effets du
hasard, fait presque l’unanimité aujourd’hui et
soulève donc des problèmes.
4/ La dernière question est relative aux
fonctions du cerveau humain : la mémoire, la
conscience de soi, la pensée, l’intelligence. Pen-
dant longtemps on a attribué ces fonctions à
l’âme humaine, ce qui voulait dire qu’elles étaient
dues à une psyché qui vient directement de Dieu.
On sait que les matérialistes du XlXe siècle disaient
au contraire que le cerveau sécrétait la pensée et
donc l’intelligence, comme le foie secrète la bile. Il
faut savoir reconnaître qu’ils n’avaient peut-être
pas tout à fait tort. Les neurologues ont assez
bien prouvé la valeur de ces thèses, le professeur
Delsol insiste surtout sur les arguments qu’appor-
tent à celles-ci les travaux des zoologistes spécia-
listes du comportement animal. Depuis quelques
décennies en effet de nombreux comportemen-
talistes ont étudié le psychisme des singes supé-
rieurs. Ils ont démontré la réalité de leur mémoire,
l’ébauche de leur conscience, de leur pensée et de
leur intelligence. Certes, ces propriétés étranges
nous étonnent parce qu’elles sont impalpables et
de nature immatérielle. On est obligé d’admettre
qu’une masse de cellules cérébrales, à partir d’un
certain stade de complexité, aurait des propriétés
qui échapperaient totalement à notre bistouri. Elles
pourraient, malgré cela, demeurer dans le cadre de
la science, mais elles seraient si mystérieuses que
nous n’en connaissons encore rien.
L’étude des mystères du cerveau n’en est en
effet qu’à son début. Au milieu des milliers de pa-
ges des travaux qui ont été réalisés dans la na-
ture ou des jardins zoologiques depuis moins de
50 ans, par quelques douzaines de primatologues,
Michel Delsol cite un fait qui témoigne, mieux
que tout à ses yeux, de ces étranges capacités
des singes supérieurs.
De Waal a décrit l’histoire suivante : un chim-
panzé qui vivait dans un zoo a vu un jour un oiseau
rentrant dans la maison où il était logé. L’animal
affolé se jetait contre les vitres paraissait se dé-
battre en tous sens pour échapper à sa prison. Le
chimpanzé attrape l’oiseau et le prend dans ses

mains. Il sort de sa maison et, à l’extérieur, grim-
pe au sommet d’un arbre qu’il connaissait bien et
sur lequel il avait l’habitude de monter. Arrivé en
haut, il écarte les ailes de l’oiseau et le jette en
l’air. On peut difficilement dire qu’il n’avait pas
pris conscience de certains aspects du concept
d’oiseau. On pourrait citer de nombreux faits de
ce genre. Nier l’intelligence animale n’est plus
possible aujourd’hui. On peut même estimer, cette
histoire le montre, que le chimpanzé est parfaite-
ment capable d’ébaucher des concepts.
Les faits ainsi rapportés ont laissé
croire à certains auteurs que la scien-
ce avait enfin tout expliqué et qu’il
n’y avait plus aucun problème à
se poser sur l’univers. Il avait ses
raisons d’être en soi puisque l’on
savait tout sur lui.
C’était une erreur. La connais-
sance humaine nécessite à la fois
une analyse et une réflexion scien-
tifique et d’autre part une analyse
et une réflexion philosophique.
Or, l’une et l’autre ne sont pas du
même domaine. La science a
pour but de décrire la matière
et d’étudier ses propriétés. On
a dénommé ceci le « comment
des choses  ». On peut dire
aussi qu’elle étudie le réel
donné par les organes des
sens directement
ou indirecte-
ment. Il y a une
autre série de
questions qui
viennent de la
philosophie et
de la métaphysique, ce sont les « pourquoi ulti-
mes des choses ». On utilise parfois ici seulement
le mot pourquoi, nous préférons y ajouter cet ad-
jectif car sans lui ce mot pourrait avoir plusieurs
sens. On a deviné qu’il s’agit alors des raisons d’être
profondes de ce réel sensible. Ceci évidemment
ne s’effectue plus dans un laboratoire de science
mais dans le cabinet du philosophe. Ce pourquoi
a été exprimé par François Jacob lui-même dans
son livre La souris, la mouche et l’homme, p. 229 :
«  mais de toute évidence certaines questions
ne relèvent pas de la science. Il y a une limite
à l’investigation scientifique. Celle-ci se refuse à
envisager certaines questions du type : Qu’est le
sens de la vie ? Comment est-ce que tout a com-
mencé ? Que faisons-nous sur Terre ? La science
n’a rien à dire face à de telles questions. On ne
voit même pas quel genre de progrès scientifique
permettrait d’y répondre. Un domaine entier est
totalement exclu de toute enquête scientifique,
celui qui concerne l’origine du monde, la signifi-
DOSSIER
cation de la condition humaine, la « destinée » de
la vie humaine. Non que ces questions soient futi-
les. Chacun de nous, tôt ou tard, se les pose. Mais
ces questions, que Karl Popper appelle finales
(ulti­mate), relèvent de la religion,
de la métaphysique, voire de
la poésie. Aucune science ne
peut apporter de réponses à
de telles questions. »
Michel Delsol estime
que la seule réponse pos-
sible à ces questions est
un retour modernisé des
réflexions de saint Tho-
mas sur l’existence d’une
Intelligence qui a voulu le
monde. Précisons en outre
que, si comme disent certains,
le monde a toujours existé et
correspondu à une série de Big-
bang successifs, ceci n’enlève rien
aux problèmes que pose sa «  Cause
d’Être  » ou si l’on préfère sa «  Cause
d’Exister ».
Une dernière question : on est étonné
parfois que le hasard ait un tel rôle sur la
constitution des êtres et des choses qui com­
posent le monde. On connaît mal la définition
de ce mot hasard : c’est une rencontre de séries
causales indépendantes qui peut provoquer des
faits ou des structures sans intérêt, dangereuses
ou parfois pleines d’intérêt. En réalité, le hasard
ne crée rien, ce qu’il fait était déjà en puissance
dans les choses qui se rencontrent. La rencontre
les fait entrer en acte. À la roulette, si en jouant
sur le 23, on peut gagner une forte somme, le
gain était inscrit dans le possible du phénomène,
par contre on ne pourra jamais gagner en misant
sur le 80, car le 80 n’existe pas dans le jeu.
Ceci amène à penser que tout ce qui s’est
fait par hasard était dans la matière même des
En réalité, choses et que l’homme, qui aurait connu, au
le hasard moment du Big Bang toutes les propriétés des
éléments, comme le personnage imaginaire de
ne crée rien, Laplace, aurait pu prévoir que l’homme, comme
le mouton, était en possible dans la nature mais
ce qu'il fait non pas, précisons-le bien, en obligatoire. Ainsi,
était déjà comme il est courant de le dire, l’homme aurait
pu ne pas exister, il était seulement en possible,
en puissance mais ce possible fait rêver. Des réflexions de ce
petit livre se dégage l’attitude que doit avoir
dans les l’homme de science : dans son laboratoire il doit
choses qui se se comporter comme un agnostique complet, le
livre n'envisage pas ici les problèmes d’éthique
rencontrent qui correspondraient à un autre sujet. En dehors
de son laboratoire, il pourra effectuer des ré-
flexions philosophiques et sa vision globale du
monde l’amènera à croire en une intelligence que
l’on appellera Dieu. n
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 11
ESPRIT
En mémoire des jours
Par
Robert Masson
Les lendemains
du monde
I
survivant
l était le dernier
de l'immense tragédie
que fut la guerre de 14.
Sa voix certes se faisait de
plus en plus hésitante. On
ne se lassait pas pour autant
d'entendre Lazare Ponticelli,
comme si son ultime pré-
sence était refus de l'oubli,
et le conjurait.
Bien des choses s'étaient
produites, depuis cette
guerre dont les hom-
mes de 14 s'étaient jurés
à eux-mêmes qu'elle serait
la dernière : la "Der des
Der". Ce qu'ils avaient vu
du fol affrontement d'un
continent expliquait l'effroi
de ces combattants, à la
simple idée de voir un jour
se renouveler ces déborde-
ments de fureur, ces armées
affrontées dont les soldats
n'avaient de choix que de
tuer ou d'être tué. À l'arme
blanche, au besoin.
Quand il leur restait
un peu de courage pour
en parler, ces rescapés
n'avaient pas assez de mots,
ou ne les trouvaient plus,
pour évoquer le temps des
tranchées, où seuls les rats
se sentaient chez eux. Dans
cet enfer des tranchées, qui
12 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
faisait de cette guerre un
immense corps à corps de
peuples qui avaient tant de
choses en commun qu'on
semblait avoir oubliées.
D'un bord à l'autre du Rhin,
on ne parlait plus que d'en-
nemis héréditaires, dont il
fallait triompher ou mourir.
Des années durant, il n'y
eut plus de place que pour
la guerre. Et déjà hélas on
en pressentait une autre,
qui fut encore plus ter­rible
par sa nature. Le vocifé-
rant de Nurenberg avait
pris le pouvoir par ce qui
avait été l'Allemagne des
poètes et des musiciens, de
tout un art de vivre dont
l'usur­p ateur avait fait un
instrument de guerre et
de revanche dont on vit la
bru­talité en août 40, quand
nos armées furent défaites
dans des conditions humi-
liantes.
Que pouvaient-ils pen-
ser au fond d'eux-mêmes,
ces hommes de 14, dont le
sacrifice se trouvait réduit
à si peu dans l'immensité
du désastre ?
Quelque chose de plus
radical que le choc des
armées s'était produit. Ce
prêcheur de néant, qui
n'avait de paroles que pour
le mépris d'autrui, allait
pousser plus loin, avec cette
invention diabolique des
camps, dont il allait faire un
instrument de mort, dans
des conditions inédites à
ce jour. Les hommes d'hon-
neur n'avaient plus dès lors
que le choix de résister. Les
mains nues cette fois, mais
avec cette volonté irrésis-
tible, qui était comme un
acte de foi, dans les déré-
lictions du moment.
Il n'en fallut pas moins
qu'un universel concours de
peuples, pour renverser le
cours des fatalités. C'est en
termes d'un combat épui-
sant, et sur un continent
de cendres, que le 8 mai
45, les cloches de la vic-
toire purent enfin retentir,
sans forcément ré­p ondre
de tout, hélas ! Ce que
l'homme avait commis sur
son frère, en ces années où
c'était la guerre elle-même,
et ses idées de revanche qui
avaient conduit les nôtres
au bord du gouffre.
Comment parler en
homme de ces abomina-
tions conjointes, que furent
Auschwitz et Hiroshima,
pour ne pas citer d'autres
de ces malheurs des temps,
qui réduisaient à si peu
les aspirations humai-
nes au bonheur, où les
hommes dans leur folie,
avaient c onduit notr e
vieux continent au bord de
l'abîme. Ce ne fut pas pour
peu dans le silence de cette
génération de 14, qui se
trouvait avec plus de ques-
tions que de réponses, au
terme d'une tranche d'his-
toire, qui était à l'échelle du
siècle pour finir.
Restait plus que jamais
la leçon de courage, et
parfois d'héroïsme, de nos
aînés. Ils eurent tout à
en­durer : ce gel des pieds
et des mains, ces enfouis-
sements au fond des tran-
chées, qui avaient des
al­lures de tombeaux.
Quelle famille n'a pas
dans ses ascendants un
héritage de ces temps
ter­r ifiants, qui ne nous
ra­m ènent pas si long-
temps en arrière, quand les
hommes tombaient sur les
champs d'hon­neur, disait-
on ? Mais à un prix de larme
et de deuil.
Le journal La Croix a
pu­b lié, dans une parution
récente, des extraits de
lettres d'un «  soldat de
toutes les guerres  ». C'é-
taient de précieux docu-
ments, qui avaient été
conservés des décennies
durant dans une boîte à
chaussures, et au fond d'une
cave, où leur devenir se fai-
sait improbable. Invitation
à certains de nous à tirer
d'autres ar­chives oubliées,
des citations à l'ordre de
ces soldats de 14, auxquels
donnent la main ceux de 40…
Dans chacun de nos vil-
lages, s'élèvent des "monu-
ments aux morts", comme
on les appelle. La guerre est
un monument d'iniquité.
Ce qui la rachète c'est le
courage des hommes. Ceux
de 14 en étaient souvent à
faire leur moisson, quand
retentit l'appel aux armes,
qui allait entraîner cette
jeunesse sur les chemins de
gloire et de larmes.
À l'âge de 110 ans, le
dernier de ces combattants
vient donc de mourir, der-
nier d'un peuple immense
qu'on honore d'obsèques
nationales, manifestations
de gratitude et du sou­
venir, engagement aussi
à construire le monde sur
d'autres bases que le mépris
d'autrui. Un pas a été fait,
et c'est à l'actif de l'idée
européenne qui doit encore
prendre corps. Les soubas-
sements sont mis en place.
La paix est le seul véri-
table hommage qu'on puisse
faire à ces fantassins de 14.
Nos pères et nos frères,
dans l'ordre des vrais lende-
mains du monde. n

SCOUTS D'EUROPE
Le 15 mars dernier, lors d'une
as­semblée générale au siège national
de Château-Landon, la direction des
Scouts d'Eu­rope a fait approuver,
en présence notamment de Mgr
de Monléon, évêque de Meaux, et
d'un huissier de justice, sa gestion
par environ 55% des délégués du
mouvement. Les autres contestaient
le refus de créer des meutes suivant
le rite de saint Pie V en vertu du
Motu proprio, et disaient s'inquiéter
sur la capacité du mouvement
à maintenir son originalité dans le
scoutisme français. Le scénario de
la suite juridique et pratique est
relativement im­prévisible : scission,
épuration, ré­c onciliation plus ou
moins complète...
TIBET
Le Pape a lancé, le 19 mars, un
appel en faveur de la population
tibétaine en disant : « Je suis avec une
grande inquiétude les nouvelles qui
nous arrivent ces jours-ci du Tibet.
Mon cœur de Père ressent tristesse
et douleur face à la souffrance de
tant de personnes. Que le mystère
de la Passion et de la mort de
Jésus, que nous revivons en cette
semaine sainte, nous aide à être
particulièrement sensibles à leur
situation ».
« Par la violence, on ne résout
pas les problèmes, ils ne font que
s'aggraver. Je vous invite à vous unir
à moi dans la prière. Demandons
au Dieu Tout Puissant, source de
lumière, qu'il éclaire les esprits de
tous et donne à chacun le courage
de choisir le chemin du dialogue et
de la tolérance ».
BAPTEMES
Lors de la veillée pascale,
Benoît XVI a baptisé six adultes,
dont le journaliste italien d'origine
musulmane Magdi Allam très connu
en Italie pour ses éditoriaux du
Corrie della Serra contre le fanatisme
islamique et qui vit sous protection
policière permanente à cause de
cela.
SOCIOLOGIE
Selon une enquête parue le 20
mars dans l'hebdomadaire La Vie, six
Français sur dix se disent catholiques.
17 millions se déclarent cependant
non-pratiquants, 11 millions se
disent pratiquants mais vont à la
messe moins d'une fois par mois,
et 4 millions vont à la messe au
moins une fois par mois et sont donc
considérés comme des pratiquants
réguliers...
Les personnes se déclarant
catholiques sont autant des hommes
que des femmes, autant des jeunes
que des personnes âgées de plus de
50 ans, mais, parmi les catholiques
qui vont à la messe au moins une
fois par mois, deux sur trois sont des
femmes et ont plus de 50 ans.
Plus de 75% de la population se
dé­clarent catholiques dans certains
dé­p artements de l'Est (Moselle,
Meuse, Vosges, Haute-Saône), ou
de l'Ouest (Manche, Mayenne,
Deux-Sèvres...) mais la pratique a
beaucoup baissé en Bretagne.
Selon l'étude publiée par La
Vie, 45% des pratiquants réguliers
ont voté pour Nicolas Sarkozy et
seulement 11% pour Ségolène Royal.
Le catéchisme est fréquenté
par 20.5% des 8-11 ans. Quant au
baptême, il est en baisse pour les
enfants (-18% entre 1996 et 2006),
mais en hausse pour les adultes
(+16% entre 1999 et 2007). La France
reste le deuxième pays d’Europe
pour la proportion de baptisés
(derrière l’Italie). Enfin, seul un tiers
des couples français se marient à
l'Église. Le nombre des mariages
catholiques a diminué de 28% en
dix ans. En 2006, on comptait 89014
mariages à l'église sur les 274084
mariages célébrés en mairie (contre
77632 PACS).
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 13
En revanche le nombre des visi­
teurs dans les grands sanctuaires
a augmenté de 5 millions en deux
ans... 45 millions de personnes les
ont fréquentés en 2007 dont une
part appréciables de pèlerins (par
exemple on estime à 700.000 le
nombre des pèlerins sur les 3 millions
de visiteurs du Mont Saint-Michel),
il y a 2,2 millions de pèlerins à la
Médaille Miraculeuse, 6 millions à
Lourdes, 1 million à Rocamadour !
Deux millions d'élèves sont
sco­l arisés dans l'Enseignement
catholique qui emploie 200.000
personnes, mais 12% seulement des
familles disent faire ce choix pour
des raisons confessionnelles.
Parmi les autres chiffres délivrés
par La Vie, certains concernent le
budget des diocèses (464 millions
d'euros en 2006), le salaire des
prêtres... (avec comme sous-titre : "La
fille aînée de l'Église va-t-elle faire
faillite ?"), l'argent du Saint-Siège, etc.
Le même dossier met en lumière,
de manière parfaitement subjective,
"200 catholiques qui comptent". Nous
y retrouvons Gérard Leclerc ou le
Père Philippe Verdin, parmi beaucoup
d'intellectuels, dirigeants d'entreprises
ou vedettes de styles divers.
Par ailleurs, selon un sondage
Ifop pour le quotidien La Croix,
paru le samedi 22 mars, plus de
sept Français sur dix (71%) veulent
garder en l'état la loi de 1905 sur la
séparation des Églises et de l'État.
77% déclarent que la religion relève
de la vie privée et 60% que croire en
Dieu est une aide et un soutien dans
la vie de tous les jours.
BÉATIFICATIONS
Le samedi 15 mars, le pape
Benoît XVI a reçu en audience privée
le Cardinal José Saraiva Martins,
Préfet de la Congrégation pour les
Causes des Saints. Au cours de
l’audience, le Saint-Père a autorisé
la Congrégation à promulguer les
décrets concernant :
 - un miracle attribué à l’intercession
de la Bienheureuse Ger trude
Co­mensoli, Fondatrice de l’Institut
des Sœurs du Très Saint Sacrement
(Italienne, 1847-1903) ;
- un miracle attribué à l’intercession
du Vénérable Serviteur de Dieu
Francesco Pianzola, prêtre diocésain
et fondateur de la Congrégation des
Sœurs Missionnaires de l’Immaculée
Reine de la Paix (Italien, 1881-1941) ;
- un miracle attribué à l’in­tercession
du Vénérable Serviteur de Dieu
Giuseppe Olallo Valdés, religieux
profès de l’Ordre Hospitalier de Saint
Jean de Dieu (Cubain, 1820-1889) ;
Les vertus héroïques des Ser­
viteurs de Dieu suivants :
- Aurelio Bacciarini, évêque ti­tu-laire
de Daulia et administrateur apos-
tolique de Lugano (Suisse, 1873-
1935) ;
- Michele McGivney, prêtre diocésain
et fondateur de l’Ordre des Frères
The Knights of Columbus (Américain
des États-Unis, 1852-1890);
-Gioacchino Alves Brás, prêtre
diocésain et fondateur de l’Institut
séculier des Coopératrices de la
Famille (Portugais, 1899-1966) ;
- Giocondo Pio Lorgna, prêtre profès
de l’Ordre des Frères Prêcheurs et
fondateur des Sœurs Dominicaines
de la Bienheureuse Imelda (Italien,
1870-1928) ;
- Michelangelo Longo Da Marigliano,
Prêtre profès de l’Ordre des Frères
Mineurs (Italien, 1811-1886) ;
- Mariano Roasenda de Turin, Prêtre
profès de l’Ordre des Frères Capucins
(Italien 1906-1972) ;
- Francesco Della Passione Gondra
Muruaga, prêtre profès de la Congré­
gation de la Passion de Jésus-Christ
(Espagnol, 1910-1974) ;
- Clemente Vismara, prêtre de
l’Institut pour les Missions Étrangères
(PIME) (Italien, 1897, mort à Mong
Ping, en Birmanie, l’actuel Myanmar,
en 1988) ;
- Gemma Giannini, Fondatrice de
la Congrégation Missionnaire des
Sœurs de Sainte Gemma Galgani
(Italienne, 1884-1971) ;
- Tarsilla Del Crocefisso Osti, rel­
igieuse professe de la Congrégation
des Sœurs Missionnaires des Saints
Cœurs de Jésus et Marie (Italienne,
1895-1958) ;
14 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
- Leopoldo Sánchez Márquez Da
Alpandeire, laïc profès de l’Ordre des
Frères Mineurs Capucins (Espagnol,
1864-1956) ;
- Serafino Riminucci Da Pietrarubbia,
L aïc p r o f è s d e l ’O r d r e d e s
Frères Mineurs Capucins (Italien
1875-1960);
- Margherita Amengual Campaner,
jeune laïque (Espagnole, 1888-1919);
- Luigia Mazzotta, jeune Laïque
(Italienne, 1900-1922). (S.L.)
(Agence Fides, 17 mars 2008).
DEVOIR DE RÉSERVE
Le sous-préfet de Saintes, Bruno
Guigue, a été démis de ses fonctions
par le ministre de l'Intérieur, Michèle
Alliot-Marie, à cause d'un article
qu'il avait publié le 13 mars sur le
site internet Oumma.com, où il s'en
prenait d'une manière très po­lémique
à la répression menée par l'État
israélien contre les Palestiniens.
SUISSE
Mgr Bernard Genoud, évêque
du diocèse de Lau­sanne, Genève
et Fribourg, a demandé à tous ses
prêtres de prier spécialement, le
Vendredi saint à 15 h, à l'intention
des prêtres pédophiles et de leurs
victimes au cours d'une démarche
de demande de pardon.
L'ancien évêque de Lausane, Ge­­
nève et Fribourg (de 1970 à 1995),
Mgr Pierre Mamie, est décédé le 14
mars, âgé de 88 ans, à Villars-sur-
Glâne. s'est rendu à Assise le 19 mars
Selon un sondage publié par le
bimensuel zurichois "Beobachter",
seulement 19% des Suisses estiment
que, pour eux, la foi n'est pas
quelque chose d'important. 78%
déclarent que leur foi religieuse les a
aidés à sortir d'une crise personnelle
à un moment de leur vie. Cependant
seulement 7% des personnes
interrogées disent avoir une très
grande confiance dans les prêtres ou
les évêques.
QUÉBEC
Selon un sondage réalisée par le
site internet Canoë.com, 42% des
Québecois estime que la religion
est très importante dans leur vie,
mais seulement 7% vont à la messe
chaque semaine.
ÉTATS-UNIS
Après une enquête sur 35.000
adultes, l'institut de recherche Pew
Forum on Religion estime que les
diverses dénominations protestantes
ne représenteraient plus que 51,3%
de la population américaine. Les
Américains seraient 68% parmi
les plus de 70 ans mais seulement
43% parmi les moins de 29 ans. Les
catholiques seraient 23,9% de la
population, les mormons 1,7%, les
juifs 1,7%, les bouddhistes 0,7%,
les témoins de Jéovah 0,7%, les
mu­sulmans 0,6%, les orthodoxes
0,6%. Dans cette enquête, 16,1%
des Américains se dé­clarent sans
religion.
RUSSIE
Le métropolite Laur, primat
de l'Église orthodoxe russe hors
frontières, est décédé le 16 mars
à Jordanville, près de New York,
à l'âge de 80 ans. Le président
russe sortant Vladimir Poutine, qui
s'était beaucoup impliqué dans le
rétablissement de la communion
entre l'Église hors frontière et le
patriarcat de Moscou (elle a eu lieu
le 17 mai 2007), lui a aussitôt rendu
un hommage appuyé.
Mikhaïl Gorbatchev, 77 ans, der­
nier dirigeant de l'ancienne URSS;
dernier, en compagnie de sa fille, et a
prié une demi-heure sur le tombeau
de saint François, par lequel, a-t-il
déclaré à des journalistes italiens, il
est revenu à la foi chrétienne de ses
parents.
IRAK
Bernard Kouchner a annoncé le
19 mars que la France allait délivrer
500 visas réservés à des chrétiens
d'Irak particulièrement menacés.
180000 chrétiens se sont réfugiés
en Turquie, Syrie, Jordanie, Liban...
90000 chaldéens se sont mis sous la
protection du Kurdistan irakien. n

2e dimanche de pÂques (année A)
Quasi modo
L
es lecteurs de Victor Hugo
connaissent le pittoresque
personnage qui répond à ce
nom. Mais la vraie signification
de ce vocable, qui sert essen-
tiellement à désigner le premier di-
manche après Pâques (le deuxième
dimanche de Pâques, comme on dit
aujourd’hui), est tout simplement  :
«  comme  », «  de même  que ». Ce sont
les premiers mots du premier texte
de la messe de ce jour-là, l’introït,
qui se traduit ainsi : « comme des
enfants nouveaux-nés ont soif du
lait qui les nourrit, soyez avides
du lait de la Parole, afin qu’il
vous fasse grandir pour le salut,
alléluia. »
Arrêtons-nous, si vous le
voulez bien, à cette antienne qui
nous en dit déjà beaucoup. Les textes
de la liturgie ne sont pas une source à
négliger, à côté des lectures bibliques,
qui nourrissent toujours notre prière.
L’allusion est claire, l’Église s’adresse
à ses catéchumènes devenus depuis
Pâques des «  néophytes  », elle les voit
comme des petits-enfants qui ont à
grandir et elle leur propose le lait de la
Parole. Ce qui est étonnant, c’est que
cette invitation s’adresse en fait à tous,
comme si c’étaient tous les chrétiens
qui, étant renés à Pâques, sont devenus
des « jeunes pousses », des néophytes.
Nous avons à grandir  ! Voilà la
première constatation qui se présente
à nous après Pâques. Notre salut n’est
pas une décision de justice, un acte
juridique, une simple amnistie qui,
une fois acquise, nous permettrait de
nous estimer en règle et sauvés. Nous
avons un chemin à faire, une croissance
à atteindre, un développement qui
est devant nous. Cette vision des
choses nous libère du tout ou rien
dramatique qui est celui d’un certain
protestantisme  : le Christ, en méritant
pour nous le salut, a fait le nécessaire
pour que nous soyons des justes. Si
nous avions une foi suffisante, nous
serions déjà transformés et régénérés.
Si nous ne le sommes pas encore, c’est
que nous resterions en-deçà de ce
que Dieu a voulu pour nous et aucune
œuvre au monde ne pourrait nous
fournir le moyen de nous en approcher !
Tout à l’inverse, la perspective de
croissance que nous donne l’introït
de ce jour nous ouvre un chemin fait
d’humbles avancées et d’appels à la
Retrouvez chaque jour, sur internet,
les points d'oraison du Père Michel
Gitton, et les commentaires des
Pères Louis et Bernard Hurault, à
partir des lectures du jour :
www.france-catholique.fr
Retrouvez
le Père Gitton chaque semaine
sur Radio Espérance
Tél. 04.77.49.59.69
grâce, de timides commencements et
de confiance en l’avenir. Elle correspond
tellement mieux à notre humanité, où
les décisions majeures doivent s’inscrire
dans la durée, s’incarner dans notre être
profond, et pour cela assainir peu à peu
les marécages secrets qui sommeillent
en nous.
Et que faut-il pour grandir ?
Recevoir le lait de la Parole !
ESPRIT
par le Père
Michel GITTON
Et que faut-il pour grandir ? Recevoir
le lait de la Parole  ! Le lait a assez
mauvaise réputation dans le vocabulaire
chrétien depuis que saint Paul l’a opposé
à la « viande », nourriture plus solide qui
convient à ceux qui ont grandi et qu’on
n’a plus besoin de ménager, parce que
leur foi est adulte (1 Corinthiens 3,2).
Pourtant ici, on ne part pas de l’idéal de
l’adulte, le lait est ce breuvage heureux
et doux qui permet à l’enfant de
grandir, lui n’est pas gêné d’être un
petit, puisque telle est sa situation
présente. Le lait est celui de la
Parole, pas seulement la Parole
biblique, mais cet apprentissage
de la connaissance de Dieu qui
s’opère dans le sein de l’Église. Par
sa liturgie, par l’éclat des fêtes, par
ses usages, par l’apprentissage de
la vie communautaire, par le témoignage
des saints, par l’exemple de nos frères,
elle nous apprend tant de choses,
presque insensiblement... Elle est le
milieu vital de notre croissance. C’est
pourquoi ceux qui, malheureusement,
ayant reçu les sacrements de l’initiation,
ne vivent plus guère à son contact, ont
bien peu de chance de voir se développer
les germes de salut déposés en eux.
Mais ceci est vrai de nous tous, en ce
sens que nous avons tous besoin de
ce lait que nous dispense notre Sainte
Mère l’Église.
Comme des enfants nouveaux-nés...
C’est ce que nous serons jusqu’au bout.
Alors soyons avides ! n
Première lecture : Livre des Actes des
Apôtres (2, 42-47)
Psaume : 117
Deuxième lecture : Première lettre de
saint Pierre Apôtre (1, 3-9)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
(20, 19-31).
)
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 15
ÉGLISE
AFRIQUE
Soudan :
nouvelles menaces
Alors que les yeux de la
communauté internationale
sont fixés sur le Darfour,
on ne saurait oublier le Sud
Soudan, et ses chrétiens
(16% de la population)
toujours menacés.
E
ntre 1983 et 2005, une guerre
civile a opposé le Nord, arabe
et musulman, au Sud, africain,
chrétien et animiste. Le cœur du
conflit ? Les champs pétrolifères
découverts dans le Sud et dont le gouver-
nement de Khartoum voulait tirer exclusi-
vement tous les bénéfices. La dimension
© AED
ethnique et religieuse s’est rajoutée à
cette guerre économique, le Nord voulant
faire disparaître la chrétienté du pays au
profit d’une islamisation forcée.
«Alors que l’Occident est intervenu
au Kosovo en faveur des Albanais musul-
mans, remarque amèrement Mgr Gassis,
évêque d’El Obeid, il ne fait rien devant
le massacre des chrétiens de mon pays.
Tout comme le Christ a été trahi pour
trente deniers d’argent, l’Occident trahit
et vend le peuple africain du Soudan pour
quelques barils de pétrole. Une fois que
mon peuple aura été exterminé, l’Occi-
dent ‘chrétien’ élèvera certainement des
monuments à sa mémoire ».
Signé en 2005 pour mettre un terme
à plus de 20 ans de guerre civile (deux
millions de morts, entre quatre et six
mil­lions de déplacés), le traité de paix
prévoyait l’intégration de membres du
SPLM (Mouvement de libération du
peuple soudanais, représentant les inté-
rêts du Sud) dans le gouvernement de
Khartoum, la formation d’une adminis-
tration autonome du Sud Soudan, et
l’organisation d’un référendum sur l’indé-
pendance du Sud du pays. Or, cet accord
) Arrêter ce processus qui risque de
provoquer une nouvelle tragédie
16 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
Écolières
dans une
école aidée
par l'AED
Écoutez la chronique
de Marc Fromager,
chaque semaine sur :
est resté en grande partie inappliqué : les
profits du pétrole ne sont pas répartis
entre Nord et Sud, l’armée nordiste ne
s’est pas complètement retirée du Sud,
et la zone de frontière entre le Nord et le
Sud a été remilitarisée. Le 11 octobre, les
membres du SPLM ont décidé de se retirer
du gouvernement d’union nationale, pour
protester contre les violations du traité de
paix. Même si, pour l’instant, personne ne
parle de reprise de la guerre, la tension
entre les forces gouvernementales et les
milices du SPLM est réelle.
Paradoxalement un certain réarme-
ment du Sud a été rendu possible par le
soutien financier et matériel des ONG et
par les Nations Unies. Le gouvernement du
Sud n’a pas construit les infras­tructures
dont les populations ont tant besoin,
malgré son engagement à le faire. Pas
d’écoles et d’hôpitaux pour la population
civile, mais de gros investissements pour
l’armée : nouveaux matériels, nouvelles
par Marc FROMAGER
recrues. La communauté internationale se
contente de regarder et ne fait rien pour
arrêter ce processus qui risque de provo-
quer une nouvelle tragédie. Pour l’évêque
émérite de Torit (diocèse du Sud), Mgr
Taban, la situation au Soudan ressemble à
«une espèce de guerre froide. Malgré l’ac-
cord de paix, et même si, depuis 2005, les
bombes ne s’abattent plus sur nos villages,
la situation est presque plus dangereuse,
car aujourd’hui, les besoins des popu-
lations sont invisibles : nous attendons
toujours des puits d’eau, des écoles et des
dispensaires. »
Il existe en outre des situations comme
celle des monts Nuba, une autre zone
disputée entre le Nord et le Sud, où l’Église
se substitue en toute chose à l’absence de
l’État. En attendant de décider en effet si
les monts Nuba appartiennent au Nord ou
au Sud, ni l’administration de Khartoum ni
celle du Sud ne sont présentes. La popu-
lation est livrée à elle-même.
« C’est notre croix, affirme Mgr Taban,
évêque émérite de Torit. Nous ne deman-
dons pas au monde de porter notre croix,
nous lui demandons seulement d’être
notre Simon de Cyrène ». L’année dernière,
l’AED a offert 1,4 million d'euros pour aider
l’Église du Soudan à porter sa croix. ■
 Texte de A. de Palmaert
Dessins de Palmar
La vie de Jacques Sevin 24/40

sac au dos sans trêve...

© Editions Viltis - Albéric de Palmaert, 12 rue Botzaris, 75019 Paris - tél. 06 62 22 37 75
FRANCE CATHOLIQUE

à suivre...
DéBATS
EGLISE
CRÉATION
Écologie inté
Le Père Daniel-Ange appelle
les écologistes à faire
preuve d'un minimum de
cohérence et à ne pas
oublier qu'ils font partie
de la famille humaine...
L
’écologie est souvent comprise
dans un sens réducteur :
confinée au seul environnement
matériel, réduisant l'homme à
n'être qu'un citoyen de seconde
zone, si ce n'est un élément parmi
d'autres de la biodiversité… Le comble :
protéger la création mais au détriment
de la vie de celui qui en est le prince,
le tout premier à devoir être respecté,
protégé, servi et aimé. (1) Ce 1er Janvier
2007, Benoît XVI nous rappelle les "liens
étroits entre l'écologie naturelle et
l'écologie humaine".
Bien sûr, l'homme, malgré les thèses
de la Deep Ecology, veille sur lui-même :
ce sursaut vital, n'est-il pas avant tout
en vue de sauver la vie humaine sur la
planète ? Mais c'est l'homme réduit à
sa seule santé physique et non l'homme
dans sa totalité, sa globalité, incluant ses
dimensions sociale, morale, spirituelle.
Pour en rester à la dimension phy­
siologique, pourquoi exclure de l'écologie
la sexualité, sa génitalité et sa fécondité ?
Paradoxe : d'un côté on dit que la nature
n'est pas un objet avec lequel je puis
jouer impunément, de l'autre, on fait
de la femme un gadget à plaisir. D'un
côté, on étudie les spécificités mâles
– fe­melles des animaux, de l'autre, on
uniformise l'homme et la femme dans
l'indifférenciation. D'un côté, on évite la
pollution chimique dans tous les domaines
(de l'atmosphère à la nour­riture) et
( L'écologie englobe tout ce qui touche
la vie relationnelle de l'homme
18 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
de l'autre, on prône la contraception
chimique, impliquant la perturbation
profonde de tout le système génital
féminin, le plus délicat qui soit. D'un
côté, on stigmatise les conséquences
cancérigènes des pesticides et, de
l'autre, on se tait sur les études faisant
une relation entre taux de cancers du
sein et usage de la pilule. D'un côté, on
chiffre maladies ou infections dues aux
différents virus, de l'autre on se tait sur
le "High risk" de cancer du col de l'utérus,
consécutif à long terme, aux rapports
avec plus de deux partenaires avant 20
ans. (2) D'un côté on proscrit le tabagisme
cancérigène, de l'autre tabou jeté sur les
risques d'un préservatif laissant passer
ce VPH (Papillona virus) responsable de
90 % des cancers du col de l'utérus. Tant
d'autres exemples peuvent être donnés !
La seule vraie écologie dans le domaine
de la fertilité est la régulation naturelle de
la fécondité. Et dans celui de la sexualité :
la chasteté. Tous deux totalement exclus
par les dits… écologistes. (3)
Heureusement, se fait enfin une prise
de conscience de l'urgence d'étendre à
ce, domaine vital entre tous, les principes
partout admis du respect écologique de
la nature. Face à la marée noire du porno,
voici la lame blanche d'une génération
neuve réclamant le droit de vivre un
amour de lumière, dans la chasteté et la
fidélité. (4)
À une époque qui, comme jamais, a
découvert les abîmes de la psychologie
humaine, que de domaines devraient
être écologisés. Entre tant d'autres :
La pollution sonore avec ses ré­
percussions sur le système nerveux et
donc, sur tout l'organisme. Si les décibels
assourdissants (au sens littéral) de nos
raves-parties étaient infligés à des
écureuils, ce serait vite sanctionné !
La cyber-dépendance. Pris dans
les mailles du Net, je m'aliène dans un
monde virtuel qui me déconnecte du
réel. D'où, à haute dose, des symptômes
de schizophrénie. Là aussi : se maîtriser,
se limiter, faire des jeûnes de net et de
TV = libération !
Réduire l'homme à son seul corps,
comme le font tant d'écolos-idéologues,
c'est tuer la personne en tant que telle.
L'écologie doit englober toutes les
condit­ions nécessaires à l'épa­nouis­se­
ment de sa spécificité humaine : ce qui
implique le droit de vivre et d'exprimer
sa foi. Ne pas respecter, voire mépriser
ses exigences éthiques, le marginaliser
ou le persécuter pour ses convictions
reli­gieuses, toujours les plus intimes,
autant de crimes écologiques. Et le
droit à l'objection de conscience relève
des principes écologiques les plus élé­
mentaires.
L'homme étant essentiellement un
être social, comme l'est Dieu en sa Trinité,
l'écologie englobe tout ce qui touche sa
vie relationnelle. Condition n° 1 de la
paix dans la société et le monde.
Le 1er janvier 1990, Jean Paul II : "En
étant en paix avec Dieu, nous pouvons
mieux nous consacrer à bâtir la paix
avec toute la création, inséparable de la
paix entre les peuples."
Et encore  : "Nous ne pouvons accep-
ter passivement que la paix soit prise en
otage par la violence."
En écho, le 1er janvier 2007,
Be­noît  XVI  : "Un lien indissoluble
apparaît toujours plus clairement entre
la paix avec la création et la paix entre
les hommes. L'un et l'autre présupposant
la paix avec Dieu."
Je ne souligne ici que deux domaines,
mais stratégiques pour la paix du
monde :
1. En tout premier lieu, protéger,
favoriser la famille, berceau de la vie,
premier atelier où se préparent et se
forgent les futures relations sociales. (5)

grale
par le Père DANIEL-ANGE
La violence et l'agressivité dans la
société sont générés en grande partie
par l'absence de foyers chaleureux.
Paradoxe : on prétend protèger nids et
tanières, et on fait tout pour détruire nos
familles ! La famille humaine sera ce que
seront nos familles. (6)
2. Ces criantes injustices criant vers
le Ciel. Dues au péché de l'homme, à
son égoïsme : les intolérables injustices
sociales. L'abîme se creuse entre pays
richissimes et peuples vivant dans la
misère, ou entre nouveaux riches et
nouveaux pauvres. En France 86 000
personnes sans domicile fixe dont 8  %
dorment effectivement dans la rue, sont
une insulte au Créateur, lui qui fait lever
son soleil et donne son eau à tous.
Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle
contient à l'usage de tous les hommes et
de tous les peuples, en sorte que les biens
de la création doivent équitablement
affluer entre les mains de tous selon
la règle de la justice inséparable de la
charité. (Paul VI)
Grâce à la technologie agricole, la
terre pourrait nourrir 12 milliards d'êtres
humains, le double de la population
actuelle. Et voici 800 millions qui
souffrent de la faim et un homme sur
7 vit dans un bidonville, 29 pays de
l'OCDE consomment à eux seuls 53 %
de l'énergie première, alors que 1,6 M
de personnes n'ont pas même accès à
l'électricité, dont 520 M en Afrique. 16 %
de la population mondiale se partagent
70% de la consommation mondiale du
pétrole. La flambée pétrolière est un
désastre épouvantable pour les pays
pauvres importateurs d'énergie alors
que les pays industrialisés ont diversifié
leurs sources énergétiques. Ce sont des
pages entières de chiffres et de faits qui
pourraient être ici cités. (7)
On l'a vu : ce sont les pays les plus
Professeur émérite à
l'université de Paris-VIII,
Bernard Quilliet est l'auteur
de très nombreux ouvrages
historiques.
Notre-Dame de France
innocents de taux de CO 2 qui payeront
le plus lourdement la facture pour les
pays développés, responsables de 50% à
eux seuls de GES, sans avoir les moyens
d'en sortir. Les innocents paieront pour
les coupables ! (8)
Dans certains pays africains, les
récoltes pourront diminuer de 50 %
en 2020, et même de 90 % en 2100,
alors qu'ils vivent essentiellement de
l'agriculture. Il faut saluer ici les efforts du
commerce équitable qui veille à ce que les
producteurs des pays pauvres ne soient
pas lésés. On ré-insère enfin des critères
d'humanité et de justice élémentaire dans
les réseaux de production exploitant
honteusement les pauvres. Par ailleurs, le
"développement durable" fait participer
le "consom'acteur, et l'écocitoyen" aux
circuits économiques.
Dans le Notre Père, je ne demande
pas mon pain, mais le nôtre : donne-nous
notre pain. "Chaque bouchée de pain est
en quelque sorte une bouchée du pain
qui appartient à tous, du pain du monde."
(Jean Chrysostome) Demande qui me
force à partager. Ce que je dépense de
non-nécessaire appartient de droit à
celui pour qui c'est nécessaire. Sinon,
c'est du vol. Le partage est "une question
de justice, avant d'être de charité" (Be­
noît XVI. Carême 08)
L'homme : l'ennemi n° 1 à éliminer.
Espèce humaine en danger !
Finalement, la terre serait tellement
plus heureuse, s'il n'y avait plus
d'homme ! L'homme handicape la nature.
Il perturbe son évolution. (9) Conséquence
logique : puisque l'homme est si néfaste,
eh bien, il faut drastiquement diminuer
la population humaine, au profit de la
population animale. (10) Et nous voilà
en plein eugénisme : non une race à
sélectionner, mais la race humaine,
en tant que telle, à réduire, sinon à
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
DéBATS
EGLISE
NOTES :
(1) "L'ordre des choses doit être
subordonné à l'ordre des personnes
et non l'inverse." (Vatican  II) GS
26. "Animaux, plantes, être inani-
més sont naturellement destinés au
bien commun de l'humanité passée,
présente et future." CEC 2445.
(2) OMS Contraceptive techno-
logy, p 518.
(3) Je ne développe pas, l'ayant
fait dans mes livres : Ton corps fait
pour l'amour, Ton corps fait pour la
vie, Ton corps fait pour un même
corps ? Sida, safe sex or save sex ?
Ed. Sarment.
(4) Chasteté juvénile et fidélité
conjugale sont prônés par un
nombre grandissant de gouver-
nements dans la lutte anti-sida,
surtout dans les pays anglophones.
Ainsi de l'Ouganda baissant son
taux de Sida en quelques années.
(5) USA : 90% des délinquants
proviennent de familles brisées.
90% des jeunes les plus perfor-
mants profes­s ionnellement, de
famille unies. Voir le diagnos-
tic prophé­tique du Roi Baudouin
de Belgique pour les 20 ans du
Parlement européen.
(6) thème choisi par Benoît XVI
pour la journée mondiale de la
paix 1.1.08
(7) Jeu de mot atterrant : 1 Md de
téléphones portables fabriqués par
an, et 1,4 Md de personnes n'ayant
pas accès à l'eau potable.
(8) "Les pauvres sont dans l'impos-
sibilité de remédier aux conséquen-
ces du réchauffement climatique.
Leurs vies, leurs maisons, leur tra-
vail, leurs enfants, sont les plus en
danger. Ils sont les plus susceptibles
de payer le prix de la négligence et
du retard" (USA. Conférence épis-
copale. DC. 21.10.07)
(9) "Sur terre, les humains se com-
portent à certains égards comme
des micro-organismes pathogè-
nes. Nous avons accru notre popu-
lation et ses effets perturbateurs
sur Gaïa à un point tel que notre
présence est devenue visiblement
invalidante, comme une maladie."
J. Lovelock. Une médecine pour la
planète, p 153.
(10) Arnaud Naess, fondateur
de la DE : "l'épanouissement de
la vie et des cultures humaines
est compatible avec une diminu-
tion substantielle de la population
humaine. L'épanouissement de la
vie non-humaine requiert une telle
diminution."
19
DéBATS
provoqué par le comportement du monde
Le Père Daniel-Ange industrialisé, et de la confiance, souvent
excessive, dans le progrès scientifique.
(Message aux participants des Semaines
sociales de France, 19.nov.02)

L'urgence de la faim et l'urgence

écologique dénoncent avec une évi­
dence croissante la logique du profit,
qui, lorsqu'elle prévaut, augmente la
disproportion entre riches et pauvres, et
la ruineuse exploitation de la planète.
Lorsque, au contraire, prévaut la logique
du partage, et de la solidarité, il est possible
© M.N. JUNG - norbert@esprit-photo.com

de corriger la route et de l'orienter vers

un développement équitable et durable.
Angélus, 23 sept. 07. n

(11) Paradoxe : l'ACAT milite cou-

exterminer... Quel bon débarras ! Vive la
Nature libre ! Vive l'affranchissement de
l'esclave ! A bas les esclavagistes !
Les mêmes qui prônent, à juste titre,
la protection des ours, promeuvent
l'avor­tement. (11) Un œuf de grenouille est
plus précieux que l'embryon d'un petit
être humain. Bébé phoques : oui. Bébé
hommes : non !
C'est pourquoi les écolos en général,
ainsi que toute la mouvance New Age,
relayée par les instances Onusiennes,
continuent de brandir le vieux spectre
d'une surpopulation catastrophique. Alors
que depuis 30 ans, la tendance s'est tota-
lement inversée, avec déjà quelque 70 pays
sous la ligne de renouvellement des popu-
lations. Le danger n°1 n'est plus la démo-
graphie galopante, mais bien au contraire,
une démographie dé­gringolante avec le
problème essentiel : comment gérer le
vieillissement dans les pays hautement
industrialisés. (12) Nous entrons dans l'hiver
démographique, qui entraînera bientôt un
enfer économique. En effet, comment les
adultes en état de travailler pourront-
ils jamais l'immense masse âgée. Seule
solution, celle de Hitler  : l'euthanasie gé-
néralisée (13) – déjà massivement prati-
quée en semi-clandestinité, sinon déjà
largement léga­lisée  : éliminer toute per-
sonne "non économiquement rentable",
donc, pas "digne de vivre". Et nous voilà
en plein nazisme. (14)
Comble : on se mobilise tous pour
les énergies renouvelables, mais le re­
nouvellement des énergies humaines
nous est indifférent. Mais alors pour qui
donc protéger ainsi la planète si elle se
dépeuple ainsi. fort contre le plus faible et fragile
Micro à Benoît XVI :
C'est en voulant avoir une vie que l'on
dit non à l'enfant, car il ôte quelque chose à
ma vie. On dit non à l'avenir pour avoir tout
le présent. On dit non tant à la vie qui naît,
qu'à la vie qui souffre, qui va vers la mort.
Cette apparente culture de la vie devient
l'anti-culture de la mort, dans laquelle est
absent le Dieu qui vainc la haine. Tout est
alors lié : l'option la plus profonde pour le
Christ crucifié avec l'option la plus totale
pour la vie, du premier au dernier moment.
Réponse improvisée aux prêtres de Rome.
2.03. 06
Nous ne pouvons plus continuer
à utiliser cette terre, cette réalité qui
nous est confiée, pour faire tout ce que
nous voulons ou nous apparaît utile ou
plaisant sur le moment, mais nous devons
respecter les lois naturelles de la création.
Notre planète nous parle, et nous devons
l'écouter si nous voulons survivre. Mais
c'est seulement avec un respect absolu
pour cette image de Dieu qu'est l'homme,
pour ce vivre-ensemble sur la planète que
nous pourrons aller de l'avant. (Réponse
improvisée dans les Dolomites. Juillet 07)
Ce sont toujours les pays les plus
pauvres qui subissent les conséquences les
plus graves de ce qui est en grande partie
rageusement contre la torture,
mais se tait lâchement sur la pre-
mière des tortures, exclusions, dis-
criminations : prototype de toutes
les autres, car premier des géno-
cides et des guerres : celle du plus
qui soit. Tant qu'on laissera celle-
ci faire, il est utopique de rêver
d'un monde sans torture, exclu-
sion, discrimination, génocides, et
guerres. "A Vienne, il est plus fa-
cile de tuer un enfant que d'abat-
tre un arbre" (Card. Shönborn)
(12) Voir M. Schooyans, Le crash
démographique, Sarment, 1996.
(13). La DE tend comme toute
écologie à devenir religion, car
l'homme ne peut s'en passer. Cas
de l'Eglise Euthanasia, officielle-
ment reconnue par l'administra-
tion fédérale des USA en 95. Son
message, délivré par une "intel­
li­gence extraterrestre" : "Écono­
misez la planète, détruisez-vous !"
Son unique commandement : "Tu
ne procréeras pas !" Signé, non ?
(14) On reprend mot à mot
au­jourd'hui les arguments du rap-
port Hoss & Bindel, de Hitler pour
justifier l'élimination "par com-
passion" de 11 000 handicapés, en
1937.
N.d.l.r. : Cet article (sur l'écolo-
gie intégrale) traite d'un sujet, la
Création, qui est développé par
le Père Daniel-Ange dans deux
petits vo­lumes, aux éditions des
Béatitudes : La Création, éblouis-
sante symphonie, 224 p., 13 e
- qui paraît cette semaine - et
L'Univers, un chef d'œuvre à aimer -
qui paraîtra dans deux mois...

20 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008

 IDÉES
LE JOURNAL DE GÉRARD LECLERC
Jean-Pierre Le Goff
19 JANVIER

Le Goff à nouveau… Faut-il souligner

qu'il fait partie des sociologues selon
mes affinités ? La qualité de l'observa-
tion chez lui est en rapport étroit avec
des jugements de valeur sérieux qui
changent heureusement de certains tro-
pismes idéologiques, trop habituels chez
beaucoup de ses collègues. Il a écrit un
des meilleurs essais sur Mai 68, et toute
étude sous sa signature constitue un
éclairage intéressant sur les sujets les
plus pointus. La France morcelée, qui re-
groupe plusieurs articles précédemment
parus dans la revue Le Débat, permet de
comprendre de quel monde nous som-
mes partie prenante à partir d'un examen
acéré des nouvelles configurations so-
ciales. À quarante ans de mai 68, comme
nous sommes encore sous la dépendance
de certains mythes de l'époque ! Mais en
même temps combien éloignés de l'opti-
misme d'une génération qui profitait des
avantages des Trente glorieuses…
La différence essentielle, montre
Jean-Pierre Le Goff, est d'ordre culturel :
« les soixante-huitards sont des héritiers
rebelles. Ils vont se révolter contre la
culture juive et chrétienne, humaniste
et républicaine, mais ils ont été encore,
qu'ils le veuillent ou non, éduqués dans
© LA DÉCOUVERTE

son creuset. Il n'en est plus de même

pour les générations suivantes : le fil a
déjà été rompu. Elles arrivent dans ce qui
ressemble à un champ de ruines produit
par une critique qui ne s'est guère sou-
ciée ou s'est montrée incapable de re-
construire. »
La rupture depuis quarante ans s'est
donc produite dans le domaine de la
culture, et donc de l'école, avec le passa-
ge des disciplines autrefois forma­trices
(littérature, histoire et philosophie) aux
sciences humaines réduites le plus sou-
vent à la sociologie et à la psychologie
«  elles-mêmes ins­trumentalisées, mises
au service d'une pra­tique qui verse vers
de la sociologie. Car le sys­tème de ques-
tionnement social, en quoi consiste un
tel savoir, se trouve radicalement trans-
formé par ses propres paramètres et les
valeurs qui les sur­plombent. Et ce sys­
tème détermine aussi un type de société
particulier associé à un mode particulier
de politique : «  la technocratie moder-
niste transforme ainsi la démocratie
en un exercice de pédagogie visant à
persuader le peuple de s'impliquer dans
un processus et une machinerie dont il
ignore les fins. »
Autre marqueur de l'évolution so­
ciale : le brouillage des relations jeunes-
adultes : « les enfants des baby-boomers
ont été éduqués dans une situation para-
doxale où les adultes et la société les ont
valorisés à outrance en effaçant la dif-
férence entre les générations ». Difficile
de s'identifier et de se révolter contre le
père quand celui-ci prend les traits du
copain ou du thérapeute, ou quand ceux
qui sont censés faire figure d'autorité
vous renvoient votre propre image de
jeune révolté en vous incitant à les imi-

(
l'audit et le management ».
Que ce soit un sociologue qui dénon-
ce un tel basculement conduit à s'inter-
Des jugements de valeur sérieux
roger sur les contradictions fondatrices qui changent de certains tropismes
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 21
IDÉES
ter. Interminables adolescences, explique
depuis bien longtemps Tony Anatrella. Le
sociologue rejoint ici l'expert en psy­
chiatrie sociale. C'est un des points les
plus sensible de toute analyse critique
des phénomènes sociaux aujourd'hui.
Et il faut la sagacité d'un Jean-Pierre Le
Goff pour porter la charge au bon en-
droit. Je crains, en étant trop rapide, de
gâcher un peu le travail. Mais, tout de
même, avec son aide il doit être possible
de tenter un discernement global.
Avec sa théorie de la génération
lyrique pour les baby-boomers, le Qué­
bécois François Ricard avait déjà fourni
une clé essentielle. Cette génération,
nous prévenait-il, aura du mal à vieillir,
car elle s'est, dès le départ, bloquée de-
vant le miroir du jeunisme. Elle aurait pu
reprendre à son compte cette formule
citée par Le Goff : « nous forgerons notre
futur quand nos rêves deviendront lois. »
Qui s'obnubile d'une telle prétention est
condamné à ne jamais sortir de la chry-
salide. Pourtant, il faut faire face à un
monde qui n'est pas facile, et qui l'est
sans doute beaucoup moins que durant
les Trente glorieuses, lorsque l'expansion
était continue et le marché du travail de
plus en plus ouvert.
Il y a ainsi un contraste étonnant en-
tre le caractère impitoyable d'une éco-
nomie que les politiques ont renoncé à
organiser et une vie sociale largement
abandonnée au narcissisme adolescen-
trique. Nous retrouvons là la thématique
des livres de Christopher Lasch, avec qui
notre sociologue est en total accord et
dont il cite quelques propos décisifs.
Pour Lasch, ce qui caractérise le narcis-
sisme contemporain c'est trois choses
essentielles : « la crainte d'engagements
astreignants », le « désir de garder tou-
tes les options ouvertes  », «  l'aversion
au fait de dépendre de quelqu'un  ». Le
Goff commente : « cette difficulté d'être
s'accompagne d'un rapport des plus am-
bivalents à l'État et aux institutions…
Les individus ont tendance à soupçon-
ner d'emblée ceux qui les dirigent d'une
volonté de mainmise et de domination,
tout en exigeant d'eux qu'ils répondent
au plus vite à leurs besoins et les protè-
( Génération bloquée dès le départ
gent. La difficulté à faire son deuil d'un
passé mythifié, à accepter l'ambivalence
devant le miroir du jeunisme
22 FRANCECatholique n°3112 28 mars
et le tragique inhérent à l'histoire, la mo-
rale de la pureté et des bons sentiments,
la posture de dénonciation victimaire
sont également autant de traits qui ne
sont pas sans rappeler les troubles et la
révolte de la période de l'adolescence. »
Conséquence obligée de cette évo-
lution, la psychologisation extrême des
rapports sociaux. Les psy sont partout.
Chaque épreuve, chaque choc émo-
tionnel réclame leur secours urgent. La
Providence universelle contemporaine a
nom « aide psychologique ». Et cela pose
des questions quasiment insolubles, car
les psy non seulement ne sont pas tout
puissants mais leur éventuel pouvoir thé-
rapeutique se heurte à tous les syndro-
mes d'une société éclatée où l'autorité
est toujours moins visible, où les places
et les statuts sont brouillés. Jean-Pierre
Le Goff a longuement réfléchi à cette si-
tuation qui appelle la plainte continuelle
d'hommes et de femmes qui s'estiment
victimes de « harcèlement moral ».
On sait à ce propos le succès extra-
ordinaire de l'ouvrage de Marie-France
Hirigoyen publié en 1998, Le harcèle­
ment moral (Syros). Cinq cent mille
exemplaires furent vendus en France et
le livre traduit dans 26 pays. Je l'avais
lu à l'époque, à la fois intéressé et cir-
conspect. La réalité des souffrances in-
times qui étaient décrites me paraissait
certaine, mais j'étais un peu déstabilisé
face à ce que Jean-Pierre Le Goff appelle
« un changement de paradigme ». Là où
hier on parlait d'aliénation ou d'exploi-
tation dans le travail, on s'interrogeait
maintenant exclusivement sur les as-
pects psychologiques des rapports dans
l'entreprise, toujours sous la menace de
déviations perverses. Mais cette psycho-
logisation ne s'inscrivait-elle pas dans le
processus victimaire si habituel dans no-
tre climat ? René Girard a bien montré
que dans les réflexes archaïques on flé-
trissait la victime et que dans la menta-
lité moderne on cherche à être victime,
car rien n'est plus valorisant.
Il y a donc quelque péril à s'enga-
ger dans la recherche systématique des
pervers qui nous persécuteraient en pro-
longeant la description clinique par un
appel à la judiciarisation du crime de
harcèlement moral. Le succès de Marie-
2008
France Hirigoyen a amené le législateur
à s'emparer du concept et à en faire un
crime répréhensible. Mais l'auteur elle-
même était consciente de l'ambiguïté
possible et des risques d'extension à
l'infini de pareils crimes. Elle a tenté
de clarifier les choses sans vraiment y
parvenir, selon Jean-Pierre Le Goff qui
montre comment elle se trouve en porte
à faux avec ce que la psychanalyse a
révélé à propos des liens complexes qui
s'instaurent entre le «  persécuteur  » et
sa «  victime  ». Il n'est pas pertinent de
ramener ces liens à une objectivité qui
fait fi de leur intériorisation et des mé-
canismes inconscients que celle-ci met
en jeu. De plus cette « victime » peut se
complaire dans un sentiment de culpabi-
lité inconscient. «  Les hommes peuvent
être les artisans de leur propre malheur
et trouver paradoxalement de la satis-
faction dans la souffrance, la force qui
les pousse à agir ainsi ayant partie liée
avec la pulsion de mort.  » Impossible
donc de délier le harcèlement moral du
masochisme moral.
Ainsi la psychologisation extrême
des phénomènes sociaux s'opère hors du
contrôle de la psychologie clinique et elle
s'emballe du fait qu'elle survient « dans
un moment marqué par une temporalité
désarticulée de l'histoire et une crise des
pouvoirs et des institutions qui ont de
plus en plus de mal à assumer leurs rôles
de référence et de protection. La sub-
jectivité et les rapports interindividuels
sont autocentrés. Ils ne sont plus insérés
et structurés dans une dimension tout à
la fois collective, historique et institu-
tionnelle, mais livrés en quelque sorte
à eux-mêmes. Cette désymbolisation
ouvre le champ à l'expression débridée
des affects et des pulsions. »
J'en reviens donc à mes remarques
sur les fondements de la discipline du so-
ciologue. Ceux d'un Jean-Pierre Le Goff
ou d'un Luc Boltanski ne sont pas ceux
de Pierre Bourdieu et de ses disciples di-
rects. Je ne sais pas si Bourdieu a exprimé
un avis sur le harcèlement moral, mais
j'aurais peur avec son système d'un souci
exclusif du repérage des dominateurs et
des dominés, pour soutenir la révolte des
seconds contre les premiers, alors qu'il
faudrait se soucier de la pluralité des
paramètres et de tout ce qui contribue
à l'équilibre des groupes humains et à
la richesse de leurs échanges à travers
le temps de l'histoire. Je ne dis rien du

temps de la foi, mais je suis convaincu
qu'il a sa place essentielle dans la res-
piration personnelle et collective. Mais
cela nous mènerait trop loin avec des
affinements pourtant nécessaires sur ce
que la vie intérieure reçoit de la prière,
du pardon sacramentel et
de la liturgie… Bernanos
avait tout prédit et prévu
lorsqu'il avait désigné
dans une certaine mo-
dernité une conspiration
contre la vie intérieure.
23 janvier
Petite ouverture en
littérature avec Balzac.
Le récit biographique de
François Taillandier (Folio
biographies) m'a permis
de ressaisir l'unité d'une
vie et d'une œuvre. J'ai
lu Balzac à certaines pé­
riodes, mais jamais de
façon ordonnée ou systé-
matique, comme peuvent
le faire certains accros.
Son génie m'a toujours
paru indiscutable sans
que je perçoive bien sa
philosophie personnelle,
déconcerté parfois par
ses lubies. Sachant son
admiration pour ses deux
flambeaux, la monarchie
capétienne et l'Église ca-
tholique, dont il dit qu'ils
ont illuminé son œuvre,
j'étais moralement assuré qu'il n'était
pas du côté révolution­naire-progressiste
sans être tout à fait sûr de ce qu'il était
profondément. Si, avec François Taillan-
dier, on se reporte aux convictions et
aux idées qu'il a manifestées au cours de
sa propre vie, la perplexité se renforce.
Et j'en viens à me demander si ce n'est
pas à un Honoré de Balzac qu'il faudrait
imputer la cause de « l’Église de l'ordre »
dans l'acception où on l'impute, à contre
sens, à Charles Maurras. Comme l'avait
prophétiquement saisi l'abbé Huvelin, il
y avait chez le jeune martégual un chris-
tianisme d'enfance susceptible de résis-
ter aux plus terribles crises intérieures.
Balzac c'est autre chose. On cherche
vainement cette formation in hymnis et
canticis qui aurait inoculé dans les veines
les plus secrètes cette sensibilité chré-
tienne qu'on n'oublie jamais et qui renaît
toujours d'une façon ou d'une autre.
Je me souviens d'en avoir parlé avec
Pierre Boutang, tandis que je découvrais
avec ravissement le grand livre de Philipe
Muray, Le dix-neuvième siècle à travers
les âges (Denoël 1984). - Il y a des pages
étonnantes de Muray, lui disais-je, sur la
pensée profonde de Balzac. - Ah, j'aime­
rais bien les lire, car, en ce qui me concer­
ne, je ne suis jamais parvenu à compren­
dre le fond du bonhomme… Je ne sais si
finalement Boutang a lu ces pages que
j'ai sous les yeux et qui m'avaient litté-
ralement subjugué à la première lecture.
Boutang n'aurait pu qu'y mordre à plei-
nes dents, lui qui ne cessait de citer le
mot de Proudhon : « Nul n'est homme, s'il
n'est père. » Et qui y ajoutait une magni-
fique citation de Kafka propre à désar-
mer la morgue de tous les contempteurs
du paternalisme.
Le formidable romancier s'oppose
à la syncrétisation du siècle
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
IDÉES
A priori, ce balzacisme de Muray de-
vrait nous stupéfier, car le bâtisseur de
la Comédie humaine n'a pas échappé à
ce qu'il dénonce lui-même comme la
perversion caractéristique du dix-neu-
vième siècle : le goût pour la magie, les
tables tournantes et les
fantômes. Mais il pré-
vient l'objection pour
l'anéantir : « Ce n'est pas
qu'il ne soit pas tenté,
comme les autres, et
qu'il ne succombe pas.
Mais enfin il se livre,
lui, à un exor­cisme quo-
tidien qui s'appelle sa
Comédie. La Comédie
humaine, comme il dit.
Son problème principal,
ce ne sont pas les morts,
ni les fantômes, ni les
fiancées, ni les enfants.
À l’in­verse de presque
tous ses contemporains
qui se rêvent grands-pè-
res ou mères, lui, c'est le
père qui l'intéresse com-
me je vais essayer de le
démontrer. » Suivent une
vingtaine de pages, ser-
rées, inspirées, que je ne
veux pas résumer ici.
Mais je ne puis es-
quiver le plus important.
Si la tentation occultiste
est plus que dépassée,
déniée, c'est parce qu'en
dépit de tout Balzac
D.R.
conclura que «  l'unique
religion possible est le christianisme  »
et que, ce faisant, le formidable roman-
cier s'oppose de sa force herculéenne à
la syncrétisation du siècle, qui a resur-
gi si bien ces der­nières saisons. Et j'en
conclurai qu'il faut beaucoup se méfier
des dénonciations de l'Église de l'ordre,
car ses défenseurs honnis pourraient
être infiniment plus pertinents qu'on ne
le dit, et jusque dans leurs insuffisances
et leur défaut de foi. Ils ont peut-être
repéré dans leur observation clinique
du monde quelques vérités essentielles,
qui, par-delà leur positivisme superficiel,
pourraient concerner le secret même de
la création. n
(
23
LIVRES
ENTRETIEN AVEC JEAN-FRéDéRIC POISSON
propos recueillis par Laure de LAFORCADE

L'action et l'espér
Jean-Frédéric Poisson, 44 ans, est député des C'est l'histoire de l'autonomie
hu­maine. Et l'illusion que cette conquête
Yvelines. Sa formation philosophique et son expérience se fait nécessairement contre l'ordre,
du terrain social et politique lui donnent une belle contre la limite, parfois directement
contre Dieu. C'est une illusion car,
connaissance de la nature humaine… Son dernier livre contrairement à ce qu'il croit, l'homme
fait une analyse critique des actes de prise en charge est un être foncièrement et profondé-
ment dépendant.
médicale de tous les grands moments de la vie. C'est Devenir autonome, et pleinement
dire sa brûlante actualité… libre, c'est pour certains s'affranchir de
tout ce que l'on refuse ou rejette. Pour

© BARON
les autres, c'est apprendre à vivre dans un
n « Bioéthique : l'homme contre l'Homme ? » réseau de contraintes et de dépendances
n'est pas le premier livre que vous publiez sans lesquelles la condition humaine ne
sur les enjeux bioéthiques : d'où tenez- se conçoit pas. La permissivité relève de
vous cet intérêt pour ce domaine très la première école. Mais je pense que la
spéci­fique ? réalité rattrapera ces illusions : cela a
d'ailleurs déjà commencé.
Jean-Frédéric Poisson : La bioé-
thique est au confluent des principales
thématiques modernes liées à la dignité n Vous soulignez que notre société entre-
© BARON

humaine. J'avais, à l'Université, travaillé tient de nombreux paradoxes : déni de la

en philosophie sur des sujets scientifiques
(l'évolution des espèces) et politiques. La
bioéthique est une synthèse des deux.
Et puis j'ai travaillé plus de dix ans
auprès de Madame Christine Boutin, dont
l'engagement sur ces sujets est connu et
ferme. C'est elle qui m'a permis d'entrer
pleinement dans la dimension juridique de
ces questions et de disposer aujourd'hui
d'une vision – je crois – complète.
n Dans votre ouvrage, vous vous réjouissez
de l'émergence de solutions alternatives à n Il ressort de votre essai que l'Homme défends. La noblesse du politique est
l'utilisation de cellules souches embryon-
naires : ce progrès technique participe-t-il
d'une prise de conscience éthique ?
J'aimerais qu'il en soit ainsi mais je
n'en suis pas vraiment convaincu. Je
vie humaine mais individualisme, défense
pense que c'est plutôt l'efficacité scien- des animaux mais pas des embryons,
tifique qui a conduit ces recherches. peur de la mort mais re­cherche de ses
D’ailleurs, en dépit des progrès images… entre philosophie et poli­tique,
spectaculaires et très prometteurs des vous menez un combat pour la vérité.
techniques de clonage sur les cellules Êtes-vous optimiste ?
souches adultes, des laboratoires conti-
nuent de travailler à partir du clonage Oui. Sinon j'arrêterais tout immédiate-
embryonnaire. À nous, maintenant, de ment ! Et puis, même si l'évolution globale
faire converger efficacité et éthique : la de la société ne se fait pas toujours dans
bataille sera encore longue. le sens que je souhaite, je me dis qu'il y
a des gens qui sont attentifs – non pas
à ce que je dis mais – à la vision que je
cherche à repousser sans cesse ses aussi de savoir que parfois, on ne parle
propres limites. Cela se vérifie dans les que pour quelques-uns. Il est normal qu'ils
lois votées dans le monde occidental, qui soient également représentés, et que l’on
se trouvent être de plus en plus permis- parle également pour eux. Par ailleurs,
sives : comment stopper et/ou inverser la la vision des rapports entre l’homme et
tendance ? la science que je présente est tout aussi

(
valide que n’importe quelle autre… Elle
« à nous de faire converger efficacité et est argumentée, et assise sur un effort
de la raison, auquel chacun peut accéder
éthique : la bataille sera encore longue » s’il le souhaite.

24 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008

 Jean-Frédéric Poisson
à l'Assemblée nationale

ance

n Autre paradoxe : vous avez à cœur de relation avec la science (clonage, congé- bioéthique, ces débats ne sont pas d’abord
défendre le « petit », dans un haut lieu lation des embryons, etc.). De sorte que la religieux : ils sont avant tout phi­loso­
de la décision des lois : comment avez- bioéthique porte des enjeux de civilisation phiques, juridiques et scientifiques. Il
vous découvert cette « grandeur des peti­ majeurs qui peuvent se résumer en une importe qu'ils soient menés de la manière
tesses » ? question : veut-on donner à la science un la plus neutrement rationnelle, pour faire
pouvoir illimité sur l'homme, ou l'homme converger des gens qui ne partagent pas
De façon théorique, en étudiant la doit-il garder le pouvoir sur la science ? de convictions religieuses.
philosophie et en particulier la fonda- C'est une authentique question de civilisa-
tion du droit : pour faire place aux faibles tion, qui – c’en est un des meilleurs signes
contre les forts. C'était déjà dans la Grèce – traverse toute l’histoire de l’humanité. n Benoît XVI a publié en décembre Spe Salvi
antique un débat fréquent – à en croire Facti Sumus. « Sauvés par l'espérance. » Cette
Platon. encyclique vient concomitamment aux
Et de façon pratique, en n'oubliant pas n Vous avancez à maintes reprises l'argu- résultats d'une étude de l'institut « Kairos-
les difficultés rencontrées dans les lieux ment de la foi dans votre réflexion. Vos Future fondation » hissant les jeunes
où j'ai grandi, et – très jeune – travaillé à visions de la bioéthique n'ont-elles pas Français au premier rang des pessimistes
rendre service aux autres. Cette réflexion pourtant vocation à être intelligibles pour sur 17 pays. Où trouver l'espérance ?
et cette expérience m'ont sans cesse la personne agnostique, athée, que vous
guidé. côtoyez par ailleurs régulièrement dans le Au Ciel ! Votre question porte sur
monde politique ? « l'espérance ». Pas sur la joie ou le sourire,
ou la décontraction. Par définition, l'es-
n La bioéthique participe-t-elle selon vous Je crois avoir plutôt rappelé les posi- pérance – cette vertu si difficile, selon
de la politique de civilisation que notre tions des chrétiens et des autres croyants Charles Péguy – ne peut se trouver que
Président a appelée de ses vœux le qu'utilisé des arguments de foi. Je serais dans la relation avec Dieu : la seule qui
20 décembre dernier au Vatican ? d'ailleurs bien en peine de le faire, parce offre une perspective de bonheur illimité,
que les positions chrétiennes en cette et pour tous, sans exclusion. La poli-
Oui elle le devrait, même si je ne suis matière sont très souvent de raison natu- tique, la sphère de l'action humaine, pour
pas sûr qu'elle en fasse spontanément relle, même si elles peuvent trouver une essentielles qu'elles soient, ne peuvent
partie dans son esprit. Ce qui est incon- assise et une résonance dans les familles remplacer cette relation à la transcen-
testable, c'est que la bioéthique est un des spirituelles, et même si les croyants dance. C'est ce que je crois. n
lieux par excellence de la protection de veulent légitimement intervenir dans ces
l'humain, du petit, du faible. Que ce soit questions. Jean-Frédéric Poisson, « Bioéthique :
en lui-même (les malades, les personnes Même si les publications d’origine reli- l'homme contre l'Homme », Presses
qui n'ont pas de quoi se soigner, etc.) ou en gieuse sont nombreuses en matière de de la Renaissance, 240 pages, 19 e.

FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 25

MUSIQUE
à la redécouverte
de Haendel
Haendel est un compositeur
incontournable, mais qui
exige des interprètes
sachant en extraire
la force sans jamais
tomber dans l’excès…
Ode à Sainte
Cécile – Händel-
Festspielorchester
Halle – Christian
Kluttig – Berlin
Classics – 0013992BC
- enregistrement de
1984 – 
I
l semble étonnant de rééditer un
enregistrement de 1984, tant l’ap­
proche musicologique a évolué de­
puis ces années. Mais justement, malgré
l’emploi d’instruments modernes et d’un
phrasé parfois loin de l’esprit haendelien,
la célèbre Ode à Sainte Cécile trouve ici
des accents précurseurs pour l’époque.
Le chœur est très convaincant et l’or­
chestre a vraiment quelque chose à
dire. Les solistes sont un peu en retrait,
mais l’ensemble emporte l'adhésion de
celui qui ne recherchera pas à tout prix
le côté authentique du ba­roque. Cet
enregistrement est un passage de témoin
dans une époque où l’on redécouvrait à
peine ce génie-là.
C’est tout le Haendel londonien que
l’on rencontre, celui de 1739, capable de
faire d’un texte, somme toute assez banal,
un vrai chef-d’œuvre. Et de jouer entre
les voix, les chœurs et l’orchestre, comme
nul autre ne le fit. Très différemment de
Bach. Et chez qui Mozart puisera en
définitive abondamment. Alors si cette
version n’est pas la plus emblématique,
elle est déjà à conseiller.
( C'est tout le Haendel londonien
que l'on rencontre, celui de 1739
26 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
BAROQUE
Duetti amorosi –
Kammerorchester
Basel – Nuria Rial ;
Lawrence Zazzo –
Laurence Cummings
– Deutsche Harmonia
Mundi – 88697214722 –
Nouveauté -  
L
e duo d’opéra chez Haendel est une
véritable institution qui lui permet
d’exprimer nombres d’affects mu­
si­caux, particulièrement amoureux. Dé­
ployant ses entrelacs contrapuntiques, à la
différence de l’air qui est d’un abord plus
simple confinant davantage à la ritournelle,
il nécessite dextérité et im­pli­ca­tion des
interprètes. Sortir ces duos du contexte de
l’œuvre de la­quelle ils sont issus représente
une dif­ficulté supplémentaire : il faut
réussir à convaincre rapidement l’auditeur
et le plonger dans la tension si particulière
dans laquelle ils prennent naissance. Sans
quoi, les duos n’apparaîtraient plus que
comme des divertissements dénués de
charge émotionnelle. Et ne capteraient
l’attention que par la virtuosité des
chan­teurs. Or c’est bien mal connaître
Haendel que de lui prêter la recherche du
sensationnel dans l’étalage de vo­calises
plus ou moins fleuves… Son écriture est
plus riche que cela. Si sa finesse n’exclut
pas la vivacité et la virtuosité, elle n’est
jamais une fin en soi.
Tout l’intérêt de ce disque est donc
de regrouper sous un même thème, duos
amoureux, des extraits d’opéras très
différents les uns des autres et dans
les­­quels l’amour n’a jamais le même vi­
sage : tantôt tendre, dissimulé parfois,
tantôt violent, querelleur. Les interprètes
sont admirablement mis en relief par le
Kammerorchester de Bâle. Le contre-té­nor
Lawrence Zazzo tend parfois à écraser
Nuria Rial, à la voix si pure mais aussi si
fragile. Par ailleurs, il faudrait en finir avec
par François-Xavier LACROUX
cette manie de placer systématiquement
très en avant la voix. Chez Haendel, ça
ne marche pas, encore moins que chez
d’autres. Ces réserves mises à part, on ne
gâche pas son plaisir à se laisser prendre
par les entrelacs musicaux de l’amour !
Riccardo Primo – Kammerorchester Basel –
Lawrence Zazzo ; Nuria Rial ; Geraldine Mc
Greevy – Paul Goodwin – Deutsche Harmonia
Mundi – 88697174212 - 3 CD – Nouveauté –
 
L
es productions de l’opéra  Riccardo
Primo sont rares. Cet ouvrage est
pourtant remarquable par l’or­
chestration qu’il implique, faisant de
l’orchestre baroque un orchestre presque
symphonique, mêlant des instruments
ra­rement présents chez le compositeur
(toutes les flûtes à bec, un traverso
basse, des timbales en grand nombre,
2 luths, 2 clavecins, cuivres nombreux,
etc.) La longueur conséquente de l’œuvre
a certainement contribué à rendre sa
production difficile. Par ailleurs, le sujet
lui-même est exceptionnel, puisque
ce ne sont plus des dieux grecs et des
stratèges romains qui
en sont le cœur, mais
l’emblématique Ri­chard
Cœur de Lion. C’est à
l’occasion du cou­ron­ne­
ment de George II que
le nou­vellement bri­tan­
nique Haendel (1727) présenta pour la
première fois cet opéra à l’action simple
et singulière. C’est donc un vrai bonheur
que de trouver enfin un enregistrement
digne de ce nom. L’orchestre fait honneur
à sa réputation et les partis pris du chef,
Paul Goodwin, sont plus que défendables.
Les solistes sont ici très à l’aise avec la
partition, même si, encore une fois, ils
auraient été plus à leur avantage à ne
pas se trouver sur un plan acoustique si
en avant de l’orchestre… Mais cela reste
certainement le « Haendel » à écouter de
ces derniers mois. n
expositions
"Plus léger que l’air"
Gestation
et aéros
Pierre Muller et Denis Quênot
ont constitué une collection
sur le thème de la représentation
de l’aérostation dans les arts
décoratifs. Elle est en partie exposée
au Louvre des antiquaires, ce qui
donne une idée de la qualité
des pièces présentées. La variété des
L
a commune de Rosheim, en Alsace, pro-
jette d’ouvrir un musée consacré au
plus léger que l’air dans les arts déco-
ratifs à partir de la collection Muller-
Quênot, aujourd’hui forte de trois cents
pièces. Elle en a réalisé une première exposition
l’été dernier. Par chance pour les Parisiens, une
Ancienne collection Chavaillon - D.R.
Assiette
en faïence
polychrome,
Nevers,
XVIIIe siècle,
23 cm.
28 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
bonne partie des œuvres la composant peut
actuellement être admirée jusqu’au 27 avril au
Louvre des antiquaires.
Si la variété et la qualité des pièces, mises
en valeur par des légendes parfaitement pré­
cises, frappent celui qui contemple les vitrines,
ceux qui ont le temps d’écouter la conférence
guidée ont le bonheur d’entendre un cours pas-
sionnant sur l’histoire de l’aviation, ou plutôt de
l’aérostation.
On y apprend ainsi pourquoi l’avènement de
objets, signe la montgolfière a été si spectaculaire et celui
du ballon à hydrogène plus discret alors que les
de la créativité premiers vols de l’un et l’autre type d’engin ont
eu lieu courant 1783. On frémit au passage en
des artistes, est se rendant compte qu’il arrivait que les uns et
remarquable les autres volassent de conserve, les aérostiers
de ballons à hydrogène se chargeant à l’oc-
casion d’éteindre un incendie naissant à bord
d’une montgolfière…
Au passage on remarque combien le lan-
gage des textos n’est pas si récent que cela. En
effet, on peut voir un travail de perles (sablé)
ornant une châtelaine et reprenant une phrase
admirative de Marie-Antoinette, dite en voyant
une ascension. La citation est faite sous la
forme du rébus. L’évolution de l’orthographe
est parfois doublée d’une indication sur
la façon dont est considéré le voyage
aérien à travers cette mention ornant
les assiettes reproduisant des ballons :
« à dieu ».
Mais c’est la variété des objets,
signe de la créativité des artistes, qui
est remarquable. Un des tout premiers
sièges sur le thème de la montgol-
fière est ainsi ce fauteuil créé par Jean-
Baptiste Demay, le dossier ayant été
repris en 1784 par Georges Jacob, ébé-
niste de la Reine Marie-Antoinette. La
pièce la plus ancienne de la collection
est une bague-sceau du XVIIe siècle enchâs-
sant une cornaline du IIe siècle avant J.-C.,
laquelle représente Icare perdant les plumes
de ses ailes. Pour l’anecdote, on apprend que la
première pièce de la collection fut une assiette
en faïence polychrome du XVIIIe siècle en pro-
venance de La Rochelle, d’où était originaire
 expositions
par Pierre François

tation
l’épouse de l’aéronaute inventeur du ballon à
hydrogène Jean-Pierre Blanchard.
Mais ces objets ne doivent pas éclipser les
gravures, gouaches, aquarelles, miniatures,
boîtes en écaille ou en loupe, faïences, porce-
laines, lustres, miroirs, baromètres, éventails,
pichets, gilets, ampoules électriques, marque-
teries, fontaines de salon et autres curiosités de
qualité. Qui, à cause de leur lien avec l’histoire
des techniques, prennent un relief autre que si
c’étaient de simples antiquités. ■

D.R.
Médaillon.
Miniature sur cuivre, époque XVIIIe siècle.
Vue à partir de la terrasse de
M. Benjamin Franklin, à Passy.
Expérience aérostatique
du 21 novembre 1783.

Baque en or et cornaline.
Chute d'Icare perdant
les plumes
de ses ailes,
XVIIe siècle.
D.R.
D.R.

(1) "Plus léger que l’air", Le Louvre des anti-

Fauteuil à la montgolfière, quaires, 2 place du Palais-Royal, 75001 Paris,
en acajou, Louis XVI tél. 01.42.97.27.27, jusqu’au 27 avril, au 1er
par Jean-Baptiste Demay, étage (11h-19h), du mardi au dimanche. entrée
autour de 1783. libre, www.louvre-antiquaires.com

FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 29

expositions
Le vodou
Pas religion,
mais art
par Pierre François
Syncrétisme de rites traditionnels,
de catholicisme et de bien d'autres
choses, le Vodou dépasse les tentatives
de classification. Telle est du moins la
thèse du MEG (Musée d'ethnographie de
Genève) qui expose trois cents pièces de
la culture vodou haïtienne.
I
l y a trente ans, un Haïtien vient proposer
à Marianne Lehmann, Helvète vivant à
Port au Prince, d’acheter une statue vodou.
Devant ses réserves, il lui dit devoir soigner
un parent et que sinon il la négociera à
un touriste. En cédant, elle n’imagine pas le
nombre de pièces qui lui seront proposées ensui-
Salle Bizango - Autel du Roi Bizango, autel de la Reine Bizango, dames-jeannes, tambour et objets de service divers.
30 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
te : elle en possède aujourd’hui trois mille. Des
amis collaborent à sa fondation, qui vise à créer
un musée en Haïti même.
Le Musée d'ethnographie de Genève (1) ,
informé, décide d’organiser une exposition pour
aider à la création de cet établissement. Mais
des problèmes de légendage (2) et le fait que le
vodou est un art de vivre impossible à classi-
fier poussent les commissaires de l’exposition à
chercher un angle qui avoue la subjectivité de
leur regard.(3)
Le vodou est Le roman de Fabienne Pasquet – L’ombre de
un animisme Baudelaire (4) – va leur servir de fil rouge. Un de
ses poèmes, Le flacon, est en effet très parlant
tri-polaire sous un éclairage vodou. Il en évoque un aspect
important : l’enfermement des esprits dans des
récipients par un serviteur (5) qui sait son travail
vain à terme.
© Collection Marianne Lehmann, FPVPOCH. Photo Johnathan Watts, MEG
 expositions
Autel rada

de vivre
Dans la première salle est intégralement
reproduit ce poème. Une autre montre des
objets à l’envers, pour signifier l’impossibilité à
tout dire de ce qui est étudié. La scénographie
des suivantes reste bâtie autour de cette double
dimension : citations du poème et subjectivité
du regard porté sur une réalité étrangère. Cette
exposition nous ap­prend cependant bien des
choses sur le vodou. (6)
En arrivant d’Afrique, les esclaves, surtout
béninois, amalgament leurs croyances avec

© Collection Marianne Lehmann, FPVPOCH. Photo Johnathan Watts, MEG

celles des Amérindiens de Saint-Domingue.
Lorsque, fait unique dans l’Histoire, ces cap-
tifs se sou­lèvent, vainquent l’armée napoléo-
nienne et créent la première république noire
du monde (1er janvier 1804), le vodou fait partie
de leurs moteurs spirituels, déjà présent dans
le serment ("Vivre libres ou mourir") de Bois-
Caïman (14 août 1791). Il intégre dans son pan-
théon des saints catholiques qui servent en
fait de paravent... Cette intégration s’ampli­
fiera lors des campagnes anti-superstitieuses du
XXe siècle.
Car le vodou est un animisme tri-polaire
(être humain, esprit associé, force vitale l’ani-
mant), ressemblant comme deux gouttes d’eau
au paganisme grec ancien. Ce système religieux,
philosophique, thérapeutique, esthétique… aux Car la possession – réponse concrète à la
sources multiples (y compris franc-maçonnes) dépossession passée de l’esclavage et à celle,
et constitué de 21 rites, transporte son servi- toujours possible, de la dictature – est au
teur dans un monde magique sans qu’il ait pour
autant à changer ses habitudes ou défaire ses
La cérémonie centre du vodou, son expression la plus mani-
feste étant la transe. Selon le Dr  Dosainvil,
liens avec le présent. vodou, cette dernière est une psycho-névrose religieuse
Officialisé par le gouvernement haïtien en raciale caractérisée par un dédoublement du
1987, il reste une religion en perpétuelle évo- parodie moi tandis que le Dr  Louis Mars y voit un état
lution à la foi aussi éloignée du christianisme
qu’elle en paraît proche. Papa Bon Dieu est le
la société mystique caractérisé par le délire de la posses-
sion théomaniaque ou que Louis Maximilien
créateur des mondes visibles et invisibles, qui temporelle l’analyse comme un état mental hystérique arti-
sont en relation, mais il n’existe pas de trans- ficiellement créé par la suggestion ou l’hypnose.
cendance et les esprits (loa) auxquels il a délé- et le pouvoir Même pour les initiés, la possession reste un
gués ses pouvoirs partagent goûts, habitudes et
passions des humains avec lesquels ils peuvent
spirituel mystère. Le chevauchement, état dans lequel
un esprit utilise un fidèle pour s’exprimer, et la
se marier ou avoir des relations intimes. de façon zombification, sanction de celui qui a transgres-
De même, la Vierge du Perpétuel Secours est sé les règles sociales, sont d’autres modalités de
en fait la représentation d’Erzulie Freda, loa de théâtrale la possession.
l’amour. Et si le loa Damballah-wèdo évoque Le culte vodou n’a rien de despotique : son
Moïse sauvé des eaux, c’est parce que ses pos- prêtre ne gouverne pas la cérémonie. Il ne fait
sédés bégaient. que tenter de régler le ballet des possessions,

FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 31

expositions
© Collection Marianne Lehmann, FPVPOCH. Photo Johnathan Watts, MEG
l’office dans son Syncrétisme
ensemble étant plus De haut en bas
et de gauche à droite :
une exacerbation Lasirèn (La Sirène), bois.
de la règle qu’une Èzili Freda ak gason (Erzulie
transgression. Enfin, Freda avec enfant), béton.
la cérémonie vodou, Rèn Zetwal ak Dragon
spécialement dans an (Reine des Étoiles
et du Dragon), béton.
le cadre des sociétés Krich Èzili Dantò
secrètes, parodie la (Cruche Erzulie Dantor),
société temporelle et terre cuite. Krich Kouzen
le pouvoir spirituel (Cruche Cousin), terre cuite.
de façon théâtrale : Papa Legba ou
Saint Lazare, plâtre.
le Pantalon de la Table de divination,
commedia dell’arte bois. Hauteur de
devient Papa Legba Lasirèn : 150 cm.
et la cérémonie se
déroule dans le péris- gié pour démontrer
tyle, hangar à l’abri la valeur de l’altérité
des intempéries. culturelle.
Cette in­f luence L’ é v o l u t i o n d e
théâtrale n’est pas notre regard sur
la seule subie par les autres cultures
le vodou qui ne arrive à un mo­­ment
cesse de s’agréger où on prend conscien-
de nouvelles pra- ce que re­c onnaître
tiques. Actuellement, cette alté­rité et l’exis-
du fait de la diaspora, ce sont par exemple les tence de valeurs universelles (droits de l’homme,
chansons rituelles qui deviennent espaces de démocratie…) suppose de se rendre compte que
négociation entre les migrants et leurs familles le monde occidental ne possède pas la définition
restées en Haïti en même temps qu’on recourt
aux enregistrements vidéos.
Le caractère immuable de ces valeurs.
La même prise de conscience pousse à dire que
En retour, le vodou influence à son tour les syncrétiste la modernité n’est plus l’évolution de l’Occident
champs psychologiques, sociaux, médicaux, juri- du XVIe siècle à nos jours mais un processus aux-
diques, musicaux, amoureux. De sorte qu’il peut du vodou quels ont concouru, en contrepoint et de manière
certes être appréhendé sous son aspect religieux
ou africaniste mais aussi thérapeutique, poli­
en fait un cardinale, les communautés afro-américaines,
notamment par leur créativité culturelle et artis-
tique, historique, économique, artistique, etc. vecteur tique. En ce sens le choc des civilisations est une
Il existe enfin des influences à double sens, chimère, seule leurs interactions sont réalité.
notamment avec les religions chrétiennes. Qui privilégié Voilà l’enseignement principal du syncrétisme
du catholicisme et de ses saints ou du vodou
domine sur l’autre ? Quelle différence entre la
pour vodou que l'exposition veut retenir. Inutile de
rappeler que, pour l'Église catholique en Haïti, le
transe et le protestantisme pentecôtiste ? Pas démontrer Vodou constitue un défi de tous les jours. ■
de réponse possible sans nuancer. Par ailleurs,
l’existence même de l’ethnopsychiatrie confesse la valeur (1) Exposition Le vodou, un art de vivre, tous les
la nécessité pour nos sociétés cartésiennes d’ac-
cepter de soigner autrement que selon notre
de l'altérité jours (10h-17h) sauf lundi, jusqu’au 31 août
2008. Musée d'ethnographie de Genève, Bd
seule logique. Le vodou n’est pas le seul mouve- culturelle Carl Vogt 65, 1205 Genève, Tél. : +41 (0)22
418 45 50. www.ville-ge.ch/meg
ment à influencer nos ethnies policées mais son
(2) Les légendes sont parfois incomplètes et la
caractère syncrétiste en fait un vecteur privilé- collection compte beaucoup d’objets venant des
sociétés secrètes, lesquelles sont peu étudiées
Quelques mots du vodou par les ethnologues.
(3) "seul le cumul de subjectivités est à même
Le pratiquant du vodou se dit "serviteur" (des esprits) et peut être housni d’assurer l’objectivité" (Michel Leiris).
(initié-e, une fois qu’on a pris l’asson), hougan, gangan, papa loa (prêtre, médecin, (4) selon lequel le poète aurait été initié au
voyant et parfois sorcier), mambo (prêtresse), le dansé lwa ou manjé lwa étant la vodou par sa compagne originaire de l’île.
(5) serviteur (des esprits) : nom sous lequel se
cérémonie qui les réunit. Le vévé est un dessin tracé au sol avec de la poudre de désignent les fidèles, quelle que soit leur fonc-
brique, de la farine, de la cendre ou du marc de café, qui matérialise la divinité. Les tion dans le vodou.
loa (ou lwa) sont à la fois dieux et lois ; les chevaux des loa étant les adeptes inspirés (6) et plus encore l’excellent livre publié par le
par un loa lors d’une transe. Le bòkò est un sorcier. ■ musée à l’occasion de l’exposition : Vodou, dans
la collection Tabou du MEG.

32 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008

 Écoutez
Marie-Christine
Renaud d'André
chaque semaine sur :
CINéMA
Beaufort 3h10 pour yuma

En 2000, après 18 années d’occupation, Israël
décide de se retirer du Liban. Liraz Liberti, un
jeune officier de 22 ans sans grande expérience,
commande une petite garnison implantée dans
l’ancienne forteresse de Beaufort, située au
Sud-Liban. Il attend, en compagnie de ses
hommes et avec une certaine anxiété, l’ordre de
retrait de Tsahal qui tarde à venir...
 Ce film de guerre particulièrement
poignant, qui décrit de façon précise les
différentes étapes de cet événement, s’intéresse
avant tout à l’état psychologique de ces jeunes
soldats, confrontés à la peur, au désespoir et à
la mort, et le fait avec beaucoup de brio en lui
Le poids du silence
par Marie-Christine RENAUD d’André
qui a besoin d'argent pour faire vivre
sa fa­mille, accepte de l'escorter jusqu'à
Contention.
 James Mangold signe un
western de très haute tenue, fidèle au
genre des thèmes qu’il aborde, mais
avec des scènes d’action or­ches­trées
avec beaucoup de modernité. À
l’époque d’une Amérique qui se
cons­truit encore et où le respect de la
La musique originale de Marco loi est devenu un en­j eu majeur,
Beltrami sert parfaitement les l’histoire op­­pose deux hom­mes. L’un a

(
donnant une portée universelle. La scène finale scènes d’action et la
est d’une intensité dramatique rare que le dramaturgie du récit.
Les personnages ont
spectateur n’est pas près d’oublier. été dessinés avec soin

S
 Cette œuvre constitue un témoignage i le western, genre éminemment
a­méricain, est parfois tombé en et sont tous magnifi-
bouleversant sur cette jeunesse face à la
guerre. La violence, ici, n’est jamais gratuite,
dé­suétude, il ne cessera de re- quement interprétés
naître de ses cendres, car il véhicule
mais nous permet de mieux comprendre ce que des mythes fondateurs atemporels sur choisi la violence pour s’enrichir
vivent ces jeunes soldats. M.-L. R. lesquels ne cessera de s'interroger l'A­ facilement, tandis que l’autre a décidé
Film de guerre mé­rique. James Mangold, en amoureux de res­pec­ter la loi, quel que soit le prix
israélien (2006) de du western, a choisi de porter de nou- à payer. Cette opposition est traitée
Joseph Cedar, avec veau à l'écran la nouvelle d'Elmore
Oshri Cohen (Liraz dans toute sa complexité, et
Liberti), Itay Tiran Leonard déjà adaptée au cinéma en l’in­­terprétation de Russel Crow et de
(Koris), Eli Eltonyo 1957 par Delmer Daves. Christian Bale se révèle remarquable.
(Oshri), Ohad Les temps sont durs pour Dan
Knoller (Ziv), Itay  Malgré le regard dé­sap­­pro­ba-­
Turgeman (Zitlawi) Evans. Il est revenu amputé de la teur de son fils aîné, Dan saura rester
(2h00). (Grands guerre de Sécession, et la sécheresse
adolescents). Sortie fidèle à ses principes et suscitera
touche de plein fouet ses terres déser-
le 26 mars 2008. mê­me l’admiration de son adversaire.
tiques où il s'est installé avec sa fa­-
Des violences inhérentes au genre. ■
Crimes à Oxford mil­le pour mieux soigner la tubercu-
lose de son jeune fils. Un jour, il assiste 3h10 pour Yuma. Western américain (2007) de James
Un jeune étudiant américain se rend à Oxford, à l'attaque d'une diligence par le ban- Mangold, avec Christian Bale (Dan Evans), Russel Crowe (Ben
qui devient le théâtre de plusieurs crimes. Wade), Logan Lerman (William Evans), Dalls Roberts (Grayson
dit Ben Wade. Celui-ci est finalement Butterfield), Ben Foster (Charlie Prince), Peter Fonda (2h02).
 La trame de ce film policier est de arrêté dans une ville voisine et Dan, (Grands adolescents). Sortie le 26 mars 2008.
facture assez classique, avec sa succession de
rebondissements et de fausses pistes. Si le Un cœur simple
résultat est plutôt réussi, le film se révèle un
peu trop bavard (un discours philosophique Après une douloureuse rupture amoureuse, Félicité, une
inutile), ce qui ralentit le rythme de l’action. modeste campagnarde, est engagée chez une jeune veuve.
 Le dénouement est lui aussi classique,  Cette adaptation d’une œuvre de Flaubert, premier
avec le coupable démasqué. Des images long métrage d’une jeune réalisatrice, ne manque pas de
légères. qualités. La mise en scène est très vivante et les rapports
M.-L. R.
Policier hispano-franco- entre les personnages sont très finement analysés. Quant à
britannique (2007) de l’interprétation, elle est, de plus, convaincante. Mais l’histoire se révèle tout de même sinistre.
Alex de la Iglesia, avec
Elijah Wood (Martin),  Félicité est un beau personnage, généreux et animé d’une belle foi, qui ne sera pas
John Hurt (Arthur épargné par le malheur. Quelques scènes sensuelles.
Seldom), Julie Cox Marie-Lorraine Roussel
(Beth), Léonor Watling
(Lorna) (1h40). Drame français (2007) de Marion Laine, avec Sandrine Bonnaire (Félicité), Marina Foïs (Mathilde Aubain), Pascal Elbé (Théodore), Patrick Pineau
(Grands adolescents) (Liébard), Thibault Vinçon (Frédéric), Noémie Lvovsky (Nastasie), Michaël Abiteboul (Fabu), Bruno Blairet (le prêtre), Johan Libereau (Victor jeune
Sortie le 26 mars 2008. homme) (1h45). (Grands adolescents). Sortie le 26 mars 2008.

FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 33

théâtre
Zygmunt Blazynsky

Regards par Pierre François

sur Paris
Rilke a goûté la grandeur dimension mystique. Sans doute
Zygmunt Blazynsky y a-t-il été
architecturale et artistique sensible. Car même si elle aboutit
de Paris, cette ville lui a fait à des interpellations à égalité de
dignité d'un créateur impersonnel,
éprouver la misère qui régnait elle reste empreinte d’une huma-
alors dans ses rues, nité qui la rend forte et tendre.
au point de le faire penser Il y a longtemps, Zygmunt
Blazynsky avait déjà donné un
au Poverello d’Assise… spectacle sur Le livre de la pau-
vreté et de la mort, seul. Mais celui

C
qu’il propose aujourd’hui est diffé-
’est dans le cadre du festival du Marais
rent, tout centré qu’il est sur la vie
chrétien que Zygmunt Blazynsky a
parisienne de l’auteur.
commencé à donner son spectacle sur
Dans Les cahiers de Malte
le Paris découvert par R. M.  Rilke à
Laurids Brigge, sous-titré impres-
travers Le livre de la pauvreté et de la
sions de Paris, R. M. Rilke décrit le
mort et Les cahiers de Malte Laurids Brigge.
Paris des monuments et les sen-
Dans la crypte, où il se produit désormais (1),
timents que ceux-ci lui inspirent.
les conditions sont plus adaptées au contexte
D.R.

Sainte-Geneviève, le Panthéon, les

d’un spectacle : il peut effectuer de réels dépla-
bouquinistes, les antiquaires, des peintures…
cements, bénéficier d’éclairages et d’une bande-
son qui complètent l’ambiance induite par la L'œuvre de c’est toute la vie culturelle patrimoniale qui est
ici ressentie et restituée. Ce qui n’empêche pas
déclamation de la poésie rilkéenne.
Inutile de lui demander pourquoi il a choisi
Rilke possède la visite de l’Hôtel-Dieu de lui inspirer des consi-
dérations sur la mort.
cet auteur pour parler de la vie urbaine. La en outre une Ce dernier genre de pensée est beaucoup
ré­ponse est simplissime : parce que c’est Rilke, sa
poésie, son dialogue avec la transcendance, son dimension plus développé dans Le livre de la pauvreté et de
la mort. C’est en effet un recueil impressionnant
humanité, bref, son génie inimité depuis. Il est
vrai que l’œuvre de Rilke possède en outre une
mystique des misères de Paris. Et Zygmunt Blazynsky est
lui-même frappé par l’actualité du texte, ses
correspondances avec les fléaux actuels des rues
Étrangeté de Paris : la drogue, l’alcool, la prostitution…
« Réception » (1) est une pièce très bien jouée. On croit à la saleté de Jean-Claude Il confie même que s’il a plaisir à partager
Dreyfus jusqu’au haut-le-cœur, au point où il n ‘y a plus de choix qu’entre le dégoût des textes de cet auteur, il n’en a pas beau-
et le parti d’en rire. On croit aux deux sexes empruntés par son partenaire, au point coup à lire ces lignes tant elles lui évoquent ce
qu’on est heureux que certains indices nous soient abandonnés pour sortir de l’indéci- qu’il voit aujourd’hui dans son propre quartier.
sion. Mais on se pose la question de savoir si on a affaire à une pièce de théâtre ou à Restent les talents conjugués de l’auteur et de
un numéro de cirque. Surtout quand on retrouve face à la caricature de ce réception- l’interprète : autant dire qu’on peut aller voir ce
niste minable d’hôtel minable, des caricatures aussi excessives de voyageur de com- récital mis en scène les yeux fermés. n
merce ou de séductrice primaire.
On regrette d’autant plus ce choix que le texte de la pièce contient de quoi en faire
un spectacle policier au suspense haletant. Cette dernière dimension disparaît complè- (1) «  Extraits des Cahiers de Malte Laurids
tement derrière l’utilisation de talents incontestables au service d’un humour facile. Brigge et du Livre de la Pauvreté et de la
Mais le public, dont chacun sait qu’il a toujours raison, applaudit à tout rompre. ■ Mort  », sur le thème de la ville de Paris. Avec
Zygmunt Blazynsky à la Crypte du martyrium de
(1) « Réception », de Serge Valetti. Avec Jean-Claude Dreyfus et Claire Nebout, mis en scène par saint Denis, 11 rue Yvonne le Tac, 75018 Paris,
Christophe Correia. Au Théâtre des Mathurins, 36 rue des Mathurins, 75008 Paris, du mardi au les vendredis et samedis (20h30), dimanche
samedi (21h), dimanche (15h), matinée samedi (16h30). Places à 33 e. (16h30) jusqu’au 13 avril. Tél. 01.42.23.48.94.
Zygmunt.blazynsky@wanadoo.fr

34 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008


Ray
Après une vie misérable dans le sud des
États-Unis, le jeune Ray Charles Robinson,
devenu aveugle à l'âge de 8 ans, traverse
seul le pays pour se rendre à Seattle, où il
se fait embaucher comme pianiste et chan-
teur dans un club de jazz. Très vite, son
style particulier et son énergie rythmique
séduisent les clients.
 C'est un magnifique portrait du
musicien et de l'homme que Taylor
Hackford a réussi à brosser. De son en-
fance heureuse, mais brisée par un drame
(la mort accidentelle de son jeune frère,
dont il s'est toujours senti coupable),
pendant laquelle sa mère a forgé son
caractère avec amour, mais fermeté,
jusqu'à sa gloire, ternie par les démons de
la drogue, tout nous est montré, sans
complaisance, mais sans faux-semblants,
dans cette biographie passionnante. Certes,
la mise en scène est parfois un peu acadé-
mique, mais la musique, qui rythme tout le
film, est là pour faire oublier ces quelques
défauts. Il faut se laisser emporter par ces
nombreux succès et apprécier le chemin
parcouru, depuis le Sud misérable, par ce
musicien de génie.
 Si l'on ne cache rien de l'infidé-
lité chronique de Ray Charles et de son
addiction à la drogue, le film montre avec
quelle détermination il s'est battu pour se
désintoxiquer. Ce combat terrible, mais
réussi, ainsi que la belle figure de sa mère,
prête à tous les sacrifices pour assurer
l'avenir de son malheureux enfant,
donnent à cette œuvre musicale et biogra-
phique une belle épaisseur humaine.
D'autant plus que le musicien n'a pas
hésité à prendre des risques personnels
pour défendre ses convictions politiques,
surtout en matière de ségrégation raciale.
Biographie américaine (2004) de Taylor Hackford, avec Jamie Foxx (Ray
Charles), Kerry Washington (Della Bea Robinson), Regina King (Margie
Hendricks), Clifton Powell (Jeff Brown), Harry Lennix (Joe Adams),
Bokeem Woodbine (Fathead Newman), Sharon Warren, Aunjanue Ellis
(2h26). Diffusion le dimanche 30 mars, sur France 2, à 20h55.
TÉLÉVISION
Le temps par Marie-Christine RENAUD d’André
de la désobéissance
comportements, depuis les plus vils
jusqu’aux plus héroïques, ont été mani-
festés par les Français et, en particulier,
par les policiers pendant l’Occupation.
Daniel Russo joue avec beaucoup de
subtilité le rôle de ce policier ordinaire,
mais droit, qui trouve tout de suite ce
qu’il faut faire lorsque la situation
de­­vient insupportable d’injustice. Il est
l’atout majeur d’une œuvre habilement
mise en images qui plonge le téléspec-
Cette adaptation romancée
tateur dans l’atmo­sphère terrible de
de faits authentiques permet cette époque.
(
de porter un regard plus nuancé
sur la police française.
Quand des gens
ordinaires se trou­vent
D
epuis la rafle du Vel’d’Hiv, la police confrontés à des situations
française sous l’Occupation n’a extraordinaires,
pas bonne presse. Pourtant, on
l’ignore souvent, certains policiers ont cela donne le meilleur,
eu un comportement héroïque pendant comme le pire
cette période noire de notre histoire.
 Courage et lâcheté font partie de
Édouard Vigne est responsable du ser­vice la nature humaine. À travers les person-
des étrangers au commissariat de Nancy, nages fictifs d’Édouard et de son ami
là où les juifs viennent se faire recenser Lucas, c’est cette dualité qui est mise en
pour recevoir leur étoile jaune. Un jour, images dans cette œuvre émouvante et
il apprend que les Allemands veulent pas du tout manichéenne. Des images
rafler tous les juifs de la ville, comme ils pénibles. ■
viennent de le faire à Paris.
 En s’inspirant de faits authenti- Le temps de la désobéissance. Téléfilm français (2005)
de Patrick Volson, avec Daniel Russo (Édouard Vigne), Martin
ques (qui n’ont été connus du public Lamotte (Lucas Barois), Jacques Spiesser (le divisionnaire),
que très récemment !), les auteurs de ce Thierry Gibault (Alfred Callot), Pascal Elso, Yannis Baraban
téléfilm entendent montrer que tous les (1h40). Diffusion le mardi 1er avril, sur France 2, à 20h50.
Paradise now
Khaled et Saïd sont deux amis palestiniens. Ils se
sont tous les deux engagés dans une organisation
qui pratique des attentats suicides. Lorsqu'on
leur demande de devenir kamikazes, ils n'ont
d'autre choix que d'accepter et n'imaginent pas
refuser. Mais l'opération suicide qu'ils doivent
exécuter va prendre une tournure inattendue.
 On connaît le talent d'Abu-Assad depuis
« Le mariage de Raina », un film à la fois drôle et tragique sur les déboires d'une jeune
Palestinienne avant son mariage. Le cinéaste se focalise ici sur le sujet très sensible des attentats
suicides. Il filme avec beaucoup de sobriété et de rigueur le quotidien de ces deux amis.
Il y a, sans doute, beaucoup de vérité et de justesse dans le portrait de ces deux kamikazes.
 Parce que le récit est vu à travers leur regard, la condamnation des attentats peut
paraître atténuée. Mais ce film-témoignage émouvant nous apporte une réflexion à la fois utile
et intéressante.
Drame palestino-néerlando-germano-français (2005) de Hany Abu-Assad, avec Kais Nashef (Saïd), Ali Suliman (Khaled), Lubna Azabal (Suha), Amer
Hlehel (Jamal), Hiam Abbass (la mère de Saïd), Ashraf Barhoum (Abu-Karem) (1h27). Diffusion le jeudi 3 avril, sur Arte, à 21h00.
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 35
télévision
Samedi 29 mars
TF1
20.50 Incroyables destins
«Enquêtes et révélations».
Divertissement présenté par
Benjamin Castaldi.
23.20 New York, section crimi-
nelle. Série avec Vincent
D’Onofrio, Kathryn Erbe 2.
01.00 New York, police judi-
ciaire. Série avec Jesse L
Martin 2.
France 2
20.50 Les stars chantent
ensemble contre le sida. bouddhistes», «Islam», «Judaïca», «Chrétiens
Divertissement avec Line
Renaud, Johnny Hallyday,
Francis Cabrel, Georges
Moustaki, Amel Bent,
Raphaël, Bernard Lavilliers,
Christophe Hondelatte, Dany
Boon, Michel Drucker, etc.
23.20 On n’est pas couché.
Magazine présenté par Laurent
Ruquier.
France 3
20.45 Finale de la Coupe de la
Ligue «Lens/PSG».
23.45 Passé sous silence
«Elisabeth II et sept présidents».
Documentaire.
00.40 La case de l’oncle Doc
«La Barre». Documentaire.
Arte
21.00 L’aventure humaine
«Vraie Jeanne, fausse Jeanne» J.
 Intéressant et bien fait,
mais assez ambigu pour l’Église
et pour Jeanne. On ne com-
prend pas toujours bien ce que
l’auteur a voulu dire.
22.35 Manu Katché «One shot
not».
23.50 Scénarios contre les
discriminations. Courts
métrages.
M6
20.50 Médium : «Le meurtre…»,
«Les traitres…», «… Et l’assassin».
Série avec Patricia Arquette,
Jake Weber 2.
23.15 Les 4400. Série avec
Jacqueline McKenzie 2.
Canal +
20.50 Be cool GA. Comédie
(2004) de F. Gary Gray, avec
John Travolta, Uma Thurman,
Vince Vaughn (1h55). 
Une comédie sympathique, mais
un peu superficielle.
KTO
21.00 VIP «Igor et Grichka
Bogdanov».
21.55 Les petits chanteurs de
Vienne célèbrent l’année Mozart.
36 FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008
Dimanche 30 mars
TF1
20.50 Le collectionneur A.
Drame (1997) de Gary Fleder,
avec Morgan Freeman, Ashley
Judd (1h51) 3.  Un assez
bon suspense, mais c'est invrai-
semblable et très violent.
22.55 Esprits criminels. Série
avec Mandy Patinkin 3.
France 2
Émissions religieuses :
08h30 Émissions religieuses : «Sagesses
orientaux», «Présence protestante» - 10h30 Le
jour du Seigneur «Les chrétiens aux USA» -
11h00 Messe en direct de l’église St-Jean-
Baptiste, à Gosselies en Belgique.
20.55 Ray GA. Biographie
(2005) de Taylor Hackford, avec
Jamie Foxx, K. Washington (2h26).
(Voir notre analyse page 35)
France 3
20.55 Inspecteur Barnaby «La
course à l’héritage» GA. Téléfilm
avec John Nettles.  Un bon
suspense.
23.10 Strip-tease «Police et
polissons : (1et 2/4) “Le Napo­
léon de l’usure“, “Le prestige de
l’uniforme“». Magazine.
01.00 Les nuits moscovites J.
Comédie dramatique en NB
(1934) de Alexis Granowsky,
avec Annabella, Harry Baur
(1h35).  Le film a vieilli.
Arte
Florence :
La ville de toutes les passions
DR
DR
20.40 Chambre avec vue J.
Comédie (1985) de James Ivory,
avec Helena Bonham Carter,
Maggie Smith, Denholm Elliott
(1h56). (Voir ci-contre)
22.35 Meurtres à Florence.
Documentaire.
M6
20.50 Capital «Comment man-
ger sain et bon marché ? :
Révélations sur le contenu de
vos assiettes !». Magazine.
22.50 Enquête exclusive
«Gangs et favellas à Rio, l’autre
visage du carnaval». Magazine.
Canal +
20.55 Football «Lorient/
Marseille».
KTO
20.50 La foi prise au mot
«Résurrection», avec Marie-Noëlle
Thabut et le père O. Morin.
21.45 Un jour, une foi «La vie des
diocèses».
Lundi 31 mars
TF1
20.50 Joséphine, ange gardien
«Les deux font la paire» J. Télé­
film avec Mimie Mathy, Thierry
Heckendorn.  Amusant.
22.30 Jardins secrets : «Les
nouvaux voisins», «Pousse au
crime», «Sexe, mensonge et cli-
chés compromettants». Série.
France 2
DR
20.50 FBI, portés dispa-
rus : «Les racines du mal», «De
l’autre côté», «Traditions». Série
avec Anthony LaPaglia 2.
23.10 Mots croisés. Magazine
de Yves Calvi.
01.35 Au clair de la lune
«L’Orféo». Opéra de Claudio
Monteverdi, avec l’Orchestre
Nouveau Studio Opéra National
de Lyon, sous la direction de
Philip Pickett, et avec Nicolas
Rouault, Cécilia Arellano.
France 3
20.50 Vie privée, vie publique
«Quand la vie privée vole en
éclats». Magazine de Mireille
Dumas, avec Élisa Servier,
Aurélia Bléger, Anne Laure
Sibon, Yvan Le Bolloch, Colombe
Pringle, Jean-François Copé, etc.
22.55 Ce soir (ou jamais).
00.45 NYPD blue. Série.
Arte
21.00 Maurice A. Comédie dra-
matique (1986) de James Ivory,
avec Hugh Grant (2h14). 
Un beau film sur l’homosexuali-
té des jeunes Anglais.
Musica
23.15 Paul Abraham, de l’opé-
rette à la tragédie.
M6
20.50 Nouveau look pour une
nouvelle vie «Transformation
radicale». Divertissement.
22.30 La firme A/Ø. Drame
(1993) de Sydney Pollack, avec
Tom Cruise, Jeanne Tripplehorn
(2h28).  Un film
brillant, mais peu original, et
avec une scène érotique.
Canal +
20.50 The Tudors (3 et 4/10)
A/Ø. Série avec J. Rhys-Meyer.
 Remarqua­ble, mais
truffé d’images peu discrètes.
KTO
20.50 Mer élémentaire. Un moine
avec les marins pêcheurs.
21.45 Un jour, une foi «Chemins de
vie».
22.15 KTO magazine «Diriger et
servir».
Mardi 1er avril
TF1
20.50 Les experts, Miami :
«L’insigne du crime», «8 heures
chrono», «Une proie dans la
nuit». Série avec David Caruso,
Emily Procter 3.
23.15 Confessions intimes.
Magazine présenté par Isabelle
Brès.
France 2
20.50 Le temps de la déso-
béissance GA. Téléfilm avec
Daniel Russo, Martin Lamotte,
Jacques Spiesser (1h40) 2. (Voir
notre analyse page 35)
22.40 Faites entrer l’accusé
«Roland Cazeaux, le Chat».
Magazine présenté par
Christophe Hondelatte 2.
France 3
20.50 Le grand pardon A.
Comédie dramatique (1981) de
Alexandre Arcady, avec Roger
Hanin, Bernard Giraudeau,
Jean-Louis Trintignant (2h10)
2.  Truculent et bien
fait, mais de très grandes vio-
lences et des images érotiques.
23.35 Ce soir ou jamais.
Magazine de Frédéric Taddéï.
00.55 NYPD blue. Série avec
Dennis Franz 2.
Arte
L’enfance virtuelle
21.00 Dans la spirale des jeux
vidéo. Documentaire.
22.10 Grandir, un jeu d’enfant.
Documentaire.
DR
23.00 Grand format «Humour
au pays des soviets» J. 
Origi­nal, intéressant et amu-
sant.
M6
20.50 Pékin Express, la route
des Incas «De Abancay (Pérou)
aux plages de l’océan Pacifique
(1/2 finale)». Divertissement
présenté par Stéphane
Rotenberg.
22.40 T’empêches tout le
monde de dormir. Magazine de
Marc-Olivier Fogiel.
Canal +
20.30 Football «La grande soirée
de Champions League : AS
Rome/Manchester United».
KTO
20.55 Un ange pour les condam-
nés, avec sœur Helen Prejean.
21.45 Un jour, une foi «Église du
monde».
22.15 La foi prise au mot.
«Résurrection».

Mercredi 2 avril
TF1
20.35 Football «Ligue des
Champions : Arsenal/Liverpool».
22.45 New York unité spéciale.
Série avec Christopher Meloni
3.
France 2
20.55 Sa raison d’être (2/2) A.
Téléfilm avec Michael Cohen,
Nicolas Gob, Clémentine Célarié
(1h40).  Pas mal fait,
mais les situations sont tordues
et la banalisation de l’homo-
sexualité bien réelle.
22.45 Ça se discute «Quand les
parents pètent les plombs (titre
provisoire)». Magazine présenté
par Jean-Luc Delarue.
France 3
20.50 Des racines et des ailes
«Rêves de bâtisseurs : “Viollet-
le-Duc, un architecte de légen-
de“, “Taj Mahal, pour l’amour
d’une femme“, “Gaudí, le génie
catalan“». Magazine.
22.55 Ce soir ou jamais (et à
23h25). Magazine.
00.45 NYPD blue. Série.
Arte
21.00 Les mercredis de l’his-
toire «The War : (9 et 10/14)
“Dans la merde jusqu’au cou“,
“Les hasards de la guerre“».
Documentaire.
22.45 Los muertos A/Ø.
Comédie dramatique en VO
(2004) de Lisandro Alonso, avec
Argentino Vargas, Francisco
Dornez (1h18). 
Hermétique, interminable et
avec des scènes très réalistes.
M6
20.50 Nouvelle star «Premier
prime en direct du pavillon
Baltard». Divertissement.
23.15 Off prime. Série avec
Virginie Efira.
Canal +
DR
20.50 Mon fils à moi GA.
Drame (2005) de M. Fougeron,
avec Nathalie Baye (1h20) 2.
 Intéressant et bien fait,
mais un peu excessif.
KTO
10.30 Messe en mémoire du
pa­pe Jean-Paul II, en direct de
Rome.
20.50 Soirée spéciale sur la
miséricorde divine, à l’occasion
du Congrès apostolique mondial
sur la miséricorde divine à Rome.
22.20 Un jour, une foi «La famille
en questions».
22.50 VIP «Igor et Grichka
Bogdanov».
Jeudi 3 avril
TF1
20.50 Paris enquêtes criminel-
les : «Un cri dans la nuit»,
«L’amour fou» GA. Série avec
Vincent Perez 3.  Très moyen.
22.45 La méthode Cauet.
Divertissement.
France 2
20.55 Envoyé spécial : «Pouvoir
d’achat : La guerre des prix»,
«Portrait : Grand Corps Malade»,
«Les fossoyeurs d’épaves».
Magazine.
23.05 Infrarouge «Hillary et
Bill». Documentaire.
France 3
20.50 Comme deux gouttes
d’eau GA. Téléfilm avec
Florence Thomassin, Mathias
Mlekuz, Vanessa Larre. 
Émouvant et bien fait.
22.30 Ce soir ou jamais (et à
23h25). Magazine présenté par
Frédéric Taddéï.
00.45 NYPD blue. Série.
Arte
21.00 Paradise now GA.
Comédie dramatique (2005) de
Hany Abu-Assad, avec Kais
Nashef, Ali Suliman (1h27).
(Voir notre analyse page 35)
Le charme discret des Finlandais
22.25 Sauna, les Finlandais
l’aiment chaud GA. 
Original et intéressant.
23.25 Un Finlandais, un vrai…
Documentaire.
DR
23.55 Au loin s’en vont les
nuages J. Comédie dramatique
en VO (1996) de Aki Kaurismäki,
avec Kati Outinen (1h33). 
Une comédie néoréaliste et pin-
ce-sans-rire sur le thème du
chômage : très réussi.
M6
20.50 Fenêtre secrète GA.
Thriller (2004) de D. Koepp, avec
Johnny Depp, John Turturro,
Maria Bello (1h33) 2.
Une excellente adaption
de Stephen King.
22.30 Les chirurgiens de l’es-
poir (15 et 16) 2.
Canal +
20.50 Damages (12 et 13/13)
GA. Série avec Glenn Close,
Rose Byrne 2. 
Excellent, mais cynique.
KTO
20.55 Un danseur dans la mai-
son de Dieu.
21.50 Art et culture.
22.20 Les petits chanteurs de
Vienne célèbrent l’année Mozart.
télévision
Vendredi 4 avril
TF1
20.50 Qui sera le meilleur
sosie ? Divertissement présenté
par Christophe Dechavanne et
Liane Foly.
23.15 Sans aucun doute.
Magazine présenté par Julien
Courbet.
France 2
20.55 Un flic «Affaire réservée»
GA. Téléfilm avec Gaëtan
Kondzot, Marie-Gaëlle Cals,
François Caron (1h30) 2. 
Une excellente atmosphère pour
ce policier atypique et réaliste
qui s’inspire d’histoires réelles.
22.35 Esprits libres. Magazine
présenté par Guillaume Durand.
France 3
20.50 Thalassa «Du pays des
atolls au pays des dauphins».
Magazine présenté par Georges
Pernoud.
23.20 Karajan intime.
Documentaire.
00.15 La 5e Symphonie de
Beethoven dirigée par Herbert
von Karajan. Concert avec l’Or-
chestre Philharmonique de
Berlin.
Arte
21.00 Le passé pour cible GA.
Téléfilm avec Robert Carlyle,
Daniel Mays, Claire Skinner
(1h36).  Une histoire poli-
cière étrange, mais très bien
ficelée et assez prenante.
22.35 Tracks.
M6
20.50 Bones : «La recette du
bonheur», «Par amour», «La
chance du débutant». Série avec
Emily Deschanel, David
Boréanaz 2.
23.15 Californication. Série
avec David Duchovny, Natascha
McElhone 3.
Canal +
DR
20.50 Ghost rider GA.
Fantastique (2007) de Mark
Steven Johnson, avec Nicolas
Cage, Eva Mendes, Sam Elliott,
Peter Fonda (1h45) 2. 
Assez prenant et bien fait, mais
les aspects fantastiques ne sont
pas à prendre au sérieux.
KTO
20.50 KTO magazine «Dérives
sectaires : Attention danger !».
21.50 Un jour, une foi «La vie des
diocèses».
22.20 La terre et le sacré «Les
pouvoirs de l’eau».
FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 37
Radios
RCF
Samedi 29 mars
13h30 Contre courant "Le Breton,
une langue bien vivante"
22h Dialogue "Le Christ philo­
sophe", avec Frédéric Lenoir
(phi­losophe, écrivain, directeur du
Monde des religions, souvent pro-
vocateur et pour cela très recherché
par les grands médias... [Rediffusion
dimanche 17h]
Dimanche 30 mars
19h30 Visages "Marc Vella, le
pianiste nomade"
Lundi 31 mars
14h Musiphonie "Josquin des
Prés, le Prince de la musique
(1440-1521)" (1/5, tous les
jours de la semaine à 14h)
14h30 Halte spirituelle "Dieu
n'est pas ce que vous croyez",
avec le Père Jean-Marie Ploux
(1/5, tous les jours à 14h30 ou 20h45)
14h45 "Prions avec Marie" avec
Marina Cuénin"
16h Magazine œcuménique
"40e Anniversaire de la mort du
pasteur Martin Luther-King"
Mardi 1er avril
22h Perspectives "En marche
vers les JMJ 2008", avec Mgr
Patrick Jacquin (recteur de la
cathédrale Notre-Dame de Paris,
coordinateur des JMJ en France)
Vendredi 4 avril
13h30 Il était une foi "Quel est
le rôle du Pape ?", avec Jean-
François Chiron (doyen de la
Faculté de théologie de Lyon)
France Culture
Dimanche 30 mars
10h Messe, depuis la cathédrale
Notre-Dame d'Alençon, com­
men­tée par Frère Eric Macé.
Prédicateur : Père Thierry Hérault-
Morel.
Marie Bizien
sur Arte
Dimanche 30, à 20h40
Chambre avec vue J
Au début du XXe siècle, Lucy et sa
tante Charlotte arrivent à Florence.
Sur le point de se fiancer, la jeune
fille tombe sous le charme d’un
jeune homme.
 James Ivory est à son
affaire avec cette adaptation
de l’œuvre de Forster qu’il mène
avec son élégance habituelle. Les
images sont magnifiques, l’analyse
psychologique d’une grande subti-
lité, et l’ensemble est souvent
fort drôle. Une réussite !
 Cette critique des conventions
et de l’étroitesse d’esprit ne manque
pas de saveur ni de pertinence.
T : Tout public Repères
J : Adolescents
GA : Grands adolescents
A : Adultes
Ø : Œuvre (ou scène) nocive
 : Élément positif
 : Élément négatif
BLOC-NOTES
Paris avril prochain (18h30) dans les sur-Ourcq, ✆ 03.23.55.26.57 / Calvados
✔ Les Journées d'amitié de la salons de la mairie du VIe arron- trinite.lacroix@free.fr ✔ Au Sanctuaire de Lisieux, du
paroisse et du patronage Notre- dissement. Vous êtes cordiale- Bas-Rhin 30 avril au 4 mai, un colloque
Dame du Bon Conseil auront lieu ment invités à cette manifesta- ✔ Les petites Sœurs Francis- thérésien sur la "Famille" est
les 11 et 12 avril (après-midi), tion culturelle chrétienne. caines, Accueil spirituel "Le prévu, à l'occasion du 150e anni-
et le 13 avril (toute la journée). ✔ A l'espace Georges Bernanos, Chant des Sources", 1 rue versaire de mariage des véné-
Nombreux stands : brocante, Association "Les Amis de Saint du Couvent, 67440 Thal- rables Louis et Zélie Martin.
livres, alimentation, artisanat, bar, Louis d'Antin", 4, rue du Havre, Marmoutier, ✆ 03.88.03.12.03, Avec des conférenciers : Mgr
bijoux, linge de maison, DVD... 75009 Paris, ✆ 01.45.26.65.26, fax 03.03.88.03.12.08, pro- Guy Gaucher (évêque émérite de
Rens. Paroisse Notre-Dame du fax 01.45.26.65.25, une confé- posent une retraite, pour tous, Bayeux-Lisieux), Mgr Jean-Charles
Bon Conseil, 140 rue de Clignan- rence est proposée dans le cadre du 31 mars (18h) au 5 avril (14h) Descubes (archevêque de Rouen),
court, 75018 Paris, ✆ 01.46.06. de l'Amitié Judéo-Chrétienne", «Tu as du prix à mes yeux et le Père Alain Mattheeuws, Mgr
39.80 / par.ndbc@libertysurf.fr, "L'antisémitisme catholique aux je t’aime», (Is.49), avec le Père Jean Laffitte, le Père Philippe
http://paroisse.ndbc.free.fr XIXe et XXe siècles, par le profes- Louis Guth, cssp. Egalement Bordeyne, Sr Christiane Hourticq,
✔ A l'occasion du 150e anniver- seur Paul Airiau, le 2 avril (18h, une Journée Compassion - Mme Walch. Ouvert à tout public.
saire des Apparitions de Lourdes, salle Péguy). Participation aux Expression Charismatique, est Rens. : Service Colloque 2008,
l'association Sénevé vous invite, frais 5 e. prévue le 6 avril (9h-18h30) "Il BP 62095, 31 rue du Carmel,
le 9 avril (19h30) à la salle de Aisne ne suffit pas de survivre, il faut 14102 Lisieux cedex, ✆ 06.
conférences du Mouvement pour ✔ La communauté de la Sainte renaître" (Roger Schutz), ani- 11.12.46.73 / 02.31.48.55.08,
l'Unité, 7 rue Palatine, 75006 Trinité propose une session de mée par le Père Paul Fohn. coltdl@therese-de-lisieux.com
Paris, à une conférence du Père guérison intérieure du lundi 21 ✔ Au foyer de Charité, 51 rue www.therese-de-lisieux.com
Jacques Nieuviarts (assomption- avril (17h) au samedi 26 avril Principale, 67530 Ottrott, ✆ 03. Côte-d'Or
niste, directeur du Pèlerinage (10h), sur le thème "Je répan- 88.48.14.00, fax 03.88.48.11.95, ✔ "Les anges dans la Bible et dans
National de Lourdes), sur le drai mon esprit sur ta race et info@foyer-ottrott.com, www. notre vie", confé­rence le 1er avril
thème "Lourdes : un message ma bénédiction sur tes des- foyer-ottrott.com, avec le (20h30) de Frère Philippe (moine
d'es­pérance et de paix pour le cendants" (Is 44,3) - Comment père Wolfram et Françoise cistercien à l'Abbaye de Cîteaux) ,
monde d'aujourd'hui". Libre par- vivre avec la grâce de Dieu les Froidevaux, une récollection est dans l'amphithéâtre du Centre
ticipation aux frais. Rens. : Sénevé apports positifs et négatifs des proposée le 6 avril (9h15-16h30) universitaire catholique de Bour­
01.47.09.00.87, www.seneve.eu antécécents familiaux et géné- «Qu’en est-il aujourd’hui du gogne (CUCDB), 69, av. Aristide-
✔ L’Association des écrivains rationnels, animée par Frère bonheur ?». Et aussi une retraite Briand, 21000 Dijon, dans le
catholiques de langue française Ephrem Yon. Inscriptions : frère en temps pascal est organisée cadre du cycle des conférences de
remettra le Grand Prix catho­ Ephrem Yon, Prieuré Saint Pierre du 7 au 13 avril "Sa miséricorde l'Asso­cia­tion Re­nais­sance, ✆ 03.
lique de littérature 2008 le 9 et Saint Paul, 02210 La Croix- s'étend d'âge en âge". 80.66.87.44. Entrée libre.

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ses. Si vous ne le souhaitez pas, il suffit de nous écrire ou de nous téléphoner et il en sera tenu compte immédiatement.

Gironde
✔ Dans le secteur paroissial de
Montagne-Saint Emilion, après la
réfection du beffroi, grâce à la
mairie et à l'association "Les Trois
Romanes", en l'église Saint-Martin,
deux cloches y seront ajoutées et
sonneront "pour la gloire de Dieu
et le salut des âmes". Ces cloches
seront bénies par le cardinal Jean-
Pierre Ricard, le 29 mars (17h).
Comme le veut le rite, elles porte-
ront des noms : l'une "Immaculée
Conception" (en cette année du 150e
anniversaire de la première apparition
de la Vierge à Bernadette, à Lourdes) ;
l'autre "Sainte Faustine" (en souve-
nir de Jean-Paul II qui avait une grande
dévotion à cette sainte qui lui a fait
découvrir les grâces de la Miséricorde
divine).
Haut-Rhin
✔ Les Sœurs de Saint Joseph
du Couvent Saint-Marc, Ac-
cueil Thérèse d’Avila, 68420
Gueberschwihr, ✆ 03.89.49.
22.98, organisent, du 30 mars
(17h) au 6 avril (14h), une
re­traite pour tous «L’Eucharistie
et la Parole de Dieu, aux sources
de notre vie de prière», animée
par le P. André Dukiel (recteur
du grand séminaire de Lor­raine).
Saône-et-Loire
✔ Un concert Gospel par
le Chœur "Family One" de la
Fondation d’Auteuil aura lieu
à la Basilique de Paray-le-
Monial le 29 mars (16h30),
dans le cadre des Fêtes de la
Miséricorde. Entrée gratuite
et participation libre. Rens. ✆
03.85.81.62.22.
IPC
✔ Les étudiants de l'IPC (Facul-
tés libres, 70 av. Denfert Rochereau,
75014 Paris) proposent, le 12 avril
(19h), une "Soirée-Spectacle",
au Théâtre de l’Avant-Seine,
88 rue Saint-Denis, 92700
Co­l ombes. Avec sketches,
danses, interprétations musi­cales,
suivis de l'opérette "Princesse
Czardas" de Emmerich Kalman.
Tarif 15 e, réduit 10 e. Rens.
✆ 06.61.83.14.64.
Prophètes et témoins aujourd'hui
✔ Une session de rencontres,
conférences et témoignages
aura lieu du 1er au 4 mai, dans
l'Etablissement Catholique d'En-
seignement Sainte Croix - Saint
Euverte, 28 rue de l'Etelon, à
Orléans, sur le thème "Prophètes
et témoins aujourd'hui" avec
Jeanne d'Arc, soleil de notre his-
toire, messagère et annonciatrice
de la Mission de France, avec le
Père Mengin, de Domrémy (vil-
lage natal de Jeanne d'Arc) , Joseph
Corre (Icône de Marie et Revue
Pierre) , le Père René Laurentin,
le père Patrick de Laubier... Frais
de la session complète : 120 e.
Rens./inscriptions : Association
Témoins de l'Amour et de l'Espé-
rance, 3 rue des Acacias, 85340
Olonne-sur-Mer.
Pèlerinages
✔ Du 17 au 25 août 2008,
pour les 18-30 ans, un pèleri-
nage avec Pax Christi Jeunes, à
Lourdes est prévu "Heureux les
artisans de Paix !" (Matthieu, 5,
9). Avec des temps de service et
de rencontres sur la paix, service
à la Cité Saint-Pierre et auprès
des ma­lades, rencontres avec
des témoins de paix, partage,
prière, marche, détente, fête...
Tarif : 60 e, transport non com-
pris. Rens. : Pax Christi - France,
5 rue Morère, 75014 Paris, ✆
01.44.49.06.36 / pax.christi-
france@wanadoo.fr / www.pax-
christi.cef.fr
✔ Avec le Mouvement Ré­s ur­
rection, la Communauté Aïn
Karem, l’Arche de Noé, la col-
légiale de Provins, la FratJAK et
les jeunes des paroisses Saint
Ferdinand-des-Ternes et Saint
Christophe-de-Javel, du 31 mai
(8h30, à la Porte d'Orléans, 75014
Paris) au 1er juin (20h), un péleri-
nage est organisé avec 6 façons
de marcher... pour tous les âges,
vers la basilique de Vézelay sur
le thème "Dieu Père. Comment
Dieu est-il Père ?". La route rouge
s'adresse aux étudiants et aux
jeunes qui sont entrés dans la vie
professionnelle, ✆ 06.13.79.36.26.
La route orange s'adresse aux jeu-
nes collégiens et lycéens, ✆ 06.
62.28.60.98. La route verte est
destinée aux adultes en bonne
forme, ✆ 06.88.90.55.13. La route
pistache s'adresse à des jeunes
de 8 à -10 ans, ✆ 01.60.58.08.07.
La route jaune a été étudiée pour
permettre aux parents, comme
aux enfants, de participer dans un
cadre reposant, ✆ 02.35.14.93.92.
La route bleue pour les plus
anciens qui sont chaleureusement
accueillis lors de ce pèlerinage,
si la marche sera plus symbo-
lique que réelle, les moments
les plus importants seront parta-
gés avec toutes les générations
(veillée de prière à Chatel Censoir,
montée vers la Basilique et messe
dominicale), ✆ 06.08.14.30.95.
Hébergement en gîte, dortoirs ou
chambres à plusieurs lits, tentes,
salles polyvalentes. A emporter  :
3 repas (pique-nique)  ; Bible  ;
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Courriel : mouvement@mouve-
ment-resurrection.org
Pour passer un communiqué,
contactez : brigitte.pondaven@wanadoo.fr
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ou inscrivez-le directement sur :
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sur notre compte chèques postal SCE 43 553 55 X La Source, ou
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bloc-notes, forfait : 20 
➥ Hauts-de-Seine, l'ensemble scolaire Saint-Gabriel,
22 rue de la Lisette, 92220 Bagneux, tél. 01.46.57.
61.22, fax 01.46.57.71.11, propose une journée "Portes
ouvertes" le 29 mars (9h30-16h).
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FRANCECatholique n°3112 28 mars 2008 39
 Lavage oculaire à l’eau d’Hamamélis

CE 0459
- Crédit photo : Hode Abstract/Images photos - S. Fédérowsky
Hamamelis virginiana L.

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