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Économies, Sociétés,
Civilisations
Abstract
The anthropology of economics and the politics of historical transformation in the Ottoman EmpireI. Sunar This essay attempts
to place the problem of Ottoman transformation within the world system perspective without, however, reducing the role of the
state either to international dynamics or the interests of social groups. Hence, while the emergence of the European world
market economy (and the concomitant international system of states) is viewed as the prime mover of Ottoman transformation,
the significance of the Ottoman state both in its role as the constitutive center of imperial economic organization and its role as
the determining power of society's response to the challenges posed by international developments is acknowledged and
explained. The transformation itself is viewed as the consequence of a complex interaction among the exigencies of the state,
the pressures of the international state system, and the interests of internal social classes.
Sunar Ilkay. Anthropologie politique et économique : l'Empire ottoman et sa transformation. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 35ᵉ année, N. 3-4, 1980. pp. 551-579;
doi : 10.3406/ahess.1980.282654
http://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1980_num_35_3_282654
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l'inflation effrénée, frappent durement les groupes, dans l'Empire, qui dépendent
largement de transactions monétaires pour leur subsistance. Le problème
traditionnel de l'économie avait été le manque d'espèces monétaires. Avec l'afflux
d'argent, ce problème est inversé : la spéculation, la contrefaçon, la contrebande
et l'usure deviennent rampantes. En réponse, l'État dévalue et altère la monnaie.
Résultat : un terrible écrasement des revenus fixes, un abaissement de la valeur
des matières premières alors exportées, déversées en grandes quantités, laissant les
métiers locaux privés de matières premières pour leur propre usage. Par
conséquent, ce qu'on observe dans l'Empire du début du xvne siècle, c'est une
grande pression sur les revenus fixes, la stagnation de l'industrie manufacturière,
la plus grande commercialisation de l'agriculture.
En troisième lieu, l'effet de la commercialisation sur la paysannerie est
double : elle conduit, d'une part, à l'augmentation des prestations de travail ;
d'autre part, à l'abandon des terres quand les paysans ne peuvent pas payer leur
loyer en argent. Un grand nombre de paysans migrent vers les villes ou
alimentent les armées rebelles. Il semble que les rébellions aient duré tout le
xviie siècle, et qu'elles aient été surtout des actes de pillage contre les fermiers
d'impôts, organisés par l'ancienne noblesse militaire (sipahi) et, en fait, par les
gouverneurs de province qui vont jusqu'à contester l'autorité de l'État 25. Elles
finissent par s'éteindre, mais leur impact direct et indirect sur la structure sociale
est considérable.
Les troupes de paysans partant en masse vers les villes ne peuvent pas être
absorbées par une industrie stagnante, bien protégée par son statut de monopole.
Ne pouvant faire irruption dans le système des corporations, ils remplissent les
rangs des écoles militaires et religieuses. Il en résulte un profond mécontentement
chez les étudiants et chez les janissaires. Le nombre des janissaires, par exemple,
passe de 1 0 000 à 40 000 entre le milieu et la fin du xvie siècle. Il n'est pas
étonnant que Koçi Bey déplore la dégénérescence de l'infanterie : au xvne siècle,
ce qui avait été la formidable machine militaire ottomane est corrompu et
démoralisé.
Quatrième point : la commercialisation de l'agriculture affecte aussi
considérablement la hiérarchie patrimoniale. Un des griefs majeurs de Koçi Bey
est, en fait, la corruption répandue dans l'élite patrimoniale. On comprend mieux
le problème si on s'interroge sur les nouveaux propriétaires, les fermiers d'impôts,
qui viennent remplacer les sipahis. Qui sont-ils ? Trois groupes semblent assez
riches pour affronter la mise aux enchères des terres ; les marchands, usuriers
compris, les notables locaux et les bureaucrates patrimoniaux de haut niveau. Les
bureaucrates de haut rang détiennent aussi des bénéfices, mais ils vivent dans un
malaise permanent du fait de la pratique fréquente, de la part du sultan, de
confisquer (miisadere) la richesse bureaucratique, particulièrement en temps de
difficultés financières. C'est pourquoi, quand la commercialisation de l'agriculture
fait de la terre une source de revenus attirante, non seulement les marchands et les
notables locaux, mais aussi l'élite bureaucratique se portent acquéreurs de terres.
C'est cette transformation des bureaucrates patrimoniaux que Koçi Bey déplore.
Traditionnellement, l'élite politique était sans attaches sociales ; au xvne siècle, elle
commence à acquérir des intérêts sociaux contradictoires avec ses fonctions
patrimoniales. Bientôt, elle cesse d'être le gardien platonique de l'État. Son
pouvoir politique lui sert plus de moyen d'acquérir la richesse sociale que
d'instrument de justice.
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Au total, l'Empire ottoman aux xvne et xvine siècles est caractérisé par des
développements qui tirent leur origine de l'articulation de sa structure
redistributive avec l'économie de marché mondial européenne. Le plus
fondamental de ces développements est la dissolution du système du timar dans
l'agriculture, avec le passage à un système de production pour le marché. En
même temps, les petites exploitations paysannes cessent d'être l'unité de
production dominante qui assurait la plus grande partie du revenu agricole. Elles
sont remplacées par de grands domaines, sous la forme de Yiltizam (ferme des
impôts), du malikane (ferme à vie) et du çiftlik (domaine). Les terres waqf,
domaines donnés par les croyants, en principe, à des corps religieux, augmentent
aussi sensiblement et sont finalement utilisées par ceux qui les détiennent comme
leur propriété.
Quand le système du timar se décompose, le nouveau réseau de relations qui
émerge à sa place pénètre tout l'ordre ottoman et change substantiellement la
structure du patrimonialisme ottoman. C'est-à-dire que, plus l'organisation de la
vie économique est soumise à la dynamique du marché mondial, plus le schéma
traditionnel des relations est remplacé par de nouveaux schémas.
Dans le dispositif ottoman traditionnel, les communautés agraires, intégrées
verticalement dans les institutions étatiques, formaient des îlots de conservatisme
politique et culturel, peu ou pas favorables au développement de classes. Le
passage à l'agriculture spéculative change ce paysage tranquille : le travail
domestique se diversifie sous les formes du métayage, du fermage, du travail
salarié, etc., tandis que, remplaçant le sipahi superposé à l'exploitation
domestique, le détenteur du domaine s'intercale entre la famille et ses moyens de
production 26. De plus, l'État ne peut pas exercer sur les possesseurs de domaines
le même contrôle que sur les sipahis ■. quoique formellement soumis au contrôle
de l'État, les premiers deviennent de plus en plus autonomes par leur articulation
au marché mondial. En somme, la production de surplus comme l'organisation
de l'échange devenant moins une fonction de l'État et davantage une question de
production et d'échanges pour le marché mondial, toute la base de stratification de
l'Empire ottoman en "est compromise : surimposé à un système de stratification
fondé sur l'association avec l'État, émerge un système de classes fondé sur
l'association avec le marché.
C'est ce nouveau réseau de relations fondées sur le marché, et l'autonomie
relative qu'il engendre pour les détenteurs de domaines, qui culminent, semble-t-il,
avec le soulèvement des ayan contre le pouvoir de l'État au début du xixe siècle.
En 1 808, quand l'État est forcé de reconnaître par un accord le pouvoir des ayan,
nous assistons — dans la terminologie de Perry Anderson — à la parcellisation de
l'autorité 27. Mais non pas comme conséquence d'une distribution verticale de la
souveraineté, qui caractérise le féodalisme occidental, mais comme conséquence
de la dissociation verticale, qui est fonction de l'intégration horizontale du système
domanial au marché mondial. Par une ironie du sort, 1808 marque le point de
l'histoire ottomane où la préoccupation coutumière de l'État — ses intérêts
financiers — entre en collision avec lui sur le plan politique : les effets cumulatifs
de ses préoccupations financières donnent naissance à une constellation de
groupes sociaux qui, à la longue, contredisent le pouvoir patrimonial de l'État.
Tels sont les changements structuraux subis par l'économie politique
ottomane pendant la phase agraire de l'économie marchande mondiale.
Fondamentalement, nous observons dans l'Empire ottoman l'ébranlement des
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commerce de transit qui traversaient les territoires ottomans. A mesure que cette
circulation décline et que le commerce extérieur change de nature, la structure, le
lieu et les dimensions des villes ottomanes changent aussi. L'économie ottomane
s'ouvrant à l'ouest, tout l'alignement des villes se déplace vers les côtes,
particulièrement dans les Balkans accessibles à l'Occident. Les régions
occidentales de l'empire, en général, les villes côtières en particulier, prospèrent
tandis que les cités continentales tombent en décadence n. L'Anatolie — surtout
l'Anatolie orientale — reste jusqu'au xixe siècle la moins touchée par l'esprit
marchand qui rayonne depuis l'Europe. C'est pourquoi les régions orientales de
l'empire sont aussi victimes de la « périphérisation ».
Un autre groupe malheureux dans cette économie périphérique : par ironie,
les marchands orthodoxes des Balkans. Mécontents, non pas de s'appauvrir, mais
de ne pouvoir conserver tout ce qu'ils gagnent, ils restent les reaya (sujets) de
l'empire, soumis à des impôts discriminatoires. Ces marchands ont surgi comme
des intermédiaires entre les propriétaires fonciers musulmans et les marchands
européens : intéressés à l'intégration périphérique, ils sont limités dans leur
mobilité économique et sociale par le monopole musulman sur la terre et le
fardeau des impôts ottomans.
Comparée à la vie des Turcs, écrit un Bulgare, notre vie était manifestement
ďun niveau supérieur. Prenez les moyens d'existence. Pour les Bulgares, ils
étaient tellement divers : il n'y avait pour ainsi dire pas de métier ou de branche
du commerce où ils ne fussent pas représentés. Quant aux Turcs, l'agriculture,
c'est tout ce qu'ils connaissaient. Et nos dirigeants, nos marchands et nos
chorbajis (notables villageois), combien ils dépassaient le peuple dirigeant turc par
leur vivacité d'esprit, leur conscience nationale et leur fortune monétaire ! Et
malgré cela, nous, les Bulgares, éprouvions une peur inconsciente des Turcs. La
peur de tous les nôtres pour les Turcs venait du fait que même si nous vivions
dans les villages sans être opprimés par eux, nous sentions néanmoins qu'ils
étaient les maîtres... Tout le pouvoir était turc. Le royaume était turc. Et nous, les
Bulgares, étions leurs sujets ".
Il n'est pas surprenant que, partie de l'élite, les marchands soient devenus les
leaders des mouvements nationalistes-séparatistes des Balkans, et qu'ils aient reçu
le soutien de la paysannerie 34. Car si les propriétaires étaient pour la plupart
d'origine musulmane, les paysans, comme les marchands, étaient des chrétiens
orthodoxes.
Et puis il y a, bien sûr, le développement contradictoire des intérêts de l'État
ottoman et de ceux de la classe supérieure des propriétaires fonciers musulmans.
Principalement les ayan dont le pouvoir tient surtout à l'incorporation de
l'économie ottomane et à l'évolution corrélative du régime foncier. Comme nous
l'avons indiqué plus haut, à la fin du xvine siècle, les ayan se sont mués en
puissants derebeys, contrôlant une masse considérable de terres et de main-
d'ceuvre, équipés d'armées personnelles, capables de tenir tête à l'autorité de
l'État, et déterminés à établir des souverainetés régionales 35. A cette force
montante, l'État réagit d'abord en essayant de la placer sous son contrôle par des
mesures de centralisation : efforts rapidement interrompus quand l'Etat est
contraint de signer la convention de 1808 avec les ауап. Cet accord légitime en
fait le statut des ауап et leur étend les immunités dont jouissaient jusqu'alors les
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marchands minoritaires et étrangers. Il anticipe aussi sur les conflits ultérieurs qui
devaient s'élever entre les ayan et l'État.
Dernière tension enfin : entre l'État ottoman et les États extérieurs de
l'économie mondiale. L'incorporation de l'économie ottomane au système
mondial
s' assurantintéresse
les matières
autant
premières,
les Étatsle européens
second finançant
que l'État
son ottoman,
trésor épuisé.
les premiers
Mais les
intérêts respectifs des uns et de l'autre ne sont ni identiques ni permanents.
Finalement, le statut incorporé de l'économie ottomane affaiblit l'État et réduit cet
empire naguère puissant à un statut périphérique dans le système mondial. C'est
pourquoi, il est important de savoir le rôle exact des Etats dans l'économie
mondiale. Question pertinente, car les États du système mondial ne sont pas
simplement des objets passifs soumis au libre fonctionnement du système
mondial. Au contraire, ils interviennent activement dans les opérations de
marché ; leur position structurale respective change avec le temps, dans une
relative indépendance par rapport à la structure de classes de leur société. Quand
s'ouvre le xixe siècle, la position de l'État ottoman et les changements qu'il subit
ne peuvent pas s'expliquer seulement par ses relations avec les forces internes
évoquées plus haut, mais dans le schéma d'interaction avec les autres États du
système mondial.
Sur la scène du Proche-Orient au début du xixe siècle, les acteurs principaux
sont l'État ottoman, la Grande-Bretagne, la Russie, la France et l'Autriche. La
politique de ces États diffère considérablement, mais chacun présente une version
différente de leurs intérêts globaux. La Russie, l'Angleterre, la France et
l'Autriche soutiennent des politiques concurrentes sur ce qui est dès lors la
« Question d'Orient » 36. En fait, la question d'Orient elle-même naît des conflits
d'intérêts entre les États européens, quand l'économie mondiale entre dans la
période de capitalisme industriel. Le caractère particulier de cette période du
début du xixe siècle est l'industrialisation rapide de l'Angleterre et sa suprématie
commerciale et industrielle croissante, qui stimule la compétition politique,
militaire et économique dans l'ensemble du système mondial européen.
Au Proche-Orient, la Russie figure parmi les candidats principaux au pouvoir.
Son objectif: conserver le contrôle des Détroits qui lui donnent accès à la
Méditerranée. Elle peut l'atteindre soit car la défaite et la partition de l'empire, soit
par un protectorat virtuel sur un État ottoman faible et subordonné. Au
xixe siècle, que la stratégie russe oscille entre les deux politiques selon la
conjoncture, la pression et la menace sur l'État ottoman restent constantes. Sur le
front occidental européen de l'empire, l'Angleterre aspire à la suprématie sur le
marché mondial, suivie par la France, qui tente encore, cependant, de briser
l'hégémonie britannique menaçante. L'expédition de Bonaparte en Egypte en
1 798 avait échoué, de même que devait échouer la stratégie du blocus continental.
Mais la France fera une dernière tentative en soutenant Muhammad Ali en
Egypte, contre le sultan, dans les années 30. La menace de Muhammad Ali oblige
cependant le sultan à conclure un traité d'amitié avec la Russie en 1833, ce qui
met l'Angleterre en alerte et, ultérieurement, fournit la base de l'alliance anglo-
ottomane. C'est seulement deux décennies plus tard que l'Angleterre et la France
s'uniront pour entraîner l'Empire dans la guerre de Crimée contre la Russie.
En somme, la pression des États étrangers combinée avec les mouvements
nationalistes naissants dans les Balkans et la montée des ayan, exerce une énorme
tension sur l'État ottoman et le menace d'écroulement militaire, administratif et
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L'ISLAM ET LE POLITIQUE
financier. Pourtant, il survit pendant tout le xixe siècle. Comment ? Pour dire les
choses brièvement, il survit parce qu'une série d'innovations institutionnelles sont
entreprises, qui devaient servir de support à sa renaissance. Mais le prix de cette
renaissance était inscrit dans ces innovations mêmes : le sous-développement de
l'économie ottomane. C'est le grand paradoxe de l'Empire ottoman, reflété dans
sa structure globale au xixe siècle. Au fond, l'ordre ottoman devient une
composition hybride dont la modernisation de surface trahit continuellement un
processus souterrain de sous-développement. Il est important, par conséquent, de
s'arrêter sur ces innovations pour comprendre les développements paradoxaux du
xixe siècle. Cela, en situant les forces en action derrière les développements eux-
mêmes.
\jsl Grande-Bretagne figure parmi les avocats et les partisans résolus des
réformes dans l'Empire ottoman. Face aux empiétements russes et au traité de
1833, qui donne virtuellement à la Russie un contrôle de protectorat sur l'empire,
la politique manifeste de l'Angleterre est de soutenir à tout prix les Ottomans
contre la Russie. « Préserver l'intégrité territoriale de l'Empire ottoman » : telle est
la politique britannique au Proche-Orient jusqu'à la fin des années 1 870, en dépit
de ses incohérences ou des sympathies et du soutien variables accordés aux
nationalismes dans les Balkans. C'est aussi la politique qui divise ceux qui
étudient l'Empire ottoman au xixe siècle : prenant au sérieux les prétentions des
Anglais à être les vrais architectes de la période des réformes {Tanzimat, 1839-
1876), certains les ont salués comme les précurseurs authentiques de la
modernisation turque, tandis que d'autres les condamnent comme impérialistes,
responsables seulement du sous-développement et de l'effondrement ottomans.
Ces deux positions s'appuient sur la même hypothèse de la suprématie
britannique, mais insistent sur deux aspects opposés de ses résultats :
modernisation d'un côté, sous-développement de l'autre. Une troisième position
s'est cristallisée autour de la notion de « modernisation défensive » qui, infirmant
la suprématie britannique, assigne à l'État ottoman une sorte d'indépendance
presqu'absolue dont il n'a jamais joui. C'est pourquoi, selon moi, la période des
réformes et le processus de sous-développement qui l'accompagne ne peuvent
être compris ni par les seules pressions extérieures ni par le simple
fonctionnement du système ottoman. Quoiqu'il faille reconnaître la primauté au
système étatique international, quoique les paramètres des développements du
xixe siècle ottoman résultent de contraintes extérieures, il reste que la matrice
compétitive du système-monde international laisse à l'État ottoman une
autonomie relative qui, à son tour, lui permet de rechercher des alliances dont il
tire bénéfice. Si le soutien britannique à l'État ottoman est vital, la survie
ottomane est aussi vitale aux intérêts britanniques. C'est pourquoi il me paraît
faux de voir ces réformes comme surgies d'une source unique. Les innovations
m'apparaissent plutôt comme le produit condensé d'une conjoncture
surdéterminée par la position particulière de l'État ottoman vis-à-vis du système
international externe, et par la structure interne des classes sociales.
Prévenir l'effondrement militaire et administratif exigeait des mesures de
centralisation et de rationalisation de l'autorité en général, la modernisation de
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finalement en les court-circuitant par une alliance avec le capital marchand. Cette
politique composite a été appliquée dans des proportions variables tout au long du
Tanzimat, mais avec des effets contraires dans chaque cas.
Les efforts pour éliminer la classe possédante et les pashas corrompus restent
sans conséquences : ils sont trop solidement installés dans l'économie
périphérique et dans les pratiques fiscales de l'État ottoman. Chaque tentative pour
affermir les tenures paysannes obtient des résultats contradictoires : d'abord,
Г État demandant plus d'impôts sans rendre de services, cela rend le propriétaire
foncier plus sympathique au paysan, car au moins les propriétaires remplissaient
un minimum de services sociaux en échange de l'exploitation des paysans. Autre
effort dans le même sens : le code de la terre de 1858, prévu pour renforcer les
tenures paysannes en leur garantissant un titre direct à la terre 40. Le résultat, une
fois de plus, n'est pas l'élimination des groupes intermédiaires entre l'exploitation
paysanne et l'État, mais la consolidation de la possession de la terre par les ayan et
les eçraf. Une autre tentative a encore des effets contraires : l'institution des
assemblées consultatives provinciales avait pour but d'incorporer les pouvoirs
locaux dans la structure administrative, et de les utiliser comme agents non
bureaucratiques de collecte des impôts 41. En pratique, ces assemblées se révèlent
comme des bases de pouvoir pour les groupes locaux qui les utilisent pour
consolider leur résistance à l'autorité centrale.
En contraste avec sa politique hésitante à l'égard des propriétaires terriens, la
politique la plus constante de l'État pendant le Tanzimat est sa confiance —
quelque peu réservée, mais inévitable — dans la classe marchande. Cette
confiance /alliance était destinée à contourner la classe possédante pour fournir
plus de revenus à l'État et, en même temps, pour gagner le soutien des marchands
orthodoxes et des Anglais. Les conséquences contraires de cette alliance dépassent
toutefois largement ses effets sur les classes propriétaires : elle élimine la classe des
marchands musulmans, détruit l'industrie manufacturière ottomane, nourrit les
aspirations nationalistes. Plus fondamentalement, elle reproduit les relations
périphériques à un degré plus intense d'intégration, en soumettant l'économie à
une désarticulation croissante, à une hémorragie de surplus, et en contractant les
revenus de l'État 42.
Du point de vue de celui-ci, l'alliance avec les marchands, plus exactement,
avec les marchands issus des minorités, a les avantages suivants : 1 °) des échanges
plus actifs avec l'Europe occidentale en général, la Grande-Bretagne en
particulier, soumettraient la paysannerie à une commercialisation plus forte et par
là, produiraient des rentes en argent pour l'État ; 2°) la taxation d'un volume
croissant de commerce augmenterait les revenus de l'État ; 3°) encourager les
minorités et les étrangers à s'engager dans le commerce protégerait l'État contre la
menace d'ascension d'une classe de rentiers du sol, puisque l'accès à la terre était
interdit aux minorités et aux étrangers ; 4°) le capital accumulé par les marchands
des minorités ne pouvant pas s'investir directement dans la terre, fournirait à
l'État les prêts et les crédits dont il aurait besoin, les marchands assurant ainsi la
fonction nécessaire de banquiers de l'État ; 5°) la politique de commercialisation
croissante satisferait les intérêts britanniques comme ceux des minorités et les
gagnerait à l'État.
C'est à la lumière de ces calculs fondés sur la relation de l'État aux forces
internes et externes que nous devons interpréter la politique de liberté du
commerce du Tanzimat. Celle-ci profiterait sans doute aux capitalistes
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son inclination pour les profits faciles, qui ne changent pas l'organisation sociale
de la production agricole n'est pas a-typique. En réalité, non seulement les
propriétaires terriens, mais les marchands et l'État rivalisent pour le surplus
agricole. Et personne n'a intérêt à transformer la nature extra-économique de
l'extraction de surplus de l'agriculture. Les différences entre les uns et les autres se
résument à ceci : l'État a intérêt à préserver et à étendre la tenure paysanne libre
dans un but fiscal 45, le propriétaire foncier a intérêt à les garder sous sa
domination. Pour le marchand, peu lui importe avec qui il traite aussi longtemps
qu'il peut compter sur quelqu'un pour lui livrer les matières premières et lui
fournir un marché pour ses ventes. Il se trouve qu'il ne peut pas s'appuyer sur la
famille paysanne : les demandes croissantes de l'État obligent les paysans à
travailler comme métayers pour les propriétaires, qui peuvent accorder des crédits
en argent aux paysans pour le paiement de leurs impôts, et qui leur assurent aussi
des services sociaux. C'est pourquoi les doléances paysannes au xixe siècle sont
dirigées plus souvent contre l'Etat que contre les propriétaires fonciers. La
paysannerie préfère le patronage du propriétaire à celui de l'État. Les propriétaires
fonciers contrôlent ainsi de plus en plus de main-d'œuvre et de terre, aux dépens
du pouvoir et des ressources de l'État.
La classe marchande partage avec les propriétaires fonciers et l'État une
attitude conservatrice à l'égard des rapports sociaux de production, quoiqu'elle
exerce une fonction transformatrice des schémas de production et de
consommation. Cette attitude conservatrice reflète son inaptitude à transformer
l'organisation sociale de production sans l'appui d'une autre force. Le capital
marchand circule entre des domaines de production séparés : les marchands ne
peuvent donc pas transformer des espaces qu'ils ne contrôlent pas. Pourtant, les
marchands ne sont pas moins intéressés que quiconque à devenir rentiers du
sol 4б. Ce débouché leur est fermé puisque la propriété de la terre est un monopole
des musulmans. Par conséquent, le capital marchand, confiné dans la circulation,
remplit plusieurs fonctions. Il fait office de banque pour l'État, qui dépend
lourdement des sarraf pour ses emprunts au xixe siècle ; c'est aussi l'argent caché
derrière les fermiers d'impôts, les pachas corrompus et les bénéficiaires de
monopoles (mukataa). Néanmoins, le groupe montant des marchands, surtout
dans les Balkans, est de plus en plus frustré par la contradiction entre leur richesse
et leur absence de pouvoir politique et de prestige social. Il n'est donc pas
surprenant de les voir agiter les reaya chrétiens contre les propriétaires
musulmans des Balkans et diriger les mouvements nationalistes contre l'État. En
bref, la politique de libre-échange, en développant le capital marchand et en
isolant la richesse foncière, alimente les aspirations nationalistes autant que la
discrimination ethnique qui frappe les marchands et que la protection qu'ils
reçoivent des puissances étrangères.
Finalement, il faut mentionner les conséquences contraires de l'essor de la
production pour l'exportation sur la structure articulée de l'économie ottomane, et
celles de l'essor des importations sur le volume des revenus de l'État. La
production croissante de marchandises pour l'exportation approfondit
simplement la désarticulation de l'économie ottomane : des segments de plus en plus
dissociés les uns des autres sont de plus en plus rattachés au marché extérieur. Les
centres urbains se déplacent vers les régions côtières, notamment en Syrie, en
Palestine et en Anatolie. La construction des chemins de fer et des moyens de
communication engage directement plus de régions dans la production pour
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Ilkay Sunar
Bogazici Universitesi
Bebak, Istanbul
NOTES
* Je voudrais remercier Serif Mardin pour ses commentaires sur une version antérieure de ce
papier.
1 . Pour la définition de la redistribution comme mode d'organisation économique, Primitive,
archaic and modem economics : essays of Karl Polányi, Georges Dai.ton éd., New York, Anchor
Books, 1964.
2. « Économie mondiale » et « Empire- monde » sont les concepts employés par Immanuel
Wai.ierstein dans son essai, « The rise and future demise of the world capitalist system »,
Comparative studies in society and history, XVI, 4, sept. 1 974. Mon utilisation du concept
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d'économie mondiale diffère de celle de Wallerstein sur deux points. Premièrement, Wallerstein
semble l'utiliser pour les « systèmes- mondes » marchands ou prémarchands, tandis que je me
réfère exclusivement aux systèmes économiques dominés par le marché. Deuxième point, peut-être
le plus important : Wallerstein réduit la structure et le rôle des États à l'intérieur de l'économie
mondiale aux processus de commercialisation et aux intérêts de la classe dominante déterminés par
la situation du marché ; dans ce qui suit, je traite des États comme des structures relativement
autonomes liées à la dynamique des rivalités militaires internationales et à la conjoncture mondiale
— géopolitique autant qu'économique — à laquelle ils participent. Par ailleurs, la meilleure analyse
des empires comme unités politiques se trouve dans S. N. Eisenstadt, The political systems of
empires, New York, The Free Press, 1 969.
3. Comme j'essaierai de le démontrer plus loin, un système unique ne signifie pas
nécessairement un ensemble formé de parties identiques.
4. Karl Polanyi, « The economy as instituted process », dans Dai.ton éd., op. cit., pp. 1 39-1 74,
trad, frse : M. Godeijer, Un domaine contesté, l'anthropologie économique, Paris, Mouton, 1974,
pp. 153-181.
5. Pour une définition plus détaillée de l'économie paysanne, Daniel Thorner, « Peasant
economy as a category of economic history », dans Peasants and peasant societies, Teodor Shanin
éd., Harmondsworth, Penguin Books, 1971.
6. Je dois dire ici que, dans ma réflexion sur l'organisation économique ottomane, j'ai tiré
profit des discussions de Marshall Sahlins sur l'économie de l'âge de pierre. Quoique M. Sahlins
n'essaie pas d'expliquer les économies paysannes, Г « idéal-type » qu'il construit tire la plupart de
ses éléments des études sur les paysanneries, et les autres s'appliquent aussi bien aux économies
paysannes. Voir Stone-age economics, Chicago, Aldine-Atherton, 1972, trad, frse. Age de pierre,
âge d'abondance, Paris, Gallimard, 1976. De notre point de vue, ce qui paraît important est sa
tentative de synthèse des efforts antérieurs vers un retour théorique aux systèmes prémarchands.
Sahlins soutient que, dans ces systèmes, l'économie n'est pas une structure spécifique, avec son
ordre inhérent. Au contraire, la spécificité et la forme de l'activité économique dérivent des
structures de la parenté, des structures religieuses ou politiques. Sans doute Sahlins tire-t-il son
inspiration première de Karl Polanyi ; il y ajoute cependant une touche de structuralisme, et Marx.
Par des voies et sur une base conceptuelle différentes, M. Godelier et E. Terray insistent aussi sur
les éléments « superstructurels » de la vie sociale. Voir M. Godeuer, Horizons, trajets marxistes en
anthropologie, Paris, Maspero, 1973, trad, angl.. Perspectives in marxist anthropology, Cambridge,
Cambridge Univ. Press, 1977. E. Terray, Le marxisme devant les sociétés primitives, Paris,
Maspero, 1969, trad, angl., Marxism and 'primitive' societies, New York, Monthly Review Press,
1972.
7. Le premier article qui soutient que l'économie n'a pas de surplus est celui de Harry Pearson,
« The economy has no surplus », dans Trade and market in early empires, Arensberg, Pearson et
Polanyi éds. New York, The Free Press, 1957, trad. frse. Les systèmes économiques dans l'histoire
et dans la théorie, Paris, Larousse, 1975, 348 p. Pearson soutient que si le surplus absolu est
impossible à estimer, le surplus relatif est socialement institué.
8. Sur le statut de l'exploitation paysanne dans l'Empire ottoman. Orner Lùtfi Barkan,
« Osmanli Imparatorlugunda Çiftçi Siniflannin Hukukî Statusu », Ulkti, 9/49, 50, 53 ; 10/56, 57,
59 ( 1 937- 1 938) ; « Turkiye' de Toprak Meselelerinin Tarihi Esaslan », Шей, 11/61,63.64(1938):
« Turkiye 'de Servaj Var Miydi ? ». Belleten, 20/78 ( 1 956). Sur le statut de la terre et le système du
timar, Orner Lùtfi Barkan, XI ve XVI Asirlarda Osmanli Imparatorlugunda Zirai Ekonominin
Hukuki ve Mali Esaslan, Istanbul, Edebiyat Fakiiltesi Yayinlan, 1943; Halil Inaicik, «Land
problems in Turkish history », The Muslim World, 45, 1955 ; « Ottoman methods of conquest ».
Studia islamica, 2. 1954; Mustafa Akdag. Tùrkiye'nin Içtimai ve Iktisadi Tarihi, Ankara, Dil-
Tarih Cografya Fakiiltesi Yayinlan, vol. I, 1959 ; vol. II, 1971.
9. Il est certain que, sans l'Empire ottoman, ce que nous trouverions empiriquement, ce sont
des groupes éclatés, chacun d'entre eux étant centré sur une autorité princière, ou même des unités
plus petites, organisées autour d'un leadership religieux ou fondé sur la parenté. Le point
important, structural, est que ces ensembles microcosmiques ne seraient nullement différents de
l'empire macrocosmique : les uns et l'autre seraient des totalités non économiques. Pour les origines
de l'État, dans le cadre de cette problématique, il faut les chercher dans ce que Thomas Hobbes
appelle « warre ». Il est sans doute difficile, comme M. Godelier l'indique, de marquer la limite où
s'arrête la réciprocité (redistributive) et où l'exploitation commence. Dans le cas de l'Empire
575
L'ISLAM ET LE POLITIQUE
ottoman, on peut affirmer sûrement que cette limite était dépassée : pour employer les termes de
Sahlins, c'est la réciprocité négative et la réciprocité asymétrique qui prévalaient dans la relation
entre l'État et l'unité domestique. C'est pourquoi j'ai reconnu à l'État une double fonction : le
maintien de l'ordre général et, difficilement isolable du précédent, le maintien de l'ordre de
stratification. Voir M. Godeuer, op. cit., dernier chapitre. M. Sahmns, Tribesmen, New Jersey,
Prentice Hall, 1968, chap. 2. Morton Friedman, The evolution of political society, New York,
Random House, 1967, chap. 7.
10. Sur la nature de l'État ottoman, Halil Inalcik, « Osmanli Padisahi », Siyasal Bilgiler
Fakiiltesi Dergisi, III, dec. 1958; Osmanh Hukukuna Giris, « Órfi-Sultaní Hukuk ve Fatih
Kanunlan », Siyasal Bilgiler Fakiiltesi Dergisi, XIV, juin 1958: «The nature of traditional
society ». dans Political modernization in Japan and Turkey, Robert Ward et Dankwart Rustow
éds, Princeton, Princeton Univ. Press, 1964.
1 1 . C'est la reformulation par Raymond Firth du principe de Marx, « de chacun selon ses
capacités, à chacun selon ses besoins », Elements of social organization, Boston, Beacon Press,
1970, p. 142.
12. J'entends par « cercle de l'équité » la maxime ottomane traditionnelle selon laquelle celui
qui gouverne « n'aurait pas de pouvoir sans soldats, pas de soldats sans argent, pas d'argent sans le
bien-être de ses sujets, pas de sujets sans justice », développée dans Norman Itzkowitz, Ottoman
Empire and Islamic tradition, New York, Alfred A. Knopf, 1972 et Sencer Divitçiogi.u, Asya
Uretim Tarzi ve Osmanh Toplumu, Istanbul, Iktisat Fakùltesi Yayinlan, 1967.
13. Polanyi, op. cit.
14. Gabriel Baer, « The administrative, economic and social functions of the Turkish guilds »,
International journal of Middle East studies, 1 / 1 , janv. 1 970.
I 5. Halil Inai.cik, « Capital formation in the Ottoman Empire », Journal of economic history,
mars 1969 ; également, 77?^ Ottoman Empire .- the classical age, 1300-1600, Londres, Weidenfeld
and Nicolson, 1973, chap. 15.
16. I. Sunar, State and society in the politics of Turkey's development, Ankara, University of
Ankara Press, 1974.
1 7. On trouvera deux tentatives récentes pour réécrire cette histoire dans I. Wai.ierstein, The
modem world system. New York, Academic Press, 1974 et Perry Anderson, Passages from
Antiquity to feudalism, et Lineages of the absolutist State, Londres, New Left Books, 1974, trad,
frse. L'État absolutiste, Paris, Maspero, 1978.
1 8. Sur « La crise féodale », ibid.
1 9. Sur le détournement des routes de commerce, A. H. Lybyer, « The Ottoman Turks and the
routes of Oriental trade». The English historical review, CXX, oct. 1925. F. C. Lane, «The
Mediterranean spice trade », The American historical review, XLV, avril 1940. Lane soutient que
les Portugais n'ont pas brisé définitivement le commerce des épices du Levant. Sur les effets de la
hausse des prix, Ômer Lùtfi Barkan, « The price revolution of the sixteenth century : a turning
point in the economic history of the Near East », International journal of Middle East studies, 6/ 1 ,
janv. 1975 ; également, « XVI Asnn Ikinci Yarisinda Turkiye' de Fiyat Hareketlen », Belleten,
XXXIV/4, oct. 1970, Niyazi Berkes, Turkiye Iktisat Tarihi, Istanbul, Gerçek Yaymlari, 1970,
vol. II.
20. Cette idée est empruntée à Hamza Alavi, « India and the colonial mode of production »,
Socialist register : 1975, Ralph Mimband et John Savii.ie éds, Londres, The Merlin Press, 1975.
21. I. Wai.ierstein, « From feudalism to capitalism : transition or transitions »,
Communication du 89e Congrès de l'American historical Association, Chicago, 28-30 déc. 1974, miméographe.
22. Sur l'ouverture aux exportations de l'agriculture ottomane à la fin du xvie siècle,
F. Braudei., The Mediterranean and the Mediterranean world in the age of Philip II, Londres,
Collins, 1 973, vol. I, pp. 593-594, trad, de La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de
Philippe II, Paris, Colin, 1949, 1 160 p. Braudei cite les travaux de Ó. L. Barkan et de ses disciples
sans cependant fournir de référence. Pour plus d'information sur ce point, voir la note suivante.
23. Sur le changement de nature du commerce ottoman aux xvnc et xvnic siècles, Traian
Stoianovich, « Land tenure and related sectors of the Balkan economy 1 600- 1 800 », The Journal of
economic history, XIII. automne 1953; également. «The conquering Balkan orthodox
merchants». The journal of economic history, XX, juin 1960; Halil Inai.cik, « Imtiyazat »,
576
I. SUNAR ÉCONOMIE ET POLITIQUE DANS L'EMPIRE OTTOMAN
Encyclopedia of Islam, 2e édition, vol. III ; Yahya S. Tezel, « Cumhuriyetin Devraldigi Tarim
Yapisinin Tarihi Olusumu Hakkinda Bazi Dus.ùnceler », Siyasal Bilgiler Fakiiltesi Dergisi, XXVI/
4, 1972.
24. Inakcik, op. cit.
25. On a beaucoup écrit sur la destruction du système du timar. Voir notamment, Ômer Lutfî
Barkan, « The social consequences of economic crisis in later sixteenth century Turkey », dans
Social aspects of economic development, Istanbul, Economic and social conference board, 1964 ;
H. A. R. Gibb et Harold Bowen, Islamic society and the West, vol. I, Londres, Oxford Univ. Press,
1950; Ismail Сем, Tiirkiye' de Geri Kalmisligin Tarihi, Istanbul, Cem Yayinlan, 1972;
V. J. Parry, « The Ottoman Empire : 1566-1617 », dans The counter reformation and the price
revolution, The New Cambridge modern history, vol. Ill, Cambridge Univ. Press, 1968.
26. Sur les révoltes Celâli, voir les travaux de Mustafa Akdag, Bûyùk Celàli karisikliklarinm
Baslamasi, Erzurum, Atatùrk Universitesi Yayinlan, 1963 ; Celâli Isyanlari, 1550-1603, Ankara,
Dil-Tarih Cografya Fakiiltesi Yayinlan, 1963 ; Turk Halkinin Dirlik ve Dùzenlik Kavgasi : Celâli
Isyanlari, Ankara, Bilgi Yayinevi, 1975.
27. T. Stoianovich, op. cit.
28. Perry Anderson, Lineages of the absolutist State, op. cit., trad, frse, L'État absolutiste,
2 tomes, Paris. Maspero, 1978.
29. La littérature en turc sur l'opposition féodalisme/capitalisme est à la fois trop abondante et
trop polémique pour être citée ici. Pour des discussions plus théoriques, il est essentiel de consulter
au moins Maurice Dobb, Paul Sweezy et al., The transition from feudalism to capitalism. New York,
Science and society, 1952; André Gunder Frank, Capitalism and underdevelopment in Latin
America, New York, Monthly Review Press, 1 967 ; Ernesto Laci.au, « Feudalism and capitalism in
Latin America », New Left Review, 67, mai-juin 1971 ; Immanuel Wai.lerstein, « The rise and the
demise of the world capitalist system », op. cit. On trouvera aussi une comparaison très lucide de
l'Angleterre et de la France, de l'Europe orientale et occidentale, dans le cadre de la problématique
du développement économique et de la transition du féodalisme au capitalisme dans Robert
Brenner, « Agrarian class structure and economic development in pre-industrial Europe », Past
and present, 70, fév. 1976.
30. Pour une vue plutôt critique de ces traits de l'éthos ottoman, S. F. Ulgener, Iktisadi Inhitat
Tarihimizin Ahlàk ve Zihniyet Meseleleri, Istanbul, Iktisat Fakiiltesi Yayinlan, 1951. Également,
Halil Inalcik, « The Ottoman economic mind and aspects of the Ottoman economy », Studies in the
economic history of the Middle East from the rise of Islam to the present day, Londres, Oxford Univ.
Press, 1970, qui se préoccupe plutôt de la structure de l'organisation économique et du rôle
dominant de l'État.
31. T. Stoianovich, op. cit., n. 23, p. 402.
32. I. M. Lapidus éd.. Middle Eastern cities, Berkeley, University of California Press, 1969, et
particulièrement l'essai de C. Issawi, « Economie change and urbanization in the Middle East ».
33. Cité dans Kemal Karpat, «The transformation of the Ottoman State: 1789-1908»,
International journal of Middle East studies, 3/3, juil. 1972, p. 251.
34. Les mouvements nationaux dans les Balkans et la politique des grandes puissances sont
présentés brièvement dans L. S. Stavrianos, The Balkans .- 1815-1914, New York, Holt, Rinehart
and Winston, 1963 ; The Balkans since 1453, New York, Holt, Rinehart and Winston, 1958.
35. Étude de cas intéressante d'un derebey dans Dennis S. Skiotis, « From bandit to pasha :
first steps in the rise to power of AH of Tepelen, 1 750- 1 784 », International journal of Middle East
studies, 2/3, juil. 1971. Sur les notables, Harold Bowen, « Ayan », Encyclopédie de l'Islam,
2e édition, vol. I, Leyde, 1960. Bekir Sitki Baykal, « Ayanlik Muessesesinin Duzeni Hakkinda
Belgeler », Belgeler, I, 1964.
36. Sur les aspects politiques et économiques de la « Question d'Orient », M. S. Anderson, The
Eastern question : 1774-1923, New York, Macmillan and St. Martin's Press, 1966 ; V. J. Puryear,
international economics and diplomacy in the Near East, Stanford, Stanford Univ. Press, 1935 ;
George Lenczowski, The Middle East in world affairs, Ithaca, Cornell Univ. Press, 1962 ; Frank E.
Baiiey, British policy and the Turkish reform movement, Cambridge, Harvard Univ. Press, 1942.
37. Les ouvrages suivants traitent des mouvements de réforme du xixe siècle : Bailey, op. cit. ;
Roderic Davison, Reform in the Ottoman Empire, 1856-1876, Princeton, Princeton Univ. Press,
577
L'ISLAM ET LE POLITIQUE
2e
1963
édition,
; Bernard
1 968 -, Lewis,
WilliamThe
R. Pouc
emergence
et Richard
of Chambers
modern Turkey,
éds. TheNew
beginnings
York, ofOxford
modernization
Univ. Press,
in the
Middle East, Chicago, University of Chicago Press, 1968 ; Niyazi Berkes, The development of
secularism in Turkey, Montreal, McGill Univ. Press, 1964 ; Robert Ward et Dankwart Rustow
éds. Political modernization in Japan and Turkey, Princeton, Princeton Univ. Press, 1 964 ;
Tanzimat, Ankara, Maarif Matbaasi, 1940.
38. Sur la nature des réformes du Tanzimat, deux articles excellents de Halil Inalcik,
« Tanzimatin Uygulanmasi ve Sosyal Tepkiler », Belleten, xxvin/1 12, 1964 ; « Sened-i Ittifak ve
Gùlhane Hatt-i Hùmayunu », Belleten, xxvhi/1 12, 1964.
39. Étude remarquable de l'effet des réformes sur l'interaction de l'État et de la société en
Palestine et en Syrie par Moshe Maoz, Ottoman reforms in Syria and Palestine, 1840-1861,
Londres, The Clarendon Press, 1968.
40. Sur le code de la terre de 1858, Orner Lùtfi Barkan, « Turk Toprak Hukuku Tarihinde
Tanzimat ve 1274 (1858) Tarihli Arazi Kanunnamesi », dans Tanzimat, op. cit., pp. 321-421.
41. Bonne étude des assemblées locales pendant la période du Tanzimat dans liber Ortayij,
Tanzimattan Sonra Mahalli Idareler, 1840-1878, Ankara, Todaie Yayinlan, 1974.
42. Sur la structure économique de l'Empire ottoman et les effets de la liberté du commerce,
voir les articles réunis par C. Issawi dans The economic history of the Middle East, 1800-1914,
Chicago, University of Chicago Press, 1966, particulièrement les chap. 3-8 et 10-12. Voir aussi
Y. К. Tengirsek, « Tanzimat Devrinde Osmanli Devletinin Harici Ticaret Siyaseti », dans
Tanzimat, op. cit., pp. 289-320 ; autres articles intéressants dans le même volume.
43. Le texte du traité anglo-ottoman est dans Issawi, op. cit., chap. 3.
44. Description du déclin et de la quasi-disparition des métiers industriels dans О. С Sarç,
«Tanzimat ve Sanayiimiz », dans Tanzimat, op. cit., pp. 423-440. Le même article est traduit
partiellement dans Issawi, op. cit.
45. Cf. Resat Aktan, « The burden of taxation on the peasants », dans Issawi, op. cit., chap. 1 2.
46. Article stimulant qui discute le problème du rôle progressif de l'Europe occidentale autour
du rôle dynamique du capital marchand : John Merrington, « Town and country in the
development of capitalism », New Left Review, 93, sept.-oct. 1975.
47. Sur la balance des paiements et ses effets, Çaglar Keyder, « The dissolution of the Asiatic
mode of production », Economy and society, 5/2, mai 1976.
48. Sur la dette ottomane, I. Hakki Yeniay, Yeni Osmanli Borçlari Tarihi, Istanbul, Istanbul
Úniversitesi Yayinlan, 1 964, et Refii Sukrii Suvla, « Tanzimat Devrinde Istikrazlar », dans
Tanzimat, op. cit., pp. 263-283.
49. L'administration de la dette ottomane est analysée en détail dans Donald C. Bi.aisdei.l,
European financial control in the Ottoman Empire, New York, Columbia University, 1929.
50. Deux discussions suggestives sur les révolutions insistent sur le rôle des élites d'État:
Theda Skocpoi., « France, Russia, and China : a structural analysis of social revolutions »,
Comparatives studies in society and history, 1 8/2, avril 1 976 ; Ellen Kay Trimberger, « A theory of
elite revolutions », Studies in comparative international development, 7/3, automne 1972.
5 1 . Évaluation semblable de la révolution turque dans Serif Mardin, « Ideology and religion in
the Turkish revolution », International journal of Middle East studies, 2/3 juin 1971.
52. Discussion récente des différents sens de révolution dans Perez Zagoria, « Prolegomena to
the comparative history of revolutions in early modern Europe », Comparative studies in society
and history, 18/2, avril 1976 ; également intéressant, dans le même numéro, Elbaki Hermassi,
« Toward a comparative study of revolutions ».
53. J'utilise le concept d'idéologie dans le sens indiqué par Clifford Geertz dans son brillant
essai « Ideology as a cultural system » dans son livre The interpretation of cultures, New York,
Basic Books, 1973.
54. John H. Schaar, « Legitimacy in the modem State », dans Power and community, Philip
Green et Stanford Levinson éds, New York, Vintage Books, 1970, p. 287.
55. Dans un article intéressant, Alasdair Macintyre compare les affirmations épistémologiques
des révolutionnaires avec celles des spécialistes de sciences sociales : « Ideology, social science and
revolution». Comparative politics, 5/3, avril 1973.
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I. SUNAR ÉCONOMIE ET POLITIQUE DANS L'EMPIRE OTTOMAN
56. Les conflits internes à la bureaucratie qui éclatent après la fondation de la république sont
étudiés par Frederick Frey, The Turkish political elite, Cambridge, MIT Press, 1965; Walter
Weiker, Political tutelage and democracy in Turkey : the free party and its aftermath, Leyde, Brill,
1973.
57. Atatù'rk'ù'n Sôylev ve Demeçleri, Ankara, Turk Tarih Kurumu, 1959, vol. II, p. 98.
58. Cité par Osman Okyar, « The concept of Etatism », Economie journal, 75/297, mars 1 965.
59. Pour une analyse plus détaillée de ce changement, voir mon étude citée à la note 16.
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