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La Terre a un cerveau

Par Jean-Yves Casgha

Paradoxe : plus la civilisation progresse, plus le mal-être croît et la prise de conscience de


celui-ci. Le sentiment de fin de l’histoire ne peut s’estomper que si les habitants de Gaia
conçoivent la terre comme être dont ils sont la pensée.
Contrairement a ce qu on aurait pu croire, tous les jeunes gens de la planète ne sont pas
seulement les fous dangereux du stade du Heisel ou des groupuscules nazis et autres
skinheads, ce ne sont pas non plus les fanatiques furieux endoctrinés. sous le prétexte
d’une religion, d’un parti ou d’une secte, et pas davantage les desperados martyrs qui
attaquent les chars d’assaut à mains nues. A moins qu’ils ne tiennent un peu des trois, ce
qui constituerait un début d’explication au résultat curieux d’une récente étude publiée
dans le journal de l’Association médicale américaine, établie par Gérard Klerman et
Myrna Weissman de l’université Cornell, portant sur 30000 cas et mettant clairement en
évidence que la dépression nerveuse frappe plus souvent la population des pays
développés.
Et pour les auteurs, le paradoxe c’est que si la génération du baby-boom, c’est-à-dire
celle de l’après-guerre, est physiquement la plus robuste de toute l’histoire en même
temps que celle qui a grandi pendant une période de grande prospérité économique, elle
connaît pourtant un grand sentiment de malaise et de déception. Après analyse des
statistiques sur les admissions en hôpital, des diagnostics psychiatriques et du nombre et
des raisons des suicides, on se rend compte sans aucun doute possible que les cas de
dépression nerveuse sont précisément en nette recrudescence chez cette génération, aussi
bien aux États-Unis qu’en Europe occidentale. Un sentiment de mal-être qui semble bien,
en plus, transmissible, puisqu’on voit progresser depuis quelque temps la courbe des cas
chez les adolescents, exactement comme si, comme l’indique le docteur Kerman, "la
déprime était le prix à payer pour la civilisation". Rien à voir en tout cas avec ce qu’on
appelle le trouble de la femme mûre - qui jusque-là avait le monopole du diagnostic de la
fatigue nerveuse... mais en revanche la preuve du profond malaise de notre fin de siècle,
une tendance "lourde" comme disent les sociologues, qu’il serait urgent de ne pas sous-
estimer, vraisemblablement dû entre autres au fait que dans une société plus riche on peut
travailler moins, prolonger son adolescence et ne plus trouver de sens à la vie. La preuve
que l’argent ne fait pas toujours le bonheur ! Et autant il est vrai que tirer sur sa jeunesse
est un crime contre l’espoir qui ne fait qu’ajouter des croix dans le cimetière des idées des
régimes moribonds, autant ne rien lui proposer du tout prépare les funérailles du désir et
de l’enthousiasme. Et qu’elles soient nationales ne les rend pas nécessairement plus
grandes.
Alors évidemment, il y a les politiques et leurs cris d’orfraie. Depuis un certain temps la
notion de majorité semble emporter les suffrages de la presse et des professionnels, en
suscitant il est vrai un certain étonnement.
Pourtant, à priori, tout le monde est d’accord sur sa définition. Évidemment, on peut
toujours affiner et parler de majorité absolue ou de majorité relative, mais en réalité que
cherche-t-on ? Manifestement à décider à la place des autres, à avoir un comportement de
chef qui prend en charge la communauté pour son bien. Et il ne fait aucun doute qu’on y
croit aussi fermement dans chacun des partis représentés. Et après tout, pourquoi pas,
puisqu’il ne s’agit somme toute que de conventions comme dans n’importe quel jeu.
Cela dit, une expérience récente pourrait, à condition de la prendre en compte, tempérer
cette belle et bonne volonté et ses certitudes profondes.
Vous prenez deux groupes de dix sujets et vous les enfermez dans deux pièces séparées.
Dans la première, vous donnez à neuf d’entre eux des excitants et au dixième un calmant.
Dans la seconde, vous faites le contraire, neuf calmants pour un excitant. Et que croyez-
vous qu’il arrive ? Dans les deux cas le dixième sujet se conduit exactement comme les
neuf autres, c’est-à-dire que le calmant a les effets d’un excitant dans le premier groupe et
le même excitant a les effets d’un calmant dans le second. Une expérience qui bien
entendu fonctionne aussi bien si on prend des groupes de 271 ou de 276 personnes par
exemple (comme à l’Assemblé nationale...). Bref, les conventions sociales peuvent être
totalement inconscientes, mais n’en sont pas moins les plus fortes.
Autre constatation : tout le monde sait que "pierre qui roule n’amasse pas mousse". Mais
pour les Américains, si la pierre est moussue, c’est parce qu’elle ne bouge pas.
Conclusion, pour eux ce proverbe signifie que pour réussir dans la vie, il faut bouger
beaucoup. En Irlande, en revanche, l’interprétation est différente : pour acquérir
expérience et sagesse il faut surtout rester en place. En clair, notre compréhension dépend
de notre perception, une perception élaborée à partir d’horizons singulièrement limités
dès lors qu’on les compare à d’autres. Et si un morceau d’ébène raconte des histoires
tellement dissemblables à un bûcheron, un poète ou un luthier, on se demande pourquoi
la "chose publique", Republica, n’en ferait pas de même avec chacun d’entre nous. Et s’il
faut s’étonner, ce n’est peut-être pas de l’écroulement d’un système auto-satisfait et auto-
suffisant, mais du temps qu’il nous aura fallu pour nous souvenir que ce sont les hommes
qui l’ont fait et pas le contraire.
De fait, gouverner, comme chacun sait, c’est prévoir, mais informer, c’est mettre en
forme.
Une nouvelle n’est jamais gratuite, elle mérite toujours d’être analysée avant d’être
dégustée ou digérée. De plus, avoir beaucoup d’informations n’est pas suffisant pour se
prétendre intelligent. Et donc il faut savoir juger, coordonner et utiliser les éléments
fournis. Enfin, rassurez-vous quand même, il paraît que le volume d’informations auquel
les êtres humains peuvent accéder permet de mesurer un certain taux d’intelligence. Les
informaticiens connaissent bien le bit (en anglais : Binary Digit), l’unité élémentaire
d’informations qui est en fait une réponse - oui ou non - à une question claire. Le robinet
de la cuisine est-il ouvert ou fermé ? Il suffit d’un seul bit pour répondre. De même, dans
un livre de 350 pages, vous avez environ 10 millions de bits, soit 10 puissance 7, ou en
une heure de télévision, environ 10 puissance 12. Quant à la totalité du savoir humain, en
admettant qu’il soit contenu dans l’ensemble des livres répertoriés dans l’ensemble des
bibliothèques de la planète, répétitions comprises, il doit avoisiner les 10 puissances 16
ou 17 bits. Mais où l’on peut commencer à s’inquiéter, c’est lorsqu’on apprend que cet
énorme chiffre, 10 suivi de 17 zéros, correspond à quelque chose près au nombre
d’informations livrées par une seule année de programmes télévisés.
Cela dit, cette façon de mesurer l’intelligence permet au moins d’établir des
comparaisons : les baleines bleues, les plus grands animaux jamais connus sur la terre (30
m de long pour 150 tonnes), qui ont une vie sociale et éduquent leurs enfants, sont
connues par leur célèbre chant. Un chant qui dure de quinze à soixante minutes utilise
une bande de fréquences si large qu’il est parfois inaudible pour une oreille humaine, un
chant qui peut aussi bien se répéter de manière absolument identique que s’interrompre
brutalement pour être repris, à la note près, 6 mois plus tard.
Certes, nous ne savons pas ce que se racontent les baleines, mais ce qui est sûr c’est
qu’elles le font et qu’elles se transmettent 10 puissance 6 bits, approximativement le
nombre d’informations de l’Odyssée d’Homère, ce qui n’est pas si mal si on les compare
à certains discours et à certaines émissions télévisées. Et il n’est pas besoin d’être un
grand devin pour imaginer la tête que feront les archéologues du futur lorsqu’ils
découvriront qu’un jour les hommes sur la planète ont pu produire Interville ou la Porte
Magique et l’Illiade et l’Odyssée ! En attendant que celui qui n’a jamais rêvé d’être un
temps une baleine bleue leur jette la première pierre !

Un nombre pour finir


Dix milliards, c’est à peu près le nombre de cellules que contient le cerveau humain, dès
la 12e semaine après la conception. Puis, pendant les 6 mois de grossesse restants et les 5
premières années de vie, ces cellules nerveuses vont rompre leur isolement en formant
des réseaux extrêmement complexes qui leur permettront de prendre contact, de
communiquer les unes avec les autres.
Un autre encore : 500 millions. C’est celui de la population terrestre à la fin du Moyen
Age. En 1840, ce sera 1 milliard, en 1930 deux, en 1976 quatre, cinq aujourd’hui et selon
toute vraisemblance dix milliards en 2095.
Or en 1976 précisément, les communications internationales consistaient en 200 millions
de lignes téléphoniques, c’est-à-dire un réseau à peine aussi élaboré qu’une zone du
cerveau grosse comme un petit pois. Tandis qu’aujourd’hui elles sont un milliard, les
machines à télexer plusieurs millions, toutes reliées entre elles en même temps qu’aux
banques de données des plus gros ordinateurs.
De plus, tous les deux ans, ce réseaux double au point qu’on peut envisager, comme le
fait remarquer le biologiste Lyall Watson, qu’en l’an 2000 nous aurons fabriqué un outil
aussi riche, aussi puissant et aussi compliqué que notre propre cerveau. En clair, quand 10
milliards de terriens seront tous connectés les uns aux autres, comme les 10 milliards de
cellules dont nous parlions, l’intelligence ne s’évaluera plus de manière individuelle,
mais globale. En fait, rêvons un peu, tout se passe comme si la terre, pareille à un jeune
enfant, était à la veille de percevoir son propre environnement, parce qu’elle aurait été
capable, tel un cerveau géant, de créer son réseau de communications.
Curieux parallélisme entre le développement du cerveau de l’homme et celui de ce qu’il
faut bien appeler le cerveau de la planète. Une planète en tout cas qui parle, qui vit, qui
envoie dans l’espace depuis presqu’un siècle, par la voie des ondes, le bruit de ses radios,
de ses télévisions, de ses communications et qui, pourquoi pas, pourrait bien finir par
devenir un jour elle-même consciente.
Quant à cette notion de conscience, en admettant que tout ceci relève davantage de la
science que de la fiction, il suffit d’avoir celle de la précarité de l’avenir humain pour se
dire que la Terre n’est pas au bout de ses peines.

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