Escolar Documentos
Profissional Documentos
Cultura Documentos
Encore faut-il, pour en comprendre les enjeux et les outils, s’entendre sur la portée de ce
concept, car la gouvernance, comme le montreront les développements ci-après, n’est ni la
simple action de gouverner, ni une question d’éthique, loin s’en faut, mais bien un
mécanisme complexe s’intéressant à la manière de gouverner dans un contexte social,
politique et économique moderne.
L’essence de la gouvernance réside dans une dépossession d’un plein pouvoir de décision des
mains des personnes chargées de "diriger", pour intégrer leurs décisions dans un processus de
négociation et d’association de l’ensemble des acteurs concernés,qu’ils soientacteurs de leur
mise en œuvre, qu’ils en soient les destinataires ou qu’ils contribuent à leur financement [1].
La gouvernance publique diffère de la simple action de gouverner pour intégrer une manière
particulière de gouverner, en développant des processus permettant de fonder adéquatement les
décisions et d’accompagner leur mise en œuvre, éclairée par l’association des "dirigés" à
l’action des dirigeants.
Ainsi, dans la DPR 2009-2014, le Gouvernement wallon, mais aussi ceux de la Communauté
française et de la Cocof, s’engagent à "associer les acteurs, à impliquer les forces vives de
Wallonie et de Bruxelles et le monde associatif à la définition des grandes options de leurs
projets. Ils rappellent également leur attachement à la concertation sociale" [3].
La Wallonie entend mettre en œuvre ses priorités politiques par le biais de processus de
gouvernance et fait de l’évolution et du développement des modes de gouvernance en
eux-mêmes une priorité majeure de son action politique.
C’est d’ailleurs sur cette base qu’est établie la Charte européenne de l’autonomie locale du
Conseil de l’Europe qui considère les pouvoirs locaux et leur autonomie comme des maillons
Conseil de l’Europe qui considère les pouvoirs locaux et leur autonomie comme des maillons
essentiels de la démocratie dans une perspective de gouvernance politique moderne [7].
Cette approche se justifie par le fait que les autorités territoriales que sont les pouvoirs locaux,
sont les autorités publiques, élues, qui se situent au plus près des citoyens, des associations, des
activités, des entreprises et des territoires.
La DPR met également en avant le principe de neutralité budgétaire des décisions régionales et
son nécessaire préalable: le principe d’évaluation des charges administratives et financières
induites [8].
Plus encore à l’échelon fédéral, doit-on déplorer une tendance à considérer le pouvoir local
comme le réceptacle des politiques que l’Etat définit seul, sans pouvoir ou vouloir en assumer
la gestion ou la charge financière.
A ce niveau, les reports unilatéraux de charges administratives et financières sont aussi
fréquents que conséquents et irresponsables. Ils constituent d’ailleurs également une forme
larvée de régionalisation de matières par transfert de charges vers des entités que les Régions
doivent soutenir financièrement, hors le cadre particulier des négociations institutionnelles.
De manière générale, la tendance des législateurs à vouloir détailler par le menu plutôt que par
les principes les processus d’action des pouvoirs locaux est également à revoir, si l’on souhaite
que le pouvoir puisse s’exercer au niveau local dans une logique de gouvernance réellement
adaptée aux réalités locales.
Parler d’association des forces vives de la société à l’exercice du pouvoir par l’autorité
politique ne suffit pas à conférer une acception très tangible à la notion de gouvernance. Il faut
encore l’affiner au regard de tout ce qui motive et de tout ce qu’implique ce concept.
Qui sont les forces vives concernées ? Comment sont-elles associées au pouvoir ? A quel point
pèsent-elles sur les décisions ? Comment s’inscrit le partenariat dans le temps ? Comment se
structure-t-il ? Quel rôle reste celui des dirigeants ? … sont autant de questions auxquels il
convient de répondre pour discerner les contours d’un idéal de bonne gouvernance dans un
contexte sociopolitique donné.
Nous nous attacherons ci-après à en analyser les principaux enjeux dans le contexte spécifique
des pouvoirs locaux tel que nous le connaissons en région wallonne.
La transparence et la participation
En ce, elle s’adresse non seulement aux citoyens en âge de voter, domiciliés sur le territoire
concerné, mais aussi aux plus jeunes, aux entreprises, aux associations, aux personnes actives
mais non domiciliées sur le territoire communal et, dans une perspective de management
participatif, au personnel de l’administration chargée d’exécuter les décisions.
Par contre, les groupes de pression, qui ne sont pas directement concernés par les décisions des
autorités locales, tels que les associations à vocation politique, philosophique ou commerciale,
doivent selon nous être écartés du débat participatif.
Si un rôle de stimulation de la mise en œuvre de processus participatifs peut leur être reconnu,
et s’il leur est bien entendu permis d’informer objectivement les forces vives locales dans
certains domaines, il nous semble pour le reste peu opportun de faire de la politique locale le
champ de bataille de leurs débats d’idées au détriment des opinions et intérêts des vrais
destinataires de la gouvernance: les forces vives directement et réellement concernées par les
décisions et l’action du pouvoir exécutif.
Ces enjeux et difficultés méritent, à notre estime, une attention particulière dans le cadre du
développement et du renforcement du rôle des techniques de participation citoyennetel que la
DPR, notamment, le prévoit dans le cadre de la législature régionale.
En matière de gouvernance locale, les mécanismes de participation sont des éléments essentiels
dont l’enjeu et la difficulté sont d’associer les forces vives concernées, toutes les forces vives
concernées, rien que les forces vives concernées.
Ces éléments sont en fait des corollaires directs de l’association des forces vives à l’action de
gouverner, car cette dernière a pour but de mieux définir les actions et priorités des autorités
publiques selon les besoins et contingences réels de leurs administrés.
Rien ne sert en effet de s’en enquérir si ce n’est pour essayer d’y répondre, d’où l’intérêt de
structurer la démarche en vue de permettre à chacun de vérifier et de s’approprier les
orientations définies, d’apprécier l’adéquation des moyens disponibles et mis en œuvre pour y
parvenir et de mesurer les résultats des efforts consentis.
Dans cette perspective, elle permet de structurer l’association des forces vives de la commune
dans une optique de fixation de priorités stratégiques à court, moyen et long terme, et d’asseoir
ainsi l’action de l’autorité sur un projet défini avec les forces vives locales, tout en l’inscrivant
dans une démarche d’évaluation, d’ajustement et d’amélioration continue.
Elle permet également de coordonner les politiques sectorielles communaleset leurs outils de
planification et de mise en œuvre, dans une perspective globale et, partant, d’intégrer
structurellement la notion de développement durable à l’action politique communale.
La performance de l’autorité publique n’est cependant pas attendue sur le seul terrain de la
réalisation des objectifs et projets stratégiques mais également sur celui du bon
fonctionnement, aussi quotidien puisse-t-il être, des services opérationnels du pouvoir public,
c’est-à-dire les administrations.
En effet, comme destinataires et partenaires de l’autorité, les « contribuables » que sont les
forces vives de la société s’intéressent nécessairement à la manière dont l’argent, et aussi le
temps, qu’ils « investissent » dans le fonctionnement de l’autorité publique sont « dépensés ».
Ainsi, l’organisation qu’est le pouvoir public doit-elle adopter une gestion tournée sur la
réalisation des objectifs qui lui sont fixés et doit également se centrer sur la performance.
L’association des forces vives à l’action des autorités ayant pour but d’améliorer la satisfaction
de leurs besoins, elle implique naturellement une structuration de l’action politique intégrant la
fixation et la formalisation d’objectifs stratégiques, l’évaluation de leur réalisation et une
performance adéquate dans le fonctionnement de l’administration.
Dans le contexte médiatique actuel, c’est la notion d’éthique qu’évoque souvent l’image du
mandataire dans un contexte de gouvernance.
Cette notion n’est malheureusement pas simple à manipuler, car comprise de bien des
manières, et parfois de façon très circonstanciée, par l’opinion publique comme par le monde
politique, l’éthique renvoie par essence aux opinions et convictions personnelles, et ne saurait
par conséquent se décréter sans danger pour les droits et libertés individuels que garantit notre
Constitution.
Toutefois, le mandataire politique, s’il se voit confier un certain pouvoir par le vote des
citoyens, se doit de le mettre au service de la charge publique qui est la sienne. Cette
responsabilité est renforcée par le lien particulier qui lie l’exercice de cette charge aux
administrés dans le contexte de la gouvernance politique.
Dans ce cadre, l’éthique du mandataire public doit pouvoir se définir, sauf ses libertés
individuelles, comme lui imposant de ne pas chercher à tirer un profit personnel de sa charge,
pour lui, pour son entourage ou pour des organisations dont il serait proche, et de mettre tout en
œuvre pour assumer effectivement et avec compétence les fonctions qu’il a recherchées et
acceptées, dans un souci de gestion performante de la chose publique.
Dans une perspective de gouvernance, cette responsabilité du mandataire public est aussi
naturellement impactée par l’association des forces vives de la société aux décisions de
l’autorité: s’il ne décide plus seul, comment se définissent son pouvoir et ses responsabilités de
dirigeant?
Une difficulté majeure de l’exercice de gestion participative est en effet de dynamiser une
participation réellement représentative de toutes les forces vives concernées et de l’intégrer
harmonieusement au principe prédominant de démocratie représentative.
Il convient également de préserver les droits et libertés individuels des citoyens contre les
velléités des autres citoyens éventuellement ligués en courants majoritaires, notamment sur des
points culturels, philosophiques, religieux, ou plus généralement de choix de vie ...
Le mandataire, tirant sa légitimité du processus électoral et soumettant dans ce cadre son action
à l’appréciation du peuple, dynamisant la participation et en dégageant une connaissance des
faits et opinions permettant de mieux cerner les besoins et contraintes de la collectivité et des
individus, se doit donc d’être toujours un décideur.
Dans une Europe en profondes mutations depuis la chute du mur de Berlin, la stratégie de la
bonne gouvernance se veut être « un instrument pratique qui peut être utilisé pour générer des
synergies entre les partenaires, soient-ils locaux, régionaux, nationaux ou européens, par le
travail ensemble avec des instruments communs pour améliorer la qualité de la gouvernance
locale en fonction d’une vision commune définie par les douze Principes de la bonne
gouvernance démocratique » [9].
Elle se décline donc suivant douze principes fondamentaux définissant un idéal commun de
« bonne » gouvernance, locale, pour les Etats membres du Conseil, étant entendu que les
niveaux de développement démocratique sont très variables au sein de ces derniers.
Pionnière dans cette démarche parmi les membres du Conseil de l’Europe, la Belgique, avec
notamment la Région wallonne, l’Union des Villes et Communes de Wallonie et plusieurs
communes-pilotes, s’est engagée dans le développement d’un programme de labellisation,
prolongeant la démarche proposée aux autorités des Etats membres.
Ce programme, dont la procédure de sélection est en cours d’élaboration, permettra aux villes
Ce programme, dont la procédure de sélection est en cours d’élaboration, permettra aux villes
et communes candidates de se situer par rapport au référentiel de bonne gouvernance commun
aux 47 Etats membres du Conseil de l’Europe et de démontrer les efforts consentis en faveur
de l’amélioration continue de la gouvernance dans leurs modes de fonctionnement.
Toutefois, il sera aussi l’occasion de mettre en lumière les obstacles à la bonne gouvernance, et
donc à l’autonomie locale et au principe de subsidiarité, que les Etats membres doivent encore
lever pour permettre le développement des douze principes dans les collectivités territoriales et
la pleine mise en œuvre de la Charte de l’autonomie locale.
----------
2. [Remonter] Cf. Projet de déclaration de politique régionale wallonne (DPR) 2009-2014, Une énergie partagée pour une société durable,
humaine et solidaire , p. 9.
6. [Remonter] En ce sens, voy. Stoker G., Cinq propositions pour une théorie de la gouvernance, Revue internationale des Sciences Sociales,
n°155, UNESCO/érès, Paris, 1998.
7. [Remonter] Voy. Conseil de l’Europe, Charte européenne de l’autonomie locale, 15.X.1985, préambule.
9. [Remonter] http://www.coe.int/t/dgap/localdemocracy/Strategy_Innovation/Strategy_brochure_F.pdf.
Téléchargez l'intégralité de l'article au format PDF
Ce document, imprimé le 11-03-2019, provient du site de l'Union des Villes et Communes de Wallonie (www.uvcw.be).
Les textes, illustrations, données, bases de données, logiciels, noms, appellations commerciales et noms de domaines, marques et logos sont protégés par des droits de propriété intellectuelles.
Plus d'informations à l'adresse www.uvcw.be/plan-du-site/disclaimer.cfm