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Le « scandale de Strasbourg »
principales thèses exprimées dans les derniers numéros de la revue de l’IS sont
présentes et de ce point de vue, rétrospectif, le texte ne contient pas d’avancée
théorique majeure. Ce qui a contribué à son succès [7] c’est qu’il se fonde sur
une intervention politique radicale dans une situation « où la réalité recherche sa
théorie ». Jusque-là restées dans la relative confidentialité de cercles restreints,
les idées situationnistes sont alors propulsées au-devant de la « lutte entre le
pouvoir et le nouveau prolétariat » (p.24).
La première partie de la brochure énonce une critique en règle du « milieu
étudiant » et de la fausse conscience qui constitue l’étudiant comme un être
dépossédé de l’ensemble de sa vie, satisfait de « sa condition [8] » et des
ersatz culturels modernistes qu’il consomme passivement. « Disciple
respectueux de la marchandise culturelle », l’étudiant compense avec cet
« opium, la misère réelle de sa vie quotidienne ». La « crise de l’université » y
est décrite comme une manifestation particulière de la « crise plus générale du
capitalisme moderne » ; une université, tiraillée entre des professeurs aigris car
ayant perdus leur ancien pouvoir de ‘chiens de garde’ de l’ancienne culture
générale bourgeoise et dépités de leur nouvelle fonction de ‘chien de berger’
conduisant suivant les besoins planifiés du système économique, les fournées de
cols blancs vers leurs usines et leurs bureaux respectifs » (p.7).
Les études et les recherches réalisées sur les étudiants sont réfutées car elles
ignorent « le point de vue de la totalité ». Les sociologues marxisant (Bourdieu
et Passeron) certes, analysent le milieu étudiant en termes de classe
sociales [9] (« Les Héritiers ») mais ils le font avec les présupposés de
« l’inévitable éthique kantienne d’une démocratisation réelle par une
rationalisation du système d’enseignement, c’est-à-dire de l’enseignement du
système » (p.4). La dimension classiste de la sociologie de Bourdieu et de son
école ne pouvait pas être critiquée par les situationnistes puisqu’ils appelaient à
l’insurrection révolutionnaire au nom des Conseils ouvriers dont l’être de classe
restait prolétarien malgré l’extension qu’ils donne au « nouveau prolétariat » :
« est prolétaire celui qui n’a aucun pouvoir sur l’emploi de sa vie, et qui le sait »
(p.28).
Contrairement aux autres jeunes qui entrent plus tôt « dans les relations
d’exploitations ouvertes », l’étudiant se maintient enfermé dans un statut de
« minorité prolongée » qui l’infantilise. Ses velléités d’autonomie ne sont
qu’illusion puisqu’il dépend des « deux systèmes les plus puissants de l’autorité
sociale : la famille et l’État ». Incapable de s’aventurer au-delà des limites que lui
assigne la société de classe, reproduisant « les comportements érotiques-
amoureux les plus traditionnels », l’étudiant est « si bête et si malheureux qu’il
va même jusqu’à se confier spontanément et en masse au contrôle para policier
des psychiatres et psychologues mis en place à son usage par l’avant-garde de
l’oppression moderne ». Cette critique fut immédiatement réalisée puisque le 11
janvier 1967 l’AFGES fait fermer le Bureau d’aide psychologique universitaire
(BAPU) de Strasbourg.
Se niant comme théorie séparée de sa pratique, la critique « de la misère en
milieu étudiant », a tenté de placer à nouveau au centre de l’action
révolutionnaire la question des rapports entre l’individu et la communauté
humaine. Mais elle ne le fait qu’avec peine et dans l’embarras puisqu’elle reste
fixée à une représentation des institutions qui étaient celles de la société
bourgeoise alors que les « modernisations » et les « démocratisations » des
années 50 et 60 ont modifié les rapports de domination en attribuant à l’individu
une place (« l’autonomie ») qui ne lui était pas reconnue dans la société de
classe bourgeoise. Ainsi l’Éducation n’était plus seulement un lieu de reproduction
des divisions de classe mais elle devenait aussi un lieu stratégique pour le
pouvoir, un lieu symbolique pour les individus, un lieu de lutte pour les lycéens et
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27/09/12 Imprimer : Mai 1968 et le Mai rampant italien
[4] « Avoir pour but la vérité pratique », IS, n°11, octobre 1967, p.38.
[6] A.Monchalbon, « L’UNEF avant Mai. En attendant le miracle », in, Mai 68. Les
mouvements étudiants en France et dans le monde. Nanterre, Bibliothèque de
documentation internationale contemporaine, 1988.
[8] Dès la fin des années 50, la notion de « condition étudiante » était
fréquemment utilisée dans les analyses socio-économiques que diffusait le
syndicalisme étudiant ainsi que dans les publications s’adressant aux classes
moyennes. « La condition étudiante », est d’ailleurs le titre d’un article du
sociologue Jean Jousselin, spécialiste des mouvements de jeunesse, paru dans
la revue des étudiants protestants Le Semeur (n°2, mai 1961). Elle désigne
d’abord les « conditionnements » qui transforme l’ancien statut de classe des
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