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DE
DE
CIVIL
DROIT FRANÇAIS
PAR
COLIN H. CAPITANT
AMBROISE
CONSEILLERA LA COUR DE CASSATION
PROFESSEUR HONORAIRE PROFESSEUR DE DROIT CIVIL
A LA FACULTÉDE DROIT DE PARIS A LA FACULTÉ DE DROIT DE PARIS
TOME PREMIER
Sixième Édition.
PARIS
LIBRAIRI E DALLOZ
19 30
AVANT-PROPOS
(DEUXIÈME ÉDITION)
du Droit civil.
Est-il besoin de dire que toute notre reconnaissance va aux
20 septembre 1918.
EXTRAIT DE L'AVANT-PROPOS
DE LA PREMIÈRE ÉDITION.
neux bon sens qui ont valu au Traité de M. Planiol, parmi les
étudiants comme auprès du grand public, une si durable et si
légitime popularité ?
CHAPITRE PREMIER
GÉNÉRALITÉS
— et 1.
§ 1. Définitions terminologie générale
jectif défini plus haut. Les droits subjectifs ne peuvent d'ailleurs s'exercer
Droit et Droit —
positif naturel 1. que nous l'avons
Tel défini, le Droit
est essentiellement positif, c'est-à-dire posé, établi par une loi écrite ou par
une coutume, et dans tous les cas obligatoire. Il aboutit à des ordres ou
dispositions. C'est en ce sens que Portalis a pu écrire : « Les lois sont des
volontés 2. » Le Droit naturel est celui que nous concevons, en dehors de
tout précepte écrit ou coutumier, comme dérivant de la nature et de la rai-
son. Son étude rentrerait plutôt dans le domaine de la Philosophie du Droit.
La conception du
Droit naturel mérite qu'on s'y arrête parce que, très
florissante au XVIIIe siècle, elle a exercé sur l'élaboration de notre
Code
civil une influence incontestable. L'article 1er du Livre préliminaire de ce
Code, tel que l'avait rédigé la Commission de l'an VIII, portait : « Il existe
un Droit universel, immuable, source de toutes les lois ; il n'est
positives
que la raison naturelle en tant qu'elle gouverne tous les hommes 3. » Ce texte,
qui d'ailleurs disparut dans la rédaction définitive du Code civil, met en
lumière l'idée du Droit naturel telle que le concevaient nos pères de 1804
et telle qu'elle ressort clairement de maint passage des travaux prépara-
toires de notre Code, celle d'un corps de règles antérieures et supérieures
à tout droit
positif et dont la loi écrite aurait pour tâche de se rapprocher
aussi exactement que possible, étant d'autant plus parfaite qu'elle ressem-
blerait plus fidèlement à ce modèle. Cette idée, à son tour, s'harmonise à
merveille avec les doctrines de Rousseau, inspiratrices de la génération
révolutionnaire, lesquelles représentent l'homme comme investi, par le
seul fait de sa naissance, de droits inhérents à sa personnalité, identiques
dans tous lestemps et sous tous les climats, et ne supportant d'autres
limitations que celles qu'il a consenties lui-même dans le pacte social, sous
•certaines conditions et en vue de certains avantages déterminés. Mais,
depuis cette époque, la notion du Droit naturel est tombée dans un pro-
humaine. Dans les sociétés les plus anciennes, le Droit se confond avec la
et la philosophie générale. Il aspire
à réaliser la destinée humaine
religion
tout entière, à gouverner les croyances comme les actes, les âmes comme
les corps. Il sacrifie la personne humaine à l'État, ou plus généralement au
dont l'individu fait partie et en qui réside à la fois toute puissance
groupe
et temporelle. Plus tard, l'individu s'émancipe peu à peu de cette
spirituelle
double contrainte. Il y est aidé par la lutte qui se poursuit, durant tout le
Moyen Age, entre les deux pouvoirs, confondus jadis dans la Cité Antique,
désormais distincts rivaux, et l'Eglise et l'Empire. L'individu, dont la di-
rection était l'enjeu de la lutte, se libère de plus en plus, d'abord dès le
XVIe siècle, grâce à la Réforme, de l'autorité religieuse, puis, avec les ré-
volutions politiques du XVIIe et du XVIIIe siècles, de l'autorité laïque. La
fin du XVIIIe siècle voit triompher en France les conceptions individua-
listes qui constituent ce qu'on appelle les idées modernes et qui, formulées
d'une manière éloquente par la Déclaration des Droits de l'Homme et du
Citoyen de 1789, constituent le Droit naturel des législateurs révolution-
naires et des auteurs de nos codes. On peut les résumer ainsi :
1° La personne humaine est la fin du Droit. Le but d'une législation
positive est d'assurer et de favoriser le développement des facultés phy-
siques, intellectuelles et morales de l'individu, en vue de sa dignité et de
son bonheur. Et le rôle de l'Etat doit se borner à protéger contre toute
atteinte extérieure ou intérieure la réalisation de cette tâche.
2e L'individu a le choix comme la responsabilité des moyens par les-
ment notre Droit naturel moderne et, par là, notre Droit positif.
Un achèvera de marquer le caractère variable du Droit
exemple pratique
naturel. On a maintes fois observé le Code civil français de 1804 n'a
que
vraiment d'une manière et détaillée que l'organisation de
réglé complète
la famille et la du c'est-à-dire de la richesse ac-
protection patrimoine,
quise, en un mot, le Droit bourgeois. Il a sensiblement négligé l'organisa-
tion du travail qu'il considère comme une marchandise, au point de ne
voir dans le contrat qui lie le salarié à l'employeur qu'une simple variété
du louage. Ce point de vue, pendant une bonne partie du XIXe siècle, a pu
ne pas paraître en contradiction avec le Droit naturel. Mais notre société
gens) Ou Droit international privé, selon qu'il met ou ne met pas en jeu des
intérêts politiques. Le Droit national, au contraire, est celui qui ne régit
qu'une nation déterminée.
Le Droit national, tour, à son
se divise en Droit public et Droit privé.
A. — Le Droit public est celui qui règle la constitution de l'Etat et ses
rapports avec les individus, ses sujets. Il comprend notamment :
le Droit constitutionnel, qui se réfère à l'organisation générale de l'Etat ;
le Droit administratif , qui règle l'exercice des diverses fonctions de
l'État et, en particulier, la gestion de ses intérêts dans ses rapports avec
les particuliers ;
le Droit pénal ou criminel, qui établit et mesure la répression des at-
teintes apportées par les infractions des particuliers à la tranquillité et au
bon ordre, que l'Etat a pour fonction essentielle d'assurer et de garantir.
— Le Droit national est celui
B. privé (Droit privé s'entend) qui orga-
nise les rapports entre particuliers, entre citoyens d'un même Etat.
On l'appelle plus spécialement Droit civil quand il réglemente les
rapports de famille et les rapports patrimoniaux qui se forment entre les
individus envisagés en général (en tant que membres de la cité, d'où
plupart des articles (1101 à 1369) consacrés à la théorie générale des obli-
conventionnelles, tous ceux aussi que le Code consacre à tel ou tel
gations
contrat usuel, par exemple, les textes relatifs à la vente (art. 1582 à 1701) ou
au louage (art. 1708 à 1831). Quelle est donc la portée de ces dispositions
et comment leur existence se concilie-t-elle avec le principe de l'autonomie
de la volonté ? Nous aurons répondu à celte question en disant que la plu-
sont ou
part de ces dispositions supplétives déclaratives, c'est-à-dire qu'elles
déterminent les conséquences des actes juridiques envisagés, uniquement
pour le cas où les parties intéressées ne les auraient pas prévues elles-
mêmes et réglées d'une manière différente. Cette hypothèse est d'ailleurs
celle qui se présente en fait le plus fréquemment. Quand deux personnes
concluent un
contrat, il est infiniment rare qu'elles en prévoient et règlent
en détail tous les effets juridiques. Elles se contentent presque toujours de
se mettre d'accord sur les points principaux, par exemple, s'il s'agit d'une
vente, sur la chose vendue, sur le prix, sur la date du paiement. Pour le
prononcée dans ce sens si elle avait été exprimée, elles ne font donc que
suppléer à l'expression de la volonté libre de l'individu, déclarer celle vo-
lonté inexprimée mais sous-entendue. Cette supposition, cette présomp-
tion pourront d 'ailleurs être librement écartées par une déclaration de
volonté expresse en sens contraire. Exemple : l'article 1754 du Code civil
au Titre du louage, nous dit que le locataire d'un immeuble doit faire
faire à ses frais certaines réparations dites locatives. C'est là la règle qui
s'appliquera à défaut de bail écrit ou à défaut de clause du bail visant les
réparations. Mais rien n'empêche que, dans leur bail, les deux contrac-
supporter non seulement les réparations locatives mais encore les grosses
réparations. En un mot, comme on l'a dit, dans les textes du genre de l'ar-
ticle 1754 du Code civil, le législateur « n'impose pas, il propose ». Au
DROIT. — Tome I. 1
10 INTRODUCTION. — CHAPITRE PREMIER
I. — Sources législatives,
— La Loi et la Coutume. — Le mot de
ticulière dans les matières qui sont l'objet desdites lois composant le présent
Code. » Il semblerait donc, à première vue, que l'étude de cette ancienne
législation soit dépourvue d'intérêt pour la connaissance du Droit civil
1. On peut encore considérer comme des sources législatives les arrêts de règle-
ment rendus par les Parlements, lesquels différaient en ceci des arrêts des juri-
dictions modernes et des arrêts non réglementaires des Parlements eux-mêmes,
14 INTRODUCTION. — CHAPITRE PREMIER
qu'ils ne constituaient pas seulement une jurisprudence mais faisaient loi pour
l'avenir, chaque fois qu'il se présentait une question semblable à celle qu'ils avaient
résolue. L'article 5 du Code civil a enlevé aux juges ce pouvoir,
GÉNÉRALITÉS 15
en opposition avec les lois plus récentes, les textes de la période intermé-
diaire restent encore applicables aujourd'hui 1.
d'avocat, pour et, au besoin, contre la loi, était tenu par une commission
de trois conseillers d'Etat et une autre de trois tribuns. Après des plaido-
ries contradictoires ou non, le Corps législatif décidait.
à la assemblée, le Sénat conservateur, son rôle lé-
Quant quatrième
consistait à annuler, sur un référé des
tribuns, les lois ou autres
gislatif
actes contraires à la constitution. A cet effet, il était établi que la loi
sion de rédaction avait préparé les textes en quatre mois seulement et les
logique dans lequel ils ont été votés. Pour nous en tenir à un exemple,
l'article 1064 fait partie d'une loi votée avant celle qui contient l'article 524,
bien que ces deux textes traitent de matières absolument connexes.
Sur la valeur intrinsèque du Code civil on a beaucoup discuté. Il a eu
des admirateurs passionnés. Napoléon a dit qu'il était son plus beau titre
de gloire. Puis, aux apologistes presque superstitieux des premiers jours,
ont succédé des détracteurs divers qu'on peut répartir en deux groupes.
1. Les travaux préparatoires du Code civil ont été réunis dans deux recueils
considérables : Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil,
1827-1828, 15 vol., et Locré, Législation civile, criminelle et commerciale de la
France, 1827-1832, 31 vol. Ce dernier recueil contient, outre le Code civil (16 pre-
miers volumes), les travaux préparatoires des autres Codes napoléoniens. — Adde :
Portalis. Discours, rapports et travaux sur le Code civil, publiés par son petit-
fils en 1845.
18 INTRODUCTION. — CHAPITRE PREMIER
un Code civil fédéral dont le texte est entré en vigueur le ler janvier 1912,
et qui apparaît aux yeux des connaisseurs comme l'une des oeuvres légis-
latives les plus remarquables de ce temps Les Anglo-Saxons d'Angleterre
et des Etats-Unis 2 sont encore, à la vérité, régis par la Common Laic, c'est-
à-dire une masse non coordonnée d'anciens statuts dont plusieurs re-
par
montent à des siècles, se contredisent les uns les autres et dont
parfois
qui
le juge ne sait avec certitude s'ils sont demeurés en vigueur
pas toujours
ou s'ils doivent être regardés comme périmés. Cet état de choses est loin
d'être considéré comme réalisant la perfection par les esprits éclairés
et d'Amérique. Et, en tous cas, ces pays sont au nombre de
d'Angleterre
ceux où la justice est la plus lente, la plus compliquée et la plus coûteuse 3.
1. Les idées de Savigny se trouvent exprimées surtout dans son opuscule maintes
fois cité : Vom Beruf unserer Zeit für Gesetzgebung und Rechlswissenschaft,
dont la première édition parut en 1314. Il les a reproduites ensuite à plusieurs
reprises, soit dans son System des römischen Rechts, soit dans sa revue Zeit-
schrift für geschichtliche Rechtswissenschaft.
2. Certains des Etats américains, comme la Louisiane, ont d'ailleurs déjà un
Code civil.
3. Les Anglais ont déjà montré, par les codifications auxquelles ils ont procédé
dans l'Inde, qu'ils apprécient facilement les avantages de cette consolidation du
droit et il ne paraît plus douteux qu'ils ne la réalisent un jour dans leur propre
pays. V. Glasson, La codification en Europe au XIXe siècle, Rev. pol. et parl.,
1894, p. 201 et 402, 1895, p. 198 ; Alvarez, Une nouvelle conception des éludes ju-
ridiques et de la codification du Droit civil, 1904 ; Roguin, Observations sur la
codification de lois civiles, 1896.
GÉNÉRALITÉS 19
exagérée. Notre Code consacre d'une façon très ferme les principes fonda-
mentaux de la France moderne en matière de Droit civil, à savoir celui
de la liberté de l'individu avec son corollaire, la protection de la propriété
1. Ce Comité, qui comprenait des hommes destinés à marquer dans l'histoire po-
litique de la fin du XIX° siècle, comme Jules Simon, Jules Favre, Jules Ferry, Flo-
quet, des économistes comme Garnier et Courcelle-Seneuil, des professeurs comme
Vacherot et Acollas, a tenu plusieurs réunions dont le procès-verbal nous a été
transmis par Acollas dans son Manuel du Droit civil, t. I, Introducion.
2. V. Saleilles, L'article 270 du Code civil français et le paraqraphe 22-3 du Code
civil allemand, Rev. trim., 1903, p. 587 à 614, et 1904, p. 89 à 152.
20 INTR0DUCTI0N. — CHAPITRE PREMIER
minologie est incertaine et empirique; des mots sont employés avec des
sens différents suivant les articles et parfois même dans un même article,
par exemple, les termes de tiers, acte, titre, faute, nullité, et bien d'autres
1. Pour les traits généraux du Code civil et pour son expansion dans les pays
étrangers, consulter les études publiées par la Société d'études législatives, en deux
volumes sous le titre Le Code civil, 1804-1904, Livre du Centenaire.
2. V. dans le Livre du Centenaire les articles de M. Gaudemet, Les codifications
récentes et la révision du Code civil, et de M. Gény, La technique dans
législative
la codification civile moderne, t, 2 p. 967 et 989.
GÉNÉRALITÉS 21
pas aux rédacteurs du Code civil d'avoir été de leur temps. Mais occupons-
nous de reviser leur oeuvre, tout en en conservant les fortes assises,
de manière à donner à notre pays un Code civil qui soit à la hauteur
de ses aspirations actuelles et qui, dans le domaine législatif, con-
serve à la pensée française son rôle séculaire d'émancipatrice du genre
humain 2.
(lois des 29 avril 1845, 11 juillet 1847, et 10 juin 1854). Puis vint la créa-
tion des sociétés de crédit foncier par le décret du 28 février 1852, qui
prépara la grande loi du 23 mars 1855 sur la publicité des transmissions
immobilières et l'amélioration de notre système hypothécaire. De toutes
les modifications apportées au Code civil, cette loi marque certainement la
plus importante.
La protection de la propriété mobilière sous la forme de titres jadis à peu
près inconnus, et notamment d'actions et d'obligations au porteur, a appelé
ensuite l'attention du législateur. Cette protection était le complément né-
cessaire de la grande loi de 1867 sur les sociétés de commerce. Elle s'est
traduite par deux séries de lois importantes : les premières, de 1872 et 1902,
ont eu pour but de venir au secours des porteurs de titres ou volés ;
perdus
INTRODUCTION. — CHAPITRE PREMIER
24
Distinction, parmi les lois modernes, entre les lois et les décrets.
Une distinction essentielle domine cette source législative contemporaine
et en pleine activité. C'est la distinction entre les lois et les décrets.
Nous signalerons entre les uns et les autres les deux différences ci-après.
a) En premier lieu, l'origine de la loi et du décret n'est pas la même. Le
terme de loi est, nous l'avons vu, une expression générale désignant toute
règle juridique obligatoire émanant du souverain. Mais, stricto sensu et par
opposition aux décrets, les lois sont les règles qui ont fait d'un vote
l'objet
de la du pouvoir et qui ont été promulguées ensuite
part législatif par le
pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif, on le sait, depuis la Révolution,
réside en principe dons le Parlement élu par la nation. A coté des lois, il y
a cependant des règles obligatoires émanant du pouvoir exécutif ou de
b) Ce n'est pas seulement par l'origine que diffèrent les lois et les dé-
crets. Il existe entre eux une seconde différence tenant à leur portée. La
loi seule peut statuer sur les principes, poser les règles de fond du Droit.
Les décrets n'ont à statuer que sur les détails d'application de la loi, et
cela en vertu du pouvoir dit réglementaire, qui, d'après les principes de
notre Droit public, appartient au pouvoir exécutif à raison de sa mission
fondamentale qui est d'assurer l'exécution de la loi et non pas de la faire.
En fait, lorsqu'une loi nouvelle fait prévoir des difficultés et des détails
DROIT. — Tome I.
INTRODUCTION. — CHAPITRE PREMIER
26
qui a validé en bloc tous les décrets dictatoriaux rendus par le Chef de
l'Etat français dans l'intervalle compris entre le coup d'Etat du 2 décembre
1851 et la promulgation de la dite Constitution.
De môme, certains décrets du gouvernement de la Défense nationale de
1. Nous verrons plus loin, p. 40, que le Conseil d'Etat, s'il a perdu en 1814 son
pouvoir d'interprétation législative, a continué quelque temps à être chargé d'in-
terpréter la loi en cas de doute, mais sous forme d'interprétation judiciaire et à
la manière non plus d'un corps législatif mais d'un tribunal,
GÉNÉRALITÉS 27
1870-1871 ont traité de matières du Droit civil. Nous analyserons plus tard
(p. 45) notamment celui qui a modifié l'article 1er du Code civil. L'Assemblée
nationale ayant annoncé son intention de désigner ceux des actes dictato-
riaux de ce gouvernement qui seraient l'objet d'une annulation, et aucune
abrogées.
Il y a une seconde catégorie de décrets-lois : ce sont ceux qui régissent
les colonies françaises. C'est, en effet, un double principe de notre Droit
constitutionnel que les lois de la métropole ne sont pas applicables de
plein droit aux colonies et que le chef de l'Etat a le droit de légiférer pour
celles-ci par simples décrets.
— Il
2° La Coutume 1. y a longtemps que nous vivons sous l'empire
d'un Droit non seulement positif mais écrit. Seules sont obligatoires pour
les citoyens les règles de Droit établies par des textes (lois ou décrets)
rendus par les pouvoirs auxquels la constitution attribue la fonction de
légiférer. Il semble donc que la coutume ne peut être considérée aujour-
d'hui comme une source
législative. Ce principe nous paraît incontes-
table. Cependant, il y a certains tempéraments à ce principe.
A. — Dans certaines matières, le législateur a, d'une façon formelle;
abandonné le règlement de tel ou tel point aux usages, c'est-à-dire à une
certaine variété de la coutume. Dans ce cas, la force
repose, de la coutume
non sur une délégation, car le pouvoir législatif ne peut se déléguer, mais
plus exactement, sur une consécration légale. Il en est ainsi en matière
de servitudes et de relations de voisinage (art. 645, 663, 671, 674 C. civ.),
au sujet de certaines règles concernant la propriété rurale (lois sur le Code
rural des 9 juillet 1889 et 22 juin 1890, art. 2, 4, 8, 15 ; du 21 juin 1898,
art. 75), à propos aussi de certains contrats, notamment du contrat de
louage (art. 1736, 1748, 1753, 1780 4e al.). De même, et plus générale-
ment, le Code civil dispose (art. 1160) que, lorsqu'il s'agit de l'interpré-
tation d'un contrat on doit y suppléer « les clauses qui y sont d'usage
quoiqu'elles n'y soient pas exprimées ». On le voit, la coutume sert ici de
fondement à des règles tout à fait analogues à celles des dipositions de
loi proprement dites que nous avons désignées par l'épithète de supplé-
tives ou déclaratives (suprâ p. 8 et s.). Il va de soi que, comme ces dispo-
et croire tout notre Droit civil trouve expressionson dans les 2.281
que
articles dont il se compose. Ce serait une grossière erreur. Il y a beaucoup
de matières sur lesquelles le Code ne contient que quelques dispositions
insuffisantes. On peut citer comme exemples, parmi beaucoup d'autres, l'ac-
tion paulienne, ou droit des créanciers de demander la révocation des
actes frauduleux de leur débiteur, que l'article 1167 se contente d'énoncer,
sans rien dire de ses conditions d'exercice et de ses effets, et le régime do-
tal, dont les articles 1540 à 1581 ne donnent qu'une esquisse fort incomplète.
qui leur sont soumises et ne sont jamais liés par leurs décisions antérieures
lorsqu'ils sont appelés à se prononcer sur une espèce nouvelle, offrît elle
la plus complète analogie avec les procès précédemment jugés. L'existence
même de tel ou peuttel doncusageêtre ne considérée comme certaine,
fût-elle affirmée de la plus la manière
formelle par une multitude de déci-
sions judiciaires, que dans la mesure où l'on peut se fier à la fixité des
doctrines et des principes adoptés par les tribunaux. C'est pour cette rai-
son, entre autres, que la Coutume, en tant que source du droit, ne peut se
différencier de la Jurisprudence que par des nuances délicates et peut-être
même imperceptibles.
En second lieu, on remarquera que l'existence et la teneur d'un usage,
étant des questions de fait, sont constatées d'une manière souveraine, au
moins en matière de Droit civil, par les juges du fond, ce qui revient à dire
que la Cour de Cassation ne peut être saisie d'un pourvoi fondé sur la
violation d'un usage par un jugement ou un arrêt.
Enfin, il est bon d'observer que les inconvénients manifestes du Droit
coutumier, même dans la sphère réduite où il fonctionne encore, sa va-
riabilité, son incertitude conduisent fatalement à en restreindre de plus
en plus la valeur. En effet, du moment que les usages en vigueur pré-
sentent une certaine importance, on aspire toujours à les fixer en les
rédigeant. C'est sous l'empire de cette préoccupation qu'a été écrite la loi
du 13 juin 1866 les usages commerciaux, laquelle vise les
sur usages
relatifs aux ventes commerciales. De même le Code rural, dont certaines
parties ont été incorporées dans le Code civil en majeure
n'est, partie,
qu'une codification d'usages.
raisons.
D'abord, avant la rédaction officielle des Coutumes, la première ques-
tion qui se posait pour le juge, tenu de faire application du Droit cou-
tumier, était d'en rechercher les solutions. Heureux quand il les trouvait
formulées dans les productions de certains écrivains qui s'étaient donné
pour tâche de relater le contenu des Coutumes. C'est ainsi que nombre
d'oeuvres privées purent
acquérir une valeur quasi-officielle. De là l'im-
qui, dans l'opinion courante, fut faite à Saint-Louis des fameux Etablis-
sements de Saint-Louis, oeuvre privée d'un écrivain anonyme. Et ainsi
travail de
(ou Somme Maucaël) cependant pure doctrine, que l'on trouva
le texte, considéré comme authentique, de la Coutume de Normandie
jusqu'à la fin du siècle, époque où la province eut enfin une rédac-
XVIe
tion officielle (de 1577 à 1583), la dernière en date de celle des grandes
coutumes.
Plus tard, la rédaction des vint grandement restreindre le
Coutumes
rôle des jurisconsultes. Il resta néanmoins considérable. en
D'une part,
effet, les coutumes rédigées demeuraient fort incomplètes. Aucune, par
exemple, réglé la matière des même
n'avait Obligations. D'autre part,
sur les points qu'elles avaient visés, elles étaient souvent exagérément
concises, de style lâche et obscur. Où trouver la en cas
règle applicable,
de lacune ou de la loi écrite, sinon dans les écrits des
d'obscurité juristes
qui, de la logique, de et du construi-
s'inspirant l'équité Droit romain,
saient sur toutes les matières des théories d'ensemble ? Ajoutons que
ces ne se bornaient point à expliquer et à compléter la Cou-
écrivains
tume ; ils en faisaient la savante
critique ; ils en
dénonçaient les imper-
fections. sous leur influence, et en conformité de leur
C'est direction,
que beaucoup de nos coutumes reçurent une seconde rédaction. Enfin
les Coutumes étaient diverses et disparates, et la nation, en même temps
que se fortifiait son unité politique, aspirait à l'unité de législation. De là
une tâche de
plus pour nos jurisconsultes. Ils s'efforcèrent de construire
un Droit commun coutumier en dégageant les communs à l'en-
principes
semble des coutumes des solutions divergentes des textes écrits et des
jurisprudences, et en faisant en cas de contrariété irréductible
ressortir,
des solutions, celles qui leur paraissaient les plus conformes au génie na-
tional. On peut dire que ce commun, construit par de grands
Droit juris-
consultes tels que et a fait l'unité rationnelle et mo-
Dumoulin Domat,
rale du français avant que la Révolution réalisât l'unification
Droit n'en
légale 1.
De nos jours, avec l'abondance et la minutie détaillée de notre législa-
tion positive, le champ des jurisconsultes s'est rétréci,
d'action beaucoup
surtout comme cela était fatal, dans les premiers temps qui ont suivi la
promulgation des grands modernes. A cette époque, et pendant
Codes
longtemps, il a plus eu place que pour des de commentaire.
n'y oeuvres
Cependant, la littérature juridique est, dans notre d'une abondance
pays,
extrême et toujours croissante. Elle dans un nombre infini
s'exprime
d'écrits, soit traités d'ensemble sur telle ou telle branche du Droit, parti-
culièrement du civil, soit monographies relatives à un point parti-
Droit
culier, soit articles de revues ou de journaux spéciaux, soit notes publiées
dans les recueils de jurisprudence. Envisagée dans son ensemble, cette
littérature a varié de tendances et suivant les temps.
d'inspirations
la plus grande partie du siècle dernier, la fonction de la Science
Durant
à peu bornée à un rôle de et
s'est près description d'exégèse. Il en est
t-il, chercher la pensée de ses auteurs. De là, chez eux, la méthode et l'ap-
gences de l'équité, les changements survenus dans les moeurs étaient par
eux trop souvent perdus de vue, tant leur attention se portait de préfé-
rence sur la rigueur logique des théories et le bel ordre des constructions
juridiques. Ils n'ignoraient certes pas la Jurisprudence, mais ils n'en re-
cueillaient et n'en citaient les décisions qu'à titre d'illustration
d'appoint,
de leurs thèses, au lieu d'y apercevoir ce qu'elle est en réalité, une lé-
gislation coutumière et vivant en perpétuel état de transformation et de
progrès.
Il y aurait dans de tels reproches, s'ils avaient été formulés avec
jamais
la netteté un peu tranchante que nous avons dû leur prêter la clarté
pour
GÉNÉRALITÉS 33
temps que le plus concis, de l'origine historique de ses solutions sur chaque
point, et des transformations qu'elles ont subies ensuite par le fait de l'in-
terprétation judiciaire.
Et il n'est pas vrai, d'autre part, que l'esprit critique et les vues légis-
latives aient été étrangers aux inspirations de nos jurisconsultes du
XIXe siècle. Loin de là, leur doctrine a plus d'une fois inspiré des réformes
cative de l'article 767 du Code civil, loi qui a élargi considérablement les
droits successoraux du conjoint survivant, a été, sans aucun doute, le produit
des critiques doctrinales dirigées contre le texte primitif du Code, lequel
n'attribuait à celui-ci que des droits héréditaires absolument insuffisants.
Quoi qu'il en soit, la doctrine des écrivains d'aujourd'hui est entrée
une plus hardie, plus novatrice, plus pratique aussi. Elle ne
dans voie
considère pas la règle de droit comme un
précepte définitif et à tout
s'attachent moins que leurs devanciers à scruter quelle aurait été sur
le point à régler la pensée du législateur d'autrefois, mais bien quelle
est la solution qui leur paraît la plus conforme aux besoins sociaux actuels
et à l'idéal d'équité de la génération présente. Certains, poussant jusqu'à
l'extrême une telle conception, vont jusqu'à dire que la loi, une fois
d'adaptation que lui fait subir la Doctrine. Sans aller aussi loin, on ad-
mettra du moins —
et c'est en ce sens la Doctrine contem-
que s'oriente
poraine, — que la volonté du législateur n a pas pu tout prévoir et que,
même dans le champ de ses prévisions, elle a dû envisager la probabi-
lité de transformations sociales. Ce n'est donc pas se mettre en con-
tradiction avec l'esprit du législateur que d'assouplir les règles qu'il a
que nos patries actuelles, éclairerait l'interprétation des diverses lois natio-
nales de manière à leur faire produire ensemble des solutions aussi con-
formes que possible à la
moyenne des aspirations communes au monde
civilisé 1. Il est évident que, si la Doctrine du XXe siècle pouvait jamais jouer
un rôle aussi élevé, sa mission acquerrait une importance et une gran-
deur qui ne lui laisseraient rien à envier à nos grands jurisconsultes
d'autrefois.
les litiges auxquels donne lieu l'application de la loi. Ces décisions, quand
elles offrent quelque intérêt, sont recueillies et
conservées, ou bien dans
des quotidiens spéciaux, ou bien dans des Recueils
journaux périodiques
affectant la forme de cahiers, avec des tables facilitant les recherches, ou
encore dans des Dictionnaires ou Répertoires alphabétiques, ou enfin sous la
forme d'annotations souscrites sous le texte des articles des Codes annotés
publiés par divers éditeurs 2.
quement, il n'y a pas là une règle de Droit obligatoire, car chez nous, à la
différence de ce qui se passe pour le Case law ou Droit jurisprudentiel an-
glais, les autres tribunaux, et ceux mêmes dont émanent les décisions cons-
titutives de la Jurisprudence ainsi fixée, conservent toute liberté pour sta-
tuer dans un sens différent sur les litiges ultérieurs semblables qu'ils seront
plus fort encore. Les rédacteurs du Code civil ont établi, sous les articles
1119 et 1121, la prohibition pour de
autrui, sauf
stipuler dans deux cas
exceptionnels. C'était
règle là une
gênante, surtout pour le développement
des assurances sur la vie, opérations auxquelles les rédacteurs du Code
civil ne pouvaient pas songer et qu'ils eussent vraisemblablement prohi-
bées, s'ils y avaient pensé. Or, par une série de raisonnements ingénieux
et hardis, la Jurisprudence du XIXe siècle est parvenue, non seulement à
tourner la prohibition de l'article 1119, mais encore à en faire sortir, sauf
complexes. D'abord, les éloges décernés à l'oeuvre des tribunaux ont fait,
en quelque manière, la critique de celle du Parlement. Aussi a-t-on affecté
souvent de compter sur la Jurisprudence pour réaliser le progrès juridique
plutôt que sur le travail des assemblées législatives, trop lentes, trop en-
clines à se désintéresser des réformes dépourvues de conséquences électo-
rales. Avec plus de justice, on pourrait, croyons-nous, surtout depuis ces
dernières années où nous le voyons déployer, en matière de Droit civil, une
incontestable activité, redouter plutôt, chez le législateur, un excès de har-
diesse, une trop grande propension à abroger, à renouveler les règles qui
lui paraissent gênantes ou vieillies. La Jurisprudence ne peut évidemment
procéder de même. Elle est forcée de respecter les textes positifs. Tout au
plus peut-elle parvenir à les tourner, à les éluder parfois. Mais avec quelle
circonspection doit-elle ne révolutionne elle E
procéder ! Elle pas, adapte.
décisions, des vues profondes et des théories auxquelles ils n'avaient nul-
lement songé en réalité. Mais, à peine la Doctrine a-t-elle relevé une orien-
tation nouvelle, dégagé les conséquences d'une décision marquante que,
trop souvent, un nouvel arrêt vient, contrairement à toute logique, démen-
tir les prévisions en apparence lesplus certaines, et consacrer une solution
rationnellement inconciliable avec la théorie échafaudée sur les décisions
antérieures !
litiges dont la loi n'a pas attribué la connaissance à une autre juridiction,
sont les tribunaux civils de première instance. Ce sont eux qui connaissent
des litiges de Droit civil. Leurs décisions s'appellent des jugements. Depuis
le décret du 3 septembre 1926, il n'y a plus qu'un tribunal par département.
Quoique dénommés tribunaux de première instance, ces tribunaux sont
être en
juges d'appel de certaines contestations, celles qui doivent jugées
ressort statuent en matière
premier par les juges de paix. Ces magistrats
civile sur les petits soumis la loi à leur compétence, tantôt en
litiges par
premier et dernier tantôt, comme nous venons de le voir, en pre-
ressort,
mier ressort seulement et à devant les tribunaux d'arron-
charge d'appel
dissement.
Au-dessus des tribunaux civils siègent les Cours d'appel, juridictions
d'un ressort étendu, en des contestations tran-
plus qui connaissent, appel,
chées les tribunaux civils, dans le cas où ceux-ci jugent en premier
par
ressort seulement, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de procès d'une certaine
ner, avant le jugement ou l'arrêt, un avis impartial. Cet avis est tantôt
prise à partie. La loi n'a pas ajouté, mais cela allait sans dire, que, si le
prit de la loi. Dans quelle mesure doit-il s'inspirer du sens virtuel des
dispositions écrites sur les points réglés par la loi, ou au contraire re-
chercher les solutions qu'exigent l'équité et les besoins sociaux actuels,
c'est là un point sur lequel nous ne reviendrons pas Tout ce que nous
avons dit à ce propos, en parlant de l'interprétation doctrinale, en
peut
effet s'appliquer à l'interprétation judiciaire qui a, sur ce point, subi le
même mouvement d'idées.
En second lieu, l'article 5 du Code civil interdit aux de « pronon-
juges
cer par voie de disposition générale et
réglementaire sur les causes qui
leur sont soumises ». C'est là une conséquence du principe de la Sépara-
tion des pouvoirs que le législateur révolutionnaire, désireux de prévenir
tout empiétement des corps judiciaires analogue à ceux des anciens Parle-
GÉNÉRALITÉS 39
avait
plus d'une fois consacrée (V. Const. déjàde 1791, tit.
ments, III,
chap. V, art. 3; Const. du 5 fructidor an III, art. 203). Les juges ne sta-
tuent donc que sur des espèces, et l'interprétation de la loi qu'ils donnent
à ce propos ne lie pas les autres juridictions, fût-ce les juridictions infé-
rieures de leur ressort, et ne les lie pas eux-mêmes une autre fois.
pour
constitution de l'an III (art. 256) à cela près qu'il y avait alors référé légis-
latif de à la suite d'une seconde décision judiciaire conforme à la
plano
décision cassée. Ce système était mauvais. Il est en effet naturel que le
législateur interprète la loi
qu'il a faite lorsqu'elle est obscure, mais cette
blable hypothèse, y avoir référé au Roi et que celui-ci devait, dans la session
suivante, proposer aux une loi interprétative
Chambres (L. de
législative
1828, art. 2 et 3). Mais un. tel système n'en était pas moins très défectueux.
Pour peu que les conflits entre la Cour de cassation et les juges du fond
fussent nombreux, l'ordre du jour du Parlement était encombré. Les inter-
pourvois successifs sur la même affaire, pourvois fondés sur les mêmes
la Cour de cassation statue toutes chambres réunies. Si elle se
moyens,
range à l'avis de la Chambre civile et casse une seconde fois, la juridic-
tion de renvoi est tenue de se conformer, sur le point du droit, à la solu-
tion donnée par l'arrêt des Chambres réunies.
Même en ce cas, il faut remarquer que l'interprétation donnée par les
chambres réunies de la Cour de cassation n'a pas une portée régle-
mentaire. D'une part, la Cour de cassation n'est pas liée elle-même par sa
propre jurisprudence. Le
lendemain, dans une affaire semblable, elle
pourrait adopterune autre manière de voir. Et, d'autre part, les tribunaux
et les Cours d'appel ne sont pas liés davantage pour toute autre affaire; ils
conservent le droit de ne pas se ranger à l'avis de la Cour suprême. Mais
ce sont là des hypothèses théoriques. La quasi-certitude d'une cassation
en cas de pourvoi, si leur décision était en contrariété avec un arrêt des
Chambres réunies, empêchera les juges du fond, dans une affaire sem-
blable, de contre l'interprétation donnée à la loi
par la Cour
s'insurger
suprême. Et celle-ci, d'autre part, tient avec raison à ne pas se départir
d'une jurisprudence qu'elle a formulée elle même, étant donné la pertur-
bation dans les intérêts qu'entraînerait une pareille volte-face.
DROIT. — Tome I,
CHAPITRE II
ger. » Nous n'avons pas à faire ici l'étude de ce texte et des questions
multiples qu'il soulève, et qu'on désigne communément sous le titre de
se fait la ? — antérieure à
2° Comment publication Législation
1870. — Le Code civil n'avait pas établi de publication proprement dite.
1. Voir le règlement du 13 août 1814, concernant les relations des Chambres avec
le roi, lit, IV, De la sanction ©t de la publication des lois,
SPHÈRE D'APPLICATION DE LA LOI 45
tère de la
justice, on décida de mentionner cette date de au
réception
bas dé chaque numéro du Bulletin des lois (Ord..18 janvier 1817, art. 4).
Au cas d'urgence, la loi était directement envoyée aux préfets de-
qui
vaient la faire imprimer et afficher.
par le Président de la Chambre qui l'a voté au dernier lieu. Or, la pro-
compli son devoir, qui est non seulement de rendre la loi exécutoire,
mais de la mettre en exécution, qu'autant qu'il a à la fois promulgué et
platonique.
1. En ce sens : avis du Conseil d'Etat du 5 pluviôse an VIII (25 janvier 1800) Cet
avis inséré au Bulletin des lois n'a pas été abrogé (D, J. G,, V. Lois, n° 120).
SPHERE D'APPLICTION DE LA LOI 17
dispose pour l'avenir. Elle régit tous les faits, toutes les situations qui
se produiront dorénavant. 2° La loi ne dispose pas pour les faits qui se
sont déjà passés, accomplis antérieurement à sa promulgation. C'est
cette seconde des deux règles contenues dans l'article 2 du Code civil qui
constitue le principe de la non-rétroactivité des lois.
Donnons immédiatement un exemple de cettedouble portée de l'article 2.
Les débiteurs d'argent sont redevables de plein droit envers leurs créan-
ciers, à partir du moment où ceux-ci les ont mis en demeure, d'un in-
térêt légal (art. 1153, 1er al.) qui est aujourd'hui de 5 % l'an;
Supposons
qu'une loi nouvelle augmente le taux de cet intérêt légal et le porte à 6 %.
Un débiteur était depuis six mois en demeure. Il faudra décider : 1° Par
application de
première la
règle de l'article 2 que, dorénavant, ce débiteur
supplément de 1 % pour les intérêts qu'il doit à raison des six mois écou-
lés antérieurement à la loi nouvelle.
maintenant — la est essentielle — comment se
Voyons question jus-
tifie le principe de la non-rétroactivité des lois qui se retrouve dans toutes
les législations. Nous ne nous occuperons d'ailleurs ici que de matières de
Droit privé, le principe de la non-rétroactivité des lois de Droit pénal,
consacré actuellement par l'article 4 du Code Pénal, étant dominé et régi
Supposons par exemple qu'une succession s'est ouverte hier à mon pro-
fit, et que, d'après les lois fiscales actuelles, je dois de droits
payer 15%
de mutation. Supposons que, une loi nouvelle vienne élever
demain,
à 20 % le tarif des droits de mutation. Il est si
clair, j'ai déjà réglé ma
dette envers l'administration de l'Enregistrement,
que celle-ci ne pourra
pas invoquer la loi nouvelle pour me réclamer de taxe; un supplément
bien plus, si je n'ai pas encore c'est encore sur le pied
payé, de 15 % et
non sur celui de 20 % à m'acquitter.
que j'aurai La taxation qui m'a cons-
titué débiteur de telle ou telle somme envers le fisc est une conséquence de
ma situation d'héritier, au moment
déjà accomplie où statue la loi nouvelle.
De même, les créanciers avant avaient
qui, 1900, touché, de leurs débi-
teurs en retard, un intérêt de 5 ou de 6 % (ce qui était le taux légal à
cette époque), n'ont pu être contraints à une restitution partielle après que
la loi du 7 avril 1900 a eu abaissé le taux de l'intérêt
légal à 4 % en ma-
tière civile et à 5 % en matière commerciale.
De même, et plus évidemment encore, le changement souveraineté
de
plaçant les individus annexés sous de la loi de
l'empire l'Etat annexant, et
équivalant pour eux, par exemple, pour les sujets sardes devenus français
en 1860, la promulgation d'une loi nouvelle, ne peut porter atteinte
à
aux droits qu'ils avaient acquis de la loi
sous l'empire ancienne, leur faire
perdre, par exemple, le bénéfice d'un jugement qu'ils avaient précédem-
ment obtenu des tribunaux sous la juridiction
desquels ils se trouvaient
placés (Civ., 7 juillet 1862, D P. 1862. 1.355 ; S. 62.1. 831; 17 février
Civ.,
1903, D. P- 1903. 1. 241, avec concl. de M. le proc.
gén. Beaudouin).
SPHÈRE D'APPLICATION DE LA LOI 49
guère être douteuse. Toute loi nouvelle doit être présumée meilleure que l'an-
cienne; car, à quoi bon modifier la loi si ce l'améliorer n'est pour ? Donc,
la loi nouvelle semble a priori devoir régir les effets que produiront dans
l'avenir les actes ou les situations juridiques, même antérieurs à sa pro-
mulgation. Toute survivance doit donc être refusée à la loi ancienne.
Et tel est bien le principe que la Jurisprudence a souvent proclamé
en termes formels. « Toute loi nouvelle, dit la Cour de Cassation,
1. Nous nous permettons cependant de formuler des réserves pour la partie des
arrêts du 20 février 1917, 1re et 3e espèces, concernant l'effet d'une déclaration de pa-
ternité sur la dévolution des successions ouvertes et liquidées sous l'empire de la
législation antérieure et dans lesquelles l'enfant naturel réclamerait sa part. Ac-
cueillir cette prétention serait à notre avis, méconnaître le principe de la non-rétro-
activité des lois (V, les observations de M. Capitant dans sa note précitée).
SPHERE D'APPLICTION DE LA LOI 51
d'exceptions.
jouissance d'un immeuble situé rue Oudinot, sans qu'ils eussent à payer
de loyer tant que leur établissement subsisterait dans les locaux concé-
dés. La loi du 30 octobre 1886 sur l'enseignement primaire ayant, par la
suite, dans son article 2, implicitement défendu aux communes de sub-
ventionner directement ou indirectement des écoles privées, la Ville de
Paris demanda la résiliation de sa convention de 1819-1847, et un arrêt
de la Cour de Paris du 6 décembre 1899 fit droit à cette demande. Mais
la Cour de Cassation annula celte décision (Civ. 7 juin 1001 D. P. 1902,
1.105; S. 1902, 1.513, note de M. Wahl), pour cette raison qu'une loi nou-
velle ne peut pas porter atteinte aux conventions conclues par les particu-
liers. « . . Les effets d'un contrat, dit la Chambre civile, régis en prin-
sont
cipe, par la loi en vigueur à l'époque où il a été passé ;... notamment les
D. P. 1902, S. 1903.
2.340,
2.149).
2° On se souvient que les lois de Droit privé se divisent en deux caté-
gories, les lois impératives et les lois supplétives. Ces dernières ne sont
que l'interprétation donnée par le législateur à la volonté présumée des
parties, et cela afin
suppléer de
aux défaillances ou aux lacunes de leurs
prévisions, dans l'ordre des rapports juridiques où leur volonté est sou-
veraine. C'est, par exemple, à cette catégorie des dispositions supplétives
qu'appartiennent la plupart des règles positives écrites dans noire Code
civil à propos des contrats, particulièrement à propos du contrat de ma-
riage, étant donné que le principe dominant, en ces matières, est les
que
conventions librement consenties font la loi desparties (art. 1134, 1387).
Ainsi, lorsque le Code civil décide que les époux mariés sans avoir ré-
digé de contrat de mariage sont placés sous le régime de la communauté
(art 1393), c'est parce qu'il présume, chez les époux n'ont lait
qui point
de conventions l'intention d'adopter, en bloc, les clauses et sti-
spéciales
pulations contenues dans les articles (une centaine environ), con-
qu'il
sacre au régime de la communauté légale.
Or, si l'on suppose qu'une loi nouvelle intervienne modifiant une dis-
position appartenant à l'ordre des lois supplétives, le
par exemple, que
législateur fasse demain du régime de la séparation de biens le régime
légal des époux mariés sans contrat, celte nouvelle devra-t-elle
règle
s'appliquer désormais aux rapports des mariés antérieurement
époux
SPHÈRE D'APPLICATION DE LA LOI 53
sans contrat et
placés, par conséquent, sous le de la commu-
régime
nauté? Non évidemment. En effet, si les époux sont placés aujourd'hui
sous e
régime de la communauté, c'est parce qu'ils l'ont voulu autrefois,
et comme, en cette matière, leur volonté est souveraine, leurs rapports
pécuniaires continueront à être ceux d'époux communs, tant du moins que
subsistera le principe fondamental que les conventions librement formées
font la loi des parties (art. 1134,1387). Le seul effet de la loi nouvelle, subs-
tituant un régime légal à un autre, ce sera que les époux se ma-
qui
rieront dorénavant seront supposés vouloir adopter la séparation de biens.
En un mot, la loi ancienne continue à régir les effets futurs des actes
antérieurs lorsque la loi ancienne et la loi nouvelle appartiennent l'une
et l'autre à la catégorie des lois supplétives de la volonté autonome et
souveraine des parties.
Ainsi s'expliquent et se justifient nombre de décisions de notre Juris-
prudence. Par exemple, il a été jugé que l'annexion d'un territoire ou
d'un Etat ne saurait porter atteinte aux conventions matrimoniales des
époux annexés. Celles-ci, en effet, empruntent leur force à la volonté des
futurs époux, laquelle ne peut être interprétée qu'à l'aide de là loi existante
au moment où les futurs époux ont choisi expressément ou tacitement le
régime qu'ils entendaient adopter ; dès lors, c'est la loi ancienne qui con-
tinuera à s'appliquer dans l'avenir. En conséquence, l'hypothèque légale
d'une femme mariée sous le régime de la loi sarde continuera à être régie
par les dispositions de cette loi et non par celles du Code civil français
(Grenoble, 6 juillet 1882. D. P. 1883.2.89; S. 1884.2.209, note de M. Labbé ;
Req., 25 mai 1883, D. P. 1883.1.381 ; S. 1883.1.3971).
En somme cette règle de principe que la loi .ancienne .doit s'effacer
devant la loi nouvelle quant aux conséquences futures des actes accom-
plis sous son empire ne s'applique que lorsqu'il s'agit de
dispositions
impératives. Et notre seconde restriction à l'empire, dans le futur, de la Joi
nouvelle se relie comme la première à la fois au fondement rationnel
de la règle de la non-rétroactivité, et à son fondement économique,
1. Nous ne rattacherons pas au même ordre d'idées les décisions d'où il résulte
que la validité d'un mariage et les causes de nullité qui l'atteignent doivent être
appréciées d'après la législation en vigueur au moment où il a été contracté, que,
par exemple, un mariage contracté par un Savoisien, avant l'annexion de son pays
à la France, pourra être, postérieurement, déclaré nul pour une cause de nullité
repoussée par notre Code, mais admise par la loi sarde (Chambéry, 7 février 1885,
D. P. 1885.2.241; S. 1886.2.217. note de M. Chavegrin). Ici, il ne s'agit pas de dispo-
sitions supplétives. Le mariage, à la différence du contrat de mariage, n'est pas
régi, dans ses effets, par la volonté souveraine des époux. Ce qui explique la com-
pétence de la loi ancienne; c'est cette idée que la nullité du mariage ou sa validité
sont des faits déjà passés, déjà, accomplis au moment de la mise en vigueur de la
loi nouvelle. Nous raisonnerons de même sur le point de savoir si un engagement
peut ou non être paralysé par une exception. Ainsi, la loi du 28 mars 1885, qui a
abrogé l'exception de jeu dans les marchés à terme, n'a pu faire perdre aux débi-
teurs, en vertu de marchés passés sous l'empire de l'ancien article 1965 du Code
civil, le droit d'opposer cette exception (Req., 12 juillet 1888, D. P. 1889. 1. 10;
S. 1891.1.71). C'est que la caducité facultative d'un marché de ce genre constituait
un fait déjà accompli au moment de la promulgation de la loi nouvelle. C'était
donc la loi ancienne qui devait continuer à s'appliquer,
54 INTRODUCTION. — CHAPITRE II
rétroactivité le — Quelles
La règle de la non n'oblige que juge.
lois sont rétroactives ? — Une observation essentielle qui domine toute
de la non rétroactivité de la loi est une
la matière, c'est que la règle règle
de pur Droit civil et non de Droit constitutionnel Elle n'oblige donc que le
mais non le législateur. A une certaine période de notre histoire, il en
juge,
a été autrement. La Constitution du 5 fructidoran II (Déclaration des Droits,
en effet de ce une constitutionnelle Mais
art. 14) faisait principe règle
ni la Constitution de l'an VIII, ni aucune autre depuis n'a reproduit cette
point réglés par les dispositions du Code ». Celles-ci ont donc eu, lors-
1. On peut citer la loi du 3 mai 1921 sur la réparation de dommages causes aux
tiers par des explosions ou émanations survenues dans les établi sements de l'État
ou les établissements privés travaillant pour la défense nationale. V. aussi loi
du 16 avril 1914 sur l'organisation municipale, art. 3.
SPHÈRE D'APPLICATION DE LA LOI 55
charge de prouver que, par suite de l'état de guerre, l'exécution de ses obli-
lui causerait un préjudice dépassant de beaucoup les prévisions
gations
être raisonnablement faites à l'époque de la convention.
qui pouvaient
Cette loi fait de plus échec au principe de non-rétroactivité, car elle permet
de demander la résolution même à celui qui a été condamné par une déci-
sion de justice passée en force de chose jugée, pour celles de ses obliga-
tions qu'il n'a pas encore exécutées.
et de civile. — Parmi
Lois de compétence judiciaire procédure
les lois dont l'application sans réserve à toutes les manifestations futures
des situations antérieures n'a pas besoin d'être consacrée par un texte for-
il convient qui ont trait à la compétence
celles et à la pro-
mel, d'indiquer
cédure civile. C'est qu'en effet ces lois — intéressant d'ailleurs aussi bien
par lui à son créancier, au moment de son engagement. Mais il faut recon-
naître qu'une telle manière de voir est très sujette à discussion.
DROIT. — Tome I.
58 INTRODUCTION. — CHAPITRE II
qu'il lui parut inutile d'exprimer quelque chose d'aussi évident (Locré,
t. I, p..380, 391 et s.).
L'abrogation tacite est celle qui ne résulte pas d'un texte exprès, mais de
Droit positif dans notre société moderne. Elle peut donc bien modifier l'in-
terprétation donnée à la loi, mais non abroger la loi elle-même par l'éta-
blissement d'un usage contraire. D'autre part, la désuétude d'une loi ne
par exemple, les articles 1265 à 1270 consacrés par le Code civil à la cession
de biens. Ces textes n'ont jamais
abrogés été
ni expressément, ni tacitement.
Aucune disposition légale ne mettrait
obstacle aujourd'hui encore à ce que
la cession de biens fût pratiquée entre débiteur et créancier. Cependant,
toutle monde considère ces articles comme abrogés. En effet, le seul avan-
tage que la cession de ses biens procurait au débiteur était de lui permettre
d'éviter la contrainte par corps. Or, cette voie d'exécution a été supprimée
par la loi du 22 juillet 1887. Il doit en résulter la d'une institu-
disparition
tion, comme la cession de biens, corollaire de celle de la contrainte par
corps. C'est là le résultat d'une nécessité rationnelle, et par na-
conséquent
turelle, qui permet de ne pas s'en tenir à la volonté exprimée du législateur,
parce que, plus forte que cette volonté même, elle l'implique, la sous-entend
inévitablement. De même, aucun texte n'a jamais abrogé le décret-loi du
27 mars 1852 qui rend au Code civil le nom officiel de Code Napoléon.
Nous tenons cependant ce pourtexteabrogé parce qu'il avait en été écrit
vue de mettre l'appellation du Code en harmonie avec les institutions im-
périales créées par la Constitution de 1852, laquelle a été renversée en 1870.
C'est surtout en matière de règlements de police qu'il y aura lieu de
tenir compte de cette espèce d'abrogation tacite résultant, non de la simple
désuétude, mais de la disparition des conditions,
sociales, politiques, éco-
nomiques, en vue desquelles la loi a été écrite. C'est qu'en effet, les rè-
glements de police étant destinés, sans mettre en jeu aucun principe
essentiel de droit, à assurer, par mille prescriptions de détail, le fonc-
tionnement pratique, quotidien et infiniment complexe de la vie sociale
dans l'Etat, le département ou la commune, constituent une législation
essentiellement temporaire et
contingente, en même temps qu'extraordi-
nairement touffue. Les règlements de police peuvent donc être considé-
rés comme ne survivant pas à l'état de choses, au moment de la vie so-
ciale en considération desquels ils sont intervenus. On a cité (Beudant,
.Cours, Introduction, n° 105) une ordonnance de 1634 qui interdit de fu-
mer du tabac à bord des bateaux sous peine d'être battu et mis à fond
de cale. Aucune disposition légale n'a jamais retiré cette ordonnance
qui n'est, d'autre part, incompatible avec aucun des nombreux règle-
ments de police concernant la marine et la navigation qui se sont succédé
le XVIIe siècle. Elle n'a donc fait l'objet d'aucune abrogation, ni
depuis
ni tacite. Qui pourrait cependant soutenir que cette vieille or-
expresse
donnance de 1634 fût encore aujourd'hui obligatoire ?
CHAPITRE III
1151 à 1154, 1168 à 1188, 1304 et s.) une théorie générale des contrats,
c'est-à-dire des actes juridiques les plus fréquents et les plus usuels.
GÉNÉRALITÉS
preuve d'une opération juridique. Les Romains désignaient cet écrit sous
le nom d'instrumentum, et l'on dit quelquefois encore l'acte instrumen-
exemples dans le Code (art. 196, 778, 1139, 1317 et suiv., etc.), est re-
grettable, car elle peut créer une confusion. Il vaudrait mieux réserver
le mot titre pour désigner l'écrit probatoire.
s'agit pas d'un acte ou d'un effet juridique interdit par une disposition
expresse de la loi. Tout ce qui n'est pas défendu est permis.
Ce principe est énoncé dans un des articles les plus importants du
Code civil, l'article 1134, 1er alinéa, où, à propos des contrats nous lisons :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui
les ont faites. »
Notons dès à présent l'une des applications plus lesimportantes de ce
texte faites à une matière spéciale par le Code civil, à savoir la disposition
de l'article 1387 relative aux contrats de mariage, c'est-à-dire aux pactes
par lesquels l'homme et la femme, avant leur mariage, règlent le régime de
de leurs intérêts pécuniaires pour le temps de leur union. Ce texte nous
dit : « La loi ne régit l'association conjugale quant aux biens dé-
qu'à
faut de convention spéciale que les époux peuvent faire comme ils le
veulent, »
mariage, les droits et les devoirs des époux, ceux des parents et des
enfants, les modes de détermination de la filiation, etc... C'est tout au
se formuler exté-
La volonté doit
ne suffît pas.
terne, psychologique,
en manifeste l'existence.
rieurement par une déclaration qui
exprimée ver-
le plus souvent c'est-à-dire
Cette déclaration est expresse,
tacitement. Elle se
ou écrit. Mais
peut elle aussi se produire
balement par son
de telle façon que
manifeste de la sorte quand l'intéressé se comporte
l'acceptation dune
de faille l'acte est certaine. Ainsi,
intention juridique
l'héritier fait un acte qui
succession esttacite, nous dit l'article 778, quand
et qu'il n'aurait droit de
nécessairement son intention d'accepter
suppose de la suc-
d'héritier il paye les créanciers
faire qu'en sa qualité ; par exemple,
art. 1985, 2e al.).
cession, ou bien il vend les biens en faisant partie (V. aussi
du fait de continuer un
La déclaration tacite résulter aussi
peut parfois
un locataire a loué un apparte-
juridique arrivé à son terme. Ainsi,
rapport
il continue à habiter cet appar-
ment pour trois ans et au bout de ce délai,
du Il se fait entre les parties un nou-
tement au vu et au su propriétaire.
veau contrat de porte le nom de tacite reconduction (art. 1738).
louage qui
être formulée? —
Comment la déclaration de volonté doit-elle
et actes solennels. — Il résulte de ce qui
Actes purement consensuels
les actes ne sont pas soumis à
précède qu'en règle générale, juridiques
forme déterminée. La simple déclaration de volonté, quelle que soit
une
elle se les effets voulus par le
la façon dont manifeste, produit juridiques
déclarant. Notre législation n'est pas une législation formaliste.
bon de cette domine notre Droit est d'ori-
Il est remarquer que règle qui
relativement récente. Dans les anciennes, chaque acte
gine législations
devait être fait un modèle établi par le législateur, et
juridique d'après
on était de se conformer. Le formalisme se rencontre à l'ori-
auquel obligé
de toutes les Et il faut reconnaître qu'il présente des
gine législations.
« Il est les actesIhering Droit a dit (Esprit du
avantages. pour juridiques,
trad. 2e ce que t. III,
l'empreinte est
romain, Meulenaere, p. 178), édit.,
la monnaie. » Il établit d'une non douteuse la volonté des par-
pour façon
ties et la nature de l'acte qu'elles ont voulu faire. En outre, il en conserve
le souvenir et en facilite la preuve ultérieure, ce qui est fort utile aux
époques où l'usage de l'écriture est peu répandu. Mais, à côté de ces avan-
enfin au
point de vue des constatations auxquelles donner lieu
l'acte peut
par la suite. D'où trois ordres d'exceptions ou de au principe.
tempéraments
1° Tout d'abord, il y a quelques actes juridiques importants pour lesquels
la loi
impose des formes soit en vue de l'intéressé contre une
protéger
détermination trop rapide ou irréfléchie, soit pour le défendre contre tout
abus d'influence et sauvegarder son indépendance, soit enfin assurer
pour
la bonne rédaction de l'acte et sa conservation. Les actes de ce genre sont
appelés actes solennels. Et ils sont assez nombreux dans notre Droit.
le domaine du Droit de la famille, tous les actes sont
Dans juridiques
soumis une forme réglée par la loi. Ainsi, le célébré doit être
à mariage
devant l'officier de l'état civil, en présence de témoins (art. 75) ; l'adoption
doit être conclue devant le juge de paix 360) ; la reconnaissance d'un
(art.
enfant naturel doit être faite, soit dans l'acte de naissance devant l'offi-
cier de l'état civil, soit dans un acte authentique, c'est-à dire devant un
officier public (art. 334) ; l'émancipation est reçue par le juge de paix
assisté de son greffier (art. 477., 2e al.,) etc.
Dans le Droit du patrimoine, les actes solennels sont, au contraire, l'ex-
ception. La donation entre vifs (art. 931), la constitution d'hypothèque
(art. 2127), le contrat de mariage ou contrat réglant le régime matrimonial
des futursépoux (art.. subrogation 1394), la dans l'hypothèque légale de la
femme mariée (art. 9, L. 23 mars 1855), le paiement avec subrogation con-
ventionnelle consentie par le débiteur (art. 1250, 2e al.) doivent être conclus
devant notaire 1. Quant au testament, il peut être rédigé dans trois formes
légales déterminées par les articles 970, 971, 976.
2° Certains actes juridiques doivent être publiés, ou portés à la connais-
sance des tiers, c'est-à-dire des personnes qui n'y ont pas été parties, et
qui sont cependant intéressées à les connaître, parce qu'ils peuvent pro-
duire des effets à leur encontre. La loi organise, en conséquence, des me-
sures de publicité que les parties à l'acte doivent accomplir.
Il en est ainsi pour les actes entre vifs relatifs à l'acquisition ou à la
transmission de la propriété immobilière ou des droits réels immobiliers,
lesquels doivent être mentionnés sur des registres publics que chacun peut
consulter. De même, l'acceptation sous bénéfice d'inventaire d'une succes-
sion et la renonciation de l'héritier doivent être faites sur un registre au
quises pour la validité intrinsèque de l'acte, mais seulement pour son op-
posabilité aux tiers. Lorsqu'elles n'ont pas été accomplies, l'acte reste
1. La convention collective de travail n'est valable que si elle est rédigée par
écrit, mais un acte sous-seing privé suffit (C. du travail 1. I, art. 31 c) ; même solu-
tion pour les statuts des sociétés (art. 1834 C Civ. et 39 C Co.).
— III
69 INTRODUCTION. CHAPITRE
pagné de cette preuve est valable en soi ; mais il ne peut être prouvé.
accomplis, sous le prétexte qu'on s'y est déterminé par de faux motifs.
de Par exemple, un
d'une de la loi (erreur droit).
l'existence disposition
l'article 909
un qui le
au médecinsoigne, ignorant que
malade fait legs
erreur de droit. Il n'y a pas à
de libéralités : voilà une
interdit ce genre
Elles le
entre les deux espèces d'erreurs. produisent
distinguer même
dans les mêmes cas, la nullité de l'acte,
effet et emportent l'une et l'autre,
la nature de l'erreur du moment qu'elle
Qu'importe, en effet,
juridique.
vicie la manifestation de volonté?
ment à tous les actes juridiques ; le peut être une cause dol ne
appliquée
de nullité qu'autant qu'il a vicié et dénaturé la déclaration de, volonté.
Le dol a pour résultat d'induire en erreur la personne contre laquelle
il est dirigé. C'est cela qu'il est considéré comme ayant vicié la dé-
pour
claration de volonté. il ne faut pas confondre ces deux
Cependant,
causes de nullité. L'erreur sans dol n'entraîne nullité, nous l'avons vu,
dans les cas par l'article 1110 du Code civil, c'est-à-dire
que prévus
sur la substance de la chose, ou sur la personne alors
lorsqu'elle porte
qu'il s'agit d'un acte fait intuitu personx. Au contraire, l'erreur provoquée
le dol est une cause de nullité, lorsqu'elle a eu une in-
par toujours
fluence décisive sur la volonté. C'est ainsi que l'erreur sur les motifs
annule le contrat, quand elle est le résultat de manoeuvres dolosives
émanées de l'autre : j'achète un cheval mon vendeur a
partie parce que
usé de dol pour me faire croire que le mien était mort; je peux deman-
der la nullité de la vente. Au contraire, une erreur de ce genre qui n'au-.
rait pas été le résultat de manoeuvres dolosives, n'est nous venons
pas,
de le voir, une cause de nullité.
Lorsque l'acte juridique est une convention, l'article 1116 exige une
condition particulière pour qu'il y ait vice de la volonté : c'est le dol
que
ait été pratiqué par l'une des parties contre l'autre, ou, tout au moins,
que l'une des parties ait été complice. Si le dol a été l'oeuvre exclusive
d'un tiers, la victime peut bien réclamer des au cou-
dommages-intérêts
pable, mais elle ne peut pas demander la nullité de la convention. Le
motif en est le suivant: lorsque l'auteur du dol est un des contractants,
et
il est juste équitable que l'autre partie, victime de ces manoeuvres',
puisse faire annuler la convention. Mais, si le dol a été commis un
par
tiers, la victime n'a rien à reprocher à son cocontractant, qui est inno-
cent de toute faute et ne doit pas subir, par l'annulation du les
contrat,
THÉORIE GÉNÉRALE DES ACTES JURIDIQUES 71
20.000 fr., qui est bien inférieure à sa valeur) ; elle peut se produire, en re-
vanche, non seulement dans les actes bilatéraux, mais même dans certains
actes unilatéraux, comme l'acceptation ou la répudiation d'une succession,
d'un legs universel ou à titre universel.
La lésion suppose que la personne lésée s'est sur la véritable
trompée
valeur de la chose, ou a contracté sous l'empire d'un pressant besoin d'ar-
gent, qui lui a fait accepter des conditions très désavantageuses. Elle sup-
pose donc un vice de la volonté, puisque, sans l'erreur ou la pression des
circonstances extérieures, l'acte n'aurait pas été conclu. Néanmoins, la loi
décide que la lésion n'est pas, en principe, une cause de nullité. L'article 1118
du Code civil, le déclare pour les conventions, et cette solution doit être
certainement étendue aux actes unilatéraux.
La raison qui a déterminé les rédacteurs du Code civil à adopter cette
règle est purement économique. Ils ont considéré qu'il est très difficile
de dire quand il y a lésion et quelle en est l'étendue ; car la.valeur des
choses est variable et relative, et dépend des circonstances de temps et de
lieu, ainsi que des goûts, des passions de chacun. Telle personne, qui désire
vivement posséder un objet, l'achètera beaucoup plus cher qu'une autre.
Il faut bien reconnaître que ces considérations ne sont exactes qu'en ma-
tière de contrats ; elles ne suffisent pas à justifier la solution admise pour
les actes unilatéraux, notamment pour l'acceptation d'une succession gre-
vée de dettes qui ne sont découvertes par l'héritier que postérieurement.
Aussi la règle subit-elle des exceptions.
La première concerne certains actes, quelle que soit la personne, majeure
ou mineure, qui les a passés ; ces actes sont le partage (art. 887), la vente
volontaire d'immeubles (art. 1674), et l'acceptation de succession dans le
cas prévu par l'article 783.
La seconde exception s'applique à tous les actes passés par des mineurs.
Nous l'étudierons plus loin.
—
§ 2. Capacité nécessaire pour faire un acte juridique.
Définitions. de et d'exercice. —
Incapacité jouissance incapacité
Il ne ait été voulu. Il n'est valable s'il a
suffit pas que l'acte juridique que
été une non seulement douée de volonté, mais encore
passé par personne
la capacité requise pour faire l'acte en question.
ayant
La capacité être définie : l'aptitude à acquérir des droits et
juridique peut
à les exercer. Cette définition montre qu'il y a deux degrés dans la capacité :
1° La de jouissance, ou l'aptitude à devenir titulaire des droits
capacité
civils ; 2° La capacité d'exercice, ou le pouvoir de mettre ces droits en valeur
et de les transmettre à des tiers. ,
1° Incapacités de jouissance. — La de jouissance se conce-
capacité peut
voir sans la capacité d'exercice, car le titulaire d'un droit peut être, suivant
les cas, ou incapable de le faire valoir par lui-même. En d'autres
capable
il y a des personnes qui, tout en ayant la jouissance des droits ci-
termes,
c
DROIT. — Tome I. 6
INTRODUCTION. — CHAPITRI III
74
ploie indifféremment les mots nul, action en nullité, dans les divers sens
parmi les jurisconsultes, au moins pour ce qui concerne le fond des idées
et les effets produits par les divers degrés de l'invalidité, et peu à peu
interdit la loi, comme la donation entre époux. Ainsi, les textes ro-
par
mains ne font pas de différence entre l'inexistence et la nullité absolue.
Jusqu'au jour où la restitutio est accordée, l'acte produit ses effets, car
il est valable aux yeux du Droit civil; seulement, son sort est incertain,
puisque celui auquel il cause préjudice peut le faire tomber en s'adres-
sant au préteur
Cette distinction entre les degrés de l'imperfection d'un acte juridique
n'a jamais été perdue de vue dans notre ancien Droit. Elle n'est pas
toujours présentée d'une façon précise ; elle reste même un peu confuse
et incertaine chez Domat et chez Pothier ; mais d'autres, comme le pré-
sident Bouhier, l'exposent avec toute la clarté désirable (Domat, Loin:
civiles, liv. I, tit., I, sect. V et VI; Pothier, Traité des oblig., éd. Bugnet,
t. II, nos 17, 18, 19, 21, 42, 43; Bouhier. Observations sur les coutumes
de Bourgogne, chap. XIX, § 12 et 13).
On peut donc affirmer que les rédacteurs du Code civil ont dû s'ins-
pirer de la distinction traditionnelle qui leur était familière. Au reste, les
travaux préparatoires (Fenet, t. IX, p. 99; Locré, t. IV, p. 324;
312, XII,
p. 491; XV, p. 378), et certains articles du Code foi. civil en font C'est
ainsi que, d'après l'article 1117, la convention contractée dol
par erreur,
ou violence, « n'est nulle de plein droit mais
pas donne seulement lieu
à une action en nullité ou en rescision ». Et, l'article 1131
inversement,
visant l'obligation sans cause ou reposant soit sur une cause soit
fausse,
sur une cause illicite, porte « qu'elle ne peut avoir aucun effet " (V. encore
art. 146, 1339, 1974 d'une part, et art. 1109, 1305 de l'autre).
1125, 1304,
Seulement, les auteurs du Code n'ont formulé de théorie
pas précise.
De plus, leur terminologie est flottante et souvent car
équivoque, ils ap-
THEORIE GENERALE DES ACTES JURIDIQUES 77
quer. Par exemple, un donateur a fait donation d'une maison par acte
INTRODUCTION, — CHAPITRE III
78
viciés, dit un arrêt, conservent leurs effets tant quïls n'ont pas été an-
nulés » (Bordeaux, 25 juin 1884, S. 1884.2.201. Adde notes de M. Labbé
sous S. 1889.2.177, et de M. Beudant sous D. P. 1880.1.145).
Cependant, en ce qui concerne la prescription, la Jurisprudence s'en
tient à la distinction suivante :
l'exécution de L'acte nul, par exemple, à restituer les objets donnés, les tri-
bunaux admettent volontiers que l'action est éteinte par l'expiration du
délai de la prescription. En effet, le Code contient une disposition aussi
générale que possible, l'article 2262, d'après lequel toutes les actions tant
réelles que personnelles se prescrivent par trente ans. Au bout de trente
ans donc, nulle action ne sera plus possible, « l'acte nul n'acquiert pas
une existence légale, mais son existence de fait se trouve consolidée »
.(Rennes, 19 mai 1884,
1885.2.169, S. note de M. Labbé ; Civ., 6 novembre
1.1895, D. P. 1897.1.25, note de M. Sarrut, S. 1896.1.5).
Au contraire, si l'acte n'a reçu aucune exécution et si, après l'expiration
du délai de trente ans, le créancier (par exemple, le donataire en vertu
donation non notariée), poursuit l'exécution de l'acte son ad-
d'une nul,
en l'espèce le donateur, encore se prévaloir de h nullité.
versaire, pourra
effet, il l'invoque ici par voie d'exception.
En Or, la formule générale de
2262 ne s'applique qu'aux actions et non aux
l'article pas exceptions
(Req., 21 juin 1880, D. P. 1881.1.108, S. 1881.1.297).
Deux observation compléteront la notion de la nullité absolue.
THÉORIE GÉNÉRALE DES ACTES JURIDIQUES' 79
; autrement dit, elle est virtuelle. Mais quels sont ces cas? Com-
gislateur
ment reeonnaîtra-t-on que le législateur a eu l'intention de sanctionner par
la nullité les, actes contraires à une disposition impérative ou prohibitive
édictée par lui ? Il n'y a pas de critérium qui permette de donner à cette
sent, de retour, peut seul demander l'annulation de ces actes, car c'est
dans son intérêt que la loi limite les droits d'administration des envoyés
en possession provisoire (art. 128).
Les conséquences de l'annulabilité sont différentes de celles de la nullité
absolue. Nous n'insisterons pas sur ce fait que tant
que l'acte n'a pas été
annulé par le juge, il produit provisoirement le même effet que s'il était
dée sur une idée de confirmation tacite. Celui auquel appartient l'action
en nullité est censé avoir renoncé au bénéfice de cette action et, par con-
séquent, avoir confirmé tacitement l'acte il
attaquable, quand est demeuré
pendant dix ans sans intenter cette action (art,, 1304).
On remarquera que, dans la terminologie l'action
usuelle, (ou l'excep-
tion) fondée sur la lésion est désignée une
par expression spéciale, dé-
tournée d'ailleurs du sens qu'elle présentait dans l'ancien Droit auquel
nous l'avons empruntée : on ne action en
l'appelle pas nullité, mais action
en rescision (art. 1304).
justice la restitution. Si un
paiement a été effectué sans qu'il y eût, en réa-
payée, devra, lui aussi, agir en justice si la restitution amiable lui est
refusée par Certes, le jugement qui interviendra en cas d'inexis-
l'accipiens.
tence d'un acte juridique ne fera que constater cette nullité. Mais la dé-
thèses où elle devrait recevoir les applications les plus logiques et les
quence de la théorie quand il s'agit des actes d'un fou placé dans un
asile d'aliénés ou interdit (art. 39, loi du 30 juin 1838 ; art. 502, C. civ.).
Ces actes ne sont nuls que d'une nullité relative. Et, quant aux actes pas-
ses par un aliéné non interdit ou interné, dans un moment de crise,
bien que la
majorité des auteurs voie dans cette hypothèse un acte inexis-
tant (V. notes de M. Lacoste sous Poitiers, 30 octobre 1893, S. 1895.2.225,
et de M. Glasson sous, Toulouse, 21 janvier 1885, D. P. 1886.2.73), la Ju-
dalité, soit pour en retarder les effets, soit pour les éteindre à un mo-
ment donné. Ces modalités, le terme, la condition, se rencontrent fré-
comme elles peuvent être jointes à tous les actes juridiques, il convient
— 1185 à
§ 1. Du Terme. (Art. 1188).
Nous avons dit que les parties insèrent une condition dans un acte
soit pour suspendre la formation du droit, soit pour le résoudre.
Dans le premier cas, on dit qu'il y a condition :
suspensive. Exemples
un donateur, un testateur promet de donner une somme à
d'argent
une personne si elle se marie ; une compagnie d'assurances à
s'engage
indemniser le propriétaire d'un immeuble, si celui-ci est détruit ou
détérioré par un incendie ; je vous vends ma maison tel
pour prix
sous la condition que je sois nommé fonctionnaire dans une autre
ville.
Dans le second cas, la condition prend le nom de condition résolutoire.
Exemples : un donateur stipule dans l'acte que la donation sera résolue
si le donataire meurt avant lui : un vendeur vend sa maison et se ré-
serve le droit de la racheter pendant cinq ans, en remboursant le prix
à l'acheteur (pacte de réméré).
On le voit, la condition résolutoire, à la différence de la condition sus-
pensive, suspend non pas la formation, mais la résolution de l'acte juri-
dique.
La condition suspensive et la condition résolutoire n'en sont pas moins
deux variantes de la même modalité
tion potestative.
a été contractée sous une condi-
Toute est nulle lorsqu'elle
obligation
de celui (art. 1174) et quand
tion purement de la part qui s'oblige
potestative
de suspendre la formation de l'acte.
elle a pour objet
qui dirait : je
Cette va de soi. Il est évident qu'une personne
règle à pro-
ferai une donation si je le juge
vous vendrai ma maison, je vous
ne s'obligerait pas sérieusement.
pos,
potestative n'annule
Au contraire, une condition résolutoire purement
2e al. nous dit que le louage de services,
le contrat. Ainsi, l'art. 1780,
pas
détermination de durée, peut toujours cesser
ou contrat de travail, fait sans
la volonté d'une des parties contractantes.
par
la condition de la
A la différence de la précédente, simplement potestative
du lien même quand
part du débiteur n'empêche pas la validité obligatoire,
d'une condition En effet, le débiteur qui
elle offre le caractère suspensive.
aliène bien une de sa liberté. Pour le com-
j'oblige de cette façon partie
de conditions de ce genre : si je
prendre, il suffit de citer deux exemples
de vous offrir la
me décide à vendre ma maison, je vous promets préfé-
bien encore : si je vais habiter une autre ville, je vous promets
rence ; ou
de vous sous-louer mon Dans ces deux cas, l'obligation
appartement.
bien de la volonté du mais il n'en est pas moins lié,
dépend débiteur,
circonstances le contraindre soit à vendre sa maison, soit
car les peuvent
à changer de résidence.
verrons tard suite d'une règle tradition-
Nous cependant plus que, par
Droit sous cette formule Donner et retenir ne
nelle de notre désignée
il n'est de faire une donation, sous une condition sim-
vaut, pas permis
du donateur. Ainsi, serait nulle la dona-
plement potestative dépendant
tion ainsi faite : je vous donnerai mon cheval, si je vais habiter Paris ; je
vous donne dix mille francs, mais la donation sera résolue si je me marie.
cipes, n'est vraie que pour les actes à titre onéreux (art. 1172). Pour les
actes à titre gratuit, notre Code édicte une règle différente. La condition
complit, mais ils sont réputés n'en avoir jamais été propriétaires (art.
1183).
Ce n'est pas le lieu ni le moment de développer cette règle de la ré-
— Son — Il
Notion de la représentation. origine historique.
acle est accompli une
y a représentation lorsqu'un juridique par per-
sonne le compte d'une autre, dans des conditions telles que les effets
pour
se produisent directement et immédiatement, sur la tête du représenté,
comme si lui-même avait accompli l'acte.
L'institution de la
joue un rôle
représentation considérable dans les
relations D'abord, il y a des incapables qui nepeuvent exercer
juridiques.
eux-mêmes leurs droits, parce que le discernement nécessaire leur fait
défaut. La loi leur nomme donc un représentant, qui agit pour leur
Caractères distinctifs de la — La
représentation. représentation
se reconnaît aux traits caractéristiques suivants.
1° Celui qui fait l'acte juridique au nom et pour le compte d'une
agit
autre personne ; en d'autres termes, il a l'intention un tiers,
d'agir pour
et il fait connaître cette intention à celui avec qui il traite. Cette condition
doit être considérée comme essentielle. Si donc, bien qu'agissant pour
le compte d'autrui, le représentant laisse à l'autre sa qua-
ignorer partie
lité d'intermédiaire, il n'y a plus représentation; le contrat se forme
entre les deux parties contractantes. C'est ce a lieu en matière com-
qui
merciale, dans le contrat de commission 94, C.
(art. com.).
2° Il ne suffit pas que le représentant fasse l'acte le d'une
pour compte
tierce personne; il faut encore qu'il ait le pouvoir de la représenter. Ce
pouvoir est conféré soit directement par la loi, soit l'intéressé lui-
par
même.
C'est la loi qui donne au mandataire légal des incapables, tuteur
(art. 450. C. civ.), père administrateur des biens de ses enfants mineurs
(art. 389, C. civ.), mari administrateur des biens de sa femme (art. 1428,
1531, 1549, C. civ.), le droit de les représenter.
Il y a représentation non plus légale, mais contractuelle, lorsqu'une
personne charge une autre de faire une ou plusieurs opérations juridiques
pour son compte.
On remarquera qu'il peut y avoir représentation, même si l'intéressé
n'a pas donné de mandat, même s'il ignore l'acte accompli pour son
compte. Cela se produit dans la gestion d'affaires. On suppose que les biens
ou les intérêts d'une personne, qui est provisoirement absente, se trouvent
en souffrance. Un ami de cette personne intervient, pour lui éviter un dom-
mage, et fait, en son nom, des actes urgents d'administration, en prévenant
le tiers avec qui il traite qu'il agit comme gérant d'affaires. Le gérant serti
considéré comme ayant contracté en tant que représentant. La ratifica-
tion du maître, intervenant après
coup, produira le même effet que s'il
avait donné pouvoir d'agir. Toutes
les conséquences juridiques de I opé-
ration se produiront donc en sa personne. Ratihabitio mandato aequiparatur.
DROIT. — Tome I.
INTRODUCTION. — CHAPITRE III
90
été contractés en son nom à l'égard des tiers, dans le cas où l'affaire a été
dépend la sécurité des droits acquis. Il est donc naturel qu'elle se rat-
tache au Droit civil.
Les rédacteurs du Code civil ont donc exposé la théorie des preuves ;
ils l'ont placée dans le titre des Contrats (art. 1315 et suiv.), suivant
l'exemple de Pothier qui a consacré une partie de son traité des Obliga-
tions à la « Preuve tant des obligations de leur paiement » (éd. Bu-
que
gnet, t. II, p. 398 et s.).
Nonobstant ce précédent, il y a là une mauvaise méthode. Les règles
INTRODUCTION. — CHAPITRE III
92
— de la
§ 1. Objet preuve.
principes juridiques.
Ainsi, les parties intéressées n'ont qu'à établir la réalité des faits sur
elles fondent leurs prétentions. C'est affaire au juge de dire, une
lesquels
fois que les faits sont précisés, quelles en sont les conséquences juridiques.
Un vieil marque bien cette distinction. Le juge dit aux parties :
adage
Da mihi factum, dabo tibi jus : « Indique-moi quels sont les faits, je te
dirai le droit.
Sans doute, dans la réalité des choses, le demandeur qui invoque un
droit contre le défendeur s'efforce de prouver que ce droit découle des
faits invoqués par lui ; il s'efforce donc de démontrer quelles sont les con-
1. Voici un exemple qui met bien en lumière les deux éléments si étroitement
mêlés dans tout débat. Un chef d'entreprise congédie un ouvrier sans lui donner
le préavis d'usage dans la profession, sous prétexte qu'il a commis une faute.
L'ouvrier soutient au contraire qu'il n'y a pas eu faute de sa part. Le fait, c'est
l'acte commis par l'ouvrier dont se plaint le patron, Le point de droit, c'est de sa-
THÉORIE GÉNÉRALE DES ACTES JURIDIQUES 93
Mais cela n'empêche pas que la séparation des deux domaines subsiste
en principe. Le législateur ne s'occupe de la preuve des faits;
que c'est elle
seule qu'il réglemente dans les articles 1315 à 1368 du Code civil et dans
le Code de procédure civile.
Quant à de ces faits, le Code ne s'en occupe
l' interprétation juridique pas.
Elle est abandonnée aux juges, les parties et leurs avocats étant naturel-
lement libres de faire tous leurs efforts les amener à partager
pour l'in-
terprétation qu'ils préconisent-
— de la
§ 2. De la charge preuve.
de penser que celui qui détient une chose en est propriétaire, ou qu'une
personne n'est pas débitrice. Le défendeur doit donc conserver les avan-
de sa situation. Tant la contraire n'est
tages que preuve pas faite, il doit
être présumé propriétaire, non débiteur. Comme on l'a fort bien dit (Gar-
sonnet, Traité de procédure civile, t. II, § 274), « s'il suffisait d'action-
ner le défendeur pour lui imposer le fardeau de lapreuve, toutes les
chances seraient contre lui, et le procès le plus injuste serait le plus
facile à gagner ».
En conséquence, le défendeur qui se borne à nier les faits allégués par
le demandeur n'a aucune preuve à fournir à l'appui de sa
dénégation.
Negantis naturali ratione nulla
Ei est incumbit
probatio. probatio qui dicit,
non qui negat 1
(23 C, de probation., 4.19 ; 2 D. de probation., XXII, 3)
Quand, au contraire, le demandeur a établi l'exactilude des faits sur
lesquels il fonde sa prétention, la situation première est la
renversée,
présomption originaire, détruite. Si donc le défendeur oppose des moyens
de défense, des c'est- à-dire s'il prétend
exceptions, que les conséquences
juridiques des faits allégués sont paralysées par d'autres faite, par exemple,
s'il soutient qu'il est devenu propriétaire par la prescription acquisitive,
ou qu'il a payé sa dette, ou encore que l'obligation est nulle, c'est à lui à
fournir la preuve de ces moyens de défense : Reus in exceptions fit actor
(19 pr. et 25, §2, D. de probation., XXII. 3).
1. Les anciens glossateurs attachaient à ces formules un sens tout différent. D'a-
près eux, elles signifiaient que celui qui invoque un fait négatif, par exemple la non-
existence de la cause d'une obligation ou la non-existence d'héritiers plus proches
du défunt, n'est pas tenu d'en faire la preuve. On ne peut pas prouver une néga-
tion, disaient-ils. Mais c'est là une erreur depuis longtemps reconnue. Quiconque in-
voque un fait doit le prouver, et s'il ne le peut il échoue. Il serait vraiment illogique
de dispenser de cette charge celui qui fonde son droit sur une proposition néga-
tive. Au fond, la démonstration d'une telle proposition n'est pas impossible. Ainsi,
l'héritier qui réclame la succession fournira un certificat de notoriété, constatant
qu'on ne connaît pas d'héritiers plus proches. De même, celui qui demande à être
mis en possession des biens d'un individu qui a disparu, établira qu'il n'a pas
donné de nouvelles depuis sa disparition.
INTRODUCTION. — CHAPITRE III
Qg
juris et de jure.
qu'aux parties engagées dans l'instance, non aux tiers. Res judicata inter
alios aliis ne que nocere ne que prodessepotest.
Cette règle fondamentale de notre Droit, sur laquelle nous aurons à
revenir, se justifie avant tout par une raison d'équité. Les intérêts d'un
THÉORIE GÉNÉRALE DES ACTES JURIDIQUES 97
litige antérieur qui s'était élevé entre lui et Tertius, avait jugé, à ren-
contre de ce dernier, que c'était lui, Secundus, le véritable propriétaire. Si
un tel titre pouvait être invoqué, Secundus n'aurait qu'à susciter un ad-
versaire fictif, un homme de paille dont il
triompherait aisément, et il se
mettrait ainsi à l'abri de toute revendication du véritable ayant-droit.
Toutefois, nous verrons en traitant de la preuve de la propriété, les tem-
jugements sont dits constitutifs, parce qu'ils créent une situation nou-
velle. Ceux-là sont valables erga omnes, et toute personne intéressée est
admise à en déduire les conséquences. Il en est ainsi des jugements pro-
nonçant une interdiction, un divorce, une séparation de corps.
— de
§ 3. Différents moyens preuve.
Ces écrits se divisent en deux classes, suivant qu'ils sont dressés par
les intéressées elles-mêmes ou par un officier public ; les actes
parties
sous seing privé et les actes authentiques.
A. — Les actes sous ne sont, en principe, soumis à aucune
seing privé
condition de forme ni de rédaction. Ainsi, il n'est pas nécessaire qu'ils
soient écrits de la main des intéressés, sauf pour le testament olographe
C. civ.). Pourtant il faut qu'ils contiennent la signature de celui ou
(art. 970,
de ceux juridique constatée. C'est la signa-
qui accomplissent l'opération
ture donne à l'écrit ou acte ou titre, sa force pro-
qui instrumentaire,
bante, car elle prouve la volonté du signataire.
La loi n'exige pas seing
que privé soit
l'acte sous
daté, sauf quand il
s'agit du testament
olographe (art. 970). En fait, cependant, la mention de la
date se rencontre presque toujours, car les parties ont le plus grand intérêt
à préciser le moment où l'acte a été fait, notamment quand il s'agit d'un
contrat qui doit les lier pendant un certain temps. Mais il faut bien noter
que la date portée sur un acte sous seing privé n'a en principe aucune
force probante à l'égard de ceux qui n'y ont pas été parties, car rien ne
prouve que cette date soit exacte et qu'on ne se trouve pas en présence
d'une antidate ou d'une postdate.
Cette règle de l'inopposabilité aux tiers de la date des écrits sous seing
privé est indispensable pour protéger les tiers intéressés contre les fausses
dates inscrites en vue de les tromper. Supposons, par exemple, qu'un pro-
priétaire donne un immeuble à bail, puis le vende à un tiers. Si l'acheteur
désirait échapper à l'obligation que la loi lui impose de laisser preneur le
en possession des lieux loués (art. 1743), il suffirait aux deux parties d'an-
tidater l'acte de vente afin de faire croire qu'il a été conclu antérieurement
au bail. Rien ne serait plus facile que cette fraude, si l'acte faisait foi de
sa date.
De tous les actes authentiques, les nombreux sont les actes notariés.
plus
Les notaires en effet sont compétents pour recevoir ou tous les
rédiger
actes auxquels les parties veulent donner le caractère d'authenticité.
Les actes authentiques sont un mode de des
preuve presque irréfragable
faits qui s'y trouvent constatés. Si, en effet, la personne à qui on oppose un
acte authentique met en doute l'a sincérité de ce caractère authentique,
c'est-à-dire si elle soutient que l'écrit est un faux et n'a été
produit pas
dressé par un officier public, elle doit faire la de cette
preuve allégation,
et le Code de procédure civile a sévèrement l'administration
réglementé
de cette preuve (art. 214 à 251, C. proc. La ainsi
civ.). procédure réglemen-
tée, sous le nom d'inscription defaux, est longue et compliquée ; le deman-
deur s'expose, s'il succombe, à une lourde amende ; précautions s'ex-
qui
pliquent par cette idée que le faux en écritures est un crime
publiques rare,
difficile à supposer, et que dès lors, la preuve de ce crime doit être entourée
de multiples précautions afin d'éviter des accusations portées à la légère.
Quant au contenu de l'acte authentique, comme il est l'oeuvre de l'offi-
cier public et comme toutes les déclarations qui émanent de lui sont tenues
— car la loi fait confiance à son honorabilité si l'adver-
pour sincères, —,
saire conteste ce contenu, ce qui revient à nier la bonne foi de l'officier
public, il faut la même procédure que celle qui est nécessaire pour
contester l'authenticité ; c'est la procédure d'inscription de faux. Seulement,
le faux qu'on prétend dénoncer ici n'est plus un faux matériel, c'est un
faux intellectuel.
Pourtant, il
y a dans un acte authentique des déclarations dont on peut
contester l'exactitude sans attaquer la sincérité de l'officier public. Ce sont
celles que les parties ont faites à l'officier et que celui-ci a reproduites
sans en pouvoir contrôler la sincérité personnellement ex propriis sensibus.
Par exemple, dans un acte de naissance, le déclarant indique à l'of-
ficier de l'état-civil le nom d'une femme autre que la mère de l'enfant,
ou affirme que l'enfant est né d'un père et d'une mère mariés ensemble.
Ces indications pourront être contestées sans qu'il soit nécessaire de
s'inscrire en faux. En effet, en les relatant, l'officier de l'état civil n'a
fait que reproduire ce qui lui a été déclaré.
3° La témoins. — Le recours aux affirmations des
preuve par per-
sonnes qui ont assisté à l'accomplissement des faits litigieux est le mode
de preuve naturel pour tous les actes de l'homme qui n'ont pas le carac-
tère d'actes juridiques, ou pour les faits matériels qui n'ont laissé aucune
trace extérieure. Ces divers événements ne peuvent être établis que par
les déclarations des qui en ont été témoins ou par les modes
personnes
de preuve dont nous ci-dessous (présomptions de l'homme,
parlerons
aveu et Il ne saurait être ici de preuve par écrit.
serment). question
Quand il s'agit, au contraire, d'actes juridiques, et de la constatation
de l'état civil des personnes, la loi n'autorise pas la preuve par témoins.
Elle la tient craint la subornation des té-
pour suspecte, parce qu'elle
moins. De on se trouve dans des où il était facile aux
plus, hypothèses
intéressées de se procurer une preuve écrite.
parties
100 INTRODUCTION. — CHAPITRE III
témoignage.
5° L'aveu et le serment. — L'aveu est la déclaration l'une
par laquelle
des parties reconnaît l'exactitude d'un fait invoqué contre elle.
C'est, de toutes les preuves, la plus décisive, la plus convaincante, pro-
batio probantissima. Cependant elle n'est pas recevable dans tous les pro-
cès. Ainsi, nous verrons qu'il n'y a pas de place pour l'aveu dans une
instance en divorce ou en séparation de corps.
Le serment consiste dans une affirmation solennelle faite en jurant de
dire la vérité.
Ce mode de preuve, d'un caractère plus ou moins religieux, n'est, en
principe, admis par la loi que dans le cas où, par une sorte de transaction,
les plaideurs ont convenu de remettre la décision de leur à l'af-
procès
firmation de celui d'entre eux qui consentira à confirmer son allégation
par son serment (serment décisoire, art. 1358 et suiv.).
CHAPITRE IV
Les droits (ou droits subjectifs) sont les pouvoirs appartenant aux in-
dividus en vue de la satisfaction de leurs intérêts. Ces pouvoirs sup-
posent nécessairement la possibilité d'une contrainte à l'égard des autres
individus qui en contesteraient ou en entraveraient l'exercice. Les droits
ne peuvent donc se réaliser qu'avec le concours et la protection du
Droit.
appelle droits relatifs ceux qui existent au profit d'une personne unique-
ment à l'encontre d'un ou de plusieurs autres individus. Ce sont les
droits de créance qui constituent à eux seuls cette catégorie.
Les droits absolus, au contraire, sont ceux qui sont opposables à tous.
Sont absolus les droits réels (dont l'exemple le plus significatif est le
droit de propriété), les droits de famille, les droits politiques, les droits
entre les deux parties, qu'un contrat de vente soit conclu, que le proprié-
taire actuel soit devenu débiteur de la chose qui doit être transmise et
Droits réels accessoires. — Nous avons dit qu'il existe des droits
réels dont le rôle consiste à garantir l'exécution (ou d'un droit
paiement)
de créance. Ce sont lenantissement, le privilège et l'hypothèque.
Pour comprendre ce rôle, il faut savoir que, quand un débiteur est
obligé
envers plusieurs créanciers et qu'il ne possède pas de quoi les tous
payer
(on dit alors qu'il est insolvable), les créanciers supportent proportionnel-
lement et également cette insolvabilité. Cela signifie que, les biens de leur
débiteur ayant été saisis et vendus, le prix se distribue entre eux au prorata
deleurs créances respectives, sans qu'on ait à tenir compte de leur date,
la plus récente venant au marc le franc avec laplus ancienne (art.
2103).
Un créancier à qui la situation actuelle de son débiteur offre toute garantie,
peut donc toujours craindre que cette situation ne se modifie par la nais-
sance de nouvelles obligations de son débiteur dont le patrimoine pourra
ainsi devenir insuffisant pour le désintéresser.
DROIT. — Tome I, S
106 INTRODUCTION. — CHAPITRE IV
au décès de la — Au
2° Transmission du patrimoine personne.
décès de la le patrimoine ne il conserve son unité
personne, disparaît pas,
sous le nom d'hérédité, il va passer entre les mains des successeurs du
et,
108 INTRODUCTION. — CHAPITRE IV
gations.
LES PERSONNES
tions.
Il faut immédiatement signaler que, dans la terminologie juridique, il y
a deux de personnes, les personnes physiques et les personnes
catégories
morales ou personnes juridiques.
Les assez mal nommées d'ailleurs, ce sont les
personnes physiques,
les êtres humains, les proprement dites. Ce sont les
hommes, personnes
seuls vrais du Droit. C'est pour régler leurs rapporte avec leurs
sujets
semblables et avec les choses du monde extérieur que le Droit est fait.
Quand nous disons : les personnes> tout court, c'est uniquement à celles-là
L'Etat des personnes, c'est l'ensemble des qualités constitutives qui dis-
LE MARIAGE
GÉNÉRALITÉS
que notre loi ne prohibe pas, comme le font certaines législations, la loi
Russe par exemple, le mariage entre personnes d'un âge trop avancé. Elle
permet aussi les unions in extremis auxquelles, pour des raisons d'ailleurs
très complexes, l'ancien Droit se montrait hostile, et que deux déclara-
tions royales de 1639 et de 1697 privaient des principaux effets civils
du mariage.
Pour la même-paison, nous considérerions comme étant d'ordre pure-
ment sentimental et littéraire une définition qui ferait de l' amour mutuel
une des fondamentales des l'une des fins essentielles du
obligations époux,
mariage 1. Singulière tentative que d'emprisonner l'amour dans une for-
mule ! Certes, une attraction mutuelle entre pour beaucoup, il
juridique
faut l'espérer du moins, dans la conclusion d'une grande quantité dema-
1. Une formule de ce genre fut adoptée, dans l'une des premières réunions de la
première sous-commission de la commission de révision du Code civil instituée
en 1904 au ministère de la justice par M. Vallé, garde des sceaux. Mais ce vote, dû,
croyons-nous, à une surprise, semble avoir plus étonné que satisfait l' opinion pu-
blique,
414 LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
parties ne peuvent pas toujours faire produire les effets qu'elles veulent
à leur accord. Leur liberté, à cet égard, trouve des restrictions même
dans certains contrats d'ordre exclusivement patrimonial, comme ceux
qui portent sur la propriété immobilière. A plus forte raison doit-il en
être ainsi dans un contrat comme le mariage, qui intéresse beaucoup
moins les biens que les personnes, dont la portée dépasse même les in-
térêts des époux et s'étend à la Société tout entière laquelle, on a pu le dire,
est toujours partie dans tous les
mariages, bien qu'ils soient contrac-
tés par des particuliers. Le mariage offre encore ceci de spécial qu'il
crée un état, mais ce n'est pas le seul acte qui produise cet effet. L'a-
doption, elle aussi, est constitutive d'un état nouveau . Contestera-
t-on le caractère contractuel qu'elle présente certainement dans notre
Droit?
Il faut donc continuer à considérer le comme un contrat. Cette
mariage
conception, familière à nos anciens auteurs, admise même par les cano-
nistes, offre à nos yeux cet avantage pratique qu'on en tire, en législa-
tion, un préjugé contre une thèse aujourd'hui en faveur chez certains es-
prits, à savoir celle d'une dissolution possible du volonté
mariage par
unilatérale. Si le mariage est un contrat, il ne doit se dis-
pas pouvoir
soudre au moyen d'un divorce prononcé sur la volonté d'un seul des
époux, car cette facilité de rupture en ferait un contrat
plus fragile que
les autres, les contrats ne pouvant, en principe, se la
rompre que par
volonté commune des deux contractants.
progrès.
Dès son origine, l'Eglise chrétienne avait établi, pour le mariage de
ses adeptes, certaines prescriptions et défenses spéciales dont l'inobser-
vation entraînait des
peines religieuses et, notamment, l'exclusion de la
communauté des' fidèles. Mais ces règles pendant longtemps restèrent
absolument ignorées de l'Etat et étrangères au Droit civil. Il y avait donc,
dans l'Empire romain, comme de nos jours, deux réglementations paral-
lèles, l'une légale et obligatoire, l'autre purement religieuse et ne s'im-
la conscience des fidèles. A la vérité, ces deux réglementa-
posant qu'à
tions se rapprochèrent sous les empereurs chrétiens ; certaines des règles
édictées notamment en ce qui concerne divers empêche-
par l'Eglise,
ments au dans la législation civile et acquirent
mariage, pénétrèrent
ainsi force de loi. Mais le fait ne fut pas général. La dualité du Droit
civil et de la religieuse du mariage se perpétua pen-
réglementation
dant tout l'Empire. C'est ainsi, notamment, que le divorce resta toujours
bien fut prohibé l'Eglise. Celle-ci n'avait d'ailleurs pas
permis, qu'il par
le pouvoir de juridiction ne possédait celui de légiférer.
plus qu'elle
C'était devant les juges que les causes matrimoniales étaient
laïques
portées.
la chute de d'Occident, sous la monarchie mérovin-
Après l'Empire
et cet état de choses subsista, bien qu'en fait la
gienne carolingienne,
civile de en plus des règles canoniques, et
législation s'imprégnât plus
exercée les tribunaux ecclésiastiques
que la juridiction disciplinaire par
de jour en C'est seulement au Xe siècle,
acquît, jour, plus d'importance.
à l'heure suite de l'effacement de l'autorité cen-
où, par presque complet
domicile, soit par le juge royal du lieu. Cet édit peut être considéré comme
Les pays qui, comme le nôtre, n'accordent de valeur légale qu'au ma-
mariage civil doit être considérée chez nous comme toujours en vigueur
même depuis la loi deséparation des Eglises et de l'Etat du 9 décembre
1905. Car, si cette loi a abrogé celle du 18 germinal an X, elle a laissé sub-
tituer les articles 199 et 200 du Code pénal (Crim. rej., 9 novembre 1906,
D. P. 1907.1.161, S. 1907.1.153, note de M. Roux ; Montpellier, 31 octobre
conceptions.
DROIT. — Tome I. 9
I. — TITRE I. — PREMIERE PARTIE
122 LIVRE
lique 1.
si l'on rencontre la nécessité de la célébra-
Il est bon de
remarquer que,
des étrangères, l'institution du
lion du mariage dans la plupart législations
dès lors, informe, s'est longtemps main-
purement consensuel et,
mariage
à l'action du Concile de Trente,
tenue dans les pays chrétiens étrangers
Il n'y a pas encore longtemps
c'est-à-dire chez les nations protestantes.
se former sans publicité par seul échange
qu'en Ecosse le mariage pouvait
Et cette subsiste encore de nos jours dans cer-
des consentements. règle
tains États de l'Amérique du Nord.
du — L'in-
L'union libre 2. Utilité d'une simplification mariage.
convénient du formaliste, solennel, est, nous l'avons déjà indiqué,
mariage
de les faux les concubinats. Or le Droit actuel a peut-
multiplier ménages,
être les formalités du mariage. Les intentions du législateur sont
exagéré
certes excellentes. Il veut appeler la réflexion des futurs époux sur la gra-
vité de l'acte vont accomplir, permettre à leur famille d'opposer au
qu'ils
besoin son veto à une union déraisonnable, faciliter la preuve éventuelle du
Qu'on juge bien ou mal cette nouvelle législation, ce qui est indéniable,
c'est qu'elle paraît devoir favoriser les résultats sociaux cherchés par Je
législateur, et dont la situation créée par la guerre rend la nécessité plus
impérieuse que jamais. Une légère augmentation dans le nombre des ma-
riages s'est manifestée après 1903. Le nombre moyen des mariages pour
les dix années antérieures à 1896 ressortait à 281.000. Or les dix années
1897-1906 ont donné une moyenne supérieure à 297.000. En 1908, on enre-
gistrait 315.641 mariages, ce qui est le chiffre le plus élevé qui ait été cons-
taté depuis 1873 où l'on en avait célébré 321.238. Ce chiffre a légèrement
fléchi depuis. Il est retombé à 308.000 en 1910, à 312.000 en 1912, à 299.000
en 1913, mais sans descendre, on le voit, aux chiffres antérieurs à 1896.
124 LIVRE I. — TITRE I, — PREMIÈRE PARTIE
FORMATION DU MARIAGE
Le Code civil
(art. 144à 164) énumère, non sans une certaine confusion, les
« qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage ». Il est
utile — cette distinction à tout le moins une valeur mnémo-
présentant
— de
technique distinguer les conditions requises en général par la loi, et
les empêchements dont l'absence constitue comme autant de conditions
spéciales .
Les conditions générales sont au nombre de quatre : 1° Différence de
tion du mariage comme pour celle de tout contrat, " Il a pas de ma-
n'y
dit énergiquement l'article 146, lorsqu'il a pas consentement. »
riage, n'y
La loi ne se contente pas même que le consentement soit démontré exister ;
il faut qu'il soit manifesté par les époux eux-mêmes, en per-
comparaissant
sonne devant l'officier de l'état civil et déclarant devant lui qu'ils entendent
se prendre pour mari et femme. (V. art. 75, al. 2 et 3). Notre Droit n'admet
donc pas en principe la possibilité d'un conclu un
mariage par mandataire,
se présenterait au nom et comme représentant d'un des futurs
qui époux.
En cela il a innové, car le Droit canonique permettait le mariage par pro-
cureur (Pothier, Contrat de mariage, n° 367, éd. Bugnet, t. VI, p. 168). Le
Code a pensé avec raison que la liberté du mariage doit être particulière-
ment entière et que les époux doivent pouvoir changer d'avis jusqu'au der-
nier moment. D'où la nécessité de leur comparution personnelle seule,
qui,
peut garantir la persistance de leur volonté au moment même de la célé-
bration. Les circonstances qui peuvent empêcher deux personnes de se
réunir pour cette célébration sont si exceptionnelles qu'on peut négliger
d'y pourvoir, et l'on verra plus loin, à propos des formes du mariage, que
le Code donne des facilités pour le cas du
mariage des infirmes ou des
moribonds, en permettant au besoin à l'officier de l'état civil de se trans-
là. Placé en face d'un refus formel de la part d'un des fiancés de procéder
moniale, entre les fils et les filles. Les filles jusqu'à vingt et un ans accom-
plis, les fils jusqu'à vingt-cinq ans accomplis, ne purent se marier sans
avoir obtenu le consentement de leurs parents ou de leurs ascendants. Ainsi,
et de l'autre. Mais il peut arriver que l'un donne et que l'autre refuse son
consentement. Dans ce cas, le Code civil faisait une distinction :
Si les parents vivaient ensemble, c'est-à-dire n'étaient ni divorcés ni
séparés de corps,, le consentement
père suffisait. du
S'il y avait divorce ou
de corps entre les parents, il fallait le consentement de celui au
séparation
duquel le divorce ou la séparation de corps avait été prononcé et
profit
la garde de l'enfant
qui avait (art. 152, aujourd'hui abrogé).
La loi du 17 juillet 1927 a modifié ces dispositions. Réalisant une réforme
depuis longtemps réclamée par le parti féministe, elle à déclaré que le
partage des père et mère emportait consentement dans tous les cas, qu'il
y eût ou non divorce ou séparation de corps. Pour justifier cette atteinte à
l'autorité du père, on a fait observer que son affection n'était pas toujours
la plus clairvoyante et que son refus pouvait être dicté par la méchanceté,
surtout quand il avait abandonné sa femme et ses enfants. On a ajouté
qu'il fallait favoriser avant tout les mariages.
Comment l'enfant fera-t-il constater le dissentiment de ses père et mère ?
L'article 148, 2° alinéa, indique quatre procédés,
seul, dont
le premier, un
est pratique : 1° l'enfant adressera une
notification, dans la forme prévue
par l'article 154 pour les enfants majeurs de 21 à 25 ans, à celui de ses
auteurs qui lui refuse son consentement; 2° cet auteur pourra déclarer
devant l'officier de l'état civil qui célèbre le mariage qu'il ne veut pas con-
sentir au
mariage, ce qui suppose le cas bien improbable où il y assisterait ;
3° il écrira à l'officier de l'état civil une lettre pour manifester son refus;
4° il ira le déclarer et en faire dresser acte par l'officier de l'état civil de
son domicile.
après exécution de la peine des travaux forcés est assimilé à celui qui est
dans l'impossibilité de fournir son consentement.
Lorsque le consentement doit être fourni par les ascendants, chaque ligne
a un droit à consentir. La et la ligne maternelle sont
égal ligne paternelle
les en S'il y a dissentiment
représentées par les aïeuls plus proches degré.
dans une même ce dissentiment, la loi du 17 juillet 1927, vaut
ligne, depuis
I. - TITRE I. PREMIÈRE PARTIE
LIVRE —
134
pliquerait donc que dans les hypothèses où le conseil de famille donne des
avis, ce qui a lieu notamment lorsqu'il est consulté par le tuteur pour les
actes intéressant la gestion du patrimoine de l'enfant. Ici il en serait
différemment, car le conseil ne donne pas un avis, il fournit un consente-
ment. Sa décision serait donc souveraine dans un sens ou dans l'autre
FORMATION DU MARIAGE 135
respectueux. Passé cet âge, un seul acte était à la fois nécessaire et suffi-
sant.
Les lois postérieures ont introduit, en cette matière, les modifications
suivantes:
l'officier de l'état
C'était donc, dans le projet de réforme,
à faire valoir.
au cours de la discussion, les
effectuait la notification. Mais,
civil qui en consé-
cette nouvelle attribution. On décida,
maires contre
protestèrent elle res-
serait faite un notaire. Dès lors,
notification par
quence, que la
semble fort à l'ancien acte respectueux.
qui les a reconnus. Ils n'en ont pas avec les parents de leurs auteurs. De
1°L'enfant naturel a-t-il été reconnu, c'est à celui de ses auteurs l'a
qui
reconnu, ou aux deux, s'il
y a eu double reconnaissance, qu'il doit demander
le consentement nécessaire, s'il est mineur, et qu'en cas de refus, il doit,
s'il est majeur, adresser l'acte respectueux (aujourd'hui la notification) qui
lui permettra de passer outre (V. art. 158). En cas de dissentiment entre le
père et la mère, le Code civil primitif restait muet et la
l'opinion plus géné-
ralement admise décidait — sans bonnes il faut — que
raisons, l'avouer
la volonté du père devait La loi du 10 mars 1913 avait tranché
l'emporter.
FORMATION DU MARIAGE 437
Cette solution était critiquable. Car, s'il est toujours utile de favoriser
le mariage des jeunes Français, cette utilité devient manifeste encore
plus
lorsqu'il s'agit d'un projet de mariage formé par un
naturel enfant
mineur (généralement une fille) qui se propose de fonder un foyer régu-
lier. Aussi la loi du 17 juillet 1927 décide-t-elle avec raison qu'ici,
comme pour l'enfant légitime, le partage emporte consentement (art. 158,
alin. 2).
La loi nouvelle ajoute (art. 158, 3e al.) que, si l'un des deux parents
qui ont reconnu l'enfant est mort ou dans l'impossibilité de manifester
sa volonté, le consentement de l'autre suffit ; ce qui d'ailleurs allait sans
dire.
époux avait été autorisé par un tuteur ad hoc, en inférait aussitôt que cet
-DROIT. — Tome 1. 10
I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
138 LIVRE
Sous
l'empire du Code civil, il fallait que, dans ce cas, le consentement
fût constaté dans un acte notarié (article 73, 1er alinéa). Cette obligation
avait l'inconvénient d'entraîner des frais. Les lois des 20 juin 1896 et
9 août 1919 ont donc permis aux père et mère et ascendants de donner
leur consentement devant l'officier de l'état civil de leur domicile ou de
leur résidence, et, à l'étranger, devant les agents diplomatiques ou con-
sulaires français (article 73, 2e alinéa nouveau). Quand il est dressé par
un officier de l'état civil, l'acte de consentement est dispensé de la léga-
lisation, sauf dans le cas il y a lieu
où de le produire devant les autorités
étrangères et où il n'y a pas de convention internationale en dispensant
les parties (loi du 28 février 1922).
tions :
a) Que s'il a été fourni auparavant, par exemple par écrit, il peut être
rétracté jusqu'au moment de la conclusion du mariage.
— Empêchements
§ 2. au mariage.
On appelle de ce nom, nous l'avons vu, certains faits qui mettent obs-
tacle au mariage et dont l'absence équivaut, en somme, à autant de co7idi-
tions de fond exigées pour la formation de l'union conjugale.
Ces empêchements sont aujourd'hui au nombre de quatre. Ils étaient
plus guère être possibles ; pourtant, ils restent encore assez fréquents,
parce que, en pratique, la mention prescrite ne se fait pas régulière-
ment.
et
directe la ligne collatérale, au degré de frère et de soeur (V. art. 161
ligne
Mais ici se rencontre cette question générale: la parenté, illégi-
et 162).
constituer un empêchement au mariage, a-t-elle besoin d'étre
time, pour
établie c'est-à-dire de résulter dune reconnaissance en bonne
légalement
forme ou d'un La Jurisprudence semble divisée sur cette ques-
jugement?
tion (V. Grenoble, 29 janvier 1889, P. F. 1889, 2.54; Trib. Versailles, 13 jan-
riage dans un certain nombre de cas. Au surplus, le Code nous semble avoir,
par son texte même, tranché la difficulté. Lorsqu'il s'agit de savoir si la né-
cessité du consentement des parents s'impose au mariage des enfants natu-
rels comme à celui des enfants légitimes, l'article 158, en effet, a soin de
ne soumettre à l'assimilation que les enfants « légalement reconnus ». Au
contraire, les articles 161 et 162 parlent des « ascendants et descendants
naturels », des « frères et soeurs naturels », sans plus, lorsqu'il s'agit de dé-
terminer la portée de l'empêchement au mariage.
Que le mariage soit prohibé entre les frères et soeurs naturels ou entre
les ascendants et descendants illégitimes d'un individu et son ex-conjoint,
c'est ce qui ne nous paraît pas, douteux. En d'autres termes, nous admettons
que l'empêchement résultant de la parenté naturelle doit s'étendre à l'al-
liance naturelle. Mais la même question va se poser : celle de savoir s'il
faut une filiation légalement établie. Le problème social et juridique, étant
le même que tout à l'heure, nous paraît appeler la même solution.
— antérieures au
§ 1. Formalités mariage.
notifications nous l'avons vu, n'offrent qu'une utilité tout à fait con-
qui,
testable.
— Célébration du
§ 2. mariage.
de à la condi-
le mariage apporte grands changements
publicité, parce que
de leur Ainsi, il leur est
tion des et à la consistance patrimoine.
époux
un nouveau mariage. La femme devient
désormais interdit de contracter
valablement l'autorisation de son
et ne
peut plus agir qu'avec
incapable
en son mandataire légal pour l'admi-
mari, lequel même, devient général,
A partir du mariage, une hypothèque légale au profit
nistration de ses biens.
sur les immeubles du mari, etc. . Il faut, de plus,
de la femme est établie
être connu de ceux auraient des oppositions à
le mariage puisse qui
que
est donc Sa nécessité entraine tout un
former. La publicité indispensable.
faisceau de dispositions.
1° Ce sont d'abord celles d'où résulte, pour les futurs époux, l'obliga-
au lieu du domicile de l'un d'eux. C'est là en effet que les
tion de se marier
sont connus. La détermination de ce domicile donnait jadis
époux réputés
lieu à une difficulté résultant de la divergence des expressions employées
par les textes. D'une part, en effet, l'article 74, après avoir énoncé que le
doit être célébré dans la commune où l'un des époux aura son
mariage
: « Ce domicile, quant au mariage, s'établira par six
domicile, ajoutait
mois d'habitation continue dans la même commune. » D'autre part, l'ar-
même, d'où il serait résulté que le mariage pouvait être célébré au lieu du
domicile général, lequel, sans condition de résidence, se trouve au lieu où
l'individu a fixé son principal établissement (art. 102). On comprend l'inté-
rêt de la question. Généralement les deux domiciles se confondent ; mais
il peut en être autrement. On peut supposer, par exemple, qu'une per-
sonne a, depuis deux ou trois semaines seulement, transféré à Paris son
procède, devant les parties, leurs parents, et leurs témoins, à une lecture
(en pratique fort écourtée) des pièces qu'elles ont produites. Il y ajoute
celle des articles 212 à 214 du Code Civil déterminant les principaux effets
juridiques du mariage (art. 212 et s.). Il interroge les futurs époux (V. al. 2
ajouté par la loi du 10 juillet 1850) sur le point de savoir s'il y a eu con l rat
de mariage, afin de taire mention de leur réponse dans l'acte instrumen-
taire, il recueille de chaque époux la déclaration « qu'ils veulent se
puis
prendre pour mari et femme ». On remarquera que la loi n'exige pas une ré-
ponse orale, ce qui rend possible le mariage des muets. Enfin, l'officier
" prononce »
au nom de la loi qu'elles (les parties) sont unies parle mariage.
A quel moment le mariage est il formé? Celui où les époux ont
précis
dit « oui», ou celui de la formule d'union prononcée par l'officier de l'état
civil ? L'intérêt de la question apparaît dans les cas de mort ou de rétrac-
tation survenue dans l'intervalle. On admet, en général, qu'il n'y a mariage
DROIT, — Tome I.
LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
154
au mariage.
— Preuve du
§ 3 mariage.
1. A noter ici la loi du 20 juin 1920 qui permet de suppléer par des actes
de notoriété à l'impossibilité de se procurer des expéditions des actes de l'état
civil dont les originaux ont été détruits ou sont disparus par suite de faits de
guerre.
LIVRE I. — TITRE I. .— PREMIERE PARTIE
156
contre le coupable ou contre ses héritiers, soit par le ministère public, soit
b) L'article 197 ne doit-il pas s'appliquer lorsque l'un des parents est
vivant, mais que c'est lui, précisément, qui la filiation conteste de l'enfant?
On l'a soutenu en invoquant cet argument d'équité que les choses se passe-
ront ici exactement comme si le père ou la mère survivant était décédé,
puisque l'enfant ne peut espérer obtenir de lui les indications nécessaires
à ses recherches d'état civil. Nous croyons cependant qu'il n'y a pas lieu de
distinguer et que,
lors,dès l'article 197 n'est pas On verra
applicable.
bientôt que le bénéfice
de ce texte appartient seulement à l'enfant qui peut
alléguer une possession d'état d'enfant légitime. Or cette lui
possession
manque s'il est en conflit avec le survivant de ses prétendus auteurs sur le
caractère même de sa filiation.
B. — La seconde condition requise pour que l'enfant soit dispensé de
représenter l'acte de mariage de ses parents, c'est qu'il démontre la posses-
sion d'état d'époux de ces derniers.
C. — Il faut, en troisième lieu, qu'il ait lui-mêmela possession d'état
d'enfant légitime. La loi parle de la possession d'état d'une façon générale :
elle vise donc aussi bien celle de l'enfant que celle des parents défunts.
D. — Il faut enfin que les possessions d'état alléguées par l'enfant ne
soient pas contredites par son acte de naissance. Ainsi, il ne faut
pas qu'il
y ait un acte de naissance le qualifiant d'enfant naturel de tel et telle, ou
d'enfant d'autres personnes. Ici encore, il lui manquerait la condition de sa
possession d'état personnelle. On remarquera que, si l'acte de naissance
déclare que l'enfant est né de père et mère inconnus, il peut encore bénéfi-
cier de l'arlicle 197, c'est-à-dire invoquer à l'appui de sa légitimité la pos-
session d'élat d'époux de ses parents et sa possession d'état personnelle
d'enfant légitime. Pourtant ici, la mention portée dans l'acte de naissance
constitue une forte présomption contre la légitimité de l'enfant. Mais ce
n'est qu'une présomption, qui est détruite deux faits que l'enfant par les
—
§ 1. Oppositions.
1° L'acte d'opposition lui-même doit être fait par le ministère d'un huis-
sier. La loi lui impose des formes spéciales qu'on ne rencontre dans
pas
les exploits ordinaires et qui sont sanctionnées tant par la nullité de l'acte
irrégulier que par la peine de l'interdiction encourue par l'huissier en faute
pourquoi.
2° La signification de l'acte d'opposition doit être faite à la fois aux deux
futurs époux et à l'officier de l'état civil qui doit procéder au mariage s'il
est connu, à l'un de ceux qui peuvent y procéder, dans le cas contraire.
L'officier public doit apposer son visa sur l'original (art. 66), afin qu'on ne
taire, si l'opposant consent à s'en désister, ce qu'il peut faire soit orale-
ment, soit par un acte notarié dont l'époux aura à produire une copie à
l'officier de l'état civil (art. 67). Faute de ce désistement, la mainlevée ne
peut être que judiciaire, c'est-à-dire qu'elle sera prononcée par la justice,
après que l'époux aura mal fait la preuve du
l'opposition. fondé de Les
mesures prises par la loi pour augmenter l'efficacité et la rapidité de la
Animent retardé.
étant par le tri-
la mainlevée prononcée
C. - qui succombe,
L'opposant a moins ce ne soit un
de l'instance, que
bunal, est condamné aux frais
cas le juge peut
ou une soeur du demandeur, auquel
ascendant, un frère
C. compenser, c'est-
droit commun (art. 131, proc. civ.),
conformément au
Le défendeur succombant
les entre les plaideurs.
à-dire répartir dépens ne
dommages intérêts, à moins qu'il
en être condamné à des
peut, outre,
soit un ascendant (art. 179, 1er al.).
— Le droit de former
Auteurs et motifs des oppositions.
possibles
opposition appartient:
1° Aux ascendants ;
2° A d'autres à savoir :
personnes,
Le conjoint du futur époux ;
A)
Certains collatéraux ;
B)
Le tuteur ou curateur ;
C)
D) Le ministère public.
est différent suivant qu'elle est formée par
Le caractère de l'opposition
à l'une ou à l'autre des deux catégories ci-
des personnes appartenant
dessus.
1° le Code civil, entre les mains des ascendants, l'opposition
D'après
n'était seulement le de faire valoir des empêchements
pas moyen pratique
C'était aussimoyen suprême un pour l'ascendant qui désapprou-
légaux.
un de mariage formé son descendant, d'en retarder la réa-
vait projet par
lisation de contraindre l'enfant à un supplément de réflexion.
et, ainsi,
En effet, la loi admettait des ascendants n'avait pas besoin
que l'opposition
d'être motivée fart. si l'opposition n'était pas fondée
176). Evidemment,
sur un le futur en obtenait aisément la
empêchement véritable, époux
mainlevée. La célébration du mariage n'en avait pas moins été différée.
(encore insuffisant) apporté ici par l'article 173 nouveau (al. 2), c'est que,
après la mainlevée judiciaire de l'opposition formée par un ascendant,
aucune nouvelle opposition d'un autre ascendant ne peut retarder la célé-
bration du mariage.
2° Entre les mains des
personnes qualifiées autres que les ascendants, le
droit d'opposition n'existe, au contraire, que pour certaines causes déter-
minées parla loi. Mais ajoutons que, pratiquement, il se produit peu d'op-
positions de ce genre. On n'en rencontre guère, en fait, que venant d'as-
cendants désireux de retarder un mariage qu'ils désapprouvent. Quoi qu'il
en soit, les opposants de notre catégorie sont au nombre de trois,
possibles
peut-être de quatre.
tement valable.
Pour éviter que les collatéraux n'invoquent ce motil à la légère, l'ar-
164 LIVRE I. — TITRE I. — PEMIÉRE PARTIE
ticle 174 du Code civil exige que l'opposant provoque en même temps l'in-
terdiction de l'aliéné. Les frais auxquels il s'exposera en intentant cette
procédure garantissent qu'il réfléchira avant d'agir.
C. — Le tuteur ou le curateur (ce qui suppose toujours que le futur
époux est un mineur), concurremment avec les collatéraux, et pour les
mêmes causes que ceux-ci, mais à la condition d'avoir été autorisé à former
opposition par le conseil defamille (art. 175.) Cette dernière condition
rend peu explicable que la loi ait prévu une opposition formée par le tuteur
pour cause de démence de son pupille. Puisque celui-ci est mineur, son
mariage a requis une autorisation du conseil de famille. De deux choses
l'une. Ou bien le conseil a autorisé le
comprend mal
mariage, et
l'on
qu'il autorise le tuteur à venir y faire opposition pour cause de démence.
Ou bien, au contraire, il n'a pas autorisé le mariage, et on n'a pas besoin
d'alléguer dans l'opposition l'état mental du futur époux. Il suffit que le
tuteur soit autorisé à faire valoir le défaut d'autorisation.
D. — Le ministère public, possède-t-il aussi, bien que le Code civil ne le
lui accorde pas, le droit de faire opposition à un mariage ? La question
est controversée. D'une part, il est certain que le droit de former opposi-
tion ne peut s'appuyer que sur un texte
que les articles formel, et du Code
civil qui l'organisent pas ne sont
susceptibles d extension. il est
Ainsi,
indubitable que ni les descendants, ni les neveux et nièces, bien que col-
latéraux plus proches que les cousins germains, n'auraient le droit d'oppo-
sition. Le droit d'agir du ministère public, évidemment utile si l'on sup-
pose un projet de mariage blessant particulièrement l'ordre de
public,
mariage incestueux par exemple, ne pourrait donc sur le
reposer que
texte de nos lois de procédure civile qui établit les de
règles générales
l'intervention du Parquet. Or ce texte est l'article 46 de la loi du 20 avril
1810, relative à l'organisation article
judiciaire, qui fut l'objet d'une con-
troverse classique par la contradiction indéniable existant entre ses deux
alinéas. En effet, tandis que l'alinéa 1er porte : « En matière le mi-
civile,
nistère public agit d'office dans les cas exprimés la loi
par », formule res-
trictive qui réduit l'intervention possible du Parquet aux hypothèses où
la loi lui donne un mandat formel, l'alinéa 2 ajoute : « Il surveille l'exé-
cution des lois, des arrêts, et des ; il poursuit
jugements d'office cette exé-
cution dans les dispositions qui intéressent l'ordre » Cette
public. seconde
phrase est manifestement l'opposé de la première ; elle élargit le champ
d'initiative du Parquet. Et, dans notre elle
hypothèse, lui ouvre le droit
de faire opposition, car à un
s'opposer mariage prohibé par la loi, par
exemple, à un mariage ou
bigamique incestueux, c'est évidemment pour-
suivre l'exécution loi dans
une disposition
de la intéressant l'ordre public.
Des deux formules, quelle est donc celle doit
qui l'emporter? Certaines
décisions ont admis que c'est la formule le second
large, alinéa devant être
considéré comme ayant complété et rectifié le premier. Le ministère public
aura donc le droit de faire à un mariage,
opposition lorsqu'il estimera
qu'il existe un empêchement dont la transgression offenserait l'ordre
public (Grenoble, 14 janvier 1889, D. P. 1890. 2. 193, note de M. Flurer).
FORMATION DU MARIAGE 1 03
qu'elle a de nos jours. En effet, elle était souvent utilisée comme un tem-
tit, même dans le passé. Mais ces deux solutions n'en offrent pas moins
cette ressemblance de fait considérable qu'elles rendent l'une et l'autre
leur liberté aux époux (ou prétendus époux). Supposons donc qu'un
soit désuni, qu'un époux se croie déçu dans ses espérances de
ménage
bonheur et que la législation lui refuse le divorce. Il y a bien des hypothèses
où il s'efforcera, pour se dégager d'un lien odieux, de faire prononcer la
la Jurisprudence
tions de nullité de mariage, au moins qui concerne
en ce
des cas où jadis on plaidait la nullité,
civile 1. Nous verrons que, dans bien
d'une demande de divorce.
on recourt aujourd'hui au procédé plus simple
n'ont été de même dans le
Toutefois, on peut remarquer que les choses pas
de la Jurisprudence et que même un phénomène
domaine ecclésiastique
La restauration du divorce a certainement aug-
inverse s'y est produit.
le nombre des procès en nullité de mariage. Ces procès sont intentés
menté
des divorcé et néanmoins désireux, en vertu
par époux catholiques ayant
de considérations ou, parfois, simplement mondaines, de se
religieuses
mettre en avec les lois canoniques. Leur calcul est secondé par le
règle
nombre relativement élevé de cas de nullité de mariage qui continué à
subsister dans l'arsenal du Droit ecclésiastique.
3° C'était un universellement admis dans notre ancien Droit
principe
matière de mariage il n'y a pas de nullité sans un texte qui la pro-
qu'en
nonçât formellement. Ainsi, il ne suffisait pas qu'il y eût eu violation d'une
relative à la formation du mariage pour qu'il en découlât le
règle légale
droit d'en demander la nullité pour les intéressés; la faculté de prononcer
cette nullité les juges (V. Esmein, op. cit., t.I, p. 75-76). Il y avait là,
pour
à raison sans doute de la gravité exceptionnelle de la nullité d'un mariage,
une conception toute spéciale et dérogeant aux principes généraux admis,
on l'a vu, en matière d'actes juridiques ordinaires, ceux-ci devant être con-
impossible de ne pas constater que cette règle n'est consacrée par aucune
disposition de notre Droit. Et il nous paraît d'autant plus difficile d'en
admettre la survivance de nos jours que les articles, cependant nombreux
et explicites (art. 180 à 202), consacrés par le Code civil à l'énumération et au
mécanisme des nullités de mariage, omettent de mentionner certains cas
où l'ancien Droit admettait jadis formellement qu'il y avait existence d'un
empêchement dirimant et où il est, aujourd'hui, de toute impossibilité,
nonobstant le silence du Code, de considérer le comme inatta-
mariage
quable. Nous pouvons citer deux hypothèses de ce genre : celle d'absence
totale de consentement chez un conjoint, et celle de non-célébration devant
l'officier de l'étatclair, civil. Il est
le silence de la loi, qu'un
malgré mariage
affecté de l'un de ces deux vices ne peut être valable. Reste à savoir —c'est
un point sur lequel nous reviendrons — s'il doit être considéré nul
comme
d'une nullité simplement virtuelle, ou si son inefficacité ne doit pas être
1. Le nombre des procès en nullité de mariage n'a été que de 30 en 1900, de 31 en 1905.
FORMATION DU MARIAGE 167
rattachée à une autre catégorie juridique que celle des actes nuls, à savoir
celle des actes inexistants ?
Quoi qu'il en soit, les nullités de mariage prononcées par le Code civil
sont au nombre de six.
Deux de ces nullités sont relatives, à savoir celles qui résultent: 1° d'un
vice du consentement de l'un des époux ; 2° du défaut de consentement
complémentaire desparents lorsqu'il est requis.
Les quatre autres, étant fondées, non pas comme les précédentes, sur la
protection de la volonté des contractants, mais sur des raisons qui touchent
à l'ordre public, sont des nullités absolues. Elles tiennent : 1° à l'impuberté :
2° à la bigamie ; 3° à l'inceste ; 4a à la violation des formes extérieures du
que, de droit commun, les trois vices du consentement qui peuvent entraî-
ner l'annulation d'un contrat sont l'erreur, la violence et le dol (art. 1109).
En matière de mariage, il résulte de l'article 180 que le mariage peut être
attaqué soit parce que l'un des époux ou tous les deux n'ont pas émis un
consentement libre — ont subi une soit
et, par
conséquent, violence, parce
qu'il y a eu erreur. On remarquera donc aussitôt que, des trois vices du
consentement, le texte en omet un, le dol. Ce silence est intentionnel. Une
tradition séculaire met obstacle à ce qu'un époux puisse attaquer le mariage
trompe qui peut » (Institutes Coutumières, liv. II, tit. III, n° 3). Sans aller
838
y ait à tenir compte est celle qui est de nature à faire impression sur une
(Pothier, Traité du contrat de mariage, nos 227, 228). C'était là, nous l'a-
vons déjà constaté, un moyen d'arriver à annuler le mariage contracté en
dépit de la volonté parents. des Aujourd'hui, le rapt ou la séduction ne
pourraient entraîner la nullité que s'il y avait eu emploi de la violence pour
arracher le consentement de l'épouse enlevée, ou s'il s'agissait d'une mi-
neure et s'il n'y avait pas eu de consentement des parents (V. cependant
Agen., 14 juin 1890, D. P.
1891.2.153 ; S. 1893.2.4).
Erreur. — Il ne peut évidemment ici que d'erreur sur la personne.
s'agir
C'est en effet celle que prévoit l'article 180, 2e alinéa. Reste à savoir ce qu'il
faut entendre par là. Pothier, que les rédacteurs du Code ont pris pour
guide ordinaire dans toutes ces matières, apportait ici une conception d'une
étroitesse excessive. Pour lui, la seule erreur que l'on pût alléguer en ma-
tière de mariage était celle qui portait sur de la per-
l'identité physique
sonne. « Par exemple, si me proposant Marie et croyant
d'épouser contrac-
ter avec Marie, je promets la foi de mariage à Jeanne se fait passer
qui
pour Marie » (Pothier, op. cit., nos 308 à 310). Il est trop évident que ce
cas ne peut plus se présenter de nos jours, le mariage
puisque par procu-
ration n'est plus admis et puisque les femmes de nos sujettes
(à l'exception
musulmanes) ne se marient pas le visage dissimulé sous un voile. De plus,
on a souvent fait remarquer que si, par un hasard il pouvait
exceptionnel,
se produire de nos jours une substitution de personnes analogue à celle
de Lia et de Rachel dans la Bible, il n'y aurait en réalité
pas vice, mais
bien absence totale du consentement, comme le dit Pothier
puisque, lui-
FORMATION DU MARIAGE 169
tion d'une cohabitation continuée entre les époux « pendant six mois depuis
a recouvré sa pleine liberté ou que l'erreur a été reconnue ».
que l'époux
L'attitude l'attributaire de l'action en nullité depuis qu'il est en
prise par
mesure de l'utiliser librement, prouve, en effet, son intention d'y renon
une confirmation tacite. Or, de droit commun, un acte annulable peut être
aussi l'objet d'une confirmation expresse (art. 1338). En sera-t-il de même
ici? L'époux qui pourrait, pendant six mois, demander la nullité, pourra-
t-il, devançant ce délai, consolider immédiatement le mariage et rassurer
le conjoint avec lequel il entend continuer la vie conjugale, par une re-
nonciation formelle et explicite à son action en nullité? La un
question:ja
faible intérêt pratique, étant donné la brièveté de la période d'incertitude
résultant de l'article 181. Nous ne voyons pas d'ailleurs de bonnes raisons
cable sera celle de trente ans (art. 2262), qui repose non sur une idée de
confirmation tacite, mais sur des considérations d'intérêt social décisives
en notre matière comme en toute autre.
riage d'un enfant naturel, dont le conseil de famille n'est autre, on s'en
souvient, que le tribunal civil? Ne devrait-on pas admettre que, dans ce
Il en est autrement en notre matière. En effet, l'article 183 nous dit que,
lorsque les parents ont ratifié le mariage conclu sans leur consentement,
l'action en nullité ne peut plus être intentée même par les époux.
On s'est demandé si, de son côté, l'époux une fois devenu majeur ne
pas, sans attendre l'expiration du délai d'un an, renoncer lui
pourrait
aussi, en ce qui le concerne, soit tacitement, soit expressément, à l'action
en nullité. Il semble que le texte de l'article 183 est assez explicite pour
ne soit guère
que la solution douteuse. Le
Code, en effet, a prévu minu-
tieusement tous les divers modes de confirmation admissibles de la part
des parents de l'enfant. De la part de l'enfant lui-même, il n'en
prévoit
qu'un seul, celui qui résulte du délai d'un an qu'il aura laissé écouler,
sans agir, depuis sa majorité. Le silence de la loi à l'égard des autres
modes de confirmation possibles suffit à les exclure. Il y a, d'ailleurs, de
bonnes raisons pour justifier le système du Code. L'acte par lequel un
enfant, à
peine devenu majeur, s'empresserait de ratifier le mariage
qu'il a contracté sans l'aveu de sa famille et auquel, aujourd'hui, les pa-
rents, après réflexion, continuent encore de refuser leur approbation, serait
un acte fort suspect. Il y aurait de grandes chances pour qu'il fût l'oeuvre
des mêmes séductions qui ont entraîné l'enfant à une union inconsidérée.
La loi veut que l'enfant, marié dans de telles conditions, ait toujours, une
fois majeur, un délai d'un an pour réfléchir et prendre parti. Il n'y a que
l'approbation donnée au mariage par ses parents qui puisse lui enlever
le droit de demander la nullité avant la fin de l'année.
publicité (Pothier, op. cit., n° 354). Mais, d'un autre côté, il est indéniable
époux eux-mêmes, par les père et mère, par les ascendants et par tous ceux
qui y ont un intérêt né et actuel, ainsi que par le ministère public ». Mais
d'autres dispositions introduisent entre ces divers intéressés les distinctions
ci-après.
S'agit il des époux, ou des membres de leur famille, il y a deux groupes
investis de droits sensiblement différents.
1° Une première série de personnes possède le droit d'invoquer la nul-
lité, dans tous les cas, aussi bien du vivant des époux qu'après leur décès
ou le décès de l'un d'eux, en vertu d'un simple intérêt moral, sans avoir
même, semble-t-il, à justifier
d'un intérêt quelconque, la loi présumant
l'existence de cet intérêt. Ce sont :
A. — Les époux eux-mêmes, y compris l'époux en faute, par le
exemple,
bigame. Vainement invoquerait-on, pour repousser de ce dernier,
l'action
la maxime Nemo auditur propriam turpitudinem Il y a évidem-
allegans.
ment, même pour l'époux coupable de s'être marié malgré laprohibition
de la loi, un intérêt légitime à mettre fin à une situation et ins-
irrégulière
table, en faisant cesser une union que la loi de nullité.
frappe
B. — Le premier conjoint de l'époux fart.
bigame 188).
G. — Les père et mère et les ascendants. On la loi n'é-
remarquera que
tablit entre eux aucun ordre et leur donne par le droit
conséquent d'agir
concurremment. C'est un contraste avec la règle suivie lorsqu'il s'agit, pour
les ascendants, du droit d'autoriser le mariage et, dans une certaine me-
sure, de celui d'y faire opposition. Là, le droit des ascendants s'exerce
non pas concurremment, mais graduellement. Que la solution soit diffé-
rente lorsqu'il s'agit de faire annuler le mariage nul d'une nullité absolue,
cela résulte de ce que la disposition de l'action en nullité est attribuée par
la loi à tous les ascendants
qui peuvent avoir à l'annulation un intérêt mo-
ral. Or c'est le cas pour tous, à titre et quel
égal, que soit leur degré.
D. — A défaut le conseil
d'ascendants, de famille. Cela résulte des
termes de l'article 186, qui une action en nullité
suppose pour impuberté
dirigée père et mère, par les ascendants, ou par la famille,
par les expres-
sion ne saurait
qui désigner que le conseil de famille. Mais il semble bien,
d'une part, que l'action en nullité (en nullité absolue) n'appartient au con-
seil de famille que pour le cas d'un
d'impuberté époux et, d'autre part,
qu'elle ne peut être exercée le conseil
par que durant la minorité de l'é-
poux, car, une fois l'époux devenu le conseil
majeur, de famille, organe de
la tutelle qui a pris fin avec la minorité, n'a plus d'existence légale.
2° Un second de *
groupe personnes visées par l'article 187, à savoir les
collatéraux et les enfants d'un précédent mariage, ne possèdent pas, au
contraire, le droit la
d'invoquer nullité du vivant des deux époux,
mais seulement lorsqu'ils ont un intérêt né et actuel. Le texte de l'ar-
ticle 187, semble bien, on le voit, subordonner l'action des collatéraux et
des enfants du premier lit à une double condition, la dissolution du ma-
riage prétendu nul par le décès de l'un des
époux, et l'existence d'un intérêt
né et actuel; il révèle assez clairement la pensée du législateur. En prin-
cipe, notre Code refuse aux collatéraux ou aux enfants du premier lit le
FORMATION DU MARIAGE 177
pour que les enfants de son premier lit ou pour que ses collatéraux aient
un intérêt pécuniaire à la nullité du mariage. Pour ne citer qu'un exemple,
supposons qu'il y ait plusieurs enfants du
premier lit. L'un d'eux vient à
décéder du vivant de son père ou de sa mère remarié. Les frères et soeurs
du premier lit auront, dès maintenant, un intérêt pécuniaire ou, comme
dit la loi, né et actuel, à faire valoir la nullité du second mariage : ce sera
celui d'écarter les enfants qui en seraient nés, du partage de la succession
laissée par l'enfant défunt.
En conséquence, la Jurisprudence a apporté, dans l'application de l'ar-
ticle 187, des tempéraments notables à la rigueur des règles dont nous
venons de faire la critique. Ces tempéraments sont au nombre de deux.
A. — Il paraît admis que les mots du vivant des deux époux ont, dans
l'article 187, un sens énonciatif et non restrictif, en d'autres termes, que la
loi a envisagé le cas du décès de l'époux, parce que c'est habituellement ce
décès qui donne naissance à l'intérêt pécuniaire qu'elle prend en considéra-
tion, mais qu'elle n'a pas entendu exclure l'action en nullité lorsqu'elle se
fonde sur un intérêt né et actuel qui, exceptionnellement, se rencontrerait
du vivant des deux époux. L'action en nullité sera donc recevable dans ce
1890.1.145, sous cass., et la note de M. Labbé). Mais il n'est pas certain que
les tribunaux se prononceraient dans le même sens en cas d'action en nul-
lité à exercer par des enfants du premier lit. Peut-être considéreraient-ils
mère, une raison de décence justifiant une solution différente de celle qu'on
admet pour l'action des collatéraux.
178 LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
public et justifie son intervention est, en effet, de faire cesser une union
scandaleuse pour la morale publique, par exemple, en cas de bigamie ou
d'inceste, et, comme dit la loi, « de faire condamner les époux à se sépa-
rer ». Il ne faut d'ailleurs pas prendre cette dernière expression à la lettre,
car le
concubinage, incestueux, même
n'étant pas par la loi, les défendu
époux.
L'absence est, comme on le verra plus loin, la situation résultant de
ce l'existence et le décès d'une personne sont également incertains.
que
Il en résulte que le conjoint de l'absent, faute de pouvoir démontrer la
dissolution du mariage par le décès de celui-ci, ne peut être admis à
contracter un nouveau mariage. Cependant, supposons qu'il l'ait fait. L'ar-
ticle 139 alors que « l'époux absent dont le conjoint a contracté, une
porte
nouvelle union sera seul recevable à attaquer ce mariage, par lui même ou
son fondé de pouvoir, muni de la preuve de son existence » au mo-
par
ment de l'introduction de l'instance en nullité. Aucun des autres intéressés,
ni les époux eux-mêmes, ni le ministère public, ni les ascendants ou coi-
latéraux, ne sera donc recevable dans son action. La raison qui justifie
cette dérogation aux principes, c'est que, l'existence de l'absent étant en
somme fort douteuse, il n'y a pas scandale dans l'union contractée par
l'époux abandonné. On ne saurait permettre aux intéressés d'en contester
la validité en se fondant sur des bruits plus ou moins vagues de nature
à faire croire à la survie de l'absent.
Il ne faut pas cependant pousser jusqu'à l'absurde la règle fixée par l'ar-
ticle 139. Supposons que l'époux absent reparaisse ou même que son exis-
tence arrive à être démontrée d'une manière notoire ; nous ne saurions ad-
mettre qu'il conserve seul, en ce cas, le droit d'agir en nullité contre la
seconde union, visiblement entachée de bigamie. S'il en était ainsi, il dé-
plus être attaqué par personne pour cause de bigamie, fût-il démontré
a) Lorsqu'il s'est écoulé six mois depuis que l'époux impubère au mo-
ment du mariage a atteint l'âge de la puberté. La déclaration de la nul-
lité produirait en effet des résultats inefficaces et un peu ridicules,
puisque rien n'empêcherait les époux, dont l'union viendrait d'être brisée,
de se remarier aussitôt. Notons que la loi n'exige pas, pour que le ma-
Elle l'a refusé ; l'approbation du père a suffi. La mère qui, nous l'avons
l' acte de célébration du mariage devant l'officier de l'état civil est repré-
les sont respectivement non recevables à demander la nullité
senté, époux
de cet acte ». Le sens de ce texte, un peu obscur, a été fort discuté. Nous
en donnons ici
l'interprétation qui prévaut en Jurisprudence et chez la
des auteurs. Ce qu'il faut comprendre, c'est que, dans l'article 196,
majorité
le mot final acte, conformément d'ailleurs à la construction grammaticale
de la ne désigne pas le mariage lui-même. La possession d'état,
phrase,
c'est-à-dire le fait d'avoir vécu publiquement comme mari et femme, ne
lorsqu'il s'agissait, pour les époux, de faire valoir une nullité relative
résultant d'un vice du consentement ou du défaut d'habilitation de la
de leurs parents. A plus forte raison, les époux conservent-ils, no-
part
nobstant leur possession d'état, la faculté d'invoquer une nullité absolue
fondée sur un empêchement d'ordre public, bigamie, inceste, impuberté. Ce
la loi vise, en parlant de la nullité de l'acte de ce sont les
que mariage,
irrégularités fondées sur le défaut de formes extérieures, c'est-à-dire celles
sorte qu'elle confère mariage, au après coup, la publicité qui lui avait fait
défaut auparavant (Req., 28 novembre 1899, D. P. 1900.1.472; S. 1901.1.21).
Que l'effet confirmatif produit par la possession d'état, en ce qui con-
cerne le vice de clandestinité, soit restreint à l'action des et ne
époux
prive pas les autres intéressés du droit d'invoquer la nullité, c'est ce qui
nous paraît découler des termes mêmes de l'article 196 (« les époux sont
respectivement non recevables »). Il n'en est pas moins certain qu'en pra-
tique, l'action en nullité dirigée par un tiers aurait de chances de
peu
succès, étant donné le pouvoir d'appréciation qui au en
appartient juge
cette matière ; il est infiniment probable que celui-ci se refuserait à
annuler le mariage comme clandestin, lorsque les conjoints ont acquis
d'une manière certaine, indiscutable, la possession d'état d'époux.
admettre, à côté des cas de nullité du mariage proprement dits, des hypo-
LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
184
qu'il est nul — nullum est — ou qu'il n'existe pas, c'est en tous points la
même chose. En ce qui concerne particulièrement le mariage, il est évident
1. Avant 1907, il y avait, outre ces trois cas de nullité absolue, une hypothèse où
l'on était bien forcé d'admettre que le mariage était nul d'une nullité relative, mal-
gré le silence de la loi et nonobstant la maxime : « Pas de nullité sans texte, » C'é-
DROIT. — Tome 1. 13
1. — TITRE I. — PREMIERE PARTIE
186 LIVRE
aurait été transcrit sur une simple feuille volante (Req., 26 juillet
riage
1865. D. P. 1865.1.493; S. 1865.1.393).
Ce n'est qu'en ce qui concerne le cas de mariage contracté par des époux
dont l'un n'a pas de sexe déterminé, que l'on voit poindre, dans un récent
arrêt de la Cour sinon l'idée, au moins l'expression de mariage
suprême,
inexistant : « Attendu, en droit, lisons-nous dans l'arrêt ici visé, que le ma-
ne peut être
qu'entre deux
contracté personnes appartenant, l'une au
riage
sexe masculin, l'autre au sexe féminin ; qu'ainsi son existence est subor-
donnée à la double condition que le sexe de chacun des époux soit recon-
naissable et qu'il diffère de celui de l'autre conjoint » (Civ., 6 avril 1903,
D. P. 1904.1.395, avec conclusions de M. le Procureur général Baudouin ,
S. 1904.1.273). Mais les expressions employées par la Cour suprême n'ont
rien de contradictoire avec une doctrine qui, comme la nôtre, fait des
tait le cas où un enfant naturel mineur s'était marié sans le consentement d'un tuteur
ad hoc; à fortiori, lorsqu'il s'était marié sans même que le conseil de famille eût été
appelé à lui désigner un tuteur ad hoc aux fins d'autorisation de son mariage. L'ar-
ticle 182 reste cependant muet sur ce cas, puisqu'il ne donne le droit d'invoquer la
nullité, lorsque le père, la mère, les ascendants ou le conseil de famille n'ont pas
consenti au mariage, qu'à l'enfant ou à ceux qui ont refusé leur consentement, Ce-
pendant, on était bien forcé d'admettre qu'il y avait nullité dans ce cas, sauf à dis-
cuter par qui, suivant les diverses situations concevables, cette nullité pouvait être
demandée, Nouveau témoignage de la vanité de l'axiome. Pas de nullité de ma-
riage sans texte.
FORMATION DU MARIAGE 187
faudrait, pour qu'il y eût une différence spécifique entre les deux catégories
prétendues distinctes d'hypothèses, qu'on eût pu relever un contraste quel-
conque entre les conséquences d'un mariage nul et celles du mariage
inexistant de l'arrêt du 6 avril 1903. Or, c'est ce que la Cour de cassation n'a
fait et ce qu'elle ne pouvait pas faire ! Son arrêt ne prouve donc
pas
rien contre notre thèse.
La Jurisprudence, dans un ordre d'hypothèses tout à fait voisin, nous
fournira, au contraire, un argument que nous croyons décisif et qui cons-
titue comme une contre-épreuve de notre système. Supposons que deux
tinctes, a été consacrée dans des cas où le vice du premier mariage était,
au contraire, l'un de ceux qui, aux termes formels des articles 180 et sui-
vants, ne peuvent que donner lieu à une action en nullité.
IV. — de l'annulation du Le
Conséquences mariage. mariage
— L'annulation du ne met seulement fin au
putatif. mariage pas mariage
comme le divorce ou la mort de l'un des époux ; elle l'anéantit même dans
le passé, puisqu'elle fait que mariage le est considéré comme n'ayant
jamais existé. L'union des conjoints est donc considérée comme ayant
constitué un simple concubinage. Voici quelques-unes des conséquences
rigoureuses qui résultent de ce principe :
1° Les enfants nés des deux conjoints sont des enfants illégitimes. Et
régime de leurs biens, sont non avenues. De même, disparaissent les dona-
tions que des tiers ont pu faire aux conjoints ou que ceux-ci se sont faites
entre eux en vue du mariage.
4° Les articles 212 à 214 établissant les droits et les devoirs des époux
ne reçoivent pas application.
5° Enfin, le survivant n'a aucun droit à la succession du prédécédé.
Bien si l'annulation du a été
prononcé après la mort de
plus, mariage
l'un des le survivant, qui déjà a recueilli la succession du défunt,
époux,
est obligé de la restituer.
188 LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
bore, une fois de plus, la thèse que nous avons adoptée précédemment à
propos des prétendus cas d'inexistence. Du moment qu'il y a bonne foi des
mariage. Peu importe que, plus tard, il découvre la cause de nullité qui
l'entache ; il ne perdra pas pour le bénéficecela de son erreur initiale.
Quant à la question de preuve de la bonne foi, elle a donné lieu à des
divergences entre les auteurs. Les uns estiment que c'est aux époux à prou-
ver les faits susceptibles d'établir leur sincérité. Les autres, au contraire,
poux survivant sera l'époux de bonne foi. Si c'est l'époux de mauvaise foi
politique et le
gouvernement des consciences.
Aussi convient-il de donner, en cette matière, une place particulièrement
large à l'historique et à la critique de la législation. Nous en traiterons
dans la première section du présent chapitre ; les deux sections suivantes
devant être consacrées, l'une au Divorce, l'autre à la Séparation de corps.
nistes, qui différaient d'avis sur la portée des paroles du Christ servant de
fondement à la prohibition du divorce. Cette phrase, en effet, est diverse-
ment rapportée par les évangélistes. D'après saint Luc et saint Marc, le
Christ aurait interdit tout divorce 1 saint il aurait
; d'après Mathieu, cepen-
dant permis au mari de répudier sa femme pour cause d'adultère2. Mais la
doctrine de l'indissolubilité absolue du mariage, défendue par saint Au-
1. Omnis qui dimittit uxorem suam at alteram ducit, maechatur (Texte de saint
Luc).
2. Dico autem vobis quia quicumque dimiserit uxorem nisi ob fornicationem,
suam,
et aliam duxerit, maechatur (Texte de saint Mathieu).
DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS 193
tion. Ce sont, les crimes, sévices ou injures graves d'un conjoint contre
Quel fut l'effet social de cette législation? Il semble qu'il faille distin-
guer. Dans les provinces, les moeurs ne subirent pas une sensible atteinte.
Mais, dans les grandes villes, à Paris surtout, où le terrain était, il faut
le reconnaître, singulièrement préparé foule par une de circonstances, eD
core cette décision ne pouvait être obtenue qu'à la suite d'une procédure
caractérisée par des formes lentes, compliquées et coûteuses.
spéciale,
C'était une
précaution contre les irréfléchis, en même divorces
temps
de rendre l'institution peu accessible, surtout aux classes
qu'un moyen
Il ne faut pas oublier, en effet, que la gratuité absolue de la
populaires.
les indigents ne date que de la loi du 22 janvier 1851 qui a
justice pour
créé l'assistance judiciaire 1.
1. Lesart. 1er à 21 de cette loi ont été modifiés par la, loi du 10 juillet 1901,
196 LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
qu'à Paris la moyenne des divorces tomba à une cinquantaine par année.
D'ailleurs, à bien d'autres points de vue encore, les résultats que l'on
1. La nuptialité, bien qu'en croissance, n'a pas suivi une pareille progression,
Elle était de :
de la
Roumanie, assujettissent le divorce par consentement mutuel à des
formalités destinées à établir qu'il existe entre les époux une cause réelle
et grave de désunion. D'autres admettent lois par consentement le divorce
mutuel, mais après que les époux se sont imposé auparavant l'épreuve
d'une séparation de corps prolongée pendant un certain Il en est
temps.
ainsi en Suède, en Norvège, en Danemark et en Autriche pour les sujets
israélites de l'Empire.
1. V. sur ce point et sur les nouvelles causes de divorce qui pourraient être in-
troduites dans la loi, Tissier, Rapport sur l'extension des causes du divorce dans
Bull, de la Soc. d'Et. législ., 1906, p. 118, 180, 289; Ambroise Colin, L'élargisse-
ment du divorce, Revue de Paris, Ier octobre 1906, On trouvera dans ce dernier'
article, p, 542, en note, une bibliographie du sujet,
DROIT, — Tome I. 14
LIVRE I. — TITRE I. — PREMIERE PARTIE
202
est, conséquent,
par éminemment pernicieuse pour les enfants, ainsi d'ail-
leurs que le serait le spectacle quotidien des misères d'un désuni
ménage
et cependant rivé à sa chaîne par l'intransigeante sévérité de la loi. Le di-
vorce vaut mieux dit-on : il liquide, une fois pour toutes, une situation in-
supportable, ouvre aux époux malheureux les perspectives d'autres unions
mieux assorties où ils pourront peut-être « reconstruire deux bons mé-
nages avec les débris d'un mauvais ».
Mais on peut.répondre que l'expérience démontre combien les parti-
sans du divorce s'exagèrent la valeur de ce remède. Il n'y a certaine-
ment pas plus de
répandu bonheur dans la Société française depuis que
le divorce y a été rétabli. Les époux, que tourmente une âme inquiète
et impatiente de toute contrainte, chercheront bien souvent en vain dans
une deuxième union la félicité qu'ils n'ont pu atteindre dans la première.
Et, d'un autre côté, on peut se demander si la perspective d'une dissolu-
tion possible du mariage, en cas de mésintelligence, n'est pas de nature
à en faire naître les occasions. Il n'y a guère d'unions sans nuages.
Nombre de ménages, au temps du mariage, indissoluble, surmontaient
des difficultés passagères et arrivaient à fournir une honorable carrière,
qui eussent sombré dans le divorce, s'il avait alors existé. Bien des dif-
férends conjugaux s'enveniment à l'heure actuelle qui se fussent assou-
pis sous
l'empire de l'ancienne loi.
Mais si, à notre avis, le mariage indissoluble est préférable, est-ce à
dire que l'on puisse, à l'heure actuelle, espérer remonter le courant et
concevoir sérieusement l'espérance d'un retour au régime de la loi de 1816?
Nous ne le croyons certainement pas.
Il ne faut pas oublier en effet qu'en cette matière, la loi ne saurait
heurter le sentiment public. Or le divorce est, depuis 1884, entré dans nos
moeurs. Si on critiquer peut le principe au point de vue des intérêts de la
collectivité, bien il faut
constater qu'il a servi de remède à nombre d'in-
fortunes individuelles dignes de sympathie et de pitié. Dans les classes
1. Cette observation qu'une réaction contre les facilités de la loi du divorce n'est
possible qu'à la suite d'un cataclysme politique, se trouve formulée en termes un
peu emphatiques, mais, en somme, avec beaucoup de justesse, dans le rapport de
Trinquelague sur la proposition de Bonald en 1816. « Quand une nation a vieilli
dans les vices d'une longue civilisation, il est difficile sans doute au législateur do
LITRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
504-
le de l'institution, en recher-
accompli, et d'accepter loyalement principe
de la rendre aussi utile et aussi digne que possible. Une
chant les moyens
donnera évidemment d'autorité à ceux qui s'efforceront
telle attitude plus
dans de la loi du divorce, une facilité et des abus
d'empêcher, l'application
à la moralité et, par là, à la cohésion
gravement dommageables publique
et à la vigueur de la Société Française.
— de divorce.
§ 1. Des causes
gués ont été commis par un époux, sous l'empire d'un céré-
dérangement
bral qui lui enlève le contrôle de ses actes (Req., 7 juin 1901, sol. impl.,
D. P. 1901. 1.397 ; S. 1902. 1.176).
Chacune des causes de divorce, admises par la loi, mérite un examen
lui rendre la vigueur et la pureté de ses premiers temps. Mais si une grande secousse
vient à l'ébranler, si une crise violente bouleverse ses rapports, détruit tous ses
appuis et la suspend sur le précipice, il est possible, alors, que ses ressorts affaiblis
se retrempent dans le malheur, et que le sentiment profond du danger lui fasse
retrouver sa première énergie et lui rende une existence nouvelle, »
DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS 205
pire du Code civil, il y avait deux textes distincts, l'un pour l'adultère de la
femme, l'autre pour celui du mari, parce qu'ils n'entraînaient pas la même
sanction au point de vue du divorce. L'article 229 avait déjà sa rédaction
actuelle. L'article 230, au contraire, visant l'adultère commis par le mari,
n'en faisait une cause de divorce que s'il était accompagné d'une circons-
tance aggravante, consistant dans ce fait que le mari avait « tenu sa concu-
bine au domicile conjugal ». C'était là, d'ailleurs, la tradition du Droit
romain et celle de l'ancien Droit, qui n'admettaient pas que la femme pût
porter devant les tribunaux une accusation d'adultère contre le mari, alors
que la réciproque était admise. Juvenal avait déjà protesté contre cette
conséquence. Ajoutez qu'il n'appartient pas à la femme, qui est une infé-
galité.
Inspirés du même esprit sont les articles 337 et 339 du Code pénal qui
punissent d'emprisonnement la femme coupable d'adultère, tandis que le
mari n'encourt de peine que s'il a entretenu sa concubine dans la maison
Excès, sévices,
injures graves. 17.966 32.801 23.423 3.524 3.985 4.156
de la femme. 2.612 9.758 5.218 245 443 414
Adultères _ 1.732 3.766 3.378 222 402 477
du mari
Condamnation à une peine af-
flictive et infamante ... 266 391 285 28 29 37
Conversion 809 777
LIVRE I, — TITRE I. — PREMIERE PARTIE
206
pas pour mission de dresser acte des faits qui intéressent les rapports
purement privés des particuliers.
Il reste à faire une dernière observation. On s'accorde, en général, à
admettre que l'adultère est une cause péremptoire, c'est-à-dire qu'une
fois la faute démontrée, le juge ne possède aucun pouvoir d'appréciation
et doit prononcer le divorce quand même il le trouverait inopportun. La
Cour de cassation a plusieurs fois statué en ce sens (V. en dernier lieu,
Req., 5 août 1901, D. P. 1901, 1.470 ; S. 1901, 1.400).
Et on aperçoit ainsi la portée de la réforme de l'article 230 effectuée en
1884. Lorsque les tribunaux considéraient l'adultère simple du mari comme
une injure grave, ils possédaient un pouvoir d'appréciation, car l'injure
grave n'est pas une cause péremptoire de divorce ou de ; ils
séparation
pouvaient, par exemple, se refuser à accueillir la demande de la femme
si la faute du mari n'avait pas entraîné de scandale public. Aujourd'hui,
ils n'auraient pas cette faculté.
On rencontre cependant des décisions rejetant des demandes en divorce
pour adultère démontré, lorsque l'époux demandeur est d'avoir
coupable
provoqué ou favorisé la faute de son conjoint. Par là, dit-on, il s'est rendu
indigne de la
protection de la loi (Paris, 18 juillet 1893, D. P. 1893. 2.471 ;
S. 1893. 2.26 7). Une pareille solution nous Du moment
parait critiquable.
que l'union conjugale est dissoluble, nous ne voyons pas quel avantage
social ou privé il y a à maintenir le mariage d'un mari et d'une femme vi-
vant dans les conditions indiquées l'arrêt L'adultère de la
par précité.
DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS 207
femme, même provoqué par le mari qui en tire peut être profit, nous
paraît donc devoir être une cause de divorce. Mais la femme serait en
droit d'invoquer l'attitude ignominieuse du mari comme une injure
grave qu'elle ferait valoir dans une demande reconventionnelle. Et, de
cette façon, le tribunal pourrait prononcer le divorce aux torts des deux
époux.
plus forte raison celles de simple police, ne sont pas une cause de divorce.
Le législateur l'a ainsi décidé parce que les actes punis de peines correc-
tionnelles, telles que l'amende ou
l'emprisonnement, ne sont pas tou-
peine.
3° La condamnation doit avoir été prononcée pendant le mariage, car
l'article 232 parle de la condamnation de l'un des époux. Il importe peu, en
revanche, que le crime ait été commis antérieurement. Si la condamna-
lion remontait à une époque précédant le mariage, elle ne serait donc plus,
à elle seule, une cause de divorce. Il en serait autrement cependant si
le coupable l'avait dissimulée à son conjoint, car cette dissimulation d'une
tare antérieure mariageau peut, d'après la Jurisprudence, comme cela sera
expliqué plus loin, être considérée comme une injure grave pour le con-
joint qui en a été la victime.
1872, D. P. 1873.2.129
; S. 1873.2.217 . Nous de plus
4 mai croyons qu'elles
ne doivent pas être isolées, mais renouvelées, car seulement dans ce cas
elles rendent la vie commune intolérable. Ce n'est d'ailleurs
pas probable-
ment sans intention que le législateur, les faits
pour désigner constituant
cette cause de divorce, a employé le pluriel et non le singulier (Toulouse,
10 février 1898, D. P. 1899.2.257) ;
2° Les magistrats, ayant à juger, en fait, si les excès ou sévices allégués
peuvent être considérés comme graves, possèdent en cette matière un pou-
voir d'appréciation souverain (Nombreux arrêts en ce sens, notamment
Req., 5 juillet 1909, D. P. 1909.1.496; S. 1909.1.576 24 janv.
; Civ., 1912,
D. P. 1912.1.171, 2e esp. ; S. 1912.1.319).
même, dont celui de la Seine, on admet que les avocats des parties re-
nonçant à tout débat, fassent rendre, sur simple production leurs de
époux un grief reconnu injustifié, constitue une injure grave que celui-ci
prouver par tous les moyens possibles. Elle résultera le plus souvent de
la reprise par les époux de la vie commune, au moins quand elle avait
été suspendue, sans que, d'ailleurs, les tribunaux soient astreints à atta-
cher cette conséquence à la cohabitation des époux, car ils ont, à cet
1912.1.16).
La réconciliation d'ailleurs
n'empêche
pas l'époux d'intenter une nou-
velle demande, s'il des faits
découvre qu'il ignorait quand il a pardonné. Il
peut alors se prévaloir des anciennes causes à l'appui de sa demande, si
les faits nouveaux sont, en eux-mêmes, insuffisants. Il en est de même
quand, après la réconciliation, le conjoint se rend coupable d'une nouvelle
faute (art. 244, 2e al). Suivant une formule employée par la Cour de cas-
sation, les faiLs nouvellement commis ou découverts « font revivre » les
faits anciens (Req., 8 mars 1904, D. P. 1904.1.475 ; S. 1904.1.240 ;
8 mars 1909, D. P. 1910.1.53; Civ., 3 janvier 1912, D. P. 1912.1.171,
1re esp. ; S. 1912.1.192).
,6° Enfin, l'article 295 contenait une fin de non recevoir aujourd'hui
abolie. Son alinéa 3 disposait en effet
lorsque deux
que, époux divor-
cés se seraient réunis, il ne serait plus reçu de leur part aucune nou-
velle demande de divorce. La loi du 5 avril 1919 a abrogé cette -
dispo
sition.
§ 2. — Procédure du divorce.
procès, représenté par un mandataire ad litem (art. 33, loi de 1838). Quand
il s'agit lui non de défendre, mais de demander, on pourrait être tenté
pour
de l'absence d'une disposition analogue à celle de l'article 307 du
d'arguer
Code civil relatif à, l'interdit, pour soutenir qu'il ne peut pas plus agir en
DROIT. — Tome I.
LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
218
paraître ou, par les parties, de se concilier, l'article 238, alinéa 6, semble
convier le président à un dernier effort pour amener l'abandon de la de-
vingt jours. En pratique, il est fait d'ailleurs assez rarement usage de cette
faculté.
quelquefois tous les enfants, quelquefois certains d'entre eux, ceux qui
sont en bas âge par exemple, des soins de la mère.
ont besoin Le président
poux demandeur. C'est ce qui résulte des termes de l'article 238, 2e al., qui,
visant l'ordonnance à rendre par le président, après l'échec de la tentative
de conciliation, dit « le juge
que statue à nouveau,
y a lieu, sur la rési- s'il
dence de l'époux demandeur, sur la garde provisoire des enfants, etc... ».
4° Le président a encore à prendre parfois des mesures provisoires con-
cernant la sauvegarde des intérêts pécuniaires et la conservation du patrimoine
des époux pendant l'instanee. Il le fera, si le besoin s'en fait sentir, dès sa
première ordonnance (art. 242,1er al.). Ces mesures sont de diverses sortes.
Par exemple, si les époux exercent un commerce en commun, il convient
de décider dans quelles conditions et par qui il sera continué.
Mais les mesures de ce genre les plus importantes sont celles qui ont
trait à la sauvegarde des intérêts pécuniaires de la femme pendant l'ins-
tance. En effet, un grand nombre d'époux sont mariés sous le régime de
la communauté, situation qui confère au mari les droits les
plus étendus
sur les biens communs. Même en ce qui concerne les biens demeurés propres
à la femme, sous le régime de la communauté et sous tous les autres (ré-
gime sans communauté, régime dotal), sauf celui de de
séparation biens,
le mari exerce les pouvoirs d'un administrateur. Il est à craindre qu'il
n'en abuse durant ces dernières semaines les revenus
pour dilapider
peut-être pour faire disparaître les biens communs ou même les propres
de la femme dont les conventions matrimoniales lui donnent l'adminis-
tration. La solution logique de la difficulté eût été d'enlever au mari
l'administration dès le moment de l'introduction de la demande en di-
vorce. C'est ce que proposait, du moins en partie, le Conseil d'Etat, lors
de la rédaction du Code civil. Mais cette idée fut écartée, par cette rai-
son que, pour l'admettre, il eût fallu avertir les tiers de la modification
apportée dans les pouvoirs du mari, à cet
et, effet, organiser la publi-
cité de la demande en divorce à l'instar de celle qui entoure une de-
DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS 221
mande en séparation de biens. Or, pour des raisons que l'on comprendra
sans peine, le législateur, toujours de bout
préoccupé ménager jusqu'au
les chances de réconciliation entre les ne voulait
époux, pas que la demande
en divorce fût portée à la connaissance du Le Code civil n'a
public. donc,
dans l'article 242, autorisé
que des mesures à certains
provisoires, égards
insuffisantes, auxquelles, il est vrai, la pratique a ajouté certains autres
procédés de sauvegarde plus ou moins efficaces selon les cas.
A. — La première mesure visée par l'article 242, 1er al. consiste dans
l'apposition des scellés que les époux peuvent demander. Le plus souvent,
la demande émane de la femme, puisque le mari conserve le maniement
de ses biens et des biens communs. L'article 242 prévoit donc que l'appo-
sition des scellés peut être requise non seulement sur les biens communs
(1er al.), mais sur les biens propres de la femme dont le mari a l'adminis-
tration, sous quelque régime que ce soit (2e al.).
Une fois les scellés apposés, ils sont levés à la de la la
requête partie
plus diligente ; les objets et valeurs sont inventoriés et prisés ; l'époux
qui est en possession, c'est-à-dire le mari, en est constitué judi-
gardien
ciaire (art. 242, 3e al.). devient donc responsable de la conservation de
Il
ces objets et doit, comme tout gardien judiciaire (art. 1962), les représen-
ter en nature. // est donc désormais privé du droit de les aliéner. Et c'est
là le grand avantage de la mise sous scellés.
B. — L'article 242 indiquant que le président prendre d'autres
peut
mesures conservatoires qu'il ne spécifie pas d'ailleurs (arg. des mots « no-
tamment » (1er al.) et « à moins n'en soit décidé autrement » (3e al.), la
qu'il
Jurisprudence permet au juge toutes mesures de sauvegarde autres que
celle qui consisterait à enlever au mari l'administration de la communauté
(Req., 26 mars 1889, D. P. 1889. 1.444 ; S. 1890. 1,253 ; et 28 juin 1899, D. P.
1899. 1.447 ; S. 1900. 1.37). Ainsi, il pourrait ordonner que les objets mo-
biliers et valeurs de la femme ou de la communauté fussent déposés dans
une banque ou entre les mains d'un tiers, et même que la femme pratiquât
des saisies-arrêts entre les mains des débiteurs de la communauté, pour
comprendre dans ce dépôt les capitaux ainsi recouvrés (Req., 14 mars 1855,
D. P. 1855. 1.235; S. 1856. 1.655).
C. — Ne pourrait-on pas enlever au mari l'administration pour la confier
à un tiers ? Pour les raisons indiquées plus haut, la Cour de cassation s'est
jusqu'à présent refusé à l'admettre (V. aussi Paris, 23 décembre 1921, Gaz.,
Pal., 1er février 1922). Mais certains arrêts de cours d'appel permettent au
président de prendre cette mesure en ce qui concerne, sinon les biens de
communauté, du moins les propres biens de la femme (Bordeaux, 11 janv.
1893, D. P. 1893.2 518; Montpellier, 31 janv. 1895, D. P. 1895.2.355 ; Paris,
27 nov. 1895, D. P. 1896.2.95). Ces solutions nous paraissent contraires
aux principes. Le seul procédé correct pour aboutir au même résultat est, à
notre avis, celui, par la pratique, qui consiste en ce que la
parfois employé
femme introduise, en même temps que son action en divorce, une instance
en séparation de biens. En effet, dans une instance de ce genre, l'article 869
du Code de procédure civile de prendre, dès le début
permet de la demande,
222 LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
le tribunal. — Nonobstant
Particularités de la procédure devant
1er la loi de 1886 a laissé subsister
le principe de l'article 239, alinéa,
du divorce certaines qui, d'ailleurs, se
dans la procédure particularités
en général, par de bonnes raisons.
justifient,
1° La des débats la voie de la presse est interdite,
reproduction par
d'une amende de 100 à 2.000 francs (art. 239, 5e al.). Mais il
sous peine
n'est pas interdit de
publier le jugement.
2° La des faits laquelle peut se faire par tous les
preuve allégués,
moyens possibles, comporte certaines règles spéciales.
A. — L'aveu du mode de démonstration qui, en général,
défendeur,
est admis et même considéré comme le plus probant de tous,
toujours
n'est en matière de divorce. Aucun texte ne formule cette
pas pertinent
solution l'on s'accorde à considérer comme certaine,
que cependant
découle de l'interdiction du divorce par consentement mutuel.
parce qu'elle
B. — En cas les et les domestiques sont admis
d'enquête, parents
comme témoins 245, 2e al.), alors que, de droit commun, ils de-
(art.
vraient être écartés ou seraient au moins reprochables (V. art. 268, G.
Cette aux principes de notre
procédure donnr
proc. civ.). dérogation
lieu à des situations ; mais elle était inévitable, car les faits al-
pénibles
en matière de divorce n'ont eu bien souvent d'autres témoins que
légués
les et les domestiques. Toutefois, le témoignage des enfants et
proches
descendants est écarté par une raison de décence qui saute au yeux. Et il
semble que la même prohibition doit s'étendre au témoignage des gendres
et des brus (Caen, 4 mai 1910, D. P. 1911.2.232; S. 1911.2.42).
C. — La de lettres missives, entre un et un
production échangées époux
tiers, est admise ; ce qui semble bien constituer une dérogation à la règle
essentielle du secret des lettres, laquelle s'oppose, en général, à ce qu'on
puisse user d'une lettre et, partant, la produire en justice sans le consen-
tement du destinataire. Ce sont des raisons de nécessité pratique qui ont
amené la Jurisprudence à cette dérogation. Cependant, le droit qu'ont les
N'y a-t-il pas lieu de signaler ici une certaine inégalité de situation entre
le mari et la femme, analogue à celle que nous avons relevée à propos du
constat d'adultère? On pourrait le penser, car la Cour de cassation s'est
souvent appuyée sur les droits
d'investigation qui appartiennent au mari
sur la correspondance de sa femme, comme conséquence de son autorité
maritale, pour décider que les tribunaux n'ont pas à examiner de quelle
manière il s'est procuré les lettres de sa femme produites par lui en justice,
sauf dans le cas où le procédé employé aurait un caractère délictueux (Civ.,
15 juillet 1885, D. P. 1886.1.145 : S. 86.1.101). Mais un arrêt plus récent.de
la Cour suprême semble marquer une réaction contre cette jurisprudence
et repousser, de la part du mari aussi bien que de celle de la femme, toute
production de correspondance qui serait jugée abusive par le tribunal, et
cela, quand bien même le procédé employé par le mari pour se procurer
les documents en question ne tomberait pas expressément sous le coup de
la loi pénale(Req., 5 février 1900, D. P. 1901.1.45; S. 1901.1.17, de note
M. Naquet. V., en ce sens, la note sous Civ., 15 juillet 1885, précité, dans
la Refonte du Sirey. — Cf. note de M. Labbé sous S. 77.2.161).
4° Une nouvelle particularité de la procédure de divorce a trait aux ins-
tances qui se poursuivent sur défaut du défendeur, et consiste dans des
précautions spéciales prescrites pour porter à la connaissance du défaillant
la procédure entamée contre lui. A. cet effet, le tribunal peut, avant de pro-
noncer le jugement sur le fond, ordonner l'insertion dans les journaux
d'un avis destiné à faire connaître à l'intéressé la demande dont il a été
l'objet (art. 247, 1er al.) Si le jugement n'est pas signifié à personne, le
président ordonne, sur
simple requête, la publication du jugement par
extrait dans les journaux qu'il désigne fart. 247, 3e al.).
5° Enfin, le souci qu'éprouve le législateur de ménager jusqu'au bout
toutes les chances possibles de réconciliation se traduit par une mesure
consistant en un atermoiement facultatif à l'issue du procès. En effet, lorsque
le tribunal estime que la demande est fondée, il peut cependant, à moins
que la demande n'ait pour cause la condamnation du conjoint à une peine
afflictive et infamante, ne pas prononcer immédiatement le divorce, mais
maintenir ou prescrire l'habitation séparée et les mesures provisoires pen-
dant un délai qui ne peut excéder six mois. Une fois le délai arrivé à expira-
Lion, si les époux ne se sont pas réconciliés, chacun d'eux peut faire citer
l'autre à comparaître devant le tribunal, dans le délai de la loi, pour en-
tendre prononcer le divorce (art. 246, 3° al.). Le prononcé du divorce sera
d'ailleurs alors en quelque sorte automatique : le tribunal ne pourrait plus
se refuser à l'ordonner (Req., 30 novembre 1908, D. P. 1911.1.409, note de
M. Boutaud; S. 1909.1.537, note de M. Tissier). De plus, on doit décider
que cette faculté de sursis n'est ouverte qu'aux juges du premier degré ; la
Cour d'appel ne
pourrait pas en user (Civ., 10 mai 1909, D. P. 1909.1.289,
note de M. Guénée n'est pas recevable contre
; S. 1909.1.537). Enfin, l'appel
le jugement de sursis, le tribunal restant saisi de l'affaire ; il ne pourra
le divorce 24 juil-
être formé que contre le jugement prononçant (Civ.,
let 1922, D. P. 1925.1.161, note de M, Guénée).
LIVRE I. — TITRE I, — PREMIERE PARTIE
,226
qui les ont justifiées ont reçu quelque modification. Les mesures prescrites
par le tribunal, comme naguère celles qu'avait pu ordonner le président,
ont toujours d'ailleurs un caractère provisoire et peuvent être modifiées si
situation le commande.
Dans la procédure de droit commun, les questions les plus urgentes
sont déférées à une juridiction spéciale, celle du président du tribunal,
statuant en référé (art. 806 proc. etciv.). suiv.,
L'avantage C. de cette
voie judiciaire, qui est très souvent utilisée par la pratique, c'est qu'elle
est tout à fait rapide et permet d'obtenir, en quelques heures, la déci-
sion dont on a besoin. Fonctionne-t-elle en matière de divorce et le pré-
sident retrouve-t-il ainsi, au moins dans les cas d'urgence, la compé-
tence qu'il possédait pour les mesures provisoires et conservatoires pen-
dant la première phase de la procédure?
A cette question répond, en un membre de phrase malheureusement
obscur, l'article 238, 5e alinéa, aux termes duquel, même àpartir du mo-
ment où le tribunal est saisi et devient seul compétent pour les mesures
provisoires, « le juge (lisez : le président) a toujours le droit de statuer
en tout état de cause en référé sur la résidence de la femme ».
Mais ce texte entend-il restreindre la compétence du des référés
juge
à la question de résidence et laisser toutes les autres mesures à l'appré-
ciation exclusive du tribunal ? Il est, croyons-nous, raisonnable et
plus
plus pratique de décider qu'il n'a pas une portée restrictive, laisse
qu'il
subsister la compétence de droit commun du juge des référés toute
pour
question requérant une solution urgente. C'est en ce sens que se prononce
la Cour de cassation, au moins lorsqu'il s'agit de solliciter une modifica-
tion à des mesures provisoires antérieures, et que cette modification pré-
sente un caractère d'urgence exceptionnelle 27 octobre D. P.
(Req., 1903,
1903.1.574; S. 1904.1,337, note de M. Tissier).
terdit (art. 249). Le motif de cette règle, c'est que l'acquiescement permet-
trait de soupçonner, entre les plaideurs, une entente destinée à masquer,
sous les apparences d'une instance judiciaire, un divorce par consente-
ment mutuel.
La prohibition de l'acquiescement engendre plusieurs conséquences.
A. — Les époux, avant d'exécuter le jugement de divorce, sont obligés
d'attendre que les délais, impartis aux plaideurs pour exercer les diverses
voies de recours dont une décision de justice est susceptible, se trouvent
expirés (art. 252, 1er al.). En effet, un devancement de ces délais ne peut se
comprendre que dans les procès où la partie perdante possède la faculté
dé renoncer à son recours.
B. — Lorsque la partie perdante a formé appel et manque de comparaître
devant la cour, les juges d'appel régulièrement saisis ont le droit (et le
devoir, croyons-nous) d'examiner néanmoins l'affaire au fond et de se de-
mander si le divorce a été à bon droit prononcé par les premiers juges.
En d'autres termes, il n'y a pas lieu d'appliquer ici l'article 434 du Code de
procédure civile, 1er alinéa, aux termes duquel, en cas de défaut de l'appe-
lant, la cour doit simplement prononcer le défaut et renvoyer le défendeur
de la demande (Req., 23 octobre 1889, D. P. 1890.1.397 ; S. 1890,1.61).
Toutefois, la loi ne consacre point toutes les conséquences de la prohibi-
tion de l'acquiescement auxquelles on pourrait songer. Ainsi, elle n'interdit
pas à la partie perdante de renoncer à exercer les voies de recours qui lui
sont ouvertes. La loi, en effet, ne peut pas imposer aux parties d'assumer
les frais d'un nouveau procès. De même, une fois la voie de recours enta-
mée, on s'est demandé si le plaideur,
qui s'y est engagé, aurait le droit de
se désister. Car on peut soutenir que se désister de son appel ou de son
d'appel, dans un délai fixé par la loi (art. 443 ets.,C. pr. civ.), de réformer
le jugement rendu par le tribunal, et l'opposition, par laquelle la partie qui
a fait défaut devant le tribunal ou la cour demande à cette juridiction de
revenir sur la décision qu'elle a rendue (art. 149 et s., C. pr. civ.
Les voies de recours dites extraordinaires ouvertes contre les décisions en
dernier ressort, c'est-à-dire qui ne sont plus susceptibles d'appel ou d'oppo-
sont le pourvoi en cassation et la requête civile (art. 480 et s., C. pr.
sition,
celle-ci n'étant d'ailleurs que pour des causes très rares,
civ.), permise
en cas de découverte d'un dol ou d'une fraude commise
par exemple,
— TITRE I. — PREMIERE PARTIE
228 LIVRE I.
le mot définitif peut être pris ici dans son sens vulgaire, c'est-à-dire comme
synonyme d'inattaquable.
Toutefois, ce que nous venons de dire du pourvoi à former contre la dé-
cision qui prononce le divorce, ne s'appliquerait pas au
pourvoi dirigé
contre les jugements ou arrêts avant dire droit (par exemple, un jugement
ordonnant l'enquête) rendus au cours de l'instance. Ici, en effet, aucun in-
convénient ne peut résulter de
l'application de la règle commune en ma-
tière de voies de recours, à savoir que l'effet suspensif, lorsqu'il se produit,
n'est jamais attaché
délai, au mais seulement à l'acte par lequel le recours
est formé ; c'est donc cette règle qu'il conviendra d'appliquer (Giv., 25 juil-
let 1893, D. P. 1893.1.545 ; S. 1894.1.89).
La loi ne s'est pas préoccupée de la requête civile. En conséquence, cette
voie de recours extraordinaire reste soumise au droit commun. Or, non
seulement elle ne produit pas d'effet suspensif, mais encore elle est presque
indéfiniment recevable, car le délai imparti par la loi pour l'exercer n'a
parfois pas de point de départ fixe ; par exemple, en cas de dol, il ne com-
mence à courir que du jour où le dol est découvert. Les dangers auxquels
on a voulu parer par les dispositions des articles 252, 1er alinéa, et 248,
6e alinéa, pourront donc se produire. Une fois le jugement de divorce ren-
du, la transcription opérée, les anciens époux tel fait peut se
remariés,
produire qui rende admissible la voie de la requête civile, et la requête
civile peut aboutir à l'annulation du jugement de divorce ! Fort heureuse-
ment, les cas de requête civile sont infiniment rares et les tribunaux sont,
en fait, très parcimonieux dans l'admission de ce recours. La lacune de la
loi n'en est pas moins fâcheuse et il eût mieux valu admettre en 1886, comme
le projet le demandait avec raison, que la voie de la requête civile lût inter-
dite contre les décisions d'où résulte le divorce.
3° Précautions spéciales en matières d'opposition. — L'opposition, nous
l'avons vu, est la voie de recours ouverte contre les jugements rendus par
défaut. Il peut'y avoir
faute défaut
de comparaître, quand le défendeur ne
constitue pas même avoué, ou défaut faute de conclure, s'il constitue un
avoué, mais ne fait pas déposer par celui-ci de conclusions.
De droit commun, l'opposition est recevable jusqu'à l'exécution du juge-
ment, quand il y a eu défaut faute de comparaître ; ou pendant les huit
s'inspire d'un souci dont nous avons déjà rencontré la manifestation, celui
d'éviter qu'un plaideur défaillant ne se trouve jugé définitivement, sans
s'en être rendu compte.
C'est pourquoi l'article 247 in fine, sans distinguer entre les deux défauts,
fait varier la durée du délai d'opposition suivant que la signification du
le premier
Dans cas, le délai de l'opposition est de un mois, à compter
mains.
de la signification du jugement ; dans le second cas, il est beaucoup plus long,
de huit à compter du dernier acte de
car il n'est pas moindre mois, publicité.
cultés nouvelles. D'une part, cette loi améliore les règles relatives à la ma-
— Tome 16
DROIT, I.
LIVRE I. — TITRE. I. — PREMIÈRE PARTIE
234
de la loi. La règle que le divorce non transcrit est inopposable aux tiers se
trouve exprimée dans un alinéa de l'article 252 (nouveau) qui vise exclusi-
vement les biens. De plus, nous répétons que le texte d'où il résulte que,
quant aux personnes, le divorce, transcrit ou non, résulte de la décision
définitive est, non l'article 252, mais l'article 244 (nouveau). Or cet article
ne fait aucune distinction entre les rapports des entre eux et les
époux
rapports des époux avec les tiers. L'inopposabililé aux tiers du divorce
non transcrit est donc une pure mesure de protection d'intérêts pécuniaires
édictée dans l'intérêt des tiers qui traiteraient avec les ci-devant époux,
DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS 235
—
§ 3. Conséquences du divorce.
I. — du divorce à la des
Conséquences quant personne époux
divorcés. — Le divorce met fin aux le
rapports juridiques que mariage
avait créés entre les époux. Bien entendu, il ne les efface pas dans le passé.
En cela il diffère de l'annulation du mariage. Mais, dans l'avenir, aucun
rapport de droit ne subsiste plus entre les anciens époux. Voici les di-
verses applications de cette règle générale :
1° Chacun des époux reprend l'usage de son nom (art. 299, 2e al.)
Donc la femme divorcée (différente en cela de la veuve) ne peut plus
le nom de son mari. La règle est absolue : elle s'applique même
porter
au cas où la femme exercerait une profession dans laquelle elle serait
connue sous le nom de son mari. C'est parce que ce point soulevait des
4° Les époux divorcés sont déliés, l'un envers l'autre, de toute obligation
de fidélité, secours, assistance. Cependant l'article 301 une déroga-
apporte
tion à cette règle, en permettant au tribunal le divorce d'al-
qui prononce
louer à l'époux qui l'a obtenu, une pension les biens de
alimentaire, sur
l'autre, pension dont le caractère sera ultérieurement indiqué.
5° Le divorce met-il fin à l'alliance le avait créée entre
que mariage
chacun des époux et les parents de l'autre? Cette un
question présente
double intérêt :
A. — Au de vue de la
point survivance ou de l'extinction de l'obligation
alimentaire que la loi établit entre et et
beau-père belle-mère, gendre
belle-fille.
—
Conséquences relatives aux intérêts — Elles
II. pécuniaires.
sont au nombre de trois : 1° Extinction du droit de succession la loi
que
accorde au survivant sur les biens du prédécédé ; 2° Dissolution du ré-
gime matrimonial ; 3° Perte par l'époux contre lequel le divorce est pro-
noncé des avantages pécuniaires que l'autre lui avait faits.
DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS 237
1° Les époux divorcés perdent l'un et l'autre les droits que la loi ac-
corde au survivant dans la succession du prédécédé (art. 767, 1er et 2e al.).
1. Il est vrai que par jour de la demande, il faut entendre non celui de la cita-
tion en conciliation, mais celui de l'assignation devant le tribunal (Civ. 27 mai 1921,
B. P. 1923.1.65, S. 1922.1.60). L'inconvénient de cette solution est que la succession
échue à un époux dans l'intervalle entre ces deux actes tombera la commu-
dans
nauté.
LIVRE I. — TITRE — PREMIÈRE PARTIE
238 I.
époux.
— de la de corps.
§ 1. Causes séparation
« Dans le cas où il y a lieu à divorce, nous dit l'article 306, il sera libre
—
§ 2. Procédure de la séparation de corps.
paration de corps.
4° Les délais d'appel et d'opposition ne pas sont
suspensifs.
En revanche, l'article 248, alinéa 6, porte que le pourvoi est suspensif en
matière de séparation de corps comme en matière de divorce.
5° Enfin, le jugement prononçant la séparation de corps n'est pas, comme
le jugement de divorce, assujetti à la transcription sur les registres de l'état
civil. Il produit donc ses effets dès qu'il est devenu définitif.
— de la de
§ 3. Conséquences séparation corps.
— — La de corps ne dissout
I. Idées générales. séparation pas le ma-
riage, mais elle en relâche sensiblement les liens. Elle supprime le devoir
de cohabitation. Elle rend à la femme le plein exercice de sa capacité civile.
Mais elle laisse subsister entre les époux le devoir de fidélité et le devoir de
secours réciproque.
II. — La de naturellement la de
séparation corps emporte séparation
biens entre les époux, et, par conséquent, la restitution par le mari des biens
de la femme et la liquidation de la communauté, s'il en existait une entre
eux.
III. — est frappé des mêmes déchéances qu'après le
L'époux coupable
divorce. Il perd, en outre, tout droit à la succession de son conjoint.
IV. — la séparation de les mêmes effets que le di-
Enfin, corps produit
vorce sur l'exercice de la puissance paternelle.
lorsqu'il n'y a plus vie commune. Cependant, avant 1893, la femme séparée
était astreinte encore à solliciter l'autorisation de son mari chaque fois
qu'elle avait un acte important à signer. Cette obligation donnait lieu par-
fois à des incidents pénibles, à des frais inutiles et frustratoires. La loi de
1893 a bien fait d'en dispenser les femmes séparées de corps d'avec leur
mari, même lorsqu'elles l'ont été par leur faute. L'indépendance juridique
entière qui leur est attribuée récompense n'est
; c'est le corollaire
pas une
de l'indépendance corporelle qu'elles ont recouvrée.
3° Nom de la femme de corps. — Les restant la
séparée époux mariés,
femme doit, en principe, continuer à porter le nom de son mari. Pourtant,
cette règle peut avoir parfois des inconvénients. La femme a intérêt à ne
plus porter le nom d'un homme indigne ; le mari, de son côté, avec
peut,
raison, souhaiter qu'il soit interdit à sa femme de déshonorer son si
nom,
elle se conduit mal. C'est pour ces motifs la loi du 6 février 1893 a,
que
dans l'alinéa 1 de l'article 311 donné aux tribunaux un
(nouveau), pouvoir
d'appréciation. « Le jugement la de corps ou un
qui prononce séparation
jugement postérieur peut interdire à la femme de porter le nom de son
mari, ou l'autoriser à ne le porter.
pas Dans le cas où le mari aurait joint
à son nom le nom de sa femme, celle-ci demander
pourra également qu'il
soit interdit au mari de le porter. »
4° Maintien du devoir de fidélité et du devoir de — Ce sont les
secours.
seuls effets du mariage qui subsistent au point de vue des rapports person-
nels des époux. Le devoir de secours — ce constitue no-
qui une différence
table avec les effets du divorce — est et peut
réciproque être invoqué même
par l'époux
coupable qui se trouverait dans le besoin.
Quant au devoir de fidélité, bien aussi en principe,
que réciproque il faut
remarquer qu'il n'a plus, du moins pour le mari, de sanction En
pénale.
la circonstance essentielle de l'entretien d'une le
ffe, concubine dans
domicile conjugal devient impossible. La seule sanction de l'adultère com-
mis par le mari séparé serait de fournir à la un grief
femme lui permet-
DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS 247
tant, en tant que fait nouveau, d'introduire une demande en divorce avant
l'expiration du délai de trois ans de la conversion.
— de biens. — « La de corps
II. Séparation séparation emporte tou-
jours la séparation de biens », dit l'article 311, alinéa 2. Le jugement n'a
donc pas besoin de la prononcer.
Le mari doit restituer à la femme les biens lui appartenant dont il avait
l'administration et la jouissance. En outre, si les époux étaient mariés
sous le régime de communauté, il faut procéder à la liquidation et au par-
tage de la masse commune. Cette
liquidation se en matière fera, comme de
divorce, en se plaçant au jour de l'introduction de la demande. Mais la
rétroactivité n'a trait qu'aux rapports des époux. A l'égard des tiers, le
mari conserve ses pouvoirs jusqu'au jour où le jugement de séparation de
corps est devenu définitif.
remarquer que celui-ci pourra l'en priver en disposant de tous ses biens
au profit d'autres personnes par donation ou par testament, car le conjoint
survivant n'est pas un héritier réservataire.
On se souvient qu'en cas de divorce, les deux époux, l'époux innocent
248 LIVRE I. — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
IV. — de la —
Conséquences séparation relatives aux enfants. Le
Code était resté muet quant aux effets la séparation de
produits par corps
relativement aux rapports des parents avec les enfants issus du mariage.
Aussi, dès avant 1884, la Jurisprudence avait-elle dû .
emprunter, pour les
transposer dans la matière de la séparation, les textes relatifs au divorce
(Req., 24 juillet 1878, D. P. 1878.1.471, S. 1879.1.424).
Ce système est encore suivi La loi du 6 avril
aujourd'hui. 1910 sur l'ad-
ministration légale, en dans un cas
prononçant, particulier (V. art. 389
nouveau, al.3), l'assimilation entre les de corps
époux séparés et les époux
divorcés, démontre combien il est conforme à l'esprit de
général notre Droit e
que la séparation de corps produise des effets à ceux du divorce
identiques
quant à l'exercice de la puissance
paternelle et, plus généralement, quant à
la situation des enfants.
Une différence peut cependant être relevée. L'article 386 ne prive de l'usu-
fruit des biens de ses enfants mineurs que l'époux contre lequel le divorce
a été prononcé et non celui aux torts duquel a été prononcée la séparation
de corps.
—
§ 4. Cessation de la séparation de corps.
La séparation de
corps fin :
peut prendre
Par la mort de l'un des époux ;
divorce prononcé à raison de faits ;
Par le nouveaux
Par la réconciliation ;
DIVORCE ET SÉPARATION DE CORPS 249
que, si elle contracte avec un tiers sans y avoir été autorisée, la nullité
de son 'engagement ne peut pas être demandée
II. — de la de en divorce. —
Conversion séparation corps Lorsque
la séparation de corps a duré trois ans, le Code, dans l'article 310, per-
DROIT. — Tome 1. 17
I — TITRE I. — PREMIÈRE PARTIE
250 LIVRE
la séparation avait soulevé un incident sur lequel il eût été débouté, les
rais de cet incident devraient évidemment être mis à sa charge. Le troi-
sième alinéa de l'article 310 ajoute d'autre part que les dispositions du
icle 310 nouveau. Les règles établies par la loi de 1908 doivent-elles s'ap-
pliquer aux: demandes en conversion consécutives à des séparations de
GÉNÉRALITÉS
parenté en ligne collatérale, celle des personnes qui descendent d'un auteur
commun.
La ligne directe est, elle même, ascendante ou descendante suivant que,
par rapport à une personne déterminée, on envisage le lien qui l'unit à
ceux dont elle descend, ou celui qui l'unit à ceux qui descendent d'elle
lignes ; ainsi les frères et soeurs issus des mêmes père et mère, qu'on appelle
frères et soeurs germains. Au contraire, les frères et soeurs par le père seu-
lement, qu'on appelle consanguins, les frères et soeurs de mère, qu'on ap-
pelle utérins, ne sont
parents que dans une seule ligne. /""
C'est le nombre
par de degrés que s'établit la proximité de
la parenté.
On entend par degrés le nombre de générations qui séparent les per-
sonnes (V. art. 735). En ligne directe, il y a un degré par génération. Ainsi,
le père est, avec son fils, au premier ; le grand-père avec son
degré petit-
fils au deuxième degré (art. 737).
En
ligne collatérale, il y a eu, suivant les législations, des modes diffé-
rents de computation des Notre Code
degrés. (art. 738) a adopté le mode
de computation suivi par les Romains. Il consiste à remonter de l'un des
parents jusqu'à l'auteur commun et à redescendre ensuite de cet auteur à
l'autre en autant de
parent, comptant degrés qu'il y a de générations, ou
d'échelons, le long de chaque côté de cette échelle double.
Ainsi, pour notre Droit civil, deux frères sont au deuxième degré, un
1. Ch. Lefebvre. La famille en France dans le Droit et dans les moeurs. 1920
FILIATION, PARENTÉ; ALLIANCE 255
contraire, et, d'une façon générale, les droits résultant du lien familial ne
soient établis qu'en conformité de la volonté des parents ; 4° que les effets
des liens de famille soient plus ou moins étendus suivant le plus ou moins
d'intensité de ce
vouloir, suivant aussi le
plus ou moins d'extension du
Ainsi, d'une part, la preuve de leur filiation devra être facilitée aux en-
fants sans distinction. Les parents naturels ne devront avoir, autant que
possible, aucun moyen direct ou indirect de se soustraire à leur devoir d'ali-
ments et d'éducation. Mais inversement, nous admettrons volontiers que les
enfants naturels aient des droits successoraux moins étendus que les enfants
légiti mes,
parce que le mariage seul consacre, dans toute sa plénitude, étant
donné qu'il émane non seulement de la volonté des époux, mais, virtuelle-
ment au moins, de celle de leurs parents, l'admission future des enfants à
naître dans la famille. Même, il nous paraîtrait logique que les enfants natu-
rels, qui ont fait l'objet d'une reconnaissance volontaire, obtinssent des droits
successoraux plus étendus que ceux des enfants dont la filiation résulte
d'une reconnaissance forcée ; à ces derniers il suffirait, pensons nous, d'as-
surer des aliments et l'éducation, sans les considérer comme faisant partie
de la famille de leurs auteurs.
Nous allons voir dans quelle mesure la loi se ou
française rapproche
s'éloigne des principes qui viennent d'être indiqués.
CHAPITRE PREMIER
FILIATION LÉGITIME
preuve directe est à peu près impossible à administrer. Gomme le disait, non
sans exagération, le tribun Lahory au Corps législatif : « La nature, sur ce
n'a fait souvent même à la femme de demi-confidences. » Et en
point, que
effet, pour établir la de tel ou de tel individu, il ne suffit pas de
paternité
démontrer a eu des relations sexuelles avec la mère de l'enfant à l'é-
qu'il
de la ; il faut encore qu'il ait été le seul à avoir
poque probable conception
eu ces relations. La démonstration de la paternité ne pourra donc résulter
date, en lieu il est né. La loi admet donc d'autres preuves encore :
quel
la possession d'état; ensuite, la preuve testimoniale (entraînant la
d'abord,
de faire valoir les simples présomptions, art. 1353). Mais cette
possibilité
dernière n'est admise que lorsqu'il existe certains adminicules
preuve
indiqués par l'article 323, à savoir un commencement de preuve
préalables,
écrit ou des indices graves résultant de faits constants. En somme,le
par
régime probatoire que nous rencontrons ici est celui de la preuve pré-
constituée, mais extrêmement tempéré.
L'identité de la personne, dont l'état est en jeu, avec l'enfant issu
qu'il y ait besoin d'un commencement de preuve par écrit. Car, dit-on,
c'est un principe fondamental que les faits matériels qui, par eux-mêmes,
ne produisent ni droits, ni obligations, se prouvent par tous les moyens
possibles.
Il y aurait cependant des doutes très sérieux à élever contre cette solution
prend aussi bien l'élément de l'identité que celui de la naissance. Et, en fait,
le système suivi aujourd'hui peut donner lieu à de graves abus. Le fait
qu'une personne mariée est accouchée d'un enfant pourra autoriser le pre-
mier venu à démontrer, à l'aide de témoins plus ou moins suspects, qu'il est
l'enfant issu de cet accouchement, et cela peut-être à une date très éloignée,
voire même
à quelques générations de distance, car en matière de récla-
mation d'état, il n'y a pas de prescription. On dit suffirait, faire
qu'il pour
échouer cette manoeuvre, de produire la personne du véritable enfant ou
son acte de décès. Mais cet enfant peut avoir disparu sans laisser de traces;
son acte de décès peut être contesté. Or c'est dans des cas de
précisément
ce genre, romanesques mais non inconcevables, la se posera
que question
plus souvent et que des aventuriers mettront à profit les facilités de la
le
De fameux procès (affaire eu affaire Naun-
loi. Tichborne, Angleterre,
FILIATION LÉG1TIME 289
qu'il a été reconnu constamment pour tel dans la société, qu'il a été recon-
nu pour tel la famille ». Une formule résume ces divers élé-
par abrégée
ments: fama. Le juge souverainement si ces
nomen, tractatus, appréciera
éléments sont réunis et s'ils sont constants, car l'article 320 exige une pos-
session d'état constante c'est-à-dire continue (et non pas sens que avérée,
nous trouverons sous l'article 323). Pour que la possession d'état soit pro-
bante et puisse suppléer à l'absence de titre, il ne faut pas que les faits qui
la constituent soient intermittents ; en effet, ils perdraient alors toute
ils se retourneraient même contre la prétention de l'inté-
signification,
ressé, car il y aurait quelque chose de suspect dans la conduite de gens
mariés exemple, ne traiteraient un enfant comme le leur qu'un
qui, par
certain sa naissance, et qui cesseraient ensuite de s'occuper
temps après
de lui. C'est l'article 321 exige que l'enfant ait toujours porté le
pourquoi
nom du 12 juin 1914, sous Req., 1915, D. P. 1916.1.237).
père. (Paris, 9 juin
Ce second mode de preuve de la filiation légitime donne lieu à diverses
questions :
1° Sur quoi repose la force
probante attachée à la possession d'état? En
définitive, sur l'aveu des époux de qui l'enfant se prétend issu. En l'éle-
vant (tractalus), en lui donnant leur nom (nomen), ils ont proclamé sa filia-
tion ; à leur égard, la possession d'état continue, constante est, comme on
l'a dit, « le cri même de la nature ». Cet aveu des parents est d'ailleurs
corroboré par le témoignage concordant de la famille et de la société (fama).
S'il en est ainsi, la possession d'état ne doit pas pouvoir être invoquée,
lorsque l'aveu qu'elle implique porte sur une filiation dont la loi ne permet
la fausseté
et que corrobore aucun acte conforme
trer ne de naissance
4° S'il y a à la fois un acte de naissance et une possession d'état déter-
minée se rapportant à l'individu, mais sans conformité entre les indications
de l'une et de l'autre.
En un mot, l'individu, qui. réclame un état sera admis à recourir à la
d'enquête, pour suppléer à l'absence ou à la discordance
procédure des
deux autres modes de preuve préférables, ou pour combattre l'un ou
existant isolément. Mais, comme la preuve
l'autre testimoniale est vue
par la Ioi avec peu de faveur à cause de la subornation
possible des té-
moins, comme, d'autre part, de telles hypothèses se présentent bien rare-
ment, l'article 323 son admissibilité certaines conditions
met à préalables.
Il exige, ou bien qu'il y ait déjà un commencement de preuve écrit
par en
faveur filiation alléguée, ou bien qu'on des présomp-
de la puisse invoquer
tions ou indices résultant de faits dès lors constants assez
jugés graves par
le juge. En un mot, l'emploi de la preuve testimoniale ne fait ici que com-
pléter d'autres éléments de conviction rendent vraisemblable
qui, déjà, le
fait dont il s'agit de faire la démonstration.
possession de telle médaille caractéristique qui était attachée à son cou, les
visites faites par la prétendue mère ou par ses proches aux parents nour-
riciers, les envois d'argent. La loi ne saurait énumérer ces indices. Mais
elle exige deux conditions :
A. — Il faut qu'il soient assez graves pour déterminer l'admission de la
preuve testimoniale. A cet égard, l'appréciation des juges du fond sera cer-
tainement souveraine, car il s'agit ici d'une pure question de fait (Civ.,
22 octobre 1902, D. P. 1902.1.539, S.1902.1.485).
B. — Il faut que les indices en question résultent de faits dès lors cons-
tants, c'est-à-dire avérés, notoires. Le mot constant est donc pris ici en un
sens différent de celui du mot constamment employé dans l'article 321. Ce
que la loi exige, pour que les faits relevés à titre d'indices aient la vertu de
rendre l'enquête admissible, c'est qu'il n'y ait pas besoin d'une première
enquête pour établir leur existence. Autrement, en effet, tout le danger
de la subornation de témoins reparaîtrait. Toutefois, les présomptions ou
indices peuvent découler des déclarations ou aveux des parties en justice,
et en conséquence le tribunal peut ordonner leur comparution personnelle
(Req., 19 octobre 1925, D. H. 1925, p. 573).
— de la
§ 1. Conditions d'application règle « Pater is est ».
Pour que l'enfant soit réputé avoir pour père le mari de sa mère, il faut,
nous dit l'article 312, qu'il ait été conçu pendant le mariage. Mais comment
sait-on s'il en est ainsi ?
relatives à la date de la — La
Présomptions conception. question
de la date de la conception ne donne évidemment lieu à difficulté que
pour les enfants venus au monde au début du mariage (car ils pourraient
avoir été conçus avant le mariage), ou après la dissolution du mariage (car
ils pourraient avoir été après. La loi, au lieu de faire de celte date
conçus
de la conception, peut être douteuse, une question de médecine,
lorsqu'elle
DROIT. — Tome I. 18
266 LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
présumées de 180 jours ; les plus longues de 300 jours (le Code allemand
porte cette durée à 302 jours, art. 1592). Toute naissance d'enfant, surve-
nue plus de 180 jours après le commencement du mariage et pas plus de
300 après sa dissolution, est donc réputée le résultat d'une cohabitation lé-
règle de l'article 312 au moyen d'une action judiciaire, soumise à des règles
sévères et rigoureuses, qui porte le nom de désaveu de paternité. Les
cas où le désaveu de paternité est possible sont, chez nous, strictement
limités par notre loi, différente en cela de Codes plus récents, comme le
Code civil allemand (art, 1591, 1er al.) et le Code civil suisse (art. 254),
lesquels disent simplement que le mari pourra repousser la paternité, en
démontrant qu'il est impossible qu'il soit le père de l'enfant mis au monde
par sa femme.
règle de l'article 312. Mais au contraire, s'il a été déclaré sous le nom
de l'absent, il doit être, jusqu'à nouvel ordre, réputé enfant légitime de
celui-ci (Civ., 15 décembre 1863, D. P. 64.1.153, S. 64.1.27). Car, disait-on,
provision est due au titre. Et il en est ainsi surtout lorsqu'au titre se joint
la possession d'état (art. 322). Un tel système nous inadmisssible. semble
La maxime que Provision est due au titre n'est pas applicable dans notre
cas. L'enfant, en réalité, n'a pas de litre de filiation paternelle. C'est seule-
ment en ce qui concerne la filiation maternelle que l'acte de naissance fait
qu' elle mettrait au monde une fois mariée. La loi, en somme, a admis ici,
par exception, la possibilité d'une reconnaissance tacite et cette reconnais-
sance, étant accompagnée du mariage des parents, produit, conformément
aux principes de cette matière, la légitimation (V. art. 331).
Bien des arguments militent en faveur de cette explication. Nous verrons
d'abord que l'article 314, en permettant au mari de désavouer l'enfant né
dans les conditions susvisées, exige que le mari n'ait pas eu connaissance
de la grossesse de la mère en l'épousant. La rubrique de notre chapitre est
légitimés , c'est-à-dire ceux qui ont été conçus pendant le mariage, et ceux
qui sont simplement nés dans le mariage. Si l'on distingue ces derniers
des précédents, c'est qu'ils ne sont pas légitimes, mais légitimés. La Cour
de cassation s'est prononcée en ce sens (Civ., 28 juin 1869. D. P. 69.1.335,
S. 69.1.446).
Il y a deux intérêts pratiques à la question :
1° Si on admettait que l'enfant né moins dejours 180
après la conclusion
du mariage est un enfant légitime, peu importerait dans quelles conditions
il aurait été conçu. Qu'on suppose que l'un de ses auteurs, son père par
exemple, fût, au moment de cette conception, déjà engagé dans les liens
d'un précédent mariage, l'enfant n'en serait pas moins réputé légitime, du
moment aurait eu cette heureuse fortune que son père ait pu se trou-
qu'il
ver des liens de sa première union à temps pour pouvoir épouser
dégagé
la mère avant sa naissance. Au contraire, dans le système adopté par
LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
270
D'après le Code civil allemand (art. 1600), lequel s'est approprié la solu-
tion de l'ancien Landrecht prussien, il y a lieu ici à application d'une sous-
présomption. Si l'enfant est né moins de 270 jours après la dissolution du
premier mariage, il est attribué au premier mari. Il est attribué au second
s'il est
né plus de 270 jours après la cessation du premier mariage.
Une telle solution est, en soi, assez rationnelle. Mais, notre Code ne la
consacrant pas nous devons décider que, étant donné le conflit de deux at-
272 LIVRE 1. — TITRE l. — DEUXIEME PARTIE
mariage, cet enfant a été reconnu par un individu autre que le mari. Cette
reconnaissance est parfaitement licite et ne tombe nullement sous le coup
de la prohibition des reconnaissances adultérines,
puisque, certainement,
l'enfant a été conçu d'une fille non mariée. Cependant, d'un autre côté, en
vertu de l'article 314, cet enfant doit être attribué au mari de sa mère, tant
— à la
§ 2. Exceptions règle « Pater is est ». Théorie du Désaveu.
Nous avons vu
que la loi française permet au mari, dans certaines hy-
pothèses limitativement déterminées, d'écarter la paternité des enfants de
sa femme, au moyen d'une action en désaveu.
Etymologiquement, le désaveu est la rétractation d'un aveu antérieur.
L'expression employée par la loi corroborerait donc l'explication de la règle
Pater is est, que nous avons présentée comme étant la plus rationnelle.
L'époux, en se mariant, a d'avance avoué, c'est-à-dire admis comme étant
ses enfants ceux que sa femme mettrait au monde des conditions
(dans
normales). La loi lui permet de rétracter cette admission lorsqu'il peut
prouver que la conception de l'enfant a eu lieu dans des conditions incon-
ciliables avec l'idée d'une filiation légitime.
Il y a deux sortes de désaveux: le désaveu de
parpreuve non-paternité,
dans les cas où la loi ne permet au mari de désavouer démontrant
qu'en
certains faits qui rendent impossible toute de cohabitation
supposition
FILIATION LÉGITIME 273
1. Les instances en désaveu de paternité sont fort rares. Voici des chiffres em-
pruntés à une période de vingt-cinq années.
Instances
1881 68
1888 121
1900 51
1905 ,..,....-,.....,.,,. 161
LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
274
peuvent donner aux juges la certitude morale que l'enfant n'est de lui.
pas
Cette cause de désaveu a été introduite par divers arrêts des XVIIe et
XVIIIe siècles, car le Droit ancien n'admettait
français plus pas de désaveu,
en dehors d'une impossibilité matérielle démontrée le mari. Même la
par
preuve de l'adultère de la femme, commis à une coïncidant avec celle
époque
de la conception, ne pouvait être d'aucun effet, car l'adultère n'empêche paa
toujours le partage et, comme le disait Beaumanoir, en parlant des enfants
de la femme infidèle: qu'ils sont du mari ne
« Peut-estre et peut-estre qu'ils
sont» (V. Merlin, Répertoire, Ve Légitimité, sect. II, § 2, n° V). Cependant,
il est clair qu'on peut concevoir telle ou telle circonstance qui, jointe à la
preuve de l'adultère, rendra certaine l'illégitimité de la Les
conception.
jurisconsultes romains en avaient déjà une très à
signalé significative,
savoir les précautions prises par l'épouse pour dissimuler la et la
grossesse
naissance, la mise au monde de l'enfant en cachette, vicinis non scientibus
(V. Ulpien, 6, D., de his qui sui vel alieni, I, 6). C'est à cette circonstance
du recel de la naissance que s'est attaché le Code civil. Encore ne suffira-
t-elle pas, jointe à celle de l'adultère, pour faire admettre le désaveu; il
faudra qu'à ce faisceau de présomptions s'ajoutent encore d'autres circons-
tances de nature à la confirmer et que la loi laisse dans le vague, en don-
nant mission
au juge de les déterminer et de les apprécier souverainement.
De là la formule employée par l'article 313. Le mari ne pourra désavouer
l'enfant même pour cause d'adultère, à moins que la naissance ne lui ait été
cachée ; « auquel cas il sera admis à proposer tous les faits propres à justi-
fier qu'il n'en est pas le père. » Ce texte appelle trois observations :
a) Quoique la loi parle du recel de
la naissance, la Jurisprudence incline
à ne pas prendre ce mot à la lettre. Ainsi, les précautions prises par la mère
pour cacher sa grossesse au mari pourraient suffire à fonder un désaveu,
quand bien:même le mari ne rapporterait pas la preuve que la naissance
même lui a été dissimulée (Req., 7 janvier 1850, D. P. 50.1.5, S. 50.1.113.
— V. 5 février 1902, D. P. 1902.2.72).
cependant, Dijon,
b) La loi, avons-nous dit, laisse au juge l'appréciation des circons-
tances qui, le double fait de l'adultère et du recel étant démontrés, peuvent
être considérées comme prouvant la non-paternité du mari. On peut en
donner des exemples. Ce sera l'impuissance naturelle du mari, son état
valétudinaire, la couleur de la peau de l'enfant, ou encore la mésintelligence
avérée et la séparation de fait des époux au moment de la conception (Req.,
29 juin 1892, D. P. 1892.1.477). On trouve même telle décision admettant
le mari à alléguer, sauf à l'établir par voie d'enquête, la ressemblance de
l'enfant avec l'amant de sa femme ! (Trib. Brest, 5 mars 1913, Gaz. Pal.,
12 avril 1913).
c) L'article 313 fait résulter le désaveu pour impossibilité morale de
cohabitation d'un faisceau de trois présomptions concordantes : l'adultère,
le recel de la naissance, les faits spéciaux allégués par le mari. On a par-
fois prétendu que chacun de ces éléments de conviction devait faire l'objet
d'une démonstration propre et distincte et même qu'il y aurait un ordre
empêcheraient le mari d'user du délai très court (deux mois) que la loi, on
le verra, lui accorde pour former l'action en désaveu. La Jurisprudence a
donc repoussé avec raison le système de l'adminicule préalable. Elle décide
même que l'adultère de la femme n'a pas besoin d'être directement établi.
Si les autres éléments de conviction, à savoir le recel de la naissance et les
faits démonstratifs de la non paternité, ont été, par ailleurs, établis, l'adul-
tère sera considéré comme prouvé du même coup; l'action en désaveu sera
mois et qui lui fait croire qu'il l'a rendue mère La femme accouche quatre
ou cinq mois après mariage. le Le désaveu de l'enfant est impossible !
28 décembre 1869, D. P. 70.1.145, S. 70.1.253). Cette solution n'est
(Req.,
pas seulement inique : elle nous paraît mal fondée en droit. On a vu que,
paternelle, car les faits dont résulte la possession d'état doivent être rele-
vés à l'égard du mari comme à l'égard de la mère (art. 321). Mais, même
dans le cas où l'enfant, à défaut de possession d'état, a dû recourir à la
preuve testimoniale pour établir sa filiation, en conformité de l'article 323,
on ne voit pas pourquoi le mode de preuve, sur lequel repose son état, de-
vrait modifier sa situation légale au regard du mari de sa mère. Si l'en-
quête ordonnée sur sa demande a établi qu'il est l'enfant de la femme ma-
riée dont il se prétend issu, il doit avoir pour père le mari de cette femme.
Et ce mari ne doit pouvoir rejeter la paternité qu'au moyen d'un désaveu.
Malheureusement, l'article 325 emploie ici des expressions équivoques.
Dans la partie de ce texte qui vise la situation du mari à l'ins-
par rapport
tance en réclamation d'état, nous lisons en effet que « la preuve contraire
se faire tous les moyens à établir
peut par propres que le réclamant... même
la maternité prouvée, n'est pas l'enfant du mari de la mère. » On a induit de
cette phrase qu'ici il y a dérogation aux principes ordinaires en matière
de filiation paternelle légitime. La présomption de du mari aurait
paternité
un degré de force moindre, en ce sens être
qu'elle pourrait combattue,
non un désaveu, mais
repoussée, par par une simple contestation de légiti-
mité, comportant l'emploi de tous les modes depreuves sous-
possibles,
traite à toute la réglementation étroite concerne l'action en désaveu.
qui
Il nous semble que cette de l'article 325 être
analyse peut écartée et qu'il
est possible de ramener la contestation le mari à la récla-
opposée par
mation d'état dans le cadre du désaveu. Les motifs qui ont inspiré, dans le
cas réglé par l'article 325, la liberté de contre-démonstration accordée,
pour sa part, au mari à rencontre du c'est la singularité de la
réclamant,
situation, les conditions suspectes dans le réclamant
lesquelles est né et a
vécu. « L'enfant, disait n'a ni
Bigot-Préameneu, possession constante, ni
FILIATION LÉGITIME 279
titre... il a été inscrit so sous de faux noms, soit comme né de père et mère
inconnus, etc..
(Locré, » t. VI, p. 202 et s.). Ces faits laissent présumer
que l'enfant, quoique né peut-être de la femme mariée n'est
qu'il attaque,
cependant pas issu du mariage. Les diverses circonstances qui produisent
cette présomption peuvent se résumer d'un mot : c'est le recel de la nais-
sance, ou, tout au moins, cela y ressemble beaucoup. Et quand ces circons-
tances se
produisent, qu'en résulte-t-il au regard du mari ? C'est qu'il
pourra, nous dit l'article 325, alléguer contre la réclamation de l'enfant
tous les moyens propres à établir que ce réclamant n'est pas son à
enfant,
lui mari. Rapprochons cette disposition de celle de l'article 313 visant le
désaveu pour impossibilité morale de cohabitation. Nous y avons lu que le
mari pourra, lorsque la naissance lui aura été
cachée, être admis à proposer
tous les faits
propres à justifier n'est pas le père. C'est la même idée
qu'il
qui est exprimée ; ce sont les mêmes expressions. La seule différence que
nous apercevons, entre les deux hypothèses, c'est que, si l'enfant a été dé-
claré régulièrement et normalement dans son acte de naissance, le mari,
pour le désavouer, doit prouver à la fois et le recel de la naissance et les
faits propres à établir sanon-paternité. Au contraire, lorsque l'enfant a été
déclaré faussement, frauduleusement, ainsi qu'il le prétend lui-même, le
mari n'a pas besoin de prouver le recel de la naissance, le recel résulte de
plano des circonstances ; le mari n'a donc plus à établir que les faits démons-
tratifs de sa non-paternité.
On doit donc conclure que la contestation opposée à l'enfant par le mari,
dans l'hypothèse de 325, est
l'articlebien un désaveu, mais un désaveu
qui peut être opposé sous forme d'exception, à supposer que le mari ait
été mis en cause en même temps que sa femme dans le procès intenté
par le réclamant, ou sous forme d'intervention incidente, s'il n'a pas été
mis en cause.
Enfin, bien que l'article 325
paraisse viser uniquement le cas où l'en-
fant intente une action en recherche de la maternité, il convient de l'appli-
quer également et d'admettre les mêmes modes de preuve dans l'hypo-
thèse où le mari, informé de la naissance de l'enfant inscrit sans l'indica-
tion des noms de ses et mère, croit devoir, sans attendre le moment
père
incertain et peut-être éloigné d'une action en réclamation d'état, et afin
d'éviter le dépérissement des preuves, prendra l'initiative d'une action en
désaveu (V. CLV. 20 juillet 1921, D. P. 1921.1.233, note de M. Savatier).
CHAPITRE II
1. Baret, Histoire et critique des règles sur la preuve de la filiation des en-
fants naturels ; Ambroise Colin, De la protection de la descendance illégitime au
point de vue de la preuve de la filiation, Rev, trim. de droit civil. 1902 ; L. Cré-
mieu, Des preuves de la filiation naturelle non reconnue, thèse Paris, 1907; Ila-
lewyck La recherche de la paternité et la condition des enfants naturels en Alle-
magne, Bruxelles, 1906 ; Galopin, La filiation illégitime et la vraisemblance de
la paternité naturelle (Liège, — Cf. les études de MM. Laurent-Bailly et
1909).
Champcommunal, dans le Bulletin de la Société de législation comparée 1910 p. 79
et 1911, p. 207.
FILIATION NATURELLE 281
DROIT. — Tome I. 19
I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
282 LIVRE
des familles, la crainte des scandales qui ont, pendant longtemps, inspiré
au les obstacles mis à la recherche de la paternité naturelle.
législateur
Une autre remarque générale doit être faite ici. C'est une loi historique
les facilités accordées à la preuve de la filiation naturelle sont tou-
que
en raison inverse des avantages sociaux attribués aux enfants illégi-
jours
times. C'est ce qui explique que l'ancien Droit français se soit montré
libéral que le nôtre en cette matière. L'enfant naturel, dé-
beaucoup plus
dans l'ancienne France par le terme outrageant de bâtard, ne jouis-
signé
sait, sauf il était issu de famille princière, que de droits extrême-
quand
ment restreints; mais la loi n'apportait aucune entrave à la démonstration
de sa filiation. La Révolution vint améliorer subitement sa situation so-
ciale ; elle à très peu près à celle des enfants légitimes. C'est de ce
l'égala
moment que datent les entraves mises à la démonstration de la filiation
aux chantages. Le Code civil, ayant conservé aux enfants illégitimes une
situation juridique, sinon égale à celle que leur conférait le Droit révolu-
cet aveu, étant forcément individuel, alors que, cependant, il porte sur un
fait accompli à deux, n'apparaît pas, rationnellement, comme aboutissant
à une certitude bien complète. Nous avons déjà dit que l'homme ne peut
être certain que d'une chose, du fait de la cohabitation. La femme elle-
même peut avoir intérêt à faire une fausse déclaration de maternité. La
qui résulte de son aveu, exprimé sous forme de reconnaissance,
preuve,
apparaît en soi comme moins décisive que celles dont ressort la filiation
légitime.
Aussi, le rôle de la reconnaissance est-il, dans certaines
législations, dif-
férent de ce qu'il est chez nous. D'après le Code civil allemand (art. 1718),
elle ne peut émaner que du père prétendu. De sa part, elle ne constitue pas
à proprement parler une preuve de la filiation ; mais elle implique renoncia-
tion à la faculté d'opposer à une action en recherche de la paternité l'excep-
tionplurium constupratorum, c'est-à-dire la fin de non-recevoir résultant
de ce fait qu'un autre que lui a cohabité avec la mère pendant la période de
la conception. D'après le Code civil suisse (art. 302 et s.), la reconnaissance
ne peut émaner que du père, non de la mère.
Les caractères de la reconnaissance sont chez nous tout autres. Ils
concerne, de la filiation de l'enfant. C'est cette idée que l'on voulut exprimer
dans l'article 336 actuel ainsi conçu : « La reconnaissance du père, sans l'in-
dication et l'aveu de la mère, n'a d'effet du père. » Les derniers
qu'à l'égard
mots de ce texte qui, au premier abord, paraît offrir tous les caractères
n'y a aucun doute dès lors sur son individualité. Et c'est le cas d'énoncer le
« Infans conceptus pro nato habetur quoties de commodo ejus agitur. »
principe
Mais la reconnaissance anticipée de la part du père, bien qu'admise chez
nous par une jurisprudence constante (V. not., Req., 2 janvier 1895, D. P.
95.1.367, S. 96.1.115), semble faire échec à l'idée que cet acte doit se
qu'un préjugé très fort s'élève contre la validité des reconnaissances pos-
thumes. Elles sont souvent inspirées par la cupidité de parents qui, ayant
négligé de reconnaître l'enfant pendant sa vie, s'empressent de le faire
après sa mort, lorsqu'il laisse une succession à recueillir. Un grand nombre
de systèmes ont été proposés. L'un des plus plausibles consisterait à trans-
poser en cette matière, où la loi reste muette, la distinction établie par l'ar-
ticle 332 pour la légitimation. Ce texte décide que la légitimation peut avoir
lieu en faveur des enfants décédés qui ont laissé des descendants, auquel
cas elle profite à ces derniers ; d'où il résulte, a contrario, que la légitima-
tion posthume ne peut avoir lieu à l'égard d'enfants qui sont décédés sans
laisser eux-mêmes de postérité, sans doute, il est vrai, parce qu'elle ne peut,
alors, présenter aucun intérêt.
Mais l'opinion la plus raisonnable, celle vers
laquelle d'ailleurs semble bien incliner la Jurisprudence, ne fait aucune
distinction et admet toujours la validité de la reconnaissance posthume
avec les effets normaux qui doivent en résulter, aussi bien au profit des
(24 janvier 1902, Gaz. Trib., 7 mai 1902). C'est que « le droit des parents
s'attache à la filiation, au lien de parenté, et non à la reconnaissance qui
n'en est que la constatation ».
non, pourra aussi faire une reconnaissance valable, pourvu que ce soit dans
un intervalle lucide. Cette est consacrée, en ce qui concerne les femmes
règle
337 dans l'intérêt de l'autre l'ef-
mariées, par l'article qui, limitant, époux,
fet d'une reconnaissance effectuée au cours du mariage, décide implicite-
ment que chacun des époux peut accomplir cet acte, selon les seules sug-
gestions de sa conscience, et sans que l'autre conjoint puisse y mettre obs-
tacle. Mais il faut en dire autant des autres incapables et notamment des mi-
D. P. 84.1.486 26 avril S. 87.2.125).
neurs (Rennes, 8 mars 1882, ; Caen, 1887,
286 LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
Les arrêts justifient d'ailleurs trop souvent cette solution par de mauvais
faisant par exemple intervenir ici l'idée d'une obligation natu-
arguments,
relle, ou celle de la réparation d'un délit, dont l'incapable serait responsable
aux termes du droit commun. Envers qui donc le mineur qui a engendré
un enfant naturel aurait-il commis un délit? Envers la mère (ou le père)?
Mais ce n'est
pas celui-ci qui est reconnu. Envers l'enfant ? Ce serait là une
probante.
On remarquera que certaines législations établissent un âge fixe, à partir
duquel, seulement, une reconnaissance d'enfant naturel est considérée
comme probante. Cet âge, d'après l'article 337 du Code civil hollandais, est
de dix-neuf ans, au moins pour les hommes. Notre loi ne contient rien de
pareil. Une reconnaissance émanant d'un adolescent même plus jeune
pourrait être pleinement efficace.
qui n'est pas le sien. On comprendrait difficilement qu'il vînt dire : cet
enfant est bien le mien, mais comme je ne l'ai reconnu que sous l'empire
de la contrainte, je prétends faire annuler ma reconnaissance et recouvrer
le droit de le traiter en étranger. Le plaideur qui, dans ses conclusions,
prendrait cette attitude, nous semblerait, d'ailleurs, par là même, recon-
naître son enfant, pour peu que son adversaire se fît donner acte de ces
conclusions par le tribunal ; et, en effet, la reconnaissance, comme nous
allons le voir, peut résulter de toute déclaration en forme authentique
Donc, la prétendue action en nullité, fondée sur le dol ou la violence
soi-disant commis à l'encontre de l'auteur de la reconnaissance, nous pa-
raît être une action en contestation d'état. Elle pourra donc être exercée
par tout intéressé et non pas seulement par la victime du dol ou de la vio-
lence. Et nous croyons qu'elle ne pourra se couvrir ni par la renonciation
ni par la prescription.
tique lorsqu'elle ne l'aura pas été dans l'acte de naissance ». Cette dispo-
sition a pour but tout à la fois d'assurer la sincérité et, par la véra-
là,
cité de l'acte, en empêchant
qu'il ne soit surpris par des manoeuvres
dolo-
sives, d'en assurer également la conservation et l'authenticité, enfin de lui
conférer une date certaine, ce qui est souvent nécessaire (art. 331, 337).
Ainsi, la reconnaissance de la filiation faite dans un écrit sous seing privé
ne serait pas efficace. Nous verrons bientôt cependant qu'elle ne serait pas
dépourvue de tout effet juridique. Sans valoir comme elle
reconnaissance,
d'une part, servir de base à une de nourrir et élever
pourrait, obligation
l'enfant, et, d'autre part, il résulte de l'article 340 nouveau et de l'article 341
qu'elle pourrait servir de fondement à une action en recherche de la ma-
ternité ou de la paternité naturelle.
Pratiquement, la majeure partie des reconnaissances a lieu par une
déclaration reçue par un officier de l'état civil, soit dans l'acte de naissance
même de l'enfant, soit dans un acte propre et distinct, soit dans l'acte de
mariage des parents.
Mais la loi a employé expressions des générales. Elle se contente d'exiger
que la reconnaissance soit faite dans un acte authentique. La reconnaissance
pourra donc être reçue par un notaire. En donnant aux parties cette fa-
culté, la loi a voulu ménager aux père et mère naturels le moyen de remplir
leur devoir, sans révéler au public une filiation qu'ils voudraient tenir se-
crète. L'acte de reconnaissance dressé par un notaire doit l'être dans le
formes ordinaires des actes notariés (L. du 25 ventôse an XI et du 21 juin
1843), et, par conséquent, en minute. Mais il faut bien que dire le caractère
occulte de celte variété de reconnaissance (la loi n'exige pas même la trans-
cription sur les registres de l'état civil !) peut donner lieu à bien des incon-
vénients.
Lenotaire n'est pas le seul officier public qui puisse recevoir une recon-
naissance d'enfant naturel. On devrait voir un acte de ce genre, dans la
déclaration relative à sa paternité ou à sa maternité faite par une partie
répondant à un interrogatoire sur faits et articles, du moment que cette
déclaration aurait été consignée par le juge sur le procès-verbal. Même
solution pour la déclaration
reçue par un juge de paix siégeant au bureau
de conciliation ; il a en effet, en ce cas, qualité pour recevoir et authentiquer
toute déclaration des plaideurs. (Cf. Aix, 28 fév. 1915, Gaz Trib., 31 juil. 1919).
Peut-on faire une reconnaissance d'enfant naturel par un testament ? La
réponse à cette question résulte des termes mêmes de l'article 334. Elle est
affirmative pour le testament notarié, qui est un acte authentique, négative
pour le testament qui est un acte sous seing privé. Il y a doute
olographe,
pour le testament sorte d'acte participant à la fois du caractère
mystique,
des actes sous rédaction de la et du
seing privé par la disposition même,
caractère des actes authentiques par la l'enveloppe
suscriptionqui de
d'un notaire. S'il n'y avait à se préoccuper que de la conservation de
émane
au testament notarié.
l'acte, il faudrait assimiler le testament mystique
334 se justifie encore
Sais nous avons vu que la forme requise par l'article
par la nécessité d'assurer la liberté du déclarant. Dès lors, la reconnaissance,
290 LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
usurpé
S'il y a doute sur l'identité, la preuve pourra se faire par tous les moyens
possibles, et, croyons-nous, sans qu'il y ait besoin, pour autoriser l'emploi
des témoins et des présomptions, d'un commencement de preuve par écrit.
Et il en sera ainsi même s'il s'agit d'identifier tel individu déterminé avec
un enfant reconnu par son père, et si l'on se trouve dans un des cas où la
recherche de
paternité est interdite. La règle de l'article 340 n'a en effet
ici rien à voir. Pour qu'il y eût recherche de la paternité, il faudrait qu'il
n'y eût pas de reconnaissance. Or, nous supposons précisément qu'il y a
eu une reconnaissance ; il faut seulement savoir à qui elle a trait.
Nous admettrons la même solution, la même liberté de preuve, y a s'il
contestation et procès relativement à l'identité du père, auteur de la recon-
naissance. Cependant, la Jurisprudence paraitparfois méconnaître cette
solution (V. en dernier lieu, Paris, il juillet 1868. S. 70.2.86).
2° A l'égard de qui la reconnaissance fait-elle preuve ? — Il n'y a pas de
doute lorsqu'il s'agit de reconnaissance volontaire. L'effet est
probatoire
absolu ; il se produit erga omnes ; c'est la règle pour tous les modes de
démonstration non judiciaires, comme le titre et la d'état en
possession
matière de filiation légitime.
Supposons que la reconnaissance se trouve résulter d'un acte de l'état
civil incorrect ou incomplet, auquel fait défaut, la
par exemple, signature
de l'officier de l'état civil. Les parties intéressées font rectifier cet acte en
conséquence. Nous verrons que les jugements en rectification des actes
de l'état civil n'ont, en
principe, comme tous les effet
jugements, qu'un
relatif (art. 100). Cependant, il a été décidé que, notre la
dans hypothèse,
reconnaissance ressortant de ce jugement de rectification aura un effet
absolu, qui ne se restreindra point, par conséquent, aux parties engagées
dans l'instance (Paris, 10 février 1898, D. P. 1900.2.57).
FILIATION NATURELLE 291
en vue de la légitimation.
— — elle
§ 1. Filiation maternelle. Comment peut être établie.
ne la.filiation tout
cette indication, si elle prouve pas
l'acte de naissance,
ses éléments, à savoir le fait de
au moins établir un de
entière, suffit pour
cette ne
Reste seulement à établir l'identité ; mais preuve
l'accouchement.
un commence-
aux termes de l'article 341, que moyennant
peut se faire,
S. 4889.2.201, note de
écrit 16 février 1889,
ment de preuve par (Paris,
D. P. 1902.1.539 ; Poitiers, 31 décembre
M. Lacointa ; Civ , 22 octobre 1902,
1913, D. P. 1914.2.45).
la différence distingue cette solution de celle qui consisterait
Dès lors, qui
filiation est la suivante: si l'on admet-
à voir dans le titre la de la
preuve
n'aurait rien à prouver de
l'effet du titre, l'enfant
tait probatoire
l'enfant l'acte de naissance
au cas où son identité avec désigné par
plus
elle était contestée, il pourrait faire preuve
ne serait contestée; et si
pas d'a-
tous les possibles. Au contraire,
de cette identité de plano par moyens
titre ou non, doit
la Jurisprudence, la preuve de l'identité, qu'il y ait
près
et toujours elle est subordonnée à l'adminicule
toujours être administrée,
du commencement de preuve par écrit.
exclut entièrement
En somme, on ne peut pas dire que la Jurisprudence
des enfants naturels par l'acte de nais-
la preuve de la filiation maternelle
de cet acte des effets et
sance. Elle attache aux indications fragmentaires
incomplets 1.
2 — Filiation de
§ paternelle l'enfant naturel.
La recherche de la paternité 1.
DROIT — Tome I. 20
LIVRE 1. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
298
Un cri général, disent les rédacteurs du Code, s'était élevé dans l'ancien Droit contre
la recherche de la paternité. » Or, on ne trouve nulle trace de ces protestations ni
chez Fournel, ni chez les autres écrivains du XVIIIe siècle Giraud
(Cons. op cit
Revue critique de et de Jurispr, 1884, p, 600 à 603 ; Ponzol,
législ. op, cit.)
FILIATION NATURELLE 299
sagé comme constitutif d'un délit civil (art. 1382) et, par conséquent, gé-
nérateur d'une obligation de réparer le préjudice injustement causé. Etant
donné que les dommages-intérêts alloués à la mère peuvent être, en ce cas
établis sous la forme d'une pension correspondant aux frais d'éducation et
de nourriture de l'enfant naturel, la Jurisprudence aboutissait, on le voit,
à un résultat sensiblement analogue à celui qu'eût produit une législation
autorisant une recherche de la paternité naturelle bornée, dans ses effets,
à l'obligation alimentaire. Toutefois, entre les deux systèmes, on peut re-
lever les différences suivantes :
A. — La jurisprudence accordait à l'enfant un droit aux aliments, en
se fondant sur l'idée d'un dommage subi par sa mère ; il en résulte qu'elle
ne pouvait arriver à ce résultat, si la procréation de l'enfant s'était pro-
duite dans des conditions telles qu'il n'y eût pas de délit à la du
charge
père, par exemple, si la fille-mère était son séducteur,
plus âgée que
d'une condition et d'une intelligence telles n'eût de la
qu'il pu y avoir,
part de ce dernier, abus d'influence ou séduction dolosive. Dans un sys-
tème Législatif admettant la recherche directe, au l'enfant sera
contraire,
soutenu et alimenté par son père, bien même celui-ci n'aurait rien
quand
FILIATION NATURELLE 301
juges sont souverains appréciateurs (comme ils l'étaient déjà, sous l'empire
de l'ancien article 340, en cas de recherche fondée sur l'enlèvement), du
point de savoir si l'enfant a apporté des preuves suffisantes de sa prétendue
filiation. (Trib. civ. Seine, 6 février 1918, Gaz. Trib., 13 décembre 1918).
Dès à quoi
lors, sert-il d'avoir indiqué les deux fins de non-recevoir ci-
Généralités. — La un bienfait
Historique. légitimation peut être définie
de la loi en vertu duquel sont considérés comme issus du mariage de leurs
père et mère les enfants nés de leur concubinage antérieur au mariage. On
a dit avec raison, que, de tous les moyens qui peuvent être employés pour
relever la condition des enfants nés hors mariage, la légitimation est le
meilleur. C'est, en effet, le plus efficace, puisqu'il assimile complètement les
enfants qui en sont l'objet à des enfants issus d'un mariage régulier. C'est
aussi le plus bienfaisant, puisque la perspective des avantages accordés
à leur enfant est de nature à pousser les parents à réparer leur faute
en régularisant leur situation. Le législateur, doit donc favoriser autant
que possible la légitimation.
Telle qu'elle fonctionne dans Droit notre
civil, c'est-à-dire comme une
suite du mariage des anciens concubins, la légitimation nous vient du Droit
canonique. Il y avait bien, en effet, une légitimation dans le Droit romain
impérial, mais elle offrait un caractère tout différent. Elle était dominée
par des considérations politiques. le plus
C'était souvent une légitimation
unilatérale qui pouvait résulter d'un rescrit du prince ou de l'oblation
à là curie de l'enfant naturel. Dans le dernier état du Droit romain, on
voit apparaître la légitimation par le mariage subséquent des parents,
comme une conséquence de idée cette que le repentir
chrétienne efface
la faute ; mais le bienfait n'en est accordé qu'aux enfants issus du conçu-
binat (5, 6, 10, 11 Code, de natur. liberis, V. 27 ; Nov. 89, ch. 9). Il faut
arriver au XIIe siècle pour rencontrer la légitimation par mariage subsé-
adultérins, dans la célèbre Décrétale du Pape Alexandre III : Tanta vis est
matrimonii ut qui antea sunt geniti, post contractum matrimonium legitimi
habeantur (cap. VI, ext. qui filii sint legit.).
Notre ancienne Jurisprudence au Droit canon la légitimation
emprunta
par mariage tout en laissant subsister la légitimation romaine
subséquent,
par rescrit. Celle-ci résultait de lettres patentes du roi, et il faut recon-
naître que, tout en ne d'ailleurs que des effets restreints, elle
produisant
offrait une utilité manifeste, le cas où le mariage était devenu im-
pour
possible entre les
parents, par suite mère.
de la mort Mais
de la à côté
de ces libérales, la Jurisprudence, depuis le XVIIe siècle, avait
dispositions
admis des restrictions tenant au souci d'éviter les mésalliances. En effet,
elle refusait aux contractés in extremis la vertu de légitimer les
mariages
enfants (Pothier, Du contrat de mariage, n° 8 410 et s.).
Lors de la rédaction du Code civil, la légitimation par rescrit disparut
enfants adultérins.
1. Une loi de guerre humaine et équitable, en date du 7 avril 1917, a créé provisoire-
ment un mode spécial de légitimation par décision de justice au profit des enfants na-
turels nés d'un père mobilisé et décédé depuis le 4 août 191 4 des suites de blessures
reçues ou de maladies contractées ou aggravées pendant son séjour sous les drapeaux
sans avoir pu contracter avec la mère de l'enfant un mariage décidé entre eux. L'ar-
ticle 1er de cette loi dispose que l'enfant pourra être declaré legitime par le tribunal
civil du lieu d'ouverture de la succession, à la condition qu'il résulte de la correspon-
dance ou de tout autre document certain une évidente volonté de se marier et de lé-
gitimer l'enfant commune aux deux parents. Cette condition n'est même pas néces-
saire, si tous les parents du défunt qui doivent être mis en cause par la demande, à
savoir, ses parents en ligne directe, et, à leur défaut ses frère? et soeurs, ou neveux
et nièces représentant les frères et soeurs prédécédés. adhèrent à la demande de légi-
timation. Le demandeur devra prouver : 1e que l'enfant a été l'objet d'une reconnais-
sance volontaire ou forcée de la mère ; 2° que ses deux auteurs réunissaient, au
jour du décès du père, les conditions de capacité requises pour pouvoir contracter
mariage.
Toute demande de légitimation judiciaire ainsi prévue devra être formée au plus
tard dans le délai de deux ans après les décrets qui, lors de la cessation des hosti-
lités, marqueront la reprise des délais de prescription et autres suspendus pendant
la guerre.
Le jugement prouvant la légitimation devra être transcrit dans son dispositif sur
les registres de l'état-civil du lieu de naissance de l'enfant, avec mention en marge
de l'acte de naissance. Il conférera à l'enfant tous les droits d'un enfant légitime avec
effet rétroactif à la veille du décès du père et, s'il y a lieu, de la mère, mais ne sera
opposable aux tiers qu'à dater de la transcription.
L'article 2 de la même loi vise une autre hypothèse de légitimation. Il décide, en
effet, que, si un mobilisé a fait les démarches nécessaires en vue de faire procéder
à son mariage par procuration, conformément aux lois du 4 avril et du 15 août 1915
et si le mariage a été célébré postérieurement à son décès (resté inconnu des inté-
ressés) ce mariage bien qu'évidemment nul, produit néanmoins tous ses effets « au
point de vue de la légitimation des enfants et des droits du conjoint conformément
aux dispositions des articles 201 et 202 du Code civil. « Hardie et curieuse extension
de la théorie du mariage putatif, »
LÉGITIMATION 307
la mère adultère à
car la du texte, qui autorisait légitimer,|
sible, partie de
sou ne faisait pas
l'enfant désavoué eu épousant complice, distinc-
été lui-même marié ou non. Ainsi,
suivant ce complice avait
tion, que
favorablement que adultère
l'adultère double était traité plus l' unila-
téral ?
donc une nouvelle réforme.
L'article 331, mal corrigé en 1907, appelait
Premier cas. — Enfants issus d'une mère adultère, lorsqu'ils ont été
désavoués par le mari ou ses héritiers (art. 331, 1°).
Si l'enfant n'a pas été désavoué, il reste légalement l'enfant du mari de
sa mère et, par conséquent, il ne peut pas être légitimé par le mariage
subséquent de celle-ci avec son complice.
Reconnaissance post — de —
nuptias. Jugement légitimation.
Pour ces raisons, la loi du 30 décembre 1915 concernant la légitimation de
certains enfants adultérins, a permis de légitimer l'enfant a été
lorsqu'il
reconnu par ses père et mère ou par l'un d'eux au mariage.
postérieurement
Mais, dans ce cas, la légitimation exige une condition de Il en
plus. faut,
conséquence, distinguer désormais deux hypothèses.
A. — Les père et mère ont-ils reconnu leur enfant avant leur mariage
où au moment de la célébration, la légitimation résulte de droit du
plein
fait seul du mariage. La solution de l'ancien article 331 subsiste en cette
hypothèse, sauf une légère modification. ce que, Elle
si la re- consiste en
connaissance a lieu au moment même
de la célébration, la loi prescrit à
l'officier de l'état civil de constater la reconnaissance et la légitimation dans
des actes séparés; excellente mesure destinée à empêcher que l'acte de
mariage des parents, dont la production pourra plus tard être nécessaire
pour l'enfant, ne révèle par son contexte l'irrégularité initiale de la filiation.
B. — L'enfant n'a-t-il été reconnu par les père et mère ou par l'un d'eux
que postérieurement à leur mariage, cette reconnaissance entraînera légi-
timation ; mais pour un jugement,
il faudra
cela lequel devra constater que
l'enfant, depuis le mariage des parents, a joui de la possession d'état d'en-
fant commun aux deux époux. Cette condition donne pleine satisfaction aux
craintes qui avaient préoccupé les rédacteurs du Code Civil. Le jugement
la légitimation sera rendu en audience publique, mais l'enquête
permettant
et le débat l'auront précédé auront lieu en Chambre du Conseil. Le
qui
le du jugement) doit être transcrit sur le
jugement (ou plutôt dispositif
registre de l'état civil.
nuptias.
de l'enfant adultérin avant le mariage ne peut être
La reconnaissance
émane de celui de ses auteurs n'est pas marié au
valable que si elle qui
marié est
moment de sa conception. La reconnaissance faite par l'auteur
335. Par cet auteur ne pourra vala-
nulle en vertu de l'article conséquent,
blement reconnaître l'enfant qu'au moment du mariage.
la reconnaissance
nuptias, il con-
En ce
qui concerne maintenant post
en faveur des enfants adultérins
vient d'observer qu'elle n'a été permise
d'une inadvertance commise en
que par la loi du 25 avril 1924. Par suite
cette reconnaissance ne
1915 dans la nouvelle rédaction de l'article 331,
la permettait avait
aux enfants adultérins, car l'alinéa qui
s'appliquait pas
avant les dispositions concernant la recon-
été placé dans le corps du texte
naissance des enfants adultérins.
— Tome I, 21
DROIT.
314 LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
—
§ 3. Effets de la légitimation.
FILIATION ADOPTIVE 1
pas de changement de famille, car l'adopté, d'une part, conserve tous ses
droits et ses devoirs dans sa famille naturelle, et, d'autre part, il ne con-
tracte aucun lien avec les parents de l'adoptant.
Un trait essentiel de l'organisation de l'adoption par le Code de 1804,
c'est qu'il n'autorisait point l'adoption des mineurs (art. 346 ancien :
« L'adoption ne pourra, en aucun cas, avoir lieu avant la majorité de
l'adopté) ». Au profit des mineurs, il organisait seulement la tutelle offi-
cieuse, tutelle volontaire par laquelle une personne, en se soumettant
aux obligations de la tutelle ordinaire, s'imposait l'obligation de nourrir
gratuitement son pupille et de l'élever, le tout en vue de l'adopter plus tard ;
à quoi l'article 366 (ancien) ajoutait que, pour le cas où le tuteur officieux
viendrait à mourir avant l'époque où l'adoption serait devenue possible
par la majorité de l'enfant, il lui était permis d'adopter son pupille
mineur dans son testament.
Enfin le Code civil soumettait l'adoption à des conditions trèsrigou-
reuses, soit quant au fond, soit quanta la forme. Dans des circonstances
exceptionnelles cependant, lorsque l'adopté avait " sauvé la vie à l'adop-
tant soit dans un combat, soit en le retirant des flammes et des flots », le
Code se montrait moins rigoureux. L'adoption qu'il permettait alors sous
des conditions sensiblement simplifiées, avait été nommée le Code
par
l'adoption rémunératoire.
En fait, sous ce
régime restrictif, l'institution n'était entrée dans
pas
nos moeurs, et le nombre des adoptions était extrêmement restreint 1.
de — Trois con-
Conditions requises en la personne l'adoptant.
ions sont de toute personne qui veut adopter :
exigées
1° L'adoptant être de quarante ans Code de
doit âgé de plus (art. 344) (le
804 exigeait l'âge de cinquante ans révolus).
2° L'adoptant doit avoir au moins ans de plus que la personne
quinze
qu'elle se propose d'adopter (art. 344).
3° Il doit n'avoir aucun enfant ou descendant au jour de l'adop-
légitime
ion (art. 344).
On le voit, font obstacle à l'adoption. Aux
seuls les enfants légitimes
il faut évidemment assimiler les enfants naturels qui
enfants légitimes,
au où leur auteur voudrait faire une adoption,
seraient déjà légitimés jour
Au contraire, l'existence d'un enfant naturel, même reconnu, n'empêche
un autre enfant. De même, la présence
as son père ou sa mère d'adopter
n'est obstacle à une seconde
d'un enfant adoptif pas un adoption.
l'existence d'un enfant ou légitimé, une adoption
Si, malgré légitime
en
eu lieu, elle est nulle d'une nullité absolue ; et il suffit, pour qu'il
oit ainsi, ait été conçu au jour de l'adoption.
que l'enfant simplement
— Toute personne peut être adoptée,
II. — Qui
peut être adopté.
les étrangers comme les Français.
les femmes aussi bien que les hommes,
au on considérait l'adoption d'un étranger
Jusqu'en 1923, contraire,
mais l'article 345 l'a permise en spécifiant qu'elle
comme impossible,
de la nationalité de l'adopté.
n'entraînera pas changement
enfin être comme les majeurs. C'est là
Les mineurs peuvent adoptés
les plus de la loi du 19 juin 1923.
l'une des innovations importantes
— Conditions de fond de
§ 2. l'adoption,
—
§ 3. Conditions de forme de l'adoption.
l'adoption, mais par l'inopposabilité aux tiers. Il est sans importance dans
les rapports des parties entre elles. En ce qui concerne celles-ci, les effets
de l'adoption se produisent à dater du jugement d'homologation.
§ 4. — Effets de l'adoption.
La loi de 1923 n'a modifié que sur des points de détail les effets de
l'adoption, tels qu'ils avaient été fixés par le Code civil.
4°
Obligation alimentaire entre et l'adopte.
réciproque l'adoptant
— Aux termes de l'article s'il
356, l'adopté doit des aliments à l'adoptant,
est dans le besoin, et réciproquement. alimentaire continue,
L'obligation
d'ailleurs, d'exister entre l'adopté et ses père et mère. ceux-ci
Cependant,
FILIATION ADOPTIVE 321
Celles, d'abord, par lesquelles une personne prétend établir ses droits à
Un état autre que celui qui lui appartient en apparence. On les appellera ac-
tions en réclamation d'état. Mais, pratiquement, cette expression n'est em-
ployée que pour désigner par laquelle l'action un enfant veut établir sa filia-
tion par rapport à une femme mariée et, par voie de conséquence, à l'égard
du mari de celle-ci. Les actions tendant à établir une filiation naturelle
§ 1. —
Compétence.
une prétendue filiation illustre, avaient pris la voie criminelle, dans l'unique
bût de faire entendre des témoins qui n'eussent pas été reçus au civil. On
au contraire, le civil qui tient le criminel en état. Mais la corrélation que l'on
établir entre ces deux formules n'existe pas. En
prétend effet, que signifie
la règle : le criminel tient le civil en état? Elle veut dire tout
simplement
que, si la victime d'une infraction intente une action civile en dommages-in-
térêts contre le coupable devant le tribunal civil, et que si le ministère public
a déjà exercé ou exerce l'action publique devant la juridiction répressive
avant que les juges civils aient statué, ces derniers doivent surseoir et at-
tendre que le tribunal répressif ait rendu
; l'action sa décision
civile reste
donc en suspens, la procédure entamée demeure dans l'état où elle se trouve,
au moment où l'action publique est mise en mouvement. La raison en est
que la loi ne veut pas qu'une sentence de nature à affecter la liberté et
l'honneur des individus puisse être influencée par la décision d'un juge
appelé à statuer sur une simple question de dommages-intérêts.
Or, en notre matière, ce n'est pas d'action en dommages-intérêts qu'il
s'agit. Le délit qui entraînesuppression lade engendre l'état de l'enfant
en réalité trois actions : 1° d'abord, l'action publique en répression qui sera
portée, suivant les cas, devant la cour d'assises ou le tribunal correctionnel ;
2° l'action civile en réparation du dommage causé par le délit à ceux qui
ont eu à en souffrir ; 3° l'action en réclamation d'état ou en contestation d'état
tendant à restituer à l'enfant sa véritable filiation, dont la preuve a été
supprimée par l'infraction commise. Or, ce n'est pas l'action civile en dom-
mages-intérêts qui, dans notre matière, arrête la mise en mouvement de
l'action publique, mais bien l'action en réclamation ou en contestation
d'état. Une fois que cette dernière action a été jugée par les tribunaux
civils, la règle énoncée par l'article 3 C. Instr. crim. reprend son applica-
tion; rien n'empêche plus le ministère public de poursuivre le coupable,
et, si l'enfant dont le véritable état a été rétabli intente une action en dom-
mages-intérêts devant les juges civils, ceux-ci devront attendre que les
juges criminels aient statué. En vérité, l'article 327 du Code civil déroge,'
non pas à l'article 3 du Code d'instruction criminelle mais bien à l'article 1er
de ce Code, d'après lequel le ministère public a toujours l'exercice de l'ac-
tion publique. Ici, par exception, il est obligé d'attendre que l'intéressé
ait fait juger par les tribunaux civils la question de filiation.
La règle des articles 326-327 comporte d'ailleurs un double tempérament.
1° Elle ne s'applique pas à toutes
questions les d'état, mais seulement
aux questions de suppression de la preuve de la filiation. Ainsi, en matière
de mariage, l'existence d'un mariage, avec toutes les conséquences qui en
résultent pour l'état des époux et des enfants, peut, nous l'avons vu, résul-
ter de la décision d'un tribunal répressif (art. 198). Et il en est de même
—
§ 2. Procédure.
— Il
2° Action en recherche de la paternité naturelle. y a trois par
ticularités à signaler à propos de la procédure de cette action.
LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
328
DROIT, — Tome I 22
LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
330
— de certains intéressés.
§ 1. Exclusion
Le que tout intéressé est admis à exercer les actions d'où ré-
principe,
sulte la détermination de la filiation, s'applique à certaines de ces actions,
à savoir :
Aux actions en contestation d'état (d'enfant légitime) c'est-à-dire à l'ac-
tion qui est intentée pour contester que l'enfant soit né de la femme ma-
riée indiquée comme sa mère dans son acte de naissance;
A l'action en contestation de légitimité, c'est-à-dire à l'action par laquelle
on prétend démontrer que l'enfant, soi-disant né d'un mariage légitime,
n'a pas, en réalité, été mis dans au monde
les conditions qui donnent lieu
à l'application de la présomption Pater is est ;
A l'action en contestation de reconnaissance d'un enfant naturel.
Dans ces divers cas, tout intéressé peut agir.
En revanche, le principe reçoit exception, et l'exercice de l'action est ré-
servé à certaines personnes, interdit à certaines autres, lorsqu'il s'agit
soit d'une action en réclamation d'état (d'enfant légitime), soit d'une action
en désaveu, soit d'une action en recherche de la maternité ou de la paternité
naturelle. Examinons successivement ces trois hypothèses.
pas la faire refuser aux autres intéressés après sa mort. C'est ce qu'a com-
cès urgent à
intenter, l'administrateur provisoire pourrait solliciter du
tribunal la nomination d'un mandataire ad litem, chargé d'introduire et de
soutenir l'instance en désaveu.
Sur ces différents points, les solutions du Code civil allemand (art. 1595)
sont plus raisonnables que les nôtres. Les d'es-
demi-incapables (faibles
prit, alcooliques) peuvent, en Allemagne, désavouer l'enfant personnelle-
ment, sans avoir besoin de l'assistance de il s'agit d'un
personne. Quand
aliéné, c'est son représentant légal qui désavoue l'enfant, mais avec l'ap-
probation du tribunal des tutelles. Enfin, si le représentant de l'incapable
a laissé passer sans agir les délais du le mari, une fois
désaveu, que son
incapacité a cessé, peut exercer l'action Il n'est
personnellement. pas for-
clos par l'expiration du délai accomplie au cours de son incapacité.
Second — Dans certaines
problème. hypothèses, on peut se demander si
l'action à exercer, pour expulser un enfant d'une famille à laquelle il ne
doit pas appartenir, est l'action en désaveu ou l'action en contestation de
Et l'intérêt de la question c'est
légitimité. principal que celle-ci est ouverte
à toute personne intéressée, tandis que l'action en désaveu est réservée au
mari.
La difficulté signalée se rencontre dans quatre hypothèses.
A. — Enfant né précocement, c'est-à-dire moins de cent quatre-vingts
jours après le mariage (art. 314). Nous avons vu qu'ici laJurisprudence,
sans s'arrêter à l'expression de désaveu employée par la loi, accorde à tout
intéressé le droit de contester la légitimité de l'enfant sous les conditions
requises par le texte. En effet, l'enfant en question n'est pas un enfant légi-
time mais un enfant légitimé : l'action qui tend à l'écarter de la famille
est identique à celle par laquelle tout est admis intéressé
à contester la
véracité d'une reconnaissance d'enfant naturel (art. 339)
B. — Enfant né tardivement, c'est-à-dire plus de trois cents jours après
la dissolution du mariage (art. 315). Ici, nous le savons, il n'y a pas de doute
pas sur les critiques que nous avons dirigées contre cette jurisprudence.
D. — Enfant exerçant contre une femme mariée une action en réclama-
— On se souvient 325 permet en ce cas au mari
tion d'état. que l'article
de repousser, en ce qui le concerne, la prétention de l'enfant et, à cet effet,
de faire valoir tous les moyens propres à démontrer que l'enfant n'est pas
issu de sa femme ou que, même la maternité prouvée, ce n'est pas lui qui
en est le Nous trouvons-nous en présence d'un désaveu ou d'une con-
père.
testation de légitimité? La Jurisprudence, dont on nepeut citer ici que des
décisions assez anciennes (V. Caen, 17 mars 1847, D. P. 48.2.57, S. 48.
2.93), semble bien considérer que, dans tous les cas, il y a lieu ici à une
LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
334
père de l'enfant. Donc, le mari seul pourra agir ; il sera tenu de le faire
dans les délais de l'article 316 ; ses héritiers ne seront admis à plaider que
s'ils se trouvent dans les conditions de l'article 317.
On s'est demandé si un mari, apprenant que sa femme a mis au monde
un enfant adultérin, qui n'a pas été déclaré ou l'a été sous de faux noms
ou comme né de père et mère inconnus, aurait le droit de prendre les
devants et de démontrer sa non-paternité, sans attendre que l'enfant entame
une instance en réclamation d'état. Il semblerait, à première vue, que la
négative dût s'imposer, car notre Code de procédure n'admet plus qu'une
personne puisse plaider contre une autre, sans avoir un intérêt né et actuel
à faire valoir ; il a supprimé les examens à futur, procédures pratiquées sous
l'ancien Droit pour permettre aux personnes prévoyantes de faire établir
d'ores et déjà tel ou tel fait, en vue d'un litige futur, et cela afin d'éviter le
dépérissement des preuves et de se mettre en garde contre les temporisa-
tions calculées d'un adversaire éventuel. Cependant, la Jurisprudence est ici
favorable au mari. Elle décide que le mari peut, dès à présent, désavouer
l'enfant (Req., 9 mai 1864, D. P. 64.1.409, S. 64.1.309; Lyon, 21 janvier
1886, D. P. 87.2.1, note de M. Flurer, conclusions de M. l'av. gén. Talion,
S. 88.2.77). Cette solution achève de démontrer que nous avons à bon droit
qualifié de désaveu la défense opposée par le mari, pour sa part, à l'action
en réclamation d'état d'un enfant contre sa femme. C'est, en effet, parce
que le désaveu est la seule ressource du mari, et que cette ressource lui
échapperait, s'il laissait passer sans agir deux mois après la découverte de
la fraude (art. 316, al. 3) que la Jurisprudence a dû l'action im- autoriser
médiate du mari prévoyant qui, instruit d'une naissance frauduleusement
déclarée, entend se prémunir d'avance contre les conséquences d'une action
en réclamation d'état.
taire est un enfant d'où il suivrait qu'il doit être soumis à l'inca-
naturel,
de recevoir des donations, édictée à l'égard des enfants na-
pacité partielle
turels l'article 908 Paris, 16 février 1889, S. 89.2.201, note de
par (V.
M. Lacointa). Il y a là une solution toute logique. Du moment que le droit
—
§ 2. Diversité des caractères et des conditions de l'action
suivant la personne qui l'exerce.
Nous avons dit que, lorsque plusieurs intéressés sont admis concurrem-
ment à exercer une action relative à la filiation, ils ne le sont pas au même
titre et aux mêmes conditions.Et voici la distinction,féconde en conséquences
parfois bizarres et contradictoires, que l'on trouve à cet égard dans la loi
ou, pour mieux dire, dans l'interprétation qu'en donne la Jurisprudence.
Parmi les ayant droit, certains sont considérés comme dans
agissant
un intérêt moral, comme ayant en vue, directement et principalement,
l'état de l'enfant en soi et abstraction faite de toute autre considération.
D'autres au contraire sont regardés comme dans un intérêt
agissant pécu-
niaire et comme ne visant à établir l'état véritable de l'enfant consi-
qu'en
dération des conséquences en découleront au de leur
qui profit patrimoine.
Et voici comment s'applique la distinction.
En ce qui concerne l'action en réclamation lui-même,
d'état, l'enfant
étant présumé d'abord un intérêt
poursuivre moral, a le droit de l'intenter
en dehors de toute question d'ordre Au contraire ses héritiers,
pécuniaire.
dans les hypothèses où ils y sont autorisés sont
(art. 329, 330), présumés
agir dans un intérêt pécuniaire
Pour en désaveu, le mari est dans un intérêt moral.
l'action présumé agir
Au contraire, les héritiers du mari, dans les cas d'ailleurs très restreints
DES ACTIONS EN MATIÈRE DE FILIATION 337
le cas susvisé de l'article 317, que faut-il entendre par ce mot? Etant
donné qu'aux mains des héritiers, l'action estprésumée offrir, avant tout,
un caractère patrimonial, les héritiers, ce seront exclusivement les succes-
seurs aux biens, par conséquent, les héritiers ab intestat, et, à leur défaut,
les légataires ou donataires universels. lorsque le mari
Ainsi, d'une mère
adultère est décédé dans les conditions de l'article 317, son légataire uni-
versel, quoique ce puisse être une personne étrangère à la famille, aura
seul la disposition de l'action en désaveu, à l'exclusion des personnes les
plus proches par le sang, comme le frère ou la soeur du défunt, que le tes-
tament de celui-ci aurait écartés de la succession (Req., 3 mars 1874, D. P.
74.1.317, S. 74.1.201).
Sarrut).
pas laisser trop longtemps en suspens l'état des personnes. De plus, l'atti-
tude d'un mari soi-disant outragé, qui ne pense à agir que longtemps après
l'outrage, est suspecte. La loi a donc inclus le droit du mari lui-même
dans un délai très bref. Aux termes de l'article 316, « dans les divers
cas où le mari est autorisé à réclamer, il devra le faire, dans le mois, s'il
se trouve sur les lieux de la naissance de l'enfant ; — dans les deux mois
après son retour, si à la même époque il est absent ; — dans les deux mois
que son acte de naissance a été mal rédigé et ne fait pas ressortir sa filiation.
Il agit en rectification, afin de se procurer un titre qui lui permette de
venir concourir au partage. Mais supposons que, par hasard, il se trouve
n'avoir mis en cause que l'un de ses frères ; c'est à celui-là seul qu'il
pourra réclamer sa part de succession ; l'autre sera en droit de le repous-
ser, parce que le jugement de rectification ne lui est pas
opposable (art. 100,
C. civ.). Dans que nous venons de supposer, il s'agissait des
l'hypothèse
actes de l'état civil qui sont, en somme, la preuve, la constatation de l'état
des personnes, mais ce que la loi décide en ce cas ne doit-il pas être admis,
à la de la relativité. — Il ne faut
Tempéraments règle pas d'ailleurs
exagérer les inconvénients de la relativité des jugements en matière de
d'état. D'abord, en fait, il est évident que, lorsque la question a
questions
été jugée entre l'enfant et une personne déterminée, un nouveau procès
engagé avec un autre contradicteur aurait bien peu de chances de recevoir
une solution différente ; les juges, toujours enclins à se fier aux précé-
dents, seraient souvent les mêmes, ou bien ils auraient les mêmes raisons
plus moyen de débattre à nouveau une question relative à l'état, qui a déjà
été tranchée par une décision judiciaire. Le résultat est donc le même
que si ces jugements étaient considérés comme ayant une valeur absolue.
Ces hypothèses sont les suivantes :
1° Dans tous les cas où la loi réserve à certaines personnes seulement la
faculté d'exercer une action d'état, il est clair que la décision intervenant
à l'égard de ces personnes, soit qu'elles triomphent, soit qu'elles échouent,
ne pourra plus être remise en question par les autres intéressés, non
le mariage ne peut être annulé, pour cause de violence, que sur la demande
de l'époux violenté (article 180); l'enfant est donc sans droit pour figurer
dans une instance où la nullité du mariage entaché de violence se trouve
seul, peut être invoqué par la femme ou par les enfants issus du mariage
contre une nouvelle réclamation. En effet, après le jugement qui a décidé
que le réclamant n'est pas l'enfant du mari, toute recherche dirigée contre
la femme de ce dernier tendrait, en réalité, à faire la démonstration d'une
filiation adultérine, ce qui est prohibé par la loi (Req., 3 janvier 1866, D. P.
66.1.417, S. 66.1.89).
3° Des décisions assez anciennes (V. not., Metz, 29 avril 1847, D. P.
47.2.108) admettent qu'en matière de nom de famille (et le nom est une des
conséquences de
la filiation), les jugements, autorisant une personne à por-
ter tel ou tel nom ou lui en intimant la défense, ont une portée absolue. Ils
sont opposables à tous les membres de la famille, n'eussent-ils pas été re-
présentés à l'instance, ou peuvent être invoqués par eux. Cette solution est
motivée par l'indivisibilité du nom.
4° Enfin, un arrêt de la Cour de Paris, en date du 10 février 1898 (D. P.
1900.2.57) décide qu'un jugement annulant la reconnaissance d'un enfant
naturel, en l'espèce pour défaut de signature de l'officier de l'étatcivil.peut
être invoqué contre l'enfant, par toute personne intéressée, n'eût-elle pas
figuré dans l'instance en annulation. Le motif invoqué, c'est la recon-
que
naissance d'an enfant naturel est un acte d'état et qu'on doit en
constitutif
dire autant, par conséquent, du jugement qui le rectifie. Or, la règle de la
relativité de la chose jugée ne s'applique qu'aux déclaratifs de
jugements
droits et non aux jugements constitutifs, tels que les jugements en inter-
diction, en séparation de corps ou de biens, en dation de conseil judi-
ciaire, etc.. Est-il besoin de faire remarquer combien ce raisonnement est
contestable? La reconnaissance d'un enfant naturel n'est un acte cons-
pas
titutif d état ; c'est la simple constatation de la filiation dont cet enfant tire
son état ; c'est donc un acte déclaratif. La décision nous venons de re-
que
lever offre donc le caractère d'une protestation contre la Jurisprudence
DES ACTIONS EN MATIÈRE DE FILIATION 345
DROIT; — Tome I. 23
346 LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
—
§ 1. Effets de la parenté et de l'alliance légitimes.
riage qui a entraîné la légitimation. Celle-ci n'a pas d'effet rétroactif. Ainsi,
l'enfant légitimé n'aura aucun droit à prétendre dans la succession des
parents de ses auteurs décédés dans l'intervalle compris entre sa concep-
tion et sa légitimation. Par exemple, Primus a eu un enfant naturel de
Prima ; puis il a épousé Secunda ; il en a eu un enfant légitime, puis il a
perdu sa femme et l'enfant de celle-ci dont il a hérité. Devenu veuf, il
épouse Prima, légitimant ainsi l'enfant naturel qu'il avait eu de cette der-
nière. Celui-ci, bien qu'assimilé à un enfant légitime, n'aura aucun droit
à prétendre dans la succession de son frère prédécédé; cette succession
restera tout entière à son père.
mariage.
Ceci posé, la filiation naturelle produit des effets analogues à ceux de
la filiation légitime, mais moins étendus :
Elle donne lieu à la puissance paternelle, aux empêchements au mariage,
à l'obligation alimentaire réciproque. Elle entraîne certains droits de suc-
cessibilité, moins étendus toutefois que ceux des enfants légitimes, bien
que la loi du 25 mars 1896 les ait considérablement élargis (art. 756 et s.).
En revanche, elle crée pour l'enfant une certaine incapacité de recevoir de
ses père et mère par donation entre vifs ou par testament (art. 908).
Ajoutons que la présence d'un enfant naturel ne met pas obstacle à l'adop-
tion d'un autre qui serait impossible en présence d'un en-
enfant, adoption
fant légitime De même, la survenance d'un enfant légitime
(art. 343).
entraîne de plein droit la révocation des donations laites auparavant par
350 LIVRE I _ TITRE I. _ DEUXIÈME PARTIE
l'auteur de cet enfant (art. 960) ; cet effet ne serait pas produit par la pro-
création par la reconnaissance
ou d'un enfant naturel.
En ce qui concerne l'aillance naturelle, nous nous contenterons de ren-
à ce qui en a déjà été dit en matière d'empêchements au mariage.
voyer
Cet effet, à supposer qu'on l'admette, est le seul que produise l'alliance
naturelle.
porte que les enfants naturels reconnus ont des droits inférieurs à ceux des
enfants légitimes, droits qui « seront réglés au Titre des successions »(art. 756,
763). Or, dans les textes qui précèdent l'article 338, il n'est question que de
reconnaissance (au sens étroit du mot, c'est-à-dire de reconnaissance vo-
belge une apparence plus rationnelle qu'à la nôtre, quoiqu'en saine logique et en
équité, il paraisse préférable dé ne faire aucune distinction et dé ne pas accorder à
l'enfant naturel, quel qu'il soit, du moment qu'il a du forcer la résistance de son
père prétendu pour établir sa filiation, des droits à la succession de celui-ci. Sur un
autre point, la loi belge nous paraît, sans conteste, supérieure à la nôtre, c'est en
ce qui concerne la mère, dont notre loi de 1912 a le tort de passer sous silence les
droits personnels. L'article 340 c (nouveau) du Code belge dit en effet « ... La mère
a droit aux frais d'accouchement, ainsi qu'à son entretien pendant les quatre se-
maines qni suivent la délivrance, sans préjudice aux dommages-intérêts qui peuvent
lui être dus par application de l'article 1382. » Cette allocation à la fille-mère des
frais de gésine est une tradition, oubliée par nous, de notre Droit coutumier. Ces
frais étaient accordés de plano sur la déclaration de la mère, du moment qu'elle
jouissait, avant sa faute, d'une bonne réputation. Tel était, on l'a vu le sens véritable
de l'adage si souvent cité: « Creditur virgini se ab aliquo praaegnantem dicenti.
352 LIVRE I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
conjoint et aux enfants légitimes ! Et, d'autre part, la loi elle-même réserve
le cas d'une reconnaissance faite après la dissolution du mariage. Celle-ci
produira tous ses effets (Douai, 26 février 1903, D. P. 1904.2.385). La sur-
prise qui en résultera pour la famille légitime ne sera cependant pas moins
désagréable et inattendue que celle qu'aurait produite une reconnaissance
effectuée durante matrimonio.
Ajoutons que la portée de l'article 337 est laissée tout à fait dans le vague
et donne lieu à diverses questions délicates et controversées.
Quelle est
portée la
de l'article 337 ? — Un point qui parait hors
de doute, c'est que la disposition restrictive de l'article 337 n'a trait qu'aux
intérêts pécuniaires de l'époux et des enfants légitimes. Elle reste étran-
gère aux effets de la filiation naturelle quant à la personne de l'enfant. Ainsi,
celui-ci, bien que reconnu pendant le mariage, aura droit au nom de son
auteur; il sera soumis à la puissance paternelle, etc. Mais il ne pourra
certainement exercer aucun droit dans la succession de son auteur, à ren-
contre des enfants légitimes de ce dernier ni des descendants de ceux-ci.
Et, si son auteur ne laisse pas d'enfants ni de descendants légitimes ni de
parents au degré successible, le conjoint survivant, appelé à recueillir la
succession à défaut de parents légitimes, exclura l'enfant naturel reconnu
dans les conditions de l'article 337. Mais divers points restent douteux.
1° D'abord, l'enfant naturel en question sera-t-il l'article 337
privé par
du droit d'exercer sa créance d'aliments pendant la durée du mariage?
C'est une question que nous ne tarderons pas à rencontrer, en traitant de
l'obligation alimentaire dans son ensemble.
2° Nous réservons de même le point de savoir si l'article 337 à
permet
l'enfant naturel de recevoir une donation ou un legs de son auteur, et s'il
lui laisse le droit de faire réduire à la quotité la donation ou le
disponible
testament fait par le défunt à son conjoint. Nous retrouverons ces points
en traitant des successions.
3° En revanche, nous examinerons ici la extrêmement contro-
question
versée de savoir si l'article 337 s'applique au cas où l'enfant naturel a été
l'objet, pendant le mariage, d'une reconnaissance non mais for-
volontaire,
cée. Il y a de sérieuses raisons ne
pour pas admettre l'assimilation des
deux reconnaissances. Des raisons de texte d'abord. L'article 337 nous dit
que ce qui ne peut nuire au conjoint ou aux enfants issus du mariage c'est
« la reconnaissance le mariage
faite pendant par l'un des époux». Lorsqu'il
y a eu procès en recherche de la maternité ou de la paternité, peut-on dire
qu'il y a eu reconnaissance faite par l'époux? Non évidemment. La recon-
naissance — si reconnaissance il y a — n'a pas été faite par lui, mais contre
lui. Et, si l'on va au fond des on affirmer
choses, peut que le motif, qui
justifie tant bien mal l'article
que 337, ne se rencontre pas dans l'hypothèse.
On ne peut dire que l'époux ait commis le manquement à la foi jurée, la
DES EFFETS DE LA PARENTÉ ET DE L'ALLIANCE 353
pêchement au mariage.
voque. Or, tout élément de preuve est ici écarté a priori par la loi.
Il y a cependant certaines hypothèses où, par suite de diverses circons-
(art. 161-162) et il n'y a pas même mariage putatif. Ici encore, on dit
communément que la filiation incestueuse de l'enfant ressort de la com-
binaison de son acte de naissance et du jugement de nullité. (V. Paris,
8 décembre 1913, Gaz. Pal. 22 février 1913), Nous croyons cette solution
très contestable. L'enfant, pourrait-on dire, n'a pas de filiation établie
à l'égard du prétendu mari, car qu'est-ce qui prouve qu'il en est issu? Il
faudrait faire intervenir ici la présomption de paternité de l'article 312;
mais cette
présomption n'existe qu'en cas de mariage, et, par hypothèse,
il n'y a pas eu de mariage. Et la filiation de l'enfant ne paraît pas davan-
mariage.
Troisième : Nullité d'un — Un a
hypothèse mariage pour bigamie. mariage
été contracté au mépris d'un mariage antérieur non dissous, dans lequel
était engagé l'un des époux. Un enfant est né et a été déclaré comme légi-
time. La nullité est ensuite prononcée (art. 184) et il n'y a pas mariage pu-
tatif, les deux speudo-époux étant de mauvaise foi. Ici encore, on dit com-
munément que la filiation de l'enfant se trouve juridiquement établie avec,
cette fois, un caractère adultérin. les raisons d'être
Mais, pour qui viennent
indiquées à propos de l'hypothèse précédente, certains n'admettront cette
solution que dans le cas où c'est la femme qui est coupable de bigamie. Alors
évidemment l'enfant est un enfant adultérin. Mais, si c'était le pseudo-mari,
qui était bigame, la filiation adultérine de l'enfant ne paraîtrait établie ni
à l'égard de l'homme ni à l'égard de la femme, car rien ne fait légalement
présumer la fidélité de celle-ci.
Quatrième hypothèse : Jugement constatant
filiation et ayant la
acquis
de chose — Ce dernier cas a été ajouté
force jugée aux précédents par une
jurisprudence récente (Req., 3 août 1908, D. P. 1903.1.48, S. 1909.1.244).
La filiation adultérine ou incestueuse peut être considérée comme légale-
ment établie, lorsqu'elle résulte des constatations contenues dans un juge-
ment qui, de ce chef, aurait pu être mais les intéressés ont
attaqué, auquel
DES EFFETS DE LA PARENTÉ ET DE L'ALLIANCE 355
— du nom. Eléments le
§ 1. Définition qui composent.
2° Le — L'élément secondaire au
prénom. qui s'ajoute généralement
précédent est le prénom. Les prénoms servent à différencier les divers
porter ».
On remarquera ici que l'usage du nom de la femme par le mari, visé par
la loi, n'est pas obligatoire ni même ordinaire. La loi s'exprime en termes
hypothétiques (Dans le cas où, etc.). Et, de plus, l'usage toléré par la loi
n'autorise pas à substituer le nom de la femme à celui du mari, mais seu-
lement à l'y adjoindre.
—
§ 2. Nature juridique du droit au nom et des actions
qui le protègent.
article 12, consacre le droit des intéressés, mais sans se prononcer d'ail-
d'agir
leurs sur la nature du droit au nom. Nous lisons en effet dans cet article 12 :
DROIT, — Tome I, 24
I. — TITRE I. — DEUXIÈME PARTIE
362 LIVRE
— 1
§ 3. Des qualifications nobiliaires.
dire, une nouvelle noblesse fut instituée par lui. Il n'admit en effet d'autres
titres que ceux qu'il conférait lui-même. De plus, la collation des titres
1. Lallier, De la propriété des noms et des titres, 1890; Tournade, Etude sur le
nom de famille et les titres de noblesse, thèse Paris, 1882; Breuil, De la particule
dite nobiliaire, thèse Paris, 1903; Henri Beaune, Les distinctions honorifiques et
la particule; Paulin Paris, De la particule dite nobiliaire; Levesque, Droit nobi-
liaire français.
DES EFFETS DE LA PARENTÉ ET DE L'ALLIANCE 363
lier), et donnant aux enfants du noble titré le droit de porter, suivant leur
ordre de géniture, lés titres immédiatement inférieurs aux titres portés par
leur père ou par leur aîné. En effet, cette ordonnance n'avait trait qu'aux
familles des
pairs. La pairie, ayant été supprimée avec la Chambre des
pairs en 1848, l'ordonnance de 1817 n'a plus aucune valeur. En consé-
quence, dans chaque famille titrée, il n'y a qu'une personne ayant droit de
porter le titre. Ceux qu'on donne aux enfants ou aux puînés dans le cou-
rant de la vie mondaine sont des titres de pure courtoisie.
Une autre institution, que la suppression des majorats, définitivement
consommée par la loi de finances de 1905, a fait à peu près disparaître,
c'est l'investiture. On appelait ainsi une décision du chef de l'Etat qui était
nécessaire pour la transmission du majorat, qu'accompagnait celle du titre
auquel le majorat était attaché. L'investiture, vu la suppression des majo-
rats, est devenue toute facultative, et, comme elle est l'Occasion de droits
fiscaux assez élevés, la plupart des intéressés négligent de la requérir en
cas de transmission du titre nobiliaire. Cependant, certaines personnes
titrées sollicitent encore l'investiture, car elles peuvent y trouver quelques
avantages. En effet, en cas de contestation entre plusieurs prétendant
364 LIVRE I. — TITRE 1. — DEUXIÈME PARTIE
était la règle sous l'Ancien Régime, il n'y a pas d'autre noblesse que celle
de la possession d'nn titre nobiliaire. La particule, c'est-à-dire
qui résulte
les mots de, du, de la, des, précédant le nom patronymique, n'est donc qu'un
élément du nom de famille. On ne l'a jamais d'ailleurs considérée, même
Régime, la
presque totalité des nobles, se faisant désigner par des noms de
—
§ 1. Entre qui existe l'obligation alimentaire.
I. — alimentaire entre Sa
Obligation époux. persistance pos-
sible après la dissolution du mariage en cas de veuvage ou de di-
vorce. — alimentaire entre se raltacbe au devoir réci-
L'obligation époux
proque de secours et d'assistance que leur impose l'article 212. Par consé-
quent, elle dure autant que le mariage. La séparation de corps n'y met pas
fin, puisqu'elle laisse subsister le lien conjugal. Et, en cas de séparation,
l'époux même coupable est en droit de réclamer à l'autre des aliments.
Les particularités qui caractérisent l'obligation alimentaire entre époux
sont les suivantes :
1° L'obligation se double ici d'un devoir d'assistance et de secours person-
nels. Normalement, c'est de cette manière que les époux s'acquitteront l'un
envers l'autre de leur obligation alimentaire. Les hypothèses où son exécu-
tion revêtira la forme d'une pension, supposant une existence séparée et
époux peut il réclamer des aliments à une personne qui n'est ni son parent
ni son allié ? La réponse traditionnelle à cette question, c'est que le fonde-
ment de l'obligation alimentaire visée par l'article 301 se trouve dans le
que l'époux coupable a pu, en rendant par sa faute le divorce
préjudice
nécessaire, causer à l'autre conjoint, si celui-ci n'a pas les ressources suf-
fisantes pour subsister. La base de l'article 301 doit être cherchée non dans
l'article 212, mais dans le
principe de l'article 1382 ; c'est une base délic-
tuelle. La pension alimentaire allouée à l'époux sorti vainqueur de l'ins-
tance la réparation
est d'un préjudice injustement subi (Req. 15 décembre
II — alimentaire —
Obligation entre parents en ligne directe.
Aux termes des articles 203 et 205, a les contractent
époux ensemble, par
le fait seul du mariage, de nourrir, entretenir et élever leurs
l'obligation
enfants » (l'expression « enfants » comprenant certainement tous les descen-
dants légitimes) ; et, réciproquement, « les enfants doivent des aliments à
leur père et mère ou autres ascendants dans le besoin ».
quisont
On remarquera que, de la part des parents, se
l'obligation alimentaire
double, ici encore, de celle de fournir des soins à l'enfant et de
personnels
lui procurer
l' éducation qui lui est nécessaire.
Le Code civil, dans les articles 203 et 205, ne vise que les enfants légi-
DES EFFETS DE LA PARENTÉ ET DE L'ALLIANCE 389
parents soient tenus envers eux du devoir de leur fournir les soins et l'édu-
cation nécessaires. Mais on n'a jamais pu songer à discuter une solution
aussi évidente. A quoi servirait la constatation de la filiation naturelle, que
la loi règle et
organise, si elle n'entraînait pas la conséquence la plus
élémentaire, la plus indiscutable du lien de filiation ? Qui fait l'enfant doit
le nourrir », écrivait Loysel. D'ailleurs, le Code accorde des aliments aux
enfants incestueux et adultérins, dans la succession de leurs auteurs
(art. 762). Un double argument a fortiori doit donc nous faire décider que
l'enfant naturel simple doit pouvoir en obtenir du vivant même de ses pa-
rents (Req., 13 juillet 1886, D. P. 87.1.119, S. 87. 1.65, note de M. Chave-
en sa faveur, est la
règle en vertu de laquelle les enfants naturels
voque
n'ont aucun droit à la succession des parents de leur auteur (art. 757). Mais
blie, laquelle peut résulter, soit d'une reconnaissance volontaire, soit d'un
paternité. Cependant, cette règle que l'enfant naturel non reconnu n'a aucun
droit à faire valoir vis-à-vis de ses auteurs, n'est pas absolue, et il y a lieu de
contraire, si c'est
qui a reconnu
l'épouse un enfant naturel né avant le
mariage, l'enfant lui réclamer ne peut
d'aliments au cas où elle est mariée
sous le régime de la communauté. Il faudrait, pour qu'elle pût être action-
née par l'enfant, qu'elle fût séparée de biens, elle a la jouis-
parce qu'alors
sance de ses deniers personnels (Req., 13 juillet D. P. 87.1.119,
1886,
S. 87.1.65, note de M. Chavegrin). On devrait, assimiler à ce
croyons-nous,
cas celui où la mère exercerait une profession distincte de celle de son
mari, parce que, dans cette hypothèse, du 13 juillet 1907 lui la loi confère,
sous tous les la libre de ses gains et salaires et des
régimes, disposition
acquisitions faites avec ses salaires : l'enfant pourrait, à notre avis, lui
réclamer des aliments sur les biens qui lui sont ainsi réservés la loi.
par
3° L'obligation alimentaire à l'égard des enfants incestueux ou adulté-
ins présente certaines particularités.
A. — Nous avons vu qu'elle n'existe
pas seulement la vie du
pendant
débiteur. L'article 762 prend soin de nous dire qu'elle peut être invoquée
par l'enfant contre la succession de son auteur. Cela tient à ce que l'enfant
incestueux ou adultérin n'est pas, comme l'enfant naturel simple, compté
au nombre des héritiers de son auteur. Il serait donc exposé à se trouver
sans ressource aucune après la mort de celui-ci.
B. — On admet, en général, que l'obligation alimentaire n'offre pas, en ce
qui concerne les enfants incestueux ou adultérins, le caractère de réciprocité
qui lui appartient en général. En d'autres termes, ces enfants ne devraient
pas d'aliments à leurs père et mère dans le besoin. Le motif invoqué à l'ap-
pui de cette solution, qu'une faute c'est
aussi grave que l'adultère ou l'in-
ceste ne peut pas créer de droit au profit de celui qui l'a commise (Trib.
Lisieux, 14 novembre 1901, D. P. 1902.2.221, S. 1902 2.309). Il nous semble
qu'on pourrait contester cette manière de raisonnner. Nous verrons, en
effet, que l'inconduite des créanciers d'aliments n'engendre pas une fin de
non-recevoir contre leur demande, au profit du débiteur.
indique que les beau-père et belle-mère,, visés dans l'article 206, sont le
père et la mère du conjoint (socer, socrus) et non le second mari et la se-
conde femme de celui qui a un enfant d'un premier lit, en un mot le pa-
râtre ou la marâtre. Entre ces derniers et leurs beaux enfants, il n'y a pas
D'après le Code civil primitif (art. 206 ancien), il y avait une troisième
hypothèse à joindre aux deux précédentes. La belle-mère qui se remariait
perdait le droit de réclamer, en cas de besoin, des aliments à son gendre
ou a sa bru, tout en conservant bien entendu son droit à l'égard de celui
des deux conjoints dont elle était la mère. Trace visible de la défaveur avec
laquelle l'ancien Droit, ainsi qu'en témoigne l'Edit des secondes noces de
1560, envisageait le remariage des femmes veuves.
La loi du 9 août 1919 a effacé cette règle qui n'était plus en harmonie
avec l'esprit de la législation actuelle. La loi du 21 lévrier 1906 avait déjà
aboli la déchéance du droit de jouissance légale des biens des enfants
mineurs prononcée par l'article la mère 386 ancien
remariée. La loi contre
du 3 avril 1917 avait pareillement abrogé le dernier alinéa de l'article 767
qui, en cas de nouveau mariage, supprimait l'usufruit du conjoint survi-
vant. La loi du 9 août 1919 a complété le cycle de ces lois nouvelles dans
lesquelles s'affirme un esprit nouveau nettement favorable aux secondes
noces.
—
§ 2. Objet et étendue de l'obligation alimentaire.
vu, de celui de fournir à l'enfant les soins personnels qui lui sont néces-
ticle 4, enjoint aux parents ou, plus généralement, à ceux qui ont la garde
le l'enfant, de lui à tout le moins, un minimum d'instruction, en
fournir,
l'envoyant à l'école primaire de six à treize ans.
Mais l'obligation alimentaire ne comporte pas le devoir de doter l'en-
fant ou de l'établir. Aux termes de l'article 204, « l'enfant n'a pas d'action
contre ses et mère un établissement mariage ou ».
autrement
père pour par
Cette règle est conforme droitau dans nos pays coutu-
pratiqué naguère
où l'on suivait : « Ne dote ne veut » (Pothier, Tr. de la
miers l'adage qui
nos 644 à 646 ; Tr. des Donations entre vifs, n° 91 ; Ricard,
Communauté,
Donations entre vifs, Ve partie, n° 1107). En revanche, la tradition romaine,
an vertu de laquelle le préteur contraindre le père à doter sa fille
pouvait
fait admettre dans nos pays de
;19 D. de ritu nuptarium, XXIII, 2), avait
Droit écrit l'enfant une action pour se faire doter ou établir
que possédait
de la rédaction du
(Roussilhe, Tr. de la Bot, éd. Sacaze, p. 7 et s.)- Et, lors
Code civil, les représentants des pays de Droit écrit ont insisté à plusieurs
le maintien de cette règle (Fenet, t. IX, p. 59 s., 175 s., 191 s.).
reprises pour
C'est pour consacrer leur échec et le triomphe de la solution coutumière
« ne dote 204 a été écrit. Mais une notable partie
qui ne veut » que l'article
de la Doctrine française a toujours admis, tant dans l'ancien Droit (V. Po-
à la
thier, Traité de la communauté, loc. cit.), que de nos jours, qu'il existe,
une naturelle de doter leurs enfants. La
charge des parents, obligation
rédaction même de l'article 204, qui nous dit que l'enfant n'a pas d'action
contre et mère, semble bien consacrer cette solution traditionnelle
ses père
9 nov. 1855, Pas
(V. en ce sens : Req. 14 juin 1827, S. Chron ; Cass. Belg.
belg. 56.1.65, et note de M. Savatier D. P. 1923.2.121 ; Contra, Montpellier,
de M. Capitant, S. 1905.5.185, note de
16 déc. 1901, D. P. 1907.2.241, note
M. Hémard).
— ali-
Double variabilité de l'obligation alimentaire. L'obligation
I TITRE DEUXIEME PARTIE
374 LIVRE
situation sociale des parties. Ils pourront, par exemple, considérer comme
— de alimentaire.
§ 3. Caractères généraux l'obligation
DROIT. — Tome 1. 25
- TITRE l. — DEUXIÈME PARTIE
LIVRE I.
378
fournitures alimentaires.
2° La alimentaire ne peut non plus, pour la même raison, faire
pension
d'une cession valable. Incessible est également l'hypothèque garan-
l'objet
tissant la pension (Civ. 12 décembre 1921, D. P. 22.1 153, note de M. Capitant).
3° La alimentaire ne peut pas faire l'objet d'une compensation
pension
1293, 3°). La compensation, en effet, équivaut à une saisie-arrêt. Si le
(art.
créancier d'aliments se trouve être lui-même débiteur du débiteur de la
il est clair que l'extinction de sa propre dette (ce qui serait pour
pension,
lui le seul bénéfice de la compensation) ne lui donnerait pas de quoi vivre.
4° La pension alimentaire ne s'arrérage pas, c'est-à-dire que le créancier
effet, le motif de la règle n'existe certainement pas ici : la règle doit donc
être écartée.
B. — L'étranger, qui a fourni des aliments à une personne dans le
besoin, par exemple, le
médecin qui lui a donné ses soins, — les frais
et soins médicaux étant compris à titre accessoire dans ali-
l'obligation
mentaire, — peut réclamer le paiement de ses notes restées en souffrance,
à celui qui était tenu de la dette alimentaire (Trib. Seine, 8 février 1909,
D. P. 1909.5.17).
que places à un rang plus éloigné. En effet, celui qui n'a qu'un débiteur
insolvable se trouve dans le besoin, tout autant que s'il n'avait pas de dé-
biteur du
tout. De plus, croyons-nous, si Un débiteur de deuxième ou troi-
sième était dans une situation beaucoup plus aisée qu'un débiteur de
ligne
première ligne, le tribunal pourrait accueillir des poursuites qui seraient
directement intentées contre lui. En d'autres termes, nous n'admettons
l'ordre successif dans alimentaire qu'en cas d'égalité de situa-
l'obligation
tion des divers codébiteurs.
Or, la créance d'aliments n'est certainement pas indivisible. Car les obliga-
tions indivisibles sont celles dont l'objet n'est pas susceptible d'être divisé.
Et l'objet de l'obligation alimentaire (quod debetur) étant une allocation
que là où un texte formel l'a établie (art. 1202), et ce texte fait défaut dans
la matière. Aussi, la Jurisprudence la plus récente, après, il est vrai, de
nombreuses hésitations, incline-t-elle à décider que l'obligation alimen-
taire ne donne pas plus naissance à une dette solidaire qu'à une dette indi-
visible (Paris, 18 décembre 1897, D. P. 98.2.197. V. notes de MM. Boucart
S. 91 1.81, et de Loynes D. P. 1902.2.193).
Nous croyons toutefois que, s'il n'y a pas solidarité, et si, par conséquent,
le créancier d'aliments est tenu de diviser ses poursuites contre les divers
logue à celle qui résulte de la solidarité, à ce point de vue qu'il n'aura pas
à souffrir de l'insolvabilité possible de l'un des codébiteurs conjoints. Sup-
posons, par exemple, qu'une mère qui se trouve dans le besoin ait deux
enfants. Si l'un d'eux est absolument hors d'état de lui fournir sa part de
la somme qui lui serait nécessaire pour vivre, déciderons-nous que la mère
ne pourra néanmoins réclamer que la moitié de cette somme à son autre
enfant ? Non. En il ne faut oublier ce principe
effet, pas essentiel que la
créance d'aliments est proportionnée aux besoins du créancier (art. 208).
Or, en face de celui de ses enfants qui est solvable, la mère, qui ne peut
rien obtenir de l'autrese présente avec de besoins
enfant, plus que si ces
deux débiteurs étaient également aisés. Et elle pourra actionner l'enfant
solvable dans la mesure de ses besoins, c'est-à-dire la totalité de la
pour
somme qui lui est indispensable pour subsister.
CHAPITRE PREMIER
Généralités. Sens du mot état civil. — Le mot état vient du mot latin
status, qui désignait les attributs nécessaires pour posséder la personnalité.
Ces attributs étaient à Rome au nombre de trois : le status libertalis, le sta-
tus civitatis, le status Pour
de la il
familia. jouir personnalité juridique,
fallait être libre et non pas esclave, être et non latin ou péré-
citoyen pas
grin, être chef de famille et non pas alieni cit., 5e édit.,
juris (Girard, op.
p. 92 .
Le Droit moderne ne connaît plus ces distinctions. Tous les hommes,
quels qu'ils soient, sont des personnes ; mais les mots état civil servent
toujours à désigner les principaux éléments qui individualisent l'homme.
D'abord, sa nationalité ; en second lieu sa filiation, qui le rattache à ses au-
teurs et par eux à une famille déterminée ; et, enfin, les divers faits qui
vont marquer le début, la fin de sa personnalité ou modifier son état nais-
sance, mariage, divorce, reconnaissance, légitimation, adoption, décès).
Observons ici que et sont deux choses distinctes (Voir
l'état capacité
art. 3, 3e al., C. civ.), et qu'il ne faut pas les confondre. L'état civil com-
prend les liens qui rattachent l'homme au milieu social, nation et famille,
et l'individualisent : la capacité est l'aptitude à jouir des droits civils et à
les exercer. Toute personne a un état au contraire, il y a des indi-
civil;
vidus capables et des individus incapables.
Ceci posé, on comprend aisément quelle il y a à conserver
importance
par un acte écrit La constatation des faits sus-mentionnés, qui influent sur
l'état d'un individu ; c'est pourquoi la loi exige, pour chacun de ces faits,
là rédaction d'un acte authentique. Ces actes sont les actes de l'état civil. La
1. Mersin, Traité théorique et pratique des actes de l'étal civil, Paris, 1873;
édit., 1892, Supplément 1898, On trouvera des renseignements intéressants sur la
tenue des registres dans Edouard Lévy, Notes sur t'ètat civil, thèse, Paris, 1910.
Un formulaire général des actes de l' état-civil, destiné à servir de guide aux muni-
cipalités et aux tribunaux et à établir dans leurs pratiques l'uniformité désirable
a été mis en vigueur par une circulaire du Garde des Sceaux du 10 janvier 1913.
384 LIVRE I. — TITRE I. — TROISIEME PARTIE
naissances, des mariages, et des décès, des registres spéciaux, dits re-
vorces, les adoptions doivent être inscrits sur les registres de l'état civil,
la reconnaissance enjuni d'un
naturel n'y est constatée qu'autant qu'elle est
laite devant un officier do l'état civil (art. 334, C. civ.). Quant à la légiti-
mation de l'enfant naturel, elle résulte de l'acte de mariage de ses père et
mère par qui il a été reconnu.
— 1.
$1. Historique
Nantes, qui prescrit ou peut être rappelle aux curés de son diocèse de con-
signer les baptêmes sur des registres et d'y mentionner les noms des par-
rains et marraines 2. » Ces registres, dit l'évêque, permettront de connaître
la filiation des individus et empêcheront que des parents au prohibé
degré
ne contractent mariage dans l'ignorance de leur parenté. En conséquence,
le statut précité décide que les curés devront année à
présenter chaque
l'évêque de Nantes, lors de sa visite paroissiale, les de baptêmes
registres
et seront passibles d'une peine s'ils omettent de dresser les actes et si un
mariage illicite est conclu par suite de cette négligence.
Les registres des mariages et des décès doivent leur à une autre
origine
préoccupation. Bien qu'il fût interdit aux curés de rien demander pour,
l'Edit de Nantes (octobre 1685) abolit cette pratique et, dès lors, les protes-
LIVRE I. — TITRE I. — TROISIEME PARTIE
386
—
§ 2 Des officiers de l'état civil.
1. V. sur la situation, à ce point de vue, des protestants et des juifs dans l'ancien
Droit, Viollet, op. cit., p. 371 à 403; Bonifas, Le mariage des protestants depuis la
réforme jusqu'à 1789, thèse Paris, 1901 ; Portalis, Consultation sur la validité du
mariage des protestants en France, dans Discours, rapports et travaux inédits
sur le Code civil, p, 441,
ACTES DE L'ÉTAT CIVIL 387
aux maires et adjoints des communes. La loi du 5 avril 1884 sur l'organi-
sation municipale (art. 92, 3°) ne fait que cette
rappeler disposition en
déclarant que le maire est chargé, sous l'autorité de l'administration
supé-
rieure... « 3° des fonctions
spéciales qui lui sont attribuées par les lois ».
C'est donc essentiellement au maire le rôle
qu'appartient d'officier de
l'état civil 1, car lui seul est chargé de l'administration 82 de la loi du
(art.
5 avril 1884). On dit quelquefois que, en cette le maire
qualité, est, non
plus un fonctionnaire de l'ordre administratif, mais un officier de police
judiciaire. L'expression n'est pas exacte, car l'officier de police judiciaire
est chargé de constater les contraventions à la loi pénale. Ce qu'il faut dire,
c'est que l'officier de l'état civil est chargé d'un service judiciaire, et placé
à ce titre sous le contrôle de l'autorité En effet,
judiciaire. toutes les ques-
tions concernant l'état civil des personnes relèvent de la compétence des .
tribunaux de l'ordre judiciaire (V. note de M. Mestre, S. 1909.2.17).
En cas d'absence, de suspension, ou de tout autre
révocation, empêche-
ment, le maire est provisoirement remplacé par un adjoint, dans l'ordre des
nominations, et, à défaut d'adjoint, par un conseiller municipal désigné par
le conseil, ou, sinon, dans l'ordre du tableau
pris 2 (art. 84 loi du 5 avril 1884).
Le maire peut toujours, du reste, arrêté une de ses
déléguer par partie
fdnctions à un ou plusieurs de ses adjoints ou à des membres du conseil
municipal (art. 83). Aussi, est-il dans les villes,
d'usage, que le maire confie
l'état civil à l'un de ses adjoints, ou même à un conseiller municipal, qu'il
désigne sans être astreint à suivre l'ordre du tableau 3. Au surplus, cette
désignation ne lui enlève pas à lui-même le droit à l'occasion,
de remplir,
les fonctions d'officier de l'état civil.
Cas où l'acte a été dressé par une autre personne qu'un officier
de l'état civil. — Le cas se présenter en temps d'émeute, d'insur-
peut
rection, d'invasion du territoire par une armée ennemie. Les fonctions
d'officier de l'état civil peuvent être remplies, dans ces hypothèses, par des
individus qui n'ont pas été régulièrement désignés. Les principes condui-
raient à prononcer la nullité des actes ainsi dressés, mais une telle consé-
1. V. Poitiers, 26 février 1908 (S. 10)0.?.\1). et, sur pourvoi. Heq., 15 juin 1909
(D. P. 1911.1.113, S. 1909.1.519), condamnant un officier de l'étal civil à des dom-
mages-intérêts pour non inscription d'un arrêt d'adoption sur les registres. Il ne
faut pas oublier que l'officier de l'état civil n'est pas un fonctionnaire administratif,
mais un officier public responsable dans les mêmes conditions qu'un notaire. Comp,
la note de M. Mestre, S. 1909.2,17.
ACTES DE L'ÉTAT CIVIL 339
des comités qui s'étaient formés pour succéder à ces soit enfin
conseils,
par des maires et
adjoints provisoires nommés par les La loi du habitants.
6 janvier 1872 a donc décidé que les actes inscrits sur les registres de l'état
depuis le 4 septembre 1870 jusqu'à la date de sa promulgation, ne
civil,
pourraient être annulés à raison du seul défaut de qualité des personnes
qui les avaient reçus, pourvu que ces personnes eussent eu, à ce moment,
public des fonctions municipales ou de celles d'officier d'état
l'exercice civil,
à quelque titre et sous quelque nom que ce fût.
La loi du 28 février 1922, art. 4, a édicté la même disposition les
pour
actes dressés ou transcrits sur les registres depuis le 2 août 1914, dans les
communes occupées par l'ennemi durant la guerre.
registres sont cotés par première et dernière feuille, et paraphés sur chaque
feuille par le président du tribunal de première instance ou par le juge qui
le remplace (art. 41, C. civ.).
Suivant l'importance de la commune, il y a un registre unique, sur lequel
sont inscrits tous les actes, ou un registre pour les naissances, un pour les
personnes qui n'y ont pas été parties n'ont pas le droit de s'en faire déli-
vrer copie. L'article 23 de la loi du 25 ventôse an XI décide que les notaires
ne peuvent, sans l'ordonnance du président du tribunal de première ins-
1. D'après le décret du 20 juillet 1807 abrogé par celui de 1910 (Dalloz, Nouveau Gode
civil annoté, art. 43, nos il à 18), les tables décennales étaient dressées en triple
exemplaire pour être déposées au greffe, à la mairie et à la préfecture. Ces tables dé-
cennales commencent en 1802, et vont de 1802 à 1813, de 1813 à 1823 et ainsi de suite.
2. Un arrêt de la Cour de cassation (Civ., 23 février 1847, D. P. 47.1.81, S. 47.1.362)
a décidé que la vérification devait se faire sur les deux doubles, et qu'en conséquence
les maires sont tenus de faire l'apport au greffe ou au parquet, non seulement du
registre destiné au greffe, mais de celui qui doit rester à la mairie.
ACTES DE L'ÉTAT CIVIL 391
1. V. l'art. 45, al. 3, ajouté parla loi du 9 août 1919, disposition destinée à faciliter
aux intéressés la constitution des dossiers de pension sur le Trésor et autres.
public
2. Cette prescription a été ajoutée par la loi du 7 août 1897, art. 4, qui vise princi-
palement l'acte de naissance pour lequel l'indication de la date est particulièrement
utile, car l'acte de naissance doit mentionner en marge certains faits, reconnais-
sance de l'enfant naturel, mariage, adoption, qui ont pu modifier l'état de l'individu.
3. Les copies ou expéditions des actes notariés n'ont pas toujours besoin d'être
légalisées. Elles ne sont soumises à cette formalité qu'autant qu'il en est fait usage
dans, un ressort de Cour d'appel ou un département autre que celui où exerce le
notaire (Loi du 25 ventôse an XI, art. 28).
392 TITRE I. — LIVRE I. —TROISIÈME PARTIE
dite il y a lieu
loi de la « copie » de ces actes, copie dont
distinguer conforme
la délivrance n'est plus accordée à tout venant, et le simple extrait, que le
des registres délivre à tout requérant, mais qui ne contient que
dépositaire
certaines des indications portées en général sur les actes de naissance 1.
Cette loi a été inspirée par le désir louable d'éviter les inconvénients que
présentait la publicité de l'acte de naissance intégral pour les enfants natu-
rels, dont la filiation se trouvait ainsi révélée à la malignité publique. On
avait fait observer y a nombre
qu'il de circonstances (demandes d'emplois,
examens, service militaire, admission dans une association, etc.) dans les-
quelles un individu doit produire son acte de naissance, sans qu'il y ait
aucun intérêt à ce que l'on soit renseigné sur le caractère de sa filiation.
De là, la règle nouvelle, en vertu de laquelle il n'est plus délivré en prin-
cipe à tout requérant une copie intégrale des actes de naissance, mais un
qui lui "ont été donnés, les noms, prénoms, professions et domicile des
père et mère tels qu'ils résultent des énonciations de l'acte de naissance
ou des mentions contenues en marge de cet acte » (art. 57, 5e al.).
Quant à la « copie conforme », c'est-à-dire complète de l'acte de naissance,
elle ne peut être obtenue que par le procureur de la République, l'intéressé,
ses ascendants, ou descendants, son tuteur ou son représentant légal, s'il
est mineur ou en état d'incapacité. Enfin, les tiers qui justifieraient avoir
besoin d'une copie complète d'un acte de naissance devront adresser une
demande écrite d'autorisation au juge de paix du canton où l'acte a été
reçu (art.2e al.). 57,
Ainsi, depuis cette loi, l'extrait délivré librement et à tout requérant
n'indique plus si les père et mère de l'enfant sont mariés, ni si l'enfant a
été reconnu ou légitimé.
Tel
quel, le régime nouveau, bienque d'inspiration excellente, présente
de manifestes inconvénients. D'abord, il ne suffit pas toujours à dissimuler,
comme l'avaient espéré les auteurs de la loi, l'illégitimité de l'enfant. Bien
des enfants naturels, en effet, ne sont reconnus leur mère ou ne
que par
sont reconnus par aucun de leurs auteurs. Or, le fait seul ne
que l'extrait
contiendra pas le nom des parents ou n'indiquera celui de la mère,'
que
sera clairement révélateur de la filiation de l'enfant. En somme,
irrégulière
la loi nouvelle ne profitera qu'aux enfants naturels reconnus à la fois par
leur père et par leur mère. Or il est d'avancer ces enfants
permis que
ne sont pas très nombreux. le père et la mère reconnaissent
Lorsque
leur enfant l'un et l'autre, il est rare n'aillent le légitimer
qu'ils pas jusqu'à
par leur mariage.
Ajoutons que, pour être pleinement efficace, la loi aurait dû interdire la
délivrance à tout requérant de l'acte de reconnaissance, il est ins*
quand
1. Il est à remarquer que le mot d'extrait était employé autrefois dans un autre
sens par l'article 45 (ancien). Il désignait les copies in extenso des actes de l'état
civil, copies extraites non de l'acte, mais du registre. La loi du 30 novembre 1906 a
introduit ici une terminologie plus rationnelle.
ACTES DE L'ÉTAT CIVIL 393
—
§ 4. Rédaction des actes de l'état civil.
DROIT. — Tome I.
394 LIVRE I. — TITRE I. — TROISIÈME PARTIE
veau). Le seul acte qui doit dorénavant être rédigé devant témoins est
l'acte de mariage.
Encore chaque partie n'a-t-elle besoin d'y être assistée que d'un seul
témoin (art. 75, 1er al. modifié par la loi du 9 août 1919).
Le rôle des témoins consiste à certifier l'identité des parties et
à assurer la conformité de l'acte rédigé avec les déclarations faites.
A cet effet, la loi exige que l'officier de l'état civil donne lecture de
l'acte aux parties comparantes et aux témoins (art 38), et elle exige que
l'accomplissement de cette formalité soit mentionné dans l'acte (art. 38,
2e al.).
En
conséquence, la loi veut que les témoins, à la différence du déclarant
dans l'acte de naissance, soient âgés de vingt-et-un ans au moins (art. 37).
Les femmes majeures comme les hommes peuvent être témoins, les étran-
gers aussi. L'article 37, al. 2, portait que le mari et la femme ne peuvent
pas être témoins ensemble dans le même acte, mais cette restriction a été
supprimée par la loi du 27 octobre 1919.
Enfin, ce sont les intéressés qui choisissent les témoins (art. 37).
des registres, marges qui ne peuvent plus contenir toutes les men-
marges
tions dont on les encombre.
Reste à savoir comment la mention en marge ? Jusqu'à la loi du
s'opère
17 août 1897, les mentions en marge étaient faites à la requête des parties
intéressées. Celles-ci devaient réclamer une expédition de l'acte donnant
lieu à mention, la faire enregistrer et la produire ensuite, avec une réquisi-
tion, à la Mairie de la commune qui possédait dans ses archives le registre
sur lequel la mention devait être inscrite. Or, ces parties négligeaient sou-
vent de remplir ces formalités ; et la mention n'avait pas lieu.
Depuis la loi de 1897, la mention doit être faite d'office (art. 49, 1er al.;.
L'officier qui a dressé ou transcrit l'acte donnant lieu à mention effectue
celle-ci dans les trois jours, s'il détient les registres sur
lesquels elle doit
se faire (art. 49, 2e al.). Dans le même délai, il adresse un avis au procureur
de la République de son arrondissement ; celui-ci veille à ce que la mention
soit faite, d'une façon uniforme, sur les registres existant dans les archives
des communes ou des greffes, ou dans tous autres dépôts publics (art. 49,
3e al), c'est-à-dire partout où existe un exemplaire de l'acte de l'état-civil
(Cire, du garde des sceaux du 1er octobre 1897).
inscrits sur les registres que la loi attache la force probante (art. 45, 194,
Par conséquent, le fait de rédiger un acte sur une feuille volante ne
319).
avoir aucune valeur aux de la loi. présence En d'une telle irré-
peut yeux
les intéressés n'auraient qu'une ressource : prouver devant le
gularité,
tribunal la réalité du fait constaté sur feuille volante ; prouver ensuite la
faute commise par l'officier de l'état civil. Le tribunal, comme nous le
verrons, rendrait alors un jugement qui serait transcrit sur les registres,
et tiendrait lieu d'acte
régulier.
3° Il y aurait également nullité de l'acte de l'état civil qui serait reçu
dans une commune autre que celle où la déclaration devait être faite
d'après la loi.
4° Même solution enfin si l'acte était dressé ex intervallo, c'est-à-dire à
distance de la déclaration. En effet, les garanties de conformité entre les dé-
clarations des comparants et l'acte de l'état civil feraient défaut dans ce cas.
mariage.
— de
§ 1. Actes naissance.
L'acte de naissance est le plus important des actes de l'état civil. Il fixe*
d'un jugement rendu par le tribunal civil. Cette solution a été consacrée
par la loi du 20 novembre 1919 qui a complété en ce sens l'article 552.
1. Les déclarations de naissance aux armées doivent être faites dans les dix jours
qui suivent l'accouchement (art 93 G. c, modifié par la loi du 17 mai 1900),
I. — TITRE I. — TROISIEME PARTIE
400 LIVRE
de sa —
- Individualisation de l'enfant et constatation filiation.
C.
le sexe de les qui lui sont donnés,
L'acte doit indiquer l'enfant, prénoms
et domiciles des père et mère (article
les prénoms, noms, âges, professions
57, 1er alinéa».
et noms des parents va de soi quand il s'agit
L'indication des prénoms
et il est d'usage d'indiquer qu'il est né de tel homme
d'un enfant légitime,
son bien l'article 57 n'exige pas cette
et de telle femme, épouse, que
mention.
d'un enfant on ne mentionne pas le nom du
Quand il s'agit naturel,
ne vient lui-même faire sa déclaration, cas au-
père, lorsque celui-ci pas
nom et sa valent reconnaissance de la
quel l'indication de son signature
filiation.
au nom de la mère, le souvent le déclarant le fait con-
Quant plus
l'officier de l'état et celui-ci doit alors le mentionner dans
naître à civil,
ne vaut bien entendu, mais elle
l'acte. Cette indication pas reconnaissance,
l'enfant un être précieux et auquel la
contient pour renseignement qui peut
nous l'avons vu, attaché même dans certains cas un cer-
jurisprudence a,
tain effet Mais, d'autre l'officier de l'état civil ne peut pas
probatoire. part,
du déclarant le nom île la mère. S'il le faisait, le déclarant aurait le
exiger
droit de se refuser à répondre, car l'article 57, 1er alinéa, ne vise évidem-
Enfin, l'acte de naissance doit énoncer le nom du déclarant, s'il n'est pas
le père (art. 34).
—
§ 2. Actes de décès.
1. La loi ne dit pas dans quelle commune l'acte doit être dressé, mais il résulte
évidemment de l'article 77 que c'est dans la commune du lieu du décès. Il y a des
cas
où la loi prescrit à l'officier de l'état civil d'envoyer une expédition à l'officier
du domicile de la personne soit transcrite sur les
décédée, pour que cette expédition
registres (V. art. 82, 2° al., pour les cas de mort violente, art. 80, de décès dans les hô-
pitaux, établissements publics, prisons ou autres, art. 86, de décès pendant un voyage
maritime, art. 94, de décès des militaires et marins dans certains cas spéciaux), Si le
dernier domicile de l'individu en question est à Paris ou si son domicile est inconnu.
la transcription doit être effectuée à Paris, à la mairie du 1er arrondissement (Loi du
LIVRE I. — TITRE I. —- TROISIÈME PARTIE
402
(art. 79).
défunt est que dans
décédé la commune
ailleurs
Enfin, lorsque le
l'officier de l'état civil doit, dans le plus bref délai,
où il était domicilié,
de la commune du dernier domicile du défunt une
adresser à l'officier
l'acte de décès sera immédiatement transcrit sur les
expédition de qui
commune 80 complété par la loi du 20 novembre
registres de cette (art.
1919).
79 ne de mentionner dans l'acte le jour et
L'article prescrivait pas
Etait-ce un oubli ou une omission volontaire ?
l'heure du décès.
a été discuté. On a que les rédacteurs
C'est un point qui prétendu
voulu aussi grave question, si importante
du Code n'avaient pas qu'une
dévolution héréditaire des biens du défunt, fût ainsi tranchée sur
pour la
affirmation d'un intéressé. Cet n'avait pas de valeur.
la simple argument
à l'acte ne servir évidemment de preuve, étant
La mention portée peut
le fait ainsi relaté n'a été constaté par l'officier de l'état
donné que pas
lui-même. Dès lors, si un débat s'élève sur le jour et l'heure du décès,
civil
des intéressés devra faire valoir ses moyens de preuve, abstrac-
chacun
tion faite de l'indication sur l'acte ; d'où il résulte que la mention
portée
du et de l'heure n'a aucun inconvénient.
jour
la loi du 7 février 1924 de mentionner dans l'acte le
Aussi, prescrit-elle
et l'heure du décès (art. 79 nouveau).
jour
les circonstances ont la mort ne doivent pas être
Enfin, qui accompagné
relevées. L'article 85 l'indique expressément pour les cas les plus impor-
tants : « Dans tous les cas de mort violente, ou dans les prisons ou maisons
nemi, morts de leurs blessures ou des suites d'une maladie contractée sur
le champ de bataille, ainsi que dans celui des civils tués par l'ennemi, la
mention « mort pour la patrie ».
10 août 1917). Mais la loi ne prescrit pas d'une façon générale de transcrire l'acte de
décès de la personne morte eu un lieu autre que celui de son domicile sur les registres
de la commune du dit domicile.
ACTES DE L'ÉTAT CIVIL 403
individu ne
peut être retrouvé. Le
législateur a procédé par voie de me-
sures successives visant les hypothèses les plus intéressantes. Ces mesures
sont de deux sortes.
A. — Les unes ont un caractère permanent.
— C'est d'abord un décret
du 3 janvier 1813 contenant des dispositions de police relatives a l'exploita-
tion des mines.
L'article 18 prescrit aux maires de se faire représenter les corps des ou-
vriers qui auraient péri par accident dans une exploitation, et de ne permettre
leur inhumation qu'après qu'il a été dressé procès-verbal de l'accident.
L'article 19 du même décret, prévoyant le cas où il y aurait impossibilité
de parvenir jusqu'au lieu où se trouvent les corps des victimes, ordonne
de faire constater cette circonstance par le maire, qui en dressera procès-
verbal et le transmettra au procureur de la République, à la diligence
duquel, et sur l'autorisation du tribunal, cet acte sera annexé aux registres
de l'étal civil.
Pendant longtemps, il n'y a pas eu d'autre texte que le décret précité.
D'où une grande incertitude dans la surtout en ce concer-
pratique, qui
nait les marins disparus en mer. Comment fallait-il faire constater leur
disparition ? Deux procédés paraissaient On d'abord
possibles. pouvait
penser à suivre les règles de l'Absence, faire déclarer l'absence des dispa-
rus et envoyer leurs héritiers présomptifs en de leurs biens
possession
(art. 115 et s., C. civ.). Mais celte procédure est
et comme l'ab-
longue,
sence ne rompt pas le mariage 139, C. civ.), la femme ne peut
(art. pas
se remarier. D'autre part, dans les cas où le décès ne lait pas de doute,
mais où le corps ne peut pas être il n'y a pas lieu à déclaration
retrouvé,
d'absence, car l'absence suppose qu'on si l'individu est vivant ou
ignore
mort (V. note de M. Planiol sous D. P. 90.2.305). Un second procédé plus
simple consistait à demander au tribunal de constater les circonstances
permettant d'établir le naufrage et, partant, le décès des marins. C'est à
cette seconde extrémité que recouraient le plus souvent les mais
intéressés,
il n'y avait pas accord dans la Certains tribunaux
Jurisprudence. seule-
ment accueillaient ces demandes et rendaient un jugement constatant le
décès, lorsque la preuve du naufrage était établie.
La loi du 8 juin 1893, portant modification des dispositions du Code ci-
vil relatives à certains actes de l'état civil et aux testaments faits suit aux
armées, soit au cours d'un loi dont nous
voyage maritime, avons déjà
parlé, a comblé cette lacune en complétant les articles 87 à 92 du Code ci-
vil. Ces visent deux cas : 1° les disparitions en mer ; 2° les décès
textes aux
colonies ou lors des expéditions d'outre-mer des marins et militaires
quand il n'a pas été dressé d'acte régulier de décès ».
Ils distinguent deux hypothèses :
a) Il s'agit de personnes inscrites au rôle d'un bâtiment ou
d'équipage
présentes à bord, tombées à l'eau sans leur
que corps puisse être retrouvé.
L'autorité compétente du bord dresse alors un procès-verbal de dispa-
1. Ils s'appliquent
également en cas de disparition sans nouvelles d'un aéronef
(Loi 31 mai 1924, art. 59).
ACTES DE L'ÉTAT CIVIL 405
rition, lequel est transcrit sur les registres de l'état civil du dernier domi-
cile (art. 87).
b) Il y a présomption de perte totale d'un bâtiment ou bien disparition
d'une partie de l'équipage ou des passagers sans qu'il ait été possible d'en
dresser procès-verbal. Il est alors procédé à une enquête administrative,
et le Ministre de la Marine prend une décision déclarant la présomption
"de perte du navire ou de disparition d'une partie de l'équipage. Le tribu-
nal civil du lieu du décès, ou du port d'attache, est saisi soit par le procu-
reur général, soit par les parties, et rend un jugement collectif constatant
les décès 88,
(art. 90, 91). Ce, jugement est transcrit à sa date sur les re-
civil
de l'état du port d'armement. Il tient lieu d'acte de l'état civil
gistres
et il en est délivré des extraits individuels (art. 92). Il résulte de l'article 92
in fine que ce jugement a la même force probante qu'un acte de l'état ci-
vil. Il est opposable aux tiers. C'est une dérogation à la règle que les dé-
cisions rendues en matière gracieuse n'ont pas l'autorité de la chose jugée.
On suit une procédure analogue pour les militaires ou marins morts aux
colonies.
Il est à remarquer que loi de 1893 ne prévoit pas tous les cas où il y a
mort sans que l'on, puisse retrouver le corps. Mais il n'est pas douteux
qu'il faut appliquer par analogie ses dispositions.
B, —D'autres ont un caractère transitoire. — Il en est ainsi de
dispositions
la loi du 13 janvier 1817 relative aux moyens de constater le sort des mili-
taires ou marins disparus pendant les guerres qui ont eu lieu du 21 avril
1792 jusqu'au traité de paix du 20 novembre 1815. Celle loi autorisait les
intéressés à faire la preuve testimoniale du décès, mais seulement s'il était
préalablement prouvé qu'il n'y avait pas eu de registres ou qu'ils avaient
été perdus ou détruits en tout ou en partie, ou que leur tenue avait éprouvé
des interruptions (art. 5). La loi du 9 août 1871 a remis cette loi en vigueur
pour les soldats et marins qui ont disparu depuis le 19 juillet 1870 jusqu'au
31 mai 1871.
La guerre de 1914 a rendu nécessaires des
dispositions transitoires du
même genre. La loi du 3 décembre 1915 a donc décidé que les articles 89,
90,91, 92 du Code civil seront applicables au cas de toute personne déçé-
dée victime des opérations de guerre postérieurement au 2 août 1914
quand il n'aura pas été dressé d'acte de décès. Après enquête administra-
tive, le Ministre compétent (selon les cas, le Ministre de la Guerre, celui
de la Marine ou celui de l'Intérieur) déclare qu'il y a présomption de décès ; il
transmet ensuite cette décision au procureur général dans le ressort duquel
se trouve le dernier domicile du défunt, et ce magistrat poursuit devant le
tribunal de ce dernier domicile la constatation judiciaire du décès. Le
jugement rendu à cet effet est transcrit sur les registres de l'état civil 1.
1. V. Ed. Lévy, La Guerre et les actes de décès, extrait des Lois nouvelles, 1916.
Voir l'instruction du Ministre de la Guerre du 2 juin 1916 concernant la constatation
aux armées des disparitions, décès et inhumations (Dalloz, Guerre de 191b, docu-
ments officiels, 12° vol.).
CHAPITRE II
public. Ainsi,
partie àla laquelle on la grosse d'un acte Dotarié et
oppose
qui soutient qu'elle n'est pas conforme à l'original peut exiger la présen-
tation de ce dernier. C'est que des erreurs matérielles peuvent s'être glis-
sées dans la rédaction de la copie, et pour en constater l'existence, il faut
la comparer au titre lui-même.
Si la loi fait exception à cette règle pour les actes de l' état civil, c'est que
le déplacement des registres pourrait entraîner leur dégradation ou leur
perte. Il ne serait pas possible, du reste, pour les registres de l'année
courante. En outre, les chances d'erreurs dans les
copies sont moindres que
pour les actes notariés, car la teneur de l'acte de l'état civil est assez courte.
D'ailleurs, la loi prend toute précaution pour empêcher ces errreurs.
Les copies doivent être certifiées conformes à l'original par l'officier pu-
blic (art. 45.). La sincérité de cette certification est les
garantie par
peines qui sanctionneraient une fausse affirmation. Ajoutons le contrôle
que
des extraits certifiés conforme est facile. Si une partie l'extrait
prétend que
n'est pas conforme au registre, elle peut en demander un nouveau, et
s'il y a désaccord entre les deux, le tribunal a le droit d'ordonner une
vérification directe sur les registres. L'ordonnance du 18 août 1819 règle
à cet effet la façon dont se fera le c'est à-dire au
compulsoire, l'apport
greffe des registres courants pour permettre la vérification.
L'article 45 (2e phrase) du Code civil détermine le de force
degré pro-
bante des copies des actes de l'état civil. Elles font foi, comme cela est la
règle pour les actes authentiques, jusqu'à de c'est à dire
inscription faux,
jusqu'à ce qu'on ait prouvé, soit que la émane d'un faussaire
copie (faux
matériel), soit que l'officier public a commis le crime de faux en faisant
y
ACTES DE L'ÉTAT CIVIL 407
1. Et pourtant, il n'est pas douteux que l'individu qui fait une déclaration men-
songère à l'officier de l'état civil commet un crime de faux en écriture publique
(V, Garraud, Traité théorique et pratique du droit pénal français, t. III, nos 127 à
131). Mais cela ne prouve nullement que sa déclaration fasse foi jusqu'à inscription
de faux. Si la loi attache aux affirmations de. l'officier public une force-probante
plus grande qu'à celles d'un particulier, c'est parce qu'il est investi d'une fonction
publique et mérite une confiance plus grande qu'un individu, intéressé peut-être à
faire Une déclaration mensongère.
2. V. Civ., 16 mars 1841, S. 41.1.532, D. /. G., V Nom, n° 19 : « Si aux termes de
l'article 45 du Code civil, les extraits des registres de l'état civil font foi jusqu'à
Inscription de faux, cela ne doit s'entendre que des faits qui se passent devant l'of-
LIVRE I. — TITRE I. — TROISIÈME PARTIE
408
complète.
de pareils événements se produisent, il fauL bien permettre aux
Lorsque
intéressés de faire la preuve des actes coucernant leur état civil ou celui
— Cf. Paris,
ficier de l'état civil et dont la réalité est constatée par lui. » 31 juillet
1890, D. P. 91.2.129, S. 92.2.302 :« Dans un acte de décès, l'identité et l'âge du décédé
n'étant établis que par l'attestation des déclarations, la preuve contraire peut être
faite en la forme ordinaire. »
1. Il y avait eu un précédent de ce fait. En 1815, tous les registres de l'état civil
de la ville et d'une partie de l'arrondissement de Soissons furent perdus ou détruits.
Les registres incendiés en 1871 à Paris comprenaient: 1° les anciens registres des
paroisses qui remontaient à François 1er et que la Révolution avait réunis eu un
dépôt unique ; 2° les registres de l'état civil de 1792 à 1860. Pour les registres pos-
térieurs à 1860, les mairies avaient conservé l'un des doubles, ce qui évita le désastre.
De même qu'en 1815 on avait fait une loi pour reconstituer les registres de Soissons
(ordonnance du 9 janvier 1815), de même on promulgua, le 12 février 1872, une loi
destinée à assurer la reconstitution des actes détruits. Il n'est pas possible en effet,
en présence de pareils désastres, de laisser aux particuliers le soin d'agir par la
voie judiciaire.
ACTES DE L ETAT CIVIL 409
DROIT. — Tome I.
LIVRE I. — TITRE I. — TROISIÈME PARTIE
410
mariage, toutes les fois que cette légitimité est prouvée par une possession
d'état qui n'est point contredite par l'acte de naissance. Ainsi, en pareil
laquelle se fonde cette disposition est évidemment que les enfants peuvent
ignorer le lieu où les parents se sont mariés. Cette considération fait
ressortir l'esprit du Code civil et nous permet de conclure que, toutes
les fois
qu'une personne ignore dans quelle commune a été dressé l'acte
constatant le fait, relatif à l'état civil dont elle veut faire la preuve, elle doit
être autorisée à recourir aux modes de preuve subsidiaires de l'article 46.
La jurisprudence s'est plusieurs fois prononcée en ce sens ; elle a permis
l'administration des modes subsidiaires de preuve par un réclamant allé-
guant que l'on avait omis d'inscrire l'acte
(V., sur
en les registres der-
nier lieu, Bordeaux, 15 février 1888, D. P. 89.2.197, S. 88.2.192).
De même, avant la loi du 8 juin 1893 précitée, qui a prévu le cas des per-
sonnes disparues dans un voyage en mer, il était admis que, lorsqu'un na-
vire, avait péri corps et biens, le décès des marins ou passagers pouvait être
établi par témoins ou présomptions (Bordeaux, 2 juin 1875 et 7 février 1876,
D. P. 78.5.11, S 76.2.10 et 77.2.52 ; note de M. Planiol D. P. 90.2.305).
Ajoutons que les intéressés sont admis à se prévaloir de la disposition
de l'article 46 lorsque, un acte de l'état civil été ils se
ayant dressé,
trouvent de le produire
empêchés par un cas de force majeure (Req. 14 no-
vembre 1922, S. 1924.4.71).
Enfin, à la suite nombreuses destructions où dans la
des irrégularités
tenue des registres survenues la de le législateur, en
pendant guerre 1914,
même temps qu'il prenait des mesures la reconstitution des -
pour registres,
(lois des 1er juin 1915 et du 15 décembre a permis du 20 juin
1923), (loi
1920) de suppléer par des actes de ce que la reconstitu-
notoriété, jusqu'à
tion ou la restitution des ait été à tous les actes de
registres effectuée,
l'état civil, dont les originaux ont été détruits ou sont suite
disparus par
de faits de guerre.
L'ÉTAT CIVIL 1
RECTIFICATION DES ACTES DE
énonciations qui se
glissent dans un acte de l'état civil ne
prohibées
à moins de présenter un caractère purement matériel, être
peuvent pas,
rectifiées l'officier de l'état civil, ni même par le procureur de la Répu-
par
de la vérification des registres. Il faut, pour les réparer, une .
blique chargé
décision ordonnant de faire la rectification (art. 99, 1er al.).
judiciaire
Il y a là une règle traditionnelle, qui était déjà admise dans noire Ancien
Droit.
Il serait, en effet, fort dangereux de permettre aux maires ou adjoints ou
même aux membres du Parquet de modifier les actes une fois rédigés. De tels
1. La rectification des actes de l'état civil est une matière malheureusement très
pratique à cause des trop nombreuses irrégularités, erreurs, omissions commises
par les officiers de l'état civil. Voici un aperçu statistique des jugements rendus sur
des demandes de ratification.
Affaires inscrites non inscrilcf
Années Maures
au c' est-à-dire jugées
rôle sur requête
1880 97 4.285
190) 196 4.255
1995 . . 198 3.790
ACTES DE L'ÉTAT CIVIL 413
décide que les actes de décès des militaires, des marins de l'Etat et des
personnes employées à la suite des armées, dressés depuis le 2 août 1914
jusqu'à une date qui sera fixée par décret après la cessation des hostilités,
peuvent être l'objet d'une rectification administrative, lorsqu'ils présentent
des lacunes ou des erreurs, sans que le fait du décès, ni l'identité du décé-
dé soient douteux. Cette rectification intervient d'office, ou sur la requête,
soit de l'officier de l'état civil qui a dressé ou transcrit l'acte, soit du pro-
cureur de la République, soit des parties intéressées. La procédure de
rectification administrative instituée par cette loi est applicable aux actes
de décès des personnes non militaires, dressés dans les conditions pré-
vues par l'alinéa 3 de l'art. 93 du Code civil.
Une autre dérogation au principe résulte de l'alinéa 5 de l'article 75
modifié par la loi du 9 août 1919, prévoyant le cas où les actes de l'état civil
point entre eux quant aux prénoms ou l'orthographe des noms. L'article 75
—
§ 1. Dans quels cas y a-t-il lieu à rectification
d'un acte de l'état civil ?
La rectification d'un acte peut être demandée toutes les fois qu'il contient
des mentions inexactes, ou des énonciations prohibées, ou omet des indica-
tions qu'il devrait contenir. En fait, la plupart des actions en rectification ont
pour objet soit de faire rectifier l'orthographe du nom de famille mentionné
dans l'acte; soit de supprimer une erreur commise dans l'indication des pré-
noms de l'enfant, des époux, du défunt. Souvent aussi, elles tendent à faire
insérer dans l'acte un titre nobiliaire qui ne s'y trouve pas mentionné.
Il y a eu, sur ce dernier point, de longues hésitations dans la Jurispru-
dence. Certains arrêts de cours d'appel avaient décidé que la demande
tendant à faire ajouter une nobiliaire, même légalement éta-
qualification
blie, n'est pas recevable, sous le prétexte ne s'agit pas là d'une men-
qu'il
tion prescrite 12 juillet 1862, D. P. 62.2.124, S. 62,2.461 ;
par la loi (Toulouse,
Nancy, 7 mai 1864, S. 64.2.102), et que le titre nobiliaire ne modifie pas
l'état civil de l'intéressé. D'autres arrêts, au contraire, avaient admis que
l'insertion d'un titre de noblesse dans un acte de l'état civil peut faire l'objet
d'une demande en rectification, comme celle de toute mention complétive
414 LIVRE I. TITRE I TROISIEME PARTIE
civile du 1er juin 1863 (D. P. 63.1.216, S. 63.1.447. Cf. Req., 26 octobre 1897,
fet dé faire mentionner un titre nobiliaire dans un acte de l'état civil, sont
tion, lorsqu'un acte n'a pas été inscrit dans les délais légaux sur les registres
de l'état civil. C'est ce qui peut avoir lieu, comme nous l'avons dit, soit
acte de naissance n'a pas été dressé dans les trois jours, soit
lorsqu'un
de divorce n'a pas été transcrit sur les registres, comme
lorsqu'un jugement
l'exige l'article 252, 2e al., le cinquième jour de la réquisition (Amiens,
29 avril 1890, D. P. 92.2.214, S. 92.2.153. V. art. 55, al. 2, nouveau).
B. — Il arrive souvent que la demande en rectification soulève une ques-
tion de fond relati\e à l'état de l'intéressé ; par exemple, un enfant prétend
que le nom mentionné comme étant celui de son père ou de sa mère est
inexact, ou encore que l'on a omis d'indiquer la qualité de gens mariés qui
appartenait à ses père et mère, en un mot que l'acte à rectifier lui attribue
un état autre que son état véritable. Or, la preuve de la filiation est sou-
mise par le Code civil à des conditions spéciales indiquées au titre de la
Filiation. Il ne faut donc pas qu'un individu puisse échapper à ces règles
en déguisant sa véritable prétention sous une question de rectification.
Aussi, en pareil cas, la Jurisprudence décide-t-elle que la question d'état
est la question principale, et que les règles exigées pour la preuve de l'état
doivent êtres suivies, tant au point de vue des conditions de la preuve que
de la compétence du tribunal (Req., 8 avril 1910, S. 1912.1.109, motifs;
Req. 13 novembre 1882, D. P. 84.1.120, S. 83.1.272).
Il n'en serait autrement que s'il était prouvé qu'il s'agit de réparer une
simple omission, par exemple, d'insérer la mention, omise dans l'acte de
—
§ 2 Qui peut demander la rectification ?
public, ont rappelé que ce droit lui était reconnu en matière d'actes de
l'état civil par une tradition de 1667, art, 14, titre 20,, et
longue (Ordonn.
par un Avis du Conseil d'Etat du 12 brumaire an XI (3 novembre 1802).
Aujourd'hui la question est. tranchée par la loi du 20 novembre 1919,
modifiant l'alinéa 1er de l'article 99, et décidant formellement que la requête
à fin de rectification peut émaner du Procureur de la République.
— en rectification.
§ 3. Procédure et effets de l'instance
de l'effet du jugement.
quel est le danger qu'a voulu éviter le législateur. Supposons, par exemple,
qu'une personne ait demandé une modification à son nom pour le faire
Les registres de l'état civil ne rendent pas tous les services qu'on pour-
rait leur demander.
On leur reproche d'abord d'être incomplets, ils ne mentionnent pas tous
les faits qui peuvent modifier Yétat de l'individu. L'émancipation, la sépa-
ration de corps n'y sont pas portées, et la reconnaissance d'un enfant natu-
rel n'y est inscrite
qu'autant qu'elle est faite devant l'officier de l'état civil.
Ce n'est pas là, il faut le reconnaître, une lacune bien sérieuse. L'éman-
cipation est, en fait, fort rare ; quant à la reconnaissance, il n'y a que l'en-
fant qui ait intérêt à la connaître. Enfin, la séparation de corps est aisée à
constater pour ceux qui traitent avec la femme.
Quelques auteurs voudraient qu'on mentionnât sur les registres tous les
faits modificatifs de la capacité des individus, comme le jugement d'inter-
diction ou de nomination de conseil judiciaire, mais ce serait là transfor-
4ÎS LIVRE I. — TITRE I. — TROISIÈME PARTIE
nous parlerons plus loin pour faire connaître ces événements aux tiers
bunal, un véritable casier civil sur lequel seraient mentionnés, non seu-
lement tous les faits relatifs à l'état civil de l'individu, depuis sa nais-
sance jusqu'à son décès, mais les actes qui viendraient modifier sa capa-
cité, et que les tiers qui traiteront avec lui auraient intérêt à connaître:
DU DOMICILE ET DE L'ABSENCE
1
DU DOMICILE
— Notions
§ 1. générales.
cile art. 1258, 6°). Si, en revanche, le débiteur n'exécute pas son obligation,
le créancier lui adressera une sommation de payer ; il le citera en justice
il lui fera
un commandement.
par un exploit d'ajournement, signifier Or, le
créancier n'est de remettre
pas tenu tous ces actes à la personne même de
son débiteur, il serait trop facile à celui-ci de se soustraire aux recherches.
Aussi, le créancier fera-t-il porter ces communications au domicile du débi-
teur, lieu connu, déterminé, où celui-ci est censé se trouver d'une façon
permanente, ou être représenté par quelqu'un qui l'avertira.
2° En règle générale, lorsqu'une personne en poursuit une autre en jus-
autrefois entre
coutumes les différentes
Les conflits qui s'élevaient se
la loi française et les lois étrangères. La théoT
aujourd'hui entre
présentent
à pet importance, bien réduite
rie du domicile a conservé égard quelque
l'article 3 du Code civil, les lois concernant l'état
cependant, par, d'après
les Français, même résidant en pays
et la capacité des personnes+ régissent
du statut n'est donc plus, aux yeux
étranger, La loi régulatrice personnel
la loi du domicile, mais celle de la Ratio-
du mpjng du législateur français,
nalité.
§| 2. — Détermination du domicile.
tuts personnels des statuts réels (Ed. Bugnet, t. I, p. 2 ; Cf. Laine, Bulletin de
et
la Société de législation comparée, 1890, p. 341 et s.).
1. Cf. Gierke, Deutsches Privatrechl (1895) § 57, p. 453. Le Code civil allemand dit
dans son article 7 : « Celui qui se fixe d'une façon stable dans un lieu y établit son
domicile. »
Il en résulte que, dans le système allemand, une personne peut avoir
plusieurs domiciles, tandis que, dans le nôtre, elle n'en a jamais qu'un. Ce système
est préférable au nôtre, parce qu'il est plus près de la réalité. Il ne soulève pas les
difficultés d'applipation pratique auxquelles donne lieu la loi française. Il a fallu
chez nous que la Jurisprudence aplanisse ces difficultés en élargissant un peu la
notion de domicile, et en brisant, là où il était trop gênant, le caractère artificiel
que le Code lui a donné.
2. Pothier, éd. Bugnet, t. I, p. 3. On comprend pourquoi nos anciens auteurs
avaient éprouvé le besoin de donner au domicile un caractère de fixité, et de distin-
guer le domicile de la résidence. C'est que, dans notre Ancien Droit, il ne faut pas
l'oublier, le domicile servait surtout à déterminer le statut personnel de l'individu,
c'est-à-dire les dispositions coutumières qui réglaient son état. Or, c'est à nos anciens
auteurs que les rédacteurs du Code civil ont emprunté les règles des articles du
titre 3, livre 1 (102 et suiv.), sans se rendre compte qu'elles avaient été surtout
établies en vue d'un intérêt que l'unification de notre législation avait fait dispa-
raître. C'est bien là ce qui fait que les dispositions édictées par eux conviennent si
peu aux rapports juridiques modernes.
3. Il n'est pas nécessaire du reste que cet établissement ait un caractère défini-
tif. (V. Civ., 7 mai 1907, S. 1908.1.150).
DOMICILE 423
1. Ainsi un jeune homme qui fait son service militaire, conserve le domicile qu'il
avait auparavant; il n'est pas domicile; pendant la durée de son service, dans les
différentes garnisons où il est envoyé. (V. Bordeaux, 21 novembre 1904, D. P. 1903.
2.499, S. 1904.2.158).
2. Le mineur n'a plus de domicile de la puissance
émancipé légal, car il est affranchi
paternelle et de la tutelle. De même, à. dater de la majorité, l'ex-mineur n'a plus de
domicile légal. Sans doute, il peut conserverie domicile de ses parents ou du tuteur,
de fait.
s'il ne se crée pas un autre ce n'est
établissement, mais qu'un domicile
LIVRE I. — TITRE II
424
vaillent, lorsqu'elles demeurent avec elle dans la même maison (art. 109).
2° En second lieu, les fonctionnaires nommés à vie, c'est-à-dire qui
exercent des fonctions à la
perpétuelles foiset irrévocables, sont domiciliés
dans le lieu où ils doivent exercer leurs fonctions, dès qu'ils les ont accep-
tées (art. 107). Comme fonctionnaires de ce genre, nous citerons les juges
des tribunaux civils, les conseillers des cours d'appel, de la Cour de cassa-
tion, de la Cour des comptes, les notaires, etc. 1
Au contraire, les fonctions qui sont soit temporaires, soit révocables,
n'emportent pas, de plein droit, translation du domicile de leur titulaire
(art. 106). Celui-ci peut donc, après sa nomination, conserver le domicile
qu'il avait
auparavant ; il ne le transporte au lieu où il est nommé que
quand il s'y fixe lui-même en fait. C'est le cas pour les préfets, les juges
de paix, les magistrats du Parquet, etc..
On le voit, les fonctionnaires inamovibles
acquièrent leur nouveau domi-
cile, au moment même de leur acceptation, et avant qu'ils soient arrivés à
leur poste. Une telle solution est un véritable abus de logique. Elle prête
à de fâcheuses bizarreries. Il est difficile de la justifier rationnellement.
En réalité, cette distinction entre les fonctions inamovibles et les amovibles
remonte à l'Ancien Droit 2. Elle pouvait avoir sa raison d'être autrefois, à
une époque où beaucoup de personnes pourvues de charges amovibles ne
résidaient pas au lieu de leurs charges. Aujourd'hui, elle n'en a plus au-
cune, elle ne correspond en effet à aucune différence réelle entre les
deux sortes de fonctionnaires. Par exemple, pourquoi le premier prési-
dent d'une cour d'appel est-il domicilié de droit au siège de la cour d'ap-
pel, alors que le procureur général ne l'est pas ?
de la du domicile. — La
Conséquences conception française
conception française du domicile a conduit les auteurs à admettre deux
principes qui, au point de vue logique, sont incontestables, mais peu dé-
fendables sur le terrain des faits :
Première : Un seul domicile une — Un indi-
conséquence pour personne.
vidu ne peut avoir qu'un domicile, quand bien même il posséderait divers
établissements situés en des lieux différents. Il est impossible qu'une
personne possède plusieurs domiciles. Que telle ait été la pensée des au-
teurs du code, c'est ce qui ne peut être mis en doute. La discussion qui s'est
élevée à ce sujet lors des travaux préparatoires, et les textes mêmes du
Code ne laissent pas place à la discussion. Malleville avait demandé en
effet qu'on admît la possibilité pour une personne d'avoir plusieurs domi-
ciles. Il faisait valoir qu'on l'admettait à titre d'exception dans notre ancien
façon continue (art. 74 et 165, C. civ. modifiés par la loi du 21 juin 1907).
2° La femme mariée commerçante acquiert un domicile spécial pour ses
opérations de commerce, si le fonds qu'elle exploite est situé dans une autre
commune que celle où son mari est domicilié. Mais elle conserve toujours
son domicile général chez ce dernier.
3° Les condamnés à la déportation et les condamnés à la transportation
— L'élection de domicile
Effets de l'élection de domicile (art. 111).
en général un double effet :
produit
au tribunal du lieu indiqué pour juger les
1° Elle donne compétence
naître entre les parties. Donc elle dispense le
contestations qui peuvent
de poursuivre son adversaire devant le tribunal du domicile de
demandeur
là le grand de l'élection de domicile 1.
ce dernier. C'est avantage
du reste, le droit d'assigner son débiteur au domi-
Le créancier conserve,
réel. Il n'en serait autrement si l'élection de domicile avait été
cile que
l'intérêt des deux 14 juin 1875, D. P. 75.1.289,
faite dans parties (Civ.,
S. 76.1.172).
2° La personne chez l'élection de domicile est faite, est constituée
laquelle
mandataire à l'effet de recevoir tous les actes de procédure que l'intéressé
très rare ; mais quand cela se produit, il faut que les actes de procédure
soient au domicile réel de l'adversaire.
signifiés
il cas où l'élection de domicile a exclusivement
En revanche, y a des
en vue ce second effet. Ainsi, le créancier hypothécaire doit, dans l'acte
de son hypothèque, faire élection de domicile dans un lieu
d'inscription
de l'arrondissement du bureau de la conservation des hypothèques
(art. 2148-1°). Cette élection sert pour les diverses notifications que les inté-
ressés pourront avoir à adresser au créancier, soit pour purger ou saisir
l'immeuble, soit pour faire réduire ou rayer l'inscription. Or, il est intéres-
sant de constater que cette élection doit être laite même si le créancier a
son véritable domicile dans L'arrondissement. En effet, le domicile réel
être déplacé, et l'élection de domicile protège les intéressés
pourrait
contre cet inconvénient. La précaution prise ainsi par la loi, dans une hy-
1. Les compagnies d'assurances qui font des opérations sur tout le territoire
avaient pris l'habitude d'insérer dans toutes leurs polices une clause d'élection de
domicile au siège social de la société. Les assurés étaient donc obligés, quel que
fût le lieu où le contrat avait été conclu, de poursuivre la compagnie devant le tri-
bunal du siège social, c'est-à-dire, pour la plupart des sociétés, devant le tribunal
civil de la Seine. Il a fallu une loi pour mettre un terme à cet abus : c'est la loi du
2 janvier 1902, qui a donné compétence au tribunal du domicile de l'assuré, d'une
façon générale, et, exceptionnellement, au tribunal du lieu de la situation des im-
meubles et des meubles pour l'assurance contre les risques les concernant, enfin au
tribunal du lieu de l'accident pour l'assurance contre les accidents,
DOMICILE 429
L'ABSENCE
qui duraient depuis 1792, le nombre des absents était devenu considérable.
L'absence est à l'heure actuelle un fait relativement rare, et cela s'explique
par la facilité des communications, qui permet d'être renseigné sur les
décès des nationaux survenus à l'étranger, et aussi par les mesures prises
pour constater les décès des militaires ou marins décédés aux armées.
Néanmoins, le nombre des personnes qui disparaissent chaque année, sans
qu'on sache ce
qu'elles deviennent, est plus grand qu'on croit ne le
généralement. Il suffit pour s'en convaincre de consulter les listes des juge
ments déclaratifs d'absences publiées au Journal officiel. Le Compte géné
rai de l'administration de la justice civile et commerciale l'an-
pendant
née 1905 constate que, dans le cours de cette année, il a été rendu 852
jugements nommant des administrateurs de biens d'absents et 683 juge-
ments ne déclaration d'absence. n'est nos douteux
Il que la dernière guerre
a amené un accroissement considérable des cas d'absence.
Comme nous l'avons annoncé, nous nous contentons de donner quelques
holions générales sur le mode de réglementation de l'absence établi par lé
Code civil, sans entrer dans l'étude détaillée des articles 112 et suivants;
ABSENCE 431
rer le décès d'un individu lorsque, depuis dix ans, il n'est par-
disparu,
venu aucune nouvelle de son existence. Il n'est pas permis de prononcer
cette déclaration avant de l'année dans laquelle le disparu au-
l'expiration
rait dû sa trente et unième année. En revanche, si le disparu est
accomplir
en d'avoir accompli sa soixante-dixième année, il peut être déclaré
âge
décédé au bout de cinq années (art. 14, 1er et 2e al.). La déclaration de dé-
époux n'ouvre pas non plus la tutelle. Le conjoint de l'absent exerce les
droits attachés à la puissance paternelle (art. 141).
Droits du patrimoine. — Il
y a ici deux catégories de droits à distinguer:
1° Ceux qui composaient le patrimoine de l'absent au moment de sa dispa-
rition ; 2° Les droits de succession testamentaire ou ab intestat qui se sont
ouverts à son profit postérieurement à sa disparition.
Parlons d'abord de ces derniers. Un droit ne peut se fixer sur la tête
d'une personne que si on prouve qu'elle vit encore au jour où il
a pris
naissance. Or, on ne peut pas prouver que l'absent vit au moment où
s'ouvre la succession à laquelle il est appelé. En conséquence, la succes-
sion sera dévolue exclusivement à ceux avec lesquels l'absent aurait été
appelé à concourir ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut (art. 135-
136).
Restent les droits lesplus importants, ceux qui composaient le patri-
moine de l'absent au moment de sa disparition. Il s'agit d'en régler le sort.
A cet effet, la loi divise la durée de l'absence en trois périodes, en se fon-
dant sur cette idée
déjà signalée, qu'on ne sait pas si l'absent est vivant ou
mort, mais qu'à mesure que l'absence se prolonge, la de
présomption
mort s'affirme, grandit, sans jamais toutefois devenir absolue.
Ces trois périodes sont : 1° la présomption d'absence : elle commence au
moment de la disparition ou des dernières nouvelles, et dure ou onze
cinq
ans, suivant les cas (art. 112 à 114). 11 y a encore de
beaucoup chances
pour que l'absent ne soit pas mort, on peut espérer reviendra. Il suf-
qu'il
fit donc de pourvoir à l'administration de ses biens, si la nécessité le
commande, c'est-à-dire si les biens sont en souffrance. C'est ce qu'on fera
en nommant, en ce cas, un administrateur des biens.
ABSENCE 433
DES INCAPABLE S
privés, mais qui n'en ont pas l'exercice, en ce sens qu'elles n'accomplissent
pas elles-mêmes ou n'accomplissent pas seules les actes qui sont nécesaires
pour leur procurer la jouissance de ces droits.
Tantôt, en effet, ces actes sont accomplis, exercés par un représentant
légal de l'incapable ; tantôt c'est, l'incapable lui même qui les exerce mais
il a besoin, à cet effet, d'une assistance ou d'une autorisation.
Les incapables dont nous nous occuperons sont : les mineurs, les aliénés,
les femmes mariées.
PREMIERE PARTIE
LES MINEURS
GÉNÉRALITÉS.
Formation et appréciation du
système français sur l'âge de la
— Le Droit romain suivait un système le
majorité 1. plus complexe que
nôtre. Dans son dernier état, il fixait à vingt-cinq ans seulement la perfecta
aetas, l'âge de la pleine majorité. Auparavant, il n'y avait pas moins de
trois périodes à distinguer. Pendant la durée de l'infantia, c'est-à dire jus-
qu'à sept ans accomplis, l'enfant, n'ayant pas atteint l'âge de raison, était
entièrement et absolument incapable. Une seconde période allait de Vin-
fantia à la pubderté. L'impubère n'était pas complètement incapable, car il
pouvait valablement accomplir les actes qui rendaient sa condition meil-
leure, c'est-à-dire qui augmentaient son patrimoine. Pour rendre sa condition
pire, c'est-à-dire aliéner ou s'obliger, il avait besoin de l'assistance ou auc-
toritas de son tuteur. Enfin, depuis l'âge de
la puberté jusqu'à vingt-cinq
ans, le pubère, du moins lorsqu'il n'avait pas de curateur, était capable en
principe, mais ceux de ses actes qui lui causaient une lésion, ou préjudicer
pouvaient, par la suite, être attaqués au moyen de la, resiitutio in integrum.
Au Moyen-Age, on a, pendant quelque temps, fixé l'âge de la majorité à
l'époque de la puberté (douze ou quatorze ans). C'est le système très simple
des législations primitives. Les majorités précoces n'y offrent pas d'in-
pas l'exercice, mais cet exercice est assuré par son mandataire légal qui est
tantôt son père, tantôt son tuteur. Dès lors, s'il de droits dont il est
s'agit
impossible de concevoir l'exercice par voie de représentation, comme le
droit de se marier, de faire son le mineur, du moment
testament, qu'il
possède en fait une capacité naturelle c'est-à-dire la pleine
suffisante,
conscience de ses actes, devra posséder, en même temps, la capacité juri-
dique d'exercer les droits en question. Sans son
quoi, incapacité, qui est
toute d'exercice, deviendrait une incapacité de jouissance : on ne le pro-
tégerait plus, on le frapperait, en le privant de ces droits. De plus, même
parmi les actes qui admettent la représentation, il en est que le mineur
peut accomplir lui-même à cause du caractère tout personnel qu'ils pré-
sentent: par exemple, la reconnaissance d'enfant naturel et le contrat de
mariage. Enfin, le mineur est autorisé la loi à faire lui-même les actes
par qui
ne peuvent avoir pour lui aucun effet
Telles sont les
préjudiciable. idées
générales qui dominent la matière. En voici maintenant les applications:
1° Dans le groupe des droits concernant l'état de la personne, le mineur
possède une certaine capacité :
A. — En matière de mariage, à partir de l'âge de la puberté, dix-huit ou
quinze ans, selon le sexe, il peut se marier avec le consentement de ses
protecteurs légaux ;
B.— Lorsqu'il s'agit de reconnaître un le mineur
enfant naturel, peut
valablement le faire, sans avoir besoin du moment a
d'autorisation, qu'il
pleine conscience de ses actes, et sans avoir besoin de l'assistance de son
représentant.
C- — Quand il d'exercer une action en recherche de la
s'agit paternité
naturelle, l'article 340, al. 10, modifié la loi du 16 novembre nous
par 1912,
dit que « pendant la minorité de la même a seule
l'enfant, mère, mineure,
qualité pour l'exercer ». Et il nous paraît certain que, par l'effet de cette
disposition, la fille-mère mineure, désireuse d'intenter au nom de son
et contre le père prétendu de celui-ci, une instance en recherche
enfant,
de la paternité, .est dispensée de toute autorisation intenter et
pour pour-
suivre le procès.
D. — A partir de vingt ans, le mineur peut contracter un engagement
militaire sans l'autorisation de ses (L. 1er avril
parents 1923, art. 61).
E. — Le mineur, même au-dessous de 16 ans, peut faire partie d'une
société de secours mutuels sans l'assistance de son représentant légal
(L. 1er avril 1898, art. 3).
F. Le mineur âgé de plus de 16 ans peut également adhérer à un
—
syndicat professionnel (V. L. 21 mars 1884, modifiée par la loi du 12 mars
1920). .
pour celles qui seraient contenues dans un contrat de mariage (art. 1398.
C. civ.) ; au contraire, l'article 904 du Code civil permet au mineur, à partir
de seize ans, de disposer par testament de la moitié de la quotité disponible.
Cette différence entre les donations et les testaments tient à deux raisons:
physionomie moins tranchée, moins rigide que celle qu'on pourrait lui
prêter d'après l'exposé des principes. Il se rapproche, dans une certaine
mesure, des conceptions des Romains, d'après lesquelles l'impubère n'est
pas un incapable du moment qu'il ne s'agit pas pour lui de rendre sa
condition pire, mais, au contraire, d'augmenter son patrimoine.
DE LA PUISSANCE PATERNELLE
DROIT. — Tome I.
LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
442
blique, la puissance paternelle s'atténue déjà: sous l'Empire, elle est plus
considérablement restreinte encore et réduite à peu près à un droit de cor-
rection. Quant au patrimoine, après avoir reconnu à l'enfant le droit de
acquisitions laites par lui, soit par voie de succession ou de donation, soit
par son industrie, ayant, en un mot, une autre source que des valeurs con-
fiées par le père, demeuraient sa propriété exclusive, sous le nom de biens
adventices. Toutefois, ces biens adventices restaient soumis à l'adminis-
tration et à l'usufruit du père de famille.
Enfin, si l'on veut se faire une idée exacte de la puissance paternelle à
l'époque classique du Droit romain, il ne faut pas oublier que le père atou-i
jours conservé le droit d'exhéréder ses enfants pour cause légitime, faculté
qui fortifiait et rehaussait singulièrement son autorité.
tumière, pour tous les cas visés dans la Novelle 115 de Justinien. Les pro-
LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
444
— sur la de
§ 1. Droits des parents personne l'enfant.
lations, de lui interdire tous rapports que les parents jugeraient dangereux
ou inopportuns, de veiller à son instruction, d'en déterminer le caractère el
1. Cette règle reçoit de larges atténuations inspirées par des considérations d'hu-
manité et d'intérêt social faciles à comprendre, étant donné surtout la grande quan-
tité des filles-mères, les difficultés qu'elles peuvent avoir à subvenir aux besoins de
leurs enfants, et le danger qu'une législation trop rigoureuse ne pousse beaucoup
de malheureuses mères à l'avortement ou à l'infanticide. La loi du 27 juin 1904, sur
le service des enfants assistés (art. 8 et 9) permet donc de déposer les enfants dans
des établissements hospitaliers désignés par le préfet du département, où ils sont
reçus dans un local ouvert de jour et de nuit, sans autre témoin que la personne
préposée au service de l'admission, et moyennant des déclarations extrêmement
succinctes. Si l'enfant paraît âgé de moins de sept mois, la personne qui le présente
peut même se refuser à toute déclaration quelconque. D'autre part, la loi du 24 juil-
let 1889, sur la protection des enfants maltraités ou moralement abandonnés, loi sur
laquelle nous reviendrons plus loin, permet aux père et mère de confier l'enfant à
l'administration de l'assistance publique, à des associations de bienfaisance régu-
lièrement autorisées ou même à des particuliers jouissant de leurs droits civils.
2. L'article 4 de la loi du 28 mars 1882 astreint le père ou celui qui a la garde de
l'enfant à faire savoir au maire de la commune, quinze jours avant la rentrée des
classes, s'il entend faire donner l'instruction à l'enfant dans sa famille ou dans une
école publique ou privée. Si l'enfant s'absente de l'école quatre fois dans le mois,
au moins pendant une demi-journée, sans justification, le père est appelé devant la
commission scolaire, qui lui rappelle le texte de la loi et lui explique son devoir
(art. 12). En cas de récidive dans les douze mois, la commission ordonne l'inscrip-
tion pendant quinze jours ou un mois, à la porte de la mairie, des nom, prénoms
de la personne responsable (art. 13). Enfin, en cas d'une nouvelle récidive, l'infrac-
tion est considérée comme une contravention (art. 14) et peut, dès lors, entraîner une
condamnation aux peines de simple police. (V. Crim., 14 et 15 décembre 1883 D. P.
84.1.213 et 214 ; S. 84.1.401, note de M. Villey). — Nous avons dit
que ces sanctions
sont, en fait, rarement appliquées. Il en résulte que le nombre des illettrés est en-
core assez élevé. Si l'on se réfère, non aux enquêtes préfectorales qui, accomplies
sur les déclarations des intéressés, sont forcément inexactes, mais aux résultats des
examens que les autorités militaires font subir aux jeunes soldats à leur arrivée au
corps, il y a, en moyenne, sur un contingent annuel de 250.000 hommes, environ près
de quinze mille conscrits ne sachant ni lire ni écrire (V. Le Temps. 25 juillet 1910)
PUISSANCE PATERNELLE 447
1. Sur ce point, aux ouvrages généraux sur la puissance paternelle cités plus
naut, adde Guche, Traité de science et de législation pénitentiaire, p. 68 et s. ;
Berthélémy. Revue philanthropique, 1899, p. 424 ; Samaran, Les pupilles de l'as-
sistance publique, thèse Paris, 1907.
2. Voici les chiffres moyens annuels de 1901 à 1910.
Garçons Filles
1901 à 1905 463 297
1906 à 1910 444 302
et les chiffres annuels pour
1910 368 232
1920 149 131
1921 .............. 149 130
1922 115 83
1923 .............. 124 101
LIVRE I. — TITRE III. PREMIÈRE PARTIE
450
1. Sur la manière dont la loi est, en pratique, exécutée, voici ce que dit M. Cuche,
op. cit., p. 78, n. 1 : « Étant donné que les maisons de courtes peines cellulaires
sont encore, en France, en petit nombre, on est réduit, dans la plupart des autres,
pour isoler l'enfant et le séparer de la population adulte, à l'enfermer dans une cel-
lule de punition, dans une chambre d'infirmerie, ou même dans une dépendance
du logement du gardien chef. Le régime matériel est celui des détenus ; quant à
l'instruction et à l'éducation, elles sont représentées par quelques visites du gar-
dien chef, »
PUISSANCE PATERNELLE 451
bauchage, racolage.
La prostitution fait de l'article Tout mineur de moins de
l'objet 1er
dix-huit ans livre habituellement est, sur la demande des per-
qui s'y
sonnes en ont la ou du ministère public, traduit devant le tri-
qui garde
bunal civil, statuant en chambre du conseil. Le tribunal décidera si l'en-
fant doit être rendu aux parents, ou placé dans un établissement public
ou ou enfin confié à un sa majorité ou son
privé, particulier jusqu'à
mariage.
L'article 2 décide de dix-huit ans se livrant habituellement
que le mineur
à la débauche sur la demande des mère ou personne en
pourra, père,
ayant la garde, être dans un quartier spécialement aménagé d'un des
placé
I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
452 LIVRE
correction. La mère n'a pas besoin du concours des parents du côté pater-
nel. Le second mariage du père ou de la mère n'entraîne ni suppression
ni restriction de leur droit.
3° C'est jusqu'à dix-huit ans seulement, et non jusqu'à la majorité, que
s'exercer le droit de correction de la loi de 1908.
peut
4° La durée de la correction est indéterminée. Elle peut même se pro-
longer jusqu'à la majorité.
5° La correction n'a jamais lieu par voie d'autorité, mais toujours sur
ment. Mais, d'une part, elle ne consistait que dans l'usufruit des biens
recueillis par l'enfant dans la succession du premier mourant de Ses père
et mère ; il n'y avait pas de garde bourgeoise sur les biens que l'enfant
aurait autrement, par exemple, en vertu d'une donation ; pas de
acquis
bourgeoise, par conséquent, pendant le mariage des parents. Et,
garde
d'autre part, cette garde prenait fin à l'âge de lapuberté, quatorze ans pour
les douze ans pour les filles (art. 266-268, Nouv. Coût, de Paris) 1.
garçons,
Très différent, on le voit, des antécédents qu'on peut lui trouver dans
l'ancienne France, l'usufruit légal des père et mère est donc bien, comme
nous le disions, une création du Code civil. On
la justifie, en général, par
une double considération : indemniser les parents des peines, des soins et
des dépenses qu'impose l'éducation des enfants ; prévenir la nécessité de
parés (art. 387) : c'est la vieille idée romaine qui avait fait admettre les
pécules castrense et quasi-castrense.
2° Biens donnés ou légués à sous la condition les père
l'enfant expresse que
et Aère n'en — Le Code, on le voit,
jouiront pas (art. 387). ne considère
pas l'existence de l'usufruit légal comme intéressant l'ordre public. Il
estime qu'un tiers peut avoir de bonnes raisons pour enlever aux parents
de l'enfant qu'il veut gratifier, le bénéfice des revenus de sa libéralité. Les
parents ainsi exclus n'ont aucune réclamation à formuler. On s'est
demandé cependant s'il en serait ainsi lorsque la libéralité faite à l'enfant
porte sur la réserve à laquelle celui-ci a droit. Un père, par vient
exemple,
à mourir en ne laissant qu'un enfant, lequel, d'après l'article 913 du Code
civil, a droit, à titre de réserve, à la moitié de ses biens. Ce père, peut-il,
par son testament, léguer sa fortune à son enfant, en stipulant que la
mère survivante n'aura la jouissance d'aucune part des biens légués? La
mère ne
pourra-t-elle prétendre que, son enfant ne pouvant en aucun cas
être privé de sa réserve, elle possédait au moins sur l'usufruit de cette
réserve, c'est-à-dire de la moitié des biens délaissés par le père prémou-
rant, un droit acquis dont le testament du défunt n'a la frustrer ? Bien
pu
qu'il y ait
quelques décisions en faveur de cette opinion (V. les renvois
sous Rouen, 12 février 1887, D. P. 89.2.181), nous ne voyons aucune bonne
raison pour l'admettre. La réserve est instituée dans l'intérêt du réserva-
taire. Or, il ne résulte aucun inconvénient pour l'enfant réservataire, au
contraire, de la clause qui supprime l'usufruit de son auteur survivant ;
la mère, pour attaquer le testament;, ne pourrait donc agir au nom de l'en-
fant réservataire ; or l'article 92)
de Code civil dispose formellement que
la rédaction des libéralités ne peut être réclamée que « par ceux au profil
desquels la loi a institué la réserve ».
3° Successions le pèredont ou la mère a été exclu comme —
indigne.
Lorsque les enfants recueillent, de leur chef, une succession, par exemple
celle d'un ascendant, dont leur père ou leur mère a été écarté pour cause
d'indignité, ce dernier ne peut, en aucun cas, réclamer l'usufruit des biens
de cette succession (art. 730, C. civ.).
des immeubles (art 600). Ils doivent jouir en bon père de famille et en res-
le mode de jouissance établi par le propriétaire antérieur (art. 578,
pectant
590, 591, 594, 597, 598) ; ils doivent supporter les réparations d'entretien
et, généralement, les charges dites usufructuaires (art. 605, 608, 612, etc.).
G. — Les causes d'extinction de l'usufruit, établies par les articles 617
et 618, s'appliquent certainement, en tant que cette application est possible
secundum materiam, au droit de jouissance des père et mère.
subjectam
Ainsi, ce droit disparaît par la mort de l'usufruitier, c'est-à-dire du der-
nier survivant des père et mère ; par la consolidation, ou réunion sur
la même tête de la qualité d'usufruitier et de propriétaire, fait qui se pro-
duit lorsque l'enfant vient à mourir, en laissant pour héritier le père ou
la mère investi de la jouissance légale ; par la perte totale des biens sur
Dnorr, — Tenue I,
458 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIERE PARTIE
rité, les père et mère sont donc comptables des revenus des biens de l'en-
fant ; et, si ces revenus excèdent les dépenses exigées par l'entretien et l'é-
ducation, ils doivent être mis de côté.
établie Cette
à la suite limite a été
d'une observation très juste de Bigot-Préameneu. Il craignait que, si l'usu-
fruit avait dû se prolonger jusqu'au moment de la majorité, les parents
d'un enfant possesseur de quelque fortune n'eussent été portés à refuser de
l'émanciper ou de le marier, le mariage entraînant l'émancipation. L'usu-
fruit légal qui est un bienfait de la loi, mais sans que celle-ci perde de vue
l'intérêt des enfants, aurait donc été détourné de sa destination. Ajoutons
que la règle du Code offre cet autre avantage qu'en contraignant les parents
à mettre en réserve les revenus des trois dernières annés de la minorité, elle
procure à l'enfant parvenu à sa majorité une somme qui pourra servir à
ses frais d'établissement ou de mariage, sans qu'il entame son capital.
c) Dans deux cas (trois autrefois) l'extinction de l'usufruit légal prend la
couleur d'une pénalité, soit que la
loi juge le père ou la mère de
indigne
son bienfait, soit qu'elle estime qu'ils se sont dans une situation
placés qui
rendrait le maintien de leur usufruit les intérêts de
compromettant pour
l'enfant. C'est ce qui a lieu dans les suivantes.
hypothèses
a) Art. 386. — contre le divorce a été la
L'époux lequel prononcé perd
jouissance légale. Celle-ci s'éteint par conséquent entièrement lorsque le
divorce est prononcé aux torts des deux à la fois. On remarquera
époux que
la loi ne parle que du divorce et, comme il s'agit d'une sorte de peine ci-
vile, il est impossible de l'appliquer à l'époux contre a été pronon-
lequel
cée la séparation de corps, quoiqu'il y ait identité de motifs entre les deux
situations.
P) Art. 1442, al. 2. — En cas de décès du père ou de la mère, les époux
ayant été mariés sous le régime de la survivant
communauté, l'époux qui
PUISSANCE PATERNELLE 459
— du ou de la
§1. Qui, père mère,
exerce la puissance paternelle ?
légale serait dévolue à la mère et même avec rétroactivité, ce qui lui per-
mettrait de s'approprier les fruits à partir de la disparition ou des dernières
nouvelles de l'absent.
2° Le père sans être absent peut se trouver empêché, en fait, d'exercer la
puissance paternelle, par exemple, s'il est éloigné, fou, interdit, emprisonné,
mobilisé. La loi est muette sur ces hypothèses, ce qui donne lieu, dès lors,
à des controverses doctrinales. L'opinion plus la
raisonnable et la plus
généralement admise est celle qui, appliquant l'article 141, par identité de
motifs et analogie de situations, délègue à la mère la puissance paternelle
(mais non l'usufruit pour les raisons contestables que l'on vient de voir).
Il faut cependant reconnaître que cette solution n'a pas paru toujours
l'emporter dans l'esprit du législateur. En 1870, le gouvernement de la
Défense Nationale a cru devoir, par un décret du 14 décembre, conférera
la mère le droit d'exercer provisoirement la puissance paternelle lorsque le
père était, par suite de la guerre, éloigné et empêché de l'exercer lui-même.
Un texte paraissait donc nécessaire dans cette hypothèse de force majeure.
De même, la loi du 3 juillet 1915 a décidé que la mère exercerait provisoi-
rement la puissance paternelle à défaut du père, empêché par la guerre
de 1914.
3° Mort de l'un des deux — Alors 1er al.), la puissance
parents. (art. 384,
paternelle appartient au survivant qui l'exerce seul. Que ce soit le père ou
la mère, ce survivant ne peut perdre la puissance paternelle ni par son
second mariage, ni par son refus
son exclusionou de la tutelle. Il n'y au-
rait que dans le cas de déchéance de la puissance paternelle, cas que nous
examinerons plus loin, qu'il s'en verrait dépouillé. il faut noter
Cependant,
que, si la puissance paternelle est exercée par le survivant sur la personne
de l'enfant, elle disparaît en ce qui concerne non la jouissance des
pas
biens (le survivant a l'usufruit légal), mais l'administration. Ce n'est plus
en qualité d'administrateur, mais en qualité de tuteur, le survivant
que
administre le patrimoine de l'enfant, si toutefois c'est à lui que la tutelle
est déférée, ce qui n'a pas lieu forcément, il s'agit de la mère.
quand
4° Divorce ou séparation de corps. — En ce les articles 302 et 303,
cas,
que l'on s'accorde à déclarer applicables à la séparation de corps comme au
divorce, décident que les enfants seront confiés à l'époux le
qui a obtenu
divorce, à moins que le tribunal, sur la demande de la famille ou du minis-
tère public, n'ordonne, pour le des tous
plus grand avantage enfants, que
PUISSANCE PATERNELLE 401
ou quelques uns d'entre eux seront confiés aux soins, soit de l'autre époux,
soit d'une tierce
personne. Quelle que soit Ja personne à laquelle l'enfant
est confié, le père et la mère conservent respectivement le droit de surveil-
ler l'entretien et l'éducation qui lui sont donnés, et ils sont tenus d'y con
tribuer à proportion de leurs facultés. Le caractère de ces dispositions est
très net. Tant que dure le mariage des parents, bien que tous les deux, en
principe, possèdent concurremment la puissance paternelle, c'est le père,
qui en a seul L'exercice. Après la destruction du foyer familial, la prépon-
dérance du père ne s'impose ; on se trouve
plus en présence de droits ri-
vaux: c'est l'autorité judiciaire qui les départagera. Elle le fera en ne te-
nant compte que de l'intérêt de l'enfant, considération primordiale devant
laquelle tout autre intérêt doit s'effacer, étant donné surtout les pa-
que,
rents s'étant montrés inaptes à assurer à l'enfant un foyer normal et stable,
on peut a priori les considérer comme n'offrant pas, en tant qu'éducateurs,
toutes les garanties désirables. Malheureusement, la loi n'a statué d'une
façon expresse que sur le droit de garde, attribut essentiel à la vérité, mais
non unique de la puissance paternelle et, depuis la loi du 6 avril 1910, sur
l'administration légale. Elle ne dit rien des autres éléments de la puissance
paternelle. Il faut combler cette lacune évidente et, en bonne méthode,
distinguer suivant les différents attributs de l'autorité des
parents,
À. — La garde de l'enfant doit être donnée, en principe, à celui des
époux qui obtient le divorce (art. 302). Mais c'est là une indication plutôt
qu'une prescription absolue. La loi ajoute en effet aussitôt que les juges
peuvent en décider autrement, si l'intérêt de l'enfant leur semble appeler
une autre attribution. Cette règle est tout à fait
sage. Il peut être utile pour
les enfants d'être confiés à l'époux contre qui le divorce (ou la séparation)
a été prononcé. Un mauvais mari n'est pas forcément un mauvais père ; sa
direction rester nécessaire aux enfants, surtout aux garçons. De
peut
même, la défaillance a fait le divorce contre une femme n'en
qui prononcer
fait pas nécessairement une mauvaise mère ; il peut être préférable que ce
soit elle se voie attribuer la garde des enfants ou de certains d'entre
qui
eux, surtout sont encore dans un âge qui rend indispensables
lorsqu'ils
les soins d'une femme. Que si les débats du procès ont fait ressortir l'indi-
gnité simultanée des deux parents, le tribunal pourra les exclure l'un et
l'autre et confier les enfants à une tierce personne, ascendant ou non, ou
déterminer la maison d'éducation, où ils seront placés. L'époux non attri-
butaire de la conserve d'ailleurs, avec l'obligation de contribuer aux
garde
frais le droit de visiter l'enfant et celui de surveiller sa con-
d'éducation,
duite et son éducation (art. 303). Le tribunal règle les visites.
La loi du 5 décembre 1901, portant adjonction d'un paragraphe à l'ar-
ticle 357 du Code pénal, punit d'une peine d'un mois à un an d'emprison-
nement et d'une amende de seize francs à cinq mille francs le père ou la
mère de ne pas représenter l'enfant, ou de l'enlever à celui qui en
coupable
avait la garde. Cette loi employant d'ailleurs des termes très généraux, car
à ceux qui ont le droit de le
elle vise quiconque ne représente pas le mineur
réclamer, on doit décider la même sanction s'applique au père, à la
que
LIVRE I. — TITRE III. — PREMIERE PARTIE
462
1904.2.41)..
Quelle que la solution par le tribunal quant au droit de
soit adoptée
garde, elle est essentiellement L'époux exclu, ou même toute
provisoire.
personne de la famille, parent ou allié, peut toujours demander au tribu-
nal de modifier la décision qu'il avait prise, en alléguant un changement
dans les circonstances. Par exemple, un garçon a grandi et il est temps
qu'il passe de la direction de sa mère sous celle d'un homme ; ou bien la
économiques et morales ces abus ont été fréquents au cours du XIX° siècle
et se multiplient encore de nos jours. La Société ne peut rester indifférente
devant des faits révoltants ; elle a le devoir d'intervenir. puissanceLa sur
l'enfant doit être enlevée auxparents indignes de la conserver ou inaptes
à l'exercer utilement, et confiée soit à d'autres membres de la famille, soit
si, comme cela est trop fréquent, la famille est tout entière peu digne de
confiance, à des étrangers. L'initiative privée peut ici rendre de grands
services, en créant des établissements philanthropiques dirigés par des
personnes charitables et désintéressées (elles sont nombreuses dans notre
société française). La sollicitude de ces personnes envers les enfants qui
leur seront confiés par l'Administration ou par la Justice s'exercera sou-
vent d' une manière plus efficace que celle des fonctionnaires. En tout cas,
c'est à l'autorité judiciaire qu'il appartient essentiellement de présider au
dessaisissement volontaire ou forcé des parents enclins au mal ou impuis-
sants pour le bien. On va voir par quelle longue période de tâtonnements
ont passé notre loi et notre Jurisprudence avant de s'adapter, en cette ma-
tière, à des besoins sociaux trop évidents, lesquels, à l'heure actuelle, sont
loin d'ailleurs de recevoir encore une complète satisfaction.
Nous distinguerons à cet égard plusieurs phases successives.;
et réprimer les excès de la puissance paternelle, toutes les fois que Tinté-
rêt matériel ou moral de l'enfant le réclame ». on En les voit con-
pratique,
fier la garde des enfants à la mère séparée de fait d'avec son l'enle-
mari,
ver à l'auteur survivant qui se remarie ou encourt la destitution de la tu-
telle, parfois même, la retirer aux deux époux durant le mariage la
pour
confier aux grands-parents. En somme, on peut dire la Jurisprudence
que
avait, de toutes pièces et en dehors d'aucun texte, sans autre justification
que la tradition historique et l'utilité sociale, institué une faculté de dé-
chéance partielle de la puissance paternelle, portant sur son attribut essen-
tiel et primordial, le droit de garde et d'éducation.
2° Quant à la loi, elle avait, pour certains cas, la déchéance de
organisé
la puissance paternelle. Et, de plus, elle avait, bien d'ail-
imparfaitement
leurs, ébauché la possibilité d'une sorte de délégation de cette même puis-
sance.
A. — La déchéance est des
prononcée par textes de caractère pénal, soit
en cas d'infraction commise par l'enfant, soit en cas d'infraction commise
par lesparents.
a) En cas d'infraction commise par un de
enfant n'ayant pas atteint l'âge
la majorité pénale, c'est-à-dire seize ans (dix-huit ans depuis la loi du
12 avril 1906), l'article 66 du Code pénal dispose que le juge doit toujours
se poser la question préjudicielle de savoir si l'enfant a ou non avec
agi
discernement. La réponse à cette question est-elle négative, le tribunal
répressif doit acquitter l'enfant, ne pasmais il peut à sa famille ; le rendre
il s'il le juge, à propos, de l'envoyer en correction une
a le droit, pendant
période déterminée par sa décision et qui peut se prolonger jusqu'à sa
vingt-et-unième année. Cette mesure n'est pas une peine, c'est en somme
la mainmise de l'autorité publique sur l'attribut le plus essentiel de la
puissance paternelle, la garde de l'enfant, laquelle, depuis la loi du 5 août
1850, doit être assurée dans des colonies pénitentiaires. Ces colonies étant
d'ailleurs en nombre limité, l'habitude s'est répandue, depuis 1850, que
l'administration pénitentiaire se dessaisisse de son droit de garde sur l'en-
fant qui lui a été remis, en faveur d'une société privée de patronage. Tel a
été le régime fonctionnant, pour la généralité des enfants délinquants,
jusqu'à la loi du 22 juillet 1912, dont il sera parlé plus loin.
b) En cas d'infraction commise par les parents, plusieurs textes doivent
être signalés.
a) D'abord légale, peine accessoire des peines afflictives et
l'interdiction
infamantes (art. 7 et 29, C. P.), sans faire perdre au condamné la puissance
paternelle, en suspend l'exercice pendant la durée de sa détention, comme
celui de tous les autres droits. Cette suspension porte naturellement sur la
totalité de la puissance paternelle.
P) En vertu de l'article 335, alinéa 2, du Code pénal, le père condamné
pour avoir excité, favorisé ou facilité la prostitution ou la corruption de son
autres enfants s'il en avait ; d'autre part, même en ce qui concernait sa vic-
abandonnés, parce que leurs parents ne sont pas inconnus. Rentraient dans
le même groupe les enfants arrêtés pour mendicité ou Des
vagabondage.
sociétés de bienfaisance s'occupaient déjà, depuis longtemps, des enfants
placés dans ces diverses situations en 1881,
lorsque, l'Administration de
l'Assistance publique institua, à Paris, un service des enfants moralement
abandonnés. Ce service le placement
pratiquait largement des enfants qu'il
recueillait. Mais, naturellement, les parents conservaient toujours le droit
de les reprendre à leur gré : on ne pouvait même faute
essayer, d'un texte
analogue au Décret du 19 janvier 1811, à leur revendication
d'opposer
cette fin de non-recevoir, fondée sur le défaut de remboursement des frais,
qui pouvait parfois faire hésiter, tant qu'ils n'étaient éclairés sur
pas
l'étendue de leurs droits, les parents des enfants dits assistés.
d'hypothèses énumérées
par l'article 1er de la loi : ce sont, d'une façon gé-
nérale, les attentats commis contre la personne ou la moralité de l'enfant ;
la loi considère avec raison comme rentrant dans cet ordre de prévisions
les condamnations prononcées contre les parents comme co-auteurs ou
de la loi. Ce sont les cas de condamnation grave encourue par les parents,
des infractions à l'égard des tiers ou à l'égard de l'enfant, mais d'une
pour
nature telle ne les rend pas a priori indignes de la puissance pater-
qu'elle
nelle. Ce sont, en outre, aux termes du 6° de l'article 2, les cas & inconduite
notoire et scandaleuse, d'ivrognerie habituelle ou de mauvais traitements,
c'est-à-dire des où aucune condamnation pénale n'est prononcée,
hypothèses
mais où le père est jugé inapte à s'acquitter convenablement de son devoir.
sur tout l'ensemble des droits accessoires éparpillés dans le Code ou dans
les lois
spéciales et se rattachant à l'autorité parentale, ainsi que sur l'apti-
tude à être tuteur, subrogé-tuteur, curateur ou membre d'un conseil de
famille. Elle ne laisse subsister que l'obligation de l'article 371, l'obligation
alimentaire et le droit de successibilité réciproque, effets d'ailleurs de la
filiation et non de la puissance paternelle. En second lieu, la déchéance
tés (art. 17,24). Ceux-ci peuvent, à leur tour, remettre l'exercice de la puis-
sance paternelle à des
particuliers jouissant de leurs droits civils ou à des
établissements autorisés à cet effet, lesquels sont placés sous le contrôle des
préfets, et peuvent se voir dessaisis à leur requête, si l'intérêt de l'enfant
l'exige (art. 22, 23). L'abandon de leurs droits par les parents peut être
exprès ou tacite ; dans ce dernier cas, il résulte du silence gardé pendant trois
mois par les parents de l'enfant abandonné qui a été (art. recueilli
20). Bien
plus (art. 20, 3e alinéa, ajouté par la loi du 5 août 1916), la personne qui a
recueilli l'enfant peut, si les parents le réclament avant l'expiration du délai
de trois mois, se faire maintenir la garde par le tribunal, sauf à régler le
droit de visite des parents, en établissant que ceux-ci se sont depuis long-
temps complètement désintéressés de l'enfant. En dehors de ce cas, la loi
permet la reprise de l'enfant par les parents (art. 21), mais cette reprise est
soumise à des conditions rigoureuses et doit être autorisée par le tribunal
qui peut la refuser, ou même, le cas échéant,
prononcer la déchéance de la
puissance paternelle. Quant aux droits délégués sur l'enfant, ils consistent
(art. 17 et 20) dans la totalité ou dans une partie de la puissance paternelle.
Cette seconde partie de la loi de 1889 peut être considérée comme encore
moins bien venue que la première. Il semble qu'elle ait été très peu utili-
sée en fait et qu'elle ne soit pas entrée dans nos moeurs. La faute en est
peut-être au caractère judiciaire du dessaisissement et aux formalités qui
l'accompagnent. Cette intervention de la justice effraie les parents, parce
qu'elle donne une couleur fâcheuse au transport de leurs droits sur la per-
sonne de l'enfant.
plus souvent un non-lieu. Or, l'effet de cette décision est de faire tomber
l'ordonnance antérieure qu'ils auraient rendue pour attribuer la garde de
l'enfant, parce que l'article 4 de la loi ne leur donne le droit de prononcer
cette attribution que pour l'enfant auteur d'un délit. Or celui-ci ne peut
plus être considéré comme tel lorsqu'il a fait l'objet d'un non lieu.
C. — L'enfant peut être remis directement par le juge ou le tribunal à
un parent, une personne, une société, un établissement charitable public
ou privé, tandis qu'en vertu de 1889, de la loi
c'est toujours le représen-
tant de l'Assistance publique ou la personne désignée comme tuteur de
l'enfant qui est investi du droit de garde ; les établissements charitables
ne peuvent recevoir que l'exercice de ce droit en vertu d'une délégation
qui leur est faite par le tuteur.
472 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
publique.
pupilles de l'Assistance.
préfet est assisté d'un conseil de famille, qu'il vaudrait mieux d'ailleurs
DROIT, — Tome I. 31
— T1T.RE III. — PREMIÈRE PARTIE
474 LIVRE I.
LA TUTELLE
GÉNÉRALITÉS.
des valeurs mobilières appartenant aux pupilles. Il a fallu, pour que cette
lacune fût comblée, attendre la très importante loi du 27 février 1880 ^
—
§ 1. Le tuteur.
tuite, 3° personnelle.
1° La tutelle est une — Celui est désigné comme
charge obligatoire. qui
le conseil de famille, ne peut pas refuser cette
tuteur soit par la loi, soit par
mission, à moins qu'il n'ait à faire valoir une des causes d'excuse énu-
mérées par loi.
Ces causes d'excuse (état militaire, certaines fonctions publiques, grand
âge ou infirmités graves, famille déjà nombreuse, etc...), sont énumérées
par les articles 427 à 441, auxquels nous nous contentons de renvoyer le
lecteur. Ces textes indiquent également la procédure à employer pour faire
valoir ces excuses. L'énumération qu'ils contiennent est, croyons nous,
limitative (V. cependant Trib. Sentis, 28 février 1894, D. P. 95.2.227, S.
94.2.218).
En dehors des cas d'excuse, l'obligation d'accepter la tutelle ne comporte
que deux exceptions en faveur :
A. — Des femmes (art. 428, modifié par la loi du 20 mars 1917).
B. — Du tuteur par le tribunal
désigné après déchéance de la puissance
paternelle prononcée contre
le père (L. 24 juillet 1889, art. 10, 1er al.).
Le tuteur supplétif ou la femme tutrice qui ne veulent accepter la
pas
charge de la tutelle sont admis à se récuser. Toutefois, on remarquera que,
par exception à l'exception, la mère d'un enfant naturel ne peut décli-
pas
ner la tutelle de cet enfant (art. 389, 14e alinéa).
2° La tutelle est une — Le tuteur ne peut réclamer au-
charge gratuite.
cune rémunération : il doit administrer gratuitement les biens du pupille.
C'est là une tradition de notre Droit, à laquelle le Code civil est resté fidèle,
car, nulle part, il ne parle de rémunération, et dans le compte de tutelle, il
ne fait pas figurer le salaire du tuteur. On allouera au tuteur, ditl'art. 471,
criminelle, même les condamnés politiques : il faut ajouter que les tribu-
naux correctionnels peuvent, dans certains cas, enlever au condamné le
droit d'être tuteur (art. 42, C. pén.) ;
B. — Les d'une inconduite notoire ,
gens
C. — Les personnes dont la gestion atteste l'incapacité ou l'infidélité ;
D. — Les individus ayant encouru la déchéance de la puissance pater-
nelle (L. 24juillet 1889, art. 8).
Ces diverses causes d'exclusion, si elles se produisent au cours de la
tutelle, emportent destitution tuteur, du
soit obligatoirement (art. 443), soit
facultativement au gré du conseil de famille (art. 444), qui est l'organe com-
digue pourvu d'un conseil judiciaire n'est pas incapable d'être tuteur. Il
mesures, il a pour but de protéger les enfants contre une ingérence abu-
sive du second mari dans l'administration de leurs biens. Ces mesures
garde des enfants. Et nous estimons, que dans l'état actuel de la Juris-
prudence, les tribunaux ne le pourraient pas davantage. Les arrêts que l'on
peut citer en sens contraire (Voir not., Caen, 19 mai 1854, S. 54.2.713) re-
montent à une époque où les tribunaux s'arrogeaient, quant à l'attribution
TUTELLE 483
dans le même sens (Domat, liv. II, Des tuteurs, tit. Ier,
prononçaient
sect. n° La responsabilité du mari s'étendra donc à la gestion
III, 37).
même antérieure au mariage. C'est une espèce de pénalité civile dont la
agi que comme gérant d'affaires. Le pupille n'est tenu que dans la mesure
de l'utilité que les actes lui ont procurée (art. 1375).
d) Les immeubles des tuteurs de fait sont-ils grevés de l'hypothèque
légale au prolit du mineur ? L'affirmative, autrefois contestée, mais admise
déjà par le Droit romain et par nos anciens auteurs, nous paraît s'imposer.
Du moment que les deux époux encourent la responsabilité des tuteurs,
cette responsabilité doit être environnée des garanties qui l'accompagnent
normalement pour la rendre efficace. LaJurisprudence se prononce en ce
sens (V. Req., 23 avril 1902, D. P. 1902.1.309, S. 1904.1.506).
Tutelle testamentaire. — La en la
loi, prolongeant quelque sorte
tutelle légale des père et mère par delà leur décès, au survivant
permet
d'entre eux de désigner le tuteur, parent ou sa
étranger, qui, après mort,
lui succédera dans ses fonctions (art. 397). Cette au
désignation paraît, légis-
lateur, offrir tant de garanties que, non seulement elle ne être criti-
peut
quée par le conseil de famille, mais qu'elle écarte la tutelle des
légitime
ascendants (art. 402). La personne la confiance du père ou de
indiquée par
la mère est préférée à celle que désigneraient les liens du sang.
Le choix du tuteur par le dernier mourant des et mère est soumis
père
à deux conditions, parfois à trois :
4° Une condition de forme. — Le choix doit se faire, soit par testament,
TUTELLE 485
soit au
moyen d'une déclaration reçue par un juge de paix ou un notaire
(art. 398, 392). Mais dans l'un et l'autre cas, le tuteur être
peut qualifié
de testamentaire. En effet, la déclaration l'officier ne
reçue par public
produit ses effets qu'après la mort de son auteur ; et, de plus, elle est ré-
vocable jusqu'à ce moment. C'est donc un véritable mais affran-
testament,
chi des règles ordinaires établies par la loi à la rédaction des actes
quant
de cette catégorie.
2° Une condition de — Le droit de le
fond. désigner tuteur de l'enfant
n'appartient au survivant des père et mère que a lui-même la tutelle.
s'il
C'est du moins ce qui est décidé par la loi, ou moins
plus formellement,
dans deux hypothèses. La
première est celle d'une mère survivante, rema-
riée et non maintenue dans la tutelle ; l'article 399 comme nous l'a-
porte,
vons déjà dit, qu'elle ne peut choisir un tuteur à ses enfants du premier
lit. La seconde hypothèse est celle du père ou de la mère exclu ou destitué
tutelle. L'article 445 le prive du droit de faire d'un conseil de
de la partie
famille et, par conséquent, de concourir à la nomination d'un tuteur datif ;
à plus forte raison doit-il perdre la faculté de nommer un tuteur à lui
tout seul.
Pour les autres hypothèses possibles, celle d'une mère a refusé la
qui
tutelle ou celle d'un père qui s'est fait excuser, la loi reste muette. Si
le caractère étroit de toute et bien
malgré déchéance, qu'il n'y ait certai-
nement pas lieu de se défier du père ou de la mère dont il vient d'être
question, on s'accorde à leur refuser le droit de choisir un tuteur testa-
mentaire, c'est parce que leur excuse ou leur refus a déjà eu ce résultat de
faire désigner un tuteur à l'enfant par le conseil de famille, et qu'on ne
peut concéder au père ou à la mère le droit de destituer ce tuteur en exer-
cice et de
le remplacer par un autre, auquel le premier devrait céder la
place après la mort du testateur.
3° Une troisième condition est requise pour le choix du tuteur testa-
mentaire, lorsque l'auteur de sa désignation est la mère remariée et main-
tenue dans ses fonctions de tutrice. Il faut alors (art. 400) que son choix
soit déféré au conseil de famille et confirmé par cette assemblée. Cette
solution donne lieu à deux questions.
A. — On se demander différence il y a entre le cas où la
peut quelle
mère remariée a été maintenue en tutelle et celui où elle n'a pas été main-
tenue (art. 399 et 400). Dans le second cas, le conseil de doit nom- famille
mer le tuteur que la mère n'a pas le droit de désigner. Dans le premier,
la mère peut choisir le tuteur, mais le conseil de famille peut, à son gré,
confirmer ou repousser son choix. N'est-ce pas exactement la même chose?
On répondra que le tuteur confirmé par le conseil de famille après désigna-
tion de la mère maintenue en tutelle n'en
pas est moins un tuteur testa-
mentaire ; il exclura donc les ascendants. Au contraire, le conseil de famille
n'aurait pas le droit de nommer un tuteur au mépris du droit des ascen-
dants à la tutelle.
B. — La mère maintenue en devenue veuve de son
remariée, tutelle, puis
second mari, ne peut-elle encore faire qu'un choix subordonné à l'agré-
486 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
maines, ce ne peut être que dans des vues toutes différentes de celles du
vieux Droit quiritaire. Il appelle les ascendants à la tutelle après la mort
des père et mère, parce qu'il lui semble que leur affection pour l'enfant
les désigne tout naturellement pour remplacer les parents qui ont été enle-
vés à celui-ci par une mort prématurée.
Quatre conditions sont nécessaires pour que la tutelle soit déférée par la
loi à un ascendant :
1° le père
Que et la mère soient décédés tous les deux (art. 405). Si l'un
ou l'autre était vivant, mais privé de la tutelle pour une cause quelconque,
le tuteur serait désigné par le conseil de famille ;
2° Qu'il n'y ait pas eu de tuteur testamentaire désigné par le survivant
des père et mère. L'usage qu'a fait celui-ci de sa prérogative exclut la tu-
telle légale des ascendants, et cela alors même que, pour une cause quel-
conque, le tuteur testamentaire n'excercerait par ses fonctions (Y. art. 402,
in princ.) ;
3° Qu'au moment du décès du survivant des père et mère il n'y ait pas
déjà de tuteur datif en exercice, par suite de l'exclusion ou du refus du dé-
funt. L'ascendance est une cause de vocation à la tutelle vacante ; ce n'est
pas une cause de destitution d'un tuteur déjà en fonctions.
4° Que la vacance de la tutelle ne provienne pas de L'excuse ou de la des
titution de l'ascendant appelé par la loi à ia tutelle Cette défaillance
légale.
de celui qui est désigné dans le groupe des ascendants n'entraîne pas dé-
volution de la tutelle à un autre membre du même ;
plus éloigné groupe
elle donne lieu à nomination d'un remplaçant par le conseil de famille.
Cette est car ou admet de
règle peu logique, ordinairement que le décès
l'ascendant investi de la tutelle la fait passer à un ascendant plus éloigné,
mais elle paraît imposée par les termes absolus de l'article 405.
Quant à la détermination de l'ascendant
la tutelle, la
reçoit qui depuis
loi du 20 mars 1917, elle se fait d'après les règles suivantes :
1° « La tutelle appartient à celui des aïeux ou à celle
(il faut lire aïeuls)
des aïeules qui sont du degré le plus ».
rapproché (art. 402)
2° « En cas de concurrence entre des aïeuls ou des du même
aïeules
degré, le conseil de famille le tuteur ou la tutrice sans tenir
désignera
TUTELLE 487
Tutelle dative. —
Lorsque mineur sans ni mère
l'entant reste père
tuteur élu par les père
mère,ou ni comme aussi
ni ascendants lorsque
le l'une des catégories ci-dessus est exclu ou excusé,
tuteur de exprimées
c'est lé de famille qui pourvoit à la nomination du tuteur
conseil (art. 405).
comme il veut; il peut le prendre les parents
Il le choisit parmi proches
ou ascendants, frères, oncles, cousins, les étrangers;
éloignés ou parmi
Oh dit qu'il y a alors tutelle dative.
gestion.
En dehors de ces deux
cas, la plupart des auteurs soutiennent que la
tutelle d'un enfant unique doit toujours être confiée à un seul tuteur. Ils
se fondent d'abord sur le texte du Code qui suppose toujours unité de
tuteur, sauf dans les deux cas qu'on vient de citer, et, ensuite, sur le pré-
tendu intérêt de l'enfant, qui exigerait une administration et une responsa-
bilité uniques, de manière à éviter des divergences de vues nuisibles. Ces
arguments sont très faibles. Si le Code ne prévoit pas, en général, qu'un
seul mineur ait plusieurs tuteurs, c'est
qu'il a statué seulement sur l'hypo-
thèse la plus ordinaire. Mais on ne voit pas pourquoi une combinaison
différente serait interdite au testament du père ou de la mère, ou au choix
du conseil de famille, lorsque l'administration d'intérêts étendus et com-
plexes paraît l'exiger. Que s'il se produit des divergences entre co-tuteurs,
le. conseil de famille sera là pour les trancher. Aussi, la jurisprudence se
prononce-t elle avec raison pour la possibilité d'une tutelle plurale (Req.,
14 décembre 1863, D. P. 64.1.63, S. 64.1.21 ; 23 décembre 1924, D. P. 1925.
1.65). Et il faut ajouter que rien ne s'oppose à ce que les deux tuteurs
soient spécialement chargés, l'un de la personne, et l'autre de l'adminis-
tration des biens.
§ 2. — Le subrogé tuteur.
Définition et organisation de la —
subrogée tutelle. Le subrogé
tuteur est un adjoint que notre loi civile, suivant en cela, comme on l'a vu
plus haut, la tradition purement coutumière, place à côté du tuteur, pour
veiller à ce qu'il accomplisse ses obligations et pour le dans la
suppléer
représentation du mineur, d'actes
lorsqu'il s'agit où le tuteur et le pupille
ont des intérêts
opposés.
Le subrogé tuteur n'est un
pas tuteur suppléant ; ainsi il ne prend pas
TUTELLE 439
gné comme subrogé tuteur, se trouve appartenir à une autre ligne que le
tuteur. Il n'était donc pas nécessaire que l'article 423 visât cette hypothèse
pour que le choix du frère du tuteur, comme subrogé tuteur, fût régulier.
L'opinion contraire aboutirait à décider que, si le tuteur est un frère ger-
DROIT, I. 32
- +Tome
490 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIERE PARTIE
Fonctions du tuteur. — le
subrogé D'après premier président de
Lamoignon (Arrêtés, 1re partie, tit. IV, Tutelles, Max. 40), le subrogé tu-
teur (ou curateur), avait seulement pour fonctions d'assister à l'inventaire,
de défendre aux actions du tuteur contre le mineur, ou d'exercer celles du
mineur contre son tuteur. Le Code civil, nonobstant la formule trop res-
treinte de l'article 420, donne un caractère beaucoup plus large aux fonc-
tions du subrogé tuteur. Elles sont au nombre de trois.
1° Le subrogé tuteur veille à l'accomplissement des principales formali-
tés imposées au tuteur dans sa gestion. C'est ainsi qu'il assiste à l'inven-
taire dressé à l'ouverture de la tutelle (art. 451, 1er al.), à la vente aux en-
chères des meubles et des immeubles du pupille (art. 452. 459,1er al.) ; qu'il
reçoit la signification des jugements pris contre le tuteur (art. 444, C. proc.
civ.) ; qu'il doit faire inscrire Hypothèque légale du mineur (art. 2137) ;
qu'il veille à l'accomplissement des formalités exigées pour l'aliénation
des valeurs mobilières appartenant au pupille (L. 27 février 1880, art. 7).
2° Le
subrogé tuteur surveille l'administration .du tuteur, afin de s'assu-
rer qu'il s'en acquitte avec fidélité ; il a le droit, lorsqu'il surprend des in-
corrections, de provoquer la destitution du tuteur en réunissant le conseil
de famille à cet effet (art. 446, 1e al.). Malheureusement, la loi ne donne au
subrogé tuteur que de faibles moyens pour s'acquitter de sa mission. L'ar-
ticle 470 permet bien au conseil de famille d'imposer au tuteur, s'il le croit
utile, l'obligation de remettre au subrogé tuteur des états de situation ou
comptes périodiques auxépoques qu'il juge à propos de fixer et, au maxi-
mum, une fois par an. Encore celte faculté n'appartient-elle pas au conseil
de famille, lorsque le tuteur est le père ou la mère. Mais, en dehors de ce
moyen d'investigation qu'il ne possède, d'ailleurs, en fait, que rarement, on
ne voit pas bien comment le subrogé tuteur peut exercer sa surveillance.
Si le tuteur entend lui cacher ses actes, il n'a aucun le con-
moyen pour
traindre à les lui faire connaître. Nous verrons notamment bientôt la
que
loi donne au tuteur le droit de recevoir seul les capitaux à recouvrer pour
le compte du pupille et d'en donner quittance. Le subrogé tuteur pourra
ignorer ces rentrées, dont il devrait cependant surveiller l'emploi. Trop
souvent il ne sera instruit des malversations, s'il s'en produit, qu'après
qu'elles seront devenues irréparables.
3° Enfin, le subrogé tuteur fait fonction de tuteur, c'est-à-dire re-
qu'il
présente le mineur, d'abord dans les procès où celui-ci contre son
plaide
tuteur, ensuite dans les actes extrajudiciaires où il y a opposition entre
leurs intérêts 420, 2e al.) 1 On remarquera fré-
(art. que le cas se présentera
quemment dans la pratique, le tuteur et le pupille étant souvent frères ou
proches parents et, dès lors, souvent cohéritiers dans les mêmes succes-
— Le
§ 3. Conseil de famille.
outre être consultée dans certains cas, tels que l'aliénation des immeubles,
des deniers pupillaires, ou la destitution du tuteur. Mais son rôle
l'emploi
était, en somme, assez effacé
op. cit., liv. II, t. Ier, sect.
(Domat, 2 in prin-
pillaire. C'est le conseil, en effet, qui fixe les sommes à dépenser pour l'en-
tretien de l'enfant et son éducation (art. 454, 1er al.), détermine la somme
à partir de laquelle le tuteur devra employer l'excédent des revenus sur la
dépense (art. 455), fixe au besoin un délai
pour l'emploi des capitaux et
la conversion des titres au porteur en titres nominatifs (Loi 27 février 1880,
art. 5 et 6). De plus, tous les actes importants, tels que l'aliénation des
biens, l'emprunt, la
constitution d'hypothèque, ou la répu-
l'acceptation
diation d'une succession, d'une donation, l'exercice des actions immobi-
lières, le partage, la transaction (art. 457, 461, 463, 464, 465, doivent
467),
être soumis à son approbation.
Ajoutons que le conseil de famille émet tantôt des
avis, tantôt des déli-
bérations, suivant qu'il est appelé à décider ou à fournir une
simplement
consultation, ce qui peut arriver soit en vertu d'un texte l'ordonne
qui
(art. 494), soit sur l'initiative du tuteur, désireux de s'éclairer.
Il faut d'ailleurs faire observer que le rôle du conseil de famille n'est pas
limité à la tutelle. Il se continue après car c'est le conseil
l'émancipation,
de famille
qui désigne le curateur du mineur et qui l'assiste
émancipé pour
les actes les plus importants (art. 480). De plus, nous verrons le conseil
de famille intervenir pour protéger les intérêts d'un aliéné non interdit
(loi du 30 juin 1838, art. 32), pour l'interdiction de l'aliéné (art. 494) et
pour la nomination d'un conseil à un ou à un faible
judiciaire prodigue
d'esprit (art. 514). Enfin, en ce qui concerne la tutelle d'un aliéné in-
terdit, il joue ua rôle à celui dans la tutelle du
identique qu'il remplit
mineur.
TUTELLE 493
le avant d'émettre une délibération pour les actes les graves plus
pupille
de la tutelle. Enfin, le Code civil suisse décide (art. 409) que le pupille sera
piré par une pensée de fraude, ou aboutissait à porter préjudice aux inté-
rêts de l'enfant (Req., 4 mai 1846, D. P. 46.1.129, S. 46.1.405). Enfin, le
conseil de famille, réuni pour destituer le tuteur ou en nommer un nou-
veau, doit toujours l'être au lieu d'ouverture de la tutelle (Civ., 2 mars 1869,
D. P. 69.1.199, S. 69.1.151). Cela revient à dire que, lorsqu'il s'agit de
remplacer le tuteur par un autre, le changement dans le lieu de réunion
et dans la composition du conseil est toujours présumé préjudiciable ou
frauduleux.
§ 4. — Le tribunal.
Cette solution était conforme à l'esprit du Code qui voulait, nous l'avons
dit, faire du conseil de famille le régulateur suprême de la tutelle.
Dès 1807, cependant, les dispositions du législateur étaient sensible-
ment modifiées ; il revenait en partie aux conceptions de l'Ancien Droit,
lequel voyait dans le pouvoir judiciaire le protecteur excellence des
par
incapables. Dans le titre du Code de procédure civile consacré aux rapports
du conseil de famille et du tribunal, titre dont la intitulée Des avis
rubrique
de parents « sonne, comme dit, on l'a l'Ancien », l'article 883 porte
Régime
que, chaque fois qu'une délibération du conseil de famille n'a pas été una-
nime, l'avis de chacun des membres qui le composent (y compris bien
entendu le juge de paix) doit être mentionné au procès-verbal. Chacun des
membres de l'assemblée, le tuteur ou subrogé tuteur, auront le droit de
se pourvoir devant le tribunal contre la délibération. Ce recours de carac-
tère contentieux (en prenant le mot lato sensu),aboutit à faire du tribunal
le véritable arbitre souverain de la tutelle. La Jurisprudence, par deux
solutions, a achevé d'accentuer ce changement de front.
1° On n'a jamais soutenu que le tribunal, s'il désapprouve la délibéra-
tion du conseil de famille, doive se contenter de l'annuler et renvoyer la
décision à prendre au même conseil de famille mieux éclairé, ou à un autre
conseil composé, au moins en partie, différemment. Il est, au
contraire,
admis sans difficulté que le tribunal statue sur le fond, et substitue, s'il le
croit utile, une délibération nouvelle à la délibération qui lui est déférée.
2° La Jurisprudence a fini par admettre que, nonobstant le texte en appa-
rence limitatif de l'article 883 du Code
procédure civile, de
la délibération
du conseil de famille peut être attaquée devant le tribunal même quand elle
a été rendue à l'unanimité (Caen, 13 décembre 1897, D. P. 98.2.505, note de
M. Biville, S. 98.2.64 ; Douai, 15 décembre 1900, D. P. 1903.2.9). En somme,
le tribunal peut annuler toute délibération d'un conseil de famille qui lui
logation du tribunal, dans les cas où elle est exigée pour la validité d'un
acte de tutelle.
En ce qui concerne le recours contentieux (hoc sensu) formé contre les
décisions non unanimes du conseil de famille (ou même unanimes, on l'a
vu, d'après la
Jurisprudence), c'est la procédure du droit commun qui
La demande est formée contre les membres du conseil de famille
s'applique.
qui ont voté la délibération critiquée. Deux particularités seulement, se
rencontrent dans la procédure (art. 883-884, C. proc. civ.) : 1° La cause est
L'article 450, al. 1er, détermine très bien les deux sortes d'attributions
du tuteur.
1° Il prend soin de la personne du mineur ;
2° Il le représente dans tous les actes civils.
Plus généralement, les dispositions le fonctionnement de la
qui règlent
tutelle ont trait : 1° à la direction de la du
personne pupille ; 2° à l'admi-
nistration de ses biens.
—
§ 1. Direction de la personne du mineur en tutelle.
1. Plusieurs autres organes de la tutelle ont été créés (à titre temporaire) par la
loi du 27 juillet 1917 instituant les pupilles de la nation. Cette loi s'inspire de la
pensée excellente exprimée dans son article 1er que « la France adopte les orphe-
lins dont le père, la mère ou le soutien de famille a péri au cours de la guerre de
1914, victime militaire ou civile de l'ennemi, » et que ces enfants ou ceux que le même
article leur assimile dans son alinéa 2 « ont droit à la protection, au soutien maté-
riel et moral de l'Etat pour leur éducation... » A cet effet, et en vue principalement
de surveiller l'emploi utile des secours pécuniaires qui seront alloués aux pupilles
de la nation à qui ils seront nécessaires, la loi crée divers organismes nouveaux
(art. 9 et s.). Ce sont surtout les offices, office national exerçant un contrôle et une
impulsion générale pour l'application de la loi (art. 11 à 13) offices départementaux,
s'occupant plus spécialement de la distribution des subventions et de la surveil-
lance de leur emploi (art. 14 et 15) et secondés dans cette tâche par des sections can-
tonales (art. 17 et 18). L'office départemental sert à fournir au besoin des amis
aux conseils de famille des orphelins de la guerre (art. 20). Il peut recevoir du
conseil de famille, s'il n'y a ni ascendant ni tuteur testamentaire, la tutelle de l'en-
fant, dont il déléguera ensuite l'exercice, soit à un de ses membres soit à toute autre
personne de confiance (art. 21). Il peut, si la mère, le tuteur testamentaire ou un
ascendant tuteur le demande, et doit, si le tuteur est un autre que ceux-ci, désigner
un conseiller de tutelle chargé, sans « jamais s'immiscer dans l'exercice de la puis-
sance paternelle ou de la tutelle » de veiller au loyal usage des subventions, d'assis-
ter au besoin l'enfant et sa famille de son expérience, de veiller à ce que l'orphelin ne
soit pas livré à l'abandon et fréquente l'école (art. 23 et 24). L'office départemental,
s'il craint que les intérêts matériels ou moraux de l'enfant soient compromis par la
négligence du tuteur, peut inviter le parquet à provoquer devant le tribunal toutes
les mesures utiles (art. 22). Enfin, c'est lui qui, lorsqu'il y a lieu au placement de
l'enfant hors de sa famille, le confie à une personne de son choix, établissement
public, fondation, association, groupement ou particulier présentant les garanties
nécessaires (art. 26). Il est difficile d'apprécier dès à présent la valeur pratique de
cette loi. Mais il est incontestable qu'elle procède d'une pensée de solidarité natio-
nale très louable et que, sur certains points particuliers, elle apporte des modifi-
cations heureuses aux solutions du droit commun,
LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
500
exacte de ces biens, et, en cas de destruction, pour fixer la somme à resti-
portée générale) que le subrogé tuteur, coupable de n'avoir pas forcé le tu-
teur à faire inventaire, sera solidairement tenu avec lui de toutes les con-
damnations qui pourront être
prononcées au profit du pupille.
3° Déclaration par le tuteur, dans l'inventaire, de ce qui peut lui être dû
le mineur. — L'article 451, 2e al. impose une troisième au
par obligation
tuteur. « S'il lui est dû quelque chose le mineur, il devra le déclarer
par
dans l'inventaire, à peine de déchéance, et ce, surla réquisition que l'offi-
cier public sera tenu de lui en faire, et dont mention sera faite au procès-
verbal. » Cette déclaration a pour but d'éviter une fraude le tuteur, na
que
guère créancier du mineur, pourrait autrement commettre. Déjà payé de
TUTEUR 503
son dû, il pourrait le réeclamer une seconde fois, après avoir détruit la
quittance qu'il aurait découverte dans les papiers qu'il va avoir à manier.
La réquisition du notaire est destinée à empêcher que le tuteur, par igno-
rance de la loi, ne soit exposé à. encourir la déchéance de son droit, en né-
gligeant de faire la déclaration prescrite. Enfin, la au
mention procès-
verbal de l'inventaire est la garantie que le notaire ne manquera de
pas
prévenir le tuteur comme il en a le devoir. Si le procès-verbal à
portait,
cet égard, une mention qui ne fût pas exacte, le notaire encourrait les
peines du faux en écriture publique.
4° Vente du mobilier. Dans le mois
qui suit la clôture de l'inventaire,
-
le tuteur doit
procéder à la vente aux enchères et en présence
publiques,
du subrogé tuteur, du mobilier appartenant au pupille La loi ne
(art. 452).
veut pas que l'on conserve un mobilier improductif et de nature à se dé-
tériorer. Cette règle comporte trois exceptions.
A. — Bien que la loi n'en dise rien, il est certain que la de l'ar-
règle
ticle 452 ne s'applique pas aux meubles incorporels, aux valeurs mobilières.
Ces meubles ne sont pas improductifs ; ils ne se détériorent pas ; à quoi
emploierait-on d'ailleurs le produit de leur vente, sinon en placements qui
pourraient encore
mobiliers? être
B. — Le conseil de famille (art. 452 in fine) autorise le tuteur à conserver
certains meubles, ceux par exemple qui sont utiles pour l'existence du
mineur ou pour sa carrière future, ceux qui, présentant une valeur artis-
tique ou de collection, constituent un capital susceptible d'augmentation,
ceux enfin auxquels, s'attache un souvenir de famille.
C. - Le père ou la mère, lorsqu'ils ont la jouissance légale des biens du
mineur, sont dispensés de vendre les meubles, s'ils préfèrent les garder
pour les rendre en nature (art. 453). Mais ils devront en faire faire, par
expert, à leurs frais, dans les formes indiquées par le texte, une estima-
tion à juste valeur, c'est-à-dire plus précise que l'estimation forcément
approximative faite déjà par le notaire dans l'inventaire. Cette estimation
servira, en cas de besoin, de base aux restitutions à faire à la fin de l'usu-
fruit. Cette troisième exception à la règle s'explique d'elle-même. Le mo-
bilier a, en général, pour 1e père ou la mère
une valeur survivant
d'affec-
tion, Aussi, la loi qui ne les dispense pas de faire inventaire, puisqu'ils sont
usufruitiers, les de faire vendre le mobilier, s'ils préfèrent le
dispense
conserver.
5° Décisions à demander au conseil de — Enfin, le tuteur doit
famille.
provoquer, « lors de l'entrée en exercice con-
», diverses délibérations du
seil de famille réglant, en quelque sorte, de
le fonctionnement ultérieur
répond de toutes les fautes quelconques commises, par incurie ou par né-
dans l'exercice de ses fonctions. Par exemple, il devra des dom-
gligence,
mages-intérêts en cas d'incendie d'un immeuble pupillaire qu'il aurait
façon générale, les actes d'administration courante. Pour les actes atteignant
un degré de gravité plus grand, le tuteur ne peut plus agir seul; il doit
consulter le conseil de famille. S'agit-il d'actes encore plus importants, en
DROIT. — Tome I. 33
506 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
le tuteur est tenu de faire tous les actes utiles à la bonne gestion du patri-
quelle somme commence cette obligation. Le délai, imparti par l'article 455
au tuteur pour faire l'emploi, est de six mois à partir du moment où les
économies ont atteint le chiffre fixé par la délibération du conseil de
famille. Passé ce délai, le tuteur devra au pupille, et cela de plein droit,
les intérêts des sommes qu'il n'aurait pas placées. Il devrait après le même
délai les intérêts de toute somme touchée à titre de revenu et non employée,
quelque modique qu'elle soit, s'il avait négligé de faire fixer par le con-
seil de famille le chiffre à partir duquel commence son obligation (art 456).
Il est à remarquer que cetteobligation de placer les économies n'est pas
imposée au tuteur, lorsqu'il s'agit du père ou de la mère. C'est du moins
ce qui semble résulter du rapprochement des articles 454 à 456, d'une part,
et 457, de l'autre. L'article 454, en entamant la liste des délibérations que le
tuteur doit provoquer de la part du conseil de famille au début de la tutelle,
nous dit expressément qu'elles interviendront « dans toute tutelle autre que
celle des père et mère ». L'article 455, vise la délibération relative à
qui
l'emploi des économies, ne reproduit pas, il est vrai, cette formule restric-
tive. Mais on doit penser qu'elle y est sous-entendue, étant donné l'ar-
que
ticle 457, passant à un autre ordre d'obligations du tuteur, débute par les
mots suivants : « Le tuteur, même le père ou la mère... » ce qui montre bien
que les articles immédiatement précédents ne s'appliquaient à ces
point
derniers. Cette dispense semble consacrée
d'emploi par la Cour de cassa-
tion (Civ.. 24 décembre 1895, D. P. 96.1.321, S. 96.1.25). Elle se justifie, tant
que le père ou la mère ont l'usufruit légal ; mais rien ne l'explique à partir
du moment où l'usufruit légal ne leur appartient plus.
3° Le tuteur est également astreint, et sous les mêmes à faire
sanctions,
emploi des sommes ou capitaux
d'argent, qui seraient recueillis par le pupille,
soit au début, soit au cours de la tutelle, par succession ou autrement. Chose
singulière, le Code civil, qui prescrivait des ne disait
l'emploi économies,
rien des capitaux ; mais la Jurisprudence ne s'embarrassait pas de ce silence
et décidait que, par argument a fortiori, la disposition 455 et
des articles
TUTELLE 507
456 devait s'appliquer en pareil cas. Cette solution a été consacrée par
l'article 6 de la loi du 27 février 1880. le délai au tuteur
Seulement, imparti
n'est plus le même que lorsqu'il s'agit des économies: il est de trois mois
au lieu de six. Le conseil de famille peut d'ailleurs fixer, s'il le juge con-
venable, un délai plus long.
L'article 6 de la loi de 1880 « les tiers ne seront
ajoute (al. 3) que en au-
cun cas
garants de l'emploi ». Cette disposition certainement aux
s'applique
économies comme aux capitaux. Elle signifie que les tiers, on.
lorsqu'ils
versé ce qu'ils doivent au mineur entre les mains du tuteur, et en ont retiré
quittance, sont définitivement libérés et n'auront pas à payer une seconde
fois, quand même l'argent serait détourné ou La Jurisprudence,
dissipé.
quand il s'agit de la protection d'autres incapables, les femmes mariées
sous le régime dotal, suit un système différent: les tiers, avant de payer,
doivent s'assurer que le mari justifie de l'emploi des deniers. D'où des re-
tards et des complications que l'on a voulu éviter en matière de tutelle
Quand s'agit ildu placement des capitaux, l'obligation d'emploi s'im-
pose au père et à la mère comme aux autres tuteurs. C'est ce qui résulte
clairement des travaux préparatoires de la loi de 1880 et, notamment, du
rejet, par le Sénat, d'un amendement qui décidait le contraire. Cette solu-
tion fait d'autant plus ressortir la singularité de la dispense accordée, quant
à l'emploi des économies, au père et à la mère non usufruitiers.
4° Une dernière obligation du tuteur consiste à convertir en titres nomi-
tard, lorsqu'il fut créé des titres de rente sur l'État mixtes, c'est-à-dire no-
(art, 1er), que ces titres mixtes ne pourraient être délivrés qu'autant qu'il
serait justifié que les rentiers jouissaient d'une pleine capacité. L'article 5
de la loi du 27 février 1880, substituant une règle générale à ces disposi-
tions que le tuteur doit procéder à la conversion en
fragmentaires, porte
valeurs nominatives des titres au porteur appartenant au pupille, dans les
trois mois suivent l'ouverture celle d'une succession échue
qui de la tutelle,
au mineur ou une libéralité à lui faite, succession ou libéralité comprenant
des; titres au porteur.
il peut arriver les titres ne soient pas convertibles, soit par
Comme que
nature a lieu certaines valeurs étrangères établies seule-
leur (ce qui pour
ment dans la forme an soit à raison des conventions (ce qui pourra
porteur),
se produire les hypothécaires ou pour toute valeur mobi-
pour obligations
autre les valeurs de bourse), le conseil de famille peut, dans le
lière que
508 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
Troisième : Actes
série subordonnés à la seule autorisation du
conseil de famille. — Cette série naturellement des actes
comprend
plus graves que la précédente. Elle a été notablement allongée par la loi
de 1880. On y rencontre les actes suivants :
1° Aliénation des valeurs mobilières au-dessous de 1.500 francs 1. — Nous
avons vu plus haut quel était l'état de la loi et de la Jurisprudence en ce
concerne ces aliénations, avant la loi du 27 février 1880. La loi nouvelle,
qui
abrogeant la loi du 24 mars 1806 et le décret du 25 septembre 1813 qu'elle
rend inutiles, décide que les rentes, actions, parts d'intérêts, obligations,
et autres meubles incorporels quelconques appartenant au mineur ce
pourront être aliénés par le tuteur sans qu'il y ait été autorisé préalablement
parle conseil de famille (art. 1er)- Cette autorisation suffit pour les valeurs
inférieures à 1.500 francs en capital. Au-dessus de ce chiffre il faut, en
plus, l'homologation du tribunal (art. 2). Cette règle nouvelle, très bien-
faisante en somme, car la pleine liberté dont jouissait antérieurement le tu-
teur avait donné lieu à de graves abus, est en même temps très compré-
hensive. Elle s'applique, en effet, à tous les meubles
incorporels quels qu'ils
soient, « rentes, actions, parts d'intérêts, et autres meubles
obligations
incorporels quelconques », dit l'article 1er, ce qui comprend notamment
les créances ordinaires, les fonds de commerce, offices ministériels, bre-
vets d'invention, la propriété artistique et littéraire, etc..
Le même article ajoute que « le conseil de famille, en autorisant l'alié-
nation, prescrira les mesures qu'il jugera utiles ». Ces mesures peuvent
avoir trait, soit à l'emploi des capitaux obtonus au moyen de la vente, soit
aux formes de la réalisation. S'il s'agit de valeurs en bourse,
négociables
gation édictée par le Code civil (art. 455) pour les revenus écono-
d'emploi
misés ; or, l'on se souvient que ces placements d'économies peuvent être
effectués par le tuteur sans autorisation.
C'est dans le sens d'une seconde opinion que la Jurisprudence se pro-
nonce en Cette opinion soutient que le renvoi de l'article 6 de la
général.
loi de 1880, étant embrasse toutes les dispositions antérieures de
général,
512 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
(Paris, 21
1884, D. P. 85.2.177,
mai S. 85.2.97; Toulouse, 19 mars 1906,
D. P. 1906.2.192, S. 1906.2.95). Il faut avouer que, s'il en est ainsi, l'article 6
de la loi de 1880 a réalisé une grave innovation qui, fait remarquable, est
que, sans qu'il y ait d'antre raison de cette distinction que l'ancienne idée
res mobilis, res vilis, l'autorisation du conseil de famille n'est, au contraire,
pas requise lorsqu'il s'agit d'un procès relatif aux meubles, si important
qu'il soit. Une telle distinction est évidemment peu raisonnable. Il peut y
avoir des procès immobiliers insignifiants, s'ils portent sur une parcelle
infime. Un procès relatif à une fortune mobilière considérable présen-
tera, au contraire, une très
importance. On se souvient
grande aussi que,
même en matière immobilière, tuteur n'a pas besoin le d'autorisation pour
plaider comme défendeur aux actions pétitoires, ni pour exercer les
actions possessoires, soit en demandant, soit en défendant.
8° Prise à bail d'une du mineur. — Il résulte enfin de l'article 450
ferme
(al. 3) que le tuteur ne peut prendre à ferme un bien de son pupille, que
si le conseil de famille a autorisé le subrogé tuteur à lui en passer bail. On
pourrait craindre en effet une collusion entre le subrogé tuteur et le tuteur,
pour faire obtenir à celui-ci des conditions trop avantageuses. Etant donné
le motif, on peut s'étonner que la loi n'ait pas pris la même précaution
pour le bail à loyer portant sur des maisons, que pour le bail à ferme por-
tant uniquement sur des biens ruraux.
qué. La transaction est le contrat par lequel deux ou plusieurs parties ter-
minent une contestation déjà née ou préviennent une contestation à naître
(art. 2044) grâce à dès concessions réciproques. Méconnaissant le pro-
verbe « Mauvais arrangement vaut mieux que bon procès », le Code,
non content de soumettre la transaction intéressant un mineur à l'autorisa-
tion du conseil de famille et à l'homologation du tribunal, exige, en outre,
un avis, en d'autres termes, une consultation de trois jurisconsultes, c'est-
à-dire d'après l'opinion dominante, de trois avocats exerçant depuis dix ans
dans le ressort de la Cour (Arg. art. 495, C. proc. civ.) et désignés par le
procureur de la République (art. 467). On a pensé sans doute qu'il est dé-
licat de reconnaître la validité ou la faiblesse d'un droit litigieux, apprécia-
tion nécessaire, cependant, quand une transaction estdiscutée, et que, dès
lors, les connaissances juridiques et l'expérience d'hommes d'affaires con-
sommés doivent être mises au service du mineur. Ici
encore, le but a été
manifestement dépassé. Voici un mineur est victime d'un
qui accident;
l'auteur responsable propose une indemnisation amiable. Il faudra recourir
aux formalités de l'article 467 1 Cela est vraiment
exagéré. Que de lenteurs
et de dépenses pour recevoir centaines de francs !
peut-être quelques
cipe et la mesure.
5° Le compromis. — On ainsi l'acte deux ou plusieurs
appelle par lequel
en litige conviennent de remettre le jugement de leur contestation à
parties
la décision d'un ou de plusieurs arbitres qu'elles désignent. La prohibition
résulte de la combinaison des articles 1004 et 83-6° du Code de procédure
civile. L'article 1004 décide un effet qu'on ne peut compromettre sur au-
cune des contestations sujettes à communication au ministère public, et
l'article 83-6° déclare les causes des mineurs doivent être communi-
que
quées au ministère public.
6° L'échange immobilier. —Il n'y a pas de texte qui prohibe expressément
LIVRE TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
518 I.-
qui est des intérêts des sommes non employées, il ne les devrait que dans
la mesure prescrite par l'article 1996 relatif aux mandataires, c'est-à-dire
du jour de l'emploi, lorsqu'il les aurait à son
employées profit personnel
et, dans les autres cas, seulement à partir d'une mise en demeure.
La Jurisprudence s'est montrée hésitante. Elle s'est trouvée, en effet, en
face de situations infiniment complexes. Nous en citerons une, soumise à la
1. V. Paul Sumien, .Essai sur les tuteurs de fait, Revue trimestr. de droit civil
1903, p, 781.
TUTELLE 519
Cour de Paris en 1877. Le pupille était devenu majeur ; le tuteur avait con-
tinué sa gestion, puis il était mort et ses héritiers avaient continué son
oeuvre ; pouvait-on alors les considérer comme tuteurs de fait ou même
comme simples mandataires? (V. Paris, 13 décembre 1877, D. P. 78.2.71,
S. 78.2.11)? Pourtant, d'une façon générale, la dans son
Jurisprudence,
ensemble, s'est ralliée à la conception de l'ancien Droit, celle est la
qui
plus favorable aux intérêts du mineur. Elle concède donc à celui-ci les
garanties au regard du tuteur de fait qu'au du tuteur véri-
mêmes regard
table (V. Civ., 15 novembre 1898, D. P. 1904.1.465, S. 991. Il y a lieu
140).
à hypothèque légale et les intérêts des sommes perçues et non dépensées
dans son intérêt sont dus de plein droit au mineur, faute dans
d'emploi
les six mois.
Le problème des tutelles de fait a d'ailleurs bien d'autres encore.
aspects
Les actes de gestion accomplis pendant une période de ce genre sont-ils
valables, obligatoires pour le pupille ou l'ex-pupille ? Il est nécessaire,
croyons-nous, de distinguer. A l'égard des tiers qui n'auraient pas été ins-
truits de la situation, on ne peut contester l'efficacité des actes accomplis
par le tuteur. Il y a les mêmes raisons d'en décider ainsi que lorsqu'il s'a-
git des actes d'un héritier apparent. Dans les rapports du tuteur avec le
pupille, nous pensons, au contraire, que ce dernier ne peut être tenu que
dans la même mesure où peut l'être une personne dont les intérêts ont été
administrés par un gérant d'affaires, à moins qu'en fait il n'y ait eu man-
dat exprès ou implicite, ce qui ne pourra se produire que dans l'hypothèse
d'une gestion se prolongeant durant la majorité.
compte les yeux fermés. Notre Code a commis ici une erreur dans laquelle
ne sont pas tombées les législations étrangères plus récentes. Le Code civil
italien 307, al. 1er) décide, en effet, que le compte de tutelle est rendu
(art.
au conseil de famille. Le Code civil allemand (art. 1892) et le Code civil
Suisse (art. 451) le font soumettre par l'ex-tuteur aux autorités tutélaires.
820 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIERE PARTIE
3° Formes — Ordinairement
du le compte se rend à l'amiable.
compte.
Mais, si les parties ne sont pas d'accord, la reddition se fera en justice con-
formément aux règles édictées par les articles 527 à 342 du Code de procé-
dure civile.
4° Contenu du compte. — Le est un tableau des re-
compte comparatif
cettes et des dépenses.
Au des recettes figurent tous les biens constatés dans l'inven-
chapitre
taire, tous ceux qui ont pu advenir au pupille durant la tutelle, et toutes
les sommes touchées par le tuteur, provenant tant du remboursement des
créances que des revenus des biens. Il faut y ajouter celles que le tuteur
aurait laissé perdre par sa faute, par exemple, en ne plaçant pas les écono-
mies et les capitaux.
Au chapitre des dépenses, le tuteur mentionne toutes
dépenses les
utiles
faites pour le pupille et dont il peut justifier d'une façon suffisante (art. 471,
2e al.). On remarquera cette expression de « dépenses suffisamment justi-
fiées » employée par le texte. Le tuteur peut donc faire la preuve de ces
dépenses par tous les moyens ; il n'est pas nécessaire qu'il rapporte un
acte les constatant chacune distinctement.
Les frais nécessités par la reddition de compte seront ajoutés au chapitre
des dépenses, car ils incombent au pupille (art. 471, 1er al.). Le tuteur doit
seulement les avancer, ce qui s'explique par ce fait que c'est lui qui a en
mains les fonds nécessaires. Par application des principes généraux, on
doit d'ailleurs décider, nonobstant les termes de l'article 471, que les.frais
de la reddition de compte resteront à la charge du tuteur, si c'est sa desti-
tution ou son exclusion qui a mis fin à la tutelle. Le mineur en effet ne doit
pas voir son patrimoine grevé d'une dépense supplémentaire due à la faute
de son tuteur.
5° du — La des deux Recettes et
Reliquat compte. comparaison chapitres
Dépenses, ou balance du compte, fait ressortir un
reliquat, qui peut être à la
charge du tuteur ou à celle du mineur. Il y a entre ces deux hypothèses les
différences suivantes:
A. — Si c'est le mineur qui reste créancier du tuteur, la somme due par
ce dernier intérêts de plein
à compter droit
portera de la clôture du compte
(art 474, 1er al.).
Au contraire, si c'est le tuteur qui se trouve créancier, les
intérêts ne courront à son conformément à la règle
profit, qui constitue
au jourd'hui le droit commun en matière du jour où
d'intérêts, qu'à partir
il aura adressé à son débiteur une sommation de payer 2e al. Cf.
(art. 474,
art. 1153 modifié par la loi du 7 avril La raison de cette différence se
1900).
trouve dans les sentiments de respect le mineur
qui pourraient empêcher
d'adresser, par huissier, une sommation à son ancien tuteur, et le prive-
raient, dès lors, si on lui appliquait le droit des intérêts
commun, auxquels
il a droit.
Toutefois, le tuteur pourrait réclamer les intérêts à partir d'une date an-
térieure, s'il était devenu créancier du non comme mais
pupille, tuteur,
en qualité de gérant d'affaires, par en de ses deniers, les
exemple, payant,
dettes du pupille. En effet, il résulte de l'article 2001 et
que le mandataire
TUTELLE 521
le gérant d'affaires ont droit aux intérêts de leurs avances du jour où ils les
ont effectuées. Le tuteur pourra donc inscrire dans son de tutelle le
compte
montant du capital par lui avancé, avec les intérêts à par-
légaux, comptés
tir de l'avance (Req., 26 octobre 1910, D. P. 1913.5.32, S. note
1912.1.337,
de M. Loubers).
B. — Le mineur, pour assurer le paiement du reliquat qui lui est dû,
bénéficie d'une hypothèque légale sur les biens de son tuteur (art. 2121).
Le tuteur, lui, n'a pas d'hypothèque ; c'est un créancier chiro-
simplement
graphaire.
6° Cas de tutelles successives. — a eu tutelles suc-
Lorsqu'il y plusieurs
cessives, le mineur peut demander au dernier tuteur un em-
compte qui
brasse toutes les tutelles antérieures qui n'auraient été suivies d'un
pas
compte régulier. En effet, le dernier tuteur en exercice est en faute de n'a-
voir pas exigé de comptes du précédent tuteur ; il encourt la responsabilité
des agissements de celui-ci, lesquels comprennent, notamment, la négli-
gence qu'il avait lui-même commise en ne se faisant rendre
pas compte
par le tuteur encore plus ancien, et ainsi de suite.
On voit la complexité des problèmes auxquels donne lieu la reddition
du compte de tutelle.
Nous arrivons maintenant à deux séries de
règles particulières, édictées
par le Code pour parer à deux intérêts auxquels la loi doit, en équité, une
égale protection : ,
1° L'intérêt du mineur, qu'il faut prémunir contre sa propre faiblesse en
veillant à ce que le compte auquel il a droit lui soit vraiment et sérieuse-
ment rendu.
2° L'intérêt du tuteur, pour qui la tutelle entraîne de lourdes responsabi-
lités, qu'on ne saurait sans exagération laisser peser trop longtemps sur
ses épaules.
DROIT. — Tome I. 34
522 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
pissé.
De cette façon, le mineur ne peut, sous couleur d'un traité plus ou
moins sincère
passé avec son tuteur, dispenser celui-ci de rendre compte de
sa gestion, ni, une fois le compte remis avec ses pièces justificatives, l'ac-
quitus à son tuteur, et cela jusqu'à la reddition de compte ou, pour parler
plus exactement, jusqu'au onzième jour qui suivra cette reddition.
Les motifs qui ont inspiré la disposition de l'article 472 vont en déter-
miner la portée.
A. — Le traité frappé de nullité comme la loi est celui qui,
suspect par
décoré du nom de transaction ou de tout autre, aboutir, en totalité ou
peut
en partie, directement ou indirectement, à dissimuler une quittance de la
zone contestée, comprenant diverses actions dont le caractère et, par con-
APPENDICE
Le chapitre consacré à la Tutelle est l'un des plus riches du Code en dis-
des enfants et 66
pauvres % de celles des enfants possédant un patrimoine
n'étaient pas constituées" (Gastambide, op. cit., p. 287,288).
Ainsi s'est établi, à côté du régime légal, avec tout son appareil de protec-
tion compliquée, un régime de fait bien différent et n'offrant, cela est trop
évident, aucune espèce de garanties.
Pour remédier à d'aussi graves irrégularités, il faudrait donner au juge
de paix des moyens d'information et. le charger les tutelles. A
d'organiser
la suite de l'enquête précitée, Jules Favre avait déposé, devant l'Assemblée
nationale, une proposition de loi (J. off., 1879, p. 3094) qui ordonnait au
maire de chaque commune deporter à la connaissance du de paix les
juge
décès des parents laissant des enfants mineurs, et confiait au ministère
public un devoir de surveillance. A cet effet, les juges de paix devaient lui
communiquer chaque année un tableau des tutelles constituées dans le
canton. Cette proposition échoua devant le Sénat; et pourtant elle conte-
nait une réforme vraiment heureuse. Le Code civil suisse l'a du reste
adoptée; son article 368, 2e alinéa, porte que : « les officiers de l'état civil
et les autorités administratives et judiciaires sont tenus de signaler sans
délai à l'autorité compétente tout cas de tutelle qui parvient à leur connais-
sance dans l'exercice de leurs fonctions. » Et on trouve une règle analogue
dans les Codes civils italien (art. 250) et espagnol (art. 293), et dans la loi
allemande du 17 mai 1898 sur la juridiction gracieuse (art. 48) 1.
ADMINISTRATION LÉGALE 1
1. Capitant, La loi du 6 avril 1810, dans Revue trimestrielle de droit civil, 1910,
p. 271; Bartin, Rapport à la Société d'Etudes législatives, avec telles et discus-
sion dans le Bulletin de la Société, 1906, p. 297, 333; Wagner, L'administration
légale des biens personnels des enfants mineurs. Revue trimest. de droit civil,
1902, p. 782; de Chauvigny de Blot, De l'administration légale: étude comparée
de la loi du 6 avril 1910 et de la jurisprudence antérieure, thèse, Paris, 1912,
632 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
neurs » ; à quoi l'alinéa 2 du même article ajoutait que le père est comp
table des biens dont il a l'administration.
On pourra se rendre compte de l'interprétation donnée à cet article 380,
avant 1910, par la Jurisprudence, en indiquant les différences principales
qu'elle faisait ressortir entre la tutelle et l'administration légale:
1° Les biens de l'administrateur légal ne sont pas grevés d'une hypo
thèque légale au profit des mineurs.
2° Il y a pas de subrogée tutelle organisée à côté et comme contrôle de
l'administration légale.
Comment faire, dès lors, quand les intérêts du mineur et ceux de son
administrateur légal se trouvaient en opposition ? Qui représentait le
mineur dans ce cas? Il y avait controverse sur ce point. L'opinion la plus
généralement admise était qu'il y avait lieu de faire représenter l'enfant
C'est, à notre avis, le premier système qui vaut le mieux ; c'est lui qui
1. Le texte voté par le Sénat, dans sa séance du ii février 1909, décidait que l'ad.
ministration légale était enlevée de plein droit « au mari séparé de biens en vertu
de 1 article 1443 du Code civil », Mais il s'est passé ce fait étrange, que ce membre
de phrase ne figure pas dans la lettre datée du 13 février par laquelle le président
du Sénat transmettait le projet à la Chambre des députés. Celle-ci ayant adopté
ce projet sans discussion, la loi a été promulguée telle quelle, sans que personne
se soit aperçu qu'elle est en realite inconstitutionnelle, puisque le texte voté par
la Chambre des députés n'est pas conforme au texte voté par le Sénat et que
cette assemblée n'a pas ensuite adopté la modification introduite — inconsciem-
ment— par la Chambre. La singularité du fait nous a paru mériter d'être signalé©.
Elle a et* révélée par la thèse de notre élève M. Flattet, Etude sur l'administra-
tion Légale, Paris, 1911, p. 103, et nous avons vérifié l'exactitude de ses remarques
sur ce point,
ADMINISTRATION LEGALE 537
35
DROIT, — Tome I.
CHAPITRE IV
2. Loi du 2 1907. — La
Généralités. Historique juillet question
de la des mineurs enfants naturels, présente un grand intérêt
protection
dans une société où le nombre des enfants nés hors mariage
pratique
est malheureusement très grand, surtout dans les classes pauvres, et où
les enfants naturels beaucoup ne sont reconnus ni par leur père
parmi
ni par leur mère 3.
Dans notre ancien Droit, l'enfant né hors mariage était considéré comme
légitime, offre cet avantage de ne point placer l'enfant dans une situation
extérieurement différente de celle des autres mineurs. Cependant, certains
auteurs préconisaient l'attribution de la puissance paternelle à celui des
deux auteurs de l'enfant qui l'aurait reconnu le premier, solution peu ra-
tionnelle, semble-t-il à première vue, car l'autorité parentale ne saurai
être le prix de la course, et il est inexact de supposer a priori que l'auteur
de la reconnaissance a fait preuve d'une sollicitude plus tendre
première
pour une foule de circonstances fortuites pouvant retarder une
l'enfant,
reconnaissance, ne fût-ce, que l'état de santé de la mère re-
par exemple,
tenue dans son lit pendant les premiers jours qui suivent l'accouchement.
97.2.215). Le mariage seul, en effet, par le contrôle mutuel des deux parents,
peut justifier l'absence de garanties et de limite à la liberté d'action du man-
dataire légal, qui caractérise cette forme d'administration. En conséquence,
l'enfant naturel, quand bien même il aurait été reconnu et, dès lors, placé
soas la puissance paternelle, devait être soumis, pensait-on, quant à ses
biens, au régime de la tutelle. Restait à savoir quel genre de tutelle il y
avait lieu d'appliquer. Pendant longtemps on avait admis que c'était la tu-
telle légale des père et mère. Puis l'opinion contraire avait prévalu. Et la
Cour de cassation avait décidé que le tuteur devait être nommé par le con-
seil de famille (Req., 16 novembre 1898, D. P. 99.1 218, S. 99.1.24). Il faut
ajouter que, l'enfant naturel ayant rarement un patrimoine personnel, l'or-
ganisation de cette tutelle n'avait pas lieu fréquemment en fait. La Cour de
cassation paraissait même poser en principe que, la loi n'ayant pas fixé le
moment de l'ouverture de la tutelle des enfants naturels, il n'y avait lieu de
l'organiser que quand l'intérêt de l'enfant ou celui des tiers l'exigeait (Req.,
10 novembre 1896, D. P. 99.1.209, note de M. Léon Michel, S. 97.1.321, note
de M. Tissier).
Il n'y a pas besoin de faire ressortir tous les inconvénients d'une doc-
trine et d'une jurisprudence aussi assises. En la
peu somme, protection
légale des mineurs enfants naturels était très insuffisamment assurée par
notre loi. Le système suivi forcément par les interprètes, système qui
consistait à adapter tant bien que mal à la situation de ces enfants des
textes écrits pour les mineurs issus d'un et vivant,
mariage légitime par
conséquent, dans des conditions tout à fait différentes, était rationnelle-
ment défectueux. Encore n'avons-nous rien dit des aux-
conséquences
quelles il aboutissait en ce qui concerne des pouvoirs de
l'organisation
haute tutelle. Pour l'enfant naturel comme le légitime, on
pour chargeait
le conseil de famille de nommer et de contrôler le tuteur. Or l'enfant natu-
rel, légalement, n'a pas de famille
; il n'en a pas, non plus, en fait, lorsqu'il
n'a pas été reconnu. Son conseil de famille ne pouvait donc être
guère
composé que d'amis, c'est-à-dire de personnes de bonne volonté, désignées
pour leurs sentiments plus ou moins d'affection ou de sympathie
vagues
envers l'enfant. L'utilité d'un tel rouage était évidemment à peu près nulle.
C'est pour réformer cet état de choses que fut votée, non sans études
préalables, mais sans aucune discussion la loi du 2 juillet 1907
publique,
dite « loi relative à la protection et à la tutelle des enfants naturels », qui a
modifié les articles 383, 384 et 389 (al. 12 et s.) du Code civil, et dont
nous allons maintenant analyser les dispositions.
TUTELLE ET PROTECTION DES ENFANTS NATURELS 541
1. C'est ce système qui avait paru rallier les approbations les plus autorisées dans
les discussions consacrées par la Société d'études à la question de la
législatives
protection des enfants naturels. — V. le projet, le rapport de M. Ambroise Colin,
les discussions et les documents divers dans le Bulletin de cette société, années 1902
et 1903. Deux propositions, relatives à la création de conseils de tutelle, ont été
déposées en 1910. devant le Sénat par M. d'Estournelles de Constant, et devant la
Chambre par M. Beauquier (Sénat, séance du 1er juillet 1910, Sess. ord., 1910, n° 326;
Chambre, séance du 11 juillet 1910, Sess. 1910, n° 301),
544 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
plus souvent désignée par celui de son concubin, n'est-ce pas souligner
inutilement, et non sans cruauté, aux yeux du monde, la naissance irré-
ÉMANCIPATION ET CURATELLE
vingt ans, aux filles à partir de dix-huit, et celui qui en bénéficiait deve-
nait pleinement capable, sauf qu'il ne pouvait ni aliéner, ni hypothéquer
'
ses immeubles.
Ces diverses règles subsistèrent en gros dans pays de Droit
les écrit,
sauf que le rôle du curateur, qu'on donnait aux pubères de douze ou qua-
torze ans émancipés ou sortis de tutelle, seulement lorsqu'ils avaient des
de toucher ses revenus. Mais il avait besoin d'être assisté d'un curateur
pratiques coutumières. Il avait bien été question, lors des travaux prépa-
ratoires, d'accorder de plein droit le bénéfice de l'émancipation aux mi-
neurs n'ayant plus ni père ni mère et
parvenus à Page de dix-huit ans, de
faire ainsi de l'émancipation une sorte de stage destiné à préparer l'en-
fant à une capacité complète (Fenet, t. X, p. 564 et s., 594) ; mais ce sys-
tème ingénieux a été abandonné. Aujourd'hui, les différences les plus
marquantes entre les règles du Code et celles de l'ancien Droit sont, d'une
part, la suppression de l'intervention administrative pour l'émancipation,
qui est devenue un acte purement familial quoique solennel, et, d'autre
part, l'intervention des pouvoirs de haute tutelle, conseil de famille et
tribunal, pour contrôler les actes les de la de l'é-
plus importants gestion
mancipé. Cette assimilation, dans nombre de cas, du mineur éman-
complète
cipé et du mineur en tutelle acte souvent non sans raison. Elle
critiquée
donne lieu à des complications et à des frais inutiles. En du
regard système
de la loi française, trop fonctionne en Allemagne
formaliste, un système
peut-être exagérément simpliste. D'après le Code civil allemand (art. 3, 4,5),
le mineur qui a atteint dix-huit ans peut, s'il est reconnu
apte à la conduite
de ses affaires, être déclaré majeur par le tribunal des tutelles (Cf. dans le
même sens, Code civil suisse, art. 15). Entre ces deux conceptions législa-
tives, il y aurait eu peut-être un moyen terme à trouver
On terminera ces généralités en constatant
qu'en France le nombre des
émancipations semble avoir une certaine tendance à décroître. Le nombre
des actes d'émancipation reçus par les juges de paix oui était de 9 .273
ÉMANCIPATION ET CURATELLE 547
quels il doit être assisté de son curateur ; ceux qui nécessitent, outre l'as-
sistance du curateur, l'intervention des pouvoirs de haute tutelle.
C. — Les actes que le mineur accomplir
émancipé seul et qui cons-
peut
tituent le domaine de sa capacité, principe sont
limités. en Pour lui, l'inca-
pacité est donc la règle et la capacité l'exception. D'une façon générale, sa
gories. C'est ce que nous avons pu reconnaître déjà en constatant que les
pouvoirs du
père administrateur légal sont plus larges que ceux du tuteur.
A leur tour, les pouvoirs d'administration du tuteur sont plus étendus que
ceux du mineur émancipé. C'est sans doute ce que l'article 481 a voulu
exprimer en disant que sa capacité se restreint aux « actes qui ne sont
que de pure administration ».
Enumérons les actes qui rentrent dans cette catégorie. Ce seront.
1° Les actes de la vie courante, ceux qui concernent l'entretien du mi-
neur ou qui permettront à celui-ci de sa vie : acheter les choses
gagner
nécessaires à sa subsistance, passer un contrat de travail comme employé
ou ouvrier, engager des domestiques, prendre à bail un ou
appartement,
payer ses dettes';
2° Les actes ditsconservatoires, comme d'inscrire ou de renouveler une
hypothèque, d'interrompre une prescription. On se souvient d'ailleurs que
même le mineur ordinaire pourrait les accomplir valablement.
3a Donner à bail ses immeubles, la durée du bail n'excède
pourvu que
pas neuf ans. Ici, nous apercevons une différence avec les pouvoirs du tuteur
sur les biens de son pupille. Nous savons en effet le tuteur
que pourrait
passer un bail, quelque longue qu'en soit la durée à l'expira-
; seulement,
tion de la tutelle, ce bail De serait au propriétaire un
pas opposable pour
plus long temps que le laps restant à courir sur la période de neuf ans
commencée (Cf. art. 481
et1718, 1429, 1430).
EMANCIPATION ET CURATELLE 553
telle, par le tuteur agissant seul, mais qui ne peuvent l'être par le mineur
(art. 840) ;
La vente des meubles même corporels, autres que les récoltes ou les
meubles de dépérissement. On en a douté, et on a parfois
susceptibles
rangé les aliénations mobilières corporelles parmi les opérations que peut
accomplir seul le mineur émancipé. Mais cette opinion semble aujourd'hui
abandonnée. Il est trop clair qu'aliéner des meubles corporels non sujets
à dépérissement, des tableaux, des joyaux, de
l'argenterie, une biblio-
n'est pas administrer. De plus, comment le mineur émancipé
thèque, ce
DROIT, — Tome I, 36
LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
534
plus libre que le tuteur, qui serait forcé de se couvrir d'une délibération du
conseil de famille fart. 463). À la donation il convient d'ailleurs d'assimiler
le legs à titre particulier.
D. — Le fait d'intenter une
immobilière, action
au pétitoire, bien entendu
(art. 482). Ici, pour agir comme pour se défendre, le mineur n'a besoin que
de l'assistance du curateur. Le tuteur, au contraire, intenter l'action,
pour
devrait consulter le conseil de famille (art. 464).
E. — Le fait d'intenter une action en partage ou d'y défendre. Le partage
d'ailleurs ne pourra, comme celui qui intéresserait un mineur non éman-
cipé, être fait autrement que dans la forme judiciaire (art. 838).
Au cas où le curateur refuserait son assistance est sollicitée
lorsqu'elle
pour les actes ci-dessus par le mineur on admet celui-ci
émancipé, que
pourrait en appeler à une autorité au conseil de famille
supérieure, d'abord,
et, en cas de refus du conseil de famille, au tribunal Douai, 15 décembre
1900, D P. 1903.2.9).
c'est, nous l'avons vu, cette intervention des pouvoirs de haute tutelle (ce
qui assimile en somme la situation du mineur à celle du mineur
émancipé
ordinaire) dans les actes
plus les
graves relatifs
Ces actes, au patrimoine.
si on en croyait la formule de l'article 484, 1er al., seraient « tous les actes
autres que ceux de pure administration ». Mais cela est inexact. Nous ve-
nons devoir en effet que certains actes la pure administration
dépassant
et même toute espèce d'administration être valablement
peuvent accomplis
sans autre formalité que celle de l'assistance du curateur. Il faut encore ici
procéder par voie d'énuméralion.
1° Le mineur émancipé a besoin de l'autorisation du conseil de famille
pour :
A. — L'acceptation ou la répudiation d'une succession. C'est là un acte
plus grave que d'accepter une donation ou un à titre à
legs particulier,
cause de la charge des dettes qu'emporte la d'héritier.
qualité
B. — L acquiescement à une demande immobilière 464 et 482
(art. comb.).
En effet, la loi a autorisé le mineur à intenter une action immo-
émancipé
lière et à y défendre avec la seule assistance du curateur ; mais l'article 482
ne parle pas de l'acquiescement.
2° Le mineur a besoin, non seulement de l'autorisation du conseil de
famille, mais de l'homologation du tribunal pour:
À. — Emprunter (art. 483). On ce à la diffé-
remarquera que texte,
rence de l'article 457, ne subordonne pas la possibilité d'un à ce
emprunt
qu'il y ait nécessité absolue.
B. — Aliéner un immeuble (art. 484) ;
C. — Hypothéquer (art. 484) ;
D. — Transiger. Il faudra, de plus, pour cet acte, l'avis favorable de
trois jurisconsultes requis par l'article 467. Parmi les transactions, cepen-
dant, on a soutenu, avec raison semble-t-il, que celles qui seraient relatives
aux perceptions de revenus seraient
des dispensées formalités de l'ar-
ticle 467, et que le mineur émancipé pourrait les faire seul. En effet, à la
différence du tuteur, il possède la libre disposition de ses revenus. Pour-
quoi ne pourrait-il pas transiger en ce qui les concerne?
sa est entière pour les faits relatifs à son commerce (art. 437.
capacité
Ct. art. 2, C. com.).
Un seul acte cependant, quoique relatif au commerce du mineur éman
encore l'autorisation du conseil de famille et l'homologation
cipé, requiert
du tribunal: c'est l'aliénation des immeubles (art. 6, C. com.). En revanche,
le mineur commerçant pourrait hypothéquer ses biens sans même avoir
besoin de l'assistance de son curateur.
CHAPITRE VI
curateur, ils sont valables, mais peuvent être l'objet d'une demande en res-
titutio in integrum adressée au préteur, s'ils lui ont causé une lésion, c'est-
à-dire un préjudice résultant de la disproportion des prestations reçues et
fournies en vertu du contrat. Ainsi, la restitutio in integrum qui, avant ré-
tablissement de la curatelle, avait pour but de protéger le mineur contre sa
propre inexpérience, c'est-à-dire contre les actes passés par lui-même, est
devenue une garantie contre la ou du curateur
négligence l'imprudence
qui conclut un contrat préjudiciable aux intérêts du mineur.
Ajoutons que, par une extension toute naturelle, l'institution de la resti-
tutio in integrum fut appliquée aux impubères, afin de leur d'é-
permettre
carter les conséquences, préjudiciables pour leurs intérêts, des actes de
leurs tuteurs. Et on vil le préteur accorder le même bénéfice à l'enfant placé
—
§ 1. Actes des mineurs ordinaires.
pli par un mineur offre le caractère, non d'une nullité, mais d'une rescision,
et ce mot, dans son acception la plus précise, implique, on le sait, le fonde-
ment d'une lésion constatée. Et il suffit de parcourir les articles figurant, à la
suite de l'article 1305, dans la section consacrée par le Code à la nullité ou
rescision des
conventions, pour se convaincre, en rencontrant à chaque pas
le mot typique de restitution (V. art. 1306, 1307, 1308, 1309, 1310), que le
législateur de 1804 n'a pas voulu s'écarter de la tradition romaine, telle du
moins que l'interprétaient les auteurs de notre ancien Droit. Ce n'est donc
pas, en principe, la nullité, mais une restitution qui est la sanction des actes
passés par le mineur au mépris de son incapacité légale. En d'autres
termes, le mineur, dans notre Droit, moins comme incapable
apparaît
d'agir que comme incapable de se léser par ses actes. C'est là le sens qu'il
faut donner, de nos jours, à l'adage souvent cité Minor restituitur non tan-
quam minor, sed tanquam Iaesus.
On remarquera d'ailleurs que nul texte la invocable
n'exige que lésion,
par le mineur contre toutes sortes de conventions, un taux minimum
atteigne
quelconque. Il suffit qu'elle existe, si faible être, en-
qu'elle puisse pour
traîner, le cas échéant, la rescision. Ajoutons cette lésion doit résulter
que
de l'acte incriminé lui même, l'article 1306 portant le mineur n'est
que pas
SANCTION JUDICIAIRE DE L'INCAPACITÉ DES MINEURS 561
1922.1.169, et, sur renvoi, Dijon, 29 janvier 1923, Gaz. Pal., 1923.1.603)
dit communément des actes annulables sur la seule démonstration
de l'inobservation des formalités ils étaient sou-
spéciales auxquelles
donnent lieu à une nullité vice de forme, tandis que les
mis, qu'ils pour
562 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
dits à restitution. Le Code civil lui même nous fournit cette nomen-
sujets
clature et consacre, conséquent, la distinction qui la justifie, dans le
par
texte de l'article 1311 in fine ( « soit que cet engagement fût nul en sa forme,
qui a fait défaut au tuteur en effet, dans l'acte qu'il a souscrit indûment,
vente, hypothèque, emprunt, ce n'est pas la capacité, c'est
le pouvoir. Ayant
dépassé son mandat, il n'a pas représenté le mineur ; il a donc fait un acte
inexistant ; s'il s'agit d'une vente, il a vendu la chose d'autrui. La nullité
est absolue. Cependant, c'est une
opinion contraire qui prévaut à peu près
unanimement dans la Doctrine ; et l'on admet que la nullité est simplement
relative. On considère en effet que le tuteur est investi par la loi d'un mandai
général afin de représenter le mineur dans tous les actes juridiques. Certes,
la loi lui impose, pour certains de ces actes, des formalités particulières.
C'est là une mesure de protection supplémentaire pour le mineur, une des
conséquences de son incapacité. La nullité fondée sur l'inobservation de
ces formes ne peut être que relative, comme toute nullité de protection.
2° On peut supposer, en second lieu, que le tuteur a agi, soit dans la me-
sure de son droit, par exemple, en accomplissant seul un acte d'administra-
tion, soit avec observation des formalités s'il s'agit d'un acte dé-
requises,
passant l'administration. Y aura-t-il alors possibilité rescision
d'une pour
cause de lésion ? La question est délicate et donne lieu à des controverses.
Aupoint de vue rationnel, on peut se demander à quelle se
conception
rattachent les mesures prises contre la lésion subie un mineur. Le lé-
par
SANCTION JUDICIAIRE DE L'INCAPACITÉ DES MINEURS 565
gislateur la considère t-il comme un vice objectif, qui doit être écarté de
tout acte intéressant le patrimoine de l'incapable? En ce cas, aucune forme
légale ne pourrait mettre celui qui contracte avec un mineur ou avec son
représentant à l'abri d'une rescision éventuelle. Ou bien, la lésion n'est-
elle, aux yeux du que la preuve,
législateur, la révélation de ce fait que le
mineur, de l'acte,
auteur a agi sans lumières en un mot, comme
suffisantes;
on l'a dit, la marque extérieure d'une insuffisance de volonté concrétisée?
Si c'est cette conception qui l'emporte (comme elle domine, nous le ver-
rons, la théorie de la rescision pour lésion des actes accomplis par les
sidération décisive avait été, nous l'avons vu, invoquée par Pothier,
pratique
de l'avis les actes d'administration, c'est-à-dire au moins ceux ac-
duquel
dans la limite de ses devaient être inatta-
complis par le tuteur pouvoirs,
du Code civil aient entendu rétro-
quables. Est-il admissible que les auteurs
au delà de Pothier, leur inspirateur ordinaire?
grader
Il est bon de cependant que, si le Code civil ne relève pas le
remarquer
mineur ni les autres des conséquences des opérations actives
incapables
il les contre
accomplis régulièrement par leur représentant, protège parfois
l'effet des de ce même représentant. C'est ainsi que l'ar-
négligences
ticle 2252 suspend la prescription courant contre le mineur et l'interdit du-
contre les décisions terminant les procès où ils auraient été mal défendus.
Le Code n'est d'ailleurs toujours fidèle à ce système. Ainsi, le mineur
pas
et l'interdit ne sont pas relevés des conséquences du défaut de transcrip-
tion d'un acte les intéressant et que le tuteur aurait dû faire transcrire
semble, il est assez judicieux, il permet au mineur de faire seul, sans avoir
besoin d'autorisation, les actes de la vie courante et même de passer des
actes, n'ont rien à craindre, tant qu'ils n'abusent pas de son inexpérience.
L'action en rescision pour cause de lésion est un mode de protection plus
souple, plus intelligent, moins
que l'action brutal en nullité.
Et cependant, les législations récentes ont généralement rejeté ce mode
de protection, et ne font plus place qu'à l'action en nullité.
C'est ce qu'a fait le Code civil italien, aux termes duquel l'action en nul-
lité seule peut être exercée :
1° Lorsque le mineur non émancipé a fait lui-même un acte sans l'inter-
vention de son représentant légitime ;
2° Lorsque le mineur émancipé a fait lui-même un acte la
pour lequel
loi exige l'assistance de son curateur;
3° Lorsque les formalités établies pour certains actes des
par dispositions
spéciales de la loi n'ont pas été observées.
SANCTION JUDICIAIRE DE L'INCAPACITÉ DES MINEURS 567
— mineurs
§ 2. Actes des émancipés.
pouvoirs. d'un acte qu'il a fait seul, alors qu'il aurait dû l'accom-
S'agit-il
avec l'assistance de son curateur, le mineur émancipé pourra en de-
plir
mander la rescision, mais le succès de sa demande sera subordonné à la
démonstration d'une lésion. d'actes pour lesquels des formalités
S'agit-il
étaient édictées, formalités que le mineur émancipé a négligées,
spéciales
alors, il y a lieu non à rescision, mais à nullité pour vice de forme.
2° maintenant que le mineur émancipé a agi régulièrement,
Supposons
c'est-à-dire dans la mesure de ses pouvoirs, s'il a contracté seul, avec l'as-
sistance de son curateur ou du conseil de famille, dûment
l'approbation
568 LIYRE I. — TITRE III. — PREMIERE PARTIE
portion avec sa fortune ; par exemple, il a acheté des bijoux, des chevaux,
une automobile que ne comportait pas son train de
; ou encore vie(argu-
ment des mots « par voie d'achat ou autrement »), il a loué un appartement
d'un loyer trop élevé pour ses revenus, il a commandé à des entrepreneurs
des réparations trop coûteuses pour sa maison et pour sa ferme. Les tri-
bunaux pourront, dit la loi, réduire ces engagements excessifs.
L'excès et la lésion se ressemblent. S'ils se confondaient, il y aurait
identité absolue entre la situation du mineur non émancipé, capable d'agir
seul du moment qu'il ne se lèse pas, et celle du mineur émancipé, capable
d'agir seul pourvu qu'il ne commette pas d'excès. Mais voici quelles diffé-
rences il y a lieu de relever entre la rescision et la réduction. Nous verrons,
en les étudiant, que quelques-unes sont, de par la Jurisprudence, devenues
requises n'ont pas été observées ; dans le cas contraire, ils devront être, pen-
à l'abri même s'ils ont été
sons-nous, de toute rescision, désavantageux.
Quand il s'agit du mineur émancipé, contraire, la Jurisprudence au a plu-
sieurs fois admis la réductibilité des actes
pour dépassant l'administration,
tels qu'achats d'immeubles ou de fonds de commerce, alors même que le
mineur se serait assister de son curateur pour les accom-
émancipé fait
29 juin 1857, D, P. 58.1.33, S. 57.1.729 ; Req., 21 août 1882,
plir (Req.,
D. P. 83.1.339, S. 83.1.113, note de M. Lyon-Caen). Le motif invoqué par
DROIT. — Tome I. 37
570 LIVRE I. — TITRE III. — PREMIÈRE PARTIE
cette jurisprudence, c'est que l'article 484 ne distingue pas et doit donc
s'appliquer à tous les engagements excessifs du mineur émancipé, soit
qu'il les ait souscrits seul, soit qu'il les ait souscrits avec le concours des
autorités chargées de sa protection. Il y a là une solution que nous ne
pouvons approuver, car elle nous ramène aux conception les moins pra-
tiques de l'ancien Droit. Nous avons vu que l'acte passé régulièrement par
le tuteur (ou par le mineur ordinaire assisté de ce tuteur) est aujourd'hui
considéré en général comme à l'abri de toute critique. Les tiers ne devraient
pas jouir d'une moindre sécurité, lorsqu'ils traitent avec un mineur éman-
cipé dûment assisté de son curateur.
Durée de la sanction. —
des actes
Qu'il d'un
Appendice. s'agisse
mineur ordinaire ou de ceux d'un mineur émancipé, de l'action en nullité
pour vices de formés ou de l'action en rescision, il y a lieu d'appliquer
l'article 1304, qui soumet ces actions à la prescription de dix ans. Cette
prescription commence à courir du jour de la majorité. C'est à partir de ce
moment qu'une confirmation de l'acte annulable ou rescindable sera pos-
sible de la part de son auteur.
DEUXIEME PARTIE
LES DÉMENTS
ALIÉNATION MENTALE 1
son espèce, d'abord lui donner des soins, et aussi pour l'empêcher de
pour
nuire à autrui. Or, ici se pose un angoissant problème. Tout en permettant
l'internement des aliénés, le législateur doit prendre toutes les précau-
tions nécessaires pour empêcher les internements arbitraires que pour-
raient solliciter des parents avides ou indignes.
que les scandales et les accidents résultant chaque jour de la liberté laissée
à des milliers de fous dont on ne savait que faire, étaient devenus l'objet
des plus sérieuses préoccupations. »
Quant aux garanties de la liberté individuelle contre l'abus des interne-
ments, elles était à peu près nulles. À la vérité, ces
garanties eussent
existé si la pratique s'était conformée à l'esprit du Code civil. Le législa-
teur de 1804, en effet, n'avait pas consacré de dispositions spéciales à l'in-
ternement des aliénés; mais il avait organisé leur protection au moyen de
penser d'exiger le certificat. Mais les chefs des établissements privés n'au-
ront jamais la même faculté.
C. — Un passeport ou toute autre pièce propre à constater l'identité de
la personne à placer.
D. — Un bulletin d'entrée, mentionnant les diverses pièces ci-dessus,
lequel sera adressé, dans les vingt quatre heures, avec un certificat du,
médecin de l'établissement et la copie du certificat du médecin consulté-
au préfet ou au
sous-préfet dans les communes de leur résidence et,
dans les autres, au maire qui l'envoie immédiatement au préfet.
4° La loi prend ensuite les mesures suivantes pour qu'un internement
arbitraire, si, par malheur, il avait pu se produire, ne puisse pas, du
moins se prolonger:
A. — Si le est fait dans un établissement le préfet,
placement privé,
dans les trois jours de la réception du bulletin sus-indiqué, charge un ou
(art.-16).
I. — L'intéressé, ses parents ou amis, ou même le
procureur de la
République, d'office, peuvent demander au tribunal de nommer en chambre
du conseil, par jugement non susceptible d'appel, un curateur à la per-
sonne de l'interné (art. 38). Ce curateur devra veiller :
par la famille, ou, enfin, quand sa guérison est constatée par le médecin,
seraient des de l'article 120 du Code pénal, réprimant la
passibles peines
détention arbitraire, c'est-à-dire de six mois à deux ans de prison et de
16 à 200 francs d'amende.
—
§ 1. Aliénés non interdits ni internés.
une il ne suffit pas chez nous que l'aliéné libre se trouve fût-ce de la
fois,
manière la plus notoire, soumis à des troubles cérébraux fréquents, même
habituels. L'acte qu'il a fait n'en restera pas moins valable, si l'on ne peut
qu'il y a eu crise au moment de son
pas prouver accomplissement.
Reste à déterminer qui peut se prévaloir, le cas échéant, de la nullité.
parce qu'il ne
s'agit ici, en somme, que d'une nullité de protection. La
nullité est donc relative (Nîmes, 29 janvier 1890, D. P. 91.2.97 ; Bordeaux,
22 avril 1896, D. P. 96.2.455, S. 96.2.232, P. F. 97.2.321, note de M. Carré
de Malberg).
démence, après sa mort. Tel est le principe posé par l'article 504.
Des motifs très divers expliquent cette règle. On pourrait craindre d'a-
bord que les héritiers n'allèguent trop aisément la démence de leur auteur,
lorsqu'ils se trouvent en face d'un acte de ce dernier qui leur cause quelque
gêne ou quelque préjudice. Si l'auteur de l'acte était fou, pourquoi ne l'ont-
ils pas fait interdire de son vivant? Que penser de cette sollicitude qui né
s'éveille que lorsque le prétendu dément n'est plus là pour en bénéficier?
Ajoutons qu'une fois l'auteur d'un acte décédé, l'appréciation de son état
mental, au moment où il a agi, devient presque impossible pour le tribunal.
La complexité de ces motifs explique les exceptions que reçoit la règle
de l'article 504:
1° Aux termes de F article 504 lui-même, l'irrecevabilité de la demande
est écartée et la nullité pourra être sollicitée lorsque l'interdiction avait été
démence résulte de l'acte même qui est attaqué, nous dit l'article 504 in fine.
cas, se trouve en présence d'un acte dénotant
Dans le en effet ,où l'on par
lui-même l'extravagance, l'aberration de son auteur, aucune des difficultés
de preuve qui contribuent à justifier la règle de l'article 504 n'existe plus ;
cette règle doit donc être écartée.
3° Il résulte de l'article 901 ainsi conçu : « Pour faire une donation entre
vif ou un testament, il faut être sain
d'esprit » que l'article 504 ne s'applique
à titre
pas aux actes gratuit. Ces actes, donation ou testament, peuvent donc
être attaqués pour cause de démence, après la mort de leur auteur, quand
bien même ils ne dénoteraient pas l'aliénation par eux-mêmes, et quoique
l'interdiction n'ait pas été antérieurement provoquée. Cette exception qui
enlève beaucoup de son importance pratique à la règle de l'article 504, se
justifie par cette considération que les actes à titre gratuit sont ceux pour
lesquels il est le plus à redouter que des tiers peu délicats n'abusent de la
faiblesse d'esprit d'un malade. Et, pour ce qui est des testaments en parti-
culier, comme ces actes n'ont de valeur qu'à partir de la mort du testa-
teur, ils ne pourraient jamais être attaqués pour cause de folie, si l'on exi-
— Aliénés interdits.
§ 2.
Mais nous avons dit aussi que la pratique n'avait pas répondu aux inten-
tions du législateur. Les familles, préoccupées surtout de tenir secrète la
terrible maladie dont on connaît le caractère fréquemment héréditaire, ne
recoururent pas volontiers à l'interdiction. De nos jours, le nombre des ju-
gements qui la prononcent, s'il nediminue pas, est loin d'augmenter en
Demandes formées
Années par les familles, par le Ministère public
1851 à 1855 587 42
1856 à 1860 647 31
1861 à 1865 744 27
1866 à 1870 700 22
1871 à 1876 687 19
1876 à 1880 767 21
1888 772 5
1900 678 8
1909 613 12
DROIT. — Tome I, 38
586 LIVRE I. — TITRE III. — DEUXIÈME PARTIE
valables, du moment qu'ils ne lui causent pas une lésion. La formule ab-
donc que l'interdit ne peut plus faire aucun acte juridique. Et,ce ne sont
pas seulement les actes qu'il passe qui sont annulables. Ce seront aussi
tous les actes que les tiers auront accomplis à son encontre, tels que signi-
fications, interruptions de prescription, etc..
N'y a-t-il pas lieu cependant de faire exception pour certaines catégories
d'actes : 1° ceux pour lesquels la représentation est impossible, comme le
à l'interdiction et qu'on n'a pas besoin, comme lorsqu'il s'agit des actes
d'un mineur, de prouver en-outre la lésion. Et ces mots signifient encore
que la nullité doit être prononcée par le juge, sans que celui contre qui on
la demande puisse être admis à faire la preuve contraire, c'est-à-dire à
démontrer que l'interdit était dans un intervalle lucide et en possession dé
ses facultés lorsqu'il l'a accompli.
Contentons-nous signaler, de en passant, la question posée par certains
interprètes, pour le cas où, en fait, il serait possible de démontrer que racle
de l'interdit a été accompli au moment et sous l'empire d'un accès de folie.
On s'est demandé si, en ce cas, la nullité ne serait pas absolue, si, dès lors,
elle ne pourrait pas être invoquée par celui qui a traité avec l'interdit, et
par ce dernier lui-même, une fois passés les dix ans de la prescription
établie par l'article 1304. Il faut répondre négativement à ces questions.
L'idée d'une nullité absolue doit être, en tous cas, écartée, quelles que
soient les circonstances de fait, du moment qu'il s'agit d'une nullité repo-
sant sur l'aliénation mentale.
Point de de la A partir
nullité. de quel —
moment les actes
départ
de l'interdit sont-ils nuls? La loi dit que l'interdiction « aura son effet du
tifs de droit, mais constitutifs d'un état nouveau. Ajoutons que le jugement
d'interdiction seul est entouré de publicité. La demande ne l'est pas. Rien
n'avertirait donc les tiers si le jugement avait un effet rétroactif.
2° A l'inverse, l'incapacité de l'interdit commence au jour du jugement
et dès qu'il est prononcé. Peu importe donc l'appel qui serait formé contre
ce jugement. Par dérogation au droit commun, on n'attribuera pas ici
d'effet suspensif à cette voie de recours. L'incapacité subsistera dans l'inter-
valle compris entre l'appel et l'arrêt de la Cour, quitte à prendre fin à ce
moment si l'arrêt est infirmatif. C'est la solution que commande le bon
sens, car il serait certes bien imprudent de restituer à l'aliéné sa capacité
depuis l'appel jusqu'à l'arrêt confirmatif. C'est aussi celle qui découle du
texte delà loi; car l'article 502, dans le projet, ne faisait partir l'incapacité
que du jour du jugement définitif. C'est avec intention que ce dernier mot
a été supprimé (V. note de M. Lacoste, S. 1902.4.17).
dont le Code a organisé l'interdiction. Celle-ci, on l'a vu, ne peut être pro-
noncée qu'à raison d'un état de démence habituel. Il est donc impossible de
mettre l'aliéné à l'abri de toute en lui faisant nommer un tuteur,
surprise
dès que se manifestent les premiers accès de sa maladie. Ses intérêts se-
raient exposés à se trouver gravement compromis, si la loi, conformément
à la règle que nous avons plus haut, rencontrée l'annulation subordonnait
des actes de l'aliéné, durant ce que nous appallerons la d'attente, à
période
la démonstration de sa folie au moment précis de l'accomplissement de
l'acte. Aussi la loi permet-elle au tuteur, une fois l'interdiction pronon-
cée, de faire tomber les actes antérieurs de l'interdit en prouvant seulement
deux choses: d'abord, que ce dernier était alors dans un état habituel de
démence, et, en second lieu, que cet état habituel était notoire. S'il y avait,
en effet, notoriété de la démence habituelle, celui qui a contracté avec l'a-
liéné a été au moins imprudent ; il est juste qu'il supporte les conséquences
de cette imprudence. en Et il sera ainsi quand bien même le contractant
n'aurait pas été personnellement au courant d'une situation qu'il devait
connaître, puisqu'elle était notoire (V. cependant Lyon, 18 novembre 1898,
D. P. 99.2,103, S. 99.2.172).
Deux observations achèveront de déterminer la portée de cet effet rétroac-
tif donné enquelque sorte au jugement d'interdiction.
1° On admet, en se fondant sur le, mot pourront employé par l'article 503,
que les saisis de la demande en nullité d'un acte antérieur à l'inter-
juges,
auront un Ils prendront, par exemple, en
diction, pouvoir d'appréciation.
considération l'existence ou l'absence d'une lésion, la bonne ou la mau-
vaise foi des tiers.
jugent bon S'ils
et le équitable, il leur sera loisible
de refuser l'annulation, quand bien même le demandeur en nullité aurait
satisfait aux deux conditions l'article 502, en démontrant à
requises par
la fois la démence habituelle et sa notoriété. Et leur appréciation, portant
sur Un de sera souveraine 7 novembre 1898, D. P. 98 1.
point fait, (Req.,
565, S. 99.1.223).
2° La nullité qui résulte de l'article 503 doit-elle, comme celle qui se
fonde sur l'article 502, atteindre non seulement les actes faits par l'interdit,
mais encore les actes faits contre lui, tels les significations, les assi-
que
lui auraient alors était dans un état
gnations que des tiers adressées, qu'il
de démence habituel et notoire ? On peut en douter à bon droit. La situation,
en effet, fois l'interdiction L'interdit
n'est pas la même qu'une prononcée.
a un contre les tiers valablement agir pour la sauve-
tuteur lequel peuvent
de leurs droits. Le candidat à l'interdiction n'est représenté par per-
garde
sonne. On ne des tiers laissent dormir leurs droits en
peut exiger qu'ils
attendant l'interdiction. un décisif contre la nullité
D'ailleurs, argument
des actes à l'encontre de l'aliéné non encore interdit se tire de
accomplis
l'article 2252. Ce texte la au bénéfice, non pas des
suspend prescription
en mais seulement qui des interdits. Le temps a couru,
déments général,
avant l'interdiction, contre l'aliéné habituel et notoire, comptera donc,
nonobstant le prononcé ultérieur de l'interdiction, dans le calcul de la
— Aliénés internés.
§ 3. simplement
ce : 1° de la de
Nous nous occuperons aussi en qui les concerne gestion
leurs intérêts ; 2° de leur incapacité et de la nullité des actes qu'ils auraient
accomplis.
I. intérêts des aliénés internés. — La loi
Gestion des simplement
du 30 juin 1838 un système évidemment défectueux. Cela tient à
organise
ce que, dans la des auteurs de la loi, l'internement devait être, au
pensée
cas où la démence se
prolongerait, le prélude de l'interdiction. En bonne
agissant comme mandataire spécial. Il en est ainsi (L. 1838, art. 36) lors-
qu'il n'y a pas d'administrateur provisoire et que l'aliéné recueille une suc-
cession. Alors, ses cohéritiers pourront demander au tribunal de désigner
un notaire qui sera chargé de le représenter dans les opérations du partage.
C'est également un notaire qui sera nommé pour représenter l'aliéné dans
la réception des comptes d'un administrateur qui cesserait ses fonctions
avant la fin de l'internement (Req , 23 mai 1882, D. P. 82.1.367, S. 93.1.97,
note de
M. Labbé).
4° L'article 38 prévoit l'intervention d'un autre un curateur,
personnage,
qui peut être nommé à l'aliéné par le tribunal, à la requête de l'aliéné lui-
d'un de ses parents ou amis, ou du ministère et
même, public, qui ne peut
pas être choisi parmi les héritiers présomptifs. Les fonctions de ce cura-
teur, qui semble être rarement employé en pratique, sont de veiller à ce
que les revenus de l'aliéné soient dépensés dans son intérêt et à ce que
l'interné soit relâché dès que son état le permettra.
5° Enfin, la Jurisprudence, il peut
d'après y avoir un administrateur pro-
visoire ad hoc. Il en est ainsi lorsque l'aliéné interne est une femme mariée.
En principe, on ne lui nomme pas d'administrateur mais il y
provisoire,
aura lieu d'en désigner un ad hoc, pour les affaires où la femme se trouvera
en opposition d'intérêts avec son mari 14 février D. P. 81.1.
(Req., 1881,
375, S. 81.1.104 .
Il conviendrait évidemment de tous ces C'est ce que
simplifier rouages.
fait le projet voté par la Chambre en 1907. Il en résulterait les inté-
que
rêts de l'aliéné interné seraient un curateur des
provisoirement gérés par
aliénés du département, désigné l'Administration sur une liste
par pré-
sentée par le tribunal civil. Le tribunal conseil de famille
ou le pourrait,
lorsqu'il y a un patrimoine de quelque importance à gérer, désigner à
l'aliéné un mandataire, qui, bien dénommé aurait tous
que administrateur,
les pouvoirs d'un tuteur, et le curateur
auprès duquel départemental
remplirait les fonctions de subrogé tuteur.
ALIÉNATION MENTALE 599
absolue, et qu'elle ne peut, par conséquent être invoquée par celui qui
aurait traité avec l'aliéné. Mais on se demande quelle preuve doit être ad-
ministrée, lorsque la nullité est réclamée du côté de l'aliéné. Certains au-
teurs soutiennent qu'il faut démontrer l'état de folie du dément au moment
où il a accompli l'acte critiqué (V. note de M. Lacoste, S. 95.2.225). Ce
même l'article 504, et nous admettrons les héritiers à critiquer les actes de
l'interné même après sa mort, sans qu'ils aient eu besoin de provoquer
antérieurement son interdiction. En effet, les motifs qui justifient cet ar-
ticle ne s'appliquent pas ici. Lorsque la famille a provoqué l'internement
du malade, on ne peut pas dire qu'elle s'est désintéressée de son état durant
sa vie, et qu'elle a attendu, pour s'en émouvoir, d'être lésée par un des
actes a pu accomplir.
qu'il
Cependant, il y a une différence entre la nullité des actes de l'interné
simple et celle des actes de l'interdit. Cette différence, qui résulte du mot
pourront employé par la loi, c'est qu'ici la nullité n'est pas encourue de
droit, en d'autres termes, que les juges, à qui on demande de la prononcer,
gênés que dans un seul genre d'action, par exemple, à qui on défend d'en-
treprendre aucun procès sans l'avis par écrit d'un avocat qui leur est nom-
— Tome I. 39
DrcoiT.
LIVRE I. — TITRE III. — DEUXIÈME PARTIE
602
l'autorité d'un conseil judiciaire des personnes qui ne seraient pas en état
d'être interdites.
Lors de la rédaction du Code civil, il y eut, sur ce point comme sur beau-
biens, soit parce que ses facultés sont insuffisamment développées, soit
parce qu'il est atteint d'une infirmité grave, surdité, ivrognerie, soit parce
que son grand âge a affaibli son intelligence. De même, la monomanie
processive peut être une cause de nomination d'un conseil judiciaire (Tou-
louse, 21 juillet 1909, S. 1910.2.43).
On remarquera d'ailleurs que les intéressés pourraient ne pas conclure
subsidiairement à la nomination du conseil
judiciaire, au cours d'une pro-
cédure d'interdiction, seule marche que le Code semble prévoir, mais in-
tenter directement une demande à cet effet.
2° La prodigalité, visée par l'article 513 comme seconde cause de dation
d'un conseil judiciaire, consiste à anéantir son patrimoine par des dé-
penses disproportionnées. La
Jurisprudence fournit, quant à la définition
du prodigue, quelques indications de principe qui ne nous paraissent pas,
d'ailleurs, avoir une portée absolue. Ainsi, des pertes subies dans des spé-
culations ne seraient pas une cause de nomination d'un conseil, lorsque
Pintéressé ne s'est livré à aucune dépense folle et déraisonnable (Paris,
25 mars 1897, D. P. 97.2.287, S. 98.2.49). De même, des dépenses inutiles
et désordonnées, qui, vu la grande fortune de l'intéressé, n'égaleraient
pas encore ses revenus, ne sauraient donner lieu à nomination d'un conseil
judiciaire (Paris, 31 janvier 1894, D. P. 94.2.233, note de M. Planiol,
S. 95.2.84).
Le plus souvent, personne laà qui on nomme un conseil judiciaire est
un majeur jouissant de la capacité juridique. Mais il y a des cas où il est
utile de donner un conseil judiciaire même à un incapable. Rien ne met
obstacle à ce que cette nomination soit alors sollicitée.
A. — Il en sera ainsi d'abord pour les mineurs à la veille de leur majorité.
B. — En second lieu, la femme mariée peut, malgré la nécessité de l'au-
torisation maritale, avoir besoin d'un conseil judiciaire. il se peut En effet,
qu'elle soit mariée sous un régime, tel que la séparation de biens, qui lui
confère une certaine indépendance, dont elle abuse pour faire des dé-
penses exagérées chez ses fournisseurs. Et, de plus, il se peut que le mari,
loin de la retenir, la pousse lui-même à la dépense. Aussi, la Jurispru-
dence admet-elle avec raison :
a) Que le tribunal peut nommer un conseil judiciaire à la femme sur la
demande de son mari ; dans ce cas le conseil judiciaire être, soit le
pourra
mari lui-même, soit un tiers (Paris, 20 avril 1875, D. P. 76.2.238, S. 75.2.
138).
b) Que le tribunal peut nommer un conseil à la femme contre
judiciaire
le gré de son mari, ou encore maintenir un conseil à une fille ou à une
veuve prodigue qui se marie. Dans ces divers cas, le conseil sera évidem-
ment un autre que le mari (Poitiers, 18 mai 1881, D. P. S. 83.2.8).
82.2.247,
Les arrêts précités décident très justement l'article 506 du Code
que
civil, aux termes duquel le mari est, de droit, tuteur de sa femme interdite,
ne s'applique pas au conseil judiciaire, existe une différence
parce qu'il
essentielle, d une part, entre la situation de l'interdit, de toutes
incapable
espèces d'actes, et celle du prodigue, et, d'autre entre la fonction du
part,
PRODIGALITÉ ET FAIBLESSE D'ESPRIT 605
69.2.200, S. 70.2.184).
ne peut accomplir les actes les plus importants de la gestion de son patri-
moine qu'avec l'autorisation du conseil de famille, parfois même l'homo-
logation du tribunal. Au contraire, l'assistance du conseil judiciaire, lors-
qu'elle est nécessaire, est toujours suffisante pour valider les actes du
prodigue. Ajoutons que le conseil judiciaire n'est pas appelé à manier des
deniers appartenant à celui qu'il assiste. C'est pour cela que la loi n'a pas
établi d'hypothèque légale sur ses biens, pas plus que sur ceux du cura-
teur d'un mineur émancipé.
2° La loi énumère limitativement les actes lesquels la personne
pour pour-
vue d'un conseil judiciaire se trouve désormais incapable seule. Il y
d'agir
a donc, entre l'incapacité de celle-ci et l'incapacité du mineur émancipé,
une seconde différence essentielle.
l'émancipé, Pour
qui est un mineur,
l'incapacité est la règle et la capacité : donc, lorsque la loi ne se
l'exception
prononce pas formellement pour un acte déterminé-, c'est l'incapacité qui
doit être présumée. Au contraire, pour les prodigues ou les faibles d'es-
prit, qui sont des majeurs, la capacité est la règle, l'incapacité est l'exception.
En cas de silence de
loi, on doit la se prononcer en faveur de la capacité.
(V. Civ. 15 janvier 1908, D. P. 1909.1.105, note de M. Binet, S. 1909.1.357).
3° La demi-incapacité de l'individu pourvu d'un n'existe
conseil judiciaire
qu'à partir du jugement. Elle ne remonte pas à une époque antérieure. On
ne rencontre en effet à propos du conseil judiciaire aucune ana-
disposition
logue à celle de l'article 503, que nous avons vu attacher un certain effet
rétroactif au jugement d'interdiction.
Mais nous ne tarderons pas à voir combien la a élargi ou
Jurisprudence
déformé les trois règles que nous venons d'indiquer.
ressé voudrait faire renverser ces obstacles par la justice. On admet donc
sans conteste que l'incapable, après avoir essuyé le refus de son conseil
judiciaire, a le droit de recourir au tribunal. Mais celui-ci ne pourrait pas
l'autoriser à se passer d'assistance et à agir seul (Req., 10 novembre 1897,
D. P. 98.1.310, S. 1901.1.524).- Pour venir au secours de l'incapable, s'il
jugeait le refus d'assistance mal fondé, il ne pourrait employer qu'un
moyen indirect. Ce serait, ou bien de prononcer la destitution du conseil
judiciaire et d'en nommer un autre (Req., 16 mai 1899. D. P. 99.1.399,
S. 99.1.500 , ou bien, (et ce second moyen sera plus fréquent que le pre-
mier), de désigner à l'incapable un conseil judiciaire ad hoc, chargé spé-
cialement de l'assister dans l'acte à accomplir (Riom, 23 décembre 1908,
D. P. 1909.2.272, S. 1909.2.46). On invoque en faveur de cette solution un
argument d'analogie tiré de l'article 2208, al. 3, aux termes duquel, lors-
que son mari majeur d'assister, refuse il doit être nommé à la femme par
le tribunal un tuteur spécial contre lequel il seraprocédé. Mais il faut re-
connaître que l'expédient est un peu bien compliqué. Il serait plus simple
et tout à fait correct, pensons-nous, que le tribunal enjoignît au conseil ju-
diciaire de fournir son assistance, et décidât que, faute par lui d'obtempérer,
son jugement en tiendrait lieu.
Nous venons parcourir de les solutions qui découlent directement des
textes ou de ce que nous appellerons leur interprétation classique. Il nous
reste à voir celles qui sont l'oeuvre d'une jurisprudence qu'on peut, sans lui
taire tort, qualifier ici de prétorienne, parce qu'elle s'est montrée en cette
matière, plus peut-être qu'en aucune autre, hardiment progressive et
presque créatrice.
par voie d'emprunts, si on leur permettait d'en contracter par voie d'achats
à crédit. La Jurisprudence a donc résolument comblé la lacune de la loi, et
a étendu aux obligations l'incapacité du prodigue ou du faible d'esprit.
à cet
Dans quelle mesure et avec quels arguments? Il semble qu'on puisse,
égard, discerner deux systèmes dans les arrêts.
Un premier consiste à subordonner la validité de l'obligation
système
assumée le ou le faible non assisté, à une certaine
par prodigue d'esprit
avec ses ressources. un arrêt de la Cour de
proportion Ainsi, d'après
cassation (Req., 7 juillet 1902, D. P. 1902.1.422, S. 1902.1.504), lorsqu'il
est constaté en fait les marchandises (dans l'espèce des voitures),
que
610 LIVRE I. — TITRE III. — DEUXIÈME PARTIE
par lui, qu'il en a reçu la facture sans protestation et qu'une telle com-
mande n'a rien d'exagéré eu égard à sa condition sociale et à sa situation
de fortune, c'est à bon droit qu'un arrêt valide l'engagement contracté en-
vers le fournisseur sans l'assistance du conseil judiciaire (Cf. Civ., 2 dé-
cembre 1885, D. P. 86.1.128, S. 86.1.120). Ce système, outre les ressources
du prodigue, prendra encore en considération ses besoins, la bonne ou la
mauvaise foi des tiers avec qui il a contracté. En un mot, il transportera
en cette matière le pouvoir de réduction conféré au tribunal par l'article 484
contre les engagements excessifs du mineur émancipé, transposition peut-
être un peu bien hardie dans une matière où, puisqu'il s'agit d'incapacité,
les textes devraient être interprétés étroitement.
sans l'assistance de son conseil, et que, dès lors, celui-ci doit être
plaider
mis en cause dans les actes de procédure dirigés contre l'incapable, les tri-
bunaux ont admis de bonne heure que le conseil judiciaire pourait, dans
les instances où
l'incapable est défendeur, présenter, dans des conclusions
pable les voies de recours telles que l'opposition et l'appel ; qu'il aurait
j
enfin le droit de former personnellement une tierce-opposition contre les
jugements rendus dans des instances où il n'aurait pas été mis en cause
plis par l'incapable non assisté sont nuls, d'une nullité relative, et ne de-
prodigue, le conseil ne pouvait attaquer les actes faits par celui-ci à une
époque et dans des conditions qui les rendent annulables, etc.. » C'en est
assez pour justifier l'action personnelle du conseil judiciaire, comme d'ail-
leurs, ainsi que nous l'avons vu précédemment, celle du curateur du "mi-
neur émancipé.
3° Enfin, les conseils
judiciaires, devant assister les pro-
obligatoirement
digues dans les réceptions de capitaux, se sont souvent servis de cette fonc-
tion, non seulement pour veiller à ce que les fonds fussent dûment em-
ployés, mais encore pour choisir eux-mêmes le placement serait
qui
effectué. Et on trouve des décisions déclarent nul même rai-
qui l'emploi,
sonnable et avantageux, fait par le prodigue, du moment n'a pas été
qu'il
effectué avec le concours
etfu conseil judiciaire (Agen, 9 novembre 1881, S.
82.2.233. note de M. Labbé). De là, certains conseils en cas de
judiciaires,
recouvrement à effectuer par le prodigue, en sont venus à se faire remettre
les fonds, pour les conserver en attendant leur Il y a là évidemment
emploi.
une pratique irrégulière, mais souvent en fait, a permis
qui, trop répandue
PRODIGALITÉ ET FAIBLESSE D'ESPRIT 613
SECTION I. — GÉNÉRALITÉS
plus tangible, le seul qui ait une véritable portée juridique, en ce sens qu'il
n'a pas, comme les autres, trouvé dans le progrès des moeurs des restric-
tions et des tempéraments de nature à le rendre, en fait, à peu près négli-
geable, csest l'incapacité de la femme mariée. C'est parce que la femme
est placée par la loi sous la dépendance du mari qu'elle ne peut, dès lors
1. Girard, Manuel de Droit romain, 5° édit,, p. 221 et s.; Gide, Elude sur la
condition privée de la femme, 1" éd., p. 159 et suiv. — Cf. Lefebvre, Introduction
À l'histoire du Droit matrimonial français, p, 82-83.
r
IH
\\
'M
I..',"
h' v
celle des femmes mariées des pays du Nord. Ce serait une erreur de le croire.
Il y avait en fait, dans toute la France, subordination de la femme à son
la femme mariée. Non que la tutelle perpétuelle des femmes, pratiquée par
les Germains primitifs, se soit conservée en France autrement que par
vestiges locaux; mais, si les femmes non mariées y devinrent indé-
quelques
pendantes de tout mundium (c'est -à-dire du pouvoir de tutelle et de pro-
tection qui, en Droit germanique, s'étendait sur tous les incapables), les
velléienne, s'était glissée dans les écrits de nos anciens auteurs, celle d'une