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Abstract
Annie Becq : Diderot art historian ?
The questioning title indicates that the issue is the very possibility, and not the nature of art history in France at this date.
This article tries to explain the historical dimension of the Salons as documents of their time and inasmuch as their critical
judgements imply a historical perspective, limited by the normative nature of this criticism. The normative point of view
interferes with the explicitly historical projects laid out, for example in the articles art and encyclopédie. The archaic
conception of cyclical revolutions which is still at the basis of historical knowledge is here combined with the opposition
between Ancients and Moderns. Thus we have a model for understanding the historical nature of art which indicates that
Diderot, like many Enlightenment thinkers, had problems with history and time.
Becq Annie. Diderot historien de l'art ?. In: Dix-huitième Siècle, n°19, 1987. La franc-maçonnerie. pp. 423-438;
doi : https://doi.org/10.3406/dhs.1987.1666
https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1987_num_19_1_1666
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le meilleur moyen de se faire connaître non seulement de la Nation
qui communie avec le génie dans une administration désintéres¬
sée, mais de cette nation conçue de façon plus étroite en tant que
public d'éventuels acheteurs. Quelques pages du Salon de 1767
(VII, 31) sont un symptôme précis, dans l'ambiguïté qui s'y donne
à voir, de la mutation qui affecte à cette époque la fonction des
expositions, passage d'un système de valeurs à un autre, mutation
à travers laquelle on voit comment, au niveau des conditions
économiques de l'activité artistique, le système de la commande
privée (au reste déjà modifié par le mécénat monarchique) tend
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D'autre part, malgré les limites que nous avons signalées, l'en¬
semble des Salons de Diderot ne laisse pas de fournir une masse
d'informations sur la vie artistique de son temps. Le lecteur y suit
l'évolution des remous qui ont agité le petit monde des artistes :
la percée triomphale de Loutherbourg en 63 (V, 437), propre à
éclipser momentanément son maître Casanove dont on se
demande avec inquiétude ou perfidie si l'élève n'était pas l'auteur
des meilleurs tableaux ; puis la revanche de Casanove que Diderot
enregistre en 69, non sans satisfaction (VIII, 431) ; ou bien encore
l'échec de la candidature de Greuze à l'Académie comme peintre
d'histoire (VIII, 447). La Correspondance littéraire contient aussi
des informations d'ordre biographique : Diderot publie en 63 un
éloge du sculpteur Bouchardon (V, 291), mort en 62, ou insère
dans le Salon de 1765 des espèces de notices nécrologiques sur
Carie Van Loo (VI, 37), Deshays (VI, 76), le sculpteur Slodtz
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relation, particulièrement adéquate à une culture dont il exprime¬
rait au mieux le système de valeurs. Notion de valeur et de système
culturel donc, mais aussi de travail, dans et par lequel s'effectuent
des transformations. L'idéal ne saurait être le résultat d'une simple
accumulation d'éléments empruntés au réel : « Je vous déclare,
écrit Diderot, que ce n'est point à l'aide d'une infinité de petits
portraits isolés qu'on s'élève au modèle originel et premier, ni de
la partie, ni de l'ensemble et du tout. » La voie qu'ont suivie les
artistes antiques est « celle de l'esprit humain dans toutes ses
recherches », c'est donc aussi celle des sciences qui, loin de procé¬
der par inventaire empirique cumulatif, construisent leurs objets.
Comme la loi scientifique, le modèle idéal est à produire, aux deux
sens du terme, et cette opération est un travail. C'est pourquoi il
est important que Diderot tienne à la notion de modèle idéal car,
indépendamment du fait qu'elle véhicule des relents d'idéoréa-
lisme platonicien comme des menaces d'académisme (dont
Grimm soupçonne bien à tort son ami), elle permet avant tout,
même avec l'outillage conceptuel de l'idéalisme, de penser l'écart
absolu au réel qui caractérise les productions de l'art comme celles
des sciences. Travail, valeur, système culturel : autant de notions
essentielles à la production d'un discours proprement historique.
Mais comment Diderot peut-il avoir par exemple formulé des
réserves à son admiration pour Rubens qui, lit-on dans les Pensées
détachées sur la peinture (XII, 370-71), « faisait un cas infini des
anciens » tout en s'en tenant aux « formes grossières de son
pays » ? La postface du Salon de 1767 lui reprochait déjà une
« manière nationale », toujours à propos du même problème : la
représentation de la femme. Diderot raisonne comme s'il y avait
une Idée de la Femme, non pas certes un intelligible platonicien
mais une sorte d'archétype pratique, cautionné par la « Nature » :
« Qu'est-ce que la femme ? Le premier domicile de l'homme »
(VII, 414) et il souhaite « apercevoir ce caractère dans la largeur
des hanches et des reins » ; ce qui exclut la recherche de l'élégance
et de la sveltesse (on ne lui montrerait alors que « le domicile du
plaisir ») mais ne va pas jusqu'à se contenter des « grosses fesses »
DIDEROT, HISTORIEN DE L'ART ? 437
Université
Annie Becq,
de Caen.
NOTES