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rovoe2018 Lontologie du négatit Methodos Savoirs et textes 7 | 2007 La comédie d'Aristophane et son public [Analyses ot interpretations L’ontologie du négatif Dans la langue n’y a-t-il vraiment que des différences ? PATRICE MANIGLIER Résumés Frangais English ‘Aucune these n'a plus contribué a Yého philosophique des linguistiques structurales, que la re phrase de Saussure : « Dans la langue, il n'y a que des différences, sans terme posit.» Crest aussi l'une des plus eritiquées : Ie caractére différentiel du signe ne tiendrait-l pas, tout simplement, & ce que le langage est un moyen limité devant communiquer des messages en nombre illimité (cf. Jakobson, Martinet, puis V. Descombes ou Th. Pavel) ? On montre ici que cet Gvitement de la question ontologique @ pourtant un coft théorique : il oblige & adhérer & une conception fonetionnaliste du langage et & une sémantique référentialiste. De plus, contrairement A Tinterprétation habituelle, seuls signifiant et signifié séparément sont différentiels ; le signe en totalité lui, est positif. A travers une relecture de Bergson et Hegel, on montre que a notion de différence qualitative pure est philosophiquement intenable, et on s'efforce de reconstituer la théorie de la valeur a travers la distinction entre différence et opposition. Tl en ressort une conception différente de Vidée selon laquelle ce qui caractérise lespéce humaine, c'est sa capacité symbolique. ‘No statement more contributed to the philosophical impact of structural linguistics, than Saussure's very famous sentence: “In language, there is only differences, without positive terms.” But it is also one of the most eriticized: it has been said that this differential dimension of linguistic signs hold rather to the fact that language is a limited mean to convey an unlimited number of messages (ef. Jakobson, Martinet, Descombes, Pavel). This paper shows that this strategy to avoid the ontological commitment of linguistics has a theoretical cost: it must eventually hold a functionalist theory of language with referentialist semantics. Besides, contrary to the common interpretation, only the signifier and the signified are but differential for Saussure; the whole sign is absolutely positive. The paper, through a reading of Bergson and Hegel, shows that the notion of pure qualitative difference is unsustainable, and tries to reconstitute Saussure’s value theory through the distinction between difference and opposition. ‘What comes up is a different conception of the idea that mankind is characterized by it symbolic capacities, Entrées ‘index |ntps:ljoumals.openedition orgimethodosi674 an rovoe2018 Lontologie du négatit Mots-clés : Bergson, dftérence, Hegel, négation, ontologie, Saussure, sémantique, signe, structuralisme Keywords : Bergson, difference, Hegel, negation, ontology, Saussure, semanties, sign, Texte intégral Test dassex bon ton de séparer le structuralisme comme méthode pour les sciences humaines, et le structuralisme comme événement médiatique qui, dans cette conscience qu'une époque prend de soi a travers les journaux, serait venu remplacer Yexistentialisme, avant de eéder le pas devant les « philosophies de la différence ». Le malheur est qu'une lecture un peu attentive des analyses structurales elles-mémes fait apparaitre une trés grande variété de méthodes. Aussi peut-on se proposer de considérer Je structuralisme non comme une méthode ni comme une doctrine, mai comme un champ problématique, et de chercher son unité précisément dans la maniére dont des entreprises théoriques diverses se sont trouvées, @ chaque fois pour des raisons singuliéres et certains égards hétérogénes, confrontées des problémes philosophiques analogues. Cette rencontre entre des projets positifs et des spéculations philosophiques, cette sorte d’excés spéculatif qui s'impose et se réimpose au sein méme de démarches théoriques, permetirait de saisir le structuralisme comme mouvement ou comme événement. Ainsi se comprendrait que cette intense activité philosophique quiincarnent les noms d’Althusser, Foucault, Deleuze ou Derrida, ait pu s’étayer sur de modestes travaux de phonologie diachronique (la réciproque étant plus rare). Les textes de Saussure, dont on commence seulement & avoir une idée a peu prés complite, au dela de la présentation qu’en donnérent Bally et Séchehaye, se trouvent tre particulidrement favorables & une lecture de ce genre. En effet, Saussure part ’un probléme qu’ion pourrait dire méthodologique : les phénoménes du langage se présentent & la fois comme hétérogénes (certains sont phoniques, d'autres articulatoires, d'autres sémantiques, etc.), continus (il n’existe aucun critére expérimental pour délimiter les unités du langage, par exemple & partir de observation des courbes de fréquence ou de la physiologie de l'appareil phonatoire) et dissemblables différentes actualisations d'un méme mot, par exemple « messieurs » ne préservent aucun profil acoustique, physiologique ou sémantique). La these sémiologique vient répondre a ce probléme méthodologique : Videntification et la délimitation des unités linguistiques se fait par association entre une ou plusieurs différences sonores et une ou. plusieurs différences psychologiques. Mais ces unités présentent alors d’étranges propriétés : elles sont doubles, ni tout a fait physiques ni tout a fait psychologiques, et constituées uniquement de différences. Ce faisant, Saussure introduit done une hypothése ontologique forte, qui ne cessera de travailler sa réception, notamment & travers les grandes constructions philosophiques de Gilles Deleuze (1968 et 1969) et Derrida (1967 et 1972). Cette thése selon laquelle « dans la langue, il n'y a que des différences » est assurément au cceur du structuralisme comme mouvement au sens oi nous avons défini. Mieux, on peut comprendre A partir delle P’étrange renversement apparent qu’a constitué ce que certains ont diagnostiqué comme le passage des philosophies de la structure aux philosophies de la différence. Mais elle a Vintérét d’étre aussi au cavur de certains critiques faites au structuralisme entendu comme interprétation philosophique énoneés théoriques. Ainsi, Vincent Descombes disait simplement : « On a retenu de analyse structurale des slogans (que les philosophes se sont cempressés dentendre dans un sens dialectique ou néo-dialectique) : il n'y a que des différences, pas de termes qui different. Ces slogans ont été justement critiqués comme étant obseurs ot ridicules :s'ily a une différence, il faut qu'il y ait des choses qui différent sous un certain rapport. » (Descombes, 1996 : 182). Test vrai qu’on ne peut faire comme si une thése philosophique paradoxale devenait suffisamment explicite du seul fait qu'un linguiste la présente comme nécessaire & la construction de sa propre théorie, Au demeurant, Jean-Claude Milner s‘est efforeé de |ntps:ljoumals.openedition orgimethodosi674 ans rovoe2018 Lontologie du négatit montrer qu'une théorie expérimentale du langage pouvait trés bien se passer de ce probléme, et que c'est précisément ce que fit Chomsky (Milner, 1978 : 62-63). Nous essaierons cependant de suggérer quel cofit proprement théorique suppose cet évitement du probléme philosophique et quels arguments empiriques on pourrait invoquer en faveur de la position saussurienne. Mais nous nous efforeerons surtout de montrer que Vontologie négative que semble admettre Saussure n'est qu’apparente, et que la théorie de la valeur cache en réalité une construction nettement plus complexe ol, en effet, projet théorique et questions philosophiques s’appellent et se relancent. 1. Les paradoxes d’une ontologie du négatif Pour bien comprendre le probléme de Saussure, il faut ’abord comprendre les raisons théoriques qui le motivent, Car s'il est vrai qu’on ne peut fonder sur la seule affirmation de Saussure toute une ontologie nouvelle, il n'est pas vrai cependant que le linguiste puisse tout simplement se passer de Vhypothése ontologique et appliquer ‘tranguillement la méthode structurale. Ou plus exactement, il peut le faire, mais & un certain cofit théorique. Des auteurs comme Troubetzkoy, Jakobson ou Martinet, par exemple, peuvent fort bien ne pas poser la question ontologique, mais dans la mesure oi ils définissent le langage comme un moyen de communication’. Or cela implique que ce qu'il y a a communiquer, du moins, soit déterminé en soi. De méme, on pourrait fort bien dire, par exemple, que les nuances qualitatives sont des indices permettant de reconnaitre un signe qui lui peut étre défini positivement, relativement a une « pensée » ou une « représentation ». Dans ce cas, les traits distinctifs fonctionneraient simplement comme des critéres permettant d'identifier une entité parfaitement définie en elle-méme, voire une « représentation phonologique » pour reprendre le vocabulaire des Principes de phonologie générative de Chomsky (cf. notamment Chomsky, 1968 : 35-38 et 59-63). Cette entité n’a assurément rien de « différentiel » en soi ni d’oppositif, et elle ne pose aucun probléme ontologique nouveau : elle se contente de reposer la question du « mental » dans des termes assez traditionnels. On peut dire que Yon identifie une « unité linguistique » 4 Vaide de certains traits différentiels. Par exemple, je « reconnais p », non pas parce que je posséde une sorte de portrait robot de Vimpression p, mais parce je suis attentif aux traits distinctifs particuliers dans le phénoméne phonique qui me permettent d'inférer p. Mais cela ne signifie pas que p soit comme tel purement différentiel : il s'agit d'un symbole défini par sa fonction dans un caleul, grice auquel on obtient des formules dont V'interprétation est hétérogéne au systéme symbolique lui-méme. Ainsi, il n'y aucune conséquence directe entre la thése du caractére distinctif du niveau phonologique (qui reste encore de nos jours la base instrumentale de toute phonologie), et la thése ontologique forte que Saussure croit y trouver. Si les phonémes sont « différentiels », cela signifie simplement que le sujet parlant cherche, dans les réalisations sonores du langage, de quoi distinguer des «« représentations » qu'il est susceptible d'avoir. Cest parce que ce niveau n'est qu'un moyen quill est précisément distinctif, Cest d'ailleurs sur cette idée que Thomas Pavel appuie sa critique des tentatives de récupération philosophique de la thése de la « distinctivité » des signes, et en particulier des propositions de J. Derrida dans « De la différance » (in Derrida, 1972 : = 29) « ATinstar des signes saussuriens, les traces constituent un réseau ouvert ot chaque position n'est définie que par sa non-identité avec les positions qui Tentourent. Mais la raison pour laquelle les systémes de signes adoptent une telle structure reléve de l'économie des moyens et non pas de la négativité transcendantale. Les linguistes ont identifié des réseaux différentiels précisé Tot la langue, disposant de moyens limités, doit arriver & un rendement maximal. » (Pavel, 1988 : 108), |ntps:ljoumals.openedition orgimethodosi674 ants

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