ETUDES CRITIQUES
LE SYSTEME-DE LEIBNIZ
D'APRES M, CASSIRER*
Liouvrage de M. Cassirer a 616 présenté en décembre 1900 8 I'Aca~
démie des sciences de Berlin, qui avait mis au concours exposition
ensemble du systome de Leibaiz; et il a obtenis Je “second pri
Leuteur a compris que Von ne peut séparer Ia philosophie de Leibniz
de toutes ses études et déesuvertes scientifiques, et il eroit qu'il faut
ehercher dans celles-ci Vorigins et la justification de ses doctrines
métaphysiques, Il a entrepris ¢e travail dans tin esprit criticiste oft
Ton reconnalt l'influence de son maitre M. Paul Natorp :il s'est pro-
posé de délinir la place qu'occupe Leibniz dans le développement
historique de Vidéalisme, qui part de Platon pour absutir & Kant;
et ila trouvé que Leibniz est beaucoup plus kantien; ou, si l'on pré~
ere, que Kant est beaucoup plus lelbnizien que V'on ne croit, et qu'il
ne le croyait lui-méme (pareo qu'il connaissait Leibnie’ surtout &
travers la seolastique wolfienne). Il est ainsi aihené & considérer
Leibniz comme un eriticiste avant la lettre, et & faire sortir tout som
aysteme d'une critique des sciences.
Pour déterminer la manitre dont le probléme érilique se posait &
Leibniz et de son temps, M. Cassirer commence, ce qui est naturel,
par résumer dans une Introduction dune centaine de pages la
1. Leidnis) System in seinen wissenscha(tichen Grundlagen, von De. Ernst Cas
ser, 880 p. I her, 1003).a REVUE DE METAPHYsIQUE ET DE woRALE,
méthode et Pépistémologie de Descartes; mais, par une bizarrerie
do composition, il a rejeté a la fin de son livre histoire de Ia for-
mation du systéme de Leibniz, qui semblerait devoir venir aussitot
aprés; et, dans son exposé du systeme, il asuivi un ordre logique, et
non ordre historique et génétique que son Introduction semiblait,
annoncer, ot qui est si important & observer dans toute étude sur
Leibniz.
Quoi qu'il on soit, Descartes se présente, lui aussi, tout dabord
eri ent & la grande éeole idéaliste, en eo
ine, en prinetpe, Ia nature par les conditions de la
science : le réel, pour Ini, est ce qui est intelligible par idées claires
ce qui est susceptible d'une connaissance exacte : et
on cela, il est Adele & la tradition platonivienne, qui définit Vétre par
d6o. Sais il n'y ost pas resté fdéle jusqu'an bout : il est retombs
dans le réalisme substantialiste, ila fait de espace une chose,
D'autre part, en coneovant le temps comme disconting, il s'est con-
damné & ne pas comprendre Ia causalité, et & invoquer la création,
continuée (d’ou Voccasionalisme de Malebranche). Tout en n’attri-
buant & Vidée dinGni qu’ane valeur négative, il lui accorde. une
portée ontologique transcendante, et l'emploie & démontrer lexis~
tence de Dieu, alors qu'elle ne prouve que la capacité de notre
esprit, le pouvoir illimité de a raison. Ean, tout en exeluant
imagination des mathématiques, il réduit ta grandeur abstraite &
Vétendue pour lui donner un substratum iatuilif, et par Ia il resteeint
fa portée de sa réforme des mathématiques ; en mémie temps, Vima-
gination confére une valeur objective aux idées mathématiques, of les
met on relation avee le monde des corps eongu comme réel. Toutes
ces inconséquences proviennent d'un mélange des considérations
epistémologiques et ontologiques. Elles appelaient une critique
scientifique plus profonde : ce devait étre 'ceuyre de Leibniz.
Crest icf que devrait so placer l'histoire de la formation du systome
de Leibniz. 11 a commeneé par choreher les principes de V'etre a In
fois dans Ia Logique et dans I’Arithmétique (& laquelle il. altribue
tune portée métaphysique, sous influence du pythagorisme de son
maitre Weigel, d'lena). (est alors qu’il adopte Vatomisine de Gas-
send, et Vhypothise de la eréation continuée. Mais deja il est
pénéteé des deux idées directrices de toute sa philosophie : I'idée de
4. Gf Plorre Boutrous + L'onaginetion et Lar mathematique selon Descartes
(Dibtiotneque de la Faculté desTetires de Paris, X, Pari, Alea, 1900),L. couronar. — Le Systime de Leibnis @aprés M. Cassiver, 85
infioi et du continu, et Pidée de lharmonie universelle, qu'il iden~
tifle avec Dieu (des 1670}. En meme temps, il se convertita la philo-
sophie nouvelle, dont les maitres sont pour lui Kepler, Galilée et Des-
cartes! Il eongoit que Fessence des corps ne consiste pas dans
étendue, mais dans le mouvement, plus exactement, dans le conatus
instantané qui enveloppe et détermine les tats futurs du mobile
et ratlache l'avenir au passé; par 12, il rétablit Ie continuite réelle
dv temps et du mouvement exigée par I'identité du mobile. D’autre
part, V'idée de 'harmonie universelle lamene & concevoir la conti-
huité de Funivers, qui se réfléchit ou se « concentre,» tout entier
dans ebaque esprit. Il imagine d’abord les esprits comme localisés
dans des points, et atlachés & une particule matérielle qui serait
comme le noyau indestructible de V’étre vivant. Mais bientot il
apprend distinguer les phénoménes des substances, et s'éleve &
Ja notion d'un prineipe immatériel d'unité. Par la, et par la critique
de Vidéw de continu, il est conduit a Ja these fondamentale de
Vidéalité de espace et du temps. I dépasse le dualisme eartésien,
réduit la matiére & un simple phénoméne, et fait rentrer 'étendue
dans la pensée comme objet dans le sujet. It retroave ainsi la
pensée capitale de Platon, Ia distinetion dy phénoméne et de l'idées
illest si bien Je descendant et le continuateur de Platon, qu'il le
ceomprend plus profondément que les néo-platoniciens de la Renai
sance (Marsile Ficin), et méme que les néo-platoniciens d’Alexan-
arie ‘9 su dégager Ia doctrine de Platon de tous les voiles
‘mythiques auxquels ses interpréles so sont attachés et arrétés; en
jun mot, il Y'a eomprise comme une théorie de V'immanence, et non
pas comme une théorie de Ia transcendance*.
Revenons & exposé systématique de la philosophie leibnizienne.
Leibniz rébabilite la logique décriée par les Cartésiens, et fait ren~
ter Ia mathématique dans la logique, en la fondant sur Je principe
1. ce propos; tien ne prouve mieux comblen notre conception scolaire de
la phitstophie est sleoitey artiftele, uallaterae, en un mot fausse, que ce fait
toe Phistoee do la puilosope, tlie qu'on Penceigae aujourdhl,n'tudie oi
{Repter nt Galilee, ni/ Newton, sane leequels oo ne peut comprendre pleinement
Descartes, Letbnlt et Raat.
Voir es pancoges tres 1 3505V1
quand on erolt retzouver fu métaphysique ‘ele monadologie tout
Aniitne ane Plotia(heeue de Afetaphyergu, sept. 1002},on ne doit pas oublier
‘que st prowonce categoriquement pow Platon contre les néoplatonl-
‘ASes; per consequent, peat bieo y avoir une analog tera entre aos pro.
positions et celles des'udo-patoniclens; mais Tesprt de st dootrine est eelut de
alon (eomineille déelace larméme bien des fle}, et sou pas ceil de Plotin,
17 egg. Aussl,