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Hors-série hiver 2

DU 14 AU 20 JANVIER 2019
anousparis.fr

Artistes plurielles
CRÉER
© Goledzinowski

SANS LIMITES Musicienne, comédienne, circassienne…


Aloïse Sauvage se joue des étiquettes.
Arts visuels
lieu infini d’art
de culture
du 19 janv.
et d’innovation
direction artistique
José-Manuel Gonçalvès au 24 mars 2019
CENT
UATRE
PARIS
rétrospective
et créations Pablo Valbuena
Si le temps est un lieu
Installations
sonores et lumineuses

www.104.fr
édito 03

Outside the box…


La parole de cette semaine est portée par colorier au-delà des lignes. Car depuis Carine
des filles, artistes résolument sans étiquettes nos débuts, nous n’avons eu de cesse Chenaux
Rédactrice
qui prônent la liberté de créer là où leur de découvrir de nouvelles initiatives en chef
inspiration les guide, donc même et surprenantes, des trésors encore @CarineChenaux

peut-être surtout là où on ne les attendait méconnus, des tendances prometteuses,


pas. Une amorce de tendance, voire les et de façon générale, tout ce qui pouvait
bases d’une petite révolution dans une faire battre notre petit cœur toujours avide
société où on a tôt fait de tout étiqueter pour de surprises. « Are you normal? » lance
se rassurer. L’apanage de la jeunesse? une voix mystérieuse au tout petit
Oui, un peu, et puis non, parce qu’il arrive personnage d’un célèbre dessin de
parfois qu’en dépit du temps qui passe et l’illustrateur britannique Edward Monkton.
de l’expérience qu’on acquiert, on n’en « No! », répond-t-il en semblant
rechigne pas moins toujours à emprunter s’époumoner sous le soleil. Dans la même
des autoroutes balisées par d’autres que veine – sacrés Anglais –, mais à une
nous. Autant dire qu’à l’orée des vingt ans autre époque, Oscar Wilde aura dit aussi
d’A Nous Paris – un anniversaire qui, dans « On devrait toujours être légèrement
notre catégorie, aurait de quoi nous conférer improbable. » On ne s’en souhaitera pas
l’aura d’un vieux Persan qu’on ose à peine moins à nous tous pour cette nouvelle
déloger du canapé –, nous ne pouvions année. Restons différents et pas pareils
qu’applaudir ces talentueuses musiciennes/ en même temps qu’enthousiastes.
comédiennes/circassiennes/danseuses Ici et ailleurs, le champ des possibles
tout à la fois, curieuses et pas inquiètes de pourrait être presque infini._

Je peux
continuer dans
cette voie –
Triptyque N° 7,
1991, du collectif
BP, cibachrome
couleurs sous
plexiglas,
à voir dans
l’exposition
Mobile/Immobile
aux Archives
nationales
du 16 janvier
au 24 avril
(lire p. 6).
© Musée de
La Roche-sur-Yon

A NOUS PARIS
sommaire 05

Magazine gratuit édité par A Nous Paris,


SAS au capital de 1 580 000 euros,
Altice Campus
2, rue du Général Alain de Boissieu, 75015 Paris
Tél. : 01 87 25 85 00
Principal associé : SFR Presse
Président : SFR Presse
Directeur général : Clément Delpirou
Directrice déléguée : Sandrine Geffroy (8940)
Site internet : www.anousparis.fr
Rédaction : 01 87 25 89 16
Rédactrice en chef : Carine Chenaux
Assistante de la rédaction :
Emmanuelle Suzanne (8916)
Direction artistique : Billy Bones
Première rédactrice graphiste :
Laurence Philippot (8922)
Secrétaire de rédaction : Sophie Ceugniet
Rédactrice photo : Soizic Landais (8918)
Ont collaboré à ce numéro : Paul Albertini,
Jérôme Berger, Aurélien Berne, Smaël Bouaici,
Olivier Boucreux, Alexis Chenu, Alain Cochard,
Jeanne Gaudin, Myriem Hajoui, Stéphane Koechlin,
11 -mode homme 12 - quartier 20 - cinéma
Fabien Menguy, Édouard Rostand. Défilé Louis-Gabriel Nouchi printemps-été 2019 © Arnel Dela Gente Restaurant (V)ivre © Françoise Dorelli Film Glass © Universal Pictures

Chargée de diffusion : Sarah Hacquebart (8925)


Directrice communication et multimédia : Alizée
Szwarc (8928)
Publicité / commercial : 01 87 25 89 24
dans l’air style de ville affaires culturelles
Directrice de la publicité : Paule-Valérie Bacchieri
Van Berleere (8931) Directrice des opérations 8 - tendance 12 - quartier 18 - livre
spéciales : Stéphanie Le Meur (8938) Directrice Des femmes artistes Le canal Saint-Martin monte Rencontre avec Nicolas Mathieu,
adjointe de la publicité : Claire Bourin (8934) aux talents tout terrain en grade lauréat du Prix Goncourt
Chef de publicité : Hanène Jemili (8933)
Chef de publicité Local/immobilier :
Sébastien Tisseyre (8932) Chef de publicité 11 - mode homme 15 - à boire et à manger 20 - cinéma
e
Emploi : Faustine Launay (8935) Directrice Louis-Gabriel Nouchi, espoir Distrito Francés (10 )
partenariats & publicité culturels : Carolyn Occelli de la Fashion Week 21 - scènes
(8929) Responsable partenariats & publicité 16 - clubbing
culturels : Marie Dondon Responsable des projets
musicaux : Mathieu Proux (8937) Cheffe de projet Madben au Badaboum, Detroit 22 - conversation
événementiel : Lou Chiusano (8936) techno au Rex Club et Fuzati Jérémie Rénier à l’affiche dans
Publicité Formation : L’Étudiant Directrice de à la Petite Halle L’Ordre des médecins
clientèle : Teresa Durand. tdurand@letudiant.fr
Carnet d’adresses : Développement Media :
06 65 50 27 47. Ressources humaines :
24 - expo
recrut@anous.fr Impression : GAICS SAS, Transmission/Transgression
8, square Chanton, 92 200 Neuilly-sur-Seine Diffusion : au musée Bourdelle
Distripaq. ISSN : 1294-4572. Magazine gratuit, ne peut
être vendu. Ne pas jeter sur la voie publique.
La reproduction, même partielle, de tous les Imprimé sur papier issu de forêts gérées durablement. Origine du papier :
Allemagne. Taux de fibres recyclées : 100 %. Ce journal est imprimé sur un
26 - sons
éléments parus dans A Nous Paris est interdite.
papier UPM porteur de l’Écolabel européen.
save the date
Ça se passe cette semaine. Date unique ou événement régulier, c’est noté dans notre agenda. ce WEEK-END
06

SAMEDI 19/01
LUNDI MARDI MER- Percus
contemporaines
14/01 15/01 CREDI Après le triomphe de
Burning Bright d’Hugues
sporty © Jean Picon
resto 16/01 Dufourt en 2017, les
“Percus” collaborent
L’Usine en gare © Pierre Lucet Penato expo © Jurgen Nefzger cette fois avec Pierre
Pour sa troisième adresse parisienne, Ibrik Kitchen Jodlowski pour
le club décroche un site exceptionnel Et de deux! Après le coffee shop Vous avez dit mobile ? Ghostland, le territoire
gare Saint-Lazare. Un espace au Ibrik, place au restaurant. En Les Archives nationales présentent des ombres, partition
style industriel ouvert sur des l’occurrence, un vaste une pièce- l’exposition Mobile/Immobile. Soit étrange et troublante
arcades du XIXe offrant le nec plus cuisine-comptoir où apprécier des en collaboration avec le Forum vies pour voix, électronique
ultra de l’outillage sportif. Tapis de assiettes bonhommes des Balkans, mobiles, une réflexion sur la notion et percussions, dans
course à l’infini, cage de cross-fit XXL, au dîner surtout, voire au-delà, au de mobilité, d’hier à demain, le tout le cadre du week-end
studio de yoga sur la ville, sauna et déjeuner cette fois. Ou comment accompagné du regard d’artistes “Fais-moi peur !” de la
hammam. Après l’effort, le réconfort mitonner goulash, mezze et schnitzel contemporains, Ai Weiwei en tête._ Philharmonie.
au bar à shakers protéinés, au salon dans un seul et même endroit. Jusqu’au 29 avril. 60, rue des Francs- À 20 h 30 à la Philharmonie
de relaxation en mezzanine ou sur Méritant._ Bourgeois, 3e. Du lundi au vendredi de de Paris (Le Studio),
la table connectée à l’entrée._ 9, rue de Mulhouse, 2e. M° Sentier. 10 h à 17 h 30, le week-end à partir de 221, avenue Jean-Jaurès,
1, cour du Havre, 9e. Tous les jours, Du mardi au samedi de midi à minuit, 14 h. Entrée : 8 €. Et aussi du lundi au 19e. M° Porte de Pantin.
de 6 h 30 à 22 h en semaine, de 10 h à 18 h le dimanche de midi à 18 h. samedi de 9 h à 16 h 45, 59, rue Guynemer, Tél. : 01 44 84 44 84.
le week-end. Tél. : 01 84 79 40 40. Tél. : 01 70 69 42 50. Pierrefitte-sur-Seine (93). Entrée libre. Pl. : 18 €.
07
Textes : Paul Albertini, Jérôme Berger, Carine Chenaux, Alexis Chenu, Alain Cochard, Stéphane Koechlin

ce WEEK-END
SAMEDI 19/01 ET
DIMANCHE 20/01
La nature
JEUDI JEUDI JEUDI
à livre ouvert
En plus de la 3e édition
17/01 17/01 17/01
de la Nuit de la lecture célébra- musique parcours
(samedi soir), on ne
manquera pas d’aller
tion © Blandine Sanchis/Orchestre Lamoureux Jazz lady
© D. Face
Décors parisiens
Installation de Masters of Linen
© Manuel Braun

voir ce qui se passe Berlioz en fête Le salle de l’Auditorium, désormais Paris Déco Off, le « rendez-vous des
du côté du musée de la Marqué par le 150e anniversaire de haut lieu du jazz, ne pouvait rater éditeurs et créateurs de la décoration
Chasse et de la nature. la disparition d’Hector Berlioz, 2019 Mélanie de Biasio, la merveilleuse internationale » fête ses dix ans
La Fondation François fera largement honneur à ce flûtiste et chanteuse de Charleroi. en réunissant pas moins de
Sommer y présente son musicien. Le concert de l’orchestre Son univers taciturne et hivernal 100 showrooms parisiens. Autant
salon “Lire la nature”. Lamoureux réunit deux de ses plus nous a cueillis il y a quelques années, d’adresses de la rive droite et
Un grand bol d’air avec fameuses partitions : la Symphonie en 2013, avec No Deal, où elle de la rive gauche qui accueillent les
débats, prix littéraire, fantastique et le cycle de mélodies tissait une musique liturgique et lente, visiteurs avec des vitrines festives,
projections, lectures Les Nuits d’été (par la mezzo hypnotique. Son dernier, Lilies, des présentations de leurs collections
contées et même Albane Carrère). Irrésistible bain de contient beaucoup de ces profondes et des rencontres et, en prime,
un espace thématique romantisme musical en perspective, mélodies dont elle a le secret qu’elle des installations dans la ville._
dédié aux abeilles. sous la baguette de Benjamin Lévy._ développe joliment sur scène._ Jusqu’au 21 janvier. Showrooms ouverts de
De 10 h à 19 h. 60-62, rue À 20 h au Théâtre des Champs-Élysées, À 20 h 30 à la Seine musicale, île Seguin, 9 h 30 à 19 h 30. Nocturne le samedi jusqu’à
des Archives, 3e, M° 15, avenue Montaigne, 8e, M° Alma- Boulogne-Billancourt (92), M° Pont de 23 h. 30 navettes gratuites. Plan et
Rambuteau. Entrée libre. Marceau. Pl. : 5-45 €. Tél. : 01 49 52 50 50. Sèvres. Pl. : 31-45 €. Tél. : 01 74 34 54 00. invitations sur www.paris-deco-off.com

MIRCEA CANTOR
VANATORUL DE IMAGINI
CHASSEUR D’IMAGES

PARTENAIRE PARTENAIRES MÉDIAS


EXPOSITION
15 JANVIER – 31 MARS 2019
62, RUE DES ARCHIVES
75003 PARIS
CHASSENATURE.ORG
tendance dans l’air
08

Artistes plurielles
Entre art contemporain et musique, cirque et performance, rap et comédie, elles
ont décidé de ne pas choisir. Laetitia Dosch, Irène Drésel, Aloïse Sauvage, Regina
Demina et les autres sont de la famille des “artistes polymorphes”. Et la tendance,
plutôt féminine, semble se confirmer…
Texte : Olivier Boucreux

P
Paris 11e, un soir d’octobre. En marge de la
FIAC, la toute jeune Biennale de Paname
expose gratuitement une quinzaine d’artistes
contemporains. Il y a la queue à l’entrée de
l’Atelier : une jeunesse queer, mode, décalée,
curieuse, vivante. De l’intérieur, un brouha-
ha se fait entendre, mélange de discussions
parisiennes pas toujours philosophiques, de
rires excessifs et de musique électro. Une voix
sort de la mêlée et se fait une place au milieu
du chaos organisé. Micro en main, Regina
Demina, jeune artiste “punk” et conceptuelle,
ne se contente pas d’exposer ici ses œuvres
poético-macabres, elle chante sur de la techno
devant une installation à la fois morbide et
satinée.

Les étiquettes ? “Trop chiant”


Un spectacle? Un concert? Une performance ?
Appelez-ça comme vous voulez. Regina, la
vingtaine autodidacte, n’aime pas trop qu’on mais en douceur, la musique notamment Regina Demina seule et même personne. Il n’y a pas de schi-
nomme les choses. Les étiquettes, très peu avec ses chansons punk et pop, elle les avait (ci-dessus). zophrénie, mais il y a en revanche une dualité
© Guillaume Hery
pour elle : « Trop chiant ». Même si on est bien déjà touchés du doigt ou foulés du pied avant récurrente dans mon travail. En arts plastiques,
obligé, pour notre article, de lui en apposer de s’autoriser l’art contemporain, remporter Irène Dresel je tentais de répondre à la formule “attraction +
une. « Si j’énonce toutes mes activités, ça fait des prix avec son travail, s’exposer au Palais (au centre). répulsion = fascination”. En musique, j’essaye
© Morgan Roudaut
prétentieux. Alors un curateur m’a proposé ce de Tokyo... « C’est la mode qui m’a menée de reproduire la même ambivalence. » Mais
nouveau sticker : artiste polymorphe ». Regina jusqu’à l’art. Cela me permet de mélanger dif- la boulimie artistique n’a pas toujours très
est comédienne, danseuse, mannequin, plas- férents médias : vidéo, danse, arts plastiques, bonne presse. Et la critique est facile. Comme
ticienne, vidéaste... et termine en ce moment musique… Je travaille depuis que j’ai 17 ans, si tout faire revenait à ne rien faire, ou ne rien
sa « trilogie sur les voitures crashées ». Tout et je vois ça comme une continuité. Quand faire comme il faut. « Quand je suis sortie des
ce qu’elle veut, c’est ne pas s’encombrer de je compose, je reste une artiste. Je n’ai pas Beaux-Arts et que j’ai dit que je voulais faire du
codes ou de cases. Pour la définir, un journa- l’impression de changer de métier. » son, raconte Irène, on m’a regardée avec des
liste a écrit qu’elle « dégommait les murailles ». yeux ronds, on m’a prise pour une folle. On me
« Ah dis donc c’est joli, ça me fait plaisir. Il a Vases communicants disait “Ah, t’es DJ…” d’un air condescendant. »
dû l’écrire dans un élan poétique (rires)! Il y Elle n’est d’ailleurs pas la seule à parler de ses Les étiquettes se décollent à la sueur, mais
a beaucoup de murs à dégommer, c’est vrai. « vases communicants ». Productrice douée de finissent par se décoller. « Aujourd’hui, d’autres
Moins dans l’art contemporain. C’est le milieu musique techno et DJ reconnue pour casser musiciens viennent d’écoles d’art, comme
le plus ouvert que je connaisse. Je m’en suis les codes scéniques plan-plan, Irène Drésel a Agar Agar. Peut-être que ces artistes sortent du
servie en quelque sorte comme d’un cheval beau avoir un double plasticienne passée par lot parce qu’ils font un travail de recherche sur
de Troie pour pénétrer d’autres mondes. » Les les Beaux-Arts et les Gobelins – Irène Billard –, l’image. Et en tant que musicien, c’est devenu
autres mondes que Regina pénètre désor- elle sait gérer les deux. « Irène et Irène sont une indispensable, il faut être original pour se faire

A NOUS PARIS
09
dans l’air

geant – pour comprendre. « Je viens de la


danse, du cirque à haute dose… Mon corps
exprime ce que je dis. Et il dit parfois plus
de choses que je ne le veux! Bouger me sert
aussi d’exutoire. » Le corps comme moyen
d’expression pour Aloïse ou la comédienne
circassienne Vimala Pons. Le corps libéré,
assumé (ou pas), malmené, mis à nu dans
Hate, le formidable spectacle/performance de
Laetitia Dosch (voir encadré), que la question
du nu interpelle. « Cela raconte des choses tel-
lement différentes selon la position du corps, la
lumière, ce que vous dites… Cela “agrandit” ce
que vous jouez. Sur scène, nue, je suis tour à
tour un tableau, un dessin animé stupide, une
performance des années 80… »

Cri du cœur, cri du corps


Le corps musical chez Irène Drésel, qui se
meut avec elle quand elle propose au public
ses compositions sensuelles et charnelles. Le
corps spectacle de Regina Demina, qui clôt la
discussion par un cri du cœur/cri du corps :
« Quand on est artiste, je ne vois pas comment
cela peut ne pas passer par le corps ». Les
artistes multicartes ont donc cela en com-
mun. Et plus encore. Elles interrogent toutes
aussi les questions d’identité – le genre, la
sexualité, la couleur de peau – et revendiquent
un grand désir de liberté. Pour Aloïse, « c’est
toujours la même quête : ne pas se figer dans
quelque chose. Insatiabilité, ça se dit? En fait,
j’ai toujours faim! » Idem pour Regina la bou-
limique, qui multiplie les activités pour ne
pas s’ennuyer : « Un seul travail, ce serait la
mort pour moi! ». Mais aussi, même si c’est
repérer. » Ceux-là même qui la regardaient de reste profondément la même dans toutes mes Laetitia Dosch, moins glamour, par nécessité économique.
haut apprécient maintenant de la voir mixer. activités. Aloïse Sauvage, c’est moi à l’état civil, dans la pièce Les trentenaires que l’on appelle aujourd’hui
Hate, co-mise
Certains vont jusqu’à comparer ses morceaux mais cela devient aussi, que je le veuille ou en scène avec les “slashers” existent aussi dans le domaine
à des installations. Et ses clips, comme ce non, un ou plusieurs personnages. C’est l’exal- Yuval Rozman de l’art. « Je connais plein d’artistes qui font
© Dorothée Thébert-
plan-séquence d’une petite fille qui danse tation du déguisement. Mes différents traits Filliger plusieurs choses parce qu’il faut bien bos-
sur le titre Medusa, pourraient tout à fait être de caractère s’exposent tour à tour. » Pour elle ser, c’est tout. » Se démultiplier pour gagner
projetés dans une galerie. Sa propre dualité aussi, le regard des autres est parfois pesant, sa vie. Pour créer des passerelles. Pour se
a donc permis de créer des passerelles. Diffi- notamment quand elle se heurte à l’industrie Aloise Sauvage remettre en question aussi. Et, paradoxale-
© Poppy Moukoukenoff
cile, en revanche, de tout pratiquer en même musicale. « On essaye de me mettre dans une ment, se retrouver. « Peu importe le support, si
temps. Irène 2 a dû mettre la pratique plastique case musicale, mais je suis d’une génération on ne se soucie pas des modes, on reste cohé-
d’Irène 1 en stand-by, faute de disponibilité qui écoute des playlists à n’en plus finir, avec rent », pense Irène la philosophe, se rendant
mentale. « Je n’arrive pas à me dédoubler pour des sons et des genres très différents... On compte avec le recul que tous ses travaux se
le moment ». se nourrit de tout. Je ne sais pas si c’est très répondent. Sa première œuvre importante
français, mais on nous demande souvent de aux Beaux-Arts ? Un livre qui contenait le
Spécialistes en dédoublement choisir. Certains ne comprennent pas que récit, écrit à l’envers, de ses rêves (43) et de
Le dédoublement, c’est plutôt la spécialité notre épanouissement passe justement par cet ses cauchemars (15) pendant trois mois. Il
d’Aloïse Sauvage (son vrai (beau) nom), que entremêlement. » Si la musique et le cinéma se déchiffrait grâce à un miroir. Hasard ou
la presse présente généralement en listant prennent en ce moment une bonne part de coïncidence, un de ses derniers morceaux
une à une ses professions : actrice (dans 120 son gâteau, la danse fait office de cerise sur électro comporte une prière qu’elle récite
battements par minute, notamment), dan- le cake. Il suffit de la voir bouger sur scène à l’envers, déchiffrable en faisant tourner
seuse, circassienne et chanteuse de rap. « Je en rappant – ou de rapper sur scène en bou- le vinyle à l’endroit… On ne se refait pas.
tendance dans l’air
10

« Quand on suit son être au plus profond, on


est raccord toute sa vie avec son œuvre. Le fil
directeur, c’est soi. » Laetitia Dosch, la pionnière
Mon moi et mon surmoi Actuellement en tournée avec le beau Hate, spectacle/performance
Ressuscitée adolescente d’une mort clinique
suite à une injection d’adrénaline qui a mal trouble en duo avec un cheval (!), Laetitia Dosch a toujours joué les
tourné, Regina, son moi, son surmoi et son ça, artistes multicartes. Elle écrit, performe, met en scène, joue, sur scène
interrogent aujourd’hui l’origine du mal. Avec ses
créations, elle expose sa violence intérieure, mais
ou au cinéma (Jeune Femme, Nos batailles…). Et explique pourquoi
aussi, sa part d’enfance, encore très présente. il faut aujourd’hui en passer par là.
« J’ai toujours le sentiment de fabriquer des
cabanes, comme quand j’étais petite. Je joue
dedans avec plusieurs personnes, d’autres
viennent observer notre construction ou nos
jeux. » Autre méthode mais même combat pour
Irène, isolée à la campagne pour créer, quand elle
ne se confronte pas sur scène au public, dans
son décor de fleurs en plastique. « Je tiens à ce
qu’une part de rêverie s’installe pendant mes
concerts, mentalement et visuellement. Pas mal
de gens ferment les yeux sur ma musique, et je
ne veux pas qu’ils quittent cet espace mental.
Je veux qu’ils restent dans un autre monde. »
Quand on leur demande si elles se sentent moins
seules aujourd’hui, si elles trouvent que la ten-
dance protéiforme se généralise, elles essayent
de voir plus loin que leur nombril. « Je ne veux
pas tendre vers quelque chose de protéiforme,
je le suis », tente Aloïse. Mais elles vous disent Laetitia Dosch dans le spectacle Hate. © Dorothée Thébert-Filliger
toutes entre les lignes que c’est à vous de faire Pourquoi, selon vous, a-t-on le sentiment dans l’artistique, on a besoin de s’exprimer soi-
votre travail de journaliste. Et surtout, de ne pas que les artistes protéiformes sont de plus même, on ne peut pas uniquement dépendre
leur coller une étiquette de plus. Protéiforme ? en plus nombreuses ? du désir de l’autre.
Ah mince…_ Cela va au-delà des artistes d’après moi, c’est
sociétal et culturel. Que ce soit par choix ou C’est votre cas ?
pour des raisons économiques, on sait bien Que ce soit au théâtre, au cinéma, dans l’écri-
leur ACTU aujourd’hui que l’on n’aura pas un seul métier
dans sa vie. De plus en plus de scientifiques
ture ou la “performance”, c’est toujours la
même recherche en ce qui me concerne :
Regina Demina même, comme Pablo Servigne, revendiquent toucher une vérité que je ne connaissais
• EP Pyromane Remixes sorti le 30 novembre ce côté interdisciplinaire. Ils pratiquent plu- pas, apprendre quelque chose et trouver le
• Au festival Astropolis, à Brest le 7 février sieurs disciplines en même temps : biologie, bon ton pour la partager. C’est un mélange
• CD promo Remixes + bonus “Daddy Christmas”, sociologie, etc. d’expérimentation et de travail formel. Ce qui
sorti début janvier m’intéresse le plus, c’est reconstruire le pré-
• Sortie digitale de “Daddy Christmas” fin janvier. Dans l’art, ce sont surtout des femmes sent. Qu’on ait l’impression que, l’espace d’un
a priori… instant, tout cela existe vraiment.
Irène Drésel Peut-être parce que nous avons plus d’obliga-
• EP Rita tions, plus de critères à remplir. Et davantage Vous dialoguez sur scène avec un
• Sortie du 1er album fin février/début mars besoin de liberté. Protéiforme, ça va avec ça : cheval. On ne peut plus parler aux êtres
casser l’image de la femme dans laquelle on humains ?
Laetitia Dosch se sent parfois enfermée. Cela m’est beaucoup Il y a des choses difficiles à dire aux humains,
• Spectacle Hate, à Annecy le 16 janvier, à Angers le 7 mars, arrivé depuis vingt ans, on m’a dit : « Tu es c’est vrai. Mais le cheval, c’est aussi pour le
à Béziers le 13 mars, etc. comme ça, comme ci, tu es la folle de ser- côté comique. Et pour l’altérité. Je voulais un
vice »… On voulait déterminer avant moi ce que être d’une autre espèce. Un “autre” total. J’ai
Aloïse Sauvage j’étais. Et puis les femmes sont peut-être moins passé quatre mois à essayer de capter com-
• Soirée À définir dans un futur proche au théâtre du Rond-Point complexées de ne pas avoir le niveau pour ment il fonctionnait. Et lui ne comprenait rien
le 13 février telle ou telle nouvelle forme d’art. Le fait d’en à ce que je lui disais au début. Ce spectacle,
• Sortie du 1er EP le 29 mars avoir envie nous suffit parfois. De toute façon, c’est un chemin vers l’autre._
mode dans l’air
11

Louis-Gabriel Nouchi,
meilleur espoir masculin
Un an après avoir présenté sa marque LGN, le jeune créateur parisien défile
le 16 janvier pendant la Fashion Week masculine. Un sportswear raffiné
et parfois grunge, toujours fait dans les belles matières, et fortement inspiré
par la littérature et la culture japonaise.
Propos recueillis par Alexis Chenu

À quel moment s’est produit le déclic


mode chez vous ?
Quand j’étais tout petit. Lorsque je voyais les
clients sortir des boutiques de Yohji Yama- Louis-Gabriel Nouchi. © Thibault Théodore Babin
moto, le créateur qui m’a le plus marqué et
grâce à qui je fais de la mode aujourd’hui, ou Quand vous ne pensez pas mode, vous
de chez Kenzo. pensez quoi ?
Je consacre l’essentiel de mon temps au
Et l’idée d’en faire un métier ? développement de ma marque. Mais je vais
J’ai toujours beaucoup dessiné, mais j’avais me ressourcer auprès de mes proches. Une
peur du milieu. Avec un père médecin et une maison, un jardin et la famille, ça me va bien.
mère architecte, je ne baignais pas dans un
monde artistique ou mode, j’ai même failli Comment vivez-vous Paris ?
faire carrière dans la médecine – j’ai heureu- Je suis un Parisien de la rive droite, je vis à
sement raté le concours – et étudié deux ans Barbès, et je navigue entre le 9e et le 18e. Je
à la fac de droit. Un stage au sein du maga- passe ma vie avenue de Trudaine, à voir
zine Vogue, époque Carine Roitfeld, m’a mes potes et à lire des bouquins, ceux qui
encouragé à passer à l’action. m’insufflent l’esprit des collections.

Direction la Belgique et l’école de La littérature vous inspire, donc…


La Cambre… Oui, toutes les collections émanent d’un
Je n’avais pas les moyens de payer une moment de littérature. Après Le Pavillon d’or
grosse école de mode et j’ai toujours appris de Yukio Mishima pour la collection été
à me débrouiller seul. La Cambre, qui est une 2019, c’est La Nuit des temps, de Norman
école publique et qui ne demandait que 300 Mailer, et ses références à la réincarnation et
euros de frais d’inscription, était calibrée à l’Égypte ancienne, combiné au travail du
pour moi. On y parlait mode mais aussi plasticien multimédia Matthew Barney, qui
Beaux-Arts, je m’y suis bien retrouvé. ont donné naissance à la collection hiver,
dont le défilé aura lieu le 16 janvier.
Lancer sa propre marque, un pari risqué ? Silhouette issue
J’ai toujours eu cette idée en tête. Mon expé- du défilé Louis Vous êtes accompagné aujourd’hui par Un mot sur ce que vous allez présenter ?
rience auprès de Raf Simons à Anvers m’a Gabriel Nouchi, le programme IFM Labels qui soutient Après le lancement d’une capsule l’an dernier,
appris à voir plus loin que le style, à intégrer printemps- les jeunes créateurs. Une association cette collection va surtout s’intéresser à la
la partie business et à voir le lancement été 2019. capitale ? maille, avec notamment un tailleur tout maille,
© Arnel Dela Gente
d’une marque comme celui d’une entreprise La marque a beaucoup grandi en un an, et des pièces en jacquard, un style raffiné et par-
globale. Après le Festival de Hyères en 2014 les premiers résultats sont bons. L’IFM La- fois grunge, et toujours l’envie de rester acces-
et mes collaborations réalisées avec les Ga- bels est un vrai accélérateur de croissance, sible. La mode est faite pour être portée._
leries Lafayette ou Damart, j’ai pu aller voir enrichi par les conseils des intervenants et
les banques et les investisseurs en leur par l’échange avec les autres créateurs, Showroom : Boon Paris, 9, rue de Lesdiguières, 4e.
montrant ce que j’étais capable de vendre. aussi différents soient-ils. www.louisgabrielnouchi.com

A NOUS PARIS
quartier style de ville
12

Concept-store

L
TheNextDoor.
© SDP Les abords du célèbre canal ne finissent pas
de se réinventer. Loin de perdre de sa
superbe, le quartier accueille des concepts
toujours plus innovants et désirables.

Montgolfière
Suer ensemble
Rue Yves Toudic, l’ancien immeuble du XIXe,
qui abrita vers 1850 une usine de vraies mon-
tgolfières, se transformait en club de sport en
septembre dernier. L’endroit, connu des gens
de la mode (s’y déroulaient notamment les
salons Man/Woman) et doté d’une superbe
verrière, revendique un esprit social club
depuis ses débuts, soit le mix sport et culture,
Club de sport et l’idée d’échange. Derrière le porche, le club
La Montgolfière. ouvre ainsi sur un grand espace de coworking
© La Montgolfière
en rez-de-chaussée, tient le comptoir cuisine
saine de Season au déjeuner, fait tourner les
expos, et propose des parties de billard à
l’heure de l’apéro, cocktails servis à la carte du
bar. Au programme des cours, du sérieux mais
qui ne prend pas la tête (on aime bien les

Autour du canal abdos choco), des déclinaisons du classique


yoga en mode hip hop, de la boxe dans tous
les sens, et même des cours de corde à sauter
Textes : Alexis Chenu s’inspirant du street. Testé et approuvé, le “All
4 the butt” vous taille un fessier en 60 minutes,
Incontournable, le canal Saint-Martin est un coin où il fait bon vivre. la brillante Myriam Chaban enchaînant les
épreuves de chaise, de squats, de courses et
Surtout en hiver, moins saturé, plus respirable. En janvier, de ballons. Raffermissant. Enfin, le club orga-
le quartier verra s’ouvrir un concept-store de mode masculine nise régulièrement des cours ultra-décalés (la
Roller Party en décembre dernier), réveillant
parmi les plus pointus au monde, de nouveaux coffee-shops, les années 80, et rapprochant les participants.
quelques bons artisans et bonnes tables. L’endroit monte en grade Côté pratique, la Montgolfière tient des ves-
sans perdre son âme, ni céder aux grosses chaînes, tant mieux. tiaires au premier, un hammam et un sauna à
l’étage supérieur, et collabore avec la marque
Dermatologica pour la douche.
25, rue Yves-Toudic, 10e.

A NOUS PARIS
13
style de ville

TheNextDoor Loui’s Corner


Destination store Jazz et bonnes assiettes
Dans la rue Beaurepaire, TheNextDoor En lieu et place de l’American Bistro, la rue
débarque dans l’ancien magasin d’American Bichat accueille un nouveau pub. À 100 mètres
Apparel et devrait rivaliser avec les plus beaux du canal, Loui’s Corner se paie une nouvelle
multimarques de Paris et du monde entier. tête, brut de brut dans le décor, végétalisé sur
Dédié à l’homme, le « destination store » né à les bords, doté d’un comptoir en tin-ceiling
Avignon propose sur plus de 800 m2 une mise charmant d’inspiration New York et d’une ter-
en scène de marques streetwear et luxe, des rasse d’une cinquantaine de places, tranquille
références en la matière avec Comme des en journée et ensoleillée l’été. Meilleures
garçons, Undercover, Sacaï, Marni mais aussi options pour y passer : le midi avec une carte
Nike ou Stüssy, toutes mises en avant et scé- de brunch proposée tous les jours, US mais
nographiées parfaitement. Pensé par Nicolas pas trop, du jazz dans les oreilles et l’assiette
Ivars, le fondateur, en lieu d’expériences, l’en- végétarienne (avec kale, purée de maïs, carrot
droit sort la technologie en ajoutant aux cake, jus pressé... ) qui fait bien l’affaire à 19 €.
portants des écrans tactiles où chercher la Deux autres versions « Fish & Eggs » et « Meat
pièce d’une collection absente en boutique, & Cheese » sont aussi proposées. Alternative
dédie un étage à la reine sneaker présentée à l’heure de l’apéro, le patron (qui tient égale-
sous une arche entièrement lumineuse, et fait ment le bistrot Rougemont) organise des
même appel aux pros du mapping pour ani- afterworks un jeudi sur deux et reçoit Djs, lives
mer l’espace de lancement de produits et et mêmes fanfares. De l’humeur qui devrait
d’exclusivités. Un lieu entièrement connecté, redonner des couleurs au quartier. En mars,
où les clients sont aussi invités à prendre un un autre pub, irlandais dit-on, ouvrira ses
café, bouquiner et discuter. Régulièrement, portes juste en face. Plus on est, plus on rit.
TheNextDoor mettra en avant ses collabora- 49, rue Bichat, 10e. Tél. : 09 81 10 62 16. Ouvert tous
tions, la première avec la marque Stüssy les jours de 8 h à 1 h.
autour d’une collection capsule.
10, rue Beaurepaire, 10e. Ouverture le 17 janvier. (V)ivre
Cuisine d’émotions
Rue de Lancry, le second restaurant de Caro-
Pub Loui’s Corner. © SDP line Savoy (la fille du célèbre chef Guy Savoy)
a tout pour plaire. Un cadre d’abord, sorte de
bistrot chic à la parisienne, au parquet grin-
çant, où l’on s’installe sur banquettes en cuir
et fauteuils design, quelques touches arty
comme ce Mickey-coin-coin à voir de très
près venant réchauffer le décor. Un bon esprit
ensuite, celui de « prendre le temps de vivre »
Restaurant via une cuisine fraîche de petits producteurs
(V)ivre Canal français fameux, qui met en avant des plats
Saint-Martin.
© Françoise Dorelli de grand-mère, rassurants et gourmands (à
goûter le confit de canard, l’échine de
cochon…) et décline toute la semaine des plats
en cocotte parfaits aux heures d’hiver. Au
programme : pot-au-feu, blanquette de veau,
bouillabaisse, rognons flambés. Le service
express au déjeuner (menu « Vivre vite » à
16 €), les bonnes idées (le menu façon bande
dessinée d’Astérix) et la carte des vins à tous
les prix concoctée par Bruno (150 références
de France et du monde) font le bon mélange.
La maison tient aussi son brunch le dimanche,
un menu dégustation en six services (65 €) et
fait partager à l’apéro des planches de char-
cuterie et fromage.
60, rue de Lancry, 10e. Tél. : 01 42 40 73 38. Du mardi
soir au samedi de 12 h 15 à 14 h 30 et de 19 h 30 à 22 h.
quartier style de ville
14

et aussi…
La Cantine bretonne
Planquée en contre-haut du canal, cette nouvelle crêperie posée dans
un cadre de bistrot moderne, déroule les crêpes et galettes tradition-
nelles, toutes fraîchement garnies, ajoute quelques plats régionaux
– poêlée de champignons, cassolettes de la mer et fondue de poireaux,
moules… – et une spécialité en dessert : la Kouignette de la maison
Larnicol, une pâtisserie bretonne pur beurre à avaler autour de glace
au caramel ou pistache._
22 bis, rue de l’Ourcq, 19e. Tous les jours de 8 h à 1 h.

Caoua
Nouveau coffee-shop à l’angle du quai de Jemmapes et de la rue de la
Grange-aux-Belles, Caoua ouvre toute la journée, sert le breakfast aux
œufs Bénédicte, l’avocado toast et l’egg sandwich saumon au déjeuner,
du jus pressé à la demande, du bon café ou du chaï latte, dans une
Les cookies de la boulangerie Sain. © Tristan Olphe-Galliard / Big Bouffe
ambiance baignée de bon et doux reggae (Groundation entre autres).
Sain, la boulangerie la relation au boulanger comme au temps de Au rez-de-chaussée, pause sur la rue à dragouiller et dévisager les
Esprit de campagne mes grands-parents », explique Antony. Sa passants, à l’étage salle végétalisée avec vue plongeante sur le canal._
Le boulanger Anthony Courteille a une obses- spécialité : le Saint-Martin, un pain au levain, 98, quai de Jemmapes, 10e. Du mardi au vendredi de 8 h 30 à 19 h 30,
sion avec Martin. Il a longtemps habité rue pétri à la main, dont la pâte fermente quasi samedi et dimanche de 10 h à 19 h 30, lundi de 10 h à 18 h.
Saint-Martin. L’oncle qui lui a mis la main à la 24 heures, à base de farines de blé anciennes,
pâte s’appelait Martin. Son chef mentor s’ap- de petit-épeautre et de châtaigne et devenu la Maison Bourgeon l’épicerie
pelle Guy Martin. Et sa première boulangerie star de la maison. À l’ardoise, d’autres pains Maison de thé aux origines, Maison Bourgeon fait parler il y a dix
se trouve à quelques mètres du canal Saint- de cuisinier qu’Anthony accorde au piment ans en lançant des thés gourmands mêlant fleurs, fruits et saveurs.
Martin. Une évidence donc. Boulanger et doux fumé, au topinambour et à l’estragon, au L’idée de deux frères, Sébastien et Jean-Charles, rejoints par leur
cuisinier de formation, passé par les cases curcuma mélangé à la bergamote, aux herbes sœur Marie, les trois proposant dans leur première adresse parisienne
palace, le garçon, tout juste 40 ans, a long- ou même au miso. Les viennoiseries se l’intégralité de leur collection de thés (nos préférés : amande et
temps tenu son restaurant, Matières A, avant mangent comme des gâteaux (recommandé, miel, datte et vanille, frozen yogurt ou encore chocolat). En boutique,
de décider de le transformer en boulangerie. le chausson aux pommes ou le biscuit Addict une ligne plus traditionnelle pour les puristes, les chocolats des
Une adresse pas vraiment traditionnelle, qui porte bien son nom) et, dès mars, les pre- français et du cidre artisanal._
posant le pétrin juste sous les yeux du client miers sandwichs pourront s’acheter. 3, rue de la Grange-aux-Belles, 10e. Du mardi au vendredi de 10 h à 14 h
et ouvrant sur une partie de l’atelier. « Une 15, rue Marie-et-Louise, 10e. Tél. : 07 61 23 49 44. Du et de 15 h à 19 h 30, le samedi de 11 h à 19 h 30, le dimanche de 11 h à 18 h.
façon d’être au plus proche du métier, de vivre mardi au samedi, de 7 h 30 à 15 h et de 16 h 30 à 20 h.

CARNET D’ADRESSES PUBLI INFO

‘ AO IZAKAYA
La gastronomie japonaise sous un nouveau jour. Aux fourneaux de cette nouvelle adresse,
le chef Yasuo Nanaumi interprète les grands classiques de la cuisine japonaise, mais ne
s’interdit pas non plus des ponts avec la cuisine française. C’est le soir que les lieux se révèlent,
avec le respect de la tradition japonaise de l’«omakase», laissant au chef le soin d’imaginer
le menu de ses clients à travers une cuisine mêlant saveurs françaises et japonaises via 6
plats (3 entrées, 2 plats, 1 dessert). Déclinaisons de thon et légumes marinés, foie gras, sésame
et sauce Kabocha, crevettes tempura parfumées à la betterave rouge, canette et sa sauce
miso… Ao, version moderne des traditionnels Izakayas (bars où les japonais se rendent après
le travail) propose également, chaque soir, une carte de tapas japonaises chaudes et froides,
à l’image du carpaccio de saumon parfumé au yuzu, le filet de bœuf (Metzger), tataki
mi-cuit et sa sauce aigre douce vinaigrée, l’escalope de foie gras à la plancha sur riz de sushi,
sauce teriyaki ou encore l’aubergine grillée au miso doux. Des créations goûteuses aux saveurs
originales à déguster dans un écrin signé de l’architecte Kunihiko Takano, faisant la part belle
au bois ainsi qu’au bleu indigo à l’étage. Bento box au déjeuner de 29 à 32 €, formules au
déjeuner de 20 à 28 €. Au dîner, comptez environ 40 €. Raphaëlle Benoit
z 12, rue Caumartin. Paris 9ème. Métro Have-Caumartin, Opéra, Madeleine
z 01.42.65.31.53. www.aoizakaya.com
food chef tacotac style de ville
15

Davy Ngy, Mexican lover


Ce garçon est à la tête des meilleurs restos mexicains
de Paris. Après le Distrito Francés, taqueria fameuse
du 10e, il vient d’ouvrir Botanero, et fait vibrer à merveille
l’âme mexicaine dans la capitale.
Propos recueillis par Alexis Chenu

Vos relations avec le Mexique ?


Fortes. J’adore les vraies taquerias, celles
où les gens vont se lâcher, desserrer la
cravate et partager. Je vais au Mexique tous
les ans, et je me prépare à réaliser la “route
du mezcal” avec quelques potes.

Votre drogue ?
Le mezcal, mais modérément. C’est la
meilleure carte postale du Mexique. On ferme
les yeux et on se laisse transporter dans le
terroir, au cœur de la personnalité de l’artisan.
Plus de 370 variétés sont proposées chez
Botanero, avec des cocktails préparés par le
barman Nicolas Cruz Mermy.

Botanero en trois mots ?


Après Distrito Francés et la cuisine street-
food, Botanero la joue gourmet et mélange
les influences. Une cantine dirigée par le
© Marvin Jouglineu chef Daniel Fierro, un Mexicain du Texas
et ancien des restaurants Martin et du
Avant la cuisine, vous étiez ? Ellsworth. C’est un créatif qui travaille avec
Trader chez Goldman Sachs à Londres. les meilleurs produits, cuisine sans frontières
Rien de passionnant, rien d’inspirant. Au et cherche à faire voyager.
bout de trois ans, je me suis dit que l’argent
ne rendait pas forcément heureux, et que Faites-nous envie…
l’essentiel était de faire ce qui me plaisait. On commence avec le Pig Head Taco sur
tortilla maison, une terrine de tête de porc
Vos origines ? panée et crunchy, accompagnée de pickles
Du Cambodge. Mes parents ont débarqué de graines de moutarde, d’une sauce carotte
en France en 1974 pour fuir le génocide. habanero et surmontée d’un œuf de caille.
J’ai grandi à Épinay-sur-Seine, puis à Après, il y a la soupe mexicaine, et puis
Ermont. Après la prépa, l’école d’ingénieurs, le Bunuelo Icecream Sandwich, un genre
le passage à Londres, je suis revenu vivre de beignet rond que les enfants adorent
chez eux, un retour aux sources. au Mexique et que l’on cuisine à la glace
au Snickers, fait à notre façon et couvert
Premier émoi avec la cuisine mexicaine ? de confiture de lait._
J’étais étudiant à Barcelone et le petit ami
de ma coloc, un grand Mexicain baraqué Distrito Francés, 10, rue du Faubourg-Saint-
d’1 m 90 toujours torse nu a voulu me Martin, 10e. Du mardi au samedi, de 12 h 30 à 14 h 30
remercier en cuisinant pour moi. Je ne et de 19 h à 23 h, le dimanche de 19 h à 22 h 30.
connaissais que la sauce El Paso à l’époque, Tél. : 07 88 05 22 39. Botanero, 25, rue du Pont-
la première bouchée a été une révélation. aux-Choux, 3e. Du mardi au samedi de 18 h à 2 h.
Des saveurs et de la grosse générosité. Tél. : 01 43 37 26 62.
clubbing style de ville
16

live audiovisuel
Madben part en live
au Badaboum
Surfant sur le succès de son premier album
Fréquence(s), paru l’an passé, le DJ et produc-
teur français Madben passe un nouveau cap
en présentant son premier “live audiovisuel”,
avec la complicité de DaFF et VÏSÜ pour la
scénographie. Madben devrait faire défiler
quelques titres de son album, qui compre-
Optez pour nait des collaborations avec Laurent Garnier,
Manu le Malin ou encore Rebeka Warrior de
le fifty-fiftisme * Sexy Sushi, et peut-être ses tout derniers mor-
*Technique du 50/50. ceaux, sortis sur son maxi “The Ceremony”,
paru sur Ellum, le label de la star de la techno
Maceo Plex, avec lequel il a partagé l’affiche
© Jacob Khrist
au T7 en novembre dernier. En première par-
tie, on retrouvera un live de Butch, l’un des Jeudi 17 janvier de 20 h à 23 h au Badaboum, 2 bis,
membres éminents de l’équipe du festival rue des Taillandiers, 11e, M° Ledru-Rollin/Voltaire.
Astropolis._S.B. Entrée : 11 €.
15 JANVIER ▶ 17 FÉVRIER 2019

LA DAMA
BOBA
OU CELLE QU’ON
TROUVAIT IDIOTE
FELIX LOPE DE VEGA
JUSTINE HEYNEMANN
COMÉDIE RUSÉE

Amp Fiddler. © SDP Carl Craig. © Philippe Levy


et des Stooges, Amp Fiddler, pour un live. Génial
technophile pianiste formé à l’école du Parliament/Funka-
delic de George Clinton, il est connu pour avoir

L’élite de Detroit mis une MPC (la machine à fabriquer du hip


hop) entre les mains du mythique producteur J

s’invite au Rex Club Dilla. Une leçon de soul/funk à ne pas manquer.


Et pour compléter ce casting fou, Carl Craig
a choisi le taulier de la musique électronique
Créée par le DJ et producteur Carl Craig pour française, DJ Deep, qui contribuait déjà à la
diffuser « son amour pour la musique de cette renommée du Rex dans les années 90 avec
ville », la soirée itinérante Detroit Love s’installe ses soirées Legends._S.B.
au Rex Club « pour une résidence à durée
indéterminée ». Figure de la seconde généra- Vendredi 18 janvier de minuit à 7 h au Rex Club,
tion de producteurs techno de Detroit, Carl Craig 5, boulevard Poissonnière, M° Bonne Nouvelle.
invite un autre emblème de la ville de la Motown Entrée : 17-22 €.

A NOUS PARIS
17
Textes : Smaël Bouaici, Édouard Rostand style de ville

agenda Les Grands Voisins


74, av. Denfert-Rochereau, 14e
M° Denfert-Rochereau
SAMEDI 19
BPM CONTEST
Le talent show parrainé par
Arnaud Rebotini avec vendredi,
MERCREDI 16 VENDREDI 18 Kone et Yuma Guma.
JANVIER SHIK SHAK SHOK Entrée libre – 20 h – 0 h
SAUCE BLANCHE #4 La fête de la première web Le Badaboum
Le disco-kebab avec les radio spécialisée dans l’âge 2 bis, rue des Taillandiers, 11e
nouveautés rap du moment : d’or de la musique arabe avec M° Ledru-Rollin
Aly Bass, Zero et Stensy. Hadi Zeidan et Victor Kiswell.
Entrée libre – 20 h - 23 h Entrée 8 € – 23 h - 6 h BOTTLE
Kebab La Paix À la folie Paris DJ Amir du label BBE et sa
52, rue Godefroy-Cavaignac, 11e 26, avenue Corentin-Cariou, 19e grosse caisse de vinyles
M° Voltaire M° Porte de la Villette viendra jouer soul, house,
brazil, jazz sur une belle sono.
JEUDI 17 CLAP #3 Entrée 5 € – 0 h - 5 h
BINGO DRAG DE LA Rythmes brésiliens, boogie L’Entrée des artistes
NOUVELLE ANNÉE africain et autres pépites funky 30-32, rue Victor-Massé, 9e
Un loto animé par des drag avec Soulist & Mr. Bongo. M° Pigalle
queens : Punani Jellinsky et Entrée 14 € – 23 h - 5 h
Rose Van Dome, c’est un grand Le Hasard ludique
moment de rigolade. 128, avenue de Saint-Ouen, 18e
Entrée libre – 19 h - 0 h M° Porte de Saint-Ouen

groove
ème
Fuzati revisite les 70’s italiennes
Fuzati, le rappeur masqué créateur du Klub des Loosers, est aussi un avide collectionneur de
3 Œil SCORPÈN
E
disques. Installé à la Petite Halle depuis quelques mois avec ses soirées Le Très Jazz Club et Le SPECTACLE DE MAGIE
Très Groove Club (du nom de ses deux labels de réédition), il reçoit chaque mois des acteurs de
la musique pour des sessions de mix thématiques. Après le rappeur Rocé, l’équipe de la web-
radio Mellotron ou le producteur/saxophoniste Étienne Jaumet, le journaliste et figure médiatique
Olivier Cachin fera équipe avec Fuzati ce mercredi pour une soirée spéciale BO et library music
italiennes qu’on annonce « très groove et très seventies »._S.B.

DU 15 AU 26 JANVIER, 18H30

© Dorian D’Amore
M
Le Très Groove Club, mercredi 16 janvier de 20 h à 1 h à la Petite Halle, 211, avenue Jean-Jaurès, 19e,
M° Porte de Pantin. Entrée libre.

A NOUS PARIS
livre affaires culturelles
18

Nicolas Mathieu : « La littérature


ne porte pas de jugement »
Le prix Goncourt 2018 caracole en tête des ventes. Roman populaire et exigeant, Leurs Enfants
après eux donne des clefs pour comprendre les crises sociales que traverse aujourd’hui
notre pays. Nicolas Mathieu, qui vient juste d’avoir 40 ans et n’a publié que deux livres, a réussi
le coup parfait.
Propos recueillis par Stéphane Koechlin

V
Votre roman traite des années 90.
Comment avez-vous eu l’idée d’évoquer
une période historique aussi proche ?
Nicolas Mathieu : Je voulais traiter de la
disparition de la classe ouvrière. Mon père
venait d’une famille modeste de dix enfants. À
quatorze ans, il travaillait dans des chaudron-
héroïsais. Je voulais leur ressembler. Je me
rendais à la bibliothèque municipale. Je créais
des petits journaux. J’inventais des histoires
en regardant les bandes-annonces des films.
J’habitais une petite ville, Golbey, près d’Épinal,
et nous n’allions pas beaucoup au cinéma.
Mes parents avaient toujours autre chose à
Pour décrire ces vies cabossées du
milieu ouvrier, vous avez l’art des
formules. Vous parlez d’un défunt dont la
vie tient sur une feuille A4. Vous évoquez
un garçon qui sent un peu la frite,
mais sa copine l’aime bien quand même.
Dérisoire et tendre.
neries, il a été électricien sur des chantiers, il faire que de m’y emmener. Je me souviens C’est ma façon de voir le monde. J’aime bien
a fait le montage et l’entretien des ascenseurs d’un hiver triste quand le film Les Goonies l’ironie tendre. D’ailleurs, les gens qui me
Otis. J’ai assisté à des fermetures d’usines. est sorti. Je crevais de désir de voir ce film, connaissent disent identifier le ton de ma voix
Pourquoi ne pas écrire sur le temps qui et comme je ne pouvais pas y aller, j’avais en me lisant. La question du style n’est pas
passe? La conjonction d’un monde finissant fantasmé l’histoire à partir des bribes de la une chose simple. Je travaille beaucoup pour
et des vies qui débutent m’intéressait. J’avais bande-annonce. donner à mon écriture un côté accessible,
l’âge des personnages à cette époque. Les transparent, vif et très articulé. Il faut susciter
souvenirs étaient présents en moi. Cette évo- Vous êtes à l’origine un écrivain des sensations chez le lecteur. Et puis, comme
cation est arrivée par petites touches, sans de polar… un miracle, quelque chose qui n’est pas maîtri-
que j’y pense réellement moi-même. L’un des Mon premier grand amour reste Sherlock sable, de l’ordre de l’identité, un certain naturel
sujets du roman est le racisme, mais je n’en Holmes. À treize ans, j’avais lu toutes ses arrive à se dégager. L’écriture de ce livre m’a
parle pas, et pourtant ce thème est présent, de enquêtes. Ce personnage ambivalent qui pris deux ans et demi. Je me suis interrompu
manière flottante. exerce son intelligence et son pouvoir sur le pour travailler sur la série tirée de mon premier
monde me fascinait. C’est vers 25 ou 26 ans roman. Puis j’ai repris Leurs Enfants après eux
Comment avez-vous découvert la que j’ai découvert le roman noir, Ed McBain, et j’ai tout refait.
littérature ? Raymond Chandler et Dashiell Hammett. Mais
Mon père ne lisait pratiquement pas, sauf quel- mon influence principale reste Jean-Patrick Vous n’oubliez rien, des chaussures
quefois pendant les vacances, ma mère un Manchette. Il avait théorisé le truc, voyant dans Kickers au pot de Nesquik…
peu plus. Mais ils voulaient que je devienne le roman noir le moyen d’écrire des livres Je n’ai pas énuméré une liste d’objets ou de
lecteur, d’autant que les professeurs me trou- populaires et en contrebande de la littérature. marques à placer. Quand un détail arrivait,
vaient bon en français. Ils m’avaient abonné Quand j’ai envoyé mon premier livre, Aux je vérifiais qu’il n’était pas anachronique. Je
à des revues, comme Je bouquine, où figu- animaux la guerre, à une dizaine d’éditeurs, je viens de la tradition du roman noir, du petit fait
raient des portraits d’écrivains. Je me souviens pensais plutôt à Rivages, spécialiste du polar, vrai, quelle radio on écoute, quelle voiture on
d’articles sur Jules Verne, Rimbaud. Je les mais c’est Actes Sud qui m’a répondu. conduit, quelle marque de cigarettes on fume.

A NOUS PARIS
e affaires culturelles
19

temps. J’avais besoin de l’aide de ma mère.


Elle assurait l’intendance.
en quelques lignes
Qu’a-t-elle pensé du roman ? Dans la grande tradition
Elle a bien aimé. Elle m’a dit : « Ils sont quand romanesque
même bien attachants, tous ces petits jeunes! » « Le corps insatiable de l’usine avait duré tant qu’il
(Il rit). Je ne sais pas trop ce que mon père en a avait pu. » On ne peut mieux exprimer la fatigue
pensé. Mais il est très fier de ce qui se passe. sociale d’une France qui, au début des années 90, perd
ses industries et voit son chômage grimper en flèche.
Pensez-vous que la classe ouvrière lira Pour les ados de l’époque, l’avenir s’annonce bouché.
Leurs Enfants après eux ? Il leur reste les soirées, les virées en Mobylette,
C’est le problème, on écrit sur les ouvriers et les amours fugaces, les bagarres idiotes… Minés
ce sont les bourgeois qui lisent. Je suis à peu par ce manque de perspectives, les deux jeunes
près sûr que les gens dont il est question dans protagonistes du livre, Stéphanie et Anthony, se
le livre ne le liront pas. Je le regrette. cherchent, se retrouvent par hasard, se découvrent
maladroitement sur le siège d’une voiture. On y croise
Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, est aussi Hacine, petit voleur, les poches pleines « au
devenue une sorte de porte-parole, de cœur sec » (sous-entendu pas très heureux). Nicolas
symbole. Elle s’est engagée en politique. Mathieu a écrit un roman bien dans la tradition du
Vous pourriez, auteur d’un ouvrage très XIXe siècle, lui qui dit aimer Gustave Flaubert. On en
social, être tenté de vous impliquer dans ressort assez ébloui par son réalisme intransigeant,
les débats ? la psychologie de ses personnages portraiturés
Je sais que le monde est toujours à dire. J’ai avec beaucoup de soin, sans manichéisme ni facilité.
conscience depuis très longtemps que l’on Il excelle dans la description de cet âge mouvant
est assis sur une poudrière. Mais je ne suis que l’on appelle l’adolescence, avec ses imperfections,
pas un porte-parole. Je veille à ne pas être un ses hésitations, ses idées pas très précises, dans
commentateur de l’actualité, l’écriture est un un pays qui semble avoir pris cent ans d’âge.
travail de longue haleine, de repli sur soi. La Pour décrire cette usure sociale, Nicolas Mathieu,
littérature ne porte pas de jugement. Les écri- paradoxalement, ne manque pas de souffle !_
vains sont plus des voyeurs que des acteurs. Nicolas Mathieu, Leurs Enfants après eux,
J’ai quitté un monde qui ne sera plus jamais Actes Sud, 425 pages, 21,80 €.
le mien, les petites classes moyennes, mais je
ne suis pas dans l’autre, le bourgeois. Je suis
dans un entre-deux qui n’est pas définitif, et Votre vie a changé ?
de là, je n’ai pas grand-chose à faire, à part Mon agenda est kidnappé. Je ne suis pas tout
regarder. Je ne vais pas courir les plateaux à fait mon maître. L’est-on jamais? C’est une
télé en expliquant pourquoi les choses sont chance, mais le prix impose des devoirs aussi.
© Bertrand Jamot
ce qu’elles sont. Chaque fois que l’on porte Des gens dans une librairie viennent me voir et
un jugement à l’emporte-pièce sur un plateau me disent : « C’est la première fois que je vois
Ce genre de pratique a été mis en place par télé, on est forcé de beaucoup simplifier. Paul un Goncourt. Est-ce-que je peux vous tou-
des écrivains comme Dashiell Hammett. Ces Valéry disait : « Tout ce qui est simple est faux, cher? » On découvre ce qu’est une institution.
détails donnent de l’épaisseur au contexte, tout ce qui est complexe est inutilisable. » La Je porte une symbolique comme Miss France
du réalisme. Ils parlent pour les personnages. littérature est le monde du temps long. ou le président de la République. Tout à coup,
Mais je n’ai pas accompli un travail archéolo- on a beaucoup d’amis, de nouveaux amis.
gique surhumain. Quelle a été votre réaction à l’annonce Tout le monde m’aime, me trouve formidable
du prix ? mais bon, ça leur passera (il rit).
Vous remerciez votre mère à la fin du J’étais chez Actes Sud, dans la cour. Après
livre. Quel a été son rôle ? Relectrice ? avoir éprouvé un sentiment de joie, bien sûr, je Quelle a été la réaction la plus courante
Je la remercie pour quelque chose dont on ne me suis dit : « Putain, comment je vais écrire le chez lecteurs que vous avez rencontrés ?
parle pas beaucoup, les problèmes pratiques troisième maintenant? Quand aurai-je le temps Certains lecteurs apprécient la sensualité
pendant l’écriture. Je travaille, j’ai un petit gar- de m’y remettre? » Ensuite, je me suis trouvé du livre et son caractère politique, mais un
çon dont je m’occupe à temps partiel, et pour confronté à un souci d’ordre symbolique. Cette certain nombre me reprochent – et cela me
écrire le roman, j’avais besoin de disponibi- récompense suprême ne pèsera-t-elle pas trop gonfle – son pessimisme. Les gens ont envie
lité. Le week-end, j’allais chez ma mère pour lourd quand j’écrirai une phrase? Vais-je me d’espérer à tout prix et ils considèrent la litté-
qu’elle garde mon fils et j’allais bosser le livre. croire obligé d’écrire comme un Goncourt ? rature comme une sous-branche de l’industrie
Quatre ans s’étaient écoulés entre le premier Je ne voudrais pas que le prix brise un élan des loisirs, pour égayer une soirée, mais ce
et celui-là, et je ne voulais plus trop perdre de d’écriture. J’ai commencé le prochain. n’est pas ma fonction._
cinéma Textes : Fabien Menguy affaires culturelles
20

le film de la semaine •••••


biopic The Front Runner à L’AFFICHE
••••• De Jason Reitman, avec Hugh Jackman, Vera Farmiga et J.K. Simmons.
fantastique Durée : 1 h 52. Une jeunesse dorée
D’Eva Ionesco. DRAME
Glass Connaissez-vous

© 2018 CTMG, Inc. All Rights Reserved


Gary Hart? Non? Holy Lands
De M. Night Shyamalan, avec James McAvoy, Bruce Willis Et pour cause. Il est D’Amanda Sthers. DRAME
et Samuel L. Jackson. Durée : 2 h 09. sorti de l’histoire Un hiver avec les
aussi vite qu’il y était garçons
© Universal Pictures

entré. Beau et brillant De Cécile Iordanoff. DOCUMENTAIRE


sénateur, Hart
(Hugh Jackman) était festiCINÉ
favori des primaires
démocrates en 1988 jusqu’à ce que, trois semaines avant Quinze Jours avec Agnès Varda
l’élection... il soit rattrapé par une histoire de coucherie, mais en sa présence à la Cinémathèque
surtout par la tempête médiatique qui s’en est suivie. Une française, du 16 au 28 janvier,
descente aux enfers palpitante pour ce candidat talentueux et Master Class Agnès Varda,
mais qui eut le malheur de se trouver sur le devant de la par Agnès Varda, le 20 janvier
scène au mauvais moment: l’affaire marque un tournant pour à 14 h 30. www.cinematheque.fr
la presse et la fin de la vie privée pour les politiciens._ Universal, un studio de légende,
dont les débuts sont à découvrir
••••• jusqu’au 29 janvier à la Fondation
drameL’Incroyable Histoire Jérôme Seydoux-Pathé.
www.fondation-jeromeseydoux-
du facteur Cheval pathe.com
De Nils Tavernier, avec Jacques Gamblin et Laetitia Casta. Durée : 1 h 45.
On avait laissé La Bête, psychopathe aux 23 personna- Fin du XIXe siècle, en BREF
© SND

lités (James McAvoy), s’échapper dans Split. On avait dans la Drôme,


aussi laissé Bruce Willis vivre sa vie de super-héros Cheval (Jacques Ben is back
ordinaire dans Incassable. Eh bien le réalisateur, Gamblin), facteur Julia Roberts est de retour dans
M.  Night Shyamalan, a eu la bonne idée de les réu- solitaire et renfermé, un rôle déchirant à la hauteur de
nir. Si l’affrontement est spectaculaire, le brouillage malhabile avec les son talent, celui d’une mère tentant
de pistes sur le fait qu’ils soient dotés de pouvoirs ou enfants mais pas de de sortir son fils aîné du cauchemar
juste de simples humains sème habilement le doute. ses mains, décide de de la toxicomanie, passant de la
Et si l’ensemble est, comme toujours chez Shyamalan, construire un palais. joie à l’anxiété et de la colère au
un peu bavard, Glass est classe et la performance de Le résultat est encore visible de nos jours dans le village désespoir avec intensité.
James McAvoy toujours aussi phénoménale._ de Hauterives, un mausolée art naïf incroyable dont les Ayka
origines nous sont décrites ici dans ce biopic humain et Immigrée clandestine à Moscou,
instructif sur la frontière parfois mince entre l’art et la folie._ Ayka trime, s’endette et doit en faire
••••• face à une grossesse non désirée.
biopic Colette ••••• Tous les ingrédients d’un drame
De Wash Westmoreland, avec Keira Knightley et Dominic West. Durée : 1 h 52. comédie Doubles Vies déchirant dans ce film touchant
Fin du XIXe siècle, D’Olivier Assayas, avec Guillaume Canet et Juliette Binoche. Durée : 1 h 48. qui a valu à son interprète, Samal
© Mars Films

Gabrielle Sidonie Alain (Guillaume Yeslyamova, le prix d’interprétation


© Ad Vitam

Colette (Keira Canet) est éditeur, féminine à Cannes.


Knightley) épouse mais pour une fois, Belmondo le magnifique
Willy, un écrivain il refuse de publier Avec ce livre, plongez au cœur du
aussi fantasque que Léonard (Vincent film de Philippe de Broca dialogué
fainéant. Seulement Macaigne), écrivain par Francis Veber, qui résume à
voilà, alors qu’elle en bout de course. lui seul le personnage de Bébel.
écrit pour lui et Alain est marié Gouailleur et prêt à toutes les folies
qu’elle connaît le succès avec la série Claudine, Colette à Séléna (Juliette narratives dans ce double rôle
ne signe toujours pas de son nom. Biopic de la célèbre Binoche), mais a peut-être une liaison. Séléna ne dit rien de François Merlin écrivant
écrivaine donc, ce film révèle les détails de ce couple très mais n’en pense pas moins. Bref, des histoires de doubles le roman de Bob Saint-Clar,
libre, et le féminisme précurseur de Colette, dans un style vies finalement prétextes pour Assayas à des réflexions l’aventurier contre tout guerrier.
classique certes, mais porté par une Keira Knightley plutôt nourries sur la littérature, le numérique, internet, ou la De Jérôme Wybon, chez Maison
bien inspirée._ critique, transformant ainsi le film en vaudeville de luxe._ Cocorico (29,95 €).

A NOUS PARIS
scène Textes : Myriem Hajoui affaires culturelles
21

chorégraphe brillant et inclassable, ainsi que


danse contemporaine la clôture avec Blitz, festival de la microper-
formance (20 février à 20 h, Micadanses). On

Faits d’hiver 2019 y croisera le polyvalent Jan Fabre avec The


Generosity of Dorcas (16 au 31 janvier à 21 h,
relâche du 20 au 24 et le 27, théâtre de la Bas-
Vingt en un ans déjà! Mais n’imaginez surtout pas que le poids tille) mais aussi la jeune compagnie Lamento
des ans pèse sur ce festival. Son directeur artistique, Christophe avec le duo de Sylvère Lamotte, Ruines + Corps
Martin, veille à ce que chaque édition soit vivace, « différente, constellaires (1er février à 19 h 30, MPAA/Saint-
moirée de nouvelles influences, soumise à de nombreux cou- Germain). Autre duo très attendu depuis son
rants ». Faits d’hiver s’affirme toujours comme une plateforme de furieux pas de deux (Narcose), Aïcha M’Barek
soutien à la création artistique mais en 2019, son ambition est et Hafiz Dhaou, heureux de présenter leur nou-
de faire découvrir l’incessant renouvellement de l’art chorégra- velle chorégraphie, Ces gens-là (4 au 6 février,
phique. La recette? Du piment, de l’ouverture, de la différence. 20 h, Le Tarmac-la scène internationale fran-
Voilà un festival de danse contemporaine qui investit chaque cophone). Et bien d’autres (Fabrice Lambert,
année un peu plus la capitale avec une programmation toujours Catherine Diverrès, Marion Lévy…) , prêts à vous
plus dense (36 représentations, 9 créations) et pas moins de faire démarrer 2019 du bon pied.
11 lieux de diffusion, avec cette année, de nouveaux partenaires
de choix : le Centre Pompidou, le MAC de Créteil et le Centre Du 14 janvier au 20 février dans 11 théâtres
culturel suisse). L’objectif, très clair, est de multiplier les formats, parisiens. Maison du Festival, Micadanses :
d’inviter toutes les générations à partager la même histoire. 15, rue Geoffroy-l’Asnier, 4e. Tél. : 01 72 38 83
L’ouverture (Another Look at Memory, 14 et 15 janvier à 20 h 30, Là, se délasse Lilith…, chorégraphie et interprétation 77. faitsdhiver@micadanses.fr. Informations-
théâtre de la Cité internationale) a été confiée à Thomas Lebrun, de Marinette Dozeville. © Alain Julien réservations : www.faitsdhiver.com
conversation affaires culturelles
22

Pourquoi avez-vous eu envie d’interpréter ce rôle de pneumologue Vous retrouver au Festival des Arcs peut rappeler Possessions,
aguerri en proie au doute le jour où sa mère est hospitalisée ? où vous jouiez le tueur de la famille Flactif. On repense au film et on
Jérémie Renier : J’ai lu le scénario que j’ai trouvé très beau, malgré la dureté se dit : il va m’embarquer dans un chalet et…
du sujet. Je trouvais qu’il en émanait une sorte de lumière, cela m’a touché. Et … il va m’assassiner (rires). Non. Mais c’est toujours particulier, la montagne,
j’ai appris que c’était d’une certaine manière ce que le réalisateur avait vécu. c’est comme tourner à la mer ou dans le désert. Quand le décor est aussi fort,
Le choix d’un film, ça se fait en plusieurs temps. Qu’est-ce qui se passe dans aussi puissant, c’est très immersif, tout en étant un peu épuisant quelquefois,
notre propre vie? D’où on vient? Qu’est-ce qu’on a joué avant? Et ça tombait tellement ça prend le pas sur vous.
bien. Je trouvais la relation entre ce fils et cette mère très belle. Je n’ai pas perdu
mes parents, mais voilà, me projeter, me dire que c’était quelque chose que je Quelle importance le cinéma européen a-t-il pour vous ?
pouvais vivre, ça m’a énormément touché. J’adore! J’adore pouvoir découvrir des metteurs en scène qui viennent de pays
où le cinéma est plus difficile à monter. Il y a une forme d’accessibilité au cinéma
Comment vous êtes-vous préparé pour le rôle ? de tous pays qui est à la fois riche et excitante, et qui en même temps peut faire
Un des frères du réalisateur est justement pneumologue et a en partie inspiré peur, tellement il y a de choix.
l’histoire. J’ai pu le suivre à l’hôpital. J’ai eu l’opportunité d’observer les méde-
cins, de sentir cette tension. Ça reste quelque chose de très simple parce qu’ils Quel genre de spectateur êtes-vous ?
prennent une certaine distance pour ne pas être pris à la gorge par l’émotion. Très éclectique. J’aime énormément de choses. Je suis très curieux. Je peux
Et même, ils peuvent être froids, parce qu’ils se protègent de la mort. aller voir des films qui au départ ne m’intéressaient pas du tout pour voir si
vraiment ça vaut le coup. J’aime être
embarqué, être touché, j’aime quand
un film me procure une émotion, me
raconte quelque chose que je ne

Jérémie Renier : connaissais pas, m’emmène dans


une culture, un site. Le cinéma véhi-
cule plein de choses, comme l’art en

quoi de neuf docteur ? général, mais il a la faculté d’en même


temps nous faire rêver, nous déplacer
dans le temps, d’une ville à l’autre, nous
Propos recueillis par : Fabien Menguy amuser ou nous placer face à un sujet
ou une expérience qui nous remet en
question. Il y a plein de voies possibles
Fier représentant du cinéma européen à travers sa multitude au cinéma. Le plaisir est une chose,
de rôles habités, Jérémie Renier est venu présenter L’Ordre mais l’art est là aussi pour nous appor-
ter d’autres plaisirs.
des médecins aux Arcs Film Festival. Le rôle poignant En tant qu’acteur, comment
d’un médecin infaillible rattrapé par la maladie de sa mère. expliquez-vous votre boulimie
de films ?
Rencontre... aux sommets. Boulimie, non! Je peux donner cette
impression parce que je suis dans
le métier depuis longtemps, que j’ai
Qu’est-ce qui vous a marqué en investissant cet hôpital ? commencé très jeune et que les choses ont continué. Pourtant, je fais attention
Que c’est un taf de fou. Presque du 24 heures sur 24. Ils sont totalement au à ne pas faire trop de choses, à effectuer de vrais choix artistiques, humains.
service de l’autre. Nous, en tant qu’acteurs, on est quand même beaucoup au Mais j’aime découvrir, aller vers d’autres propositions de cinéma, c’est quelque
service de nous-mêmes. Même si, à travers notre art et notre personnage, on chose qui me plaît. J’ai du mal à rester au même endroit.
propose quelque chose qui peut toucher les gens, ça reste malgré tout assez
égocentrique. Alors que la médecine, c’est en permanence tourné vers l’autre. Pourquoi vous voit-on surtout dans des films d’auteur ?
Forcément, c’est une leçon. C’est quelque chose que je n’ai pas calculé. Oui, je viens d’un cinéma plutôt
« auteur », même si ce terme est un peu galvaudé. Un cinéma qui se dit plus en
Les médecins sont tous très pris par leur métier. En cela, c’est quelque conscience avec ce qui l’entoure, ou qui veut véhiculer un message, et de là,
part comparable au métier d’acteur… j’ai conscience de ramener un peu plus que ma face devant une caméra. De
Oui, c’est commun à beaucoup de métiers, mais là, c’est tellement noble : on pouvoir faire passer, grâce à un film, des idées ou des ressentis qui sont sus-
sauve des vies! Ce n’est pas comme quand on dit : « Je suis allé tourner trois films ceptibles de faire évoluer une personne ou deux. C’est le cas avec ce genre de
aux États-Unis, donc je ne m’occupe pas de ma famille ». Là on peut se plonger films, alors que d’autres films plus populaires empruntent des chemins différents.
dans son travail en se disant : « Si je ne suis pas là, il y a des gens qui meurent ».
De quoi rêviez-vous quand vous étiez enfant ?
Alors que si vous n’êtes pas là, vous… Je rêvais de ça très jeune, je ne sais pas d’où c’est venu. Mais j’étais surtout
C’est que je suis ailleurs. Ce n’est pas très grave. curieux de savoir comment ça se passait derrière une caméra.

A NOUS PARIS
23
affaires culturelles

L’instinct
de la matière
28 septembre 2018
10 février 2019

© Pyramide Films

De quoi rêvez-vous maintenant ? New York, mon fils était très fier d’ailleurs, on
De plein de choses. J’aime me diversifier. m’a confondu avec Conor McGregor, le mec
J’aime le cinéma, mais j’aime aussi l’écriture, de MMA (mixed martial arts, ndlr).
ouvrir des portes que je n’ai jamais encore
ouvertes. Je me rends compte que plus j’en Pour terminer, quelles sont vos bonnes
ouvre, plus c’est exaltant. résolutions pour 2019 ?
D’être heureux. C’est con, mais c’est bien de
Êtes-vous tenté par une carrière se le rappeler._ 100 bis rue d’Assas 75006 Paris
hollywoodienne ? www.zadkine.paris.fr
Ça doit être marrant, mais si je ne faisais que
ça, je me ferais chier. De la même manière, si je #zadkine
ne faisais que les films des frères Dardenne, ça
finirait par m’emmerder. La diversité et essayer
d’autres univers, c’est vraiment ça qui me plaît. L’Ordre des médecins, de David Roux,
avec Jérémie Renier, Marthe Keller et Ossip Zadkine, Le Fauve, Musée de Grenoble, photo Ville
de Grenoble/Jean-Luc Lacroix © ADAGP, 2018/Musée Zadkine
Est-ce qu’on vous a déjà confondu avec Zita Hanrot. Drame. Sortie le 23 janvier.
quelqu’un dans la rue ?
Bien sûr! Guillaume Canet, Benoît Magimel, Les Arcs Film Festival, à retrouver mi-
des gens de ma génération. Ah si, ça c’était à décembre 2019. www.lesarcs-filmfest.com
expo Texte : Jeanne Gaudin affaires culturelles
24

Bourdelle, vées, on admire cet émouvant rapport intime


sculpture, etc. Céline Emilian
et une élève,
à la terre, criant de véracité et d’intensité, qu’il
garde de leurs enseignements. Et, lorsqu’il
vers 1920. © Musée
Du maître ou de l’élève Bourdelle / Roger-Viollet

Femme
prend Rodin pour modèle de ses œuvres,
l’imposante et charismatique barbe de Poséi-
don dont il l’affuble, aux francs mouvements
Transmission / Transgression. La nouvelle exposition du sculpteur au de vagues, dit quelque chose de son éternelle
musée Bourdelle, situé au cœur du quartier Montparnasse, repos, 1905-1908, admiration (Buste de Rodin, 1910).
sculpture en
fait l’effet d’un imposant aigle à deux têtes. Son titre double bronze d’Antoine
Armée de bronze
Bourdelle. © Photo
annonce d’emblée la complexe richesse de la relation Eric Emo / Musée
Bourdelle / Roger-Viollet L’exposition semble tout entière habitée de la
maître-élève, entre accompagnement, émulation conformiste bonté du sculpteur, et la visite se déroule sous
et contradictions. La Femme de son regard bienveillant. Du circuit proposé
Venise V, 1956, transpire l’essence de son art et la sincérité de
sculpture en sa démarche d’enseignant. Grâce aux nom-
bronze d’Alberto
Giacometti. breuses photographies exposées, on croise
© Succession Alberto les visages de ceux qui peuplent alors les ate-
Giacometti (Fondation
Giacometti, Paris + liers de Montparnasse. Quelle effervescence,
Adagp, Paris)
quelle vie habitent ces images! Bourdelle aime
Madeleine prendre la pose, entouré de ses élèves, dans
Charnaux - les rangs desquels on salue une présence
tête au chignon, féminine marquée. De certaines apprenties il
yeux fermés,
1917, buste en fait ses modèles et réalise ainsi trois bustes à
bronze doré l’implacable présence, que l’on découvre de
d’Antoine front, formant une dérisoire mais néanmoins
Bourdelle. © Photo inébranlable armée de bronze. Il y a d’abord La
Eric Emo / Musée
Bourdelle / Roger-Viollet Roumaine - Fanny Moscovici (1927) à l’impé-

Quelque 165 œuvres, sculptures, photogra- et élèves lui apparaissent comme semblables
phies, dessins et archives, mettent à l’honneur en cela qu’ils sont des chercheurs, au service
l’activité professorale du sculpteur Antoine d’une même force supérieure : il leur faut oser,
Bourdelle. Ce dernier incarne, dans le Paris dès lors, entremêler leurs pas.
du début du XXe siècle, une figure majeure En son cœur, l’exposition explore plus avant
de l’enseignement des arts. En 40 ans, il la dualité des rapports qui se nouent entre
accueillera près de 500 élèves au sein de l’artiste reconnu et ses praticiens qui œuvrent
ses ateliers de Montparnasse, impasse du dans l’ombre. De la sage fidélité au rejet violent,
Maine et à la Grande Chaumière. Si les cours les ressorts de cette relation ambiguë nous
qu’il dispense alors sont réputés pour leur entraînent au centre des processus de créa-
atmosphère chaleureuse, c’est que Bourdelle tion. Et d’applaudir alors les saines ambitions
s’épanouit dans son rôle de pédagogue, aux artistiques de tel élève inspiré qui l’incitent, et
intonations souvent lyriques. Son apprentis- c’est tant mieux, à trouver l’audace de s’ex-
sage se veut résolument anticonformiste et traire de son rôle subalterne de disciple pour
éclectique. On fait ainsi la connaissance de oser affirmer des choix artistiques personnels
Bourdelle l’enseignant, navigant de sa citation et développer ainsi son propre langage. D’ail-
la plus pompeuse – « Je suis comme Socrate. leurs, Bourdelle doit lui-même s’affranchir de
Je vous accouche de votre âme » – à la plus ses premiers maîtres, Alexandre Falguière,
humble – « Je ne suis pas un professeur, mais Jules Dalou et Auguste Rodin, sans pour
un artiste qui travaille avec vous ». Bourdelle autant enterrer l’estime qu’il leur porte. Dans
affirme d’ailleurs avec conviction que maîtres ses jeunes esquisses en terre, vives et enle-
e affaires culturelles
25

rieux port de tête, avec son visage antique l’abîme de son visage. On se hâte alors de
au regard qui creuse. À ses côtés apparaît la rallier l’apparent calme des œuvres de Gia-
beauté solaire de La Chilienne - Henriette Petit cometti. En la hiératique et longiligne Femme
(1921), au front soucieux et à l’exubérante che- de Venise V (1956), on rencontre d’abord
velure de Méduse. Arrive enfin l’énigmatique une figure droite et digne, qui se tient face au
Madeleine Charnaux – tête au chignon, yeux vent avec une détermination implacable. Si
fermés (1917), dont on retiendra longtemps la les massacres du XXe siècle semblent inscrits
courbure du cou accentuée par la coiffure, et dans son corps, c’est que la terre, heurtée,
l’esquisse d’un sourire de Joconde. porte les stigmates du travail, de la lutte de
Au détour d’une cimaise, on découvre en Bour- l’artiste avec la matière. Et de cette figure des-
delle une personnalité rieuse: dans ses dessins séchée, sans identité, évocation suffocante
bédéiques, il se représente s’activant au travail, d’une souffrance commune à toute l’humanité,
armé de multiples bras aux mouvements agités émanent à la fois une douloureuse fragilité
(Les Travaux du théâtre des Champs-Élysées, et une force inouïe. Plus loin, d’une stèle, fin
caricatures, 1913-1914). Au passage, on salue bouclier de plâtre, Giacometti fait une femme
la présence de plusieurs modules explicatifs abstraite (Femme plate V, 1929) : les quelques
ponctuant l’exposition pour rappeler différents imperceptibles ondulations qu’il communique
procédés : le modelage en terre, le moulage à la matière viennent dire l’anatomie féminine,
en plâtre, ou encore la taille de la pierre par la les plis de la chair, dans un très subtil jeu de
méthode de la mise aux points. formes concaves et convexes. Un travail si
délicat… « De la neige gardant les empreintes
Créatures hybrides d’un oiseau », dira Cocteau.
C’est enfin sur l’invocation de deux grands Il faut que chacun trouve à « chanter son
sculpteurs de notre temps, élèves de Bour- propre chant ». Nul doute que ces deux
delle dans leurs jeunes années, que se clôt anciens élèves de Bourdelle, à l’incroyable
notre circuit : Alberto Giacometti et Germaine production et à l’éminente carrière, auront su
Richier. Vers les créatures hybrides de cette adopter ce précepte du maître._
dernière, mi-animaux mi-hommes, on avance
d’un pas hésitant. Et pour cause… Insérée dans Transmission/Transgression, Maîtres et élèves :
un réseau de fils, la noire silhouette anguleuse Rodin, Bourdelle, Giacometti, Richier... Jusqu’au
du Griffu (1952) éveille un frisson arachnéen 3 février au musée Bourdelle, 18, rue Antoine-Bour-
qui vient rapidement glacer l’échine ; tandis delle, 15e, M° Montparnasse-Bienvenüe, Falguière.
que le Berger des Landes (1951), juché sur Tous les jours sauf lundi de 10 h à 18 h. Entrée : 8 €.
ses échasses, semble crier à la mort depuis www.bourdelle.paris.fr
sons Textes : Carine Chenaux, Alain Cochard, Stéphane Koechlin affaires culturelles
26

Marigny, associée au Com-


positeur toqué (1854), autre
ouvrage en un acte, signé Her-
festival
vé (1825-1892) celui-là. Co-
inventeur de l’opérette avec
Offenbach, le musicien raille ici
Société Ricard Live Music
le goût de la démesure de cer-
tains contemporains, Berlioz
en particulier. Lola Kirchner
signe la mise en scène aussi
sobre que savoureuse d’un
doublé Offenbach/Hervé qui
peut compter sur la participa-
tion de chanteurs rompus à
ce répertoire, Flannan Obé et
Raphaël Brémart, et celle de
Les Deux Aveugles d’Offenbach. © Riccardo Pittaluga Christophe Manien au piano.
Un bonheur ne vient jamais
opérette seul : ce spectacle inaugure
la première saison d’opéra

Les opéras bouffes bouffe de Bru Zane à Mari-


gny. En mars, on y découvrira

de Bru Zane à Marigny Le Retour d’Ulysse d’Hervé,


suivi en mai de On demande
une femme de chambre de Dampa (en haut) et Mikano (ci-dessous). © Rod Maurice
Depuis sa naissance en 2009, le Palazzetto Bru Zane – Centre de Planquette et de Chanteuse
musique romantique française – œuvre pour la redécouverte de par amour d’Henrion, avant
pans méconnus de la musique française du XIXe et du début du Mam’zelle Nitouche d’Hervé,
XXe siècle. Tous les domaines sont concernés, y compris la mu- Sauvons la caisse de Lecoq et
sique légère. On s’en félicite, car le répertoire de l’opéra bouffe et Faust et Marguerite de Barbier
de l’opérette regorge de titres oubliés. Le nom d’Offenbach (dont en juin._A.C.
2019 célèbre le bicentenaire de la naissance) vous est familier,
mais vous ne connaissez sans doute pas Les Deux Aveugles, Le 19 janvier à 15 h et 20 h 30, le
partition de 1855, au tout début de la carrière du « Mozart des 20 janvier à 11 h et 17 h au Studio
Champs-Élysées », dans laquelle sa veine, inimitable de drôlerie Marigny, Carré Marigny, 8e,
et de mordant, fait déjà mouche. Cette « bouffonnerie musicale M° Champs-Élysées-Clémenceau.
en un acte » s’installe pour quatre représentations au théâtre Tél. : 01 76 49 47 12. Places : 19-43 €.

ciné-concert
Nosferatu – Murnau
Nous vous parlions récemment de l’engouement pour les ciné-concerts qui déferlent sur les salles Les amateurs de découvertes musicales ne manqueront pas
de spectacle. Une mode qui permet de remettre dans le circuit des films muets ou du début du ce minifestival gratuit qui, pendant trois soirs, présentera les
parlant qui, sans ces séances, ne seraient plus vus ou exploités. On a ainsi pu apprécier en 2016 dix finalistes du Prix Société Ricard Live Music 2019. Avec
à la Philharmonie Dracula de Tod Browning (1931) avec aux manettes le compositeur Philip Glass. entre autres, le duo Dampa, adoubé par Vitalic (et repéré via
2019 commence avec une projection de Nosferatu, de 1922, chef d’œuvre de Murnau, l’un des une synchro pour le spot d’un parfum Yves Saint Laurent),
grands cinéastes de l’expressionnisme allemand. Et c’est le pianiste Jean-François Zygel qui s’y le rappeur parisien Mikano ou encore la planante Margaux
colle. Il a concocté une palette sonore que l’on imagine sombre, rappelant le romantisme noir alle- Simone, le choix devrait s’avérer difficile pour le jury de pros et
mand. Il sera aux claviers, entouré de musiciens singuliers comme le saxophoniste Philippe Geiss, le public qui auront à choisir le lauréat de l’année dans ce vivier
le percussionniste Joël Grare ou Thomas Bloch, aux ondes Martenot et au Cristal Baschet (un orgue de jeunes talents._C.C.
de cristal avec des cordes qui vibrent), pour tisser l’ambiance gothique. Poétique et angoissant._S.K.
Du 15 au 19 janvier à 19 h au Café de la danse, 5, passage Louis-Philippe,
« Fais-moi peur » le 20 janvier à 16 h 30 à la Philharmonie de Paris, 221, avenue Jean-Jaurès, 19e, M° Porte de 11e.Entrée libre sur invitation (une place par personne et par jour),
Pantin. Tél. : 01 44 84 44 84. Places : 20-25 €. à réserver sur www.societericardlivemusic.com

A NOUS PARIS
VANITÉ
IDENTITÉ
SEXUALITÉ

© Tim Walker

GRAYSON PERRY
E X P O S I T I O N 19 OCTOBRE - 3 FÉVRIER 2019
11 QUAI DE CONTI, 75006 PA R I S - M O N N A I E D E PA R I S. F R

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