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progrès technique
Les sources et les limites de la croissance économique.
Quand on se demande quelle est la source de quelque chose, cela signifie que l'on recherche son
origine. Pourquoi rechercher l'origine de la croissance économique ? Bien sûr, parce que tous les pays
courent après et souhaitent obtenir la croissance économique la plus élevée possible. Identifier les
sources de la croissance sera donc notre premier objectif dans ce paragraphe. Mais quand nous aurons
vu comment la croissance peut advenir, nous devrons nous demander si on a bien raison de courir
après cette croissance, autrement dit ce qui pourrait, ou devrait, limiter cette poursuite.
Le travail est apporté par les hommes (et les femmes !) : il s'agit de l'activité qu'ils mettent au service
de la production de biens et services. La quantité de travail effectivement utilisée est mesurée par la
population active occupée. Si celle-ci augmente dans un pays, il est logique que la production
augmente, toutes choses égales par ailleurs. Il y aura donc croissance économique.
Remarquons que, dans les sociétés modernes, seul le travail rémunéré est pris en compte : l'activité des
bénévoles, même s'ils passent de nombreuses heures, par exemple à animer un club de loisirs ou de
sport, n'est pas considérée comme du travail, tout comme le ménage fait par une mère de famille (alors
que cela serait du travail si cette femme faisait le ménage dans une école, par exemple, ou dans une
autre famille en étant payée et déclarée).
Si le travail est toujours nécessaire pour produire, il est toutefois possible d'accroître la production sans
augmenter la quantité de travail utilisée, à condition d'améliorer l'efficacité du travail, ce que l'on
appelle plus souvent la productivité du travail. Dans les paragraphes suivants, nous allons présenter les
trois éléments qui apparaissent comme essentiels pour expliquer l'augmentation de la productivité du
travail. On les sépare pour les présenter, mais il faut bien souligner qu'ils s'accompagnent
mutuellement les uns les autres.
Répartir le travail entre les travailleurs et les spécialiser permet d'augmenter la productivité. Avant de
montrer comment, on rappellera en quoi consiste cette division technique du travail.
1.1.4 - Quelles ont été les sources de la croissance depuis 1960 dans les
pays développés ?
Titre : Taux de croissance annuel moyen (TCAM) du PIB et décomposition de ce taux selon les
facteurs de production à l'origine de la croissance.
Source : à partir de V. Coudert, " Croissance et démographie dans les pays industrialisés ", Economie
prospective internationale, n°52, 4ème trimestre 1992, La Documentation Française.
On voit évidemment sur la première ligne de ce tableau la croissance très rapide qu'ont connue les pays
développés entre 1960 et 1973 et le ralentissement qui a suivi cette période (observez cependant que
les taux de croissance annuels moyens du P.I.B. restent nettement positifs entre 1973 et 1990). Mais ce
n'est pas vraiment la question qui nous intéresse ici. Comment cette croissance a-t-elle été obtenue,
quelles ont été ses sources ?
En conclusion, on peut dire que l'amélioration de l'efficacité des facteurs de production est essentielle
pour expliquer la croissance. Cependant, d'autres éléments jouent un rôle non négligeable, en
particulier le comportement des différents agents économiques, en particulier les entreprises et l'Etat.
Le rôle de l'entrepreneur est essentiel du point de vue de la croissance économique car c'est
l'entrepreneur qui choisit la combinaison productive, c'est lui aussi qui prend les décisions
d'investissement ou celles concernant la recherche sur des produits nouveaux, par exemple.
L'esprit d'entreprise et la recherche du profit sont donc essentiels dans le mécanisme de croissance de
nos sociétés. Il est nécessaire que les entreprises soient bien gérées pour que les facteurs de production
soient utilisés efficacement. Il est aussi nécessaire que règne une certaine "confiance" dans l'avenir
pour que des individus prennent le risque de lancer les nouvelles productions qui feront la croissance
économique.
Au total, donc, l'Etat, par les investissements publics, joue un rôle très important dans la
croissance en finançant la formation de la main d'œuvre et la recherche scientifique, en développant
les infrastructures, en particulier de communication, en construisant le cadre juridique permettant au
marché de fonctionner correctement, en assumant les tâches considérées comme essentielles par la
société et qui ne pourrait pa
La croissance est également tributaire des grands idéaux qui sous-tendent le comportement des
membres de la société. La culture a donc quelque chose à voir avec la croissance. En effet, comment
expliquer que, à un moment donné de leur histoire, des peuples se soient mis à accumuler du capital, et
pas d'autres, apparemment aussi bien dotés en facteurs de production que les premiers. Les normes et
les valeurs en vigueur dans une société influencent l'ensemble des comportements, donc évidemment
les comportements économiques.
Le sociologue allemand Max Weber (1864-1920) a soutenu l'idée que les valeurs véhiculées par le
protestantisme avaient involontairement favorisé le développement du capitalisme dans les pays anglo-
saxons, à la fois parce que les préceptes de leur religion poussaient les protestants à épargner et à
investir et accordaient une grande valeur au travail, à l'activité professionnelle, et parce qu'une grande
confiance et une grande solidarité les unissaient, d'où la création de sortes de réseaux unissant des
entreprises industrielles et des banques, ce qui étaient très favorable à la croissance. Prendre en compte
les valeurs pour expliquer la croissance ne doit cependant pas conduire à en faire l'explication ultime :
les valeurs se conjuguent avec l'ensemble des structures de la société. Ce qui compte sans doute le
plus, c'est le climat qu'instaurent à la fois les valeurs et l'organisation politique dans une société : la
croissance économique a besoin à la fois de stabilité (pour que l'on puisse prévoir les effets des
décisions prises aujourd'hui) et de possibilité de transformations (puisque la croissance en génère).
Faut-il chercher à tout prix à accélérer la croissance économique, le pourra-t-on même ? Ce sont les
deux questions que nous allons aborder ici : d'abord, quelle signification accorder à l'obtention d'un
taux élevé de croissance économique, ensuite pourra-t-on durablement soutenir cette croissance
économique rapide ?
Avant d'entamer la présentation de ces deux questions, il faut rappeler que l'indicateur mesurant la
croissance économique est le taux de croissance annuel du P.I.B. . Le P.I.B. est un agrégat de la
comptabilité nationale dont la construction, comme celle de tous les indicateurs, n'est pas sans poser
des problèmes. De ce fait, la croissance économique ainsi mesurée n'est peut-être pas complètement
fidèle à ce qui se passe dans la réalité et les comparaisons que l'on fait entre les pays peuvent aussi être
biaisées.
1.3.1 - Peut-on poursuivre indéfiniment le processus actuel de
croissance ?
Pour des raisons assez claires, la réponse à cette question est négative, comme nous allons le voir.
Alors à quelles conditions la croissance pourrait-elle être soutenable dans l'avenir ? C'est ce que nous
verrons ensuite.
Comment imposer les exigences du développement durable aux pays et aux entreprises (et même aux
consommateurs, en particulier dans les pays développés) ? C'est une question éminemment politique.
Des conférences internationales se réunissent périodiquement pour essayer de traiter ces questions.
Mais leur succès est tout relatif. Le protocole de Kyoto (1997), par exemple, qui a été signé par bon
nombre de pays et qui vise à limiter l'émission de gaz à effet de serre est encore à peine mis en
vigueur. Pourtant, "pour stabiliser les perturbations apportées à l'atmosphère, il faudrait diviser par 2
ou 3 les émissions mondiales de gaz. Or celles-ci continuent d'augmenter !" (D. Plihon, " Le
développement durable : le défi du XXIè siècle ", Ecoflash n°176, mars 2003). Les Etats-Unis, qui
polluent beaucoup, ont refusé de l'appliquer en ce qui les concerne. Cela signifie que, pour le moment,
il n'y a pas d'autorité mondiale capable d'imposer que soient prises en compte les nécessités du
développement durable.
1.3.2 - Accroître toujours plus le PIB, cela a-t-il toujours un sens ?
Quand on pose la question ainsi, il y a en fait quelque chose qui est sous-entendu : du sens à quel point
de vue ? En réalité, la question qui se pose est de l'ordre du jugement : un pays, une société font-ils
bien de chercher à obtenir la croissance la plus rapide possible ? Autrement dit, plus de croissance est-
ce plus de bien-être, des progrès équitablement répartis entre les membres de la société, par exemple ?
On se rapproche donc de la question du développement que l'on a déjà un peu abordée dans
l'introduction.
On peut remarquer qu'un certain nombre d'éléments permettent de penser que plus de croissance, ce
n'est pas forcément " mieux "
• Croissance ou développement ?
Le P.I.B. est un indicateur économique, mais il n'inclut pas un certain nombre d'activités
essentielles pour le maintien des solidarités entre les membres d'une société, en particulier
des services. La richesse d'une nation, est-ce seulement les richesses matérielles qu'elle réussit
à produire ? C'est un peu ce que laisse croire le calcul de la croissance à partir du P.I.B. Mais
n'est-ce pas aussi l'état de santé (y compris mentale) de la population, son niveau d'instruction,
la qualité des rapports sociaux entre les membres de la société, ou d'autres éléments ? Le
problème est que ces éléments ne se laissent pas facilement mesurer. Pourtant on sait bien que
la qualité de la vie est aussi importante que la quantité de biens dont on dispose (mais les deux
ne sont pas indépendants l'un de l'autre, évidemment). Le P.I.B. n'est pas un indicateur de
bien-être. [Revoyez la notion PIB si vous n'êtes pas convaincu]
La croissance économique n'est donc pas forcément le développement et si l'on veut parler de
développement, sans doute vaut-il mieux utiliser l'I.D.H. comme indicateur ainsi que le fait le
Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.). [Vous trouverez la présentation de
cet indicateur à la notion " IDH "]. Or, le classement des pays selon l'I.D.H. ne donne pas le même
résultat que celui selon le P.I.B. par habitant :
Titre : Rang de certains pays pour l'I.D.H. et P.I.B. par habitant (en dollar en parité de pouvoir d'achat),
en 2000.
Conclusion : un taux de croissance élevé (du PIB) n'est pas forcément synonyme de
développement du bien-être collectif. Il faut cependant dire et répéter que la croissance des
richesses produites est un formidable levier pour améliorer le sort de tous. Mais cela ne se fait pas
sans des choix politiques qui disent clairement comment la croissance doit être utilisée ou au service
de quels idéaux collectifs elle doit être mise. Il ne faut donc pas avoir le fétichisme du chiffre : 2% de
croissance qui profite à tous, c'est peut-être mieux que 3% accaparés par quelques uns
Investir, c'est acquérir du capital, c'est-à -dire des machines, des bâtiments, des brevets, etc. En
conséquence, puisque investir c'est acheter, l'investissement représente une composante de la demande
globale, à côté de la consommation. Si l'investissement augmente, la demande globale augmente : il
faut produire davantage de machines, par exemple, pour répondre à la demande d'investissement des
entreprises. Keynes a montré que l'accroissement de l'investissement entraînait un accroissement plus
que proportionnel du Revenu National : c'est ce que l'on appelle le mécanisme du multiplicateur. (Ce
mécanisme ne figurant pas au programme de terminale ne sera pas présenté ici mais vous pouvez
aller l'étudier dans les activités que nous vous proposons sur le multiplicateur).
Pour que ce processus puisse se mettre en place, il faut que les capacités de production ne soient pas, à
l'origine, toutes utilisées : sinon, il n'y aurait pas de possibilité de répondre à l'augmentation de la
demande en biens d'équipement, sauf à réduire la consommation ou les exportations ou à augmenter
les importations.
Donc, à court terme, l'investissement, parce qu'il est une composante de la demande globale, peut
générer de la croissance, sous certaines conditions. On peut remarquer que, bien qu'il représente une
part bien plus faible dans la demande que la consommation, l'investissement joue un grand rôle dans
les variations de la demande à court terme : en effet, la consommation est relativement stable dans le
temps, elle a une grande force d'inertie, alors que l'investissement est beaucoup plus instable, il
augmente ou diminue en fonction des anticipations des agents. Dans les fluctuations conjoncturelles (à
court terme, donc) de l'activité, les variations de l'investissement jouent finalement un grand rôle.
A priori, que l'investissement soit public ou privé ne change rien à ses effets sur l'offre ou la demande.
Cependant, l'investissement public présente certaines spécificités en relation avec les domaines qu'il
concerne.
Il concerne d'abord les infrastructures (de transports, de télécommunications, etc…) qui sont utiles à
tous. Il concerne aussi la construction de bâtiments nécessaires à la production de services comme
l'enseignement ou la santé (construction d'un hôpital, par exemple). Ces investissements présentent
l'avantage d'avoir des effets externes positifs importants. Ils ne pourraient être assurés par le secteur
privé du fait de leur faible rentabilité à court terme à cause de leur coût. L'Etat les prend donc en
charge, contribuant ainsi à la formation de ce que certains appellent le " capital humain ".
La décision de faire tel ou tel investissement public relève donc rarement de la rentabilité immédiate.
En général, l'Etat raisonne plutôt en termes d'intérêt général. Mais la décision entre aussi dans le cadre
de la politique conjoncturelle de l'Etat : connaissant les effets économiques des investissements sur la
croissance, l'Etat peut décider d'utiliser les investissements publics comme instrument pour relancer
une croissance jugée trop molle. Cela entre dans le cadre d'une politique contra-cyclique d'inspiration
keynésienne.
L'investissement joue donc un rôle très important dans la croissance économique. Il montre les choix
faits par les entreprises pour l'avenir, son volume détermine également pour une partie non négligeable
le rythme de la croissance économique. Nous pouvons donc nous attaquer à une question essentielle :
qu'est-ce qui amène un agent économique (et ici, nous parlerons essentiellement des entreprises) à
décider d'investir ?
Quels sont les éléments qui incitent le chef d'entreprise à décider d'investir ? Investir, c'est prendre une
décision économique. Comme toutes les décisions, celle-ci se prend après réflexion et en fonction de
certains arguments. Ce sont ces arguments que l'on appelle les déterminants de l'investissement. Avant
de les présenter les uns après les autres, nous montrerons qu'il y a une exigence en toile de fond de
toutes les décisions d'investissement, c'est l'exigence de rentabilité.
Nous allons d'abord présenter le ratio habituellement utilisé pour mesurer la rentabilité, puis nous
essayerons de voir quels sont les éléments qui l'influencent.
Si on veut parler de la rentabilité économique de l'investissement (et non celle du capital engagé), il
faut calculer la rentabilité marginale : celle-ci compare l'accroissement des profits à l'accroissement du
stock de capital (c'est-à -dire à l'investissement) qui a été nécessaire pour engendrer cet accroissement
des profits.
La rentabilité dépend donc d'abord de la Valeur Ajoutée (plus celle-ci est forte, plus l'EBE est
potentiellement grand). Un faible coût des consommations intermédiaires (notamment les matières
premières et l'énergie) est donc une première condition de rentabilité des investissements.
On voit enfin que le partage de la valeur ajoutée (entre profits et salaires) risque d'influer sur
l'investissement : si la part des profits dans la valeur ajoutée s'accroît, on peut penser que cela sera
favorable aux investissements qui pourront être financés plus facilement comme nous allons le voir.
Cependant, il ne faut pas oublier que les salaires vont permettre la consommation. Si la part de la
valeur ajoutée consacrée aux salaires diminue, on peut penser qu'il y aura des effets négatifs sur la
demande. Or la demande est aussi un déterminant de l'investissement. On le voit, un partage de la
valeur ajoutée préservant à la fois la demande et les profits est difficile à trouver.
Vous voyez donc que la rentabilité économique des investissements dépend principalement du coût
des facteurs de production (capital, consommation intermédiaires et travail). Si l'entreprise réussit à
diminuer ses coûts, elle a des chances d'augmenter ses profits et sa rentabilité. Mais elle ne doit pas
oublier que les salaires qu'elle distribue sont aussi des revenus qui permettent d'acheter ce qu'elle
produit, autrement dit que la demande joue un rôle dans la rentabilité.
Sur le plan théorique, il a été mis en évidence par Keynes. Mais dans la réalité des entreprises, on a
toujours su, dans le système capitaliste, qu'il ne fallait produire que si l'on pensait pouvoir vendre sur
les marchés. La demande anticipée par l'entreprise, c'est-à -dire celle qui est prévue pour les années à
venir, celle que Keynes appelle la " demande effective ", joue donc un rôle essentiel dans la décision
d'investir.
Si les prévisions laissent entrevoir une hausse durable de la demande du produit fabriqué dans
l'entreprise, l'entreprise va probablement chercher à répondre à cette demande supplémentaire. Pour
cela, elle devra accroître sa capacité de production en acquérant des moyens de production
supplémentaires, c'est-à -dire qu'elle devra investir. On peut faire le même raisonnement si les
prévisions envisagent une transformation de la demande : par exemple, si l'on pense que la demande va
se porter de plus en plus sur des appareils combinés télévision/magnétoscope, il va falloir modifier les
outils de production et donc investir pour pouvoir satisfaire cette nouvelle demande, alors que la
demande de téléviseurs "classiques" va peut-être stagner.
En règle générale, les chefs d'entreprise considèrent donc l'évolution de la demande, dans son volume
comme dans sa nature, comme un déterminant essentiel de leur décision d'investissement. On peut
remarquer que si l'évolution de la demande peut être dans une certaine mesure anticipée, il n'en reste
pas moins toujours de l'incertitude. Les chefs d'entreprise sont alors amenés à prendre en compte dans
leur décision d'investissement des éléments relativement subjectifs : le climat des affaires est-il bon ?,
les ménages sont-ils optimistes ? (il y a des enquêtes sur le moral des ménages), etc.
Les effets d'une augmentation de la demande sur les investissements ont été mesurés par les
économistes : c'est le mécanisme de l'accélérateur, qui montre que l'augmentation de la demande
entraîne une hausse plus que proportionnelle des investissements. [Ce mécanisme n'est pas inscrit au
programme de terminale. Si vous souhaitez cependant l'étudier, allez voir, et faire, les activités que
nous vous proposons sur l'accélérateur].
Les profits, qui sont au numérateur du taux de rentabilité, sont les revenus restant à l'entreprise quand
elle a payé tous ses coûts. Si l'entreprise réussit à diminuer ses coûts, elle a des chances d'augmenter
ses profits et sa rentabilité. En particulier, si le coût du travail augmente plus rapidement que le coût du
capital (il y a donc un abaissement du prix relatif du capital), l'entreprise a intérêt à réaliser des
investissements de productivité qui aboutiront à économiser du travail. De même, si les prévisions
laissent entrevoir une demande stable et une concurrence accrue entre les producteurs, il peut être
nécessaire que l'entreprise, pour conserver sa part de marché, abaisse ses coûts de production et, pour
cela, réalise des investissements de productivité. Enfin, la localisation des investissements est
également tributaire des coûts de production : c'est vrai à l'échelon international, nous le verrons dans
le chapitre 6, mais c'est vrai aussi à l'échelon national si les facteurs de production et les
consommations intermédiaires n'ont pas le même coût partout.
S'il y a une demande qui justifie l'investissement et si celui-ci semble suffisamment rentable compte
tenu du coût des facteurs de production, l'entreprise doit encore prendre en considération le coût de
financement de l'investissement, c'est-à -dire le taux d'intérêt, avant de décider d'investir. Comme nous
allons le voir, il y a deux mécanismes par lesquels le taux d'intérêt influence la décision
d'investissement.
Quand la profitabilité est négative, l'entreprise doit " normalement ", c'est-à -dire dans une logique de
maximisation du profit immédiat, renoncer à investir. Cependant, dans la réalité, l'entreprise prendra
aussi en compte le long terme et l'état de la concurrence : si les concurrents investissent, l'entreprise
risque de se trouver à la traîne et de perdre des marchés, ce qui menace encore plus les profits futurs ;
dans ce cas, elle préfèrera investir plutôt que de placer, même si ce n'est pas plus avantageux à court
terme.
Ainsi, en période de taux d'intérêt réel élevé, les entreprises peuvent renoncer à des investissements
éventuels pour deux raisons complémentaires : d'une part, emprunter pour investir coûte cher et
diminue donc les profits potentiels, d'autre part placer ses capitaux, c'est-à -dire les prêter à d'autres
agents économiques, rapportent beaucoup.
Quand une entreprise investit aujourd'hui, elle le fait, en quelque sorte, pour produire demain des biens
ou des services qu'elle vendra après-demain. On le voit, la décision d'investir est une décision qui
engage l'avenir : en effet, l'entreprise va décider d'augmenter son stock de capital (et c'est en général
une grosse dépense) alors qu'elle ne sait pas avec certitude de quoi demain sera fait. L'entreprise fait
donc toujours un pari sur l'avenir : elle parie qu'elle arrivera à rentabiliser son investissement, c'est-à
-dire à augmenter ses profits (attention ! augmenter ses profits, ce n'est pas forcément augmenter sa
production …). Voyons plus précisément quels sont les facteurs d'incertitude.
• Les prix des facteurs de production ou des consommations intermédiaires peuvent varier
de manière imprévisible
On a vu plus haut que la rentabilité dépendait du coût des facteurs de production : capital,
travail et consommations intermédiaires. Si le prix des biens capitaux est connu au moment
d'investir (c'est le prix d'achat des biens que l'on acquiert lors de l'investissement), il n'en va pas
de même pour les autres : le prix de l'énergie peut s'envoler à la suite d'un choc pétrolier, le
coût du travail s'accroître à la suite d'un conflit social ou parce que la protection sociale coûte
de plus en plus cher. Bien entendu, l'entreprise peut essayer de maîtriser l'évolution de ces
coûts, mais tout ne dépend pas d'elle, loin s'en faut.
Le progrès technique est en amont de l'investissement et influe fortement sur les transformations à long
terme de la société, comme nous allons le voir. Il est aussi en aval car le progrès technique résulte de
certaines dépenses d'investissement, en particulier celles concernant la recherche. Du fait de ses
implications, tant à long terme qu'à court terme, on doit se demander qui maîtrise le progrès
technique : celui-ci peut servir à tous, en ce sens il peut être pensé comme un bien collectif ; en même
temps, il donne beaucoup de pouvoir à celui qui le maîtrise et peut donc être l'objet de marchandages
et de conflits. On peut donc s'attendre aussi à ce que l'Etat s'en mêle, vu les enjeux.
Après avoir précisé la définition du progrès technique, nous présenterons ses deux principales
modalités, et enfin nous étudierons les liens entre progrès technique et croissance
Le progrès technique est un mot du vocabulaire courant, mais sa définition précise est un peu floue.
Derrière ce concept, les économistes distinguent plusieurs mécanismes bien précis qui jouent chacun
un rôle différent dans la croissance et le changement social.
Le progrès technique est l'ensemble des améliorations apportées aux façons de produire et aux
produits (transformations de produits existants et création de nouveaux produits). Pour les
façons de produire, cela ne concerne pas que les biens de production mais aussi l'organisation
de la production ou de la commercialisation. Le résultat de ce progrès technique est en général
la hausse de la productivité.
o Les inventions.
Cet ensemble d'améliorations passe par des découvertes scientifiques qui résultent de la
recherche fondamentale, c'est-à -dire au niveau des principes théoriques, sans
application concrète. Ces découvertes sont appelées inventions. Par exemple, la
machine à vapeur est d'abord une invention : on met en évidence le fait que la vapeur
d'eau peut être utilisée pour actionner des machines. Mais, concrètement, il n'y a pas
encore d'application. L'invention est souvent liée à un homme ou à une équipe
relativement restreinte.
o L'innovation
C'est l'application réussie d'une invention : le principe de la machine à vapeur va être
utilisé pour mouvoir tout un tas de machines au 19è siècle. Il peut d'ailleurs se passer
beaucoup d'années entre une invention et l'innovation qui en résulte. Il faut ajouter qu'il
est bien rare qu'une invention ne déclenche pas une foule d'innovations, des petites et
des grandes. Ce sont en général les entreprises qui vont découvrir ces innovations, grâce
à leurs services de recherche. On parle là de recherche appliquée ou, plus
fréquemment, de "recherche-développement ", financée le plus souvent par les
entreprises elles-même.
Les innovations ont pour vocation d'améliorer les produits et les façons de produire et/ou de
vendre (la commercialisation, c'est la production d'un service, donc innover dans la vente, c'est
aussi améliorer les façons de produire). Elles concernent aussi l'amélioration ou la création
des produits. Elles peuvent donc être très diverses. Nous nous contenterons de présenter ici
trois sortes d'innovation :
o L'innovation de procédé (on parle aussi parfois d'innovation de process) : l'innovation
concerne les techniques de fabrication, par exemple dans les machines ou dans
l'organisation de la production ou de la commercialisation. Il faut bien se rappeler que
quand une entreprise choisit de modifier son organisation interne, par exemple pour
produire en flux tendus aujourd'hui, ou pour produire à la chaîne au milieu du 20è
siècle, il s'agit de la mise en Å“uvre d'une innovation, et plus spécifiquement d'une
innovation de procédé.
o L'innovation organisationnelle, qui est l'innovation dans l'organisation de l'entreprise
et dans l'organisation du travail. On les étudiera de façon plus approfondie dans le
chapitre suivant.
o L'innovation de produit : l'innovation concerne le produit fabriqué lui-même, il s'agit
d'un produit nouveau ou d'un produit incorporant une nouveauté.
D'où vient le progrès technique ? Il faut tout de suite dire que le progrès technique ne tombe pas du
ciel, encore moins les innovations. Le hasard met parfois les chercheurs sur le chemin de la
découverte. Mais encore faut-il qu'il y ait des gens qui cherchent. Autrement dit, progrès technique et
innovations sont le fruit d'une intense activité du genre humain. Il n'en reste pas moins que quand on
cherche, on n'est jamais complètement sûr de trouver et il est rare que l'on sache quand on trouvera. Il
y a donc de l'incertitude dans cette activité, qui coûte pourtant cher. On peut donc penser que, puisque
les entreprises font des efforts, parfois très importants, de recherche, elles ont de bonnes raisons pour
les faire. On peut distinguer plusieurs origines aux innovations :
• Le rôle de l'entrepreneur
Schumpeter a montré le rôle majeur joué par celui qu'il appelle l'entrepreneur. Celui-ci, à
contre-courant de la société, va prendre le risque d'innover (innover, c'est toujours prendre un
risque, puisqu'on ne sait pas d'avance si l'innovation va marcher ou pas). En échange de cette
prise de risque, et si l'innovation est un succès, l'entrepreneur va réaliser des profits très au-
dessus de ceux réalisés dans les autres entreprises. En effet, l'innovation va donner à
l'innovateur une situation de monopole sur le marché : il est le seul à fabriquer ce nouveau
produit, ou il est le seul à produire de manière aussi productive, et dans les deux cas il va
profiter de sa situation pour réaliser des super-profits. Ce monopole n'est que temporaire car les
autres entreprises vont vouloir imiter l'entreprise innovante, ce qui permettra la diffusion de
l'innovation et sa banalisation (l'innovation perdra alors son caractère innovateur). On voit ici
l'innovation reposer sur un homme ou une entreprise, qui ont une vue particulière de l'avenir et
acceptent de prendre des risques. On peut remarquer que plus une entreprise a un vaste marché,
plus elle pourra facilement assurmer ce risque : les coûts de la recherche seront répartis sur
davantage de prduits.
Conclusion : nous sentons bien maintenant l'importance du progrès technique et de ses applications
dans les sociétés modernes. Il reste à comprendre les liens qui unissent le progrès technique à la
croissance économique et aux transformations de nos sociétés.
2.3.3 - Comment le progrès technique peut-il être facteur de croissance ?
Il s'agit ici de se demander comment le progrès technique engendre de la croissance, autrement dit de
s'interroger sur les mécanismes. Le premier de ces mécanismes passe à court et moyen terme par les
gains de productivité issus du progrès technique et ce que l'on en fait. Nous allons d'abord définir les
gains de productivité puis distinguer les quatre différents usages que l'on peut en faire, en explicitant à
chaque fois leur effet sur la croissance. Enfin, nous expliquerons pourquoi les gains de productivité
peuvent provoquer des conflits.
• Les utilisations possibles des gains de productivité sont plus ou moins favorables à la
croissance.
L'entreprise qui gagne en productivité, par exemple notre entreprise automobile de toute à
l'heure qui fabrique 12 voitures alors qu'elle n'en fabriquait que 10 auparavant dans le même
temps de travail, peut utiliser ce gain de 4 manières différentes. Elle peut :
o Baisser les prix : en effet, le coût unitaire (celui de chaque voiture) diminue puisque,
sans dépenser plus de travail (et à condition que les salaires ne varient pas), on fabrique
plus de voitures. L'entreprise attend de cette baisse des prix une augmentation de la
demande qui lui est adressée, donc une augmentation de sa production. Au niveau
macro-économique, la baisse des prix engendre une hausse du pouvoir d'achat qui
permet d'augmenter la demande et cela, pas seulement dans la branche qui a baissé ses
prix. Donc globalement, la demande augmente, la production doit en principe suivre,
surtout si les capacités de production ne sont pas toutes utilisées. Cette baisse des prix
va donc engendrer des effets favorables à la croissance.
o Diminuer la durée du travail : en effet, puisqu'on met moins de temps à fabriquer
chaque voiture, on peut très bien en fabriquer le même nombre qu'avant les gains de
productivité et faire travailler moins longtemps chaque travailleur. Si en 35 heures, les
travailleurs arrivaient à fabriquer autant qu'en 39 heures grâce aux gains de
productivité, on peut très bien diminuer le temps de travail sans diminuer les salaires.
C'est d'ailleurs grâce aux gains de productivité que le temps de travail a pu beaucoup
diminuer en France à partir des années 60, alors même que les salaires continuaient à
augmenter. Cette diminution du temps de travail n'engendre pas directement de
croissance économique. En revanche, elle modifie les genres de vie et améliore sans
doute le bien-être général : elle a donc un effet positif sur le développement plus que sur
la croissance.
o Augmenter les profits : en gardant le même exemple, chaque voiture coûte moins cher
à fabriquer puisque la productivité a augmenté. Si on maintient le prix à son niveau
initial, toutes choses égales par ailleurs, la marge de l'entreprise augmente. Celle-ci
réalise donc davantage de profits. Quel effet a cette augmentation sur la croissance ?
Les profits sont destinés à être distribués aux actionnaires, mais ceux-ci peuvent décider
d'en laisser une partie, plus ou moins grande, dans l'entreprise pour financer au moindre
coût les investissements futurs. Si les profits sont distribués, ils constituent des revenus
pour ceux qui les encaissent et augmentent donc leur pouvoir d'achat. Il peut donc en
résulter une augmentation de la demande. S'ils sont conservés dans l'entreprise et
financent de l'investissement supplémentaire, ils sont évidemment favorables à la
croissance, comme on l'a vu plus haut.
o Augmenter les salaires : puisque les travailleurs produisent plus dans le même temps,
on peut envisager de les rémunérer davantage sans que cela ne change rien au prix de
vente, ni au profit. Dans ce cas, on aura une augmentation des revenus dont on peut
attendre une augmentation de la demande, ce qui va inciter les entreprises à produire
davantage, et la croissance s'accroît.
Conclusion : les innovations mises en oeuvre grâce aux investissements génèrent une hausse de la
productivité et cette hausse de la productivité, à son tour, aboutit, par des canaux variés, à une
accélération de la croissance. On voit donc l'importance du progrès technique pour la croissance. Mais,
à plus long terme, le progrès technique a d'autres effets sur la croissance, que nous verrons dans le
paragraphe suivant.
Schumpeter a montré les bouleversements qu'entraînait à long terme le progrès technique dans les
structures de la production. Le mécanisme de la "destruction créatrice" est assez simple à comprendre :
dans les entreprises, ou les branches, où les gains de productivité sont rapides parce que il y a de
nombreuses innovations, les profits sont élevés. Ces profits élevés attirent de nouveaux producteurs, la
concurrence augmente et les prix baissent. Les producteurs les moins productifs ne pourront pas
supporter cette baisse des prix et feront faillite. Cela pose bien sûr des problèmes sociaux, mais sur le
long terme, il est nécessaire que les entreprises les moins rentables et/ou fabriquant des produits
dépassés disparaissent : en effet, dans ces entreprises, les facteurs de production (capital et travail) sont
utilisés moins productivement qu'ils pourraient l'être ailleurs. Il y a donc du gaspillage.
Prenons un exemple. Une innovation majeure ( !) apparaît : le presse-purée électrique. L'entreprise qui
lance l'innovation, seule sur le marché, connaît le succès, elle vend ses presse-purée électriques très
cher et réalise des super profits. Les producteurs de presse-purée manuels sont directement
concurrencés parce que les deux produits ont la même fonction. Ils vont avoir du mal à se reconvertir
car c'est une transformation complète de leur activité, c'est un autre métier (car il y a un moteur
électrique). Il est probable que la demande de presse-purée manuels va chuter et les entreprises le
fabriquant vont faire faillite, disparaissant finalement de la vie économique. Le progrès technique
transforme donc les structures de la production et il y a sans cesse un mouvement de secteurs en déclin
et de secteurs en essor. On voit bien où est la destruction dont parlait Schumpeter et où est la création.
Les deux sont indissociables et les transformations structurelles qui en résultent ne sont pas
qu'économiques, elles sont aussi sociales. Nous le verrons plus loin, plus précisément grâce à un
exemple.
On peut trouver de nombreux exemples de ces transformations et le mieux serait que vous en cherchiez
vous-même. A titre d'exemple, je vous en propose deux :
L'urbanisation rend possible l'individualisation croissante des comportements : l'individu est loin
du regard de sa famille et de la communauté villageoise qui pesait sur lui à la campagne dans les
sociétés traditionnelles. Il va pouvoir s'affranchir de ce contrôle social pesant (ce qui ne signifie pas
que le contrôle social disparaît totalement). En contrepartie, la solidarité de voisinage, très forte
dans les sociétés traditionnelles, s'affaiblit aussi : l'isolement est bien plus grand dans les villes qu'il
ne l'était dans les campagnes. Cela se traduit au 19ème siècle par une misère individuelle très grande
dans les villes. A partir du milieu du 20ème siècle, c'est l'Etat-providence qui va peu à peu assumer
la prise en charge des risques individuels et protéger les individus contre les grands risques de
l'existence (maladie, vieillesse, etc…). On a une solidarité qui, d'une certaine façon, se désincarne,
c'est-à -dire qui est de moins en moins portée par des personnes physiques. On verra plus loin que ce
n'est pas sans poser des problèmes.
Le développement des villes a imposé la création de nouvelles entités politiques. On peut en citer
au moins deux :
Conclusion
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