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COURS - CHAPITRE 1 : Croissance, capital et

progrès technique
Les sources et les limites de la croissance économique.
Quand on se demande quelle est la source de quelque chose, cela signifie que l'on recherche son
origine. Pourquoi rechercher l'origine de la croissance économique ? Bien sûr, parce que tous les pays
courent après et souhaitent obtenir la croissance économique la plus élevée possible. Identifier les
sources de la croissance sera donc notre premier objectif dans ce paragraphe. Mais quand nous aurons
vu comment la croissance peut advenir, nous devrons nous demander si on a bien raison de courir
après cette croissance, autrement dit ce qui pourrait, ou devrait, limiter cette poursuite.

. 1.1 - Les sources de la croissance.


D'où vient la croissance économique, c'est-à -dire comment expliquer l'augmentation des quantités
produites ? Il faut remonter bien sûr aux facteurs de production, capital et travail, et surtout à
l'efficacité de leur combinaison repérée par la productivité. Ensuite, nous essaierons d'évaluer la
proportion dans laquelle chacun des facteurs intervient.

1.1.1 - La croissance peut provenir d'une main d'oeuvre plus nombreuse


et/ou plus productive.

Le travail est apporté par les hommes (et les femmes !) : il s'agit de l'activité qu'ils mettent au service
de la production de biens et services. La quantité de travail effectivement utilisée est mesurée par la
population active occupée. Si celle-ci augmente dans un pays, il est logique que la production
augmente, toutes choses égales par ailleurs. Il y aura donc croissance économique.

Remarquons que, dans les sociétés modernes, seul le travail rémunéré est pris en compte : l'activité des
bénévoles, même s'ils passent de nombreuses heures, par exemple à animer un club de loisirs ou de
sport, n'est pas considérée comme du travail, tout comme le ménage fait par une mère de famille (alors
que cela serait du travail si cette femme faisait le ménage dans une école, par exemple, ou dans une
autre famille en étant payée et déclarée).

Si le travail est toujours nécessaire pour produire, il est toutefois possible d'accroître la production sans
augmenter la quantité de travail utilisée, à condition d'améliorer l'efficacité du travail, ce que l'on
appelle plus souvent la productivité du travail. Dans les paragraphes suivants, nous allons présenter les
trois éléments qui apparaissent comme essentiels pour expliquer l'augmentation de la productivité du
travail. On les sépare pour les présenter, mais il faut bien souligner qu'ils s'accompagnent
mutuellement les uns les autres.

1.1.2 - L'augmentation de la productivité peut provenir de la division du


travail.

Répartir le travail entre les travailleurs et les spécialiser permet d'augmenter la productivité. Avant de
montrer comment, on rappellera en quoi consiste cette division technique du travail.

• Qu'appelle-t-on division technique du travail ? Pour augmenter l'efficacité du travail, on


observe qu'il faut répartir entre plusieurs travailleurs les différentes phases de fabrication d'un
produit. Chaque travailleur n'effectuera plus qu'une partie, parfois très petite, de l'ensemble de
la fabrication. Il sera spécialisé dans une seule tâche et c'est le collectif des travailleurs qui
assurera la production et non plus un travailleur isolé. On divise donc le travail entre autant de
travailleurs qu'il y a de tâches différentes dans la production.
L'exemple de la manufacture d'épingles : il s'agit d'un exemple très célèbre présenté par Adam
Smith dans Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776). Un
travailleur peut faire une épingle tout seul, il ne fabriquera que bien peu d'épingles dans sa
journée. Mais en divisant la fabrication en 18 opérations distinctes (tirer le fil métallique de la
bobine, couper le fil, rendre pointue la tige, etc...), assurées par 18 ouvriers distincts, on
arrivera à fabriquer des milliers d'épingles par jour. La productivité aura donc beaucoup
augmenté.

• Pourquoi diviser le travail augmente-t-il la productivité ?


On peut énumérer, et Adam Smith le fait déjà à son époque, les effets positifs de la division
technique du travail :
o D'abord, chaque travailleur étant spécialisé dans une tâche la maîtrisera mieux et la
réalisera plus rapidement. Et on pourra utiliser chaque travailleur dans la tâche pour
laquelle il est le plus "doué".
o Ensuite, chaque travailleur ne faisant plus qu'une seule tâche ne perdra plus le temps qui
était auparavant nécessaire pour changer de tâche. Et il consacrera ce temps à produire
davantage.
o Enfin, les tâches les plus simples pourront même être effectuées par des machines : la
division technique du travail va donc inciter les scientifiques à inventer des machines
capables d'effectuer ces tâches les plus simples (et, au fur et à mesure du temps, des
tâches de plus en plus complexes). On voit ici directement le lien avec les deux autres
éléments que nous allons présenter, l'accumulation du capital et le progrès technique.

Au total donc, la division technique du travail augmente la productivité et permet de produire de


beaucoup plus grandes quantités dans le même temps. Pour être mise en oeuvre, elle suppose des
transformations dans l'organisation du travail. Nous verrons plus précisément dans le chapitre suivant
comment ces transformations génèrent une hausse de la productivité du travail et donc la croissance
des quantités produites.

1.1.3 - Mais elle vient aussi de l'accumulation du capital et du progrès


technique

• Le rôle de l'accumulation du capital


C'est l' investissement qui permet cette accumulation de capital productif.L'entreprise en
s'équipant en machines permet à ses travailleurs de produire plus efficacement. Un même
travailleur, dans le même temps, produira davantage qu'avant l'introduction des machines.
Depuis le début du 19ème siècle, c'est-à -dire depuis la révolution industrielle, on observe que le
stock de capital par travailleur a considérablement augmenté, y compris dans les services qui
étaient restés un peu à l'écart de ces progrès. On dit que l'intensité capitalistique de la
production s'est accrue, c'est-à -dire que pour produire une voiture par exemple, on utilise
proportionnellement de plus en plus de capital (et de moins en moins de travail, donc). Cela
élève évidemment la productivité du travail.

• Le rôle du progrès technique


Le progrès technique est à l'origine des nouvelles machines ou des nouveaux procédés de
fabrication. Il permet aussi de concevoir des produits nouveaux. En ce sens, il est aussi à
l'origine de l'augmentation de la productivité. Il est souvent en amont des investissements, qui
viennent le mettre en œuvre. Nous verrons plus précisément dans la deuxième partie de ce
chapitre comment le progrès technique contribue à la croissance.

1.1.4 - Quelles ont été les sources de la croissance depuis 1960 dans les
pays développés ?

Titre : Taux de croissance annuel moyen (TCAM) du PIB et décomposition de ce taux selon les
facteurs de production à l'origine de la croissance.

Etats-Unis Japon France


1960-1973 1973-1990 1960-1973 1973-1990 1960-1973 1973-1990
TCAM du P.I.B. (en%) 3.8 2.5 9.5 4.0 5.9 2.4
Facteur travail 1.0 1.0 0.4 0.3 0.3 - 0.4
Facteur capital 1.1 1.1 3.5 2.0 1.6 1.1
Résidu 1.7 0.4 5.6 1.7 4.0 1.7

Source : à partir de V. Coudert, " Croissance et démographie dans les pays industrialisés ", Economie
prospective internationale, n°52, 4ème trimestre 1992, La Documentation Française.

On voit évidemment sur la première ligne de ce tableau la croissance très rapide qu'ont connue les pays
développés entre 1960 et 1973 et le ralentissement qui a suivi cette période (observez cependant que
les taux de croissance annuels moyens du P.I.B. restent nettement positifs entre 1973 et 1990). Mais ce
n'est pas vraiment la question qui nous intéresse ici. Comment cette croissance a-t-elle été obtenue,
quelles ont été ses sources ?

• Le rôle du facteur travail.


Dans les trois pays, le facteur travail a contribué à cette croissance, et cela pour deux raisons :
la quantité de travail a pu augmenter et la qualification du travail s'est améliorée. Aux Etats-
Unis, par exemple, entre 1973 et 1990, sur les 2.5% de croissance annuelle moyenne, 1%, soit
plus du tiers, est dû à la contribution du facteur travail. Pourquoi le chiffre négatif de la
contribution du facteur travail en France entre 1973 et 1990 ? Cela signifie qu'il y a une
diminution de l'apport du facteur travail, due sans doute à la diminution de la durée du travail
(5ème semaine de congés payés et passage des 40 heures aux 39 heures en 1981) et de la hausse
du chômage.

• Le rôle de l'accumulation de capital.


On observe aussi qu'en France et au Japon, l'accumulation du capital, c'est-à -dire
l'investissement (mesuré par la F.B.C.F. [allez revoir ce que l'on appelle F.B.C.F. dans la liste
des notions] joue un grand rôle dans la croissance : celle-ci est à l'origine de près de la moitié
de la croissance entre 1973 et 1990, bien plus donc que le facteur travail.

• Le rôle du progrès technique.


Quand on a bien mesuré l'apport du capital et du travail dans la croissance, qu'observe-t-on ?
Qu'il reste une partie de la croissance qui ne s'explique pas par les apports directs du capital et
du travail. C'est ce que l'on appelle traditionnellement le " résidu ", ce qui reste inexpliqué. Et
l'on voit (sur la dernière ligne du tableau) que cela correspond à une partie importante de la
croissance (nettement plus de la moitié pour la France). Vu son importance, il faut tenter de
comprendre ce résidu. Les économistes l'attribuent en général au progrès technique :
l'amélioration des techniques permet à la combinaison du travail et du capital d'être de plus en
plus efficace. En améliorant les machines ou les procédés de fabrication, en élevant la
qualification des travailleurs, le progrès technique contribue à augmenter la productivité du
travail et, ce faisant, à éviter les rendements décroissants. Il explique donc en grande partie la
croissance et est au coeur des questions qui lui sont liées : d'où vient le progrès technique, qui
le maîtrise, au service de qui (et de quoi) doit-il être ? Nous reviendrons évidemment plus loin
sur ces questions pour comprendre comment cela se passe.

En conclusion, on peut dire que l'amélioration de l'efficacité des facteurs de production est essentielle
pour expliquer la croissance. Cependant, d'autres éléments jouent un rôle non négligeable, en
particulier le comportement des différents agents économiques, en particulier les entreprises et l'Etat.

1.2 - Le rôle des agents économiques dans le processus de croissance.


Disposer de facteurs de production dans une certaine quantité et/ou dans une certaine qualité, c'est une
chose. Mais cela ne détermine pas à coup sûr un certain taux de croissance économique. De la même
manière, on vient de voir que le progrès technique pouvait engendrer de la croissance, mais d'où vient-
il ce progrès technique ? Il ne tombe pas du ciel. Il y a donc d'autres éléments à prendre en compte, des
éléments qui relèvent du comportement, de l'attitude des agents. Qui sont ces acteurs de la vie
économique et sociale dont nous parlons ici ? Il s'agit bien sûr des entrepreneurs (qui sont à l'origine
des décisions concernant la mise en œuvre du progrès technique ou la combinaison des facteurs de
production). Mais pas seulement : il y a aussi l'Etat et les administrations publiques qui construisent le
cadre juridique et réglementaire qui encadre la vie économique et sociale, il y a aussi les grands idéaux
qui sous-tendent les comportements des membres de la société, ce que l'on appelle en sociologie les
valeurs. Nous étudierons successivement le rôle de ces trois éléments.

1.2.1 - Le rôle des entrepreneurs : améliorer la combinaison productive,


investir, assurer les dépenses de Recherche et Développement.

Le rôle de l'entrepreneur est essentiel du point de vue de la croissance économique car c'est
l'entrepreneur qui choisit la combinaison productive, c'est lui aussi qui prend les décisions
d'investissement ou celles concernant la recherche sur des produits nouveaux, par exemple.

• L'entrepreneur choisit la combinaison productive.


Pour choisir une combinaison productive, le chef d'entreprise prendra en compte au moins deux
éléments pour décider de la combinaison productive retenue : le coût relatif du capital et du
travail (si le travail est relativement bon marché, l'entrepreneur aura intérêt à utiliser
relativement beaucoup de travail s'il a le choix, ou à produire des produits nécessitant beaucoup
de travail) et l'efficacité productive de la combinaison retenue, souvent mesurée par la
productivité du travail qui en résulte. Mais il peut prendre aussi en compte une multitude
d'autres éléments, en particulier les traditions de l'entreprise, l'environnement local ou
international, etc.L'entreprise cherche à améliorer sa productivité, en particulier parce que cela
aura des conséquences favorables sur son profit. Ce faisant, elle contribue à la croissance de la
production, soit en produisant davantage elle-même, soit en économisant des facteurs de
production qui seront alors disponibles pour augmenter la production dans d'autres entreprises.

• L'entrepreneur parie sur l'avenir


Ces décisions ont des effets dans le futur - on investit aujourd'hui, mais la production
n'augmente que demain. L'entrepreneur qui investit ou qui fait de la recherche sur de nouveaux
produits prend donc des risques : il parie sur l'avenir en espérant que le marché lui donnera
raison. Il peut évidemment se tromper (à ses risques et périls !). Il peut aussi refuser d'assumer
ces risques et ne pas (ou moins) investir. Ce faisant, il va contribuer à ralentir l'accumulation de
capital et donc la croissance économique. On reviendra plus loin dans le chapitre sur ce rôle
essentiel de l'entrepreneur que l'économiste J. Schumpeter (1883-1950) a très bien mis en
évidence.

L'esprit d'entreprise et la recherche du profit sont donc essentiels dans le mécanisme de croissance de
nos sociétés. Il est nécessaire que les entreprises soient bien gérées pour que les facteurs de production
soient utilisés efficacement. Il est aussi nécessaire que règne une certaine "confiance" dans l'avenir
pour que des individus prennent le risque de lancer les nouvelles productions qui feront la croissance
économique.

1.2.2 - Le rôle de l'Etat : réguler les marchés, gérer les externalités,


développer les infrastructures à travers la politique économique.

L'Etat régulateur des marchés


Il faut souligner avec force le rôle essentiel pour la croissance, dans une économie de marché, de
l'intervention de l'Etat. Le fonctionnement de l'économie par le marché suppose des règles, vous l'avez
vu en classe de première. Ces règles, il faut d'abord les construire et ensuite les faire respecter. Ces
deux rôles, c'est l'Etat qui les assume. L'expérience montre que dans les pays sans autorité politique
établi

• e et reconnue, la croissance est plus lente qu'ailleurs, voire impossible.

• L'Etat intervient également pour favoriser le progrès technique


Certaines recherches, trop fondamentales pour être rentables immédiatement, ne seraient jamais
entreprises si l'Etat ne contribuait pas à leur financement. En effet, aucune entreprise ne prendra
en charge une dépense si le coût est trop élevé par rapport au bénéfice qu'elle en retire
personnellement. Or, c'est précisément ce qui se passe en matière de recherche fondamentale :
une fois qu'une découverte a été faite, tout le monde en profite, et pas seulement ceux qui ont
financé la recherche. C'est donc à l'Etat de décider ces dépenses et de les faire financer par
l'impôt puisqu'elles profitent à tous. Plus généralement, l'Etat doit intervenir dans tous les cas
où des "effets externes positifs" (ou "externalités positives ") sont attendus. Que sont ces effets
externes positifs ? Certaines actions, faites par tel ou tel acteur de la vie économique, ont des
conséquences positives sur les autres acteurs alors que ceux-ci ne paient pas le coût de cette
action. On peut citer l'exemple de l'instruction : si on (et le" on " sera forcément l'Etat, on va le
voir) décide de prolonger la scolarité obligatoire de 12 à 16 ans par exemple, toute la main-
d'œuvre sera plus qualifiée et donc plus productive et ce sont les entreprises qui en
bénéficieront (sans payer directement le coût de l'allongement de la scolarisation).

• L'Etat prend en charge les infrastructures collectives


Imaginons qu'il n'y ait pas de pont sur le Rhône entre Lyon et la mer ; dans ce cas, tous les
fruits de la vallée du Rhône (rive gauche) devraient transiter par Lyon pour aller à Montpellier,
par exemple. Si l'Etat construit un pont à Avignon, cela arrange tout le monde car cela abaisse
le coût et les délais de transport. Pourquoi est-ce l'Etat qui va financer la construction du pont
comme l'allongement de la scolarité et pas ceux qui vont directement en bénéficier ? Parce que
chaque utilisateur du pont ne retirera pas suffisamment de bénéfice de l'usage du pont pour le
financer : chacun y gagne, mais pas suffisamment pour payer la construction. C'est la même
chose pour l'instruction. On est donc dans la situation suivante : tout le monde a intérêt à ce que
l'action soit entreprise, mais personne ne veut la financer. Il y a un problème de coordination
des décisions individuelles, et c'est donc l'Etat, au nom de l'intérêt général, qui va assumer ces
dépenses et les répercuter sur les individus par l'impôt.
• L'Etat favorise la croissance par sa politique économique.
Vous avez vu en classe de première que l'Etat peut encourager la production de biens et
services en stimulant la demande par sa politique budgétaire ou sa politique monétaire.
Pareillement, il peut encourager l'offre par sa politique fiscale, en baissant les impôts sur les
entreprises pour rendre la production plus profitable. Ce rôle d'impulsion est souvent décisif,
notamment pour sortir des crises que connaissent les économies modernes. On l'étudiera plus
en détail dans le dernier chapitre du programme.

Au total, donc, l'Etat, par les investissements publics, joue un rôle très important dans la
croissance en finançant la formation de la main d'œuvre et la recherche scientifique, en développant
les infrastructures, en particulier de communication, en construisant le cadre juridique permettant au
marché de fonctionner correctement, en assumant les tâches considérées comme essentielles par la
société et qui ne pourrait pa

1.2.3 - Le rôle de l'environnement socio-culturel.

La croissance est également tributaire des grands idéaux qui sous-tendent le comportement des
membres de la société. La culture a donc quelque chose à voir avec la croissance. En effet, comment
expliquer que, à un moment donné de leur histoire, des peuples se soient mis à accumuler du capital, et
pas d'autres, apparemment aussi bien dotés en facteurs de production que les premiers. Les normes et
les valeurs en vigueur dans une société influencent l'ensemble des comportements, donc évidemment
les comportements économiques.

Le sociologue allemand Max Weber (1864-1920) a soutenu l'idée que les valeurs véhiculées par le
protestantisme avaient involontairement favorisé le développement du capitalisme dans les pays anglo-
saxons, à la fois parce que les préceptes de leur religion poussaient les protestants à épargner et à
investir et accordaient une grande valeur au travail, à l'activité professionnelle, et parce qu'une grande
confiance et une grande solidarité les unissaient, d'où la création de sortes de réseaux unissant des
entreprises industrielles et des banques, ce qui étaient très favorable à la croissance. Prendre en compte
les valeurs pour expliquer la croissance ne doit cependant pas conduire à en faire l'explication ultime :
les valeurs se conjuguent avec l'ensemble des structures de la société. Ce qui compte sans doute le
plus, c'est le climat qu'instaurent à la fois les valeurs et l'organisation politique dans une société : la
croissance économique a besoin à la fois de stabilité (pour que l'on puisse prévoir les effets des
décisions prises aujourd'hui) et de possibilité de transformations (puisque la croissance en génère).

1.3 - Les limites de la croissance économique.

Faut-il chercher à tout prix à accélérer la croissance économique, le pourra-t-on même ? Ce sont les
deux questions que nous allons aborder ici : d'abord, quelle signification accorder à l'obtention d'un
taux élevé de croissance économique, ensuite pourra-t-on durablement soutenir cette croissance
économique rapide ?

Avant d'entamer la présentation de ces deux questions, il faut rappeler que l'indicateur mesurant la
croissance économique est le taux de croissance annuel du P.I.B. . Le P.I.B. est un agrégat de la
comptabilité nationale dont la construction, comme celle de tous les indicateurs, n'est pas sans poser
des problèmes. De ce fait, la croissance économique ainsi mesurée n'est peut-être pas complètement
fidèle à ce qui se passe dans la réalité et les comparaisons que l'on fait entre les pays peuvent aussi être
biaisées.
1.3.1 - Peut-on poursuivre indéfiniment le processus actuel de
croissance ?

Pour des raisons assez claires, la réponse à cette question est négative, comme nous allons le voir.
Alors à quelles conditions la croissance pourrait-elle être soutenable dans l'avenir ? C'est ce que nous
verrons ensuite.

• L'épuisement des ressources naturelles.


La croissance actuelle épuise les ressources non renouvelables en matières premières et en
énergie et rejette en quantités grandissantes des déchets qu'elle ne sait pas traiter. Ce ne sont
pas seulement les écologistes qui le disent. Tous les experts soulignent les dangers que nous
faisons courir à notre planète dans un avenir relativement proche en maintenant notre modèle
de croissance.

• Les inégalités de richesses sont inacceptables.


La croissance actuelle, parce qu'elle est très inégale et très inégalement répartie, exacerbe les
tensions entre les pays. Le risque de conflits majeurs n'est pas à écarter si le fossé qui sépare les
pays développés des autres ne tend pas à se résorber, ce qui n'est pas le cas pour le moment, à
de rares exceptions près.

• Alors, comment construire une croissance "soutenable" ?


Une croissance est "soutenable" si elle est acceptable par tous à court terme et durable dans le
long terme, c'est-à -dire ne mettant pas en danger les conditions de la croissance future. Cette
croissance soutenable, c'est aussi ce que de nombreux hommes politiques et le P.N.U.D.
appellent le "développement durable" Comment le définir ? Il s'agit d'un développement qui
satisfait les besoins de chaque génération, à commencer par ceux des plus démunis, sans
compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs " (Rapport Brundtland,
Notre avenir à tous, 1987). Il y a donc deux aspects à souligner dans cette définition : d'une
part, on y aborde l'aspect répartition des fruits de la croissance puisqu'on affirme la primauté
des besoins des plus démunis, d'autre part on insiste sur la prise en compte des besoins des
générations futures pour limiter et encadrer notre croissance actuelle. Ce n'est donc pas le plus
possible tout de suite que l'on vise mais le plus possible compte tenu de deux exigences :
satisfaire les besoins essentiels de tous et protéger les générations futures en leur laissant une
planète qui pourra satisfaire leurs besoins essentiels. Le développement durable est donc un
compromis entre trois contradictions fondamentales : les intérêts des générations actuelles en
face de ceux des générations futures, les intérêts des pays industrialisés et ceux des pays en
développement, les besoins des êtres humains et ceux de la préservation des éco-systèmes.

Comment imposer les exigences du développement durable aux pays et aux entreprises (et même aux
consommateurs, en particulier dans les pays développés) ? C'est une question éminemment politique.
Des conférences internationales se réunissent périodiquement pour essayer de traiter ces questions.
Mais leur succès est tout relatif. Le protocole de Kyoto (1997), par exemple, qui a été signé par bon
nombre de pays et qui vise à limiter l'émission de gaz à effet de serre est encore à peine mis en
vigueur. Pourtant, "pour stabiliser les perturbations apportées à l'atmosphère, il faudrait diviser par 2
ou 3 les émissions mondiales de gaz. Or celles-ci continuent d'augmenter !" (D. Plihon, " Le
développement durable : le défi du XXIè siècle ", Ecoflash n°176, mars 2003). Les Etats-Unis, qui
polluent beaucoup, ont refusé de l'appliquer en ce qui les concerne. Cela signifie que, pour le moment,
il n'y a pas d'autorité mondiale capable d'imposer que soient prises en compte les nécessités du
développement durable.
1.3.2 - Accroître toujours plus le PIB, cela a-t-il toujours un sens ?

Quand on pose la question ainsi, il y a en fait quelque chose qui est sous-entendu : du sens à quel point
de vue ? En réalité, la question qui se pose est de l'ordre du jugement : un pays, une société font-ils
bien de chercher à obtenir la croissance la plus rapide possible ? Autrement dit, plus de croissance est-
ce plus de bien-être, des progrès équitablement répartis entre les membres de la société, par exemple ?
On se rapproche donc de la question du développement que l'on a déjà un peu abordée dans
l'introduction.

On peut remarquer qu'un certain nombre d'éléments permettent de penser que plus de croissance, ce
n'est pas forcément " mieux "

• Les effets négatifs de la croissance.


On inclut dans le P.I.B. tout ce qui est produit mais on ne se demande pas pourquoi on a dû
fabriquer cette production. Résultat : plus les gens fument, par exemple, plus le P.I.B.
augmente. En effet, d'une part, on produit plus de tabac ; d'autre part, la quantité de
médicaments et d'appareils d'examen qu'il faut produire et le nombre de consultations
médicales augmentent (le tabagisme augmentant, le nombre de cancers du poumon aussi). Au
total, la production augmente donc beaucoup. Est-ce un progrès ? Ce raisonnement peut être
fait sur pas mal d'exemples (les accidents de la route, la pollution, etc.) car il faut réparer les
dégâts et donc produire davantage. D'autre part, on vient de le voir, la croissance épuise les
ressources non renouvelables de la planète.

• Croissance ou développement ?
Le P.I.B. est un indicateur économique, mais il n'inclut pas un certain nombre d'activités
essentielles pour le maintien des solidarités entre les membres d'une société, en particulier
des services. La richesse d'une nation, est-ce seulement les richesses matérielles qu'elle réussit
à produire ? C'est un peu ce que laisse croire le calcul de la croissance à partir du P.I.B. Mais
n'est-ce pas aussi l'état de santé (y compris mentale) de la population, son niveau d'instruction,
la qualité des rapports sociaux entre les membres de la société, ou d'autres éléments ? Le
problème est que ces éléments ne se laissent pas facilement mesurer. Pourtant on sait bien que
la qualité de la vie est aussi importante que la quantité de biens dont on dispose (mais les deux
ne sont pas indépendants l'un de l'autre, évidemment). Le P.I.B. n'est pas un indicateur de
bien-être. [Revoyez la notion PIB si vous n'êtes pas convaincu]

La croissance économique n'est donc pas forcément le développement et si l'on veut parler de
développement, sans doute vaut-il mieux utiliser l'I.D.H. comme indicateur ainsi que le fait le
Programme des Nations Unies pour le Développement (P.N.U.D.). [Vous trouverez la présentation de
cet indicateur à la notion " IDH "]. Or, le classement des pays selon l'I.D.H. ne donne pas le même
résultat que celui selon le P.I.B. par habitant :

Titre : Rang de certains pays pour l'I.D.H. et P.I.B. par habitant (en dollar en parité de pouvoir d'achat),
en 2000.

- Norvège Suède U.S.A. France Chine Afrique du Sud


Rang pour l'I.D.H. 1 2 6 12 96 107
P.I.B. / hbt ($ PPA) 29 918 24 277 34 142 24 223 3 976 9 401

Source : P.N.U.D. , Rapport sur le développement humain, De Boeck, 2002


Que voyons-nous ? Suède et Norvège sont pratiquement à égalité pour l'I.D.H. (au premier rang
mondial) puisque l'I.D.H. de la Norvège atteint 0.942 et celui de la Suède 0.941. Pourtant il y a un
écart de plus de 5000 dollars par habitant entre les deux pays pour le P.I.B. par habitant, ce qui est loin
d'être négligeable. De même, les Etats-Unis, avec un P.I.B. par habitant élevé, le plus élevé du tableau,
ne sont qu'au 6ème rang pour l'I.D.H.. A l'autre bout de l'échelle, on observe que la Chine avec un P.I.B.
par habitant inférieur à la moitié de celui de l'Afrique du Sud est mieux placée qu'elle pour l'I.D.H.
(cela s'explique en particulier par une espérance de vie à la naissance beaucoup plus élevée en Chine,
70.2 ans, qu'en Afrique du Sud, 52.1 ans). Le niveau des richesses matérielles produites et sa
croissance ne sont donc pas le seul indicateur pertinent de l'amélioration des conditions de vie
dans un pays.

• La question de la répartition des richesses.


Enfin, on peut souligner que le P.I.B. par habitant n'est qu'une moyenne statistique. Comme
toutes les moyennes, il gomme les disparités. Savoir qu'un pays a augmenté son P.I.B. de
3% dans l'année ne nous dit rien sur ce que l'on a fait de cette augmentation. C'est ici la
question de la répartition des richesses produites qui est posée. Sur le plan du mode de vie, des
relations sociales, du bien-être général, il n'est pas indifférent que cette production
supplémentaire soit accaparée par quelques uns ou répartis sur l'ensemble de la population. On
est alors ramené au paragraphe précédent : si la Suède ou les pays nordiques en général se
classent si bien pour l'I.D.H., c'est parce que le choix a été fait, dans ces pays, de privilégier les
dépenses collectives (éducation, santé, …) qui profitent à tous et de limiter les inégalités de
revenus. Ce n'est évidemment pas le choix fait par les Etats-Unis où le revenu par tête, qui est
une moyenne, cache de grandes disparités.

Conclusion : un taux de croissance élevé (du PIB) n'est pas forcément synonyme de
développement du bien-être collectif. Il faut cependant dire et répéter que la croissance des
richesses produites est un formidable levier pour améliorer le sort de tous. Mais cela ne se fait pas
sans des choix politiques qui disent clairement comment la croissance doit être utilisée ou au service
de quels idéaux collectifs elle doit être mise. Il ne faut donc pas avoir le fétichisme du chiffre : 2% de
croissance qui profite à tous, c'est peut-être mieux que 3% accaparés par quelques uns

2 - Accumulation du capital, progrès technique et croissance.


On a vu dans la section précédente à quel point le capital était une source essentielle de la croissance.
Nous allons maintenant étudier plus précisément son rôle dans la croissance. Nous commencerons par
étudier les effets de l'investissement, c'est-à -dire de l'augmentation du stock de capital, sur la
croissance. Nous verrons ensuite que, parce que l'investissement vise souvent à mettre en œuvre le
progrès technique, celui-ci joue donc, in fine, un rôle essentiel, en particulier dans la transformation
des structures économiques et sociales.

2.1 - L'investissement (privé et public) stimule la croissance.


En principe, vous savez depuis longtemps ce qu'est un investissement. C'est un mot de la langue
courante, mais malheureusement, il n'a pas forcément le même sens en économie et dans le langage de
tous les jours, ce qui provoque parfois des erreurs de raisonnement ou de compréhension.
Heureusement, vous avez déjà étudié, en classe de première, l'investissement, en particulier dans le
cadre de la comptabilité nationale. Vous pouvez donc utilement vous reporter à votre cours de
première.
Traditionnellement, on dit que l'investissement est un facteur de croissance, c'est-à -dire qu'il est un des
éléments à l'origine de la croissance économique. Mais l'affirmer ne suffit pas, encore faut-il
comprendre pourquoi. Autrement dit, quels sont les mécanismes qui expliquent que les investissements
favorisent la croissance ? La réponse ne sera pas la même à court et à moyen terme, et nous verrons
aussi que les investissements publics peuvent jouer un rôle spécifique.

2.1.1 - A court terme, l'investissement favorise la croissance en


augmentant la demande de biens et services.

Investir, c'est acquérir du capital, c'est-à -dire des machines, des bâtiments, des brevets, etc. En
conséquence, puisque investir c'est acheter, l'investissement représente une composante de la demande
globale, à côté de la consommation. Si l'investissement augmente, la demande globale augmente : il
faut produire davantage de machines, par exemple, pour répondre à la demande d'investissement des
entreprises. Keynes a montré que l'accroissement de l'investissement entraînait un accroissement plus
que proportionnel du Revenu National : c'est ce que l'on appelle le mécanisme du multiplicateur. (Ce
mécanisme ne figurant pas au programme de terminale ne sera pas présenté ici mais vous pouvez
aller l'étudier dans les activités que nous vous proposons sur le multiplicateur).

Pour que ce processus puisse se mettre en place, il faut que les capacités de production ne soient pas, à
l'origine, toutes utilisées : sinon, il n'y aurait pas de possibilité de répondre à l'augmentation de la
demande en biens d'équipement, sauf à réduire la consommation ou les exportations ou à augmenter
les importations.

Donc, à court terme, l'investissement, parce qu'il est une composante de la demande globale, peut
générer de la croissance, sous certaines conditions. On peut remarquer que, bien qu'il représente une
part bien plus faible dans la demande que la consommation, l'investissement joue un grand rôle dans
les variations de la demande à court terme : en effet, la consommation est relativement stable dans le
temps, elle a une grande force d'inertie, alors que l'investissement est beaucoup plus instable, il
augmente ou diminue en fonction des anticipations des agents. Dans les fluctuations conjoncturelles (à
court terme, donc) de l'activité, les variations de l'investissement jouent finalement un grand rôle.

2.1.2 - A moyen terme, l'investissement favorise la croissance en


augmentant les capacités de production.
Investir, c'est acquérir des moyens de production. Donc, une fois qu'elle a investi, l'entreprise a
augmenté ses capacités de production. Elle peut donc produire plus de biens et services. A moyen
terme, l'investissement agit donc directement sur l'offre. Par ailleurs, l'investissement va permettre de
mettre en œuvre le progrès technique, notamment en permettant de mettre en place de nouveaux
procédés de production (en achetant une machine plus performante ou un ordinateur " dernier cri "). Il
permet ainsi l'accroissement de la productivité permettant la croissance. Il a donc un rôle essentiel dans
la croissance, qui est à relier à celui du progrès technique et que nous allons très bientôt étudier.

2.1.3 - Le rôle spécifique des investissements publics

A priori, que l'investissement soit public ou privé ne change rien à ses effets sur l'offre ou la demande.
Cependant, l'investissement public présente certaines spécificités en relation avec les domaines qu'il
concerne.

Il concerne d'abord les infrastructures (de transports, de télécommunications, etc…) qui sont utiles à
tous. Il concerne aussi la construction de bâtiments nécessaires à la production de services comme
l'enseignement ou la santé (construction d'un hôpital, par exemple). Ces investissements présentent
l'avantage d'avoir des effets externes positifs importants. Ils ne pourraient être assurés par le secteur
privé du fait de leur faible rentabilité à court terme à cause de leur coût. L'Etat les prend donc en
charge, contribuant ainsi à la formation de ce que certains appellent le " capital humain ".

La décision de faire tel ou tel investissement public relève donc rarement de la rentabilité immédiate.
En général, l'Etat raisonne plutôt en termes d'intérêt général. Mais la décision entre aussi dans le cadre
de la politique conjoncturelle de l'Etat : connaissant les effets économiques des investissements sur la
croissance, l'Etat peut décider d'utiliser les investissements publics comme instrument pour relancer
une croissance jugée trop molle. Cela entre dans le cadre d'une politique contra-cyclique d'inspiration
keynésienne.

L'investissement joue donc un rôle très important dans la croissance économique. Il montre les choix
faits par les entreprises pour l'avenir, son volume détermine également pour une partie non négligeable
le rythme de la croissance économique. Nous pouvons donc nous attaquer à une question essentielle :
qu'est-ce qui amène un agent économique (et ici, nous parlerons essentiellement des entreprises) à
décider d'investir ?

2.2 - La décision d'investir.

On va maintenant pouvoir se demander ce qui engendre la décision d'investissement. On parlera ici


essentiellement des investissements productifs, c'est-à -dire ceux des entreprises.

Quels sont les éléments qui incitent le chef d'entreprise à décider d'investir ? Investir, c'est prendre une
décision économique. Comme toutes les décisions, celle-ci se prend après réflexion et en fonction de
certains arguments. Ce sont ces arguments que l'on appelle les déterminants de l'investissement. Avant
de les présenter les uns après les autres, nous montrerons qu'il y a une exigence en toile de fond de
toutes les décisions d'investissement, c'est l'exigence de rentabilité.

2.2.1 - La nécessité de la rentabilité.

Nous allons d'abord présenter le ratio habituellement utilisé pour mesurer la rentabilité, puis nous
essayerons de voir quels sont les éléments qui l'influencent.

• Comment mesure-t-on la rentabilité ?


On compare les profits réalisés au stock de capital nécessaire pour réaliser ces profits (le taux
de profit est le rapport entre le profit et le stock de capital utilisé pour générer ce profit). En
utilisant les agrégats de la comptabilité nationale, on prendra l'Excédent brut d'exploitation
(E.B.E.) pour mesurer les profits et le capital fixe (K) pour mesurer le stock de capital
nécessaire. On a donc :

Taux de rentabilité économique = (E.B.E. / K) x 100

Si on veut parler de la rentabilité économique de l'investissement (et non celle du capital engagé), il
faut calculer la rentabilité marginale : celle-ci compare l'accroissement des profits à l'accroissement du
stock de capital (c'est-à -dire à l'investissement) qui a été nécessaire pour engendrer cet accroissement
des profits.

• De quoi dépend la rentabilité ?


A partir de la formule précédente, il est facile de voir que le taux de rentabilité dépend d'abord
de la valeur du capital, c'est-à -dire du coût des biens capitaux achetés lors de l'investissement.
Plus ils seront grands, plus il sera difficile d'obtenir une rentabilité satisfaisante.
Ensuite, la rentabilité dépend de la valeur de l'EBE. Or, celui-ci est le montant qui reste à
l'entreprise une fois qu'elle a payé les salaires et les charges sociales :

EBE = Valeur Ajoutée - Salaires et Charges sociales

La rentabilité dépend donc d'abord de la Valeur Ajoutée (plus celle-ci est forte, plus l'EBE est
potentiellement grand). Un faible coût des consommations intermédiaires (notamment les matières
premières et l'énergie) est donc une première condition de rentabilité des investissements.

On voit enfin que le partage de la valeur ajoutée (entre profits et salaires) risque d'influer sur
l'investissement : si la part des profits dans la valeur ajoutée s'accroît, on peut penser que cela sera
favorable aux investissements qui pourront être financés plus facilement comme nous allons le voir.
Cependant, il ne faut pas oublier que les salaires vont permettre la consommation. Si la part de la
valeur ajoutée consacrée aux salaires diminue, on peut penser qu'il y aura des effets négatifs sur la
demande. Or la demande est aussi un déterminant de l'investissement. On le voit, un partage de la
valeur ajoutée préservant à la fois la demande et les profits est difficile à trouver.

Vous voyez donc que la rentabilité économique des investissements dépend principalement du coût
des facteurs de production (capital, consommation intermédiaires et travail). Si l'entreprise réussit à
diminuer ses coûts, elle a des chances d'augmenter ses profits et sa rentabilité. Mais elle ne doit pas
oublier que les salaires qu'elle distribue sont aussi des revenus qui permettent d'acheter ce qu'elle
produit, autrement dit que la demande joue un rôle dans la rentabilité.

2.2.2 - Le rôle de la demande anticipée.

Sur le plan théorique, il a été mis en évidence par Keynes. Mais dans la réalité des entreprises, on a
toujours su, dans le système capitaliste, qu'il ne fallait produire que si l'on pensait pouvoir vendre sur
les marchés. La demande anticipée par l'entreprise, c'est-à -dire celle qui est prévue pour les années à
venir, celle que Keynes appelle la " demande effective ", joue donc un rôle essentiel dans la décision
d'investir.

Si les prévisions laissent entrevoir une hausse durable de la demande du produit fabriqué dans
l'entreprise, l'entreprise va probablement chercher à répondre à cette demande supplémentaire. Pour
cela, elle devra accroître sa capacité de production en acquérant des moyens de production
supplémentaires, c'est-à -dire qu'elle devra investir. On peut faire le même raisonnement si les
prévisions envisagent une transformation de la demande : par exemple, si l'on pense que la demande va
se porter de plus en plus sur des appareils combinés télévision/magnétoscope, il va falloir modifier les
outils de production et donc investir pour pouvoir satisfaire cette nouvelle demande, alors que la
demande de téléviseurs "classiques" va peut-être stagner.
En règle générale, les chefs d'entreprise considèrent donc l'évolution de la demande, dans son volume
comme dans sa nature, comme un déterminant essentiel de leur décision d'investissement. On peut
remarquer que si l'évolution de la demande peut être dans une certaine mesure anticipée, il n'en reste
pas moins toujours de l'incertitude. Les chefs d'entreprise sont alors amenés à prendre en compte dans
leur décision d'investissement des éléments relativement subjectifs : le climat des affaires est-il bon ?,
les ménages sont-ils optimistes ? (il y a des enquêtes sur le moral des ménages), etc.

Les effets d'une augmentation de la demande sur les investissements ont été mesurés par les
économistes : c'est le mécanisme de l'accélérateur, qui montre que l'augmentation de la demande
entraîne une hausse plus que proportionnelle des investissements. [Ce mécanisme n'est pas inscrit au
programme de terminale. Si vous souhaitez cependant l'étudier, allez voir, et faire, les activités que
nous vous proposons sur l'accélérateur].

2.2.3 - Le rôle des coûts de production.

Les profits, qui sont au numérateur du taux de rentabilité, sont les revenus restant à l'entreprise quand
elle a payé tous ses coûts. Si l'entreprise réussit à diminuer ses coûts, elle a des chances d'augmenter
ses profits et sa rentabilité. En particulier, si le coût du travail augmente plus rapidement que le coût du
capital (il y a donc un abaissement du prix relatif du capital), l'entreprise a intérêt à réaliser des
investissements de productivité qui aboutiront à économiser du travail. De même, si les prévisions
laissent entrevoir une demande stable et une concurrence accrue entre les producteurs, il peut être
nécessaire que l'entreprise, pour conserver sa part de marché, abaisse ses coûts de production et, pour
cela, réalise des investissements de productivité. Enfin, la localisation des investissements est
également tributaire des coûts de production : c'est vrai à l'échelon international, nous le verrons dans
le chapitre 6, mais c'est vrai aussi à l'échelon national si les facteurs de production et les
consommations intermédiaires n'ont pas le même coût partout.

2.2.4 - Le rôle des taux d'intérêt.

S'il y a une demande qui justifie l'investissement et si celui-ci semble suffisamment rentable compte
tenu du coût des facteurs de production, l'entreprise doit encore prendre en considération le coût de
financement de l'investissement, c'est-à -dire le taux d'intérêt, avant de décider d'investir. Comme nous
allons le voir, il y a deux mécanismes par lesquels le taux d'intérêt influence la décision
d'investissement.

• Une hausse du taux d'intérêt diminue la profitabilité de l'investissement


Quand le taux d'intérêt réel est élevé (on rappelle que le taux d'intérêt réel est le taux d'intérêt
constaté sur le marché, ou taux d'intérêt nominal, corrigé de l'inflation), c'est-à -dire que le prix
à payer pour emprunter est élevé, cela renchérit le coût de financement de l'investissement et
diminue donc les profits que peut espérer l'entreprise. Un taux d'intérêt élevé a donc tendance à
décourager les investissements. On définit la profitabilité de la manière suivante :

Profitabilité = taux de profit anticipé - taux d'intérêt réel

Quand la profitabilité est négative, l'entreprise doit " normalement ", c'est-à -dire dans une logique de
maximisation du profit immédiat, renoncer à investir. Cependant, dans la réalité, l'entreprise prendra
aussi en compte le long terme et l'état de la concurrence : si les concurrents investissent, l'entreprise
risque de se trouver à la traîne et de perdre des marchés, ce qui menace encore plus les profits futurs ;
dans ce cas, elle préfèrera investir plutôt que de placer, même si ce n'est pas plus avantageux à court
terme.

• Que se passe-t-il si l'entreprise n'a pas besoin d'emprunter pour investir ?


L'existence de profits non distribués permettant l'autofinancement joue bien sûr un rôle
majeur : plus la part de l'autofinancement sera élevée, moins l'entreprise devra payer pour
investir, plus il sera facile d'investir, indépendamment du niveau des taux d'intérêt. Cependant
le taux d'intérêt joue un autre rôle : il va guider le choix des entreprises dans l'utilisation de
leurs capitaux. Les entreprises vont comparer les revenus qu'elles vont tirer de leurs
investissements éventuels aux revenus qu'elles obtiendraient en prêtant leurs fonds, c'est-à -dire
en les plaçant sur les marchés financiers, au lieu de les investir. Plus le taux d'intérêt est élevé,
plus l'entreprise est incitée à placer ses fonds sur le marché financier plutôt qu'à investir, et
inversement.

Ainsi, en période de taux d'intérêt réel élevé, les entreprises peuvent renoncer à des investissements
éventuels pour deux raisons complémentaires : d'une part, emprunter pour investir coûte cher et
diminue donc les profits potentiels, d'autre part placer ses capitaux, c'est-à -dire les prêter à d'autres
agents économiques, rapportent beaucoup.

2.2.5 - L'investissement est une décision toujours risquée.

Quand une entreprise investit aujourd'hui, elle le fait, en quelque sorte, pour produire demain des biens
ou des services qu'elle vendra après-demain. On le voit, la décision d'investir est une décision qui
engage l'avenir : en effet, l'entreprise va décider d'augmenter son stock de capital (et c'est en général
une grosse dépense) alors qu'elle ne sait pas avec certitude de quoi demain sera fait. L'entreprise fait
donc toujours un pari sur l'avenir : elle parie qu'elle arrivera à rentabiliser son investissement, c'est-à
-dire à augmenter ses profits (attention ! augmenter ses profits, ce n'est pas forcément augmenter sa
production …). Voyons plus précisément quels sont les facteurs d'incertitude.

• Le problème de l'actualisation des valeurs futures


Une grosse difficulté pour l'entreprise est qu'elle doit comparer des valeurs monétaires dans le
temps. Si par exemple, on vous propose un investissement qui coûte 100 et qui vous rapporte
100 au bout d'un an, vous allez naturellement refuser : disposer de 100 dans un an est moins
intéressant que de disposer tout de suite de la même somme ! L'entreprise est dans la même
situation, puisqu'elle doit se priver d'argent aujourd'hui (en investissant) pour en récupérer plus
tard. Mais comment comparer les deux sommes ? Quelle valeur faut-il donner aujourd'hui à un
euro qu'on ne percevra que dans un mois, dans un an ? Trouver des éléments de comparaison,
c'est ce qu'on appelle actualiser les valeurs futures. Pour le faire, il faut tenir compte
notamment du taux d'intérêt : s'il est de 5%,100 euros placés pendant un an deviendront 105
euros, donc 105 euros perçus dans un an sont équivalents à 100 euros perçus aujourd'hui. Mais
le taux d'intérêt peut changer au cours du temps …

• La demande peut varier de manière imprévisible


Un investissement est toujours fondé sur une évolution prévue ou constatée de la demande, et il
consiste à immobiliser des facteurs de production pour répondre à cette évolution de la
demande (d'ailleurs, en langage comptable, les biens capitaux acquis lors des investissements
sont appelés "immobilisations "). Mais l'évolution de la demande peut être très rapide et ne pas
correspondre à ce qui avait été prévu, et l'investissement perd alors sa justification. C'est ce qui
serait arrivé à une entreprise qui aurait investi dans la construction de paquebots
transatlantiques juste avant le développement du transport aérien. Dans ce cas, non seulement
les investissements ont été faits en pure perte, mais en plus il n'est plus possible de mobiliser
les fonds utilisés pour profiter de la nouvelle évolution de la demande (le terme"
immobilisation " prend ici tout son sens).

• Les prix des facteurs de production ou des consommations intermédiaires peuvent varier
de manière imprévisible
On a vu plus haut que la rentabilité dépendait du coût des facteurs de production : capital,
travail et consommations intermédiaires. Si le prix des biens capitaux est connu au moment
d'investir (c'est le prix d'achat des biens que l'on acquiert lors de l'investissement), il n'en va pas
de même pour les autres : le prix de l'énergie peut s'envoler à la suite d'un choc pétrolier, le
coût du travail s'accroître à la suite d'un conflit social ou parce que la protection sociale coûte
de plus en plus cher. Bien entendu, l'entreprise peut essayer de maîtriser l'évolution de ces
coûts, mais tout ne dépend pas d'elle, loin s'en faut.

Conclusion : au niveau de l'entreprise, il y a donc des enjeux à l'investissement. De celui-ci va


dépendre la capacité de l'entreprise à réaliser des profits et à faire face à la concurrence pour gagner,
ou au moins ne pas perdre, des parts de marché. L'avenir de l'entreprise dépend donc du "bon" choix de
ses investissements, que ce soit sur le plan de leur volume (leur montant), que ce soit sur le plan de
leur nature (investissement de productivité ou de capacité, investissement immatériel ou matériel, etc.).
Devant l'incertitude qui , on l'a vu, touche bien des éléments à prendre en compte, le chef d'entreprise
peut ne plus très bien savoir à quoi se fier et prendre une décision très liée à ses convictions
personnelles.
L'investissement joue, on l'a montré, un rôle très important dans la croissance économique à court et
moyen termes. Nous allons maintenant nous interroger sur ce que permet l'investissement, parfois à
plus long terme, c'est-à -dire la mise en œuvre du progrès technique.

2.3 - Progrès technique et croissance : la destruction créatrice.

Le progrès technique est en amont de l'investissement et influe fortement sur les transformations à long
terme de la société, comme nous allons le voir. Il est aussi en aval car le progrès technique résulte de
certaines dépenses d'investissement, en particulier celles concernant la recherche. Du fait de ses
implications, tant à long terme qu'à court terme, on doit se demander qui maîtrise le progrès
technique : celui-ci peut servir à tous, en ce sens il peut être pensé comme un bien collectif ; en même
temps, il donne beaucoup de pouvoir à celui qui le maîtrise et peut donc être l'objet de marchandages
et de conflits. On peut donc s'attendre aussi à ce que l'Etat s'en mêle, vu les enjeux.

Après avoir précisé la définition du progrès technique, nous présenterons ses deux principales
modalités, et enfin nous étudierons les liens entre progrès technique et croissance

2.3.1 - Progrès technique, inventions et innovations.

Le progrès technique est un mot du vocabulaire courant, mais sa définition précise est un peu floue.
Derrière ce concept, les économistes distinguent plusieurs mécanismes bien précis qui jouent chacun
un rôle différent dans la croissance et le changement social.

• Définition générale du progrès technique

Le progrès technique est l'ensemble des améliorations apportées aux façons de produire et aux
produits (transformations de produits existants et création de nouveaux produits). Pour les
façons de produire, cela ne concerne pas que les biens de production mais aussi l'organisation
de la production ou de la commercialisation. Le résultat de ce progrès technique est en général
la hausse de la productivité.

o Les inventions.
Cet ensemble d'améliorations passe par des découvertes scientifiques qui résultent de la
recherche fondamentale, c'est-à -dire au niveau des principes théoriques, sans
application concrète. Ces découvertes sont appelées inventions. Par exemple, la
machine à vapeur est d'abord une invention : on met en évidence le fait que la vapeur
d'eau peut être utilisée pour actionner des machines. Mais, concrètement, il n'y a pas
encore d'application. L'invention est souvent liée à un homme ou à une équipe
relativement restreinte.
o L'innovation
C'est l'application réussie d'une invention : le principe de la machine à vapeur va être
utilisé pour mouvoir tout un tas de machines au 19è siècle. Il peut d'ailleurs se passer
beaucoup d'années entre une invention et l'innovation qui en résulte. Il faut ajouter qu'il
est bien rare qu'une invention ne déclenche pas une foule d'innovations, des petites et
des grandes. Ce sont en général les entreprises qui vont découvrir ces innovations, grâce
à leurs services de recherche. On parle là de recherche appliquée ou, plus
fréquemment, de "recherche-développement ", financée le plus souvent par les
entreprises elles-même.

• Les différents types d'innovation.

Les innovations ont pour vocation d'améliorer les produits et les façons de produire et/ou de
vendre (la commercialisation, c'est la production d'un service, donc innover dans la vente, c'est
aussi améliorer les façons de produire). Elles concernent aussi l'amélioration ou la création
des produits. Elles peuvent donc être très diverses. Nous nous contenterons de présenter ici
trois sortes d'innovation :
o L'innovation de procédé (on parle aussi parfois d'innovation de process) : l'innovation
concerne les techniques de fabrication, par exemple dans les machines ou dans
l'organisation de la production ou de la commercialisation. Il faut bien se rappeler que
quand une entreprise choisit de modifier son organisation interne, par exemple pour
produire en flux tendus aujourd'hui, ou pour produire à la chaîne au milieu du 20è
siècle, il s'agit de la mise en Å“uvre d'une innovation, et plus spécifiquement d'une
innovation de procédé.
o L'innovation organisationnelle, qui est l'innovation dans l'organisation de l'entreprise
et dans l'organisation du travail. On les étudiera de façon plus approfondie dans le
chapitre suivant.
o L'innovation de produit : l'innovation concerne le produit fabriqué lui-même, il s'agit
d'un produit nouveau ou d'un produit incorporant une nouveauté.

2.3.2 - L'origine du progrès technique.

D'où vient le progrès technique ? Il faut tout de suite dire que le progrès technique ne tombe pas du
ciel, encore moins les innovations. Le hasard met parfois les chercheurs sur le chemin de la
découverte. Mais encore faut-il qu'il y ait des gens qui cherchent. Autrement dit, progrès technique et
innovations sont le fruit d'une intense activité du genre humain. Il n'en reste pas moins que quand on
cherche, on n'est jamais complètement sûr de trouver et il est rare que l'on sache quand on trouvera. Il
y a donc de l'incertitude dans cette activité, qui coûte pourtant cher. On peut donc penser que, puisque
les entreprises font des efforts, parfois très importants, de recherche, elles ont de bonnes raisons pour
les faire. On peut distinguer plusieurs origines aux innovations :

• Le rôle de l'entrepreneur
Schumpeter a montré le rôle majeur joué par celui qu'il appelle l'entrepreneur. Celui-ci, à
contre-courant de la société, va prendre le risque d'innover (innover, c'est toujours prendre un
risque, puisqu'on ne sait pas d'avance si l'innovation va marcher ou pas). En échange de cette
prise de risque, et si l'innovation est un succès, l'entrepreneur va réaliser des profits très au-
dessus de ceux réalisés dans les autres entreprises. En effet, l'innovation va donner à
l'innovateur une situation de monopole sur le marché : il est le seul à fabriquer ce nouveau
produit, ou il est le seul à produire de manière aussi productive, et dans les deux cas il va
profiter de sa situation pour réaliser des super-profits. Ce monopole n'est que temporaire car les
autres entreprises vont vouloir imiter l'entreprise innovante, ce qui permettra la diffusion de
l'innovation et sa banalisation (l'innovation perdra alors son caractère innovateur). On voit ici
l'innovation reposer sur un homme ou une entreprise, qui ont une vue particulière de l'avenir et
acceptent de prendre des risques. On peut remarquer que plus une entreprise a un vaste marché,
plus elle pourra facilement assurmer ce risque : les coûts de la recherche seront répartis sur
davantage de prduits.

• La croissance favorise le progrès technique


Mais il y a d'autres sources aux innovations et au progrès technique en général : on souligne
aujourd'hui le caractère endogène du progrès technique, c'est-à -dire le fait qu'il est le produit
de la croissance elle-même en même temps qu'il en est à l'origine. D'une part, la croissance
économique donne les moyens de financer un effort de recherche important et " quand on
cherche, on trouve ". D'autre part, les innovations s'enchaînent les unes aux autres, une
innovation donne des idées à d'autres chercheurs, dans d'autres secteurs, pour d'autres produits.
Si les chercheurs aiment s'installer près les uns des autres (pensez à la Silicon valley, par
exemple, ou aux pépinières d'entreprises), ce n'est pas par hasard, c'est parce qu'ils progressent
au contact les uns des autres. Une fois encore, les innovations ne tombent pas du ciel, il y a
certes des inventeurs géniaux, mais pas beaucoup. Il y a surtout des gens qui travaillent.

• Le rôle décisif de l'Etat


L'Etat joue donc un rôle essentiel en rendant possible, ou plus facilement réalisable, le progrès
technique :

o L'Etat va financer très largement la recherche fondamentale : celle-ci, qui est à l'origine
des inventions, est beaucoup trop coûteuse et aléatoire pour être prise en charge par des
laboratoires privés. En même temps, comme son nom l'indique, elle est fondamentale.
Une partie de cette recherche s'effectue donc dans des laboratoires publics. Cela peut se
faire aussi dans des laboratoires privés sur subventions publiques. Le produit de cette
recherche est censé appartenir à tous. Il n'est pas vendu, même si parfois cela donne lieu
à discussion (ainsi pour les recherches sur le génome humain).
o L'Etat va encourager les entreprises à développer la recherche-développement et, pour
cela, leur garantir une protection contre le pillage de leurs découvertes. C'est le principe
des brevets : si une innovation n'était pas protégée par un brevet, n'importe quelle autre
entreprise pourrait copier l'innovation sans avoir à supporter les coûts de la recherche et
aucune entreprise ne voudrait plus faire de recherche. L'existence des brevets n'empêche
pas les copies mais les limite nettement. L'espionnage industriel n'est cependant pas du
tout une invention des romanciers ou des cinéastes.
o Enfin, l'Etat joue un rôle très important en formant la population. N'importe qui ne peut
pas faire de la recherche, fondamentale ou appliquée, n'importe quel travailleur ne peut
pas mettre en œuvre des technologies sophistiquées. Il faut qu'il soit formé. En donnant
une solide formation initiale à sa population, l'Etat contribue à la formation du capital
humain favorable au progrès technique et à la croissance.

Conclusion : nous sentons bien maintenant l'importance du progrès technique et de ses applications
dans les sociétés modernes. Il reste à comprendre les liens qui unissent le progrès technique à la
croissance économique et aux transformations de nos sociétés.
2.3.3 - Comment le progrès technique peut-il être facteur de croissance ?

Il s'agit ici de se demander comment le progrès technique engendre de la croissance, autrement dit de
s'interroger sur les mécanismes. Le premier de ces mécanismes passe à court et moyen terme par les
gains de productivité issus du progrès technique et ce que l'on en fait. Nous allons d'abord définir les
gains de productivité puis distinguer les quatre différents usages que l'on peut en faire, en explicitant à
chaque fois leur effet sur la croissance. Enfin, nous expliquerons pourquoi les gains de productivité
peuvent provoquer des conflits.

• le progrès technique permet la réalisation de gains de productivité


C'est l'objectif des innovations, en particulier des innovations de procédé, d'engendrer ces
gains. De quoi s'agit-il et comment ça se passe ? Quand on met en oeuvre une innovation dans
la branche automobile, et concrètement cela signifie la plupart du temps que l'on a investi, on
va produire par exemple plus de voitures dans le même temps de travail (mettons de 10 à 12).
La productivité a donc augmenté : ces deux voitures supplémentaires sont le fruit des gains de
productivité. Attention : les gains de productivité ne sont pas de l'argent, comme ceux du loto.
Ils peuvent évidemment se transformer en argent mais ce n'est pas toujours le cas, on va le voir.
Parler de "gains de productivité" signifie simplement que la productivité a augmenté.
Cela ne nous dit rien sur comment on utilise cette productivité accrue. Et on va le voir, selon
l'utilisation que l'on fait des gains de productivité, l'effet sur la croissance économique sera
différent.

• Les utilisations possibles des gains de productivité sont plus ou moins favorables à la
croissance.
L'entreprise qui gagne en productivité, par exemple notre entreprise automobile de toute à
l'heure qui fabrique 12 voitures alors qu'elle n'en fabriquait que 10 auparavant dans le même
temps de travail, peut utiliser ce gain de 4 manières différentes. Elle peut :
o Baisser les prix : en effet, le coût unitaire (celui de chaque voiture) diminue puisque,
sans dépenser plus de travail (et à condition que les salaires ne varient pas), on fabrique
plus de voitures. L'entreprise attend de cette baisse des prix une augmentation de la
demande qui lui est adressée, donc une augmentation de sa production. Au niveau
macro-économique, la baisse des prix engendre une hausse du pouvoir d'achat qui
permet d'augmenter la demande et cela, pas seulement dans la branche qui a baissé ses
prix. Donc globalement, la demande augmente, la production doit en principe suivre,
surtout si les capacités de production ne sont pas toutes utilisées. Cette baisse des prix
va donc engendrer des effets favorables à la croissance.
o Diminuer la durée du travail : en effet, puisqu'on met moins de temps à fabriquer
chaque voiture, on peut très bien en fabriquer le même nombre qu'avant les gains de
productivité et faire travailler moins longtemps chaque travailleur. Si en 35 heures, les
travailleurs arrivaient à fabriquer autant qu'en 39 heures grâce aux gains de
productivité, on peut très bien diminuer le temps de travail sans diminuer les salaires.
C'est d'ailleurs grâce aux gains de productivité que le temps de travail a pu beaucoup
diminuer en France à partir des années 60, alors même que les salaires continuaient à
augmenter. Cette diminution du temps de travail n'engendre pas directement de
croissance économique. En revanche, elle modifie les genres de vie et améliore sans
doute le bien-être général : elle a donc un effet positif sur le développement plus que sur
la croissance.
o Augmenter les profits : en gardant le même exemple, chaque voiture coûte moins cher
à fabriquer puisque la productivité a augmenté. Si on maintient le prix à son niveau
initial, toutes choses égales par ailleurs, la marge de l'entreprise augmente. Celle-ci
réalise donc davantage de profits. Quel effet a cette augmentation sur la croissance ?
Les profits sont destinés à être distribués aux actionnaires, mais ceux-ci peuvent décider
d'en laisser une partie, plus ou moins grande, dans l'entreprise pour financer au moindre
coût les investissements futurs. Si les profits sont distribués, ils constituent des revenus
pour ceux qui les encaissent et augmentent donc leur pouvoir d'achat. Il peut donc en
résulter une augmentation de la demande. S'ils sont conservés dans l'entreprise et
financent de l'investissement supplémentaire, ils sont évidemment favorables à la
croissance, comme on l'a vu plus haut.
o Augmenter les salaires : puisque les travailleurs produisent plus dans le même temps,
on peut envisager de les rémunérer davantage sans que cela ne change rien au prix de
vente, ni au profit. Dans ce cas, on aura une augmentation des revenus dont on peut
attendre une augmentation de la demande, ce qui va inciter les entreprises à produire
davantage, et la croissance s'accroît.

• Le conflit autour du partage des gains de productivité


Les gains de productivité peuvent permettre de faire ces quatre actions. Mais ce n'est pas ou
l'une, ou l'autre. Cela peut être les quatre à la fois : on baisse un peu les prix, un peu la durée
du travail, on augmente un peu les salaires et les profits. Toutes les combinaisons sont
possibles et c'est d'autant plus facile que la productivité augmente rapidement. Le choix qui est
fait dépend des entreprises mais les entreprises subissent certaines contraintes : par exemple, si
la concurrence par les prix est vive sur le marché, l'entreprise va chercher à diminuer ses prix
pour garder sa compétitivité, elle sera très réticente sur une hausse des salaires. De même, à
certaines périodes, les salariés sont en position de force pour négocier et obtenir que les gains
de productivité soient au moins en partie utilisés pour augmenter les salaires. Autrement dit, le
partage des gains de productivité, qui a un effet direct sur la croissance, peut être l'objet
de conflits, en tout cas de négociations.

Conclusion : les innovations mises en oeuvre grâce aux investissements génèrent une hausse de la
productivité et cette hausse de la productivité, à son tour, aboutit, par des canaux variés, à une
accélération de la croissance. On voit donc l'importance du progrès technique pour la croissance. Mais,
à plus long terme, le progrès technique a d'autres effets sur la croissance, que nous verrons dans le
paragraphe suivant.

2.3.4 - Le progrès technique et la transformation des structures


économiques : la destruction créatrice.

Schumpeter a montré les bouleversements qu'entraînait à long terme le progrès technique dans les
structures de la production. Le mécanisme de la "destruction créatrice" est assez simple à comprendre :
dans les entreprises, ou les branches, où les gains de productivité sont rapides parce que il y a de
nombreuses innovations, les profits sont élevés. Ces profits élevés attirent de nouveaux producteurs, la
concurrence augmente et les prix baissent. Les producteurs les moins productifs ne pourront pas
supporter cette baisse des prix et feront faillite. Cela pose bien sûr des problèmes sociaux, mais sur le
long terme, il est nécessaire que les entreprises les moins rentables et/ou fabriquant des produits
dépassés disparaissent : en effet, dans ces entreprises, les facteurs de production (capital et travail) sont
utilisés moins productivement qu'ils pourraient l'être ailleurs. Il y a donc du gaspillage.

Prenons un exemple. Une innovation majeure ( !) apparaît : le presse-purée électrique. L'entreprise qui
lance l'innovation, seule sur le marché, connaît le succès, elle vend ses presse-purée électriques très
cher et réalise des super profits. Les producteurs de presse-purée manuels sont directement
concurrencés parce que les deux produits ont la même fonction. Ils vont avoir du mal à se reconvertir
car c'est une transformation complète de leur activité, c'est un autre métier (car il y a un moteur
électrique). Il est probable que la demande de presse-purée manuels va chuter et les entreprises le
fabriquant vont faire faillite, disparaissant finalement de la vie économique. Le progrès technique
transforme donc les structures de la production et il y a sans cesse un mouvement de secteurs en déclin
et de secteurs en essor. On voit bien où est la destruction dont parlait Schumpeter et où est la création.
Les deux sont indissociables et les transformations structurelles qui en résultent ne sont pas
qu'économiques, elles sont aussi sociales. Nous le verrons plus loin, plus précisément grâce à un
exemple.

2.4 - Les liens entre les transformations des structures économiques,


politiques et sociales : l'exemple de l'urbanisation.
Nous avons vu quels sont les effets du progrès technique sur la croissance économique. Mais le
progrès technique contribue aussi au changement des structures économiques et sociales. Nous allons
maintenant montrer, grâce à un exemple, les interactions entre la croissance et les transformations des
structures économiques, sociales et politiques.
L'urbanisation peut se définir comme le mouvement qui fait que la population habite de plus en
plus (proportionnellement) dans les villes : autrement dit, c'est l'habitat qui fait la ville. Mais qu'est-
ce qu'une ville ? La réponse est beaucoup moins simple qu'il n'y paraît : on peut penser qu'une ville
rassemble des habitats collés les uns aux autres. Oui, mais combien ? un village, est-ce une ville ? La
réponse à ces questions a varié au cours du temps. La population urbaine est, approximativement,
celle qui vit dans des agglomérations rassemblant plus de 2 000 personnes agglomérées. La
population rurale est celle qui n'est pas urbaine. Il faut donc distinguer la population rurale de la
population agricole : la première est déterminée par son habitat, la seconde par son activité
économique. Autrement dit, dans la population rurale, il y a de nombreux ménages non agricoles. Le
fait que les populations vivent de plus en plus dans les villes est un fait avéré, et pas seulement dans les
pays anciennement développés : aujourd'hui, les plus grandes villes au monde sont situées dans des
pays parfois très pauvres (Le Caire, Mexico, etc.).L'urbanisation est un bon exemple de
transformations économiques, sociales et politiques entremêlées et c'est ce que nous allons montrer.

2.4.1 - La croissance favorise l'urbanisation.


La croissance économique débute avec la révolution industrielle, au 19ème siècle pour les pays
anciennement développés. Elle repose sur le développement de branches de production industrielles
(sidérurgie, textile, etc…). Ces industries concentrent la main d'œuvre sur des lieux précis, des villes
préexistantes mais aussi des lieux complètement nouveaux (par exemple, à proximité immédiate de
gisements miniers) où naissent de nouvelles villes. Comme la journée de travail est spécialement
longue au 19ème siècle, il ne peut pas être question d'habiter très loin de son lieu de travail.
L'habitat groupé, urbain, se développe donc très rapidement dans les zones qui s'industrialisent. Cette
urbanisation, générée par la croissance, va elle-même entraîner de nombreuses transformations
économiques, sociales et politiques, et favoriser à son tour la croissance économique.

2.4.2 - L'urbanisation engendre aussi des transformations économiques.

On peut trouver de nombreux exemples de ces transformations et le mieux serait que vous en cherchiez
vous-même. A titre d'exemple, je vous en propose deux :

• La salarisation croissante de la population active travaillant dans les industries, c'est-à


-dire dans les villes, va susciter une demande qui n'existait pas auparavant, en rendant
"marchandes" des activités qui ne l'étaient pas. Ainsi, le fait de travailler hors de son domicile,
toute la journée et tous les jours de l'année, rend impossible la confection des tissus et des
vêtements dans l'espace domestique. Se développe alors une demande de tissu dans un premier
temps, puis de vêtements directement, dans un second temps, qui va favoriser le
développement de la branche textile.
• Le développement des villes, et en particulier, leur extension spatiale, va rendre nécessaire
le développement de services collectifs, tels le ramassage des ordures, le développement des
réseaux de distribution d'eau (puis d'énergie), les transports collectifs. Ces services, il faut les
produire (ce qui suppose la formation et l'embauche de personnes) et parfois même
reconfigurer la ville pour cela (pensez aux grands travaux d'aménagements urbains menés dans
les grandes villes à partir de 1850 (travaux d'Hausmann à Paris, percement de la rue de la
République à Lyon, par exemple).

2.4.3 - L'urbanisation transforme les solidarités anciennes.

L'urbanisation rend possible l'individualisation croissante des comportements : l'individu est loin
du regard de sa famille et de la communauté villageoise qui pesait sur lui à la campagne dans les
sociétés traditionnelles. Il va pouvoir s'affranchir de ce contrôle social pesant (ce qui ne signifie pas
que le contrôle social disparaît totalement). En contrepartie, la solidarité de voisinage, très forte
dans les sociétés traditionnelles, s'affaiblit aussi : l'isolement est bien plus grand dans les villes qu'il
ne l'était dans les campagnes. Cela se traduit au 19ème siècle par une misère individuelle très grande
dans les villes. A partir du milieu du 20ème siècle, c'est l'Etat-providence qui va peu à peu assumer
la prise en charge des risques individuels et protéger les individus contre les grands risques de
l'existence (maladie, vieillesse, etc…). On a une solidarité qui, d'une certaine façon, se désincarne,
c'est-à -dire qui est de moins en moins portée par des personnes physiques. On verra plus loin que ce
n'est pas sans poser des problèmes.

2.4.4 - L'urbanisation transforme les structures du pouvoir politique.

Le développement des villes a imposé la création de nouvelles entités politiques. On peut en citer
au moins deux :

• Les syndicats intercommunaux ou communautés de communes : il s'agit de regroupements de


communes destinés à gérer les problèmes communs. Les exemples abondent : une
agglomération (qui est en général constitué de plusieurs communes) a des problèmes de
transports (des personnes, de l'énergie ou des déchets, par exemple) qui imposent des décisions
communes. Il a donc fallu créer des structures permettant de prendre ces décisions.
• Les Régions sont un échelon de décision politique qui a été créé récemment pour rendre plus
efficaces et cohérentes les décisions politiques concernant un espace bien plus réduit que la
Nation, mais bien plus grand que la Commune ou le Département.

Conclusion

L'urbanisation montre donc que la croissance économique et les transformations structurelles


qui lui sont liées sont interdépendantes. Les liens ne sont pas à sens unique : certes la croissance
engendre l'urbanisation mais l'urbanisation engendre aussi de la croissance. Ils sont aussi à la fois
économiques, sociaux et politiques.


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