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Bilan final 61
Bibliographie 62
Cours magistral
II-ème année, II-ème semestre
Titulaire : Anda Radulescu – professeur des universités
Thèmes fondamentaux :
1. Les constituants obligatoires de phrase (les phrases assertive, interrogative, impérative et exclamative)
2. Les constituants facultatifs de phrase (la négation, l’emphase, le passif, l’impersonnel)
Objectifs généraux:
- assimiler les concepts théoriques et opérationnels utilisés par la linguistique française (grammaires
tradictionnelle, structurelle, transformationnelle, fonctionnelle, des cas) ;
- présentation et analyse des faits de langue : unités du système linguistique, structure et relations morpho-
syntactico-sémantiques qui s’établissent entre les unités d’une langue, afinités combinatoires et oppositions
grammaticales et / ou lexicales.
Objectifs spécifiques :
- reconnaître les divers constituants de phrase ;
- construire une phrase à partir d’un schéma phrastique donné ;
- distinguer les actes directs et indirects de langage.
Temps alloué : 2 h
1
Pour Anscombre et Ducrot (1988:36) l’énonciation désigne «l’activité langagière exercée par celui qui parle au
moment où il parle. Elle est donc par essence historique, événementielle, et, comme telle, ne se reproduit jamais
deux fois identique à elle-même».
2
Il ne faut pas confondre les modalités d’énonciation avec les modalités d’énoncé. Ces dernières marquent
l’attitude du sujet énonciateur vis-à-vis du contenu de son énoncé. L’énonciateur peut présenter son énoncé
comme certain, possible, probable, utile, nécessaire, agréable, etc.
Ce dernier paramètre renvoie aux actes illocutoires d’Austin 3 (ex : Je dis qu’il fait beau aujourd’hui. Je
demande si Marie est arrivée. J’ordonne que les soldats passent la rivière, etc).
Le Goffic (1993:17) attire pourtant l’attention sur la possibilité assez fréquente de confusion entre les
modalités de phrase et les actes de discours tels que : l’ordre, la demande, la promesse, la menace,
l’accomplissement performatif, etc.
Il y a bien entendu des rapports entre les modalités de phrase et les actes de discours, en ceci que les
modalités de phrase sont des composants essentiels à la base des actes de discours : la valeur assertive
fondamentale de la phrase indicative à mélodie descendante se spécifie selon le cas en simple constat,
accomplissement performatif, promesse, etc.; une interrogation peut tout naturellement être une
demande d’information, mais peut être aussi un acte indirect tel qu’une ‘demande de faire’ (Pourriez-
vous ouvrir la fenêtre?). (id.)
Pour pouvoir comprendre l’affirmation de Le Goffic il faut préciser que la langue n’est pas uniquement
un moyen de transmettre des informations, mais aussi un moyen d’agir sur autrui. Voilà pourquoi tout acte
d’énonciation doit avoir une force intrinsèque 4 qui agit sur l’interlocuteur. Au moment où le locuteur énonce une
phrase, dans une situation de communication donnée, il accomplit un acte de langage, qui instaure une certaine
relation avec son interlocuteur. La philosophie analytique anglaise (Austin, Searle) distingue deux types d’actes
de langage :
a) les actes institutionnels, conditionnés et sanctionnés par une institution sociale:
Je déclare la séance ouverte.
Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité.
Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
b) les actes de langage ordinaires, qui s’accomplissent indépendamment d’un cadre organisé, dans les
interactions quotidiennes :
Je te préviens que si tu me mens, je le saurai. (Colette)
Je te promets de venir demain.
Je te félicite pour ton succès.
Cependant, même s’il n’est pas effectué dans le cadre d’une institution, l’acte de langage ordinaire n’est
pas indépendant de toute détermination sociale. Par exemple, le locuteur peut donner un ordre à son interlocuteur
si, dans des circonstances déterminées, la hiérarchie sociale le lui permet.
Un acte de langage repose toujours sur une convention sociale implicite qui associe, dans une
communauté donnée, telle expression linguistique à la réalisation de tel acte de langage particulier. Ainsi, la
grammaire française associe directement une phrase déclarative à un acte assertif, une phrase interrogative à un
acte de questionnement, une phrase impérative à un acte d’injonction, etc.
3
Austin considère que les actes de parole sont de trois types :
- locutionnaires – les actes par lesquels on dit quelque chose ;
- illocutionnaires – les actes qui visent le but de la communication (d’obtenir une réponse dans le cas d’une
phrase interrogative, de protester contre une affirmation, donner un ordre, faire une promesse, etc)
- perlocutionnaires – par ces actes le locuteur veut obtenir une certaine réaction de la part de son
interlocuteur: par exemple, lorsqu’on donne un ordre, l’interlocuteur peut s’y soumettre, le contester,
l’ignorer, etc.
4
La force illocutionnaire qui correspond à un acte illocutionnaire / illocutoire agit sur le locuteur, le poussant à
exécuter une certaine action. Le même acte locutionnaire peut avoir une force illocutionnaire différente. Par
exemple, un énoncé tel que Je viendrai demain peut s’interpréter, en fonction du contexte, comme : a)
promesse ; b) menace ; c) avertissement.
4
Toute langue n’est en somme qu’un langage, ce qui implique nécessairement qu’elle se compose de
sons… (Ionesco)
Andromaque: - Aimes-tu la guerre?
Hector: - Pourquoi cette question? (Giraudoux)
Dessine-moi un mouton. (St.Exupéry)
b) indirects, qui sont accomplis au moyen d’un énoncé contenant une forme associée
conventionnellement à un autre acte que celui qu’ils visent à accomplir. C.Kerbrat-Orecchioni distingue deux
types d’actes indirects :
· la «dérivation allusive» :
Il fait froid ici! (acte direct : Ferme la porte!)
Cette choucroute est délicieuse. (acte direct : Sers-m'en encore un peu!)
Il se fait tard. (acte direct : Rentrez chez vous!)
Riegel (1994:589) précise que dans tous ces cas, «le sens littéral de l’énoncé n’est pas annulé par l’acte
indirect. Celui-ci s’y ajoute, de manière secondaire, comme un sous-entendu, déterminé par la situation.
L’affirmation littérale reste vraie et se trouve complétée par l’acte indirect qui en est contextuellement le
prolongement quasi naturel».
· le «trope illocutoire» :
Avez-vous l’heure?
Pourriez-vous fermer la fenêtre?
Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec! (Stendhal)
Les deux premières phrases perdent leur valeur interrogative pour exprimer indirectement une demande.
La dernière phrase n’est même pas pourvue d’un point d’interrogation, mais d’un point d’exclamation, qui
confirme l’interprétation injonctive. Dans les trois exemples, la valeur littérale directe de la phrase est remplacée
par la valeur dérivée, indirecte.
En fonction du constituant de phrase sélecté, la phrase peut revêtir en structure superficielle les formes
suivantes :
Tu es audacieux.
Tu es audacieux?
Sois audacieux!
Oh, comme tu es audacieux!
En général, les tenants de la GGT, de même que d’autres linguistes, retiennent uniquement trois types
de phrases simples, selon les relations qui s’instaurent entre le locuteur et l’interlocuteur, dont l’Affirmation qui
«vise à communiquer une certitude», l’Interrogation qui «est une énonciation construite pour susciter une
réponse» et l’Intimation ou l’Impératif «impliquant un rapport vivant et immédiat de l’énonciateur à l’autre dans
une référence nécessaire au temps de l’énonciation» (E.Benveniste, 1974:84). On considère donc que
l’Exclamatif est de nature expressive et n’a pas de réalisateurs propres; il ponctue normalement l’injonction, «se
superpose à l’interrogation et à l’assertion, sans exclure, dans le dernier cas, un accompagnement formel de la
mélodie:
- inversion: Est-elle mignonne! L’aime-t-elle sa petite femme!
- pronoms interrogatifs à valeur intensive (qu’est-ce que, ce que): Qu’est-ce qu’on a pu manger de viande!
- prédication obligatoire: Onze heures déjà et ma tante qui n’arrive pas.
- infinitif matriciel (dire, penser): Et dire que ma tante n’arrive pas!
- adverbes (que, comme, combien): Combien de monde attend le docteur ce matin!
- quantifiant-caractérisant (quel): Quel désordre dans sa chambre! » (Wilmet, 1997:451)
Les constituants Impératif et Exclamatif sont pourtant deux types distincts de phrase, vu que l’Impératif
est centré sur le destinataire et l’Exclamatif sur l’émetteur.
La dénomination de constituant de phrase peut engendrer des confusions, parce que cette étiquette
s’applique aussi au SN1 et au SV, comme éléments fondamentaux de toute phrase noyau. Voilà pourquoi nous
considérons que ce serait mieux de parler de types de phrases, pour ne pas prêter à des ambiguïtés.
Les théoriciens de la GGT distinguent entre deux types de constituants de phrase :
· obligatoires, qui représentent les quatre modalités énonciatives. Ils sont appelés ainsi parce que toute
phrase doit nécessairement contenir l’un d’eux. Ils sont structurés en paradigme, s’excluant mutuellement 5.
· facultatifs, qui peuvent être co-occurrents aux premiers, tels que: la Négation, l’Emphase et le Passif.
Les grammaires plus récentes ajoutent le quatrième type de constituant facultatif, l’Impersonnel.
La règle générale (=la forme canonique) de réécriture des constituants de phrase est :
Const. P Assertif + (Nég.) + (Emph.) + (Passif) + (Impers)
Interrogatif
Impératif
Exclamatif
2. Règles de combinaison
En principe, tout constituant obligatoire peut se combiner avec un ou plusieurs constituants facultatifs.
La seule restriction de combinaison est d’avoir un seul constituant obligatoire + un / plusieurs constituant(s)
facultatif(s)6. Par exemple :
Assert + Négatif : Je ne mange pas ce croissant.
Interrog + Emphase : Marc, c’est toi qui mangeras ce croissant?
Impér + Négatif : Ne mange pas ce croissant!
Exclam + Négatif : Que de croissants n’a-t-il pas mangés!
Inter + Nég + Pas : N’a-t-elle pas été prévenue de ma visite?
Assert + Nég + Emph : Ce n’est pas Marie qui me l’a dit.
Pourtant, toutes les combinaisons de constituants ne sont pas possibles, vu certaines contraintes de
compatibilité sémantique. Si pour la phrase assertive, interrogative et exclamative on n’enregistre pas de
restrictions portant sur la combinaison des constituants obligatoires + facultatifs, dans le cas du constituant
Impératif on enregistre :
a) des combinaisons exclues : *Impératif + Impersonnel
Cette combinaison est exclue, étant donné le fait que l’impératif exige un destinataire précis (de la II-
ème personne du singulier / pluriel ou de la I-ère personne du pluriel), tandis que l’impersonnel exige un sujet
spécifique, un pronom impersonnel (il, ce, ça, cela) ;
b) des combinaisons rares : Impératif + Passif
Cette combinaison exige un verbe à deux actants nominaux humains (le sujet et le complément d’objet
direct) :
Soyez bénis! Sois maudit! Soyez remerciés!
Dans toutes ces constructions, le complément d’agent n’est pas normalement exprimé.
5
Nous allons employer le terme Assertif à la place de Affirmatif¸ pour des raisons que nous expliquerons en
détail au chapitre réservé à la phrase assertive.
6
«La formule de réécriture de CONST avec le choix obligatoire entre Affirm, Interrog et Impér, qui sont donc
mutuellement exclusifs, rend compte de l’impossibilité d’avoir une interro-impérative, ou une impéro-
interrogative, ou une affirmative-interrogative, ou une affirmative-impérative» (J. et F. Dubois, 1970:137-138).
7
Dans le dirème exclamatif (=phrase exclamative inorganisée) les deux constituants sont explicités, mais ils
sont grammaticalement disjoints par une pause relative (marquée dans le code écrit par une virgule).
· suprasegmentaux (non discrets) : intonation, accent.
Tu pars. (intonation neutre, assertive)
Tu pars? (intonation non assertive, ascendante)
Elle est belle! (intonation non assertive, descendante)
· segmentaux (discrets) : ordre des mots dans la phrase.
- ordre progressif Sujet + Verbe: Michel dort.
- ordre régressif Verbe + Sujet: Viennent les vacances.
Peux-tu m’aider?
Est-elle belle!
· séquentiels (tactiques) : périphrases, exposants, particules interrogatives, mots affectifs (employés surtout dans
les phrases interrogatives et exclamatives)
Est-ce que ton ami t’a annoncé la nouvelle?
Tu comprends ce que je dis, non?
Ça va-ti, mon gars?
Du diable si je comprends quelque chose.
Questions :
1. Quelle est la structure canonique des énoncés Marie n’a jamais été grondée par ses parents et Ce n’est pas
par le concierge que la lettre a été remise au destinataire.
2. Précisez si les énoncés suivants constituent des actes directs ou indirects de langage : Pourriez-vous me passer
le sel, Monsieur ? ; Depuis quand apprenez-vous le français ? ; Le commandant dit : Je vous ordonne de passer
la rivière. ; Je jure de le tuer s’il continue de me harceler.
Objectifs spécifiques :
- reconnaître les valeurs de contenu de la phrase assertive ;
- construire correctement des phrases assertives affirmatives et négatives, en utilisant l’ordre progressif et
régressif, en fonction des contraintes stylistiques du texte.
1. Définition
La phrase assertive est basée sur un constituant obligatoire de phrase, par laquelle le locuteur
communique simplement une information.
C’est le type le plus fréquemment employé et le moins marqué d’affectivité.
L’assertion prend en charge le contenu positif ou négatif d’une phrase :
Marie parle l’italien.
Marie ne parle pas l’italien.
Voilà pourquoi on préfère d’habitude le terme de Assertif à la place de Affirmatif8, justement pour le fait
que normalement affirmatif s’oppose à négatif, or, la phrase assertive peut revêtir les deux formes (affirmative
ou négative).
8
Le Galliot (1975:18) emploie le terme de phrase déclarative.
9
Associés aux guillemets, les deux points servent à introduire des citations : Le ministre de l’extérieur a
déclaré : «La situation internationale est très tendue».
2.2. Au niveau oral (suprasegmental)
La phrase assertive, quelle que soit sa structure, se caractérise par un contour intonatoire neutre,
d’habitude descendant en fin de phrase:
Nous partirons cette nuit. ¯
Marie n’est pas venue. ¯
Si le circonstant est ouvreur de phrase et le sujet précède le verbe, on aura la même courbe mélodique
descendante en fin de phrase :
Demain, j’irai à Paris. ¯
(2) Sur ces entrefaites, l’obstacle se dressa, mais si formidable que rien n’y résisterait. (P. de La Gorce)
Les seuls traités qui compteraient sont ceux qui concluraient entre les arrière-pensées. (Valéry)
L’infinitif de narration est un mode employé dans les récits, se rapportant au passé, pour exprimer une
action se déclenchant vivement, conséquence d’une autre action qui précède :
(3) Et boquillons de perdre leur outil, / Et de crier pour se faire rendre. (La Fontaine)
Questions :
1. Faut-il faire l’inversion stylistique après n’importe quel adverbe de temps ou de manière qui ouvre une phrase
assertive ?
2. Quelles sont les caractéristiques de la phrase assertive au niveau graphique et au niveau oral ?
Objectifs spécifiques :
- utiliser correctement les formes simples et composées des pronoms interrogatifs pour poser la question sur des
noms animés et non animés en fonction de sujet, objet direct, objet prépositionnel ou attribut ;
- transformer une interrogative directe (totale ou partielle) en interrogation indirecte correspondante ;
- traduire en roumain certaines tournures spécifiques au français.
3.1.1. Le procédé mélodique consiste à prononcer une certaine phrase sur une intonation montante. Ce
contour intonatoire ascendant peut apparaître comme une marque suffisante à une interrogation:
Tu ne m’as jamais aimée? (Stendhal)
C’est un procédé employé surtout dans la langue parlée ou dans les textes qui reproduisent la langue
parlée, parce qu’il présente l’avantage d’une économie de moyens prosodiques et linguistiques. La langue écrite
ne le favorise pas trop, parce qu’elle est privée de support prosodique et gestuel. L’interrogation mélodique a
plusieurs valeurs de contenu et elle s’emploie :
a) lorsqu’on veut confirmer une opinion que le locuteur s’est déjà formée :
Tu ne m’aimes pas? Tu es las de mes folies, de mes remords? Tu veux me perdre? (Stendhal)
- Je suis Mathilde Loisel. Tu ne me reconnais plus? - Oh, … ma pauvre Mathilde! Comme tu es changée!
(Maupassant)
b) des messages dialogués, pour un appel d’information :
b - Il meurt? - Je ne crois pas. (Michaux)
- Gomez aussi est nazi? - Lui? Il n’a qu’un but : l’argent. (de Villiers Plon)
c) pour reprendre une proposition qu’on a déjà énoncée. Cette proposition peut être interrogative ou non. Dans
ce cas, l’emploi du procédé inversif est exclu.
- Tu crois que tu y connais quelque chose à ton moteur. D’abord, sais-tu pourquoi ça marche, un
moteur? - Non. -Tu ne sais pas? Tu ne sais pas pourquoi un moteur marche? (Troyat)
- Vous pensez qu’il a l’intention de m’aider? - Si je le pense? (de Villiers Plon)
d) pour une interrogation hypothétique :
Si on allait leur apporter ce petit monstre à allaiter? (Finbert)
e) pour une interrogation rhétorique :
c - Je m’excuse d’avoir quelque peu forcé votre porte, d’autant plus que vous n’avez sans doute jamais
entendu prononcer mon nom? - Jamais.
3.1.2. Le procédé périphrastique avec est-ce que s’emploie dans la langue courante, que dans la
langue littéraire. L’emploi de la périphrase est-ce que présente l’avantage de maintenir l'ordre progressif Sujet +
Verbe et de renforcer la courbe mélodique ascendante, qui constitue la marque constante de l’interrogation. Dans
la phrase interrogative totale la périphrase est-ce que est placée en tête de phrase 10 et le sujet précède
obligatoirement le verbe, sans être repris par un pronom personnel correspondant :
- Est-ce que tu le vois souvent? - Il vient quelquefois ici.
- Est-ce que monsieur le ministre vous a dit cela? - Mais oui, naturellement. (Paluel-Marmont)
Le tour avec est-ce que est très courant à la première personne du singulier du présent de l’indicatif et il
permet de remédier aux interdictions de l’inversion des pronoms je et ce :
Est-ce que je perds la tête? *Perds-je la tête?
Est-ce que ce furent ses dernières paroles? *Furent-ce ses dernières paroles?
3.1.3. Le procédé inversif s’emploie lorsqu’on fait l’inversion simple ou complexe du sujet
grammatical.
Veux-tu que je te donne un coup de main? (Troyat)
Votre mari, aurait-il tué ou non cette femme? (Simenon)
3.1.3.1. L’inversion simple se fait lorsque le sujet est un pronom personnel (y compris les pronoms
impersonnels il, ce et le pronom indéfini on).
Puis-je me permettre alors de vous offrir un petit café?
Comme il présente des inconvénients phonétiques sérieux, il a été complètement abandonné en français
populaire et familier, de même qu’en français écrit, s’il y a un verbe à la première personne du singulier de
l’indicatif présent. Font exception quelques énoncés interrogatifs stéréotypés :
Puis-je vous attendre ici?
Sais-je ce que je veux exactement?
Dois-je te croire sur parole?
Suis-je si bête?
Ai-je la patience de supporter tout cela jusqu’au bout?
Ce procédé a été abandonné en français parlé parce qu’il entraîne une modification désinentielle pour
les verbes du premier groupe, modification considérée comme pédante : aimé-je?, parlé-je?, mangé-je? À la
troisième personne du singulier, lorsque le verbe à un temps simple ou composé finit par une voyelle, on
emploie obligatoirement un t euphonique pour bloquer le hiatus :
Pense-t-elle y revenir un jour?
Viendra-t-il nous voir en fin de semaine?
Si le verbe est à un temps composé ou au passif, le pronom se place immédiatement après le verbe
avoir ou être:
A-t-on préparé le discours du premier ministre ?
Avez-vous terminé votre lecture?
Avait-il été convaincu?
Serait-il tombé du cheval?
Le bon usage du français déconseille l’emploi des structures inversées dans les cas suivants :
- verbes du premier groupe à la voix réfléchie, lorsqu’il y a des allitérations : *Me corrigé-je?
- verbes du troisième groupe l’inversion ne se fait pas, surtout à la première personne du singulier du présent de
l’indicatif : *Cours-je? *Dors-je? *Mens-je?
- pour tout verbe, lorsque le sujet est le pronom démonstratif ça : Et là, ça te fait mal?
- avec le verbe être à tout temps composé, de même qu’au passé simple à la troisième personne du pluriel,
lorsque le sujet est ce : *A-ce été…? *Ont-ce été…? *Furent-ce…?
3.1.3.2. L’inversion complexe désigne la reprise du sujet nominal antéposé au verbe fini par un pronom
de la troisième personne (du singulier ou du pluriel, du masculin ou du féminin : il / ils, elle / elles), autre que ce
ou on. L’avantage que cette tournure présente est, tout comme dans le cas de est-ce que, de rétablir l’ordre
séquentiel normal dans la phrase.
… vos soupirs seraient-ils reposés …? (Racine)
10
Dans la phrase interrogative directe partielle est-ce que se place immédiatement après le mot interrogatif qui
est l’ouvreur de la phrase : Qui est-ce qui est venu? Lequel est-ce que tu as choisi? Comment est-ce que tu es
arrivé ici?
Théodore va-t-il vraiment nous dénoncer à la police?
3.1.4. Le procédé par exposants est fondé sur toute une série de formules bloquées qui confèrent à la
phrase qui les précède une valeur interrogative. Ces formules peuvent apparaître à la forme affirmative ou
négative : tu sais? / vous savez?, vrai?, dis?, hein?, au moins?, non?, n’est-ce pas?, ne croyez-vous pas?, ne
pensez-vous pas?, etc.
On m’a dit chez le confiseur que tu y venais très souvent en compagnie de trois petites Anglaises de ton
âge, c’est exact? (Cendrars)
Il faut que j’y aille, dis? (Mérimée)
Mais quoi! Elle sanglotait, vous savez? (Gide)
Tu crois que ma main tremblera sur l’opinel, hein?
Vous aimez cette fille, non?
Mais les Wisigoths ne seront plus aussi forts maintenant, n’est-ce pas?
Le rôle des exposants est de désinverseurs de la phrase interrogative, c’est-à-dire de garder l’ordre
progressif Sujet + Verbe. Quant à la place qu’ils occupent, on constate des exemples donnés au-dessus qu’ils
sont placés d’habitude en fin de phrase, plus rarement après une partie seulement de la phrase et même en tête
de phrase :
Dites, chuchotait la grande Prunaire à la petite Vadon, avez-vous vu ses bottines? (Zola)
On va casser la croûte, dis, et après on finira le boulot? (Simenon)
3.1.5. Le procédé à particule est marqué stylistiquement, ne s’employant que dans la langue très
familière et populaire. La particule interrogative –ti provient du –t euphonique. Ce dernier n’apparaissait
qu’avec un sujet pronominal de la troisième personne du singulier. Le formant –ti peut s’employer pour toutes
les personnes verbales, l’orthographe de la particule étant très variée (t’y, ty, t-y, t’i, t’il, t-il, etc). Les écrivains
emploient ce procédé lorsqu’ils font parler des personnages du peuple, pour imiter leur langage (cf. Grevisse) :
On travaille-t’y, m’sieur Bernard? (Maurois)
Y savais-ty, moi, pauvre innocent? (Genevoix)
T’apprends-ti toujours bien à l’école? (A.Ernaux)
Tu joues ou tu n’joues-t’i pas, farce de ver? (Barbusse)
Vous êtes-t-y prêts? (Dorgelès)
Vous auriez-t-il pas envie de ce bracelet de rien du tout? (Aragon)
En français populaire ce procédé se combine souvent avec la périphrase désinversée c’est-ti que:
C’est-ti bien vrai que M.Frédie a eu le fouet hier soir? (Bazin)
La question peut porter sur n’importe quel constituant de phrase (sauf le verbe fini), le choix de la
forme du pronom interrogatif est en fonction des traits [±animé] du syntagme substitué et dépend de la fonction
syntaxique remplie par le syntagme respectif. En fonction de la place occupée dans la phrase et du niveau de
langue le pronom interrogatif peut avoir une forme tonique ou atone, simple ou renforcée.
[+personne] [-personne]
tonique atone tonique atone
qui quoi que
c) La forme composée du pronom interrogatif s’emploie pour un référent [±animé], précédée d’une
préposition, renforcée ou non de la périphrase est-ce que :
Auquel as-tu adressé la parole?
De laquelle de ces deux découvertes il a été question?
Avec lequel est-ce que tu veux faire ce long voyage?
3.3.4. Valeurs correspondant à d’autres actes indirects de parole (cf. Gilles Fauconnier, 1981:45-46)
· offre : Voulez-vous que je vous accompagne? Moi aussi j’habite ce quartier. Avez-vous besoin de mon aide?
Aimeriez-vous faire un tour en ville? Permettriez-vous que je ferme la porte?
· promesse : Ma promesse solennelle de me désister vous suffira-t-elle?
· ordre : Veux-tu te taire? Sinon je te mettrai à la porte. Voulez-vous porter ce paquet à la gare? Je suis
débordé de travail et je n’ai pas le temps de le faire moi-même.
· excuse : Me pardonnerez-vous? Je n’ai pas eu l’intention de vous offenser. Pourrais-je jamais me faire
pardonner? Comment me faire pardonner?
· conseil : Ne pourriez-vous pas ajourner votre voyage? Le temps est sur la pluie. Ne devriez-vous pas aller voir
un médecin? Vous avez l’air pâle.
16
Il ne faut pas confondre la percontative avec les complétives proprement dites qui apparaissent après les
mêmes classes sémantiques des verbes de connaissance, de perception ou déclaratifs: Paul ne sait pas que sa
mère est partie (=complétive)/vs/Paul ne sait pas si sa mère est partie (=percontative); Paul m’a dit qu’il allait
là (=complétive)/vs/Paul m’a dit où il allait. (percontative)
(Sartre) Il ne savait plus quand. (Proust) Je vais voir, dit Cendrillon, s’il n’y a pas quelque rat dans la
ratière, nous en ferons un cocher. (Perrault)
- une locution verbale :
Je suis dans l’incertitude si pour me venger de l’affront je dois me battre avec mon homme ou bien le faire
assassiner. (Molière)
Je suis très incertain si je me retirerai à Londres. (Voltaire)
Les grammairiens Wagner et Pinchon (1962:615-616) considèrent que même les interrogations écho
(voir 4.4.1.), employées dans la conversation et qui reprennent une question sont des interrogations indirectes
sans support :
- Vous êtes contente, madame? - Si je suis contente, monsieur? Vous allez le voir!
D’habitude, le contour de l’interrogative indirecte est assertif, neutre et la séquence est non inversive.
Dans ce type, on garde les mêmes niveaux d’incidence de l’interrogation, à savoir totale et partielle.
17
Je me demande à qui penses-tu Andromaque. (Racine) J’ai osé regarder pour savoir qui est-ce qui osait
vivre où elle avait vécu. (Lamartine) Nous aurions bien voulu deviner comment elle se déroulerait et aussi
qu’est-ce qui arriverait après. (Beauvoir) Tu raconteras une autre fois comment c’est que je m’échine du
matin au soir. (Aymé)
J’ignore qui est cette personne.
Je me demande quelle serait la femme à tout accepter. (Beauvoir)
- l’absence de formes pronominales et adverbiales renforcées, sauf langue familière:
Je me demande d’où tu détiens cette information. (lg.courante)
Je me demande d’où est-ce qu’ils sont venus. (lg.fam)
Il ignore comment maman s’est si bien débrouillée dans pareille situation. (lg.courante)
Je me demande comment est-ce que les insurgés ont trouvé l’entrée dans le palais. (lg.fam.)
5.2. Le conditionnel apparaît plus rarement avec sa valeur modale propre – celle d’exprimer
l’hypothèse. On l’emploie plus fréquemment pour sa valeur temporelle, vu qu’il marque un fait futur par rapport
un moment passé (= la concordance des temps, obligatoire dans la phrase interrogative indirecte, comme dans
toute subordonnée d’objet).
Où donc je l’aurais prise? (Aymé)
Ce qu’elle lui dirait? Elle n’en savait rien. (Bourget)
Il se demanda sérieusement d’où pourrait venir ce grand peintre. (Flaubert)
Ne te demandes-tu jamais jusqu’où n’irait point la pensée? (Diderot)
5.3. Le subjonctif plus-que-parfait s’emploie avec la valeur du conditionnel passé dans la langue littéraire:
Eussé-je autant aimé l’enfant née d’un mariage heureux? (Mauriac)
Que m’eût fait cette aventure déjà oubliée de ceux qui en avaient été les spectateurs? (Camus)
5.4. L’infinitif apparaît pour rendre une nuance délibérative, ou une éventualité:
Je ne sais pas trop bien qu’en juger. (La Rochefoucauld)
Ils savaient bien comment m’aider à dépasser les moments difficiles. (Malraux)
Pourquoi t’acharner également, Folcoche, contre notre misérable trousseau? (H.Bazin)
Questions :
1. Enumérez les caractéristiques de la phrase interrogative au niveau graphique, oral, segmental et séquentiel et
donnez des exemples pour chaque type.
2. Selon quel critère peut-on classifier les phrases interrogatives en directes et indirectes ?
3. Quels types de phrases interrogatives directes y a-t-il en français et quelle en est la différence ?
4. Pourquoi l’interrogation directe partielle est appelée par certains grammairiens ’’interrogation de
constituant’’ ?
5. Quels sont les procédés interrogatifs employés dans la phrase interrogative directe partielle ?
6. Comment s’appelle l’élément qui introduit toujours une interrogative indirecte totale ? Quel type de si est-il et
quels modes et temps peut-on utiliser dans une telle phrase ?
7. Indiquez quelques valeurs de la phrase interrogative et donnez aussi des exemples pour les illustrer.
Objectifs spécifiques :
- construire correctement une phrase impérative en utilisant les divers types de pronoms personnels et
adverbiaux dans des constructions affirmatives et négatives ;
- donner un ordre de plusieurs façons, en fonction de la relation interpersonnelle avec l’interlocuteur
(ordre formel /vs/ informel) ;
- préciser d’autres moyens par lequel on peut passer un ordre, à part le verbe à l’impératif.
Quelle que soit la structure de la phrase impérative, son contour mélodique est descendant. La marque
de la phrase impérative dans le code écrit est d’habitude le point d’exclamation, mais aussi le point:
Ne le flattons donc point! (La Fontaine)
Achève et prends ma vie après un tel affront. (Corneille)
2.1.1.1.a.1. Si la phrase impérative affirmative a deux pronoms personnels compléments d’objet, l’un
direct, l’autre indirect, on place d’abord le complément direct, ensuite le complément d’objet indirect, si les
pronoms sont de personnes différentes (I + II; II + III):
Passe-le-moi! (Gide)
Tiens-le-toi pour dit! (Gide)
Indiquez-les-nous!
Donne-la-leur! (Anouilh)
Pourtant, il y a des flottements dans l’ordre des pronoms compléments. On enregistre une forte tendance
à utiliser le même ordre que dans la phrase assertive, c’est–à-dire de laisser en première position les pronoms de
la I-ère et de la II-ème personne. Voilà pourquoi, chez certains auteurs, de même qu’en français courant, on
trouve les objets directs le, la, les placés après le pronom personnel objet indirect de la I-ère ou de la II-ème
personne:
Montrez-moi-la! (Proust)
Zépha, dis-nous-le. (Hériat)
Rends-nous-la. (Bernanos)
2.1.1.1.a.2. Si la phrase impérative affirmative a deux compléments, dont l’un est un pronom adverbial,
celui-ci se place après le pronom personnel:
Donne-m’en!
Félicitons-l’en!
Parlez-lui-en la première! (Zola)
Menez-les-y!
Fais-m’y penser!
Tenons-nous-en là! (Courteline)
Commande-m’en un! (Beauvoir)
2.1.1.1.b.1. Si l’impératif est négatif, on place le pronom personnel objet indirect de la I–ère ou de la II-
ème personne avant le pronom personnel objet direct de la III-ème personne:
Ne me le répétez pas cent fois, je ne saurais l’oublier. (Bradshow)
Ne nous le prête pas!
Si les deux pronoms sont de la troisième personne, on place d’abord le complément direct, ensuite le
complément indirect:
Ne les lui donnez pas! hurla-t-il. (Villiers Plon)
Cette gloire, ne la leur envions pas. (Corneille)
2.1.1.1.b.2. Si la structure impérative négative a deux pronoms compléments, dont un est adverbial,
celui-ci se place toujours immédiatement avant le verbe et après le pronom personnel complément:
Ne m’en parle plus! (Bradshow)
Ne t’en vante pas.
Ne t’y réfugie pas!
Ne l’y attache pas davantage! (Flaubert)
18
La parataxe est un procédé syntaxique consistant à juxtaposer des phrases sans expliciter par une particule de
subordination ou de coordination le rapport de dépendance qui existe entre elles dans un énoncé, dans un discours, dans
une argumentation; c’est-à-dire sans procéder à l’enchâssement d’une phrase à l’autre, ni coordonner l’une à l’autre.
(J.Dubois, 1994:344)
2.1.1.3.1. Les phrases assertives
a) ayant le verbe au présent, au futur simple ou périphrastique:
Tu vas chez le commissaire avant de rendre visite à la vieille. (Simenon) Alors, tu prends tes affaires
et tu te retires sur le champ.
Le bien d’autrui tu ne prendras. (Décalogue)
Vous allez me raconter tout, d’un bout à l’autre. (Achard)
b) verbes et périphrases verbales qui, employés à la première personne du singulier, de l’indicatif ou du
conditionnel présent réalisent une configuration explicite d’un ordre, atténué ou non et qui traduisent des
modalités différentes, telles que: l’obligation, l’interdiction, la nécessité, etc.
Je dois partir maintenant.
J’ai à apprendre ce poème par coeur.
Je n’ai pas à me plaindre.
Je (demande + exige) que l’on ferme la porte.
Je vous ordonne de vous retirer.
Je vous (intime + donne) l’ordre de vous retirer.
Il (faut + ne faut pas) que je parte maintenant.
Il est (nécessaire + impératif) que je parte maintenant.
Je vous prie de vous taire.
Il serait bon que je parte maintenant.
L’interdiction, l’autorisation niée s’expriment de façon explicite, par une série de verbes, tels que:
Je vous (interdis + défends) de partir.
Je ne vous (autorise + permets) pas de sortir.
2.1.1.3.2. Les phrases interrogatives, surtout avec le verbe vouloir en structure inversée ou non ou en
structure périphrastique:
Alors, vous vous retirez, oui?
Voulez-vous vous taire?
Voulez-vous lâcher cela tout de suite?
Est-ce que vous voulez répéter?
Vous plairait-il de recommencer?
Auriez-vous (l’obligeance + l’amabilité) de fermer la porte?
2.1.1.3.3. Les phrases exclamatives, lorsque la situation de communication est responsable de cette
valeur injonctive indirecte, allusive:
Oh, la porte est ouverte! (= Fermez-la!)
Questions :
1. Comment peut être le message porté par la phrase impérative selon les personnes qui participent à l’échange
verbal ?
2. Quels sont les moyens grammaticaux par lesquels on exprime l’injonction ?
3. Y a-t-il d’autres moyens par lesquels on peut passer un ordre ? Donnez des exemples !
4. Précisez, à l’aide d’exemples, la place des pronoms compléments directs et indirects dans une phrase
impérative affirmative et négative.
5. Quelles sont les valeurs de contenu de la phrase impérative ?
Objectifs spécifiques
- reconnaître les marques explicites de la phrase exclamative;
- pouvoir une phrase exclamative organisée à partir d’une phrase exclamative inorganisée et vice-versa;
- fixer les latitudes combinatoires de divers adverbes et pronoms /adjectifs exclamatifs avec la classe des verbes,
des adjectifs et des adverbes.
1. Définition et particularités
La phrase exclamative est, par son contenu, analogue à la phrase énonciative: elle apporte une
information, mais elle y ajoute une connotation affective. Elle n’est pas objective, neutre, car elle inclut les
sentiments du locuteur, manifestés avec une force particulière. Elle est plus fréquente à l’oral qu’à l’écrit, parce
que la langue orale favorise l’expression libre des sentiments du locuteur vis-à-vis d’une situation, d’une
personne ou d’un objet.
La phrase exclamative a peu de caractères syntaxiques propres, voilà pourquoi les générativistes ne la
considèrent pas comme un constituant à part. Elle emprunte à la phrase interrogative beaucoup de procédés:
- mot introducteur: A quoi bon danser! (Cayrol)
- inversion: Est-elle innocente, cette pauvre femme! (Maupassant)
- périphrase: Quelle drôle de tête est-ce que tu fais! (Schlumberger)
- particule (lg.pop.): Que j’ai t’y du goût! (Grevisse)
Elle partage avec la phrase impérative la valeur injonctive transmise par l’entremise de quelques verbes
ayant la valeur d’une interjection: tiens, allons, voyons, etc. Elle ressemble parfois à la phrase assertive par
l’ordre normal des mots, mais s’en distingue par la courbe intonatoire, par l’emploi d’un intensif et par l’accent
expressif qui frappe une syllabe d’un mot:
Marie est belle et très intelligente!
Je me suis endormie après le déjeuner et je m’éveille si lasse! (Colette)
Elle est accablée, la pauvre!
La phrase exclamative indique souvent le haut degré d’une qualité, d’une activité: Il fait un de ces
froids! Elle écrit si vite! ou bien elle exprime la surprise, la tristesse, la joie, etc. devant un fait qui n’est pas
susceptible d’avoir un degré:
Donc il est mort! fit le Scapin… (Gautier)
Le grand Meaulnes est parti! (Fournier)
Je suis grand-père!
Notons aussi que d’habitude, la phrase est en entier exclamative, mais on peut avoir une sous-phrase
exclamative insérée dans une phrase énonciative ou interrogative:
Nous étions debout - ô merveille! – sur la plateforme avant. (Pagnol)
Après le dîner, hélas! tu devais quitter ta mère (…) qui passait dans le petit où tout le monde se retirait
s’il faisait mauvais, n’est-ce pas? (Proust)
4.1. Les phrases interjections19 servent à exprimer économiquement l’état d’âme du locuteur. Elles se
substituent à toute une phrase parfois, rendant une certaine valeur émotive. Voilà pourquoi elles sont considérées
des mots-phrases:
Ah! = (1) admiration; (2) surprise; (3) peine; (4) regret.
Oh! = (1) surprise; (2) douleur.
A elles seules, les interjections n’ont pas de signification, ou de valeur dans le sens saussurien du
concept (sauf les onomatopées). C’est le contexte qui leur offre une certaine signification. A titre d’exemple
nous illustrons ci-dessous les valeurs de ah! dans des contextes différents qui explicitent la valeur sémantique de
l’interjection:
(1) Ah, qu’elle est belle! (2) Ah, c’est vous, Marie! (3) Ah, que ça me fait mal! (4) Ah, si je l’avais
su!
Quelques interjections ont pourtant un sens spécialisé, leur décodage n’engendrant pas d’ambiguïté
même sans contexte situationnel explicité:
Hélas! = le regret Aïe! = la douleur Ouf! = le soulagement Pouah! = le dégoût Zut! = le dépit
Il y a aussi de classes de mots et même des séquences automatisées qui fonctionnent comme
interjections:
- noms: dommage! veine!
- adjectifs: formidable! fantastique! extraordinaire! chic!
- adjectif + nom: quelle chance! bon voyage! bon courage!
- adverbes: tant mieux! tant pis!
- verbes à l’impératif: tiens! soit! passe! n’importe!
- séquences: ça va! ça ne vaut pas la peine! s’en est trop (fort)! c’est du propre!
5.2.1.1. Quel exprime le degré ou la qualité (à fonction de prédéterminant ou d’attribut), étant suivi d’un
nom.
Quelles histoires ils font pour rien!
Quels remords vous vous prépariez!
Remarquons également l’emploi absolu de quel, en coordination avec le nom auquel il se rapporte:
- Les hommes! Les hommes! Vous en avez connu beaucoup?
- Un seul. Mais quel!… (Colette)
5.2.1.2. Les locutions: combien de, ce que, que de exprimant la grande quantité et les adverbes de
degré: comme, combien20 (plus recherché), que, ce que (familier), qu’est-ce que (très familier), comment que
(populaire) sont employés comme mots introducteurs à valeur intensive.
Combien de cadeaux tu as reçus! (Derème)
Que je suis malheureux! (Flaubert)
(Comme + qu’) elle est belle!
Ce que cela tombe! dit tante Léonie. (Proust)
Ce que tu as pu dire de bêtises!
Qu’est-ce qu’elle a dû pleurer quand elle a appris la mort de son garçon! (Proust)
Ce que c’est que le destin! Ce que c’est de nous! Comment qu’ils nous ont eus! (Sartre)
20
Dans la langue recherchée, l’adverbe combien et, plus rarement, que, peuvent être rapprochés de l’adjectif ou
de l’adverbe auxquels ils se rapportent: Combien facilement la vie se réforme, se réforme! (Gide) Combien
naïves et paysannes en comparaison sembleraient les églantines! (Proust) Que différente fut cette rentrée de
celle de lundi! (Pergaud) Et que peu il y en a! (Giono)
Les locutions et les adverbes de degré se distinguent du point de vue de leur incidence. Par exemple, ils
peuvent être incidents:
a) à un nom:
Combien de récits n’ai-je pas écrits à l’époque! (Green)
A combien de tentations n’a-t-il pas été exposé!
Que de choses n’a-t-elle pas racontées!
Que j’ai perdu de temps!
Dans le registre familier, ce que s’emploie aussi comme équivalent de combien, mais il est toujours séparé du
nom:
Ce que j’ai dépensé ainsi de forces, d’éloquence inutile! (Daudet)
b) à un adjectif ou à un adverbe:
Comme elle est belle! Qu’elle est belle! (lg.courante + lg.lit)
Ce qu’elle est belle! Qu’est-ce qu’elle est belle! (lg.fam)
(Comme + que) il écrit vite! (Ce que + qu’est-ce que) il écrit vite!
Avec comme, ce que et qu’est-ce que l’adjectif ou l’adverbe auxquels ils se rapportent occupent toujours la
place qu’ils auraient eue dans une phrase assertive et sont donc séparés de l’adverbe exclamatif. (A.Goosse,
1994:616)
(Comme + ce que + qu’est-ce que) vous êtes jolie!
c) à un verbe:
(Comme + combien) il souffre! (lg.courante + lg.lit)
(Comme + *que) tu m’as manqué!
(Ce que + qu’est-ce que) il souffre! (lg.fam)
Que n’est jamais incident à un verbe, mais il s’emploie avec les locutions verbales:
Que j’ai (soif + peur)!
Qu’il fait (froid + chaud + beau)!
5.2.1.3. Prédéterminants
5.2.1.3.1. Les articles définis ou indéfinis présentent une valeur intensive et se combinent, eux aussi,
avec une intonation suspensive. Les syntagmes à article défini sont suivis d’habitude d’une relative:
La jolie bague que tu as reçue!
La belle femme qu’il a épousée!
C’est d’un ridicule! songeait-elle. (Beauvoir)
Je dois avoir une figure! (Colette)
Il fait (une chaleur + une de ces chaleurs)!
5.2.1.3.2. L’adjectif démonstratif peut remplacer l’article défini dans les phrases exclamatives, gardant
la même valeur intensive:
Cette patience qu’il a!… Ce courage qu’il a toujours montré!…
5.3. Mots non introducteurs à valeur intensive sont les adverbes tant, tellement, si qui, employés à
l’intérieur d’une phrase exclamative, imposent à la structure une ligne mélodique d’inachèvement.
- Oh! oui, je voulais tellement! dit Xavière d’une voix suppliante. (Beauvoir)
Ah! J’aurais tant voulu y aller! (Beauvoir) Elle est si attachante!
Comme on peut constater, ces adverbes intensifs ne constituent pas d’éléments introducteurs. Ils se
distinguent par leur incidence différente: si est incident à un adjectif, à un adverbe ou à une locution verbale,
jamais à un nom:
Tu es si belle! Tu parles si vite! Tu as si peur!
Tant est incident uniquement au verbe: Tu as tant parlé d’elle!
Tant de est incident à un nom: Il y a tant de livres dans cette bibliothèque!
Tellement est incident à un verbe, à un adverbe ou à un adjectif:
Il a tellement espéré de remporter le prix!
Il court tellement vite!
Il est tellement petit et maigre!
6.2. L’intensité se rattache à l’énoncé émotif parce qu’on y exprime toujours une attitude subjective,
une participation dynamique du locuteur. L’intensité peut s’accompagner d’une tonalité neutre:
Comme elle est belle!
Il fait si froid dans cette pièce!
C’est tellement compliqué de t’expliquer tous ces détails!
J’en ai tant mangé!
Est-il bête!
Ce qu’elle est dure!
Tu parles s’il y aura des réclamations!
Vous pensez si j’étais étonné!
Dans d’autres situations elle s’exprime par un accent expressif qui frappe soit l’initiale du mot, si celui-ci
commence par une consonne: Formidable! Stupide! Merveilleux! soit la deuxième syllabe, si le mot commence
par une voyelle: Insensé! Extrême! Accablé!
Questions :
1. Pourquoi les linguistes considèrent-ils que la phrase exclamative n’est pas vraiment un constituant de
phrase ?
2. Quels sont les procédés qu’elle emprunte à la phrase interrogative ? Et à la phrase assertive ?
3. Quel est le critère le plus important de classification des phrases exclamatives ?
4. Quels types de phrases exclamatives inorganisées connaissez-vous ? Donnez des exemples !
5. Indiquez, dans des exemples, au moins cinq procédés utilisés par la phrase exclamative organisée.
6. Quelles sont les fonctions fondamentales de la phrase exclamative ?
2. La négation prédicative est centrée sur le verbe fini, ce qui confère à toute la communication un
statut négatif. Elle peut être de deux types:
· simple – lorsque seul le verbe fini est affecté par le trait négatif: Marie ne va pas au marché.
· multiple – lorsque plusieurs constituants de phrase sont affectés par la négation, à part le verbe fini: Personne
ne va jamais au marché le Jour de l'an.
2.1.1.1.b. énoncés où ne est en variation libre avec la négation à formant discontinu ne...pas; dans ce
cas, ne étant porteur des valeurs négatives pleines:
· après les verbes: cesser, oser, pouvoir, savoir en français littéraire on omet d'habitude la deuxième négation
(pas), surtout lorsque ces verbes sont suivis d'un infinitif:
Le docteur ne pouvait juger s'il était ivre. (Camus)
21
Le caractère idiomatique de ces structures est révélé par l'absence d'un terme corrélat positif.
... elle n'osa en prendre une. (Zola)
Dans son ignorance de Paris, elle ne savait où frapper. (Zola)
Je ne puis te dire si c'est difficile ou non.
Elle ne cesse de travailler.
· après les structures hypothétiques à caractère emphatique, appartenant surtout à la langue littéraire: Elle y
serait encore avec nous si elle n'était morte.
· après les structures conditionnelles ou hypothétiques inversives, sans élément de relation: N'était-ce ce décor
autour de nous, on se serait cru dans quelque foyer populaire.
· subordonnées relatives dont l'antécédent est précédé d'un quantitatif partiel (restrictif) ou virtuel (universel ou
généralisant): Il y a peu de peuples qui n'aient été étudiés.
· phrases interrogatives rhétoriques: Qui ne l'aurait fait, qui ne l'aurait pensé?
· phrases contenant le gallicisme il y a suivi d'un nom [+division temporelle]:
Il y avait déjà deux semaines qu'il ne l'avait rencontrée dans le bureau de Monsieur Mouret. (Zola)
2.1.1.1.c. énoncés à sens affirmatif, où ne est appelé "explétif" et s'emploie en langue littéraire après:
· les verbes craindre, avoir peur, appréhender, éviter, empêcher et les nominaux dérivés à partir de ces verbes: la
peur, la crainte:
Je crains qu'il ne pleuve.
La crainte que les voisins ne découvrent son crime l'obsédait tout le temps. Evitons que les relations
avec nos voisins ne se dégradent!
· certaines locutions conjonctives qui introduisent toutes sortes de subordonnées circonstancielles: de peur que,
de crainte que, à moins que, sans que, jusqu'à ce que, en attendant que, avant que, pourvu que, etc:
Partez avant que papa ne rentre.
Elle viendra à moins qu'elle ne soit malade.
· avec des comparatifs d'inégalité (formes analytiques: plus, moins + Adj/Adv., ou synthétiques: meilleur,
moindre, mieux, pire) ou l'adjectif autre:
Elle se sentait mieux que je ne pouvais l'espérer.
Il est moins mauvais qu'il ne le dit. Il est autre que je ne l'aurais imaginé.
2.3. La négation multiple affecte le verbe et plusieurs constituants à la fois (les actants et les
circonstants aussi). Lorsque le mode du verbe est l'indicatif et le temps est le présent, en niant tous les actants et
les circonstants, on obtient une extension maximum de la négation:
Personne ne dit jamais rien nulle part.
22
Personne et rien fonctionnent uniquement comme substituts négatifs.
23
Nul ne s'emploie jamais comme objet direct: *Je n'ai vu nul.
Ce type de négation témoigne d'une discontinuité de la zone négative et affecte successivement
plusieurs constituants de phrase. Elle peut se réaliser de façon explicite ou implicite.
2.4.1. La négation discrète explicite
Les formants de la négation discrète explicite sont spécifiques à ce type de négation, les éléments
constitutifs d'un certain groupe syntaxique étant rattachés entre eux par l'adverbe ni. Le rôle de cet adverbe
négatif est de coordonner les constituants du groupe syntaxique. On enregistre plusieurs structures possibles:
- ni A, ni B,....ni N:
Ni Tarrou ni Rieux ne répondirent encore. (Camus).
On n'entendait plus ni le roulement des fiacres, ni le battement des portières. (Zola)
Je ne viendrai à l'école ni lundi, ni mardi.
- ni A, ni B, ni C,.... ou N:
Elle n'aime ni les gâteaux, ni les glaces, ni les bonbons ou le chocolat.
- A, ni B, ni C,...ni N:
Nous n'aimons pas le cinéma, ni le théâtre.
Elle ne mange pas assez de fruits, ni de légumes.
Je n'ai plus vu personne de chez moi, ni de ma famille. (Syreigeol)
- ne V1 ni ne V2:
Personne n'entre ni ne sort de cette chambre.
Il ne lit ni ne dort.
3.3. La négation des formes verbales non finies (infinitif, gérondif, participe présent) est considérée
comme non prédicative, parce qu'elle ne confère pas à la phrase entière un statut négatif:
Je lui ai assez conseillé, dans mes lettres, de ne pas prendre cette teinturerie! (Zola)
Elle surveillait avec une inquiétude croissante Colomban, qui, ne se croyant pas guetté, restait en
extase...(Zola)
En effet, Mme de Boves, n'ayant guère dans son porte-monnaie que l'argent de sa voiture, faisait sortir
des cartons... (Zola)
Les deux indices négatifs précèdent l'infinitif, surtout dans la langue courante:
Je te prie de ne pas salir ta robe.
Il faut ne point la contrarier.
Il veut ne plus en parler.
Pourtant, la postposition du deuxième indice négatif est courante, surtout en français littéraire:
J'aimerais mieux ne me marier point. (Beauvoir)
Avec les verbes auxiliaires être et avoir les deux positions sont possibles:
Elle se donne assez de peine pour ne pas faire des gaffes.
Ce qui me fait le plus souffrir c'est de n'avoir pas toujours le courage de dire la vérité.
Questions :
1. Quels types de négations connaissez-vous en fonction de son incidence, du nombre de constituants qu’elle
affecte et de la confirmation ou pas par le deuxième élément négatif ?
2. Quels sont les types de négation totale /prédicative ?
3. Donnez des exemples où la négation à formant simple ne n’a pas de corrélatif positif.
4. Mentionnez au moins quatre cas où le formant simple ne est en variation libre avec la négation à formant
discontinu ne….pas.
5. Quand est-ce que le deuxième indice négatif, l’adverbe pas doit être supprimé ? Donnez des exemples !
6. Peut-on combiner l’adverbe plus avec d’autres indices négatifs tels que personne, jamais, rien ? Donnez des
exemples pour appuyer votre affirmation. Quelle valeur a l’adverbe plus dans ces cas ?
7. Quel indice négatif peut affecter successivement plusieurs constituants de phrase ?
8. Comment peut-on annuler une négation ? Quelle valeur aura la phrase dans ce cas (affirmative ou négative) ?
9. Donnez des exemples où la négation se combine avec l’emphase.
10. Quels types de négations non prédicatives connaissez-vous ?
Objectifs spécifiques :
- utiliser les structures emphatiques oppositives et non oppositives dans diverses situations discursives ;
- pronominaliser correctement les syntagmes nominaux disloqués en tête ou à la fin de la phrase ;
- combiner, dans la même phrase, les marques explicites de l’emphase oppositive avec celles de l’emphase non
oppositive.
1. Définition et caractéristiques
En tant que constituant facultatif, l’emphase est une mise en évidence d’un certain constituant de phrase
(sujet, objet direct ou indirect, circonstant, etc), sauf le verbe fini. Le locuteur considère le constituant emphatisé
comme étant le plus important élément de son énoncé.
Marie mange une pomme.
(emphase sur GN1): C’est Marie qui mange une pomme. Marie, elle mange une pomme.
(emphase sur GN2): C’est une pomme que Marie mange. La pomme, Marie la mange.
(emphase sur GN1 et sur GN2): Marie, la pomme, elle la mange.
L’emphase se réalise à deux niveaux :
a) suprasegmental, par une intonation spécifique;
b) segmental, par des procédés différents, tels que la topicalisation, la cliticisation, les isolants
emphatiques et les reprises des éléments emphatisés.
2. Types d’emphase
En principe, il y a deux types d’emphase:
2.1. l’emphase oppositive où le constituant emphatisé est détaché de sa classe et il est opposé aux
autres éléments de la classe respective;
2.2. l’emphase non oppositive, qui insiste sur un constituant de phrase en l’extrayant de la phrase, en le
détachant, mais sans l’opposer aux autres éléments de sa classe.
2. Réalisateurs de l’emphase
2.1. L’emphase oppositive est réalisée avec:
· gallicismes c’est…qui, c’est…que:
C’est Jean qui m’a dit ça. (pas Marie)
C’est de sa soeur qu’ils parlent. (pas de la mienne)
Comme on l’a déjà précisé, l’emphase oppositive de ce type peut porter sur n’importe quel constituant
de phrase, sauf le verbe fini:
- sujet: C’est Tarrou qui avait demandé à Rieux l’entrevue… (Camus)
-objet direct: Ce n’étaient pas des secours qu’il distribuait à la longueur de la journée, mais des
renseignements. (Camus)
-objet prépositionnel: Ce n’est pas d’elle que j’ai peur. (Zola)
-attribut: C’est médecin de campagne qu’il est devenu.
-déterminant du nom: C'était une bonne nouvelle que celle du mariage de Paul.
-circ.de lieu: C’est là qu’elle passait ses journées quand les soins du ménage ne l’occupaient plus. (Camus)
-circ. de temps: C’était le moment où les vendeurs s’installaient dans leurs rayons. (Zola)
- circ. de cause: C'est à cause de cela que je t'ai demandé l'aide.
2.2. L’emphase non oppositive se réalise, à son tour, par plusieurs procédés:
· pronominalisation en anticipation ou en reprise du constituant emphatisé par un pronom personnel ou adverbial
correspondant, combinée avec la pause de détachement:
(pronom en anticipation): Il mange son gâteau, Paul.
(pronom en reprise): Paul, il mange son gâteau.
Lui, il venait de prendre un restaurant à Vincennes. (Zola)
Le public ne se plaint pas, lui ! (Zola)
Ils n’ont pas fini de le faire, leur signal.
Je n’en ai pas compris la fin, de cette histoire.
Cette histoire, je n’en ai pas compris la fin.
Comme on peut observer dans le dernier exemple, en français parlé la préposition est effacée, mais elle
est conservée en français standard:
Marie, je lui parle. A Marie, je lui parle.
L'emphase peut porter sur:
- le sujet: Les enfants, eux, sont contents.
- l'objet direct: Des bonbons, j'en mange chaque semaine.
- l'objet prépositionnel: Ma proposition, ils y réfléchissent encore.
- l'attribut: En colère, le chauffeur l'était.
- le circonstant: Sur le trottoir, la voiture y stationne.
De Paris, j'en suis rentré hier.
· structures avec les présentatifs voici, voilà, suivis ou non d'une subordonnée relative :
Paul, le voici. Paul, le (voici + voilà) qui arrive.
En voilà qui ont du monde, du moins. (Zola)
Par ce procédé, on peut emphatiser, comme dans les cas précédents n'importe quel constituant de
phrase, sauf le verbe fini.
- sujet: Voilà qu’elles l’attardaient maintenant, à chaque détour du magasin. (Zola)
- objet direct: En voilà des paroles inutiles. (Zola)
- attribut: Leur bête noire, voilà ce que j'étais.
- circonstanciel: Voilà deux semaines que nous l'avons appris.
· segments introducteurs emphatiques : quant à, pour ce qui est de, pour la part de, en ce qui concerne… etc:
Quant au préfet, il sursauta et se retourna machinalement vers la porte. (Camus)
En ce qui me concerne, j’en suis très content.
Pour ce qui est de Marie, je suis content de ses succès.
Pour ma part, tu n’as rien à craindre.
Parfois, plusieurs types d’emphase se combinent dans la même phrase:
Et c’est l’objectivité elle-même qui lui commande de dire maintenant que…(Camus)
Quant à Pierre, je l'ai revu.
Quant à cette affaire, j'y ai renoncé.
Questions :
1. Qu’est-ce que l’emphase ?
2. Quelles caractéristiques peut avoir une emphase non oppositive ? Donnez des exemples.
3. Quels sont les segments spécialisés dans la réalisation d’une emphase oppositive ? Donnez des exemples !
Objectifs spécifiques
-reconnaître les phrases passives dans des textes des vocabulaires spécialisés (architecture, histoire, géographie,
etc.) ;
- transformer une phrase active en phrase passive et vice-versa ;
- préciser les valeurs de contenu d’une phrase passive ;
- utiliser correctement les prépositions qui introduisent le complément d’agent.
1. Définition et caractéristiques
La phrase passive est basée sur un constituant facultatif de phrase et se caractérise par la présence d'un
sujet qui est le patient de l'action exprimée par le verbe et d'un complément prépositionnel, qui est l'agent de
l'action. Comme structure, la phrase passive se présente sous la forme canonique suivante: verbe être (porteur
des catégories verbales: mode, temps, personne, nombre) + participe passé du verbe à conjuguer, marqué par le
trait [+transitif] + GPrép (=l'agent du verbe passif). Le participe passé s'accorde toujours en genre et en nombre
avec le sujet grammatical:
La résolution a été adoptée en unanimité par le Conseil d'Europe.
Les mesures de désarmement sont prises par tous les pays signataires de la convention internationale.
Du point de vue des traits sémantiques du sujet de la phrase passive, celui-ci peut être : [+animé] Marie
a été grondée par ses parents.
[-animé]: La fenêtre a été brisée par le vent.
2. Transformation passive
La phrase passive est le résultat d'une transformation d'une phrase active, dont le verbe est transitif (à
deux actants: l'un est l'agent, l'autre le patient); la transformation passive entraîne le changement des rôles
sémantiques des deux actants. Ainsi, le patient de la phrase active devient le sujet de la phrase passive et l'agent
(=le sujet) de la phrase active devient le complément d'agent de la phrase passive:
Jean a lu le télégramme.
3. Restrictions de passivation
3.1. Imposées aux verbes [+transitifs]
3.1.1. Toute structure active dont le verbe est transitif direct n’a pas obligatoirement de correspondant
passif. Il y a des situations où même les verbes transitifs directs sont réfractaires au passif, ou la transformation
passive est bloquée pour certaines raisons.
- le verbe avoir:
Ma soeur a le dernier journal de mode. ® *Le dernier journal de mode est eu par ma soeur.
- verbes temporels suivis d'un temporel objectivisé:
Marie passe ses nuits à étudier.
Nous y avons vécu des jours heureux.
- verbes à complément d'objet interne:
Maman a pleuré des larmes de joie.
Le soldat dormait le sommeil des justes.
- quelques verbes de pensée (savoir):
Marie sait la vérité.
- verbes indiquant des attitudes:
Pénaud, le garçon a baissé les yeux.
Maman a hoché la tête.
- constructions figées:
Ils ont cassé la croûte.
Il a fumé la pipe. (= il est mort)
3.1.2. À part les verbes transitifs directs qui admettent la transformation passive, il y a aussi un nombre
limité de verbes transitifs indirects (obéir, désobéir, pardonner) qui peuvent être employés en structure passive :
Les amis obéissent à Jean. ® Jean est obéi de ses amis.
Les parents pardonnent à l’enfant. ® L’enfant est pardonné de ses parents.
A part la condition imposée sur le verbe de la structure active d’être transitif, il y a aussi quelques
conditions qui doivent être remplies par le sujet et par l’objet direct pour qu’une structure passive puisse être
acceptée ou admise.
4.3. Le passif peut avoir une valeur impersonnelle, surtout dans les langues de spécialité, suivi d'un
infinitif ou d'un complétive:
Il est prévu de diminuer la pollution dans ce combinat.
Il est écrit qu'on accorde des droits salariaux à tous les signataires de ce document.
Il avait été convenu de participer à ce colloque.
Il est dit que cette maladie est incurable.
5.2. La préposition à introduit l’agent dans les séquences automatisées, une sorte de réminiscence de
l'ancien français: mangé/rongé aux mites/rats/vers; de même, le verbe séduire est suivi d’un complément
d’agent introduit par la préposition à :
Marie a été séduite à la beauté du paysage.
Questions :
1. Quels sont les traits caractéristiques d’une phrase passive ?
2. Est-ce que toute phrase active supporte la transformation passive ? Quelles en sont les restrictions ?
3. Quelles sont les prépositions qui peuvent introduire un complément d’agent ?
4. Quels sont les critères du choix de la préposition par et de la préposition de ?
5. Dans quelle situation ces deux prépositions peuvent commuter ?
6. Peut-on supprimer le complément d’agent ? Quand ?
7. Quelles sont les valeurs aspectuelles de la phrase passive française ?
Objectifs spécifiques:
- reconnaître la phrase impersonnelle et la distinguer d’une phrase personnelle à sujet personnel il ;
- transformer une phrase personnelle en phrase impersonnelle ;
- comparer les phrases roumaines et les phrases françaises où le sujet est disloqué après le verbe et préciser en
quoi consiste les différences ;
- utiliser correctement le mode dans les queP demandées par les structures impersonnelles du français.
2. Critères de classification
On distingue plusieurs types de structures impersonnelles, qui se différencient selon plusieurs critères
morpho-syntaxique:
a) la voix du verbe;
b) verbes essentiellement impersonnels/vs/verbes accidentellement impersonnels.
c) type de déterminant
d) mode du verbe dans la subordonnée.
2.1. Selon le premier critère, les structures impersonnelles peuvent avoir le verbe:
2.1.1. À la voix active
Il y a toute une série de verbes à la voix active qui s'emploient en structure impersonnelle:
Il semble qu'il pleuve dans l'après-midi.
Il apparaît que ton cousin soit vraiment coupable.
Il existe des gens qui n'arrêtent de se plaindre contre n'importe quoi.
2.2. Selon le deuxième critère énoncé, les structures impersonnelles peuvent être construites avec des
verbes essentiellement impersonnels, c'est à dire des constructions où le verbe est uniquement impersonnel; dans
d'autres cas, le verbe est appelé accidentellement impersonnel, parce qu'il peut figurer soit dans des structures
personnelles, soit dans des structures impersonnelles.
2.2.1. Verbes essentiellement impersonnels
· verbes météorologiques (brouillasser, bruiner, brumasser, brumer, dégeler, grêler, grésiller, neiger, neigeoter,
pleuvoir, pleuvasser, pleuvoter, tonner, venter), suivis d'habitude d'un déterminant circonstanciel de manière ou
de temps:
Toute la nuit encore, il avait bruiné... (Zola) Il gelait dans la chambre... (Zola) Il pleut depuis des jours.
(Boissard)
Parfois, ces verbes sont employés métaphoriquement, étant suivis d'un sujet logique (placé a droite du
verbe): Il pleut des balles.
Lorsque l'accord se fait avec le sujet logique, placé à droite ou à gauche du prédicat, le verbe n'est plus
impersonnel; par métaphorisation il passe au système tripersonnel:
Ici pleuvent des nouvelles vraies ou fausses. (Michelet)
Des pétales neigent sur le tapis. (Gide)
· le verbe faire + Adj/N., indiquant surtout l'état atmosphérique ou un moment temporel: il fait
clair/beau/mauvais/chaud/froid/frais/frisquet/étouffant; il fait du soleil/du vent/du verglas/de la lune; il fait
nuit/jour, etc.
· le verbe aller dans la structure de comparaison il en va de même ou comme articulateur du discours (il va de
soi que...):
Les gens ont la tendance à être vindicatifs, et il en va de même avec cette catégorie un peu plus spéciale
des gens de lettres.
· le verbe falloir suivi de:
- GN: Il faut de la persévérance pour réussir.
- GN datif (le datif du bénéficiaire): Il me faut du courage pour lui dire la vérité.
- Inf.: Il faut prendre des mesures urgentes pour remédier à cette situation.
- QueP: Il faut que tous observent les règlements.
Le verbe falloir forme la locution il s'en faut de peu, marquant l'imminence du procès: Il s'en est fallu de peu
qu'il ne perdît sa vie dans un accident d'auto.
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Il y a des linguistes qui considèrent que la structure personnelle s'emploie dans une phrase descriptive,
constatative, tandis que la structure impersonnelle a plutôt un sens existentiel ou événementiel.
Il est peu probable que l'examen soit ajourné à cause de la grève des enseignants.
3.2. L'infinitif s'emploie après une structure impersonnelle lorsque le destinataire est indéterminé.
Il faut partir maintenant.
Il est temps de régler nos affaires.
Il semble intéressant de participer à cette réunion.
Il y a toute une série de verbes psychologiques qui sont suivis d'un infinitif, surtout s'ils présentent un
datif de la personne intéressée:
Il m'arrive de me tromper parfois.
Il lui déplaît de mentir.
Il m'embête de répéter mille fois la même chose.
Il lui répugne de faire chanter ses amis.
Il m'ennuie de vous cacher la vérité.
Il m'amuse de vous taquiner.
Il me tarde de vous revoir.
Il m'importe de vous avouer tout cela.
Questions :
1. A quelle voix peut être le verbe d’une structure impersonnelle ?
2. Quelles classes de mots peut-on avoir après un verbe impersonnel ?
3. Les verbes personnels peuvent-ils avoir des emplois impersonnels ? Donnez des exemples !
4. A part le sujet impersonnel il y a-t-il d’autres sujets impersonnels en français ? Lesquels ? Donnez des
exemples.
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Lorsqu'on emploie l'adverbe très ou fort, le degré de certitude devient plus grand est l'indicatif est de règle: Il
est fort possible que le facteur nous apporte aujourd'hui ton télégramme.
Bilan final
1. Qu’est-ce qu’un constituant de phrase ?
2. Comment peut-on classifier les consituants de phrase ?
3. Combinez un constituant obligatoire de phrase avec un ou plusieurs constituants
facultatifs.
4. Quelle combinaison entre un constituant obligatoire et un constituant facultatif est
impossible ? Laquelle est rare ?
5. Donnez des exemples d’actes directs et d’actes indirects de langage.
6. Qu’est-ce qu’une phrase assertive ?
7. Combien de types de phrases assertives y a-t-il ?
8. Enumérez quelques caractéristiques de la phrase assertive (au niveau graphique, oral
et segmental).
9. Quand peut-on avoir un ordre régressif du sujet dans une phrase assertive ?
10. Précisez, dans des exemples, quelques valeurs de contenu de la phrase assertive.
11. Définissez la phrase interrogative et précisez ses caractéristiques au niveau graphique,
oral, segmental et séquentiel.
12. Quels sont les critères de classification de la phrase interrogative ?
13. Enumérez, dans des exemples, les procédés utilisés dans la phrase interrogative directe
totale / partielle.
14. Quelles sont les caractéristiques des phrases interrogatives indirectes totale et
partielle ?
15. Enumérez quelques valeurs de la phrase interrogative.
16. Quelles sont les caractéristiques de la phrase impérative ?
17. Par quels modes verbaux peut-on passer un ordre ? Quelle en est la différence ?
18. Enumérez des moyens lexicaux par lesquels on peut exprimer une injonction.
19. Quelles sont les valeurs de contenu de la phrase impérative ?
20. Quels sont les procédés que la phrase exclamative emprunte aux autres ?
21. Quels sont les critères de classification de la phrase exclamative ?
22. Enumérez les caractéristiques générales de la phrase exclamative inorganisée et
précisez les formes qu’elle peut avoir.
23. Indiquez au moins 5 procédés utilisés dans la phrase exclamative organisée.
24. Quelles sont les deux fonctions fondamentales de la phrase exclamative ?
25. Qu’est-ce qu’une négation prédicative ?
26. Combien de types de négation prédicative connaissez-vous ?
27. L’indice ne a-t-il toujours une valeur négative ? Donnez des exemples où il a une
valeur positive.
28. Dans quelles situations le deuxième indice de négation peut être supprimé ?
29. Indiquez les situations où nul et pas un (substituts négatifs) ne peuvent pas être
employés.
30. Comment obtient-on une négation exceptive ? Et exceptive annulée ?
31. Par quels procédés obtient-on une négation non prédicative ?
32. Qu’est-ce que l’emphase oppositive ? Et l’emphase non oppositive ?
33. Quels sont les segments spécialisés dans la réalisation d’une emphase oppositive ?
34. Peut-on avoir, dans la même phrase, une emphase oppositive combinée avec une
emphase non oppositive ? Donnez 3 exemples.
35. Quelles sont les caractéristiques de la phrase passive ?
36. Est-ce que toute phrase active accepte une transformation passive ? Quelles en sont les
restrictions ?
37. Quelles prépositions peuvent introduire un complément d’agent ?
38. Quels sont les critères du choix de la préposition de et par qui introduisent un
complément d’agent ?
39. Quelles sont les valeurs aspectuelles de la phrase passive ?
40. Quelle est la caractéristique principale de la phrase impersonnelle ?
41. A quelle voix peut être le verbe d’une structure impersonnelle ?
42. Quelles classes de mots peut-on avoir après un verbe impersonnel ?
43. Les verbes personnels peuvent-ils devenir impersonnels ? Dans quelles situations ?
44. Y a-t-il d’autres sujets à part il qui sont utilisés dans les structures impersonnelles ?
Lesquels ? Donnez au moins 5 exemples.