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Table des matières

Unité 1 : Les constituants de phrase


1. Définition et caractéristiques des constituants de phrase 1
1.1. Approche pragmatique 2
1.2. Approche générative 4
2. Règles de combinaison des constituants de phrase 5
3. Critères de classification des phrases 6
3.1. Critère formel 6
3.2. Moyens d’expression 6

I. Les constituants obligatoires de phrase

Unité 2 : La phrase assertive


1. Définition de la phrase assertive 7
2. Caractéristiques 7
2.1. Niveau graphique 7
2.2. Niveau oral (suprasegmental) 7
2.3. Niveau segmental 8
3. Classification des phrases assertives 8
4. Mode du verbe régissant 9
5. Valeurs de contenu de la phrase assertive 9

Unité 3 : La phrase interrogative


1. Définition et critères de classification de la phrase interrogative 10
1.1. Critère formel 10
1.2. Complexité de la phrase 10
1.3. Incidence de la question 11
2. Caractéristiques de la phrase interrogative 11
2.1. Niveau graphique 11
2.2. Niveau suprasegmental 11
2.3. Niveau segmental 11
2.4. Niveau séquentiel 12
3. La phrase interrogative directe 12
3.1. La phrase interrogative directe totale 12
3.1.1. Le procédé mélodique 12
3.1.2. Le procédé périphrastique 13
3.1.3. Le procédé inversif 13
3.1.4. Le procédé par exposants 14
3.1.5. Le procédé à particule 15
3.2. La phrase interrogative directe partielle 15
3.2.1. Éléments introducteurs 15
3.2.2. Particularités de construction 16
3.2.2.1. Question sur le sujet 16
3.2.2.2. Question sur l’objet direct 17
3.2.2.3. Question sur l’attribut 19
3.2.2.4. Question sur le groupe prépositionnel 19
3.2.2.5. Question sur le complément du nom 20
3.2.2.6. Question sur le circonstant 20
3.3. Valeurs de la phrase interrogative directe 22
3.3.1. Valeurs interrogatives 22
3.3.2. Valeurs assertives 23
3.3.3. Valeurs exclamatives 23
3.3.4. Valeurs correspondant à d’autres actes indirects de parole 23
4. La phrase interrogative indirecte 23
4.1. Verbes-support de la phrase interrogative indirecte 23
4.2. Marques de la phrase interrogative indirecte 24
4.3. Types de phrases interrogatives indirectes 24
4.3.1. Interrogative indirecte totale 24
4.3.2. Interrogative indirecte partielle 24
5. Emploi des modes dans la phrase interrogative 25
5.1. Indicatif 25
5.2. Conditionnel 25
5.3. Subjonctif 26
5.4. Infinitif 26

Unité 4 : La phrase impérative


1. Définition et caractéristiques de la phrase impérative 27
2. Moyens grammaticaux d’exprimer l’injonction 27
2.1. Injonction adressée à un destinataire déterminé 27
2.1.1. Participant direct au message : l’impératif 27
2.1.1.1. Place des pronoms compléments 28
2.1.1.2. Valeurs d’emploi de l’impératif 30
2.1.1.3. Autres formes verbales que l’impératif 31
2.1.2. Non participant direct au message : le subjonctif 31
2.2. Injonction adressée à un destinataire indéterminé : l’infinitif 32
3. Moyens lexicaux d’exprimer l’injonction 32
3.1. Phrases averbales et mots-phrase 32
3.2. Valeurs de contenu des phrases averbales 33

Unité 5 : La phrase exclamative


1. Définition et particularités 34
2. Classification 34
2.1. Critère formel 34
2.2. Complexité de la phrase 35
3. Caractéristiques de la phrase exclamative 35
3.1. Niveau graphique 35
3.2. Niveau suprasegmental 35
3.3. Niveau segmental 35
3.4. Niveau séquentiel 35
4. Phrases exclamatives inorganisées 36
4.1. Interjections 36
4.2. Monorèmes exclamatifs 36
4.3. Dirèmes exclamatifs 37
5. Phrases exclamatives organisées : marques et réalisateurs 38
5.1. Contour intonatoire 38
5.2. Mots introducteurs 38
5.2.1. À valeur intensive 38
5.2.1.1. quel + N 38
5.2.1.2. comme, combien (de), que (de) 38
5.2.1.3. Prédéterminants 39
5.2.1.3.1. Articles définis / indéfinis 39
5.2.1.3.2. Adjectifs démonstratifs 39
5.2.2. Sans valeur intensive 39
5.3. Mots non introducteurs à valeur intensive (adverbes si,
tant, tellement) 40
5.4. D’autres procédés 40
5.4.1. Inversion du sujet 40
5.4.2. Modes verbaux 41
5.4.3. Séquences automatisées 41
5.4.4. Mots affectifs 41
6. Fonctions de la phrase exclamative 42
6.1. Fonction affective 42
6.2. Fonction intensive 42

II. Les constituants facultatifs

Unité 6 : La phrase négative


1. Définition et critères de classification 43
2. Négation prédicative 43
2.1. Négation simple 44
2.1.1. À formant unique ne 44
2.1.2. À formant discontinu 45
2.2. Négation double 46
2.2.1. Des actants 46
2.2.2. Des circonstants 46
2.3. Négation multiple 47
2.4. Négation discrète 47
2.4.1. Explicite 47
2.4.2. Implicite 47
3. Négation non prédicative 48
3.1. Ce n’est pas…qui/que 48
3.2. Incidente au nom ou au verbe 48
3.3. Formes verbales non finies 48

Unité 7 : La phrase emphatisée


1. Définition et caractéristiques 49
2. Types d’emphase 49
2.1. Emphase oppositive 49
2.2. Emphase non oppositive 50
3. Réalisateurs de l’emphase 50
3.1. Emphase oppositive 50
3.2. Emphase non oppositive 50

Unité 8 : La phrase passive


1. Définition et caractéristiques 52
2. Transformation passive 52
3. Restrictions de passivation 52
3.1. Imposées aux verbes [+transitif] 52
3.1.1. Directs 52
3.1.2. Indirects 53
3.2. Imposées au sujet 53
3.3. Imposées à l’objet direct 53
4. Valeurs sémantiques de la construction passive 53
5. Prépositions introduisant le complément d’agent 54
5.1. Critères du choix des prépositions par et de 54
5.1.1. Variation grammaticale 54
5.1.2. Variation sémantique 55
5.1.3. Variation imposée par l’usage 55
5.2. La préposition à 55
5.3. La préposition entre 55

Unité 9 : La phrase impersonnelle


1. Définition
2. Critères de classification 56
2.1. Voix du verbe 56
2.1.1. Voix active 56
2.1.2. Voix passive 56
2.1.3. Voix pronominale 57
2.2. Verbes essentiellement /vs./ accidentellement impersonnels 57
2.3. Type de déterminant de la structure passive 59
2.4. Mode du verbe dans la que P 59
2.4.1. Modes finis (indicatif /vs./ subjonctif) 59
2.4.2. Mondes non finis (infinitif) 59

Bilan final 61
Bibliographie 62
Cours magistral
II-ème année, II-ème semestre
Titulaire : Anda Radulescu – professeur des universités

Langue française contemporaine: Les types de phrase

Thèmes fondamentaux :
1. Les constituants obligatoires de phrase (les phrases assertive, interrogative, impérative et exclamative)
2. Les constituants facultatifs de phrase (la négation, l’emphase, le passif, l’impersonnel)

Objectifs généraux:
- assimiler les concepts théoriques et opérationnels utilisés par la linguistique française (grammaires
tradictionnelle, structurelle, transformationnelle, fonctionnelle, des cas) ;
- présentation et analyse des faits de langue : unités du système linguistique, structure et relations morpho-
syntactico-sémantiques qui s’établissent entre les unités d’une langue, afinités combinatoires et oppositions
grammaticales et / ou lexicales.

Unité 1 : Les constituants de phrase

Objectifs spécifiques :
- reconnaître les divers constituants de phrase ;
- construire une phrase à partir d’un schéma phrastique donné ;
- distinguer les actes directs et indirects de langage.

Temps alloué : 2 h

1. Définition et caractéristiques des constituants de phrase


La phrase, en tant qu’énoncé, se rapporte à l’activité d’un énonciateur qui prend en charge son énoncé,
en exprimant son attitude à l’égard de ce qu’il dit. En même temps, l’énonciateur établit une certaine relation
avec son interlocuteur, par le fait de présenter son énoncé comme vrai ou faux, possible ou impossible,
nécessaire ou contingent, permis ou défendu, etc. Le locuteur porte également des jugements de valeur, des
appréciations sur ce qu’il dit et manifeste sa distance à l’égard de son énoncé en termes de vouloir, demande,
conseil, souhait, exigence, etc. Tous les éléments qu’on vient de mentionner entrent dans le domaine de la
modalité linguistique, produit de l’activité de modalisation.
Dans ce domaine délicat et instable de la modalisation, on accorde un rôle privilégié à quelques
modalités de phrase, appelées aussi modalités d’énonciation1. Celles-ci marquent l’attitude énonciative du
locuteur dans sa relation avec son interlocuteur. Les modalités d’énonciation se traduisent par différents types de
phrase2. En principe, toute phrase se présente comme : assertive (Elle est gentille), interrogative (Est-ce qu’elle
est gentille? Comment est-elle?), impérative (Sois gentille!) ou exclamative (Comme elle est gentille!)
Le critère qui se trouve à la base de la distinction entre les quatre types de phrases énumérées vise les
modalités discursives essentielles de présenter le contenu d’une phrase. Ces quatre modalités d’énonciation sont
appelées différemment, en fonction du niveau auquel s’opère l’analyse :
a) pragmatique : modalités d’énonciation ;
b) grammaire générative et transformationnelle (GGT) : constituants de phrase.

1.1. Approche pragmatique


De règle, on postule l’existence de trois paramètres dans l’acte de l’énonciation :
- la personne énonciative (qui énonce?) ;
- le repère énonciatif (quand énonce-t-on?) ;
- la modalité énonciative (comment énonce-t-on?).

1
Pour Anscombre et Ducrot (1988:36) l’énonciation désigne «l’activité langagière exercée par celui qui parle au
moment où il parle. Elle est donc par essence historique, événementielle, et, comme telle, ne se reproduit jamais
deux fois identique à elle-même».
2
Il ne faut pas confondre les modalités d’énonciation avec les modalités d’énoncé. Ces dernières marquent
l’attitude du sujet énonciateur vis-à-vis du contenu de son énoncé. L’énonciateur peut présenter son énoncé
comme certain, possible, probable, utile, nécessaire, agréable, etc.
Ce dernier paramètre renvoie aux actes illocutoires d’Austin 3 (ex : Je dis qu’il fait beau aujourd’hui. Je
demande si Marie est arrivée. J’ordonne que les soldats passent la rivière, etc).
Le Goffic (1993:17) attire pourtant l’attention sur la possibilité assez fréquente de confusion entre les
modalités de phrase et les actes de discours tels que : l’ordre, la demande, la promesse, la menace,
l’accomplissement performatif, etc.
Il y a bien entendu des rapports entre les modalités de phrase et les actes de discours, en ceci que les
modalités de phrase sont des composants essentiels à la base des actes de discours : la valeur assertive
fondamentale de la phrase indicative à mélodie descendante se spécifie selon le cas en simple constat,
accomplissement performatif, promesse, etc.; une interrogation peut tout naturellement être une
demande d’information, mais peut être aussi un acte indirect tel qu’une ‘demande de faire’ (Pourriez-
vous ouvrir la fenêtre?). (id.)

Pour pouvoir comprendre l’affirmation de Le Goffic il faut préciser que la langue n’est pas uniquement
un moyen de transmettre des informations, mais aussi un moyen d’agir sur autrui. Voilà pourquoi tout acte
d’énonciation doit avoir une force intrinsèque 4 qui agit sur l’interlocuteur. Au moment où le locuteur énonce une
phrase, dans une situation de communication donnée, il accomplit un acte de langage, qui instaure une certaine
relation avec son interlocuteur. La philosophie analytique anglaise (Austin, Searle) distingue deux types d’actes
de langage :
a) les actes institutionnels, conditionnés et sanctionnés par une institution sociale:
Je déclare la séance ouverte.
Je jure de dire toute la vérité, rien que la vérité.
Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

b) les actes de langage ordinaires, qui s’accomplissent indépendamment d’un cadre organisé, dans les
interactions quotidiennes :
Je te préviens que si tu me mens, je le saurai. (Colette)
Je te promets de venir demain.
Je te félicite pour ton succès.

Cependant, même s’il n’est pas effectué dans le cadre d’une institution, l’acte de langage ordinaire n’est
pas indépendant de toute détermination sociale. Par exemple, le locuteur peut donner un ordre à son interlocuteur
si, dans des circonstances déterminées, la hiérarchie sociale le lui permet.
Un acte de langage repose toujours sur une convention sociale implicite qui associe, dans une
communauté donnée, telle expression linguistique à la réalisation de tel acte de langage particulier. Ainsi, la
grammaire française associe directement une phrase déclarative à un acte assertif, une phrase interrogative à un
acte de questionnement, une phrase impérative à un acte d’injonction, etc.

Les actes de langage peuvent être :


a) directs, lorsqu’ils sont accomplis au moyen de la forme linguistique qui leur est associée par
convention. Ils se réalisent dans deux sortes d’énoncés :
· les énoncés performatifs explicites, contenant un verbe performatif qui indique l’acte de langage accompli :
Je t’ordonne de sortir.
Je te promets de revenir demain.
Je t’autorise à sortir.
· les énoncés performatifs primaires, correspondant essentiellement aux trois grands types de phrase
(assertive, interrogative et impérative), ou, selon Benveniste (1974:84), «aux trois comportements fondamentaux
de l’homme». En voilà des exemples puisés dans des œuvres littéraires :

3
Austin considère que les actes de parole sont de trois types :
- locutionnaires – les actes par lesquels on dit quelque chose ;
- illocutionnaires – les actes qui visent le but de la communication (d’obtenir une réponse dans le cas d’une
phrase interrogative, de protester contre une affirmation, donner un ordre, faire une promesse, etc)
- perlocutionnaires – par ces actes le locuteur veut obtenir une certaine réaction de la part de son
interlocuteur: par exemple, lorsqu’on donne un ordre, l’interlocuteur peut s’y soumettre, le contester,
l’ignorer, etc.
4
La force illocutionnaire qui correspond à un acte illocutionnaire / illocutoire agit sur le locuteur, le poussant à
exécuter une certaine action. Le même acte locutionnaire peut avoir une force illocutionnaire différente. Par
exemple, un énoncé tel que Je viendrai demain peut s’interpréter, en fonction du contexte, comme : a)
promesse ; b) menace ; c) avertissement.
4
Toute langue n’est en somme qu’un langage, ce qui implique nécessairement qu’elle se compose de
sons… (Ionesco)
Andromaque: - Aimes-tu la guerre?
Hector: - Pourquoi cette question? (Giraudoux)
Dessine-moi un mouton. (St.Exupéry)

b) indirects, qui sont accomplis au moyen d’un énoncé contenant une forme associée
conventionnellement à un autre acte que celui qu’ils visent à accomplir. C.Kerbrat-Orecchioni distingue deux
types d’actes indirects :
· la «dérivation allusive» :
Il fait froid ici! (acte direct : Ferme la porte!)
Cette choucroute est délicieuse. (acte direct : Sers-m'en encore un peu!)
Il se fait tard. (acte direct : Rentrez chez vous!)
Riegel (1994:589) précise que dans tous ces cas, «le sens littéral de l’énoncé n’est pas annulé par l’acte
indirect. Celui-ci s’y ajoute, de manière secondaire, comme un sous-entendu, déterminé par la situation.
L’affirmation littérale reste vraie et se trouve complétée par l’acte indirect qui en est contextuellement le
prolongement quasi naturel».
· le «trope illocutoire» :
Avez-vous l’heure?
Pourriez-vous fermer la fenêtre?
Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec! (Stendhal)
Les deux premières phrases perdent leur valeur interrogative pour exprimer indirectement une demande.
La dernière phrase n’est même pas pourvue d’un point d’interrogation, mais d’un point d’exclamation, qui
confirme l’interprétation injonctive. Dans les trois exemples, la valeur littérale directe de la phrase est remplacée
par la valeur dérivée, indirecte.

1.2. Approche générative


La dénomination de constituant de phrase a été introduite par les théoriciens de la GGT, qui
considèrent que toute phrase (S) est formée, dans sa structure profonde, d’un constituant de phrase (CONST) et
de la phrase simple, appelée aussi phrase noyau (P):
S
CONST P
Assert GN GPréd
Interrog V GAdj Impér
Excl
tu es audacieux

En fonction du constituant de phrase sélecté, la phrase peut revêtir en structure superficielle les formes
suivantes :
Tu es audacieux.
Tu es audacieux?
Sois audacieux!
Oh, comme tu es audacieux!
En général, les tenants de la GGT, de même que d’autres linguistes, retiennent uniquement trois types
de phrases simples, selon les relations qui s’instaurent entre le locuteur et l’interlocuteur, dont l’Affirmation qui
«vise à communiquer une certitude», l’Interrogation qui «est une énonciation construite pour susciter une
réponse» et l’Intimation ou l’Impératif «impliquant un rapport vivant et immédiat de l’énonciateur à l’autre dans
une référence nécessaire au temps de l’énonciation» (E.Benveniste, 1974:84). On considère donc que
l’Exclamatif est de nature expressive et n’a pas de réalisateurs propres; il ponctue normalement l’injonction, «se
superpose à l’interrogation et à l’assertion, sans exclure, dans le dernier cas, un accompagnement formel de la
mélodie:
- inversion: Est-elle mignonne! L’aime-t-elle sa petite femme!
- pronoms interrogatifs à valeur intensive (qu’est-ce que, ce que): Qu’est-ce qu’on a pu manger de viande!
- prédication obligatoire: Onze heures déjà et ma tante qui n’arrive pas.
- infinitif matriciel (dire, penser): Et dire que ma tante n’arrive pas!
- adverbes (que, comme, combien): Combien de monde attend le docteur ce matin!
- quantifiant-caractérisant (quel): Quel désordre dans sa chambre! » (Wilmet, 1997:451)
Les constituants Impératif et Exclamatif sont pourtant deux types distincts de phrase, vu que l’Impératif
est centré sur le destinataire et l’Exclamatif sur l’émetteur.
La dénomination de constituant de phrase peut engendrer des confusions, parce que cette étiquette
s’applique aussi au SN1 et au SV, comme éléments fondamentaux de toute phrase noyau. Voilà pourquoi nous
considérons que ce serait mieux de parler de types de phrases, pour ne pas prêter à des ambiguïtés.
Les théoriciens de la GGT distinguent entre deux types de constituants de phrase :
· obligatoires, qui représentent les quatre modalités énonciatives. Ils sont appelés ainsi parce que toute
phrase doit nécessairement contenir l’un d’eux. Ils sont structurés en paradigme, s’excluant mutuellement 5.
· facultatifs, qui peuvent être co-occurrents aux premiers, tels que: la Négation, l’Emphase et le Passif.
Les grammaires plus récentes ajoutent le quatrième type de constituant facultatif, l’Impersonnel.
La règle générale (=la forme canonique) de réécriture des constituants de phrase est :
Const. P Assertif + (Nég.) + (Emph.) + (Passif) + (Impers)
Interrogatif
Impératif
Exclamatif

2. Règles de combinaison
En principe, tout constituant obligatoire peut se combiner avec un ou plusieurs constituants facultatifs.
La seule restriction de combinaison est d’avoir un seul constituant obligatoire + un / plusieurs constituant(s)
facultatif(s)6. Par exemple :
Assert + Négatif : Je ne mange pas ce croissant.
Interrog + Emphase : Marc, c’est toi qui mangeras ce croissant?
Impér + Négatif : Ne mange pas ce croissant!
Exclam + Négatif : Que de croissants n’a-t-il pas mangés!
Inter + Nég + Pas : N’a-t-elle pas été prévenue de ma visite?
Assert + Nég + Emph : Ce n’est pas Marie qui me l’a dit.
Pourtant, toutes les combinaisons de constituants ne sont pas possibles, vu certaines contraintes de
compatibilité sémantique. Si pour la phrase assertive, interrogative et exclamative on n’enregistre pas de
restrictions portant sur la combinaison des constituants obligatoires + facultatifs, dans le cas du constituant
Impératif on enregistre :
a) des combinaisons exclues : *Impératif + Impersonnel
Cette combinaison est exclue, étant donné le fait que l’impératif exige un destinataire précis (de la II-
ème personne du singulier / pluriel ou de la I-ère personne du pluriel), tandis que l’impersonnel exige un sujet
spécifique, un pronom impersonnel (il, ce, ça, cela) ;
b) des combinaisons rares : Impératif + Passif
Cette combinaison exige un verbe à deux actants nominaux humains (le sujet et le complément d’objet
direct) :
Soyez bénis! Sois maudit! Soyez remerciés!
Dans toutes ces constructions, le complément d’agent n’est pas normalement exprimé.

3. Critères de classification des phrases


Les constituants obligatoires de phrase se distinguent, entre autres, selon deux critères fondamentaux :
3.1. Critère formel
Selon leur forme, les phrases assertives, interrogatives et exclamatives peuvent se présenter comme :
· des structures organisées, où les deux constituants obligatoires de la phrase (SN et SV) sont explicités :
Marie écoute le battement de son coeur.
Quel âge a-t-il dit?
Que de monde est arrivé à ce spectacle!
· des structures inorganisées, où un seul7 des constituants obligatoires est explicité, l’autre étant implicite :
Silence. Pas de bruit dans la rue.
Que lui dire? Où aller maintenant?
Oh, la belle musique!

3.2. Moyens d’expression employés

5
Nous allons employer le terme Assertif à la place de Affirmatif¸ pour des raisons que nous expliquerons en
détail au chapitre réservé à la phrase assertive.
6
«La formule de réécriture de CONST avec le choix obligatoire entre Affirm, Interrog et Impér, qui sont donc
mutuellement exclusifs, rend compte de l’impossibilité d’avoir une interro-impérative, ou une impéro-
interrogative, ou une affirmative-interrogative, ou une affirmative-impérative» (J. et F. Dubois, 1970:137-138).
7
Dans le dirème exclamatif (=phrase exclamative inorganisée) les deux constituants sont explicités, mais ils
sont grammaticalement disjoints par une pause relative (marquée dans le code écrit par une virgule).
· suprasegmentaux (non discrets) : intonation, accent.
Tu pars. (intonation neutre, assertive)
Tu pars? (intonation non assertive, ascendante)
Elle est belle! (intonation non assertive, descendante)
· segmentaux (discrets) : ordre des mots dans la phrase.
- ordre progressif Sujet + Verbe: Michel dort.
- ordre régressif Verbe + Sujet: Viennent les vacances.
Peux-tu m’aider?
Est-elle belle!
· séquentiels (tactiques) : périphrases, exposants, particules interrogatives, mots affectifs (employés surtout dans
les phrases interrogatives et exclamatives)
Est-ce que ton ami t’a annoncé la nouvelle?
Tu comprends ce que je dis, non?
Ça va-ti, mon gars?
Du diable si je comprends quelque chose.

Questions :
1. Quelle est la structure canonique des énoncés Marie n’a jamais été grondée par ses parents et Ce n’est pas
par le concierge que la lettre a été remise au destinataire.
2. Précisez si les énoncés suivants constituent des actes directs ou indirects de langage : Pourriez-vous me passer
le sel, Monsieur ? ; Depuis quand apprenez-vous le français ? ; Le commandant dit : Je vous ordonne de passer
la rivière. ; Je jure de le tuer s’il continue de me harceler.

Unité 2 : La phrase assertive

Objectifs spécifiques :
- reconnaître les valeurs de contenu de la phrase assertive ;
- construire correctement des phrases assertives affirmatives et négatives, en utilisant l’ordre progressif et
régressif, en fonction des contraintes stylistiques du texte.

Temps alloué : 2 heures

1. Définition
La phrase assertive est basée sur un constituant obligatoire de phrase, par laquelle le locuteur
communique simplement une information.
C’est le type le plus fréquemment employé et le moins marqué d’affectivité.
L’assertion prend en charge le contenu positif ou négatif d’une phrase :
Marie parle l’italien.
Marie ne parle pas l’italien.
Voilà pourquoi on préfère d’habitude le terme de Assertif à la place de Affirmatif8, justement pour le fait
que normalement affirmatif s’oppose à négatif, or, la phrase assertive peut revêtir les deux formes (affirmative
ou négative).

2. Caractéristiques de la phrase assertive


Nous envisageons les caractéristiques de la phrase assertive à trois niveaux.
2.1. Au niveau graphique
La phrase assertive, qu’elle soit affirmative ou négative, est délimitée par une pause longue ou
définitive, marquée graphiquement dans le code écrit par un point (séparateur fort entre phrases), par des points
de suspension (marquant une phrase sémantiquement ou syntaxiquement inachevée), le point virgule (variante
faible du point, signalant deux phrases syntaxiquement indépendantes, mais nécessairement reliées par un lien
textuel ou sémantique fort) ou deux points9 (marquant un rapport essentiellement sémantique) :
La frontière était au bas de la rue Raynouard. (Green)
Titus n’a pas vu autre chose que ce que tu vois… (id.)
Il a accepté ; moi, j’ai refusé.
Marie est ravie : elle va enfin pouvoir réaliser son rêve.

8
Le Galliot (1975:18) emploie le terme de phrase déclarative.
9
Associés aux guillemets, les deux points servent à introduire des citations : Le ministre de l’extérieur a
déclaré : «La situation internationale est très tendue».
2.2. Au niveau oral (suprasegmental)
La phrase assertive, quelle que soit sa structure, se caractérise par un contour intonatoire neutre,
d’habitude descendant en fin de phrase:
Nous partirons cette nuit. ¯
Marie n’est pas venue. ¯
Si le circonstant est ouvreur de phrase et le sujet précède le verbe, on aura la même courbe mélodique
descendante en fin de phrase :
Demain, j’irai à Paris. ¯

2.3. Au niveau segmental


La phrase française se caractérise par l’ordre progressif des constituants, c’est-à-dire Sujet + Verbe +
Dét. (Obligatoires + Facultatifs):
Elle gagnait les quais, étouffant peu à peu les lumières. (Green)
Déjà on ne voyait plus la rive opposée. (Id)
Une autre caractéristique du français est que le sujet (personnel ou impersonnel) s’exprime de règle,
sauf quelques cas limités, fait qui le distingue du roumain où l’expression du sujet est ressentie comme une sorte
d’emphase :
J’ai lu tes poésies. |I-am citit poeziile. (neutre)
Eu \i-am citit poeziile. (emphase)
Il y a pourtant quelques situations où cet ordre est inversé, pour des raisons stylistiques, et l’on a un
ordre régressif : Verbe + Sujet + Dét (Oblig + Fac.) / Dét (Oblig + Fac.) + Verbe + Sujet. On enregistre deux
situations d’inversion stylistique :
· avec un sujet nominal, si le verbe est à un temps simple, jamais avec un temps composé:
Au coin de la rue s’élevait la vieille cathédrale.
En sa peau mourra le renard.
Arrive le printemps.
· avec un pronom sujet (personnel, impersonnel, indéfini) après certains adverbes ou locutions adverbiales.
L’inversion est pourtant obligatoire dans la langue littéraire.
A peine semblait-il entendre. (Vercors)
En vain fit-il toutes ces démarches, qu’il n’obtint rien finalement.
Peut-être redoute-t-il mon contact. (Jouhandeau)
Encore faut-il croire que ce fantôme a pris la perruque du partisan.
Sans doute partira-t-elle à la maison demain matin. (Mérimée)
Ainsi demeura-t-elle un très long moment. (Flaubert)
Aussi faut-il pour leur répondre une certaine habitude de leur monde.
L’inversion peut apparaître parfois même avec des sujets nominaux, mais dans des situations plus rares :
Par conséquent Dickens est-il admirable dans la peinture des hallucinations. (Taine)
· Il y a aussi certains verbes tels que : arriver, être, paraître, rester, suivre, survenir, venir qui sont suivis du
sujet, surtout dans les langues de spécialité (mathématiques, style administratif, juridique, indications scéniques,
etc):
Restent les témoignages des auteurs anciens.
Soit le triangle ABC.
Suivit une série de lois draconiennes.
Entrent les figurants.
· À cela s’ajoutent les propositions intercalées ou incises, définies par Grevisse (1986:138) comme des
«propositions généralement courtes, tantôt insérées dans le corps de la phrase, tantôt rejetées à la fin de la phrase,
pour indiquer qu’on rapporte les paroles de quelqu’un ou pour exprimer une sorte de parenthèse» :
Donne-lui tout de même à boire, dit mon père. (Hugo)
J’ai heurté, savez-vous, d’incroyables Florides. (Rimbaud)

3. Classification des phrases assertives


En appliquant le critère formel, on distingue deux types de phrases assertives, selon le fait que les deux
constituants obligatoires sont explicités ou non dans la structure superficielle :
· organisées
En fin d’après-midi, je suis entré à l’hôtel Biron pour voir l’exposition de sculpture italienne
contemporaine. Dans l’affreuse petite chapelle néogothique, un évêque de Manzù fait un effet extraordinaire de
simplicité majestueuse : il est debout, raide et droit dans son immense cappa magna d’où sort une main ; on
observe à peine quelques détails ça et là ; c’est une grande masse d’une immobilité saisissante. C’est le portrait
du cardinal Lercaro et c’est l’Eglise…. (Green)
· inorganisées (= elliptiques)
Rue de Paradis ce matin pour acheter des verres. Un magasin après l’autre, tout étincelants de cristal.
Baccarat, Saint-Louis, etc. La belle rue étroite, vivante, puis la rue de Trévise encore plus belle avec la place
ornée d’une fontaine. (id.)

4. Mode du verbe régissant


La phrase assertive ne se caractérise pas par l’emploi spécial d’un certain mode verbal. D’habitude,
c’est l’indicatif, (1) le conditionnel (2) ou l’infinitif de narration (3) qui apparaissent, le plus souvent, comme
verbes régissants dans les phrases assertives affirmatives ou négatives :
(1) Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir. (Flaubert)
La ville, en effet, ne sourit qu’à ceux qui l’approchent et flânent dans ses rues ; à ceux-là, elle parle
un langage rassurant et familier, mais l’âme de Paris ne se révèle que de loin et de haut. (Green)

(2) Sur ces entrefaites, l’obstacle se dressa, mais si formidable que rien n’y résisterait. (P. de La Gorce)
Les seuls traités qui compteraient sont ceux qui concluraient entre les arrière-pensées. (Valéry)

L’infinitif de narration est un mode employé dans les récits, se rapportant au passé, pour exprimer une
action se déclenchant vivement, conséquence d’une autre action qui précède :
(3) Et boquillons de perdre leur outil, / Et de crier pour se faire rendre. (La Fontaine)

5. Valeurs de contenu de la phrase assertive


La phrase assertive peut acquérir plusieurs valeurs de contenu, en fonction du contexte et de la façon
dont la relation entre le locuteur et l’acte qu’il produit (=acte locutif) est envisagée. A part sa valeur propre
(descriptive ou performative), la phrase assertive peut avoir aussi une valeur interrogative ou injonctive :
J’ignore si Marie a pu prendre le train de 7 heures.
Je me demande où elle a pu passer la nuit.
Je vous ordonne de vous retirer tout de suite.
Je vous prie de fermer la fenêtre.

Questions :
1. Faut-il faire l’inversion stylistique après n’importe quel adverbe de temps ou de manière qui ouvre une phrase
assertive ?
2. Quelles sont les caractéristiques de la phrase assertive au niveau graphique et au niveau oral ?

Unité 3 : La phrase interrogative

Objectifs spécifiques :
- utiliser correctement les formes simples et composées des pronoms interrogatifs pour poser la question sur des
noms animés et non animés en fonction de sujet, objet direct, objet prépositionnel ou attribut ;
- transformer une interrogative directe (totale ou partielle) en interrogation indirecte correspondante ;
- traduire en roumain certaines tournures spécifiques au français.

Temps alloué : 6 heures

1. Définition et critères de classification


L’interrogation est un constituant obligatoire de phrase, qui se présente sous la forme d’une question
posée par le sujet parlant pour obtenir une réponse.
- Est-ce que j’y peux quelque chose? s’écria-t-il un jour, impatient.
- Quoi donc? fit Rodolphe. (G.Flaubert, M-me Bovary)

Les phrases interrogatives peuvent être classifiées selon plusieurs critères.


1.1. Critère formel
En fonction de la présence ou de l’absence des constituants obligatoires de la phrase (le SN sujet et le
SV), les phrases interrogatives peuvent être de deux types :
· organisées :
Vous êtes la première, madame?
Vous n’avez pas de domestiques?
· inorganisées :
- Et ces Arabes? (J.Verne)
- Combien vos noisettes? (H.Balzac)
Rester encore ou décamper sur le champ?

1.2. Complexité de la phrase


La phrase interrogative peut se présenter comme une structure où la question est posée directement et
qui finit par un signe d’interrogation, marque explicite de la question, ou sous la forme d’une phrase pseudo-
assertive où la question apparaît de façon indirecte, dans une structure subordonnée. Selon la forme sous laquelle
se réalise la question, les phrases interrogatives peuvent être :
· directes, apparaissant d’habitude en structure profonde, tout comme en structure superficielle, sous la forme
de phrases simples. La question posée constitue une phrase indépendante, marquée explicitement par un signe
d’interrogation :
C’était un lundi ou un mardi du mois de juillet? (Daudet)
Qui est-ce? C’est vraiment votre oncle? (Michaux)
Parfois, elles peuvent apparaître dans une structure complexe, après un verbe performatif de type (se)
demander, vouloir savoir, ne pas savoir, ignorer, etc.:
Voulez-vous savoir ce qu’ils ont fait en réalité? (Gide)
Sais-tu pourquoi ça marche, un moteur? (Troyat)
Mais, malheureuse, tu ne sais pas qui t’attend dans la montagne? (Daudet)
· indirectes, sous la forme d’une subordonnée complétive après un verbe performatif, contenues dans des
phrases affirmatives, injonctives ou même interrogatives :
Je me demande parfois si nos usagers ne sont pas insensés. (Michaux)
Allons voir s’il y a des modifications à l’horaire.
Etes-vous souffrante ou si c’est un caprice?
Je me demande si j’en ai eu un autre depuis. (Maupassant)
À l’époque j’ignorais quel nom il portait.

1.3. Incidence de la question


La question peut porter sur tout l’énoncé ou seulement sur un certain constituant de la phrase. La
possibilité de réponse dépend, elle aussi, du type de la question. De ce point de vue, les questions peuvent être :
· totales, lorsqu’elles appellent une réponse par oui, non ou une variante (peut-être, certainement, sans doute,
nullement, pas du tout etc.) :
Ils sont venus avec leurs pirogues? Oui, monsieur. (Verne)
Ne vont-ils pas pénétrer à l’intérieur du Nautilus? Non, monsieur, on n’entre pas par les panneaux du
Nautilus même quand ils sont ouverts. (Verne)
Vous voulez le savoir? Certainement. (Dumas)
· partielles, lorsqu’elles portent sur l’un des constituants de phrase, autre que le groupe prédicatif et elles sont
introduites par un mot interrogatif : qui, quel, que, comment, où, combien, pourquoi, etc.:
Qu’est-ce que vous voulez que je fasse? Rien de spécial...
Qui te l’a dit? Et que se passe-t-il?

2. Caractéristiques de la phrase interrogative


2.1. Niveau graphique
En structure superficielle, la phrase interrogative directe se termine dans le code écrit par un signe
d’interrogation et parfois même par un signe d’exclamation:
Et tu trouves que c’est gentil? (R.Rolland)
Qu’allait-il arriver pendant une expédition sujette à tant d’éventualités graves! (J.Verne)
La phrase interrogative indirecte se termine par un point.
J’ignore si vous avez ou non cette maladie. (Camus)
Perplexe, il se demandait s’il allait les accompagner et quelles mesures ils allaient prendre contre lui .
(Fournier)

2.2. Niveau suprasegmental


L’intonation joue un rôle essentiel dans la phrase interrogative. La simple courbe mélodique ascendante
peut apparaître comme marque suffisante pour l’interrogation : Vous partez déjà?

2.3. Niveau segmental


Dans la phrase interrogative on peut trouver autant l’ordre normal, progressif des mots, que l’ordre
régressif. Cette préférence pour un procédé ou pour l’autre relève :
· du niveau de langue (langue courante et familière/vs/langue littéraire) :
Tiens, vous travaillez? (Gide)
Qu’y a-t-il? Qui est-ce? (Michaux)
· conditions et nature du message (oral /vs/ écrit, dialogué /vs/ non dialogué) :
a) texte dialogué, oral :
- Votre nom? - Cody. - Ça s’écrit comment? - C…o…d…y. - Prénom? (Paluel-Marmont)
b) texte non dialogué :
- oral :
Est-ce un songe? se dit Candide. Veillé-je? Suis-je dans cette galère? Est-ce là monsieur le baron que j’ai
tué? Est-ce là monsieur Panglos que j’ai vu pendre? (Voltaire)
- écrit :
Il y avait des questions dans ta lettre qui m’ont fait penser à maintes choses. Par exemple: Que pense-t-on,
dans les milieux de modeste extraction, de la chicorée? Aime-t-on la purée toute faite, et pourquoi? Parce
qu’elle est légère? Parce qu’elle est si facile à faire? Trouve-t-on vraiment que les voitures d’enfants sont
chères? N’est-on pas toujours prêts à faire un sacrifice pour le confort des petits? (Perec).
· incidence interrogative (type d’interrogation, nature et position du mot sur lequel porte la question) :
- Tu veux voir le jardin derrière?
- Tu demandes si je veux le voir? Mais évidemment! (C.Fessaguet)
J’ignore sous quelle latitude elle est située. (Baudelaire)

2.4. Niveau séquentiel


Dans la phrase interrogative directe totale on emploie toute une série de procédés tactiques tels que la
périphrase, les exposants et les particules interrogatives, procédés que nous discuterons en détail dans 3.
Est-ce que tu es jalouse de cet imbécile-là? (Mérimée)
C’est un train excellent, n’est-ce pas? (Michaux)

3. La phrase interrogative directe


3.1. La phrase interrogative directe totale
La phrase interrogative totale affecte le groupe prédicatif dans son ensemble. Elle peut affecter
seulement le verbe :
Il pleut? Votre frère viendra-t-il?
ou bien elle peut porter sur le verbe en relation avec un autre constituant de la phrase:
Il pleut souvent dans cette région?
C’est demain que votre frère viendra?
Il y a plusieurs procédés utilisés pour réaliser une interrogation directe totale, différenciés du point de
vue de la fréquence de leur emploi et du niveau de langue (langue familière, populaire/vs/littéraire).

3.1.1. Le procédé mélodique consiste à prononcer une certaine phrase sur une intonation montante. Ce
contour intonatoire ascendant peut apparaître comme une marque suffisante à une interrogation:
Tu ne m’as jamais aimée? (Stendhal)
C’est un procédé employé surtout dans la langue parlée ou dans les textes qui reproduisent la langue
parlée, parce qu’il présente l’avantage d’une économie de moyens prosodiques et linguistiques. La langue écrite
ne le favorise pas trop, parce qu’elle est privée de support prosodique et gestuel. L’interrogation mélodique a
plusieurs valeurs de contenu et elle s’emploie :
a) lorsqu’on veut confirmer une opinion que le locuteur s’est déjà formée :
Tu ne m’aimes pas? Tu es las de mes folies, de mes remords? Tu veux me perdre? (Stendhal)
- Je suis Mathilde Loisel. Tu ne me reconnais plus? - Oh, … ma pauvre Mathilde! Comme tu es changée!
(Maupassant)
b) des messages dialogués, pour un appel d’information :
b - Il meurt? - Je ne crois pas. (Michaux)
- Gomez aussi est nazi? - Lui? Il n’a qu’un but : l’argent. (de Villiers Plon)
c) pour reprendre une proposition qu’on a déjà énoncée. Cette proposition peut être interrogative ou non. Dans
ce cas, l’emploi du procédé inversif est exclu.
- Tu crois que tu y connais quelque chose à ton moteur. D’abord, sais-tu pourquoi ça marche, un
moteur? - Non. -Tu ne sais pas? Tu ne sais pas pourquoi un moteur marche? (Troyat)
- Vous pensez qu’il a l’intention de m’aider? - Si je le pense? (de Villiers Plon)
d) pour une interrogation hypothétique :
Si on allait leur apporter ce petit monstre à allaiter? (Finbert)
e) pour une interrogation rhétorique :
c - Je m’excuse d’avoir quelque peu forcé votre porte, d’autant plus que vous n’avez sans doute jamais
entendu prononcer mon nom? - Jamais.

3.1.2. Le procédé périphrastique avec est-ce que s’emploie dans la langue courante, que dans la
langue littéraire. L’emploi de la périphrase est-ce que présente l’avantage de maintenir l'ordre progressif Sujet +
Verbe et de renforcer la courbe mélodique ascendante, qui constitue la marque constante de l’interrogation. Dans
la phrase interrogative totale la périphrase est-ce que est placée en tête de phrase 10 et le sujet précède
obligatoirement le verbe, sans être repris par un pronom personnel correspondant :
- Est-ce que tu le vois souvent? - Il vient quelquefois ici.
- Est-ce que monsieur le ministre vous a dit cela? - Mais oui, naturellement. (Paluel-Marmont)
Le tour avec est-ce que est très courant à la première personne du singulier du présent de l’indicatif et il
permet de remédier aux interdictions de l’inversion des pronoms je et ce :
Est-ce que je perds la tête? *Perds-je la tête?
Est-ce que ce furent ses dernières paroles? *Furent-ce ses dernières paroles?

3.1.3. Le procédé inversif s’emploie lorsqu’on fait l’inversion simple ou complexe du sujet
grammatical.
Veux-tu que je te donne un coup de main? (Troyat)
Votre mari, aurait-il tué ou non cette femme? (Simenon)
3.1.3.1. L’inversion simple se fait lorsque le sujet est un pronom personnel (y compris les pronoms
impersonnels il, ce et le pronom indéfini on).
Puis-je me permettre alors de vous offrir un petit café?
Comme il présente des inconvénients phonétiques sérieux, il a été complètement abandonné en français
populaire et familier, de même qu’en français écrit, s’il y a un verbe à la première personne du singulier de
l’indicatif présent. Font exception quelques énoncés interrogatifs stéréotypés :
Puis-je vous attendre ici?
Sais-je ce que je veux exactement?
Dois-je te croire sur parole?
Suis-je si bête?
Ai-je la patience de supporter tout cela jusqu’au bout?
Ce procédé a été abandonné en français parlé parce qu’il entraîne une modification désinentielle pour
les verbes du premier groupe, modification considérée comme pédante : aimé-je?, parlé-je?, mangé-je? À la
troisième personne du singulier, lorsque le verbe à un temps simple ou composé finit par une voyelle, on
emploie obligatoirement un t euphonique pour bloquer le hiatus :
Pense-t-elle y revenir un jour?
Viendra-t-il nous voir en fin de semaine?
Si le verbe est à un temps composé ou au passif, le pronom se place immédiatement après le verbe
avoir ou être:
A-t-on préparé le discours du premier ministre ?
Avez-vous terminé votre lecture?
Avait-il été convaincu?
Serait-il tombé du cheval?
Le bon usage du français déconseille l’emploi des structures inversées dans les cas suivants :
- verbes du premier groupe à la voix réfléchie, lorsqu’il y a des allitérations : *Me corrigé-je?
- verbes du troisième groupe l’inversion ne se fait pas, surtout à la première personne du singulier du présent de
l’indicatif : *Cours-je? *Dors-je? *Mens-je?
- pour tout verbe, lorsque le sujet est le pronom démonstratif ça : Et là, ça te fait mal?
- avec le verbe être à tout temps composé, de même qu’au passé simple à la troisième personne du pluriel,
lorsque le sujet est ce : *A-ce été…? *Ont-ce été…? *Furent-ce…?

3.1.3.2. L’inversion complexe désigne la reprise du sujet nominal antéposé au verbe fini par un pronom
de la troisième personne (du singulier ou du pluriel, du masculin ou du féminin : il / ils, elle / elles), autre que ce
ou on. L’avantage que cette tournure présente est, tout comme dans le cas de est-ce que, de rétablir l’ordre
séquentiel normal dans la phrase.
… vos soupirs seraient-ils reposés …? (Racine)
10
Dans la phrase interrogative directe partielle est-ce que se place immédiatement après le mot interrogatif qui
est l’ouvreur de la phrase : Qui est-ce qui est venu? Lequel est-ce que tu as choisi? Comment est-ce que tu es
arrivé ici?
Théodore va-t-il vraiment nous dénoncer à la police?

L’inversion complexe se réalise dans les situations suivantes :


- le sujet est un substantif : Ta soeur est-elle déjà partie?
- le sujet est un pronom possessif : Les miens auront-ils une meilleure destinée?
- le sujet est un pronom démonstratif : Celle-ci m’apportera-t-elle des nouvelles?
- le sujet est un pronom indéfini : Quelqu’un viendra-t-il ce soir?

3.1.4. Le procédé par exposants est fondé sur toute une série de formules bloquées qui confèrent à la
phrase qui les précède une valeur interrogative. Ces formules peuvent apparaître à la forme affirmative ou
négative : tu sais? / vous savez?, vrai?, dis?, hein?, au moins?, non?, n’est-ce pas?, ne croyez-vous pas?, ne
pensez-vous pas?, etc.
On m’a dit chez le confiseur que tu y venais très souvent en compagnie de trois petites Anglaises de ton
âge, c’est exact? (Cendrars)
Il faut que j’y aille, dis? (Mérimée)
Mais quoi! Elle sanglotait, vous savez? (Gide)
Tu crois que ma main tremblera sur l’opinel, hein?
Vous aimez cette fille, non?
Mais les Wisigoths ne seront plus aussi forts maintenant, n’est-ce pas?
Le rôle des exposants est de désinverseurs de la phrase interrogative, c’est-à-dire de garder l’ordre
progressif Sujet + Verbe. Quant à la place qu’ils occupent, on constate des exemples donnés au-dessus qu’ils
sont placés d’habitude en fin de phrase, plus rarement après une partie seulement de la phrase et même en tête
de phrase :
Dites, chuchotait la grande Prunaire à la petite Vadon, avez-vous vu ses bottines? (Zola)
On va casser la croûte, dis, et après on finira le boulot? (Simenon)

3.1.5. Le procédé à particule est marqué stylistiquement, ne s’employant que dans la langue très
familière et populaire. La particule interrogative –ti provient du –t euphonique. Ce dernier n’apparaissait
qu’avec un sujet pronominal de la troisième personne du singulier. Le formant –ti peut s’employer pour toutes
les personnes verbales, l’orthographe de la particule étant très variée (t’y, ty, t-y, t’i, t’il, t-il, etc). Les écrivains
emploient ce procédé lorsqu’ils font parler des personnages du peuple, pour imiter leur langage (cf. Grevisse) :
On travaille-t’y, m’sieur Bernard? (Maurois)
Y savais-ty, moi, pauvre innocent? (Genevoix)
T’apprends-ti toujours bien à l’école? (A.Ernaux)
Tu joues ou tu n’joues-t’i pas, farce de ver? (Barbusse)
Vous êtes-t-y prêts? (Dorgelès)
Vous auriez-t-il pas envie de ce bracelet de rien du tout? (Aragon)
En français populaire ce procédé se combine souvent avec la périphrase désinversée c’est-ti que:
C’est-ti bien vrai que M.Frédie a eu le fouet hier soir? (Bazin)

3.2. L’interrogation directe partielle


3.2.1. Éléments introducteurs
L’interrogation partielle ne peut pas s’accommoder d’une réponse par oui ou non. Elle porte sur un
élément de la phrase (appelé aussi constituant), autre que le verbe fini, que le locuteur ignore et, d’habitude, elle
a besoin d’un mot interrogatif qui représente l’élément sur lequel on interroge. Le constituant sur lequel on
interroge peut être:
- un pronom : qui, que, quoi, lequel.
Qui est là?
Que voulez-vous que ce soit?
Quoi de nouveau allait apparaître dans leur vie?
Lequel d’entre nous est le plus absurde?
- un déterminant : quel, combien de.
Quel nom vous avez dit?
Combien de fois a-t-il dit cela?
- un adverbe : où, quand, comment, pourquoi, combien, etc.
Combien as-tu encore? Deux pièces de cent sous! (Flaubert)
Dans ce type d’interrogation, la courbe mélodique ne monte que sur le mot interrogatif, pour descendre ensuite :
Comment allez- vous?

3.2.2. Particularités de construction


Les procédés interrogatifs employés dans la phrase interrogative directe partielle sont presque les
mêmes que ceux employés dans la phrase interrogative directe totale. Souvent, on observe un cumul de
procédés :
- intonation ascendante sur le premier élément :
Qui est cette élève? Que me vaut tant d’honneur? (M.Garçon)
- mot interrogatif :
Qu’y a-t-il? Quel est le principe de la morale?
- inversion simple ou complexe :
Pourquoi ne veux-tu pas me croire? Mais comment le bateau a-t-il pu marcher? (J.Romains)
- périphrase interrogative inversée, désinversée ou désagrégée 11 :
Qu’est-ce qui vous a pris d’entrer dans l’enseignement? Pour qui ce que vous me prenez? De quoi
qu’on cause? (Queneau)

La question peut porter sur n’importe quel constituant de phrase (sauf le verbe fini), le choix de la
forme du pronom interrogatif est en fonction des traits [±animé] du syntagme substitué et dépend de la fonction
syntaxique remplie par le syntagme respectif. En fonction de la place occupée dans la phrase et du niveau de
langue le pronom interrogatif peut avoir une forme tonique ou atone, simple ou renforcée.

[+personne] [-personne]
tonique atone tonique atone
qui quoi que

3.2.2.1 La question porte sur le sujet


Lorsque la question porte sur le sujet, on emploie soit la forme simple du pronom interrogatif (renforcée
ou non), soit la forme composée (renforcée ou non).
· La forme simple du pronom interrogatif n’est pas marquée en genre et en nombre. Lorsqu’on
l’emploie on doit tenir compte des traits [±animé] du nominal sur lequel porte la question :
a) sujet [+animé], en structure personnelle : qui, qui est-ce qui
Qui donc décide de nos actions?
Qui était-ce?
Qui est-ce qui vous a donné cet ordre?
Qui c’est qui vous a dit ça? (Céline)12
b) sujet [-animé] :
· structure verbale [±personnelle] : qu’est-ce qui ® Cette forme est la seule admise en français littéraire pour
interroger sur un sujet non animé. On peut constater que le système français est lacunaire, du moment qu’il n’y a
pas de forme simple correspondant à cette forme renforcée.
· structure impersonnelle : quoi, que, qu’est-ce qu’il13
Qu’est-ce qui14 distingue le comique du laid? (Bergson)
Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui / qu’est-ce qu’il se passe ? Il se passe quoi ?
La forme quoi s’emploie dans les phrases inorganisées, lorsque le verbe est effacé. Elle apparaît comme
ouvreur de phrase:
Quoi de plus grisant que de retrouver Paris après une sorte d’exil? (Green) Quoi de nouveau dans leur
vie?
Quoi de neuf?
Quoi de plus beau que l’amour?
Quoi de plus intéressant que la lecture d’un bon livre?
La forme que s’emploie lorsqu’on interroge sur le sujet d’un verbe impersonnel, l’inversion du sujet
étant obligatoire pour la langue littéraire :
Que faut-il faire?
Qu’y a-t-il?
11
La périphrase désinversée provient de est-ce que par le déplacement du sujet ce devant le verbe être (=c’est
que) ; avec la périphrase désagrégée, elle marque un parler familier ou populaire.
12
Dans le langage familier, la périphrase désinversée tend à rétablir l’ordre normal, progressif. Le grammairien
Le Goffic (1993:225).considère que des tours comme : Qui c’est qui est arrivé? sont vulgaires.
13
Statistiquement, les formes simples que et quoi dans les phrases averbales sont assez rarement employées ; en
plus, elles sont assez marquées stylistiquement, pour pouvoir les prendre en compte dans l’énumération des
formes possibles pour interroger sur un sujet non animé.
14
Entre la première partie de la question qu’est-ce et la partie qui codifie la fonction syntaxique du mot sur
lequel on interroge qui on peut intercaler donc : Mais qu’est-ce donc qui peut durer? (Camus)
Qu’arrivera-t-il?
Que manque-t-il?
Que vous importe?
Que vous en semble?
Le système français dispose aussi de la forme parallèle, renforcée, qu’est-ce qu’il:
Et que t’a-t-il fallu pour cela? (Musset)
Qu’est-ce qu’il te faut pour être heureux?
Notons qu’avec les verbes susceptibles d’être construits soit personnellement, soit impersonnellement,
il y a parfois hésitation entre qui ou qu’il:
Qu’est-ce qui te prend?/vs/Qu’est-ce qu’il te prend?
M.Grevisse et A.Goosse (1993:1071) enregistrent aussi une forme atone que, très rarement employée
dans la question sur le sujet non animé, lorsque la structure est personnelle: Qu’avait bien pu pousser papa à
quitter brusquement sa tribu. (Rougon)
c) sujet [±animé] : lequel
La forme composée du pronom interrogatif est marquée en genre et en nombre. La distinction [±animé]
est inopérante dans ce cas. Cette forme s’emploie lorsqu’on exprime un choix dans une classe renfermant
plusieurs objets du même type. Le pronom interrogatif composé a un rôle important dans le maintien de la
cohésion textuelle, ayant la possibilité d’anticiper ou de reprendre un élément de la phrase:
Lequel des deux gagnera? (anticipant)
De ces deux robes, laquelle est la plus belle? (évocateur)
Il peut être renforcé par la périphrase est-ce qui : Lequel est-ce qui prendra la parole?

3.2.2.2 La question porte sur le complément d’objet direct


Comme dans le cas précédant, on a la possibilité d’employer la forme simple ou composée, renforcée
ou non, du pronom interrogatif.
Qui tu as vu?
Qui est-ce que madame votre mère veut disculper en lui offrant un alibi? (Simenon)
Que désirez-vous?
Qu’est-ce que vous faisiez au temps chaud? (La Fontaine)
Lorsqu’on emploie la forme simple du pronom interrogatif, on fait la même distinction [±animé] du
nominal sur lequel porte la question.
a) complément d’objet [+animé] : qui, qui est-ce que.
Le français courant ou familier favorise le procédé mélodique, la périphrase désinversée et le rejet du
mot interrogatif en fin de phrase, tandis qu’en français soigné on emploie surtout l’inversion. La forme
renforcée s’emploie autant en français courant qu’en français littéraire.
Qui tu vois? (fr.courant + fam) ;
Tu vois qui? (fr.courant + fam) ;
Qui c’est que tu vois? (fr.fam + pop) ;
Qui vois-tu? (fr.lit) ;
Qui est-ce que tu vois? (fr.courant + lit).
Si le sujet est un nominal et le verbe est transitif direct, la postposition du nominal peut engendrer des
ambiguïtés. Dans ce cas, on préfère l’inversion complexe ou la périphrase, qui ne se prêtent pas à l’équivoque.
Quel médecin connaissait Paul? (structure ambiguë : Paul peut être sujet ou complément d’objet direct)
Quel médecin Paul connaissait-il? ou Quel médecin est-ce que Paul connaissait? (structures non ambiguës)
b) complément d’objet [-animé] : que, quoi, qu’est-ce que.
Les observations sur l’emploi des procédés interrogatifs selon les divers niveaux de langue restent
presque les mêmes que dans le cas précédent. Notons pourtant l’impossibilité d’emploi du seul procédé
mélodique lorsque la phrase commence avec que : *Que Paul veut? / *Qu’il veut?
Dans le cas du sujet nominal, le déplacement de celui-ci est obligatoire après le verbe : Que fait ton
frère?
Il est impossible de pratiquer l’inversion complexe, faute d’un autre complément du verbe : *Que ton
frère fait-il?
Si le verbe est suivi d’un autre complément, la reprise par un pronom clitique est possible : Que cette
femme voulait-elle te dire?
Remarquons également que le rejet en fin de phrase du pronom interrogatif entraîne une modification
de la forme du pronom, à savoir l’emploi d’une forme tonique quoi à la place de que. Cette forme apparaît même
en tête de phrase, dans un emploi limité, lorsque quoi est suivi d’une expansion (par ex. quoi d’autre).
Que demande le peuple? (fr.courant + lit) ;
Le peuple demande quoi? (fr.fam + pop) ;
Quoi d’autre demande le peule? (fr.courant) ;
Qu’est-ce que le peuple demande? (fr.courant + lit) ;
Que voulez-vous de moi? (fr.courant + lit).
c) complément d’objet [±animé] : lequel.
Le pronom interrogatif composé lequel s’emploie autant pour l’objet [+animé] que pour l’objet [-
animé], dans les mêmes conditions que pour le sujet :
- le référent est masculin ou féminin, singulier ou pluriel ;
- il est antéposé ou postposé à l’élément interrogatif ;
- il peut être renforcé par la périphrase est-ce que.
Laquelle de ces robes as-tu choisie? De ces deux robes, laquelle as-tu choisie?
Laquelle est-ce que tu as choisie? Tu as choisi laquelle?

3.2.2.3. La question porte sur l’attribut


Les formes employées pour poser la question sur un attribut peuvent être simples ou composées,
renforcées ou non.
Qui sont ces messieurs? (Simenon)
Quel sera votre choix? (Sartre)
Ils sont devenus quoi? (Zola)
Qu’est-ce que nous allons devenir? (Bradshow)
Mais qu’est-ce que c’est que cela, ma petite soeur? (Bradshow)
a) attribut [+animé] : qui, quel.
On utilise le pronom qui pour interroger sur l’identité de quelqu’un : Qui ce monsieur est-il donc? Si
l’on veut référer à la qualité de quelqu’un on emploie quel + N : Quelle est votre soeur?
Quel ne s’emploie pas comme attribut de l’objet, il est uniquement l’attribut du sujet. Si la question
porte sur le déterminant de l’attribut, l’inversion simple est obligatoire : Quelle est cette histoire d’auto?
En langue courante l’opposition identité / qualité tend à s’effacer.
Qui est cette femme?/ Quelle est cette femme?
b) attribut [-animé] : que, qu’est-ce (que), qu’est-ce que c’est (que), quoi (en postposition).
Que sont-ils devenus?
Qu’est-ce cette boîte?
Qu’est-ce que c’est ça?
Qu’est-ce que c’est que cette bête-là?
Ils sont devenus quoi?
Si l’on veut interroger sur le rang d’un attribut, on emploie, dans la langue littéraire l’interrogatif le
quantième, et dans la langue familière, le combientième :
C’est le quantième, ton fils?
Il est le combientième en classe?

3.2.2.4. La question porte sur un groupe prépositionnel


Les facteurs qui déterminent le choix du pronom interrogatif dans un groupe prépositionnel sont :
- la nature personnelle ou non personnelle du référent sur lequel on interroge ;
- le réalisateur du sujet et sa position dans la chaîne ;
- le niveau stylistique.
Si l’on prend en considération le premier critère, on aura deux formes de pronoms interrogatifs, suivant
le trait inhérent du nominal sur lequel porte la question.
a) le nominal est [+animé] : Préposition + qui
À qui penses-tu?
Sur qui comptes-tu?
De qui parles-tu?
Avec qui es-tu sortie en ville?

b) le nominal est [-animé] : Préposition + quoi


À quoi penses-tu?
Sur quoi séchera le linge?
De quoi as-tu peur?
Avec quoi tu as ouvert la boîte de conserves?
Selon le deuxième critère, on peut employer comme procédé interrogatif l’inversion simple si le sujet
est réalisé par un pronom et l’inversion complexe (obligatoire ou non) si le sujet est un nominal.
En quoi puis-je vous être utile? (inversion simple)
L’inversion complexe est non obligatoire avec un sujet nominal si le verbe ne comporte pas d’objet direct :
Avec qui Marie partira en vacances? ou Avec qui Marie partira-t-elle en vacances?
L’inversion devient obligatoire si le verbe a un complément d’objet :
Avec qui ton frère prépare-t-il ses examens?
Enfin, si l’on envisage le troisième critère, on choisira comme procédé interrogatif l’interrogation
mélodique en langue courante, le rejet du mot interrogatif en fin de phrase, la périphrase désinversée ou
désagrégée en français familier et populaire et l’inversion complexe pour la langue littéraire :
Avec qui tu veux parler? (lg.courante) ;
Pour qui c’est que vous me prenez? (lg. fam + pop) ;
Avec quoi que ça se nettoie? (lg. fam + pop) ;
Elle est arrivée avec qui? (lg. fam) ;
De quoi est-ce que tu es mécontent? (lg. courante) ;
Avec qui partira ton frère? (lg. courante) ;
De qui veux-tu me parler? (lg.courante) ;
Sur quoi le linge séchera-t-il? (lg.littéraire)

c) La forme composée du pronom interrogatif s’emploie pour un référent [±animé], précédée d’une
préposition, renforcée ou non de la périphrase est-ce que :
Auquel as-tu adressé la parole?
De laquelle de ces deux découvertes il a été question?
Avec lequel est-ce que tu veux faire ce long voyage?

3.2.2.5. La question porte sur le complément du nom


Elle se réalise à l’aide du prédéterminant interrogatif quel et ses variantes. Le substantif accompagne
toujours le prédéterminant quel, ne permettant pas l’insertion d’un autre élément :
Quelles fleurs aimez-vous?
Les procédés interrogatifs employés sont les mêmes que dans les autres situations :
- contour mélodique ascendant sur le premier élément : Quel nom vous avez dit?
- inversion simple avec un sujet pronominal : À quelle heure est-elle arrivée?
- inversion simple ou complexe avec un sujet nominal : Quel appartement habite ta soeur à Paris? Quelle
impression cela vous a-t-il fait?
- rejet en fin de phrase (procédé familier) : Vous lisez quels romans?

3.2.2.6. La question porte sur le circonstant


La question portant sur différents circonstanciels spatio-temporels ou notionnels de la phrase se réalise
par une série de substituts adverbiaux interrogatifs : quand, où, comment, combien, pourquoi, qui peuvent se
combiner avec certaines prépositions, telles que : de, depuis, par, jusque, à etc.:
D’où viens-tu, Alcofibras? (Rabelais)
Jusqu’où ne serais-je monté? (Mauriac)
Depuis quand y es-tu? (Rabelais)
Alors, à quand le mariage? (Beaumarchais)
Depuis combien de temps êtes-vous ici? (Simenon)
Jusqu’à quand payez-vous vos dettes? (Hugo)
Par où dois-je passer? (Racine)
L’interrogation se rapportant aux circonstants connaît une grande variété de formes, du simple procédé
mélodique, jusqu’au cumul de procédés :
-adverbe interrogatif + procédé mélodique : Comment ça va, chérie? (Colette)
- adverbe interrogatif + inversion simple :
Comment avez-vous l’intention de m’aider?
Pourquoi ne veux-tu pas me croire?
Où courez-vous ainsi?
Quand sera-t-elle avec nous?
Combien voulez-vous d’argent pour la rançon?15 (Voltaire)
15
L’adverbe combien peut se trouver en position de quantificateur d’un GN. D’habitude, le quantificateur n’est
pas dissocié du nom qu’il détermine : Depuis combien de temps êtes-vous ici? Parfois, cette dissociation est
possible, surtout à des fins stylistiques : Combien avez-vous laissé ici d’amis? (Racine) Combien Paul a-t-il
gagné de points? La langue courante ne la pratique pas normalement, vu le lien étroit établi entre combien et le
nominal qu’il quantifie, surtout dans les structures demi-figées, telles que combien de temps : ?Combien
comptez-vous rester ici de temps? Combien peut s’employer seul, quand il est synonyme du groupe nominal
combien de gens : Combien ont réglé leurs dettes avant la fin de l’année?
- adverbe interrogatif + déplacement du sujet nominal après le verbe :
Où donc est le jeune mari? / Que vous m’avez promis? (La Fontaine)
Où sont les anciennes troupes de ton père maintenant? (Bradshow)
Quand arrivera le bateau? (Gide)
- adverbe interrogatif + inversion complexe :
Pourquoi les ouvriers débrayent-ils? (Sartre)
Combien cela coûte-t-il?
Combien d’entre nous auraient-ils droit au titre d’hommes?
Où madame de Turin passe-t-elle son temps? (Laclos)
- adverbe interrogatif + périphrase désagrégée ou non :
Pourquoi est-ce que vous saluez cette Cambremer? (Proust)
Quand est-ce qu’on s’en va?
D’où est-ce que M-me Swann a pu pêcher ce monde-là? (Proust)
Pourquoi c’est-y qu’ils sonnent à la grille? (Lemoine)
- adverbe interrogatif + que (= procédé populaire) :
Pourquoi qu’elle n’écrit jamais? (Bazin)
Comment que ça va? (Zola)
Combien qu’ils sont? (Petit Robert)
- adverbe interrogatif rejeté en fin de phrase (= procédé familier) :
Et tu as payé combien? (Bourges)
Elle est partie où, la petite soeur? (San Antonio)
- adverbe interrogatif + mot interrogatif (les adverbes déjà, bien, donc) ayant le rôle de renforcer les adverbes
interrogatifs :
Où peut-il donc bien être? (Hugo)
Et quand cela serait bien? (Mauriac)
Comment donc s’appelle-t-il déjà? (Hugo)

3.3. Valeurs de contenu de la phrase interrogative directe


d 3.3.1. Valeurs interrogatives
La valeur sémantique principale de la question est un appel ou une demande d’informations, portant sur :
· identification d’un actant, qui peut être :
- agent de l’action : Qui fait l’imbécile? Qui est-ce qui m’a cherché hier?
- patient de l’action : Qu’est-ce que tu dis? Tu manges quoi? Quel genre de vélo tu veux pour ton anniversaire?
Laquelle des deux robes tu préfères?
- destinataire ou bénéficiaire : À qui avez-vous parlé? Pour qui est ce chocolat?
- instrument ou moyen : Avec quoi tu as ouvert cette boîte? Il a réussi grâce à quoi?
· identification d’une action : Vous faites quoi ce soir? Qu’est-ce qu’il fait maintenant?
· identification d’un circonstant
- de cause : (Pourquoi + pour quelle raison) tu es parti sans moi?
- de but : Dans quel but a-t-il agi ainsi? Il travaille, oui, mais pour quoi faire?
- de lieu : Où étiez-vous hier à midi? D’où tu viens? Jusqu’où peut-il aller? Par où est-il passé?
- de temps : Quand se décidera-t-il de regarder la réalité en face? Jusqu’à quand tu prendras seul des
décisions qui nous concernent aussi? Depuis quand tu m’attends? Et la fête, c’est pour quand?
- de manière : Comment chante-t-elle? De quelle façon s’y est-il pris?
- de quantité : Combien coûte le kilo? Quel poids fait ce canard?
· confirmation d’une opinion que le locuteur s’est déjà formée :
- Tu ne m’aimes pas? Tu es las de mes folies, de mes remords? Tu veux me perdre? - Et si c’était
comme ça? (Stendhal)
· appel d’information dans les messages dialogués :
e - Il meurt? - Je ne crois pas. (Michaux)
· reprise d’une proposition déjà énoncée : (Cette proposition peut être interrogative ou non. Dans ce cas,
l’emploi du procédé inversif est exclu).
- Tu crois que tu y connais quelque chose à ton moteur. D’abord, sais-tu pourquoi ça marche, un moteur? -
Non. -Tu ne sais pas? Tu ne sais pas pourquoi un moteur marche? (Troyat)
- Vous pensez qu’il a l’intention de m’aider? - Si je le pense? (Villiers Plon)
· interrogation hypothétique :
Si on allait leur apporter ce petit monstre à allaiter? (Finbert)
· interrogation rhétorique :
- Je m’excuse d’avoir quelque peu forcé votre porte, d’autant plus que vous n’avez sans doute jamais
entendu prononcer mon nom? - Jamais, avoua tristement Mordant. (Simenon)
Quelle charmante femme! Oui, ravissante! Qui ne la connaît? (Maupassant)
Je suis fou, Thérèse. Mais qui ne l’est pas? (France)
· questions écho :
- As-tu vu passer un homme tout à l’heure? - Si j’ai vu passer un homme? (Romains)
- Que dis-tu? - Ce que je dis? -Oui, qu’est-ce que tu dis d’avarice et d’avaricieux? (Molière)
· demande d’assentiment portant sur :
- une demande de compréhension : Tu vois ce que je veux dire, hein? J’ai raison, n’est-ce pas?
- une demande de point de vue : Tu crois que tu as intérêt à t’inscrire au concours? Tu trouves ça bien, ce qu’il
a fait?
· interrogation délibérative :
Et le soldat se mit à songer. Que va-t-il faire? Que va-t-il devenir? Rejoindre son armée?… Mais
comment? Mais par où? (Maupassant)
Aller par terre à Jérusalem? Attendre une autre année? (Chateaubriand)

3.3.2. Valeurs assertives


(1) Qui ne sait que l’intérêt nous sépare tandis que l’intelligence nous unit. (Léo Aposte, 1981:23)
(2) Est-ce que vous avez déjà tué beaucoup de lions, monsieur Tartarin? Si j’en ai beaucoup tué, monsieur?
… Je vous souhaiterais d’avoir seulement autant de cheveux sur la tête. (Daudet)
(3) - Dites-moi, docteur, si je tombais malade, est-ce que vous me prendriez dans votre service à l’hôpital?
- Pourquoi pas? (Camus)
Dans (1) la structure interrogative qui ne sait… n’est plus perçue comme réellement interrogative, mais
plutôt comme un totalitaire indéfini tout le monde/tous. Dans (2) la réponse-question équivaut a une assertion de
type oui, certainement, j’en ai beaucoup tué. Dans (3), la réplique du docteur (Pourquoi pas?) équivaut à une
affirmation du type Oui, certainement.

3.3.3. Valeurs exclamatives


Réfléchissez dans quelle aventure vous vous embarquez! (P.Le Goffic, 1993:265)

3.3.4. Valeurs correspondant à d’autres actes indirects de parole (cf. Gilles Fauconnier, 1981:45-46)
· offre : Voulez-vous que je vous accompagne? Moi aussi j’habite ce quartier. Avez-vous besoin de mon aide?
Aimeriez-vous faire un tour en ville? Permettriez-vous que je ferme la porte?
· promesse : Ma promesse solennelle de me désister vous suffira-t-elle?
· ordre : Veux-tu te taire? Sinon je te mettrai à la porte. Voulez-vous porter ce paquet à la gare? Je suis
débordé de travail et je n’ai pas le temps de le faire moi-même.
· excuse : Me pardonnerez-vous? Je n’ai pas eu l’intention de vous offenser. Pourrais-je jamais me faire
pardonner? Comment me faire pardonner?
· conseil : Ne pourriez-vous pas ajourner votre voyage? Le temps est sur la pluie. Ne devriez-vous pas aller voir
un médecin? Vous avez l’air pâle.

4. La phrase interrogative indirecte (percontative) 16 apparaît sous la forme d’une subordonnée


complétive, l’interrogation étant rattachée à un support.
Comment t’appelles-tu?® J’ignore comment tu t’appelles.
4.1. Le support de la phrase interrogative indirecte peut être :
- un verbe performatif ou un verbe de connaissance de sémantisme négatif: dire, (se) demander, savoir/ne pas
savoir, ignorer, regarder, voir, comprendre, sentir, etc.
On sait sous quelle discipline sévère vivaient les troupes de Charles XII. Une trentaine de matafs de
toutes les nationalités se battaient pour savoir qui monteraient les premiers. (Lecamp) Dis-moi au
moins s’il s’agit de quelque chose d’agréable. (Balzac) Elle ne lui demandait pas ce que les autres lui
avaient fait, mais ce qu’il avait fait, lui. (Balzac) Je ne saurais pas vous dire qui sont les plus vilains.

16
Il ne faut pas confondre la percontative avec les complétives proprement dites qui apparaissent après les
mêmes classes sémantiques des verbes de connaissance, de perception ou déclaratifs: Paul ne sait pas que sa
mère est partie (=complétive)/vs/Paul ne sait pas si sa mère est partie (=percontative); Paul m’a dit qu’il allait
là (=complétive)/vs/Paul m’a dit où il allait. (percontative)
(Sartre) Il ne savait plus quand. (Proust) Je vais voir, dit Cendrillon, s’il n’y a pas quelque rat dans la
ratière, nous en ferons un cocher. (Perrault)
- une locution verbale :
Je suis dans l’incertitude si pour me venger de l’affront je dois me battre avec mon homme ou bien le faire
assassiner. (Molière)
Je suis très incertain si je me retirerai à Londres. (Voltaire)

Les grammairiens Wagner et Pinchon (1962:615-616) considèrent que même les interrogations écho
(voir 4.4.1.), employées dans la conversation et qui reprennent une question sont des interrogations indirectes
sans support :
- Vous êtes contente, madame? - Si je suis contente, monsieur? Vous allez le voir!

4.2. Marques de l’interrogation indirecte


Les subordonnées interrogatives indirectes ne comportent pas de mélodie montante; elles ne sont pas
suivies d’un point d’interrogation, sauf si elles ne sont intégrées dans une interrogation directe:
Voulez-vous me répéter ce que vous avez entendu le soir du crime? (Simenon)

D’habitude, le contour de l’interrogative indirecte est assertif, neutre et la séquence est non inversive.
Dans ce type, on garde les mêmes niveaux d’incidence de l’interrogation, à savoir totale et partielle.

4.3. Types de phrases interrogatives indirectes


4.3.1 L’interrogation indirecte totale est toujours introduite par le connecteur si. Aucun autre procédé
utilisé dans l’interrogative directe totale n’y apparaît dans la langue soignée, littéraire.
Il voulait savoir si le Nègre n’éprouvait que de bonnes intentions à l’égard du nouveau-né.
(Supervielle)
J’ignorais pour le moment si Gaspard avait reçu mon message. (Hôtel)

4.3.2. L’interrogation indirecte partielle se caractérise par :


- l’emploi d’un substitut interrogatif, ayant la même forme ou une forme modifiée par rapport au mot
interrogatif de l’interrogative directe partielle. Les formes renforcées et l’inversion sont à éviter, même si elles
apparaissent parfois dans les écrits des meilleurs écrivains 17:
J’ignore qui a pu vous dire cette bêtise. Je me demande comment il a pu le découvrir.
Je veux savoir laquelle il préfère.
Les pronoms interrogatifs portant sur le sujet non animé, l’attribut non animé et le complément d’objet
direct non animé auront, dans l’interrogative indirecte, les formes suivantes:
Il se demandait ce qui l’avait effrayée au point de quitter sa maison paternelle.
J’ignore ce qu’elle est devenue après la mort de son ami. (Sartre)
Je me demande ce que vous avez fait, comment vous l’avez fait. (Bernanos)
Les substituts interrogatifs n’ont pas de valeur anaphorique (ils ne reprennent aucun élément présent
dans le discours), mais ils ont une certaine fonction syntaxique dans la subordonnée complément d’objet qu’ils
introduisent (sujet, complément d’objet direct, attribut, groupe prépositionnel, circonstant).
Je ne sais pas ce que c’est que d’être sous-diacre ni que de résigner. (Voltaire)
Savez-vous ce qui serait arrivé si mon excursion en Bohème n’eût été entreprise que de mon chef?
(Chateaubriand)
Dis-moi un peu ce qu’était Chevrier. (P.Léautaud)
- l’ordre normal, progressif Sujet + Verbe lorsque le sujet est pronominal:
Bref, puisque nous étions heureux, je ne voyais pas pourquoi nous changions de place. (Musset)
Lorsque le sujet est nominal, il peut être placé après le premier élément verbal en absence d’un objet
direct réalisé par un nom; la grammaire normative déconseille pourtant de pareilles constructions où la phrase se
termine sur le verbe.
Je me demande où va son père. / ?Je me demande où son père va.
Si l’objet direct est exprimé, le sujet ne peut plus être déplacé après le verbe:
Je me demande où Paul a mis ses gants./*Je me demande où a mis Paul ses gants.
Le déplacement du sujet après le verbe est possible aussi dans le cas de l’attribut du sujet.

17
Je me demande à qui penses-tu Andromaque. (Racine) J’ai osé regarder pour savoir qui est-ce qui osait
vivre où elle avait vécu. (Lamartine) Nous aurions bien voulu deviner comment elle se déroulerait et aussi
qu’est-ce qui arriverait après. (Beauvoir) Tu raconteras une autre fois comment c’est que je m’échine du
matin au soir. (Aymé)
J’ignore qui est cette personne.
Je me demande quelle serait la femme à tout accepter. (Beauvoir)
- l’absence de formes pronominales et adverbiales renforcées, sauf langue familière:
Je me demande d’où tu détiens cette information. (lg.courante)
Je me demande d’où est-ce qu’ils sont venus. (lg.fam)
Il ignore comment maman s’est si bien débrouillée dans pareille situation. (lg.courante)
Je me demande comment est-ce que les insurgés ont trouvé l’entrée dans le palais. (lg.fam.)

5. L’emploi des modes dans la phrase interrogative


5.1. La phrase interrogative ne se caractérise pas par un mode spécifique. D’habitude, le mode le plus
couramment employé est l’indicatif, parce qu’il actualise la question.
Vous imaginez-vous par hasard que je vais aller au lion avec votre parapluie? (Daudet)

5.2. Le conditionnel apparaît plus rarement avec sa valeur modale propre – celle d’exprimer
l’hypothèse. On l’emploie plus fréquemment pour sa valeur temporelle, vu qu’il marque un fait futur par rapport
un moment passé (= la concordance des temps, obligatoire dans la phrase interrogative indirecte, comme dans
toute subordonnée d’objet).
Où donc je l’aurais prise? (Aymé)
Ce qu’elle lui dirait? Elle n’en savait rien. (Bourget)
Il se demanda sérieusement d’où pourrait venir ce grand peintre. (Flaubert)
Ne te demandes-tu jamais jusqu’où n’irait point la pensée? (Diderot)

5.3. Le subjonctif plus-que-parfait s’emploie avec la valeur du conditionnel passé dans la langue littéraire:
Eussé-je autant aimé l’enfant née d’un mariage heureux? (Mauriac)
Que m’eût fait cette aventure déjà oubliée de ceux qui en avaient été les spectateurs? (Camus)

5.4. L’infinitif apparaît pour rendre une nuance délibérative, ou une éventualité:
Je ne sais pas trop bien qu’en juger. (La Rochefoucauld)
Ils savaient bien comment m’aider à dépasser les moments difficiles. (Malraux)
Pourquoi t’acharner également, Folcoche, contre notre misérable trousseau? (H.Bazin)

Questions :
1. Enumérez les caractéristiques de la phrase interrogative au niveau graphique, oral, segmental et séquentiel et
donnez des exemples pour chaque type.
2. Selon quel critère peut-on classifier les phrases interrogatives en directes et indirectes ?
3. Quels types de phrases interrogatives directes y a-t-il en français et quelle en est la différence ?
4. Pourquoi l’interrogation directe partielle est appelée par certains grammairiens ’’interrogation de
constituant’’ ?
5. Quels sont les procédés interrogatifs employés dans la phrase interrogative directe partielle ?
6. Comment s’appelle l’élément qui introduit toujours une interrogative indirecte totale ? Quel type de si est-il et
quels modes et temps peut-on utiliser dans une telle phrase ?
7. Indiquez quelques valeurs de la phrase interrogative et donnez aussi des exemples pour les illustrer.

Unité 4 : La phrase impérative

Objectifs spécifiques :
- construire correctement une phrase impérative en utilisant les divers types de pronoms personnels et
adverbiaux dans des constructions affirmatives et négatives ;
- donner un ordre de plusieurs façons, en fonction de la relation interpersonnelle avec l’interlocuteur
(ordre formel /vs/ informel) ;
- préciser d’autres moyens par lequel on peut passer un ordre, à part le verbe à l’impératif.

Temps alloué : 4 heures


1. Définition et caractéristiques de la phrase impérative
Par la phrase impérative on donne un ordre, un conseil, on exprime une exhortation ou une défense de
faire une certaine action. Ce type de phrase est toujours centré sur le destinataire, que celui-ci soit déterminé ou
non. Dans certaines grammaires on la retrouve sous la dénomination de phrase injonctive.
Attends-toi à une perquisition chez toi.
Aie la patience de les former lettre par lettre.
Enfin, va te promener sur le chemin des grands bois. (Stendhal)
“Introduisant un ordre ou une interdiction, la phrase impérative amène une idée achevée, nette, péremptoire.
C’est ce qui l’apparente au membre descendant de la phrase assertive, à celui-là même qui apporte une réponse”.
(A.Cuniţă, V.Vişan, 1987:242)
Le message porté par la phrase impérative peut être:
· direct, lorsqu’il est adressé à un participant direct au message (à la II-ème personne du singulier ou du pluriel
et à la I-ère personne du pluriel):
Va, montre cette lettre dans tout Verrières. (Stendhal)
Prenons vite ce sentier à droite. (Flaubert)
Seigneur officier, ayez pitié de moi! (Maupassant)
· indirect, lorsqu’il est adressé à un non participant direct au message, formulé à la III-ème personne du
singulier ou du pluriel:
Qu’on fasse venir sur l’heure quarante mousquetaires.
Que cent hommes veillent, nuit et jour, sous nos fenêtres! (Jarry)

Quelle que soit la structure de la phrase impérative, son contour mélodique est descendant. La marque
de la phrase impérative dans le code écrit est d’habitude le point d’exclamation, mais aussi le point:
Ne le flattons donc point! (La Fontaine)
Achève et prends ma vie après un tel affront. (Corneille)

2. Moyens grammaticaux d’exprimer l’injonction


Le contenu de la phrase impérative s’exprime par plusieurs moyens, mais qui, sémantiquement,
s’inscrivent tous dans la sphère de l’injonction. Le choix du type de réalisateur dépend, d’une part, des
participants à l’acte de communication (ordre donné à un participant direct/vs/non direct à la communication),
d’autre part, des rapports sociaux qui impliquent le choix d’un certain type de phrase. Ce choix est déterminé par
la hiérarchie, la position sociale ou l’âge de la personne à laquelle on donne l’ordre.

2.1. L’injonction s’adresse à un destinataire déterminé


2.1.1. Participant direct au message
L’impératif est le mode par lequel on passe un ordre à une personne de rang inférieur (du point de vue
de l’âge ou de la position sociale). Le message porté par l’impératif est direct, étant formulé à la deuxième
personne du singulier/pluriel ou à la première personne du pluriel. Parfois, le locuteur peut se prendre soi-même
pour partenaire:
Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre! (Corneille)
ou il peut s’adresser à un partenaire autre que lui-même:
Hélas! Je suis, Seigneur, puissant et solitaire. Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. (Vigny)
La phrase impérative se distingue radicalement de la phrase canonique en ce que l’impératif n’a pas de
sujet: Pars! Partons! Partez!
Les impératifs présentent la particularité que le destinataire est explicité linguistiquement:
a) par la désinence verbale:
Ne salis pas ta tunique.
N’espérons pas grand-chose! Allons-y les voir!
Ecoutez, monsieur Seguin, laissez-moi aller dans la montagne. (Daudet)
Dites-lui donc, Cruchot! (Balzac)
b) par la désinence verbale et le pronom conjoint réfléchi:
Dépêche-toi!
Tiens-toi bien!
Dépêchez-vous!
Si le sujet est effacé en structure superficielle, cela ne veut pas dire qu’on n’y fait aucune référence. La
phrase peut présenter des segments nommés appellatifs ou des formes toniques du pronom qui servent
d’appellatifs (ou vocatifs) et qui constituent des éléments référentiels.
Ne sois pas idiote, petite mauviette! (Hugo)
Ne pleurez donc pas, Mme la Reine. (Jarry)
Toi, viens avec nous! (Riempeyrou)
Vous, là-bas, ne me regardez pas ainsi!
On observe que, par rapport au roumain, le destinataire peut inclure même l’émetteur: Partons! Cette
injonction s’adresse à toi + moi, et jamais à lui + moi, à la différence de nous de la structure assertive Nous
partons. En roumain le correspondant n’est pas le mode impératif, mais le “conjunctiv”: Să plecăm! En plus, le
roumain n’a pas d’équivalent direct pour l’impératif passé du français, voilà pourquoi on fait appel au passé du
même mode “conjunctiv”.
Toute phrase assertive n’a pas son correspondant à l’impératif. Il y a quelques verbes qui ne
s’emploient jamais à l’impératif (a et b), d’autres qui ne s’emploient qu’à l’impératif présent (c):
a) les verbes impersonnels météorologiques: éclairer, grêler, neiger, pleuvoir, tonner, etc + le verbe
falloir;
b) les verbes modaux devoir et pouvoir, de même que le verbe déchoir;
c) les verbes réfléchis: se repentir, s’en aller, s’endormir, se souvenir, se taire + le verbe mourir (leur
impératif passé est inusité).
Dans d’autres situations, une certaine structure peut changer de sens lorsqu’on l’emploie à l’impératif.
Par exemple: Sois grand! a le sens de Montre-toi généreux! Dans son sens courant, concret, la phrase à
l’impératif n’est pas acceptable, parce qu’elle implique une propriété essentielle, involontaire de quelqu’un (se
référant à la taille de la personne).
La phrase impérative peut marquer le datif de la personne intéressée à l’aide d’un pronom tonique de la
I-ère personne:
Signez-moi cela, dit-il et gardez tout! (Flaubert)
Pends-moi ce crayon à une ficelle. Et accroche-moi cette ficelle à cette boutonnière-ci. (St.Exupéry)
Certains impératifs présentent aussi l’adverbe donc en postposition verbale:
Monte donc et ne t’étonne de rien. (Mérimée)
Calmons-nous donc, les montagnards! (Hugo)

2.1.1.a. La place des pronoms compléments


La présence de l’impératif entraîne certaines modifications quant à l’ordre séquentiel des pronoms
compléments. Ceux-ci sont placés après le verbe si la phrase est affirmative, et devant le verbe si la phrase est
négative:
Montre-la au seul M.Valenod. (Stendhal)
Essayez-le donc. (Dumas)
Dis-lui que je t’aime. (Stendhal)
Laissez-moi faire, dit le chauffeur. (Troyat)
Donnez-nous ces papiers et ne nous forcez pas à employer la force. (Villiers Plon)
Ne me livrez pas. (Zola)
Ne leur obéissez pas! (Pagnol)

2.1.1.1.a.1. Si la phrase impérative affirmative a deux pronoms personnels compléments d’objet, l’un
direct, l’autre indirect, on place d’abord le complément direct, ensuite le complément d’objet indirect, si les
pronoms sont de personnes différentes (I + II; II + III):
Passe-le-moi! (Gide)
Tiens-le-toi pour dit! (Gide)
Indiquez-les-nous!
Donne-la-leur! (Anouilh)
Pourtant, il y a des flottements dans l’ordre des pronoms compléments. On enregistre une forte tendance
à utiliser le même ordre que dans la phrase assertive, c’est–à-dire de laisser en première position les pronoms de
la I-ère et de la II-ème personne. Voilà pourquoi, chez certains auteurs, de même qu’en français courant, on
trouve les objets directs le, la, les placés après le pronom personnel objet indirect de la I-ère ou de la II-ème
personne:
Montrez-moi-la! (Proust)
Zépha, dis-nous-le. (Hériat)
Rends-nous-la. (Bernanos)

2.1.1.1.a.2. Si la phrase impérative affirmative a deux compléments, dont l’un est un pronom adverbial,
celui-ci se place après le pronom personnel:
Donne-m’en!
Félicitons-l’en!
Parlez-lui-en la première! (Zola)
Menez-les-y!
Fais-m’y penser!
Tenons-nous-en là! (Courteline)
Commande-m’en un! (Beauvoir)
2.1.1.1.b.1. Si l’impératif est négatif, on place le pronom personnel objet indirect de la I–ère ou de la II-
ème personne avant le pronom personnel objet direct de la III-ème personne:
Ne me le répétez pas cent fois, je ne saurais l’oublier. (Bradshow)
Ne nous le prête pas!
Si les deux pronoms sont de la troisième personne, on place d’abord le complément direct, ensuite le
complément indirect:
Ne les lui donnez pas! hurla-t-il. (Villiers Plon)
Cette gloire, ne la leur envions pas. (Corneille)

2.1.1.1.b.2. Si la structure impérative négative a deux pronoms compléments, dont un est adverbial,
celui-ci se place toujours immédiatement avant le verbe et après le pronom personnel complément:
Ne m’en parle plus! (Bradshow)
Ne t’en vante pas.
Ne t’y réfugie pas!
Ne l’y attache pas davantage! (Flaubert)

2.1.1.2. Valeurs d’emploi de l’impératif


L’emploi de l’impératif est motivé par des mouvements affectifs variés. Ceux-ci sont rendus par le ton
de la voix (exigence, impatience, lassitude). Compte tenu de ces nuances, l’impératif peut transmettre (Wagner et
Pinchon, 1991:358):
· un ordre: Gardes, obéissez sans tarder davantage! (Racine)
· une invitation polie, réalisée à l’aide d’une périphrase de politesse ou de déférence:
Veuillez vous asseoir et reprenez donc votre tasse de café.
Faites-moi le plaisir de m’accompagner.
Daignez recevoir mes hommages.
Ayez (la bonté + l’obligeance) de m’avertir.
· une prière, une supplication pressante:
Retirez-vous, Seigneur, et fuyez un courroux/Que ma persévérance allume contre vous! (Racine)
· une hypothèse:
Jetez-moi dans les troupes comme simple soldat, je suis Thersite; mettez-moi à la tête d’une armée
dont j’aie à répondre à toute l’Europe, je suis Achille. (La Bruyère)
Dans ce dernier cas, il y a un glissement vers la subordination paratactique18.
La phrase à structure inversive, terminée par une intonation montante cette fois-ci, et suivie d’une
phrase indicative, peut s’interpréter comme le premier élément d’un système conditionnel. (Le Goffic, 1993:506)
En voyage, prenez le train de luxe, les wagons sont à tel point surchauffés que vous n’y pouvez tenir.
(Montherlant)
Chassez le naturel, il revient au galop.
Parlez-lui, il ne vous écoute même pas!
Demandez-lui pourquoi il pleure, il n’en sait rien.
· un commentaire bref, dans les phrases incises:
Peut-on, dites-moi vraiment, vivre plus? (Gide)
Je dis cela (comprenez-moi bien) dans votre intérêt.
Paul a réalisé le temps de (tenez-vous bien!) 26 secondes 4 centimes!
· un rôle voisin de celui d’une interjection (Le Goffic, 1993:499): figurez-vous, écoutez, tenez, allez, voyons,
allons, disons, tiens, dis donc, etc.
Je l’aime, figure-toi! (Petit Robert)
Ecoutez, j’ai une proposition à vous faire. (Bradshow)
Allons, allons, nul besoin qu’elle soit vivante, dit le lion. (Supervielle)
Tiens, je ne l’aurais pas pensé. (Aragon)
Dis donc, c’est moi le fou? (Queneau)

2.1.1.3. Formes verbales autres que l’impératif


La valeur injonctive peut être transmise non seulement par une phrase ayant le verbe à l’impératif, mais
aussi par d’autres types de phrase, ayant le verbe à l’indicatif présent, futur simple ou périphrastique.
L’injonction réalisée par ces procédés est plus catégorique que celle réalisée par l’impératif.

18
La parataxe est un procédé syntaxique consistant à juxtaposer des phrases sans expliciter par une particule de
subordination ou de coordination le rapport de dépendance qui existe entre elles dans un énoncé, dans un discours, dans
une argumentation; c’est-à-dire sans procéder à l’enchâssement d’une phrase à l’autre, ni coordonner l’une à l’autre.
(J.Dubois, 1994:344)
2.1.1.3.1. Les phrases assertives
a) ayant le verbe au présent, au futur simple ou périphrastique:
Tu vas chez le commissaire avant de rendre visite à la vieille. (Simenon) Alors, tu prends tes affaires
et tu te retires sur le champ.
Le bien d’autrui tu ne prendras. (Décalogue)
Vous allez me raconter tout, d’un bout à l’autre. (Achard)
b) verbes et périphrases verbales qui, employés à la première personne du singulier, de l’indicatif ou du
conditionnel présent réalisent une configuration explicite d’un ordre, atténué ou non et qui traduisent des
modalités différentes, telles que: l’obligation, l’interdiction, la nécessité, etc.
Je dois partir maintenant.
J’ai à apprendre ce poème par coeur.
Je n’ai pas à me plaindre.
Je (demande + exige) que l’on ferme la porte.
Je vous ordonne de vous retirer.
Je vous (intime + donne) l’ordre de vous retirer.
Il (faut + ne faut pas) que je parte maintenant.
Il est (nécessaire + impératif) que je parte maintenant.
Je vous prie de vous taire.
Il serait bon que je parte maintenant.
L’interdiction, l’autorisation niée s’expriment de façon explicite, par une série de verbes, tels que:
Je vous (interdis + défends) de partir.
Je ne vous (autorise + permets) pas de sortir.

2.1.1.3.2. Les phrases interrogatives, surtout avec le verbe vouloir en structure inversée ou non ou en
structure périphrastique:
Alors, vous vous retirez, oui?
Voulez-vous vous taire?
Voulez-vous lâcher cela tout de suite?
Est-ce que vous voulez répéter?
Vous plairait-il de recommencer?
Auriez-vous (l’obligeance + l’amabilité) de fermer la porte?

2.1.1.3.3. Les phrases exclamatives, lorsque la situation de communication est responsable de cette
valeur injonctive indirecte, allusive:
Oh, la porte est ouverte! (= Fermez-la!)

2.1.2. L’injonction s’adresse à un non participant direct


Le subjonctif s’emploie pour exprimer une injonction adressée à un non participant direct au message
linguistique, autrement dit, quand l’être à qui l’on demande ou l’on interdit un acte est distinct de l’interlocuteur.
La phrase subjonctive en que se rencontre d’habitude avec le subjonctif présent ou passé. Ces phrases au
subjonctif, tout comme celles réalisées par un impératif, se terminent souvent par un point d’exclamation dans
l’écrit:
Qu’il sorte!
Qu’ils entrent!
Que les portes se renferment autour de moi!
Qu’elle me laisse à ma juste colère! (Camus)
Parfois, c’est le simple point qui marque la fin de ce type de phrase impérative:
En ce cas, que mon mari découvre nos amours et qu’il m’enferme dans une éternelle prison à la
campagne, loin de mes enfants. (Stendhal)
Que Dieu le fasse disparaître. (Bradshow)
Que Lupicinus leur en fournisse. (Bradshow)
Que Dieu vous bénisse, vous avez de l’occupation. (Balzac)
Le subjonctif peut apparaître même sans sa conjonction spécifique, dans un nombre assez grand de
formules consacrées:
Dieu vous garde!
Dieu veuille me pardonner! (Baudelaire)
Le ciel l’entende! (Hermant)
La place du sujet dans les structures réalisées avec le subjonctif, est variable:
· avant le verbe, avec reprise ou non du sujet nominal par un pronom personnel correspondant:
Dieu puisse-t-il me l’accorder le cas échéant! (Stendhal)
Son nom saint soit béni. (Montherlant)
· après le verbe (inversion de l’ordre normal):
Vogue la galère.
Advienne que pourra.
Vive la France!
Meurent les Médecins! (Musset)
Puissiez-vous réussir!
On enregistre même des cas où le sujet manque:
L’histoire existe, ne vous en déplaise, chers jeunes philosophes. (Elleinstein)
Plaise/plût à Dieu!,
A Dieu ne plaise!
Grand bien vous fasse!,
A cela ne tienne! (Jouhandeau)

2.2. L’injonction s’adresse à un destinataire indéterminé


L’infinitif sans sujet s’emploie dans des inscriptions ou dans des textes où le destinataire est
indéterminé:
Ne pas se pencher au-dehors.
Ne pas dépasser la dose indiquée.
Agiter avant de s’en servir.
Extraire la racine carrée des nombres suivants.
Mettre cent grammes de farine dans la sauce.
Parfois, surtout à la forme négative, l’infinitif s’emploie même pour un interlocuteur précis (monologue
intérieur):
Ne pas perdre la tête surtout. (Sarraute)

3. Moyens lexicaux d’exprimer l’injonction


3.1. D’autres procédés favorisés surtout par la communication orale et par les inscriptions sont les
phrases averbales et les mots-phrases:
· les interjections spécialisées ayant une valeur impérative et les cris institutionnalisés: chut, sst, hue.
Chut! Il dort, le petit ange. (Daudet)
Hue, cocotte! Allez, hue! (Petit Robert)
· les groupes nominaux à valeur impérative: attention, silence, paix, un peu de patience, au secours, à moi.
Silence! Vos papiers, s’il vous plaît. (Chamberlain a Ross)
Parfois, ces structures s’accompagnent d’un appellatif ou d’une indication locative: Garçon! Cinq
centimes de pain. En trois morceaux, garçon! (Hugo)
Médor, ici! Tout le monde en bas!
Dans d’autres situations, on préfère les structures nominales aux structures réalisées à l’aide d’un
impératif, l’injonction étant indirecte:
Défense d’entrer.
Prière de s’adresser au concierge.
· adverbes à valeur impérative: doucement!, lentement!, en avant!, tout beau!, vite, vite!
Par ici! En garde, donc, monsieur! (Dumas)

3.2. Valeurs de contenu


Ces valeurs de contenu sont centrées sur les participants à l’échange linguistique, visant à déclencher
une réaction de la part de l’interlocuteur (la fonction conative ou injonctive de la langue).
· ordre, exhortation: En avant! dit Evans. (Verne)
· recommandation ou conseil: Doucement! Ne nous affolons pas. (Marceau)
· prière: Grâce!… Grâce… fit le misérable. (Verne)
· désir d’être secouru: A moi, Forbes! Viens…Viens! (Verne)
· avertissement: Gare, master, gare! cria soudain Cross. (Verne)
· encouragement: Un peu de patience, Forbes! lui dit Evans. Tu vivras… (Verne)

Questions :
1. Comment peut être le message porté par la phrase impérative selon les personnes qui participent à l’échange
verbal ?
2. Quels sont les moyens grammaticaux par lesquels on exprime l’injonction ?
3. Y a-t-il d’autres moyens par lesquels on peut passer un ordre ? Donnez des exemples !
4. Précisez, à l’aide d’exemples, la place des pronoms compléments directs et indirects dans une phrase
impérative affirmative et négative.
5. Quelles sont les valeurs de contenu de la phrase impérative ?

Unité 5 : La phrase exclamative

Objectifs spécifiques
- reconnaître les marques explicites de la phrase exclamative;
- pouvoir une phrase exclamative organisée à partir d’une phrase exclamative inorganisée et vice-versa;
- fixer les latitudes combinatoires de divers adverbes et pronoms /adjectifs exclamatifs avec la classe des verbes,
des adjectifs et des adverbes.

Temps alloué : 3 heures

1. Définition et particularités
La phrase exclamative est, par son contenu, analogue à la phrase énonciative: elle apporte une
information, mais elle y ajoute une connotation affective. Elle n’est pas objective, neutre, car elle inclut les
sentiments du locuteur, manifestés avec une force particulière. Elle est plus fréquente à l’oral qu’à l’écrit, parce
que la langue orale favorise l’expression libre des sentiments du locuteur vis-à-vis d’une situation, d’une
personne ou d’un objet.
La phrase exclamative a peu de caractères syntaxiques propres, voilà pourquoi les générativistes ne la
considèrent pas comme un constituant à part. Elle emprunte à la phrase interrogative beaucoup de procédés:
- mot introducteur: A quoi bon danser! (Cayrol)
- inversion: Est-elle innocente, cette pauvre femme! (Maupassant)
- périphrase: Quelle drôle de tête est-ce que tu fais! (Schlumberger)
- particule (lg.pop.): Que j’ai t’y du goût! (Grevisse)
Elle partage avec la phrase impérative la valeur injonctive transmise par l’entremise de quelques verbes
ayant la valeur d’une interjection: tiens, allons, voyons, etc. Elle ressemble parfois à la phrase assertive par
l’ordre normal des mots, mais s’en distingue par la courbe intonatoire, par l’emploi d’un intensif et par l’accent
expressif qui frappe une syllabe d’un mot:
Marie est belle et très intelligente!
Je me suis endormie après le déjeuner et je m’éveille si lasse! (Colette)
Elle est accablée, la pauvre!
La phrase exclamative indique souvent le haut degré d’une qualité, d’une activité: Il fait un de ces
froids! Elle écrit si vite! ou bien elle exprime la surprise, la tristesse, la joie, etc. devant un fait qui n’est pas
susceptible d’avoir un degré:
Donc il est mort! fit le Scapin… (Gautier)
Le grand Meaulnes est parti! (Fournier)
Je suis grand-père!
Notons aussi que d’habitude, la phrase est en entier exclamative, mais on peut avoir une sous-phrase
exclamative insérée dans une phrase énonciative ou interrogative:
Nous étions debout - ô merveille! – sur la plateforme avant. (Pagnol)
Après le dîner, hélas! tu devais quitter ta mère (…) qui passait dans le petit où tout le monde se retirait
s’il faisait mauvais, n’est-ce pas? (Proust)

2. Classification des phrases exclamatives


La diversité sous laquelle se manifestent les phrases exclamatives est pourtant réductible à deux grands
types structuraux. On doit envisager deux critères:
2.1. Critère formel
Selon leur structure, les phrases exclamatives peuvent être:
· organisées (= explicites), dont le schéma canonique est SN + SV:
Voilà le résultat d’un désir insatisfait! (Bradshow)
Quel belliqueux professeur de troisième nous avions là! (France)
· inorganisées (= implicites), phrases à terme unique, ou même à deux termes (SN et SV), mais qui sont
disjoints du point de vue syntaxique:
Quel courage! Quelle grandeur d’âme! Quel héroïsme! (France)
- Les séduire! s’écria Joseph indigné. (Green)
- Moi, vous mentir, jamais!
2.2. Complexité de la phrase
André Goosse (1994:614) considère qu’il y a deux types de phrases exclamatives, tout comme il y a en
deux types d’interrogatives:
· exclamatives directes: Quel beau spectacle tu as vu!
· exclamatives indirectes: Je sais quel beau spectacle tu as vu! Dieu sait (si + comme) il est gentil!

3. Caractéristiques de la phrase exclamative


3.1. Niveau graphique
La phrase exclamative, qu’on a définie comme une séquence à contour non assertif, est marquée dans le
code écrit par un point d’exclamation ou par des points de suspension, parfois même par un point
d’interrogation:
Ah! Très bien, alors! (Nerval)
Et quelle désossée! (Zola)
Cette fillette est d’une audace…
Moi, vous haïr? (Beauvoir)

3.2. Niveau suprasegmental (oral)


L’intonation exclamative ou d’inachèvement joue un rôle essentiel dans le cadre de la phrase
exclamative. Dans beaucoup de cas, l’énoncé exclamatif est caractérisé par une courbe mélodique descendante:
Qu’elle est pâle!
Comme elle partage certains réalisateurs avec d’autres types de phrases, c’est uniquement grâce à ce
procédé suprasegmental qu’on fait la distinction entre l’interprétation exclamative et non-exclamative: Est-il
gentil! /vs/ Est-il gentil? Elle est belle! /vs/ Elle est belle. Dominique Maingueneau (1996:59) remarque le fait
que les énoncés Quelle femme ou Est-elle gentille seront exclamatifs ou interrogatifs en fonction de l’intonation.
Interprétés comme interrogatifs, ces énoncés demandent à l’interlocuteur de sélectionner une femme parmi
d’autres ou de faire un choix entre “être gentille/ne pas être gentille”. Interprétés exclamativement, ils n’exigent
aucun choix de la part de l’interlocuteur.

3.3. Niveau segmental


La phrase exclamative explicite peut organiser son contenu en suivant:
a) l’ordre progressif des termes:
Comme il est violent! (Pagnol)
Voilà le prix qu’il faut payer pour la tendresse d’une mère! (Camus)
b) l’ordre régressif des termes:
Nous sommes-nous assez moquées des femmes qui se laissent victimiser! Beauvoir)
Que n’avait-elle mieux présenté combien elle estimait indigne qu’un intérêt pécuniaire les guidât seul
dans cette entreprise! (Troyat)

3.4. Niveau séquentiel


La phrase exclamative se caractérise par l’emploi de toute une série de mots intensifs et d’introducteurs,
de séquences automatisées ou de mots affectifs, qu’on discutera in extenso dans le cadre de chaque type de
structure exclamative.
Quel gibier! (Verne)
Vous êtes si jeune, si gentil! (Mérimée)
Du diable si nous en avons encore aperçu! (Verne)
Ça, c’est le bouquet! (Troyat)

4. Phrases exclamatives inorganisées


Ces types de phrase apparaissent le plus souvent en français parlé, la première place étant assignée au
constituant qui apparaît le plus important au locuteur. La phrase exclamative inorganisée ou implicite peut être
constituée d’un seul mot, ou d’une séquence plus développée de mots:
Excellent! Parfait! Bizarre! Curieux! Raté!
Incroyable, cette histoire!
Merveilleuses, ces roses!
Tas de fainéants!
Heureux les pauvres!
Ah, ces adorables petites filles!
L’absence de support segmental entraîne parfois des ambiguïtés. Par exemple, un énoncé tel que Ah, les
femmes! peut exprimer l’admiration ou le dépit, en fonction du contexte. C’est donc le rôle du contexte
d’orienter le décodage et de lever les ambiguïtés. En principe, on distingue trois types de phrases exclamatives
implicites, en fonction de leur structure.

4.1. Les phrases interjections19 servent à exprimer économiquement l’état d’âme du locuteur. Elles se
substituent à toute une phrase parfois, rendant une certaine valeur émotive. Voilà pourquoi elles sont considérées
des mots-phrases:
Ah! = (1) admiration; (2) surprise; (3) peine; (4) regret.
Oh! = (1) surprise; (2) douleur.
A elles seules, les interjections n’ont pas de signification, ou de valeur dans le sens saussurien du
concept (sauf les onomatopées). C’est le contexte qui leur offre une certaine signification. A titre d’exemple
nous illustrons ci-dessous les valeurs de ah! dans des contextes différents qui explicitent la valeur sémantique de
l’interjection:
(1) Ah, qu’elle est belle! (2) Ah, c’est vous, Marie! (3) Ah, que ça me fait mal! (4) Ah, si je l’avais
su!
Quelques interjections ont pourtant un sens spécialisé, leur décodage n’engendrant pas d’ambiguïté
même sans contexte situationnel explicité:
Hélas! = le regret Aïe! = la douleur Ouf! = le soulagement Pouah! = le dégoût Zut! = le dépit
Il y a aussi de classes de mots et même des séquences automatisées qui fonctionnent comme
interjections:
- noms: dommage! veine!
- adjectifs: formidable! fantastique! extraordinaire! chic!
- adjectif + nom: quelle chance! bon voyage! bon courage!
- adverbes: tant mieux! tant pis!
- verbes à l’impératif: tiens! soit! passe! n’importe!
- séquences: ça va! ça ne vaut pas la peine! s’en est trop (fort)! c’est du propre!

4.2. Le monorème exclamatif


Le monorème exclamatif est un énoncé à terme unique. Dans ce type de phrase exclamative inorganisée
“un seul des termes est exprimé explicitement, l’autre étant implicité dans la situation de communication, de
sorte qu’il parvient à la connaissance du récepteur par l’intermédiaire des éléments extralinguistiques
(situationnels)”. (T.Cristea, 1979:405)
Fréquemment utilisé, le monorème exclamatif est formé de mots qui remplissent une seule des
fonctions syntaxiques fondamentales de la phrase noyau, à savoir:
- la fonction de sujet (réalisée à l’aide d’un syntagme nominal formé d’un article défini, indéfini, d’un adjectif
possessif, interro-relatif, démonstratif ou d’un adverbe quantitatif + N):
Les Russes! L’ennemi! (Jarry)
Un empoté! Un salaud!
Mon sac!
Quel idiot!
Cet imbécile! Ce raté!
Que de monde! Combien de voitures!
Au niveau du sujet, on remarque l’existence d’une structure qui inverse la place déterminant/déterminé
et la place des relateurs: Cet idiot de garçon! Pauvre de lui!
- la fonction de prédicat:
Volé! Chipé, quoi!
Oh! vivre maintenant! oh! vivre enfin! (Michaux)

4.3. Le dirème exclamatif


Le dirème exclamatif est la phrase segmentée dans laquelle les deux termes essentiels sont explicités
dans la chaîne verbale, mais ils sont disjoints grammaticalement. Cette disjonction se traduit par une pause de
détachement, dans le code oral, et par une virgule, dans le code écrit. Dans le dirème exclamatif l’absence du
verbe fini est de règle:
Quelle merveille, cet homme! (Kipling)
Calomnies, toutes ces accusations!
Une folie, cette entreprise!
Un bon type, ce brigadier!
Il y a pourtant quelques situations où le verbe apparaît sous la forme non finie, au passé composé ou à
l’infinitif:
19
Le corps phonétique des interjections est très réduit (de une à trois syllabes). On peut les définir comme des
émissions phonétiques employées dans des phrases à contour exclamatif pour traduire un certain état d’âme.
Finies, les vacances!
Passés, les examens!
Lui, tromper sa femme!
Moi, mentir à mon meilleur ami!
Elle, partir si tôt!

4.4. Procédés exclamatifs employés dans la phrase inorganisée


Dans la phrase exclamative implicite ou inorganisée on peut retrouver plusieurs procédés:
- le contour exclamatif: Très bien! Bien joué!
- la pause de disjonction qui caractérise le dirème exclamatif: Marie, médire comme ça!
- les intensifs: Une si bonne dame! Un homme tellement intéressant! Un homme très habile! La pauvre femme!
Le beau paysage! Un idiot! Un imbécile!
- les introducteurs dont les adverbes quantitatifs que et combien et l’adjectif quel indiquant la qualité ou le
degré: Que de gens! Combien de visiteurs! Quelle différence, grand dieu! (Stendhal)

5. Phrases exclamatives explicites : marques et réalisateurs


La phrase exclamative explicite ou organisée présente les mêmes traits qui caractérisent aussi la phrase
exclamative implicite ou inorganisée. Elle s’en distingue par le fait qu’elle explicite tous les constituants de la
phrase, étant marquée par l’intonation exclamative et par la présence des éléments introducteurs et intensifs,
dont certains sont communs avec l’exclamation implicite, d’autres sont différents. Les marques de la phrase
exclamative explicite sont:

5.1. Le contour intonatoire


Une phrase assertive peut devenir exclamative simplement par l’emploi d’une intonation exclamative:
C’est une belle idée! (Romains)
J’étais donc sûr de leur perte! Ils ne pouvaient m’échapper! (Lautréamont)
Dans d’autres situations, l’intonation se combine avec le changement de la structure segmentale de la phrase:
Qu’il est mignon! Qu’il est nu! Et qu’il est brave! (Kipling)
Qu’elle est frêle, en dépit de son air dur qu’elle affiche partout. (Bradshow)

5.2. Les mots introducteurs


5.2.1. À valeur intensive
Les mots introducteurs ne sont pas spécifiques à la phrase exclamative. Ils apparaissent aussi dans les
phrases interrogatives directes ou indirectes, comme on l’a déjà montré (voir chap.4). Ils sont placés en tête de
phrase et la plupart d’eux ont une valeur intensive:
Quelle étrange affaire que l’affaire Dreyfus!
Que de choses savaient les Anciens!

5.2.1.1. Quel exprime le degré ou la qualité (à fonction de prédéterminant ou d’attribut), étant suivi d’un
nom.
Quelles histoires ils font pour rien!
Quels remords vous vous prépariez!
Remarquons également l’emploi absolu de quel, en coordination avec le nom auquel il se rapporte:
- Les hommes! Les hommes! Vous en avez connu beaucoup?
- Un seul. Mais quel!… (Colette)

5.2.1.2. Les locutions: combien de, ce que, que de exprimant la grande quantité et les adverbes de
degré: comme, combien20 (plus recherché), que, ce que (familier), qu’est-ce que (très familier), comment que
(populaire) sont employés comme mots introducteurs à valeur intensive.
Combien de cadeaux tu as reçus! (Derème)
Que je suis malheureux! (Flaubert)
(Comme + qu’) elle est belle!
Ce que cela tombe! dit tante Léonie. (Proust)
Ce que tu as pu dire de bêtises!
Qu’est-ce qu’elle a dû pleurer quand elle a appris la mort de son garçon! (Proust)
Ce que c’est que le destin! Ce que c’est de nous! Comment qu’ils nous ont eus! (Sartre)
20
Dans la langue recherchée, l’adverbe combien et, plus rarement, que, peuvent être rapprochés de l’adjectif ou
de l’adverbe auxquels ils se rapportent: Combien facilement la vie se réforme, se réforme! (Gide) Combien
naïves et paysannes en comparaison sembleraient les églantines! (Proust) Que différente fut cette rentrée de
celle de lundi! (Pergaud) Et que peu il y en a! (Giono)
Les locutions et les adverbes de degré se distinguent du point de vue de leur incidence. Par exemple, ils
peuvent être incidents:
a) à un nom:
Combien de récits n’ai-je pas écrits à l’époque! (Green)
A combien de tentations n’a-t-il pas été exposé!
Que de choses n’a-t-elle pas racontées!
Que j’ai perdu de temps!
Dans le registre familier, ce que s’emploie aussi comme équivalent de combien, mais il est toujours séparé du
nom:
Ce que j’ai dépensé ainsi de forces, d’éloquence inutile! (Daudet)
b) à un adjectif ou à un adverbe:
Comme elle est belle! Qu’elle est belle! (lg.courante + lg.lit)
Ce qu’elle est belle! Qu’est-ce qu’elle est belle! (lg.fam)
(Comme + que) il écrit vite! (Ce que + qu’est-ce que) il écrit vite!
Avec comme, ce que et qu’est-ce que l’adjectif ou l’adverbe auxquels ils se rapportent occupent toujours la
place qu’ils auraient eue dans une phrase assertive et sont donc séparés de l’adverbe exclamatif. (A.Goosse,
1994:616)
(Comme + ce que + qu’est-ce que) vous êtes jolie!
c) à un verbe:
(Comme + combien) il souffre! (lg.courante + lg.lit)
(Comme + *que) tu m’as manqué!
(Ce que + qu’est-ce que) il souffre! (lg.fam)
Que n’est jamais incident à un verbe, mais il s’emploie avec les locutions verbales:
Que j’ai (soif + peur)!
Qu’il fait (froid + chaud + beau)!

5.2.1.3. Prédéterminants
5.2.1.3.1. Les articles définis ou indéfinis présentent une valeur intensive et se combinent, eux aussi,
avec une intonation suspensive. Les syntagmes à article défini sont suivis d’habitude d’une relative:
La jolie bague que tu as reçue!
La belle femme qu’il a épousée!
C’est d’un ridicule! songeait-elle. (Beauvoir)
Je dois avoir une figure! (Colette)
Il fait (une chaleur + une de ces chaleurs)!
5.2.1.3.2. L’adjectif démonstratif peut remplacer l’article défini dans les phrases exclamatives, gardant
la même valeur intensive:
Cette patience qu’il a!… Ce courage qu’il a toujours montré!…

5.2.2. Sans valeur intensive


5.2.2.1. Dans certains cas, combien s’emploie aussi à valeur pronominale, lorsqu’il n’est pas suivi
d’un nom:
Combien voudraient être à votre place!
5.2.2.2. Un cas à part est l’exclamation introduite par des conjonctions et des locutions conjonctives à
valeur non intensive, qui se présente sous la forme d’une “subordonnée détachée” (T.Cristea, 1979:407), à
contour intonatoire d’inachèvement, introduite par un élément de relation: si, comme si, pourvu que.
Elle cria: Si tu lui en parlais!
Si seulement j’étais prisonnier! (Maupassant)
Comme si elle pouvait me rendre service! Pourvu qu’il vienne ce soir!

5.3. Mots non introducteurs à valeur intensive sont les adverbes tant, tellement, si qui, employés à
l’intérieur d’une phrase exclamative, imposent à la structure une ligne mélodique d’inachèvement.
- Oh! oui, je voulais tellement! dit Xavière d’une voix suppliante. (Beauvoir)
Ah! J’aurais tant voulu y aller! (Beauvoir) Elle est si attachante!
Comme on peut constater, ces adverbes intensifs ne constituent pas d’éléments introducteurs. Ils se
distinguent par leur incidence différente: si est incident à un adjectif, à un adverbe ou à une locution verbale,
jamais à un nom:
Tu es si belle! Tu parles si vite! Tu as si peur!
Tant est incident uniquement au verbe: Tu as tant parlé d’elle!
Tant de est incident à un nom: Il y a tant de livres dans cette bibliothèque!
Tellement est incident à un verbe, à un adverbe ou à un adjectif:
Il a tellement espéré de remporter le prix!
Il court tellement vite!
Il est tellement petit et maigre!

5.4. D’autres procédés employés dans la phrase exclamative organisée


5.4.1. L’inversion du sujet est un procédé non spécifique à la phrase exclamative, mais qui y apparaît
fréquemment, dans quelques situations:
5.4.1.1. La phrase ne présente pas de mot exclamatif
a) Si le sujet est un pronom personnel, les impersonnels ce, il, et l’indéfini on, le sujet peut être placé après le
verbe:
Est-elle gentille! (Labiche)
Est-ce bête, les convenances! (Flaubert)
Hélas! Ai-je été maladroit! (Bedel)
Faut-il qu’il l’adore! (Le Goffic)
Parfois, l’inversion se fait lorsque le sujet est un nominal:
Les hommes sont-ils bêtes! (Le Goffic)
Jusqu’où l’imagination des femmes peut-elle les aveugler sur l’amour viril! (Louÿs)
Lorsque le sujet n’est pas un pronom du type mentionné dans a), il se place avant le verbe:
Tout est perdu! Le progrès, ma parole d’honneur, marche à pas de tortue! (Flaubert)
Ça te presse à ce point-là! (Colette)
b) Si l’adjectif attribut est en tête de phrase, l’inversion se fait surtout dans la langue écrite:
Si lointaine était ma rue. (Sabatier)
Bienheureux serez-vous quand on vous haïra… (Bible)
5.4.1.2. La phrase est négative, à mot exclamatif qui n’est pas sujet et qui ne se rapporte pas au sujet.
Dans ce cas, la négation est oratoire:
(Que + combien) de fois mon père ne m’en a-t-il pas parlé!
Combien de gens n’ont-ils pas déjà consultés!
Que de fois n’a-t-il pas défendu les droits de l’homme?
Que de projets ne fit-il pas! (Fournier)
Quelles émotions n’éprouva-t-il pas! (Pergaud)
Combien l’aphasie de Beaudelaire ne la dépasse-t-elle pas en horreur! (Gide)
Lorsque que a le sens causal, l’opposition entre l’interrogation négative partielle et l’exclamation peut
se traduire par le choix différent d’introducteur: l’adverbe pourquoi est réservé à l’appel d’information, le que
causal à l’exclamation. En tout cas, dans la langue soutenue on fait l’inversion dans les deux cas:
Pourquoi ne m’as-tu pas prévenu à temps? /vs/ Que ne m’as-tu pas prévenu à temps?

5.4.2. Modes verbaux


En général, la phrase exclamative n’a pas un mode verbal caractéristique, parce que, comme disait
Brunot, “il n’y a pas un mode de l’amour et de la haine”. Le plus souvent, les verbes apparaissent aux formes
finies (a) de l’indicatif, du conditionnel, ou du subjonctif hortatif ou à des formes non finies: infinitif, participe
passé (b), lorsque l’exclamation est implicite (voir 4.3.)
(a) Comme on se trompe dans la vie! Si seulement je pouvais m’en guérir! Comme ma vie s’arrangerait
joyeusement! (Rolland) Qu’elle eût été heureuse de voir cela! Comment as-tu pu croire? dit Pierre. Que moi je
te haïsse, toi? (Beauvoir)
(b) A votre âge, Monsieur, m’eût-elle dit, être si peu raisonnable! (France)
Finies, les provisions! dit le Goupil. (Le Roman du Renard)
L’emploi de l’infinitif après un adjectif ou un nom, surtout à valeur négative, est considéré comme un
procédé vivant en français actuel:
Impossible de (faire autrement + vous tromper)!
Difficile de faire plus mal!
Quel malheur d’être obligé de passer par là!

5.4.3. Séquences automatisées


Dans cette catégorie on range d’habitude quelques phrases exclamatives semi-lexicalisées ou
lexicalisées dont l’emploi est commandé par convention. Dans cette catégorie T.Cristea (1979:409) range les
structures: Parce que j’y tiens!; J’en ai vu bien d’autres!; C’est trop fort! A.Goosse (1994:617) ajoute encore:
dire que, faut-il que, avec cela/ça, plus souvent que (familier), pour ce que (familier), tu parles de/que/si, tu
penses si, etc.
Dire qu’il s’en est fallu d’un cheveu qu’elle ne le prenne…. (Sarraute)
Faut-il qu’un homme soit tombé bas pour se croire heureux! (Beaudelaire) Avec cela que je ne
l’aurais pas reconnue! (Proust)
Vous pensez, si j’étais rouge et si j’avais peur! (Daudet)
Tu parles qu’en voilà un qui ne doit pas être malheureux! (Proust)

5.4.4. Mots affectifs


Ces mots s’emploient surtout dans les phrases exclamatives pour exprimer l’affectivité du locuteur:
Du diable si je comprends quelque chose!
Alors, pourquoi diable parles-tu de mourir!
Que diable n’est-il pas venu!
Qu’est-ce qu’il pouvait bien faire en route?!
Il est venu donc!
Vous êtes déjà prêts!

6. Fonctions de la phrase exclamative


On pourrait réduire les fonctions de la phrase exclamative à deux plus importantes:
6.1. La fonction affective
Par son énoncé le locuteur exprime son attitude à l’égard des objets de la réalité, les sentiments qu’il
éprouve, ses réactions aux stimuli extérieurs. Le locuteur peut apprécier favorablement ou défavorablement une
situation, une personne, un objet, etc. La signification de certaines interjections qui constituent son énoncé n’est
précisée que par le contexte extralinguistique:
- appréciatif: Oh! que je suis contente! Ah! quelle chance de te revoir!
- dépréciatif: Oh! qu’il est lâche! Ah! C’est un peu fort!
En plus, le locuteur vise à persuader son interlocuteur, d’obtenir son adhésion au point de vue qu’il vient
d’exprimer:
- Ah, arrête. Neuf millions et des poussières! Près d’un milliard de centimes! Je ne sais même pas
combien il y a de zéros! - Toi, on peut dire que tu as le sens de l’à-propos! - Oh! moi je ne rêve pas
d’être milliardaire! - Pourquoi tu as besoin de ta prime, alors? (Capelle)

6.2. L’intensité se rattache à l’énoncé émotif parce qu’on y exprime toujours une attitude subjective,
une participation dynamique du locuteur. L’intensité peut s’accompagner d’une tonalité neutre:
Comme elle est belle!
Il fait si froid dans cette pièce!
C’est tellement compliqué de t’expliquer tous ces détails!
J’en ai tant mangé!
Est-il bête!
Ce qu’elle est dure!
Tu parles s’il y aura des réclamations!
Vous pensez si j’étais étonné!
Dans d’autres situations elle s’exprime par un accent expressif qui frappe soit l’initiale du mot, si celui-ci
commence par une consonne: Formidable! Stupide! Merveilleux! soit la deuxième syllabe, si le mot commence
par une voyelle: Insensé! Extrême! Accablé!

Questions :
1. Pourquoi les linguistes considèrent-ils que la phrase exclamative n’est pas vraiment un constituant de
phrase ?
2. Quels sont les procédés qu’elle emprunte à la phrase interrogative ? Et à la phrase assertive ?
3. Quel est le critère le plus important de classification des phrases exclamatives ?
4. Quels types de phrases exclamatives inorganisées connaissez-vous ? Donnez des exemples !
5. Indiquez, dans des exemples, au moins cinq procédés utilisés par la phrase exclamative organisée.
6. Quelles sont les fonctions fondamentales de la phrase exclamative ?

II. Les constituants facultatifs

Unité 6 : La phrase négative


Objectifs spécifiques :
- utiliser correctement les diverses structures négatives à formant simple, discontinue et des constituants
coordonnés ;
- distinguer entre la négation exceptive et la négation exceptive annulée ;
- se servir consciemment de la préposition de à la place des articles partitif ou indéfini dans les structures
négatives prédicatives discontinues, multiples ou dans les négations exceptives ;
- différencier les valeurs purement négatives des valeurs positives de l’adverbe ne.

Temps alloué : 4 heures

1. Définition et critères de classification


La phrase négative contient un formant explicite de la négation, qui affecte un ou plusieurs constituants
de la phrase. La négation est l'une des valeurs sémantiques et logiques les plus importantes. Elle peut être
classifiée en fonction de plusieurs paramètres :
a) le niveau où elle apparaît: négation grammaticale/vs/lexicale.
La négation grammaticale affecte le verbe fini et/ou un ou plusieurs constituants de phrase; la négation
lexicale se réalise au niveau des lexèmes, soit par des préfixes négatifs: a-(apolitique), an-(analphabétisation),
dé-(décroître), des-(déshabiller), in-(indécis), im-(impoli), ir-(irresponsable), il-(illettré), mé-(méconnaître),
mes-(mésestimer), mal-(maltraiter), non-(non-croyant), soit par des mots qui sémantiquement impliquent un trait
négatif: manquer, dissuader, avoir tort. b) l'incidence de la négation:
La négation grammaticale peut être totale (lorsqu'elle affecte le statut de toute la communication: Je ne
parle pas. Il ne bougeait plus) ou partielle, qui ne touche qu’un certain constituant de phrase :
Je ne bois pas que du vin rouge.
Tous les étudiants ne passent pas cet examen d’un premier essai.
c) le champ de la négation.
Selon ce critère on distingue entre :
- une négation absolue, qui suppose l’existence de plusieurs indices négatifs (actants, circonstants, termes
coordonnés) :
Je ne connais absolument personne dans cette ville.
Je n’ai jamais bu de cognac.
- une négation relative, qui, par rapport à la négation absolue, a un caractère temporaire :
Marie n’a pas encore passé son permis de conduire.

2. La négation prédicative est centrée sur le verbe fini, ce qui confère à toute la communication un
statut négatif. Elle peut être de deux types:
· simple – lorsque seul le verbe fini est affecté par le trait négatif: Marie ne va pas au marché.
· multiple – lorsque plusieurs constituants de phrase sont affectés par la négation, à part le verbe fini: Personne
ne va jamais au marché le Jour de l'an.

2.1. Négation simple


2.1.1. À formant unique ne
Elle se présente comme négation à formant simple ne ou comme négation à formant discontinu
ne...pas/point/guère/plus/nullement/aucunement.
2.1.1.1. La négation prédicative à formant unique ne est une construction marquée stylistiquement,
qui apparaît notamment en français littéraire; d'autre part, elle caractérise un énoncé emphatique, ayant un
caractère affectif. Les grammairiens distinguent deux situations où l'on emploie cette négation prédicative à
formant unique ne:
2.1.1.1.a. Énoncés à caractère idiomatique21, où ne s'emploie auprès d'un verbe régissant:
A Dieu ne plaise!
Qu'à cela ne tienne!
N'ayez crainte/peur!
Ne soufflez mot!
N'empêche!
N'importe, reprit le patron bonhomme, je veux que tous nos employés aient une nourriture saine et
abondante. (Zola)

2.1.1.1.b. énoncés où ne est en variation libre avec la négation à formant discontinu ne...pas; dans ce
cas, ne étant porteur des valeurs négatives pleines:
· après les verbes: cesser, oser, pouvoir, savoir en français littéraire on omet d'habitude la deuxième négation
(pas), surtout lorsque ces verbes sont suivis d'un infinitif:
Le docteur ne pouvait juger s'il était ivre. (Camus)

21
Le caractère idiomatique de ces structures est révélé par l'absence d'un terme corrélat positif.
... elle n'osa en prendre une. (Zola)
Dans son ignorance de Paris, elle ne savait où frapper. (Zola)
Je ne puis te dire si c'est difficile ou non.
Elle ne cesse de travailler.
· après les structures hypothétiques à caractère emphatique, appartenant surtout à la langue littéraire: Elle y
serait encore avec nous si elle n'était morte.
· après les structures conditionnelles ou hypothétiques inversives, sans élément de relation: N'était-ce ce décor
autour de nous, on se serait cru dans quelque foyer populaire.
· subordonnées relatives dont l'antécédent est précédé d'un quantitatif partiel (restrictif) ou virtuel (universel ou
généralisant): Il y a peu de peuples qui n'aient été étudiés.
· phrases interrogatives rhétoriques: Qui ne l'aurait fait, qui ne l'aurait pensé?
· phrases contenant le gallicisme il y a suivi d'un nom [+division temporelle]:
Il y avait déjà deux semaines qu'il ne l'avait rencontrée dans le bureau de Monsieur Mouret. (Zola)

2.1.1.1.c. énoncés à sens affirmatif, où ne est appelé "explétif" et s'emploie en langue littéraire après:
· les verbes craindre, avoir peur, appréhender, éviter, empêcher et les nominaux dérivés à partir de ces verbes: la
peur, la crainte:
Je crains qu'il ne pleuve.
La crainte que les voisins ne découvrent son crime l'obsédait tout le temps. Evitons que les relations
avec nos voisins ne se dégradent!
· certaines locutions conjonctives qui introduisent toutes sortes de subordonnées circonstancielles: de peur que,
de crainte que, à moins que, sans que, jusqu'à ce que, en attendant que, avant que, pourvu que, etc:
Partez avant que papa ne rentre.
Elle viendra à moins qu'elle ne soit malade.
· avec des comparatifs d'inégalité (formes analytiques: plus, moins + Adj/Adv., ou synthétiques: meilleur,
moindre, mieux, pire) ou l'adjectif autre:
Elle se sentait mieux que je ne pouvais l'espérer.
Il est moins mauvais qu'il ne le dit. Il est autre que je ne l'aurais imaginé.

2.1.2. Négation prédicative simple à formant discontinu


En général, le formant de la négation courante est discontinu: ne + Vf +
pas/point/guère/plus/nullement/aucunement. Les rapports que contractent entre eux ces indices négatifs sont
d'interdépendance. Si pas, point et guère expriment, du point de vue sémantique, de différentes nuances de
l'intensité négative, plus ajoute une nuance temporelle, alors que nullement et aucunement ajoutent une nuance
qualitative.
· ne...pas est une suite de cohésion moyenne, parce que, d'un côté, entre le verbe et la négation pas peuvent
s'infiltrer des adverbes (sûrement, sans doute, certainement, évidemment, même, toujours, pourtant), d'autre part,
entre ne et le verbe on place les pronoms personnels ou adverbiaux:
Elle n'a certainement pas raison.
Celle-ci ne faisait décidément pas une bonne impression. (Zola)
...on ne savait vraiment pas où donner de la tête. (Zola)
Je ne le vois pas.
Je n'en veux pas.
Ce formant discontinu peut avoir une expansion exprimant l'intensité:
Je n'aime pas du tout cette personne.
· ne... point est un synonyme intensif de ne...pas, qui n'est plus employé en français familier: Celui-ci ne les
connaissait point. (Zola)
L'expansion du tout peut aussi apparaître avec ce formant discontinu:
Votre opinion ne m'intéresse point du tout.
· ne... guère est une négation atténuée: Elle ne mange guère depuis sa maladie.
Cette négation peut se combiner avec l'adverbe plus, ayant deux valeurs différentes, en fonction de la
place occupée par l'adverbe. S'il est antéposé à guère, le syntagme a une valeur temporelle: On ne peut plus
guère concevoir la vie moderne sans ordinateurs. Si plus suit guère, le syntagme a une valeur quantitative: Cette
région est presque dépeuplée: de nos jours elle ne compte guère plus de cinq cents habitants.
· ne...plus a un sens temporel. Il ajoute à la négation une vision chronologique du procès qui est décomposé en
deux étapes: l'une initiale et positive, l'autre finale et négative. Une phrase telle que Marcel ne fume plus a
comme posé Maintenant Marcel ne fume pas et comme présupposé Autrefois Marcel a fumé. A sont tour,
ne...plus peut avoir comme intensif du tout: Il n'est plus ivre du tout. Placé devant un verbe et en présence d'un
autre substitut négatif, plus a une valeur intensive et on obtient ainsi une négation prédicative à formant
tripartite:
Plus personne ne passe dans les rues après les 23 heures.
Plus rien ne m'intéresse à présent.
Plus aucun espoir ne subsiste pour ce malade.
Parfois, il est placé après le verbe: Je ne te reverrai plus jamais.
· ne... nullement/aucunement ont une valeur négative plus forte que ne...pas:
L'écriture n'est nullement un moyen facile de communication.
On veut voir dans sa définition ce qui ne s'y trouve aucunement.

2.2. Négation double


2.2.1. Des actants
Les différents constituants nominaux (sujet, objet direct, indirect) peuvent être représentés par des
substituts négatifs22 (personne, rien, pas un, nul, aucun) ou par des substituts positifs niés à l'aide d'un
Pdt.négatif (nul, pas un, aucun).
· personne est toujours un substitut [+animé] qui remplit les fonction syntaxiques caractérisant tout actant
nominal:
- GN1: Personne ne troublait son intimité.
- GN2: Je n'ai rencontré personne.
- GPrép: Je ne le dirai à personne. Tu ne médiras plus de personne. Elle ne sortait avec personne. Nous ne
comptons sur personne.
· rien est un substitut [-animé] qui occupe les positions suivantes:
- GN1: A présent, rien ne me touche.
- GN2: Je ne t'ai rien apporté.
- GPrép: Je ne pense à rien. Je n'écris avec rien.
· aucun peut fonctionner comme substitut négatif:
- GN1: Aucun (de mes amis) ne m'a rendu visite pendant les vacances.
- GN2: Je n'ai vu aucun dans le magasin.
Il est plus fréquemment employé comme prédéterminant négatif:
Aucun livre et aucune revue n'attiraient l'attention du jeune homme.
· nul est le synonyme littéraire de aucun, et s'emploie toujours comme substitut 23 ou comme prédéterminant
négatif. Dans son cas, l'emploi comme substitut est plus répandu que comme prédéterminant:
Nul ne réussit sans effort.
Tu ne m'offres nulle garantie sérieuse.
· pas un s'emploie surtout comme prédéterminant, plus rarement comme substitut:
Des navires passaient, mais pas un ne nous voyait.
Je ne soufflerai pas un mot sur cette affaire.

2.2.2. Des circonstants


Dans la négation prédicative double, un déterminant adverbial (=un circonstanciel) peut être réalisé par
un substitut adverbial négatif.
· jamais caractérise le procès du point de vue temporel:
Ils n'avaient jamais encore suivi leurs souffrances. (Camus)
Jamais encore il n'avait eu une conscience si nette de la bataille engagée. (Zola)
· nulle part caractérise le procès du point de vue spatial:
Je ne trouve mes lunettes nulle part.
Je ne vais nulle part sans ma femme.
· nullement et aucunement représentent des totalitaires négatifs, renvoyant à toute la classe des déterminations
qualitatives et quantitatives à la fois.

2.3. La négation multiple affecte le verbe et plusieurs constituants à la fois (les actants et les
circonstants aussi). Lorsque le mode du verbe est l'indicatif et le temps est le présent, en niant tous les actants et
les circonstants, on obtient une extension maximum de la négation:
Personne ne dit jamais rien nulle part.

2.4. Négation prédicative discrète

22
Personne et rien fonctionnent uniquement comme substituts négatifs.
23
Nul ne s'emploie jamais comme objet direct: *Je n'ai vu nul.
Ce type de négation témoigne d'une discontinuité de la zone négative et affecte successivement
plusieurs constituants de phrase. Elle peut se réaliser de façon explicite ou implicite.
2.4.1. La négation discrète explicite
Les formants de la négation discrète explicite sont spécifiques à ce type de négation, les éléments
constitutifs d'un certain groupe syntaxique étant rattachés entre eux par l'adverbe ni. Le rôle de cet adverbe
négatif est de coordonner les constituants du groupe syntaxique. On enregistre plusieurs structures possibles:
- ni A, ni B,....ni N:
Ni Tarrou ni Rieux ne répondirent encore. (Camus).
On n'entendait plus ni le roulement des fiacres, ni le battement des portières. (Zola)
Je ne viendrai à l'école ni lundi, ni mardi.
- ni A, ni B, ni C,.... ou N:
Elle n'aime ni les gâteaux, ni les glaces, ni les bonbons ou le chocolat.
- A, ni B, ni C,...ni N:
Nous n'aimons pas le cinéma, ni le théâtre.
Elle ne mange pas assez de fruits, ni de légumes.
Je n'ai plus vu personne de chez moi, ni de ma famille. (Syreigeol)
- ne V1 ni ne V2:
Personne n'entre ni ne sort de cette chambre.
Il ne lit ni ne dort.

2.4.2. La négation discrète implicite


Cette négation se réalise à la suite d'un processus logique de comparaison qui établit une similarité
négative entre deux éléments distincts, dont l'un est présent (explicite), et l'autre est absent (implicite). Le
formant négatif qui caractérise ce type de négation est non plus: Je n'ai pas vu Marie aujourd'hui. Moi non plus.
(=Moi non plus, je ne l'ai vue aujourd'hui).

2.5. Négation prédicative restrictive (=exceptive)


La négation qui est entamée dans la première partie de la phrase peut ne pas être confirmée par la
deuxième partie de celle-ci. Elle est annulée par le formant que, qui fonctionne comme un signe de positivation,
ayant la valeur de l'adjectif seul ou de l'adverbe seulement:
· GN: Il n'y a que les artistes qui sachent regarder. (Camus) Mais il ne tient encore que les draps de dame...
(Zola) On n'interdit l'accès qu'aux enfants.
· Inf: Il ne demande qu'à partir. A la fin, c'est trop bête de ne vivre que dans la peste. (Camus)
· Attribut: Votre offre n'est qu'un piège.
· GAdv: Il ne reviendra que dans l'après-midi.
La négation restrictive peut être annulée, à son tour, à l'aide de l'adverbe négatif pas/point: Je n'ai pas
qu'une voiture (=j'en ai plusieurs). Tu ne portes pas que des jeans. (=tu portes aussi des robes)

3. Négation non prédicative


Cette négation est incidente à un constituant de phrase, autre que le verbe fini.
3.1. En français il est possible d'extraire de la zone négative tout constituant de phrase, à l'aide du
gallicisme c'est à la forme négative, dont le rôle est à mettre en évidence le constituant respectif:
- GN1: Ce n'est pas la littérature qui me passionne. Ce n'est pas Marie qui me l'a dit.
- GN2: Ce n'est pas (le sport + Jean) que j'aime.
- GPrép: Ce n'est pas à (Marie + l'examen) que je pense.
- Attribut: Ce n'est pas modeste que tu es.
- GAdv: Ce n'est pas là-bas que j'aimerais passer toute ma vie.

3.2. La négation non prédicative peut être incidente à un déterminant:


· du nom – à l'aide des adverbes pas, point, guère, nullement (lg.fam):
C'est une fillette nullement sage.
Ce sont des gens pas trop honnêtes.
Point convaincue de la justesse de mon argument, elle continua son enquête.
· d'un groupe verbal – à l'aide des substituts adverbiaux ou nominaux:
Elle travaille pour rien.
Connais-tu personne de plus laid que cet homme?

3.3. La négation des formes verbales non finies (infinitif, gérondif, participe présent) est considérée
comme non prédicative, parce qu'elle ne confère pas à la phrase entière un statut négatif:
Je lui ai assez conseillé, dans mes lettres, de ne pas prendre cette teinturerie! (Zola)
Elle surveillait avec une inquiétude croissante Colomban, qui, ne se croyant pas guetté, restait en
extase...(Zola)
En effet, Mme de Boves, n'ayant guère dans son porte-monnaie que l'argent de sa voiture, faisait sortir
des cartons... (Zola)
Les deux indices négatifs précèdent l'infinitif, surtout dans la langue courante:
Je te prie de ne pas salir ta robe.
Il faut ne point la contrarier.
Il veut ne plus en parler.
Pourtant, la postposition du deuxième indice négatif est courante, surtout en français littéraire:
J'aimerais mieux ne me marier point. (Beauvoir)
Avec les verbes auxiliaires être et avoir les deux positions sont possibles:
Elle se donne assez de peine pour ne pas faire des gaffes.
Ce qui me fait le plus souffrir c'est de n'avoir pas toujours le courage de dire la vérité.

Questions :
1. Quels types de négations connaissez-vous en fonction de son incidence, du nombre de constituants qu’elle
affecte et de la confirmation ou pas par le deuxième élément négatif ?
2. Quels sont les types de négation totale /prédicative ?
3. Donnez des exemples où la négation à formant simple ne n’a pas de corrélatif positif.
4. Mentionnez au moins quatre cas où le formant simple ne est en variation libre avec la négation à formant
discontinu ne….pas.
5. Quand est-ce que le deuxième indice négatif, l’adverbe pas doit être supprimé ? Donnez des exemples !
6. Peut-on combiner l’adverbe plus avec d’autres indices négatifs tels que personne, jamais, rien ? Donnez des
exemples pour appuyer votre affirmation. Quelle valeur a l’adverbe plus dans ces cas ?
7. Quel indice négatif peut affecter successivement plusieurs constituants de phrase ?
8. Comment peut-on annuler une négation ? Quelle valeur aura la phrase dans ce cas (affirmative ou négative) ?
9. Donnez des exemples où la négation se combine avec l’emphase.
10. Quels types de négations non prédicatives connaissez-vous ?

Unité 7 : La phrase emphatisée

Objectifs spécifiques :
- utiliser les structures emphatiques oppositives et non oppositives dans diverses situations discursives ;
- pronominaliser correctement les syntagmes nominaux disloqués en tête ou à la fin de la phrase ;
- combiner, dans la même phrase, les marques explicites de l’emphase oppositive avec celles de l’emphase non
oppositive.

Temps alloué : 2 heures

1. Définition et caractéristiques
En tant que constituant facultatif, l’emphase est une mise en évidence d’un certain constituant de phrase
(sujet, objet direct ou indirect, circonstant, etc), sauf le verbe fini. Le locuteur considère le constituant emphatisé
comme étant le plus important élément de son énoncé.
Marie mange une pomme.
(emphase sur GN1): C’est Marie qui mange une pomme. Marie, elle mange une pomme.
(emphase sur GN2): C’est une pomme que Marie mange. La pomme, Marie la mange.
(emphase sur GN1 et sur GN2): Marie, la pomme, elle la mange.
L’emphase se réalise à deux niveaux :
a) suprasegmental, par une intonation spécifique;
b) segmental, par des procédés différents, tels que la topicalisation, la cliticisation, les isolants
emphatiques et les reprises des éléments emphatisés.

2. Types d’emphase
En principe, il y a deux types d’emphase:
2.1. l’emphase oppositive où le constituant emphatisé est détaché de sa classe et il est opposé aux
autres éléments de la classe respective;
2.2. l’emphase non oppositive, qui insiste sur un constituant de phrase en l’extrayant de la phrase, en le
détachant, mais sans l’opposer aux autres éléments de sa classe.
2. Réalisateurs de l’emphase
2.1. L’emphase oppositive est réalisée avec:
· gallicismes c’est…qui, c’est…que:
C’est Jean qui m’a dit ça. (pas Marie)
C’est de sa soeur qu’ils parlent. (pas de la mienne)
Comme on l’a déjà précisé, l’emphase oppositive de ce type peut porter sur n’importe quel constituant
de phrase, sauf le verbe fini:
- sujet: C’est Tarrou qui avait demandé à Rieux l’entrevue… (Camus)
-objet direct: Ce n’étaient pas des secours qu’il distribuait à la longueur de la journée, mais des
renseignements. (Camus)
-objet prépositionnel: Ce n’est pas d’elle que j’ai peur. (Zola)
-attribut: C’est médecin de campagne qu’il est devenu.
-déterminant du nom: C'était une bonne nouvelle que celle du mariage de Paul.
-circ.de lieu: C’est là qu’elle passait ses journées quand les soins du ménage ne l’occupaient plus. (Camus)
-circ. de temps: C’était le moment où les vendeurs s’installaient dans leurs rayons. (Zola)
- circ. de cause: C'est à cause de cela que je t'ai demandé l'aide.

· formules pseudo-clivées: ce qui…c’est, ce que…c’est, ce à quoi…c’est, ce dont…c’est:


Ce qui m’intéresse c’est la littérature.
Ce que j’aime c’est la peinture.
Ce à quoi tu penses c’est ton problème.
Ce dont j’ai besoin c’est un bon conseil.

· segments spécialisés: seul et même.


Lui-même restait debout derrière son fauteuil. (Camus)
Elle seule a fait toutes les démarches auprès du directeur.

2.2. L’emphase non oppositive se réalise, à son tour, par plusieurs procédés:
· pronominalisation en anticipation ou en reprise du constituant emphatisé par un pronom personnel ou adverbial
correspondant, combinée avec la pause de détachement:
(pronom en anticipation): Il mange son gâteau, Paul.
(pronom en reprise): Paul, il mange son gâteau.
Lui, il venait de prendre un restaurant à Vincennes. (Zola)
Le public ne se plaint pas, lui ! (Zola)
Ils n’ont pas fini de le faire, leur signal.
Je n’en ai pas compris la fin, de cette histoire.
Cette histoire, je n’en ai pas compris la fin.
Comme on peut observer dans le dernier exemple, en français parlé la préposition est effacée, mais elle
est conservée en français standard:
Marie, je lui parle. A Marie, je lui parle.
L'emphase peut porter sur:
- le sujet: Les enfants, eux, sont contents.
- l'objet direct: Des bonbons, j'en mange chaque semaine.
- l'objet prépositionnel: Ma proposition, ils y réfléchissent encore.
- l'attribut: En colère, le chauffeur l'était.
- le circonstant: Sur le trottoir, la voiture y stationne.
De Paris, j'en suis rentré hier.

· structures avec les présentatifs voici, voilà, suivis ou non d'une subordonnée relative :
Paul, le voici. Paul, le (voici + voilà) qui arrive.
En voilà qui ont du monde, du moins. (Zola)
Par ce procédé, on peut emphatiser, comme dans les cas précédents n'importe quel constituant de
phrase, sauf le verbe fini.
- sujet: Voilà qu’elles l’attardaient maintenant, à chaque détour du magasin. (Zola)
- objet direct: En voilà des paroles inutiles. (Zola)
- attribut: Leur bête noire, voilà ce que j'étais.
- circonstanciel: Voilà deux semaines que nous l'avons appris.

· des isolants emphatiques à la forme négative il n'y a / il n’existe que + GN1/GN2.


Il n'y a que sa mère qui compte pour elle.
Il n’existe que peu d’amis sur lesquels on peut compter dans des moments difficiles.

· segments introducteurs emphatiques : quant à, pour ce qui est de, pour la part de, en ce qui concerne… etc:
Quant au préfet, il sursauta et se retourna machinalement vers la porte. (Camus)
En ce qui me concerne, j’en suis très content.
Pour ce qui est de Marie, je suis content de ses succès.
Pour ma part, tu n’as rien à craindre.
Parfois, plusieurs types d’emphase se combinent dans la même phrase:
Et c’est l’objectivité elle-même qui lui commande de dire maintenant que…(Camus)
Quant à Pierre, je l'ai revu.
Quant à cette affaire, j'y ai renoncé.

Questions :
1. Qu’est-ce que l’emphase ?
2. Quelles caractéristiques peut avoir une emphase non oppositive ? Donnez des exemples.
3. Quels sont les segments spécialisés dans la réalisation d’une emphase oppositive ? Donnez des exemples !

Unité 8 : La phrase passive

Objectifs spécifiques
-reconnaître les phrases passives dans des textes des vocabulaires spécialisés (architecture, histoire, géographie,
etc.) ;
- transformer une phrase active en phrase passive et vice-versa ;
- préciser les valeurs de contenu d’une phrase passive ;
- utiliser correctement les prépositions qui introduisent le complément d’agent.

Temps alloué : 2 heures.

1. Définition et caractéristiques
La phrase passive est basée sur un constituant facultatif de phrase et se caractérise par la présence d'un
sujet qui est le patient de l'action exprimée par le verbe et d'un complément prépositionnel, qui est l'agent de
l'action. Comme structure, la phrase passive se présente sous la forme canonique suivante: verbe être (porteur
des catégories verbales: mode, temps, personne, nombre) + participe passé du verbe à conjuguer, marqué par le
trait [+transitif] + GPrép (=l'agent du verbe passif). Le participe passé s'accorde toujours en genre et en nombre
avec le sujet grammatical:
La résolution a été adoptée en unanimité par le Conseil d'Europe.
Les mesures de désarmement sont prises par tous les pays signataires de la convention internationale.
Du point de vue des traits sémantiques du sujet de la phrase passive, celui-ci peut être : [+animé] Marie
a été grondée par ses parents.
[-animé]: La fenêtre a été brisée par le vent.

2. Transformation passive
La phrase passive est le résultat d'une transformation d'une phrase active, dont le verbe est transitif (à
deux actants: l'un est l'agent, l'autre le patient); la transformation passive entraîne le changement des rôles
sémantiques des deux actants. Ainsi, le patient de la phrase active devient le sujet de la phrase passive et l'agent
(=le sujet) de la phrase active devient le complément d'agent de la phrase passive:
Jean a lu le télégramme.

Agent (=sujet) Patient (=objet direct)


Le télégramme a été lu par Jean.

Patient (=sujet) Agent (=GPrép.)


On remarque que l'inversion des positions et des fonctions syntaxiques des deux actants n'entraînent pas
de modification du signifié de la phrase.

3. Restrictions de passivation
3.1. Imposées aux verbes [+transitifs]
3.1.1. Toute structure active dont le verbe est transitif direct n’a pas obligatoirement de correspondant
passif. Il y a des situations où même les verbes transitifs directs sont réfractaires au passif, ou la transformation
passive est bloquée pour certaines raisons.
- le verbe avoir:
Ma soeur a le dernier journal de mode. ® *Le dernier journal de mode est eu par ma soeur.
- verbes temporels suivis d'un temporel objectivisé:
Marie passe ses nuits à étudier.
Nous y avons vécu des jours heureux.
- verbes à complément d'objet interne:
Maman a pleuré des larmes de joie.
Le soldat dormait le sommeil des justes.
- quelques verbes de pensée (savoir):
Marie sait la vérité.
- verbes indiquant des attitudes:
Pénaud, le garçon a baissé les yeux.
Maman a hoché la tête.
- constructions figées:
Ils ont cassé la croûte.
Il a fumé la pipe. (= il est mort)

3.1.2. À part les verbes transitifs directs qui admettent la transformation passive, il y a aussi un nombre
limité de verbes transitifs indirects (obéir, désobéir, pardonner) qui peuvent être employés en structure passive :
Les amis obéissent à Jean. ® Jean est obéi de ses amis.
Les parents pardonnent à l’enfant. ® L’enfant est pardonné de ses parents.

A part la condition imposée sur le verbe de la structure active d’être transitif, il y a aussi quelques
conditions qui doivent être remplies par le sujet et par l’objet direct pour qu’une structure passive puisse être
acceptée ou admise.

3.2. Imposées au sujet


Quelques verbes tels que quitter ou aimer doivent avoir un sujet marqué des traits [+pluriel] ou
[+collectif] afin que la structure passive soit acceptable en français.
Beaucoup de jeunes intellectuels ont quitté la Roumanie pour s’établir en Amérique. ® La Roumanie
a été quittée par beaucoup de jeunes intellectuels qui se sont établis en Amérique.
Marie a quitté la Roumanie pour s’établir en Amérique. ® ?*La Roumanie a été quittée par Marie
pour s’établir en Amérique.
Tous les enfants aiment le chocolat. ® Le chocolat est aimé de tous les enfants.
Marie aime le chocolat. ® ?*Le chocolat est aimé de Marie.

3.3. Imposées à l’objet direct


En principe, l’objet direct (le patient) doit être précédé d’un article défini; s’il est précédé d’un article
indéfini, au singulier ou au pluriel, la structure passive peut être bloquée ou bien elle peut avoir un sens limitée:
Paul a acheté un livre dans cette librairie. ® Un livre a été acheté par Paul dans cette librairie.
La structure passive se prête à plusieurs interprétations :
a) une lecture quantitative, visant le fait qu’un seul livre a été acheté par Paul, pas plus ;
b) une lecture qualitative, dans le sens que c’est un livre, pas une revue ou un magazine que Paul a acheté dans
la librairie;
c) une lecture oppositive sur l’agent (C’est Paul, et non Pierre ou Marcel qui a acheté le livre).

4. Valeurs sémantiques de la construction passive


4.1. Le passif peut exprimer un procès qui met en jeu un patient et un agent (les deux actants du verbe
[+transitif]):
- l'agent peut être explicite ou implicite, parce qu'il y a dans la langue beaucoup de situations où le
complément d’agent est effacé en structure superficielle:
Le spécimen du cahier fut approuvé. (Zola)
Les marchandises étaient d’abord pesées, puis elles basculaient sur une glissoire rapide… (Zola)
Le courrier est apporté par le concierge. (agent explicite)
La pizza est introduite dans le four. (agent indéterminé)
Les phrases sans agent exprimé sont plus ambiguës, leur correspondant actif étant le pronom indéfini
on: On a introduit la pizza dans le four. On approuva le spécimen du cahier.
4.2. Sans agent explicite, la structure passive peut indiquer un état résultatif, le participe passé ayant la
valeur proche d'un adjectif:
La porte est fermée à clef.
Dans ma chambre la lumière est éteinte.
Les nerfs des manifestants sont très tendus.
Dans tous ces cas, il est difficile de préciser s'il s'agit d'une véritable structure passive ou simplement d'une
phrase active à verbe copule + Attribut. La valeur aspectuelle qui en résulte est de non achèvement, d'état
résultatif.

4.3. Le passif peut avoir une valeur impersonnelle, surtout dans les langues de spécialité, suivi d'un
infinitif ou d'un complétive:
Il est prévu de diminuer la pollution dans ce combinat.
Il est écrit qu'on accorde des droits salariaux à tous les signataires de ce document.
Il avait été convenu de participer à ce colloque.
Il est dit que cette maladie est incurable.

5. Prépositions introduisant l’agent


En général, on considère que l'agent exprime la cause efficiente de l'action.
5.1. Critères du choix des prépositions par et de
Le complément d’agent peut être introduit par les prépositions par, de, à ou entre. Du point de vue de
la fréquence, la préposition par semble être la plus répandue; elle entre en variation grammaticale et sémantique
avec de. Comme la préposition par est susceptible de figurer dans un plus grand nombre de contextes que de,
elle est considérée comme le terme non marqué de l'opposition de/par. La préposition par peut se substituer à la
préposition de dans certains contextes, dans d'autres situations les deux prépositions ne peuvent pas commuter:
Cette fillette est adorée (de + par) ses grands-parents.
Cette émission télévisée a été regardée (*de + par) mes filles aussi.

5.1.1. Variation grammaticale par/de


La variation grammaticale est imposée par des critères grammaticaux, à savoir si l’agent est
accompagné ou non d’un prédéterminant (article, adjectif possessif, démonstratif ou indéfini). Si l’agent n’a pas
de prédéterminant, la préposition qui l’introduit est de; au cas où le nom agent a un déterminant, la présence d’un
prédéterminant devient obligatoire et la préposition qui introduit l’agent sera, dans ce cas, par:
La terre a été couverte de neige. /vs/ La cour est encombrée d'élèves.
La terre a été couverte par la neige tombée pendant la nuit. /vs/ La cour est encombrée par les élèves
des petites classes.

5.1.2. Variation sémantique par/de


La variation sémantique vise le caractère intérieur, moral de l’agent (préposition de) par rapport au
caractère extérieur, matériel de l’agent (préposition par) :
Marie a été blessée de mes propos. /vs/ Marie a été blessée par son ennemie.
Dans d’autres cas, l’opposition de/par traduit l’opposition entre le sens figuré et le sens propre:
Marie fut accablée de honte. Son visage était éclairé d’un beau sourire. (sens figuré)
Marie fut accablée par le fardeau qu’elle portait. Son visage était éclairé par la lumière d’un
réverbère. (sens propre)

5.1.3. Variation par/de imposée par l’usage


A part les verbes que les grammairiens rangent dans la catégorie des verbes « ornandi » (entourer,
orner, parer, équiper, couvrir, border, peupler etc), il y a aussi les verbes suivre et précéder qui introduisent le
complément d’agent par la préposition de.
Tarrou se mit au travail et réunit une première équipe qui devait être suivie de beaucoup d’autres.
(Camus)
Justement, elle parut à la porte du petit salon, précédée d’un vieillard. (Zola) La ville était peuplée de
dormeurs éveillés…(Camus)
C’était une étroite cellule mansardée, meublée d’un petit lit… (Zola)
Aussi, les verbes adorer, aimer, accompagner, apprécier, etc. qui se construisent d’habitude avec deux
actants [+humain] introduisent-ils l’agent par la préposition de:
… il gardait une gaieté triomphante, une certitude des millions, en homme adoré des femmes… (Zola)
Ils étaient accompagnés de Gonzalès, le joueur de football. (Camus)
Le dernier, bel homme, (…) de l’air militairement correct aimé des Tuileries, baisa la main de M-me
Desforges. (Zola)
…elle reconnut près d’elle M-me Marty, tellement aimée de sa fille Valentine. (Zola)

5.2. La préposition à introduit l’agent dans les séquences automatisées, une sorte de réminiscence de
l'ancien français: mangé/rongé aux mites/rats/vers; de même, le verbe séduire est suivi d’un complément
d’agent introduit par la préposition à :
Marie a été séduite à la beauté du paysage.

5.3. La préposition entre introduit un agent réciproque :


Des coups d’oeil rapides furent échangés entre les deux enfants.

Questions :
1. Quels sont les traits caractéristiques d’une phrase passive ?
2. Est-ce que toute phrase active supporte la transformation passive ? Quelles en sont les restrictions ?
3. Quelles sont les prépositions qui peuvent introduire un complément d’agent ?
4. Quels sont les critères du choix de la préposition par et de la préposition de ?
5. Dans quelle situation ces deux prépositions peuvent commuter ?
6. Peut-on supprimer le complément d’agent ? Quand ?
7. Quelles sont les valeurs aspectuelles de la phrase passive française ?

Unité 9 : La phrase impersonnelle

Objectifs spécifiques:
- reconnaître la phrase impersonnelle et la distinguer d’une phrase personnelle à sujet personnel il ;
- transformer une phrase personnelle en phrase impersonnelle ;
- comparer les phrases roumaines et les phrases françaises où le sujet est disloqué après le verbe et préciser en
quoi consiste les différences ;
- utiliser correctement le mode dans les queP demandées par les structures impersonnelles du français.

Temps alloué : 3 heures

1. Caractéristiques de la phrase impersonnelle


La phrase impersonnelle se caractérise par la présence d'un pronom impersonnel sujet (il, ce, cela, ça),
vide de référence, qui ne substitue rien.
Les trains passent toutes les 10 minutes. (structure personnelle)
Il passe des trains toutes les 10 minutes. (structure impersonnelle)

2. Critères de classification
On distingue plusieurs types de structures impersonnelles, qui se différencient selon plusieurs critères
morpho-syntaxique:
a) la voix du verbe;
b) verbes essentiellement impersonnels/vs/verbes accidentellement impersonnels.
c) type de déterminant
d) mode du verbe dans la subordonnée.

2.1. Selon le premier critère, les structures impersonnelles peuvent avoir le verbe:
2.1.1. À la voix active
Il y a toute une série de verbes à la voix active qui s'emploient en structure impersonnelle:
Il semble qu'il pleuve dans l'après-midi.
Il apparaît que ton cousin soit vraiment coupable.
Il existe des gens qui n'arrêtent de se plaindre contre n'importe quoi.

2.1.2. À la voix passive


La structure est formée à l'aide du verbe être + participe passé du verbe à conjuguer (décidé, entendu,
dit, défendu, convenu) ou des suites formées à l'aide du verbe être + prép. à + infinitif du verbe (craindre,
entendre, redouter, regretter, souhaiter):
Il fut entendu que nous ayons attendu un quart d'heure avant de partir.
Il est décidé que Marie s'inscrive à la Faculté des Beaux Art.
Il est à craindre que le temps ne se gâte dans les deux jours suivants.
Il est à souhaiter que Marie prépare mieux son examen de français.

2.1.3. À la voix pronominale


Il y a toute une série de verbes réfléchis qui s'emploient en structure impersonnelle: s'ajouter, se dire, se
dégager, se débiter, se développer, s'écouler, s'ensuivre, se mêler, se passer, se raconter, se produire, se trouver,
etc.
Il s'écoula quelques heures dans un silence profond.
Il se débite beaucoup de bêtises dans les conversations quotidiennes.
Certains de ces verbes ont un sens passif-impersonnel:
Il se vend des fruits au marché. = Les fruits sont vendus au marché./ On vend des fruits au marché.
Que s'est-il dit à ce sujet? = Qu'est-ce qu'on a dit à ce sujet?

2.2. Selon le deuxième critère énoncé, les structures impersonnelles peuvent être construites avec des
verbes essentiellement impersonnels, c'est à dire des constructions où le verbe est uniquement impersonnel; dans
d'autres cas, le verbe est appelé accidentellement impersonnel, parce qu'il peut figurer soit dans des structures
personnelles, soit dans des structures impersonnelles.
2.2.1. Verbes essentiellement impersonnels
· verbes météorologiques (brouillasser, bruiner, brumasser, brumer, dégeler, grêler, grésiller, neiger, neigeoter,
pleuvoir, pleuvasser, pleuvoter, tonner, venter), suivis d'habitude d'un déterminant circonstanciel de manière ou
de temps:
Toute la nuit encore, il avait bruiné... (Zola) Il gelait dans la chambre... (Zola) Il pleut depuis des jours.
(Boissard)
Parfois, ces verbes sont employés métaphoriquement, étant suivis d'un sujet logique (placé a droite du
verbe): Il pleut des balles.
Lorsque l'accord se fait avec le sujet logique, placé à droite ou à gauche du prédicat, le verbe n'est plus
impersonnel; par métaphorisation il passe au système tripersonnel:
Ici pleuvent des nouvelles vraies ou fausses. (Michelet)
Des pétales neigent sur le tapis. (Gide)
· le verbe faire + Adj/N., indiquant surtout l'état atmosphérique ou un moment temporel: il fait
clair/beau/mauvais/chaud/froid/frais/frisquet/étouffant; il fait du soleil/du vent/du verglas/de la lune; il fait
nuit/jour, etc.

· le verbe avoir + GN:


Il y eut un silence au bout du fil... (Camus)

· le verbe être suivi de:


- GN (sens existentiel) + subordonnée relative. C'est un emploi littéraire, assez rare:
Il y est des gens qui évitent tout contact avec les autres.
- N (moment temporel) indiquant l'heure, le moment:
Il est (midi + minuit). Il est (jour + nuit).
Dans ce deuxième exemple, le verbe être est la variante poétique du verbe faire.
Le verbe être peut se faire suivre d'un nom, d'un infinitif ou d'une subordonnée objet:
Il est besoin d'une femme dans la maison.
Il est question d'un million de dollars.
Il est temps de rentrer à la maison.
Il est temps que cela finisse. (Camus)
- Adj. de caractérisation (bon, agréable, vain, triste, étrange, étonnant) ou modaux (possible, impossible,
certain, nécessaire, douteux, évident, vrai) suivis d'un infinitif ou d'une subordonnée complétive:
Il est agréable de passer des heures entières à se prélasser au soleil.
Il est douteux que tu puisses te débrouiller sans mon aide.
- Adv. ainsi/de même, dans des structures qui impliquent une caractérisation ou une extension comparative:
Paul oublie tout le temps le nom de ses copains; il en est de même avec le mien.

· le verbe aller dans la structure de comparaison il en va de même ou comme articulateur du discours (il va de
soi que...):
Les gens ont la tendance à être vindicatifs, et il en va de même avec cette catégorie un peu plus spéciale
des gens de lettres.
· le verbe falloir suivi de:
- GN: Il faut de la persévérance pour réussir.
- GN datif (le datif du bénéficiaire): Il me faut du courage pour lui dire la vérité.
- Inf.: Il faut prendre des mesures urgentes pour remédier à cette situation.
- QueP: Il faut que tous observent les règlements.
Le verbe falloir forme la locution il s'en faut de peu, marquant l'imminence du procès: Il s'en est fallu de peu
qu'il ne perdît sa vie dans un accident d'auto.

· le verbe s'agir, suivi de:


- GPrép: Il s'agit d'une affaire très importante.
- Inf.: Il s'agit de partir tout de suite.

· la structure impersonnelle il y a, ayant deux valeurs sémantiques différentes:


a) existentielle: Il y a des livres de français sur la table.
b) temporelle: Il y a une semaine qu'il est parti en Afrique. Il y a longtemps que j'attends une lettre de ma
cousine.
Dans cet emploi temporel, il faut distinguer entre la valeur de il y a situant (=quand) et il y a duratif
(=depuis quand):
Il est parti il y a deux jours. (=situant)
Il y a deux jours qu'il est parti. (=duratif)
La structure impersonnelle il y a apparaît fréquemment dans des énoncés interrogatifs: Qu'est-ce qu'il y
a? = Que se passe-t-il? ou dans la structure négative restrictive il n'y a qu'à + Inf. à valeur modale de nécessité:
Il n'y a qu'à appuyer sur ce bouton pour allumer la lampe.

2.2.2. Verbes accidentellement impersonnels


Il y a toute une série de verbes (arriver, passer, exister, apparaître, disparaître, manquer, souffler,
tomber, rester) qui apparaissent soit en structure personnelle, lorsque le nominal précède le verbe, soit en
structure impersonnelle, lorsque le nominal suit le verbe:
Des malheurs nous arrivent souvent. /vs/ Il nous arrive souvent des malheurs.
Un bouton manque à ton manteau. /vs/ Il manque un bouton à ton manteau.
Quelques gouttes de pluie sont tombées. /vs/ Il est tombé quelques gouttes de pluie.
Un vent violent souffle. /vs/ Il souffle un vent violent.
Sémantiquement, entre la structure personnelle et impersonnelle il n'y a pas de différence majeure 24, il
s'agit simplement d'une différence de focalisation: si dans la structure personnelle c'est le nominal sujet qui est
en quelque sorte mise en évidence, dans la structure impersonnelle c'est le verbe qui est focalisé.

2.3. Déterminant de la structure impersonnelle


Comme on l'a déjà vu, les structures impersonnelles peuvent être déterminées par:
- un Nom: Il y a des cigarettes dans ma tabatière.
- un Adj: Il fait beau aujourd'hui.
- un GPrép: Il s'agit d'un copain du collège.
- un Inf: Il faut s'adresser à la police.
- une QueP: Il est temps que tu demandes des explications.

2.4. Mode du verbe dans la QueP


La subordonnée d'objet qui suit une structure impersonnelle peut avoir le verbe à un mode fini (indicatif
ou subjonctif) ou à un mode non fini (infinitif).
2.4.1. Les modes finis s'emploient lorsque le destinataire est précisé, déterminé. L'opposition
indicatif/subjonctif traduit l'opposition certitude/incertitude. Voilà pourquoi les structures impersonnelles telles
que: il est clair/vrai/certain/évident/sûr /probable, il paraît etc. sont suivies de l'indicatif lorsque la phrase est
affirmative et par le subjonctif (en français littéraire) lorsque la phrase est interrogative ou négative:
Il était clair que le témoin de l'inculpé mentait.
Il est probable que j'obtiendrai cette bourse d'excellence.
Il paraît qu'il est souffrant.
Il n'est pas certain que tu puisses réussir à passer ton permis de conduire. Est-il sûr que Marie dise la
vérité?

24
Il y a des linguistes qui considèrent que la structure personnelle s'emploie dans une phrase descriptive,
constatative, tandis que la structure impersonnelle a plutôt un sens existentiel ou événementiel.
Il est peu probable que l'examen soit ajourné à cause de la grève des enseignants.

Le subjonctif est de règle avec les structures impersonnelles du type: il est


dommage/utile/bon/nécessaire/possible25/temps, il semble, il advient, il arrive, il apparaît, il convient, il suffit, il
s'ensuit, il se trouve, etc:
Il est dommage que nous ayons oublié son adresse.
Il est nécessaire que tu apprennes au moins deux langues étrangères.
Il est possible qu'il pleuve dans la soirée.
Il semble que cet enfant ait beaucoup de courage.

3.2. L'infinitif s'emploie après une structure impersonnelle lorsque le destinataire est indéterminé.
Il faut partir maintenant.
Il est temps de régler nos affaires.
Il semble intéressant de participer à cette réunion.
Il y a toute une série de verbes psychologiques qui sont suivis d'un infinitif, surtout s'ils présentent un
datif de la personne intéressée:
Il m'arrive de me tromper parfois.
Il lui déplaît de mentir.
Il m'embête de répéter mille fois la même chose.
Il lui répugne de faire chanter ses amis.
Il m'ennuie de vous cacher la vérité.
Il m'amuse de vous taquiner.
Il me tarde de vous revoir.
Il m'importe de vous avouer tout cela.

L'infinitif de rection directe apparaît aussi après certains verbes de modalité:


Il peut arriver n'importe quoi.
Il ne saurait s'agir que de cela.

Questions :
1. A quelle voix peut être le verbe d’une structure impersonnelle ?
2. Quelles classes de mots peut-on avoir après un verbe impersonnel ?
3. Les verbes personnels peuvent-ils avoir des emplois impersonnels ? Donnez des exemples !
4. A part le sujet impersonnel il y a-t-il d’autres sujets impersonnels en français ? Lesquels ? Donnez des
exemples.

25
Lorsqu'on emploie l'adverbe très ou fort, le degré de certitude devient plus grand est l'indicatif est de règle: Il
est fort possible que le facteur nous apporte aujourd'hui ton télégramme.
Bilan final
1. Qu’est-ce qu’un constituant de phrase ?
2. Comment peut-on classifier les consituants de phrase ?
3. Combinez un constituant obligatoire de phrase avec un ou plusieurs constituants
facultatifs.
4. Quelle combinaison entre un constituant obligatoire et un constituant facultatif est
impossible ? Laquelle est rare ?
5. Donnez des exemples d’actes directs et d’actes indirects de langage.
6. Qu’est-ce qu’une phrase assertive ?
7. Combien de types de phrases assertives y a-t-il ?
8. Enumérez quelques caractéristiques de la phrase assertive (au niveau graphique, oral
et segmental).
9. Quand peut-on avoir un ordre régressif du sujet dans une phrase assertive ?
10. Précisez, dans des exemples, quelques valeurs de contenu de la phrase assertive.
11. Définissez la phrase interrogative et précisez ses caractéristiques au niveau graphique,
oral, segmental et séquentiel.
12. Quels sont les critères de classification de la phrase interrogative ?
13. Enumérez, dans des exemples, les procédés utilisés dans la phrase interrogative directe
totale / partielle.
14. Quelles sont les caractéristiques des phrases interrogatives indirectes totale et
partielle ?
15. Enumérez quelques valeurs de la phrase interrogative.
16. Quelles sont les caractéristiques de la phrase impérative ?
17. Par quels modes verbaux peut-on passer un ordre ? Quelle en est la différence ?
18. Enumérez des moyens lexicaux par lesquels on peut exprimer une injonction.
19. Quelles sont les valeurs de contenu de la phrase impérative ?
20. Quels sont les procédés que la phrase exclamative emprunte aux autres ?
21. Quels sont les critères de classification de la phrase exclamative ?
22. Enumérez les caractéristiques générales de la phrase exclamative inorganisée et
précisez les formes qu’elle peut avoir.
23. Indiquez au moins 5 procédés utilisés dans la phrase exclamative organisée.
24. Quelles sont les deux fonctions fondamentales de la phrase exclamative ?
25. Qu’est-ce qu’une négation prédicative ?
26. Combien de types de négation prédicative connaissez-vous ?
27. L’indice ne a-t-il toujours une valeur négative ? Donnez des exemples où il a une
valeur positive.
28. Dans quelles situations le deuxième indice de négation peut être supprimé ?
29. Indiquez les situations où nul et pas un (substituts négatifs) ne peuvent pas être
employés.
30. Comment obtient-on une négation exceptive ? Et exceptive annulée ?
31. Par quels procédés obtient-on une négation non prédicative ?
32. Qu’est-ce que l’emphase oppositive ? Et l’emphase non oppositive ?
33. Quels sont les segments spécialisés dans la réalisation d’une emphase oppositive ?
34. Peut-on avoir, dans la même phrase, une emphase oppositive combinée avec une
emphase non oppositive ? Donnez 3 exemples.
35. Quelles sont les caractéristiques de la phrase passive ?
36. Est-ce que toute phrase active accepte une transformation passive ? Quelles en sont les
restrictions ?
37. Quelles prépositions peuvent introduire un complément d’agent ?
38. Quels sont les critères du choix de la préposition de et par qui introduisent un
complément d’agent ?
39. Quelles sont les valeurs aspectuelles de la phrase passive ?
40. Quelle est la caractéristique principale de la phrase impersonnelle ?
41. A quelle voix peut être le verbe d’une structure impersonnelle ?
42. Quelles classes de mots peut-on avoir après un verbe impersonnel ?
43. Les verbes personnels peuvent-ils devenir impersonnels ? Dans quelles situations ?
44. Y a-t-il d’autres sujets à part il qui sont utilisés dans les structures impersonnelles ?
Lesquels ? Donnez au moins 5 exemples.

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