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Téhéran. « Pas de guerre, ce serait un désastre absolu


», a averti le sénateur Bernie Sanders, au diapason de
John Bolton, l’homme qui pousse Trump à
nombreuses réactions hostiles.
faire la guerre à l’Iran
PAR MATHIEU MAGNAUDEIX Dans une déclaration typique, mêlant fanfaronnade,
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 16 MAI 2019
cynisme et attaques contre la presse, le président a
Le conseiller à la sécurité nationale fut un partisan confirmé tout en démentant.
enthousiaste de la guerre en Irak. Il réclame depuis « D’où est sortie cette histoire ? Le New York
longtemps des frappes contre l’arsenal nucléaire Times… et le New York Times ce sont des “fake
iranien. Le voilà qui cherche désormais à convaincre news”. Je pense que ce sont des “fake news”. Est-ce
Trump de l’opportunité d’une guerre avec Téhéran. que je ferais cela ? Absolument. Mais il n’y a pas de
plan pour ça. J’espère qu’il n’y aura pas de plan pour
ça. »
Avant d'ajouter, sommet de « mindfuck » – l'art,
très trumpien, d'embobiner et de dérouter : « Mais si
nous faisions cela, nous enverrions vachement plus de
troupes. »
John Bolton, à la Maison Blanche, le 30 avril 2019. © Reuters
Il est permis de lever les yeux au ciel et de fulminer.
Et même de sourire : la Maison Blanche est bel et bien
New York (États-Unis), de notre correspondant.
gouvernée par Ubu Roi. Mais il faut aussi s'inquiéter
– Sous l’ère Trump, il est tentant de ne plus faire
franchement. Dix-sept ans après le lancement de la
attention. De balayer les faits, comme s’ils étaient
désastreuse guerre en Irak, au motif mensonger que
sortis d’un mauvais rêve. Voilà pourtant bien ce
le dictateur Saddam Hussein détenait des « armes
que le New York Timesécrivait, ce lundi 13 mai :
de destruction massives », l'administration américaine
« Jeudi dernier, lors d’une réunion des principaux
envisage une guerre avec Téhéran.
conseillers à la sécurité nationale du président
Trump, le secrétaire à la défense par intérim Patrick
Shenahan a présenté un plan militaire réactualisé
qui envisage d’envoyer jusqu’à 120 000 militaires
au Moyen-Orient si l’Iran devait attaquer les forces
américaines ou accélérer ses travaux en matière
d’armes nucléaires. »
« Cette réactualisation a été ordonnée par les Donald Trump dans le Bureau ovale de la Maison Blanche
partisans de la ligne dure menés par John Bolton, le 3 mai 2019. Derrière lui, à droite, John Bolton. © Reuters

le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump », Donald Trump, ignare en politique étrangère, a fait
poursuit l'article, fondé sur les confirmations d'une « campagne contre les interventions militaires. Mais
demi-douzaine » d'officiels américains, pour certains autour de lui, certains s'échinent de toute évidence à
« choqués » par le chiffre : « 120 000 soldats, cela lui présenter celle-ci comme un fait accompli.
approcherait en effet la taille de l’armée américaine Mercredi matin, le département d'État américain
qui a envahi l’Irak en 2003 », rappelle le New York a d'ailleurs ordonné dans un geste dramatique
Times. l'évacuation de l'ambassade américaine à Bagdad et
L'article, précis, a fait resurgir la menace, latente du consulat d'Erbil, citant des menaces en provenance
depuis la dénonciation américaine de l'accord sur le de l'Iran voisine. Ces menaces sont très nuancées
nucléaire iranien il y a un an, d'un conflit ouvert avec

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par les services de renseignement européens, pourtant Trump, qui a fait campagne contre les interventions
l'administration américaine les met en scène depuis militaires américaines, dit souvent pour plaisanter que
des mois. Bolton va un jour le pousser à lancer une guerre. À
Le 5 mai, un communiqué de la Maison Blanche force de provocations, la petite blague pourrait devenir
signé Bolton a indiqué le déploiement d'un porte- très vite la réalité.
avions et quatre bombardiers à capacité nucléaire dans Au cours des derniers mois, le président a fini
la région, invoquant sans plus de précisions « un de purger la Maison Blanche des voix les moins
certain nombre d’indications et d’alertes troublantes extrêmes en matière de politique étrangère. Le
». nouveau secrétaire à la Défense Patrick Shanahan
Depuis, l'arsenal a été renforcé, avec un quai de n'a pas les prévenances du général Mattis, son
transport amphibie et une batterie de missiles Patriot, prédécesseur : ancien de la branche militaire de
réponse à des menaces, au prétexte d'« activités Boeing, il est le représentant archétypique du puissant
navales anormales » de bateaux iraniens. complexe militaro-industriel américain, qui avale la
moitié du budget américain.
Il y a deux jours, une source anonyme (et unique)
attribuait à l'« Iran » l'« attaque » récente de deux Depuis avril 2018, John R. Bolton, 70 ans, connu pour
tankers saoudiens, d'un navire norvégien et d'un bateau sa moustache peu habituelle outre-Atlantique, est le
des Émirats arabes unis dans le détroit d'Ormuz, au conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump.
large de l'Iran, passage stratégique pour le transit du Son bureau est situé dans la West Wing de la Maison
pétrole dans le Golfe. Cette fuite est parue dans le Blanche, au cœur du pouvoir.
Wall Street Journal, propriété du milliardaire Rupert Le puissant conseil de sécurité nationale, qu'il anime,
Murdoch, un ami personnel du président américain – est, selon le site de la Maison Blanche, « le principal
il détient aussi la chaîne Fox News, dont John Bolton forum du président » au sein duquel sont « discutés les
fut pendant des années un chroniqueur rémunéré. dossiers de sécurité nationale et de politique étrangère
D'ores et déjà, des républicains influents comme le ».
sénateur Tom Cotton, un dur qui a l'oreille de Donald Il souhaite « un nouveau régime en 2019 » à
Trump, réclament ouvertement des « frappes » contre Téhéran
l'Iran. « Deux » suffiraient pour gagner, dit-il. Bien John Bolton, un diplômé de Yale, conservateur de
sûr, il « ne défend pas une action militaire contre toujours, a fait l'essentiel de sa carrière au ministère de
l'Iran ». Mais « si l'Iran attaquait, il y aura une la justice, à l'agence américaine pour le développement
réponse violente ». Cotton ressort en réalité le vieux international, au département d'État.
manuel des interventions américaines, la plupart du
Il croit à la « destinée manifeste » des États-Unis,
temps justifiées par des « menaces » contre la sécurité
à la puissance et la supériorité de son pays, à
nationale américaine…
l'unilatéralisme, à la tension permanente, aux conflits
Comme le souligne le New York Times, le principal « préventifs ». Il est l'incarnation du faucon militariste
promoteur d'un conflit ouvert avec l'Iran, l'homme américain, un spécimen brut de néoconservateur, une
qui fait dangereusement monter la tension s'appelle espèce en voie de disparition mais qui règne sous
John Bolton, le conseiller à la sécurité nationale Trump sur la diplomatie américaine. Le secrétaire
du président depuis mars 2018. Depuis des années, d'État, Mike Pompeo, un évangéliste exalté, est
Bolton rêve de bombarder l'Iran, sa principale némesis, presque aussi extrême que lui : il a un jour réclamé«
avec Cuba. 2 000 frappes » contre l'Iran accusée de vouloir «
détruire l'Amérique ».

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John Bolton a écrit des centaines d'articles, a fait l'ambassade américaine de Téhéran, en 1979, qui a
fortune en donnant des discours rémunérés (par instillé dans la droite américaine une soif inextinguible
exemple devant les Moudjahidines du peuple, un de vengeance contre le régime des mollahs (lire notre
groupe d'opposants au régime de Téhéran, un temps article).
considéré comme une organisation terroriste par les En février, à l'occasion des quarante ans de la
États-Unis, connu pour ses pratiques sectaires), mais République islamique, Bolton, dans une vidéo postée
aussi en cantinant dans des instituts conservateurs et sur le compte Twitter de la Maison Blanche, a menacé
des firmes de capital-investissement. le guide suprême iranien de la plus claire des façons : «
De 2001 à 2005, sous-secrétaire au gouvernement Je ne pense pas que vous fêterez un autre anniversaire.
d'État, il y fut le chef d'orchestre du retrait américain »
de la Cour pénale internationale, un épisode qu'il décrit
comme le moment « le plus heureux » de sa carrière.
En 2003, il fut l'un des plus ardents défenseurs, et
l'un des architectes, de la guerre en Irak, propagateur
appliqué de la théorie des armes de destruction
massive – il avait même affirmé, faussement, que
Saddam Hussein cherchait à se procurer de l'uranium
1er août 2005 : George Bush (à droite) annonce la nomination de
en Afrique. John Bolton au poste d'ambassadeur américain à l'ONU. © Reuters

Il reste convaincu, malgré les centaines de milliers S'il était président (il y a songé…), le même Bolton
de morts et les désastres enclenchés dans la région aurait bombardé depuis longtemps la Corée du Nord,
que cette guerre, déclenchée sans mandat des Nations un régime dont il veut « la fin » : dès les années 1990,
unies, était nécessaire. Il n'a pas changé d'avis, c'est à alors chargé du département d'État du contrôle des
ça qu'on le reconnaît. armes, Bolton a déminé méthodiquement les efforts
De 2005 à 2006, il fut ambassadeur aux Nations unies de négociation avec les Nord-Coréens.
de George W. Bush, une nomination ironique, et très Deux mois avant d'arriver à la Maison Blanche, il
contestée, auprès d'une institution qu'il méprise. appelait encore à bombarder le pays – un souhait
Comme Rudy Giulani, l'ancien maire de New York mis en sommeil, aussi longtemps que Donald Trump
désormais avocat de Donald Trump, ou l'ancien surjoue l'idylle avec l'homme fort de Pyongyang – qui
parlementaire Newt Gingrich, John Bolton plaide n'entend nullement abandonner son arsenal nucléaire.
depuis longtemps pour un « changement de régime » Le même John Bolton est par ailleurs, au même
en Iran. moment, à la manœuvre dans la crise politique et
En 2015, il a appelé l'administration Obama à diplomatique au Venezuela. Bolton agite depuis des
bombarder les installations nucléaires iraniennes. mois la possibilité d'une intervention militaire pour
Quelques semaines avant sa nomination dans renverser le président Maduro : l'an dernier, il a
l'administration Trump, Bolton exhortait une présenté le Venezuela comme l’un des membres de la
nouvelle fois le président Trump à « mettre un « troïka de la tyrannie » en Amérique latine, aux côtés
terme à la révolution islamique de 1979 avant son de Cuba et du Nicaragua, un langage qui n'est pas sans
quarantième anniversaire ». rappeler l'« axe du mal » évoqué en 2002 par George
« Reconnaître un nouveau régime en 2019 W. Bush (il évoquait alors l'Irak, la Corée du Nord et
renverserait la honte d'avoir vu nos diplomates pris l'Iran).
en otages pendant 444 jours », écrivait-il dans le Wall
Street Journal, allusion à la longue prise d'otages de

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« Vous cherchiez un meilleur deal avec l’Iran? Vous Jadis éditorialiste qui défendit à tous crins la guerre
aurez une guerre à la place. C’est ce qui se passe en Irak, l'essayiste Max Boot, néoconservateur repenti,
quand on écoute le moustache (sic). Bonne chance une des rares voix de droite à s'élever désormais contre
en 2020. » Le tweet date de ce mardi, il est signé Donald Trump, doute dans le Washington Postde la
Hesamodin Ashna, un conseiller du président iranien réalité des menaces contre la sécurité américaine.
Hassan Rouhani. Évidemment, il contient une bonne « C’est difficile de les prendre pour argent comptant.
partie de bluff et de postures. Mais il montre combien Cette administration ment comme aucune avant elle,
sous la férule de Bolton les relations avec le régime de
Trump en est à son 10 000e mensonge, et Bolton
Téhéran sont devenues délétères.
lui-même a été par le passé accusé de falsifier
Pendant des années, l'homme à la moustache avait des informations provenant du renseignement pour
été un des critiques les plus acharnés de l'accord justifier des actions militaires contre l’Irak et Cuba.
nucléaire conclu par Barack Obama et les Européens. La façon de mettre en avant la menace iranienne
Un mois après sa nomination, en remplacement du rappelle […] les épisodes ayant précédé la guerre en
moins extrême H. R. McMaster, le président américain Irak. »
annonçait la sortie des États-Unis de l'accord nucléaire
Boot craint que « Bolton ne cherche à provoquer l’Iran
iranien.
pour qu’elle tire la première ». Il rappelle qu'en 1964,
L'attitude belliciste de la Maison Blanche, qui les États-Unis se sont engagés plus directement dans
s'accompagne désormais d'un régime de sanctions l'engrenage de la guerre au Vietnam en arguant au
destiné à étrangler l'Iran, inquiète jusqu'à des voix départ, de la même façon, de menaces militaires dans
peu suspectes de pacifisme ou d'idéalisme. le golfe du Tonkin.
Comme l'ont révélé les Pentagon Papers, elles étaient
inventées. Mais elles permirent à l'administration
Johnson de convaincre le Congrès à autoriser la guerre.
La grande boucherie allait suivre.

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