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Résumé
Cette recherche se situe dans le prolongement de la recherche sur "Les réseaux économiques souterrains en cité de transit",
recherche qui a montré l'importance des flux monétaires souterrains non pas tant dans leur volume que dans leur moment d'
apparition, et leur lien avec d'autres richesses, non monétaires, comme la sociabilité et la qualité des relations humaines.
Debordeaux Danièle. Travailler au noir, les pratiques d'alternance entre le travail salarié, le chômage et le travail au noir . In:
Recherches et Prévisions, n°10, décembre 1987. pp. 11-16;
doi : https://doi.org/10.3406/caf.1987.1296
https://www.persee.fr/doc/caf_1149-1590_1987_num_10_1_1296
ET LE TRAVAIL AU NOIR
Danlèle DEBORDEAUX
4) Les "all-black" sont ainsi dénommés Un même individu peut, selon les cas,
parce qu'ils ne vivent que du travail recourir à l'un ou l'autre.
au noir qui représente plus de 80 % de
leurs revenus totaux. Ce sont souvent
d'anciens artisans qui ont déposé Il existe pourtant une conscience
patente et ont de lourdes dettes sociale commune : l'ancrage
notamment auprès de l'URSSAF et des professionnel antérieur dans l'activité
Impôts . exercée et le rejet du chômage (ce qui
invalide l'hypothèse d'un lien entre
travail au noir et chômage). L'image
Il n'y a donc pas d'image univoque du du travailleur au noir s'oppose ainsi
travail au noir mais au contraire une à celle du travailleur sans emploi,
mosaïque de statuts, de revenus, de inscrit au chômage et inactif.
références et de pratiques. Les
raisons du recours au travail noir
sont extrêmement hétérogènes :
endettement et faible rentabilité de
l'activité artisanale, apprentissage 2. ILLEGRLISME, REGLEMENT ET
et complément de salaire, chute en CONTRAT 90CIRL
dehors du salariat qui entraîne des
besoins de formation et de recyclage.
Il se traduit par des grandes
différences dans les pratiques, du rythme Ce chapitre analyse tout d'abord les
le plus régulier au plus décousu, de pratiques illégales et ensuite le rôle
l'activité très spécialisée à la de l'Etat et des chambres patronales.
polyvalence. Les revenus illicites, qui
représentent en moyenne 45 % de toutes
les ressources montrent une très forte Les auteurs distinguent l'illégalité
variation allant de 1 700 F à 5 640 F. de l'activité au noir proprement dite
(non-respect des prélèvements
obligatoires, non-inscription au registre du
La tarification du travail effectué se Commerce) de ses pratiques illicites
fait sur des bases très diversifiées (vols, faux tampons et faux noms pour
grâce aux marges de manoeuvre les fausses factures, faux numéros
qu'autorise le manque à gagner de d'assurance, etc.). Celles-ci sont
l'Etat (charges sociales d'une part et générées par tout un système qui
TVA de l'autre). Ainsi trois modes de fonctionne à l'insu de l'Etat : banque,
calcul sont utilisés. assurance, sécurité sociale, logement
social auprès desquels il est
nécessaire de justifier d'une activité et/
1) A l'heure, le prix de la tâche est ou d'un revenu. Ces différents
le taux horaire multiplié par le temps organismes ne cherchent pas à traquer le
passé : le modèle est proche du travail au noir (aucun contrôle n'est
travail ouvrier. effectué) mais plutôt le freinent et
l'encerclent par la systématici té des
cohérences formelles et des
2) A la tâche, le prix du coût total recoupements automatiques qu'il exige de
du travail intègre un bénéfice : le manière aveugle.
modèle est proche du patron.
(salarié, artisan) ont des illéga- Et les auteurs en concluent que "le
lismes limités et mineurs. Mais ceux travail au noir n'est qu'un épiphéno-
qui n'ont pas de statut sont pris dans mène relevant d'une tension entre les
une spirale d ' illégalismes puissante producteurs de richesse et l'Etat". Il
et centrifuge. Cependant tous vivent pose une question à l'instance
dans la crainte du contrôle qui politique : comment faire cohabiter la
s'avère plus fictive que réelle. création de richesse et un niveau de
protection sociale pour tous les
individus ? Se pose en effet la question
Les administrations, en général, du coût réel du travail au noir pour
ressentent en effet, vis-à-vis du travail l'Etat. Il y perd en charges sociales
au noir, un profond désarroi. Elles ne et taxes. Mais y gagne en dépenses de
savent ni qui, ni comment contrôler. protection sociale puisqu'ils évitent
En définitive, elles finissent par le le recours aux prestations sociales.
tolérer voire le justifier : "Le Sans doute une partie du coût social
travailleur au noir est en effet avant est simplement différée jusqu'au
tout un homme s'activant pour le corps moment de la retraite. Mais de
social et pour le marché économique nouvelles règles de droit devraient
qui le lui demande". Il n'engage pas permettre de tolérer cette économie
seulement la responsabilité de informelle, somme toute utile.
l'individu mais aussi la responsabilité
collective. Les administrations sont en
outre "coincées" entre le désir
collectif de réglementation (de
nombreuses plaintes et dénonciations lui sont
adressées) et les besoins de 3. RESEAUX, TERRITOIRE, ET MARCHE
flexibilité du marché. Enfin, elles sont
prises dans des logiques divergentes,
tel individu sera considéré tantôt
comme un nécessiteux, tantôt comme un Ce chapitre montre comment le travail
abuseur ou un sous-informé. Comment, au noir se situe dans le marché
dans de telles conditions, définir où économique. Il montre qu'il n'y a pas de
commence l ' abus ? marché du travail au noir car il n'y a
pas de concurrence.